tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/elevage-24222/articlesélevage – The Conversation2024-03-19T16:57:51Ztag:theconversation.com,2011:article/2255982024-03-19T16:57:51Z2024-03-19T16:57:51ZLe poulet français bat de l’aile face à la concurrence internationale<p>Si en France la production de poulets excédait la consommation de 250 000 tonnes en 2010, le pays est devenu importateur net de poulets à partir de 2019. Il est ainsi déficitaire de plus de 100 000 tonnes en 2021 (graphique 1). Ce croisement des courbes concorde avec une augmentation de la part des importations dans la consommation, doublée d’une baisse de la part de la production destinée à l’exportation (graphique 2).</p>
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<p>En d’autres termes, la production de poulets diminue en France, et est de moins en moins destinée à l’exportation, tandis que la consommation repose davantage sur des fournisseurs étrangers. Ainsi, 36 % des poulets consommés en France en 2021 sont importés, contre 25 % en 2010. Dans le même temps, les exportations qui représentaient 32 % de la production en 2010 ne comptent plus que pour 26 % de la production.</p>
<h2>Concurrence internationale accrue</h2>
<p>Le marché mondial du poulet est en réalité très segmenté. On y distingue les produits frais, pour lesquels les échanges sont régionaux, et les produits surgelés, moins différenciés, plus faciles à transporter sur de longues distances, et pour lesquels le marché est véritablement mondial.</p>
<p>Les échanges intracommunautaires de produits frais comptaient pour 66 % des échanges mondiaux en 2021, contre 17,5 % pour les produits congelés. Le marché du congelé est dominé par le Mercosur, zone de libre-échange sud-américaine regroupant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay, qui exporte vers le monde entier (42 % des parts de marché mondiales à l’exportation de produits congelés en 2021).</p>
<p>Par ailleurs, les poulets sont vendus soit à la découpe (en morceaux), soit entier. À l’échelle mondiale, le commerce de morceaux a très fortement augmenté, bien plus que les échanges de poulets entiers, notamment en raison du <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/agriculture-les-changements-d-habitudes-alimentaires-des-francais-contribuent-a-la-hausse-des-importations_6219967_3234.html">changement des modes de consommation du poulet</a>.</p>
<p>Les exportations françaises de poulets ont connu une dynamique très différente en fonction de ces produits (graphique 3). En particulier, les exportations de produits congelés ont considérablement reculé depuis 2010.</p>
<p><iframe id="zrNrD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zrNrD/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces déboires à l’exportation tiennent à deux facteurs : un positionnement sur un produit dont la demande s’est révélée peu dynamique, doublé d’une perte de débouchés traditionnels sous l’effet d’une concurrence internationale accrue.</p>
<h2>L’Ukraine et la Pologne montent en puissance</h2>
<p>En effet, la spécialisation historique des exportateurs français sur les poulets entiers congelés (graphique 3) n’a pas été très profitable car la demande mondiale pour ces produits n’a pas connu une évolution particulièrement favorable. Ainsi, le poulet entier congelé, qui représentait la majorité des exportations de poulets français en 2010 (58 %), a vu son commerce mondial croître de 12 % depuis cette date, quand dans le même temps les échanges de morceaux augmentaient plus de trois fois plus vite (41 % sur la période).</p>
<p>En outre, la France a décroché sur ce produit, pour lequel la concurrence mondiale est particulièrement forte. En particulier, les producteurs français exportaient énormément vers le Moyen-Orient au début des années 2010, un marché qu’ils ont quasi totalement perdu au bénéfice du Mercosur (81 % des exportations de poulets entiers congelés vers le Moyen-Orient et Proche-Orient en 2022).</p>
<p>De manière générale, la part de marché de la France sur les poulets entiers congelés a chuté de 12 points de pourcentage (pp) entre 2010 et 2022 (graphique 4), quand dans le même temps celle de l’Ukraine progressait de 4 pp et celle de la Pologne de 2 pp. Le Mercosur n’a pas particulièrement accru sa présence pour ce produit, sa progression se situant davantage sur le marché des morceaux congelés, particulièrement dynamique, et sur lequel la France a connu également un déclin.</p>
<p><strong>Graphique 4 : Variation des parts de marché mondiales de poulet congelé entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Sur la période 2010-2022, la France a changé de spécialisation à l’exportation. Elle exporte désormais essentiellement des morceaux frais, qui représentent 51 % de ses exportations de poulets en 2022.</p>
<p>Sur ce marché, la concurrence est essentiellement européenne. Les Pays-Bas, et la Belgique sont les exportateurs historiques de poulets frais découpés, mais l’Ukraine et la Pologne montent en puissance sur la période.</p>
<p>La Pologne enregistre ainsi une augmentation significative de sa part de marché de 13 pp sur la période, tandis que l’Ukraine connaît une progression plus modeste de 2 pp (graphique 5). En comparaison, la part de marché de la France n’a augmenté que de 0,7 pp sur la période.</p>
<p><strong>Graphique 5 : Variation des parts de marché mondiales de poulet frais entre 2010 et 2022</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582768/original/file-20240319-16-beu6o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des fournisseurs quasi exclusivement européens</h2>
<p>Nous avons vu que la France est à présent importatrice nette de poulets. Ses importations sont uniquement composées de morceaux, frais et congelés (graphique 6) et ses fournisseurs sont quasi exclusivement des partenaires européens, y compris pour les morceaux surgelés qui sont pourtant largement mondialisés.</p>
<p><iframe id="jTAZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jTAZd/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce sont surtout les importations de morceaux frais qui s’accroissent sur la période, dont la Belgique est le principal fournisseur. Toutefois sa part dans les importations françaises de ces produits se réduit fortement sur la période, au bénéfice de la Pologne et du Royaume-Uni (graphique 7). La trajectoire de la Pologne est la plus spectaculaire : elle voit sa part dans les importations françaises s’accroître substantiellement, aussi bien pour les morceaux de poulet frais (de 2 % en 2010 à 19 % en 2022) que pour les morceaux congelés (de 10 % à 37 %). Cet accroissement de la part de marché polonaise se retrouve également sur l’ensemble du marché européen.</p>
<p><strong>Graphique 7 : Structure géographique des importations françaises de morceaux de poulet</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=371&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582769/original/file-20240319-20-jkx5rg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=466&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le succès à l’exportation de la Pologne va de pair avec une forte augmentation de sa production qui a doublé depuis 2010. Plus discrètement, le Royaume-Uni confirme sa place sur le marché européen, avec une hausse continue de sa production sur la période (32 %). La production française, quant à elle, progresse très peu sur la période (5 %).</p>
<h2>Une faible concurrence sud-américaine</h2>
<p>Les importations françaises de poulet proviennent essentiellement des pays de l’Union européenne (UE), et le marché unique est l’échelon pertinent en France pour penser la concurrence internationale sur ces produits. Les baisses de parts de marché et de compétitivité françaises par rapport aux producteurs européens s’expliquent notamment par un <a href="https://www.senat.fr/rap/r21-905/r21-905.html">différentiel de coût de production</a>, lié en partie aux coûts de la main-d’œuvre et du bâti.</p>
<p>Toutefois, les différentiels de prix entre les produits français et leurs concurrents sont également liés à une spécialisation de la production française sur des produits plus haut de gamme et à la diversité de ses produits.</p>
<p>En dépit des discours alarmistes sur le poulet brésilien, le Mercosur ne concurrence quasiment pas les producteurs français sur leur marché domestique pour le moment. Sa concurrence opère principalement sur les marchés tiers, en particulier au Moyen-Orient. Cette faible part du Mercosur dans les importations françaises s’explique en partie par le fait que le marché européen est encore très protégé, avec des droits de douane autour de 1 euro par kilo pour les morceaux frais et congelés et 0,30 euro par kilo pour les poulets entiers. Les produits importés doivent en outre faire face à de nombreuses normes pour être acceptés sur le marché européen.</p>
<p>Étant donné les différences de prix entre les pays du Mercosur et la France, il n’est toutefois pas exclu que les importations en provenance de cette région augmentent si un accord commercial était conclu. A noter cependant que les négociations ne portent que sur une suppression de droits de douane pour 180 000 tonnes de poulet, soit 1,2 % de la consommation européenne.</p>
<p>Concernant l’Ukraine, l’ouverture du marché communautaire depuis le mois de juin 2022 a fortement augmenté les importations de poulets (de 142 % dans l’UE entre 2021 et 2023). L’Ukraine est ainsi passée de 21 % à 43 % des importations extracommunautaires en deux ans. Ces volumes représentent actuellement 3,5 % de la production européenne (10,8 millions de tonnes). Toutes origines confondues, pour l’UE, la hausse des importations extracommunautaires de poulets n’est cependant que de 8 % entre 2021 et 2023, ce qui suggère que les fournisseurs ukrainiens se sont surtout substitués à d’autres fournisseurs extra-européens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La France est devenue importatrice nette en 2019. En cause : une perte de débouchés à l’exportation et une concurrence accrue des importations sur le marché français.Pierre Cotterlaz, Économiste, CEPIICharlotte Emlinger, Économiste, CEPIIManon Madec, Apprentie Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241232024-02-22T15:46:30Z2024-02-22T15:46:30ZL’éternelle quête de la vache parfaite, de l’auroch nazi aux bovins sans cornes<p>L’image est gravée dans nos inconscients collectifs : celle d’une vache regardant placidement passer un train, comme un archétype d’une nature impassible face à une modernité en marche. On retrouve cette vision d’un bovin figé au milieu d’un pré verdoyant dans les livres d’enfants, sur la pochette d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rR0y06jvJhU">fameux album</a> de Pink Floyd, sur des fonds d’écrans d’ordinateurs, ainsi que dans de nombreuses publicités où les ruminants nous vendent, tour à tour, du chocolat, une destination touristique ou du fromage à bas prix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=901&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577266/original/file-20240222-22-8vvwsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1132&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité du chocolat Milka de Suchard, d’environ 1906.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5566152s/f6.image">La Publicité moderne. Revue mensuelle, septembre 1906</a></span>
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<p>Aux antipodes de cette image de la vache immobile, immuable, il y les vaches réelles. Celles-là ne cessent de se transformer et d’évoluer, comme on peut le voir au fil des concours agricoles et des éditions du Salon de l’Agriculture. La Holstein, par exemple, est devenu le standard global de la vache à lait ; originaire des Pays-Bas, cette race a traversé l’Atlantique, pour mieux revenir ensuite sur le vieux continent avec un gabarit considérablement plus imposant et une productivité sans commune mesure.</p>
<h2>L’héritage de la vache : de la lettre A à l’étymologie de capitalisme</h2>
<p>La vache ne cesse, de fait, d’évoluer, mais aussi de façonner notre culture. C’est vrai sur le plan symbolique, comme en témoigne la <a href="http://expositions.bnf.fr/utopie/pistes/ateliers/image/fiches/aleph.htm">lettre A</a> de notre alphabet latin, dérivée d’un pictogramme représentant une tête de taureau. C’est vrai également sur le plan économique. Le mot <a href="https://fr.wiktionary.org/wiki/capital"><em>capital</em></a> est ainsi dérivé du terme <em>cattle</em>, (<em>cheptel</em> en anglais), qui désigne des animaux de rente que l’on possède pour toute richesse, avec lesquels on noue des alliances, on règle des dots, on occupe du terrain.</p>
<p>Mais si les vaches ont ainsi pu participer à façonner notre vision du monde, les êtres humains les ont aussi forgées en retour. La grande majorité des bovins qui de nos jours cohabitent avec l’être humain sont héritiers de lignées d’animaux de rente, sélectionnés d’abord et avant tout pour leurs traits productifs – quantité de lait, quantité de viande. Elles sont le fruit d’une longue histoire de co-évolution entre des générations de bovins d’élevage et leurs commensaux humains.</p>
<p>L’histoire de la vache est donc celle d’une domestication, mais aussi d’une transformation des espèces bovines comme humaines au contact l’une de l’autre. Ni l’une ni l’autre ne sont « naturelles », au sens où chacune existerait en elle-même et par elle-même, indépendamment l’une de l’autre. Toutes deux, en revanche, sont très « naturelles » si on considère la nature comme un ensemble d’interdépendances et une notion fondamentalement relationnelle. Et à chaque époque sa vision du monde, de la nature et donc de la vache « idéale », de ce qu’elle devrait être et de ce qu’elle devrait, littéralement, « incarner ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577267/original/file-20240222-20-djh19q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Salon de l’Agriculture de 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maitreyoda/39738977535/">Rog01/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-restaurer-la-nature-220297">Peut-on « restaurer » la nature ?</a>
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</em>
</p>
<hr>
<h2>À la recherche de la vache originelle</h2>
<p>Un des exemples les plus éloquents à cet égard est celui des frères Lutz et Heinz Heck dans l’Allemagne nazie. Dans les années 1930, ces deux biologistes ont poursuivi un rêve fou : celui de retrouver l’archétype de la vache originelle, l’auroch, <em>Bos primigenius</em> de son nom latin. Seul problème, cette espèce avait disparu, supplantée par sa lointaine cousine, transformée par des siècles de domestication en une nouvelle espèce, <em>Bos Taurus</em>, l’ancêtre de tout bovin domestiqué. Il s’est donc agi, pour les frères Heck, de « réensauvager » les bovidés avilis par leur contact avec la civilisation humaine, afin de retrouver la puissance et la vigueur de l’ancestralité primordiale.</p>
<p>Pour ce faire, ils se sont livrés à une « rétro-ingénierie » (<em>back breeding</em>) de l’espèce bovine. Ils ont cherché à remonter le fil du chemin de l’évolution, à le parcourir à l’envers en quelque sorte. Bien sûr, l’auroch ayant disparu depuis belle lurette, ils étaient réduits à faire des suppositions sur ce que devaient être ses qualités, sa rusticité (la rusticité se dit d’une bonne résistance aux maladies et d’une bonne adaptabilité aux milieux inhospitaliers), sa vigueur, sa puissance. Faute d’avoir des spécimens sous la main, il a bien fallu composer avec les espèces de bovidés qui leur semblaient les plus proches de ce que devrait être un auroch.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577268/original/file-20240222-17-bgl7ta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Descendant d’auroch des frères Heck dans le Hervester Bruch en Allemagne aujourd’hui utilisé. Les bovins Heck sont à l’extérieur toute l’année et sont utilisés pour brouter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/heck-cattle-hervester-bruch-germany-outside-2374992175">Volker Heide</a></span>
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<p>Les géographes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00045608.2015.1115332">Jamie Lorimer et Clemens Driessens ont montré dans leurs travaux les liens forts entre le régime nazi et cette entreprise</a> de « dés-extinction » d’une espèce animale disparue.</p>
<p>Les frères Heck ont ainsi participé au projet piloté par le chef des SS Heinrich Himmler de Ahnenerbe (« héritage ancestral » en allemand) qui visait à la restauration de l’espace vital du peuple allemand, protégé des immixtions étrangères et rendu à son état de paradis originel – auroch compris, donc. Lorimer et Driessens montrent également les fortes connivences entre les deux frères biologistes et Hermann Goering, l’un des hauts dignitaires et chefs militaires du troisième Reich, et entre ce dernier et les bovins ainsi obtenus par voie de rétro-ingénierie. Goering leur vouait une admiration toute particulière, s’échinant – avec succès – à les protéger lorsque le front de guerre se rapprocha.</p>
<p>La tentative des frères Heck était bien sûr expérimentale sur le plan biologique, puisqu’elle s’inscrivait dans une époque préalable à l’essor de la microbiologie et de la génétique moléculaire. Les biologistes ont ainsi <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/when-nazis-tried-bring-animals-back-extinction-180962739/">prospecté différentes races bovines, d’Espagne à la Hongrie</a>, pour éliminer les caractéristiques qu’ils associaient à la domestication. S’inspirant aussi bien du bison européen, alors en voie d’extinction à l’état sauvage, que des peintures pariétales, ils ont cherché à fabriquer une race bovine affranchie de sa dépendance aux êtres humains, en privilégiant les caractères de rétivité, de rusticité, de taille ou de force, affirmant être parvenus à leurs fins dans les années 1930.</p>
<p>Ont-ils réussi dans leur entreprise ? Cela dépend de comment on définit la réussite, et donc de l’idée qu’on se fait de « l’authenticité ». Selon que l’évaluation porte sur l’adéquation entre les caractères physiques de ces vaches et leurs caractères génétiques, sur leur apparence physique ou encore sur leur rôle dans les écosystèmes, la réponse variera. D’autant que la <a href="https://openquaternary.com/articles/10.5334/oq.25#the-dawn-of-de-extinction">recherche scientifique a montré depuis qu’il existait toute une diversité de races d’aurochs</a>, de provenances variées, dont ont hérité en zigzag différentes espèces bovines domestiquées, suivant les continents où elles se sont développées.</p>
<p>Si l’on regarde leur rôle dans les écosystèmes, les travaux des frères Heck ont été un succès. Les descendants de ces aurochs reconstitués trouvent aujourd’hui à s’épanouir dans différentes réserves naturelles, notoirement dans le Oostvaardersplassen, aux Pays-Bas, dans les polders repris à la mer et aux marais, où ils sont prisés pour leurs qualités de rusticité et de maintien des écosystèmes moyennant des soins très minimaux – au point parfois de redevenir des espèces férales ou « réensauvagées ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-bovins-decoupes-encore-vivants-comment-changer-notre-rapport-aux-animaux-delevage-221633">« Des bovins découpés encore vivants » : comment changer notre rapport aux animaux d’élevage ?</a>
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<h2>Et demain, la vache parfaite ?</h2>
<p>Si l’exemple de l’auroch nazi est spectaculaire, il est aussi singulier par sa démarche de retour vers un passé idéalisé, sa quête de l’ancestralité, la pureté de la lignée, etc. Nos sociétés de <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv12100qm">capitalisme tardif</a> nourrissent également une version figée de la nature et une image tout aussi idéalisée des bovins d’élevage. Depuis l’après-guerre, les vaches sont plutôt projetées vers le futur et investies d’une série de missions morales. La nature y est perçue comme pourvoyeuse de ressources et les animaux de rente considérés comme de la matière à produire. Ils sont ainsi <a href="https://www.quae.com/produit/1722/9782759234493/la-vache-globale">rationalisés, quantifiés, évalués</a>, etc., ce qui aura eu pour effet une explosion de la production. Un veau gras vaut son pesant de kilos de chair et une vache à lait les litres qu’elle pourra donner par le jeu de la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_la_generation-9782359252613">reproduction, qui implique cette forme de nature « chosifiée »</a>.</p>
<p>Toutefois, ce développement productif se heurte à différentes limites. En témoignent par exemple les maladies auxquelles l’élevage intensif expose les vaches ou encore leur vulnérabilité face aux stress climatiques. Un épisode de canicule peut ainsi susciter une baisse significative de la production ou des problèmes de fertilité. Les polémiques abondent sur les conséquences environnementales de l’élevage bovin, tant en ce qui concerne la production de méthane (un gaz à effet serre virulent mais à a rémanence moindre dans l’atmosphère que le CO<sub>2</sub>) ou d’azote.</p>
<p>De nombreux scientifiques recherchent dès lors les caractères génétiques qui permettraient aux bovins de mieux résister aux coups de chaud, dans un contexte où ceux-ci sont appelés à se répéter et à s’intensifier. Existerait-il un gène de la résistance aux canicules ? Les questions de ce type abondent sur ce à quoi devrait ressembler la vache de demain. On voit se multiplier les idéaux auxquels elle devrait correspondre. Ainsi, en 2019, le célèbre magasine Wired faisait sa couverture sur les potentialités de l’édition du génome des vaches, haut lieu des promesses les plus variées : vache sans cornes, afin de protéger les éleveurs, vache résistante à la chaleur, au virus de la grippe…</p>
<p>Avec mes collègues du projet de recherche <a href="https://www.spiral.uliege.be/cms/c_7654746/en/presentation-du-projet-de-recherche-the-body-societal-the-bos">The Body Societal</a>, nous menons l’enquête sur les différentes valeurs dont sont ainsi investis les corps bovins et leurs devenirs.</p>
<p>À quoi ressemblera la vache du futur ? La seule certitude à ce stade, c’est que pour se plier à tous ces attendus, parfois contradictoires, elle devrait avant tout présenter des qualités de contorsionniste. Autant les frères Heck étaient à la recherche d’un modèle immuable et éternel, autant la vache de demain devrait se montrer flexible, et adaptable.</p>
<p>Le point commun de ces projections, qu’elles regardent vers l’arrière ou vers l’avant, c’est de négliger les types de société qui accompagnent l’élevage bovin. En première ligne, bien sûr, on trouve les éleveurs, chargés de composer avec ces injonctions paradoxales dans des conditions historiquement difficiles, comme en témoigne la colère qui s’exprime actuellement. Eux aussi sont soumis à une logique impitoyable, contraints de s’adapter ou de disparaître, ni plus ni moins. Les lobbies promouvant la viande artificielle, développée en laboratoire, <a href="https://mooslawbook.com/the-book/">qualifient d’ailleurs l’élevage de « technologie obsolète »</a>.</p>
<p>Les éleveurs, en attendant, font partie des agriculteurs les moins bien rémunérés malgré une charge de travail écrasante, des investissements lourds à supporter et des marges réduites, qui ne subsistent que par la perfusion de subsides publics. Avec de moins en moins de marge de manœuvre, leur profession est à la croisée des chemins, bien consciente d’une chose ; on ne regarde pas impunément passer le train de la modernité. Il ne passe pas deux fois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet article s’appuie sur le projet de recherche interdisciplinaire financé par le European Research Council, « The Body Societal », sous la coordination de François Thoreau (laboratoire Spiral, Université de Liège).
François Thoreau a reçu des financements du European Research Council (GA959477) et du F.R.S.-FNRS de Belgique.
</span></em></p>À chaque époque sa vache idéale. Si les dignitaires nazis rêvaient de la vache originelle, puissante et sauvage, les temps actuelles sont plutôt au bovin résistant à la canicule comme aux maladies.François Thoreau, Sciences Techniques et Société, Humanités environnementales, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2214842024-01-26T14:56:06Z2024-01-26T14:56:06ZL’IA apprend à analyser les communications des poulets pour nous aider à comprendre leurs gloussements<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570212/original/file-20240116-21-fbzgp8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C6000%2C3970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poulets sont des communicateurs hors pair.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes-vous déjà demandé de quoi parlent les poulets ? Les poulets sont des communicateurs doués ; leurs gloussements, leurs cris et leurs roucoulements ne sont pas des sons aléatoires, mais un système linguistique complexe. Ces cris sont leur façon d’interagir avec le monde et d’exprimer leur joie, leur peur et de se transmettre des repères sociaux.</p>
<p>Comme pour les humains, le « langage » des poulets varie en fonction de l’âge, de l’environnement et, étonnamment, de la <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0010639">domestication</a>, ce qui nous permet de mieux comprendre leurs <a href="https://doi.org/10.3390/ani11020434">structures sociales</a> et leurs comportements. La compréhension de ces vocalisations peut transformer notre approche de l’aviculture, en améliorant le bien-être et la qualité de vie des poulets.</p>
<p>Nos recherches à l’université Dalhousie appliquent l’intelligence artificielle (IA) pour décoder le langage des poulets. Ce projet devrait révolutionner notre connaissance de ces créatures à plumes et de leurs méthodes de communication, en nous offrant une fenêtre sur leur monde qui nous était jusqu’à présent fermée.</p>
<h2>Traducteur de poulet</h2>
<p>L’utilisation de l’IA et de l’apprentissage automatique dans ce domaine revient à disposer d’un traducteur universel pour le langage des poulets. L’IA peut analyser de grandes quantités de données audio. Comme le montrent nos recherches, qui doivent encore faire l’objet d’une évaluation par les pairs, nos algorithmes apprennent à reconnaître les schémas et les nuances dans les <a href="https://doi.org/10.1101/2023.12.26.573338">vocalisations des poulets</a>. La tâche n’est pas simple : les poulets émettent toute une gamme de sons dont la hauteur, la tonalité et le contexte varient.</p>
<p>Mais grâce à des techniques avancées d’analyse des données, nous commençons à déchiffrer leur code. Cette percée dans le domaine de la communication animale n’est pas seulement une réussite scientifique ; c’est aussi un pas vers un traitement plus humain et plus empathique des animaux d’élevage.</p>
<p>L’un des aspects les plus intéressants de cette étude est la compréhension du contenu émotionnel de ces sons. Grâce au traitement du langage naturel (TLN), une technologie souvent utilisée pour déchiffrer les langues humaines, nous apprenons à interpréter l’<a href="https://doi.org/10.3390/s21020553">état émotionnel des poulets</a>. Sont-ils stressés ? Sont-ils contents ? En comprenant leur <a href="https://doi.org/10.3390/ani12060759">état émotionnel</a>, nous pouvons prendre des décisions plus éclairées concernant leurs soins et leur environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une personne en combinaison blanche tenant un iPad et entourée de poulets" src="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569656/original/file-20240116-23-oqw734.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comprendre les expressions des poulets aura un impact sur la façon dont ils sont élevés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Communication non verbale chez les poulets</h2>
<p>Outre les vocalisations, nos recherches portent également sur les indices non verbaux permettant d’évaluer les émotions des poulets. Nous avons ainsi étudié le clignement des yeux et la température du visage. La manière dont ces éléments peuvent constituer des <a href="https://doi.org/10.1101/2022.01.31.478468">indicateurs fiables</a> de l’état émotionnel des poulets est analysée dans une publication préliminaire (pas encore évaluée par les pairs).</p>
<p>En utilisant des méthodes non invasives telles que la vidéo et l’imagerie thermique, nous avons observé des changements de température autour des yeux et de la tête, ainsi que des variations dans le comportement de clignement des yeux, qui semblent être des réponses au stress. Ces résultats préliminaires ouvrent de nouvelles voies pour comprendre comment les poulets expriment leurs sentiments, tant sur le plan comportemental que physiologique, ce qui nous fournit des outils supplémentaires pour évaluer leur bien-être.</p>
<h2>Des volailles plus heureuses</h2>
<p>Ce projet dépasse le cadre de la curiosité intellectuelle ; ses <a href="https://doi.org/10.1101/2022.07.31.502171">retombées sont réelles</a>. Dans le secteur agricole, la compréhension des vocalisations des poulets est un moyen d’améliorer les pratiques d’élevage. Les agriculteurs peuvent utiliser ces connaissances pour créer de meilleures conditions de vie, ce qui se traduit par des poulets plus sains et plus heureux. Cela peut en retour avoir un effet sur la qualité des produits, la santé des animaux et l’efficacité globale de l’exploitation.</p>
<p>Les résultats de cette recherche peuvent également être appliqués à d’autres domaines de l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.measurement.2022.110819">élevage</a>, ce qui pourrait déboucher sur des avancées dans la manière dont nous interagissons avec une variété d’animaux de ferme et dans les soins qui leur sont prodigués.</p>
<p>Mais nos travaux ne se limitent pas aux pratiques agricoles. Ils pourraient influencer les politiques en matière de bien-être animal et de traitement éthique. L’évolution de notre connaissance de ces animaux nous incite à <a href="https://doi.org/10.3390/agriengineering5010032">plaider pour leur bien-être</a>. Cette étude modifie la façon dont nous envisageons notre relation avec les bêtes, en privilégiant l’empathie et la compassion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un homme introduit sa main dans un poulailler rempli de poulets" src="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569662/original/file-20240116-15-c9v7e6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La compréhension de la communication et du comportement des animaux peut avoir une influence sur les politiques en matière de bien-être animal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Zoe Schaeffer)</span></span>
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<h2>IA éthique</h2>
<p>L’utilisation éthique de l’IA dans ce contexte crée un précédent pour les futures applications technologiques dans le domaine de la science animale. Nous démontrons que la technologie peut et doit être employée pour <a href="https://doi.org/10.1007/s44230-023-00050-2">favoriser le bien-être de tous les êtres vivants</a>. C’est une responsabilité que nous prenons au sérieux ; nous veillons à ce que nos avancées en matière d’IA soient conformes aux principes éthiques et au bien-être des sujets de notre étude.</p>
<p>Les retombées de nos recherches s’étendent également à l’éducation et aux efforts de conservation. En comprenant les méthodes de communication des poulets, nous acquérons des connaissances sur le langage aviaire en général, offrant ainsi une perspective unique sur la complexité des systèmes de communication animale. Ces enseignements peuvent s’avérer essentiels pour les défenseurs de l’environnement qui œuvrent à la protection des espèces d’oiseaux et de leurs habitats.</p>
<p>En poursuivant nos avancées dans ce domaine, nous ouvrons les portes d’une nouvelle ère dans l’<a href="https://doi.org/10.3389/fvets.2021.740253">interaction entre l’animal et l’homme</a>. Notre quête pour <a href="https://doi.org/10.20944/preprints202309.1714.v1">décoder le langage des poulets</a> est plus qu’une simple recherche universitaire : c’est un pas vers un monde plus empathique et plus responsable.</p>
<p>En tirant parti de l’IA, nous ne nous contentons pas de percer les secrets de la communication aviaire, mais nous établissons également de nouvelles normes en matière de bien-être animal et d’utilisation éthique des technologies. La période dans laquelle nous vivons est passionnante ; nous sommes à l’aube d’une conception nouvelle de la relation entre l’homme et le monde animal, et tout commence par le poulet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221484/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Suresh Neethirajan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’intelligence artificielle peut traiter un grand nombre de vocalisations de poulets et identifier des schémas dans les communications entre volatiles.Suresh Neethirajan, University Research Chair in Digital Livestock Farming, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186652023-12-05T16:55:01Z2023-12-05T16:55:01ZPeste porcine africaine : la flambée des cas en Italie questionne la stratégie européenne d’éradication<p>Guerre en Ukraine, au Proche-Orient, événements climatiques extrêmes… Au milieu des conflits en cours et des menaces environnementales latentes, la <a href="https://theconversation.com/retour-sur-grippe-aviaire-peste-porcine-Covid-19-pourquoi-tant-depidemies-dans-les-elevages-155159">peste porcine</a> africaine ne s’impose pas sur le devant de la scène médiatique.</p>
<p>Si elle ne constitue pas une menace directe pour la santé humaine, puisqu’elle n’affecte que les mammifères de la famille des suidés, notamment les cochons et les sangliers, cette maladie a néanmoins des conséquences importantes pour l’humanité, puisqu’on estime qu’au niveau global, la viande de porc constitue <a href="https://www.fao.org/3/cb8267en/cb8267en.pdf">plus de 35 % des apports carnés</a>.</p>
<p>Au-delà de la menace qu’elle fait peser sur les élevages de porc et sur l’économie de cette filière, la peste porcine africaine soulève de nombreuses questions sur la durabilité de ces systèmes et sur le bien-être animal. Elle pourrait catalyser un grand nombre de tensions autour de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/viande-22328">l’alimentation carnée</a> et mettre en question la façon dont les autorités européennes la pensent et tentent de la maîtriser.</p>
<p>Autant d’enjeux qui demeurent pour l’instant sous les radars des opinions publiques européennes, <a href="https://primapavia.it/attualita/peste-suina-in-lombardia-nel-pavese-il-primo-caso-indagini-in-corso/">à l’exception peut-être de l’Italie</a> où, en septembre dernier, un foyer de peste porcine africaine a mené des défenseurs du bien-être animal sous le feu des projecteurs.</p>
<h2>Une maladie connue de longue date</h2>
<p>La peste porcine africaine <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0368174221800314?via%3Dihub">a été détectée pour la première fois au Kenya en 1921</a> par un vétérinaire britannique, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tbed.14183">Robert Eustace Montgomery</a>. Selon lui, cette maladie devait sa sévérité plus forte que la peste porcine – dite « classique » ou « européenne » – au fait qu’elle se transmettait des phacochères aux cochons dans les élevages coloniaux.</p>
<p>On sait aujourd’hui que cette fièvre hémorragique est due à un virus à ADN qui présente la particularité d’être très résistant : il peut demeurer infectieux pendant plusieurs mois dans les substances animales (excréments, viande – y compris après salaison, salive, sueur…). La contamination se produit soit par contact direct d’un animal à l’autre (notamment par le sang, les seringues ou les matériels dans les élevages), soit par l’intermédiaire de <a href="https://theconversation.com/les-tiques-des-animaux-venimeux-120246">tiques « molles »</a> du genre Ornithodoros.</p>
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<p>Il faut souligner un point important : la peste porcine africaine est une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/epizootie-34153">épizootie</a>, une épidémie qui frappe exclusivement les animaux. Ce n’est pas une zoonose, c’est-à-dire qu’elle ne se transmet pas aux humains. Néanmoins, elle n’est pas sans conséquence pour nos sociétés, car elle a des retentissements économiques majeurs.</p>
<p>En effet, la forme aiguë de la maladie tue en masse les porcs domestiques : <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/Anses-Ft-PestePorcineAfricaine.pdf">100 % d’entre eux décèdent en 4 à 13 jours</a>. La forme subaiguë tue plus lentement et dans des proportions moindres. Enfin, la troisième forme, chronique, est elle aussi problématique, car insidieuse : les animaux présentent des symptômes atténués, mais peuvent néanmoins excréter le virus, et donc contaminer leurs congénères.</p>
<p>En ce qui concerne les suidés sauvages, si les espèces africaines (phacochères et potamochères) peuvent transmettre la peste porcine africaine mais n’en meurent pas, les sangliers qui peuplent nos forêts sont sensibles à la maladie qui les décime eux aussi.</p>
<h2>Circulation hors d’Afrique</h2>
<p>Initialement restreinte au continent africain, la peste porcine africaine a été détectée pour la première fois sur le continent européen en 1957. À l’époque, des cas sont identifiés en Sardaigne, en Espagne, au Portugal et en France. C’est alors le renforcement de la chasse aux sangliers qui permet de contrôler la propagation de l’infection. À la fin des années 1990, la <a href="https://agritrop.cirad.fr/598143/1/Viltrop%20et%20al.,%202021.%20ASF%20Epidemiology.pdf">maladie ne circulait plus qu’en Sardaigne</a>.</p>
<p>Toutefois, en 2007, elle a été à nouveau détectée en Géorgie, probablement suite à l’emploi de viande contaminée provenant <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/14/12/08-0591_article">d’Afrique de l’Est ou de Madagascar</a>. De là, elle s’est diffusée en Russie, en Pologne, en Ukraine et dans les pays Baltes, via les populations de sangliers.</p>
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<img alt="Photos de panneaux d’avertissement concernant la peste porcine africaine, en Pologne." src="https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562659/original/file-20231130-27-aduweo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Panneaux d’avertissement concernant la peste porcine africaine, en Pologne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Afryka%C5%84ski_pom%C3%B3r_%C5%9Bwi%C5%84_Wiejki_Bielewicze_Gmina_Gr%C3%B3dek.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’épizootie se serait ensuite transmise de l’extrême est de la Russie (région d’Irkoutsk) à la Chine <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tbed.12989">après des flambées épidémiques non loin de la frontière en 2017</a>. On estime qu’en 2019 la Chine aurait perdu presque la moitié de son élevage de porcs à cause de cette maladie, soit 200 millions d’animaux. Il s’agit de chiffres estimés à partir de l’effet de la crise sanitaire sur l’élévation du prix global du marché du porc, la <a href="https://www.theguardian.com/environment/2020/may/27/unstoppable-african-swine-fever-deaths-to-eclipse-record-2019-toll">Chine ne rapportant officiellement qu’un million de cochons abattus</a>.</p>
<p>Certains analystes ont même avancé l’hypothèse selon laquelle la pandémie de Covid-19, très probablement causée par une zoonose transmise des chauves-souris aux humains, aurait pu être la conséquence indirecte de cette épizootie de peste porcine en Chine. Selon eux, <a href="https://pesquisa.bvsalud.org/global-literature-on-novel-coronavirus-2019-ncov/resource/pt/ppzbmed-10.20944.preprints202102.0590.v2">elle aurait conduit les consommateurs chinois vers d’autres sources de protéines que le porc</a>, ce qui aurait mené à leur contamination – une hypothèse qui reste indémontrable, mais qui est indicatrice des <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">liens entre les différentes maladies animales dans les sociétés globalisées</a> s.</p>
<p>Si la peste porcine africaine est restée pendant longtemps une maladie peu grave dans le sud de l’Europe, la situation a changé lorsqu’elle a infecté l’est du continent. D’où l’alerte de la Commission européenne lorsque des carcasses de sangliers porteurs du virus de peste porcine africaine furent à nouveau découvertes en 2017 en République Tchèque (à la frontière avec la Slovaquie et la Pologne) et en 2018 en Belgique (à la frontière avec la France et l’Allemagne).</p>
<h2>Une maladie devenue endémique en Italie</h2>
<p>Pour circonscrire la maladie, les autorités européennes ont décidé la mise en place d’une <a href="https://www.pig333.com/3tres3_common/art/pig333/19175/fitxers/CELEX-32023R0594-EN-TXT.pdf">sévère politique de contrôle</a>, de façon à ce que ne se produisent pas sur son territoire des flambées de peste porcine africaine similaires à celles qui sont survenues dans les pays de l’ex-URSS et en Chine : interdiction de l’élevage de porcs en plein air, interdiction de nourrir les porcs en élevage fermé avec de l’herbe ou du foin, interdiction de la circulation des porcs entre les élevages fermés, surveillance des sangliers et politique de zonage dès qu’une carcasse infectée est découverte.</p>
<p>On estime que ces mesures radicales et coûteuses ont permis d’éradiquer la peste porcine africaine en <a href="https://bulletin.woah.org/?panorama=04-2-1-2020-1-czech-fr&lang=fr">République Tchèque</a> et en <a href="https://www.favv-afsca.be/ppa/actualite/belgique/">Belgique</a>. Mais l’arrivée en 2021 de la maladie en Italie du Nord, dans la région de Gênes, a remis en question cette stratégie d’éradication.</p>
<p>Cette année-là, des carcasses de sangliers contaminées ont été découvertes en Ligurie, dans le Piémont et en Lombardie. Les autorités politiques de ces trois régions ont eu des difficultés à s’accorder sur les décisions à prendre, face à des pressions très différentes selon qu’elles venaient des éleveurs de porc ou des chasseurs de sangliers : il y a beaucoup de sangliers et peu de porcs en Ligurie et Piémont, alors qu’il y a beaucoup de porcs et peu de sangliers en Lombardie. Cette situation a ralenti le processus de décision et grevé les chances de parvenir à contenir l’épidémie.</p>
<p>La construction d’une clôture de plusieurs centaines de kilomètres autour des zones où ont été découvertes les carcasses infectées, sur le modèle de ce qui a été fait en République Tchèque, en Belgique ou entre le Danemark et l’Allemagne, a été lancée trop tard pour contenir la circulation du virus. Ce dernier est à présent considéré comme endémique dans toute l’Italie, d’après les carcasses de sangliers infectées découvertes dans la région de Rome et jusqu’au sud de Naples.</p>
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<img alt="Photo d’un cadavre de sanglier retrouvé dans la réserve naturelle de l’Insugherata, non loin de Rome." src="https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562658/original/file-20231130-29-119mee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cadavre de sanglier retrouvé dans la réserve naturelle de l’Insugherata, non loin de Rome.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cinghiale_Sus_scrofa.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Abattages massifs</h2>
<p>La crainte des autorités sanitaires italiennes est désormais que le virus arrive dans les élevages de porcs de la région de Parme, Modène et Bologne, où le jambon « made in Italy » est fabriqué avec une forte valeur ajoutée – parfois avec des cochons qui ont été élevés dans toute l’Europe – et où la filière porcine emploie plusieurs milliers de personnes.</p>
<p>Pour l’éviter, en septembre et octobre 2023, l’abattage de 40 000 porcs a été ordonné dans la région située entre Milan et Pavie. Un « commissaire extraordinaire » a été nommé par le gouvernement Meloni, chargé de mettre en place des mesures d’exception (zonage et abattage).</p>
<p>Si les petits éleveurs de porcs se sentent abandonnés par cette politique sanitaire qui favorise avant tout les grands élevages industriels, les chasseurs sont également très divisés par ces mesures.</p>
<p>Les associations de chasseurs, qui travaillent depuis longtemps avec les paysans pour limiter les dégâts des sangliers dans les champs par des campagnes régulières de « prélèvement », sont en effet contournées par les politiques sanitaires : celles-ci <a href="https://www.ansa.it/liguria/notizie/2023/11/24/peste-suina-1.200-cacciatori-in-meno-in-un-anno-a-genova_77b5c836-0dd9-47ee-a3ac-387fedc08f46.html">s’appuient sur des entreprises de chasse privées utilisant des fusils à caméra thermique</a> pour tuer de nuit le plus grand nombre de sangliers possible.</p>
<p>Si, initialement, ces questions semblaient devoir rester cantonnées à des échelons locaux, réglées entre éleveurs de porcs et chasseurs de sangliers avec le secours des vétérinaires, un événement a attiré l’attention du grand public sur la maladie et ses conséquences.</p>
<h2>L’affaire « Cuori Liberi »</h2>
<p>Tout a commencé dans un refuge géré par une association animaliste nommée « Cuori Liberi », dans la région de Pavie. Ses responsables avaient accueilli 40 porcs issus des élevages industriels de la région, le plus souvent en raison des mauvais traitements dont ils avaient été victimes. En septembre 2020, trente de ces cochons sont morts de la peste porcine africaine, ce qui aurait dû mener à l’abattage de l’ensemble des animaux survivants. Cependant, l’association a souhaité garder en vie les 10 porcs rescapés pour tenter de comprendre comment ils avaient développé une immunité contre la maladie.</p>
<p>Malgré le soutien d’une centaine de militants animalistes venus de France et d’Allemagne, les autorités vétérinaires sont venues dans le refuge le 20 septembre <a href="https://www.repubblica.it/il-gusto/2023/09/21/news/peste_suina_africana_maiali_uccisi_a_rifugio_cuori_liberi_di_sairano_pavia-415291900/">pour tuer les dix porcs restants</a>, après avoir passé en force le barrage des militants.</p>
<p>Suite à cette mesure, le <a href="https://www.animaliliberi.org/site/">réseau des sanctuaires italiens</a> a organisé une manifestation en soutien à Cuori Liberi qui a attiré 10 000 personnes à Milan le 7 octobre, puis une autre le 18 novembre à Rome, à laquelle ont participé 7000 personnes. Ces rassemblements visaient à demander à l’État italien <a href="https://www.lav.it/news/peste-suina-africana-colpisce-rifugio-cuori-liberi-rischio-uccisione">davantage de droits pour les protecteurs des animaux en cas de crise sanitaire</a>.</p>
<p>Un mouvement social est donc lancé en Italie. Il est difficile pour le moment d’en prévoir l’issue, mais on constate d’ores et déjà que la peste porcine africaine mobilise différents regards sur les relations entre humains, sangliers et cochons en fonction des traditions auxquelles se réfèrent les groupes d’acteurs. Selon qu’ils viennent de l’élevage, de la chasse ou de la protection animale, leurs histoires diffèrent, en Italie comme dans le reste de l’Europe, tout comme leurs imaginaires des frontières <a href="https://theconversation.com/peut-on-apprendre-a-vivre-autrement-avec-les-animaux-213574">entre le sauvage et le domestique, ou entre l’animal et l’humain</a>.</p>
<h2>Une stratégie européenne à repenser ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, l’Europe met en place une coûteuse politique visant à éradiquer la maladie, non seulement dans les élevages, mais aussi, idéalement, dans les populations de suidés sauvages.</p>
<p>Toutefois, si l’on considère le <a href="https://www.3trois3.com/ppa/">développement de la peste porcine africaine sur tout le continent</a>, il est permis de s’interroger sur la pertinence de cette stratégie, dont le cas italien montre les limites. La grande persistance du virus de la peste porcine africaine dans l’environnement le rend en effet très difficile à contrôler sur un territoire une fois qu’il y est entré.</p>
<p>La Commission européenne observe avec attention les politiques de contrôle mises en place par certains pays asiatiques comme le Vietnam, la Chine et les Philippines. La stratégie de ces états pour contrôler la peste porcine est en effet comparable à ce qui y est pratiqué depuis vingt ans en <a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">réponse à la grippe aviaire</a> : il ne s’agit pas d’éradiquer la maladie, mais plutôt de la réguler par la vaccination des animaux d’élevage.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/poulets-soldats-et-eleveurs-sentinelles-allies-dans-la-vaccination-contre-la-grippe-aviaire-207861">Poulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire</a>
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<p>Si, à l’heure actuelle, aucun vaccin n’est disponible en Europe contre la peste porcine africaine (des <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC134431">recherches sont en cours</a>), le Vietnam (premier pays à avoir <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10173882/">autorisé la commercialisation d’un vaccin vivant attenué</a>) et les Philippines viennent quant à eux d’annoncer le lancement officiel d’une campagne de vaccination.</p>
<p>L’<a href="https://www.woah.org/fr/accueil/">Organisation mondiale de la santé animale</a> suit attentivement les écarts de gestion de la maladie entre l’Europe et l’Asie (il n’y a pas de cas de la maladie sur le continent américain en dehors des Antilles). En fonction des résultats obtenus, les États européens devront peut-être remettre en question leur politique de contrôle de la maladie dans ses « réservoirs sauvages », pour explorer les possibilités de vivre avec un virus qui franchit les barrières d’espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du DIM One Health et de l’Institut canadien pour la recherche avancée.</span></em></p>Pour protéger les élevages de la peste porcine africaine, les autorités européennes visent à l’éradiquer. Des mesures coûteuses et radicales, dont l’efficacité n’est pas assurée.Frédéric Keck, Anthropologie, EHESS, CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de France, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134842023-10-10T21:16:44Z2023-10-10T21:16:44ZTransmission de l’antibiorésistance à l’être humain : quelles bactéries surveiller chez l’animal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552346/original/file-20231005-19-6xuzjf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C4920%2C3268&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’usage d’antibiotiques en médecine vétérinaire doit être surveillé, car il soulève la question de l’émergence de bactéries résistantes et de leur passage à l’être humain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/TlVNZvr_lf0">Jo-Anne McArthur / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La résistance des bactéries aux antibiotiques ou « antibiorésistance », est devenue un sujet de préoccupation majeure. Selon un rapport britannique repris par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime que d’ici à 2050, le nombre de décès liés à la résistance aux antibiotiques pourrait atteindre <a href="https://amr-review.org/sites/default/files/160518_Final%20paper_with%20cover.pdf">10 millions par an dans le monde</a>.</p>
<p>Fin juin, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un avis concernant la <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2020SA0066Ra.pdf">liste prioritaire des couples bactérie/famille d’antibiotiques</a> à surveiller chez les animaux en raison de leur impact sur la santé publique. Voici ce qu’il faut en retenir.</p>
<h2>Comment émergent les résistances ?</h2>
<p>Toute utilisation d’antibiotique, que ce soit chez les êtres humains ou chez les animaux, exerce une pression de sélection : initialement très efficaces, les antibiotiques éliminent massivement les bactéries sensibles. </p>
<p>Il arrive cependant que quelques bactéries s’avèrent capables de leur résister. Celles-ci survivent et, favorisées par la disparition des bactéries sensibles, se multiplient sans concurrence. C’est ainsi qu’émergent des populations résistantes contre lesquelles les antibiotiques deviennent inefficaces.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/antibiotiques-lantibioresistance-est-une-pandemie-silencieuse-194799">Antibiotiques : « l’antibiorésistance est une pandémie silencieuse »</a>
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<p>De telles bactéries résistantes aux antibiotiques peuvent non seulement se développer chez les personnes soignées par des antibiotiques, mais aussi dans l’environnement (lorsque celui-ci est contaminé par des rejets contenant des antibiotiques) ou chez les animaux d’élevage et de compagnie, lorsque les antibiotiques sont utilisés en médecine vétérinaire.</p>
<p>Dans ce dernier cas, des bactéries résistantes peuvent être transmises aux êtres humains soit par le biais de contacts rapprochés avec lesdits animaux, soit de manière indirecte, par l’intermédiaire de l’environnement ou via la consommation de produits alimentaires contaminés.</p>
<h2>Des couples bactérie/famille d’antibiotiques à surveiller en priorité chez l’animal</h2>
<p>Onze couples bactérie/famille d’antibiotiques à surveiller en priorité chez les animaux en France figurent sur la première liste élaborée par l’Anses. Parmi eux, cinq sont classés hautement prioritaires :</p>
<ul>
<li><p><strong>Enterobacterales/carbapénèmes :</strong> les Enterobacterales sont un ordre bactérien qui comprend plusieurs espèces par exemple <em>Escherichia coli</em> ou les bactéries du genre <em>Salmonella</em>, couramment trouvées dans l’intestin des êtres humains et d’autres animaux. Diverses espèces d’Enterobacterales peuvent causer des infections, notamment urinaires, intestinales, ou respiratoires. Or, certaines de ces bactéries ont développé une résistance aux antibiotiques. C’est le cas par exemple de souches résistantes aux carbapénèmes qui sont des antibiotiques à large spectre, utilisés uniquement en milieu hospitalier pour traiter les infections les plus graves. L’émergence des Enterobacterales résistantes aux carbapénèmes est un problème majeur de santé publique. La résistance de ces bactéries à plusieurs classes d’antibiotiques peut conduire à des impasses thérapeutiques.</p></li>
<li><p><strong>Enterobacterales/céphalosporines de troisième et quatrième générations (C3G/C4G) :</strong> certaines souches d’Enterobacterales ont développé une résistance aux C3G/C4G, des antibiotiques d’importance critique utilisés pour traiter des infections sévères à la fois chez l’être humain et l’animal. En médecine vétérinaire, la réalisation d’un antibiogramme préalable à leur prescription est requise.</p></li>
<li><p><strong><em>Staphylococcus aureus</em>/méticilline (SARM) :</strong> <em>S. aureus</em> (ou staphylocoque doré) est une bactérie qui peut se trouver sur la peau et dans les voies nasales des êtres humains, sans provoquer de problème de santé. Cependant, dans certaines conditions (<a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/staphylocoque">blessure, intervention chirurgicale, affaiblissement immunitaire…</a>), elle peut causer diverses infections, telles que des infections cutanées, des infections des voies respiratoires, ou même des infections sanguines. Le <em>Staphylococcus aureus</em> résistant à la méticilline, aussi appelé SARM, est un staphylocoque ayant développé une résistance à plusieurs antibiotiques, dont la méticilline. Puisque cette dernière est inefficace pour traiter une infection causée par le SARM, cela limite le choix des traitements.</p></li>
<li><p><strong>Enterobacterales/fluoroquinolones :</strong> tout comme les C3G/C4G, les fluoroquinolones sont des antibiotiques d’importance critique chez l’être humain et l’animal.</p></li>
<li><p><strong>Enterobacterales/polymyxines :</strong> la colistine est l’antibiotique le plus connu parmi ceux appartenant aux polymyxines. Elle est utilisée en médecine vétérinaire, notamment dans les filières animales de production. En médecine humaine, en raison de sa toxicité, la colistine n’est prescrite que pour le traitement d’infections humaines sévères liées à des bactéries résistantes à toutes les autres options thérapeutiques. La résistance de certaines souches à la colistine est problématique du fait de la forte capacité de dissémination d’un gène de résistance, <em>mcr-1</em>, identifié chez les animaux et les êtres humains dans le monde entier.</p></li>
</ul>
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<img alt="Des cochons dans un élevage." src="https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552378/original/file-20231005-21-gpj0dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La circulation des staphylocoques dorés résistants à la méticilline doit être surveillée, notamment dans les élevages de porcs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/tlJ_5jVHMF4">Diego San/Unsplash</a></span>
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<h2>Évolution des résistances</h2>
<p>Une analyse des données épidémiologiques collectées en France permet actuellement de nuancer la transmission de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques entre les animaux et les êtres humains.</p>
<p>Les données d’épidémiosurveillance montrent que si la résistance aux carbapénèmes est occasionnellement détectée chez les chiens et les chats, elle est vraisemblablement liée à un contact avec les êtres humains porteurs de cette bactérie résistante, car cette famille d’antibiotique n’est pas utilisée en médecine vétérinaire.</p>
<p>Les résistances aux autres familles d’antibiotiques chez les animaux de production (bovins, porcs, volailles) et de compagnie (chiens et chats) sont en baisse au cours des dix dernières années, grâce aux efforts de maîtrise de l’utilisation d’antibiotiques dans le secteur animal.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-zootopique-la-resistance-aux-antibiotiques-une-pandemie-silencieuse-207657">Podcast « Zootopique » : La résistance aux antibiotiques, une pandémie silencieuse</a>
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<p>Une vigilance devra toutefois être apportée concernant les souches de <em>Staphylococcus aureus</em> <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/meticillin-resistant-staphylococcus-aureus-mrsa">résistantes à la méticilline</a>, un important antibiotique de la famille des pénicillines. En 2006, des cas d’infections dans plusieurs hôpitaux aux Pays-Bas ont mis en évidence que <a href="https://theconversation.com/antibiotiques-lantibioresistance-est-une-pandemie-silencieuse-194799">ces bactéries résistantes provenaient en fait d’élevages de porcs</a>.</p>
<p>En France, une enquête menée dans plusieurs élevages porcins a montré que les niveaux de cette résistance ont significativement augmenté entre 2008 et 2021, <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2020SA0066Ra.pdf#page=11">passant de 3 % à plus de 40 %</a>. Par ailleurs, les données de surveillance révèlent, pour l’année 2021, des proportions élevées chez le chien, avec une tendance à l’augmentation depuis 2018.</p>
<p>Dans son avis, l’Anses recommande d’améliorer cette épidémiosurveillance en utilisant des méthodes de séquençage permettant des analyses du génome entier des cinq couples bactérie/famille d’antibiotiques hautement prioritaires, afin de pouvoir évaluer la contribution du réservoir animal dans la transmission aux êtres humains de telles bactéries résistantes, et d’évaluer la présence d’éléments génétiquement mobiles pouvant favoriser la transmission des gènes codants pour cette résistance aux antibiotiques.</p>
<p>Concernant les staphylocoques dorés résistants à la méticilline, l’Anses souligne la nécessité d’apporter une vigilance au SARM dans le secteur animal à travers la mise en place d’enquêtes ponctuelles, afin de détecter les animaux pouvant jouer un rôle de porteurs transitoires et qui risquent d’être impliqués dans la dissémination et la persistance du SARM dans la population humaine.</p>
<h2>Attention aux aliments importés</h2>
<p>En France, la transmission des résistances bactériennes entre les animaux et les êtres humains est contrôlée grâce à des mesures de biosécurité dans les élevages, aux bonnes pratiques d’hygiène dans les cliniques vétérinaires et via la cuisson des aliments (la chaleur tue les bactéries résistantes aux antibiotiques).</p>
<p>Cependant, le commerce international, les déplacements de personnes, d’animaux et de produits alimentaires intensifient le risque de dissémination rapide des bactéries résistantes aux antibiotiques. C’est le cas par exemple de crevettes d’élevage importées d’Asie, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1157923/bacteries-resistantes-antibiotiques-crevettes-epicerie-alimentation">qui peuvent être contaminées par des bactéries résistantes aux antibiotiques</a>. Pour y faire face, la décision <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32020D1729">(UE) 2020/1729</a> impose la surveillance de l’antibiorésistance, mais uniquement dans les viandes importées depuis des pays hors de l’Union européenne.</p>
<p>L’Anses recommande donc d’élargir cette surveillance aux produits issus de la pêche, afin d’éviter l’introduction en France de nouvelles bactéries résistantes, voire de bactéries multirésistantes (autrement dit, résistantes à plusieurs familles d’antibiotiques), qui représentent une menace majeure pour la santé publique.</p>
<h2>L’antibiorésistance, c’est l’affaire de tous !</h2>
<p>En médecine humaine, tout le monde se souvient du slogan « Les antibiotiques, ce n’est pas automatique », employé dans les campagnes de sensibilisation visant à réduire le recours systématique aux antibiotiques.</p>
<p>Son pendant en médecine vétérinaire, « les antibios, comme il faut, quand il faut », a permis d’attirer l’attention des professions du secteur animal sur le bon usage des antibiotiques vétérinaires.</p>
<p>La problématique de l’antibiorésistance est particulièrement emblématique du concept <em>One Health</em> (« Une seule santé »), selon lequel santé humaine, animale et environnementale sont interconnectées et interdépendantes.</p>
<p>Pour lutter contre ce problème majeur, il est en effet nécessaire de renforcer les mesures de prévention et de contrôle de la transmission de l’antibiorésistance entre les êtres humains, les animaux et l’environnement. C’est à ce prix que nous pouvons espérer réussir à préserver l’efficacité des antibiotiques, et donc notre capacité à lutter contre les infections bactériennes à l’avenir.</p>
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<p><em>Cet article a été écrit avec l’appui d’Eric Oswald, président du groupe de travail Anses « antiborésistance chez les animaux »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elissa Khamisse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque que des bactéries résistantes aux antibiotiques passent des animaux à l’humain (et vice-versa) est réel. Quels sont les couples de bactéries et d’antibiotiques à surveiller en priorité ?Elissa Khamisse, Coordinatrice scientifique d’expertise en santé et alimentation des animaux, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2141022023-10-09T17:46:41Z2023-10-09T17:46:41ZPollution, climat… pourquoi nos lacs de montagne verdissent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549659/original/file-20230921-21-xzmfew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C63%2C5232%2C3880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étang d’Ayès, dans les Pyrénées ariégeoises.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dirk S. Schmeller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>J’ai mis pour la première fois les pieds <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-rechauffement-climatique-saccelere-dans-les-pyrenees-173362">dans les Pyrénées</a> en 2006. Deux ans plus tard, j’y ai entamé une prospection à grande échelle des lacs de montagne et des populations d’amphibiens : d’est en ouest, j’ai ainsi parcouru plus de 100 lacs de montagne des Pyrénées orientales jusqu’au Béarn (Pyrénées-Atlantiques).</p>
<p>Pour nos projets divers, nous sommes revenus les échantillonner régulièrement, au moins une fois par an. C’est ainsi qu’au fil du temps, nous avons constaté des transformations, en particulier la croissance accrue de <a href="https://theconversation.com/dans-les-eaux-de-baignade-les-cyanobacteries-amies-ou-ennemies-204352">cyanobactéries</a> et parfois de dinoflagellés, des algues vertes qui verdissent un grand nombre de lacs. Dès 2012, nous alertions le Parc national des Pyrénées.</p>
<p>Durant toutes ces années, j’ai donc observé beaucoup de « nos » lacs changer de couleur. Certains ont perdu la clarté et le bleu que nous attendons tous d’un lac de montagne, d’autres ont commencé à se teinter d’une couleur verdâtre ou même d’un vert éclatant, notamment à la fin de l’été.</p>
<p>Cette tendance ne touche aucune région plus qu’une autre : on la retrouve aussi bien dans les Pyrénées Ariégeoises que dans les parties centrales des Pyrénées ou à l’ouest dans le Béarn. Il ne s’agit pas d’un phénomène rare et localisé, mais d’un événement de grande ampleur, qui tend à s’étendre dans les années à venir. Nous le remarquons également de l’autre côté de la frontière, dans les Pyrénées catalanes, où mon collègue Marc Ventura a dirigé le <a href="http://www.lifelimnopirineus.eu/es/inicio">projet européen Limnopirineos</a>.</p>
<p>Dans les Alpes, les collègues du Centre de recherche des écosystèmes d’altitude (<a href="https://creamontblanc.org/">Crea</a>) dressent un constat similaire. Même dans les <a href="https://www.nps.gov/articles/algal-booms-mountain-lakes.htm">Rocheuses canadiennes</a>, une croissance évidente des algues a été relevée.</p>
<p>À ce verdissement des lacs, nous avons identifié quatre causes principales.</p>
<h2>Poissons, crustacés et algues qui prolifèrent</h2>
<p>Côté catalan, Marc Ventura a tout d’abord remarqué que la présence de poissons contribuait au phénomène, et que leur éradication rendait aux lacs une couleur bleuâtre. Car pour ceux qui tiqueraient sur le terme d’éradication, précisons que la présence des poissons dans les lacs de montagne n’est pas naturelle : elle est le résultat d’alevinages (c’est-à-dire de peuplements) réalisés pour favoriser le tourisme de la pêche.</p>
<p>Pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre, il faut savoir que les espèces présentes dans les communautés lacustres de montagne forment un système très complexe, fait d’une quantité ahurissante d’interactions entre elles. La disparition d’une espèce ou d’un groupe d’espèces dans un système aquatique peut ainsi entraîner des changements radicaux.</p>
<p>Dans les lacs que nous avons étudiés, nous constatons par exemple que les crustacés sont beaucoup moins nombreux voire absents en présence de poissons, en particulier de vairons, espèce très commune dans les eaux douces. Les microcrustacés des écosystèmes aquatiques filtrent l’eau pour ingérer de la nourriture, laquelle est essentiellement constituée d’algues : en leur absence, ce déséquilibre incite les algues à proliférer.</p>
<h2>Des insecticides qui tuent les crustacés</h2>
<p>D’après nos <a href="https://theconversation.com/pyrenees-francaises-un-cocktail-toxique-impressionnant-detecte-dans-les-lacs-de-montagne-181860">propres travaux</a> menés dans certains lacs, l’absence ou la forte réduction des crustacés est également engendrée par la pollution. Celle-ci serait notamment due à deux insecticides, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">perméthrine et le diazinon</a>, qui sont soit utilisés sur le bétail, soit présents dans les insectifuges des touristes.</p>
<p>Nous avons identifié de nombreuses autres molécules chimiques dans l’eau des lacs – <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">141 au total</a> – et l’effet de ce cocktail sur les réseaux alimentaires aquatiques est pour l’instant inconnu. Notons toutefois que nous ne pouvons actuellement détecter qu’une petite partie des molécules organiques, en raison de limitations méthodologiques. La toxicité cumulée de tous les polluants émis par l’homme dans ces environnements demeure par conséquent un mystère.</p>
<p>Il est ainsi probable que nous sous-estimions l’impact global du grand nombre de molécules organiques sur les écosystèmes aquatiques en montagne et ailleurs. Mais il ne fait aucun doute, dans les lacs que nous étudions, que la hausse de la pollution favorise la disparition des microcrustacés et donc la prolifération des algues.</p>
<h2>Les rejets du bétail, nutriments pour les algues</h2>
<p>Ces polluants proviennent probablement du bétail, qui est traité contre les insectes piqueurs à l’aide, par exemple, de Butox ou de traitements vétérinaires similaires, contenant de la deltaméthrine ou de la perméthrine. Appliqués sur la peau, ces insecticides pénètrent dans le sang des bêtes avant d’être rejetés dans l’urine et les excréments.</p>
<p>La molécule active reste largement inchangée et pénètre dans l’eau, alors qu’elle est <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-022-00710-3">hautement toxique pour les crustacés des lacs de montagne</a>, même à une concentration de l’ordre du nanogramme par litre, ce qui est minuscule. En tuant les crustacés, ces insecticides altèrent ainsi profondément le réseau alimentaire aquatique.</p>
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<p>Mais ce n’est pas tout. Pour se développer, les algues ont également besoin de nutriments. Le bétail en fournit en venant s’abreuver dans les lacs avant d’uriner et de déféquer dans l’eau : ces rejets contiennent une forte concentration de nutriments (nitrates et phosphates, entre autres), qui font le bonheur des algues.</p>
<h2>Le changement climatique en cause</h2>
<p>Enfin, ces dernières apprécient aussi la chaleur : elles se multiplient avec des taux de croissance élevés pendant les mois d’été, en particulier quand la température de l’eau dépasse les 20 °C. L’augmentation des températures engendrée par le changement climatique s’ajoute donc aux autres facteurs. Les rives des lacs, surtout des petits et moyens, ont vu leur mercure grimper. En 2022, la bordure du lac de Lhurs, dans le Béarn, avait ainsi atteint plus de 25 °C, à près de 1800 m d’altitude : une aubaine pour les algues.</p>
<p>Ces facteurs sont les principaux, mais il peut y en avoir d’autres : mes propres recherches nous en diront peut-être davantage à l’avenir. Le plus important est de comprendre qu’ils agissent en synergie : nous tuons les crustacés en introduisant des poissons, nous polluons en traitant le bétail puis, une fois les écosystèmes aquatiques de montagne fragilisés, nous contribuons par nos activités à faire augmenter la température des lacs : les algues y trouvent alors les conditions de croissance idéales. Certaines de ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0043135423009879">algues sont toxiques</a> et présentent donc un risque pour la santé.</p>
<p>Nos lacs passent ainsi du bleu au verdâtre, du verdâtre au vert vif : pas de mystère à cela, leur couleur vient simplement révéler ce que nous infligeons à nos lacs de montagne, à nos ressources en eau, à la faune, au bétail et à nous-mêmes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Indicateurs de santé des écosystèmes des lacs de montagne. Crédits : Les montagnes, une source fragile de vie, 21 septembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Comment retrouver des lacs clairs et bleus</h2>
<p>Tout n’est pas perdu, bien heureusement. Les travaux de <a href="https://www.researchgate.net/publication/361705726_Non-native_minnows_cause_much_larger_negative_effects_than_trout_on_littoral_macroinvertebrates_of_high_mountain_lakes#fullTextFileContent">Marc Ventura</a> mettent en lumière qu’il reste possible de faire marche arrière et de rendre aux lacs une couleur bleue et des écosystèmes sains. Mais cela implique de changer la gestion de l’ensemble des lacs de montagne dans les Pyrénées.</p>
<p>Dans un premier temps, il est indispensable de limiter l’empoissonnement à certains grands lacs et de l’interdire dans les autres, pour qu’ils soient réservés à la faune et la flore locales. Y compris dans les Grands Lacs, il est possible de créer des zones inaccessibles aux poissons afin de favoriser les invertébrés, les amphibiens et d’autres espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Il s’agit ensuite de diminuer la pollution provoquée par les touristes, le bétail et l’industrie. Notamment en communiquant et en discutant avec les différents acteurs, afin de les alerter sur les risques et d’aboutir avec eux à de vraies solutions plutôt qu’à des compromis insatisfaisants.</p>
<p>Le PNR des Pyrénées ariégeoises a ainsi commencé à sensibiliser les touristes au moins sur l’utilisation des crèmes solaires. C’est un premier pas, bien qu’insuffisant compte tenu de l’éventail des problèmes expliqués ici. Une autre avancée consisterait à limiter l’accès du bétail aux lacs verts, ce qui contribuerait aussi à restaurer les écosystèmes. Enfin, à plus grande échelle, le phénomène alerte une nouvelle fois sur l’urgence de combattre le changement climatique…</p>
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-BIRE-0002">BiodivRestore</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de ANR et AXA Research Fund. </span></em></p>Dans les Pyrénées, de nombreux lacs de montagne ont verdi : un phénomène qui alerte sur les multiples pressions subies par les écosystèmes.Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138002023-09-26T19:08:02Z2023-09-26T19:08:02ZPourquoi la grande douve du foie est une menace latente, même en France<p>Certains vecteurs de maladies infectieuses font l’actualité. C’est le cas du moustique tigre, dont la piqûre peut provoquer la dengue, ou des tiques, qui peuvent notamment <a href="https://theconversation.com/au-dela-de-lyme-les-autres-maladies-transmises-par-les-tiques-116313">transmettre la maladie de Lyme</a>.</p>
<p>Mais une large gamme d’animaux dits « parasites » sont beaucoup moins médiatisés, alors qu’ils sont largement répandus et, eux aussi, potentiellement dévastateurs pour la santé humaine et animale.</p>
<p>Qui, par exemple, a déjà entendu parler des vers plats parasites appelés trématodes ? Ils sont pourtant responsables de nombreuses maladies liées à l’eau et à la nourriture…</p>
<p>Certains d’entre eux, les douves du foie, sont à l’origine d’une maladie qui peut avoir de graves conséquences : la fasciolose (aussi parfois appelée <a href="https://www.who.int/fr/publications-detail/WHO-UCN-NTD-VVE-2021.4">fasciolase</a> ou <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-07/argumentaire_distomatose.pdf">distomatose hépatique)</a>.</p>
<p>La France n’est pas épargnée, mais jusqu’ici le nombre de cas humains annuels restait très faible. Toutefois, l’arrivée de nouveaux escargots d’origine tropicale dans notre pays inquiète certains spécialistes.</p>
<h2>Qu’est-ce que la fasciolose ?</h2>
<p>Parmi les maladies causées par les vers plats trématodes, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29991363/">fasciolose est celle dont la répartition mondiale est la plus large</a>.</p>
<p>Elle tire son nom du fait qu’elle est occasionnée par des vers appartenant au genre <em>Fasciola</em> (notamment l’espèce <em>Fasciola hepatica</em>), couramment appelés « grandes douves du foie » car, au terme d’un processus complexe, ils migrent puis se développent dans le foie des hôtes mammifères qu’ils infectent. </p>
<p>De nombreux mammifères domestiques ou sauvages peuvent être victimes de la grande douve du foie, et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33261674/">l’être humain lui-même est un hôte potentiel de ce parasite</a>. Il se contamine généralement en ingérant des végétaux aquatiques crus qui sont porteurs de larves enkystées du vers parasite. </p>
<p>En France, le cresson « sauvage » est l’aliment le plus fréquemment impliqué dans la <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0072Fi.pdf">transmission de la douve du foie</a>. D’autres salades sauvages, comme le pissenlit ou la mâche, peuvent également être en cause. De manière exceptionnelle, le cresson cultivé peut aussi être contaminé, en cas d’inondations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma du cycle de la grande douve du foie (Fasciola hepatica)" src="https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=501&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549749/original/file-20230922-12918-hmf78l.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=630&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le cycle de la grande douve du foie (Fasciola hepatica).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/341879/WHO-UCN-NTD-VVE-2021.4-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y">Organisation mondiale de la Santé -- Droits réservés</a></span>
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<p>Dans la fasciolose humaine, on distingue une <a href="https://iris.who.int/bitstream/handle/10665/341879/WHO-UCN-NTD-VVE-2021.4-fre.pdf">phase aiguë et une phase chronique</a>. La première se caractérise par de la fièvre, des nausées, de fortes douleurs abdominales, et du gonflement du foie. Dans la seconde, se manifestent des douleurs épigastriques, des nausées, une intolérance aux graisses, une inflammation et une obstruction des canaux biliaires, ainsi que des lésions hépatiques. Le malade souffre de jaunisse et d’anémie. <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0072Fi.pdf">En l’absence de traitement, les symptômes peuvent durer plusieurs années</a>.</p>
<h2>Où sévit la maladie ?</h2>
<p>On retrouve la fasciolose sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique. Elle sévit en milieu tropical ou tempéré, voire à des latitudes très septentrionales, en plaine comme à haute altitude. En outre, les prévalences humaines des fascioloses sont très variables. </p>
<p>Selon certaines estimations, environ 50 millions de personnes seraient touchées par cette maladie et près de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26417603/">180 millions vivraient dans des régions à fort risque d’infection</a>.</p>
<p>En France et en Europe, il n’existe pas de système de surveillance permettant de se faire une idée du nombre de personnes contaminées chaque année. D’après des <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIORISK2016SA0072Fi.pdf">chiffres de l’Agence nationale de sécurité sanitaire datant de 2016</a>, le nombre de cas demeure cependant très faible dans le pays (en moyenne, 5 personnes ont été hospitalisées chaque année entre 2008 et 2013).</p>
<h2>Un parasite en réémergence</h2>
<p>Le faible nombre de contaminations humaines recensées en France ne doit pas masquer la situation globale : à l’échelle mondiale, on constate en effet une augmentation de la transmission de fasciolose. Les invasions des limnées, les escargots aquatiques dans lesquels se développe le ver avant d’infecter un mammifère, sont l’un des facteurs qui expliquant cet accroissement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photo de l’escargot aquatique Galba truncatula" src="https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550367/original/file-20230926-17-1kj9d1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En Europe, la limnée Galba truncatula (photographiée ici en Camargue) est l’hôte principal de la grande douve du foie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antonio Alejandro Vazquez Perera</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En effet, bien que les limnées ne soient pas capables de parcourir de longues distances par elles-mêmes (leur dispersion « active » est limitée), il n’en demeure pas moins qu’une migration « passive » de ces mollusques s’opère ddepuis des millions d’années : ils sont transportés par les courants ou par divers animaux, notamment les oiseaux ou certains mammifères.</p>
<p>Par ailleurs, plus récemment, les activités humaines ont changé la donne : elle ont pris le relais, en favorisant la dispersion de par le monde de certaines limnées considérées comme des hôtes majeurs. Ainsi, du fait du commerce international, et notamment de celui des plantes utilisées en aquariophilie, plusieurs espèces tropicales ont été introduites très loin de leurs aires natives.</p>
<p>Dans le cadre de la mondialisation, cette situation fait courir le risque d’une augmentation drastique des espèces de limnées présentes sur certains territoires, notamment européens.</p>
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<img alt="Photo de l’escargot aquatique Galba truncatula" src="https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550368/original/file-20230926-19-2sx7pe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La limnée Galba cubensis est le principal hôte de la grande douve du foie dans les Caraïbes (photographiée ici à Cuba).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antonio Alejandro Vazquez Perera</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des espèces exotiques arrivent en Europe</h2>
<p>En Europe, l’espèce de mollusque locale qui joue un rôle majeur dans la fasciolose est la petite limnée amphibie (<em>Galba truncatula</em>), une espèce bien adaptée aux milieux tempérés et froids. Mais trois espèces particulièrement dangereuses, introduites il y a peu, ont déjà été détectées sur le territoire européen.</p>
<p>La plus ancienne, <em>Pseudosuccinea columella</em>, est originaire d’Amérique du Nord. Repérée <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00436-007-0656-y">pour la première fois en 2004</a> sur les rives du Lot, elle a aussi été retrouvée <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36718346/">très récemment dans plusieurs stations sur le canal du Midi et en Corse</a>.</p>
<p>Deux autres espèces de limnées exotiques, l’une originaire d’Amérique centrale et du Sud ainsi que des Caraïbes (<em>Galba cubensis</em>), l’autre d’Asie et d’Océanie (<em>Orientogalba viridis</em>) sont aussi venues allonger la liste des mollusques européens. Toutes deux ont été échantillonnées dans la région du Delta de l’Ebre, en Espagne, depuis 2010. La limnée asiatique, en particulier, s’est très bien établie dans cette région, <a href="https://www.researchgate.net/publication/341254510_Status_of_the_populations_of_two_alien_species_of_Lymnaeidae_in_the_Ebro_Delta_NE_Iberian_Peninsula">où ont été détectées en 2020 des populations stables</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-tous-parasites-202537">Podcast : Tous parasités ?</a>
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<p>Dans leurs aires natives de répartition, ces espèces exotiques sont capables de maintenir des populations stables pendant les mois les plus chauds de l’année. Dans un contexte de changement climatique et de tendance au réchauffement des températures, ces espèces de limnées introduites en Europe pourraient commencer à s’établir pleinement et jouer un rôle dans l’épidémiologie de douves du foie.</p>
<p>Cette situation nouvelle fait courir le risque d’une transmission ininterrompue de la fasciolose dans le sud de l’Europe. Cela constitue une menace latente à prendre au sérieux.</p>
<h2>Les animaux d’élevage, des acteurs principaux dans l’épidémiologie de la fasciolose</h2>
<p>La relation entre les activités d’élevage et la circulation des douves du foie est très étroite. Les ruminants domestiques (ovins et bovins) jouent en effet le rôle de principaux hôtes définitifs du parasite, et assurent sa dissémination par leurs excréments.</p>
<p>En France, dans 80 départements, les prévalences de douves du foie dans les troupeaux de bovins dépassent les 60 %. Le Cher, les Pyrénées-Orientales et le Lot affichent même 100 % de prévalence. Au total, <a href="https://www2.sngtv.org/article-bulletin/evaluation-de-la-prevalence-de-la-fasciolose-bovine-par-serologie-lors-dun-suivi-multicentrique-realise-en-france-de-2004-a-2017/">on estime que 86 % des élevages sont touchés_</a>.</p>
<p>Le pâturage dans des zones à risque caractérisées par la présence de mollusques, comme les ruisseaux, les canaux d’irrigation ou les terrains inondables, sont des facteurs déterminants du potentiel d’expansion de ces vers. Doivent également être pris en compte les mouvements des animaux domestiques (bovins, ovins, et caprins) lors des échanges commerciaux. Enfin, la faune sauvage (sangliers, ragondins, etc.) peut aussi jouer un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/tbed.13882">rôle dans la dispersion des parasites entre des habitats non connectés entre eux</a>, à partir d’un foyer à forte prévalence lié aux activités d’élevage.</p>
<p>En pratique, une meilleure identification des mollusques peut aider à organiser le pâturage des troupeaux : en fonction de la présence des limnées sur les sites, il peut être judicieux d’interdire soit la libre circulation des bêtes dans les zones d’élevage, soit leur déplacement vers les zones d’abreuvage.</p>
<h2>Pas de vaccin ni de traitement préventif contre la fasciolose</h2>
<p>Terminons en soulignant qu’il n’existe actuellement aucun vaccin ni traitement préventif pour la fasciolose.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la Santé recommande cependant un médicament pour la prise en charge des phases aiguës et chroniques, le <a href="https://www.who.int/publications/i/item/WHO-CDS-NTD-PCT-2007.1">triclabendazole</a>. Mais celui-ci est parfois administré alors que le parasite a déjà endommagé l’organisme. </p>
<p>Dans le cas des traitement des troupeaux, même s’il existe plusieurs alternatives, le triclabendazole continue a être les plus effectif en éliminant les parasites les plus jeunes. En revanche, des cas de résistance sont de plus en plus observés.</p>
<p>Afin de contrôler cette maladie, il apparaît donc essentiel de mettre en place, sur le terrain, des actions de surveillance des limnées, ces escargots aquatiques qui servent d’intermédiaires dans la fasciolose. Et plus spécifiquement, des espèces exotiques potentiellement invasives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213800/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La douve du foie est un ver parasite qui infecte les animaux d’élevage et l’être humain, via la consommation de végétaux crus. Sa réémergence appelle à la vigilance, notamment dans le sud de l’Europe.Antonio Vazquez, Chercheur, Université de PerpignanAnnia Alba Menéndez, Chercheur contractuel, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075092023-08-15T21:10:23Z2023-08-15T21:10:23ZRéduction des émissions : du bon usage du coût de la tonne de CO₂ évitée<p>La France, <a href="https://zerotracker.net/">comme tous les pays à revenus élevés</a>, s’est engagée à ramener à zéro ses émissions nettes de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Dans tous les secteurs d’activité, de multiples options permettent de réduire ces émissions, comme nous l’ont rappelé le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/">dernier rapport du GIEC</a> ou le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2023-note_de_synthese-les_couts_abattement_en_france-mai_2023.pdf">groupe de travail de France Stratégie sur les coûts d’abattement présidé par Patrick Criqui</a>.</p>
<p>Comment choisir celles à mettre en œuvre en priorité ? Une réponse simple consiste à fixer comme critère le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée. Cela revient à utiliser un prix du carbone implicite comme juge de paix : s’il en coûte 20 €/t de CO<sub>2</sub> pour l’option A et 40 €/t de CO<sub>2</sub> pour l’option B, il faut naturellement privilégier l’option A au nom de l’efficacité économique.</p>
<p>Dans sa <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lfIaGTvErok">présentation du Conseil de planification écologique</a>, Emmanuel Macron utilise cet argument pour justifier la priorité donnée au <a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">véhicule électrique</a>, le moyen « le plus rentable à l’euro pour diminuer la tonne de CO<sub>2</sub> ». De même, le remplacement des chaudières par des <a href="https://theconversation.com/il-existe-plusieurs-types-de-geothermie-comment-marchent-ils-et-quels-sont-les-risques-153923">pompes à chaleur</a> alimentées par l’électricité est <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/couts-dabattement-partie-5-logement">souvent mis en avant comme la solution la moins chère</a> pour diminuer les émissions dans ce secteur.</p>
<p>Pourtant, si développer les <a href="https://ideas.repec.org/p/fae/wpaper/2021.07.html">voitures électriques</a> et les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/03/06/eloge-des-pompes-a-chaleur/">pompes à chaleur</a> est incontournable pour atteindre nos objectifs climatiques, s’en contenter au nom du coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée serait une erreur. Plus généralement, il faut se garder d’une application simpliste de ce critère.</p>
<h2>Une logique court-termiste</h2>
<p>Mesurer le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée de manière statique est d’abord trompeur, car de nombreux secteurs émetteurs de gaz à effet de serre sont marqués par une forte inertie.</p>
<p>Ainsi, la plupart des bâtiments et des infrastructures de transport de 2050 existent déjà aujourd’hui. Rénover l’ensemble des bâtiments non performants prendra des décennies, le rythme des <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-pourquoi-lincitation-economique-ne-suffira-pas-148941">rénovations thermiques</a> étant contraint par les capacités du secteur. De même pour l’amélioration du réseau ferroviaire.</p>
<p>Aussi, se contenter de mettre en place les actions qui présentent à court terme le coût le plus faible par tonne de CO<sub>2</sub> sans mener en même temps ces investissements indispensables à long terme, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S030142151301152X">c’est se condamner à échouer dans l’atteinte de nos objectifs climatiques</a>.</p>
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<h2>Interdépendances entre secteurs</h2>
<p>Ensuite, rappelons que les secteurs de l’économie sont interdépendants : remplacer une voiture diesel par une voiture électrique réduit les émissions du secteur des transports, mais la production de l’électricité qui alimente la voiture et la fabrication de sa batterie émettent du CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Le bilan reste largement positif, mais ces émissions doivent être prises en compte pour calculer correctement le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée, <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-les_couts_dabattement-_partie_2_transports-juin.pdf">ce qui n’est pas toujours fait</a>. Lorsque ces émissions sont prises en compte, l’approche la plus courante consiste à utiliser le contenu moyen en CO<sub>2</sub>. Par exemple, les <a href="https://www.rte-france.com/actualites/bilan-electrique-2022">476 TWh d’électricité consommée en France continentale en 2019 ont émis 22 Mt CO₂</a> (en partie en France, en partie dans les pays d’où nous avons importé de l’électricité) soit un contenu moyen de 0,046 tCO2/MWh.</p>
<p>Cette approche est juste sur le plan comptable mais elle apporte peu d’informations concernant ce qui nous intéresse ici, à savoir l’impact de l’augmentation de la consommation d’électricité due au développement des véhicules électriques.</p>
<h2>Contenu moyen et contenu marginal en CO₂</h2>
<p>Dans un réseau électrique coexistent en effet des capacités de production dont les émissions de CO<sub>2</sub> et le coût marginal (le coût de produire un kWh supplémentaire) sont faibles ou nuls (éolien, solaire, hydraulique, nucléaire) et d’autres dont les émissions et le coût sont élevés (les énergies fossiles).</p>
<p>Aussi, la consommation d’électricité <em>marginale</em> est davantage satisfaite par les énergies fossiles – quand les capacités de production sobres en carbone ne suffisent pas à satisfaire la demande d’électricité – que la consommation <em>moyenne</em>. Le contenu en CO<sub>2</sub> <em>marginal</em> de l’électricité est donc plus élevé que son contenu <em>moyen</em>, et souvent beaucoup plus : en France, pour l’année 2019, <a href="https://www.cre.fr/Documents/Deliberations/Approbation/approbation-du-rapport-de-rte-sur-le-facteur-d-emission-associe-au-marche-de-l-electricite-francais">RTE et la CRE</a> estiment cette valeur à 0,59 tCO2/MWh – plus de dix fois le contenu moyen.</p>
<p>À long terme, cependant, cette demande supplémentaire incite à augmenter les capacités de production renouvelables ou nucléaires, limitant le recours aux énergies fossiles ; aussi, le <a href="https://doi.org/10.1016/j.isci.2022.103915">contenu en CO₂ <em>marginal de long terme</em> de l’électricité est inférieur à son contenu <em>marginal de court terme</em></a>.</p>
<p>Au bout du compte, électrifier les véhicules réduit bien les émissions à long terme, ce qui est important ; mais à court terme, la baisse des émissions est plus faible que celle estimée, en négligeant les émissions dues à la production d’électricité nécessaire pour alimenter ces véhicules, ou en estimant ces émissions par le contenu moyen en CO<sub>2</sub> de l’électricité. Corollaire, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évitée est plus élevé que ce qui est généralement estimé.</p>
<p>À l’inverse, certaines mesures favorisent une baisse immédiate des émissions, comme la baisse de la vitesse limite sur autoroute.</p>
<h2>Transports, aussi un enjeu de santé</h2>
<p>Dans les transports, réduire l’utilisation des voitures à essence et diesel diminue la pollution atmosphérique, d’où un impact positif sur la santé. Pour autant, toutes les options pour réduire l’usage des voitures essence et diesel ne se valent pas : si les voitures électriques évitent les polluants dus à la combustion, elles émettent tout de même des particules fines, dues à l’usure des pneus, des freins et des routes. Vélo, marche, réduction des déplacements et transports en commun électriques font mieux de ce point de vue.</p>
<p>Les voitures électriques ne résolvent pas non plus les problèmes de congestion et d’accidents, et d’occupation excessive de l’espace urbain par l’automobile. Surtout, elles ne règlent en rien l’un des principaux problèmes de santé publique : le manque d’activité physique régulière, qui <a href="https://www.anses.fr/fr/content/manque-d%E2%80%99activit%C3%A9-physique-et-exc%C3%A8s-de-s%C3%A9dentarit%C3%A9-une-priorit%C3%A9-de-sant%C3%A9-publique">augmente l’occurrence de nombreuses maladies</a>.</p>
<p>Utiliser la marche ou le vélo dans les déplacements quotidiens constitue un moyen efficace d’atténuer ce problème. Ainsi, appliquer la trajectoire de croissance de la marche et du vélo incluse dans le scénario énergétique NégaWatt permettrait d’éviter <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">environ 10 000 décès par an en France à l’horizon 2050</a>.</p>
<h2>Logement, prioriser la rénovation énergétique</h2>
<p>En matière de logement, se contenter de remplacer le fioul ou le gaz par une pompe à chaleur (PAC) électrique <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/couts-dabattement-partie-5-logement">peut sembler la solution la moins coûteuse par tonne de CO₂</a>. C’est oublier que dans les logements très mal isolés (les « passoires thermiques »), le <a href="https://www.negawatt.org/Pompes-a-chaleur-et-renovation-performante-une-combinaison-gagnante">rendement des PAC est moins bon et que les modèles de PAC courants peuvent être insuffisants</a> pour assurer une température confortable.</p>
<p>Aussi, cette substitution ne peut suffire à régler le problème de la précarité énergétique, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/thema_essentiel_07_projet_de_loi_climat_et_resilience_evaluation_de_l_obligation_de_renovation_des_logements_indecents_du_parc_locatif_prive_juin2021.pdf">dont les conséquences sur la santé sont pourtant très importantes</a>. Elle accroîtrait de plus la consommation d’électricité en cas de vague de froid, renforçant ce qui constitue déjà la <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-04/Bilan%20previsionnel%202021.pdf">principale vulnérabilité du système électrique français</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme en train de fixer des panneaux d’isolation" src="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535481/original/file-20230704-25-jefhu6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Travaux d’isolation sur un bâtiment.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/117464758?src=TXh2A7_MPq4m44SAaSsdKA-1-9&size=huge_jpg">Travaux d’isolation sur un bâtiment</a></span>
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</figure>
<p>Une rénovation complète et performante de ces logements peut apparaître <em>a priori</em> plus coûteuse par tonne de CO<sub>2</sub>, mais si l’on prend en compte les problèmes de santé générés par la précarité énergétique et le coût du système électrique, elle fait partie de la solution optimale pour atteindre les objectifs <a href="https://www.theses.fr/s305532">d’émission de gaz à effet de serre de la France</a>.</p>
<h2>Vers une alimentation plus végétale</h2>
<p>Concernant l’agriculture et l’alimentation, une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre qui peut sembler peu coûteuse, car entraînant peu de changements pour le consommateur, consiste à remplacer la viande bovine et ovine des ruminants par celle des volailles ou des porcs.</p>
<p>Les ruminants sont en effet fortement émetteurs de méthane, puissant gaz à effet de serre, ce qui n’est pas le cas de la volaille et des porcs. Problème, volailles et porcs sont très majoritairement élevés dans des conditions déplorables en matière de bien-être animal.</p>
<p>La grande majorité de ces élevages polluent en outre l’eau et l’atmosphère, et contribuent à la résistance aux antibiotiques. Passer à une alimentation plus végétale permettrait au contraire de <a href="https://doi.org/10.1016/j.oneear.2019.10.020">gagner simultanément sur tous ces critères</a> en matière de santé humaine (réduction de la mortalité), de bien-être animal (moins d’animaux tués), et d’environnement (réduction de la pollution des eaux, des sols et de l’air, moins de menaces sur la biodiversité).</p>
<p>Pour ces raisons, cette évolution est <a href="https://reseauactionclimat.org/lettre-ouverte-des-organisations-a-elisabeth-borne-pour-une-veritable-strategie-nationale-pour-lalimentation-la-nutrition-et-le-climat/">plébiscitée par les associations</a>.</p>
<h2>Tonne de CO₂ évitée, pas toujours équitable</h2>
<p>Enfin, deux politiques peuvent aboutir au même coût mesuré en euros, mais l’une peut faire peser ce coût sur des populations plus aisées que l’autre. Par exemple, un <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/resultats-detailles-de-lenquete-mobilite-des-personnes-de-2019">cadre effectue en moyenne cinq fois plus de déplacements en avion qu’un ouvrier</a>.</p>
<p>Une taxation du transport aérien (<a href="https://reseauactionclimat.org/comment-mettre-fin-au-paradis-fiscal-dont-beneficie-le-transport-aerien/">dont la fiscalité est aujourd’hui très avantageuse</a>) peut dès lors contribuer, davantage que d’autres politiques climatiques, à limiter les inégalités.</p>
<p>Plus généralement, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> évité ne dit rien sur l’équité des différentes politiques, pourtant une dimension essentielle du développement soutenable. Vouloir introduire davantage de rationalité dans le choix des politiques climatiques est une bonne chose… à condition de ne pas se limiter à un calcul de court terme, et qui négligerait les co-bénéfices de l’action climatique.</p>
<hr>
<p><em>D’autres chercheurs s’associent à la publication de cet article : Pierre Charbonnier, Mireille Chiroleu-Assouline, Édouard Civel, Céline Guivarch, Meriem Hamdi-Cherif, Kévin Jean, Marion Leroutier, Sandrine Mathy, Dominique Méda, Christian de Perthuis, Vincent Viguié, Lucas Vivier, Adrien Vogt-Schilb.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat - France. Il s'agit d'une activité non rémunérée.</span></em></p>Pour baisser les émissions de la France, le coût de la tonne de CO₂ évitée ne doit pas être le seul critère, au risque d’être contre-productif.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2078612023-06-28T20:06:33Z2023-06-28T20:06:33ZPoulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533142/original/file-20230621-17-eg40ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C70%2C4243%2C2752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France en 2022, 21 millions de volailles ont été abattues dans les zones infectées par la grippe aviaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://get.pxhere.com/photo/chicken-rooster-bird-comb-fowl-galliformes-poultry-beak-livestock-adaptation-neck-1616035.jpg">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le virus H5N1 de grippe aviaire hautement pathogène (HPAI) a été détecté pour la <a href="https://academic.oup.com/cid/article/34/Supplement_2/S58/459477">première fois</a> à Hongkong en 1997, d’où il s’est diffusé au reste de la planète, avec une mortalité de 52 % lorsqu’il se transmet des oiseaux aux humains <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON461">(873 cas, 456 décès)</a>. </p>
<p>Depuis 2021, une souche de ce virus circule chez les oiseaux sauvages et les volailles domestiques en Europe et dans les deux Amériques, avec une forte mortalité aviaire, mais peu de cas humains (5 depuis début 2023). Les autorités internationales en charge de la santé animale et humaine sont particulièrement attentives aux mutations de ce virus, et prescrivent des mesures prophylactiques sévères pour en contrôler la diffusion.</p>
<p>En 2022, 21 millions de volailles ont été abattues en France dans les zones infectées par la grippe aviaire, notamment dans le Gers, les Landes, la Vendée, la Sarthe et la Bretagne, avec un coût estimé à 1,5 milliard d’euros en indemnisations pour l’État. </p>
<p>Les services sanitaires venus pour « dépeupler » les bâtiments au gaz carbonique ont été débordés par l’ampleur de l’épizootie de H5N1, et beaucoup d’éleveurs ont dû euthanasier leurs volailles eux-mêmes, parfois sans autre moyen que de couper la ventilation dans les bâtiments. Ces abattages sanitaires ont porté atteinte non seulement à la viabilité de la filière avicole mais <a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-alternatives-a-labattage-des-animaux-66788">aussi au moral des éleveurs et aux règles de bien-être animal</a>.</p>
<h2>De fortes disparités selon les élevages</h2>
<p>Des mesures de confinement, appelées « mises à l’abri », et des gestes d’hygiène, dits de « biosécurité », ont été imposés aux éleveurs de volailles pour les protéger du risque de transmission de la grippe aviaire par les oiseaux sauvages. </p>
<p>Comme le souligne un rapport de l’Assemblée nationale, les petits élevages en plein air ont été fortement impactés par ces mesures, dont le coût économique est plus facile à intégrer dans les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/mi-grippeaviaire">grands élevages industriels</a>. La Confédération paysanne a dénoncé ces mesures et négocié avec les autorités sanitaires leur aménagement pour les <a href="https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=956">petits élevages en plein air</a>.</p>
<p>Les rapporteurs de l’Assemblée comme les syndicats paysans soulignent que la biodiversité des élevages peut être un facteur d’immunité contre les virus émergents, qui sont atténués lorsque plusieurs espèces animales coexistent, alors que les mesures de biosécurité dans des élevages clos peuvent accentuer la vulnérabilité des volailles, fragilisées par la consommation d’antibiotiques et la standardisation génétique.</p>
<p>Dans ce contexte, les éleveurs de volailles ont demandé aux autorités sanitaires de rendre accessible la vaccination contre la grippe aviaire. La régulation européenne interdisait jusque là cette vaccination, car elle empêche de contrôler si les volailles exportées sont indemnes du virus, mais elle a levé cette interdiction par un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.L_.2023.052.01.0001.01.FRA&toc=OJ%3AL%3A2023%3A052%3ATOC">règlement du 20 février 2023</a>.</p>
<h2>Des vaccins en expérimentation</h2>
<p>En Asie, les pays qui ont une forte consommation nationale de volailles, comme la Chine et le Vietnam, vaccinent leurs élevages contre la grippe aviaire, tandis que les pays à forte exportation, comme la Thaïlande, ne le font pas. En France, 40 % de la valeur produite par le secteur avicole vient de l’exportation, alors même que la moitié de la viande de volaille consommée est importée. Seuls les oiseaux élevés dans des parcs zoologiques français sont vaccinés contre la grippe.</p>
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<p>L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a conduit des expérimentations sur la vaccination des palmipèdes à foie gras, qui portent les virus de grippe aviaire de façon asymptomatique et produisent une <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2022SA0165.pdf">forte valeur ajoutée</a>. </p>
<p>Ces expérimentations ont d’abord été menées dans des fermes du Sud-Ouest, puis dans des animaleries du laboratoire de référence à Ploufragan (Côtes-d’Armor). Les résultats ont été jugés suffisamment positifs pour que le ministère de l’Agriculture annonce une campagne de vaccination des canards d’élevage à l’automne 2023, en tenant compte <a href="https://agriculture.gouv.fr/experimentation-de-vaccination-des-canards-mulards-en-elevage-contre-un-virus-iahp">d’un délai de fabrication de 6 à 8 mois</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Transport de poulets… à bicyclette (Suzhou, Chine).,8 juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage des vaccins après les épidémies de grippe aviaire" src="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Suzhou, en Chine en juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage de la vaccination après les épidémies de grippe aviaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bicyclette_et_poulets_%28Suzhou,_Chine%29.jpg">Gérald Tapp/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>La difficulté technique de la vaccination des volailles élevées pour la viande tient à leur courte durée de vie par comparaison avec d’autres animaux d’élevage (environ 60 jours), alors qu’il faut deux doses pour que le vaccin soit efficace.</p>
<p>Les éleveurs soulignent que la première dose peut être injectée dès la naissance (comme cela se fait pour la vaccination contre la maladie de Newcastle), mais les laboratoires pharmaceutiques, d’après le rapport de l’Assemblée nationale, estiment que le coût de la vaccination tient pour 75 % à la manipulation du vaccin et au suivi post-vaccinal. </p>
<p>La vaccination ne pourra être menée en France à grande échelle du fait de la diversité des espèces aviaires élevées et des souches virales concernées. Elle est recommandée par l’Anses pour les canards à titre préventif et expérimental, et pour les volailles en cas de flambée de H5N1 HPAI comme mesure d’urgence. Dans une zone vaccinée, l’Anses recommande l’abattage du seul élevage touché par la grippe aviaire, et non des élevages situés à proximité comme pour les élevages non vaccinés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SIqX6Q7GQ9Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La grippe aviaire, nouvelle pandémie humaine ? (France24/Youtube, mars 2023).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les experts des virus de grippe aviaire soulignent en effet que la vaccination ne permettra pas aux autorités sanitaires qui la prescrivent d’éviter les autres mesures sanitaires : la surveillance des souches de virus en temps ordinaire et l’abattage des volailles en <a href="https://www.science.org/content/article/wrestling-bird-flu-europe-considers-once-taboo-vaccines">cas d’urgence</a>. Des accidents de vaccination risquent en effet de laisser passer des souches de H5N1 HPAI qui peuvent muter et s’amplifier dans la niche écologique ouverte par la destruction des autres souches.</p>
<h2>Des poulets soldats pour prévenir de la présence du virus</h2>
<p><a href="https://www.epizone-eu.net/en/home/show/faq-diva-vaccines-and-diagnostics.htm">Le système DIVA</a> (pour <em>differentiating infected from vaccinated animals</em>) est prescrit par les autorités sanitaires pour distinguer les virus introduits par la vaccination de ceux qui annoncent un nouveau foyer d’infection. </p>
<p>Ce système peut s’inspirer des mesures adoptées à Hongkong, où des volailles non vaccinées sont placées à l’entrée des fermes pour servir de sentinelles, car elles portent les anticorps des virus qui entrent dans la ferme et peuvent parfois en mourir, alors que les volailles vaccinées invisibilisent ces virus. Le terme chinois <em>shaobingji</em> signifie littéralement que ces poulets sont des soldats qui lancent l’alerte quant à <a href="https://limn.it/articles/hong-kong-as-a-sentinel-post/">présence du virus</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vaccination de volailles à Hong Kong.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F.Keck</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La vaccination offre ainsi aux éleveurs, entre l’angoisse au quotidien de trouver une volaille malade et la désolation de devoir abattre tout un « lot » en cas de crise, un espoir de renouer le <a href="https://hal.science/hal-01207044/file/C30Larrere.pdf">« contrat domestique »</a> qui les lie à leurs animaux, dont ils échangent la chair et les œufs contre du soin.</p>
<p>Les termes du débat sur la grippe aviaire – entre confinement et vaccination – semblent en effet rejouer celui qui eut lieu autour du Covid-19 trois ans auparavant, comme si les populations humaines et aviaires étaient soumises à la même « biopolitique » consistant, selon les mots de Michel Foucault, à « faire vivre et laisser mourir » les <a href="https://journals.openedition.org/lhomme/29305">populations</a>. </p>
<p>Lorsqu’ils sont vaccinés, les animaux cessent d’être perçus comme des marchandises qu’on peut envoyer à l’équarrissage en cas de défaut, pour apparaître à nouveau comme des vivants dont on prend soin parce qu’on partage certaines de leurs maladies. L’Anses recommande ainsi fortement aux éleveurs de volailles de se vacciner contre la grippe.</p>
<h2>Des éleveurs sentinelles pour identifier les oiseaux malades</h2>
<p>L’insistance des experts sur la nécessité de continuer à surveiller les oiseaux sauvages et les volailles domestiques montre aussi que la vaccination, si elle peut alléger la charge morale qui pèse sur les éleveurs, ne résout nullement les problèmes écologiques que pose un élevage industriel à forte valeur ajoutée, tourné vers l’exportation.</p>
<p>Dans un contexte de changement climatique, qui affecte aussi les <a href="https://www.nationalgeographic.fr/animaux/le-rechauffement-climatique-bouleverse-la-migration-des-oiseaux">trajectoires migratrices des oiseaux sauvages</a> et les conduit à rester plus longtemps en France, les éleveurs de volailles peuvent jouer le rôle de sentinelles en reportant les cas d’oiseaux malades trouvés dans leurs champs. </p>
<p>L’<a href="https://www.ofb.gouv.fr/ce-quil-faut-savoir-sur-linfluenza-aviaire">Office français de la biodiversité</a> et la <a href="https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/agir-pour-la-faune-en-detresse/faq-grippe-aviaire">Ligue de protection des oiseaux</a> ont ainsi souligné que le nombre d’oiseaux sauvages porteurs de la grippe aviaire avait tellement augmenté que les spécialistes de la faune sauvage ne suffiront pas à les compter.</p>
<p>On ne parle pas encore de vacciner les oiseaux sauvages contre la grippe, ce qui serait techniquement impossible et moralement douteux, car cela pousserait très loin le projet humain de domestiquer les animaux sauvages. Mais la grippe aviaire, en obligeant les autorités sanitaires à innover dans les stratégies prophylactiques jusque-là appliquées aux épizooties (abattage, vaccination et surveillance), brouille déjà la coupure entre le domestique et le sauvage, qui a séparé dans les sociétés industrialisées la gestion de l’élevage et la surveillance de la faune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du DIM One Health et de l’Institut canadien pour la recherche avancée. </span></em></p>La vaccination contre la grippe aviaire offre aux éleveurs un espoir, plutôt qu’être pris entre l’angoisse de trouver un oiseau malade et la désolation de devoir abattre tout son élevage.Frédéric Keck, Anthropologie, EHESS, CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de France, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2069472023-06-13T17:58:07Z2023-06-13T17:58:07ZQuatre pistes pour une souveraineté alimentaire respectueuse de la santé et de l’environnement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531211/original/file-20230610-19-nzijbr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Changer ses comportements alimentaires permettrait de diminuer nos importations (et améliorerait notre santé).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Gk8LG7dsHWA">Tara Clark / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La souveraineté est la capacité d’un pays à rester maître de ses choix en étant moins dépendant d’autres pays. En France, la question de notre souveraineté alimentaire est aujourd’hui très présente dans le discours des politiques et acteurs du développement agricole, à tel point que le terme a été inclus dans le nom du ministère de l’Agriculture (de son nom complet : ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire).</p>
<p>Le <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/la-souverainete-alimentaire-de-la-france-en-quatre-questions-1197142">ton est souvent alarmiste</a>, laissant penser qu’on ne produit pas suffisamment pour se nourrir, que notre alimentation dépend de plus en plus des importations, et que cette situation s’aggrave. Certains <a href="https://www.bfmtv.com/economie/economie-social/alimentation-christiane-lambert-fnsea-appelle-a-consommer-francais-pour-relancer-l-agriculture_AV-202302240329.html">syndicats agricoles</a> revendiquent même un assouplissement des réglementations afin de produire plus et réduire ces importations, tout en continuant à exporter massivement, en particulier des céréales pour « nourrir le monde ». N’y a-t-il pas là un premier paradoxe ?</p>
<p>Mais surtout, ce récit est biaisé. D’une part, il occulte le fait qu’il faudrait commencer par réduire notre consommation de certains produits, comme les <a href="https://theconversation.com/aliments-ultratransformes-de-quoi-parle-t-on-117065">aliments ultra-transformés</a> et les viandes issues de l’agriculture intensive. En outre, il ignore les productions déficitaires, comme les fruits, légumes et <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-pilier-pour-des-systemes-agroalimentaires-plus-durables-en-europe-193186">légumineuses</a> largement importés.</p>
<p>Nous considérons que la question de la souveraineté doit être traitée sous l’angle du rééquilibrage de nos choix alimentaires, pour prioriser des actions en faveur de la santé et de l’environnement. Pour cela, 4 priorités d’action pourraient permettre d’atteindre des systèmes alimentaires sains, durables et souverains.</p>
<h2>Action 1 : réduire la consommation de produits ultra-transformés et informer sur l’origine des ingrédients</h2>
<p>Les produits ultra-transformés représentent en moyenne <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/13/7433">34 % des calories consommées chez l’adulte</a> ; une proportion trop élevée que les recommandations nutritionnelles encouragent à réduire (notamment parce qu’ils accroissent le risque de <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/14/1/174">maladies chroniques</a>).</p>
<p>Ces produits sont généralement marqués par la décomposition (le cracking) de matières premières produites en masse, et dont l’origine géographique n’est généralement pas indiquée dans la liste des ingrédients.</p>
<p>L’origine géographique de la plupart des autres ingrédients est tout aussi méconnue, alors qu’ils sont probablement <a href="https://www.orfonline.org/wp-content/uploads/2023/05/T20_PolicyBrief_TF3_DiversityInAgriculture.pdf">issus en majorité</a> (et quel que soit leur degré de transformation) de <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/12/15/6280">systèmes agricoles simplifiés</a> concernant un petit nombre de productions (blé, riz, maïs, pomme de terre, soja, pois, œufs, lait et viandes). Or, certaines de ces productions intensives (comme le soja) restent liées à la déforestation ou à la destruction d’espaces naturels.</p>
<p>Les politiques publiques devraient donc d’abord exiger la certification de l’origine des produits, et mieux informer le consommateur sur l’ultra-transformation.</p>
<h2>Action 2 : réduire la consommation de produits animaux et informer sur les modes d’élevage</h2>
<p>La consommation de viande de bœuf décroît depuis quelques années, mais moins vite que sa production, ce qui entraîne une <a href="https://www.i4ce.org/consommation-viande-climat/">augmentation des importations</a>. Les importations de poulets augmentent aussi, surtout du fait d’une augmentation de la consommation depuis 4 ans. Ces tendances s’expliquent par l’accroissement de la consommation de viandes « cachées », dans des produits tels que pizzas, sandwiches, cordons bleus, nuggets… tout particulièrement pour la volaille.</p>
<p>Or, notre consommation de protéines totales excède d’au moins 30 % les recommandations. Et parmi ces protéines, nous devrions ramener la part de protéines animales <a href="https://www.inrae.fr/alimentation-sante-globale/proteines-questions">à moins de 50 % au lieu des 65 % actuels</a>. Suivre ces recommandations permettrait de diviser notre consommation de viande par au moins deux, et de réduire ainsi les importations.</p>
<p>Mais elles permettraient également de réduire une autre importation : celle du soja utilisé pour nourrir les troupeaux. Rappelons que l’accroissement important de la production de viande entre 1970 et 2003 a favorisé l’importation massive de tourteaux de soja, de 0,84 million de tonnes (Mt) en 1970 à 4,74 Mt en 2003. Depuis, les importations ont diminué à 2,90 Mt, compensées par l’utilisation des tourteaux de colza cultivé pour la production d’agrocarburant, mais associé à de nombreux traitements pesticides.</p>
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<p>Réduire notre consommation de viande permettrait également de libérer des terres. En effet, la <a href="https://theconversation.com/elevage-proteines-animales-et-proteines-vegetales-ce-quil-faut-savoir-pour-y-voir-plus-clair-194271">surface nécessaire pour produire des protéines d’origine animale</a> est 3 à 5 (porc, volaille) voire 10 (viande rouge) fois plus élevée que celle nécessaire pour produire des protéines végétales issues de légumineuses.</p>
<p>Cela permettrait enfin de réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre et de <a href="https://www.cell.com/one-earth/pdf/S2590-3322(21)00289-X.pdf">fuites d’azote dans l’environnement</a>, qui sont [5 à 10 fois plus importantes] pour les protéines animales que pour les protéines végétales.</p>
<p>Les politiques publiques devraient donc impulser une meilleure information sur les modes d’élevage et leur impact environnemental, tout en incitant à réduire notre consommation de viande. De même, la préférence devrait être donnée aux élevages à l’herbe en extensif, produisant du lait et de la viande de qualité avec un impact environnemental moindre.</p>
<h2>Action 3 : augmenter fortement la production et la consommation de fruits, légumes et légumineuses et impulser un changement d’utilisation des terres agricoles</h2>
<p>Notre consommation de produits d’origine végétale est 2 (pour les fruits et légumes), voire 5 (pour les légumineuses) fois inférieures <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/pnns4_2019-2023.pdf">aux recommandations pour la santé</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Rayon fruits et légumes d’un supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531212/original/file-20230610-17-u3j44v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manger moins de viande et de produits transformés permettrait de libérer des terres agricoles dévolues à la production des fruits, légumes et légumineuses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/ZpIskW1Tuvc">Raul Gonzalez Escobar/Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>Une part non négligeable de ces produits sont importés. Ainsi, la production de fruits et légumes en France correspond à <a href="https://www.franceagrimer.fr/fam/content/download/68531/document/BIL_FEL_Chiffres_cles_Fruits%26Legumes_2020_.pdf">400 000 ha</a>, pour des importations nettes équivalentes à 470 000 ha. De même, nous cultivons environ 70 000 ha de légumineuses pour l’alimentation humaine (principalement lentilles, haricots-grains et pois chiches), pour des importations équivalentes à 37 000 ha.</p>
<p>Outre son coût, l’importation peut mener à des problèmes sanitaires. Par exemple, les produits importés peuvent avoir <a href="https://www.pan-europe.info/blog/far-too-many-pesticides-spanish-food">plus de résidus de pesticides</a> que les mêmes produits cultivés en France. Or les recommandations incitent à consommer plus de produits bio, afin de limiter notre exposition aux pesticides.</p>
<p>Or, il serait tout à fait possible d’augmenter la production française, notamment en libérant des surfaces liées au rééquilibrage de notre consommation carnée. Par exemple, doubler la production de fruits et légumes nécessiterait seulement 700 000 ha, et quintupler la production de légumineuses ne demanderait qu’un supplément de 270 000 ha. Au final, ce changement d’allocation des terres pour une alimentation santé nécessiterait 1 million d’ha, ce qui reste inférieur aux terres arables libérables via la réduction de l’élevage (<a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/les-prairies-et-lelevage-de-ruminants-au-coeur-de-la-transition-agricole-et-alimentaire/">estimées à 4 à 6 millions d’ha</a>).</p>
<p>La reconquête d’une souveraineté alimentaire durable pour ces produits nécessite donc un soutien explicite des politiques publiques pour impulser un changement d’usages des terres agricoles.</p>
<p>Mais pour cela, le déficit de compétitivité et l’accès au foncier (notamment pour la production de fruits et légumes) devraient être, respectivement, compensés et facilités par les politiques territoriales.</p>
<h2>Action 4 : impulser un changement des modes de consommation et favoriser la consommation de saison et de proximité</h2>
<p>Enfin, les consommateurs devraient consommer davantage de produits de saison, afin de réduire les importations ou leur production sous serre en France.</p>
<p><a href="https://hal.inrae.fr/hal-03170326/document">À titre d’exemple</a>, seulement 65 % des fraises et des tomates fraîches sont achetées respectivement sur la saison de mai à août et de mai à septembre. Une grande partie des légumes (tomate, poivron, courgette, aubergine, concombre, haricot vert) consommés en France, notamment hors-saison, proviennent de la <a href="https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/la-face-cachee-de-nos-consommations">zone espagnole d’Alméria</a>.</p>
<p>Enfin, la consommation de produits exotiques, équivalent à 19 000 ha, pourrait être réduite en consommant d’autres fruits cultivables en France (kiwis, poires, pommes…) contribuant aux mêmes apports nutritionnels.</p>
<h2>Reconquérir notre souveraineté alimentaire pour une alimentation saine et durable : c’est possible</h2>
<p>En conclusion, les leviers nécessaires pour reconquérir une souveraineté alimentaire ancrée dans la durabilité doivent s’appuyer sur des changements dans notre consommation de produits animaux et nos modes d’élevage. Et non par une intensification des cultures ou par la levée de réglementations environnementales qui ne feront qu’accroître les problèmes.</p>
<p>Autrement dit, la question de la souveraineté alimentaire doit être posée en cohérence avec des enjeux de santé publique et de protection de l’environnement.</p>
<p>Il est donc crucial que les politiques publiques accompagnent prioritairement les <a href="https://theconversation.com/pour-bien-manger-manger-simple-173282">changements de régime alimentaire des consommateurs</a> vers moins de viande (et tout particulièrement issues d’élevages intensifs) et de produits ultra-transformés, et vers plus de fruits, légumes et légumineuses sans résidus de pesticides.</p>
<p>Pour cela, une vraie sensibilisation des consommateurs est nécessaire pour les aider à repenser la répartition de leur budget alimentaire sans perte de pouvoir d’achat, en faveur de produits vertueux pour sa santé et l’environnement, pour consommer moins de viande, plus local (français) et de saison.</p>
<p>En outre, une meilleure lisibilité des produits vertueux est nécessaire, par exemple via des étiquettes comme le score environnemental actuellement à l’étude (<a href="https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/consommer-autrement/passer-a-laction/reconnaitre-produit-plus-respectueux-lenvironnement/dossier/laffichage-environnemental/cas-particulier-dispositif-eco-score">Ecoscore</a>, <a href="https://www.planet-score.org/">Planet-score</a>). Cela permettrait aussi de mieux connaître l’origine des produits et ingrédients (en particulier pour les viandes, fruits et légumes, légumineuses).</p>
<p>Enfin, les pouvoirs publics peuvent-ils aussi inciter la grande distribution à changer sa communication pour mettre fin à « la guerre des prix » sur les aliments qui ont favorisé cette standardisation et ultra-transformation de nos produits agricoles ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Duru est membre du conseil scientifique du Mouvement PADV (Pour une agriculture du vivant). Il est administrateur à l'entreprise associative Solagro et membre de l'atelier d'écologie politique de Toulouse (Atecopol). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Fardet est membre des comités scientifiques de MiamNutrition, The Regenerative Society Foundation, Centre européen d'excellence ERASME Jean Monnet pour la durabilité, Projet Alimentaire Territorial Grand Clermont-PNR Livradois Forez et l'Association Alimentation Durable. Il est aussi adhérent et/ou membre des associations GREFFE, AuSI, Collectif Les Pieds dans le Plat et ANIS Etoilé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Benoît Magrini et Olivier Therond ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Sommes-nous trop dépendant des importations pour notre alimentation ? Oui… mais par choix. Cela peut changer en modifiant nos habitudes alimentaires et en allouant différemment les terres agricoles.Michel Duru, Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), InraeAnthony Fardet, Chargé de recherche, UMR 1019 - Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, InraeMarie-Benoît Magrini, Économiste, InraeOlivier Therond, Ingénieur de recherche, agronome du territoire, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028872023-05-08T18:07:01Z2023-05-08T18:07:01ZL’évolution du vol de bestiaux au XIXᵉ siècle, ou comment un crime se transforme en délit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522759/original/file-20230425-16-srqqol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=72%2C81%2C5162%2C2674&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Labourage nivernais », Rosa Bonheur, 1849.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Labourage_nivernais#/media/Fichier:Rosa_Bonheur_-_Ploughing_in_Nevers_-_Google_Art_Project.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Voler des bestiaux comme on volerait des outils ou des victuailles ? Cette réalité étonnera sans nul doute le lecteur contemporain. Si les débats juridiques actuels relatifs à la création d’une personnalité animale envisagent d’écarter les bêtes de la <a href="https://www.dalloz.fr/lien?famille=revues&dochype=RECUEIL%2FCHRON%2F2020%2F0066">catégorie des biens au regard de leur sensibilité</a>, la réalité est bien différente au XIX<sup>e</sup> siècle. À cette époque, l’utilité des animaux domestiques, et a fortiori des bestiaux dans le travail et le quotidien des individus est primordiale. Désignés au titre des propriétés par le code pénal de 1810, ces animaux peuvent bel et bien faire l’objet d’un vol.</p>
<h2>Les bestiaux, symboles de richesse économique</h2>
<p>Les animaux domestiques sont définis, dès le XIX<sup>e</sup> siècle, comme <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5774602r/f506.image.r=lichiere">« tous les animaux qui vivent, s’élèvent, sont nourris et se reproduisent sous le toit de l’homme et par ses soins »</a>. Les bestiaux représentent la catégorie d’animaux domestiques peuplant majoritairement la France au XIX<sup>e</sup> siècle. À ce propos, l’historien Damien Baldin écrit qu’à cette époque « Bœufs, vaches, moutons et cochons se multiplient, et les étables et les porcheries n’ont jamais été aussi nombreuses. »</p>
<p>Afin de comprendre précisément quels sont les animaux qui composent la catégorie des bestiaux, il nous faut nous tourner vers certains juristes du XIX<sup>e</sup> siècle tels que Joseph Carnot ou Édouard Fuzier-Herman. Le premier définit les bestiaux comme <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5813165t/f318.item.texteImage">« les animaux à quatre pattes qui servent à la nourriture de l’homme »</a> tandis que le second les rattache <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5758489p.r=r%C3%A9pertoire%20g%C3%A9n%C3%A9ral%20alphab%C3%A9tique%20du%20droit%20fran%C3%A7ais?rk=708158;0">« à la culture des terres »</a>.</p>
<p>Les bestiaux représentent non seulement une catégorie d’animaux très différents (bœufs, moutons, chevaux, etc.), mais surtout une véritable richesse économique pour <a href="https://theconversation.com/loin-de-leternel-paysan-la-figure-tres-paradoxale-de-lagriculteur-francais-169470">l’individu vivant dans la ruralité</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le XIX<sup>e</sup> siècle est une période bouleversée par des mutations économiques et sociales d’une grande ampleur. L’exode de nombreux paysans vers les villes et la prolifération de puissantes machines en sont deux exemples significatifs. Face à ces multiples transformations, le droit doit nécessairement s’adapter. Infraction inédite et grave dans une société ruralisée, ce vol est relégué au rang d’infraction anecdotique quand la société industrielle fait place à la société rurale et que les bestiaux perdent de leur valeur matérielle et symbolique.</p>
<h2>Un vol fréquent et grave dans une société rurale</h2>
<p>Le code pénal de 1810 est, <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/feuilleter.php?ID_ARTICLE=PUF_CARBA_2014_01_0459">selon l’expression de l’historien du droit Jean-Marie Carbasse</a>, un « code de fer » du fait de la grande sévérité des peines qu’il renferme. L’infraction de vol de bestiaux commise dans les champs, <a href="http://www.ledroitcriminel.fr/la_legislation_criminelle/anciens_textes/code_penal_1810/code_penal_1810_2.htm">envisagée à l’article 388 du code pénal de 1810</a>, est une belle illustration du caractère drastique des peines édictées par le Code.</p>
<p>En effet, elle n’est pas considérée comme un vol simple puni d’une courte peine d’emprisonnement et d’une peine d’amende peu importante, mais d’une sanction particulièrement grave : la réclusion. En adoptant une telle pénalité, la législateur a poursuivi deux objectifs : réprimer une infraction d’une particulière gravité au regard de l’importance de la valeur économique des bestiaux, mais aussi punir la facilité avec laquelle le voleur a pu voler un bestiau dans un champ.</p>
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<p>La société du XIX<sup>e</sup> siècle, au moins jusqu’à l’exode rural débutant au milieu du siècle, est une société paysanne dans laquelle règne une hiérarchie entre les paysans. Les classes sociales paysannes sont ainsi énumérées par l’historien Georges Duby : « les propriétaires cultivateurs, les fermiers, les métayers ou colons, les journaliers et les domestiques attachés à l’exploitation. »</p>
<p>Au sein d’une société dans laquelle une réelle inégalité règne entre les individus, les vols de bestiaux sont légion. Nos statistiques réalisées à partir des archives papier des Comptes généraux de la justice criminelle donnent à voir 1 460 vols d’animaux domestiques commis au XIX<sup>e</sup> siècle, dont la valeur économique est comprise entre 100 et 1 000 francs (cela correspond de nos jours à une somme comprise entre 200 et 2 500 euros). Or, tout bestiau représente une richesse importante dans le patrimoine de chaque paysan. L’historien Jean-Pierre Jessenne désigne la vache comme étant « l’animal du pauvre » dans la mesure où la majorité des paysans en possèdent, et ce quelle que soit leur condition sociale.</p>
<p>Par ailleurs, les bestiaux sont placés sous la foi publique, notion définie par l’historienne du droit Marie-Hélène Renaut comme une <a href="https://www.jstor.org/stable/40955943">« sauvegarde collective implicite »</a>. Cela signifie qu’ils sont exposés dans les champs sans surveillance particulière, et que le voleur peut les dérober avec une certaine facilité. Par conséquent, il s’agit de réprimer drastiquement l’atteinte à un bien d’une utilité particulière, mais également la malice du voleur.</p>
<p>À titre d’exemple, une décision de justice rendue par la Cour de cassation en 1818 sanctionne un voleur de brebis de la peine de la réclusion au motif que ces animaux <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6119632j/f1260.image.r=carbonnel">sont confiés à la foi publique</a>.</p>
<p>Il faut toutefois comprendre que la société du XIX<sup>e</sup> siècle change considérablement et rapidement. La répression du vol de bestiaux fait l’objet d’une adaptation au mouvement d’industrialisation de la société et aux conséquences engendrées par ce phénomène socio-économique de grande ampleur.</p>
<h2>Un vol rare et déconsidéré dans une société industrialisée</h2>
<p>La richesse économique des bestiaux et leur utilité dans les activités quotidiennes du paysan se justifient moins aisément qu’au début du siècle. Le droit pénal ne demeure pas insensible à cette transformation contextuelle majeure. Ainsi, le législateur intervient <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58511281/f53.image.r=388">avec une loi pénale datant de 1824</a> qui modifie l’article 388 du code pénal de 1810, et partant la nature pénale du vol de bestiaux.</p>
<p>Jusqu’alors considéré comme un crime, le vol de bestiaux est correctionnalisé, c’est-à-dire qu’il devient un simple délit puni des peines applicables à toutes les formes de vol simple. Cette correctionnalisation est encouragée par la clémence des jurés lors du prononcé de la peine, ces derniers <a href="https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/le_proces_penal/le_jugement/sanction/doucet_circ_attenuantes.htm">accordant largement des circonstances atténuantes</a> au voleur de bestiaux. Selon les mots du député Jean-Louis DOZON, prononcés devant la chambre des députés en 1824, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54742388.texteImage">« dans presque tous les cas, au moyen du système des circonstances atténuantes, il ne sera prononcé que des peines correctionnelles. »</a></p>
<p>Outre la plus grande clémence du système répressif, les vols d’animaux domestiques sont numériquement moins importants au fil du siècle. Ainsi, nos statistiques réalisées à partir des Comptes généraux de la justice criminelle montrent qu’entre l’année 1839 et l’année 1869, le nombre de vols d’animaux domestiques est passé de 295 à 100.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lagriculture-bio-garantit-elle-un-meilleur-bien-etre-des-animaux-delevage-170351">L’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?</a>
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<p>La raréfaction de cette forme de vol doit être comprise à la lumière d’un contexte socio-économique en pleine mutation : le rapport économique entre les individus et leurs bestiaux change considérablement. En effet, ces derniers se voient progressivement remplacés par des machines de plus en plus sophistiquées. L’économiste Bertrand de Jouvenel résume parfaitement cette mutation économique en écrivant que « La puissance matérielle disponible à l’homme était limitée tant qu’elle reposait sur le travail obtenu d’organismes vivants ». En somme, la machine remplace le bestiau.</p>
<p>S’ajoute à cela une transformation de la délinquance avec l’apparition de nouvelles formes de vol visant des bijoux et des billets de banque, désignées par l’historienne Michelle Perrot sous l’expression de <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1975_num_30_1_293588">« délinquance en col blanc »</a>. Face à l’industrialisation de la société, le vol de bestiaux se voit donc définitivement relégué au rang des infractions anecdotiques.</p>
<p>Si les bestiaux devaient un jour être écartés de la catégorie juridique des biens, l’avenir de l’existence même du vol de bestiaux pourrait être légitimement interrogé. Relevant aujourd’hui de l’anecdote, cette forme de vol pourrait tendre à la disparition pure et simple du paysage juridique français.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202887/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joaquim Verges ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec la révolution industrielle, le statut des « bestiaux » change en France, et il devient peu à peu moins fréquent et moins grave de les voler.Joaquim Verges, Doctorant en histoire du droit, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025742023-04-19T16:57:39Z2023-04-19T16:57:39ZAlimentation : les enjeux de l’affichage environnemental, ou ce que la morue nous enseigne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518138/original/file-20230329-20-57i54v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C11%2C1908%2C1905&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus du Nutri-score, nos aliments devraient bientôt afficher un score environnemental.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Gk8LG7dsHWA">Tara Clark/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Dans les mois à venir, les pouvoirs publics devront définir les règles d’affichage environnemental pour les industriels de l’alimentation, selon un mode inspiré du Nutri-score (5 notes de A à E et un code couleur du vert au rouge). L’enjeu est d’orienter vers plus de durabilité environnementale.</p>
<p>Devant la complexité des enjeux, les ministères en charge de l’écologie et de l’agriculture ont lancé une expérimentation permettant de proposer et tester des options méthodologiques de cet affichage. </p>
<p>Son cadre d’ensemble est néanmoins contraint d’autorité : elle doit en effet s’inscrire dans le schéma général du <em>Product Environmental Footprint</em>, fondé sur une analyse de cycle de vie censé permettre d’évaluer l’impact de tout produit vendu dans l’Union européenne.</p>
<p>Mais appliquer un cadre analytique conçu pour des objets industriels (comme un aspirateur) à un système alimentaire fondé sur le vivant peut conduire à de graves erreurs d’interprétation.</p>
<p>Nous l’illustrons ici en nous appuyant sur le cas de la pêche de la morue en Terre-Neuve, et en y appliquant par la pensée l’ACV/kg pour en évaluer la durabilité.</p>
<h2>La dramatique histoire de la morue de Terre-Neuve</h2>
<p>L’effondrement de la population de morues pêchées au large de Terre-Neuve (Canada) au début des années 1990 est largement documenté.</p>
<p>Historiquement, cette zone de pêche était parmi les plus « productives » pour la morue. De 1500 au début du XX<sup>e</sup> siècle, une pêche artisanale assurait des prises estimées entre 150 000 à 200 000 tonnes annuelles, permettant une consommation dans toute l’Europe. Les techniques de l’époque ne permettaient pas de pêcher en profondeur ou dans certaines zones éloignées des côtes, ce qui était compatible avec une durabilité écologique des ressources halieutiques.</p>
<p>La dynamique change radicalement dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle avec le développement de la motorisation et celui des radars et sonars, qui permettent d’aller plus loin et d’augmenter la précision des prises en localisant les bancs de poissons. En moins de 20 ans, les prises totales sont multipliées par 3 à 4 pour culminer à près de 800 000 tonnes en 1968.</p>
<p>Un premier signal de surpêche sera donné au tournant des années 1970, avec des prises qui s’effondrent au niveau de la pêche préindustrielle. Le Canada instaure alors des quotas et limite l’accès aux pêcheurs étrangers. Ces mesures sont temporairement efficaces et conduisent à une reprise des volumes pêchés, conduisant le Canada à investir davantage dans les équipements modernes. La taille et l’âge des poissons diminuent, mais les tonnages augmentent à nouveau.</p>
<p>L’issue est dramatique : les prises s’effondrent en quatre ans, pour devenir littéralement <em>inexistantes</em> en 1992. Deux causes écologiques se combinent : il n’y avait plus de femelles âgées, les plus prolifiques, pour assurer la reproduction ; et avec des filets qui capturaient toutes sortes de poissons, ceux dont se nourrissent les morues disparaissaient.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique ; la quantité des prises augmente doucement entre 1850 et 1955, puis augmente brutalement jusqu’à 1970 ; réaugmente un peu entre 1970 et 1992, puis tombe à zéro en 1992. Une infime reprise est visible autour des années 2000" src="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517496/original/file-20230326-16-m0qh25.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des quantités de morue pêchées au large de Terre-Neuve entre 1850 et 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Surexploitation_morue_surp%C3%AAcheEn.jpg">Lamiot/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>L’atteinte à l’écosystème a été si profonde que 30 ans après cette catastrophe écologique et socio-économique, la population reste quasi inexistante.</p>
<h2>Comprendre les enjeux de l’évaluation environnementale</h2>
<p>Revenons maintenant à notre objet : l’affichage environnemental de l’alimentation fondé sur une analyse de cycle de vie (ACV).</p>
<p>Une des premières difficultés de l’ACV est de définir ce qu’on appelle l’unité fonctionnelle, pour comparer des usages pertinents. Pour un aspirateur, cela peut être une quantité de poussière à aspirer par an. Pour la morue, on hésitera entre apporter un nombre de calories ou contribuer à une alimentation saine et équilibrée (auquel cas, et on commence à toucher du doigt une difficulté, on ne peut pas parler de la morue isolément, mais situé dans un régime alimentaire pris dans son ensemble).</p>
<p>La pratique de l’ACV pour l’alimentation a tranché ce point : on compare l’usage d’un kilo de nourriture, quelle que soit cette dernière. Ce qui revient à comparer l’impact environnemental d’un kilo de morue avec celui d’un kilo de tomate, ce qui est évidemment problématique et reconnu comme tel.</p>
<p>Cette simplification extrême de tout rapporter au kilo ne se justifie que pour des raisons de faisabilité, mais il est utile d’avoir à l’esprit ses limites.</p>
<h2>La morue terre-neuvaine au prisme d’une analyse de cycle de vie par kilo</h2>
<p>Appliquons maintenant ce raisonnement d’une ACV/kg à la morue terre-neuvaine au cours de son histoire.</p>
<p>Dans le cas d’une activité de pêche où on prélève dans un stock naturel, on n’a pas à considérer les impacts environnementaux de la « production » de morues. Le principal indicateur d’impact pour une ACV de la pêche sera donc la quantité de fuel utilisée annuellement : plus le ratio morue/kg de fuel sera élevé, meilleure sera la note ACV.</p>
<p>Avant le développement des moteurs diesel, les prises sont modestes au regard de ce qu’on prélèvera plus tard. Mais le dénominateur « fuel » étant nul, c’est sans doute la morue la plus durable que l’on puisse imaginer.</p>
<p>Une rupture s’opère au moment où la flotte s’équipe de moteurs diesel et où elle adopte des techniques de pêche plus efficaces. Cela a comme effet d’augmenter les prises à un rythme plus qu’exponentiel. Dans le même temps, les quantités de fuel consommées augmentent elles aussi, mais bien moins que les prises. On peut donc supposer que de 1960 à 1970, l’ACV/kg de morue s’est <em>améliorée</em>, pour connaître un pic d’efficacité juste avant le premier effondrement de la population.</p>
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<img alt="Le filet d’un chalutier est en train d’être rapproché du navire pour être remonté ; les poissons s’agitent par milliers dans l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518141/original/file-20230329-20-c5dqfp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un chalutier moderne permet de maximiser le rendement tonnage de poissons pêchés par tonnage de fuel consommé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Trawlers_overfishing_cod.jpg">Asc1733/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’épilogue de la période 1970-1992 ne change hélas pas la conclusion, l’équipement de la flotte canadienne en matériel plus moderne accélérant l’effondrement total.</p>
<h2>Du kilo à l’analyse écologique d’un système alimentaire</h2>
<p>Quels enseignements tirer de cette histoire et de sa lecture sous l’angle de l’ACV/kg ?</p>
<p>Les premiers sont spécifiques au secteur de la pêche, à commencer par l’inadaptation conceptuelle fondamentale d’une ACV/kg pour la gestion d’une ressource halieutique. Le détour par le kilogramme n’apporte aucune information scientifique, même s’il est clair qu’<em>in fine</em> on consomme un kilo de poisson.</p>
<p>L’indicateur pertinent devrait être le statut de la population dans un lieu de pêche, en fonction des pratiques à l’œuvre. Et la question clé : ce poisson provient-il d’un système de pêche durable ?</p>
<p>Un deuxième enseignement, lié au précédent, procède du cadrage de ce qu’on mesure. Raisonner en termes d’efficacité énergétique ou de production de gaz à effet de serre revient à sortir du champ d’analyse la destruction des fonds marins et celle d’autres espèces non valorisées. Autrement dit, à considérer qu’il est « bénéfique » de pêcher un kilo de morue de manière très efficace, même si d’autres poissons sont détruits.</p>
<p>On peut élargir les enseignements à l’agriculture et à l’élevage, qui mobilisent de l’espace et des ressources potentiellement polluantes. L’ACV/kg conduit à considérer que les systèmes agricoles ayant l’impact environnemental le plus faible sont les plus intensifs à l’hectare, car ils produisent beaucoup de kg au total.</p>
<p>Considérons le cas du poulet : celui conduit sur un mode industriel est très « efficace », car il est abattu jeune et est nourri avec des aliments très élaborés, issus de pratiques intensives. Sous le prisme de l’ACV/kg, c’est logiquement la viande préférable sur le plan environnemental. Or, s’il est pourtant une production animale dont l’essor global a un impact majeur sur les écosystèmes, c’est assurément le poulet industriel !</p>
<p>Fondamentalement, l’approche est similaire à celle appliquée à la morue : un raisonnement fondé sur l’efficacité de la production/kg, indépendamment du volume <em>total</em> produit et minorant les autres impacts de production qui rentrent mal dans le cadre de l’ACV.</p>
<p>Ainsi, quid de l’incapacité à prendre en compte l’impact des pesticides (que veut dire « utiliser peu de pesticides/kg » si on produit beaucoup de kg sur peu d’espace ?) et le fonctionnement écosystémique des paysages (que veut dire « une complexité paysagère/kg » ?). On ne regarde qu’une performance unitaire, <a href="https://theconversation.com/agriculture-alimentation-environnement-sante-a-quand-des-politiques-enfin-coherentes-184097">pas la vision d’ensemble du système alimentaire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une vague écossaise en train de fixer le photographe" src="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518145/original/file-20230329-16-cxai2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’élevage pastoral est bénéfique pour les écosystèmes… mais a une mauvaise note en ACV/kg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/keVAik-kAVU">Charlie Parker/Unsplash</a></span>
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<p>Enfin, le raisonnement en termes d’ACV/kg empêche de penser une contribution <em>positive</em> de certains systèmes agricoles : l’élevage pastoral extensif permet par exemple de conserver une biodiversité irremplaçable, <a href="https://inpn.mnhn.fr/docs/cahab/tome4_1.pdf">reconnue par la directive Habitats</a>. Pourtant, si l’on s’en tient à une ACV/kg, ce dernier est considéré comme le moins souhaitable.</p>
<h2>Dépasser l’ACV par kg et par produit</h2>
<p>Le risque de l’AVC/kg est donc double : qualifier des systèmes à fort impact environnemental, et disqualifier ceux qui contribuent positivement à la biodiversité.</p>
<p>Que ce soit pour la pêche ou l’agriculture, il faut donc établir la durabilité des modes de production, de manière spatialement définie, et évaluée globalement d’un point de vue écologique. La question fondamentale sera alors de savoir si les produits (la morue, le blé, le poulet…) issus de tels systèmes sont (ou non) produits de manière durable. On doit ainsi certifier en amont les modes de production, puis certifier sur cette base chaque kg d’aliment provenant de tel ou tel mode. Avec comme corollaire que les systèmes les plus durables seront souvent ceux qui produiront globalement moins par hectare.</p>
<p>On le voit, il y a un enjeu vital à reconsidérer les enjeux méthodologiques de l’affichage environnemental. Le risque n’est pas de donner des signaux imparfaits – c’est nécessairement le cas – mais bien d’accélérer la non-durabilité environnementale du système alimentaire dans son ensemble. </p>
<p>Des signaux nous alertent déjà sur des dysfonctionnements écologiques – pollinisateurs, vie des sols, disparition des auxiliaires de cultures –, invisibles aux ACV/kg. Pire, les systèmes les mieux évalués selon cette métrique sont ceux qui contribuent le plus à ces dysfonctionnements. Pensons à la morue que nous aurions achetée en 1968 ou 1990 sur la seule base d’une ACV/kg…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202574/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Poux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Proposer un affichage environnemental pour une consommation alimentaire plus durable paraît une idée séduisante. Cependant, la méthodologie officielle peut conduire à des contre-performances.Xavier Poux, agriculture, environnement, politiques publiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020222023-03-30T10:34:41Z2023-03-30T10:34:41ZAgrivoltaïsme : avantages et inconvénients d’installer des panneaux solaires dans les champs<p>Ces dernières années, on entend de plus en plus parler d’« agrivoltaïsme », dont l’Ademe recense <a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/photovoltaique-et-terrains-agricoles-un-enjeu-au-coeur-des-objectifs-energetiques.html">environ 200 projets en cours</a> pour la France. Un cadre réglementaire et législatif <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0443_projet-loi">a également été récemment adopté</a> pour cette filière émergente.</p>
<p>Un système agrivoltaïque correspond à l’association de panneaux solaires et d’une culture, sans induire ni dégradation importante de la production agricole ni diminution des revenus de cette production ; il s’agit aussi de soutenir l’adaptation des systèmes de culture aux changements climatiques (protection ou atténuation des aléas comme la grêle, la chaleur, la sécheresse ou encore amélioration du bien-être animal). </p>
<p>Une étude publiée dans la revue <em>Nature</em> estime que <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-019-0364-5.">si 1 % de la surface utilisée pour l’agriculture était combinée à la production photovoltaïque</a>, la totalité de la demande mondiale en électricité serait couverte. </p>
<p>Même s’il permet une productivité élevée d’énergie, l’agrivoltaïsme soulève de nombreuses interrogations, notamment celles liées au modèle agronomique des exploitations agricoles, ainsi qu’à leur modèle économique et leurs capacités foncières. C’est à ces aspects que nous allons nous intéresser. </p>
<p>Nous laisserons ainsi de côté les questions sur l’impact paysager et les perceptions des riverains vis-à-vis de ces nouvelles exploitations (notamment les perturbations visuelles engendrées et leurs potentielles conséquences sur la valeur du foncier). Perceptions qui varient en fonction des aménagements (comme la plantation de haies entourant les installations) et de la compréhension par les habitants du mix énergétique soutenable pour répondre aux besoins et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. </p>
<h2>Des effets contrastés sur la production agricole</h2>
<p>On distingue aujourd’hui trois types de systèmes agrivoltaïques. </p>
<p>Des structures composées de rangées de panneaux solaires à proximité du sol, avec des espaces cultivables entre les rangées pour accueillir le matériel agricole. Des structures photovoltaïques proches du sol, associées à de l’élevage ou de l’aquaculture (avec des panneaux flottants). Des structures surélevées permettant l’accès aux engins agricoles sous les centrales photovoltaïques – il s’agit de la configuration la plus onéreuse, mais aussi la plus adéquate pour limiter l’impact sur la production agricole.</p>
<p>L’installation de systèmes agrivoltaïques influe sur les radiations solaires, la température et l’humidité du sol situé sous les panneaux. La diminution du rayonnement reçu semble être le facteur majeur impactant les performances des cultures agricoles, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00714-y">étant en moyenne 30 % inférieur sous les centrales agrivoltaïques</a>. </p>
<p>Le rendement de certaines cultures (céréales) a tendance à diminuer tandis que d’autres (légumineuses, framboises) ont un meilleur potentiel de rendement grâce à ces conditions ombragées. </p>
<p>De manière générale, on peut dire que les cultures annuelles héliophiles (céréales en tête) implantées sous installation agrivoltaïque <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030626192030249X">présentent des rendements altérés</a>, mais une croissance favorisée en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00714-y">période de forte chaleur</a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une figure montrant les impacts de l’agrivoltaïsme sur les zones agricoles" src="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516694/original/file-20230321-16-851mt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma présentant les impacts de l’agrivoltaïsme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julie Pilloy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Sur quelles parcelles agricoles s’installer ?</h2>
<p>Face à l’augmentation de la fréquence des aléas climatiques induisant des stress thermiques et hydriques, l’agrivoltaïsme pourrait être positif pour une meilleure <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fmVuLf5N9QU&t=73s">résistance ou résilience des cultures</a>. </p>
<p>La densité et le pourcentage de recouvrement au sol (c’est-à-dire le pourcentage de sol couvert) des panneaux solaires sont à définir en fonction des potentielles pertes de rendement pour des années sans aléas climatiques (sans conditions stressantes pour les plantes ; par exemple, sans grêle ni sécheresse) afin de gérer ce risque. </p>
<p>Les sols fertiles, avec des potentiels de rendement élevés (comme les sols profonds riches en limon des plateaux et vallées du nord-ouest de l’Europe), ne seraient pas les plus appropriés pour l’installation de centrales photovoltaïques, puisqu’elles pourraient induire une baisse de production de cultures nécessitant un besoin important de lumière. L’enjeu est donc à la fois d’identifier les meilleures associations cultures-panneaux photovoltaïques et de définir les systèmes de culture et les territoires (au regard de leurs sols et de leur climat) les plus appropriés pour l’agrivoltaïsme.</p>
<p>Pour les zones d’élevage en prairie, l’implantation de panneaux solaires surélevés s’avère intéressante, <a href="https://www.mdpi.com/2077-0472/12/5/619">notamment en période estivale</a>. En effet, les installations ne semblent pas impacter la production d’herbe et participent au bien-être des animaux en réduisant le stress thermique (les animaux bénéficiant de zones d’ombrage).</p>
<h2>Quels impacts sur la biodiversité ?</h2>
<p>La mise en place de centrales agrivoltaïques peut modifier les propriétés du sol à l’échelle de la parcelle agricole, et donc la biodiversité locale à court et long terme (mais pas nécessairement négativement). La réalisation d’études d’impact environnemental semble donc nécessaire pour assurer un équilibre entre conservation de la biodiversité et extension des centrales agrivoltaïques.</p>
<p>L’artificialisation des sols par les installations productrices d’énergie renouvelable est également un enjeu important. </p>
<p>Actuellement, la <a href="https://www.google.com/search?q=article+194+de+la+loi+n%C2%B02021-1104+du+22+ao%C3%BBt+2021&oq=article+194+de+la+loi+n%C2%B02021-1104+du+22+ao%C3%BBt+2021&aqs=chrome..69i57.5576j0j1&sourceid=chrome&ie=UTF-8">législation française</a> considère que les exploitations agricoles concernées par une installation agrivoltaïque ne sont pas comptabilisées « dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les modalités de cette installation n’affectent pas durablement les fonctions écologiques du sol ». </p>
<p>Ceci peut s’expliquer par des techniques d’installations et de démantèlement spécifiques qui ne modifieraient pas de manière irréversible la vocation initiale du terrain et les fonctions du sol.</p>
<h2>Freins et leviers à l’échelle de l’exploitation agricole</h2>
<p>L’agrivoltaïsme constitue une forme de diversification d’activités pour les agriculteurs qui peut s’avérer soutenable, notamment pour les systèmes de production pour lesquels l’ombrage additionnel des panneaux est bénéfique ; on pense par exemple aux systèmes maraîchers ou composés de prairies permanentes. </p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/284130981_The_Potential_of_Agrivoltaic_Systems">Une étude économique des systèmes agrivoltaïques</a> a ainsi montré que la valeur de l’électricité produite par l’énergie solaire, couplée à la production de cultures tolérantes à l’ombre, génère une augmentation de plus de 30 % par rapport aux exploitations agricoles conventionnelles. </p>
<p>Comparé aux cultures dédiées à la production de biocarburants (colza, betteraves), il s’avère plus productif (<a href="https://aip.scitation.org/doi/abs/10.1063/1.4931428">x 10</a> en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0958166908000165">termes d’énergie produite par hectare)</a> et impactant dans la réduction des émissions de GES, les cultures bioénergétiques requérant des apports en fertilisants chimiques de synthèse (100 à 200 unités d’azote par hectare) et plusieurs étapes de transformation.</p>
<p>La mise en place de l’agrivoltaïsme peut d’autre part constituer un levier dans la réduction indirecte des émissions de gaz à effet de serre (GES), en équilibrant la consommation d’énergie fossile, par autoconsommation d’électricité et une réduction des émissions GES par quantité d’énergie produite sur une exploitation. L’agrivoltaïsme constituerait en outre une opportunité pour les exploitations, davantage consommatrices d’énergie électrique <a href="https://theconversation.com/cereales-elevage-ou-energie-les-terres-agricoles-attisent-les-appetits-198749">et émettrices de GES</a>.</p>
<h2>Des risques de spéculation</h2>
<p>L’agrivoltaïsme réglementé, conciliant la production agricole et la production d’électricité et sécurisant le bail rural entre le propriétaire et l’agriculteur, permettrait de réduire le risque de développement de centrales photovoltaïques consommatrices de surface agricole. </p>
<p>Cependant, le loyer versé par les énergéticiens en contrepartie d’installations solaires peut être dix fois plus élevé que ce que peut rapporter la location des terres à un exploitant (le fermage). Cette attractivité peut inciter une spéculation et <a href="https://www.reussir.fr/lagrivoltaisme-nest-pas-un-mal-necessaire-cest-une-opportunite-pour-les-agriculteurs-selon-antoine">engendrer une augmentation de la valeur des terres et/ou de l’exploitation agricole</a>. La réduction de ce risque, récemment encadré par la loi AER, passe par la définition d’un mode organisationnel entre l’investisseur, le propriétaire et l’agriculteur.</p>
<h2>Quel avenir pour l’agrivoltaïsme ?</h2>
<p>Si l’agrivoltaïsme suscite un certain engouement, il est nécessaire de rappeler que la priorité du photovoltaïsme reste la valorisation des friches et les zones d’activités économiques dont les sols ont largement été artificialisés.</p>
<p>L’agrivoltaïsme peut trouver sa place dans les territoires ruraux au regard de la filière des biocarburants (éthanol de blé et de betterave, diester de colza), consommateurs de surfaces agricoles (plus d’un million d’hectares en France), d’énergie et davantage émetteurs de GES, répondant à d’autres usages, comme l’alimentation des moteurs thermiques des engins lourds (pour la construction, certains travaux agricoles, le transport, etc.) difficilement remplaçables par des moteurs électriques. </p>
<p>La filière agrivoltaïque doit ainsi se structurer en s’assurant du maintien de la vocation première de l’agriculture (produire des aliments) ; pour cela, elle peut notamment s’appuyer sur le label « Projet agrivoltaïque » créé par l’<a href="https://certification.afnor.org/energie/label-agrivoltaique-positif">Afnor</a>, le guide pour l’agrivoltaïsme appliqué à l’élevage des ruminants par l’<a href="https://idele.fr/detail-article/guide-pratique-lagrivoltaisme-applique-a-lelevage-des-ruminants">Idele</a>, et le développement de travaux de recherche réalisés avec une diversité d’acteurs (énergéticiens, conseillers, agriculteurs et habitants).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202022/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel-Pierre Faucon est membre du conseil d'administration du pôle de compétitivité Bioeconomy For Change. Il a reçu des financements de la Région des Hauts de France, de l'Europe (FEDER) et de AGCO SAS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc LEGRAS a reçu des financements de la Région Normandie. Il est membre du conseil scientifique de la SFR Normandie Végétal</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Romain Gloaguen a reçu des financements de la Région des Hauts-de-France, de l'Europe (FEADER) et de l'ADEME. </span></em></p>L’Ademe a recensé en 2021 pour la France environ 200 projets qui associent panneaux solaires et productions agricoles.Michel-Pierre Faucon, Enseignant-chercheur en écologie végétale et agroécologie - Directeur à la recherche UniLaSalle Beauvais, UniLaSalleMarc Legras, Directeur des Formations - UniLaSalle, UniLaSalleRomain Gloaguen, Enseignant-Chercheur en Agronomie, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987492023-02-23T11:38:42Z2023-02-23T11:38:42ZCéréales, élevage ou énergie ? Les terres agricoles attisent les appétits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511233/original/file-20230220-22-5c73zx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Troupeau de jeunes vaches limousines dans une prairie permanente du Nord de la Lozère. </span> <span class="attribution"><span class="source">Marc Benoit </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La place de l’élevage dans notre société est aujourd’hui largement débattue. Au-delà de la <a href="https://theconversation.com/parlons-nous-trop-du-bien-etre-animal-180166">question désormais centrale du bien-être animal</a>, deux arguments très forts reviennent également dans le débat. </p>
<p>Tout d’abord, les émissions de gaz à effet de serre, en <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-comment-expliquer-la-forte-hausse-des-concentrations-de-methane-dans-latmosphere-70793">particulier le méthane</a>, majoritairement issu de la digestion des fourrages par les ruminants. Ensuite, la compétition de l’élevage pour la culture et l’utilisation de céréales, que les humains pourraient consommer directement et de façon beaucoup plus efficace. Rappelons que, pour une même quantité, les céréales nourrissent <a href="https://productions-animales.org/article/view/2355">jusqu’à 10 fois plus de personnes que la viande</a>. </p>
<p>Depuis début 2022, l’impact de la guerre en Ukraine sur le coût de l’énergie entraîne également de fortes tensions sur le secteur de l’agriculture, relançant l’intérêt des surfaces agricoles pour la production d’énergie. </p>
<p>L’élevage pourrait bien <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308521X22002219">être le grand perdant de cette concurrence</a>.</p>
<h2>Un fort impact du prix de l’énergie</h2>
<p>Les activités d’élevage des pays les plus développés sur le plan économique font appel à grandes quantités d’énergie. Ainsi, pour 1 mégajoule d’énergie consommée, l’élevage produit entre 0,5 et 1 mégajoule sous forme de lait ou de viande, alors que les grandes cultures (céréales, oléoprotéagineux) en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0308521X22002219">produisent plus de six</a>. </p>
<p>Cela signifie que, ramenée à l’énergie produite sous forme de diverses denrées agricoles, une augmentation du prix de l’énergie a une incidence six à dix fois plus grande, en moyenne, sur les produits issus de l’élevage, par rapport aux produits issus des grandes cultures. Cette forte répercussion du prix de l’énergie peut ainsi rendre ces produits difficilement accessibles au consommateur. Le constat peut d’ailleurs déjà être fait d’un fort recul des achats des produits d’origine animale de la <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-kantar-inflation-juin-2022">part des ménages modestes</a> du fait de la très forte inflation.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511234/original/file-20230220-20-rb44de.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=362&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’écopaturage, mis en œuvre le plus souvent avec les ovins, est la pratique retenue pour entretenir les champs de panneaux photovoltaïques positionnés au sol, comme ici dans le Gers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc Benoît</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Pourquoi l’activité d’élevage nécessite-t-elle autant d’énergie ?</h2>
<p>Au niveau des fermes d’élevage – en 2020, on en comptait <a href="https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/Pri2213/Primeur%202022-13_RA2020_%20VersionD%C3%A9finitive.pdf">150 000</a> spécialisées dans cette activité sur les 416 000 exploitations agricoles françaises –, on peut considérer qu’en moyenne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0308521X22002219">75 % de la consommation d’énergie</a> sont liés à l’alimentation des animaux. Cela comprend la mise en culture et l’utilisation des céréales et des prairies (labour, semis, récolte, transport, stockage, distribution), ainsi que la fertilisation des terres, qui repose en grande partie sur de l’azote de synthèse, très énergivore durant sa fabrication (il faut par exemple <a href="http://www.itab.asso.fr/downloads/cts/jtpole06bilanse.pdf">1,8 équivalent litre de fuel pour 1 kg d’azote</a>). </p>
<p>On le comprend aisément, limiter l’impact de l’augmentation du coût de l’énergie sur le prix des produits issus de l’élevage passe donc avant tout par des changements drastiques dans la manière d’alimenter les animaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<p>L’augmentation très forte du prix des produits issus de l’élevage, combinée à la chute du pouvoir d’achat des ménages, pourrait conduire à une baisse importante de cette activité agricole. Une compensation du revenu des éleveurs par l’État parait difficilement envisageable, compte tenu du niveau déjà très élevé du soutien actuel. La part des aides publiques représente <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/INRAE%202021-La%20r%C3%A9orientation%20des%20aides%20dans%20le%20cadre%20de%20la%20future%20PAC%20post-2023.pdf">87 % du revenu des éleveurs de vaches laitières et 195 % du revenu des éleveurs de vaches allaitantes</a>… </p>
<p>Par ailleurs, les éleveurs ne pourront pas augmenter les prix de vente de leurs produits à la hauteur des surcoûts qu’ils subissent. Ils devront donc soit changer de production s’ils disposent de surfaces labourables, pour produire des cultures destinées à la consommation humaine ou à des fins énergétiques ; soit alimenter leurs animaux avec des ressources alternatives peu soumises à la concurrence d’autres usages.</p>
<h2>Quel avenir pour l’élevage ?</h2>
<p>Nous voyons ainsi se dessiner deux situations pour l’avenir de l’élevage. </p>
<p>Dans la première, il utilisera des ressources alimentaires disponibles dans les fermes de grandes cultures ou de cultures pérennes (arboriculture, viticultures) : coproduits divers et au sens large, c’est-à-dire non seulement ceux issus de la transformation des cultures (son, tourteaux, etc.), mais aussi toute la biomasse disponible et non valorisée, comme les cultures intermédiaires de fourrage visant à capter l’azote atmosphérique et à limiter la diffusion des maladies et des ravageurs sur les cultures suivantes ; ou encore, l’herbe poussant entre les rangs en cultures pérennes (et les fruits au sol, vecteurs de maladies). </p>
<p>L’élevage permettrait dans une telle configuration de limiter l’utilisation du matériel (pour la destruction de ces couverts végétaux), des herbicides, voire des fongicides (avec moins de maladies végétales). </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511235/original/file-20230220-22-6mjwg4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Troupeau de brebis romanes sur le site expérimental de l’Inrae sur le plateau du Larzac. La présence des ovins permet de valoriser les territoires à faible potentiel fourrager, mais à risque d’enfrichement et d’incendies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marc Benoît</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La seconde situation concerne les zones historiquement dédiées à l’élevage, avec de fortes contraintes agronomiques. Il s’agit surtout de surfaces non labourables, par exemple les prairies naturelles des zones d’altitude du Massif central ou les landes et parcours de l’arrière-pays méditerranéen. Dans ces zones, l’élevage permet de maintenir des milieux ouverts, une diversité et une mosaïque paysagères favorables à la biodiversité, contribuant notamment à limiter les risques d’incendie.</p>
<h2>Une nouvelle cartographie</h2>
<p>Limiter les activités d’élevage à ces deux grands types de situations et de stratégie d’alimentation reviendrait à baisser fortement sa part dans la production agricole française et européenne, accompagnant une évolution importante de nos régimes alimentaires (une consommation moindre de produits d’origine animale).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-carte-de-la-france-agricole-168029">Comprendre la carte de la France agricole</a>
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<p>L’impact d’une telle évolution serait majeur sur l’activité actuelle de certains territoires. Un impact très négatif en termes d’activité économique et d’emploi dans les territoires affichant une très forte densité animale (on pense à la Bretagne). Un impact positif dans les territoires où cette activité a quasiment disparu depuis des décennies, comme dans les zones céréalières de la Beauce, de la Champagne ou du Berry. </p>
<p>Dans ces zones, sa réintroduction pourrait générer de nouvelles activités économiques, avec les services nécessaires à l’élevage et à la mise en marché des produits (abattoirs, unité des conditionnements, etc.). Par ailleurs, cette redistribution de l’élevage sur l’ensemble des territoires accroîtrait leur autonomie alimentaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la France montrant les différentes activités agricoles" src="https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512291/original/file-20230226-4598-7jtilj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la France présentant les spécialisations agricoles par communes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://stats.agriculture.gouv.fr/cartostat/#c=indicator&i=otex_2020_1.otefdd20&t=A02&view=map11">Agreste (2020)</a></span>
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<h2>Une transition illusoire ?</h2>
<p>Le changement d’usage des surfaces de cultures actuellement utilisées par l’élevage est potentiellement très important ; pour rappel, ces surfaces représentent environ 500 millions d’hectares à l’échelle de la planète, à rapprocher des 26,7 millions d’hectares de surfaces agricoles françaises, prairies comprises. </p>
<p>Cependant, ces surfaces « libérées » pourraient avoir d’autres usages et être rapidement dédiées à la production de biocarburants. On pense notamment aux perspectives du secteur aéronautique qui vise la neutralité carbone à l’échéance 2050, en s’appuyant majoritairement sur les <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Feuille%20de%20route%20fran%C3%A7aise%20pour%20le%20d%C3%A9ploiement%20des%20biocarburants%20a%C3%A9ronautiques%20durables.pdf">biocarburants</a>. </p>
<p>Face aux tensions importantes entre les différents secteurs économiques et à long terme sur le secteur énergétique, il est ainsi peu probable que l’utilisation des terres à des fins de production alimentaire soit compétitive, en particulier pour les activités d’élevage.</p>
<h2>Rémunérer les services rendus à la collectivité</h2>
<p>Face à la concurrence très probable de l’usage des terres dans les décennies à venir, associée à la difficulté d’accès aux produits d’origine animale pour une part croissante des consommateurs, les politiques publiques auront un rôle majeur à jouer : à la fois pour arbitrer l’usage des terres agricoles et renforcer la compétitivité de l’élevage, en particulier celui qui représente la seule activité agricole possible dans les zones difficiles où il fournit de multiples services, comme en <a href="https://productions-animales.org/article/view/2265">Provence ou dans le Marais poitevin</a>.</p>
<p>Il s’agirait donc moins d’accompagner les activités d’élevage grâce à des compensations de coûts de production, que par une reconnaissance et une rémunération de services rendus à la collectivité, comme l’entretien et l’ouverture des paysages, le maintien de la biodiversité et d’activités socio-économiques (tourisme) ou encore la prévention des incendies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Benoit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face aux tensions entre les différents secteurs économiques et au coût de l’énergie, l’utilisation des terres arables pour l’élevage va subir une concurrence de plus en plus intense.Marc Benoit, Ingénieur de recherches, agroéconomiste, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964542022-12-16T14:40:15Z2022-12-16T14:40:15ZLa race d’un chien influence sa personnalité – mais son propriétaire aussi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500476/original/file-20221212-111107-hulkq8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C27%2C6134%2C4435&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un bouvier bernois est assis sur un porche d'entrée de Toronto, le 6 juillet 2019. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Graeme Roy</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des milliers d’années d’amitié entre les humains et les chiens, nous avons réussi à créer environ 350 races différentes. Nous avons compté sur les terriers pour la chasse, les chiens-bergers pour s’occuper des troupeaux et sur toutes les races pour nous tenir compagnie. Mais dans quelle mesure la personnalité des chiens est-elle définie par leur race ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/votre-chien-peut-comprendre-ce-que-vous-dites-jusqua-un-certain-point-175111">Votre chien peut comprendre ce que vous dites – jusqu'à un certain point</a>
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<p>Dans un <a href="https://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(22)01379-4?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS0092867422013794%3Fshowall%3Dtrue">article récent</a>, des chercheurs américains analysent les codes génétiques de plus de 4 000 chiens et interrogent 46 000 propriétaires d’animaux. Ils y relèvent de nombreux gènes associés à des comportements typiques de certaines races, comme la tendance des terriers à attraper et à tuer des proies.</p>
<p>Leurs conclusions indiquent que le type de race détermine en effet de nombreux aspects de la personnalité d’un chien.</p>
<p>Cependant, les propriétaires jouent également un rôle important dans le caractère de l’animal, qu’il soit du type joueur, tolérant envers les autres, en quête d’attention ou enclin à aboyer. Examinons de plus près comment élever un bon citoyen canin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Lévrier endormi couché sur le sol" src="https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499910/original/file-20221209-24715-uu5no9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le lévrier anglais fait partie de la grande famille des lévriers, des chiens qui ont une vue perçante et qui sont extrêmement rapides.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Derek Story/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Ce que nous dit la recherche</h2>
<p>Les races de chiens nous permettent de découvrir beaucoup d’informations sur la reproduction sélective, et certains comportements observés dans des groupes de races – comme conduire des troupeaux et rapporter des proies – sont difficiles à expliquer. L’article américain cité plus haut nous donne des indices sur la manière dont certains de ces comportements ont pu apparaître.</p>
<p>Les chercheurs ont analysé des échantillons d’ADN provenant de plus de 200 races de chiens. Sur la base de ces données, ils sont parvenus à établir dix grandes lignées génétiques, dont les terriers, les bergers, les rapporteurs, les lévriers (chiens qui chassent à vue), les chiens qui chassent à l’odorat et les chiens d’arrêt/épagneuls.</p>
<p>Chaque lignée correspond à une catégorie utilisée pour des tâches précises, telles que la chasse au flair plutôt qu’à la vue ou la conduite du troupeau plutôt que la protection du bétail.</p>
<p>Cela signifie que des races qui ne sont pas très proches, mais qui ont été élevées dans le même but, peuvent avoir des séries de gènes en commun. Cela avait été jusqu’ici très difficile à démontrer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="jack russel qui creuse un trou" src="https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499913/original/file-20221209-25553-ffnxf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les terriers Jack Russell possèdent un très fort instinct de chasseur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>L’article mentionne par exemple que les races de chiens de troupeaux, comme le kelpie et le border collie, sont caractérisées par une forte « peur non sociale », c’est-à-dire une peur des stimuli environnementaux tels que les bruits forts, le vent ou les véhicules. Les terriers, comme le Jack Russel, se distinguent par un fort instinct de prédation. Et les chiens d’odorat, comme le beagle, par une faible aptitude au dressage.</p>
<p>Ces caractéristiques correspondent à ce pour quoi ces chiens ont été créés : les chiens de troupeaux pour leur grande sensibilité à l’environnement, les terriers pour leur capacité à poursuivre et à tuer des proies, et les chiens comme les beagles pour leur capacité à se concentrer sur les informations non visuelles (odeurs).</p>
<p>Les chercheurs se sont intéressés de plus près aux chiens de troupeau, en raison de leur comportement facilement identifiable et généralement inné de gardien.</p>
<p>Il est intéressant de noter qu’un gène commun aux chiens-bergers, appelé EPHA5, a également été associé à des comportements de type anxieux chez d’autres mammifères, ainsi qu’au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH), chez les humains. Selon l’équipe de chercheurs, cela pourrait expliquer la grande énergie de ces chiens et leur tendance à l’hyperfocalisation sur des tâches.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lAjc502ALOM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Chiens qui conduisent des canards lors d’une foire dans le Tennessee, aux États-Unis.</span></figcaption>
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<h2>Ce que doivent savoir les propriétaires de chiens</h2>
<p>Les scientifiques admettent depuis un certain temps que le comportement d’un chien dépend, à des degrés divers, de sa race. Mais il ne faut pas négliger le fait que son éducation façonne également sa personnalité.</p>
<p>Une autre <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abk0639">étude génétique</a> publiée plus tôt cette année a révélé que si la lignée d’un chien est un facteur d’influence du comportement, ce n’est probablement pas le plus important.</p>
<p>Ceux qui l’ont réalisée soulignent que le comportement canin est influencé par de nombreux gènes qui existaient chez les chiens avant le développement des races et qui sont présents chez toutes les races. Ils affirment que les races modernes se distinguent principalement par leur apparence et que leur comportement est probablement davantage influencé par des facteurs environnementaux, tels que l’éducation et le dressage, que par la génétique.</p>
<p>Qu’est-ce que cela signifie pour un propriétaire de chien ? Eh bien, si le comportement est influencé par la race, reste qu’il y a beaucoup de choses que l’on peut faire pour avoir un bon compagnon.</p>
<p>Ce travail est particulièrement important au cours des deux premières années de vie. D’abord, une socialisation précoce est importante. Un chiot doit être exposé à tous les stimuli que l’on souhaite qu’il accepte en grandissant, comme des enfants, des véhicules, d’autres animaux, des rues pleines de piétons, le sport, les voyages et le toilettage.</p>
<p>L’on doit ensuite continuer à dresser et à guider son chien à mesure qu’il grandit pour qu’il se comporte de manière à assurer sa sécurité et celle des autres. Tout comme les enfants et les adolescents humains ont besoin d’être orientés pour arriver à prendre de bonnes décisions et à s’entendre avec les gens, les chiens ont besoin de soutien pour passer de l’adolescence à l’âge adulte (vers deux ans environ).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="chiot dans les fleurs" src="https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499914/original/file-20221209-19531-846vn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">C’est dans sa première ou ses deux premières années qu’on peut dresser un chien pour en faire un bon compagnon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hendo Wang/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Si la race n’est pas l’unique indicateur du comportement d’un chien en particulier, il est certainement judicieux de prêter attention à ce pour quoi une race a été élevée à l’origine. La nouvelle étude confirme ce point de vue. Les comportements qui ont permis aux chiens de faire le travail pour lequel les humains les ont sélectionnés sont probablement encore forts au sein d’une race.</p>
<p>Cela signifie, par exemple, que si vous possédez des poules ou de petits animaux de compagnie comme des lapins, vous devriez y penser à deux fois avant d’adopter un terrier, et prévoir ce que vous ferez si le terrier veut chasser vos animaux.</p>
<p>Si vous vivez en ville ou dans un immeuble d’habitation où il se passe toujours beaucoup de choses, cela risque de ne pas être agréable pour un chien-berger. Et si vous voulez un chien très obéissant, les chiens d’odorat ne sont probablement pas un bon choix.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="chien assis avec des poules" src="https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499920/original/file-20221209-24867-k8glwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le choix d’un chien qui s’adaptera à votre style de vie est une affaire de probabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Le choix d’un chien qui s’adaptera à votre style de vie est une affaire de probabilité. Il est tout à fait possible de trouver un chien d’odorat très obéissant et facile à dresser, ou un terrier qui peut vivre en paix avec des rats de compagnie…</p>
<p>Toutefois, s’il y a un comportement précis que vous attendez d’un chien, mettez toutes les chances de votre côté en vous procurant une race connue pour ce style de comportement. Puis consacrez beaucoup de temps et d’efforts à sa socialisation et à son dressage.</p>
<p>Les chiens sont avant tout ce que nous en faisons, et ils nous rendent au centuple les efforts que nous déployons pour forger leur comportement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196454/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Melissa Starling est propriétaire de Creature Teacher, une entreprise de conseil en comportement animal.</span></em></p>La race des chiens détermine de nombreux aspects de leur personnalité. Mais les propriétaires jouent également un rôle important dans le caractère de l’animal.Melissa Starling, Postdoctoral researcher, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1942712022-11-27T16:00:57Z2022-11-27T16:00:57ZÉlevage, protéines animales et protéines végétales : ce qu’il faut savoir pour y voir plus clair<p>À l’urgence climatique, à l’injonction de ne pas dépasser les limites planétaires – perturbation du cycle de l’azote, érosion de la biodiversité – et aux crises sanitaires, s’ajoute maintenant le débat sur la sécurité alimentaire du fait de la crise en Ukraine. L’élevage et la consommation de produits animaux jouent un <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/full_html/2021/01/cagri200229/cagri200229.html">rôle clef dans ces crises interdépendantes</a>.</p>
<p>Or, dans les champs scientifiques, médiatiques ou politiques, les visions portées et les solutions promues sont souvent focalisées sur un enjeu et s’appuient donc sur un nombre limité de critères. Ce réductionnisme soutient des <a href="https://theconversation.com/agriculture-alimentation-environnement-sante-a-quand-des-politiques-enfin-coherentes-184097">politiques publiques en silo</a> qui ne s’attaquent pas aux racines des problèmes voire ne font que les déplacer.</p>
<p>Il crée aussi de <a href="https://www.ipes-food.org/_img/upload/files/ProteinesResumeFR.pdf">la confusion chez les consommateurs</a> en polarisant l’attention soit sur les impacts négatifs de l’élevage et de la consommation de protéines animales, soit au contraire sur les services qu’ils rendent.</p>
<p>Pour être à même de hiérarchiser les enjeux et d’avoir un point de vue critique argumenté sur les politiques et les informations qui circulent, penchons-nous sur trois questions : que sait-on des atouts et limites des protéines animales et des protéines végétales ? Quel est le niveau de compétition entre l’alimentation des animaux et la nôtre ? Pour une même production animale, les différentes façons de produire se valent-elles ?</p>
<h2>Des produits animaux plus impactants</h2>
<p>Il est clairement établi que les produits animaux ont un impact sur les ressources (<a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aaq0216">énergie</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S030691921100090X">surface</a>, <a href="https://hess.copernicus.org/articles/15/1577/2011/">eau</a>) et sur l’environnement (<a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aaq0216">émissions de gaz à effet de serre</a>, pollutions azotées) bien supérieur à celui des produits végétaux, céréales et surtout légumineuses.</p>
<p>Les ruminants (bovins, ovins) affectent par ailleurs jusqu’à cinq fois plus l’environnement que les monogastriques (porcs, volailles). La viande issue de troupeaux laitiers, tout comme le fromage, ont cependant moins d’impacts que ceux provenant d’élevages spécialisés en bovin viande.</p>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02274482/document">Environ 50 % de l’azote</a> apporté en agriculture est perdu dans l’eau et dans l’air. Ces pertes qui contribuent à l’érosion de la biodiversité, à l’eutrophisation des eaux et aux émissions d’ammoniac sont nocives pour notre santé et sont 10 fois plus importantes pour les productions animales en comparaison des cultures.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496525/original/file-20221121-16-o0cydb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Comparaisons relatives de la consommation de ressources (surface, énergie et eau) et d’impacts sur l’environnement (émissions de gaz à effet de serre, pertes d’azote) pour les principales sources de protéines ; valeurs (m², mégajoule, litres d’eau, g d’azote et kg de CO₂) pour 100g de protéines dans le cas de la viande bœuf issue de troupeaux spécialisés pour la viande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S030691921100090X">Auteurs à partir de données des études citées ci-dessus</a></span>
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<h2>Les enjeux en matière de santé</h2>
<p>En matière de santé, notre consommation moyenne de protéines excède les recommandations d’environ 30 % et les besoins de 50 %. Un régime <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(18)31788-4/fulltext">plus végétalisé</a> est meilleur pour la santé, et jusqu’à <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/9/12/1333">50 % de protéines végétales</a> dans notre assiette, les apports en acides aminés sont équilibrés. À partir de 70 %, l’équilibre entre acides aminés n’est pas satisfaisant, mais <a href="https://www.mdpi.com/2072-6643/11/11/2661">cela peut être corrigé</a> en associant des légumineuses à des céréales à l’échelle du repas.</p>
<p>Un régime alimentaire plus végétalisé que la moyenne est donc plus bénéfique pour la santé et l’environnement. En France, il a été montré que le 1/5<sup>e</sup> de la population française <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0959652621007757">qui suit les recommandations alimentaires pour les protéines animales</a> (0,55g par kg de poids corporel par jour) émet 2 fois moins de gaz à effet de serre et nécessite 2 fois moins de surface agricole que le 1/5<sup>e</sup> qui en consomme le double.</p>
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<p>Ces données scientifiques permettent de définir un ordre de grandeur pour la baisse de la consommation de produits carnés <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969722047106">qui serait de l’ordre de 50 %</a> pour respecter les limites planétaires notamment pour le climat et l’azote.</p>
<p>Ignorant ces données scientifiques, les débats sur la place des protéines animales et végétales, ainsi que sur le niveau de consommation de viande sont <a href="https://www.ipes-food.org/_img/upload/files/ProteinesResumeFR.pdf">souvent mal posés</a>. Il est cependant nécessaire d’identifier quel type de viande affecte le plus la sécurité alimentaire.</p>
<h2>Compétition entre notre alimentation et celle des animaux</h2>
<p>Le fait que les ruminants affectent jusqu’à 5 fois plus l’environnement que les monogastriques a amené un collectif de scientifiques reconnus à préconiser de bien plus réduire la consommation de viande de bœuf (14 g au lieu de 100g/j) que celle de volaille (<a href="https://eatforum.org/lancet-commission/eatinghealthyandsustainable/">29 au lieu de 35g/j</a>). Mais <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-021-00425-3">ces recommandations ne tiennent pas compte</a> de la compétition entre notre alimentation et celle des animaux pour l’utilisation des produits végétaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=111&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494421/original/file-20221109-20-5l2mml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Prairies et terres arables utilisées par l’élevage entrant en compétition avec l’alimentation humaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les prairies permanentes, qu’il convient de préserver pour leur intérêt environnemental, et les co-produits agricoles, tels que les pulpes de betteraves, n’entrent pas en concurrence avec notre alimentation. Les ruminants (bovins et ovins) utilisent cependant presque autant de terres arables que les monogastriques (porcs et volailles) : céréales (blé, maïs) et oléoprotéagineux (tourteaux de soja, colza et tournesol), soit près de 50 % de la surface agricole utile, sans compter les prairies temporaires et surtout le soja importé !</p>
<p>La compétition entre notre alimentation et celle des animaux est donc proportionnellement plus forte pour les monogastriques que pour les bovins, en particulier les élevages allaitants. En conséquence, il est suggéré de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.14321">réduire davantage la consommation de porcs et de volailles</a> que celle de viande de ruminants et de lait.</p>
<h2>Récupérer de la surface pour les cultures utiles à notre santé</h2>
<p>Ces arbitrages sont cependant à faire au cas par cas, dans les territoires, en fonction de leurs spécificités (comme la présence de prairies permanentes) et en considérant la possibilité de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-020-00620-9">réintroduire des prairies temporaires</a> à base de légumineuses, qui ont de nombreux atouts agronomiques.</p>
<p>Sur ces bases, <a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/les-prairies-et-lelevage-de-ruminants-au-coeur-de-la-transition-agricole-et-alimentaire/">fonder l’alimentation des ruminants</a> sur l’utilisation des prairies et réduire les monogastriques libérerait une partie des 11 millions d’ha de céréales et d’oléoprotéagineux, tout en permettant de produire de quoi consommer <a href="https://afterres2050.solagro.org/decouvrir/scenario/">94 g de viande par jour</a>.</p>
<p>Ces terres pourraient par exemple accueillir les légumineuses dont il faut augmenter les surfaces de 200 000 ha pour en manger comme préconisé 10 kg/an (contre 1,7 kg/an actuellement), ainsi que les <a href="https://afterres2050.solagro.org/2022/04/la-face-cachee-de-nos-consommations-quelles-surfaces-agricoles-et-forestieres-importees/">fruits et légumes dont le solde net est de -470 000 ha</a> alors même que nous n’en consommons pas assez !</p>
<h2>Les services rendus par l’élevage</h2>
<p>Considérer les niveaux de compétition entre alimentation animale et humaine est insuffisant pour définir quels types de systèmes d’élevage réduire et garder. Outre les impacts, tenons aussi compte des services rendus à la société : la séquestration de carbone dans les sols, le contrôle de l’érosion, la fourniture de produits riches en vitamines et en Oméga3 à fonction anti-inflammatoire ou encore la conservation de la biodiversité.</p>
<p>La comparaison de 4 filières de production de poulets <a href="https://agribalyse.ademe.fr/">révèle ainsi que les effets sont plus faibles</a> pour le mode de production conventionnel en comparaison de la <a href="https://bleu-blanc-coeur.org/a-propos/nos-cahiers-des-ressources/">filière Bleu Blanc Cœur</a>, mais aussi des labels rouge et bio ! La prise en compte de la <a href="https://agronomie.asso.fr/fileadmin/user_upload/revue_aes/aes_vol11_n1_juin_2021/pdf/aes_vol11_n1_11_duru_therond.pdf">fourniture de services</a> et du bien-être animal inverse en revanche le classement ! La hiérarchie entre modes d’élevage est similaire pour le porc.</p>
<p>Pour la production laitière, un système d’élevage à l’herbe (le plus souvent bio) présente de loin les plus faibles impacts environnementaux et rend des services plus importants à la société. Ces élevages, meilleurs pour notre santé et le bien-être des animaux, exigent toutefois plus d’espace. Consommer bien moins de produits animaux fait <a href="https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/le-revers-de-l-assiette">plus que compenser ce besoin supplémentaire en surfaces</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494972/original/file-20221113-22-jqgera.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classement de quatre types de production de poulets et de trois de lait à partir de l’agrégation de 4 critères pour les impacts exprimés par kg de produit (changement climatique, eutrophisation, écotoxicité et besoin en terre) et pour la fourniture de services à la société (valeur nutritionnelle, séquestration du carbone, bouclage des cycles biogéochimiques) ; valeurs = 100 ou A pour le système ayant les impacts et les services les plus élevés et 0 ou C pour les plus bas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs avec données d’Agribalyse et Bleu Blanc Coeur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les façons de produire pourraient encore être améliorées, par exemple, en utilisant les déjections animales pour <a href="https://solagro.org/travaux-et-productions/references/methalae-comment-la-methanisation-peut-etre-un-levier-pour-lagroecologie">produire du méthane</a> tout en restituant une partie des matières organiques, en pâturant friches et <a href="https://hal.inrae.fr/hal-03196032">inter-rangs de cultures pérennes enherbées</a>, ou en développant <a href="https://www.inrae.fr/actualites/agroforesterie-arbres-agriculture-durable">l’agroforesterie</a> pour l’ombrage et le fourrage.</p>
<p>Les formes d’élevage ayant le meilleur score favorisent les synergies entre plantes (légumineuses, arbres…) et animaux, tout en promouvant la biodiversité dans les sols.</p>
<h2>Pour un élevage « multifonctionnel »</h2>
<p>Adapter la consommation de protéines animales à nos besoins et renforcer la place des légumineuses, baser l’alimentation des ruminants sur les prairies et celui de monogastriques sur les co-produits, et favoriser les conduites d’élevage qui maximisent les services… Ces différents niveaux d’analyse aident à identifier les transformations prioritaires pour une alimentation saine et durable dans un environnement protégé.</p>
<p>Il s’agit donc :</p>
<p>D’une part de ne pas polariser le débat sur les modes d’élevage sans avoir resitué la question de l’élevage et des protéines animales <a href="https://www.cahiersagricultures.fr/articles/cagri/abs/2020/01/cagri200149/cagri200149.html">dans un contexte plus large, prenant en compte les enjeux de santé et d’environnement</a> ;</p>
<p>D’autre part d’éviter de s’orienter vers de « fausses bonnes solutions » en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-021-00737-5">ne considérant qu’un nombre limité de critères</a> conditionnés par les centres d’intérêt, notamment pour comparer différentes formes d’élevages ;</p>
<p>De considérer ensuite des spécificités régionales (ex. existence ou non de prairies) pour trouver des solutions pertinentes localement ;</p>
<p>D’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la <a href="https://www.inrae.fr/actualites/quelle-politique-agricole-commune-demain-3">nécessité de politiques plus ambitieuses que la PAC</a> pour produire « moins mais mieux », d’autant plus que le projet européen <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S259033222100289X">« Farm to Fork »</a> jugé par certains acteurs trop contraignant, ne permet déjà pas d’atteindre les objectifs qu’il se fixe.</p>
<p>Et enfin de sensibiliser les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2021.1933842">think tank</a> et d’informer les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14693062.2022.2104792">citoyens</a> qui en Europe sont encore loin de mobiliser ces acquis scientifiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Duru est administrateur à Solagro, membre des conseils scientifiques de PADV (Pour une agriculture du vivant) et de Ecocert en Cuisine. Il est aussi à l’ATECOPOL (Atelier d’écologie politique de Toulouse). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Therond ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour construire des politiques publiques efficaces, il apparaît urgent d’appréhender ces problématiques dans leur globalité, et non au prisme d’un unique enjeu ou de quelques critères.Michel Duru, Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), InraeOlivier Therond, Ingénieur de recherche, agronome du territoire, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1947992022-11-17T17:25:53Z2022-11-17T17:25:53ZAntibiotiques : « l’antibiorésistance est une pandémie silencieuse »<p><em>Depuis leur découverte au début du XX<sup>e</sup> siècle, les antibiotiques ont transformé la médecine, humaine comme animale, en permettant de faire reculer de nombreuses maladies bactériennes. Mais leur utilisation s’est accompagnée de l’émergence de souches résistantes qui menacent leur efficacité.</em></p>
<p><em>Pour freiner le grave risque que représente l’antibiorésistance pour la santé publique mondiale, certains pays ont pris des mesures drastiques, notamment en ce qui concerne les pratiques d’élevage. D’autres, au contraire, tardent à agir.</em></p>
<p><em>Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) font le point sur la situation et nous expliquent pourquoi il est si difficile de prendre des mesures à la hauteur de la menace.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Pourquoi utilise-t-on des antibiotiques en élevage ?</strong></p>
<p><strong>Jean-Yves Madec :</strong> On donne des antibiotiques aux animaux pour les mêmes raisons qu’on en donne aux êtres humains : pour soigner leurs maladies bactériennes.</p>
<p>Parmi les maladies d’importance en élevage, citons les infections de la mamelle chez les bovins. Une vache développe une mammite quasiment chaque année. Il est aussi très fréquent que les jeunes animaux soient victimes de diarrhées au moment où ils passent d’une alimentation lactée à une alimentation diversifiée. Ces périodes de transition alimentaires sont très problématiques, les animaux subissent des infections et doivent être traités par des antibiotiques.</p>
<p>Au-delà des grandes maladies d’élevage, l’emploi d’antibiotiques en médecine vétérinaire concerne également les animaux de compagnie, qui vont être traités pour certaines pathologies, suite à des chirurgies, ou parce qu’ils développent des maladies dues à la vieillesse, puisque contrairement aux animaux d’élevage, qui sont abattus bien avant leur durée de vie maximale, chiens et chats sont menés jusqu’au bout de leur vie.</p>
<p><strong>TC : Mais dans certains pays, les antibiotiques sont également utilisés comme « promoteurs de croissance ». Pourquoi ?</strong></p>
<p><strong>JYM :</strong> Dans de nombreux pays, les antibiotiques sont en effet administrés alors que l’animal n’est pas malade. Il s’agit d’une sorte de béquille destinée à soutenir un élevage déficient, notamment en raison de mauvaises pratiques d’hygiène.</p>
<p>Il se trouve que lorsqu’on donne un antibiotique à des poulets qui vivent dans des conditions d’élevage dégradé, il va avoir un effet assainissant. La question de savoir si l’antibiotique à un réel effet sur la croissance reste très débattu, il n’y a pas vraiment de preuve scientifique pour l’instant. Mais il est certain qu’il va aider les animaux à survivre malgré de mauvaises conditions d’élevage.</p>
<p><strong>TC : Cet usage déviant est particulièrement problématique, car la grande majorité des molécules antibiotiques utilisées chez l’être humain et chez l’animal sont les mêmes…</strong></p>
<p><strong>JYM :</strong> Oui. On estime généralement qu’environ 80 % des antibiotiques sont communs aux médecines vétérinaire et humaine. Parmi ces antibiotiques communs figurent cependant des antibiotiques à large spectre d’intérêt pour l’être humain.</p>
<p>Les 20 % restant comprennent des antibiotiques restreints à l’usage humain dont on préserve ainsi l’efficacité à l’hôpital, comme les carbapénèmes, de puissants antibiotiques à large spectre, ou des antibiotiques qui ne sont plus utilisés en médecine humaine parce que l’on a trouvé mieux, mais qui continuent à être utilisé en médecine vétérinaire.</p>
<p><strong>TC : Le risque est donc que des bactéries résistantes émergent chez l’animal et se transmettent à l’être humain ?</strong></p>
<p><strong>JYM :</strong> Oui. Quelques cas ont été documentés. Au début des années 2000, par exemple, on a constaté aux Pays-Bas et au Danemark que des souches de staphylocoques dorés résistants aux antibiotiques, isolées à l’hôpital, provenaient en fait d’élevages de porc.</p>
<p>Des exemples de salmonelles à l’origine d’infections alimentaires et résistantes aux antibiotiques provenant elles-aussi d’élevages ont également été documentés. Le nombre de cas connus est cependant limité, probablement parce que l’on n’arrive pas à tous les retracer.</p>
<p>C’est d’ailleurs un problème : de nombreux pays, dont les États-Unis, qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance, demandent pour changer leurs pratiques à ce que l’on prouve que la diminution de l’emploi des antibiotiques en médecine vétérinaire peut faire baisser les antibiorésistances à l’hôpital. Or ce lien n’est pas évident à établir. Il n’a pas été mis en évidence en France, par exemple.</p>
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<p>Dans notre pays, l’exposition des animaux aux antibiotiques d’importance critique pour l’humain a été diminuée de 90 % au cours des dernières années. Or si l’on a vu une forte diminution des résistances à ces antibiotiques chez les animaux, cela ne s’est pas traduit par une diminution des résistances à l’hôpital. Toutefois, cela ne signifie pas que l’impact soit nul. Cela indique surtout que de nombreux facteurs sont à l’origine de l’émergence de résistances.</p>
<p>Ces quelques exemples connus démontrent cependant que lorsqu’on utilise des antibiotiques, on sélectionne forcément des résistances. Pour agir, il n’est pas nécessaire d’attendre d’avoir des preuves absolues et définitives pour chaque antibiotique…</p>
<p><strong>TC : La possibilité que des résistances émergent dans les élevages et se propagent est d’autant plus préoccupante que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) considère l’antibiorésistance comme une menace majeure pour la santé publique.</strong></p>
<p><strong>JYM :</strong> Oui. Selon un rapport britannique repris par l’OMS, à l’horizon 2050, l’antibiorésistance sera à l’origine de 10 millions de morts par an dans le monde, soit cinq fois plus qu’à l’heure actuelle. Il s’agit véritablement <a href="https://theconversation.com/resistance-aux-antibiotiques-comment-lutter-contre-la-pandemie-silencieuse-168008">d’une pandémie silencieuse</a>, qui aura des conséquences qui s’étendront bien au-delà du traitement des maladies infectieuses. Faire de la chirurgie pourrait devenir plus difficile, par exemple, puisque le risque de complications postopératoires suite à des infections pourrait augmenter.</p>
<p>Le problème est que développer de nouveaux antibiotiques est une tâche difficile, très onéreuse, de longue haleine, pour laquelle le retour sur investissement potentiel est très long. Mieux vaut donc préserver ceux dont on dispose.</p>
<p>Dans cette optique, l’OMS a reclassé les antibiotiques en trois catégories (<a href="https://www.who.int/southeastasia/news/opinion-editorials/detail/access-watch-reserve-how-a-key-policy-tool-can-accelerate-the-fight-against-antimicrobial-resistance"><em>access</em>, <em>watched</em> et <em>reserved</em></a>). Cette dernière catégorie concerne des antibiotiques qui ne devraient être utilisés qu’en médecine humaine.</p>
<p>Mais selon les pays et les continents, les usages des antibiotiques sont plus ou moins régulés. Si la réglementation européenne est très claire sur ce qu’il faut utiliser comme antibiotique, dans quelle indication, certains pays, comme le Brésil, cadrent moins les usages. On peut ainsi parfois trouver des antibiotiques de dernière génération dans l’alimentation des poulets…</p>
<p><strong>TC : Les scientifiques ont tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps déjà pour alerter sur les conséquences de l’antibiorésistance. Comment expliquer que les décideurs politiques semblent tarder à réagir ?</strong></p>
<p><strong>Florent Parmentier :</strong> On peut effectivement se demander pourquoi une catastrophe sanitaire de cette ampleur ne figure pas sur l’agenda politique. Pour répondre à cette question, il faut comprendre comment un sujet, quel qu’il soit, devient un objet de préoccupation pour les responsables des politiques publiques.</p>
<p>L’analyse des dites politiques publiques nous apprend qu’une première étape importante est le processus de « mise en visibilité ». Clairement, dans le cas de l’antibiorésistance, il est difficile à mettre en œuvre, car il s’agit d’un phénomène qui se développe à bas bruit. Certes, la menace est déjà là, mais elle ne deviendra visible qu’à mesure que l’arsenal d’antibiotiques efficaces diminuera… Or, pour que la mise en visibilité fonctionne, il faut qu’un certain nombre d’acteurs prennent conscience des enjeux.</p>
<p>Les littératures de l’imaginaire (les <a href="https://www.futuribles.com/fr/article/la-fiction-speculative-par-virginie-tournay/">« fictions spéculatives » selon la politologue Virginie Tournay</a>) nous disent à quel point nous sous-estimons cette menace : si une vaste littérature a pour sujet le risque que représente pour l’humanité l’émergence d’un virus très pathogène, l’antibiorésistance n’apparaît guère que dans un seul ouvrage, <a href="https://tcrouzet.com/resistants/">Résistants</a>, de Thierry Crouzet…</p>
<p><strong>TC : Un autre problème est que les enjeux liés à l’antibiorésistance sont également géopolitiques…</strong></p>
<p><strong>FP :</strong> Effectivement. L’antibiorésistance est un enjeu de politique intérieure essentiel, qui pèse sur notre contrat social, autrement dit notre capacité à faire face à des risques collectifs, ou à des risques individuels de manière collective. Mais c’est aussi un enjeu de positionnement des puissances les unes par rapport aux autres.</p>
<p>La pandémie de Covid a rappelé que les questions de santé et la géopolitique sont fortement liées : disponibilité des masques, des vaccins, voire des substances qui entrent dans leur composition. Un vaccin, ce sont 200 substances qui sont agrégées. En fonction de qui les détient, la géopolitique joue un rôle.</p>
<p>Les questions géopolitiques influent aussi sur la lutte contre l’antibiorésistance. Il faut rappeler par exemple rappeler que la mauvaise utilisation des antibiotiques dans les élevages a commencé dans les pays industrialisés. Difficile aujourd’hui de reprocher aux pays du Sud de les employer de la même façon, alors qu’ils cherchent à augmenter leur production de viande pour faire face aux demandes de leurs populations.</p>
<p><strong>JYM :</strong> Le problème est que l’usage d’antibiotiques dans un pays peut entraîner des résistances dans un autre, si des animaux porteurs de bactéries résistantes sont ensuite exportés. C’est arrivé en Suède, par exemple. Dans ce pays, il n’existait pas de résistance aux antibiotiques de la famille des céphalosporines, critiques pour la santé humaine. Jusqu’au jour où les autorités en ont détecté dans 20 à 40 % des poulets élevés dans le pays. La raison : une importation de poussins depuis l’Angleterre, qui avait une pratique d’administration de ce type d’antibiotiques…</p>
<p><strong>TC : Quelles sont selon vous les mesures à mettre en œuvre pour limiter les risques, et parvenir à la « mise en visibilité » mentionnée précédemment ?</strong></p>
<p><strong>JYM :</strong> Il existe deux leviers principaux. Le premier est évidemment d’utiliser moins d’antibiotiques. De façon intéressante, la diminution drastique de l’usage de certains antibiotiques en France n’a pas été associée à une augmentation de la mortalité dans les élevages, ce qui signifie que beaucoup de ces usages étaient probablement superflus.</p>
<p>Le second levier est de travailler sur des alternatives non médicamenteuses. De gros progrès ont été faits sur la zootechnie, la biosécurité : éviter que les microbes n’entrent dans les élevages, construire des circuits isolés, propres, sains…</p>
<p>Dans les pays à faibles revenus, où le fardeau de l’antibiorésistance est très fort, comme en Asie du Sud-Est, en Inde ou en Chine, on n’arrivera pas à résoudre le problème si l’on ne traite pas en même temps les questions liées à l’élevage lui-même. Autrement dit, on ne pourra pas demander aux éleveurs d’arrêter les antibiotiques sans résoudre les problèmes de conduite d’élevage. Au contraire, c’est une fois que les pratiques d’élevages auront été transformées que l’utilisation d’antibiotiques diminuera.</p>
<p>Au plan politique, nous sommes à la croisée des chemins : le constat est qu’il faudrait définir les antibiotiques comme un bien commun, et à ce titre mettre en place une stratégie pour les préserver. Celle-ci ne devrait toutefois pas être centrée uniquement sur les besoins médicaux.</p>
<p>Il faudrait avoir une discussion intersectorielle sur la base du constat que l’antibiotique est important pour tout le monde : non seulement pour soigner les gens, mais aussi pour leur donner une sécurité alimentaire, ou encore maintenir le tissu industriel du médicament vétérinaire et ainsi s’assurer que ces médicaments continueront à être produits.</p>
<p><strong>FP :</strong> Si l’on veut faire de l’antibiotique un bien public mondial, le corollaire est qu’il faut établir une coalition internationale sur le sujet. Dans ce contexte, l’Union européenne peut devenir une puissance normative, selon le concept popularisé en France par <a href="https://www.cairn.info/la-norme-sans-la-force--9782724610888-page-63.htm">Zaki Laïdi</a>. Il faudrait pour cela que les dirigeants européens se mettent d’accord, comme ils ont pu le faire en matière climatique, dans les années 1990 : à cette époque, ils ont été capables de mettre à l’agenda mondial les problématiques de changement climatique, alors même que les États-Unis n’étaient pas mobilisés.</p>
<p>L’Europe a tout récemment fait figurer dans son règlement vétérinaire l’interdiction d’importer des denrées alimentaires issues d’animaux <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/LSU/?uri=CELEX:32019R0006">provenant de pays qui utilisent encore les antibiotiques comme facteurs de croissance</a>. En imposant des normes de ce type à son marché intérieur, et à ceux qui veulent y accéder, l’Europe peut encore peser.</p>
<p>Cependant, son poids dans la richesse mondiale tend à diminuer relativement au niveau mondial, ce qui veut dire que sa capacité à influer baisse également. Il faut donc qu’elle trouve d’autres acteurs avec lesquels travailler, particulièrement dans son voisinage.</p>
<p>Considérer les antibiotiques comme un bien commun signifie aussi de mettre en place des financements conséquents pour soutenir la recherche et inciter les industriels à s’intéresser à ce domaine, dont les retours sur investissement sont de long terme.</p>
<p><strong>JYM :</strong> Pour conclure, un point intéressant à souligner est que les consommateurs ont aussi un rôle important à jouer. Aux États-Unis, ce sont eux qui ont le plus fait bouger les choses. En souhaitant changer leur alimentation, ils ont fait pression sur les fast-foods, les industriels, qui ont modifié leurs comportements avant que ne se fasse sentir une quelconque pression politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194799/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Utilisés en médecine humaine, les antibiotiques sont aussi administrés aux animaux d’élevage. Avec parfois des mésusages favorisant l’émergence de bactéries résistantes transmissibles à l’être humain.Jean-Yves Madec, Directeur Scientifique Antibiorésistance de l'ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Florent Parmentier, Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1879532022-09-12T22:47:04Z2022-09-12T22:47:04ZBien-être animal… parlons plutôt du bien-être des animaux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/480923/original/file-20220824-2207-wneb24.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=143%2C44%2C5802%2C3862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les poules élevées en cage représentaient en 2020 36 % de la production française, contre 47 % en 2019, selon l’Interprofession des oeufs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/battery-cage-layer-chickens-multilevel-production-1207973161">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les conditions de production des animaux élevés pour la consommation alimentaire des humains constituent un important <a href="https://theconversation.com/elevage-intensif-entre-militants-animalistes-et-industriels-qui-croire-172227">sujet de controverse dans la société</a>. Certains demandent l’arrêt de tout élevage quand d’autres revendiquent la satisfaction d’aspirations alimentaires qu’ils jugent légitimes.</p>
<p>Ce débat porte principalement sur l’éthique animale, l’économie et l’impact environnemental des productions, trois des préoccupations multiples et parfois antagonistes qu’il s’agit de concilier.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/parlons-nous-trop-du-bien-etre-animal-180166">Le concept de « bien-être »</a> est au cœur des évolutions actuelles : prise en compte du bien-être des animaux, depuis les programmes de sélection génétique et la conception de leurs milieux de vie jusqu’aux conditions de leur mise à mort ; prise en compte du bien-être des éleveurs qui doivent retirer un juste revenu et une satisfaction personnelle de leur travail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lagriculture-bio-garantit-elle-un-meilleur-bien-etre-des-animaux-delevage-170351">L’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?</a>
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<p>Il peut sembler anachronique que l’idée même de bien-être appliquée aux animaux d’élevage soit l’objet d’autant de controverses, alors que les bases en sont établies depuis plus de 50 ans, et revisitées récemment à la lumière des connaissances les plus récentes sur les <a href="https://theconversation.com/les-animaux-ces-etres-doues-de-sentience-82777">capacités psychiques des animaux</a>. Toutes les données scientifiques convergent sur la reconnaissance d’une vie psychique chez les animaux d’élevage, sujets d’une vie et en relation consciente à leur monde.</p>
<p>De ce fait, le bien-être n’est <a href="https://theconversation.com/leffrayant-bien-etre-de-la-chose-animale-69538">pas un concept théorique désincarné</a> (« le bien-être animal »), mais doit être appréhendé comme une réalité vécue par des êtres vivants sensibles et conscients dans leur relation à leur milieu de vie (« le bien-être des animaux »).</p>
<h2>Le rapport Brambell, document pionnier</h2>
<p>Dès 1964, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/146642406408400637">l’ouvrage de Ruth Harrison</a> dénonce les conditions d’élevage intensif des animaux utilisés à des fins de production.</p>
<p>Pour répondre à ces critiques, le gouvernement britannique met alors en place un premier comité, le comité Brambell, du nom de son président. Il a pour mission de faire des recommandations et de proposer des normes minimales de bien-être qui satisfassent les besoins fondamentaux des animaux dans les conditions de l’élevage intensif.</p>
<p>En 1965, <a href="http://docplayer.net/1260087-Technical-committee-to-enquire-into-the-welfare-of-animals-kept-under.html">il produit un rapport</a> considéré comme fondateur des réflexions et des démarches relatives au bien-être des animaux en élevage en Europe.</p>
<p>La première contribution de ce rapport est une définition bien souvent oubliée (chapitre 4, paragraphe 25) :</p>
<blockquote>
<p>« Le bien-être [welfare] est un terme large qui embrasse à la fois la condition physique et mentale [well-being] de l’animal. Toute tentative d’évaluation du bien-être doit en conséquence prendre en considération les connaissances scientifiques touchant au ressenti des animaux que l’on peut déduire de leur structure et de leur fonctionnement ainsi que de leur comportement. »</p>
</blockquote>
<p>Cette définition faisait déjà référence à l’existence d’états mentaux chez les animaux, point de controverse récurrent entre les parties prenantes. On peut aussi noter qu’elle concerne l’animal en tant qu’individu sensible et conscient. Le rapport analyse également les différents facteurs de risque d’atteinte au bien-être des animaux, de façon générique et par espèce. Il fait ensuite de nombreuses propositions concrètes pour améliorer le bien-être des animaux en élevage.</p>
<h2>La règle des « cinq libertés »</h2>
<p>À la suite de ces recommandations, le gouvernement britannique instaure un second comité d’experts, cette fois-ci permanent, chargé de proposer plus avant des solutions <a href="https://www.gov.uk/government/publications/fawc-report-on-farm-animal-welfare-in-great-britain-past-present-and-future">pour améliorer le bien-être des animaux en élevage</a>.</p>
<p>À la fin des années 1970, ce comité met en avant cinq grands principes (les « cinq libertés »), qui ne définissent pas le bien-être mais déclinent les points d’attention pour assurer aux animaux un bien-être satisfaisant :</p>
<ul>
<li><p>absence de faim, de soif et de malnutrition, </p></li>
<li><p>absence d’inconfort et de douleur, </p></li>
<li><p>absence de lésions et de maladies, </p></li>
<li><p>absence de peur et de détresse, </p></li>
<li><p>liberté d’exprimer un comportement normal de l’espèce.</p></li>
</ul>
<h2>Contribution française à la définition</h2>
<p>Dès 2012, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf">a intégré le bien-être des animaux</a> dans le champ des compétences du comité d’experts spécialisé « santé animale », renommé en 2015 « santé et bien-être des animaux ».</p>
<p>Elle a publié en 2018 un avis de prise de position sur le thème « Bien-être animal : contexte, définition et évaluation », qui intègre les connaissances les plus récentes, en s’appuyant notamment sur deux rapports d’expertise scientifique collective de l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) sur les <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/eca1cfd56e7ebab5c9f7089673179aa4.pdf">douleurs animales</a> et la <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/esco-conscience-animale-resume-francais-8-pages.doc.pdf">conscience des animaux</a>.</p>
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<p>Selon l’avis de l’Anses (2018), « le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. ». Cette définition renforce l’importance de la dimension mentale du ressenti de l’animal considéré dans son environnement.</p>
<p>Ainsi, une bonne santé et un niveau de production satisfaisant ne suffisent pas. Il faut se soucier de ce que l’animal ressent : ses perceptions subjectives déplaisantes (peur, stress, douleur et souffrance) mais aussi ses émotions positives (satisfaction, plaisir…).</p>
<p>Cette définition est essentiellement une réaffirmation, à la lumière des progrès scientifiques dans la connaissance des émotions et des états mentaux des animaux, de la définition proposée 53 ans plus tôt par le Comité Brambell.</p>
<h2>Validation internationale</h2>
<p>Depuis 2001, à la demande de ses États membres, l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) s’est positionnée comme contributeur mondial unique de la réflexion sur le bien-être animal.</p>
<p>L’OIE <a href="http://www.oie.int/fr/normes-internationales/code-terrestre/acces-en-ligne/">définit le bien-être animal</a> comme <em>« l’état physique et mental d’un animal en relation avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ».</em></p>
<p>La notion d’état mental des animaux est bien validée par cet organisme de référence qui précise <em>« si la notion de bien-être animal se réfère à l’état [physique et mental] de l’animal, le traitement qu’un animal reçoit est couvert par d’autres termes tels que soins, conditions d’élevage et bientraitance ».</em></p>
<h2>« Bien-être des animaux », pour éclairer le débat</h2>
<p>Il y a bien convergence entre ces différents textes de référence pour faire une claire distinction entre le bien-être d’un animal et la bientraitance.</p>
<p>Le bien-être doit être évalué au niveau de l’animal, reconnu tant par la Commission européenne que par la législation française (Code rural et code civil) comme un être vivant doué de sensibilité.</p>
<p>En revanche, la bientraitance fait référence aux modalités de l’action engagée par les humains pour que les animaux tendent vers un état de bien-être, c’est un potentiel de bien-être qui doit être validé par l’animal. Le concept de bien-être n’est pas cependant mobilisable partout. Ainsi, il est évident que parler de bien-être à l’abattoir est un oxymore. On parle plutôt de protection des animaux au cours du transport et à l’abattoir, avec pour objectif la limitation des stress, douleurs et souffrances.</p>
<p>Pour être effectives, les démarches de progrès dans la bientraitance doivent intégrer toutes les dimensions de la santé et du bien-être, des animaux, des éleveurs et de l’environnement, concept connu désormais sous les termes d’une seule santé (<a href="https://theconversation.com/limportance-de-lapproche-une-seule-sante-dans-la-prevention-et-la-preparation-aux-pandemies-173109">« One health »</a>) et d’un seul bien-être (« One welfare »). Elles peuvent s’appuyer sur des bases scientifiques claires et largement partagées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le bien-être n’est pas un concept théorique désincarné. Il doit être appréhendé comme une réalité vécue par des êtres vivants sensibles et conscients dans leur relation à leur milieu de vie.Pierre Mormede, Vétérinaire, chercheur en stress et bien-être des animaux, InraeAlain Boissy, Biologiste-éthologiste, directeur de recherche Inrae, InraePierre Le Neindre, Chercheur, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801782022-06-08T17:47:44Z2022-06-08T17:47:44ZNumérique et agroécologie font-ils bon ménage ? Le cas de l’élevage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464975/original/file-20220524-13-atjvta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Suivre les vocalises des cochons pourrait permettre de repérer des changements de comportements.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/les-cochons-animaux-3967549/">Peggychoucair/pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Contrairement à certaines idées reçues, les agriculteurs possèdent en moyenne <a href="https://labo.societenumerique.gouv.fr/2019/07/02/les-agriculteurs-de-plus-en-plus-connectes/">plus d’équipements numériques que le reste de la population en France</a>. Ainsi, 67 % d’entre eux possèdent un ordinateur fixe, 60 % un ordinateur portable, 42 % une tablette et 71 % un smartphone.</p>
<p>Le secteur de l’élevage est par ailleurs le plus équipé parmi tous les secteurs de la production agricole : capteurs, logiciels de gestion de troupeau, robots de traite, d’alimentation ou de nettoyage… Les caméras fixes pour la surveillance des animaux constituent par exemple l’équipement le plus répandu dans les fermes.</p>
<p>Que faut-il en penser, quand on connaît les controverses actuelles autour des activités d’élevage ?</p>
<p>Les technologies du numérique seront-elles un levier pour opérer la nécessaire transition agroécologique des systèmes d’élevage, en permettant un suivi plus fin, plus individualisé, en limitant voire en supprimant les traitements curatifs ?</p>
<p>Ou bien sont-elles au contraire incompatibles avec la transition agroécologique, dans la mesure où elles ont un coût élevé, contribuent au réchauffement climatique et se substituent aux compétences humaines (surveillance, pilotage) ?</p>
<p>L’idée d’une possible synergie entre le numérique et <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-a-comme-agroecologie-165114">l’agroécologie</a> ne fait ainsi pas l’unanimité, y compris au sein de la communauté scientifique.</p>
<h2>D’un élevage de clones à un élevage « sur mesure »</h2>
<p>Les promoteurs du numérique au service de la transition agroécologique des élevages et de l’agriculture en général défendent l’idée selon laquelle les technologies permettent désormais de tirer parti de la diversité des individus au sein d’un troupeau, et non plus de la subir.</p>
<p>Depuis quelques années, le modèle ultime visé par certains chercheurs était celui d’un troupeau composé de clones, individus tous identiques. Cela était censé permettre de maximiser les performances, tout en simplifiant la conduite.</p>
<p>Il est désormais admis que la <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02930201">diversité est un atout</a>, à condition de savoir la maîtriser.</p>
<p>Grâce à l’évolution des connaissances et aux outils du numérique, il devient possible de suivre les processus biologiques en temps réel, pour chaque individu (pour certaines espèces) et non plus systématiquement sur l’ensemble d’un groupe. C’est le concept d’élevage « sur mesure ».</p>
<h2>L’agriculture à l’heure du big data</h2>
<p>Rappelons que l’agroécologie repose sur la mobilisation des mécanismes biologiques naturels (processus écologiques), dans l’objectif d’éviter les intrants indésirables, en particulier ceux dont la production fait appel à des ressources non renouvelables, comme les hormones ou les engrais de synthèse, ou encore les médicaments, dont les antibiotiques.</p>
<p>Par exemple, le recours aux légumineuses dans les prairies (trèfle, luzerne…) permet d’économiser des engrais chimiques, grâce à leur aptitude à capter l’azote atmosphérique. Des plantes aux vertus thérapeutiques dans les parcours des volailles élevées en plein air contribuent à préserver la santé des animaux, etc.</p>
<p>Pour appliquer ces principes, le numérique permet la production de données en très grandes quantités (les « big data »), mises en relation entre elles dans le cadre d’une approche systémique. Ce processus d’acquisition de données en grand nombre est appelé le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/animal/article/opinion-paper-monitoring-te-salutant-combining-digital-sciences-and-agroecology-to-design-multiperformant-livestock-farming-systems/FEFFAA889D330A8DC19B424D5AABDB8F">phénotypage à haut débit</a>.</p>
<p>Ces données sont ensuite traitées par des bioinformaticiens, des statisticiens ou encore des spécialistes de l’intelligence artificielle, dont l’objectif est d’identifier des relations entre elles.</p>
<p>Par exemple, des chercheurs ont montré que les porcs ont un répertoire vocal étendu, certains sons pouvant être associés à des émotions positives et d’autres à des émotions négatives. Cela pourrait être utilisé à des fins de <a href="https://www.inrae.fr/actualites/bien-etre-animal-quand-lintelligence-artificielle-traduit-vocalisations-porcs">surveillance des animaux dans les élevages</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DnjYW7hcakk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des capteurs connectés peuvent également permettre une meilleure détection des chaleurs des vaches. INRAE, YouTube.</span></figcaption>
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<p>Le recours massif au numérique n’est toutefois pas sans impact du point de vue environnemental : les infrastructures dont il dépend sont en effet très gourmandes en ressources, et notamment en terres rares.</p>
<p>Les estimations actuelles prévoient ainsi un <a href="https://www.greenly.earth/blog-fr/pollution-numerique">épuisement de certaines ressources nécessaires au numérique</a> à échéance de moins de 20 ans.</p>
<h2>Éviter le risque d’un métier vidé de son contenu</h2>
<p>Pour l’éleveur, l’enjeu du numérique en élevage réside dans la plus-value générée par les informations mises à sa disposition.</p>
<p>Ainsi, il est très important d’identifier celles qui sont utiles au pilotage de son système d’élevage, de mieux cerner les usages possibles du numérique et d’éviter de submerger les éleveurs avec des informations. Ils peuvent ainsi garder du sens dans leur métier, et voir leurs compétences valorisées.</p>
<p>Le numérique permet alors aux éleveurs de prendre des décisions éclairées grâce à des données pertinentes, sans laisser des robots décider à leur place.</p>
<p>Les relations humain-animal sont en effet au cœur des activités d’élevage et l’affectivité en <a href="http://journals.openedition.org/ruralia/278">fait partie intégrante</a>, avec des notions de plaisir ou au contraire de souffrance au travail. Le recours au numérique ne doit pas faire disparaître ces dimensions au fondement du métier d’éleveur.</p>
<p>Le risque du numérique est de voir son activité vidée de contenu et de sens, les tâches de surveillance des animaux étant transférées vers la surveillance des équipements de monitoring. Cela peut engendrer du stress (alarmes trop nombreuses, pannes, dysfonctionnements) et implique des compétences nouvelles.</p>
<p>En corollaire, la possibilité d’insérer de nouvelles technologies en élevage constitue aussi une source de motivation potentielle pour les jeunes et un moyen de susciter des vocations.</p>
<h2>Quel gain économique à terme ?</h2>
<p>Le coût parfois élevé de ces technologies constitue un argument majeur contre leur déploiement, en particulier dans les structures de petite taille.</p>
<p>Pour que les éleveurs les intègrent dans leur système, il est nécessaire qu’elles permettent des économies par ailleurs, et que le revenu soit au final au moins égal et si possible supérieur à la situation antérieure (avec un travail plus facile).</p>
<p>Les pistes d’économie permises par ces nouvelles technologies portent essentiellement sur l’aliment et sur les médicaments.</p>
<p>Pour l’alimentation des porcs, par exemple, <a href="https://doi.org/10.1093/af/vfz006">l’économie potentielle est estimée</a> à 8 % pour les coûts de production, 25 % pour la consommation d’azote et de phosphore, 40 % pour les rejets azotés et 6 % pour les émissions de gaz à effet de serre, si l’on ajuste les apports aux besoins individuels de chaque animal.</p>
<p>Pour les médicaments, un enjeu majeur est de réduire l’usage des antibiotiques et donc le risque <a href="https://theconversation.com/porcelet-bacteries-et-antibioresistance-un-trio-dangereux-pour-la-sante-humaine-104723">d’antibiorésistance</a>, y compris pour les humains. Une détection précoce des anomalies, avant l’apparition de symptômes détectables par l’éleveur, aiderait à aller dans ce sens.</p>
<p>La surveillance des élevages porcins sur la base des vocalisations des animaux, présentée précédemment, en est un exemple. Des systèmes de caméras vidéo dans les étables de vaches laitières, ou dans les bâtiments hébergeant des volailles, permettent également de détecter des anomalies comportementales très précoces, <a href="https://productions-animales.org/article/view/2478">avant que l’éleveur ne puisse les repérer lui-même</a>.</p>
<h2>Des applications aussi pour les systèmes agropastoraux</h2>
<p>Les systèmes agropastoraux sont des systèmes dans lesquels les animaux explorent des espaces ouverts, avec une végétation spontanée, très diversifiée (les surfaces pastorales incluent les estives, les broussailles, les sous-bois, etc.).</p>
<p>Il est alors très difficile d’avoir une connaissance fine de l’état du système, par exemple la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23257276/">valeur alimentaire de ce que prélèvent les animaux</a>.</p>
<h2>Inclure les utilisateurs dans les réflexions</h2>
<p>L’évaluation des impacts humains et sociétaux (compétences des éleveurs, pression de surveillance, acceptabilité sociale d’une surveillance de l’animal potentiellement perçue comme « déléguée aux machines ») devra nécessairement être réalisée en collaboration avec les disciplines des sciences sociales et humaines.</p>
<p>Ces travaux doivent bien évidemment inclure les éleveurs eux-mêmes, dans la cadre de suivis, d’enquêtes et surtout de démarches participatives, garante de l’acceptabilité et de l’appropriation des innovations générées. Le développement actuel des réflexions sur les recherches participatives trouve ici un domaine d’application particulièrement adéquat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Ingrand ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’utilisation accrue du numérique pourrait permettre un meilleur suivi individuel des animaux d’élevage. Cette digitalisation a cependant un coût financier et environnemental.Stéphane Ingrand, Chef adjoint du département de recherche « Physiologie animale et systèmes d’élevage », InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1757802022-05-03T18:38:27Z2022-05-03T18:38:27ZAgrivoltaïsme : une filière qui doit tenir ses promesses<p>Depuis quelques années émerge la volonté de développer des énergies renouvelables au sein du secteur agricole, afin d’atteindre les objectifs fixés par la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte">loi de transition énergétique</a> et mis en œuvre par la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.pdf">Programmation pluriannuelle de l’énergie</a>, qui fait la part belle au photovoltaïque.</p>
<p>Le 10 février 2022, le président Emmanuel Macron annonçait vouloir dépasser un objectif de 100 GW de capacités photovoltaïques installées en France d’ici à 2050 en développant notamment les projets dans l’agrivoltaïsme. Pour autant, ce type de projet doit tenir compte de la nécessité de préserver les sols agricoles.</p>
<p>C’est l’idée portée par cette notion d’« agrivoltaïsme », qui suscite chez les énergéticiens un engouement massif, en leur offrant l’opportunité d’installer des centrales solaires sur des sols qui n’y sont en théorie pas éligibles. Depuis 2017, ils peuvent solliciter des subventions pour de tels systèmes dans le cadre de l’appel d’offre « innovation » de l’État, opéré par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et dans lequel l’Agence de la transition écologique (Ademe) est impliquée : il porte sur la « réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité innovantes à partir de l’énergie solaire ».</p>
<p>Voyant la diversité des projets et des justifications dans les dossiers qui lui étaient soumis, et afin d’éviter les dérives, l’Agence a souhaité définir leur nature pour mieux valider leur pertinence, dans une <a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/photovoltaique-et-terrains-agricoles-un-enjeu-au-coeur-des-objectifs-energetiques.html">étude publiée le 27 avril 2022</a>.</p>
<p>En ressortent des critères à prendre en compte pour l’acceptation ou non de ce type de projets et une définition plus précise de l’agrivoltaïsme.</p>
<h2>Des applications prometteuses</h2>
<p>Sur près de 200 projets photovoltaïques en terrains agricoles recensés en France, l’Agence en a sélectionné 100 et s’est ensuite entretenue avec les acteurs de plus de 50 d’entre eux. En croisant données de terrain et bibliographie, l’Agence a établi des fiches techniques récapitulatives pour une dizaine de systèmes. Un travail inédit : le premier retour d’expérience centralisé sur l’ensemble du territoire national.</p>
<p>Pour l’essentiel, ces systèmes prennent la forme de serres ou de centrales au sol sous lesquelles paissent des élevages ovins. Au-delà de ces systèmes historiques, de nouvelles applications se développent : ombrières fixes ou dynamiques au-dessus des cultures, systèmes solaires pour l’aquaculture (ombrières au-dessus des bassins) ou des modules verticaux placés dans les champs (haies photovoltaïques réparties sur une parcelle).</p>
<p>Des études soulignent les bénéfices que peut apporter, parfois, la présence de modules photovoltaïques sur une parcelle cultivée, en la protégeant contre les aléas climatiques et en améliorant les conditions de culture, notamment dans les régions sèches – en apportant de l’ombre ou en <a href="https://www.researchgate.net/publication/335583033_Agrivoltaics_provide_mutual_benefits_across_the_food-energy-water_nexus_in_drylands">limitant l’évapotranspiration</a> et donc les besoins en irrigation.</p>
<h2>Des projets aux effets très variables</h2>
<p>Comme l’a constaté l’Ademe, ces résultats sont hétérogènes et difficilement comparables car ils dépendent de nombreux facteurs : des espèces cultivées, de leur capacité à <a href="https://www.researchgate.net/publication/333638552_Solar_Sharing_for_Both_Food_and_Clean_Energy_Production_Performance_of_Agrivoltaic_Systems_for_Corn_A_Typical_Shade-Intolerant_Crop">supporter des baisses et alternances de luminosité</a> ou de leur capacité à s’y adapter, de la dimension des expérimentations, mais aussi des conditions pédoclimatiques locales limitant les possibilités de comparaison et d’extrapolation des résultats.</p>
<p>Certaines installations, bénéfiques dans un territoire donné, ne le seront pas forcément ailleurs, comme l’illustre <a href="https://www.researchgate.net/publication/305309893_Solar_park_microclimate_and_vegetation_management_effects_on_grassland_carbon_cycling">cette étude</a> où le microclimat induit par une centrale photovoltaïque sur prairie pâturée au Royaume-Uni implique une diminution de la biomasse produite.</p>
<p>Au-delà des aspects climatiques, ne sous-estimons pas la technicité nécessaire à l’exploitation de ce type de système. Pour une serre photovoltaïque, un agriculteur qui maîtrise déjà la culture sous serre sera plus à même de choisir espèces et variétés agricoles, voire d’adapter ses itinéraires techniques pour optimiser sa production sous photovoltaïque.</p>
<p>Gardons en mémoire que la grande majorité des serres photovoltaïques installées en France se sont soldées par des échecs, faute d’accompagnement par le développeur et d’appropriation par l’agriculteur, mais surtout par appât du gain financier (du fait d’un tarif d’achat à l’époque très intéressant) au détriment d’une réflexion autour d’un projet agricole.</p>
<h2>Une pratique jeune, encore mal cadrée</h2>
<p>Aujourd’hui, beaucoup de développeurs solaires laissent entendre que leur système est agrivoltaïque dès lors qu’il s’implante sur une surface agricole : ce qui est loin de suffire. L’agrivoltaïsme ne doit pas servir de prétexte pour s’installer sur des surfaces agricoles, en n’y favorisant qu’une production d’électricité.</p>
<p>À moins de faire changer la destination du terrain (afin qu’il ne soit plus considéré agricole), deux possibilités s’offrent au développeur pour implanter du photovoltaïque sur un terrain agricole : démontrer la compatibilité ou la nécessité du système avec une activité agricole. Peu d’éléments techniques sont aujourd’hui formalisés pour identifier le rôle du système photovoltaïque par rapport à l’activité agricole. La jurisprudence a jusqu’ici plutôt jugé que les serres photovoltaïques étaient « nécessaires » à l’activité agricole, quand les centrales au sol avec élevage ovins lui étaient « compatibles ».</p>
<p>Depuis 2017, l’appel d’offres « innovation » de l’État, opéré par la CRE, permet de soutenir financièrement les installations agrivoltaïques, installées sur des terrains agricoles, à condition qu’elles couplent une production photovoltaïque secondaire à une production agricole principale avec une synergie de fonctionnement démontrable et un suivi agronomique.</p>
<p>Tout en affirmant un principe intangible de primauté à l’activité agricole, cette définition laisse des marges d’interprétations autour des installations photovoltaïques pouvant y être éligibles.</p>
<h2>Une liste de critères définis par l’Ademe</h2>
<p>Face à ces flous, l’Ademe a tenté d’apporter des outils aux parties prenantes pour identifier la pertinence de tout type de projets photovoltaïques sur terrains agricoles : un état de l’art de ces installations, un recueil de retours d’expériences et un guide de classification de ces projets.</p>
<p>Du fait de la difficulté d’identifier une ligne de conduite générale sur des pratiques aussi hétérogènes, le guide de classification propose une liste de critères hiérarchisés à l’aune desquels considérer, au cas par cas, la pertinence d’un projet : 3 critères de qualification, afin de définir le niveau de synergie entre photovoltaïque et agriculture ; et 7 critères d’attention qui doivent confirmer que le projet s’inscrit, au-delà de la parcelle concernée, dans une cohérence globale avec le territoire et l’environnement.</p>
<h2>La réponse à un besoin agricole</h2>
<p>L’Ademe pose comme condition première, apte à justifier l’installation d’un système photovoltaïque sur un terrain agricole, l’existence d’un besoin réel de la part de l’exploitation. Quel service (direct ou indirect) rend le projet à l’exploitant, de quelle nature est-il et répond-il bien à un besoin ?</p>
<p>Le deuxième critère concerne l’incidence du système sur la production agricole : est-ce qu’il la dégrade, la maintient (ou la dégrade légèrement), ou l’améliore ? Cette évaluation porte sur le rendement et sur la performance qualitative : une production équivalente en volume ou qui baisse légèrement peut gagner en qualité.</p>
<p>Il s’agit en outre de comparer la même production agricole, avec et sans photovoltaïque. Si la culture évolue avec l’installation du projet, il faudra avoir recours à une référence locale sur la culture implantée pour estimer l’incidence du système.</p>
<p>Enfin, l’Ademe préconise de mesurer l’effet du système sur les revenus de l’exploitation, avant et après l’installation : améliore-t-il ou non sa situation financière ? En considérant l’évolution des revenus agricoles de l’exploitation ainsi que les revenus supplémentaires apportés par le photovoltaïque.</p>
<p>À partir de ces trois éléments émerge un gradient de classification des projets qui permet de qualifier le niveau de synergie du projet.</p>
<h2>Un projet cohérent dans son contexte local</h2>
<p>La 2<sup>e</sup> série de critères complète l’analyse en évaluant la pertinence du système dans son contexte local : si des ombrières destinées au maraîchage sont installées dans une zone où il n’y a des débouchés que pour des céréales, cela paraît absurde. Ces éléments varient en fonction de chaque contexte. Chacun se présente sous forme de questions, comme une check-list pour s’assurer de prendre en compte toutes les facettes du projet.</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> de ces critères d’attention porte sur la vocation et la pérennité du projet agricole : l’exploitant a-t-il été associé à la conception du projet et bénéficie-t-il d’un accompagnement technique ? Participe-t-il au capital de la société de projet ? Quel impact du projet sur le prix du foncier agricole et la transmission de l’exploitation ? Des agriculteurs en fin de carrière peuvent choisir un tel système pour s’assurer une rente, quitte à affecter le prix du foncier et les projets du nouvel exploitant en cas de transmission.</p>
<p>Un autre point concerne la réversibilité du système : comment se démonte-t-il ? Qui doit s’en charger juridiquement et financièrement ? Les contrats portent sur 20, 30, 40, parfois 60 ans : tous les développeurs ne tiennent pas compte du démantèlement dans le calcul du budget.</p>
<p>Au-delà de ces aspects, s’intègre-t-il dans une dynamique territoriale ? Est-il compatible avec les filières locales agricoles ? Les acteurs locaux ont-ils été consultés ?</p>
<p>Enfin, d’autres aspects sont à considérer : l’impact sur les sols, les impacts environnementaux et paysagers et la capacité d’adaptation de la structure photovoltaïque aux évolutions de cultures agricoles et d’itinéraires techniques.</p>
<h2>L’agrivoltaïsme, oui, mais pas que</h2>
<p>Sur la base de ces critères, l’Ademe a proposé une nouvelle définition de l’agrivoltaïsme, reposant sur la notion de synergie entre agriculture et photovoltaïque, et permettant d’identifier les installations les plus vertueuses.</p>
<p>Pour autant, le gradient de classification a aussi mis en évidence l’existence de couplages d’intérêt potentiel pour l’agriculture : ces systèmes, sans être agrivoltaïques, démontrent des bénéfices et des opportunités réelles pour certaines exploitations agricoles grâce à l’apport d’un équilibre entre productions agricole et énergétique.</p>
<h2>Un observatoire du photovoltaïque en terrains agricoles ?</h2>
<p>En soulignant l’existence de ces deux types de systèmes prometteurs, l’étude insiste sur la nécessité de ne pas aller trop vite. Une perte de luminosité, des rendements dégradés, des exploitants démunis car peu accompagnés, une production agricole passée au second plan et l’absence d’études sur les impacts environnementaux sont les points de vigilance majeurs repérés.</p>
<p>L’Ademe propose ainsi une liste de recommandations dédiée aux porteurs de projet pour les aider à mieux concevoir leurs projets, mais aussi aux pouvoirs publics pour mieux accompagner ce secteur.</p>
<p>En tête de ces mesures, la création d’un observatoire afin de centraliser les retours d’expériences, définir des indicateurs partagés de suivi agricole mais aussi, animer et structurer l’ensemble des parties prenantes de cette filière, complexe mais passionnante.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Mehl ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bénéficiant actuellement d'un engouement exceptionnel, les projets couplant agriculture et photovoltaïque pourraient être de réelles opportunités pour l'agriculture et le mix électrique de notre pays.Céline Mehl, Coordinatrice de l'activité solaire photovoltaïque, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801662022-04-18T15:51:14Z2022-04-18T15:51:14ZParlons-nous trop du « bien-être animal » ?<p>La manière dont nous pensons et les mots que nous employons sont interdépendants, et les professionnels de l’agroalimentaire l’ont bien compris : pour occulter les violences envers les animaux, ils multiplient les euphémismes et détournements sémantiques.</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle, les <em>tueries</em> et les <em>écorcheries</em> sont ainsi devenues des <em>abattoirs</em>, et dans les élevages aujourd’hui, les <em>soins</em> peuvent aussi bien désigner le limage des dents que la coupe du bec, de la queue ou la castration à vif. Dans le cadre général du déni des souffrances infligées par les humains aux autres animaux, un concept a progressivement envahi tous les discours : le « bien-être animal ».</p>
<p>Alors que l’élevage porcin est l’un de ceux qui engendrent probablement le <a href="http://thomas.lepeltier.free.fr/revolution-vegetarienne.html">plus de souffrances pour les animaux concernés</a>, le site web d’Inaporc, l’interprofession nationale porcine, proclame par exemple fièrement : « Le bien-être des animaux : au cœur des préoccupations de la filière ». Le site <a href="https://www.leporc.com/bien-etre-animal.html">argumente</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Parce que les éleveurs sont des personnes passionnées par leurs animaux et qu’un animal stressé ne donnera pas une viande de qualité, chaque acteur de la filière prend grand soin du bien-être des animaux. »</p>
</blockquote>
<h2>Le mouvement welfariste</h2>
<p>Le concept de « bien-être animal » est devenu visible pour le grand public <a href="https://www.puf.com/content/Introduction_aux_%C3%A9tudes_animales">à partir des années 1960</a>, d’abord au Royaume-Uni. En anglais, il est désigné par l’expression <em>animal welfare</em>, <em>welfare</em> signifiant dans son acception générale un « état physique et mental », qu’il soit bon ou mauvais : on peut sans contradiction parler de <em>poor welfare</em>.</p>
<p>De surcroît, <em>welfare</em> renvoie plus spécifiquement depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle à des aides sociales en faveur des humains les plus vulnérables. L’<em>animal welfare</em> est au cœur du mouvement dit <em>welfariste</em>, qui s’efforce d’améliorer les conditions de vie des animaux non humains, en particulier dans les élevages, sans toutefois contester le principe de leur exploitation.</p>
<p>Ce mouvement peut être considéré comme souhaitant étendre aux animaux en général la garantie que leurs besoins minimaux soient assurés, principe aujourd’hui communément admis pour les humains.</p>
<h2>De l’<em>animal welfare</em> au bien-être animal</h2>
<p>Le <em>welfare</em> se distingue ainsi du <em>well-being</em>, « bien-être » au sens premier de <a href="https://www.cnrtl.fr/lexicographie/bien-%C3%AAtre">« sentiment général d’agrément, d’épanouissement que procure la pleine satisfaction des besoins du corps et/ou de l’esprit »</a>, susceptible de s’appliquer autant aux humains qu’aux non-humains. En anglais donc, les significations distinctes de <em>welfare</em> et de <em>well-being</em> s’appliquent de la même manière aux humains et aux autres animaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"809808783132229633"}"></div></p>
<p>L’<em>animal welfare</em> anglais a été traduit par « bien-être animal » en français, ce qui a brisé cette belle symétrie. Le <em>welfare</em> social pour les humains correspond en effet en français à « protection » (de l’enfance, etc.) ou à « aide sociale », tandis que le « bien-être animal », censé exprimer la généralisation du <em>welfare</em> social aux non-humains, renvoie intuitivement les francophones au <em>well-being</em>, à l’extension aux autres animaux du bien-être humain. Autrement dit à des notions fondamentalement positives (on ne parle pas de « mauvais bien-être ») et hédoniques (spas, massages…), sans rapport avec des mesures welfaristes aussi brutales que le défonçage du crâne (« étourdissement ») exigé avant égorgement.</p>
<h2>Un terme fallacieux</h2>
<p>Les <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-bien-etre-animal-quest-ce-que-cest">textes officiels</a> définissent le « bien-être animal » comme un état garanti par la satisfaction de cinq besoins, qualifiés de « libertés » (absence de faim, de peur, etc.).</p>
<p>Même ainsi restreinte, l’appellation « bien-être animal » reste toutefois fallacieuse, son emploi systématique semblant impliquer que le respect des « cinq libertés » est garanti à la majorité des individus.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468545985802641420"}"></div></p>
<p>Or pour les animaux d’élevage, le « bien-être animal », même dans sa définition officielle, n’est assuré que dans une minorité de cas. Il est ainsi évident que la « liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce » (cinquième liberté) n’est pas respectée pour les animaux vivant dans des élevages intensifs (estimés à 80 % des animaux égorgés en France).</p>
<p>Aujourd’hui encore, la caudectomie et la castration à vif des cochons sont légales ou tolérées par l’État (sans parler des conditions d’abattage), alors que l’« absence de douleur » est reconnue comme la 4<sup>e</sup> liberté définissant le bien-être animal…</p>
<h2>Le « mal-être animal », plus adapté pour désigner ces enjeux</h2>
<p>L’expression « bien-être animal » présente donc deux implications trompeuses pour le grand public : d’une part, ses enjeux semblent couvrir des points accessoires, de « confort », et non des problèmes de souffrance aiguë (lorsque « bien-être » est interprété dans son sens hédoniste usuel). D’autre part, elle laisse entendre que les conditions de vie de la majorité des animaux d’élevage, pour lesquels on parle sans cesse de « bien-être », respecteraient au moins leurs besoins primaires.</p>
<p>Ces méprises seraient évitées par l’emploi de l’expression « mal-être animal » (au sens de « souffrance physique et mentale ») pour se référer d’une façon générale aux problématiques de la protection animale. Lorsqu’on a accepté de parler de « bien-être », comme le font les filières agricoles depuis des décennies, il paraît difficile de refuser « mal-être » pour décrire ce réel défaut de « bien-être » existant chez la majorité des animaux d’élevage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1464174973132627972"}"></div></p>
<p>Pour les mouvements animalistes, l’intérêt de l’expression « mal-être animal » est aussi d’impliquer un ressenti conscient, mieux que ne le font les termes <em>douleur</em> et <em>souffrance</em> (une créance ou une règle aussi peuvent « souffrir »… un retard ou une exception).</p>
<p>L’utilisation de « mal-être animal » et le fait de limiter l’usage du « bien-être animal » à son sens intuitif de « sentiment d’agrément et d’épanouissement » permettraient aussi de distinguer clairement, en les nommant de façon adéquate, les mesures « négatives » de « réduction du mal-être animal » qui limitent la détresse psychologique et physique, des mesures « positives » visant à augmenter le « bien-être animal ».</p>
<p>Après avoir été longtemps négligée, la recherche scientifique centrée sur la promotion des émotions positives est aujourd’hui en plein essor, désignée sous l’appellation de <em>positive welfare</em>. Le véritable « bien-être animal » suppose en effet non seulement l’absence de mal-être, mais aussi l’occurrence d’expériences de vie agréables.</p>
<h2>Cesser de dissimuler la violence</h2>
<p>Restreindre, sans l’abandonner, l’usage de « bien-être animal » éviterait sa récupération à des fins de minimisation de la violence. Persister à utiliser cette expression pour parler indistinctement d’arrêt des mutilations et d’enrichissement du milieu de vie nous paraît en effet saper la cause que l’on est censé défendre.</p>
<p>Nous ne proposons pas de changer du jour au lendemain la manière de parler de tous les acteurs de ce domaine. Mais les associations animalistes pourraient jouer dans ce cas un rôle de prescripteur lexical. Négliger cet enjeu en cautionnant des termes heurtant le sens commun et nuisant aux animaux n’est pas anodin.</p>
<hr>
<p><em>Frédéric Mesguich, docteur en chimie spécialisé dans les matériaux pour l’énergie, auteur du Blog Questions Décomposent et fondateur de la Blogothèque Animaliste, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Claude Marsolier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le terme de « bien-être animal » est trompeur à plusieurs égards, et tend à minimiser la réalité des souffrances des animaux d’élevage.Marie-Claude Marsolier, Directrice de recherche en génétique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808322022-04-15T13:35:19Z2022-04-15T13:35:19ZLes pieuvres sont intelligentes : il ne serait pas éthique d’en faire l’élevage<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458182/original/file-20220414-26-km65zd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=175%2C19%2C6272%2C4307&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les recherches montrent que les pieuvres sont des créatures sensibles qui vivent des émotions.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Un projet d’élevage aquacole de pieuvres dans les îles Canaries permettrait <a href="https://www.courrierinternational.com/article/espagne-la-premiere-ferme-de-poulpes-du-monde-bientot-ouverte">d’élever 3 000 tonnes de pieuvres par an</a>, ce qui signifie que l’on tuerait près de 275 000 individus chaque année.</p>
<p>Dans le cadre de mes recherches, j’étudie l’esprit et l’éthique des animaux. L’expression « culture des pieuvres » peut faire penser à <a href="https://arstechnica.com/science/2017/09/why-octopuses-are-building-small-cities-off-the-coast-of-australia/">Octopolis et à Octlantis</a>, deux communautés de pieuvres sauvages de Jarvis Bay, en Australie.</p>
<p>À Octopolis, de nombreuses pieuvres se partagent – et se disputent – quelques mètres carrés de fond marin. Dans ces villes aquatiques, les pieuvres forment des hiérarchies de domination et développent de nouveaux comportements : les pieuvres mâles luttent pour le territoire et, peut-être, pour les femelles, en <a href="https://www.newscientist.com/article/dn28085-octopuses-seen-throwing-things-may-be-using-shells-as-weapons/">se lançant des objets</a> et en <a href="https://metazoan.net/15-panocticon/">se battant</a>.</p>
<h2>Les communautés de pieuvres</h2>
<p>Les biologistes ont été surpris de découvrir l’existence de communautés de pieuvres. Ils les ont longtemps considérées comme des animaux solitaires qui interagissent entre eux dans trois contextes spécifiques : la <a href="https://doi.org/10.51291/2377-7478.1370">chasse, la fuite et l’accouplement</a>.</p>
<p>Ce qu’Octopolis nous permet d’observer, c’est que ce qui se produit dans la nature existe également chez les pieuvres en captivité : lorsqu’elles vivent dans un environnement de captivité trop dense, les <a href="https://doi.org/10.51291/2377-7478.1370">pieuvres forment des hiérarchies de domination</a>.</p>
<p>Dans leur lutte pour le pouvoir, les mâles adoptent une <a href="https://metazoan.net/33-octopus-signals/">série de comportements antagonistes</a>, notamment en lançant des coquilles de pétoncles pour défendre leur tanière et en s’élevant de manière à prendre l’apparence <a href="https://metazoan.net/wp-content/uploads/2016/01/Nosferatu-from-sst-1.jpg">d’un vampire menaçant</a>. Les pieuvres soumises manifestent leur docilité en affichant des couleurs claires et en prenant des postures corporelles aplaties. En échange de leurs efforts, les individus dominants semblent obtenir un accès aux meilleures tanières et aux femelles.</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Un regard sur la vie sociale des pieuvres par le philosophe australien Peter Godfrey-Smith.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Culture animale</h2>
<p>Ce qu’on peut observer à Octopolis et à Octlantis constitue une « culture des pieuvres ». L’idée d’une <a href="https://www.neonmag.fr/selon-une-etude-scientifique-il-existe-une-culture-animale-575040.html">culture animale</a> est apparue après que des scientifiques ont constaté que, dans certains groupes, les animaux accomplissent des actions qu’on ne verrait pas dans d’autres groupes de la même espèce.</p>
<p>L’un des premiers tenants d’une culture animale est le primatologue japonais Kinji Imanishi qui, dans les années 1950, a remarqué qu’un groupe de macaques japonais de l’île de Koshima <a href="https://youtu.be/H88M3Av9q-w">lavait les patates douces dans l’eau avant de les manger</a>.</p>
<p>Il s’agissait d’un nouveau comportement qu’on ne voyait pas chez les autres groupes de macaques, et les observateurs ont eu la chance d’en découvrir les origines. Un singe nommé Imo a été le premier à laver une patate dans l’eau salée et d’autres l’ont rapidement imité, ce qui a ensuite été repris par toute la communauté.</p>
<p>La notion de culture animale a inspiré une grande partie des travaux ultérieurs de la primatologie japonaise, mais en Europe et en Amérique du Nord, cela n’a guère retenu l’attention avant 1999, après la publication <a href="https://doi.org/10.1038/21415">d’un article sur la culture chez les chimpanzés</a>. Depuis lors, des preuves de culture – des comportements typiques d’un groupe appris socialement – ont été observées <a href="https://www.ciaoamico.it/pdf/culturaAnimale.pdf">dans tout le règne animal, y compris chez les poissons, les oiseaux et les insectes</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un groupe de macaques japonais dans un lac vaporeux entouré de neige" src="https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455862/original/file-20220401-22-7vgvv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des macaques japonais qui affichaient un comportement social ont influencé une approche culturelle de la primatologie qui s’est ensuite étendue à l’étude d’autres macaques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un nouveau type de pieuvre</h2>
<p>La proposition de mettre en place un élevage de pieuvres donnera lieu à une nouvelle culture chez les pieuvres, car lorsque des animaux culturels sont réunis, ils créent inévitablement une société. C’est également une occasion de créer un nouveau type de pieuvre : les comportements culturels associés à l’environnement en captivité constitueront une nouvelle niche environnementale qui déterminera leur évolution ultérieure.</p>
<p>Les animaux d’élevage que nous connaissons bien – comme les vaches Angus et les porcs Choctaw – <a href="https://www.unige.ch/campus/numeros/135/dossier5/#:%7E:text=%C2%AB%20Le%20premier%20animal%20domestiqu%C3%A9%20est,s%C3%A9dentarisation%20ou%20de%20l%E2%80%99agriculture.">ont été domestiqués</a> et sont totalement différents des individus dont ils descendent.</p>
<p>Beaucoup de nos animaux domestiques ne pourraient survivre sans que des êtres humains en prennent soin. Citons les <a href="https://lemagdesanimaux.ouest-france.fr/dossier-1021-lapin-domestique-redevenir-sauvage-relache-nature.html">lapins domestiques</a>, qui ont évolué sans les instincts ni la couleur de robe des lapins sauvages, éléments qui les protègent des prédateurs, les <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2021/feb/25/mammoth-woolly-baarack-the-overgrown-sheep-shorn-of-his-35kg-fleece">moutons dont la laine devient trop épaisse s’ils ne sont pas régulièrement tondus</a> et les poulets élevés pour leur viande <a href="https://www.wired.com/2008/02/chickens-cant-w/">qui ne peuvent marcher à l’âge adulte</a> parce que leur poitrine est trop lourde.</p>
<p>En démarrant un élevage de pieuvre, on crée un nouveau type d’animal dont l’existence dépend de l’homme. Ce n’est pas une idée à prendre à la légère ni un projet que l’on peut, de manière responsable, tenter, puis abandonner s’il s’avère trop difficile ou non rentable.</p>
<h2>Gérer les populations de pieuvres</h2>
<p>Il existe de nombreuses raisons de craindre que les élevages de pieuvres soient difficiles à gérer. Contrairement à d’autres animaux d’élevage, les pieuvres ont besoin de leur espace. Octopolis est déjà un champ de bataille de pieuvres qui s’affrontent ; on ne peut que se demander à quoi cela ressemblera avec des milliers d’individus.</p>
<p>Les pieuvres sont sensibles – ce sont des <a href="https://doi.org/10.1126/science.abo2378">animaux émotifs qui ressentent la douleur</a>. Un rapport commandé par le <a href="https://www.gov.uk/government/organisations/department-for-environment-food-rural-affairs">ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales du Royaume-Uni</a> a analysé les preuves scientifiques de la présence de douleur chez les mollusques céphalopodes (pieuvres, calmars et seiches).</p>
<p>Les animaux sensibles utilisés pour l’alimentation sont protégés par des lois sur le bien-être et tués de manière à minimiser leur douleur. Parmi les méthodes actuelles pour abattre les pieuvres, on trouve le matraquage, le découpage de la cervelle et l’asphyxie. Les auteurs du rapport concluent qu’aucune de ces méthodes n’est humaine et <a href="https://www.lse.ac.uk/News/News-Assets/PDFs/2021/Sentience-in-Cephalopod-Molluscs-and-Decapod-Crustaceans-Final-Report-November-2021.pdf">recommandent de ne pas pratiquer l’élevage des pieuvres</a>.</p>
<p>Les pieuvres sont des <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/apr/13/the-great-escape-inky-the-octopus-legs-it-to-freedom-from-new-zealand-aquarium">spécialistes de l’évasion</a>. Le type d’habitat dont elles ont besoin est difficile à réaliser, surtout si on lui fournit un milieu enrichi, car il sera forcément plein de voies de fuite possibles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une pieuvre pressée contre le verre d’un bac d’aquarium" src="https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455863/original/file-20220401-21-rfq621.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les pieuvres sont réputées pour leur capacité à s’échapper des bassins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’on démarre un élevage de pieuvres, puis qu’on l’abandonne, on ne peut relâcher dans la mer les milliers de pieuvres domestiquées et s’attendre à ce qu’elles survivent. Les nombreuses tentatives coûteuses de libérer Keiko, l’orque qui jouait dans le film <a href="https://www.cinoche.com/films/mon-ami-willy">Mon ami Willy</a>, nous ont appris qu’il n’est pas facile de réintroduire avec succès un animal culturel dans la nature. Même après qu’on ait dépensé 20 millions de dollars américains, Keiko a fini par <a href="https://www.seattletimes.com/seattle-news/the-20m-lessons-of-freeing-keiko-the-whale/">mourir en captivité</a>.</p>
<p>Le projet de réunir des milliers d’individus dans une mégalopole de pieuvres ferait sans doute évoluer la culture des pieuvres bien au-delà de ce que l’on peut trouver dans la nature ou en captivité. Cela créerait des centaines de milliers de Keiko, des animaux culturels aquatiques capturés dans la nature et placés en captivité, et les obligerait à vivre ensemble et à développer une nouvelle culture dans ce qui sera certainement un bidonville violent.</p>
<p>Maintenant que nous savons que les pieuvres <a href="https://www.scientificamerican.com/article/octopus-teachers-demonstrate-they-feel-emotional-pain/">ressentent des émotions</a> et ont une culture, <a href="https://time.com/5819801/rethink-industrialized-farming-next-pandemic/">nous commençons à repenser les pratiques actuelles d’élevage intensif</a>.</p>
<p>Ce n’est pas le bon moment pour proposer un tel projet. Nous devons faire preuve de discernement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180832/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristin Andrews a reçu des financements du CRSH, de la Templeton World Charity Foundation et de l'Université York. Elle fait partie du conseil d'administration de la Borneo Orangutan Society Canada.</span></em></p>Les pieuvres sont des animaux sociaux et sensibles qui construisent des villes et établissent des hiérarchies. L’idée de les domestiquer a des implications écologiques et éthiques.Kristin Andrews, Professor, Philosophy, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1778502022-03-09T19:12:38Z2022-03-09T19:12:38ZQuelle agroécologie pour le Sahel ? Rencontre avec les agropasteurs du Nord-Sénégal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450490/original/file-20220307-85970-2bl1l5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un éleveur peul vient abreuver ses bêtes à proximité d’un forage dans le Ferlo. </span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin / Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 7 février au 12 mars 2022, la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) – réseau qui fédère l’ensemble des acteurs de l’agroécologie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest – a entrepris <a href="https://theconversation.com/au-senegal-la-grande-caravane-de-lagroecologie-reprend-la-route-176575">d’aller à la rencontre des agriculteurs et agricultrices</a> dans les différents terroirs.</p>
<p>Aujourd’hui, la caravane DyTAES explore le Nord-Sénégal, une zone aride où agriculture et élevage pastoral coexistent de plus en plus difficilement.</p>
<p>L’agroécologie pourrait-elle ouvrir de nouvelles perspectives aux acteurs de la zone ?</p>
<h2>Cap sur la zone pastorale du Ferlo</h2>
<p>Après une étape dans la <a href="https://theconversation.com/avec-la-caravane-de-lagroecologie-au-senegal-dans-la-zone-des-niayes-pour-aborder-la-gestion-de-leau-177076">zone maraîchère des Niayes</a>, direction le Nord-Est. À mesure que le convoi progresse, les champs de mil cèdent la place à des savanes sèches parsemées d’arbres chétifs.</p>
<p>Pour la quatrième étape de son périple, la DyTAES s’arrête à Linguère, au cœur du Ferlo, une région sahélienne où les pluies sont rares et incertaines. Le Ferlo est le territoire des Peuls, peuple d’éleveurs semi-nomades qui est parvenu à subsister jusqu’à nos jours grâce au pastoralisme. En saison sèche, les Peuls transhument avec leurs troupeaux sur de longues distances – parfois jusqu’au Mali et en Guinée – pour chercher de l’eau et des pâtures.</p>
<p>Autrefois en phase avec son milieu, ce mode de vie pastoral est aujourd’hui en crise dans un contexte de croissance démographique et de pression foncière : surpâturage, déboisement, brûlis et morcellement du foncier sont autant de facteurs qui déstabilisent l’écosystème du Ferlo et rendent les éleveurs de plus en plus vulnérables.</p>
<p>Ardo Sow, agent de l’ONG Enda Pronat originaire du Ferlo, pointe du doigt un paysage de savane ouverte qui s’étire au loin :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’étais enfant, cette zone était une forêt. Je suis triste en voyant ce que nos terres sont devenues. »</p>
</blockquote>
<p>Les difficultés des éleveurs transhumants sont exacerbées par le changement climatique. La diminution et l’irrégularité des pluies entraînent une réduction des ressources fourragères et un tarissement précoce des points d’eau. Les éleveurs sont ainsi contraints de faire évoluer leur stratégie, en commençant la transhumance de plus en plus tôt et en allant de plus en plus loin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paysage de savane sèche arborée caractéristique du Ferlo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le territoire du Ferlo est jalonné de mares temporaires et de forages construits par l’État avec l’appui de l’aide internationale. Ces points d’eau sont autant de refuges et de lieux de passage qui dessinent des routes de transhumance pour le bétail. Autour des forages, les femmes peules développent de petits jardins où elles expérimentent le maraîchage et les cultures fourragères, comme ici (photo en bas à droite) dans la ferme de Awa Alassane Sow à Barkedji.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad, Thierno Sarr/Enda Pronat</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’impossible sédentarisation des éleveurs peuls</h2>
<p>Au-delà de Linguère, le bitume s’efface, laissant place à un réseau réticulaire de pistes de sable toutes semblables.</p>
<p>L’équipe locale de l’ONG AVSF qui guide le convoi semble connaître chaque recoin de ce vaste territoire. Les caravaniers s’enfoncent dans la savane en direction du village de Widou, à la rencontre d’une communauté d’éleveurs qui expérimente un mode de vie sédentaire.</p>
<p>Là-bas, depuis des décennies, de nombreux projets ont cherché en vain à sédentariser et intensifier les systèmes d’élevage : parcage, cultures fourragères, amélioration génétique du bétail… les tentatives se succèdent et les échecs s’accumulent. Et pour cause, le pastoralisme ne s’est pas installé ici par hasard.</p>
<p>C’est le déplacement du bétail au gré des pluies qui permet de maintenir des troupeaux dans des conditions climatiques changeantes. Samba Mamadou Ba, président de l’organisation d’éleveurs Adid, nous guide vers une parcelle clôturée, où les hautes herbes jaunies contrastent avec la terre nue piétinée des alentours :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons mis en défens cette zone afin de constituer une réserve de fourrage pour que le bétail puisse traverser la saison sèche. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cheikh Djigo, coordonnateur de l’ONG AVSF Linguère, anime la discussion entre les caravaniers et les éleveurs peuls de la commune de Widou. Ici, l’agence de coopération allemande a mené une expérimentation pilote de sédentarisation entre 1981 et 1992. Partant d’un forage central, de nouvelles parcelles étaient clôturées chaque année et attribuées à des familles d’éleveurs. Les bénéficiaires du projet s’efforcent de maintenir ce mode de vie sédentaire, mais font part de leurs difficultés à entretenir le réseau de clôtures et des tensions communautaires provoquées par cette privatisation d’une portion de territoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : relevés de la pluviométrie et de la biomasse à Widou entre 1981 et 1992. Pendant les années de sécheresse de 83-84, les éleveurs sédentarisés ont été obligés d’utiliser des compléments alimentaires. Plus tard, la sécheresse de 1992 les a forcés à repartir en transhumance et tout le bétail est mort : les animaux n’étaient plus habitués à marcher sur de longues distances. En route avec les éleveurs de Widou. Rencontre avec un éleveur de dromadaires mauritanien qui a traversé la frontière pour passer la saison sèche dans le Ferlo. Pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs, les Peuls leur offrent un verre de Touffam, un mélange de lait, eau et sucre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad, Malick Djitte/Fongs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une vallée fertile qui irrigue le Sahel</h2>
<p>Après 160 km de pistes, la caravane DyTAES atteint la cité de Podor sur les rives du fleuve Sénégal, lieu de sa cinquième étape.</p>
<p>Coincée entre deux bras du fleuve, Podor est l’ancienne capitale du royaume de Tekrour, établi au XI<sup>e</sup> siècle, au cœur de la région historique du Fouta-Toro. Pendant la période coloniale, la ville est devenue un important comptoir commercial par lequel transitaient la gomme arabique et l’or destinés à l’export.</p>
<p>La vallée du fleuve Sénégal consiste en une bande intensément cultivée qui s’étire depuis l’océan Atlantique vers l’intérieur des terres sur 800 km, le long des frontières mauritanienne puis malienne.</p>
<p>En fin de saison des pluies, le fleuve se retire progressivement, laissant derrière lui des bancs de terre fertile imbibés d’eau. Les sols limono-argileux du Walo retiennent suffisamment d’eau pour alimenter des cultures comme le sorgho, le mil ou le maïs, souvent cultivés en association avec le niébé (une légumineuse qui enrichit les sols en azote). Les parcelles sont fertilisées naturellement par les animaux laissés en vaine pâture dans les jachères.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Marquant la frontière avec la Mauritanie, le fleuve Sénégal fait jaillir la vie au sein des terres arides surpâturées du Ferlo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450481/original/file-20220307-130118-hwaghy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Visite d’une parcelle de sorgho dans une zone de décrue près de Podor.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<p>Ce système de culture traditionnel dit « de décrue » est aujourd’hui en déclin. Depuis les années 1930, il est progressivement remplacé par une nouvelle forme d’agriculture, à la fois irriguée et intensive, qui se déploie dans de grands périmètres aménagés aussi appelés « casiers ».</p>
<p>Les infrastructures hydrauliques – barrages, pompes, réseaux de canaux – sont construites et gérées par une société étatique dont le but est la « mise en valeur de la vallée du fleuve Sénégal ». C’est dans ces casiers que des agro-industriels et des unions d’agriculteurs pratiquent la monoculture à grand renfort de fertilisants et de pesticides chimiques. Ils produisent l’essentiel du riz sénégalais, de l’oignon, de la tomate industrielle, de la canne à sucre et des cultures maraîchères d’exportation, comme la tomate cerise ou le haricot vert.</p>
<p>L’essor de cette agriculture fortement capitalisée s’accompagne de problèmes de pollution, d’une diminution de la fertilité des sols (causée par des phénomènes de salinité, d’érosion et d’acidification) et de tensions avec les autres usagers des ressources naturelles. En particulier, les éleveurs issus de la zone pastorale du Ferlo sont affectés par la réduction des parcours et des couloirs de transhumance.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=235&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450482/original/file-20220307-27-1qckh98.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=295&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Zone de contact entre les casiers du Walo et les dunes arborées du Diéri.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : la station de pompage de Guédé Chantier achemine l’eau du fleuve vers un large réseau de canaux d’irrigation. Le canal principal d’approvisionnement en eau du périmètre irrigué villageois de Guédé Chantier. Un producteur d’oignon de Guédé Chantier. Un ouvrier agricole en train de faire circuler l’eau d’irrigation dans une parcelle de monoculture d’oignon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<h2>Les femmes du fleuve ouvrent la voie de l’agroécologie</h2>
<p>En marge des zones de monoculture, les caravaniers de la DyTAES ont rencontré des groupes de femmes qui pratiquent l’agroécologie dans des jardins collectifs. Un peu partout aux abords des villages, elles ont fait naître de véritables oasis de vie et de diversité qui contrastent avec les terres desséchées du Walo.</p>
<p>On y rencontre une grande diversité de plantes, bien souvent cultivées en association afin de perturber les bioagresseurs et d’optimiser l’usage de l’eau. Légumes, aromates et plantes médicinales se mélangent dans chaque planche de culture pour former un carnaval de couleurs et de senteurs.</p>
<p>Les parcelles sont quadrillées d’arbres fruitiers ou fertilitaires qui forment une strate protectrice et nourricière au-dessus du sol. Les parcelles sont amendées avec du fumier ou du compost et les traitements phytosanitaires sont limités à l’usage de décoctions à base de plantes (par exemple neem, ail, piment). Les femmes du fleuve ont préféré l’agroécologie à l’agriculture chimique, car elles disent produire d’abord pour nourrir leur famille.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le périmètre maraîcher agroécologique de Wouro Madiw est géré par un groupement de femmes, soutenu par l’ONG Andando. Dans la vallée du fleuve Sénégal, les « jardins de femmes » sont des lieux d’émancipation, d’entre-aide et de renforcement du lien social. Celles qui s’y engagent peuvent alimenter leur famille et apporter un précieux complément de revenu au foyer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : tomate, laitue, menthe, chou, piment, navet, gombo, poivrons, oignons, betteraves… À Mafré, les planches maraîchères contiennent de nombreuses associations culturales. Aissata Moussa Diack, secrétaire générale du GIE du périmètre de Wordé, où l’ONG 3D a formé et accompagné 136 femmes. Visite de la mare de Danki au village de Fondé Ass, où les populations ont mis en place une charte locale pour améliorer la gestion des ressources en poisson. Oulimata Ly et Aissata Sow, deux représentantes de l’Union des jeunes agriculteurs du Koyli Wirnd, ont porté le projet de protection des mares.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad ; Malick Djitte/Fongs</span></span>
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</figure>
<p>Les prochaines étapes de la caravane nous conduiront dans la zone centrale du Sénégal, où les producteurs de mil et d’arachide s’emploient à protéger leurs arbres afin de reconstruire les parcs agroforestiers traditionnels.</p>
<hr>
<p><em>Jean-Michel Sene (Enda Pronat), Laure Brun Diallo (Enda Pronat), Thierno Sall (Enda Pronat), Ardo Sow (Enda Pronat), Mamadou Sow (Enda Pronat), Alice Villemin (Avsf), Cheikh Djigo (Avsf) et Malick Djitté (Fongs) sont co-autrices et co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les étapes de la caravane évoquées dans cet article ont été organisées par les membres de la DyTAES avec l’appui financier de MISEREOR, l’Union européenne, Solidaridad Internacional, Junta de Andalucia, Weltfriedensdienst, l’Agence française de développement et le Fond français pour l’environnement mondial. Raphael Belmin accompagne le développement de la DyTAES en tant que scientifique et photographe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Liesse Vermeire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’au 12 mars 2022, la grande caravane de l’agroécologie fait le tour du Sénégal. Aujourd’hui, on s’arrête dans le Nord du pays où agriculture et élevage pastoral tentent de coexister.Raphaël Belmin, Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), CiradMarie-Liesse Vermeire, Chercheuse en écologie du sol, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703512021-12-07T21:25:02Z2021-12-07T21:25:02ZL’agriculture bio garantit-elle un meilleur « bien-être » des animaux d’élevage ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435885/original/file-20211206-17-5roh32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avoir accès à l’extérieur, une des composantes essentielles du bien-être animal. </span> <span class="attribution"><span class="source">Caroline Hommet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 30 juin 2021, la Commission européenne a répondu favorablement aux 1,4 million de citoyens ayant signé l’initiative citoyenne européenne (ICE) <a href="https://www.endthecageage.eu/">« End the Cage Age »</a>, en annonçant qu’elle proposerait d’ici à 2023 une proposition législative visant à interdire l’élevage des animaux en cages. Cette nouvelle constitue une avancée considérable pour ces animaux dont la liberté de mouvement et les contacts sociaux sont limités.</p>
<p>À l’échelle de l’Union européenne (UE), où les États doivent tenir compte du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, plusieurs textes établissent déjà des normes de protection des animaux d’élevage.</p>
<p>On parle de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2016SA0288.pdf">« bien-être »</a> lorsqu’un animal est en bonne santé (physique et mentale) et a la possibilité d’exprimer des comportements naturels qui correspondent à ses besoins et à ses attentes.</p>
<p>Mais ces textes sont encore insuffisants et ne garantissent pas le bien-être des animaux. Par exemple, les éleveurs ne sont pas contraints de fournir un accès à l’extérieur à leurs animaux (ce qui ne les empêche pas toutefois de le faire s’ils le souhaitent).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1052905794432327680"}"></div></p>
<p>Pour l’agriculture biologique, des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">règles spécifiques</a> viennent s’ajouter aux règles minimales de protection – là encore, les éleveurs bio peuvent aller au-delà et adopter proactivement des pratiques vertueuses pour leurs animaux. « Contribuer à des normes élevées en matière de bien-être animal » constitue un des objectifs de l’agriculture bio, la garantie d’un meilleur bien-être des animaux étant d’ailleurs l’une des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/cb.210">motivations pour la consommation de produits biologiques</a>.</p>
<p>Pour autant, la réglementation applicable à la production bio permet-elle de garantir un niveau optimal de bien-être animal ?</p>
<p>Sur de nombreux aspects, celle-ci promeut, même si ce n’est pas optimal, un <a href="https://doi.org/10.3390/ani10101786">meilleur bien-être</a> des animaux en comparaison avec le droit applicable aux élevages conventionnels.</p>
<h2>Un environnement plus naturel</h2>
<p>L’accès à l’extérieur représente sans doute l’une des avancées les plus significatives du bio en faveur d’un meilleur bien-être animal. Dans de nombreux élevages, les animaux n’ont en effet plus accès à l’extérieur et passent leur vie dans des bâtiments, les empêchant d’exprimer certains comportements naturels, comme celui de pâturer pour les vaches laitières. Or ces dernières expriment une très nette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030209706861">préférence</a> ainsi qu’une très forte <a href="https://www.nature.com/articles/srep44953">motivation</a> pour accéder au pâturage.</p>
<p>Contrairement aux élevages conventionnels, à qui rien n’est imposé à ce sujet, les élevages bio doivent prévoir un accès à l’extérieur pour leurs animaux dès que les conditions le permettent. Cet espace extérieur doit en outre répondre à certaines conditions qui varient selon les espèces – l’accès à un plan d’eau pour les oiseaux aquatiques, l’accès à un abri ou à un endroit ombragé pour les animaux terrestres.</p>
<h2>Isolement, attache et élevage en cage interdits</h2>
<p>Alors que l’élevage en cage reste autorisé dans l’élevage conventionnel, il est interdit dans les fermes bio européennes. Il s’agit d’une avancée notable pour de nombreux animaux, notamment les volailles. En France, bien que le nombre de poules pondeuses en cages ait fortement diminué ces dernières années, un <a href="https://oeuf-info.fr/infos-filiere/les-chiffres-cles/">tiers</a> d’entre elles sont toujours élevées dans ces conditions.</p>
<p>Les systèmes dits <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/dec/08/its-medieval-why-some-cows-are-still-living-most-of-their-lives-tied-up">« à l’attache »</a> sont courants dans certains États de l’Union, notamment en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3674972/">Suède et en Allemagne</a>. Cette pratique, qui restreint considérablement la liberté de mouvement des animaux, est interdite en bio.</p>
<p>Des exceptions sont toutefois prévues, mais elles demeurent limitées : dans certains élevages (notamment dans les zones montagneuses), l’attache des animaux reste possible si les animaux ont un accès régulier à l’extérieur.</p>
<p>Une autre exception concerne la liberté de mouvement des truies. Dans les élevages conventionnels, les truies sont généralement maintenues dans des cages dans lesquelles elles peuvent seulement se lever et se coucher pendant de longues périodes (entre huit et dix semaines par cycle de reproduction).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435909/original/file-20211206-19-17newk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les élevages conventionnels, les truies sont en général maintenues dans des cages pendant les quatre premières semaines de gestation, comme sur cette photo, la semaine qui précède la mise bas ainsi que la période d’allaitement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://stock.weanimalsmedia.org/search/?searchQuery=@Area%20of%20focus:Animals%20Used%20For%20Food/">We Animals Media</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En bio, la contention des truies n’est possible que sur une courte période (huit jours autour de la mise bas dans les élevages <a href="https://www.inao.gouv.fr/content/download/1352/13877/version/18/file/GUIDE-de-LECTURE-RCE-BIO%202020-01.pdf">français</a>). C’est une amélioration considérable, même s’il est regrettable que l’utilisation de ces cages ne soit pas simplement interdite.</p>
<p>Isoler les animaux est une autre pratique par principe interdite en bio, mais qui peut être autorisée dans certains cas pour une durée limitée.</p>
<p>L’isolement social peut sérieusement compromettre le développement de jeunes animaux comme les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26874423/">veaux</a>, qui sont généralement logés individuellement après la naissance. En bio, ils ne pourront rester qu’une semaine seuls alors que cet isolement peut durer jusqu’à huit semaines dans les élevages conventionnels. La différence est de taille puisque les contacts sociaux sont importants pour ces animaux.</p>
<p>Dans une récente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666910221001654">étude</a>, des chercheurs ont montré que des veaux logés individuellement étaient motivés pour rejoindre leurs congénères (leur motivation a été mesurée en comparant le poids maximal et la fréquence à laquelle les veaux poussaient une porte lestée pour accéder soit à une case avec un autre veau soit à une case vide).</p>
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<h2>Vers l’élimination des mutilations physiques ?</h2>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32018R0848">réglementation bio</a> entend également limiter les mutilations physiques.</p>
<p>En dehors de la castration, autorisée « pour assurer la qualité des produits et maintenir les pratiques traditionnelles », les mutilations comme la coupe de queue des ovins, l’épointage du bec des volailles ou encore l’écornage des veaux, ne sont autorisées qu’« à titre exceptionnel », « au cas par cas et uniquement lorsque ces pratiques améliorent la santé, le bien-être ou l’hygiène des animaux ou lorsque la sécurité des travailleurs est compromise ».</p>
<p>Pourtant, certaines de ces mutilations demeurent fréquentes dans les faits. C’est le cas notamment de l’écornage, les vaches ayant conservé leurs cornes étant considérées comme plus dangereuses pour les éleveurs.</p>
<p>Afin de réduire au minimum la souffrance des animaux lors de ces mutilations, il est obligatoire en bio d’anesthésier l’animal et/ou de lui donner des antidouleurs, ce qui va dans le bon sens puisque de telles mutilations sont encore trop souvent réalisées sans aucune prise en charge de la douleur.</p>
<p>Le législateur aurait pu aller plus loin en imposant l’administration d’un anesthésique et d’un antidouleur, comme le recommandent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0022030218302479?via%3Dihub">études</a> notamment pour l’écornage. Surtout, il aurait pu encadrer davantage le recours à ces pratiques voire les interdire.</p>
<h2>Des contrôles plus fréquents</h2>
<p>Les règles spécifiques prévues pour l’élevage bio contiennent des avancées significatives pour améliorer la vie des animaux d’élevage. Leur respect par les éleveurs s’avère également régulièrement contrôlé, ce qui n’est pas le cas des élevages conventionnels, rarement <a href="https://orca.cardiff.ac.uk/101727/8/M%20Miele%202017%20implementation%20of%20the%20european%20postprint.pdf">inspectés</a>.</p>
<p>La France, comme la <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s40100-020-00171-3/figures/1">plupart</a> des États de l’Union européenne, a confié le contrôle des fermes bio à des organismes privés indépendants. Les élevages bio français doivent en effet être inspectés au moins une fois par an par un des organismes certificateurs agréés par l’Institut national de l’origine et de la qualité (établissement public rattaché au ministère de l’Agriculture) et le Comité français d’accréditation. Cette inspection annuelle peut être complétée par des contrôles inopinés.</p>
<h2>Fin de vie : un manque d’ambition !</h2>
<p>Alors que les règles portant sur les conditions d’élevage des animaux sont nombreuses en bio, celles sur leur fin de vie – c’est-à-dire lorsqu’ils quittent la ferme pour être transportés puis abattus – sont bien plus limitées. Face au transport et à l’abattage, les animaux sont – à quelques exceptions près – confrontées aux mêmes difficultés, qu’ils viennent d’élevages bio ou non.</p>
<p>Une différence – notable – concerne l’étourdissement. Pour qu’un produit d’origine animale puisse porter le logo bio, il faut que l’animal ait été étourdi avant d’être abattu. C’est la Cour de justice de l’UE, sous l’impulsion de l’<a href="https://oaba.fr/bio-halal-abattage-des-animaux-sans-etourdissement-incompatible-avec-le-bio/">association OABA</a>, qui a apporté cette précision début 2019.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1125679004445564928"}"></div></p>
<p>Une telle évolution va dans le sens d’une meilleure protection de l’animal au moment de l’abattage dans la mesure où l’étourdissement vise à provoquer une perte de conscience et de sensibilité avant la mise à mort.</p>
<p>Il est regrettable que rien (ou presque) n’ait été prévu pour le transport. La réglementation encadrant le transport des animaux – qui s’applique donc aussi aux animaux issus d’élevages bio – est insuffisante et fait l’objet de vives critiques, y compris de la part des <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20190207IPR25224/les-etats-membres-doivent-mieux-proteger-les-animaux-durant-le-transport">institutions</a>.</p>
<p>Si, en principe, les animaux ne peuvent être transportés plus de <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32005R0001">huit heures</a>, cette durée peut être prolongée. En réalité, seuls des temps de transport avant une pause ou un déchargement sont prévus, mais les textes ne fixent <a href="http://www.cantal.gouv.fr/IMG/pdf/Document1_cle0637bf.pdf">aucune durée maximale</a> de transport pour l’ensemble du voyage.</p>
<p>Ainsi, un porc peut par exemple passer vingt-quatre heures dans un camion avant d’en sortir, non pas définitivement mais pour une période de « repos » de vingt-quatre heures, avant de repartir (et ainsi de suite).</p>
<p>Parce que le transport – a fortiori de longue durée – met rudement à l’épreuve le bien-être des animaux, on ne peut que déplorer l’insuffisance des règles en la matière, notamment de la réglementation bio qui affiche pourtant sa volonté de limiter au maximum la souffrance des animaux.</p>
<p>On le voit, si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit néanmoins un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02289635/document">« mieux-être animal »</a> qui pourrait servir d’exemple pour améliorer la condition de tous les animaux d’élevage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170351/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eugénie Duval est adhérente et actionnaire solidaire de l’association Terre de Liens dont les principales missions sont d’aider les agriculteurs à s’installer en participant à l’achat du foncier agricole et de développer l’agriculture biologique et paysanne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Lecorps ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la réglementation applicable aux élevages bio n’est pas optimale, elle garantit toutefois des conditions de « mieux-être » au regard des pratiques instaurées dans les élevages conventionnels.Eugénie Duval, Docteure en droit public, Visiting Scientist (Animal Welfare Program, University of British Columbia), membre associée au Centre de recherche sur les droits fondamentaux et les évolutions du droit, Université de Caen NormandieBenjamin Lecorps, Docteur en biologie animale appliquée, post-doctorant, University of British ColumbiaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1722272021-11-24T23:20:39Z2021-11-24T23:20:39ZÉlevage intensif : entre militants animalistes et industriels, qui croire ?<p>Le jeudi 18 novembre, le Parlement adoptait la <a href="https://www.natura-sciences.com/non-classe/parlement-loi-maltraitance-animale.html">loi sur la maltraitance animale</a> qui ouvre la voie à la disparition progressive des animaux sauvages dans les cirques et delphinariums, à l’interdiction de vente de chiots et chatons en animalerie, et à un durcissement des sanctions en cas d’abandon ou de sévices.</p>
<p>Dans le débat, certains députés ont regretté que le texte n’aborde pas la question centrale de <a href="https://reporterre.net/Loi-sur-la-maltraitance-animale-des-petites-avancees-de-gros-oublis">l’élevage intensif</a>. En effet, <a href="https://www.woopets.fr/presse/analyse-enquete-ifop-woopets.fr-regard-francais-loi-contre-maltraitance-animale-place-debats-elections-presidentielles-2022.pdf">89 %</a> des Français se disent contre cette pratique, et militants animalistes et éleveurs s’opposent souvent sur la réalité de l’élevage en France.</p>
<p>Les protecteurs des animaux dénoncent ainsi régulièrement un élevage majoritairement intensif au travers de vidéos tournées dans les exploitations françaises attestant des conditions de vie très précaires pour des milliers voire des dizaines de milliers d’animaux entassés sur de petites surfaces. Le jour du vote de la loi, l’association de défense des animaux L214 en publiait ainsi une nouvelle dénonçant une nouvelle fois les conditions d’élevage des poulets dans une exploitation française.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1461359171098472464"}"></div></p>
<p>À chaque nouvelle vidéo, plusieurs voix s’élèvent cependant dans le milieu de l’élevage pour rejeter ces vidéos qui ne seraient pas représentatives du modèle français. La véracité des images diffusées par les associations n’est, elle, jamais remise en cause par la justice.</p>
<p>Alors, qui croire ? L’élevage français concentre-t-il des centaines de millions d’animaux dans des fermes-usines ainsi que l’affirment les associations de défense des animaux qui ont diffusé en quinze ans plus d’une centaine de vidéos d’élevages français ? Ou bien ces fermes-usines constitueraient-elles l’exception et l’élevage français serait-il à taille humaine, composé très majoritairement de petites et moyennes exploitations, comme l’affirment les représentants de la filière ?</p>
<p>Les chiffres officiels montrent qu’il y a là un paradoxe statistique, aisément compréhensible mais source d’erreurs pour le consommateur comme pour le législateur.</p>
<h2>Le paradoxe de l’élevage intensif</h2>
<p>Et si défenseurs des animaux et éleveurs avaient chacun en partie raison ? Essayons d’adopter leur perspective respective.</p>
<p>D’un côté, les associations animalistes s’intéressent à ce que vivent les animaux dans les élevages. En d’autres termes, pour les militants, la réalité de l’élevage « moyen » correspond à ce que vit l’animal « moyen » : si l’on prend au hasard un animal d’élevage en France, est-il plus probable qu’il soit élevé dans un élevage intensif ou familial ?</p>
<p>De l’autre, les éleveurs s’intéressent quant à eux à leur réalité en tant que travailleur ou chef d’exploitation. Pour ces derniers, l’élevage « moyen » est l’élevage tel que le pratique l’exploitant « moyen » : si je prends un élevage au hasard en France, a-t-on plus de chance d’être dans un élevage intensif ou familial ?</p>
<p>C’est de cette différence de perception que naît la confusion : l’élevage français est à la fois intensif, si l’on s’intéresse au sort des animaux, et de petite taille, si l’on s’intéresse au vécu des éleveurs. En France, la très grande majorité des animaux vit en effet dans des élevages intensifs, alors que la grande majorité des éleveurs élèvent leurs animaux dans de petites exploitations.</p>
<p>Pour bien comprendre ce paradoxe, regardons les chiffres du ministère de l’Agriculture de 2019. Pour les porcs, on constate que 46,3 % des éleveurs travaillent dans des petites exploitations (entre 1 et 19 porcs par exploitation) et 18,1 % dans des exploitations moyennes (entre 20 et 499 porcs). En d’autres termes, plus d’un exploitant sur deux s’occupe de moins de 500 porcs, voire même de moins de 20 porcs pour 4 fermiers sur 10.</p>
<p>Mais si on s’intéresse au point de vue de l’animal, on observe que 65 % des porcs sont élevés dans des exploitations que l’on pourrait qualifier de fermes-usines (plus de 2 000 porcs par exploitation). Ainsi, la majorité des éleveurs de porcs travaillent dans de petites et moyennes exploitations, alors que la grande majorité de ces animaux vivent dans des fermes-usines : c’est le paradoxe de l’élevage intensif.</p>
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<p>On observe également ce paradoxe pour d’autres espèces d’animaux élevés en France. Plus d’un éleveur de poulets sur deux travaille dans une exploitation de moins de 10 000 animaux. Mais pour les animaux, la réalité est différente : 70 % des poulets sont en effet élevés dans des fermes-usines de plus de 20 000 poulets. De même pour les poules pondeuses : 70 % d’entre elles sont élevées dans des structures de 50 000 poules ou plus, alors que 69 % des éleveurs travaillent dans des structures de moins de 10 000 poules. Dans une moindre mesure, on retrouve également ce paradoxe dans l’élevage bovin : plus de la moitié des éleveurs travaillent dans des exploitations de moins de 70 vaches, tandis que près de 60 % des vaches sont élevées dans des exploitations de 70 vaches et plus.</p>
<h2>Éleveur moyen vs animal moyen</h2>
<p>Ce fossé entre le vécu des éleveurs et le vécu des animaux se trouve également renforcé au niveau national par le poids de chaque type d’élevage dans le nombre total d’animaux tués.</p>
<p>Les bovins représentent une part très faible du nombre total d’animaux tués en France pour la production de viande (<a href="https://romainespinosa.com/dataviz-abattage-france/">moins de 0,5 % des animaux tués par an</a>), alors que les élevages bovins concentrent plus de la moitié des exploitations d’élevage (64 %, hors polyélevage). La majorité des élevages sont donc des exploitations bovines, qui ont tendance à être de petite taille. Au contraire, les élevages de volailles et de porcs, où les animaux sont majoritairement élevés dans des méga-structures, représentent seulement 13 % des élevages mais plus de 95 % des animaux tués par an en France.</p>
<p>La définition de l’élevage français dépend ainsi de la perspective adoptée : celle des animaux ou celle des éleveurs. L’éleveur « moyen » (« médian » pour être précis) est un éleveur bovin qui élève moins d’une centaine de vaches dans son exploitation. Au contraire, l’animal « moyen » est un poulet de chair élevé dans une ferme-usine à plus de 20 000 voire 50 000 poulets.</p>
<h2>Les petites exploitations, gagnantes des réformes</h2>
<p>Cet artefact statistique vient renforcer l’ignorance des consommateurs quant aux externalités négatives engendrées par l’élevage.</p>
<p>De précédents travaux ont en effet montré que les consommateurs peuvent être <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03097601/document">demandeurs d’information</a> car ils ne réalisent pas ce qu’implique l’élevage pour les animaux. Cependant, ils ont parfois également tendance à vouloir <a href="https://www.tse-fr.eu/publications/economic-model-meat-paradox">éviter une information</a> qui remettrait en cause leurs habitudes. L’incertitude due aux différences entre les discours des ONG et ceux des représentants de la filière risque de les conforter dans le statu quo défavorable au bien-être animal.</p>
<p>Cette complaisance vis-à-vis de l’information s’ajoute aux autres <a href="https://www.puf.com/content/Comment_sauver_les_animaux">mécanismes cognitifs</a> qui conduisent les Français à consommer des produits issus de l’élevage (intensif) là où ils souhaiteraient l’éviter. Les <a href="http://www.revuetraitsdunion.org/wp-content/uploads/TU-10-Romain-Espinosa_Divis%C3%A9s_dans_lunit%C3%A9-p-42-58-1.pdf">ONG</a> jouent ainsi un rôle central dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ajae.12156">l’information des consommateurs</a> en montrant la réalité statistique de l’élevage du point de vue des animaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432846/original/file-20211119-23-j1kbiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1148&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Bien comprendre cet artefact statistique est également central pour réfléchir aux nécessaires réformes du monde de l’élevage. Les positions du ministère de l’Agriculture ou des représentants syndicaux des éleveurs visent à défendre le travail effectué par la majorité des exploitants. Cependant, cette réalité n’a que peu de sens quand il s’agit de discuter du bien-être animal. Dire que « la majorité des éleveurs prend soin de ses animaux » n’empêche pas le fait que « la très large majorité des animaux sont élevés dans des fermes-usines ».</p>
<p>Les petites et moyennes exploitations seraient ainsi les premières gagnantes de réformes visant à améliorer le bien-être des animaux, parce qu’elles impacteraient principalement les fermes-usines qui concentrent la très large majorité des animaux. Par conséquent, les prises de position des responsables politiques et des représentants des filières visant à limiter toute amélioration du bien-être animal semblent se faire principalement au détriment des petites et moyennes exploitations, et donc de la majorité des éleveurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Espinosa a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de Rennes Métropole et de l'Université Rennes 1. </span></em></p>Dire que « la majorité des éleveurs prend soin de ses animaux » n’empêche pas statistiquement le fait que « la très large majorité des animaux sont élevés dans des fermes-usines ».Romain Espinosa, Chargé de recherche en économie, CNRS, Université de Rennes 1 - Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.