tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/etat-actionnaire-37779/articlesÉtat actionnaire – The Conversation2020-05-13T18:56:50Ztag:theconversation.com,2011:article/1384412020-05-13T18:56:50Z2020-05-13T18:56:50ZEn finir avec une idée reçue : le dividende n’enrichit pas les actionnaires<p>En pleine crise de Covid-19, les dividendes font l’objet de nombreux débats et contestations. Le 24 mars dernier, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a incité les entreprises françaises à « la plus grande modération » dans le versement des dividendes en 2020, et a indiqué que « les entreprises où l’État est actionnaire » seraient invitées à « ne pas verser de dividendes, en tout cas à des particuliers », ajoutant que « le partage de la valeur, c’est aussi une solidarité ».</p>
<p>Le gouvernement peut tout à fait inciter, voire obliger, les entreprises à ne pas verser ou limiter leur dividende au prétexte de la solidarité dans le cas ou ces entreprises bénéficient d’aides financières de l’État. Il n’est pas nouveau que des aides gouvernementales soient versées sous réserve de conditions (bien qu’on puisse discuter la pertinence de ces conditions). Libre aux entreprises de choisir si elles souhaitent bénéficier d’un plan de sauvetage ou non, en échange de quoi elles s’engagent à ne pas verser de dividendes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1242364593336471552"}"></div></p>
<p>Cependant, les entreprises privées considérant avoir suffisamment de trésorerie pour verser des dividendes, comme Hermès ou Total, n’ont pas d’ordre à recevoir. Il appartient à l’entreprise et à ses actionnaires de décider s’ils souhaitent ou non mettre leur capital au service de la solidarité.</p>
<p>De plus, le renoncement au versement des dividendes n’est pas le seul moyen pour agir. Total par exemple a choisi de mettre à disposition des personnels soignants 50 millions d’euros en <a href="https://www.total.fr/actus/nos-actualites/Covid-19-Total-se-mobilise-pour-soutenir-personnels-soignants-hospitaliers">bons d’essence</a>.</p>
<p>La conjoncture est particulièrement propice aux débats passionnés concernant le versement de dividendes. Ainsi, il apparaît nécessaire de se pencher sur la théorie financière et d’apporter quelques éclairages, notamment le suivant : distribution de dividendes n’est pas synonyme d’enrichissement systématique de l’actionnaire.</p>
<h2>Le dividende est neutre pour l’actionnaire</h2>
<p>Les actionnaires sont propriétaires de l’entreprise à hauteur de leur contribution dans le capital. Ils supportent l’ensemble des risques (<a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/produits-financiers/actions-2/les-risques-associes-aux-actions/le-risque-de-faillite/">risque de faillite</a>, <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/produits-financiers/actions-2/les-risques-associes-aux-actions/le-risque-de-liquidite/">risque de liquidité</a> ou <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/produits-financiers/actions-2/les-risques-associes-aux-actions/le-risque-de-perte-en-capital/">risque de perte en capital</a>), en échange de quoi ils espèrent obtenir une plus-value de leurs titres et se voient verser des dividendes (en argent ou en actions), fruit de leur investissement.</p>
<p>Un mois après le début de la crise, l’indice phare des valeurs françaises, le <a href="https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/24829-cac-40-definition">CAC 40</a>, avait perdu <a href="https://www.latribune.fr/bourse/39-en-un-mois-le-plongeon-historique-du-cac-40-en-six-dates-842529.html">39 % de sa valeur</a>, ce qui correspond à la perte moyenne subie par les actionnaires. Quand on considère les pertes subies sur l’ensemble des marchés boursiers, le versement d’un dividende apparaît symbolique.</p>
<p>La théorie financière nous indique que, si l’objectif d’un actionnaire est de maximiser sa richesse, alors le paiement ou non d’un dividende n’a aucune importance. En effet, le cours de bourse d’un titre baisse, toute chose étant égale par ailleurs, du montant du dividende versé.</p>
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<figcaption><span class="caption">Michel Albouy : pourquoi les dividendes n’enrichissent pas les actionnaires. (Xerfi Canal, 2019).</span></figcaption>
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<p>Si ce n’était pas le cas, il y aurait nécessairement un arbitrage, les investisseurs auraient intérêt à acheter des actions dont ils anticipent un versement de dividende afin de les revendre juste après. Il serait alors possible de gagner de l’argent sans prendre de risque. Or, tout initié sait bien qu’il n’y a jamais de repas gratuit sur les marchés financiers, sans quoi ils ne seraient pas efficients.</p>
<p>Ainsi comme le montrent les figures ci-dessous, la richesse de l’actionnaire n’est pas conditionnée au versement du dividende.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334283/original/file-20200512-175251-7mem49.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1a. Diminution du cours de l’action suite au versement d’un dividende et dans le cas d’une appréciation préalable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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<p>Si aucun dividende n’est versé, la totalité de la richesse de l’actionnaire est concentrée sur la valeur de son action. Si un dividende est versé, sa richesse est répartie entre la nouvelle valeur du titre et le dividende.</p>
<p>Et le constat est le même, que le cours du titre se soit apprécié (Figure 1a) ou déprécié (Figure 1b).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=580&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334282/original/file-20200512-175229-ch2uvi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=729&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1b. Augmentation du cours de l’action suite au versement d’un dividende et dans le cas d’une dépréciation préalable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur</span></span>
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<p>Dans le cas des sociétés cotées, si le dividende est versé en action, la richesse totale de l’actionnaire <a href="https://theconversation.com/dividendes-et-rachats-dactions-nenrichissent-pas-les-actionnaires-56562">ne change pas non plus</a>. La valeur totale de ses actions est alors répartie sur un plus grand nombre d’actions.</p>
<h2>À quoi servent donc les dividendes ?</h2>
<p>Bien qu’ils ne permettent pas de maximiser la richesse, les actionnaires restent attachés aux dividendes. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304405X84900254">Trois raisons psychologiques</a> sont en cause.</p>
<p><strong>La théorie des perspectives</strong> : en cas de gain (Figure 1a), le versement de dividende est mieux valorisé car l’actionnaire a <a href="https://www.andlil.com/theorie-des-perspectives-153648.html">psychologiquement</a> la sensation de faire deux gains qu’il valorise séparément. Cela procure toujours davantage de satisfaction d’ouvrir ses cadeaux emballés séparément plutôt que de les avoir regroupés dans un seul paquet.</p>
<p>En cas de perte (Figure 1b), la préférence est encore au dividende. Ce dernier fait l’objet d’une valorisation psychologique positive qui est séparée de la moins-value. Une perte de 12 euros suivie d’un gain de 2 euros nous apparaîtra moins amère qu’une unique perte de 10 euros.</p>
<p><strong>La comptabilité mentale</strong> : la <a href="http://www.broker-forex.fr/comptabilite-mentale-finance-comportementale.php">comptabilité mentale</a> peut se définir comme un ensemble d’opérations cognitives que nous utilisons pour organiser, évaluer et traiter les problèmes financiers. Nous traitons différemment nos revenus selon leur provenance. En découlent certaines règles qui nous aident à nous discipliner telles que « consommer les revenus du capital sans toucher au capital ». Il est en effet assez fréquent de dédier nos revenus courants au paiement de nos dépenses usuelles et d’affecter nos revenus « bonus » à des dépenses de loisirs ou de produits de luxe.</p>
<p><strong>L’aversion au regret</strong> : recevoir un dividende est pour l’actionnaire une façon de percevoir de l’argent sans avoir à prendre la décision de vendre ses titres. Si, pour satisfaire ses besoins de liquidité, il avait dû vendre ses titres, son <a href="https://www.letemps.ch/economie/produits-structures-theorie-regret-lacte-dinvestir">sentiment de regret</a> aurait été d’autant plus intense en cas d’augmentation ultérieure la valeur du titre. Un regret davantage ressenti que procuré par le fait de pas avoir réinvesti le dividende. Le regret par omission est toujours moins désagréable que le regret par commission !</p>
<p>Pour revenir à la crise mondiale qui occupe nos esprits, il convient également de préciser que dividendes et relance économique ne sont pas contradictoires. Du point de vue de l’économie dans son ensemble, les versements de dividendes ou rachats d’actions par les entreprises permettent de redistribuer de l’argent aux actionnaires qui peut être ensuite réinvesti dans d’autres sociétés qui ont de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/dividendes-et-enrichissement-des-actionnaires-attention-aux-amalgames-132904">meilleures perspectives de croissance</a>.</p>
<p>Les actionnaires peuvent ainsi réinvestir cet argent dans des sociétés en croissance qui ont besoin de fonds pour se développer, et ainsi permettre le développement de l’économie. Le versement de dividendes fait donc partie des mécanismes de base qui permet aux économies de marché de fonctionner de manière efficace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La théorie financière démontre que le dividende est économiquement neutre, bien qu’il contribue à rassurer l’actionnaire psychologiquement.Sabrina Chikh, PhD, Professeur Associé, SKEMA Business SchoolPascal Grandin, Professeur, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1299892020-01-19T20:19:19Z2020-01-19T20:19:19ZRenault-Nissan : les trois erreurs stratégiques qui expliquent la chute de Carlos Ghosn<p>Au-delà des éventuelles prises illégales d’intérêt et des frasques, on peut conjecturer que trois erreurs stratégiques et une erreur de gouvernance expliquent pourquoi celui qui a contribué à développer l’alliance entre les deux groupes pendant deux décennies, Carlos Ghosn, a pu se retrouver assigné à résidence depuis de nombreux mois au Japon et avoir désormais le statut de fugitif international.</p>
<p>Deux perspectives sont à considérer : l’une est interne à l’alliance et aux relations entre les deux partenaires, Renault et Nissan ; l’autre est externe, en lien avec les parties prenantes, au premier rang desquels se trouvent les États français et japonais.</p>
<h2>Une alliance plutôt qu’une fusion</h2>
<p>Lorsque le rapprochement entre Renault et Nissan a été envisagé en 1998-1999, <a href="https://www.vuibert.fr/ouvrage/9782311406269-strategie">deux options stratégiques étaient possibles</a> : la fusion-acquisition ou l’alliance. Le choix d’une fusion-acquisition est d’autant plus défendable (apparaît d’autant plus logique et rationnel) qu’il existe de nombreux domaines dans lesquels les entreprises peuvent réaliser des économies ou des recettes additionnelles de façon durable en se rapprochant.</p>
<p>Inversement, si le potentiel de synergies ne concerne qu’un périmètre très réduit des activités respectives des deux entreprises, c’est l’alliance qui doit être privilégiée, sauf à ce que le projet n’ait pas une logique industrielle. Dans le cas Renault-Nissan, la fusion-acquisition semble constituer la meilleure option, compte tenu de l’étendue des synergies potentielles.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/B_PfXHrBODg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le 27 mars 1999, les présidents des sociétés Renault et Nissan, Louis Schweitzer et Yoshikazu Hanawa, signent l’accord prévoyant l’entrée à hauteur de 36,8 % du constructeur français dans le capital de la branche automobile du groupe japonais, alors très endetté (Archives INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, le fondateur de l’alliance Renault-Nissan, Louis Schweitzer, a écarté cette option. Trois raisons contextuelles permettent de justifier ce choix initial :</p>
<ul>
<li><p>La première est financière. Une fusion-acquisition aurait entraîné la prise en charge de tous les passifs de Nissan qui était en très mauvaise posture en 1999 : une dette estimée entre 18 et 25 milliards de dollars selon le périmètre retenu pour le <a href="https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/keiretsu.html"><em>keiretsu</em></a>, des pertes récurrentes et une compétitivité dégradée. Renault n’avait pas les moyens d’assumer l’éventuelle faillite de Nissan dont le redressement n’était pas acquis.</p></li>
<li><p>La deuxième est managériale. La capacité à réellement coopérer n’était pas acquise dans un contexte franco-japonais marqué par une importante distance géographique, des <a href="https://www.researchgate.net/publication/41222969_Gestion_des_alliances_internationales">différences culturelles organisationnelles et nationales</a>, et la nécessité de travailler sous des fuseaux horaires différents et avec une langue tierce.</p></li>
<li><p>La troisième est politico-culturelle. La fusion-acquisition aurait été perçue comme l’absorption d’un fleuron de l’automobile japonaise par un constructeur français quasi-inconnu du Japon, perspective peu acceptable tant d’un point de vue culturel que politique.</p></li>
</ul>
<p>Dans ces conditions, l’alliance était la seule option acceptable, de part et d’autre. Au cours des deux dernières décennies, celle-ci s’est développée avec une intégration croissante sur les plans industriel et organisationnel, mais les deux entreprises sont demeurées juridiquement indépendantes, ménageant ainsi les susceptibilités politico-culturelles.</p>
<h2>« Rubicon » managérial</h2>
<p>Quand nous avons, au fil de ces années, travaillé avec des managers en MBA sur le <a href="https://www.ccmp.fr/collection-ccmp/cas-lalliance-renault-nissan-de-1999-a-2006">« cas Renault-Nissan »</a>, la question de l’évolution de l’alliance vers une fusion a été systématiquement posée par les managers d’entreprises, quels que soient leur nationalité. Il nous est toujours apparu que l’intégration de toutes les fonctions de la chaîne de valeur pouvait être développée, mais qu’il existait une ligne rouge à ne pas franchir, celles des principes fondateurs de l’alliance, à savoir le maintien de l’identité des deux entreprises et de leur indépendance juridique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149435844786307079"}"></div></p>
<p>En cherchant à transformer l’alliance originelle en une fusion, Carlos Ghosn aurait franchi ce « rubicon » managérial et suscité les manœuvres de dirigeants japonais qui ont conduit à sa perte. Sauf à croire au <a href="https://www.lesechos.fr/2015/03/la-fusion-entre-egaux-est-souvent-une-illusion-201902">mythe de la fusion entre égaux</a>, l’opération aurait en effet redistribué les cartes du pouvoir, sujet éminemment épineux puisqu’il prend la forme d’un jeu à somme nulle.</p>
<p>La première erreur stratégique repose donc sur la croyance que la pertinence économique (renforcer les synergies grâce à une fusion) est synonyme de faisabilité et d’acceptabilité. Deux des raisons justifiant initialement l’alliance ne sont, certes, plus d’actualité : la situation très dégradée de Nissan et le doute sur la capacité des deux acteurs à coopérer et, donc, à créer de la valeur. Mais la troisième raison est demeurée bien présente : la non-acceptabilité d’une prise de contrôle de Nissan par Renault, renforcée par le redressement de Nissan, tout comme la non-acceptabilité pour Renault de voir son partenaire ragaillardi prendre le lead du nouvel ensemble.</p>
<p>Une deuxième erreur stratégique tient au leadership de l’alliance. Initialement nommé directeur général de Nissan (en 1999) pour redresser le constructeur japonais, Carlos Ghosn est devenu président de Nissan en 2001, puis président de Renault et président de RNBV (la structure de management de l’alliance) en 2005. La confiance conférée à Ghosn à la suite du redressement de Nissan a rendu possible ce cumul de mandats. Mais cette position hégémonique, outre qu’elle peut dépasser les limites de l’entendement, n’était pas un blanc-seing pour un leadership directif, car toute alliance appelle un leadership partagé, sauf consentement explicite du partenaire dominé.</p>
<p>Il ne fait guère de doute que Carlos Ghosn l’a oublié, ce que confortent ses propos tenus lors de sa conférence de presse du 7 janvier dernier, quand il déclare « <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/en-direct-carlos-ghosn-sexprime-pour-la-premiere-fois-depuis-sa-fuite-1161201">L’alliance peut réussir sans moi</a>, mais elle doit suivre certaines règles. Elle ne fonctionnera pas sur la base de consensus, on se trompe actuellement ». Tôt ou tard, quand l’opportunité se présente, ceux privés d’une voix au chapitre réagissent.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le « show » de Carlos Ghosn à Beyrouth (Le Parisien, 8 janvier 2020).</span></figcaption>
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<p>Une troisième erreur stratégique tient aux relations que l’ancien patron de l’Alliance a noué, ou plutôt, n’a pas noué avec l’État français qui était l’un des actionnaires, et non des moindres, de Renault. Comment expliquer autrement, au moins au début de l’affaire, que l’État français se désintéresse autant de celui qui fut l’un de ces grands capitaines d’industrie à qui la France doit le développement d’une partie de son secteur automobile ? Carlos Ghosn a ignoré l’État français et ses représentants, et ceux-ci le lui rendent bien aujourd’hui.</p>
<p>Sans doute en a-t-il fait de même du côté japonais. L’ancien dirigeant de l’Alliance Renault-Nissan avait peut-être une conception de l’industrie reposant sur le modèle initial de Porter qui fait fi des pouvoirs publics et de leur influence. Un dirigeant d’une entreprise, même mondialisée et très puissante, ne peut ignorer le rôle et le poids des pouvoirs publics nationaux. La situation actuelle de l’ancien patron de l’Alliance Renault-Nissan et les très rares soutiens qu’il suscite illustrent cette relation entre l’entreprise et l’État, ou plutôt dans le cas actuel, entre l’entreprise et les États.</p>
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<figcaption><span class="caption">Comprendre les cinq forces de Porter (Xerfi canal, 25 novembre 2019).</span></figcaption>
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<h2>Une position hégémonique jamais dénoncée</h2>
<p>Ces trois erreurs stratégiques, tant internes qu’externes, permettent d’éclairer d’un regard non anecdotique la descente aux enfers qu’a connu Carlos Ghosn. Elles illustrent aussi les difficultés du management d’une alliance mondiale et posent la question de la gouvernance de ce type d’organisation.</p>
<p>Le cas Renault-Nissan démontre qu’un leader peut ne pas être éternellement « l’homme de la situation ». Louis Schweizter avait l’expérience et la sensibilité requises pour imaginer un modèle hybride à même d’éviter les écueils du rapprochement avorté Renault-Volvo. Carlos Ghosn avait l’expérience nécessaire pour accompagner le redressement de Nissan. Il était beaucoup moins évident que sa personnalité, ainsi que <a href="https://theconversation.com/debat-dans-la-tete-de-carlos-ghosn-le-manager-qui-se-voulait-faire-aussi-gros-que-les-grands-capitalistes-107575">l’hubris et le narcissisme</a>, suscités par le succès de la remise sur pied du constructeur nippon, soient en cohérence avec le leadership partagé requis pour assurer la consolidation de l’alliance.</p>
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<figcaption><span class="caption">Affaire Carlos Ghosn : un décryptage des erreurs de management stratégique (Xerfi canal, janvier 2020).</span></figcaption>
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<p>L’erreur des organes de gouvernance de Renault-Nissan aura été de ne pas dénoncer la position hégémonique de Carlos Ghosn, du moins ses dérives. Responsables aussi, donc, mais peut-être pas coupables car l’enracinement de Carlos Ghosn a pu entraver toute idée de son remplacement ou de sa mise au pas. L’« affaire Ghosn » aura été, à cet égard, salutaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129989/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La position hégémonique acquise par l’ancien dirigeant entrait notamment en contradiction avec le leadership partagé qu’appelle une alliance.Fabien Blanchot, Professeur des universités, Université Paris Dauphine – PSLMichel Kalika, Professeur émérite, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1241092019-09-25T18:50:14Z2019-09-25T18:50:14ZFaut-il vraiment démanteler le Groupe EDF pour satisfaire Bruxelles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293777/original/file-20190924-54763-1cbfgfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=226%2C312%2C1480%2C907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les activités pourraient être séparées en un « EDF bleu » (nucléaire, barrages hydroélectriques et transport de l'électricité et un « EDF vert » (commerce, services, distribution).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/die_dou/5843406683">2. / Flickr </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jeudi 19 septembre 2019, les salariés d’EDF ont répondu massivement à l’appel à la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/edf-en-greve-le-19-septembre-pour-lutter-contre-hercule-un-projet-de-reorganisation-1765555.html">grève</a> lancé par l’intersyndicale contre le démantèlement de leur entreprise prévu par le projet de réorganisation dénommé « Hercule ». Pour ces salariés, fiers de leur entreprise – et ils ont de quoi –, c’est tout simplement « la fin d’Électricité de France ».</p>
<p>Sur le site d’EDF, on peut lire « Leader mondial des énergies bas carbone, le groupe EDF rassemble tous les métiers de la production, du commerce et des réseaux d’électricité. En s’appuyant sur l’expertise de ses équipes, sa R&D et son ingénierie, son expérience d’exploitant industriel et l’accompagnement attentif de ses clients, EDF apporte des solutions compétitives qui concilient développement économique et préservation du climat ». Effectivement, avec Hercule, cette intégration qui fait sens, tant au niveau économique que technique, va être mise à mal.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1174592329988096000"}"></div></p>
<p>Selon un syndicaliste de la CFE :</p>
<blockquote>
<p>« Nous sommes mobilisés contre le projet Hercule qui veut créer une structure à 100 % nationalisée pour regrouper la production et le transport d’électricité. Une seconde entité sera créée avec des filiales dont le capital sera ouvert aux privés. »</p>
</blockquote>
<p>En effet, le projet Hercule consiste à séparer les activités de l’électricien en deux entités : d’un côté un « EDF bleu », comprenant le nucléaire, les barrages hydroélectriques et le transport de l’électricité (assuré par RTE) ; et de l’autre un « EDF vert », qui regrouperait la branche commerce, les services, et le réseau de distribution ENEDIS (ex-ERDF). L’entité bleue serait détenue à 100 % par l’État et la verte verrait son capital ouvert à des investisseurs extérieurs.</p>
<p>Selon une source interne d’EDF, l’un des objectifs de cette opération sensible serait d’isoler financièrement le risque nucléaire dans un secteur en crise pour des raisons à la fois conjoncturelles (la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011) et structurelles (l’incapacité à mener le chantier de l’ EPR de Flamanville à son terme).</p>
<p>Mais ce n’est pas le seul objectif de la manœuvre. La régulation du marché de l’électricité est en jeu à travers la réforme du groupe EDF et de l’<a href="https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/controverse-quelles-reformes-possibles-pour-larenh">Arenh</a>, l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique.</p>
<h2>L’Arenh, un dispositif mortifère pour EDF</h2>
<p>Malgré l’ouverture du marché de l’énergie, EDF continue de bénéficier de ce qui est considéré par Bruxelles comme des aides d’État, notamment dans le mécanisme des tarifs régulés de vente (TRV) de l’électricité. C’est la loi du 7 décembre 2010 relative à la « Nouvelle organisation du marché de l’électricité », dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023174854&categorieLien=id">loi Nome</a>, qui a permis l’ouverture du marché de l’électricité et encouragé la concurrence. Elle répond à la volonté de Bruxelles de libéraliser complètement ce marché selon une <a href="https://www.vie-publique.fr/documents-vp/directive_200354ce.pdf">directive communautaire de 2003</a>. </p>
<p>Dans cette optique, la loi Nome impose à EDF de céder un quart de sa production nucléaire à la concurrence à un tarif défini par arrêté dit Arenh. Ainsi, selon la réglementation actuelle, EDF est obligée de vendre à ses concurrents un quart de son électricité nucléaire (100 térawattheures ou TWh) aux fournisseurs alternatifs au prix fixe de 42 euros par mégawattheures (ou MWh) jusqu’en 2025. Or, ce montant est jugé trop bas par EDF pour couvrir ses coûts de production. L’électricien souhaiterait le porter à <a href="http://www.leparisien.fr/economie/projet-de-scission-d-edf-pourquoi-le-prix-de-l-electricite-devrait-grimper-10-09-2019-8149248.php">45 euros par MWh</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293794/original/file-20190924-51414-n8r3ry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le retard du chantier de Flamanville est l’une des raisons du plan Hercule.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Panoramio/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il semble bien que cette affirmation soit validée par les comptes de l’électricien qui a du mal à rétablir ses marges. De son côté, le volume des ventes de l’énergie nucléaire passerait de 100 à 150 TWh ; ce qui augmenterait la part dédiée à la concurrence.</p>
<p>Il est intéressant de noter ici le fait que l’électricité n’est pas un bien stockable et que son cours varie fortement en fonction de la nécessaire adéquation de l’offre et de la demande en temps continu. Ainsi, lorsque le prix sur le marché est supérieur à 42 euros le MWh, les concurrents d’EDF exercent leur droit et achètent à ce prix. Mais quand il est inférieur, ils achètent au prix du marché libre. En fait, les concurrents d’EDF sont détenteurs d’une option d’achat (appelée « call » sur les marchés financiers) sur l’électricité nucléaire produite par EDF à concurrence d’un quart de sa production.</p>
<p>Cette option d’achat gratuite constitue un véritable cadeau non comptabilisé fait aux concurrents d’EDF (Total, ENI, GDF-Suez avec Engie, etc.), qui ne supportent aucun coût fixe d’investissement et ne font qu’empocher une marge sur le prix d’achat. Afin de pouvoir augmenter le tarif régulé et le porter à 45 euros le MWh (et augmenter au passage le volume des ventes à la concurrence), l’État a imaginé le bien nommé plan « Hercule » (un personnage doté d’une force extrême dans l’imaginaire collectif) pour négocier avec Bruxelles. En échange d’une augmentation du tarif régulé de l’Arenh, l’État rendrait à la concurrence la partie commerciale de l’électricien en la privatisant, et ne conserverait que la production nucléaire et hydraulique.</p>
<h2>Un montage financier problématique</h2>
<p>Selon une source à la direction d’EDF, Hercule et Arenh sont totalement liés :</p>
<blockquote>
<p>« Tous deux résultent malheureusement d’une négociation de marchands de tapis qui mettra fin au modèle intégré d’EDF tel qu’il existe depuis 1945. C’est la fin du service public de l’électricité. »</p>
</blockquote>
<p>Dans cette négociation se trouve l’avenir du fleuron national de l’électricité qu’est EDF. Dans les commentaires, on retrouve souvent la situation financière difficile, voire préoccupante, de l’électricien. Bien entendu, Arenh n’a pas aidé EDF à améliorer ses marges et son endettement. Ceci étant, les chiffres ne sont pas si catastrophiques que beaucoup le pense. L’endettement financier net au 31 décembre 2018 du groupe EDF était de <a href="https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-finance-fr/informations-financieres/informations-reglementees/resultats-annuels/2018/pdf/resultats-annuels-2018-comptes-consolides-20190215.pdf">33,4 milliards d’euros</a>, soit 2,2 fois son EBITDA (bénéfice avant intérêt, impôt et amortissement). Au 30 juin 2019, la dette s’élevait à 37,4 milliards, soit 2,4 fois l’EBITDA.</p>
<p>De tels ratios se retrouvent dans très nombreuses entreprises. Certes, le montant absolu de la dette peut faire peur au commun des mortels mais, encore une fois, il faut le rapporter à la capacité du groupe à générer un cash-flow (flux de trésorerie) également important (15,3 milliards d’euros d’EBIDTA en 2018) malgré les contraintes qui pèsent sur lui. Ceci étant, il est vrai que dans une perspective de financement de la nécessaire transition énergétique, avec cette situation et l’impact de la régulation des tarifs, l’avenir est bien compromis. On peut même se demander si le relèvement à 45 euros le MWh permet de financer les investissements colossaux auquel devra faire face l’électricien si on veut réussir cette transition. De plus, si cette augmentation a bien lieu, elle impactera les prix pour les consommateurs.</p>
<p>Par ailleurs un aspect essentiel de l’équilibre financier d’EDF se trouve dans l’évolution du coût complet du KWh nucléaire en fonction du coût du capital. Dans une étude de 2017, citée par Basile Bouquet, directeur général d’Enexflow, la Cour des comptes anglaise a estimé le coût complet à <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/nucleaire-et-liberalisation-une-equation-insoluble-1040232">140 euros par mégawattheure</a> (MWh) pour un taux de rémunération de 12 % (soit celui attendu par certains fonds privés d’investissement), il chute à 100 euros par MWh pour une rémunération de 9 % (taux minimum pour une entreprise introduite en Bourse), 70 euros par MWh pour 6 % (soit le taux habituel des investissements publics) et à seulement 30 euros par MWh en cas de retour attendu de 2 % (un taux encore plus élevé que les emprunts de l’État français). En d’autres termes, le nucléaire est un investissement de long terme qui a besoin d’un adossement public ; c’est ce que le Général de Gaulle avait bien compris lorsqu’il a lancé le programme électronucléaire français pour assurer l’indépendance énergétique de la France.</p>
<h2>Quelles voies pour le groupe EDF ?</h2>
<p>Le marché que semble proposer l’État à Bruxelles avec le plan Hercule nous semble contestable d’un strict point de vue financier. En effet, pourquoi enfermer la production d’électricité (nucléaire et hydraulique) dans une coquille nationalisée qui aura du mal à lever des fonds propres alors qu’elle en a considérablement besoin et privatiser la partie commerciale dont les besoins sont plus limités ? En fait, les deux branches sont nécessaires à l’équilibre financier de l’électricien sous réserve d’une réévaluation du tarif régulé de l’Arenh et d’une amélioration de l’efficacité opérationnelle de l’électricien.</p>
<p>Selon Yves Bamberger, ancien directeur R&D d’EDF, et Gérard Creuzet, ancien directeur général opérations d’EDF, membres de l’Académie des technologies, il existe d’importantes <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/edf-une-autre-voie-pour-le-geant-francais-de-lenergie-1118183">marges de progression</a>. La plus importante se situe au niveau du coefficient de disponibilité du parc nucléaire en décroissance depuis de nombreuses années et qui est d’environ 10 points sous les meilleurs standards mondiaux. Pour y revenir, il est nécessaire de mettre en œuvre une démarche d’efficacité opérationnelle volontariste, avec toute la détermination nécessaire dans la durée. Selon eux, « gagner ces 10 points en cinq ans, c’est 52 térawattheures (TWh) de production supplémentaire, ce qui représente une amélioration de 2,7 milliards d’euros de l’excédent brut d’exploitation ». Avec une telle amélioration de ses résultats financiers, EDF serait alors de nouveau en situation favorable pour financer son développement.</p>
<p>Au-delà de la problématique financière, le projet Hercule soulève la question industrielle et sociale. EDF n’est pas une entreprise industrielle classique. C’est un groupe intégré producteur et distributeur d’électricité qui est un fleuron national et assure notre indépendance énergétique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"711820919149166593"}"></div></p>
<p>Sa production d’électricité (centrales nucléaires, barrages hydrauliques) et sa distribution (via RTE) relèvent d’une problématique de monopole public. Ses réalisations dans le domaine du nucléaire et de l’hydraulique ont fait de la France une référence mondiale dans ces domaines. Grâce à EDF, les Français payent leur électricité <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/lelectricite-reste-moins-chere-en-france-quailleurs-en-europe-1025428">moins chère</a> que leurs voisins européens et cela avec une qualité de service excellente. Avec leur premier mouvement de grève réussi pour défendre l’intégrité de leur entreprise les électriciens ont voulu montrer leur attachement à leur entreprise et son modèle hérité de la fin de la Seconde Guerre mondiale qui a très bien fonctionné jusqu’ici. Cet attachement, les salariés d’EDF le montrent également et très concrètement avec le succès de l’offre d’actions réservée aux salariés en 2018 et qui a été souscrite par plus de 40 000 bénéficiaires, et la préférence pour le paiement du dividende en actions qui évite d’amputer la trésorerie du groupe.</p>
<p>Certes, le monde change et la France fait partie de l’Union européenne. S’il est nécessaire d’adapter EDF à cette nouvelle donne voulue par l’Europe, avec notamment l’introduction d’une dose de concurrence au profit des consommateurs, cette adaptation ne passe pas forcément par un démantèlement comme le propose le plan Hercule. Espérons, à l’heure de la transition énergétique, que le gouvernement français entendra le message de l’intersyndicale qui pour une fois ne défend pas que des intérêts catégoriels mais bien l’avenir de notre filière électrique et notre indépendance énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan Hercule, qui prévoit la scission de l’électricien français en deux entités et contre lequel les salariés se sont mis en grève le 19 septembre, semble contestable d’un point de vue financier.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1201242019-07-11T21:34:55Z2019-07-11T21:34:55ZPodcast : Renault-Nissan-Fiat, les liaisons dangereuses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283342/original/file-20190709-44437-q3v2vz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Début juin, le groupe Fiat-Chrysler a retiré son offre de fusion avec Renault.</span> <span class="attribution"><span class="source">AlexeyVeselykh / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283351/original/file-20190709-44457-1q47nmx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas de multinationales bien connues des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l’INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p>
<hr>
<p>Pour ce dernier numéro avant la trêve estivale, nous vous proposons de revenir sur l’un des évènements de l’actualité économique française les plus marquants depuis le début de l’année 2019 : le mariage avorté, début juin, entre Renault et le groupe Fiat-Chrysler sur fond de tensions au sein de l’alliance entre le constructeur français et le japonais Nissan.</p>
<p>Même si des synergies intéressantes auraient pu voir le jour, le projet présentait toutes les caractéristiques du mariage impossible, entre <a href="https://theconversation.com/chute-de-carlos-ghosn-les-raisons-de-la-colere-107536">affaire Carlos Ghosn</a>, stratégie de montée au capital de l’État actionnaire français, ou encore frictions culturelles. Sans oublier que de nombreux cas emblématiques sont là pour nous rappeler que les alliances entre égaux, comme cela <a href="https://www.bfmtv.com/economie/pourquoi-la-fusion-entre-renault-et-fiat-chrysler-a-echoue-1706557.html">avait été annoncé</a>… n’existent pas !</p>
<p>Alors, ce projet de mariage avec Fiat-Chrysler était-il solide ? A-t-il seulement été envisagé ? Quel jeu stratégique a joué l’État actionnaire ? Renaul-Nissan-Fiat, ou quand les enjeux de gouvernance deviennent des <em>serious games</em> politico-stratégiques…</p>
<p><br></p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>Répartition du capital du groupe Renault au 31 décembre 2018</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=741&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=741&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283344/original/file-20190709-44441-1gaxmep.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=741&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://group.renault.com/finance/informations-financieres/chiffre-cles/">site corporate du groupe Renault.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>À lire : « Air France-KLM et le mythe des alliances transfrontalières », par Michel Albouy, professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1101488746502017024"}"></div></p>
<p><br></p>
<h2>Extraits sonores diffusés dans ce numéro</h2>
<p><strong>Hiroto Saikawa, le directeur général de Nissan, réagit à l’affaire Carlos Ghosn (de 0 :16 à 0 :46)</strong></p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JTFqy3PPPiY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">France 24, 22 novembre 2018.</span></figcaption>
</figure>
<p><br>
<strong>En novembre 2015, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie et des Finances, justifie dans une interview accordée à Europe 1 la volonté de l’État actionnaire français d’obtenir des droits de vote doubles dans les assemblées générales de l’alliance Renault-Nissan (de 2 :38 à 3 :09)</strong></p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x3d5689" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p><br>
<strong>Bruno Le Maire défend l’alliance Renault-Nissan après la fusion avortée entre Renault et Fiat-Chrysler dans une interview accordée à BFM Business le 18 juin dernier</strong></p>
<p>La vidéo est disponible <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/renault-abandonner-l-alliance-avec-nissan-serait-irresponsable-affirme-bruno-le-maire-1714820.html">ici</a> (jusqu’à 1 :05).</p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le IX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Ce dernier numéro de la saison du podcast « C’est dans la boîte ! » revient sur le mariage avorté avec Fiat et les tensions entre le constructeur français avec son allié japonais.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1150052019-04-14T19:43:58Z2019-04-14T19:43:58ZPodcast : Air France sur la mauvaise pente ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267793/original/file-20190405-180023-p2fbbj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=128%2C40%2C3105%2C1512&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré les difficultés, la compagnie aérienne conserve des atouts colossaux, dont son rattachement à la France, l’une des principales places fortes du tourisme mondial.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sahachatz/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’annonce-surprise de la montée de l’État hollandais au capital du groupe Air France–KLM <a href="https://theconversation.com/air-france-klm-et-le-mythe-des-alliances-transfrontalieres-112784">à hauteur de 14 %</a> (soit au même niveau que l’État français), fin février, a jeté un trouble : et si cette décision avait été prise pour reprendre la main après plusieurs épisodes délicats pour la compagnie aérienne française, dont celui, tristement et mondialement célèbre, de la chemise du DRH arrachée ? Quoi qu’il en soit, cette nouvelle donne laisse penser que des ajustements stratégiques se préparent, notamment pour faire face aux problèmes concurrentiels liés au positionnement d’Air France, aujourd’hui pris entre des offres plus haut de gamme et des offres agressives sur le plan tarifaire…</p>
<hr>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>La nouvelle structure capitalistique du groupe Air France–KLM</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267787/original/file-20190405-180029-1h310ec.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Évolution du cours d’Air France–KLM depuis la fusion</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=308&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267867/original/file-20190405-180033-3f0ba8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=387&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du cours du groupe Air France KLM 2014-2019.</span>
</figcaption>
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<p><strong>Évolution des résultats d’Air France</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=276&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267872/original/file-20190405-180029-dvkhin.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Résultats opérationnel et net d’Air France–KLM (échelle de gauche), et CA consolidé du groupe (échelle de droite).</span>
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<p><strong>Des images qui ont fait le tour du monde…</strong></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CCySCG5EDqw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de la chaîne Euronews, octobre 2015.</span></figcaption>
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<p><strong>L’analyse de l’équilibre au sein de l’alliance, par Michel Albouy (Grenoble École de Management)</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1101488746502017024"}"></div></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l'INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p>
<hr>
<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le 9<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115005/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Entre négociations syndicales tendues, abandon de sa filiale low cost Joon et crises de gouvernance, le blason du fleuron de l’aviation française semble bien terni…Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1026832018-09-06T18:33:24Z2018-09-06T18:33:24ZLe PACTE des dupes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/234998/original/file-20180905-45181-15p29w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C991%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En réalité, le projet du gouvernement n'était pas réellement de transformer l'entreprise, sa définition et ses prérogatives.</span> <span class="attribution"><span class="source">BlurryMe/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, plus connu sous le nom de code « loi PACTE », a été lancé par le Gouvernement le 23 octobre 2017. Ce plan, qui porte les ambitions gouvernementales en termes de relance économique a pour mission de donner, grâce à un cadre législatif modernisé, une nouvelle dynamique entrepreneuriale en France. Intention on ne peut plus louable !</p>
<p>Le postulat de départ est simple à comprendre : c’est sur l’entrepreneur que repose une grande partie des espoirs de reprise économique. Suivant la doctrine libérale assez dominante selon laquelle une entreprise est créatrice non seulement de biens et services de consommation, mais aussi d’emplois et de richesses. C’est donc par le soutien à la croissance des entreprises que le gouvernement entend relancer la croissance économique du pays.</p>
<p>Mais comment s’y prendre ? Comment apporter de l’innovation dans la réalisation d’une politique économique déjà longuement testée au gré des alternances politiques et idéologiques ? Pour s’y employer, le gouvernement a changé la méthode et a tenté l’expérience d’une démocratie ouverte en ajoutant deux consultations au traditionnel et <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2018/entreprise_objet_interet_collectif.pdf">nécessaire rapport d’expertise</a> : l’une auprès d’institutions et d’individus choisis, l’autre publique et large via une <a href="https://www.economie.gouv.fr/consultation-publique-pacte">plateforme dédiée</a> et ouverte durant trois semaines en février 2018.</p>
<p>Le rapport d’expertise a été remis le 9 mars 2018 par Nicole Notat et Jean‑Dominique Senard aux ministres de l’Économie et des Finances, de la Transition écologique et solidaire, du Travail, de la Justice, messieurs Le Maire, Hulot, et mesdames Pénicaud et Belloubet. Quant aux consultations, le gouvernement revendique plus de <a href="https://www.pacte-entreprises.gouv.fr/project/consultation/consultation/consultation-9">7 700 participants</a>, pour plus de 63 000 votes et 12 000 propositions. Bilan, après une présentation du projet de loi et de ses 70 articles le 18 juin 2018 en Conseil des ministres, le projet de loi PACTE est examiné à la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/04/coup-d-envoi-pour-l-examen-du-projet-de-loi-pacte_5349948_3234.html">rentrée parlementaire</a>.</p>
<h2>Le rapport d’expertise déplore la soumission de l’intérêt collectif à la finance</h2>
<p>Mais revenons d’abord au rapport d’expertise. Rendant hommage à Karl Polanyi, économiste polonais marqué par la Grande Guerre et <a href="https://www.scienceshumaines.com/la-grande-transformation_fr_13073.html">déjà disruptif</a>, Nicole Notat et Jean‑Dominique Senard déplorent, dans le passage consacré à « l’objet social de l’entreprise et son intérêt collectif », la « grande déformation » que subit depuis un certain temps l’entreprise par la domination de l’économie sur le social.</p>
<p>Ils pointent là la soumission néfaste de l’intérêt collectif à la finance et l’actionnariat qui imposent globalement une maximisation effrénée des dividendes, donnant de fait la priorité aux politiques courtermistes. Mais si les actionnaires sont « pleinement propriétaires de leurs actions, c’est par un raccourci qu’on les présente comme propriétaires de l’entreprise ». Un biais qui permet aux actionnaires de brandir la carte du devoir fiduciaire, comme en 1919 aux États-Unis lorsque les frères Dodge ont attaqué en justice (<a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-3-page-142.html">victorieusement !</a>) Henry Ford pour avoir augmenté le salaire de ses ouvriers… mais aussi comme cela se produit encore aujourd’hui en France dans la grande distribution où l’on assiste à une lente <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2016-1-p-37.htm">financiarisation des grands groupes</a> au détriment des autres parties prenantes de l’entreprise…</p>
<p>Rappelant aussi que, si les mouvements sur les marchés boursiers secondaires créent de la liquidité, ils ne financent en rien les sociétés commerciales, Nicole Notat et Jean‑Dominique Senard appellent à redéfinir l’objet social et la raison d’être de l’entreprise. Pour cela, ils souhaitent réformer les <a href="https://www.la-croix.com/Economie/France/articles-code-civil-enflamment-patronat-2017-12-14-1200899370">articles 1832 et 1833 du code civil</a> pour en faire les lignes directrices de la gouvernance d’une entreprise responsable. Autrement dit, une entreprise qui laisserait plus de poids aux salariés et aux organisations syndicales dans les Conseils administratifs et de surveillance.</p>
<h2>Un projet de loi en décalage avec le rapport Notat-Senard</h2>
<p>Audacieux, ce rapport dénote et détone pourtant avec le <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1088.asp">projet de loi n°1088</a>, déposée en procédure accélérée en juin et analysée en commission spéciale à l’Assemblée nationale à partir du 5 septembre, à savoir notre fameux projet de loi PACTE. Audacieux rapport en effet, car il ne faut pas s’y méprendre : en nommant le projet de loi Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises (PACTE), le véritable projet du gouvernement n’était pas de transformer réellement l’entreprise, sa définition et ses prérogatives, comme le souhaitaient Nicole Notat et Jean‑Dominique Senard, mais seulement de faire grandir les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes entreprises (PME) à fort potentiel de croissance sur les marchés nationaux et internationaux.</p>
<p>Porté par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, c’est finalement sur l’endettement et l’investissement, sur l’actionnariat et la finance, que se bâtit ce projet de loi.</p>
<h2>Champ d’action élargi pour la finance et les actionnaires</h2>
<p>Certification des comptes bancaires, création d’un compte bancaire professionnel pour les micro-entrepreneurs, récompenses actionnariales pour accroître la participation des salariés dans l’entreprise, création d’un plan d’épargne en actions défiscalisées, développement des assurances-vie et de l’épargne retraite, mise en place de « jetons virtuels », ou encore promotion de l’économie sociale et solidaire (via divers labels et subventions)… Toutes ces mesures visent à élargir le champ d’action de la finance et des actionnaires plutôt que d’œuvrer dans le sens de la légitimation des actions publiques de soutien aux entreprises. Les mesures semblent toujours plus libérales, comme si elles étaient les seules viables pour une économie nationale renaissante.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, l’État n’est plus seulement un actionnaire actif et responsable devant la nation du sort des entreprises qu’il possède en totalité ou en partie : il est devenu un épargnant spéculatif et distant de la réalité entrepreneuriale. Après une opération lancée le 15 janvier 2018 avec la <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/cessions-dans-adp-fdj-engie-envisagees-fin-2018-debut-2019-1293532">cession d’actifs</a> chez Renault et Engie (1,6 milliard d’euros), puis chez Thales et EDF (8,4 milliards d’euros), c’est demain La Française des jeux et Aéroport de Paris (ADP) qui seront privatisés si le projet de loi PACTE est adopté en l’état. L’objectif annoncé est simple et cohérent : créer puis alimenter un compte épargne à haut rendement annuel, estimé entre 200 à 300 millions d’euros. La recherche de solutions est louable. Mais la solution retenue nous amène cependant à nous interroger sur la vraie vision de l’entreprise sous-jacente au projet de loi PACTE…</p>
<p>Quant à la protection sociale, impactée par répercussion par le projet de loi PACTE, elle tend à être marchandisée davantage encore. Elle deviendrait moins un service public à usage social qu’un éventail de produits financiers à utilité économique et entrepreneuriale. En témoigne la plaquette du projet, qui déplore que « seuls 20 % de l’épargne des Français en assurance-vie est investie en actions »…</p>
<h2>Le duel historique capitalisation – redistribution</h2>
<p>La capitalisation gagnerait-elle sur la redistribution dans l’esprit des porteurs du projet PACTE ? Ce duel fait rage depuis la fondation de la Sécurité sociale par les ordonnances de 1946 en déclinaison du programme du Conseil national de la Résistance (CNR). Avec le projet de loi PACTE, ce duel semble tourner nettement à l’avantage des tenants de la capitalisation.</p>
<p>L’<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/0301851188115-epargne-retraite-assurance-vie-comment-la-loi-pacte-pourrait-faire-bouger-les-lignes-2186126.php">épargne retraite</a> « doit devenir un produit phare de l’épargne des Français car elle permet de préparer l’avenir, et de financer les entreprises en fonds propre », notamment par l’investissement en actions. La simplification des produits, les avantages fiscaux sous conditions ou le droit de retrait en cas d’achat d’une résidence seraient des leviers du développement commercial de l’épargne retraite, et donc des leviers du développement des assurances qui pourront vendre en parallèle des garanties complémentaires…</p>
<p>Finalement le projet de loi PACTE semble manquer d’ambition et d’imagination politique sur un sujet pourtant clé : le soutien au développement de l’entreprise de demain. Alors qu’il s’était engagé à satisfaire les attentes nombreuses manifestées lors des consultations internes et publiques, le gouvernement annonce déjà le possible recours aux ordonnances pour passer quelques éléments du projet de loi comme la revalorisation de l’épargne retraite ou le droit de sûreté. Alors un projet de loi PACTE, oui, mais un pacte de dupes… peut-être. Un pacte libéral, sans doute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102683/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Doctorante en Sociologie, Aix-Mardeille Univ, CNRS, LEST, Aix-en-Provence, France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Arnaud Lacan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En l'état, le projet de loi PACTE apparaît en décalage avec les recommandations du rapport Notat-Senard, qui déplorait la domination de l'économie sur le social dans l'entreprise.Arnaud Lacan, Professeur de management - Chercheur associé au GREQAM AMSE, Kedge Business SchoolThiphaine Le Gauyer, Doctorante en Sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/995452018-07-15T21:26:57Z2018-07-15T21:26:57ZDes entreprises publiques, oui, mais pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227660/original/file-20180714-68599-rau180.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2026%2C1146&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Ministère de l'Économie à Paris, qui abrite la puissante Agence des Participations de l'État.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/246586/">Philippe Clabots (#PhilippeCPhoto) on Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement a annoncé dans le cadre de la <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/dossiers/030779419384/030779419384-la-loi-entreprises-2125131.php">loi PACTE</a> une nouvelle vague de privatisations – ou plus précisément de cession d’actions. Ces annonces visent spécialement l’entreprise d’énergie Engie (ex-GDF Suez), les Aéroports de Paris et la Française des jeux. Elles s’inscrivent dans une tendance longue de privatisations, débutée en 1986.</p>
<h2>Une orientation néo-libérale explicite</h2>
<p>Il semble que le gouvernement actuel soit favorable à une nouvelle vague de privatisations après les pics de 1986-1988, 1993-1995 et 1999-2001. Ces annonces sont cohérentes avec l’orientation politique explicitement libérale du gouvernement puisque la critique des entreprises publiques est un pan historique du néolibéralisme.</p>
<p>Il est remarquable que le gouvernement ait entretenu, de par la trajectoire de plusieurs de ses membres, une relation particulière avec la gouvernance des entreprises publiques. Le Président Macron, en tant que secrétaire général adjoint de l’Élysée à l’économie, puis ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique s’est impliqué dans des dossiers touchant l’<a href="https://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat">Agence des Participations de l’État</a> (APE), l’administration en charge des entreprises publiques.</p>
<p>Deux membres du gouvernement au moins sont par ailleurs d’anciens dirigeants d’entreprises publiques – Édouard Philippe, ancien directeur des affaires publiques d’Areva, Élisabeth Borne, ancienne PDG de la RATP, et Muriel Pénicaud, ancienne administratrice d’Orange, la SNCF et Aéroports de Paris – tandis que l’APE est représentée par deux anciens membres : la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie Delphine Gény-Stephann et surtout Alexis Kohler, le très proche du Président secrétaire général de l’Élysée.</p>
<p>De par son <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/06/05/ou-en-est-la-reforme-de-la-sncf_5309990_4355770.html">attaque frontale contre le statut de la SNCF</a> et les privatisations annoncées en juin, le gouvernement a explicitement endossé sur les entreprises publiques le programme néolibéral largement défendu par la direction du Trésor.</p>
<p>Par ailleurs, les privatisations sont toujours un moyen de faire rentrer à court terme de l’argent dans les finances publiques, que ce soit pour œuvrer au désendettement ou à l’investissement, comme l’a affirmé le gouvernement, ou pour compenser des pertes de rentrées fiscales dues aux réductions d’impôts pour les classes les plus aisées, comme le suggère <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-25-juin-2018">Thomas Piketty</a>.</p>
<p>Que peut-on envisager pour la suite ? On peut voir deux limites à cette orientation forte du gouvernement. La première est que, du fait notamment de la forte syndicalisation des entreprises publiques, la privatisation est le résultat d’un rapport de force. Certaines révisions du projet de modification des statuts de la SNCF, en particulier l’introduction dans la loi de l’incessibilité de l’entreprise une fois transformée en société anonyme, sont le résultat de la forte mobilisation des cheminots.</p>
<p>Par ailleurs, toutes les entreprises ne sont pas aussi facilement privatisables d’un point de vue politique. Certaines sont porteuses de charges symboliques fortes, en termes de service public ou de sûreté, qui rendent leur privatisation complète peu probable. C’est en particulier le cas du parc nucléaire d’EDF, a fortiori après l’accident nucléaire de Fukushima.</p>
<p>Il est d’ailleurs notable que la critique du nouveau programme de privatisations s’est notamment focalisée sur les potentiels risques en termes de sécurité de la privatisation des Aéroports de Paris.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227661/original/file-20180714-27027-k3wdoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Terminal 1 de l’Aéroport de Paris à Roissy.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/4999880539/34fe83ba99/">Citizen59/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Les privatisations, de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Mais au fait, en parlant de « privatisations » de quoi parle-t-on ? Certains juristes proposent comme simple définition d’une entreprise publique la possession par l’État de plus de 50 % du capital d’une entreprise. Privatiser signifierait alors simplement passer sous ce seuil. Or, si on regarde le portefeuille de l’APE, l’État est à des niveaux de participation extrêmement variés dans des entreprises, de 100 % pour la SNCF à 15 % dans des entreprises de l’aéronautique par exemple sans parler des actifs de la Caisse des Dépôts et Consignations ou de BPI France.</p>
<p>Les annonces récentes invitent d’ailleurs à relativiser le terme de « privatisation » puisqu’il s’agit d’autoriser l’APE à descendre sous des seuils – 50 % dans le cas d’ADP, 30 % pour Engie. Engie est à ce titre éloquent : l’État qui est actuellement juste au-dessus des 30 % du capital souhaite passer sous ce plancher, opération qu’il a menée dans d’autres anciennes entreprises publiques, par exemple Thales ou Safran. Dans le cas de ces entreprises, l’État se trouve, à la suite à plusieurs cessions d’actifs, aux alentours de 15 % du capital.</p>
<p>Pourquoi 15 % ? Parce que l’APE considère, au vu des pratiques des investisseurs institutionnels, et grâce aux droits de votes doubles permis par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028811102&categorieLien=id">« loi Florange »</a> pour les actionnaires restant plus de deux ans au capital, que ce taux permet un contrôle effectif des entreprises, notamment en vue du maintien de leur centre de décision en France. Descendre à ce niveau permet de réduire le nombre d’actions détenues par l’État, donc de les vendre, notamment quand le cours de l’action est élevé, et ainsi assurer des entrées d’argent en principe sans effet sur le contrôle des firmes. Cela semble être la voie suivie pour Engie. Dans le cas de la SNCF, le projet du gouvernement reste, pour l’instant, celui d’un changement de statut d’EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) à celui de Société Anonyme de droit commun.</p>
<p>Mais la question de la part des entreprises que l’État possède ne doit pas dissimuler <em>comment</em> l’État gouverne ses entreprises publiques – quel que soit la part du capital qu’il possède – et <em>pour quoi</em> l’État aurait des entreprises publiques – au-delà de l’héritage du passé.</p>
<p>Ce qui nous amène à deux questions :</p>
<ul>
<li><p>Qu’est-ce que l’État fait de ses entreprises publiques ?</p></li>
<li><p>Et dans quelle mesure l’État gère-t-il différemment les entreprises qu’un investisseur privé ?</p></li>
</ul>
<p>Ces deux questions sont au cœur des critiques adressées aux entreprises publiques par les commentateurs libéraux : non seulement l’État n’aurait pas vocation à posséder des entreprises, mais en plus les entreprises publiques seraient par essence inefficaces. Qu’en est-il ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227662/original/file-20180714-27015-87qokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Centrale électrique de Drogenbos en Belgique, propriété du groupe Engie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/philippephotos/26558718009/">PhilippeC/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Les entreprises publiques comme outil de politique publique ?</h2>
<p>Une opposition simple structure les positions politiques sur les entreprises publiques : les uns voient dans les entreprises publiques un gage de préoccupation pour le service public et une rentrée d’argent pour la collectivité, quasiment comme une coopérative à plus large échelle.</p>
<p>Les autres considèrent les entreprises publiques inefficaces par essence – que ce soit en termes financiers ou de qualité de service – car détournées de leur vocation économique par des considérations politiques et sociales. Dans quelle mesure la gouvernance des entreprises est-elle affectée par la propriété publique ?</p>
<p>Un a priori courant associe entreprise publique et service public. C’est en partie trompeur car des entreprises privées sous concession peuvent mener des missions de service public. Cependant, plus largement, les entreprises publiques ont été conçues, en particulier après la Seconde Guerre mondiale, comme des outils de politique publique. EDF devait assurer l’électrification du pays, la SNCF les transports bon marché, ou encore les entreprises de défense l’indépendance technologique et militaire du pays.</p>
<p>Ces enjeux de politiques publiques sont multiples : technologiques, militaires, sociaux, territoriaux, économiques. Opposer des objectifs d’ordre purement économique à des objectifs non économiques qui seraient ceux des entreprises publiques n’a pas grand sens : assurer l’approvisionnement en électricité bon marché constitue autant un enjeu économique que social et d’aménagement du territoire. Les industries de réseaux, avec leurs monopoles naturels et leurs investissements importants, sont particulièrement concernées par cette vision de l’entreprise publique comme vecteur de politique publique.</p>
<p>La mauvaise gestion imputée aux entreprises publiques est donc biaisée car elle part du postulat que les entreprises publiques devraient être évaluées avec les mêmes critères que les entreprises privées, alors que celles-ci n’ont en principe pas de raison de poursuivre des objectifs de politique publique. La maîtrise des coûts et la bonne gestion financière seraient les indicateurs absolus de l’efficacité d’une entreprise, y compris publique.</p>
<p>Ce qui est loin d’être anodin financièrement : pendant longtemps, les entreprises publiques ont pu ne pas verser de dividendes ou peu, dividendes qui sont également un coût pour l’entreprise. Mais surtout, l’État actionnaire s’est profondément transformé dans la période contemporaine, remettant même en cause la réalité d’une différence de gouvernance substantielle entre entreprises privées en publiques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227663/original/file-20180714-27021-1yeggnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La centrale nucléaire du Bugey, d’EDF.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/vercors/6308937876/">Gold Auraque/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>L’État, un investisseur financiarisé</h2>
<p>Depuis le début des années 2000, l’État s’est en fait largement détourné de cette perspective en adoptant des instruments de gouvernance des entreprises publiques similaires aux entreprises privées. La création de l’<a href="https://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat">Agence des Participations de l’État</a> (APE) en 2004 a été un jalon essentiel de cette « normalisation » de l’État comme actionnaire.</p>
<p>L’APE met en œuvre une politique visant à rapprocher la régulation des entreprises publiques du code du commerce, à gouverner les entreprises de la même manière qu’un investisseur privé, c’est-à-dire par un suivi des résultats et indicateurs financiers et une participation au Conseil d’Administration, et à former des administrateurs de la même manière que des administrateurs privés – notamment en recrutant son personnel en partie dans des banques d’affaires, chez des investisseurs institutionnels ou dans des directions d’entreprises.</p>
<p>L’État se comporte de plus en plus comme un investisseur institutionnel, d’où une réflexion sur le capital minimum permettant de contrôler les entreprises. Cela a pour effet de rendre dans bien des cas indiscernable la gestion des entreprises à capitaux publics des entreprises purement privées. D’autant plus que l’APE, non contente de « normaliser » la relation aux entreprises publiques, leur applique des politiques très financières, que ce soit en termes de dividendes exigés ou de frilosité sur les investissements.</p>
<p>EDF a ainsi dû, c’est un comble, emprunter sur les marchés financiers pour <a href="http://www.senat.fr/rap/r16-335/r16-3355.html">payer les dividendes réclamés par l’État pour ses besoins budgétaires</a>. Avec, en plus, les fortes circulations qui existent entre les dirigeants d’entreprises privées ou publiques et les hauts fonctionnaires du ministère des finances (Inspection de finances, Direction du Trésor), la différence entre privé et public s’est très fortement atténuée.</p>
<p>Seules quelques situations à visibilité politique très forte contraignent l’État à mener une politique différente d’un actionnaire privé, par exemple sur la rémunération des dirigeants. Cependant, sur ce cas précis, la seule entreprise du CAC40 qui respecte en pratique la limite de 450 000 euros de rémunération pour le PDG est EDF, parce que l’État possède plus de 50 % du capital et se trouve contraint de respecter la règle édictée par les Présidents Sarkozy puis Hollande. Les entreprises où l’État possède moins de 50 % ne la respectent pas même si les représentants de l’État, de manière formelle et relativement hypocrite, votent contre la rémunération proposée par le Conseil d’Administration.</p>
<p>Enfin, il convient de remettre en cause l’idée que les entreprises publiques auraient nécessairement des politiques sociales plus avantageuses vis-à-vis des salariés. Certes, les salariés sous statuts de certaines entreprises publiques comme la SNCF ou EDF sont <a href="https://theconversation.com/reforme-de-la-sncf-en-finir-avec-les-donnees-fausses-sur-les-chemins-de-fer-94259">relativement protégés</a> et bénéficient de conditions d’emploi plutôt favorables, mais les autres entreprises publiques mènent des politiques de gestion des ressources humaines très similaires aux entreprises privées comparables.</p>
<p>Mais surtout, les entreprises publiques ont mené depuis quelques décennies des politiques d’externalisation de la casse sociale des politiques de réduction des coûts, ou de flexibilisation de la main d’œuvre, bien souvent malheureusement avec le silence des syndicats. C’est ainsi que la SNCF a entrepris une vaste politique de filialisation d’une bonne partie de ses activités, passées sous droit privé. C’est aussi par des politiques de sous-traitance massive que les entreprises publiques se sont assuré une flexibilité de la main d’œuvre, voire une négation des effets en termes de santé au travail de leurs activités, comme l’a montré le cas emblématique de la sous-traitance de certaines activités de maintenance des centrales nucléaires par EDF.</p>
<h2>Des entreprises publiques pour mener la transition énergétique ?</h2>
<p>Dans ces conditions, l’opposition public/privé est moins évidente qu’une posture idéologique peut le postuler. Et en effet, sans parler du fait que les dividendes des entreprises alimentent le budget de l’État, les transformations contemporaines de l’État actionnaire remettent en cause les spécificités des entreprises publiques.</p>
<p>Les privatisations annoncées par le gouvernement s’inscrivent donc dans la continuité de cette tendance d’un État qui se comporte de plus en plus comme un investisseur institutionnel, en considérant les entreprises publiques comme des actifs et non plus des outils de politiques publiques.</p>
<p>On pourrait même pousser plus loin le raisonnement en disant qu’il est potentiellement plus simple de réguler par la loi une entreprise privée basée sur le territoire national qu’une entreprise publique avec laquelle les interactions des administrations publiques sont parfois contradictoires.</p>
<p>La privatisation est une conséquence logique du fait que l’État ne semble pas savoir quoi faire avec ses entreprises publiques. L’ancien directeur de l’APE David Azéma a récemment exprimé ce manque d’intérêt de l’État pour les entreprises publiques dans un rapport pour le <a href="http://www.institutmontaigne.org/publications/limpossible-etat-actionnaire">think tank libéral Institut Montaigne</a>.</p>
<p>Cependant, la cession d’Engie ou des Aéroports de Paris interroge et corrobore l’impression que l’État n’a pas aujourd’hui d’autre perspective de politique économique qu’un néolibéralisme qui a le mérite de la simplicité théorique.</p>
<p>L’énergie et les transports sont en effet des éléments clés de ce qui pourrait être une politique écologique de transition énergétique ambitieuse. De même, la mise sous pression de la SNCF alors que le rail est un mode de transport plus écologique que la route peut sembler à contretemps.</p>
<p>Face aux nouveaux défis posés par la crise écologique en devenir, de nouvelles ambitions de politiques publiques pourraient être envisagées par l’État propriétaire d’entreprises.</p>
<p>Alors que les entreprises privées font chaque jour preuve de leur incapacité à être de réels moteurs d’une transformation écologique, les entreprises publiques pourraient s’en voir confier le soin. Invoquer la concurrence et la demande des clients est bien illusoire face à l’ampleur des enjeux. Mais face à ces nouveaux enjeux, les recettes néolibérales semblent demeurer le principal horizon du gouvernement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le gouvernement met en œuvre son programme de privatisation, retour sur le concept d’entreprise publique comme outil de politique économique. Et ce qu’il en advint.Scott Viallet-Thévenin, Post-doctorant en sociologie à l'Université Toulouse Jean Jaures, Chercheur associé à Sciences Po, Sciences Po Hadrien Coutant, Chercheur associé au Centre de Sociologie des Organisations, Sciences Po et au CriDIS, Université de Louvain, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/989562018-06-27T21:02:56Z2018-06-27T21:02:56ZNexans : une gouvernance défaillante se paye tôt ou tard<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224885/original/file-20180626-112623-4nxpos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=207%2C0%2C1487%2C681&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un groupe industriel emblématique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.proavia.com/fr/aides-visuelles-balisage-generation-electrique/nexans">Nexans</a></span></figcaption></figure><p>Lundi 18 juin 2018 l’action Nexans <a href="https://bit.ly/2N04Zi4">chutait lourdement de plus de 17 %</a> en Bourse suite à l’annonce d’une révision (profit warning) à la baisse de ses prévisions pour 2018. Une baisse qui aggrave la descente continue du titre depuis novembre 2017. Début novembre 2017 le titre cotait 56 euros, il ne cote plus que 30 euros (02/11/2017) ; soit une baisse de 46 % en moins de 8 mois.</p>
<p>Alors que le fabricant français de câble visait un retour de la croissance en 2018, il devrait afficher un chiffre d’affaires stable et une forte baisse de son résultat opérationnel (EBITDA) : 350 millions d’euros contre 411 en 2017. La comparaison du chiffre d’affaires du 1<sup>er</sup> trimestre 2018 avec celui de 2017 est par contre plus inquiétante puisqu’elle témoigne d’une baisse de 4,6 % (à cours des métaux constants).</p>
<p>Selon le directeur général de Nexans, Arnaud Poupart-Lafarge, « quatre projets ont été déviés et tout d’un coup, ça fait 100 millions qui s’effacent de l’ardoise en terme de vente » et qui impacte l’activité câble haute tension sous-marin, le segment d’activité qui doit être le moteur du groupe. Précisons que le groupe est présent dans quatre principaux domaines d’activité : les bâtiments et les territoires (notamment les réseaux intelligents, l’e-mobilité) ; la haute tension et les grands projets (fermes éoliennes offshore, interconnexions sous-marines, haute tension terrestre), les télécommunications et la transmission de données ; et les solutions de câblage (notamment les énergies renouvelables, les transports le secteur pétrolier, etc.) (source, <a href="https://bit.ly/1LRd9Q6">nexans.com</a>).</p>
<p>C’est dire l’importance stratégique des activités de ce groupe industriel. Comment expliquer que Nexans, un fleuron de l’industrie française, qui était il y a quelques années le numéro un mondial du câble en soit arrivé là ? Certes, la concurrence dans ce secteur, comme dans bien d’autres, est forte. Mais peut-on se satisfaire d’une telle explication alors que son éternel rival, l’Italien Prysmian est passé devant lui ?</p>
<p>Comment expliquer qu’une entreprise qui célébrait en 2017 120 années d’histoire et qui maîtrise les technologies de l’industrie du câble – un secteur promis selon tous les experts à une belle croissance – n’arrive pas à remonter la pente ? Une bonne partie de la réponse se trouve, selon nous, dans la gouvernance défaillante de cette entreprise.</p>
<h2>Retour sur la gouvernance mouvementée de Nexans</h2>
<p>En 2014, la société de gestion <a href="http://www.ambercapital.com/">Amber Capital</a>, un actionnaire activiste, multiplie les reproches à l’encontre de la stratégie de Nexans. Il est notamment reproché :</p>
<ul>
<li><p>la baisse du résultat opérationnel,</p></li>
<li><p>les défaillances dans l’usine norvégienne de câbles sous-marins.</p></li>
<li><p>l’écart croissant avec le grand concurrent européen, l’Italien Prysmian, dont la capitalisation boursière a progressé de 80 % depuis début 2012, quand celle de Nexans a reculé de 20 %.</p></li>
<li><p>l’augmentation de capital lancée en novembre 2013 qui, selon Amber, a eu des effets négatifs pour les minoritaires en facilitant la montée au capital du chilien Quinenco à un prix inférieur du tiers à ce qu’il était avant l’annonce de l’opération.</p></li>
</ul>
<p>Ces éléments ont amené <a href="https://lambertcapitalfinance.com/">Lambert Capital</a>, lors de l’assemblée générale de 2014 à demander à mettre fin au mandat d’administrateur de Frédéric Vincent, le PDG de Nexans. La proposition, nécessitant la majorité des votes des actionnaires n’a toutefois pas été adoptée car l’actionnaire majoritaire <a href="https://bit.ly/2lAWLQE">Invexans (groupe Quinenco)</a> ne pouvant voter en défaveur des résolutions du management.</p>
<p>Cependant le <a href="https://bit.ly/2yIf149"><em>proxy fight</em></a> a eu un impact sur la gouvernance du groupe : sous la pression d’Amber Capital, Nexans décidait de dissocier les fonctions de président du Conseil et de directeur général. C’est dans ce climat qu’Arnaud Poupart-Lafarge était nommé au poste de directeur général et que Frédéric Vincent se voyait attribuer la présidence du Conseil.</p>
<p>Cependant une semaine après la mise à l’écart du PDG, un nouveau problème est survenu. Le chilien Quinenco a demandé à résilier le <a href="https://bit.ly/2K9DqFf">pacte qui le liait depuis trois ans</a> avec la société. Cela faisait plus de sept ans que les deux entreprises entretenaient des liens étroits. En 2007, Nexans avait racheté l’activité de câbles du Chilien (Invexans) en lui offrant en échange une participation à son capital. Quinenco, holding industriel détenant Invexans est alors progressivement monté dans Nexans, d’abord de 9 à 20 % en 2011 et 2012, puis à 28 % début 2014. C’est dans ces conditions qu’avait été signé un pacte d’actionnaires avec le fabricant de câble. L’objectif, pour Nexans, était de se doter d’un actionnaire de référence tout en plafonnant sa montée en puissance à 28 %. Du côté de Quinenco, il s’agissait de montrer patte blanche en rassurant le management sur le caractère amical de sa montée au capital.</p>
<p>Mais cet accord impliquait aussi des contraintes pour l’investisseur chilien. Outre l’engagement de conserver ses titres, l’actionnaire était obligé de voter en faveur des résolutions du management en assemblée générale. Les événements autour du mandat de Frédéric Vincent ont montré les limites du pacte : Quinenco ne pouvait voter en faveur d’une résolution qui n’avait pas reçu l’approbation du conseil.</p>
<p>Quinenco s’est donc libéré de cette contrainte vécue comme un moyen pour le management de verrouiller le principal actionnaire et perçue comme un frein au changement à la tête de l’entreprise expliquant sa sous-performance. Toutefois, suite à la résolution du pacte d’actionnaire, Invexans s’est engagé à ne pas demander une représentation au conseil supérieure à trois membres non indépendants ou à un nombre d’administrateurs proportionnel à sa participation. En revanche, il n’était plus tenu à l’obligation, imposée par l’ancien accord, de se maintenir entre 25 % et 28 % du capital.</p>
<p>En rompant l’accord, Invexans retrouvait toute sa liberté d’action pour agir de concert avec un tiers ou pour conclure un accord relatif à une OPA sur Nexans. Normalement, avec un cours de Bourse très faible le management de Nexans avait tout intérêt à prendre les mesures nécessaires pour faire rebondir son titre ne serait-ce que pour écarter le risque de prise de contrôle hostile.</p>
<p>Le 27 octobre 2014, l’AMF (Autorité des marchés financiers) annonçait que le fonds britannique Amber Capital était passé sous le seuil de 5 % du capital du spécialiste français du câble suite à des cessions d’actions sur le marché. Le graphique 1 montre la structure du capital du groupe Nexans en 2015. On remarque la forte représentation du groupe Quineco (30 %) et un éclatement des autres actionnaires.</p>
<p>À noter la présence de l’État parmi les actionnaires minoritaires et qui a pesé dans les négociations pour le maintien de l’ancien PDG… Normalement, avec une nouvelle équipe de direction la route était dégagée pour que Nexans retrouve la croissance et la rentabilité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224862/original/file-20180626-112628-1q62dd4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>La gestion d’Arnaud Poupart-Lafarge et l’annonce de son départ</h2>
<p>À la fin mars 2018, soit quatre ans après son arrivée pour redresser Nexans, le directeur général, Arnaud Poupart-Lafarge, annonçait à la surprise générale son départ « pour des raisons personnelles ». Le communiqué du groupe n’en disait pas plus et précisait « qu’à la demande du conseil d’administration Arnaud Poupart-Lafarge a accepté d’assurer une période de transition jusqu’au 30 septembre 2018 au plus tard ».</p>
<p>Pour sortir Nexans de ses difficultés, Arnaud Poupart-Lafarge avait lancé un grand plan de réduction des coûts fixes jugés trop élevés par rapport à la concurrence, et des coûts variables. Il comptait aussi développer les marchés prometteurs de la haute tension sous-marine et les faisceaux pour automobiles. Le tableau 1 montre l’évolution des chiffres clés de Nexans sur la période 2014-2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=242&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224863/original/file-20180626-112607-1fepdbj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=304&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>L’examen du tableau 1 montre qu’effectivement les efforts de réduction de coûts ont porté leurs fruits puisque le taux marge opérationnelle est passé de 3,2 % du chiffre d’affaires en 2014 à 6 % en 2017. En 2014, la marge opérationnelle s’élevait à 148 millions d’euros et en 2017 elle était portée à 272 millions d’euros, soit une progression de 84 %. Par contre, le chiffre d’affaires n’a pas progressé sur la période considérée : il était de 4,5 milliards d’euros en 2014, le même chiffre quatre ans plus tard (à cours des métaux non ferreux constants).</p>
<p>Cette absence de croissance du chiffre d’affaires traduit une faiblesse de l’action commerciale de la part du groupe. Certes, la réduction des coûts est un objectif digne d’intérêt mais cela ne peut pas être le seul – la réduction des coûts n’étant pas vraiment une stratégie suffisante – et au-delà du résultat net qui est redevenu positif en 2016, la relance de l’activité était essentielle. Malheureusement, sur ce plan on ne peut pas dire que les résultats soient probants.</p>
<p>Selon le plan stratégique baptisé « Paced for Growth » qui a été présenté en décembre 2017, et qui couvre la période 2018-2022, le groupe entend toujours augmenter son chiffre d’affaires de 25 % et son résultat opérationnel de 50 % en cinq ans. Des objectifs qui ont été pris à contre-pieds par l’annonce des chiffres du 1<sup>er</sup> trimestre 2018 et le profit warning. D’où la déception des investisseurs et le décrochage du titre en bourse : quelle confiance attribuer à un tel plan ?</p>
<p>Le graphique 2 montre l’évolution sur les trois dernières années du cours de bourse de Nexans comparé à celle du CAC 40. On voit très nettement le décrochage du titre depuis novembre 2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224864/original/file-20180626-112614-1bqurnc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Le fait que Nexans n’arrive pas pour le moment à faire redémarrer sa croissance de ses activités est certainement un facteur négatif pour les investisseurs qui semblent commencer à perdre patience. Déjà le marché n’avait pas apprécié mi-décembre la prudence dont avait preuve Nexans sur son objectif de rentabilité.</p>
<p>Le projet de faire progresser de 1 point (éventuellement 2 au mieux) en l’espace de cinq ans la marge brute d’exploitation était jugée trop conservatrice par certains actionnaires et notamment le groupe chilien, Quinenco (30 % du capital). C’est sans doute cet excès de prudence qui a été reproché à Arnaud Poupart-Lafarge.</p>
<p>Aujourd’hui, avec le départ programmé de son directeur général, Nexans n’a plus vraiment de direction, ce qui n’arrange pas sa gouvernance. Naturellement, il faudra à la tête du fabricant de câble un manager expérimenté et qui possède une expérience réussie dans l’industrie pour regagner la confiance des marchés.</p>
<h2>Quels enseignements tirer du cas Nexans ?</h2>
<p>Le cas Nexans montre que les positions de leader dans une industrie, celle du câble dans le cas présent, ne sont jamais acquises. Pour conserver dans un monde très compétitif une position de leader il faut une gouvernance sans faille. Ce n’est malheureusement pas le cas de Nexans dont l’actionnariat est fragmenté et soumise au bon vouloir d’un actionnaire étranger. À noter que les alertes du fonds activiste n’ont pas été entendu, y compris par les représentants de l’État. On pourrait ainsi commenter l’action de l’État en tant qu’actionnaire via la BPI qui a peut-être péché par excès de prudence et préféré des solutions d’arrangements franco-françaises en matière de gouvernance alors que son investissement n’était pas à la hauteur.</p>
<p>On pourrait aussi mentionner la faible implication des « petits » actionnaires : Nexans n’a jamais développé une culture actionnariale comme le fait si bien Air Liquide pour protéger son indépendance. Tout cela est bien dommage car il s’agit quand même d’une entreprise française, leader mondial des solutions de câblage et de connectivité avancées, qui est aujourd’hui sans gouvernail.</p>
<p>Au-delà de ces considérations spécifiques à Nexans, ce cas montre combien la pression des investisseurs est forte sur les entreprises cotées, mais également et surtout celle des clients. Nexans est fondamentalement sanctionnée par son incapacité à répondre aux besoins de ses clients et à renouveler son offre. Cette incapacité vient essentiellement de sa gouvernance. Et ce n’est pas la réforme portée par la loi PACTE qui changera cette réalité pour les entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’action Nexans chute sévèrement. Comment expliquer que ce fleuron de l’industrie française, qui était il y a quelques années le numéro un mondial du câble en soit arrivé là ?Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/948642018-04-13T04:24:42Z2018-04-13T04:24:42ZMenaces des fonds activistes : les cas Danone et Vivendi<p>On a longtemps glosé sur le fait que les actionnaires ne faisaient pas leur travail de surveillance et de contrôle des dirigeants des grandes entreprises cotées. Avec l’émergence de l’activisme actionnarial, il semble bien que cette époque soit révolue, au dam des patrons des grandes entreprises françaises, habitués à régler leurs affaires entre eux grâce aux participations croisées dans les conseils d’administration et les réseaux des grandes écoles. Un réveil actionnarial qui coïncide avec l’arrivée d’une montagne de dollars prête à être investie dans nos entreprises. Explications.</p>
<h2>Gare aux actionnaires activistes</h2>
<p>Contrairement aux raiders lançant des OPA hostiles sur des entreprises pour en prendre le contrôle, les <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_fonds-activistes.html#xtor=SEC-3168">fonds activistes</a> cherchent à infléchir la stratégie des entreprises qu’ils jugent peu performantes en prenant une participation minoritaire à leur capital. Les actionnaires activistes ont du temps pour arriver à leurs fins. Qui plus est, parfois les mesures censées protéger les entreprises contre les prédateurs se retournent parfois contre elles… Ainsi la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000028811102&categorieLien=id">« visant à reconquérir l’économie réelle »</a> du 29 mars 2014 (loi « Florange »), qui permet aux actionnaires de disposer, au-delà de deux ans, d’un droit de vote double est en réalité plutôt favorable à ces activistes, puisqu’elle renforce leurs droits de vote.</p>
<p>Par ailleurs, de nombreuses études académiques montrent que l’impact de l’activisme actionnarial sur la rentabilité des cibles se fait sentir non seulement <a href="https://journals.openedition.org/fcs/1904">à court terme</a>, mais <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2291577">également à moyen</a> et <a href="https://faculty.fuqua.duke.edu/%7Ebrav/RESEARCH/papers_files/BravJiangPartnoyThomas2008.pdf">long terme</a>, contrairement à ce qui est souvent affirmé. Enfin, ces fonds n’hésitent pas à s’attaquer à de <a href="https://theconversation.com/nestle-dans-les-serres-dun-hedge-fund-activiste-80476">très grosses sociétés comme Nestlé</a>. La liste des belles entreprises françaises ayant fait l’objet de fonds activistes commence à s’allonger. <a href="https://www.lesechos.fr/15/03/2017/LesEchos/22404-127-ECH_la-france-devient-un-pays-attractif-pour-les-activistes.htm">Selon le cabinet FTI Consulting</a> une dizaine de sociétés françaises ont fait l’objet de campagnes publiques de fonds activistes en 2017. Ce nombre a fortement augmenté, puisque huit étaient ciblées en 2016 et seulement une en 2014. Après Nexans en 2014, Casino en 2015, Safran en 2017, deux entreprises françaises sont actuellement aux prises avec des actionnaires activistes : Danone et Vivendi. Ces deux cas sont emblématiques des pratiques de ces investisseurs.</p>
<h2>Danone : quand l’investisseur pèse sur la gouvernance</h2>
<p>Le secteur de l’agroalimentaire est aujourd’hui sous le feu des fonds activistes. Ainsi en juin 2017 le fonds Third Point, fort de sa participation de 1 % au capital, a demandé à Nestlé un changement de stratégie. Le fonds estime que Nestlé a sous-performé pour ses actionnaires par rapport à ses principaux concurrents, ceci sur des horizons à 3, 5 et 10 ans. L’histoire semble se répéter avec Danone, le fleuron français de l’agroalimentaire (43 milliards d’euros de capitalisation boursière en avril 2018).</p>
<p>Rappelons que cette société, dont le capital est fortement dispersé, est régulièrement la cible de rumeurs d’OPA. Les acheteurs potentiels seraient des entreprises américaines comme Kraft, Pepsico ou Coca-Cola. Selon l’agence Bloomberg, le fonds activiste américain Corvex Management, dirigé par Keith Meister, aurait ramassé pour <a href="http://www.agefi.com/home/europe-et-monde/detail/edition/online/article/le-fonds-activiste-americain-corvex-management-a-pris-une-participation-dans-le-groupe-agroalimentaire-francais-danone-selon-lagence-bloomberg-news-qui-cite-des-sources-proches-du-dossier-458918.html">400 millions de dollars d’actions Danone</a>, soit un peu moins d’un pour cent du capital de la société.</p>
<p>Le patron du fonds Corvex estime que Danone est sous-évalué du fait de ses piètres performances financières. S’il ne demande pas un changement de gouvernance pour le moment, il souhaiterait une amélioration significative des performances financières du groupe dirigé par Emmanuel Faber. Ce fervent catholique est un ardent défenseur de la responsabilité sociale de l’entreprise et de « l’entreprise à mission ». Sous sa direction, Danone vise d’ailleurs la certification « B-Corp » (<em>benefit corporation</em>), un label international de responsabilité sociale et environnementale.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-cJYrWcurDs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emmanuel Faber expose son double projet : valeur pour les actionnaires et valeurs sociale et environnementale.</span></figcaption>
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<p>Malgré ce positionnement social, le patron de Danone semble avoir entendu le message de Corvex : il a en effet fixé pour objectif, après l’acquisition de WhiteWave (acteur majeur du bio aux Etats-Unis), une croissance du chiffre d’affaires de 4 à 5 % d’ici à 2020 et une marge opérationnelle courante supérieure à 16 %. Un chiffre nettement supérieur au passé…</p>
<p>Reste à voir si ces objectifs seront atteints. L’investisseur activiste va certainement attendre de vérifier si Danone respecte ses engagements avant éventuellement de tenter d’entraîner d’autres actionnaires minoritaires pour peser de façon plus forte sur les dirigeants, via des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-8-p-297.htm">batailles de procurations (<em>proxy fights</em>)</a>.</p>
<h2>Un bras de fer à venir ?</h2>
<p>Sur les cinq dernières années, alors que le CAC 40 progressait de 35 %, le titre Danone n’a pris que 20 %. Une véritable contre-performance pour une entreprise leader… En revanche, à la suite de la diffusion de l’information concernant la prise de participation du fonds activiste Corvex, l’action Danone a affiché la plus forte hausse du marché (+ 2 %, à 67,7 euros le 15 août 2017) : une façon pour ledit marché de saluer l’action du fonds activiste. Depuis, le titre est redescendu à 64,8 euros (au 11 avril 2018).</p>
<p>Investir dans une société que l’on juge sous-valorisée est un acte de bonne gestion financière si on parie sur son redressement et que celui-ci se réalise. C’est ce que fait le fonds Corvex. Pour cela, il va être attentif aux décisions du management, et ce dernier va devoir rendre des comptes en cas de non-réalisation des objectifs annoncés.</p>
<p>En définitive, et malgré toute la brillante rhétorique développée par le Emmanuel Faber dans son ouvrage <a href="http://www.albin-michel.fr/ouvrages/chemins-de-traverse-9782226238566">« Chemins de traverse : vivre l’économie autrement »</a>, il semble bien que le patron de Danone devra céder à la pression des investisseurs. Et ce <a href="https://www.lesechos.fr/01/12/2017/LesEchosWeekEnd/00101-008-ECWE_emmanuel-faber--le-janus-du-cac.htm">alors qu’il déclarait</a></p>
<blockquote>
<p>« Le système économique n’a pas été corrigé depuis 2008. La financiarisation est toujours là. Le plus grave est la cécité de certaines entreprises pour prendre en compte les enjeux de long terme. »</p>
</blockquote>
<p>Inquiet de la dérive des pratiques des entreprises vers la finance, très marquée selon lui depuis 25 ans, il dénonce aussi « l’idée que le rôle d’une entreprise, son but, [soit] de maximiser la valeur qu’elle crée pour ses actionnaires. »</p>
<p>Mais peut-on critiquer la logique financière quand on dirige une entreprise de la taille de Danone, qui a besoin de ses actionnaires et qui n’est pas contrôlée ? À cet égard, il sera très intéressant d’observer dans le futur cette tension entre, d’un côté, un management qui se veut très socialement responsable et de l’autre, un investisseur activiste comme Corvex, qui souhaite maximiser la valeur de son investissement.</p>
<h2>Le cas Vivendi-Telecom Italia</h2>
<p>Ce second cas est différent de celui de Danone car Vivendi, à travers sa prise de participation dans Telecom Italia – devenu <a href="http://www.telecomitalia.com/tit/en/about-us/branding/brands/our-brands.html">Telecom Italia Mobile (TIM) en 2016</a>) –, vise explicitement un changement de stratégie et de gestion de l’opérateur téléphonique italien.</p>
<p>En mars 2018, le fonds d’investissement activiste Elliott Management, dirigé par Paul Singer, a acheté 6 % du capital de TIM dans le but de contrer la gestion du premier actionnaire, Vivendi, avant de proposer son propre plan industriel. Lundi 9 avril, le fond activiste a annoncé détenir « environ 9 % » des actions de TIM. Elliott accentue ainsi sa pression sur l’actionnaire majoritaire.</p>
<p>Il faut dire que l’action de l’opérateur a perdu près d’un tiers de sa valeur sur les deux dernières années et sous-performe en bourse par rapport à son indice de référence (<a href="https://www.stoxx.com/index-details?symbol=SXKP">STOXX 600 Telecommunications</a>). Similitude avec le cas Danone : c’est la sous-performance financière qui explique l’arrivée d’un actionnaire activiste. À l’annonce de l’information de l’arrivée de Elliott Management, le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/0301382877875-telecom-italia-un-activiste-se-dresse-face-a-bollore-2158809.php">titre de TIM a bondi de 4 % à la bourse de Milan</a>.</p>
<p>Naturellement cette analyse est réfutée par le management de l’opérateur de téléphonie, qui estime que la gestion de Vivendi doit être évaluée à partir du 4 mai 2017, la date de l’assemblée générale à la suite de laquelle le groupe de Vincent Bolloré a pris sa direction effective. Vivendi, qui possède 23,9 % du capital de TIM, estime être davantage fondé à dicter sa loi que le fonds activiste, qui ne possède, lui, que 9 %.</p>
<h2>Duel de visions</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/0301514255731-amos-genish-vivendi-a-une-vision-long-terme-pour-telecom-italia-contrairement-a-elliott-2166165.php">interview publiée le 3 avril 2018 par le quotidien Les Échos</a>, Amos Genish, le patron de Telecom Italia, déclare</p>
<blockquote>
<p>« Si Vivendi est entré dans Telecom Italia, c’est avec une vision de long terme et en tant que partenaire industriel. Au contraire d’un « hedge fund » comme Elliott, à la politique court-termiste… Vivendi a voulu prendre le risque et le temps de relancer l’opérateur. En choisissant une stratégie de convergence entre les télécoms et les médias. On voit ce mouvement un peu partout, notamment aux États-Unis, par exemple entre AT&T et Time Warner. Pour les télécoms, c’est la route à suivre, c’est celle qui sera créatrice de valeur. »</p>
</blockquote>
<p>Avec cette déclaration, on retrouve le discours traditionnel des managers déclarant être préoccupés par le long terme contrairement aux investisseurs activistes qui n’auraient qu’une vision à court terme. Un discours classique bien rodé. À noter cependant que, d’ores et déjà, l’opérateur historique de télécom italien a décidé de scinder son réseau fixe et de l’intégrer dans une nouvelle structure qu’il contrôlera en totalité comme le souhaite le gouvernement italien. Elliott de son côté souhaiterait une cotation en bourse ou d’une vente partielle du réseau de TIM.</p>
<p>De leur côté, les représentants du <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/0301446549810-telecom-italia-elliott-attaque-frontalement-vivendi-2161864.php">fonds Elliott estiment que</a></p>
<blockquote>
<p>« la mauvaise gestion du conseil contrôlé par Vivendi s’est traduite par des problèmes profonds de gouvernance, une baisse de sa valorisation boursière et des échecs stratégiques. »</p>
</blockquote>
<p>Selon eux, TIM est géré dans le seul intérêt de Vivendi au détriment des autres actionnaires ; un conflit classique entre actionnaires majoritaires et minoritaires qui dénoncent une spoliation.</p>
<p>Elliott Management voudrait également obtenir la conversion de plus de 6 milliards d’actions d’épargne en actions ordinaires pour lever des fonds et réduire l’endettement de TIM. Vivendi y est opposé car cela diluerait sa participation à environ 17 %. C’est ce qui a motivé le fonds activiste à demander en mars la révocation de six membres du conseil et leur remplacement par des personnalités italiennes du monde des affaires. Cette résolution devait être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 24 avril. L’offensive avait provoqué la démission de huit administrateurs de Vivendi, aboutissant à la convocation d’une assemblée générale extraordinaire le 4 mai, pour demander aux actionnaires de renouveler les 15 sièges d’administrateurs.</p>
<p>Nouveau coup de théâtre lundi 9 avril : dans un communiqué, le <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/le-conseil-d-administration-de-telecom-italia-rejette-les-resolutions-d-eliott-1755538.php">conseil d’administration de TIM a qualifié d’« illégale »</a> la décision prise par les commissaires aux comptes de maintenir, malgré les huit démissions, la proposition d’Elliott à l’ordre du jour de l’assemblée générale d’avril, et menace de saisir la justice. Les hostilités sont donc maintenant déclarées.</p>
<p>L’établissement financier public italien CDP a par ailleurs annoncé vouloir <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/0301530593789-telecom-italia-le-camp-italien-se-regroupe-face-a-vivendi-2167155.php">entrer de façon « progressive » dans le capital de TIM</a>, à hauteur maximale de 5 %. Cette initiative vise à préserver les intérêts de l’État italien dans l’ex-monopole téléphonique dont les actifs sont considérés comme stratégiques. Elle devrait permettre à l’État de voter lors de la prochaine assemblée générale, qui désignera les nouveaux membres du conseil.</p>
<p>L’arrivée du fonds activiste Elliott Management bouscule donc déjà significativement la gouvernance de TIM. L’avenir nous dira comment évolueront cette gouvernance et les performances de l’opérateur italien, qui va être soumis à de fortes tensions au sein de son actionnariat. Certaines rumeurs prêtent à l’État italien un regard bienveillant sur l’arrivée d’Elliott Management, qui est très actif dans la péninsule depuis quelque temps. Par ailleurs, trois cabinets de conseil aux actionnaires (Glass Lewis, ISS et Frontis) ont recommandé aux actionnaires de soutenir la proposition du fonds activiste.</p>
<h2>Les effets secondaires positifs de l’activisme actionnarial</h2>
<p>Bien que différents, ces deux cas démontrent que les dirigeants des entreprises cotées doivent compter dorénavant avec les investisseurs activistes. La meilleure défense contre ces fonds ne se trouve pas dans la protection de l’État et son patriotisme économique, mais bien au sein de l’entreprise et de son management : sa gestion doit être irréprochable. Ceci est d’autant plus vrai que le capital de l’entreprise est dispersé.</p>
<p>En définitive, l’activisme actionnarial est le levier qui manquait pour améliorer la gouvernance des sociétés cotées françaises qui, pour diverses raisons, ne peuvent faire l’objet d’une OPA. Si les OPA constituent, comme l’a bien montré <a href="http://www.jstor.org/stable/1818789?seq=1#page_scan_tab_contents">Mickael Jensen</a>, un puissant moyen de discipline des dirigeants pour des sociétés « opéables », il n’en va pas toujours de même pour de très grands groupes contrôlés, même quand ils sous-performent durablement. Sous la pression des actionnaires activistes, les dirigeants peuvent être amenés à revoir leur stratégie générale, à céder des actifs non stratégiques, à nouer de nouvelles alliances, etc.</p>
<p>De bonnes pratiques à acquérir rapidement, car avec la réforme fiscale américaine, la pression des fonds activistes risque de s’accentuer très fortement.</p>
<h2>La réforme fiscale américaine, une arme d’investissements massifs</h2>
<p>Il faut s’attendre à une montée en régime des investissements et acquisitions de sociétés en Europe et en France. En effet, la <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/12/20/les-principaux-points-de-la-reforme-fiscale-de-donald-trump_5232094_3234.html">réforme fiscale du président Trump</a> et sa quasi-amnistie fiscale ouvrent la voie au rapatriement de plus de 3 000 milliards de dollars logés dans les filiales des groupes américains, au sein de paradis fiscaux. Laurent Burelle, président de la très influente Association française des entreprises privées qui regroupe les 100 plus grandes sociétés tricolores, l’affirme : <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/02/10/laurent-burelle-l-objectif-c-est-que-l-usine-france-fabrique-plus-de-richesse_5254884_3234.html">« la réforme de Trump est un outil de conquête de nos entreprises »</a>. Selon lui, il faut s’attendre à une vague de fusions-acquisitions en 2019-2021.</p>
<p>Ce diagnostic est partagé par d’autres grands patrons comme Jean‑Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric et Patrick Pouyanné, PDG de Total. À cette menace américaine s’ajoute également celle venue de Chine et d’Inde, des pays qui n’hésitent plus à faire leur marché en Europe alors que leurs réglementations empêchent la réciprocité. Bref, nos grands patrons ont du souci à se faire et ce n’est pas le « patriotisme économique » cher à notre classe politique qui changera fondamentalement la donne.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus :<br>
Albouy M., Decante C., Mauro A. et Studer P. (2017), <a href="https://journals.openedition.org/fcs/1904">« L’impact des actionnaires activistes sur les performances à court, moyen et long terme des entreprises européennes »</a>, Finance Contrôle Stratégie, vol. 20, n° 1 ;<br>
Bebchuk L., Brav A. et Jiang W. (2015), <a href="http://www.nber.org/papers/w21227">« The Long-Term Effects of Hedge Fund Activism »</a>, Columbia Law Review, vol. 115, n° 5 ;<br>
Brav A., Jiang W., Partnoy F. et Thomas R. (2008), <a href="https://faculty.fuqua.duke.edu/%7Ebrav/RESEARCH/papersfiles/BravJiangPartnoyThomas2008.pdf">« Hedge Fund Activism, Corporate Governance, and Firm Performance »</a>, Journal of Finance, vol. 63 ;<br>
Jensen M.C. (1986), <a href="https://www.jstor.org/stable/1818789">« The Agency Costs of Free Cash Flow : Corporate Finance and Takeover »</a>, American Economic Review, vol. 76, n° 2.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94864/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les fonds activistes font pression sur la gouvernance pour infléchir les orientations des entreprises dans lesquelles ils investissent. Une menace qui peut avoir également des effets positifs.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852422017-10-05T22:56:02Z2017-10-05T22:56:02ZAlstom-Siemens : questions pour une fusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188938/original/file-20171005-9802-1gct55z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Centre d'essai d'Alstom à La Rochelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5076082918/7566b589c0/">Thierry Ilansades/Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Alstom continue à défrayer la chronique des entreprises françaises menacées par la mondialisation et alimente le feuilleton de l’État actionnaire. Après le cas de l’usine de Belfort, et la décision de vendre le groupe à l’allemand Siemens, c’est au tour de sa filiale GE Hydro/Alstom de faire la une des mouvements sociaux.</p>
<p>Comme nous l’exposions dans notre article <a href="https://theconversation.com/alstom-un-echec-de-letat-stratege-65301">« Alstom : un échec de l’État stratège ? »</a>, Alstom, un des fleurons de l’industrie française, a connu au cours des dernières décennies une histoire mouvementée. Aujourd’hui, alors que le groupe a retrouvé une bonne santé financière, l’État a décidé de le vendre à Siemens. Pourquoi et quelles en sont les conséquences ?</p>
<h2>La santé retrouvée d’Alstom</h2>
<p>Pour l’exercice se terminant fin mars 2017, Alstom affichait un chiffre d’affaires de 7,3 milliards d’euros en progression de 6,2 % par rapport à 2016 et de 18,5 % par rapport à l’exercice 2015. Fin mars 2017, l’entreprise retrouvait enfin un résultat opérationnel positif de 358 millions d’euros après des résultats opérationnels négatifs en 2015 et 2016.</p>
<p>Parallèlement à ce redressement de la rentabilité, l’équilibre financier du groupe s’améliore également. Le ratio des dettes financières (courantes et non courantes) rapportées aux capitaux propres passe de 1,23 en mars 2015 à 0,55 en 2017. Enfin, la trésorerie du groupe se maintient à plus de 1,5 milliard d’euros fin mars 2017. Le tableau 1 récapitule ces chiffres clés du redressement d’Alstom.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188872/original/file-20171004-6697-pl8q8i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Le mariage d’Alstom et de Siemens</h2>
<p>Avec les noces annoncées du mariage d’Alstom avec son meilleur ennemi européen, l’allemand Siemens, l’avenir du fleuron industriel français semble bien incertain. Pour certains, et notamment le gouvernement du président Macron, cette fusion permettra de créer un « Airbus du ferroviaire » et de pérenniser les emplois face à la concurrence chinoise. Pour d’autres, et notamment les syndicats et des leaders de la gauche comme Arnaud Montebourg, cette vente signe la démission du gouvernement en matière de politique industrielle. Que ce soit pour la CFDT comme pour la CGT l’inquiétude est forte.</p>
<p>Pour Olivier Kohler, délégué CFDT, « Toute la question est de savoir quelle politique industrielle sera menée. Il y a des fabrications identiques en France et en Allemagne. Il y aura des doublons et il ne faut pas se leurrer, il y aura des suppressions de postes des deux côtés ». Pour Pascal Novelin, délégué CGT, « L’État ne protège pas son industrie, Siemens protégera la sienne. Si on est racheté par Siemens ça va valser sérieux » (Le Monde, 26 septembre 2017).</p>
<p>Mais pour le moment ça valse déjà à Grenoble chez GE Hydro/Alstom (ex Neyrpic) ; cette société intégrée à la branche énergie du groupe Alstom jusqu’à son rachat par General Electric (GE) il y a trois ans. C’est en effet en 2014 que le conglomérat américain avait racheté l’ensemble des activités énergie d’Alstom, dont sa très rentable branche nucléaire pour un montant de 12 milliards d’euros. À l’époque, Arnaud Montebourg, pourtant ministre de l’Économie et du redressement productif, n’avait pu bloquer cette vente faute – selon lui – de volonté politique du président Hollande et de son secrétaire général Emmanuel Macron.</p>
<p>Rappelons que c’est Neyrpic qui a construit la plupart des turbines des centrales hydrauliques des Alpes, celles des premières centrales nucléaires françaises et plus récemment celles du plus grand barrage du monde, celui des Trois-Gorges en Chine. Aujourd’hui le site grenoblois est spécialiste des turbines-pompes de troisième génération qui peuvent produire de l’énergie renouvelable. Inutile de dire la fierté des ingénieurs et des ouvriers de ce fleuron industriel menacé aujourd’hui d’un plan social par GE.</p>
<p>Face à cette situation, les salariés de GE Hydro/Alstom bloquent l’usine de Grenoble depuis le 4 octobre pour dénoncer le « mutisme total » de la direction et du gouvernement du président Macron autour du plan social qui prévoit la suppression de 345 postes sur les 800 que comporte ce site industriel historique de turbines hydroélectriques.</p>
<p>Grenoble (GE Hydro) aujourd’hui, Saint-Nazaire (STX France) cet été, Belfort (Alstom) en 2016 et Florange (Arcelor) en 2012, l’histoire semble se répéter inlassablement. Nos plus emblématiques sites industriels, ceux-là même qui ont fait la gloire de notre technologie et de nos savoirs faire, sont menacés de disparition devant les coups de butoir de la mondialisation. On comprend l’inquiétude des salariés de ces entreprises et leur demande de protection de la part de l’État, d’autant plus que ce dernier, via ses participations, a les moyens d’intervenir.</p>
<h2>La charge d’Arnaud Montebourg et la réponse de Bruno Le Maire</h2>
<p>Grenoble le 2 octobre 2017 : l’ex-ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, affirme devant les salariés menacés par un plan social que le gouvernement « se rendait coupable de détournement de fonds publics par négligence ». Il accuse aussi l’État d’avoir « abandonné Alstom à son sort » et de vouloir poursuivre au pénal ce dossier.</p>
<p>À Grenoble, devant les salariés menacés de GE Hydro/Alstom, Arnaud Montebourg a présenté un scénario qui, à ses yeux, pourrait sauver leur site, un mélange « d’action politique, de lutte syndicale et de menace de poursuites pénales ». « Il reste quinze jours pour que l’État rachète les actions qu’il loue à Bouygues au sein d’Alstom et qu’ensuite il fasse jouer l’option de rachat de GE Renewable », a déclaré l’ancien ministre de l’Économie, qui avait œuvré à la rédaction de l’accord de co-entreprise lors du mariage entre General Electric et la partie énergie d’Alstom en 2014. « Il est impossible que ça ne se fasse pas », a poursuivi M. Montebourg, mettant en avant un risque de poursuites pénales contre M. Le Maire pour « détournement de fonds public par négligence ».</p>
<p>L’intersyndicale du site de GE Hydro/Alstom à Grenoble, menacé par un plan de licenciement de 345 des 800 emplois, a demandé « solennellement » au gouvernement mardi de « prendre ses responsabilités en en exerçant l’option d’achat des actions de Bouygues au sein d’Alstom avant le 17 octobre, date d’expiration de cette option pour l’État ». Pour eux, si l’option de rachat était utilisée, elle permettrait de gagner quelques mois pour envisager – dans le scénario déroulé par M. Montebourg aux salariés – de faire jouer ensuite en 2018 ou 2019 l’option de rachat de GE Renewable.</p>
<p>Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a rejeté mardi 3 octobre les menaces de poursuites pénales brandies la veille par Arnaud Montebourg si l’État ne montait pas au capital d’Alstom avant sa fusion avec l’allemand Siemens.</p>
<p>« Tout ce qui est excessif est insignifiant, Arnaud Montebourg le premier », a affirmé le ministre, qualifiant d’« absurde » la menace de « risque pénal maximal » brandie par son prédécesseur. Bruno Le Maire a également écarté l’idée que l’État entre au capital d’Alstom : « Faire monter l’État au capital d’Alstom pour, mettons 15 %, c’est donner à l’État un strapontin pour observer des décisions auxquelles il ne participera pas ». Pour lui, </p>
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<p>« Le rôle de l’État, c’est de veiller aux engagements de Siemens et d’avoir des commandes publiques qui, elles, sont importantes. Quitte à dépenser 2 ou 3 milliards d’euros, je préfère que ce soit dans des commandes publiques plutôt que dans des strapontins dans des conseils d’administrations. »</p>
</blockquote>
<h2>Une logique financière discutable de la part de l’État</h2>
<p>Une fusion « bonne pour l’emploi, bonne pour l’industrie, bonne pour la France » s’est félicité Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, en déplacement sur le site d’Alstom de Petite-Forêt dans le Nord.</p>
<p>L’État français est actuellement actionnaire d’Alstom via des actions (représentant 20 % du capital) prêtées par le groupe diversifié Bouygues mais il a prévu de mettre fin à ce prêt et ne pas exercer l’option d’achat dont il dispose jusqu’au 17 octobre 2017. En renonçant à exercer auprès de Bouygues les options d’achat dont il dispose, l’État ne fait pas forcément un bon calcul financier.</p>
<p>Bien entendu, l’exercice des options obligerait l’État à décaisser dans un premier temps des sommes importantes. La première, dont le prix d’exercice est de 35 euros/action, qui donne droit à 20 % du capital d’Alstom et qui expire le 5 octobre, coûterait 1,5 milliard d’euros. La deuxième, ouverte entre les 6 et 17 octobre, permettrait d’acquérir 15 % du capital auprès de Bouygues, à une moyenne du cours de bourse sur les deux derniers mois décotée de 2 %, soit environ 880 millions d’euros.</p>
<p>Mais en s’installant au capital d’Alstom, l’État disposerait d’un droit de regard sur la fusion et les engagements sociaux, comme il le fait du reste dans la vente de STX France à l’italien Ficantieri. Il serait également associé à la création de valeur liée à la fusion des deux groupes. Les synergies annuelles espérées de la fusion s’élèvent selon les dirigeants à 470 millions d’euros quatre ans après la finalisation de l’opération. Ce gain espéré se reflète du reste dans les objectifs de cours de six courtiers (Barclays, Deutsche Bank, Exane BNP Paribas, Kepler Chevreux, UBS, Société générale) pour l’action Alstom : 38 euros contre 30 euros avant les premières rumeurs de mariage. L’évolution du cours d’Alstom en bourse (voir graphique) est révélateur du redressement du groupe français.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188874/original/file-20171004-22112-lnnuh3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Par ailleurs, il faut tenir compte des dividendes qui seront versés : 4 euros avec certitude et plus jusqu’à 4 euros supplémentaires ; ce qui représente selon les options entre 350 et 263 millions d’euros. Le tableau 2 permet de récapituler les gains que l’État pourrait faire, si bien sûr les anticipations des courtiers se réalisent.</p>
<p>Par exemple si on prend l’option 2 (15 % du capital), l’État, contre une mise de 880 millions d’euros, pourrait recueillir 263 millions d’euros de dividendes et faire une plus-value de 368 millions d’euros (différence entre la valeur de son portefeuille et de son coût d’achat).</p>
<p>Même si l’objectif de cours de 38 euros n’était pas atteint, l’État ne serait pas obligé de vendre sa participation aussi rapidement et pourrait attendre que les fruits supposés de la fusion Alstom-Siemens porte ses fruits. Rester au capital du nouveau groupe pourrait s’avérer une excellente opération à long terme sur le plan financier.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188873/original/file-20171004-6700-19hfvju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Une politique industrielle risquée de la part de l’État</h2>
<p>Dépourvu d’actions, puisque l’État n’exercera pas ses options selon le ministre de l’Économie, l’État ne sera pas présent au conseil d’administration du futur ensemble Siemens-Alstom. Rappelons qu’il est au capital de nombreuses grandes entreprises et qu’il n’a pas hésité dans un passé récent de monter au capital de Peugeot pour sauver et relancer cette entreprise. Il ne pourra donc pas peser sur les orientations stratégiques du nouveau groupe Siemens-Alstom. Certains observateurs font observer que si l’État avait exercé ses options d’achat, la fusion ne se serait pas faite. Cela reste à prouver, tant la chancelière allemande, Angela Merkel, tient à la solidification du couple franco-allemand. Une autre fusion aurait donc pu être envisagée que celle qui nous est présentée.</p>
<p>L’idée avancée que la fusion entre Alstom et Siemens est une bonne opération repose sur le constat, contestable, qu’il s’agit d’une fusion entre égaux. On sait ce qu’il advient de ce type de fusions. Tôt ou tard, l’un des protagonistes prend le pouvoir sur l’autre ; le cas de la fusion Lafarge-Holcim est particulièrement éclairant à ce sujet, comme bien d’autres. Dans le cas Alstom-Siemens, il ne faut pas être grand devin pour prédire que les Allemands prendront les rênes du nouvel ensemble, compte tenu du désengagement de l’État français.</p>
<p>Toute la question revient à se demander si le pari de la construction d’un nouveau champion européen – un « Airbus du ferroviaire » pour reprendre l’expression consacrée – sera un succès et qui en seront les principaux bénéficiaires ? Pour peser sur le nouveau groupe, l’État français compte beaucoup sur les commandes publiques de TER et de TGV. Mais est-ce cela une politique industrielle ? Par ailleurs, rien ne dit que dans le futur nos opérateurs du rail n’iront pas se fournir auprès d’autres constructeurs éventuellement moins chers ? On entend bien les arguments en faveur de cette fusion, comme notamment l’impérieuse nécessité de s’allier entre européens pour contrer la menace chinoise. Il est également vrai qu’aucune entreprise ne peut rester qu’à l’intérieur des frontières de l’hexagone et que toutes doivent s’internationaliser. Il faut aussi se demander si Alstom en l’état aurait été viable à long terme ? La question reste ouverte. Mais fallait-il aller aussi vite dans le désengagement de l’État dans cette affaire ? On peut en douter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85242/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse stratégique et financière d’un rapprochement présenté comme une avancée de politique industrielle européenne.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/818182017-07-31T06:31:14Z2017-07-31T06:31:14ZNationalisation de STX France : coup politique ou stratégie industrielle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180273/original/file-20170730-31781-1k5xpei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Harmony of The Sea quitte définitivement Saint-Nazaire le 15 mai 2016 pour rejoindre Southampton, avant d'effectuer sa première croisière en Méditerranée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/26869323240/in/photolist-HuaBY1-HnFpJx-GzEQPn-H4tfmq-8NHURm-cLMpUb-H8SCru-8mtCNW-8mqvzB-8mqvHH-8mtCpW-GWm9RU-GrciQa-GrckWe-Gy8811-HdcykG-Hfx442-GWmiFN-HdcpJU-8NEPWx">patrick janicek / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En décidant le 27 juillet 2017 d’exercer le droit de préemption de l’État – en fait de nationaliser STX France, alias Les chantiers navals de Saint-Nazaire – le président Macron a pris de court non seulement les Italiens mais également la <a href="http://lemde.fr/2tPDphz">classe politique</a> française. <a href="http://bit.ly/2uKwsgj">L’opinion en revanche</a> semble approuver sa décision.</p>
<p>Souvent présenté comme un ancien banquier d’affaire, un Européen convaincu et un libéral assumé, la décision présidentielle a en effet de quoi surprendre. Pourquoi une telle décision alors que l’accord négocié avec le gouvernement socialiste du président Hollande était considéré comme une « bonne » solution européenne ?</p>
<h2>La faillite du groupe coréen STX rebat les cartes</h2>
<p>Comme nous le précisions dans notre article <a href="http://bit.ly/2vVEXUy">« La nationalisation évitée des chantiers navals de Saint-Nazaire »</a>, l’histoire récente des chantiers navals de Saint-Nazaire est celle du renouveau de la construction navale française.</p>
<p>En 2006, le finlandais New Aker Finyards et Alstom décident de joindre leurs forces pour créer Aker Yards, nouveau géant de la construction navale mondiale. En 2008, c’est le groupe sud-coréen STX Business Group qui devient actionnaire, donnant naissance à STX Europe. Les Chantiers de Saint-Nazaire passent alors sous contrôle des Sud-Coréens, ce qui ne fait pas trop de vagues chez nos politiques.</p>
<p>De son côté, le chantier français poursuit son activité sur le marché des navires complexes (navires à passagers et navires militaires) tout en se lançant sur les marchés de l’offshore. Il propose également des solutions techniques pour des navires spécialisés. Tout allait donc bien pour les chantiers navals de Saint-Nazaire, même s’ils étaient sous la coupe d’un groupe coréen.</p>
<p>Mais début janvier 2017, le tribunal de commerce du district central de Séoul, chargé de gérer la faillite du groupe coréen STX, faisait connaître sa décision de vendre la filiale française STX France. Ainsi une décision prise par un tribunal situé à plusieurs milliers de kilomètres de la France mettait en émoi à nouveau la classe politique française et les syndicats. Les Chantiers qui étaient contrôlés par des Coréens allaient être vendus à nouveau.</p>
<p>Face à cette situation inédite les candidats à la présidentielle se prononçait à l’unanimité pour la nationalisation du fleuron industriel national et, cela va des soi, pour la préservation de l’emploi en France. De son côté le groupe italien Fincantieri faisait connaître sa décision de se porter acquéreur des actions de STX France.</p>
<h2>La négociation du président Hollande</h2>
<p>Le gouvernement du président Hollande voulait éviter que le repreneur pressenti par Séoul, le constructeur italien de navires Fincantieri, prenne le contrôle du fleuron de la construction navale française. Le risque mis en avant était en effet que Fincantieri qui a créé une coentreprise en Chine transfère le savoir-faire des chantiers de Saint-Nazaire afin de construire à bas coût des grands navires de croisière.</p>
<p>Par ailleurs, en cas de baisse du carnet de commande, le risque perçu était que les dirigeants de Fincantieri arbitrent en faveur de ses chantiers italiens au détriment de Saint-Nazaire. Il fallait donc réagir et éviter ce dépeçage à venir et ce d’autant plus que l’État n’était pas démuni. En effet, en plus de détenir un tiers du capital de STX France, l’État disposait d’un droit de préemption sur le reste des actions. La menace de la nationalisation était donc tout à fait crédible et l’État pouvait poser ses conditions à Fincantieri.</p>
<p>Le président Hollande a fait savoir qu’il n’était pas opposé à une entrée du constructeur italien au capital de STX France mais pas de façon majoritaire. Il devrait se contenter d’une participation minoritaire comprise entre 45 % et 49 % au maximum, charge à lui de trouver un partenaire pour compléter le tour de table.</p>
<p>À la grande surprise de tous, en lieu et place d’un investisseur public italien, le tour de table fut complété par le groupe public de construction navale militaire DCNS (Naval Group). En ajoutant ses parts à celles de la DCNS, l’État pouvait ainsi compter sur 45 % du capital de STX France et pouvait faire jeu égal au conseil d’administration avec Fincantieri qui devait disposer de 48 % des actions. Le montage financier était assorti de nombreuses clauses garantissant le maintien des emplois, du bureau d’études et des sous-traitants sur plus de dix ans, le tout assorti d’un droit de veto. De plus l’accord prévoyait que le constructeur Naval Group pourrait accéder aux installations de Saint-Nazaire pour accueillir la construction des coques de grands navires militaires comme les porte-avions.</p>
<p>En plus de protéger l’emploi, ce montage habile avait le mérite de promouvoir une solution européenne (franco-italienne) dans un secteur soumis à la concurrence mondiale et notamment asiatique. Au total, on ne pouvait que se féliciter de la stratégie du gouvernement dans ce dossier et de ses résultats. De plus, avec 45 % du capital de STX, l’État français était loin d’être un petit actionnaire.</p>
<h2>La décision du président Macron</h2>
<p>Lorsque le président Macron s’est rendu le 31 mai 2017 sur les chantiers navals de Saint-Nazaire il avait indiqué qu’il souhaitait renégocier le pacte d’actionnaire qu’il jugeait trop favorable aux intérêts italiens et ne donnait pas assez de garanties. Certes, l’accord négocié revenait à reconnaître le leadership industriel de Fincantieri, mais il garantissait à la France un droit de regard sur le plan de charges industriel et les brevets.</p>
<p>L’enjeu de souveraineté était également brandi par les tenants de la nationalisation du fait que Saint-Nazaire est le seul site français à même de construire des grandes coques pour les navires militaires. Cet argument est contestable dans la mesure où l’accord prévoyait bien la possibilité de la DCNS d’accéder aux chantiers. Par ailleurs, les syndicats de Saint-Nazaire agitaient avec insistance le risque d’un transfert d’activité vers les chantiers italiens et de pertes d’emplois. Pourtant ce risque est à relativiser car quel serait l’intérêt d’un actionnaire aussi important que Fincantieri de dépouiller sa filiale française ?</p>
<p>L’intérêt bien compris de Fincantieri en tant qu’actionnaire n’est pas que STX France ne vaille plus rien. N’en déplaise aux hommes politiques, la logique actionnariale n’est pas nationale, elle est globale. C’est dans ces conditions que le ministre de l’économie, Bruno Lemaire, <a href="http://bit.ly/2tUI7ua">annonçait en plein accord avec le président que le gouvernement</a> « a pris la décision d’exercer le droit de préemption de l’État sur STX France ».</p>
<p>Il justifiait ainsi la décision :</p>
<blockquote>
<p>« Protéger les chantiers de Saint-Nazaire, un outil industriel unique, afin de garantir que les compétences et le savoir-faire exceptionnel de cette entreprise restent en France ».</p>
</blockquote>
<p>Ce faisant, Emmanuel Macron se mettait dans les pas de l’ancien ministre Arnaud Montebourg, mais également dans une longue tradition <a href="http://lemde.fr/2h5dwEj">interventionniste française en matière industrielle</a>.</p>
<p>En nationalisant de fait STX France, Emmanuel Macron fait ce que François Hollande n’avait pas osé faire au sujet des hauts-fourneaux de Florange en Moselle. Il montre que, contrairement à son prédécesseur, il n’a pas peur d’utiliser le pouvoir de la puissance publique en matière économique et ce malgré son libéralisme affiché. En clair, qu’on peut être libéral et en même temps interventionniste.</p>
<h2>Comment expliquer la décision de nationaliser ?</h2>
<p>Dès l’annonce de l’exercice de son droit de préemption, le gouvernement a affirmé qu’il s’agissait d’une nationalisation temporaire : « C’est transitoire. Cela nous donne du temps pour poursuivre les négociations avec l’Italie, ou trouver une autre solution ». Dans l’esprit du ministre de l’économie, <a href="http://bit.ly/2uKPWS9">Bruno Lemaire</a>, l’État n’entend pas rester propriétaire des chantiers ni les gérer. Il s’agit d’organiser un tour de table d’actionnaires plus satisfaisant. Une possibilité qui reste également sur la table est d’amener les Italiens à accepter un partage 50/50 du pouvoir dans STX France.</p>
<p>En fait, l’exercice du droit de préemption permettrait de gagner du temps. De plus, le rachat des actions détenues par le groupe coréen STX ne reviendrait qu’à 80 millions d’euros et cette somme serait récupérée lors de la sortie de l’État du capital de la société. Un tel montant qui porte sur 2/3 des actions de STX France revient à valoriser la société à quelque 120 millions d’euros ; un chiffre relativement modeste qui s’explique par la déconfiture du groupe coréen STX.</p>
<p>Comme on peut le constater les explications données par le gouvernement sont essentiellement techniques et reposent sur l’idée qu’un meilleur accord industriel peut être trouvé. Pourtant, comme de nombreux observateurs l’ont fait remarquer l’accord négocié par le président Hollande n’était pas si mauvais que cela. Outre que cet accord s’insérait dans un renforcement de la coopération industrielle européenne, il permettait de construire un groupe européen leader dans la construction navale permettant de résister à la concurrence qui monte en Chine, en Turquie et ailleurs dans le monde.</p>
<p>Pour <a href="http://bit.ly/2v88CMQ">Elie Cohen</a>, directeur de recherche au CNRS, (La Croix, 28 juillet 2017),</p>
<blockquote>
<p>« la décision du gouvernement ne relève en rien d’une stratégie industrielle. Le gouvernement n’a pas du tout parlé de construire une filière cohérente, faisant de la France une championne des chantiers navals ».</p>
</blockquote>
<p>Par ailleurs, les effets collatéraux de la décision surprise du président Macron sont largement sous-estimés. La nationalisation de STX France est en effet un véritable camouflet pour les dirigeants de Fincantierie et d’une façon plus large <a href="http://bit.ly/2v8UEKv">pour les Italiens</a>. Pourtant, ce pays a toujours réservé un bon accueil aux investisseurs français. Vu de Rome, l’affaire STX apparaît d’autant plus inacceptable que nombre d’entreprises italiennes sont tombées dans le portefeuille de groupes français sans que les autorités italiennes n’interviennent.</p>
<p>D’après une <a href="http://bit.ly/2vc5xuG">étude du cabinet KPMG</a> publiée début 2017, les groupes français ont pris en une décennie le contrôle de 185 sociétés italiennes pour un montant de 50 milliards d’euros. Des chiffres sans commune mesure avec les investissements italiens qui concernent 97 entreprises pour 7,5 milliards d’euros. Peut-on encourager les entreprises françaises à racheter des entreprises étrangères, notamment italiennes, et brandir en même temps le patriotisme économique ?</p>
<p>Au-delà des explications purement économiques et peu convaincantes de nationaliser les chantiers de Saint-Nazaire et de revenir sur l’accord négocié précédemment, on ne peut évacuer l’hypothèse d’un coup politique du président Macron.</p>
<p>Face à une baisse de popularité dans les sondages suite à plusieurs dossiers difficiles (réforme de la taxe d’habitation, baisse de l’APL, budget des armées avec la démission du général de Villiers, etc.), il n’est pas impossible que le président ait décidé de jouer la carte de la nationalisation des chantiers afin de s’attirer la sympathie des Français toujours sourcilleux quand il s’agit de défendre « leurs entreprises », surtout quand elles bénéficient d’une telle image comme les chantiers navals et qu’elles participent à l’indépendance militaire du pays.</p>
<p>Du reste, la réaction à l’annonce de la décision du gouvernement ne s’est pas fait attendre et c’est l’ensemble du spectre politique qui a applaudi. En prenant cette décision, Emmanuel Macron fait acte d’autorité et démontre clairement qu’il a entendu les salariés de STX et leurs syndicats. Au moment où le gouvernement va engager la réforme du Code du travail, un tel signal en faveur de la défense de l’emploi ne peut qu’être bien perçu et constitue un gage de bonne volonté pour protéger nos entreprises et leurs emplois.</p>
<p>Ceci étant, et au-delà de l’aspect politique du dossier, ne nous leurrons pas : ce n’est pas la nationalisation qui permettra de sauver éternellement des emplois surtout dans un secteur aussi mondialisé. De fait, la meilleure défense à long terme se trouve dans les capacités de l’entreprise STX France à attirer de nouveaux clients grâce à son savoir-faire et d’être compétitive dans une économie mondialisée et fortement concurrentielle. De ce point de vue, la nécessité d’avoir une stratégie industrielle au niveau européen en matière de construction navale est fondamentale.</p>
<p>D’une façon plus générale, c’est bien dans cette perspective que doit s’inscrire l’action de l’État : faire en sorte que nos entreprises exposées à la concurrence mondiale soient compétitives. Et c’est sur ce point précisément que le gouvernement est attendu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81818/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des conditions et des raisons de la décision de nationalisation de chantiers STX.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774462017-05-11T22:42:19Z2017-05-11T22:42:19ZAir France : les compagnies aériennes ne sont pas immortelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/168896/original/file-20170511-32602-12f86y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C247%2C1897%2C1359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avion d'Air France avec un de ses nombreux concurrents. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/avion-plan-vol-de-transport-1867712/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Quand on est un pilote d’Air France, une compagnie prestigieuse qui porte les couleurs de la République française et qui a fait voler le Concorde, on peut se croire insubmersible et penser que tout continuera comme avant et qu’in fine l’Etat sera toujours là pour faire face aux petits problèmes comptables d’équilibre d’un compte d’exploitation. </p>
<p><a href="http://bit.ly/2pC4e2x">Fondée en 1933</a>, née de la fusion de quatre compagnies aériennes : Air Orient, Air Union, CIDNA, et des lignes Farman) et du rachat de la célèbre Aéropostale (en dépôt de bilan à l’époque), Air France devient propriété de l’État français. En 1954 Air Inter est fondée avec comme principaux actionnaires Air France, la SNCF, et la Caisse des dépôts et consignations. </p>
<p>Dans les années 1990, du fait de la conjoncture et de la guerre du Golfe, les résultats d’Air France se dégradent et en octobre 1993 un conflit social extrêmement dur paralyse la compagnie, ce ne sera pas le dernier. Face à une situation de quasi faillite, l’État réinjecte en mai 1994 20 milliards de francs (3 milliards d’euros) ; une aide approuvée sous condition par la Commission Européenne. </p>
<p>Les attentats du 11 septembre 2001 à New York bouleversent à nouveau le secteur aérien et dégradent la situation financière des compagnies. Air France n’échappe pas à ce choc, perd un tiers de sa capitalisation boursière et doit réduire son offre. En 2004, Air France prend le contrôle de KLM et devient Air France-KLM. Cependant, la rentabilité financière du groupe reste chancelante. Malgré un retour aux bénéfices, la compagnie annonce en 2016 un plan de départ de 1600 personnes, un chiffre qui va défrayer la chronique. </p>
<p>Fin 2016, Jean-Marc Janaillac, président du groupe Air France KLM présente son plan « <a href="http://bit.ly/2febYpr">Trust Together</a> » (qui fait suite au plan d’économies « Transform ») et dont la raison d’être est de sauver la compagnie. Mais comment faire accepter un tel plan lorsque les salariés ne sont pas convaincus de sa nécessité pour survivre ?</p>
<h2>Le cimetière des compagnies aériennes</h2>
<p>Les compagnies aériennes, même les plus prestigieuses et notamment celles qui portent les couleurs de leur pays, ne sont pas immortelles contrairement à ce que le commun des mortels peut croire, y compris leurs pilotes d’avion. La liste des compagnies disparues est éloquente. En 1991, <a href="http://bit.ly/2r4WyH1">la célèbre Pam Am</a> (Pan American Airways) fondée en 1926 et pionnière des vols transatlantiques avec le Constellation, victime de la libéralisation de l’espace aérien américain et en autres de la guerre du Golfe, déposait son bilan. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168900/original/file-20170511-32585-1cju0b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=585&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bye bye Pan Am…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/12069763/5ceaf8877f/">cheelah via Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2001, c’était le tour de sa principale concurrente, la TWA (Trans World Airlines) créée en 1925, de disparaître suite à son rachat par American United Airlines. La Swissair, fondée en 1931, est devenue en 1947 la compagnie nationale suisse ; les pouvoirs publics acquérant 30 % du capital. Cela ne l’empêchera pas de disparaître définitivement en 2002, malgré sa réputation de qualité, suite à une trop mauvaise gestion : sureffectifs par rapport à ses concurrents, endettement trop élevé suite à des acquisitions trop onéreuses et non rentables, etc. </p>
<p>La Sabena (acronyme pour Société anonyme belge d’exploitation de la navigation aérienne), la compagnie aérienne nationale belge fondée en 1923, était également déclarée en faillite en 2001. À cette date elle était pourtant l’une des plus anciennes compagnies aériennes, juste derrière KLM qui sera rachetée par Air France via une OPE (offre publique d’échange) en 2004. </p>
<p>Iberia, la compagnie aérienne espagnole fondée en 1927 disparaitra finalement et sera finalement rachetée en 2009 par British Airways. En 2008, Northwest Airlines était rachetée par Delta Airlines faisant de cette dernière l’une des plus grandes compagnies aérienne mondiale. En 2012, c’était le tour de Continental Airlines de fusionner avec United Airlines, alors qu’elle était la sixième plus grande compagnie aérienne mondiale. Ces exemples montrent à l’évidence que les compagnies, même les plus prestigieuses, ne sont pas éternelles, surtout si elles ne s’adaptent pas à la concurrence. Alitalia, la compagnie nationale italienne, est aujourd’hui dans une situation critique et risque la liquidation pure et simple dans un avenir proche.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168902/original/file-20170511-32607-pkmf8r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alitalia.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/5940864397/88b3f7d108/">kitchener.lord via Visualhunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>L’exemple d’Alitalia</h2>
<p>Le 25 avril 2017, le conseil d’administration d’<a href="http://lemde.fr/2quHOV5">Alitalia</a> a jugé caduc le projet de recapitalisation de la compagnie aérienne, et a décidé de placer l’entreprise sous « administration extraordinaire » ce qui signifie au mieux une reprise et au pire la liquidation pure et simple. </p>
<p>Lâchée par ses actionnaires suite au comportement jugé irresponsable du personnel naviguant, la compagnie a peu de chances de trouver des financements externes. Le plan de la direction prévoyait la suppression de 1700 emplois sur un total de 12500 et une baisse de rémunération des salariés de 8 %. C’était le prix à payer pour pouvoir recapitaliser à hauteur de 2 milliards d’euros la compagnie aérienne. Ce plan ayant été rejeté par les pilotes et les hôtesses à une large majorité (67 % des votants), les administrateurs ont jeté l’éponge. </p>
<p>Mais qui voudra reprendre une telle entreprise qui n’accepte pas de se réformer et de s’adapter à la concurrence des nouveaux opérateurs à bas coûts ? Selon de nombreux observateurs, la compagnie paye aussi son manque de réactivité stratégique, notamment sur l’offre moyen-courrier. Elle paye également son refus de fusionner avec Air France KLM via une OPE fin 2007. Cette offre approuvée en mars 2008 était soumise à plusieurs conditions dont l’accord complet des syndicats. </p>
<p>Emblème national, Alitalia devint un des thèmes économique principal des élections italiennes de mars 2008 et l’offre française fut finalement repoussée par le gouvernement italien conduit par Romano Prodi au nom du patriotisme économique. En soutien, Alitalia reçoit un prêt de 300 millions d’euros, une somme bien insuffisante pour faire face aux difficultés de la compagnie. </p>
<p>En novembre 2014, la commission européenne autorise la compagnie d’Abu Dhabi, Etihad Airways, de monter au capital d’Alitalia à hauteur de 49 %. Cette opération permet de refinancer l’entreprise après plusieurs années de pertes. Malgré toutes ces opérations de restructurations financières, la situation de la compagnie italienne demeure toujours dans le rouge et continue à perdre des passagers. Aujourd’hui Etihad cherche à revendre ses parts au plus offrant. À noter qu’Etihad n’a jamais réussi à redresser les finances des huit compagnies dans lesquelles elle a des participations importantes mais minoritaires. De fait, Alitalia est davantage gouvernée par ses pilotes que par ses actionnaires. Un schéma que l’on retrouve en France.</p>
<h2>Quel avenir pour Air France ?</h2>
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<figcaption><span class="caption">Octobre 2015.</span></figcaption>
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<p>Bien que dans un état plus solide qu’Alitalia, l’avenir d’Air France-KLM n’est pas assuré et fait l’objet de conflits internes violents depuis plusieurs années. Tout le monde se rappelle cette image du directeur des ressources humaines de la compagnie escaladant un grillage chemise déchirée et hué par la foule qui l’insulte. C’était en octobre 2015 suite à l’annonce du nouveau plan de restructuration d’Air France. Pourtant, la situation financière d’Air France nécessite de prendre des mesures pour améliorer sa rentabilité défaillante depuis de nombreuses années si la compagnie ne veut pas suivre l’exemple d’Alitalia.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168903/original/file-20170511-32588-1n3j9hh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Air France, ciel sombre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f/photo/15494136465/551cd67f8e/">BO31555 via Visual hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le tableau ci-dessous montre l’évolution du chiffre d’affaires de la compagnie et du résultat net consolidé sur la période 2011-2015. Sur cette période, le total des pertes cumulées s’élève à 3.872 millions d’euros, presque 4 milliards d’euros. Certes en 2016, le résultat net redevient positif à 792 millions d’euros grâce à une « stratégie de discipline des capacités afin de restaurer la compétitivité, tout en démontrant une agilité sur le réseau en ouvrant de nombreuses nouvelles liaisons et une accélération de la modernisation de la flotte », selon les propos de la direction. Cependant, bien qu’en amélioration ces résultats sont insuffisants.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=149&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/168898/original/file-20170511-32585-otpy55.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=187&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>C’est dans cet environnement que Le 3 novembre 2016, Jean-Marc Janaillac a présenté le nouveau projet stratégique «Trust Together». </p>
<blockquote>
<p>« Avec « Trust Together », Air France - KLM reprend l’offensive. Notre projet est à la fois ambitieux et réaliste. Il nous permettra de capter notre part de la croissance du transport aérien en améliorant la compétitivité de nos activités. Avec nos neuf axes stratégiques, nous nous battrons sur tous les fronts. Nous sommes challengers, c’est notre force. Le statu quo n’est pas une option. Nous devons engager une nouvelle dynamique pour redevenir leader sur nos marchés. » (Source : Air France, rapport annuel 2016).</p>
</blockquote>
<p>Mais au 1e trimestre 2017, et malgré un environnement jugé favorable, la perte d'exploitation s'est encore creusée de 44 millions, à 143 millions, même si à changes constants l'agrégat s'améliore de 28 millions d'euros. La perte nette part du groupe s'enfonce aussi dans le rouge : 216 millions d'euros de déficit, soit 61 millions de plus qu'un an plus tôt. </p>
<p>Faute d’être arrivé à un accord avec le syndicat SNPL-AF sur le plan stratégique « Trust Together » et le projet Boost de création d’une nouvelle compagnie à bas coûts, la direction s’en remet au vote des pilotes qui devrait avoir lieu prochainement. Afin de faire passer son plan, la direction a renoncé à appliquer les dernières mesures du plan Transform et à revoir la structure juridique de la future filiale à bas coûts qui emploiera des pilotes d’Air France mais aura également ses propres personnels navigants. </p>
<p>Même si la direction de la compagnie se montre confiante, il est difficile de dire si les pilotes valideront le plan stratégique même amendé. Au-delà de cet accord, l’incertitude demeure également sur la capacité du projet Boost (qui arrive un peu tard ?) à relancer la croissance de l’entreprise et contrer la concurrence des compagnies du Golfe. Bref, le risque d’une évolution à l’italienne n’est malheureusement pas à exclure.</p>
<p>Chez Air France, les dirigeants passent, mais les pilotes restent. La liste des démissions des directeurs d’Air France est longue. En octobre 2011, Pierre-Henri Gourgeon présentait sa démission au conseil d’administration du groupe franco-néerlandais. Il était remplacé par Jean-Cyril Spinetta. En juillet 2013 Alexandre de Juniac prenait le poste de PDG d’Air France. En avril 2016, ce dernier claquait la porte en démissionnant. Parmi les raisons invoquées se trouvaient le peu de progrès dans les négociations avec le SNPL-AF sur le nouveau plan stratégique et la stratégie syndicale du « bouc émissaire » consistant à rejeter sur d’autres la responsabilité des difficultés de la compagnie. </p>
<p>Depuis, c’est Jean-Marc Janaillac qui a repris le flambeau avec son plan « Trust Together ». La difficulté de diriger Air France dans la durée montre bien la faiblesse des dirigeants face à un syndicat de pilotes tout puissant. D’une certaine façon, on peut dire qu’Air France est une entreprise autogérée dans la mesure où son principal actionnaire, l’État (17,6 % du capital) ne joue pas vraiment son rôle et que sa principale préoccupation est surtout d’éviter à tout prix les conflits sociaux. </p>
<p>Ainsi, face à des dirigeants faibles et un actionnaire peu exigeant en matière de performances économiques, la rente de la compagnie est captée par son personnel et notamment son personnel navigant à travers des contrats de travail très favorables. Comme de plus, l’offre de la compagnie ne répond que très partiellement aux besoins de ses clients du fait de sa faible capacité d’adaptation à la concurrence, on peut craindre un éloignement de la clientèle. </p>
<p>Combien de temps cela pourra tenir ? Toute la question est là. Espérons néanmoins que la raison revienne et que les personnels navigants prendront conscience de la vulnérabilité de leur compagnie qui n’est pas immortelle. Sur un plan plus académique le cas Air France rejoint la problématique de la gouvernance des entreprises dont l’État est actionnaire et les difficultés qui en résultent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La société Air France qui se bat sur un marché impitoyable, est-elle réformable ? Analyse de sa situation à la lumière des difficultés d’autres compagnies nationales.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/761812017-04-13T19:46:33Z2017-04-13T19:46:33ZLa nationalisation évitée des chantiers navals de Saint-Nazaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/165074/original/image-20170412-25886-1q7lgyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C95%2C1600%2C907&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chantiers de Saint-Nazaire sont-ils sortis du brouillard ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/poil0do/4352549352/in/gallery-60393420@N04-72157626440555010/">pierrO/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Début janvier 2017, le tribunal de commerce du <a href="http://bit.ly/2osLMLt">district central de Séoul</a>, chargé de gérer la faillite du groupe coréen STX, faisait connaître sa décision de vendre la filiale française STX France plus connue sous le nom de chantiers navals de Saint-Nazaire.</p>
<p>Ainsi une décision prise par un tribunal situé à plusieurs milliers de kilomètres de la France mettait en émoi à nouveau la ville de Saint-Nazaire et les 6 000 salariés du premier site européen de construction navale. Il n’en fallait pas plus pour que le <a href="http://bit.ly/2p5EHlo">président Hollande</a> et son gouvernement ne se saisisse de ce dernier dossier industriel. Pas question de laisser faire comme dans le cas célèbre d’Arcelor et ce d’autant plus que l’État détient 33 % du capital de STX France acquis au moment du rachat de la maison mère norvégienne par le groupe coréen.</p>
<h2>L’histoire récente de STX France</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165076/original/image-20170412-25875-1qiwzqs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sovereign of the Seas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lurkerm/244161813/in/photolist-nzoNr-6Zrzoq-aJ7iVD-d6hQrj-9oTeDi-5URiyV-aJ7gTt-58iCm5-nKvGvn-nKuzZi-o2Rdsh-nKtJ49-o2Y9F8-nZVLe1-aJ7z3e-nKvH6v-5URHY8-aJ7McK-aJ7dft-aJ7Xr6-5UVD2f-aJ7rhK-5UQPeB-6Zny4t-58ewBZ-aJ7kcK-aJ7cmv-5UVTP1-aJ7bzk-aJ7BgH-58ivwQ-aJ7dtz-o2SrPh-6ZrA1E-6Znyw2-6ZnzeV-nKtGu7-nKtBnT-6MBV7D-nKuy94-77MJCR-o4KsT2-pQGsBn-nZVMof-nKtBbF-aJ7VTx-aJ7nt4-5UVexN-5UVSHo-5UQKNz">ymvf</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>L’histoire récente des chantiers navals de Saint-Nazaire est celle du renouveau de la construction navale française. En 1985, le chantier signe son retour avec la commande du <em>Sovereign of the Seas</em> pour Royal Caribbean Cruise Line. Ce contrat représente un véritable défi avec un temps de construction record pour l’époque (29 mois).</p>
<p>Avec une livraison parfaitement maîtrisée, le message est clair : Saint-Nazaire est de retour sur le marché des grands paquebots. Parallèlement, le chantier nazairien signe en 1991 une spectaculaire commande de cinq méthaniers pour le groupe malaisien Petronas, dont les livraisons s’échelonneront de juillet 1994 à juillet 1997. Le 6 novembre 2000, il est de nouveau projeté sous les feux de l’actualité avec la signature du mythique <em>Queen Mary 2</em> pour la Cunard Line. Le chantier, qui renoue avec la construction de transatlantiques à l’origine de sa création, livre avec succès le navire en décembre 2003.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165086/original/image-20170412-25882-41zm82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les chantiers STX Europe à Turku en Finlande.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ansik/4019627341/in/photolist-78cCnz-78cDaF-78gAsy-78gvL5-78cwKF-78cy26-78guWJ-78gzEd-78cyDi-78cF5X-78gyuo-HuaBY1-nTQj4c-7bw7gD-HzDLzM-nTPs94-ob173g-ob1tw8-od5RJB-od5MvX-nTPsAB-nTPkia-obe5Fy-nTPf6q-78cAsZ-ob1rq4-nTPuuX-obiJZn-nTPugQ-nTP3o9-od5LLa-ob1qwR-nTPpQM-6F4DXz-obiNJB-cLMpUb-HnFpJx-Gy8811-H4tfmq">Anssi Koskinen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>En 2006, le finlandais New Aker Finyards et Alstom décident de joindre leurs forces pour créer Aker Yards, nouveau géant de la construction navale mondiale. En 2008, c’est le groupe sud-coréen STX Business Group qui devient actionnaire, donnant naissance à STX Europe. De son côté, le chantier français poursuit son activité sur le marché des navires complexes (navires à passagers et navires militaires) tout en se lançant sur les marchés de l’offshore. Il propose également des solutions techniques pour des navires spécialisés.</p>
<p>Fin 2010 un plan de développement a été lancé afin – selon la direction – de</p>
<blockquote>
<p>« solliciter, dynamiser et coordonner les démarches de progrès de STX France, en cohérence avec la politique de l’entreprise, à un horizon de 3 à 5 ans. Ce plan de progrès collaboratif a été lancé avec l’objectif de permettre à STX France d’atteindre le meilleur niveau de compétitivité afin de renforcer sa position sur le marché international. Au travers d’actions d’amélioration identifiées par chacun à tous les niveaux de l’entreprise, un gain de productivité de 15 % est visé. » (source : STX France).</p>
</blockquote>
<p>Mais c’était sans compter sans la déconfiture du groupe sud-coréen STX et la décision du tribunal de commerce de Séoul de vendre la filiale française.</p>
<h2>La réaction des candidats à la présidentielle</h2>
<p>Lors du débat entre les onze candidats à la présidentielle du <a href="http://lemde.fr/2nCNA0M">mardi 4 avril 2017</a>, Benoît Hamon, qui proposait de nationaliser temporairement les chantiers de Saint-Nazaire pour éviter une fuite du « savoir-faire » français a été rejoint par François Fillon.</p>
<p>Selon le candidat du PS :</p>
<blockquote>
<p>« Oui, nos savoir-faire peuvent quitter demain la France si nous ne faisons pas les bons choix sur le plan industriel. Je propose que, sur ces chantiers navals, plutôt que d’assister au désarmement de notre savoir-faire nous mettions en place une nationalisation temporaire. »</p>
</blockquote>
<p>Ce à quoi le candidat LR répondit :</p>
<blockquote>
<p>« Je voudrais juste dire à Benoît Hamon que c’est mon gouvernement qui a fait rentrer l’État au capital de STX, justement pour la raison que vous avez évoquée. Effectivement, aujourd’hui, dans la difficulté où se trouve ce chantier et compte tenu des risques de voir le savoir-faire partir, une nationalisation qui ne soit pas permanente, qui soit là pour permettre une solution à cette entreprise doit être envisagée. »</p>
</blockquote>
<p>« Je m’en réjouis », a répondu Benoît Hamon, qui avait auparavant indiqué qu’il souhaitait que cette nationalisation temporaire dure « jusqu’au moment où nous retrouverons des partenaires ».</p>
<p>Une fois n’est pas coutume, les candidats des deux partis traditionnels de gouvernement étaient d’accord avec le président Hollande qui envisageait également la solution de la nationalisation temporaire pour faire face à la décision du tribunal de commerce de Séoul. Mais finalement il n’a pas été nécessaire de procéder à cette nationalisation.</p>
<h2>Une stratégie gagnante de négociation</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165088/original/image-20170412-25888-p4er8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lancement aux chantiers Fincantieri en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tipsfortravellers/23048148454/in/photolist-h7J9Pm-nmCX4L-KYAeM-c47tVU-d3RiNW-BC54vd-zKTkQP-CJ7sB5-C2TjCw-BWUMA2-C5c73n-BvFvLk-C5ck7P-BUB2t1-B7FMxU-BUARmN-BC4SjW-C2TmPA-BvFrxF-BWUvp4-C5cfhD-C2TrdA-C5cmyr-BvFzxP-BC4PYd-BUAQnd-BWULue-PTMp6y-PTMt4d-KXUVhN/">Gary Bembridge/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Le gouvernement voulait éviter que le repreneur pressenti par Séoul, le constructeur italien de navires Fincantieri, prenne le contrôle du fleuron de la construction navale française. Le risque était en effet que Fincantieri qui a créé une coentreprise en Chine transfère le savoir-faire des chantiers de Saint-Nazaire afin de construire à bas coût des grands navires de croisière. Par ailleurs, en cas de baisse du carnet de commandes, le risque était que les dirigeants de Fincantieri arbitrent en faveur de ses chantiers italiens au détriment de Saint-Nazaire.</p>
<p>Il fallait donc réagir et éviter ce dépeçage à venir et ce d’autant plus que l’État n’était pas démuni. En effet, en plus de détenir un tiers du capital de STX France, l’État dispose d’un droit de préemption sur le reste des actions. La menace de la nationalisation était donc tout à fait crédible et l’État pouvait poser ses conditions à Fincantieri. La négociation allait commencer.</p>
<p>Le président Hollande a fait savoir qu’il n’était pas opposé à une entrée du constructeur italien au capital de STX France mais pas de façon majoritaire. Il devrait se contenter d’une participation minoritaire comprise entre 45 % et 49 % au maximum, charge à lui de trouver un partenaire pour compléter le tour de table. Bien que réticents, les Italiens ont alors proposé deux partenaires possibles.</p>
<p>Le premier qui était en fait une émanation de la Caisse des Dépôts italienne, actionnaire à 72 % de Fincantieri, a été rapidement écarté par le gouvernement français au motif, que cette solution revenait de fait à remettre la totalité du pouvoir au groupe italien. Le deuxième investisseur proposé a lui aussi été écarté. La position de la France était claire et ferme : « L’État ne validera pas un investisseur public italien lié à Fincantieri ».</p>
<p>A la grande surprise, en lieu et place d’un investisseur public italien, le tour de table fut complété par le groupe public de construction navale militaire DCNS. En ajoutant ses parts à celles de la DCNS, l’État peut ainsi compter sur 45 % du capital de STX France et pourra faire jeu égal au conseil d’administration avec Fincantieri qui disposera de 48 % des actions. Le montage financier est assorti de nombreuses clauses garantissant le maintien des emplois, du bureau d’études et des sous-traitants sur plus de dix ans, le tout assorti d’un droit de veto.</p>
<p>En plus de protéger l’emploi, ce montage habile a le mérite de promouvoir une <a href="http://bit.ly/2ptgUbs">solution européenne</a> (franco-italienne) dans un secteur soumis à la concurrence mondiale et notamment asiatique. Au total, on ne peut que se féliciter de la stratégie du gouvernement dans ce dossier et de ses résultats. Aujourd’hui, les chantiers de Saint-Nazaire ont un carnet de commandes plein pour dix ans et peuvent envisager l’avenir sereinement.</p>
<h2>Quelles leçons pour l’avenir ?</h2>
<p>Au-delà de la satisfaction de voir réussir une opération de sauvetage industriel, l’affaire des chantiers navals de Saint-Nazaire permet de tirer quelques conclusions sur le rôle de l’État dans de telles circonstances.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165089/original/image-20170412-25898-jeox0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comment Bercy peut-il agir pour les entreprises françaises menacées ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dierkschaefer/2516084243/in/photolist-4QkAbP-7gLkyC-8QfCk3-3KYmkc-7gGpC8-7gGriB-dd4Ms-7JdVn2-gFLtpy-5obVQJ-dNvsuv-bnmQnR-2yPg6M-8QgfWk-7gGmAp-pdTEUN-7bCSwe-8EBAnz-7gGz46-8EBB5r-7gLtZm-7gLe8L-8EEFNf-8EBzwH-3aPwC4-7qde7n-z714Hg-8EEJpA-ya8f64-C7nUk-MhaQu-8EEC7G-p9wQdX-kju1XP-7Zd9Yd-7Zd81q-8EEHeN-6RRpsb-7gGh64-7gGkyX-nkF8YK-8EEE6h-7gLwjY-7gLgCu-7gLuAw-9Cv4hg-td2QF-88x3zy-8aTab2-cNtm6Q">dierk schaefer/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Tout d’abord, il faut rappeler que l’État est légitime et bien dans son rôle lorsqu’il cherche à sauver des emplois et le savoir-faire des entreprises françaises qui sont menacés par les rebondissements imprévisibles de la mondialisation, par exemple une décision d’un tribunal de commerce à Séoul. Il ne peut rester passif, surtout lorsqu’il s’agit d’entreprises viables et compétitives, n’en déplaise à ceux qui voudraient l’écarter de toute politique industrielle.</p>
<p>Le deuxième enseignement est que dans le monde actuel le fait que l’État soit présent de façon minoritaire au capital de certaines entreprises privées se trouve justifié, surtout compte tenu de la faiblesse du capitalisme français. Mais cette présence doit être sélective, mobile et s’inscrire dans une véritable stratégie à long terme, et ne pas être tous azimuts <a href="http://bit.ly/2oszNxE">comme nous l’avons mis en évidence</a>.</p>
<p>Le troisième enseignement est que si la nationalisation peut être envisagée pour sauvegarder les intérêts économiques du pays, elle doit être temporaire. Le fait que les candidats des deux partis traditionnels de gouvernement (LR et PS) le reconnaissent est un point positif et témoigne d’une évolution des esprits. Il n’est en effet pas du rôle de l’État de gérer en direct la plupart des grandes entreprises françaises en les nationalisant comme le prévoyait le programme commun de la gauche en 1981.</p>
<p>Ceci étant, ne nous leurrons pas : l’État ne peut pas sauver éternellement les emplois d’entreprises qui ne seraient pas compétitives. Dans une économie mondialisée et concurrentielle, seule la compétitivité permet d’assurer la pérennité des entreprises et leur développement. Aussi il revient à l’État de mettre en place, au-delà de ses participations financières, les conditions qui permettent à nos entreprises d’être compétitives. Espérons que le futur président de la République en est convaincu !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76181/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse de l’action du gouvernement dans le dossier du transfert des chantiers de Saint-Nazaire du giron du coréen STX à l’Italien Fincantieri.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/701592016-12-14T21:33:33Z2016-12-14T21:33:33ZÀ quoi sert l’État actionnaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149549/original/image-20161211-31375-p4jibe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministère de l’Économie, symbole de la puissance financière de l’État en France.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/amerune/3955909103/in/photolist-8LYLJJ-8uYfMF-gRYTrC-72z4Xn-gozLf8-gozqfv-gozP8n-gozMFK-gozrVz-kjsPf2-AQ7iY-AQ7sw-AQ7UB-8u3sRT-kjseCp-6hLgrF-7UwAjK-cNtp8y-BfzBt-BfA2h-gULnjQ-gTfJgT-BfzyY-Bfzvo-ddN6Eo">Maureen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>S’il fallait choisir deux caractéristiques qui distinguent véritablement l’économie française des autres pays occidentaux, nous citerions le niveau très élevé de la dépense publique et la présence de l’État au capital de nombreuses entreprises du secteur concurrentiel. Ces deux caractéristiques conjuguées font que la France est loin d’être une économie libérale.</p>
<h2>La dépense publique française</h2>
<p>Lorsque la dépense publique représente environ 57 % du PIB, soit 13 points de plus que l’Allemagne – notre principal partenaire en Europe – et que ce pourcentage n’a fait qu’augmenter depuis 35 ans au moins, on mesure le degré de socialisation de notre économie. Pourquoi pas après tout si cela est le choix des Français ?</p>
<p>Rappelons-nous cependant que l’ancien président Giscard d’Estaing estimait qu’au-delà du seuil de 40 % on basculait dans la « société socialiste ». C’était il y a bien longtemps. Sans qu’il soit formellement démontré qu’un tel niveau de dépenses publiques soit un handicap pour notre économie, on peut néanmoins penser que cette particularité pèse sur son dynamisme et sa compétitivité dans la mesure où toutes ces dépenses ne sont pas toujours justifiées ou porteuses de croissance comme le souligne régulièrement la Cour des comptes.</p>
<p>Même le président Hollande dans sa conférence de presse lors des vœux pour 2014 dénonçait un État « trop lourd, trop lent, trop cher » et s’engageait sur un plan d’économie de 50 milliards d’euros. Néanmoins, la Cour des comptes <a href="http://bit.ly/2hBhvnm">doutait</a> dès 2015 de la réalisation de ce plan d’économie. Son président, Didier Migaud, affirmait</p>
<blockquote>
<p>« On ne voit pas beaucoup de mesures de baisses de dépenses prises en 2015 et qui vont porter effet en 2016 et en 2017. En revanche nous voyons beaucoup d’augmentions de dépenses qui auront des conséquences les années suivantes. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi va la dépense publique en France.</p>
<h2>Le poids de l’État</h2>
<p>La deuxième caractéristique de notre économie est le poids de l’État sur les décisions des entreprises industrielles et commerciales. Cette pression s’exerce notamment à travers ses participations au capital de nombreuses entreprises du secteur concurrentiel.</p>
<p>Le bras armé de ces interventions est <strong>l’Agence des participations de l’État</strong> (<a href="http://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat">APE</a>) créée en 2004 et qui est placée sous la tutelle du ministre de l’économie et des finances. Comme on peut le lire sur son <a href="http://www.economie.gouv.fr/agence-participations-etat/Les-participations-publiques">site</a>,</p>
<blockquote>
<p>« L’agence des participations de l’état incarne l’état actionnaire, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques par l’Etat, pour stabiliser leur capital ou les accompagner dans leur développement ou leur transformation. »</p>
</blockquote>
<p>De façon encore plus précise, l’article 2 du décret portant la création de l’APE stipule que</p>
<blockquote>
<p>« l’agence examine, en liaison avec les ministères intéressés, les principaux programmes d’investissement et de financement des entreprises ainsi que les projets d’acquisition ou de cession, d’accord commercial ou de coopération et de recherche et développement. Elle propose au ministre chargé de l’économie la position de l’Etat actionnaire sur ces sujets et la met en œuvre. »</p>
</blockquote>
<h2>Des participations « stratégiques » ?</h2>
<p>C’est dire le champ très étendu de sa mission dans les entreprises qui bénéficient de son soutien. Les entités relevant du périmètre de l’APE sont nombreuses (on en compte 81 en 2015) et variées. Il est permis de s’interroger, pour certaines, sur leur caractère « stratégique ».</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=638&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149550/original/image-20161211-31402-1xqacyt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=802&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le portefeuille des participations de l’État.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Agence des Participations de l’État</span></span>
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</figure>
<p>Il faut dire que cette caractéristique est suffisamment élastique pour permettre de qualifier de stratégique toute entreprise tricolore dès lors qu’on fait référence au patriotisme économique. À cela il faut ajouter leurs filiales et les participations dans les entreprises dont l’État détient au moins 1 % du capital. Les entités relevant du périmètre de l’APE comprennent, pour n’en citer que les plus emblématiques : Aéroport de Paris, Casino d’Aix-les-Bains, Charbonnage de France, CNP-Assurances, France Télévisions, GDF-Suez, La Française des jeux, La Poste, Orange, Renault, Safran, SNCF, SNPE, Thales.</p>
<p>Comme le reconnaît l’APE sur son site</p>
<blockquote>
<p>« Le portefeuille détenu directement ou non par l’État est aujourd’hui à la fois étendu et très divers, tant au regard des secteurs d’activité concernés que du poids de l’Etat au sein des entreprises ou des formes juridiques existantes. »</p>
</blockquote>
<p>On peut se demander si ce portefeuille relève d’une véritable stratégie d’investisseur ou du hasard de l’histoire. Entre les motifs idéologiques liés aux nationalisations du passé et la volonté de sauver des entreprises au bord du dépôt de bilan, l’État semble naviguer à vue et à court terme contrairement à ce qu’il affirme.</p>
<p>Mais l’APE n’est pas le seul outil à la disposition de l’état actionnaire. Il peut intervenir indirectement via <a href="http://www.bpifrance.fr/Bpifrance/Notre-mission">Bpifrance</a> dont il est actionnaire à 50 % avec la Caisse des Dépôts et consignations. Bpifrance privilégie des prises de participations minoritaires dans des PME et des entreprises de taille intermédiaires (ETI) avec une perspective de sortie au terme d’une étape de leur développement.</p>
<h2>Le portefeuille de l’État actionnaire</h2>
<p>Ainsi, notre État est loin d’être démuni pour intervenir dans la gestion des entreprises et sa position d’influence est unique dans les pays occidentaux. Mais que fait-il de ce pouvoir ? À travers l’APE il participe à la nomination de 765 administrateurs de sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires total consolidé de 147 milliards d’euros. C’est dire si son périmètre d’interventions est très large.</p>
<p>Le montant de ses participations en 2015 s’élevait à <strong>90 milliards d’euros</strong>. Ces participations lui ont rapporté 3,9 milliards de dividendes en 2015 contre 4,1 milliards en 2014. Pour 2016, la prévision inscrite au budget est de 1,9 milliard d’euros (hors titres EDF). À cette baisse de revenus pour l’APE il faut ajouter la chute du rendement actionnarial du portefeuille qui est devenu négatif (-9,95 %) du fait de l’effondrement des valeurs dites « utilities ».</p>
<p>Si on sort ces participations, il ressort à + 28,9 %. À noter que ce rendement prend en compte les opérations de cessions (Engie, Safran, Adit, Aéroport de Toulouse). L’exercice 2015 a aussi été marqué par un résultat net négatif des participations de l’État de 10,1 milliards d’euros. Ces pertes sont dues à des éléments « non récurrents » comme les dépréciations d’actifs de la SNCF et d’EDF, la chute du prix du pétrole et du gaz pour Engie (ex GDF Suez), le coût du projet de stockage de déchets radioactifs Cigéo, etc. Avec de tels chiffres, il ne faut pas s’étonner que la performance du portefeuille de l’État soit inférieure à celle du marché.</p>
<h2>Les interventions de l’État investisseur</h2>
<p>Ceci étant, comparer la performance boursière du portefeuille des participations de l’APE à celle que peut faire le marché à travers la performance du CAC 40 n’est pas forcément pertinente dans la mesure où l’APE a aussi pour mission « d’intervenir dans des opérations de sauvetage d’entreprises dont la défaillance présenterait des conséquences systémiques », bref de sauver des canards boiteux. Mais par ailleurs – et on n’est pas à une contradiction près – l’APE doit « veiller à la juste rémunération des fonds propres et dans la composition du portefeuille à l’optimisation du rendement stratégique de l’euro public investi. » Difficile dans ces conditions de faire des arbitrages cohérents. Seule la volonté du prince doit permettre de résoudre ces conflits d’objectifs.</p>
<p>La justification principale de la présence de l’État actionnaire au capital des entreprises est, selon les lignes directrices de son action « sa capacité d’intervention ou d’anticipation qui lui sont propres » et que son intervention « s’inscrit dans la durée, en faveur notamment de projets qui peuvent avoir un retour différé. »</p>
<p>Bref, l’État serait un investisseur avisé, visionnaire et porteur d’un engagement à long terme, tout le contraire de ce que sont supposés être les actionnaires privés. On se demande pourquoi les autres pays n’y ont pas pensé et pourquoi ces derniers jouissent bien souvent d’une meilleure compétitivité ? Par ailleurs, nombreuses sont nos grandes entreprises cotées avec un actionnariat totalement privé qui se portent bien et ont une vision à long terme. À l’opposé les derniers développements de l’action de l’État ne témoignent pas forcément en faveur de sa présence.</p>
<p>À titre d’illustration des interventions plus ou moins heureuses de l’État citons le cas de Renault avec l’intervention sur la <a href="https://theconversation.com/carlos-ghosn-francois-hollande-et-le-say-on-pay-59636">rémunération de son PDG</a>, le <a href="https://theconversation.com/edf-ou-les-deboires-de-letat-actionnaire-56397">cas d’EDF</a> ou encore le <a href="https://theconversation.com/alstom-un-echec-de-letat-stratege-65301">cas d’Alstom</a>.</p>
<h2>Pour un désengagement</h2>
<p>La multiplicité et la variété des interventions de l’État font que la lisibilité de son action pose un problème. L’État, en voulant poursuivre plusieurs objectifs, parfois antagonistes, semble agir plutôt comme un pompier dans l’urgence que comme un stratège à long terme (cf. le cas Alstom). Balloté entre les pressions politiques et syndicales, le gouvernement ne sait pas toujours où il veut en venir, sauf à gagner du temps d’ici la prochaine élection. Ajoutons à cela les choix politiques qui peuvent varier dans le temps suite aux élections et qui ne favorisent pas une vision à long terme de la part de l’État.</p>
<p>Alors faut-il en finir avec l’État actionnaire comme le suggère le professeur <a href="http://bit.ly/2hBtWzS">Jean-Marc Daniel</a> ? Vraisemblablement oui. Dans son programme de candidat à la présidentielle, François Fillon a promis de reprendre les privatisations. Cette proposition ne doit pas nous faire peur. Après tout, le gouvernement Jospin n’a pas hésité à privatiser davantage que ses prédécesseurs. Il faut effectivement reprendre ce programme qui a été abandonné pendant le quinquennat de François Hollande.</p>
<p>Un tel désengagement de l’État dans des entreprises qui relèvent du secteur concurrentiel dégagera des marges de manœuvre non négligeables et permettra à l’État de se concentrer sur ses missions fondamentales. Ceci étant, et comme savent très bien le faire les États-Unis, il ne faut pas exclure la possibilité pour l’État d’intervenir ponctuellement et de façon limitée dans le temps pour sauver telle ou telle entreprise qui serait en difficulté. On pense à cet égard à l’action réussie du gouvernement américain pour sauver les constructeurs automobiles gravement touchées après la crise des crédits subprime en 2008.</p>
<p>Au-delà de la remise en cause du rôle de l’État actionnaire, il conviendra de renforcer l’actionnariat individuel en favorisant l’investissement en fonds propres et la création de fonds de retraite par capitalisation en complément des retraites par répartition. À cet égard, la fiscalité sur le capital qui est trop lourdement taxée en France (ISF + alignement des impôts sur les revenus du capital sur ceux du travail) devra aussi être revue. Aujourd’hui, plus de 50 % du capital de nos fleurons du CAC 40 est détenu par des investisseurs étrangers. C’est aussi, malheureusement, une autre spécificité de notre économie.</p>
<p>Au lieu de faire de beaux discours sur le patriotisme économique il conviendrait d’agir pour que les Français reprennent effectivement le pouvoir dans le capital de leurs entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec 90 milliards d’euros de participation dans les entreprises, l’État actionnaire a un pouvoir important en France. Trop important ? Analyse de ses actions et de l’utilité d’un désengagement.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/653012016-09-14T04:41:02Z2016-09-14T04:41:02ZAlstom : un échec de l’État stratège ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/137580/original/image-20160913-4942-1xwhe9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le train Xtrapolis d’Alstom à Valparaiso, au Chili.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maurotren/23470337379/in/photolist-BKZBBi-r4yQNR-reefh2-rtodE8-rcKfqa-qMi2sF-gUg23p-r7e79q-qsAXX3-AepAr4-skaciM-sk7KVT-BK3EcS-qMi2oT-qMgeaK-r4Daq7-zRzzbC-AETwWs-Bbhedh-zesHh5-CsSqGg-rSmubj-BJxeLD-rXEcYp-qP31jZ-t3nrGn-B9UymX-z7xwR6-wu2fni-sjnakW-syDqyS-sjtWpR-uUcQvy-sjuct8-uz7nZg-AYubZT-BwS4Hz-ygGj91-xkG3Ek-BwA41L-jZk1A8-qKsbJq-svbSbJ-jZk564-vQVmyH-zK24fQ-wvbewU-tsgqPD-sdDQDW-C388f7">Mauricio Toro/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le groupe Alstom a annoncé le 7 septembre 2016 aux représentants des syndicats la fin de la production de locomotives dans son usine de Belfort qui très symboliquement avait fabriqué la première motrice de TGV, un des fleurons de la technologie ferroviaire à la française. Ne resteraient que des activités de maintenance sur le site ce qui entraînerait la suppression de 400 des 480 postes de l’usine de Belfort.</p>
<p>Aussitôt, le PDG du groupe industriel a été convoqué le 8 septembre par le ministre des Finances et de l’Économie Michel Sapin. Le fait que les tous les salariés concernés se verront proposer un transfert vers une autre usine du groupe, notamment celle de Reichshoffen, ne change rien au choc ressenti par les employés d’Alstom qui se sentent trahis une fois de plus. Afin de montrer que l’État suit le dossier et s’active, une réunion interministérielle spécialement dédiée à la situation d’Alstom, présidée par le Président François Hollande, a été organisée dans l’urgence dès le lundi 12 septembre à 8h30 à l’Élysée.</p>
<p>Ce faisant, l’État fait davantage penser à un pompier qu’à un acteur stratège de long terme. Mais comment peut-il faire autrement à quelque mois d’une élection présidentielle et ce d’autant plus qu’il est, avec 20 % du capital, le principal actionnaire de la société ? Une fois de plus l’actualité économique s’invite dans le débat politique. Le cas d’Alstom pose une fois de plus la question de l’utilité de la présence de l’État au capital d’entreprises industrielles et sa capacité à infléchir leurs stratégies. La question n’est malheureusement pas nouvelle.</p>
<h2>Alstom : une histoire industrielle riche et mouvementée</h2>
<p>L’industrie n’est pas un long fleuve tranquille et seuls ceux qui ne la connaissent pas peuvent croire que les entreprises peuvent rester en l’état et ne pas bouger. Bref, pour faire court, qu’Alstom à Belfort a produit et produira pour toujours des locomotives. Malheureusement il n’en est rien.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137586/original/image-20160913-4980-op0fa8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Locomotive Alsthom BB 20210 construite en 1969, au musée de Mulhouse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/camperdown/5729597373/in/photolist-fQzu1h-jXuJGg-oJPwSw-7JKHVK-a8co8P-9JiFFB-4yBRTu-fTzedn-dpfU7s-dpfKyt-dpfQ7S-dhpCqU-dhpBFK-68v6A3-66ss4c-68vz8y-9J6YiB-68qTnc-9J9Qa9-68rkM2-66ssoH-66f63q-d1pa5-d1q1C-d1pRg">Hugh Llewelyn/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>La société Als-Thom (Als pour « Alsace » et Thom pour « Thomson ») est le résultat d’une <a href="http://www.fo-alstom.com/info/alstom-l-histoire/">fusion réalisée en 1928</a> d’une partie de la Société alsacienne de construction mécanique (SACM) spécialiste de la construction de locomotives, basée à Belfort, et d’une société franco-américaine (Thomson-Houston) spécialiste des équipements de traction électrique ferroviaire. Depuis sa création, Alsthom a connu de très nombreux changements de statut, avec des allers-retours privé-public, et de périmètres d’activités. L’<a href="http://www.usinenouvelle.com/article/1928-2014-l-histoire-d-alstom-de-general-electric-a-general-electric.N257764">histoire industrielle de ce groupe</a> est telle qu’il est hors de propos de pouvoir l’exposer ici. Signalons cependant le fait qu’en 1969 la CGE (Compagnie générale d’électricité) prend son contrôle, qu’en 1976 Alsthom acquiert les Chantiers de l’Atlantique et prend le nom d’Alsthom Atlantique, et qu’en 1982 elle est nationalisée comme du reste la CGE dans le cadre de l’application de programme commun de la gauche sous la présidence de François Mitterrand.</p>
<p>En 1998, 52 % du capital de GEC Alsthom est introduit en bourse. La nouvelle société indépendante décide alors de prendre le nom d’Alstom sans « h » laissant de côté ses origines historiques. En 2003, le groupe, pénalisé par les difficultés de ses turbines de grande puissance, connaît une grave crise financière. Cette crise est surmontée grâce à deux augmentations de capital successives et l’intervention de l’État grâce à l’intervention de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.</p>
<p>Par la suite de nombreuses cessions auront lieu, notamment la vente à Areva du secteur Transmission et Distribution en 2004 et la vente des chantiers navals en 2006 pour ne citer que les plus emblématiques.
C’est en 2014 que le dossier Alstom revient sur la table de « l’État stratège » avec le rachat par General Electric des activités énergétiques du groupe industriel. Cette vente fera l’objet de vives controverses car elle revient pour certains observateurs, dont Jean-Michel Quatrepoint <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2015/01/05/31007-20150105ARTFIG00339-vente-d-alstom-les-dessous-des-cartes-par-jean-michel-quatrepoint.php">(Le Figaro, 7 janvier 2015)</a>, à placer sous la coupe de la firme américaine les turbines produites par Alstom et la maintenance des centrales nucléaires françaises. Une situation contraire aux promesses du ministre de l’Industrie Arnaud Montebourg mais validée par la suite par Emmanuel Macron, son successeur.</p>
<p>C’est dans ce contexte déjà très chargé politiquement, que l’annonce par les dirigeants d’Alstom de fermer le site de Belfort et la production de locomotives a fait l’objet d’une bombe à retardement. Pour le premier ministre Manuel Valls « la méthode employée par Alstom est inacceptable. Nous l’avons dit cette semaine aux dirigeants d’Alstom », entreprise dont l’État est actionnaire minoritaire (<a href="http://www.europe1.fr/politique/ce-quil-faut-retenir-de-lintervention-de-manuel-valls-sur-europe-1-2843608">« Grand rendez-vous » Europe 1, iTélé, <em>Les Echos</em></a>). Pour Nathalie Kosciusko-Morizet (candidate à la primaire de la droite), « L’État se réveille bien tardivement parce qu’en fait, cela fait des années que ça dérive. […] Il y a eu une opération de sauvetage réussie grâce à Nicolas Sarkozy en 2004 sur Alstom. Et depuis, il y a eu un enchaînement de difficultés, des errements de l’État et du management », (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=kBzegUcinf8">Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI</a>). Bref, la machine politico-médiatique est lancée.</p>
<h2>Alstom : une entreprise en difficulté ?</h2>
<p>Mais quelle est aujourd’hui la situation financière du groupe Alstom ? Recentré sur les transports, le groupe vient d’annoncer un bénéfice net de 3 milliards d’euros pour son exercice annuel clos le 31 mars 2016 alors qu’en 2015 il affichait une perte de 701 millions d’euros. Le groupe qui a <a href="http://www.alstom.com/fr/ge-alstom-transaction/">finalisé le 2 novembre 2015</a> la cession de son pôle énergie au groupe américain General Electric (GE) pour un montant de <a href="http://www.lesechos.fr/13/01/2016/lesechos.fr/021616712957_ge-veut-supprimer-6-500-postes-dans-l-ex-pole-energie-d-alstom.htm">9,7 milliards d’euros</a> est aujourd’hui totalement recentré sur le ferroviaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137583/original/image-20160913-4942-jh4irg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Train à grande vitesse ED250 en Pologne (fabriqués par Alstom en Italie).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/philstephenrichards/26800348530/in/photolist-GQfMUE-He3Wk6-Hg7X1p-khhViY-FSvfjB-FRuzzE-EYkXtw-JxrMRd-H8piF9-HCSFMb-FY9vrT-HfXPxN-E1VGR2-EDhwDQ-HviNMX-H6RXnC-CRMeRD-EggNN4-EDhwhC-E839tz-EnCBJU-Jc5H4i-HLtkCb-GWmd65-J3axvS-Jc5HSH-J4jEnM-J1iREh-EDhvK5-FKBzTd-HUkmGW-Ec8GyY-E28TN6-D1T5BS-C8xQ8K-E28Ua8-Hg82bt-HfXQGS-EtgbUW-L4UMMR-LXWyQ5-LzkEVN-LTQCEk-LTQCtP-LRhPo1-M1XKDZ-LNH2KP-LNH2ui-LFEw6v-LNH2cK">Phil Richards/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le chiffre d’affaires ressort en hausse de 12 % sur un an, ce qui dans le contexte actuel de faible croissance est très satisfaisant. Le résultat d’exploitation est en progression de 23 % sur un an, faisant ressortir une marge d’exploitation de 5,3 %, ce qui témoigne d’une amélioration sensible de sa rentabilité. Le bilan est désormais solide. Avec des fonds propres qui s’élèvent à 3,3 milliards d’euros au 31 mars 2016 et une dette financière (courante et non-courante) de 2,4 milliards, le groupe affiche un équilibre financier satisfaisant surtout si on remarque que sa trésorerie (et équivalents) se monte à presque 2 milliards d’euros (1 961 millions).</p>
<p>Lors de la prochaine assemblée générale, le conseil d’administration proposera de ne pas distribuer de dividende, après la distribution aux actionnaires de 3,2 milliards d’euros issus de la vente du pôle énergie à travers une offre publique de rachat d’actions. La direction du groupe a confirmé ses objectifs pour 2020 : une croissance organique du chiffre d’affaires de 5 % par an et une marge d’exploitation ajustée d’environ 7 %. Avec des prises de commandes de 10,6 milliards d’euros (+6 %), le carnet de commandes s’établit à 30,4 milliards d’euros (+7 %).</p>
<p>Avec de tels chiffres, on ne peut pas dire qu’Alstom soit une entreprise en difficulté, contrairement à certaines déclarations de personnalités politiques. Mais loin de favoriser un débat serein, cette relative bonne situation financière pose un problème car elle renvoie à la question des licenciements boursiers, c’est-à-dire aux décisions de restructurations prises pour optimiser la rentabilité d’un groupe.</p>
<h2>Quelle stratégie pour l’État actionnaire ?</h2>
<p>Alors que le groupe Alstom emploie 30 970 salariés sur 105 sites implantés dans 60 pays, la polémique engagée, suite à l’annonce de la direction, fait que dans le débat public l’entreprise semble se résumer au seul le site de Belfort qui ne compte que 480 salariés. Il faut dire qu’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie avait déclaré dans l’usine en question au printemps 2015 :</p>
<blockquote>
<p>« Notre objectif c’est zéro licenciement chez Alstom Transport. L’État sera aux côtés d’Alstom. Nous aurons des administrateurs au conseil d’administration et nous saurons peser. Nous aurons même la capacité de monter au capital ».</p>
</blockquote>
<p>Avec de telles déclarations, on peut comprendre la déception des ouvriers de Belfort qui ont pris pour argent comptant les paroles du jeune ministre. Pourtant, la direction n’a pas annoncé des licenciements puisqu’il est prévu de transférer sa production de locomotives de Belfort à Reichshoffen (commune française du Bas-Rhin) d’ici 2018 et de reclasser le personnel. Mais rien n’y fait : il faudrait que Belfort continue à produire des locomotives même si les commandes se font plus rares. Et en la matière, l’État, via la SNCF, n’est pas en reste puisqu’une de ses filiales (Akiem) a passé commande récemment de 44 locomotives de manœuvre au constructeur allemand Vosslow plutôt qu’à Alstom. Où est passé le patriotisme économique cher à Arnaud Montebourg et bien d’autres dirigeants politiques français ?</p>
<p>De façon moins anecdotique, le cas de la fermeture du site d’Alstom à Belfort révèle l’insoutenable légèreté de l’État actionnaire et son manque de vision stratégique à long terme alors qu’il est lui-même premier actionnaire de l’entreprise. Pour Jacques Sapir, directeur d’études à l’EHESS :</p>
<blockquote>
<p>« Plus qu’un signe de l’abandon de la fonction stratégique de l’État, c’est surtout le signe d’une incohérence à la fois politique (que l’on mesure à l’aune des promesses contradictoires et des engagements réels) mais aussi temporelle de l’État. Ce dernier cherche à suivre simultanément une logique de court terme et de long terme. Or, la définition d’un « État stratège » implique en réalité que les fonctions de long terme de l’<a href="http://www.lefigaro.fr/vox/economie/2016/09/08/31007-20160908ARTFIG00196-jacques-sapir-la-fermeture-de-l-usine-alstomde-belfortou-la-faillite-de-l-etat-stratege.php">État soient clairement sécurisées</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Si nous pouvons souscrire à ce propos, il nous paraît un peu rapide et fort contestable de profiter du cas d’Alstom pour faire le procès de la financiarisation des entreprises</p>
<blockquote>
<p>« parce que les rythmes imposés par la financiarisation aux entreprises sont en réalité incompatibles avec les rythmes de la production et du développement des activités, en particulier dans les secteurs où les externalités positives, les effets induits et non directement visibles de ces activités, sont les plus importants ».</p>
</blockquote>
<p>Outre que de telles affirmations ne sont pas démontrées et placent le débat à un niveau très éloigné de la fabrication de locomotives, le redressement commercial et financier d’Alstom et l’annonce de la vente de 28 futurs TGV aux États-Unis sont là pour démentir cette analyse.</p>
<p>En fait, l’analyse de la situation d’Alstom doit être replacée dans le cadre de la gouvernance des entreprises dont l’État est actionnaire et valide ce que <a href="https://theconversation.com/edf-ou-les-deboires-de-letat-actionnaire-56397">nous écrivions à propos d’EDF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’État, contrairement à un actionnaire privé, poursuit des objectifs, non seulement économiques, mais également politiques au sens le plus large. Ces derniers sont aussi nombreux et variés qu’est l’action politique qui va des questions économiques et sociales aux relations internationales. De plus, l’horizon de gestion d’un président de la République et de ses ministres est celui de leur mandat ce qui paradoxalement fait que l’actionnaire public a un horizon bien plus court (celui des élections) que celui des actionnaires privés qui doivent se préoccuper de la valorisation à long terme de leur capital, même si le marché leur assure une parfaite liquidité ».</p>
</blockquote>
<p>En effet, même si ces derniers veulent revendre leurs actions à plus ou moins court terme il faut qu’ils se posent la question de savoir qui voudra racheter leur position et à quel prix ? Donc, qu’ils se préoccupent in fine de la valorisation à long terme de l’entreprise. Le graphique des cours d’Alstom sur les 5 dernières années comparé au CAC 40 montre que les actionnaires d’Alstom sont loin d’avoir surperformé le marché et sont bien patients : alors que le CAC 40 a progressé de 50 % sur la période (2011-2016), l’action Alstom a fait du surplace (avec une forte volatilité) et la reprise se fait attendre pour les actionnaires malgré les bons résultats 2016. Tyrannie des marchés financiers avez-vous dit ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137564/original/image-20160913-4989-18s8d0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Alstom en bourse.</span>
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</figure>
<p>Dans le passé, l’État sous la houlette du Général de Gaulle et de ses successeurs a su jouer son rôle stratégique pour faire de l’industrie française un champion mondial. Citons notamment le nucléaire, le TGV, l’aéronautique et l’espace. C’était un autre monde. Mais aujourd’hui, dans une économie mondialisée dans laquelle ce sont les entreprises qui sont en première ligne, quels sont son bilan et ses marges de manœuvre ? Celles d’un stratège à long terme ou celles d’un pompier ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cas de la fermeture d’Alstom à Belfort révèle l’insupportable légèreté de l’État actionnaire et son manque de vision à long terme. Analyse d’un groupe qui affiche pourtant des résultats corrects.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/596362016-05-19T20:30:10Z2016-05-19T20:30:10ZCarlos Ghosn, François Hollande et le « say on pay »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/123089/original/image-20160518-13484-11n2k6m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=401%2C5%2C1595%2C874&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Développer la démocratie actionnariale ? (Assemblée des actionnaires de Walmart en 2011).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/walmartcorporate/5815600379/in/photolist-9RUto4-9PXbV3-d8UWs7-9PTPjH-a3DSy2-e29fLx-9PV12c-9PWFvY-eDeziv-9LbLum-JPDx1-9PYHCj-nR2Awn-87yEzt-nzsKMa-9Pmw6H-9PVUix-9Pmwsn-9PUjKp-9PXdPC-9PUkZx-9PXqGR-dW2NJj-9PTPmc-9PmvRZ-9Pmy6i-9Govyo-9Ppobu-9PXe5m-9Pmxna-9PmwBg-9PUnvi-4qoeQA-9Q1feG-9Q1gdL-2ugQ15-9PUoC4-9PXqzK-9Pmzci-9PXcsw-9PmxV2-6LEB4s-9PpqLG-9PXp7g-86Nr2s-9PWy72-9PWxXn-9PZqoC-9PUoKB-9PYLMw">Walmart/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Lors de son passage sur <a href="http://www.europe1.fr/politique/francois-hollande-une-heure-pour-convaincre-2747047">Europe 1, le 17 avril 2016,</a> le Président de la République, François Hollande interrogé sur le cas de la rémunération du PDG de Renault, a déclaré que</p>
<blockquote>
<p>si le code Afep-Medef sur les rémunérations des dirigeants d’entreprise n’est pas appliqué, les décisions des assemblées générales d’actionnaires sur ce sujet pourraient être immédiatement exécutoires.</p>
</blockquote>
<p>Un jour plus tard, le 18 avril, une dépêche de l’AFP annonçait que les votes des assemblées générales d’actionnaires sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises « seront contraignants » selon la commission compétente de l’Assemblée nationale. Et le 19 mai, 40 intellectuels et politiques signaient un appel dans <em>Libération</em> pour que le gouvernement limite la rémunération des <a href="http://www.latribune.fr/economie/france/salaire-des-patrons-40-personnalites-appellent-le-gouvernement-a-serrer-la-vis-572503.html">patrons à 100 fois le smic</a>. Bref, la machine à légiférer est en marche et elle ne chôme pas.</p>
<p>Décidément, après la longue querelle <a href="https://theconversation.com/quelle-gouvernance-pour-renault-avec-letat-actionnaire-53777">sur les droits de vote double</a>, la gouvernance de Renault est dans le collimateur du gouvernement. Malgré sa transformation en société anonyme, Renault (l’ancienne régie) reste un point de fixation politique en France et un cas à part.</p>
<h2>L’affaire de la rémunération de Carlos Ghosn</h2>
<p>Rappel des faits : vendredi 29 avril 2016, lors de l’assemblée générale du groupe Renault, les actionnaires ont rejeté à 54,12 % la proposition de rémunération de 7,2 millions d’euros, dont 1,7 million en cash, du PDG du constructeur automobile français. C’est la première fois que des actionnaires français d’une société du CAC 40 rejettent par un vote la rémunération de leur dirigeant. Pourtant, même si elle paraît élevée, la rémunération demandée par Carlos Ghosn est quasiment inchangée depuis 2014.</p>
<p>Il faut dire cependant que le PDG cumule deux rémunérations : une au titre de Renault (7,2 millions) et une autre au titre de Nissan (environ 8 millions d’euros), soit au total 15 millions d’euros. Cela fait beaucoup pour le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, si on se rappelle que la rémunération des PDG des entreprises du secteur public a été plafonnée à 450 000 euros : un montant qui rend du reste difficile le recrutement de dirigeants de haut niveau sur le marché international.</p>
<p>Par ailleurs, depuis cette mesure l’État s’oppose à toute rémunération globale supérieure dans les entreprises où il est actionnaire minoritaire. Et c’est justement le cas de Renault où l’État est actionnaire à hauteur de 19,74 % ; le deuxième actionnaire du groupe étant Nissan avec 15 % du capital ; les salariés possédant seulement 2,5 %, un chiffre plutôt maigrelet par rapport à l’actionnariat salarié en France, surtout pour une entreprise anciennement nationalisée depuis la 2e guerre mondiale.</p>
<p>À la suite de l’assemblée générale du constructeur automobile, le ministre de l’Économie avait demandé au PDG de Renault « de prendre ses responsabilités sur sa rémunération à compter de cette année ». Il a de plus menacé de légiférer sur ce sujet s’il n’était pas entendu. Naturellement, le Haut comité du gouvernement d’entreprise, constitué en 2013 à la suite d’une révision du code Afep-Medef, s’est saisi de la question… Visiblement l’Assemblée nationale, pour une fois, a été plus rapide.</p>
<h2>Le système du <em>say on pay</em> et ses limites</h2>
<p>Nombreuses ont été les voix pour s’offusquer de ce niveau de <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/05/18/salaire-des-patrons-l-appel-des-40-au-cac-40_1453432">rémunération jugé exorbitant</a>. Pourtant, sans vouloir justifier un tel montant, il convient de remarquer qu’avec 15 millions d’euros, le PDG de l’alliance Renault-Nissan (un chiffre d’affaires de 120 milliards d’euros) fait légèrement moins bien que le patron de Ford qui touche 16,5 millions d’euros (pour un chiffre d’affaires comparable : 128 milliards d’euros). Autre comparaison : la rémunération de la patronne de Yahoo, Marissa Meyer, qui a touché 42 millions de dollars pour un chiffre d’affaires de 4,9 milliards de dollars et des pertes de 4,3 milliards de dollars en 2015 !</p>
<p>Au-delà de la légitimité sociétale de tels niveaux de rémunération – qui bien évidemment interpellent le commun des citoyens et dépassent son entendement – la question que soulève la décision du conseil d’administration de Renault est celle de l’application du <em>say on pay</em> en France, de sa probable évolution, et surtout de ses conséquences en matière de gouvernance des entreprises. C’est bien ce qu’a rappelé le Président de la République en reprenant la menace de son ministre de l’Économie et en invoquant le pouvoir de la loi.</p>
<p>Comme le rappelle fort justement <a href="https://theconversation.com/gouvernance-les-lecons-de-la-controverse-sur-la-remuneration-de-carlos-ghosn-59178">Franck Aggeri dans son article</a>, sur un plan légal, la décision du conseil d’administration de Renault est « parfaitement juste ». Nous dirions plutôt conforme à la loi. En effet,</p>
<blockquote>
<p>Le système du say on pay, où les actionnaires votent la rémunération des dirigeants proposé par le CA, est en France consultatif, à la différence du Royaume-Uni ou de la Suisse où il est obligatoire. En dernier ressort, le <a href="https://theconversation.com/gouvernance-les-lecons-de-la-controverse-sur-la-remuneration-de-carlos-ghosn-59178">Conseil d’administration est donc souverain</a>.</p>
</blockquote>
<p>L’auteur semble regretter que le droit français ne s’aligne pas sur celui des pays qu’il cite.</p>
<h2><em>Say on pay</em> et actionnaires activistes</h2>
<p>Un autre exemple récent de rejet par les actionnaires de la rémunération de leur dirigeant est la société BP. Près de 60 % des actionnaires de la compagnie pétrolière se sont prononcés lors de l’AG du 14 avril 2016 contre la hausse de 20 % de la rémunération du directeur général du groupe qui devait la faire passer de 16,4 à 19,6 millions de dollars.</p>
<p>Il faut dire qu’avec la chute du baril de pétrole, le cours de l’action est tombé de 500 pences à 350 pences et qu’en 2015 BP a connu une perte de 6,5 milliards de dollars. Pas de quoi réjouir les actionnaires et récompenser leur dirigeant par une augmentation de 20 %. Le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays à appliquer le <em>say on pay</em> depuis 2003. Suite à la loi <a href="http://www.legislation.gov.uk/ukpga/2013/24/contents/enacted">Enterprise & Regulatory Reform Bill</a> de 2012, le <em>say on pay</em> est devenu contraignant au Royaume-Uni. Cependant, si la résolution n’est pas adoptée (par exemple une hausse de rémunération) c’est la précédente qui reste en vigueur. Le patron de BP ne verra donc pas sa rémunération baisser. Une bonne chose pour lui.</p>
<p>Aux États-Unis, le <em>say on pay</em> (consultatif) s’est généralisé dans l’ensemble des sociétés cotées grâce à la loi Dodd Franck de 2010. Toutes les études montrent que cette réforme s’est accompagnée d’un accroissement de l’influence des actionnaires activistes et des <em>proxy advisors</em> sur les AG.</p>
<p>Est-ce cela que veut le Président de la République : un renforcement des actionnaires activistes ? Le <em>say on pay</em> est également consultatif en Allemagne depuis 2009 et en Belgique depuis 2012.</p>
<h2>Des rémunérations liées – ou non – aux performances</h2>
<p>Pour <a href="http://www.law.harvard.edu/faculty/bebchuk/pdfs/Performance-Part2.pdf">Bebchuck et Fried (2004), de Harvard University</a>, la déconnexion entre la rémunération des dirigeants et leurs performances vient de leur enracinement. Trop proches des dirigeants et pas assez indépendants, les membres du Conseil d’administration ne les sanctionnent pas par une baisse de leurs rémunérations en cas de mauvaise performance et leur révocation est assez rare. L’enracinement des dirigeants et des membres du CA dans les grandes entreprises françaises, via les grands corps, n’est plus à démontrer. Une vaste littérature, notamment sociologique et gestionnaire, existe à ce propos.</p>
<p>Mais quels sont les dirigeants qui font l’objet de votes négatifs de la part des actionnaires ? Selon les rapports d’Institutional Shareholder Services (ISS), et malgré l’introduction du <em>say on pay</em> aux États-Unis, les AG d’actionnaires plébiscitent les propositions de rémunérations des dirigeants et rares sont les cas où elles ne sont pas validées (de l’ordre de 2 à 3 % des cas).</p>
<p>Selon plusieurs études, et comme on peut s’y attendre, le pourcentage de vote contre est fortement corrélé à la mauvaise performance passée de l’entreprise (forte baisse du cours de l’action et rentabilité des capitaux investis insuffisante) d’une part, et au montant de la rémunération et à son augmentation d’autre part. Le cas de BP est illustratif à cet égard. Ce sont les même cas d’entreprises qui font l’objet de <em>proxy fights</em> (batailles de procurations) de la part des actionnaires activistes pour changer le management. En fait, si les actionnaires (privés) sont satisfaits de la gestion de l’entreprise et de ses performances financières, ils ne se montrent pas trop regardants sur la rémunération des dirigeants. Leur éthique se limiterait à l’évolution de la valeur de leur portefeuille.</p>
<h2>Les effets attendus du <em>say on pay</em></h2>
<p>Dans ces conditions peut-on attendre du <em>say on pay</em> contraignant, comme le souhaite le Président de la République, une véritable évolution de la gouvernance des entreprises dans le sens d’une meilleure prise en compte des attentes de la société concernant la rémunération des dirigeants, voire d’une gouvernance partenariale ? La réponse n’est pas évidente. Comme le soulignent <a href="https://basepub.dauphine.fr/handle/123456789/12775">Belot et Ginglinger (2013)</a> dans leur article publié dans la <em>Revue Française de Gestion</em> à propos de la généralisation du <em>say on pay</em> :</p>
<blockquote>
<p>L’observation des pratiques dans les pays qui l’ont mise en œuvre depuis plusieurs années montre qu’il ne faut pas en attendre plus qu’elle ne peut donner. De façon générale, on note au mieux une très légère décroissance du rythme d’augmentation des rémunérations.</p>
</blockquote>
<p>Mais bonne nouvelle pour les actionnaires, même si toutes les études ne convergent pas, le <em>say on pay</em> aurait un impact positif sur la valeur boursière des entreprises. Ainsi, pour justifier leurs niveaux de rémunération et leurs augmentations, les dirigeants seraient plus enclins à créer de la valeur pour leurs actionnaires. Grâce, ou à cause, de cette « démocratie actionnariale » directe, les dirigeants deviendraient davantage les obligés des actionnaires. Est-ce cela que le Président de la République souhaite en rendant le vote de l’AG contraignant ?</p>
<h2>Quel pouvoir pour l’AG des actionnaires ?</h2>
<p>La déconnexion voulue entre l’Assemblée générale et le Conseil d’administration est souvent justifiée en France par le fait que le Conseil d’administration doit prendre en compte l’intérêt social de l’entreprise considérée comme une personne morale et pas seulement celui des actionnaires comme pourrait le faire l’AG des actionnaires.</p>
<p>Dans cette vision, qui s’oppose à celle de la théorie de l’agence où l’entreprise est une « fiction légale », et qui fait référence à la gouvernance partenariale, l’intérêt social dépasse les seuls intérêts des actionnaires pour englober les intérêts de tous les <em>stakeholders</em> de l’entreprise (salariés, créanciers, fournisseurs, sous-traitants, clients, voire collectivités locales). Mais une autre vision demeure néanmoins en droit des sociétés, celle qui nous dit au creux de l’oreille que l’intérêt social ne peut jamais être totalement déconnecté de l’intérêt commun des actionnaires.</p>
<p>En voulant donner à l’Assemblée générale des actionnaires un pouvoir contraignant concernant la rémunération des dirigeants – et donc en retirant au Conseil d’administration son pouvoir de décision en la matière – le Président de la République est finalement en train de préparer l’avènement du pouvoir des actionnaires sur la gestion des grandes entreprises cotées. On commence par les rémunérations des dirigeants et on termine sur les projets d’investissement, d’acquisitions et de financement de l’entreprise sur lesquels l’AG serait amenée à se prononcer.</p>
<p>Pourquoi pas aller jusqu’au bout de la démocratie actionnariale ? Ainsi, un président de la République socialiste irait à l’encontre de la vision partenariale de la gouvernance en renforçant le pouvoir des actionnaires ? Est-ce bien cela que lui et son ministre de l’Économie veulent ? Rien n’est moins sûr, mais c’est bien ce qu’il adviendra si par la loi le vote de l’AG des actionnaires devient contraignant. L’arroseur arrosé ? À moins que la future mesure ne serve in fine qu’à faire perdre la face au dirigeant de l’alliance Renault-Nissan ? En Asie, la face (<em>mianzi</em>) est une chose essentielle car c’est une mesure du pouvoir et de l’influence. Cela, Carlos Ghosn le sait.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qui décide du salaire des PDG ? L’AG ou le Conseil ? Analyse des effets réels et attendus du « say on pay » et des relations entre actionnaires et dirigeants autour de leur rémunération.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/591782016-05-12T04:36:23Z2016-05-12T04:36:23ZGouvernance : les leçons de la controverse sur la rémunération de Carlos Ghosn<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/122101/original/image-20160511-18157-1pyh5g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Conférence de Carlos Ghosn (X 1974),Président-Directeur Général de l’alliance Renault-Nissan à l'Ecole polytechnique (juin 2015)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/18734154012/in/photolist-uxtrio-pmTV8R-q266h3-qgnsru-q26JLd-q26JQb-xTJFNQ-xTRBWr-ybmPHe-xTRxMK-xekJoY-xekHpJ-yc3yXP-yc3vC2-yc3sjt-y93D7J-ybmLq2-xekLNC-yat169-xTKWSy-xTJKcd-uxUFcD-uxUyZ8-pdF3EW-q2eF7R-qiAfsY-yc3vdp-5NC6cR-NKLRH-asRPq3-asRQ3E-asRPem-asPedB-asPcA6-hvYFAe-hw1nhK-hvYHzz-hw1jYr-hw1kjr-hw1mZR-hvYWUb-hvZoEY-hvYYV5-hvYYCG-hvYZQ1-hvYWsj-hvYYsw-hw1opp-hw9hSM-hw7ELc">École Polytechnique Université Paris-Saclay / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Une heure. C’est le temps qu’il a fallu au conseil d’administration (CA) de Renault pour confirmer la rémunération de Carlos Ghosn après le vote négatif historique des actionnaires réunis en assemblée générale (AG) le 29 avril dernier. Autant que le montant de la rémunération (7,251 millions d’euros), c’est cette décision précipitée qui a suscité la polémique.</p>
<p>Comme pour enfoncer le clou, Carlos Ghosn s’est fendu en suivant d’une déclaration <a href="http://www.leparisien.fr/economie/renault-l-ag-des-actionnaires-bloque-la-remuneration-du-pdg-carlos-ghosn-29-04-2016-5754847.php">pour justifier de cette décision</a> :</p>
<blockquote>
<p>Ce n’est pas aux actionnaires de décider la rémunération du Président. […] En tant qu’actionnaire […], vous donnez délégation au CA. C’est lui qui juge si la façon dont le PDG est payé est conforme à ses efforts, à son talent et à la situation. Nous avons un processus très clair, transparent.</p>
</blockquote>
<p>Sur un plan légal, cette déclaration est parfaitement juste. Le système du <em>say on pay</em>, où les actionnaires votent la rémunération des dirigeants proposé par le CA, est en France consultatif, à la différence du Royaume-Uni ou de la Suisse où il est obligatoire. En dernier ressort, le CA est donc souverain.</p>
<p>Si la controverse n’est pas juridique, quelle est sa nature ? Elle est d’abord symbolique. En affirmant avec force que le dirigeant est le maître à bord chez Renault, Carlos Ghosn et son CA ont opéré une double transgression : ils ont mis à mal la mythologie du modèle actionnarial au nom duquel tant de décisions managériales sont justifiées, et notamment celles concernant les rémunérations des dirigeants ; ils ont également enfreint une règle minimale de bonne conduite édictée par le code AFEP-Medef en matière de gouvernement d’entreprise qui consiste à organiser et donner l’image d’un dialogue constructif entre actionnaires et dirigeants.</p>
<p>Pierre Gattaz, le président du Medef, ne s’est pas trompé sur la portée symbolique de cette décision en indiquant quelques jours plus tard sur BFM qu’il était surpris et gêné par la décision du CA « d’entériner une heure après l’[assemblée générale] sa décision malgré l’opposition de l’assemblée », ajoutant que le code de l’AFEP-Medef en matière de gouvernement des entreprises prévoit que le CA doit prendre le temps du dialogue et de l’instruction avant de statuer en <a href="http://www.leparisien.fr/flash-actualite-economie/renault-gattaz-gene-par-le-passage-en-force-sur-le-salaire-de-ghosn-02-05-2016-5761833.php">cas de vote négatif</a>.</p>
<h2>Le modèle actionnarial, une fiction ?</h2>
<p>Au-delà du cas Renault, que nous révèle cette affaire de l’évolution des rapports de pouvoir entre actionnaires et dirigeants dans les grandes entreprises ? Médias et les milieux de la recherche dénoncent à l’envi le pouvoir excessif des actionnaires dans le gouvernement des entreprises et l’alignement des managers sur les intérêts des actionnaires qu’illustrerait justement le principe d’intéressement des dirigeants à la performance des entreprises.</p>
<p>Selon les tenants de cette thèse de l’alignement, la dérégulation des marchés et les nouvelles règles de gouvernance des entreprises consacrent le triomphe du modèle actionnarial où seule compte la maximisation de la valeur pour l’actionnaire. Si le pouvoir croissant des actionnaires et certaines dérives comme le recours abusif au LBO pour obtenir un effet de levier financier sont avérés dans les entreprises contrôlées par un actionnaire majoritaire, qu’en est-il dans les grandes entreprises où le capital est dispersé, c’est-à-dire où aucun actionnaire n’a une capacité de contrôle particulière ?</p>
<p>Revenons en arrière pour éclairer l’évolution des relations entre actionnaires et dirigeants dans les grandes entreprises. Les relations entre actionnaires et les dirigeants médiatisées par le CA sont de longue date une question sensible de la régulation du système capitaliste. Dans les années 60 et 70, la critique, notamment portée par <a href="http://www.gallimard.fr/Contributeurs/John-Kenneth-Galbraith">John Kenneth Galbraith</a>, dénonçait le pouvoir excessif des managers et de la technostructure au détriment des actionnaires.</p>
<p>La place croissante occupée par les actionnaires est concomitante du mouvement de dérégulation des marchés financiers et la montée en puissance des investisseurs privés comme les fonds de pension. Ces actionnaires ont exigé non seulement des rendements financiers plus élevés qu’auparavant, mais on demandé un droit de regard sur la gouvernance des sociétés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZfC7ykLKy4M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Suite à une série de scandales financiers dans les années 80, de nombreux guides et codes de conduite ont été introduits pour édicter des règles de bonne gouvernance. Le premier code de gouvernement d’entreprise – le <a href="http://cadbury.cjbs.archios.info/report">rapport Cadbury</a> – est sorti au Royaume-Uni en 1992, suivi en France en <a href="http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1996_num_48_3_5262">1995 par le rapport Viénot</a>qui recommande notamment la création d’un comité de rémunération et d’un comité de nomination. La doctrine sous-jacente à cette forme d’autorégulation peut se résumer en deux mots : transparence et indépendance. Les informations concernant la performance et le gouvernement de l’entreprise doivent être divulguées aux actionnaires et autres parties prenantes ; quant aux administrateurs qui représentent les actionnaires, ils doivent répondre à des critères d’indépendance, c’est-à-dire n’avoir aucun lien d’affaire avec les dirigeants.</p>
<h2>La question sensible de la rémunération des dirigeants</h2>
<p>Dans la légitimité de ce système de gouvernance, la rémunération des dirigeants constitue un sujet très sensible. De nombreuses voix s’élèvent depuis plusieurs années pour dénoncer des rémunérations excessives des dirigeants, déconnectées des performances de l’entreprise, et plus encore sur le manque de transparence des règles d’attribution de ces rémunérations.</p>
<p>Or ces critiques émanent non seulement de détracteurs du capitalisme financier, mais de plus en plus d’<em>insiders</em> : de cadres d’entreprise par exemple qui voient les rémunérations de leurs dirigeants de plus en plus déconnectées des leurs ou encore des petits actionnaires et de leurs porte-parole (les cabinets de conseil en vote) qui en ont fait un cheval de bataille lors des assemblées générales AG des sociétés.</p>
<p>Loin d’être anecdotiques, ces critiques sont potentiellement dévastatrices pour la confiance des investisseurs et du public envers les grandes entreprises : que le doute puisse s’insinuer sur le fait que les rémunérations des dirigeants ne sont pas alignées sur les intérêts des actionnaires et les performances de l’entreprise et c’est la légitimité du gouvernement d’entreprise qui s’en trouverait affectée. Le risque serait alors d’accréditer la thèse d’un pouvoir des hauts dirigeants, déconnecté à la fois de celui des autres managers de l’entreprise et de celui des actionnaires, qui cherche à détourner le système à son profit.</p>
<h2>Le <em>say on pay</em>, droit de regard des actionnaires sur la rémunération des dirigeants</h2>
<p>Conscients des conséquences potentielles de telles controverses, les milieux patronaux et financiers ont cherché à trouver la parade. Ils ont ainsi modifié les règles du gouvernement de l’entreprise en introduisant la règle du <em>say on pay</em> dont nous avons parlé plus haut.</p>
<p>Introduit au Royaume-Uni dès 2002, <a href="http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20140612trib000834815/les-6-premieres-lecons-du-say-on-pay.html">ce dispositif</a> est mis en œuvre en France depuis 2013. Ses modalités d’application ont été codifiées par l’AFEP et le Medef au chapitre 24.3 de leur code de gouvernement des sociétés cotées. Contrairement au Royaume-Uni, à la Suisse ou à l’Allemagne où ce vote est contraignant, il n’est que consultatif en France.</p>
<p>Dans son rapport de 2014, le haut comité au gouvernement d’entreprise de l’AFEP-Medef s’est réjoui de la mise en œuvre de cette règle en 2014 dans les grandes entreprises cotées : les AG des grandes entreprises cotées du CAC 40 ont voté à 92 % en faveur des rémunérations de leurs dirigeants, chiffre comparable à ce qui est observé à l’étranger. Ces résultats semblaient donc infirmer l’hypothèse d’une fronde des actionnaires à l’égard des dirigeants des sociétés.</p>
<p>Mais en y regardant de plus près, le bilan est plus contrasté. Deux points auraient dû attirer l’attention des observateurs. Premier point : les votes négatifs. Bien que peu nombreux, ils ne sont pas rares à l’étranger : aux États-Unis en 2014, 36 assemblées générales AG ont voté contre la rémunération des dirigeants proposée par les CA. Le 14 avril 2016, les <a href="http://www.novethic.fr/isr-et-rse/actualite-de-la-rse/isr-rse/bp-fronde-des-actionnaires-contre-la-remuneration-de-bob-dudley-dg-143891.html">actionnaires de BP</a> ont voté à près de 60 % contre la rémunération de leur PDG alors que le CA proposait d’augmenter sa rémunération dans un contexte de pertes abyssales et de plans de restructuration.</p>
<p>Second point : au-delà d’un vote négatif, les experts estiment qu’un vote positif inférieur à 70-80 % constitue un seuil d’alerte qui justifie que des mesures soient pris. En France, deux entreprises se sont singularisées en 2014 sur ce plan : Renault et Danone qui ont obtenu respectivement seulement 64 % et 53 % de votes favorables. Dans le dernier cas, le <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20160504.OBS9821/salaire-de-carlos-ghosn-l-etat-est-coince-dans-une-position-paradoxale.html">CA de Danone</a> a retenu la leçon et pris des mesures de modération concernant la rémunération d’Emmanuel Faber, le successeur de Franck Riboud.</p>
<h2>Actionnaires-dirigeants : chronique d’une relation conflictuelle chez Renault</h2>
<p>Revenons au cas Renault. Comment en est-on arrivé à ce vote de défiance des actionnaires le 29 avril dernier ? En apparence, l’entreprise a respecté les règles de gouvernement d’entreprise du code AFEP-Medef comme elle l’indique sur son site web. Elle a en effet instauré un comité des rémunérations de six membres et un comité de nomination et de gouvernance, le CA est constitué en majorité d’administrateurs indépendants. Dans l’avis de convocation de l’AG, la rémunération de son PDG est décomposée entre part fixe, variable et attribution d’actions gratuites.</p>
<p>Par ailleurs, les critères ayant servi de base au calcul sont indiqués. Enfin, par rapport à 2014, la rémunération n’augmente que de 0,49 % (de 7,22 millions d’euros à 7,251) alors que le chiffre d’affaires s’est accru de plus de 10 % et la marge opérationnelle s’est redressée, au-delà des objectifs, à 5,1 %. Que s’est-il donc passé, alors que tout atteste d’une amélioration significative de la performance de l’entreprise, pour que le vote passe de 64 % en 2014 à 58 % en 2015 et à seulement 46 % de votes positifs en 2016 ?</p>
<p>Bien sûr, l’État, qui détient 23,4 % des droits de vote, s’est opposé à cette rémunération. Mais il reste plus de 30 % des voix d’actionnaires privés qui ont fait de même. Quels sont leurs arguments ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Pierre-Henry Leroy (Proxinvest) : « Certaines rémunérations de dirigeants sont scandaleuses. »</span></figcaption>
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<p>On trouve des éléments de réponse dans les interviews et sur le site web du cabinet de conseil en vote Proxinvest qui fait campagne depuis plusieurs années contre le manque de transparence de Renault en matière de rémunération de son PDG. En particulier, le cabinet pointe une double rémunération en tant que PDG de Nissan qui aboutit à un total de plus de 15 millions d’euros – un montant considérable dans l’industrie automobile où seul le PDG de Volkswagen gagne davantage –, un manque de transparence dans les règles d’attribution des parts variables (pas de critères chiffrés, pas d’évaluation qualitative) et de la retraite chapeau, et déplore l’abandon de la responsabilité de surveillance par le CA malgré des mises en garde répétées les années précédentes.</p>
<p>Par ailleurs, si la rémunération n’a pratiquement pas augmenté en 2015, les observateurs pointent que son salaire avait presque triplé en 2014 par rapport à 2013 (de 2,7 à 7,22 millions d’euros) alors que l’entreprise avait réduit les effectifs et imposé une politique de modération salariale. Enfin, comme le déclare Pierre-Henri Leroy du cabinet Proxinvest dans une interview au <em>Figaro</em> :</p>
<blockquote>
<p>Ce vote est aussi une forme de protestation contre la concentration des pouvoirs chez Renault et Nissan entre les <a href="http://www.lefigaro.fr/societes/2016/04/29/20005-20160429ARTFIG00295-les-actionnaires-de-renault-rejettent-la-remuneration-de-carlos-ghosn.php">mains de Carlos Ghosn</a>.</p>
</blockquote>
<p>Ce n’est donc pas un événement ou une erreur de gestion qui sont pointés du doigt, mais plutôt l’accumulation de différends avec la direction de Renault qui est accusée d’être restée sourde aux questions et aux mises en garde de certains actionnaires. Pour expliquer le vote de l’AG du 29 avril, outre des investisseurs institutionnels français, le cabinet Proxinvest souligne le basculement d’actionnaires anglo-saxons qui ont voulu lancer un message aux dirigeants de l’entreprise.</p>
<h2>Le conseil d’administration, un instrument au service des dirigeants ?</h2>
<p>Au-delà du cas Renault, on observe une sensibilité accrue des investisseurs aux enjeux de rémunération des dirigeants des grandes entreprises. Ainsi, le fonds souverain norvégien, le plus grand actionnaire mondial, qui pèse 1,3 % de la capitalisation boursière mondiale, a annoncé qu’il allait produire un document de référence concernant la <a href="http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/021896262973-le-fonds-public-norvegien-veut-limiter-les-salaires-des-patrons-1219201.php">structure de rémunération des dirigeants</a>.</p>
<p>Face à la montée de ces contestations, pourquoi, dans le cas d’espèce, le CA n’a-t-il pas joué un rôle de médiation entre les actionnaires et le PDG de Renault comme on aurait pu s’y attendre ? Pour en comprendre les raisons, rappelons d’abord qu’à l’instar de 72 % des sociétés du CAC 40, Renault a opté pour un mode de direction avec unicité, c’est-à-dire où les fonctions de directeur général et de président du CA sont confondues. Ceci ne facilite pas l’expression libre de points de vue divergents. Ensuite, concernant la composition du CA, on observe, comme dans beaucoup de grandes entreprises internationales, que la plupart des administrateurs dits « indépendants » sont des PDG ou d’anciens PDG qui ont des mandats d’administrateur dans d’autres sociétés. Cette observation rejoint les conclusions d’un livre récent édité par Bruce Kogut sur les <a href="http://mitpress.mit.edu/books/small-worlds-corporate-governance">« petits mondes » de la gouvernance d’entreprise</a> aux États-Unis, en Europe et en Asie.</p>
<p>À cet égard, le comité de rémunération de Renault est composé de cinq dirigeants ou anciens dirigeants d’entreprise et un cadre dirigeant de l’entreprise. Il est à noter que ni dans ce comité ni dans celui des nominations on ne trouve d’administrateurs issus de la société civile, des salariés ou de l’État. Comme si la question des rémunérations, hautement sensible, devait être confiée à des administrateurs issus du petit monde des dirigeants d’entreprise.</p>
<h2>Réformer les règles du gouvernement d’entreprise</h2>
<p>Le cas Renault est riche d’enseignements pour la gouvernance des entreprises. Il pose plusieurs questions : celle de l’indépendance des conseils d’administration CA à l’égard des dirigeants dans les entreprises où ces derniers cumulent les fonctions de directeur général et de président du CA ; celle de la responsabilité des dirigeants à l’égard des actionnaires, mais aussi des autres parties prenantes de l’entreprise (salariés, public, etc.) et celle du respect des règles de gouvernance édictées par les organisations patronales et professionnelles.</p>
<p>La faute politique de Renault n’aura pas seulement été de verser un salaire considérable – que beaucoup jugeront exorbitant – à leur PDG, mais également d’enfreindre une règle élémentaire de bonne conduite qui consiste à tenir compte, au moins formellement, de l’avis des actionnaires. En affirmant haut et fort le pouvoir du dirigeant sur ceux des actionnaires, en mettant le CA dans la situation où il apparaît comme un organe aux ordres du dirigeant, l’entreprise aura battu en brèche la fiction de la prééminence du modèle actionnarial.</p>
<p>Ce cas éclaire d’une lumière crue la dimension symbolique du système de gouvernance incarné par les codes de gouvernement d’entreprise et l’écart qui sépare ces règles formelles de l’exercice effectif du pouvoir dans les grandes entreprises.</p>
<p>À cette aune, une réforme du gouvernement d’entreprise est certainement nécessaire pour susciter l’émergence de contre-pouvoirs à l’exercice abusif du pouvoir, qu’il émane de dirigeants d’entreprise ou d’actionnaires majoritaires peu scrupuleux. En la matière, l’autorégulation a montré ses limites et l’on peut se réjouir de la montée en puissance au plan international d’un activisme actionnarial qui demande des comptes aux dirigeants ou aux actionnaires de référence.</p>
<p>Critiqué au début comme une manifestation du pouvoir actionnarial, le système du <em>say on pay</em> a révélé des vertus insoupçonnées : celles de permettre l’expression de critiques à l’égard de dirigeants tout puissants. Il faut cependant espérer que cet activisme ne se limite pas à la seule question des rémunérations et porte également sur la soutenabilité de la stratégie à long terme des entreprises. Pour que ce point de vue soit entendu, il est nécessaire qu’il puisse être relayé par différentes parties prenantes – salariés, médias, ONG, chercheurs, pouvoirs publics, prescripteurs – sur la base de contre-expertises sérieuses et instruites.</p>
<p>Pour susciter l’émergence de tels contre-pouvoirs, il ne faut pas exclure que d’autres mesures soient également nécessaires aussi bien sur le plan réglementaire – à commencer par rendre le vote du <em>say on pay</em> contraignant – que de celui du droit des sociétés. C’est à cette condition, en effet, qu’on peut espérer rétablir le déséquilibre toujours croissant entre les droits considérables des grandes entreprises mondialisées au regard des devoirs limités dont elles sont redevables à l’égard des parties prenantes et de la société dans son ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Aggeri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce que révèle cette affaire de l’évolution des rapports de pouvoir entre actionnaires et dirigeants dans les grandes entreprises.Franck Aggeri, Professeur de Management au Centre de Gestion Scientifique, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/563972016-03-20T21:05:58Z2016-03-20T21:05:58ZEDF ou les déboires de l’État actionnaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/115587/original/image-20160318-4450-f3vx8n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">EDF et l’État… des relations complexes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tromal/6917817697/in/photolist-bxiCbV-4euJQs-6jxcJt-b8mcz8-Dtztr-9ugrWA-pHhrv4-6BnvFQ-pLTxdR-b8md14-gr2Mp-4eqKWi-EXdME-aeKF3b-zpPJgF-AmKaHV-4euK3E-6Jx1kg-4eqKUx-dSdcNu-AmMtbg-buGvzG-dSddc7-8r6Vvt-dSdd1W-dS7BEP-7Gvmjf-6hGdLf-4euJYY-dSdd85-pXxSUq-7JPbzj-FMCMM-zq4kQk-AmKXYR-68pjzE-7hNHcv-AnDEXZ-AmHDbV-AmJoG2-zpKCTe-qrwCEm-AmJn7Z-42NcP-A5cpbS-i7UkrA-A5rh2x-AyFbii-9gSvA-AjvG71">S. Faric/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, assure que l’Etat est prêt à intervenir pour redresser les comptes d’EDF et se décidera « d’ici au mois de mai ». « S’il y a besoin de recapitaliser, nous le ferons. S’il y a besoin de renoncer encore aux dividendes, nous le ferons », a-t-il déclaré vendredi 18 mars. Mais la position de l'Etat actionnaire dans ce dossier est loin d'être claire. Retour sur des relations complexes et ambiguës.</em> </p>
<hr>
<p>Le 6 mars 2016, le directeur financier d’EDF, <a href="http://www.lepoint.fr/economie/le-directeur-financier-d-edf-demissionne-06-03-2016-2023417_28.php">Thomas Piquemal, démissionnait</a> en raison d’un désaccord majeur avec son PDG, Jean-Bernard Lévy, à propos de la construction de deux réacteurs nucléaires EPR à Hinkley Point en Angleterre. Ce projet d’investissement gigantesque d’un montant de 23,2 milliards d’euros est au cœur du différent au sein du top management de l’électricien français.</p>
<p>À la suite de cette démission spectaculaire, l’action EDF perdait 8 % ; un chiffre qui laissait de marbre le management et l’État, principal actionnaire. Pour le directeur financier ce projet est beaucoup trop risqué compte tenu de la fragilité de son montage financier. En effet, EDF n’a pas réussi à trouver des investisseurs à la hauteur souhaitée et alors que la participation de l’électricien français devait se limiter entre 40 % et 50 %, le dernier tour de table prévoit une participation à 66,5 %.</p>
<h2>Une destruction de valeur certaine</h2>
<p>Un tel niveau de participation obligera EDF à consolider le projet dans ses comptes, avec toutes les conséquences afférentes. Les syndicats ont également fait part de leurs inquiétudes légitimes et estiment que l’État veut imposer sa solution à marche forcée. Mais l’État qui est actionnaire d’EDF à hauteur de 84,5 % ne l’entend pas de cette façon. Le président de la République et son ministre de l’économie, <a href="http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/video-emmanuel-macron-malmene-lors-de-la-visite-d-une-centrale-nucleaire-edf_1774914.html">Emmanuel Macron</a>, ont fait savoir qu’ils soutenaient le projet ; d’où la position du PDG. Cependant, ce soutien ne va pas jusqu’à <a href="http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRKCN0WK0X0">un soutien financier</a> qui sécuriserait totalement l’opération <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/03/10/la-cour-des-comptes-souligne-la-fragilite-financiere-d-edf_4880734_3234.html">pour l’entreprise</a>…</p>
<p>Le PDG d’EDF a néanmoins obtenu que <a href="http://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/021773965617-macron-sil-y-a-besoin-de-recapitaliser-edf-nous-le-ferons-1207858.php">le dividende que doit recevoir l’État</a> au titre de l’année 2015 soit payé en actions et non en cash, ce qui représente in fine une augmentation des fonds propres de l’électricien de 1,8 milliard d’euros et donc une moindre sortie de cash ; un effort toutefois modeste de la part de l’État (8 % par rapport au budget du projet d’investissement). En fait, il s’agit d’une piètre compensation pour les risques que <a href="http://www.la-croix.com/Economie/France/L-Etat-promet-a-EDF-un-nouveau-soutien-financier-2016-03-18-1200747618">l’État</a> demande de prendre à l’entreprise.</p>
<p>Petit rappel. L’action EDF a été introduite en Bourse le 21 novembre 2005 au prix de 32 euros par action. Aujourd’hui l’action ne vaut plus que 10 euros, soit une division par plus de trois de sa valeur en 10 ans. Les petits actionnaires, mais également les salariés-actionnaires, qui ont crû dans cette belle entreprise – un véritable fleuron industriel à la française – pilotée par l’État en sont pour leurs frais. Par rapport au 31 mars 2006, l’action EDF a perdu 70 % de sa valeur alors que le CAC 40 n’a perdu que 5 % ; c’est dire la destruction de valeur de ce fleuron de l’industrie française !</p>
<p>Que s’est-il passé ? Comment est-on arrivé là ? Voilà des questions qui devraient interpeller le principal actionnaire, à savoir l’État. Mais non, l’État ne dit rien sauf qu’il faut encore prendre plus de risques et investir dans ce projet pharaonique. Aujourd’hui, la capitalisation boursière d’EDF (la valeur de marché de ses fonds propres) est de 19,5 milliards d’euros, un chiffre nettement inférieur à celui du montant du projet d’investissement (23,2 milliards d’euros). On comprend l’inquiétude du directeur financier ! Comment investir dans un projet très risqué qui représente plus que la valeur des fonds propres de l’entreprise ?</p>
<h2>L’État, un actionnaire pas comme les autres</h2>
<p>L’analyse de cette situation doit être replacée dans le cadre de la gouvernance des entreprises dont l’État est actionnaire. Ce dernier n’est pas un actionnaire comme les autres ; il poursuit des objectifs autres et multiples. L’État, contrairement à un actionnaire privé, poursuit des objectifs, non seulement économiques, mais également politiques au sens le plus large. Ces derniers sont aussi nombreux et variés qu’est l’action politique qui va des questions économiques et sociales aux relations internationales. Certes, ces questions sont importantes et fondent la légitimité du politique. Mais le problème c’est quand l’entreprise contrôlée par l’État devient un outil à son service plutôt que l’inverse. Comment imaginer que le président de la République et son ministre de l’économie ne prennent pas de décisions politiques ?</p>
<p>Dans un arbitrage entre la préservation, voire la consolidation, d’amitiés politiques avec le Royaume-Uni et l’intérêt d’une entreprise, même contrôlée par l’État, le compte est vite fait. Au passage, relevons que leurs décisions politiques n’impactent pas leur patrimoine privé contrairement aux investisseurs privés. De plus, l’horizon de gestion d’un président de la République et de ses ministres est celui de leur mandat ce qui paradoxalement fait que l’actionnaire public a un horizon bien plus court (celui des élections) que celui des actionnaires privés qui doivent se préoccuper de la valorisation à long terme de leur capital. En effet, même si ces derniers veulent revendre leurs actions à plus ou moins court terme il faut qu’ils se posent la question de savoir qui voudra racheter leur position et à quel prix ? Donc, qu’ils se préoccupent de sa valorisation à long terme. Rien de tel pour l’État et ses serviteurs.</p>
<h2>Les ambiguités de l’État actionnaire</h2>
<p>La démission du directeur financier d’EDF met, une fois de plus, en lumière toutes les ambiguïtés de l’État actionnaire et constitue un véritable cas de gouvernance d’entreprise publique. Bien sûr, rien ne permet de dire aujourd’hui qui aura raison sur cet investissement. Peut-être que le pari du PDG et du ministre de l’économie sera le bon ? On le souhaite vraiment dans l’intérêt de l’entreprise et de ses salariés. Peut-être que le directeur financier avait vu juste ? Auquel cas qui paiera l’addition ? Qui sera le créancier résiduel ? Les actionnaires, les salariés ou le contribuable ? Dans tous les cas ce ne sera pas les décideurs publics.</p>
<p>Mais au-delà de cette interrogation se pose une vraie question : celle de la confusion des intérêts de l’État actionnaire et de ses représentants avec ceux de l’entreprise. Une question que la théorie de l’agence (Michael Jensen) posait déjà à propos des conflits d’intérêts entre dirigeants et actionnaires dans le cadre de la grande entreprise privée. Mais dans le cadre de l’entreprise contrôlée par l’État, la question devient encore plus problématique vu la spécificité de l’État actionnaire et de ses objectifs à géométrie variable. Nul doute qu’une nouvelle voie de recherche en gouvernance d’entreprise ne s’ouvre avec la multiplicité des cas de management des entreprises contrôlées par l’État (EDF, SNCF, Air France, Renault, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Crise de gouvernance d’EDF autour du projet coûteux d’EPR britannique, démission du directeur financier : l'Etat actionnaire va-t-il intervenir pour consolider les comptes d'EDF ? Un cas d'école.Michel Albouy, Professeur émérite de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/537772016-02-15T05:43:32Z2016-02-15T05:43:32ZQuelle gouvernance pour Renault avec l’État actionnaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/110658/original/image-20160208-2634-1oohyos.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'État actionnaire gène-t-il Renault dans ses manoeuvres ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/hugo90/7444380742/in/photolist-ckQp37-ckQmQJ-w4V4mG-AzkQi2-7B9dk9-dQNrKN-c2Ny3u-56wKcc-7ACBAB-aiPX2G-4etsyd-8JS64o-ktASJN-fCWooR-vad5xS-ktzk6P-dRcXHT-aixvSg-fCWpiZ-Bb5j8R-pmtGab-ceqzJq-qdqFQw-8ZPXPb-nEEBa3-qbfmsP-8TrYoq-bJw5wp-fAzYyA-5UShiQ-y85i45-9jsaVb-d44fkd-KstaT-8tvfzT-6chpda-m58Vn7-bwv6os-nUr3qy-9pRJ8C-7hbdjo-w4wZdY-ptrGNU-ktzh96-abheyh-z631Ry-qTAyTP-e37xqV-ckQogG-85GGwL">John Lloyd/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Interrogé le 25 novembre 2015, à l’Assemblée nationale, au sujet de la participation de l’État dans le capital de Renault, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron déclarait : « L’objectif de l’État en tant qu’actionnaire de long terme, c’est de pouvoir peser sur les décisions stratégiques de l’entreprise ». Cette belle déclaration faisait suite au conflit qui avait duré huit mois entre le management de Renault et l’État au sujet des droits de vote double accordés aux « actionnaires de long terme » dans le cadre de la loi Florange. Le 11 novembre, les représentants de l’État, de Renault et de son allié Nissan annonçaient avoir trouvé un compromis concernant « un accord de stabilisation de l’alliance entre Renault et Nissan ».</p>
<h2>L’État, « actionnaire de long terme » ?</h2>
<p>L’origine du conflit se trouve dans l’acquisition surprise par l’État de 5 % du capital de Renault en avril 2015 afin de sécuriser l’application de la loi Florange qui prévoit la mise en place de droits de vote double. Or, le conseil d’administration de Renault emporté par son PDG, Carlos Ghosn qui ne souhaitant pas changer la répartition du pouvoir au sein du capital de l’entreprise et protéger ainsi son accord avec son allié Nissan, ne voulait pas de ces droits de vote double. Huit mois plus tard, le ministre gagnait son bras de fer avec le PDG : la loi Florange serait bien appliquée, l’État bénéficierait de droits de vote double et pas Nissan. De plus, il obtenait une minorité de blocage sur les sujets stratégiques. Nissan n’obtenait qu’une promesse de Renault de ne pas se mêler de ses affaires, notamment en ce qui concerne la nomination, la révocation et la rémunération des membres de son conseil d’administration.</p>
<p>Gagner une bataille n’est pas gagner la guerre comme le disait le Général de Gaulle. Si l’État a gagné la bataille des droits de vote double et sa capacité à « peser sur les décisions stratégiques de Renault », il lui reste à démontrer que son pouvoir lui permettra, non seulement de peser sur les décisions stratégiques, mais surtout de faire en sorte que Renault et l’alliance avec Nissan se renforce et devienne un ticket gagnant ; ce qui n’est pas gagné.</p>
<p>La confiance – un ingrédient indispensable à la poursuite d’objectifs communs – est en effet passablement entamée avec ce coup de force de l’État vis-à-vis de Nissan. En tout état de cause, vu la rupture de confiance entre les partenaires, on peut douter d’une fusion amicale entre Renault et Nissan comme affirme le souhaiter l’État français. Au-delà de ce que les dirigeants de Nissan peuvent penser, la question de la participation de l’État au capital d’une entreprise mondialisée comme Renault se pose.</p>
<h2>Quel rôle réel pour l’État actionnaire ?</h2>
<p>En effet, que faire d’un tel pouvoir ? Voilà la question existentielle de l’État actionnaire. Dans quelle mesure l’État est-il un actionnaire comme les autres ? Quels sont ses objectifs à court et long terme ? Des questions aussi vieilles et lancinantes que depuis que l’État français s’est invité au capital d’entreprises concurrentielles ; une stratégie que bien peu de pays développés partagent. Est-ce si évident que seul l’État poursuive des objectifs à long terme, justification suprême des droits de vote double ? Bien que l’État français soit actionnaire de Renault depuis sa nationalisation après la Deuxième Guerre mondiale, on peut douter de sa capacité à influer sur la stratégie à long terme du constructeur et sa capacité à en faire un gagnant dans la compétition que se livrent les constructeurs automobiles.</p>
<p>Force est de constater que la vision stratégique de l’État est à géométrie variable. Dans le cas de Renault, alors que Nissan contribue pour la majeure partie aux bénéfices du groupe, il se trouve privé des droits de vote double et voit son pouvoir diminué au sein de l’Alliance. En même temps, l’État souhaiterait intégrer davantage les deux entités. Oui, mais au bénéfice de qui et avec quelle répartition du pouvoir ?</p>
<p>S’agissant du long terme, et malgré la participation de l’État au capital de Renault, la dégringolade de la France est patente. En 2015, avec 1,5 million de véhicules fabriqués, la France produit trois fois moins que l’Allemagne et presque 50 % de moins que l’Espagne. En 2003, la France en fabriquait plus de 3 millions. La faute aux coûts de production qui poussent nos constructeurs à délocaliser leur production (contrairement aux Allemands), au manque de modèles haut de gamme, et à la stratégie de Renault d’exploiter à fond le succès de ses gammes low-cost (Dacia, Logan, Duster) produites en Roumanie ou au Maghreb. Dans cette stratégie où se trouve l’État ?</p>
<h2>Une stratégie d’actionnaire variable</h2>
<p>La question du rôle de l’État dans la gouvernance des entreprises n’est pas nouvelle. Contrairement à un actionnaire classique, l’État poursuit souvent plusieurs objectifs qui sont même parfois contradictoires. D’où le sentiment que son action est à géométrie variable selon les moments. Ses objectifs sont, selon les cas où même parfois ensemble, d’ordre économique (par exemple, développer des activités industrielles, préserver des savoir-faire, etc.), d’ordre environnemental et d’aménagement du territoire, d’ordre social (préserver des emplois), éventuellement d’ordre financier (cessions d’actifs, dividendes, etc.).</p>
<p>En même temps, rien ne confirme que son action soit à plus long terme que celle des investisseurs privés. On pourrait même soutenir l’inverse s’agissant de jouer les sapeurs-pompiers pour sauver des emplois menacés ou éviter un rachat par une entreprise étrangère.
Enfin, <em>last but not least</em>, l’État, contrairement à ce que l’on pourrait croire naïvement, n’est pas un meilleur garant du comportement éthique des entreprises que les investisseurs privés. En effet, le fait que l’État soit un actionnaire de référence de Renault n’a pas empêché l’entreprise de tomber dans le piège des moteurs diesel truqués.</p>
<p>Certes, il semble qu’aucune tricherie n’ait été détectée chez le constructeur français contrairement à Volkswagen, mais il n’en demeure pas moins que cette révélation de dépassement des seuils de pollution autorisés fait désordre pour une société contrôlée par l’État. Le marché ne s’y est pas trompé en sanctionnant sévèrement le cours de Bourse de Renault (moins 20 % à l’annonce de l’enquête). Le petit actionnaire, qui pouvait se croire à l’abri avec l’État à ses côtés, en est pour ses frais.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/53777/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que Renault vient d’annoncer un bénéfice net 2015 en hausse de 41 %, retour sur ses relations avec l’État actionnaire : spécificité française dans l’évolution du capitalisme mondial.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.