tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/exploration-29675/articlesexploration – The Conversation2024-01-28T16:07:29Ztag:theconversation.com,2011:article/2211782024-01-28T16:07:29Z2024-01-28T16:07:29ZTous cannibales ? Une brève histoire de l’anthropophagie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569344/original/file-20240109-23-gtzp29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=172%2C273%2C4512%2C3571&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gravure représentant une scène de cannibalisme en Afrique centrale (1870).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/asset_images/568471/edit?content_id=220743">Morphart Creation/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Hb3GAhD1ev0"><em>Le Cercle des neiges</em></a>, sorti récemment sur Netflix, J.A. Bayona relate <a href="https://sociedaddelanieve.com/fotos-reales-de-la-tragedia-de-los-andes/">l’accident d’avion de l’équipe de rugby uruguayenne dans les Andes en 1972</a>. Il y est question de cannibalisme : pour survivre, les rescapés ont décidé de manger leurs camarades décédés. Après leur sauvetage, les survivants ont d’abord dissimulé le fait qu’ils avaient pratiqué le cannibalisme, par peur des réactions. Plus tard, les médias les ont dénoncés, censurés et réprouvés en les qualifiant de « cannibales ».</p>
<p>Le cannibalisme est défini comme l’acte ou la pratique consistant à manger des individus de sa propre espèce. Il s’agit généralement d’humains qui mangent d’autres humains. Le premier cas de cannibalisme a été attribué aux Néandertaliens, et il y a plus de 100 000 ans, comme en témoigne la <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/prehistoire/des-neandertaliens-cannibales-dans-la-vallee-du-rhone-16362.php">grotte française de Moula-Guercy</a>.</p>
<p>Cette pratique est attestée en Afrique occidentale et centrale, en Mélanésie, en Nouvelle-Guinée, dans certaines îles polynésiennes et dans des tribus de Sumatra. Cette pratique était assez courante dans les sociétés préétatiques. Dans l’histoire contemporaine, des cas individuels ont été attribués à des individus instables ou criminels ou associés à des situations difficiles telles que la <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2014-1-page-77.htm">crise alimentaire en Ukraine</a> dans les années 1930, et pendant la Seconde Guerre mondiale, <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20210907-le-si%C3%A8ge-de-leningrad-un-des-%C3%A9pisodes-les-plus-meurtriers-de-la-seconde-guerre-mondiale">pendant le siège de Leningrad</a> et à <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/les-trois-ans-denfer-du-rescape-de-la-shoah-1764945">Bergen-Belsen</a>, selon les responsables britanniques qui ont libéré le camp de concentration.</p>
<p>Mais la pertinence de ces faits est controversée. Ce qui est généralement admis, c’est que les accusations de cannibalisme ont été historiquement plus fréquentes que la pratique elle-même, comme le mentionne Alberto Cardín dans <a href="https://www.anagrama-ed.es/libro/argumentos/dialectica-y-canibalismo/9788433913791/A_149"><em>Dialéctica y canibalismo</em></a>. Le cannibale a presque toujours été « l’autre » dans l’imaginaire colonial.</p>
<p>Le terme cannibale <a href="https://canal.ugr.es/prensa-y-comunicacion/medios-digitales/ideal-digital/los-canibales-de-colon/">est un héritage de Christophe Colomb</a>. Il s’agit de la déformation de « Carib », un peuple originaire des Antilles que Christophe Colomb croyait sujet du <a href="https://www.biografiasyvidas.com/biografia/k/kubilai.htm">Grand Khan de Chine (<em>kannibals</em>)</a>. Colomb, préparé à rencontrer le Grand Khan, était accompagné d’interprètes arabes et hébreux, et en entendant de la bouche des indigènes le <a href="https://noticiasdelaciencia.com/archive/36149/cristobal-colon-realmente-vio-canibales-en-el-caribe">mot <em>caniba</em></a> (ou « canima ») pensa qu’il pouvait s’agir des hommes à tête de chien (<em>cane-bal</em>) <a href="https://books.google.es/books?id=Dq1vEAAAQBAJ">décrits par l’explorateur John Mandeville</a>.</p>
<h2>Les peuples cannibales</h2>
<p>Les Juifs ont été historiquement accusés de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Accusation_antis%C3%A9mite_de_meurtre_rituel">manger des enfants chrétiens</a>, tout comme les Tsiganes. Dans l’Antiquité, les Grecs ont rapporté des cas d’anthropophagie chez des peuples non helléniques, les barbares. Les Espagnols ont fait de même en ce qui concerne le cannibalisme aztèque, bien que l’anthropophagie ait été signalée pendant les soi-disant <a href="https://www.lahuttedesclasses.net/2023/03/la-guerre-fleurie-une-fake-news.html">guerres fleuries</a> de l’Empire aztèque, étant considérée comme une manifestation massive de cannibalisme.</p>
<p>En ce sens, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Man-Eating_Myth">William Arens</a> a souligné qu’au-delà des cas de cannibalisme avérés dans des situations de détresse, le cannibalisme est un mythe et que la description d’un groupe humain comme cannibale n’est qu’une revendication rhétorique et idéologique visant à établir une supériorité morale sur ce groupe.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, <a href="https://hyperbole.es/2016/08/los-canibales-de-michel-de-montaigne-rouen-1562/">Michel de Montaigne</a> soulignait au XVI<sup>e</sup> siècle que toute personne ou toute chose à laquelle on n’est pas habitué était appelée barbare (ou cannibale) et considérait les guerres de religion en France et la torture de corps vivants ou leur jet aux chiens plus barbares que l’ingestion <a href="https://zaguan.unizar.es/record/88820">par les Tupinamba du corps d’une personne décédée</a>.</p>
<p>Cependant, l’étendue des cas recensés montre que le cannibalisme n’est pas une invention. La définition la plus récente du cannibalisme par <a href="https://www.langaa-rpcig.net/eating-and-being-eaten/">F.B. Nyamnjoh</a> fait référence à la consommation d’êtres humains sous forme matérielle, métaphorique, symbolique ou fantasmatique. En effet, la communication sur le web a contribué à multiplier les fantasmes cannibales et sexualisés de milliers de personnes qui rêvent sur des forums de dévorer ou d’être dévorées par des membres du sexe qu’elles préfèrent.</p>
<h2>Une certaine fascination</h2>
<p>Il existe des cas extrêmes comme le tueur en série <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wUNut2dGhxM">Fritz Haarmann</a> (« Le boucher de Hanovre ») ou <a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-11981759/German-house-horrors-cannibal-killed-ate-volunteer-victim-famous-case-burns-down.html">Armin Meiwes</a>, un technicien informatique de Rotenburg (Allemagne) qui, en 2001, a sollicité sur Internet « un jeune garçon âgé de 18 à 25 ans » pour qu’il le mange (la demande a été acceptée, puisque Jürgen B. s’est exécuté et a été tué et mangé par Meiwes).</p>
<p>L’un des cas les plus choquants est celui de l’étudiant japonais en littérature anglaise <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2022/12/03/issei-sagawa-le-japonais-cannibale-est-mort_6152834_3382.html">Issei Sagawa</a>, qui a mangé un étudiant allemand de la Sorbonne à Paris en 1981, en décrivant l’acte en détail. La façon dont il a révélé ce fait a fait de lui un héros national au Japon et il a écrit plusieurs best-sellers. Même les Rolling Stones lui ont dédié une chanson en 1986 : <em>Too much blood</em>.</p>
<p>Le cannibalisme ne nous est pas étranger. L’acte catholique de l’eucharistie et la commémoration de la <em>Cène</em> renvoient à l’idée d’ingérer un <a href="https://www.cairn.info/anorexie-et-inedie-une-meme-passion-du-rien--9782749203119-page-135.htm">totem</a>, symbole sacré d’un groupe, d’un clan ou d’une lignée, afin d’en absorber le pouvoir distinctif. Derrière le dogme de la transsubstantiation catholique s’exprime l’idée d’acquérir la divinité (immortalité, pardon des péchés…) par absorption en mangeant le corps du Christ. Ce « cannibalisme rituel » partage de nombreuses caractéristiques du concept.</p>
<p>Dans d’autres cultures d’Asie et d’Australie, par exemple, on croit que manger le pénis d’un tigre procure une plus grande virilité, et que manger l’ennemi (exocannibalisme) chez les <a href="https://www.letemps.ch/societe/lanthropologue-cannibales-mariage">baruya</a> ou qu’ingérer une partie d’une personne décédée (endocannibalisme) chez les fore perpétuera son âme. Le corps d’autrui est une <a href="https://www.langaa-rpcig.net/eating-and-being-eaten/">nourriture pour le corps, l’esprit et l’âme</a>.</p>
<p>La question qui se pose est, d’une part, de savoir qui a le droit de juger et d’évaluer les aspects contradictoires des peuples du passé et, d’autre part, pourquoi il est devenu habituel de penser que ce qui n’est qu’extraordinaire (le cannibalisme) est une coutume.</p>
<p>Pierre Clastres, par exemple, parle de la normalité de phénomènes tels que la guerre et le cannibalisme chez les Indiens <a href="https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1964_num_4_2_366647">guayaki</a> comme s’ils étaient typiques des peuples « exotiques », alors que, dans de nombreux cas, ces peuples en ont été les victimes. Les Andamanais du golfe du Bengale ont eu la réputation, en Occident, d’être des cannibales belliqueux, comme le décrit Radcliffe-Brown dans <a href="https://www.britannica.com/topic/The-Andaman-Islanders"><em>The Andaman Islanders</em></a> (1922), car ils déchiquetaient leurs victimes de guerre et avaient l’habitude de suspendre les os de leurs ancêtres. Cette idée est issue de plusieurs romans dont l’intrigue impliquait invariablement un naufrage causé par les récifs coralliens de la côte d’Andaman, suivis d’épisodes de cannibalisme et de l’histoire de l’unique survivant.</p>
<p>Le cannibalisme serait un phénomène plus typique, non pas de peuples « exotiques », mais une conséquence de perversions individuelles, de situations catastrophiques et particulières. Dans les années 1990, des journalistes occidentaux ont écrit sur le <a href="https://www.swissinfo.ch/spa/liberia-d-humanos_militar-liberiano-condenado-en-suiza-por-atrocidades-durante-la-guerra-civil/46716940">cannibalisme dans le contexte de la guerre civile au Libéria (1989-1997)</a>. L’historien <a href="https://academic.oup.com/afraf/article-abstract/94/375/165/96220">Stephen Ellis</a> a suggéré que les causes n’étaient pas seulement politiques, mais qu’elles pouvaient être expliquées par des termes religieux ou spirituels caractéristiques des rituels des sociétés secrètes.</p>
<p>En somme, les descriptions contemporaines du cannibalisme, qui semblent faire écho aux études archéologiques, montrent que, d’une manière ou d’une autre, comme l’a souligné <a href="https://cup.columbia.edu/book/we-are-all-cannibals/9780231170680">Claude Lévi-Strauss</a>, « nous sommes tous cannibales ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Lagunas no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Le cannibalisme est un phénomène plus complexe qu’il n’y paraît. Est-il uniquement lié à des situations extrêmes à à des rituels culturels ?David Lagunas, Profesor de Antropología, Universidad de SevillaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2110942023-10-25T15:59:45Z2023-10-25T15:59:45ZComment explorer les systèmes hydrothermaux des grands fonds marins ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551195/original/file-20230929-29-fd6joi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C0%2C5996%2C3366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cheminées du site hydrothermal de
TAG (Atlantique), photographiées lors de la mission HERMINE en 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les grands fonds marins sont aujourd’hui, plus que jamais, sous le feu des projecteurs. La présence de potentielles ressources minérales qui pourraient contribuer à la transition énergétique suscite en effet l’intérêt croissant de certains pays et acteurs industriels. Aux côtés des nodules polymétalliques et des encroûtements cobaltifères, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpol.2020.104183">dépôts de minéraux associés aux systèmes hydrothermaux</a> constituent une des cibles actuellement identifiées.</p>
<p>Mais, avant de songer à exploiter – ou explorer – ces fameux sites hydrothermaux, difficiles d’accès et encore largement méconnus, encore faut-il pouvoir les trouver. Pour cela, il est possible d’utiliser des stratégies d’exploration océanique adaptées.</p>
<h2>Les sources hydrothermales : une découverte récente</h2>
<p>En 1977, une petite révolution a lieu lorsque les hommes observent pour la première fois des sources chaudes par 2500 mètres de profondeur. Les scientifiques y observent entre autres une toute nouvelle forme de vie inconnue, qui se nourrit des composés expulsés par ces « geysers » sous-marins. Ils viennent de découvrir les systèmes hydrothermaux, <a href="https://theconversation.com/des-oasis-de-vie-dans-les-abysses-la-faune-hydrothermale-du-pacifique-ouest-115409">véritables oasis de vie</a> dans le désert des grands fonds.</p>
<p>Quarante-cinq ans après, un peu plus de <a href="https://doi.org/10.1002/2013GC004998">300 sites hydrothermaux actifs</a> sont connus dans les océans. Certains ne sont que des cheminées isolées dont la durée de vie peut être très courte, d’autres font la taille d’un stade de football et étaient déjà actifs il y a plusieurs dizaines de milliers d’années.</p>
<p>En effet, les explorations qui se sont succédé depuis 1977 ont permis de montrer que, contrairement aux premières idées, il existe une <a href="http://www.soest.hawaii.edu/oceanography/faculty/rouxel/publications/29_Fouquet,2010.pdf">très grande diversité de sites hydrothermaux</a>. Cela est lié à la variabilité des roches traversées par le fluide, la nature de leurs interactions, les effets de pression et de température ou encore les apports directs en lien avec le magmatisme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trois images de fumeurs ; la première chemine est basse mais avec une fumée noire épaisse ; la seconde a une forme de cheminée assez haute, avec une fine fumée blanchatre ; le dernier est vaguement conique et la fumée est presque invisible" src="https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=248&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551176/original/file-20230929-23-mhoc6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=312&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trois exemples de cheminées hydrothermales et des fluides associés. À gauche : fumeur noir (>300 °C) associé à une cheminée composée de sulfures, Atlantique Nord. Au centre : fumeur translucide (270 °C) associé à une cheminée composée de sulfates de calcium et rare sulfures, Pacifique Sud-Ouest. À droite : cheminée de carbonate associé à un fluide translucide de moyenne température (<100 °C), Atlantique Nord.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00569/68094/">Ifremer, CNRS/Sorbonne Univ/Ifremer, Ifremer</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Malgré ces 45 ans d’exploration, l’océan profond reste donc encore très méconnu, et de nombreuses découvertes sur les systèmes hydrothermaux restent encore à faire !</p>
<h2>L’exploration des grands fonds, ou chercher une aiguille dans une meule de foin</h2>
<p>Jusqu’au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, les grands fonds étaient presque totalement inaccessibles aux humains. En conséquence, la vision que nous en avions était pour le moins parcellaire, comme l’écrivait Théodore Monod dans son ouvrage <em>Plongées profondes : bathyfolages</em>.</p>
<blockquote>
<p>« Nos coups de drague, de chalut, de filet vertical demeurent, par rapport à l’immensité des surfaces, ridiculement sporadiques, accidentels et punctiformes. Imaginez ce que l’on pourrait savoir de la faune de France pour ne l’avoir explorée : (1) que d’un ballon ; (2) à travers une couche permanente et épaisse de nuages ; (3) au moyen d’un grappin et d’un panier à salade balancés à l’aveuglette au bout d’une ficelle ? »</p>
</blockquote>
<p>Puis, le développement de technologies spécifiques, telles que les bathyscaphes, les sous-marins habités, les robots télé-opérés ou encore les drones autonomes, a permis des <a href="https://theconversation.com/a-plus-de-1-000-metres-sous-leau-des-observatoires-pour-etudier-la-richesse-de-locean-profond-147036">avancées importantes dans l’accès aux grands fonds</a>.</p>
<p>Toutefois, les scientifiques doivent les utiliser intelligemment pour maximiser les chances de succès lors de campagnes d’exploration. En effet, explorer les grands fonds uniquement avec un sous-marin habité (comme le Nautile) ou un robot télé-opéré (ROV) reviendrait à explorer les terres émergées de notre planète à pied, de nuit et avec une lampe torche pour seul éclairage. En d’autres termes, pour explorer de manière systématique une surface de 10 000km2 (équivalent à la surface de l’Île-de-France) avec un ROV, il faudrait plus de 50 ans en continu !</p>
<p>C’est pourquoi, contrairement à l’exploration dite locale où les scientifiques partent d’un <a href="https://theconversation.com/chronique-en-mer-explorer-les-dorsales-au-large-des-acores-par-plus-de-2-000-metres-de-fond-183457">site hydrothermal déjà connu, observé et étudié</a>, l’exploration régionale constitue une véritable plongée dans l’inconnu. Autrement dit, il s’agit de « chercher une aiguille dans une meule de foin » !</p>
<p>Il est donc nécessaire de développer une stratégie adaptée multi-outils et multi-échelles pour être en mesure de détecter de nouveaux systèmes hydrothermaux à l’échelle de l’océan tout entier.</p>
<h2>Questions de méthodologie : comment chercher cette fameuse aiguille ?</h2>
<p>Les stratégies modernes d’exploration nécessitent d’alterner entre différents outils ou submersibles, afin de passer d’une surface équivalente à un département français (les meules de foin) jusqu’à la découverte d’un site hydrothermal souvent plus petit qu’un stade de football (l’aiguille).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vu en coupe de l’océan, avec les fonds marins en bas, et montrant l’emplacement de différents engins d’analyse" src="https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551177/original/file-20230929-23-z7n11g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La détection des sites hydrothermaux nécessite l’emploi de plusieurs outils technologiques combinés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ewan Pelleter/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le point de départ est une carte, souvent peu précise (ex. données des satellites), à partir de laquelle les chercheurs identifient de larges zones pour réaliser les premières étapes de l’exploration.</p>
<p>Puis, tout commence par l’acquisition de la morphologie du fond, grâce aux sondeurs acoustiques du navire océanographique. Les cartes obtenues, où chaque pixel représente environ 30m x 30m sur le fond, permettent d’identifier les grandes structures géologiques du plancher océanique : les volcans, les grandes failles, les dômes où affleurent des roches du manteau.</p>
<p>À partir de ces données, les géologues sélectionnent des zones d’intérêt pour le déploiement des bathysonde ou des rosettes, des instruments d’analyse physico-chimique et de prélèvement d’eau de mer. Ces équipements permettent la détection d’un panache hydrothermal dans un périmètre allant jusqu’à quelques dizaines de km autour des fumeurs.</p>
<p>Plusieurs paramètres sont mesurés directement <em>in situ</em> (température, conductivité, turbidité) et des échantillons d’eau de mer sont prélevés pour l’analyse d’éléments ou composés chimiques diagnostiques d’une activité hydrothermale (manganèse, fer, méthane), analyses effectuées en mer à bord ou à terre de retour au laboratoire.</p>
<p>Plusieurs opérations de bathysonde/rosette permettent ainsi de restreindre la zone d’investigation à quelques dizaines de km<sup>2</sup>, une zone suffisamment petite pour réaliser des plongées de submersibles autonomes (AUV).</p>
<p>Ces submersibles autonomes sont équipés de sondeurs acoustiques et opèrent près du fond (généralement entre 50 et 70m au-dessus du fond). Le sondeur émet une onde qui réfléchit sur le plancher océanique et revient vers une antenne de réception, permettant de situer précisément le fond. Les cartes obtenues sont de résolution métrique (1 pixel = 1 mètre) et permettent d’identifier de petits objets, comme une cheminée hydrothermale même inactive.</p>
<p>De plus, l’onde acoustique ne réfléchit pas uniquement contre le sol, mais aussi contre les masses d’eau présentant des caractéristiques physiques différentes (température, densité, charge de particules). En enregistrant ces faibles réflexions acoustiques enregistrées dans la colonne d’eau, il est désormais possible de visualiser le panache hydrothermal et donc de localiser à 10 mètres près un fumeur noir : une véritable révolution !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trois images avec une précision croissante" src="https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541338/original/file-20230805-111508-x59wgw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le même endroit cartographié par (1) un satellite, (2) un navire (3) un submersible opéré près du fond. Tous les polygones rouges sont des dépôts hydrothermaux. Les cartes obtenues par des submersibles, tels les AUV, sont les seules à avoir la précision nécessaire pour détecter des dépôts hydrothermaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de ces résultats, il est finalement possible d’envoyer le sous-marin habité ou télé-opéré pour observer les nouveaux sites hydrothermaux, et réaliser toute une batterie de mesures et de prélèvements (fluide, roches, faune).</p>
<h2>L’exploration de la dorsale médio-atlantique : un travail de collaboration nationale et internationale</h2>
<p>La stratégie d’exploration présentée ici a été appliquée lors de deux campagnes océanographiques regroupant une équipe pluri-disciplinaire composée de géologues, chimistes, biologistes et microbiologistes.</p>
<p>La première campagne, <a href="https://www.geo-ocean.fr/Campagnes/Campagnes-oceanographiques/Bienvenue-sur-le-blog-de-la-mission-HERMINE2">HERMINE2</a>, menée par l’Ifremer, s’est déroulée du 9 juillet au 24 août 2022 sur la dorsale médio-Atlantique entre 21°N et 26°N [1].</p>
<p>Une <a href="https://schmidtocean.org/cruise/in-search-of-hydrothermal-lost-cities/">deuxième mission d’exploration</a>, pilotée par l’institut américain NOAA et réalisée en collaboration avec Ifremer, s’est rendue à nouveau du 3 mars au 11 avril 2023 sur certains secteurs prospectifs du contrat d’exploration (22°N et 24°N).</p>
<p>Les deux campagnes scientifiques avaient pour objectif de localiser de nouveaux champs hydrothermaux, sur une surface couvrant 10 000 km<sup>2</sup> de la dorsale médio-atlantique. Elles s’appuyaient sur une stratégie commune, construite autour d’équipements tels que la bathysonde/rosette mais également les AUV en couplage avec les submersibles habités (Nautile) ou télé-opérés (Subastian). Cette multiplicité d’approche avait pour but de minimiser le temps de recherche et d’améliorer les chances de découvertes de nouveaux sites hydrothermaux.</p>
<p>Après ces deux campagnes, cinq nouveaux sites hydrothermaux ont été découverts avec certitudes. Des indices de présence d’activité hydrothermale ont également permis de déterminer de nombreux autres sites potentiels, qui nécessiteront des investigations supplémentaires.</p>
<p>Ces nouvelles découvertes permettent de mieux évaluer la fréquence et la quantité de dépôts hydrothermaux actifs et inactifs sur plusieurs segments de dorsales. Les nouvelles connaissances acquises, sur la chimie des fluides, les roches et les communautés biologiques associées, serviront également à alimenter toutes les études associées aux systèmes hydrothermaux, aux environnements marins vulnérables et à leur préservation.</p>
<hr>
<p><em>L’Ifremer, sous mandat de l’état français, a obtenu, en 2014 et pour une durée de 15 ans, un contrat d’exploration dans l’océan Atlantique entre 21°N et 26°N auprès de l’Autorité Internationale des Fonds Marins. Les travaux d’exploration et les études associées sont financées par l’État au titre de France 2030. Cette aide est gérée par l’Agence Nationale de la Recherche : référence « ANR-22-MAFM-0001 ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ewan Pelleter a reçu des financements de l'Etat au titre de France 2030. Cette aide est gérée par l'Agence Nationale de la Recherche: référence «ANR-22-MAFM-0001». </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécile Cathalot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les sites hydrothermaux des grands fonds marins sont encore peu connus. Ils sont en effet très difficiles d’accès, et leur détection nécessite l’emploi coordonné de plusieurs outils et instruments.Ewan Pelleter, Chercheur en Géosciences Marines, IfremerCécile Cathalot, Research scientist, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090152023-07-09T15:31:07Z2023-07-09T15:31:07ZIndiana Jones est un héros, son inspirateur ne l’est pas<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535385/original/file-20230703-278324-edbjvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=91%2C97%2C1736%2C1207&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait de Hiram Bingham en 1917.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:HiramBingham_(cropped).jpg">Library of Congress/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Indiana Jones a façonné l’image de l’historien-archéologue-explorateur dans la culture <a href="https://bibliotheques-specialisees.paris.fr/ark:/73873/pf0002333670">populaire</a>. La sortie d’<a href="https://www.filmaffinity.com/es/film989177.html"><em>Indiana Jones et le cadran du destin</em></a> nous offre l’occasion d’analyser l’évolution de notre perception des héros qui ont inspiré la culture populaire, et de nous pencher sur le cas de Hiram Bingham III est le <a href="https://www.inverse.com/article/18017-indiana-jones-machu-picchu-hiram-bingham-iii">modèle qui a inspiré le personnage de Jones</a>.</p>
<p>Bingham est né en 1875 à Honolulu, Hawaï, où son père était missionnaire. Poursuivant la tradition familiale, il étudie à l’université de Yale. Entre 1911 et 1915, il dirige plusieurs expéditions au Pérou qui le rendent célèbre. En 1917, il s’engage dans l’armée de l’air et mène peu après une brillante mais éphémère carrière politique.</p>
<h2>Machu Picchu</h2>
<p>Dans la <a href="http://www.machupicchuexplorer.com/index.htm">biographie</a> écrite par son fils, on découvre que Bingham s’est construit une identité d’explorateur mythique mais que sa personnalité était ambivalente. Et il y a quelques années, un universitaire admirateur d’Indiana Jones a publié un récit de la vie de Bingham incluant <a href="https://www.google.es/books/edition/Las_tumbas_de_Machu_Picchu/06HNDwAAQBAJ?hl=es&gbpv=1&dq=Hiram+Bingham&printsec=frontcover">toutes les controverses</a> qui ont fleuri à son sujet.</p>
<p>Bingham est devenu célèbre pour avoir « découvert » le Machu Picchu au Pérou. Certains préfèrent le considérer comme le premier touriste à visiter ses <a href="https://revistas.ucm.es/index.php/RCHA/article/view/RCHA0101110257A">ruines</a>.</p>
<p>Lorsque Bingham est arrivé sur le site, il a rencontré des gens qui y vivaient. Et avant lui, certains avaient déjà décrit la région. C’est pourquoi, dès le départ, il y a eu des doutes sur la réalité de sa découverte.</p>
<p>Dans son journal, il note que le découvreur de Machu Picchu est le paysan de Cuzco <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Agust%C3%ADn_Liz%C3%A1rraga">Agustín Lizárraga</a>, car il a trouvé sa signature sur le site. Mais, dans la droite ligne d’un racisme très répandu à l’époque, il ne l’a pas jugé digne d’un tel honneur parce qu’il était un métis à la peau <a href="https://www.google.es/books/edition/Las_tumbas_de_Machu_Picchu/06HNDwAAQBAJ?hl=es&gbpv=1&printsec=frontcover&bsq=Agust%C3%ADn">foncée</a>. Cet argument lui a permis de s’autoproclamer découvreur du Machu Picchu.</p>
<p>Aujourd’hui, Bingham est considéré comme quelqu’un qui s’est approprié un objet scientifique et l’a mis à la portée d’un public international. Et, bien sûr, il ne l’a pas fait seul. Il l’a fait grâce au travail d’autres chercheurs, paysans, muletiers et <a href="https://read.dukeupress.edu/ethnohistory/article-abstract/59/2/293/9023/Collecting-a-Lost-City-For-Science-Huaquero-Vision">chasseurs de trésors</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photographie en noir et blanc de ruines archéologiques au sommet d’une montagne" src="https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533491/original/file-20230622-21-b223jf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photographie de Machu Picchu prise par Hiram Bingham III en 1912 après d’importants travaux de nettoyage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://es.wikipedia.org/wiki/Archivo:Machupicchu_hb10.jpg">National Geographic/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>États-Unis et Amérique latine</h2>
<p>Bien qu’à sa mort en 1956, une <a href="https://www.jstor.org/stable/212113">nécrologie</a> décrive Bingham comme un personnage important pour l’étude de l’Amérique latine, <a href="https://www.jstor.org/stable/212113">ses œuvres</a> témoignent de ses idées complexes sur le lien entre les États-Unis et l’Amérique du Sud.</p>
<p>L’explorateur était passionné par la doctrine Monroe. Selon cette idéologie, les États-Unis pouvaient considérer toute intervention européenne en Amérique latine comme une agression. En bref : « l’Amérique aux Américains ». Mais ses théories allaient plus loin : dans l’un de ses ouvrages, il proposait même d’envahir le <a href="https://www.jstor.org/stable/29738367">Mexique</a>. Bien que sa proposition n’ait pas été mise en œuvre, ces ouvrages ont suscité des débats sur les relations entre les États-Unis et <a href="https://revistas.unlp.edu.ar/aportes/article/view/13965">l’Amérique latine</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme habillé en explorateur au sommet d’un pont tandis qu’un autre homme regarde la caméra depuis la route en contrebas" src="https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=898&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533492/original/file-20230622-15-t7d0un.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue d’Hiram Bingham III au sommet d’un pont à Espiritu Pampa, au Pérou, à côté de l’un des habitants qui l’ont aidé.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hiram_Bingham_at_Espiritu_Pampa_ruins_1911.jpg">Harry Ward Foote/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ses expéditions au Pérou étaient pacifiques, mais pas inoffensives. Outre les trésors, il cherchait à démontrer la supériorité scientifique <a href="https://muse.jhu.edu/pub/4/article/40208">américaine</a>. Selon ses travaux, si l’avenir de l’Amérique latine appartenait aux États-Unis, son passé aussi.</p>
<p>Ses idées sur le rôle du pays en tant que gardien des nations latino-américaines font partie de la culture académique de l’époque. En outre, l’explorateur a extrait d’énormes quantités de vestiges archéologiques du Pérou. Les autorités l’ont autorisé à le faire à condition qu’il les restitue 18 mois plus tard, ce qui n’a pas été le cas.</p>
<p>Ce pillage en règle a provoqué des critiques au Pérou, critiques qui ont mis fin à ses expéditions. Cela a convaincu Bingham de la nécessité de rétablir l’hégémonie américaine sur la région. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles <a href="https://dx.doi.org/10.5406/26395991.61.1.03">il est entré en politique</a>.</p>
<p>Dans le même temps, les autorités péruviennes ont exigé pendant des années la restitution des pièces que Bingham avait emportées, tandis que l’université de Yale défendait son droit de les conserver.</p>
<p>Il n’est pas surprenant que les aventures d’Indiana Jones aient fait l’objet de nombreuses critiques au Pérou, et pas seulement en raison du parallèle entre Bingham et le héros de fiction. Le quatrième volet, <a href="https://www.imdb.com/title/tt0367882/"><em>Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal</em></a>, donnait une piètre image du pays, et les références à son histoire étaient truffées d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=jE5lVpYVwbA">erreurs aussi amusantes qu’offensantes</a> – par exemple, que Jones avait appris la langue andine quechua du Mexicain Pancho Villa.</p>
<p>Sa sortie a également coïncidé avec la controverse sur la <a href="https://doi.org/10.1057/9781137035608_3">restitution des vestiges archéologiques</a>. Heureusement, celle-ci a finalement été résolue en 2011-2012, lorsque Yale a <a href="https://news.yale.edu/2015/06/04/peru-yale-partnership-future-machu-picchu-artifacts">remis les objets au Pérou</a>.</p>
<h2>Relations de travail conflictuelles</h2>
<p>L’un des personnages les plus mémorables du deuxième volet de la saga, <em>Indiana Jones et le temple maudit</em> était Tapon, un enfant orphelin que l’archéologue protégeait.</p>
<p>Il semble que Bingham ait eu un rapport à l’enfance plus complexe que Jones, puisqu’il était opposé à l’abolition du travail des <a href="https://dx.doi.org/10.5406/26395991.61.1.03">enfants</a>. En effet, ses expéditions impliquaient le travail forcé d’enfants. L’un d’entre eux s’est noyé dans une rivière alors qu’il transportait du matériel photographique et, bien qu’il s’agisse d’un accident, la <a href="http://www.christopherheaney.net/tumbas-de-machu-picchu/excerpts">nouvelle</a> n’a pas été bénéfique pour son image.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Photographie en noir et blanc d’un homme habillé en explorateur s’appuyant sur un poteau dans sa tente" src="https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=936&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/533494/original/file-20230622-27-utxd4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1177&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photo de Hiram Bingham III à la porte de sa tente près de Machu Picchu en 1912.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hiram_Bingham_III_at_his_tent_door_near_Machu_Picchu_in_1912.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce ne sont pas les seules pratiques douteuses de l’explorateur. Bingham a découvert des ruines en mettant le feu à la végétation qui les recouvrait. Il a travaillé avec des chasseurs de trésors. Il a organisé un réseau d’achat d’ossements humains. Ce qui l’intéressait le plus, c’était les crânes, surtout s’ils présentaient des anomalies ou des <a href="https://read.dukeupress.edu/ethnohistory/article-abstract/59/2/293/9023/Collecting-a-Lost-City-For-Science-Huaquero-Vision">trépanations</a>.</p>
<p>Comme l’archéologue dans <em>Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal</em>, Bingham a également lutté <a href="https://dx.doi.org/10.5406/26395991.61.1.03">contre les communistes</a> pendant la guerre froide. Mais il l’a fait en participant à la chasse aux sorcières du <a href="https://www.britannica.com/event/McCarthyism">maccarthysme</a>, une persécution de personnes soupçonnées d’être communistes sur la base de déclarations, d’accusations infondées, de dénonciations, d’interrogatoires, de procès irréguliers et de listes noires.</p>
<p>Si un historien d’aujourd’hui devait agir comme Bingham l’a fait dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, il ne jouirait d’aucune légitimité. Pourtant, sa figure est toujours <a href="http://archives.yalealumnimagazine.com/issues/02_12/machupicchu.html">louée au XXIᵉ siècle</a> et des livres célébrant ses <a href="https://www.google.es/books/edition/Hiram_Bingham_and_the_Dream_of_Gold/ZzSsBgAAQBAJ?hl=es&gbpv=1&dq=Hiram+Books+and+Machu+Picchu&printsec=frontcover">découvertes</a> sont toujours publiés. Ses interprétations étaient erronées, mais ses découvertes ont alimenté des débats qui ont élargi nos connaissances.</p>
<p>De nombreux étudiants en histoire ou en archéologie prennent à la rigolade le fait que l’on assimile leur travail à celui d’Indiana Jones. Certains historiens s’inquiètent de l’image déformée de leur profession que donnent ces films.</p>
<p>Mais ce qui serait plus inquiétant, c’est que nos méthodes de sauvetage du passé ressemblent à celles du personnage réel qui a inspiré ce héros.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209015/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jose Miguel Escribano Páez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’explorateur Hiram Bingham III aurait inspiré le personnage d’Indiana Jones, mais était-il aussi héroïque que l’archéologue du grand écran ?Jose Miguel Escribano Páez, Profesor Contratado Doctor en Historia Moderna, Universidad Pablo de OlavideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083022023-06-22T10:50:18Z2023-06-22T10:50:18ZSubmersible du Titanic : le point de vue d’un expert sur les conditions de sécurité <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533436/original/file-20230622-27-iafkau.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=132%2C172%2C1784%2C991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le submersible Titan n'a toujours pas été retrouvé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">OceanGate</span></span></figcaption></figure><p>Les cinq passagers du submersible <em>Titan</em> disparu depuis quatre jours près de l’épave du <em>Titanic</em> sont considérés comme morts, a annoncé le jeudi 22 juin l’entreprise OceanGate, organisatrice de l’expédition. Dans le même temps, les garde-côtes américains ont précisé qu’un navire sous-marin avait localisé un « champ de débris », situé par 3 800 mètres de fond.</p>
<p>Si les circonstances de l’accident ne sont pas encore connues, ce drame interroge sur la sécurité de telles expéditions.</p>
<p>Le contexte dans lequel le <em>Titan</em> a disparu est inquiétant. Des rapports <a href="https://newrepublic.com/post/173802/missing-titanic-sub-faced-lawsuit-depths-safely-travel-oceangate">détaillant des documents judiciaires</a> issus d’une affaire datant de 2018 montrent qu’OceanGate a licencié un employé, David Lochridge, après qu’il a exprimé des inquiétudes quant à la sécurité du submersible.</p>
<p>Lochridge n’était pas d’accord avec OceanGate sur la meilleure façon de démontrer la navigabilité de l’engin, et s’est opposé à la décision d’OceanGate d’effectuer des plongées sans <a href="https://www.cofrend.com/jcms/mdc_110743/fr/les-essais-non-destructifs">« essais non destructifs »</a> préalables sur la coque du navire pour prouver son intégrité. Ces derniers visent à caractériser l’état d’intégrité des structures ou de matériaux de l’engin.</p>
<p>Toujours en 2018, une <a href="https://www.nytimes.com/2023/06/20/us/oceangate-titanic-missing-submersible.html">lettre envoyée</a> à OceanGate par le Comité des véhicules sous-marins habités de la <em>Marine Technology Society</em>, signée par 38 experts, a exprimé des réserves quant à la sécurité du submersible. Ils <a href="https://int.nyt.com/data/documenttools/marine-technology-society-committee-2018-letter-to-ocean-gate/eddb63615a7b3764/full.pdf">y affirment notamment que</a> « l’approche expérimentale adoptée par OceanGate pourrait entraîner des incidents (de mineurs à catastrophiques) qui auraient de graves conséquences pour tous les acteurs de l’industrie ».</p>
<p>Comme on peut le constater à la lecture de ces échanges, l’ingénierie et la réglementation des submersibles de haute mer restent un territoire quelque peu inexploré. Et comme le <em>Titan</em> opère dans les eaux internationales, il est techniquement <a href="https://time.com/6288552/what-is-submersible-titanic-tourist/">libre de toute gouvernance</a> par les réglementations d’un seul pays.</p>
<p>Dans ce cas, la plupart des concepteurs de submersibles choisissent de faire certifier la conception du navire par une société de classification. Il apparaît qu’OceanGate ne l’aurait pas fait pour le <em>Titan</em>.</p>
<h2>La navigabilité des submersibles</h2>
<p>Lorsque l’on parle de « navigabilité » d’un navire, on se demande surtout s’il est adapté à l’usage auquel il est destiné, s’il peut être exploité en toute sécurité et s’il est conforme aux normes de protection de l’environnement.</p>
<p>Pour le <em>Titan</em>, l’aptitude à l’usage pourrait se résumer à la capacité de se lancer en toute sécurité à partir d’un vaisseau mère à la surface de l’eau, de fonctionner de manière autonome jusqu’à 4 000 m (la profondeur approximative de l’épave du <em>Titanic</em>) et de refaire surface pour être récupéré par le vaisseau mère après une plongée de quelques heures.</p>
<p>La sécurité d’exploitation signifie qu’aucun équipement n’est endommagé et qu’aucun passager n’est susceptible d’être blessé (ou pire) à bord. La protection de l’environnement signifie que le submersible n’aura pas d’impact significatif sur son environnement, par exemple en polluant ou en perturbant l’écosystème.</p>
<p>Toutefois, il s’agit là d’un scénario optimiste. Les submersibles de haute mer évoluent dans un environnement hostile et les choses peuvent mal tourner.</p>
<h2>Résistance à la pression</h2>
<p>La forme des submersibles et des sous-marins est due au fait que les sphères et les cylindres sont géométriquement plus résistants aux pressions d’écrasement.</p>
<p>Au lieu de fonctionner dans une atmosphère respirable de 1 bar, le <em>Titan</em> doit résister à une pression de 370 bars dans l’eau de mer à la profondeur du <em>Titanic</em>. Tout défaut dans la coque pourrait entraîner une implosion instantanée. Quel est donc le seuil en dessous duquel une géométrie « hors-circulaire » devient un défaut ?</p>
<p>Les industries qui utilisent des navires sous-marins à des profondeurs de quelques centaines de mètres utilisent souvent des coques en acier, qui ont généralement un seuil de hors-circularité inférieur à 0,5 % du diamètre du navire. Ce critère serait-il suffisamment sûr pour la coque pressurisée du <em>Titan</em> à 4 000 mètres ?</p>
<p>Le <em>Titan</em> est constitué d’une coque composite en fibre de carbone et en titane. Il est extrêmement compliqué de concevoir et d’évaluer structurellement ces matériaux, par rapport à un matériau métallique uniquement. On peut supposer que c’est la raison pour laquelle OceanGate a équipé le <em>Titan</em> d’un « système de surveillance en temps réel de l’état de la coque ».</p>
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<p>On ne sait pas si ce système mesure réellement les contraintes à l’aide de jauges dans la coque, ou s’il s’agit (<a href="https://www.insider.com/titanic-submersible-only-warns-milliseconds-before-hull-failure-fired-executive-2023-6">comme l’a averti Lochridge</a>) d’une analyse acoustique qui n’alerterait les gens que sur des problèmes imminents « souvent quelques millisecondes avant une implosion ».</p>
<p>La sécurité de l’intégrité de la coque sous pression nécessite l’analyse de différents modes de défaillance, avant de déterminer un coefficient de sécurité pour chaque mode, en fonction de la profondeur de plongée visée.</p>
<p>Une fois la conception vérifiée (par les calculs), la validation en conditions réelles doit se faire en deux étapes.</p>
<p>Des essais non destructifs doivent être effectués sur la coque sous pression fabriquée, afin de vérifier la précision de sa géométrie et tout aspect hors-circulaire.</p>
<p>Ensuite, des plongées réelles (idéalement sans équipage) devraient être effectuées à des profondeurs progressivement croissantes, avec des jauges de contrainte utilisées pour mesurer les valeurs réelles par rapport aux prévisions. Nous ne savons pas si le <em>Titan</em> a subi de tels tests.</p>
<h2>Sauvegardes et redondance</h2>
<p>Lors de la conception de l’architecture fonctionnelle et de la sélection des équipements, le concepteur doit envisager un certain nombre de scénarios de secours :</p>
<ul>
<li><p>que se passe-t-il si les sources d’énergie principales tombent en panne ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon ordinateur tombe en panne et que le pilote perd le contrôle ?</p></li>
<li><p>que se passe-t-il si mon principal système de communication tombe en panne ?</p></li>
<li><p>comment le submersible peut-il signaler au vaisseau mère qu’il y a un problème ?</p></li>
</ul>
<p>Ces scénarios obligent les architectes navals à garantir ce que l’on appelle une sécurité SFAIRP (<em>so far as is reasonably practicable</em>, ou dans la mesure du possible). Il s’agit non seulement d’atténuer les conséquences d’un accident, mais aussi d’empêcher qu’il ne se produise.</p>
<p>Concrètement, cela signifie qu’il faut disposer</p>
<ul>
<li><p>d’une réserve d’oxygène (par exemple, en attendant une équipe de secours) ;</p></li>
<li><p>de sources d’énergie principales fiables <em>et</em> de systèmes de secours ;</p></li>
<li><p>d’une autre source d’énergie (hydraulique, par exemple) en cas de perte d’énergie – ce qui permettrait, par exemple, de libérer les câbles de sécurité pour obtenir une flottabilité positive et remonter à la surface.</p></li>
</ul>
<p>Chacun de ces systèmes devrait faire l’objet d’une vérification (théorique) et d’une validation (tests) spécifiques pour l’environnement en question.</p>
<p>Les équipements disponibles dans le commerce peuvent éventuellement être installés à bord, à condition de démontrer qu’ils sont adaptés à différents scénarios. Toutefois, la plupart des composants externes (en raison de la pression d’écrasement) et des systèmes de sécurité devraient être conçus sur mesure.</p>
<p>Selon les rapports, le <em>Titan</em> utilisait certains équipements « prêts à l’emploi », mais il est difficile de dire s’ils étaient certifiés pour l’utilisation prévue à ces profondeurs.</p>
<h2>Systèmes de sécurité</h2>
<p>Dans le cas du <em>Titan</em>, un câble de liaison avec le vaisseau mère aurait assuré une communication bidirectionnelle instantanée et un taux d’échange de données plus élevé. Mais ces câbles peuvent s’emmêler avec des dangers potentiels sur le site d’une épave.</p>
<p>C’est pourquoi les câbles sont surtout utilisés pour les véhicules sans pilote ; les submersibles habités préfèrent faire confiance au pilote. Les GPS, les téléphones portables par satellite et les systèmes d’identification automatique ne peuvent pas non plus être utilisés sous l’eau. Ces outils utilisent des ondes électromagnétiques qui ne se propagent pas en profondeur (bien qu’elles puissent être utilisées en surface).</p>
<p>Certains sous-marins sont équipés d’une balise de détresse, l’équivalent d’une radiobalise de localisation des sinistres (RLS). Cette balise peut être déclenchée sur ordre du capitaine ou par l’intermédiaire d’un interrupteur « homme mort » ; si le pilote répond à un test à intervalles réguliers, une absence soudaine de réponse conduit le système à supposer que l’équipage n’est pas en mesure de le faire. Il s’agit d’une technique enseignée aux équipages des sous-marins militaires lorsqu’ils s’échouent au fond de la mer.</p>
<p>Un émetteur acoustique à haute fréquence serait encore plus efficace, car il offrirait une précision directionnelle permettant de localiser un submersible en détresse.</p>
<p>Un certain nombre de situations peuvent également se produire à la surface, dans le cas où le <em>Titan</em> aurait flotté jusqu’à la surface. Même s’il l’a fait (ou le fera), l’équipage et les passagers ne peuvent pas ouvrir l’écoutille boulonnée du vaisseau. Ils devront probablement continuer à faire face à l’atmosphère potentiellement polluée à l’intérieur.</p>
<p>La couleur blanche du <em>Titan</em> complique encore les choses, ce qui le rendrait plus difficile à repérer dans la mer à cause de l’écume des vagues. C’est pourquoi les objets flottants détectés depuis le ciel sont généralement de couleur orange ou jaune, ce qui leur confère une plus grande visibilité.</p>
<h2>L’avenir des submersibles de haute mer</h2>
<p>L’équipage et les passagers du <em>Titan</em> seront peut-être sauvés. Mais si le pire se produit, l’expertise médico-légale se demandera inévitablement si le <em>Titan</em> a respecté les seuils de base pour démontrer sa navigabilité.</p>
<p>Bien que diverses sociétés de classification proposent un ensemble de règles pour les sous-marins commerciaux et les submersibles, le choix de suivre ces règles reste un processus volontaire (que l’assureur de l’engin encourage généralement).</p>
<p>Il est temps de reconnaître qu’aller en profondeur est aussi complexe, sinon plus, que d’aller dans l’espace – et qu’assurer la sécurité des submersibles devrait être plus qu’une question de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Fusil est affilié à la Royal Institution of Naval Architects and Engineers Australia.</span></em></p>La plupart des concepteurs de submersibles doivent faire certifier la conception de leur navire par une société de classification.Eric Fusil, Associate Professor, School of Electrical and Mechanical Engineering, University of AdelaideLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2082202023-06-21T10:01:51Z2023-06-21T10:01:51ZSubmersible disparu près du Titanic : qu’est-ce qui a pu mal tourner ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533131/original/file-20230621-24-dsgdgu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1920%2C1060&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le submersible manquant a été crée par OceanGate. Baptisé _Titan_, il peut emmener cinq personnes à des profondeurs allant jusqu’à 4, 000 mètres.</span> <span class="attribution"><span class="source">OceanGate</span></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/live/2023/06/21/sous-marin-disparu-pres-de-l-epave-du-titanic-les-recherches-se-poursuivent-des-bruits-sous-l-eau-ont-ete-detectes_6178545_3224.html">vaste opération de recherche et de sauvetage</a> est en cours pour retrouver un submersible commercial qui a disparu lors d’une plongée vers l’épave du <em>Titanic</em>.</p>
<p>Selon les garde-côtes américains, le contact avec le submersible a été perdu environ une heure et 45 minutes après le début de la plongée, avec cinq personnes à bord. Le navire n’a plus envoyé de <a href="https://www.9news.com.au/world/titanic-submersible-search-oceangate-expeditions-vessel-missing-as-us-coast-guard-launches-search/9d7352d8-6a6d-4dc1-afac-ce07dc63cea3">signal</a> à partir de 21 h 13, heure locale, dimanche.</p>
<p>L’expédition était organisée par la société américaine OceanGate dans le cadre d’un voyage de huit jours. Les clients avaient payé 250 000 dollars par personne pour visiter le site de l’épave. Dès <a href="https://edition.cnn.com/americas/live-news/titanic-submersible-missing-search-06-19-23/h_c2b5400daf8538d8717f50c619d762ac">lundi en fin de matinée</a>, le contre-amiral John Mauger, garde-côte américain, a déclaré que le bateau disposait probablement de 70 à 96 heures d’oxygène pour les passagers.</p>
<p>L’épave du <em>Titanic</em> repose à quelque 3 800 mètres de profondeur dans l’Atlantique, à environ 700 km au sud de l’ile de Terre-Neuve. Trouver un véhicule sous-marin de la taille d’un petit bus dans cette vaste étendue d’océan n’est pas une mince affaire.</p>
<p>Voici ce à quoi les équipes de recherche et de sauvetage sont confrontées.</p>
<h2>Les caractéristiques du submersible <em>Titan</em> d’OceanGate</h2>
<p>Les submersibles sont des embarcations habitées qui se déplacent de la même manière que les sous-marins, mais dans un rayon d’action beaucoup plus limité. Ils sont souvent utilisés à des fins de recherche et d’exploration, notamment pour rechercher des épaves et documenter les environnements sous-marins. Contrairement aux sous-marins, ils disposent généralement d’un hublot permettant aux passagers de regarder à l’extérieur, ainsi que de caméras extérieures offrant une vue plus large autour du submersible.</p>
<p>Le submersible manquant en question a été crée par OceanGate. Baptisé <a href="https://oceangate.com/our-subs/titan-submersible.html"><em>Titan</em></a>, il peut emmener cinq personnes à des profondeurs allant jusqu’à 4 000 mètres. Le <em>Titan</em> mesure environ 7 mètres de long et sa vitesse est d’environ 3 nœuds, soit 5,5 km par heure. Bien que les submersibles sont souvent reliés à un navire de surface par un filin, la vidéo et les photos suggèrent que le <em>Titan</em> fonctionnait probablement indépendamment du navire de surface. Selon le site web d’OceanGate, il est utilisé </p>
<blockquote>
<p>« pour l’étude et l’inspection de sites, la recherche et la collecte de données, la production de films ou de contenus pour les médias, et les tests de matériel et de logiciels en haute mer ».</p>
</blockquote>
<p>Il est également équipé d’un « système de surveillance en temps réel de l’état de la coque (RTM) ». Ce système devrait comprendre des jauges de contrainte pour surveiller l’état de la coque en fibre de carbone du <em>Titan</em>. Une jauge de contrainte est un type de capteur qui peut mesurer la force appliquée et les petites déformations du matériau résultant de changements de pression, de tension et de poids.</p>
<p>La coque en fibre de carbone du <em>Titan</em> relie deux dômes en titane composite, un matériau capable de résister aux pressions des grands fonds. À 3 800 m sous le niveau de la mer (la profondeur du <em>Titanic</em>), on peut s’attendre à des pressions environ 380 fois supérieures à la pression atmosphérique à laquelle nous sommes habitués à la surface de la Terre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Plusieurs formes semblables à des tubes sur une plate-forme rectangulaire en béton sous l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532840/original/file-20230620-23-c6k9lo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Titan sur la plate-forme de lancement sous l’eau, en attente d’un signal pour commencer la plongée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://oceangate.com/gallery/gallery-titan.html#nanogallery/titangallery/0/4">OceanGate</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Communication et sauvetage</h2>
<p>Le <em>Titan</em> aurait eu une liaison acoustique avec son navire de surface, établie grâce à un transpondeur (un dispositif permettant de recevoir un signal sonar) à son extrémité, et un émetteur-récepteur (un dispositif qui peut à la fois transmettre et recevoir des communications) sur le navire de surface.</p>
<p>Cette liaison permet le positionnement acoustique sous-marin, ainsi que l’envoi de courts messages textuels vers le navire de surface, mais la quantité de données pouvant être échangées est limitée et comprend généralement des informations de télémétrie de base et des informations sur l’état de l’appareil.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Le <em>Titan</em> est un bateau alimenté par batterie. Étant donné qu’il a perdu tout contact avec son navire de surface, il est possible qu’il ait subi une panne d’électricité. Idéalement, il devrait y avoir une source d’énergie de secours (telle qu’une batterie indépendante) pour maintenir l’équipement d’urgence et de survie, mais il n’est pas certain que le navire disparu disposait d’une telle source d’énergie de secours.</p>
<p>Selon les rapports, au moins deux avions, un sous-marin et des bouées sonar ont été utilisés pour rechercher le navire. Les bouées sonar sont à l’écoute des bruits sous-marins, y compris des éventuelles balises de détresse qui se seraient déclenchées.</p>
<p>L’un des principaux défis de l’opération de sauvetage sera de faire face aux conditions météorologiques, qui réduiront encore davantage une fenêtre de recherche déjà étroite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une image bleu foncé avec une forme de tube flottant dans le tiers inférieur" src="https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532842/original/file-20230620-49349-cnzdk6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=518&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Titan commençant une plongée à 4 000 m sous l’eau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://oceangate.com/gallery/gallery-titan.html#nanogallery/titangallery/0/1">OceanGate</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Que s’est-il passé ?</h2>
<p>Dans le meilleur des cas, le <em>Titan</em> peut avoir perdu de l’énergie et disposer d’un système de sécurité intégré qui l’aidera à remonter à la surface. Par exemple, il peut être équipé de poids supplémentaires qui peuvent être largués pour augmenter instantanément sa flottabilité et le ramener à la surface.</p>
<p>Il se peut aussi que le navire ait perdu sa puissance et se soit retrouvé au fond de l’océan. Il s’agit là d’une issue plus problématique.</p>
<p>Le pire scénario est celui d’une défaillance catastrophique de son logement sous pression. Bien que la coque composite du <em>Titan</em> soit conçue pour résister aux pressions intenses des grands fonds, tout défaut de forme ou de construction pourrait compromettre son intégrité, ce qui entraînerait un risque d’implosion.</p>
<p>Une autre possibilité est qu’il y ait eu un incendie à bord, par exemple à cause d’un court-circuit électrique. Cela pourrait compromettre les systèmes électroniques du véhicule qui sont utilisés pour la navigation et le contrôle du navire. Les incendies sont un événement désastreux dans les environnements sous-marins fermés et peuvent potentiellement mettre l’équipage et les passagers en danger de mort.</p>
<p>Le temps est un facteur essentiel. Les équipes de recherche et de sauvetage devront trouver le navire avant que ses <a href="https://web.archive.org/web/20230331121053/https://oceangateexpeditions.com/tour/titanic-expedition/">réserves limitées</a> d’oxygène et d’eau ne s’épuisent.</p>
<p>Les milieux scientifiques débattent en permanence de l’intérêt potentiel des submersibles habités, car chaque déploiement comporte un risque pour la sécurité.</p>
<p>À l’heure actuelle, la plupart des recherches sous-marines et des travaux industriels en mer sont menés à l’aide de véhicules robotisés et sans pilote. La perte d’un de ces véhicules peut compromettre les travaux en cours, mais au moins les vies ne sont pas en jeu. À la lumière de ces événements, les risques liés à l’utilisation de ces systèmes pour le tourisme en haute mer feront probablement l’objet de discussions intenses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefan Williams travaille pour l'université de Sydney. Il bénéficie d'un financement de l'Australian Research Council, du Integrated Marine Observing System et du Trusted Autonomous Systems Defence Cooperative Research Centre pour des travaux liés au développement et au déploiement de systèmes robotiques marins.</span></em></p>Un expert explique certains des meilleurs et des pires scénarios possibles pour l’embarcation commerciale disparue.Stefan B. Williams, Professor, Australian Centre for Field Robotics, University of SydneyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1945602022-11-22T19:27:29Z2022-11-22T19:27:29ZLe naturaliste Alexander von Humboldt, « inventeur » de l’écologie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496725/original/file-20221122-22-uz0dc1.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C862%2C715&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait of Alexander von Humboldt par
Friedrich Georg Weitsch, 1806. Alte Nationalgalerie, Berlin. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://artsandculture.google.com/asset/bildnis-alexander-von-humboldt/zAGegDX7ldHamQ?hl=fr">Google arts and Culture</a></span></figcaption></figure><p>À l’époque où les humains expérimentent les <a href="https://www.chateauversailles.fr/decouvrir/histoire/grandes-dates/premier-vol-montgolfiere">premières ascensions en ballon</a>, les <a href="https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/40014">premières navigations à vapeur sur l’eau</a> et où les premiers ingénieurs <a href="https://www.slate.fr/story/220854/quand-comment-ou-naissance-chemin-de-fer-rails-wagons-vapeur-locomotive-trains-inventeurs">inventent les trains</a>, les explorateurs européens <a href="http://classes.bnf.fr/essentiels/albums/voyage/">sillonnent la planète</a> pour remplir les <em>terrae incognitae</em> de la carte du monde. Entre 1780 et 1830, comment tracent-ils leurs sillons ? Par les moyens les plus rudimentaires : la navigation et la marche. La carte du monde qui se dessine dans les <a href="https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/metier/d6cacd63-26d3-4837-ae4f-2da45a90ec2f-travaux-publics/article/84b837ec-3b75-44d1-a5df-58ce3d181a72-mesurer-terre-histoire-la-topographie">cabinets des topographes</a> est celle de scientifiques qui relient les étoiles à la Terre, et usent de la triangulation pour étaler sur des feuilles leurs calculs.</p>
<p>Ces passionnés de la mesure, ces techniciens offrent leurs services aux pouvoirs politiques avides de connaître les richesses de leur sous-sol et de dessiner des frontières. Ces aventuriers n’ont peur de rien. À la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, la rugosité du monde physique ne lève pas les doutes. Le ciel a bien été vidé de ses divinités par les Copernic, Galilée et autre Newton, mais la Terre ? Les océans ? Les montagnes ? Les forêts ? Qui peut bien expliquer par une physique raisonnée comment fonctionne cette machine très complexe qu’est la planète Terre ?</p>
<h2>La Terre comme un organisme vivant</h2>
<p>Celui qui veut donner le premier récit d’une Terre comme un organisme vivant, c’est Alexander von Humboldt. Contrairement à Christophe Colomb ou Isaac Newton, Humboldt n’a pas découvert de nouveaux continents, il n’a pas formulé de nouvelles lois de la physique, mais il apporte une nouvelle vision du monde. Et à ce titre, pour <a href="https://ash.univ-tours.fr/version-francaise/actualites/juliette-grange">Juliette Grange</a>, il est bien le père de l’écologie. </p>
<p>Selon sa biographe Andrea Wulf, ses idées sont devenues si courantes qu’il a disparu derrière leur évidence. Pour comprendre la grave crise écologique actuelle, nous avons besoin de Humboldt. Déjà en 1801, le savant allemand percevait combien les humains étaient capables de « ravager » la Terre. « L’équilibre général qui règne au milieu des perturbations est le résultat d’une infinité de forces mécaniques et d’attractions chimiques qui se balancent les unes par les autres ». La Terre, poursuivait-il, est « une entité naturelle mue et animée par une même impulsion ».</p>
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<h2>Oublié à la fin du XIXᵉ siècle</h2>
<p>Alors qu’Alexander von Humboldt a été adulé de son vivant, il a été oublié à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. En France où il a pourtant passé plus du tiers de sa vie, il était très proche de tous les scientifiques sans appartenir au monde académique et il refusait tout poste de responsabilité. L’historien <a href="https://explore.psl.eu/fr/le-magazine/expositions-virtuelles/les-freres-humboldt-leurope-de-lesprit">David Blankenstein</a> pense qu’il fait partie de « ces nombreux Allemands effacés de la perspective française après la défaite de 1871 » alors qu’il est pour l’Américain Ralph Waldo Emerson « l’homme le plus connu de son époque après Napoléon ». </p>
<p>Il a donné son nom à un célèbre courant marin dans le Pacifique, à de multiples chaînes de montagnes en Chine, en Afrique du Sud, en Océanie, au Mexique et au Venezuela, à des dizaines de rivières, des chutes d’eau, des parcs, des geysers et des baies. On trouve son nom jusque sur la Lune avec une Mare Humboltianum. Plus d’une dizaine de villes (treize en Amérique du Nord) et des comtés lui empruntent leur nom. Un nom qu’on retrouve sur environ trois cents plantes et cent animaux, ainsi que sur des dizaines de minéraux. Alexander von Humboldt bat le record au monde des toponymes commémorant un nom, dépassant tous les présidents, les rois, les savants – y compris Léonard de Vinci et Louis Pasteur, Newton et Einstein – et les artistes.</p>
<p>Dans sa longue vie quasi biblique – il meurt à l’âge de quatre-vingt-dix ans –, il a passé l’essentiel de son temps à se confronter au monde physique pour connaître la Terre. Si les maîtres du monde colonial du XIX<sup>e</sup> siècle, les Anglais l’empêchent de mettre le pied en Asie du Sud et du Sud-Est où il aurait aimé explorer l’Himalaya, il parvient à réaliser deux grands voyages. Seul, il organise le premier de 1799 à 1804 avec l’appui du roi d’Espagne Charles IV, une expédition qui dure cinq années sous les tropiques de l’Amérique latine. Un autre lui est proposé par le tsar russe Nicolas I<sup>er</sup> en Asie du Nord-Est jusqu’au pied de l’Altaï durant sept mois en 1829.</p>
<h2>Un voyage fondateur</h2>
<p>Le récit de son premier voyage a connu une postérité exceptionnelle ; il a enrichi toute la vie de Humboldt. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yYAXNRW-Tg4">Kenneth White</a> pense que ce n’était ni une aventure, ni un vagabondage mais un vrai « plan de travail, un plan de vie ». Le récit détaillé de ces <a href="https://www.babelio.com/livres/Humboldt-Voyages-dans-lAmerique-Equinoxiale-tome-1--Itine/54445"><em>Voyages dans l’Amérique équinoxiale</em></a> a inspiré de jeunes savants comme Charles Darwin qui a payé sa dette envers Humboldt en le citant autant que possible.</p>
<p>Cette expédition n’a cessé d’être analysée, tant elle est dense et ambitieuse. Avec la crise écologique actuelle, elle a gardé toute son actualité. Son heure pourrait être à nouveau venue. Humboldt n’a-t-il pas, à partir de ses observations du lac Valencia au Venezuela en 1800, pesté contre les dégâts causés par les plantations coloniales ? Il y déplorait la stérilisation des sols liée à une déforestation brutale, la disparition de la végétation liée à un usage intensif de l’eau. </p>
<p>Il y voyait ce qu’on appelle aujourd’hui une boucle de rétroaction négative, avec la forêt tropicale jouant un rôle central dans le cycle de l’eau et le réchauffement global provoqué par la perturbation de ce qu’on appellera au XX<sup>e</sup> siècle le cycle géochimique du carbone. N’est-ce pas là formuler, de manière limpide, le rôle des activités humaines dans le changement climatique qui a ouvert une nouvelle ère dans le temps géologique qu’on appelle l’anthropocène ?</p>
<h2>« Chaque canton du globe est le reflet de la nature entière »</h2>
<p>Humboldt s’est donné de considérables moyens techniques pour parvenir à son objectif car, dit-il, « mon attention est l’harmonie des forces concurrentes, l’influence de l’univers inanimé sur le règne animal et végétal. » Il lui faut traquer et nommer ces « forces ». Dans l’Amérique tropicale, il ne visite aucun lieu sans noter sur ses carnets l’évolution de la température, la pression et l’électricité de l’air, la température d’ébullition de l’eau, les mélanges gazeux atmosphériques, le champ magnétique, le bleu du ciel, les espèces de plantes et d’animaux et leurs associations, ainsi que les roches. Tout en s’émerveillant des paysages, il se comporte comme un physicien qui aurait sorti ses instruments du laboratoire.</p>
<p>Pour <a href="https://u-paris.fr/centre-politiques-terre/teams/jerome-gaillardet/">Jérôme Gaillardet</a>, il va plus loin que nos sens communs, il « mathématise » le monde pour imaginer une physique du globe, en mettant en relation ses mesures des gradients dans l’espoir de faire naître des relations causales. « Chaque canton du globe est le reflet de la nature entière » écrira Humboldt dans <em>Cosmos</em>. En comparant la carte mondiale du champ magnétique qu’il avait établie avec celle révélée aujourd’hui – avec l’aide des satellites –, on est bluffé par l’exactitude des mesures de cet Eratosthène du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
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<p>Durant ses années parisiennes, Alexander von Humboldt vit dans un triangle magique du Quartier latin, entre l’Observatoire, l’Institut et le Muséum, visitant ou travaillant avec les sommités scientifiques que furent Monge, Gay-Lussac, Cuvier, Berthollet, Arago, Thénard, Vauquelin, eux-mêmes rappelant les filiations d’avec les Lavoisier, Lamarck, Chaptal, Jussieu, Delambre, Laplace… Il ne manque pas une séance de la classe des sciences de l’Institut de France, où il ne fait pas moins de trois lectures dans le courant de 1798 et l’Académie des sciences lui rend un solennel hommage en 1806. L’année suivante, Humboldt et Bonpland offrent au Museum de Paris quarante-cinq caisses de plantes sèches, soit six mille échantillons et ils commencent la rédaction de leur Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, onze volumes in-folio et quatre cents gravures et soixante-dix cartes.</p>
<p>Alexander von Humboldt savait « battre du tambour », ce qui pour le germaniste Christian Helmreich, « fait partie du métier d’intellectuel ». En vibrionnant dans les salons les plus huppés de Paris, en conseillant les rois de France et de Prusse, en organisant des grandes conférences ouvertes à tout public à Berlin, il savait installer des paysages par une parole brillante, élaborer une géographie d’auteur. Brillant orateur, personne n’osait polémiquer avec lui.</p>
<p>Humboldt a été formé par l’élite allemande, de Goethe à Werner. Mais du fait des origines françaises de sa mère, Marie-Elisabeth Colomb, il écrit une grande partie de son œuvre en français, dans une langue qui lui permet de mieux exprimer ses idées « géopoétiques ». À cette époque, le romantisme allemand est très prégnant. Mais il est marqué par les conceptions mécanistes et vitalistes, la croyance en la raison et cette « machine de guerre » qu’est l’Encyclopédie des Lumières françaises. Cela lui donne un esprit très clair et Kenneth White ajoute une « vigueur de pensée, un encyclopédisme éclairé, un élan transnational et un désir d’unité ». Il confine les idées des religions dans ce qu’on nomme à l’époque les « traités de mœurs » et qu’il appelle, non sans ironie « les petits romans historiques » ou encore « les rêves géologiques comme ceux d’une genèse de la Terre ».</p>
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<span class="caption">Humboldt et Bonpland au pied du Chimborazo en Équateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hermann Buresch/RMN-Grand Palais</span></span>
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<p>Sans avoir intégré aucune institution scientifique, il n’en a pas moins échangé avec des centaines de chercheurs dans le monde entier. Il parvient à élaborer la notion de système dynamique dans lequel différents compartiments interagissent et concourent à la stabilité de l’ensemble. Pour Jérôme Gaillardet, « on n’est pas si loin de la manière dont les premiers chimistes Lavoisier, Bersélius, Bischof, Ebelmen… et le premier des géochimistes Vladimir Vernadsky commencent à décrire les cycles à la surface de la Terre […]. Humboldt est arrivé trop tôt pour voir dans le recyclage de la matière sur la Terre, un des mécanismes liant entre elles les choses qu’il a observées, mais il a inspiré clairement Vernadsky et, dans sa lignée, Lovelock, le père de la théorie Gaïa ».</p>
<h2>Préserver les biens communs</h2>
<p>C’est ainsi qu’Alexander von Humboldt est un savant à relire aujourd’hui. Pour entrer dans la complexité de sa pensée, le <em>Voyage en Amérique équinoxiale</em> – dont nous racontons ici les thématiques physiques – est la meilleure porte possible. Car Humboldt prend les routes océaniques et fluviales, il franchit des cols dans les Andes équatoriales dont il gravit les sommets volcaniques, il passe des déserts à la <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/botanique-foret-temperee-sempervirente-7253/">forêt sempervirente</a> et aux sommets enneigés. Hydrologue, géologue, volcanologue, écologue, il pose la question de la pérennité de cette fine pellicule du globe sur laquelle nous vivons que les géochimistes appellent <a href="http://impmc.sorbonne-universite.fr//fr/espace-grand-public/l_impmc_en_images/films_en_ligne/e-seminaire-la-zone-critique-interface-scientifique-jerome-gaillardet.html">« la zone critique »</a>.</p>
<p>Comment préserver ces biens communs que sont l’eau, l’air, les sols ? Nous ne sommes plus dans les faits scientifiques pour comprendre la planète Terre. Nous sommes dans les valeurs morales ou politiques. Nous sommes entrés dans l’anthropocène…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Géographie des plantes équinoxiales : Tableau physique des Andes et pays voisins</em>, Alexander von Humboldt (auteur), Aimé Bonpland (auteur), Anne-Charlotte de Schönberg (dessinateur), Louis Bouquet (graveur), 1805.</span>
<span class="attribution"><span class="source">St. Louis Missouri Botanical Garden, Peter H. Raven Library</span></span>
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<p>Dans ses <a href="https://www.editions-lepommier.fr/alexander-von-humboldt"><em>Tableaux de la nature</em></a>, livre qu’il chérissait parmi tous ceux qu’il a écrits, il explique que « les forces de la nature « coopèrent », en voulant à la fois engager l’imagination, la connaissance des choses dans leurs configurations cachées et relations plastiques profondes et, in fine, enrichir la vie par de nouvelles idées. Pour Kenneth White, « Humboldt est un scientifique, un intellectuel qui a une vision ». L’homme fait partie de la nature. Sa vision englobante fonde son voyage dans les terres tropicales et son projet de Cosmos, au terme de sa vie, qui nous mène des canyons aux étoiles et aux planètes.</p>
<hr>
<p><em>Gilles Fumey est l’auteur de <a href="https://www.doubleligne.com/catalogue/alexandre-de-humboldt"><em>Alexandre de Humboldt, l’eau et le feu</em></a>, Genève, Ed. Double-Ligne, 2022.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Fumey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alexander von Humboldt fut l’un des premiers savants à livrer le récit d’une Terre vue comme un organisme vivant.Gilles Fumey, Géographie culturelle de l'alimentation, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922542022-10-16T15:31:25Z2022-10-16T15:31:25ZL’expédition scientifique de Napoléon en Égypte, ou le savoir au service du pouvoir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489890/original/file-20221016-16-av4neh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1995%2C1278&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Napoléon en Egypte_, par Ulpiano Checa.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Napole%C3%B3n_en_Egipto_(Ulpiano_Checa).jpg">Poniol/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La campagne de Napoléon en Égypte (1798-1801) peut être décrite comme une entreprise pharaonique de l’époque moderne. Le déploiement de forces françaises est colossal, avec près de 40 000 hommes et quelque 300 navires. Et la défaite de l’armée de Bonaparte, assiégée par Nelson et les Mamelouks, est retentissante. Mais l’invasion de Napoléon a également amené des centaines de scientifiques français sur le Nil, qui ont fait de l’Égypte un véritable laboratoire moderne. Ils sont à l’origine de la découverte des trésors qui sont aujourd’hui exposés dans les musées d’Angleterre et de France.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488027/original/file-20221004-14-evcqry.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Napoléon Bonaparte en Égypte.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Napol%C3%A9on_Bonaparte_in_Egypt.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>La France révolutionnaire ne voulait pas seulement dominer une région sous l’Empire ottoman et barrer la route orientale de la Grande-Bretagne vers l’Inde. Elle a également cherché à réparer les revers coloniaux subis lors de la guerre de Sept Ans. Napoléon voulait non seulement prolonger ses victoires en Italie, mais aussi imiter Alexandre le Grand lui-même. Imprégnés de l’esprit des Lumières et de sa mission civilisatrice, les Français voulaient également répandre les Lumières chez un peuple qu’ils considéraient comme arriéré, mais qui avait été « le berceau de la civilisation ».</p>
<h2>Les 150 scientifiques de Napoléon en Égypte</h2>
<p>Quelque 150 scientifiques ont accompagné les troupes françaises de Napoléon. Ils étaient ingénieurs, géographes, naturalistes, médecins, architectes, cartographes et astronomes. La figure de l’académicien d’Ancien Régime fait place à un savant citoyen, engagé dans l’État et le progrès de l’humanité.</p>
<p>Napoléon crée une Commission des sciences et des arts, composée des membres les plus éminents de l’Institut national de France, héritier de l’Académie royale des sciences, supprimée par la Convention en 1793. À l’image de cet institut et avec les chercheurs de cette commission, il a fondé l’<a href="https://www.ifegypte.com/"><em>Institut d’Égypte</em></a> au Caire, une institution pionnière de l’égyptologie, toujours en activité et qui a subi de graves pertes dans un incendie lors du printemps arabe en 2011.</p>
<h2>Le laboratoire égyptien</h2>
<p>Pendant les campagnes militaires de Napoléon Bonaparte, l’Égypte est devenue un laboratoire, le théâtre de découvertes importantes dans diverses disciplines scientifiques.</p>
<p>La possibilité de construire un passage par le canal de Suez est étudiée et des cartes sont établies jusqu’en Haute-Égypte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488017/original/file-20221004-16-ukdnh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de la Basse-Égypte pendant la campagne française de Napoléon en Égypte et en Syrie, pour être utilisée dans le rapport sur le canal de Suez entre les deux mers. La carte est incluse dans <em>Description de l’Égypte</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://es.wikipedia.org/wiki/Description_de_l%27%C3%89gypte#/media/Archivo:NileDeltaNapoleon01.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.mnhn.fr/fr/cuvier-geoffroy-saint-hilaire-la-querelle-de-deux-brillants-scientifiques">Geoffroy Saint-Hilaire</a> a étudié et fait dessiner les espèces zoologiques indigènes. <a href="https://archives.seine-et-marne.fr/fr/marie-jules-cesar-lelorgne-de-savigny-1777-1851">Lelorgne de Savigny</a> a produit une histoire naturelle et mythologique de l’ibis (<em>Histoire naturelle et mythologique de l’ibis</em>), dont les restes momifiés ont été utilisés par Georges Cuvier pour soutenir que les espèces ne changeaient pas avec le temps, avant l’arrivée de Darwin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Linda Hall" src="https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488010/original/file-20221004-12-joav10.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illustration de momies d’ibis publiée dans <em>Histoire naturelle et mythologique de l’ibis</em> (Paris, 1805).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://napoleon.lindahall.org/images/learn/ibismummies.jpg">Linda Hall Library</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mathématicien <a href="https://www.senat.fr/evenement/archives/D30/monge.html">Gaspard Monge (1746-1818)</a>, comte de Péluse, l’un des pères de la géométrie descriptive, fut aussi l’un des plus grands confidents du jeune général Napoléon pendant la campagne d’Égypte. Il y étudie le phénomène optique des mirages dans le désert. Il rentre en France avec Napoléon le 23 août 1799, année où il publie son célèbre ouvrage <em>Géometrie descriptive</em>.</p>
<p>Berthollet, l’un des créateurs de la nomenclature chimique moderne, <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/1999-nov-225-NT30-Walter.pdf">a analysé les lacs de Natroun</a> à l’ouest du Caire et les réactions qui se produisaient entre le sel et le carbonate de calcium.</p>
<p>Conté, un homme sage – disait-on – « qui avait toutes les sciences dans la tête et tous les arts dans la main », fit fabriquer une presse à imprimer qui donna naissance à la <a href="https://www.museemedard.fr/la-description-de-legypte#:%7E:text=Comme%20l%E2%80%99indique%20son%20titre,sous%20la%20Monarchie%20de%20Juillet."><em>Description de l’Égypte</em></a> (1809-1829), un somptueux ouvrage en 23 volumes rassemblant les travaux de la commission et comprenant 837 fabuleuses gravures sur cuivre. C’est un monument de l’histoire des sciences, illustré comme peu d’autres, une encyclopédie utile pour quiconque veut se renseigner sur l’Égypte et la façon dont nous en sommes venus à construire cet objet de connaissance et cette discipline appelée égyptologie.</p>
<h2>Le pouvoir politique de la connaissance</h2>
<p>Dans son <a href="https://hemerotecaroja.files.wordpress.com/2013/06/said-e-w-orientalismo-1978-ed-random-house-mondadori-2002.pdf"><em>Orientalisme</em></a> (1978), Edward Said exposait les relations entre le pouvoir et la connaissance qui structurent la vision de l’autre en Occident, cette manière dominatrice de représenter les autres cultures et de fabriquer des connaissances à leur sujet. Mais il ne s’agit pas seulement de l’appropriation scientifique d’une culture par une autre. Comme l’a souligné Mª Luisa Ortega, professeur d’espagnol qui a fait <a href="https://repositorio.uam.es/handle/10486/11737">sa thèse de doctorat</a> sur l’expédition napoléonienne, la <a href="https://www.loc.gov/item/2021669215"><em>Description de l’Égypte</em></a> était aussi une recherche des racines du savoir accumulé et classé de l’<em>Encyclopédie</em>, la récapitulation d’une science qui prenait conscience de son pouvoir.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=613&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488024/original/file-20221004-24-okpt28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=770&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Prosper Jollois et Edouard Devilliers faisaient partie d’une équipe de topographes qui devait étudier les techniques d’irrigation en Haute-Égypte. Lorsqu’ils ont appris l’existence du Zodiaque via la gravure de Denon, ils se sont rendus à Dendérah et ont réalisé un dessin détaillé qui a été publié plus tard dans la <em>Description de l’Égypte</em>. Le grand personnage à droite est Nout.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Description de l’Égypte</span></span>
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</figure>
<p>Leurs études des temples, des vestiges archéologiques et des cultures de Basse et surtout de Haute-Égypte ont révélé des lieux tels que Thèbes, Louxor et Denderah, où fut découvert le fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zodiaque_de_Dend%C3%A9rah">zodiaque</a>, un bas-relief sculpté au plafond d’une chambre dédiée à Osiris. Là, <a href="https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/publications-numeriques/dictionnaire-critique-des-historiens-de-l-art/denon-dominique-vivant.html">Dominique-Vivant Denon</a>, un artiste et diplomate voyageant avec les troupes, a déclaré qu’il se sentait « dans le sanctuaire des sciences et des arts ».</p>
<h2>Les trophées exposés en France</h2>
<p>Aujourd’hui, le zodiaque de Dendérah est exposé au musée du Louvre à Paris. Des années plus tard, l’Égypte a offert à la France l’obélisque de Louxor, qui se dresse sur la place de la Concorde. Et que dire de la <a href="https://theconversation.com/la-piedra-de-rosetta-como-se-descifro-el-jeroglifico-mas-importante-de-la-historia-de-egipto-188611">pierre de Rosette</a>, la stèle inscrite en caractères grecs, démotiques et hiéroglyphiques qui a permis à Champollion de dévoiler les arcanes d’une langue jusqu’alors indéchiffrable ? Elle a été saisie par les Britanniques, ce qui explique pourquoi elle est aujourd’hui conservée au British Museum.</p>
<p>L’art de la confiscation des biens était-il une nouvelle branche des sciences exactes, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/J._Christopher_Herold">comme l’a écrit Christopher Herold</a>, et ces biens auraient-ils été mieux préservés s’ils étaient restés en Égypte ?</p>
<p>La question de l’appropriation culturelle et les politiques de restitution des biens culturels suscitent aujourd’hui d’importantes controverses. Une chose est sûre : pour l’époque moderne, il est impossible de séparer l’histoire des sciences de celle des empires coloniaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192254/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juan Pimentel no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Avec l’invasion de l’Égypte par Napoléon, des centaines de scientifiques français sont venus sur le Nil. Leurs découvertes sont aujourd’hui exposées dans les musées d’Angleterre et de France.Juan Pimentel, Investigador del Departamento de Historia de la Ciencia, Centro de Ciencias Humanas y Sociales (CCHS - CSIC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910392022-10-13T19:12:55Z2022-10-13T19:12:55ZPodcast « Facteur (mal)chance » : La découverte d’un trésor, ça se provoque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485881/original/file-20220921-24-gd182y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=241%2C13%2C1025%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dessin de 1902 du sous-marin le Hunley à quai.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/CSS_H._L._Hunley#/media/Fichier:NH_999_(27125245401).jpg">Wikimedia commons/National Museum of the U.S. Navy </a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/6346bc84807f8b00120b68ea" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Pourquoi certaines personnes ont-elles de la chance et d’autres n’en ont pas ? Est-ce simplement le hasard ? Comment se fait-il que l’on s’estime parfois chanceux dans notre malheur ? Est-il vraiment possible d’attirer la chance à soi ? Et si oui, comment ?</p>
<p>Dans son dernier livre, <em>Provoque ta chance !</em> (Éditions Albin Michel), Christophe Haag, chercheur en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/psychologie-comportementale-64120">psychologie sociale</a> et professeur en comportement organisationnel à EM Lyon Business School, tente d’apporter des éléments de réponses à ces questions. Comme pour ses précédents travaux sur la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lemotion-le-virus-le-plus-contagieux-sur-terre-117866">contagion émotionnelle</a> entre les individus, il recourt à la méthode de la « tératologie », autrement dit l’étude de cas extrêmes, du « pas ordinaire », pour mieux comprendre la normalité.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le CSS H.L. Hunley suspendu par une grue dans le port de Charleston (Caroline du Sud) le 8 août 2000" src="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485892/original/file-20220921-17-1qnmpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le CSS H.L. Hunley suspendu par une grue dans le port de Charleston (Caroline du Sud) le 8 août 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/CSS_H._L._Hunley#/media/Fichier:CSSHLHunleyrecovery.jpg">Naval Historical Center/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce cinquième et dernier épisode de notre série de podcasts « Facteur (mal)chance », Christophe Haag revient sur l’une des plus grandes découvertes de l’expert américain en épaves et trésors engloutis E. Lee Spence : l’épave du sous-marin le <em>Hunley</em>, disparu en mer en 1863. Cet « Indiana Jones » en chair et en os l’avait cherché pendant des années… Pourtant, il a fini par le trouver par hasard lors d’une sortie en mer avec un ami en 1970. Peut-on dès lors parler d’un authentique coup de chance ? Pas si sûr…</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p>Épisode #1 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-le-rescape-du-bataclan-devenu-paraplegique-190087">« Le rescapé du Bataclan devenu paraplégique »</a> <br>
Épisode #2 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-survivre-seule-a-un-crash-aerien-190181">« Survivre, seule, à un crash aérien »</a> <br>
Épisode #3 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-la-peur-moteur-de-la-survie-190952">« La peur, moteur de la survie »</a> <br>
Épisode #4 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-une-bonne-etoile-nommee-jacques-yves-cousteau-191087">« Une bonne étoile nommée Jacques-Yves Cousteau »</a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>Crédits, conception et animation, Thibault Lieurade. Réalisation, équipe technique d’EM Lyon et Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p>
<p><em>Musique, « Episodes », Azoora feat. Graciellita, 2011.</em></p>
<p><em>Le livre « Provoque ta chance ! Pourquoi certains en ont et d’autres pas » de Christophe Haag a été publié le 2 mars 2022 aux <a href="https://www.albin-michel.fr/provoque-ta-chance-9782226450586">Éditions Albin Michel</a> et le 24 août 2022 en <a href="https://www.audiolib.fr/livre/provoque-ta-chance-9791035410698/">livre audio</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Haag ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Disparu en 1863, l’épave du sous-marin américain le Hunley a fait l’objet de longues recherches fastidieuses avant d’être retrouvée (presque) par hasard plus d’un siècle plus tard.Christophe Haag, Professeur HDR en comportement organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910872022-10-06T18:34:31Z2022-10-06T18:34:31ZPodcast : « Facteur (mal)chance », une bonne étoile nommée Jacques-Yves Cousteau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485836/original/file-20220921-19-dusbv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C16%2C1158%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Calypso, emblématique navire de l’équipage de l’explorateur marin Jacques-Yves Cousteau.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/telemax/7218299008">Tilemahos Efthimiadis/Flickr</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/633e76c2b9d3a000119f44f5" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Pourquoi certaines personnes ont-elles de la chance et d’autres n’en ont pas ? Est-ce simplement le hasard ? Comment se fait-il que l’on s’estime parfois chanceux dans notre malheur ? Est-il vraiment possible d’attirer la chance à soi ? Et si oui, comment ?</p>
<p>Dans son dernier livre, <em>Provoque ta chance !</em> (Éditions Albin Michel), Christophe Haag, chercheur en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/psychologie-comportementale-64120">psychologie sociale</a> et professeur en comportement organisationnel à l’emlyon business school, tente d’apporter des éléments de réponses à ces questions. Comme pour ses précédents travaux sur la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lemotion-le-virus-le-plus-contagieux-sur-terre-117866">contagion émotionnelle</a> entre les individus, il recourt à la méthode de la « tératologie », autrement dit l’étude de cas extrêmes, du « pas ordinaire », pour mieux comprendre la normalité.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="François Sarano lors d’une conférence à Paris en 2013" src="https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485839/original/file-20220921-7766-jrzxdp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=648&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">François Sarano lors d’une conférence à Paris en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Conférence_de_François_Sarano_à_Paris_en_2013_3.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le quatrième épisode de notre série de podcasts « Facteur (mal)chance » décrypte le pouvoir de la gentillesse au travers du témoignage de François Sarano, compagnon du Commandant Jacques-Yves Cousteau. L’emblématique explorateur marin se caractérisait en effet par une bienveillance qui lui a permis de vivre et de faire vivre à son équipe des aventures exceptionnelles. De quoi tordre le cou aux idées reçues sur une qualité généralement perçue comme une faiblesse…</p>
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<p><strong>À écouter aussi</strong></p>
<p>Épisode #1 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-le-rescape-du-bataclan-devenu-paraplegique-190087">Le rescapé du Bataclan devenu paraplégique</a> <br>
Épisode #2 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-survivre-seule-a-un-crash-aerien-190181">Survivre, seule, à un crash aérien</a> <br>
Épisode #3 : <a href="https://theconversation.com/podcast-facteur-mal-chance-la-peur-moteur-de-la-survie-190952">La peur, moteur de la survie</a></p>
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<p><em>Crédits, conception et animation, Thibault Lieurade. Réalisation, équipe technique de l’EM Lyon et Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni</em>. Musique , « Episodes », Azoora feat. Graciellita, 2011._</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482976/original/file-20220906-12-pfmb9y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Le livre « Provoque ta chance ! Pourquoi certains en ont et d’autres pas » de Christophe Haag a été publié le 2 mars 2022 aux <a href="https://www.albin-michel.fr/provoque-ta-chance-9782226450586">Éditions Albin Michel</a> et le 24 août 2022 en <a href="https://www.audiolib.fr/livre/provoque-ta-chance-9791035410698/">livre audio</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191087/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Haag ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>François Sarano, compagnon d’équipage de l’explorateur Jacques-Yves Cousteau, estime qu’il n’aurait pas eu le même destin s’il ne s’était pas mis dans le sillage d’un personnage aussi bienveillant.Christophe Haag, Professeur HDR en comportement organisationnel, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1678212022-09-07T18:01:56Z2022-09-07T18:01:56ZL’Anémone : de Bayonne à la Baie des Saintes, une épave hors du commun<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483014/original/file-20220906-20-65ss0k.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C752%2C499&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Installation des aspirateurs à sédiment sur le site de l'Anémone, Photo François Jacaria, 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">J.-S. Guibert/AAPA/UA</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Très souvent, chez mes proches ou dans mon entourage, la mention de mon métier, archéologue maritime, évoque rêves et curiosité : ne suis-je pas, dans l’imaginaire de beaucoup, l’archétype du chasseur d’épaves, celui qui plonge à plusieurs mètres sous la surface pour faire revivre des navires, voire celui qui va dénicher quelque trésor des plus beaux romans d’aventure et de piraterie ?</p>
<p>Si l’émotion est souvent au rendez-vous, mon travail revêt un caractère scientifique. De plus, toute une dimension de mon travail demeure souvent inaperçue : une plongée non pas sous-marine mais dans les archives. C’est ainsi que j’ai eu la chance de mettre à jour et <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03480501">identifier une épave hors du commun</a>. L’épave de la Baie des Saintes (Guadeloupe) désormais identifiée comme l’<em>Anémone</em>. Il s’agit d’une goélette de la Marine royale de la période de la Restauration construite à Bayonne en 1823 et coulée aux Saintes en 1824 lors du cyclone du même mois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482358/original/file-20220901-14-jil48g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de la Guadeloupe indiquant la localisation des Saintes et de l’épave de l’<em>Anémone</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Par l’auteur</span></span>
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<p>Si une partie du travail de recherche est celui, personnel, d’un chercheur isolé, le travail de terrain (deux à trois semaines par an) est le résultat de la collaboration d’une équipe d’une quarantaine de personnes sur cinq ans.</p>
<h2>L’épave de la Baie des Saintes : les premières données</h2>
<p>Dans le milieu des plongeurs de Guadeloupe passionnés d’archéologie, il est un site qui intrigue : celui de l’épave de la Baie des Saintes. Une épave ancienne trouvée en 1990 par Claude Édouard, un restaurateur de Terre-de-Haut et un certain Lesueur propriétaire d’un club de plongée aux Saintes.</p>
<p>Elle intrigue aussi parce qu’elle n’est pas facile à repérer : profondeur de 25 m en plein milieu de la baie entre Terre-de-Haut et l’îlet à Cabrit.</p>
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<p>L’accès n’est possible que par des amers que seuls quelques initiés connaissent et les navettes qui relient les Saintes à la Guadeloupe ne passent pas très loin dans la passe de la Baleine ce qui n’améliore pas la sécurité de plongeurs bravant ses secrets. La rencontre avec Claude Edouard me permet en 2009 de plonger sur le site avec un bon ami de l’époque, F. Nouhailas. Claude Edouard est que l’on appelle « l’inventeur du site » dans le métier, puisque premier « découvreur » de ce lieu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=147&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482390/original/file-20220901-14673-84vlza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue panoramique de la baie des Saintes avec au premier plan le navire support à proximité du site de l’<em>Anémone</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Leroux/AAPA/UA</span></span>
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<p>En clair, il nous donne les amers (points de repères sur terre ou en mer, essentiels à la navigation) et nous parvenons lors de la seconde plongée à repérer le site : les vestiges de plaques de cuivre caractéristiques servant à doubler la coque des navires jonchent les fonds marins et ce qui semble être ceux de la carène d’un navire se découvre par endroit.</p>
<h2>Étrange « Limande »</h2>
<p>D’après les données recueillies par le ministère de la Culture (Direction de la Recherche en Archéologie Subaquatique et Sous-Marine) auprès de Claude Edouard, il pourrait s’agir de la <em>Limande</em>, un navire hydrographique, c’est-à-dire à vocation scientifique dont la mission principale est la description des fonds marins et coulé dans les années 1820 (<a href="https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Archeologie/Acteurs-metiers-formations/Les-services-de-l-archeologie-au-ministere-de-la-Culture/Le-Departement-des-recherches-subaquatiques-et-sous-marines/Documentation-scientifique-et-technique">bilan scientifique du Drassm</a> 2002).</p>
<p>Cependant, ce nom de navire demeure inconnu des registres de la Marine française, et à titre personnel je n’ai jamais vu de navire portant ce nom dans les milliers de documents que j’ai pu consulter.</p>
<p>Ces informations intriguent forcément : comment ce nom est-il sorti ? Comment l’inventeur du site peut-il dater le site aussi précisément ? La réponse est simple : le site a été pillé et les pilleurs ont prélevé des objets qui permettent de le dater précisément.</p>
<p>Quant à l’identification, les recherches menées en archives invalident rapidement cette hypothèse. Les échanges avec plusieurs autres <em>gran moun</em> (anciens en créole) des Saintes indiquent que le site avait déjà été pillé par des Américains dans les années 1970.</p>
<p>Alors que faire ? Comment retrouver trace de cette épave et d’informations validant ou invalidant les hypothèses ?</p>
<h2>Les données d’archives : la remise en cause</h2>
<p>Mon <a href="https://www.theses.fr/174711913">travail de thèse</a> m’a habitué à fréquenter les archives maritimes, au cœur du métier d’archéologue et d’historien, au même titre que la plongée.</p>
<p>En France, la pratique de l’archéologie sous-marine est réglementée : les opérations de fouille sont réalisées par des plongeurs professionnels détenteurs d’une certification le classe B.</p>
<p>J’ai déjà quelques sources sur les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/bshg/2013-n165-bshg01014/1020647ar.pdf">naufrages à la Guadeloupe</a> et poursuis les dépouillements entre 2009 et 2012. Au cours d’une séance aux archives départementales de Guadeloupe – où les doubles microfilmés des archives des Archives Nationales d’Outre-Mer sont conservés – je tombe sur le rapport du gouverneur Jacob faisant état des dégâts causés par l’ouragan du 7 au 8 septembre 1824 qui a touché la Guadeloupe et en particulier les Saintes.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=757&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482391/original/file-20220901-9301-qctpe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=952&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rapport du gouverneur de la Guadeloupe Jacob sur l’ouragan du 7 au 8 septembre 1824, 25 mars 1825.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SG/GUA/CORR/68</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il mentionne la perte de l’<em>Anémone</em>, une goélette du roi naufragée aux Saintes au cours du cyclone et la mort de l’ensemble de son équipage alors qu’elle y était au mouillage pour passer la mauvaise saison. A cet instant, j’envisage cette piste pour élucider l’identification des vestiges de l’épave de la Baie des Saintes. Dès lors, je mène des recherches sur cette unité et complète les informations sur ce naufrage.</p>
<p>Le navire est construit à Bayonne en 1823, il participe à la guerre d’Espagne avant d’être envoyé en Guadeloupe pour servir de navire des domaines chargé du contrôle des côtes et de transport pour l’administration. Il est alors commandé par <a href="https://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/ark/436346">Louis Alexandre Guillotin</a> (1790-1824). Le navire est aussi impliqué dans la lutte contre le commerce illégal d’esclaves désormais interdit depuis 1817. Le navire saisit deux navires négriers au large de la Guadeloupe au cours de sa courte existence.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482387/original/file-20220901-27-ga786v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plan de voilure de l’Emeraude et de la Topaze, <em>sistership</em> de l’<em>Anémone</em>, 1824.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SHD Cherbourg 2G2 321</span></span>
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<p>C’est l’une des six goélettes construites dans les années 1820 à Cherbourg, Toulon et Bayonne et la <em>sistership</em> (navire construit sur le même modèle) de la <em>Topaze</em>. Il existe d’ailleurs une monographie de la <em>Topaze</em> publiée par Jean Boudriot, spécialiste d’architecture navale. L’auteur s’appuie en fait sur l’histoire de l’<em>Anémone</em> et mentionne son naufrage aux Saintes. La boucle est bouclée !</p>
<p>L’idée d’identifier le site de l’épave de la Baie des Saintes comme étant l’<em>Anémone</em> ne me quittera plus. La datation colle et les premières observations aussi.</p>
<h2>L’identification : les résultats des recherches archéologiques</h2>
<p>Une fois ma thèse soutenue en 2013, je propose différentes pistes de recherche pour identifier plusieurs sites d’épaves à la Guadeloupe en m’appuyant sur les recherches effectuées au cours de celle-ci. Désormais recruté à l’Université des Antilles, j’envisage de mettre en œuvre un projet sur l’épave de la baie des Saintes en juillet 2015.</p>
<p>Il s’agira d’abord d’un projet de prospection (recherche) sondage (ouverture dans le sédiment pour étudier les vestiges s’y trouvant) pour localiser le site et tenter de comprendre comment il s’organise. Il faut réunir une équipe, des moyens, etc.</p>
<p>Un long travail invisible commence avec les demandes de financement, l’organisation, la préparation. Finalement nous partons depuis la Martinique avec <em>Orca</em> un navire qui nous sert à transporter le matériel nécessaire et une partie de l’équipe : Guy Lanoix, chef opérateur hyperbare et plongeur archéologue, Franck Bigot, plongeur et archéologue, Alexandre Arqué, Marie et Bruno Berton et Vassilis Tsourakos, plongeurs professionnels.</p>
<p>La première tentative de retrouver le site en plongeant n’est pas la bonne, la seconde paye ! La palanquée (groupe de plongeurs) revient en avec le navire annexe les bras en victoire le sourire aux lèvres. On a le site ! Au cours du débriefing du soir, Marie Berton, plongeuse, indique qu’elle a peut-être vu ce qui ressemble à la bouche d’un canon.</p>
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<span class="caption">Sondage autour de la caronade (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo par l’auteur/AAPA/UA</span></span>
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<h2>Des objets essentiels</h2>
<p>Cet élément est très important et pourrait nous aider à identifier le site. En effet l’<em>Anémone</em> était armée de deux caronades (type de canons courts) de calibre de 12 datés de 1818 qu’il devrait être facile d’identifier. C’est d’ailleurs un de nos axes de travail. Le lendemain nous repérons ce que Marie nous avait indiqué. C’est clairement la bouche d’un canon, nous décidons d’installer un sondage autour de la structure et rapidement elle s’avère être effectivement une caronade. C’est un élément déterminant qui nous a conduits dès la première année de prospection d’avoir une forte certitude quant à l’identification du site. Le reste des éléments étudiés (mobilier archéologiques et structures) confirment que le site est celui d’une épave du début du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Forts de ces premiers résultats, le rapport est rédigé et nous déposons un projet pour cette fois comprendre comment s’organise le site. En juillet 2016, une équipe d’une quinzaine de personnes rempile.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">L’équipe du projet Anémone en 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claude Michaud/AAPA/UA</span></span>
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</figure>
<p>Nous décidons d’installer un sondage à côté de la caronade pour pouvoir étudier la coque du navire en bois repérée en 2015. Le choix est pertinent : au cours du sondage se révèlent progressivement des objets et surtout les structures de la coque en bois d’un navire : membrures, vaigrage, bordé. L’étude de la construction navale permet de mettre en lumière les caractéristiques techniques des navires mais aussi les techniques de fabrication oubliées de nos jours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482365/original/file-20220901-4342-x7t5w1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sondage sur la partie avant de la coque de l’<em>Anémone</em> (2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Bianchimani/AAPA/UA</span></span>
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</figure>
<p>Le second sondage est installé à une dizaine de mètres à un endroit où Alexandre Arqué a repéré du bois. Le choix se révèle encore une fois gagnant.</p>
<p>En effet, l’analyse des deux sondages permet d’émettre l’hypothèse que le premier correspond à la partie avant de la coque et le second à la partie arrière. Mais, et c’est peut-être le plus important, nous observons que les structures correspondent aux données étudiées à partir du plan type de l’<em>Anémone</em> : l’équidistance entre les membrures (pièces architecturales transversales) sur le site correspond, le rythme des couples de levée (couple servant à l’élévation de la carène) et de remplissage (servant au remplissage entre les couples de levée) est aussi le même. Pour moi il n’y a quasiment plus de doute. Nous sommes en présence de l’<em>Anémone</em>. Au cours de notre séjour, Claude Edouard nous montre certains objets de la collection qu’il a pillé sur le site : plusieurs pièces de monnaie à l’effigie de Louis XVIII avec les dates de 1818 et 1822 permettent de comprendre pourquoi il avait daté aussi précisément le site.</p>
<h2>Faire le lien entre les vestiges d’une épave et les données historiques</h2>
<p>Les fouilles suivantes, réalisées entre 2017 et 2019 – fin juin et début juillet pour éviter le cœur de la saison cyclonique – ne font que confirmer <a href="https://acuaonline.org/deep-thoughts/end-of-game-on-anemone-wreck-site-les-saintes-guadeloupe-fwi">ces éléments</a>. L’étude de la construction navale mais aussi celle du mobilier prouvent définitivement que le site de la Baie des Saintes est bien celui de l’<em>Anémone</em>.</p>
<p>Dans la vie d’un archéologue sous-marin, l’identification d’un site d’épave est une belle expérience. Elle permet de faire le lien entre les vestiges d’une épave et les données historiques mentionnant un naufrage. Cette étape permet aussi de relier le site au contexte de sa perte et de sa construction, de connaître les fonctions du navire mais aussi la composition de son équipage.</p>
<p>Bref cela donne du sens et de la vie. C’est un luxe des périodes modernes et contemporaines de connaître tout ces éléments (c’est plus rarement le cas pour les périodes antique et médiévale). Au-delà, c’est aussi une satisfaction personnelle telle celle d’un enquêteur confirmant les hypothèses d’une enquête compliquée, et ici historique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=164&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482392/original/file-20220901-21-6xvy33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=206&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de la Baie des Saintes depuis Terre-de-Haut (2018).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Renaud Leroux/AAPA/UA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour terminer, il reste à proposer une explication quant au nom du site proposé initialement : le terme Limande est peut-être le résultat de la culture orale issu de la déformation créole du nom de l’<em>Anémone</em>. Dans tous les cas c’est sous ce nom que les pêcheurs saintois appellent le banc sur lequel ils pêchent dans la baie des Saintes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Sébastien Guibert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Être archéologue maritime c’est aussi savoir plonger dans les archives qui aident à identifier des épaves aux secrets inestimables pour l’histoire.Jean-Sébastien Guibert, Maître de conférences en histoire des mondes moderne et contemporain, Université des AntillesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1857162022-06-27T16:08:46Z2022-06-27T16:08:46ZChronique en mer : rentrer avec 15 kilos de roches océaniques dans le sac à dos<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/471144/original/file-20220627-7170-4gs4o6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C9%2C2041%2C1523&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le pont du Pourquoi pas? , la Terre est en vue.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Arthur Olive, campagne ArcEnSub</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les fonds océaniques sont des lieux obscurs, nimbés de mystère. Sur les deux tiers de la surface terrestre recouverts par des océans, moins de 1 % des fonds a pu être exploré visuellement par des submersibles. Et pour cause, leur étude n’est pas chose aisée ! Avec une profondeur moyenne de 4 000 mètres sous le niveau de la mer et des zones parfois très profondes, les « fosses », pouvant aller jusqu’à 11 kilomètres de profondeur, on s’imagine bien que leur exploration relève d’un réel challenge technologique.</p>
<p>Et pourtant, ces environnements, frontières des plaques tectoniques, sont d’un intérêt majeur pour beaucoup de scientifiques. Qu’ils soient tectoniciens, volcanologues, chimistes ou biologistes, ils veulent en savoir plus sur les conséquences de la tectonique des plaques, de son origine à ses effets sur les échanges chimiques entre la croûte et les océans et l’apparition de la vie.</p>
<h2>De la terre à la mer</h2>
<p>L’expression de la tectonique des plaques actuelle est visible sur terre, par exemple la chaîne de l’Himalaya qui marque la limite entre la plaque indienne et la plaque eurasienne. Les chaînes de montagnes sont aussi des fenêtres sur les mécanismes tectoniques qui ont eu lieu il y a des millions d’années au fond d’anciens océans, et qui sont préservés dans ce que l’on appelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ophiolite">« ophiolites »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo de montagne montrant un paléo-détachement océanique" src="https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470571/original/file-20220623-52151-p1rr8a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Photographie de terrain montrant un paléo-détachement océanique qui juxtapose des basaltes au-dessus de serpentinites au site de Marmorera-Cotschen, dans le Canton des Grisons, Alpes suisses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00588/70028/">Rémi Coltat</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est notamment sur ces objets que j’ai débuté, durant ma thèse, l’étude des processus d’interactions fluide-roche dans les roches formant les domaines océaniques. Je m’intéressais alors aux circulations hydrothermales – quand l’eau de mer s’infiltre le long de failles, se chauffe, et réagit avec les roches magmatiques lors de l’écartement des plaques – durant l’exhumation des roches du manteau de la Téthys Alpine, cet océan qui séparait la plaque européenne et apulienne il y a 170 millions d’années.</p>
<p>Déjà à l’époque, ma volonté de faire le lien avec les fonds océaniques actuels était forte. Donc, lorsque Muriel et Javier m’ont proposé de faire partie de la mission Arc-En-Sub, centrée sur un site hydrothermal actif, j’étais évidemment enthousiaste à l’idée de participer à l’aventure et d’explorer ces environnements !</p>
<h2>Vers les entrailles océaniques</h2>
<p>C’est à bord du <em>Pourquoi Pas ?</em>, un navire parfaitement adapté aux missions en haute mer, que nous embarquons. Une fois sur site, l’exploration des fonds peut débuter, comme vous l’ont raconté mes collègues.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chronique-en-mer-explorer-les-dorsales-au-large-des-acores-par-plus-de-2-000-metres-de-fond-183457">Chronique en mer : Explorer les dorsales au large des Açores par plus de 2 000 mètres de fond</a>
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</p>
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<p>Que d’émotions sur le pont lors du premier déploiement de ce monstre mécanique et dans le containeur de Victor avec les premières images une fois arrivé au plancher océanique ! Là, beaucoup de sédiments pouvant à s’y méprendre rappeler des pistes de ski à Chamonix. Par endroits des roches affleurent, faisant surgir d’autres questions, dont une qui revient souvent « Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? »</p>
<p>Vous l’aurez compris, la reconnaissance des roches océaniques n’est pas chose évidente au premier coup d’œil. Nous pouvons quand même observer si elles apparaissent déformées, sont plus ou moins massives et voir si elles sont indurées ou non en tentant de les « mordre » avec les pinces de Victor, et le cas échéant de collecter un échantillon qui sera décrit au laboratoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le bras mécanique du robot Victor lors d’une exploration sous-marine" src="https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/470543/original/file-20220623-51568-x452xp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le bras du robot Victor peut mordre et attraper des échantillons lors de ses explorations des grands fonds marins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Victor, campagne ArcEnSub, flotte océanographique française</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’échantillonnage en géologie, ce n’est pas si simple que ça. Que ce soit à terre ou en mer, on ne peut pas échantillonner tout ce que l’on veut. En mer, on différencie les zones d’exclusivité économique, sous la juridiction d’un pays, des eaux internationales qui n’appartiennent par définition à personne et dont l’exploitation du plancher océanique est régulée par l’<a href="https://www.isa.org.jm/">« International Seabed Authority »</a>. Si l’échantillonnage est rendu possible dans la plupart des zones sans restriction particulière, certaines zones définies comme réserves géologiques naturelles, comme l’<a href="https://bretagne-environnement.fr/Groix-reserve-naturelle-geologique-article">île de Groix en Bretagne</a>, ne permettent pas l’échantillonnage sauf dans le cas d’une dérogation.</p>
<p>Le site hydrothermal actif de Rainbow, bien que situé dans les eaux internationales, a également hérité d’un statut comparable défini dans le cadre de la <a href="https://www.ospar.org/convention/text">convention OSPAR</a>. Enfin, de manière générale, les zones abritant de la vie sont soumises à des conventions internationales comme le protocole de Nagoya, pour assurer une traçabilité ainsi que le partage juste des connaissances et ressources associées – nous n’avons dans ce cas réalisé aucun échantillonnage biologique.</p>
<p>À ces législations ou accords internationaux s’ajoutent des complications très matérielles, les roches étant parfois plus grosses que les pinces de Victor par exemple.</p>
<h2>Une exploration faite de surprises</h2>
<p>L’étude des structures renseignées par la carte bathymétrique n’est pas forcément toujours aisée non plus, car il y a parfois un décalage entre ce que nous prédit la carte et la navigation de Victor. Surprise : nous pensions être au niveau d’une faille, mais une plaine sédimentaire s’étend devant nous et le sonar n’indique aucun relief à 50 mètres à la ronde…</p>
<p>C’est dans ces moments que l’on se rend compte que les cartes topographiques sont vraiment l’outil de base du géologue, qu’il pourra ensuite implémenter avec des données géologiques. Sans elles, l’exploration est fortement perturbée. Je réalise que nous sommes justement en train de construire la carte géologique de la zone, comme les géologues alpins l’avaient fait au début du XX<sup>e</sup> siècle à terre.</p>
<p>Ces moments d’incertitude sont vite oubliés lorsque que nous découvrons un système hydrothermal diffus habité par des colonies de moules ou de palourdes au somment d’une faille, ou encore des constructions hydrothermales éteintes avec des oasis de vie au détour d’un escarpement. La diversité d’espèces colonisant ces lieux est bluffante ! Jamais je ne me serais attendu à observer tant de vie dans des endroits si hostiles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chronique-en-mer-une-premiere-mission-au-large-quelle-decouverte-184175">Chronique en mer : une première mission au large, quelle découverte !</a>
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<p>Pourtant nous savons que les fluides hydrothermaux sont chargés en éléments chimiques (comme le fer, le cuivre ou le calcium par exemple) et en gaz dissous (notamment du CO<sub>2</sub>, du méthane, du dihydrogène) qui peuvent être assimilés par les organismes pour leur métabolisme.</p>
<p>Et de fait, les sites hydrothermaux sont de véritables oasis de vie qui accueillent une myriade d’organismes allant de la macrofaune (crevettes, moules, palourdes, annélides…) à la microfaune (bactéries). Les dorsales représentent ainsi un lieu privilégié et bien connu pour étudier les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-018-0684-z">interactions</a> entre les <a href="https://vimeo.com/328844539">processus géologiques et biologiques</a>, depuis la <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.203.4385.1073">découverte des micro-organismes dans ces environnements en 1977</a>. Cependant, observer une telle diversité de vie également dans des sites inactifs où les échanges chimiques avec l’océan sont limités, voire absents, m’a fortement surpris.</p>
<h2>De l’affleurement au microscope</h2>
<p>Après quelques heures de plongée et une heure et demie de remontée, nous découvrons enfin les échantillons collectés. Ils sont sortis des paniers, pesés, mesurés, sciés avant d’être décrits.</p>
<p>La plupart du temps, notre quart écope de la description des échantillons entre midi et 16h. Avec Anna Cipriani, une collègue de l’université de Modène, et les autres personnes de notre quart, nous nous y attelons à l’aide de loupes et d’une loupe binoculaire. Chaque échantillon collecté est ainsi décrit, référencé et sera catalogué dans une <a href="https://www.igsn.org/">base de données IGSN</a> qui permettra à la communauté scientifique d’accéder aux caractéristiques des échantillons.</p>
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<img alt="Anna et Rémi décrivent les roches grâce à une loupe binoculaire afin de les cataloguer et d’en faire profiter la communauté" src="https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/471096/original/file-20220627-12-vx8lr1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anna et Rémi décrivent les roches grâce à une loupe binoculaire afin de les cataloguer et d’en faire profiter la communauté.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hélène Rouby, ENS, campagne ArcEnSub</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Diverses études pourront être conduites sur ces échantillons : Anna est plutôt intéressée par les processus magmatiques qui opèrent à la dorsale alors que Muriel s’intéresse davantage aux altérations de basse température qui conduisent à la carbonatation des roches.</p>
<p>Personnellement, je regarde les sulfures hydrothermaux de haute température formés dans les cheminées ou les roches à proximité. Je caractériserai d’abord les assemblages minéralogiques puis j’essayerai de contraindre les processus hydrothermaux qui ont abouti à la formation de ces sites hydrothermaux via des analyses géochimiques. Comme nous travaillons sur des thématiques bien distinctes, nous arrivons plutôt bien à nous mettre d’accord sur la répartition des échantillons.</p>
<p>Nous réitérons l’expérience sur les 16 plongées de Victor réalisées durant la campagne, accumulant plus de 350 échantillons et de plus en plus de fatigue. Puis, c’est déjà le 30 mai et il est temps de se remettre en transit pour rentrer au port de Ponta Delgada sur l’île de Sao Miguel aux Açores, où une soirée attend scientifiques et marins, avant de nous quitter dans les jours suivants et nous envoler vers nos laboratoires bien sur terre.</p>
<p>Pour moi, ce sera avec 15 kilogrammes d’échantillons de sulfures hydrothermaux dans le sac à dos. Cette histoire scientifique ne fait que commencer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185716/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi Coltat a reçu des financements de IODP France (bourse postdoctorale et soutien à la recherche) et du CNRS-INSU (soutien à la recherche sur projet TelluS-SYSTER)</span></em></p>La fin d’une mission en mer, c’est le début de recherches à terre !Rémi Coltat, Postdoc en Pétrologie et Géochimie océanique, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841752022-06-02T17:45:08Z2022-06-02T17:45:08ZChronique en mer : une première mission au large, quelle découverte !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466558/original/file-20220601-49160-sx1h57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C313%2C4007%2C2704&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mise à l'eau des sismomètres de fond de mer. Largués au beau milieu de la nuit, ils mettront près d’une heure trente à atteindre le fond. Simon, l'ingénieur en charge de l’équipement, communique avec eux pendant la descente pour s'assurer que tout va bien. Les minutes sont longues…</span> <span class="attribution"><span class="source">Kristel Chanard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Si la théorie de la tectonique des plaques apparaît de nos jours comme une évidence, on oublie souvent à quel point cette dernière est moderne – on a fêté ses <a href="https://www.college-de-france.fr/site/barbara-romanowicz/symposium-2017-2018__1.htm">cinquante ans en 2018</a> – et à quel point les cartes des fonds marins ont joué un rôle essentiel dans sa démonstration.</p>
<p>Partir en expédition en mer permet de rendre bien plus concrète cette théorie. Pour les explorateurs novices qui écrivent aujourd’hui, c’est aussi l’occasion de participer à une grande aventure humaine et scientifique qui nourrit bien sûr les buts de la mission, mais également leurs propres travaux de recherche, bien au-delà de la géologie marine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chronique-en-mer-explorer-les-dorsales-au-large-des-acores-par-plus-de-2-000-metres-de-fond-183457">Chronique en mer : Explorer les dorsales au large des Açores par plus de 2 000 mètres de fond</a>
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<h2>L’histoire mouvementée des mouvements de plaques tectoniques</h2>
<p>Dès le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, la première carte de l’océan Atlantique voit le jour grâce aux mesures bathymétriques réalisées par sondage au fil de plomb. À partir de là, l’exploration scientifique des fonds marins s’accélère grâce à <a href="https://www.wiley.com/en-us/From+Deep+Sea+to+Laboratory+1%3A+The+First+Explorations+of+the+Deep+Sea+by+H+M+S+Challenger+%281872+1876%29-p-9781119610847">plusieurs expéditions</a>. L’une des plus connues, celle du HMS <em>Challenger</em>, écume les océans de 1872 à 1876 et découvre, au centre de l’océan Atlantique Nord, la plus formidable chaîne de volcans jamais rencontrée. Culminant à près de 3 000 mètres au-dessus des plaines abyssales étalées entre 5 000 mètres et 6 000 mètres de profondeur, cette ride volcanique s’étend à première vue du sud de l’Islande jusqu’aux Açores, et peut être même au-delà… La dorsale médio-atlantique est « née » !</p>
<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, le développement de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acoustique_sous-marine">acoustique sous-marine</a> révolutionne la cartographie des fonds marins et de nombreuses données sont acquises pendant la Seconde Guerre mondiale, avec l’obligation imposée par les alliés aux navires commerciaux de réaliser des relevés bathymétriques le long de leurs traversées.</p>
<p>À la fin du conflit, la dérive des continents n’en est pas moins encore considérée <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/edit/10.1201/9780429498282/plate-tectonics-naomi-oreskes-homer-le-grand">comme une théorie farfelue et largement controversée</a>. Mais Marie Tharp et Bruce Heezen, de l’université de Columbia à New York, compilent un grand nombre de ces données pour cartographier plus précisément les fonds marins. Grâce à leurs connaissances en géologie, ils décrivent les principales caractéristiques de la croûte océanique, dévoilant la dorsale, les monts sous-marins et les failles de l’Atlantique Nord, puis dans la foulée, ceux de l’Atlantique central, de l’Atlantique Sud, du Pacifique et de l’océan Indien.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466544/original/file-20220601-48889-vorq0k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Première carte complète des fond océanique montrant les dorsales médio-océanique, peinte par Heinrich Berann en se basant sur les travaux de Marie Tharp et Bruc Heezen (1977).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:(Manuscript_painting_of_Heezen-Tharp_World_ocean_floor_map_by_Berann).jpg?uselang=fr">Heinrich Berann</a></span>
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<p>À partir des années 50, on découvre l’étendue de la dorsale médio-océanique, encore inconnue dix ans auparavant, parcourant les océans sur plus de 65 000 kilomètres. Dans les abysses, les fonds océaniques sont renouvelés en continu par des volcans sous-marins, qui « poussent » les continents dans leur dérive. Les dorsales jouent un rôle clé dans la théorie émergente de la tectonique des plaques : une révolution scientifique est en marche.</p>
<p>Tout ça, Kristel et Alexandre l’ont appris dans des livres, pendant leurs cours de géodynamique, ils en ont vu et revu les preuves des milliers de fois – par exemple en mesurant depuis l’espace l’écartement entre Paris et New York, qui augmente de quelques centimètres chaque année… Pour eux, tout ça était resté quelque chose de… très théorique.</p>
<h2>La tectonique en direct à bord du <em>Pourquoi pas ?</em></h2>
<p>Et là, ça y est, Kristel et Alexandre y sont, au fond de l’océan, pour la première fois. L’émotion qui les parcoure, chaque soir au moment de la plongée, a quelque chose d’indicible : ils vont enfin voir, pour de « vrai », les fonds marins.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466557/original/file-20220601-20-wybye3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au fond de l’océan, dans le Massif de Rainbow de la dorsale médio-Atlantique au large des Açores : une cheminée inactive fossile à gauche et un oasis de vie sur une cheminée fossile à droite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Schubnel et robot Victor</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Au cours de la plongée, pendant que les pilotes guident Victor, le robot sous-marin, dans ses aventures, l’équipe scientifique observe tout très consciencieusement en tentant d’interpréter les paysages sous-marins. S’il est très complexe d’observer la forme des fonds marins depuis l’espace, les explorer à la loupe, avec Victor, le robot de l’expédition, en offre une vision bien plus détaillée, avec une résolution sans précédent.</p>
<p>Un monde fascinant défile sur les écrans : des basaltes « en coussin », comme dans les livres, posés au fond de l’océan, le manteau terrestre qui affleure, plein de fer oxydé, formant ces roches vertes qu’on appelle les serpentines, une multitude de failles, qui torturent la croûte océanique et créent la topographie, des montagnes, des vallées sous-marines, et, à plus de 3 000 mètres de profondeur, de vastes plaines désertiques faites de sédiments que l’on traverse à toute vitesse (presque 1 mille nautique par heure, soit près de 2 kilomètres/heure).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466548/original/file-20220601-49050-ffz7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Poste de contrôle de Victor, le robot équipé de caméras et de bras articulés pour la collecte d’échantillons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Arthur Olive</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On se lasse difficilement d’explorer les fonds marins. Et même à 4h du matin, quand tout est calme à bord, l’équipe reste concentrée car Victor peut dévoiler à tout moment un de ces fumeurs noirs, avec son écosystème extrême à sa base et son cimetière de cheminées hydrothermales. Car tout à coup, au détour d’une vallée ou au sommet d’une colline, peut aussi surgir une de ces oasis de vie autour d’une source chaude diffuse. Alors, dans le poste de contrôle de Victor, devant l’écran de la caméra, il faut se pincer pour le croire !</p>
<h2>Nos journées sont rythmées par les « quarts »</h2>
<p>Au petit matin, Victor émerge de l’eau après sa longue plongée, les paniers chargés de roches prélevées au fond des océans, qui maintenant, sont bel et bien réelles. Les équipes se croisent. Sur le pont arrière, Kristel a pris l’habitude de venir voir Victor, le robot, remonter à bord à la fin de son quart de nuit, le 4-8, avant de manger un peu et filer dormir.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466549/original/file-20220601-48778-8tweyn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Victor plonge généralement une fois la nuit tombée et émerge de l’eau au petit matin. Mais ses horaires sont variables et à toute heure du jour et de la nuit, il peut être en train d’explorer le fond de l’océan.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kristel Chanard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour Alexandre au contraire, le travail commence : durant son quart du matin, le 8-12, il sort les échantillons des paniers un par un, pendant que le reste de l’équipe les numérote, les mesure, les photographie et les pèse. Il y en a des gros, des petits, des moches, des biscornus… Mais avec la croûte d’oxyde de manganèse qui s’est déposée au fil du temps, tout se ressemble un peu, et c’est pratiquement impossible de vraiment savoir à quel type de roche on a affaire.</p>
<p>En fait, c’est tant mieux, parce que, quand on les découpe avec la scie diamantée, c’est un peu comme si on les sortait de leur paquet cadeau. Elles se découvrent et leur intérieur révèle alors ses couleurs, nuancées de verts, de noir, de gris plus ou moins profonds, de marrons allant de l’ocre au caramel en passant par le chocolat, parfois teintées de bleu et de rouge. Il y a des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pillow_lava">basaltes en coussin</a>, un rare <a href="https://www.museum-lehavre.fr/fr/collections/gabbro">gabbro</a> (entre un basalte et un granite), une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9ridotite">péridotite</a> (la roche “mère” du manteau terrestre) plus ou moins hydratée, des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Serpentine_(min%C3%A9ral)">serpentines</a>, des calcaires récifaux, des sulfates, des fossiles de bivalves, des coraux d’eau froide…</p>
<p>Scier tous ces échantillons peut s’avérer un vrai défi, surtout quand la mer est forte et que le bateau tangue ! Ensuite, il faudra nettoyer le pont, décrire les échantillons, les photographier à nouveau, les inventorier, décider qui de l’équipe scientifique repartira avec quoi et fera quelle analyse. Avec ces roches, une multitude d’études scientifiques s’ouvre à nous. Pour Alexandre, ce sera l’analyse des roches provenant des failles sous-marines avec les machines qu’il a construites dans son laboratoire, à Paris.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466550/original/file-20220601-49160-yvgq1o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chaque jour, on s’affaire autour des roches fraichement remontées du fond des mers. À gauche : Alexandre et Bobbie cataloguent les roches. À droite : une serpentinite fraîchement sciée. Fred, petit poisson qui est remonté avec le panier du premier jour, en plus de servir d’échelle, est devenu comme une mascotte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Arthur Olive et Alexandre Schubnel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Après le déjeuner, tout le monde se retrouve dans la salle de conférence, où les chefs de mission expliquent la suite des opérations et où l’équipe découvre et discute des trouvailles des uns et des autres. Et oui, il y a toujours quelqu’un qui travaille sur le <em>Pourquoi Pas ?</em> !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466551/original/file-20220601-48563-sthsa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dumbo Octopus croisé lors de la plongée de Victor, le robot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Schubnel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Puis, c’est déjà l’heure du 4-8 de l’après-midi. En général, Kristel le passe à décortiquer les données de température rapportées par Victor pour essayer de détecter si le robot a croisé au fond de l’océan des zones où la température serait légèrement plus élevée, ce qui pourrait nous indiquer le chemin vers des sites hydrothermaux encore inconnus. Son quart du soir, Alexandre le passera les yeux à nouveau rivés sur les images envoyées par Victor, à explorer les sites qui ont été retenus et y ramasser des échantillons, souvent distrait par une des nombreuses curiosités, géologiques ou pas, que l’on peut croiser au fond.</p>
<h2>L’apport de la mission à nos sujets de recherche « à terre »</h2>
<p>À bord, les journées se suivent mais ne se ressemblent heureusement pas toutes. Parfois, nous sommes « hors quart » et ce n’est pas pour se prélasser au soleil sur le pont avant, mais pour aider à préparer les sismomètres qui seront déployés sur le plancher océanique. Nous vissons, dévissons, revissons, testons l’électronique, installons les systèmes de largage du lest et des instruments. Heureusement, Simon, le scientifique en charge des sismomètres, nous a formés. Car bien que nous ayons tous les deux l’habitude d’étudier des données sismologiques, la manipulation de ces instruments était bien loin de nos compétences en arrivant. D’ailleurs, les discussions vont bon train sur la coursive en effervescence : ces sismomètres, couplés avec des capteurs de pression de l’eau et de courant marin, nous intriguent… Car nous nous intéressons ensemble depuis longtemps au <a href="https://hal-insu.archives-ouvertes.fr/insu-03590093">lien potentiel</a> entre le <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02397272">déclenchement des séismes et les charges de marées</a>. Si ce lien existe en surface, ne pourrait-on pas aussi l’observer au fond des mers ?</p>
<p>Un mois en mer à explorer les fonds marins est une expérience scientifique et humaine incroyable. Ce voyage aura été une occasion unique d’approfondir notre compréhension du système Terre. Pour Kristel et Alexandre, chercheurs spécialistes d’autres domaines des géosciences, la géologie marine était un monde nouveau, et ils auront aidé comme ils le pouvaient au bon déroulement de la mission. Ils en auront aussi profité pour améliorer leur revers au ping-pong en jouant avec les membres de l’équipage et trouver un souffle d’inspiration nouveau pour leurs futurs travaux de recherche. Si l’opportunité se représente, ils reprendront le large, c’est certain !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre SCHUBNEL a reçu des financements de l'INSU, du CEA, de l'ANR et de l'ERC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kristel Chanard a reçu des financements du CNRS et du CNES. </span></em></p>Dans les expéditions scientifiques, on ne trouve pas que de vieux loups de mer et des spécialistes du thème de la mission. Aujourd’hui, la vision de deux géoscientifiques novices en mer.Alexandre Schubnel, Senior researcher, École normale supérieure (ENS) – PSLKristel Chanard, Chargée de recherche en Géodésie spatiale et Géophysique, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1834572022-05-22T16:08:06Z2022-05-22T16:08:06ZChronique en mer : Explorer les dorsales au large des Açores par plus de 2 000 mètres de fond<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/464224/original/file-20220519-25-t43ruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C24%2C4007%2C2993&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le robot télécommandé Victor émerge de la zone d’exploration le 16&nbsp;mai 2022 et est récupéré par l’équipage du Pourquoi Pas&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">Campagne Arc en Sub - Flotte océanographique française - Jean-Arthur Olive</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>On connaît moins bien le fond des océans terrestres que la surface des continents ou celle de la planète Mars. C’est pourtant au fond des mers, au niveau des dorsales – où les plaques tectoniques s’écartent – qu’ont lieu les plus importants échanges entre la Terre profonde et les océans, de chaleur ou de magma entre autres, qui peuvent in fine se répercuter sur l’atmosphère.</p>
<p>Ces échanges affectent la chimie des océans et <a href="https://theconversation.com/explorer-les-grands-fonds-marins-grace-a-ladn-environnemental-ou-comment-reveler-une-biodiversite-insoupconnee-181861">peuvent être associés à différents types d’écosystèmes</a> dont la découverte ne cesse de progresser.</p>
<p>Pour mieux comprendre la topographie de ces zones sous-marines et leurs processus magmatiques, tectoniques et hydrothermaux, nous vous emmenons en campagne océanographique le long du massif sous-marin <em>Rainbow</em>, sur la dorsale médio-atlantique, au sud des Açores.</p>
<p>36 scientifiques et 30 marins, un sous-marin autonome et un robot télécommandé partent un mois en mer pour chercher des traces d’une activité hydrothermale de basse température diffuse sur l’ensemble du massif qui co-existerait avec les cheminées hydrothermales de haute température qui sont bien connues.</p>
<h2>Les dorsales océaniques, lieux d’échange entre la Terre profonde, les océans, puis l’atmosphère</h2>
<p>Longtemps considérés comme de mornes steppes, les fonds océaniques ont suscité un intérêt grandissant vers le milieu du XX<sup>e</sup> siècle lorsque les dorsales, ces reliefs qui sillonnent le milieu des océans sur plus de 65 000 kilomètres, <a href="https://www.albin-michel.fr/expedition-famous-a-3000-metres-sous-latlantique-9782226002518">ont été identifiées</a> comme des zones volcaniques actives, où se développent des oasis de vie en conditions extrêmes. Les plaques tectoniques s’écartent au niveau des dorsales, ce qui provoque une remontée de magma ou de roches profondes sur le plancher océanique, et la formation de failles et de reliefs. L’eau de mer peut alors s’infiltrer en profondeur dans la roche et y interagir chimiquement avant de remonter à la surface sous l’effet de la chaleur. Les dorsales sont donc un extraordinaire lieu d’échange de chaleur et de matière entre la Terre profonde et les océans, puis l’atmosphère.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464235/original/file-20220519-5905-zzsewa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cheminée hydrothermale sur la zone d’étude. Image prise par «Victor», le robot télécommandé qui plonge à 2 000 mètres de fond et ramène des échantillons.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les plus spectaculaires manifestations de ces interactions sont les cheminées hydrothermales qui relarguent des liquides et des gaz de haute température (jusqu’à 400 °C) dans l’océan. Mais d’autres types d’émanations, plus discrètes, plus froides, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1009383108">peuvent aussi avoir lieu</a> et représenter une partie non négligeable, encore inestimée, des échanges thermiques et élémentaires. Les fluides hydrothermaux sont par exemple une source de fer vers l’océan, élément essentiel pour de nombreux organismes. Sous forme de méthane ou de dihydrogène, leur circulation est une source de carbone et d’énergie pour divers écosystèmes. Identifier la nature, la durée et l’étendue spatiale de ces échanges est fondamental pour une meilleure compréhension de leur impact sur la chimie des océans.</p>
<h2>Comment explorer à plus de 2000 mètres de fond</h2>
<p>Pour appréhender un tel système, en tant que géologues, nous avons besoin d’une bonne connaissance des reliefs (bathymétrie), d’observations directes sur le terrain, d’échantillons de roches et de fluides. L’accès au terrain passe donc par une campagne océanographique, avec la mise à disposition d’un <a href="https://www.flotteoceanographique.fr/Nos-moyens/Navires-engins-et-equipements-mobiles/Navires-hauturiers/Pourquoi-pas">navire dédié de la flotte océanographique française</a> et toute une série d’engins embarqués qui donnent un accès direct ou indirect au plancher océanique.</p>
<p>Contrairement aux surfaces planétaires émergées, où la topographie est connue avec quelques centimètres de résolution – y compris sur d’autres corps planétaires comme Mars ou la Lune, la topographie des terres immergées est difficile à cartographier, la colonne d’eau empêchant une mesure directe des hauteurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464229/original/file-20220519-25-kv5uft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Bathymétrie par satellite à l’échelle mondiale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kevinmgill/6178801864">Kevin Gill/GEBCO/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>Une première estimation peut être obtenue à l’aide de satellites (<a href="https://wwz.ifremer.fr/grands_fonds/Les-moyens/Les-equipements/Les-satellites">bathymétrie par altimétrie satellitaire</a>) et de modèles mais la résolution d’environ 100 mètres est insuffisante pour une bonne analyse des processus géologiques. La <a href="https://wwz.ifremer.fr/grands_fonds/Les-moyens/Les-equipements/Les-sondeurs">mesure directe par sonar</a> installé sous les bateaux apporte une meilleure résolution (quelques dizaines de mètres) mais une telle cartographie représente moins de 25 % des fonds et reste inefficace à la détection de structures particulières comme les cheminées hydrothermales.</p>
<p>Une première étape de la mission d’exploration de cette terra incognita est donc le déploiement d’un engin autonome – notre « AUV » <a href="https://www.flotteoceanographique.fr/Nos-moyens/Navires-engins-et-equipements-mobiles/Systemes-sous-marins/AsterX-et-IdefX">IdefX</a> – qui parcourt la zone d’étude pour fournir une cartographie sonar plus près du fond (à environ 70 mètres) avec 2 à 3 mètres de résolution. Il peut également être équipé d’autres capteurs pour mesurer par exemple la turbidité de l’eau ou le magnétisme du plancher océanique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464231/original/file-20220519-6052-gxfrws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le sous-marin autonome IdefX plonge vers la zone d’étude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Ildefonse, Campagne Arc en Sub</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette cartographie permet ensuite de sélectionner les zones propices à du « terrain sous-marin » par l’intermédiaire d’un robot télécommandé, <a href="https://www.flotteoceanographique.fr/Nos-moyens/Navires-engins-et-equipements-mobiles/Systemes-sous-marins/Victor-6000">« Victor »</a>, qui sera en mesure de filmer et photographier le fond, prélever des échantillons de roches ou de fluides tout en mesurant leur température grâce à ses bras articulés contrôlés depuis la surface.</p>
<p>Cette <a href="http://arcensub.ens.fr/">campagne à la mer</a> est avant tout née d’une collaboration que nous menons depuis des années, avec deux approches différentes et complémentaires des processus géologiques sous-marins. Muriel est minéralogiste, elle s’intéresse aux réactions chimiques entre fluides et roches à partir de l’étude d’échantillons naturels et d’expériences en laboratoire. Javier quant à lui, décrypte les processus tectoniques à partir de la morphologie fine des reliefs sous-marins. Nous avons soumis le projet scientifique en 2018. Il a été sélectionné la même année et nous voici, prêts au départ, en mai 2022.</p>
<p>Nous cherchons principalement à tester l’hypothèse d’une activité hydrothermale de basse température, que nous pensons diffuse sur l’ensemble du massif, et qui se développerait en parallèle de l’activité haute température très localisée au niveau des cheminées hydrothermales connues.</p>
<h2>À bord du <em>Pourquoi Pas ?</em></h2>
<p>Le 5 mai, notre équipe de 24 scientifiques et 12 ingénieurs rejoint le navire <em>Pourquoi Pas ?</em> et ses 30 membres d’équipage de la flotte océanique française. À nous deux, co-chefs de mission, nous couvrons tous les besoins scientifiques à bord, ce qui permet une gestion plus efficace lors de la campagne, avec les aléas de la météo, les problèmes techniques, et le besoin d’atteindre les objectifs scientifiques. Des choix stratégiques doivent aussi être faits, et nos échanges facilitent la prise de décision.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464239/original/file-20220519-14-ws9cou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le navire <em>Pourquoi Pas ?</em> est amarré au port avant le départ. Les grues sur le pont arrière permettent de mettre à l’eau et de récupérer les engins d’explorations : sous-marins et robot télécommandé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alexandre Schubnel, Campagne Arc en Sub</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Humainement, nous avons testé notre entente et nos complémentarités lors de précédentes missions. Elles sont indispensables pour mener l’ensemble des participants vers un projet collectif et constituer une équipe impliquée et motivée. Toute cette équipe scientifique, invitée à participer lors de la phase préparatoire, est bien sûr en appui à l’organisation et la définition des stratégies et objectifs scientifiques, en collaboration avec les équipes techniques des engins sous-marins et le personnel du navire, qui rendent tout cela possible.</p>
<p>Le transit vers la zone d’étude « Rainbow » dure deux jours. La météo est clémente, ce qui permet aux participants de « s’amariner » plus facilement. Chaque membre d’équipage a laissé à terre une situation personnelle et professionnelle un peu différente, entre les cours ou examens à déplacer et les vies de famille à organiser. Malgré ces complexités, l’aventure humaine et scientifique d’une campagne en mer est telle, puisqu’elle mène à la découverte de terrains à ce jour jamais explorés, qu’il y a de nombreux récidivistes parmi nous. Certains cumulent à ce jour plus d’une quinzaine de campagnes en mer, et côtoient des collègues qui découvrent les opérations à bord pour la première fois, avec plaisir et étonnement. Les plus expérimentés ont pu fournir, dès les étapes de préparation, de précieux conseils à ces novices, comme la nécessité d’amener assez de chocolats pour les soirées d’exploration du Victor ou des vêtements étanches pour l’utilisation de la scie à roche sur le pont.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464238/original/file-20220519-21-bz0w02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les opérations sont à la merci des conditions météorologiques. Une tempête interrompt les plongées lors de la première semaine de l’expédition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Benoît Ildefonse, Campagne Arc en Sub</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>À l’arrivée sur le site, l’équipe est désormais soudée et a organisé les labos et les opérations scientifiques à bord : préparation des instruments de mesure (recharge des batteries, calibration, paramétrage), planification des premières plongées à partir des cartes bathymétriques, organisation de la description des roches et de leur archivage, traitement des images des fonds océaniques déjà disponibles pour visualisations 2D et 3D géolocalisées.</p>
<p>Les plongées ont pu commencer immédiatement, durant la journée pour l’AUV, toute la nuit pour le robot télécommandé Victor. Avec elles, nous avons déjà fait de belles découvertes inattendues. Par exemple, nous avons détecté la présence d’un ancien site hydrothermal de haute température : il est maintenant éteint mais très similaire à celui qui est aujourd’hui actif. Nous avons aussi observé des plans de faille spectaculaires et leur association à des amas de bivalves fossiles. Mais le grand moment de découverte de ces premiers jours a été l’observation de bivalves vivants, autour de zones actives d’où s’échappent des fluides à basse température, ce qui était inconnu sur cette zone.</p>
<p>Hélas, au bout d’une semaine et pendant 2 jours, les aléas de la météo nous ont obligés à suspendre les opérations !</p>
<p>Mais nous ne manquons pas d’activité à bord : entre le traitement des données déjà acquises, la planification de la suite, les discussions scientifiques et stratégiques, nous sommes bien occupés en attendant la reprise des opérations – que vous pourrez suivre dans le prochain épisode de notre Chronique en mer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183457/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Javier Escartin a reçu le soutien de la Flotte Océanographique Française pour la réalisation de la campagne Arc-en-Sub.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Muriel Andreani a reçu le soutien de la Flotte Océanographique Française pour la réalisation de la campagne Arc-en-Sub.
</span></em></p>Partez en mer pour découvrir les grands fonds à bord du « Pourquoi Pas ? », avec 36 scientifiques et 30 marins, un sous-marin autonome et un robot télécommandé.Javier Escartin, Directeur de recherche CNRS en géologie et professeur attaché, École normale supérieure (ENS) – PSLMuriel Andreani, Professeure de géologie, Laboratoire de Géologie de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1761672022-04-20T18:15:17Z2022-04-20T18:15:17ZUne communauté humaine au cœur des glaces de l’Antarctique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458877/original/file-20220420-19-mibw2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C2236%2C1502&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La station Robert Guillard à Cap Prud'homme.</span> <span class="attribution"><span class="source">Institut Polaire Français</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Imaginez un continent grand comme l’Europe et comptant à peine plus de 900 habitants durant le long hiver polaire… Des habitants isolés dans des bases composées de structures métalliques posées au milieu des glaces.</p>
<p>Comme une portion de gâteau découpée en triangle, depuis la côte proche du cercle polaire jusqu’au Pôle Sud géographique, la terre Adélie abrite la <a href="https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-dumont-durville/">station de recherche Dumont d’Urville</a> (DDU).</p>
<p>La France dispose de deux stations scientifiques en Antarctique. Dumont d’Urville qu’elle exploite en autonomie, et <a href="https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-concordia/">Concordia</a> qui a la particularité d’être gérée conjointement avec l’Italie. La première se trouve dans la portion de la terre Adélie, la seconde est implantée dans la zone australienne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455020/original/file-20220329-16-1jtr5o4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du Lion. Plate-forme d’accostage du bateau L’Astrolabe. C’est ici que sont déchargés matériel, fuel et vivres destinés à alimenter les bases de Dumont d’Urville, Cap Prud’homme et Concordia. C’est ici que seront rechargés sur le bateau, matériel et déchets provenant de ces stations et destinés à être renvoyés en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Institut Polaire français</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Située sur l’île des Pétrels dans l’archipel de Géologie, la station de Dumont d’Urville s’étend matériellement sur deux, voire trois, espaces. Le Lion, projet non abouti d’une piste d’aviation de 1100 mètres de long, construite dans les années 1980 en reliant 3 îles entre elles, sert de quai d’accostage au bateau l’Astrolabe, zone de débarquement et lieu de stockage. </p>
<p>A chaque rotation, ceux qui se nomment eux-mêmes « les fucking sherpas du Lion » – en raison du travail qu’ils considèrent comme pénible, ingrat, peu valorisant – assurent la gestion des poubelles, transportent et déchargent des tonnes de marchandises (matériel technique, scientifique et provisions alimentaires), acheminées ensuite par hélicoptère sur la base de DDU. Le bateau du retour transportera dans ses cales, des containers chargés de tous les déchets destinés à être renvoyés vers la France afin d’y être traités, ceci en vertu de la réglementation adoptée dans le protocole de Madrid <a href="https://institut-polaire.fr/wp-content/uploads/2016/10/Protocole-de-Madrid-25e-anniversaire-1.pdf">entré en vigueur en 1998</a>.</p>
<p>Cette équipe est composée d’hommes aux qualifications techniques souvent pointues mais recrutés pour effectuer une partie de leur temps de travail sur la base en tant que dockers. Dans cette chaîne logistique où la survie de chaque étape dépend de la précédente, ceux du Lion occupent un rôle central.</p>
<p>Le responsable Yann, dit « Yannoch », membre permanent de l’Institut Polaire, supervise les opérations de son équipe aux surnoms rappelant une sorte de tradition qui disparaît peu à peu, celle de substituer aux prénoms des images, qualités ou mention du lieu d’origine… Je rencontre ainsi Zazou, Pirate, Mac Plouf.</p>
<h2>Cap Prud’homme</h2>
<p>Sur le continent, à 5 km de l’île des Pétrels, DDU est articulé à un troisième lieu, Robert Guillard (Cap Prud’homme), élément de base d’un système dont l’objectif principal consiste à organiser, selon les années, outre des expéditions scientifiques, deux ou trois raids pour ravitailler en fuel et matériel la station franco-italienne Concordia.</p>
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<span class="caption">Photo de la station Robert Guillard à Cap Prud’homme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Institut Polaire français</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Prud’homme est une petite unité, de 10 à 20 personnes selon les moments, et qui se définit comme « un village », administré par un « ancien », nommé avec une pointe d’humour, le « maire ». Un maire non élu, sans statut spécifique, mais tout simplement considéré, grâce à son expérience, comme responsable de la coordination d’une équipe d’hommes et de femmes. T., âgé d’une cinquantaine d’années, occupe cette fonction qu’il assure de manière collégiale avec les autres. Sa présence constante depuis plus de vingt ans durant toutes les campagnes d’été (de la première à la dernière rotation), ses compétences et ses qualités humaines en font une personnalité respectée et appréciée.</p>
<p>Le village est composé essentiellement de mécaniciens en charge de préparer et d’accompagner le raid, véritable prouesse physique, 20 jours de traversée aller-retour à travers le continent glacé, dans des tracteurs tirant des containers montés sur skis, chargés de cuves de fuel et de matériel. C’est un véritable cordon ombilical sans lequel Concordia construite à 3 200 mètres d’altitude et à 1 200 km de la côte ne pourrait pas vivre.</p>
<h2>Du village à la ville</h2>
<p>Si les habitants de cap Prud’homme se sentent appartenir à un petit village, par contraste la station de Dumont d’Urville représente à leurs yeux la « ville ». Il est vrai que forte d’une population oscillant entre 80 et 100 personnes durant la période estivale, DDU est non seulement plus étendue, mais elle accueille aussi des groupes très hétérogènes en termes d’âges et de métiers.</p>
<p>On y trouve ainsi des techniciens gérés par l’Institut Polaire français, des chercheurs rattachés à leurs laboratoires, des professionnels recrutés par les TAAF (Terres australes et antarctiques françaises) comme le chef de district, le gérant postal, le radio ou encore le médecin.</p>
<p>Les activités techniques d’entretien de la base mobilisent près des deux tiers du personnel de la base et font parfois oublier l’environnement exceptionnel pourtant à portée de main. Seuls les ornithologues, souvent placés au centre des manchotières, ou encore les glaciologues qui explorent la banquise ou les plongeurs biologistes entretiennent une relation de proximité visuelle, tactile, sonore avec la nature.</p>
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<span class="caption">Equipe d’hivernant 2022 (72ᵉ équipe en terre Adélie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Institut Polaire français</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette petite société est construite selon une organisation qui place l’ensemble de la base sous la responsabilité du chef de district puis se décline selon les statuts. Les techniciens relèvent d’un chef technique qui programme leurs activités, les militaires et les chercheurs travaillent en autonomie. Des différences de statut, des hiérarchies, de salaires sont parfois sources de tension, mais il n’en reste pas moins que les gens travaillent ensemble tout en adoptant le plus possible des comportements lissés pour éviter d’entraver le système.</p>
<h2>La vie de la base</h2>
<p>La vie de la base s’organise autour du « séjour », lieu névralgique de la vie sociale, vaste bâtiment comprenant cuisine, salle à manger, salon et lingerie. À proximité du séjour la GP (gérance postale, haut lieu de la philatélie, une activité importante dans les TAAF, et siège du radio) ; tout autour sont disséminés des bâtiments techniques et scientifiques, les dortoirs, les magasins (lieux de stockage de l’alimentation et du matériel technique).</p>
<p>Espaces et temporalités s’entrelacent, car dans cet environnement restreint rien ne distingue vraiment ce qui sépare le professionnel du privé, même les chambres sont souvent partagées. Cette porosité entre les espaces entraîne des pratiques et des représentations spécifiques, comme aller au bureau en pantoufles, porter surtout les vêtements de dotation de l’IPEV, ne pas trop se maquiller pour les filles, (même si comme le dit C. « ce n’est pas parce que je vis sur une base que je dois ressembler à un paillasson »), profiter de cette parenthèse pour se laisser pousser la barbe pour les hommes ou encore tenter, pour les filles comme pour les garçons, des coupes de cheveux extravagantes que l’« on n’oserait pas dans la vie normale ».</p>
<p>La frontière floue entre espace privé et public impacte aussi la perception du temps. L. me dit « je ne prends plus ma montre, il faut juste une alarme sur mon téléphone pour me rappeler les heures des repas ». En effet les repas structurent les journées ; les soirs des lundi, mardi, mercredi et jeudi le cuisinier propose une soupe (ce sont les jours de travail), le vendredi soir pizza (début de l’annonce du week-end), samedi un repas amélioré, dimanche soir ce sont « les restes » de la semaine.</p>
<h2>« Tu n’as rien à faire d’autre que travailler »</h2>
<p>Quelle que soit la mission à accomplir, il n’est pas rare de voir certains travailler tard la nuit ou le week-end.</p>
<blockquote>
<p>« Ici finalement tu n’as rien à faire d’autre que travailler ; pas de magasins, pas de préparation de repas, pas d’amis à aller voir, pas de transport entre ton domicile et ton lieu professionnel. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455015/original/file-20220329-21-1cfck5k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Réunion au laboratoire Géophy (géophysique).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Institut Polaire français</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il existe cependant une organisation collective respectée par chacun. Ainsi, selon un calendrier défini et à tour de rôle, toute personne de la base avec un binôme, doit une journée entière, « le jour base », durant laquelle elle se charge du ménage des parties communes, (séjour, salles de bains, toilettes, couloirs), ainsi que des services de repas midi et soir, nettoyage des tables et vaisselle.</p>
<p>L’activité intense et presque continue, le jour polaire ou la nuit polaire, la proximité entre univers professionnel et privé, la promiscuité quotidienne génèrent aussi une perception du temps particulière : « Je me souviens que cette année là, alors que j’ai vécu un an, j’ai eu l’impression d’avoir vécu dix ans dans mon expérience de la vie », ou encore un autre : « les relations sont exacerbées, tout va plus vite qu’en métropole ; On peut vivre quelque chose de très intense qui prendra des années ailleurs, autant la construction d’une amitié que la déconstruction d’une amitié ».</p>
<p>La représentation d’un temps « précipité », compacté dans un espace restreint, la question du caractère éphémère des relations dans un espace clos ont déjà fait l’objet d’études – par exemple dans le monde des marins ou des sous-marins – et les témoignages portent toujours sur l’intensité, et en même temps la fragilité, des relations construites dans un temps ainsi condensé.</p>
<p>La vie sur une base située au bout du monde n’impacte pas seulement les pratiques et les représentations de l’espace et du temps, les relations sociales, elle influence aussi les pratiques professionnelles.</p>
<p>Débrouillardise, inventivité, souplesse sont autant de termes qui surgissent dans les propos :</p>
<blockquote>
<p>« Le travail en Antarctique c’est différent. Déjà les gens ne sont pas à 100 % sur leur métier, parce que tu as des tâches collectives, des journées pour le service base, ça c’est bien, tu as des astreintes pour la centrale puis pour les hivernants tu as des formations sécurité, banquise, pompiers, rescue, etc.. Bref, tu ne travailles pas dans ton métier – par exemple, plombier – à 100 %. En plus, nous les plombiers on s’occupe du transfert gasoil, on a cette casquette, aide à la logistique polaire… bon il faut le faire.. Alors pourquoi le plombier est-il sollicité pour le gasoil ? Je ne sais pas… Peut-être juste parce qu’on connaît les tuyaux ! [rires] Les qualités pour travailler en Antarctique c’est la polyvalence et l’aptitude à se gérer tout seul, à bosser, à chercher du travail, ce n’est pas donné à tout le monde. Ici, on travaille dans des conditions où on ne dispose pas de tout ce qu’on pourrait avoir si on était à côté d’un magasin… parfois il manque un outil. Sur une base on ne jette rien, ça pourra toujours servir. On est des MacGyver, des Geo Trouvetou ! »</p>
</blockquote>
<h2>« Ici tu es libre »</h2>
<p>Cette intense activité professionnelle ne saurait cependant faire oublier les multiples motivations de ceux qui ont choisi d’entreprendre ce périple. Les histoires de vie des uns et des autres, quels que soient leurs métiers, révèlent une curiosité particulièrement aiguisée, des parcours atypiques dans lesquels le goût du voyage, le militantisme ou encore une habitude d’activités dans la nature tiennent une place de choix.</p>
<p>Si certains expliquent leur attirance sur ce continent encore mal connu par l’opportunité de faire avancer les connaissances scientifiques, bien d’autres soulignent le goût de la liberté, de l’aventure, le besoin de vivre hors d’une société de consommation et saturée d’informations, de découvrir une expérience humaine, d’apprendre à mieux se connaître ou encore l’envie de vivre en communauté… « Je n’ai pas besoin de grand-chose pour vivre et je voulais une aventure hors du commun », « Moi je veux la liberté dans le travail et pas bosser pour une entreprise commerciale. Je ne cherche pas à gagner de l’argent, à m’enrichir je veux être libre, je ne veux pas travailler dans un monde de pognon » ; « je voulais vivre avec des gens qui font des métiers que je ne rencontrerais jamais dans ma vie ordinaire » ; « Ici tu es libre »…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6BB3YRtzRxE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’un des personnages du film de Werner Herzog <em>The Encounters at the End of the World</em> (2008) exprime très bien ce phénomène : « Je dis souvent que les gens qui n’ont pas trop d’attaches sur terre ont tendance à dégringoler vers le bas de la planète ».</span></figcaption>
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<p>T., chaudronnier, consacre tout son temps libre en France à s’occuper d’enfants après avoir fait le tour du monde avec ses parents quand il avait 8 ans. G., technicien, ne vit que pour la liberté : « je déteste les contraintes, j’aime bien vivre ce qui se présente et surtout ne pas faire de tourisme. Déjà plus jeune, je disais à mes parents : je pars en vacances deux semaines en Norvège, et je revenais au bout de huit mois, tout simplement parce que j’avais rencontré des gens qui m’avaient emmené là, puis il y avait eu autre chose après, le voyage c’est ma liberté.. ». L., météorologue milite depuis des années dans des associations de protection de la nature et d’accueil des migrants, et elle voulait aller en terre Adélie : « c’était là, et j’aurais pu changer de métier et me former à la boulangerie si ça avait été le moyen d’y arriver… »</p>
<p>De mars à octobre, quand la banquise se refermera, seule une petite vingtaine « d’hivernants » vivra dans la base, coupée du reste du monde. Ainsi, pour beaucoup, le pôle sud représente l’aventure ultime et comme le dit A. : « après le pôle sud tu n’as plus rien… tu tombes dans l’espace ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article décrit le Projet « Ethnographie d’une base scientifique en Antarctique » (Isabelle Bianquis, Professeur d’Anthropologie à l’Université de Tours et Bernard Ancori, Professeur d’Epistémologie et Histoire des Sciences à l’Université de Strasbourg). Projet soutenu par l’Institut Polaire français Paul-Emile Victor.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176167/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bianquis a reçu des financements de l'Université de Tours et de Citeres ( UMR CNRS ). </span></em></p>Comment vit au quotidien une petite société humaine en milieu hostile ? Retour en Terre d’Adélie.Isabelle Bianquis, Anthropologue, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1739582022-01-27T19:21:09Z2022-01-27T19:21:09ZMission en Antarctique : départ vers une société inconnue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439641/original/file-20220106-21-1xf2xol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C14%2C1859%2C1229&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Étudier une population au caractère temporaire dans l’espace et dans le temps préfigurera probablement de ce que nous connaîtrons de plus en plus dans l’avenir, par exemple lors d'explorations spatiales et des formes de vie dans des univers a priori totalement inhospitaliers. La base Dumont d'Urville vue du ciel.</span> <span class="attribution"><span class="source">I.Bianquis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À quoi ressemble la vie dans une communauté temporaire, une société humaine créée de toute pièce pour les besoins de la recherche, vivant dans un milieu inhospitalier et soumis à de nombreuses contraintes techniques, sans population autochtone ? C’est sur les bases de ces questions que j’ai déposé mon <a href="https://institut-polaire.fr/fr/programmes_soutenus/habiter-lantarctique-etude-preliminaire-analyse-anthropologique-et-recherche-action-participative/">projet de recherche sur l’Antarctique</a> avec <a href="https://irist.unistra.fr/membres/membres-statutaires/ancori-bernard/">Bernard Ancori</a>, collègue spécialiste en histoire des sciences de l’université Strasbourg, auprès de l’Institut Polaire Français Paul-Emile Victor (IPEV) en 2019.</p>
<p>Le projet a pour objectif de permettre une <a href="https://www.univ-tours.fr/recherche/actualite-scientifique/les-recherches-en-antarctique-disabelle-bianquis">exploration anthropologique peu commune</a> sur une base antarctique française.</p>
<h2>Observer une société humaine en création</h2>
<p>J’ai longtemps travaillé en Mongolie sur l’organisation sociale de populations d’éleveurs nomades, puis en Yakoutie sur les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03408597/">changements alimentaires</a> de populations anciennement nomades. La question des transformations sociales, des adaptations, de la rencontre des modèles et de la mobilité sont au cœur de mes questionnements.</p>
<p>Ce sont ces sujets qui ont motivé mon intérêt pour une incursion du côté d’un autre type de population au caractère temporaire dans l’espace et dans le temps, préfiguration probablement de ce que nous connaîtrons de plus en plus dans l’avenir que ce soit dans le cadre de migrations liées au travail ou encore du développement des explorations spatiales et des formes de vie dans des univers a priori totalement inhospitaliers.</p>
<p>Or, d’ordinaire, que ce soit pour mes recherches en <a href="https://www.librest.com/livres/mongolie-une-culture-en-mouvement-isabelle-bianquis_0-1656510_9782869063006.html">Mongolie ou en Sibérie</a>, il m’incombe d’organiser la mission et ce n’est qu’une fois arrivée sur mon terrain de recherche que je vais partager la vie des personnes dont j’étudie l’organisation sociale. Mais ici, pour la première fois dans ma carrière d’anthropologue, je ne pars pas seule.</p>
<h2>Premiers pas vers la station Dumont d’Urville</h2>
<p>Nous sommes un groupe d’une trentaine pour la rotation zéro (ou RO), c’est-à-dire la première rotation destinée à acheminer du personnel sur la <a href="https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-dumont-durville/">station scientifique de DDU</a>, Dumont d’Urville, nom du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Dumont_d%27Urville">premier explorateur français</a> à avoir posé le pied sur ce continent en 1840.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439634/original/file-20220106-27-1xmabcq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jules Dumont d’Urville (1846) Voyage au Pôle Sud et dans l’Océanie sur les corvettes L’Astrolabe et La Zélée exécuté par ordre du Roi Pendant les Années 1837–1838–1839–1840 sous le commandement de M. Dumont-d’Urville. Atlas pittoresque. Exemplaire de la bibliothèque patrimoniale de Gray. 70100 France. Louis Le Breton et Mayer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">scan Jeffdelonge</span></span>
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</figure>
<p>La station est implantée sur une bande de terre glacée de 432000 Km<sup>2</sup>, située sur la côte est de l’Antarctique et partie intégrante des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439633/original/file-20220106-25-yc85ks.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Antarctique. La Terre d’Adélie est située à l’est.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Antarctica_relief_location_map.jpg?uselang=fr">Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Quatre autres rotations suivront jusqu’en février 2022 convoyant des personnels arrivants ou sur le départ en fonction du temps nécessaire à leur mission sur place. Un vocabulaire spécifique est utilisé pour qualifier les deux populations qui occuperont les lieux : « les campagnards d’été » et les « hivernants ». Ceux qui sont « en campagne » restent, pour la plupart, environ 4 mois durant l’été antarctique, ils rentreront à « R4 » début mars.</p>
<p>Les hivernants eux, arrivés en même temps que les campagnards d’été, occuperont la base une année entière, parfois un peu plus. Ils vivront totalement isolés, confrontés à la nuit polaire et aux rigueurs du climat avec des vents fréquents à plus de 100km/h et une température moyenne de – 18 degrés.</p>
<p>Ces deux populations semblent bien différentes en termes d’expérience et d’âge et je constate en étudiant la liste des présents sur la station que le monde français de l’Antarctique reste encore très majoritairement masculin ; 22 femmes sur les 124 personnes qui vivront à un moment ou un autre cette année sur la station.</p>
<p>Qui sont mes compagnons de voyage ? Que vont-ils faire si loin de chez eux ? Ma recherche va précisément consister à observer jusqu’à la fin janvier comment, dans un environnement hostile, extrême, sans habitants autochtones, se constitue une petite société qui n’a pas vocation à se pérenniser.</p>
<h2>Traverser les océans sur l’Astrolabe</h2>
<p>Dans l’équipe R0 certains se connaissent un peu. Notre groupe compte des membres de l’IPEV et une dizaine de futurs hivernants qui ont déjà eu l’occasion de passer deux jours et demi ensemble en Bretagne au mois de septembre pour préparer leur séjour.</p>
<p>Il nous faudra trois vols, 14 jours de confinement drastique en Tasmanie (enfermés dans une chambre d’hôtel, repas livrés sur le pas de la porte) et 7 jours de bateau sur le mythique Astrolabe : sous ce nom résonne une grande partie de l’histoire des explorations scientifiques au pôle sud. De La Pérouse à Jules Dumont d’Urville, de Paul-Emile Victor au nouveau patrouilleur polaire, c’est toute une <a href="http://stephanedugast.com/livre-illustre-l-astrolabe-le-passeur-de-l-antarctique">généalogie prestigieuse qui se décline</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439635/original/file-20220106-27-9i2hwy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’astrolabe à l’arrivée en Terre d’Adélie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Bianquis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La traversée tant redoutée sur ces mers les plus agitées du globe s’est finalement assez bien déroulée. Ce n’était pas gagné ! Les premiers moments se sont passés en se demandant qui allait être le plus malade. Le mal de mer à venir occupait toutes les conversations et il faut dire que les témoignages des anciens n’avaient rien de rassurant : « moi, à chaque fois, je ne suis pas malade je suis mourant », « j’ai des vomissements permanents je ne peux même pas boire un verre d’eau, j’ai mal à la tête c’est horrible » ou encore « il paraît qu’il y en a un qui était tellement malade qu’on a dû le mettre sous perf durant toute la traversée, maintenant on l’envoie en avion c’est plus sûr »…</p>
<p>Plusieurs d’entre nous ont de petites mines. T. restera couché dans sa bannette durant toute la traversée, ça tangue, personne n’en mène large !</p>
<h2>Les jeunes, les solitaires, les vétérans…</h2>
<p>Profitant de la traversée pour commencer des observations et quelques entretiens, je suis postée la plupart du temps dans le salon passager, scindé en deux espaces confortables avec fauteuils, canapés, grande télé…</p>
<p>Le groupe se constitue peu à peu. Dans la partie télé, les « jeunes » d’une vingtaine d’années, dont la plupart partent avec un statut de Volontaire Service civique, ont élu domicile. Ils jouent, discutent, somnolent, regardent des films… Dans l’autre partie du salon, ce sont les « vieux », ils discutent, somnolent, lisent. Certains se connaissent, ils se sont rencontrés lors de précédentes missions. Les jeunes volontaires eux, ont eu l’occasion de passer deux jours en Bretagne au siège de l’Institut Polaire pour un stage de préparation à l’hivernage.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439636/original/file-20220106-23-hk8sjh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Intérieur de l’Astrolabe pendant la traversée : le « salon » avec écran.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Bianquis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Il y a des solitaires qui se placent toujours à la marge, sur une petite table séparant les deux salons ou dans un fauteuil à l’écart ; il y a aussi ceux comme Michel, le pilote d’hélico destiné à rester sur la base durant toute la campagne d’été pour acheminer le matériel à chaque rotation du bateau ou accompagner des scientifiques depuis la base sur d’autres sites, qui passent une grande partie de leur temps dans la cabine de pilotage. Enfin, les personnalités (directeur de l’Ipev, le médecin des TAAF, le Préfet…) se retrouvent souvent dans le carré des officiers.</p>
<p>Il me semble que ces premières observations témoignent déjà de certains clivages ou en tout cas de création de liens par affinités d’âge, d’expérience ou de statut. Il me faudra les suivre dans les semaines à venir pour saisir les dynamiques de constitution de groupes ou de sous – groupes.</p>
<h2>Bienvenue au 66ᵉ parallèle sud</h2>
<p>Après avoir franchi les 50<sup>e</sup> hurlants – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cinquanti%C3%A8mes_hurlants">surnom des latitudes</a> situées entre les 50<sup>e</sup> et 60<sup>e</sup> parallèles dans la zone de l’océan Austral –, le commandant de l’Astrolabe annonce officiellement au micro :</p>
<blockquote>
<p>« Nous venons de passer les 60<sup>e</sup>, bienvenue dans l’Antarctique ! ».</p>
</blockquote>
<p>Encore quelques degrés et nous atteindrons notre point d’attache au 66<sup>e</sup> parallèle sud. L’arrivée se fait sous un soleil magnifique, un émerveillement, un choc tant le paysage est exceptionnel… Ceux qui font le voyage pour la première fois ne quittent pas le poste de commandement du bateau, subjugués par les couleurs, la vue des premiers manchots, les phoques affalés… Les anciens eux restent dans le salon à discuter entre eux, certains reviennent pour la 20<sup>e</sup> fois !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439638/original/file-20220106-21-oofrvp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La base DDU.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Bianquis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439640/original/file-20220106-19-q7ruyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Colonie de manchots Adélie photographiés dans leur nids sur le site de la base française Dumont d’Urville en Terre Adélie, Antarctique. 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Colonie_de_manchots_Ad%C3%A9lies.jpg?uselang=fr">Matthieu Weber/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans la station nous retrouvons une quinzaine de personnes venues en avion trois semaines avant nous et la TA 71, 71<sup>e</sup> équipe d’hivernants en Terre Adélie. Accueil chaleureux, débriefing par le DISTA (Chef de district), représentant du préfet. Consignes pour tous, puis chacun est pris en main par l’hivernant qu’il va remplacer. Commence alors un étrange ballet, passage de relais qui se déroulera jusqu’au départ de l’ancienne équipe.</p>
<h2>La base</h2>
<p><a href="https://institut-polaire.fr/fr/antarctique/la-station-dumont-durville/">La base construite en 1956</a> est composée de constructions hétéroclites, vieillottes, reliées par des passerelles métalliques. Chaque lieu est affublé d’un nom ou d’un numéro aussi étranges pour le néophyte que les acronymes de Dista ou de TA… : géophy, biomar, siporex, le – 20, le BT, Caroline, le 42… autant de termes qu’il va me falloir intégrer un peu comme une langue étrangère.</p>
<p>Mais contrairement à ce que j’ai pu éprouver en Mongolie ou en Sibérie, la différence de culture se niche ici dans l’aspect technique du lieu. J’ai la curieuse impression de me poser sur un vaste chantier composé de citernes de fuel, de garages, d’engins de toutes sortes… et dans cet environnement de tôle des dizaines de petits manchots adélies s’activent sans prêter grande attention aux humains, intrus qu’ils semblent tolérer sur leur territoire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439642/original/file-20220106-23-j9cr3x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La base est avant tout un immense chantier, un arsenal au service de la recherche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Bianquis</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce paysage éclectique masque à première vue sa raison d’être : un arsenal logistique destiné à supporter la recherche, et en effet la science est bien là… des programmes de biologie humaine, de glaciologie, de climatologie, d’ornithologie, de sciences humaines sont supportés par l’Ipev qui en tant qu’agence de moyens au service de la science met en œuvre une logistique impressionnante.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/412277634" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La base logistique en mouvement. Station Dumont d’Urville.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’Astrolabe a aussi transporté dans ses cales, outre deux hélicoptères, des tonnes de vivres et de matériel nécessaires au fonctionnement de ce lieu qui abrite de petits groupes dont la vie dépend d’une centrale électrique, de l’approvisionnement en fuel et en vivres. Je défais mes bagages et trouve dans le sac « dotation » de l’Ipev, outre des vêtements techniques pour vivre ici, une paire de charentaises… Faudrait-il se sentir ici comme à la maison ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Bianquis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une chercheuse raconte comment elle part observer, dans un environnement hostile, extrême, la constitution d’une petite société qui n’a pas vocation à se pérenniser.Isabelle Bianquis, Anthropologue, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742812022-01-20T18:46:52Z2022-01-20T18:46:52ZLe nom de l’Amérique vient-il d’Amerigo Vespucci ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441679/original/file-20220120-27-y36bfy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C769&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Allégorie du voyage d'Amerigo Vespucci vers les Amériques, Estampe, 1589.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://museedunouveaumonde.larochelle.fr/">Musée du Nouveau Monde, La Rochelle </a></span></figcaption></figure><p>Nous avons généralement appris à l’école que l’Amérique avait reçu son nom à la Renaissance, en <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/sans-oser-le-demander-la-chronique/les-voyages-et-la-mauvaise-reputation-d-amerigo-vespucci">hommage au navigateur florentin Amerigo Vespucci</a>. Il est ainsi communément admis qu’un groupe d’érudits de Saint-Dié-des-Vosges, gravitant dans l’entourage du duc René II de Lorraine, aurait décidé en 1507 de forger le mot « America ». Ces savants humanistes, guidés par le chanoine Vautrin Lud, seraient partis du postulat que Vespucci avait été le premier à prendre conscience que les terres ouvertes à la connaissance des Européens à la fin du XV<sup>e</sup> siècle n’étaient pas une partie inconnue de l’Asie, mais un « Nouveau Monde ». Il convenait dès lors de <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/the-waldseemuller-map-charting-the-new-world-148815355/">nommer ces terres nouvelles</a>.</p>
<p>Cette explication fait généralement consensus (tout en suscitant de nombreuses indignations) depuis la mort de Vespucci lui-même, alors que ce dernier n’a sans doute jamais eu conscience que son prénom avait été donné à une partie des terres nouvelles qu’il avait explorées <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Amerigo_Vespucci">à plusieurs reprises au tournant du XVIᵉ siècle</a>.</p>
<h2>Un mot qui fait débat</h2>
<p>Pourtant, depuis le dernier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle, certains auteurs ont cherché à prouver que la filiation supposée entre le prénom de Vespucci et la dénomination du Nouveau Monde n’était qu’une grossière confusion. Usant d’arguments très variés, et surtout de motivations diverses, ils ont redoublé d’efforts pour faire admettre à la communauté historienne internationale, mais aussi au grand public que le nom de l’Amérique avait une tout autre provenance que celle qui était le plus communément admise.</p>
<p>C’est en particulier au début des années 1890, dans le contexte particulier du quatrième centenaire du premier voyage de Christophe Colomb (1892-93) et de l’approche de l’Exposition universelle de Chicago (ou World Columbian Exposition), que la polémique autour de l’origine du nom de l’Amérique connaît un certain essor.</p>
<p>On note une effervescence intellectuelle autour du mot « Amérique ». Certaines théories sont échafaudées pour tenter de prouver que ce mot n’est pas d’origine européenne, mais qu’il aurait au contraire une provenance indigène. C’est en particulier Jules Marcou, un Jurassien résidant à Cambridge (Massachusetts), qui se fait pendant deux décennies le héraut de cette théorie, à travers ses ouvrages et ses articles.</p>
<p>Brillant géologue, ami intime de Louis Pasteur avec qui il a partagé les bancs du lycée, il est parti aux États-Unis en 1848, s’est marié avec la fille d’un riche américain en 1850, le mettant ainsi à l’abri des contingences matérielles et lui permettant de se consacrer exclusivement à ses recherches. Il est connu pour s’être fait beaucoup d’ennemis et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00937624">avoir émis des théories très controversées dans de nombreux domaines</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441681/original/file-20220120-17-5cgc1c.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte géologique des États-Unis et des possessions britanniques de l’Amérique du Nord, d’après Jules Marcou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53121499q/f1.item.zoom">Gallica/BnF</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur la question spécifique du nom de l’Amérique, il cherche à prouver que ce nom proviendrait d’une chaîne de montagnes appelée Amerrique ou Amerriques, située entre le lac Nicaragua et la mer des Antilles. La région serait habitée par une tribu d’Indiens nommée Amerriques. En langue Maya, ce nom signifierait « le pays du vent », « le pays où le vent souffle toujours ». Ayant entendu ce nom lors de l’une de ses explorations, Vespucci (qui se serait prénommé en réalité Alberico), aurait alors <a href="https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=mdp.39015070225191&view=1up&seq=5&skin=2021">choisi de modifier son prénom en hommage à ces contrées sauvages</a>.</p>
<p>Ces remises en cause ont été fort discutées lors de la huitième session du Congrès des Américanistes en octobre 1890 à Paris. Les conclusions en furent sans appel, réfutant totalement les conclusions de Marcou et d’autres chercheurs. Ainsi, le géographe Lucien Gallois, spécialiste de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lucien_Gallois">la cartographie de la Renaissance et disciple de Paul Vidal de la Blache</a>, considère que la théorie de Jules Marcou <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56564410/f97.item.texteImage">manque de solidité et ne peut être acceptée en l’état</a>.</p>
<h2>Un enjeu identitaire</h2>
<p>Il faut dire que, pour les savants et politiques de l’ancien et du nouveau monde, l’enjeu est alors de taille. Il s’agit de savoir si l’Amérique a un nom de baptême d’origine européenne ou indigène. Si les théories de Marcou ont été réfutées assez facilement en raison de leur manque de solidité et du manque de preuves pour les étayer, cette polémique a montré qu’il existait alors un enjeu identitaire fort autour de la captation de ce nom. En effet, dans les années 1890, les États-Unis ont achevé de panser les plaies de la guerre de Sécession et sont en passe de devenir une grande puissance. </p>
<p>Déjà devenus la première puissance industrielle du monde, ils sont au seuil de devenir également un empire. La doctrine Monroe, élaborée en 1823, connaît alors une nouvelle lecture nationaliste, que l’on résume parfois par l’expression <a href="https://www.herodote.net/2_decembre_1823-evenement-18231202.php">« l’Amérique aux Américains »</a>. Les États-Unis ont, depuis leur indépendance, progressivement capté à leur profit le nom qui devrait <a href="https://www.motherjones.com/politics/2019/07/when-did-the-united-states-start-calling-itself-america-anyway/">normalement échoir au continent dans son ensemble, America</a>.</p>
<p>Or, la question de savoir si ce nom est un toponyme originaire du Nouveau Monde ou bien s’il est un avatar dérivé du nom d’un obscur Florentin, considéré qui plus est <a href="https://www.smithsonianmag.com/arts-culture/was-america-named-for-a-pickle-dealer-81983093/">comme un imposteur par des générations d’auteurs</a>, est tout à fait centrale dans la construction de l’identité nationale états-unienne.</p>
<h2>Théories en cascade</h2>
<p>C’est pourquoi des médias américains et européens se font régulièrement l’écho, tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, de nouvelles théories essayant de renouveler l’approche du sujet. Ainsi, en 1908, l’antiquaire de Bristol Alfred Hudd publie un article dans lequel il affirme que le nom de l’Amérique proviendrait en fait de Richard Ap Meyrick, sheriff de cette ville du sud-ouest de l’Angleterre au début du XVI<sup>e</sup> siècle et qui avait contribué financièrement aux voyages de Jean et Sébastien Cabot. Pour le remercier, ces derniers auraient décidé de donner son patronyme à l’étendue continentale sur laquelle ils avaient accosté. Cette théorie, qu’aucune étude historique sérieuse n’est venue valider, a pourtant été largement relayée depuis lors, en particulier au Royaume-Uni où l’idée que le <a href="https://www.bbc.co.uk/bristol/content/features/2002/04/29/amerike.shtml">nom de l’Amérique ait pu être originaire de Bristol s’avère séduisante</a>.</p>
<p>En octobre 2019, c’est le <em>Guardian</em> qui publie dans son courrier des lecteurs une autre explication. Selon Colin Moffat, c’est bien Colomb qui est à l’origine du nom America. Au cours de son voyage en Islande en 1477-1478, il aurait entendu parler d’une terre nommée « Markland ». Pour convaincre les Rois Catholiques de financer son expédition, il leur aurait parlé de cette terre pleine de promesses en hispanisant son nom : ajoutant le préfixe A, <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/oct/13/americas-origin-myth-and-its-reputation-at-risk">puis remplaçant « land » par « -ia », « Markland » serait devenu « Amarkia », puis « America »</a>. Peu de temps après cette explication aussi alternative qu’iconoclaste, le <em>Guardian</em> n’a pas tardé à publier un nouvel article contestant les propos de M. Moffat et redonnant à Vespucci la place qui est la sienne <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/oct/22/reclaiming-america-for-amerigo-vespucci">dans le panthéon des figures de l’ère des découvertes européennes</a>.</p>
<p>Une telle polémique, qui pourrait prêter à sourire, montre que la question des origines du nom de l’Amérique demeure une histoire vivante et discutée, même si les arguments avancés par ceux qui rejettent la version la plus couramment admise sont rarement étayés par des preuves convaincantes. Depuis les travaux de Jules Marcou à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, et quelles que soient les motivations qui sous-tendent ces contestations, personne n’a jamais pu apporter la preuve irréfutable que Saint-Dié-des-Vosges ne pouvait pas réellement prétendre au statut de « marraine de l’Amérique », pour avoir abrité les travaux <a href="https://5minutes.rtl.lu/actu/frontieres/a/1417598.html">ayant abouti au « baptême » du Nouveau Monde en 1507</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174281/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Desprez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le dernier tiers du XIXᵉ siècle, certains auteurs cherchent à prouver que le pays ne doit pas son nom à l’explorateur florentin.Julien Desprez, Professeur agrégé, doctorant en histoire contemporaine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1709032021-11-21T16:51:11Z2021-11-21T16:51:11ZMexique : Christophe Colomb est mort, vive la jeune femme d’Amayac !<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429374/original/file-20211029-27-1hq5hqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aujourd’hui, l’emplacement de la statue est occupé par une figure féminine, poing en l’air, érigée par les collectifs féministes et baptisée l’<em>Antimonumenta</em>. Le piédestal est entouré de plaques de protection sur lesquelles sont inscrits des centaines de noms de femmes assassinées ou de mères dont les enfants ont disparu. Ici les mères des victimes du massacre d’Ayotzinapa, en 2014, qui a coûté la vie à 43 étudiants..</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mexico, 12 octobre 2021. Le monument à Christophe Colomb, retiré de son socle il y a un an, sera <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/tanguy-pastureau-maltraite-l-info/tanguy-pastureau-maltraite-l-info-du-mercredi-08-septembre-2021">remplacé</a> par une reproduction d’une statue d’origine olmèque, la Joven de Amayac. Cette annonce de la maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, qui appartient au même parti (<a href="https://www.iris-france.org/153789-avec-le-mouvement-de-renovation-nationale-morena-le-mexique-perpetue-la-pinata-politique%E2%80%AF/">Morena</a> gauche) que le président du pays, Andrés Manuel López Obrador, a déchaîné les opinions contradictoires, suscité des réactions hostiles de la part de l’opposition et divisé la communauté des historiens.</p>
<p>Lue dans un premier temps par les médias comme une manifestation du tournant iconoclaste de l’été 2020 à la suite du mouvement nord-américain Black Lives Matter, la nouvelle exige d’être appréhendée dans son contexte national et replacée dans une séquence plus longue. Au Mexique, le monument à Colomb n’a, à vrai dire, jamais fait l’unanimité et il est régulièrement contesté, au moins depuis la fin des années 1980.</p>
<p>La Joven de Amayac est une statue découverte il y a un an par des paysans de la Huastèque dans la région de Veracruz. Avec ses mains jointes sur le ventre, elle représente la déesse Teem de la fertilité et de la terre, à moins qu’elle n’incarne avec sa coiffe, son collier et ses boucles d’oreille, une jeune gouvernante de l’élite locale de la fin du XV<sup>e</sup> siècle. La statue est actuellement présentée au Musée d’Anthropologie et d’Histoire de Mexico pour l’exposition <a href="https://www.gob.mx/cultura/prensa/abre-al-publico-la-exposicion-dual-la-grandeza-de-mexico?idiom=es"><em>La grandeza de México</em></a>. Une reproduction de grande taille (six mètres de hauteur) remplacera le monument à Colomb.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432235/original/file-20211116-25-1tthrsy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Joven de Amayac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un monument à Colomb ou à la colonisation ?</h2>
<p>Le monument à Colomb est situé sur l’axe le plus emblématique de la capitale mexicaine. Le paseo de Reforma est une grande avenue qui va du Centre historique au bois de Chapultepec, résidence de Maximilien d’Autriche lorsqu’il fut porté au pouvoir en 1862 après l’invasion française et qui planifia le tracé de cette promenade de prestige. <em>Reforma</em> concentre aujourd’hui le pouvoir économique, politique et symbolique du pays.</p>
<p>Entre 1870 et 1900, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Porfirio_D%C3%ADaz">Porfirio Diaz</a> mena une politique active d’édification de statues à la gloire de la nation mexicaine, une politique édilitaire dont on retrouve des équivalents à la même époque au Chili sous Manuel Bulnes, au Guatemala sous José María Reyna Barrios mais aussi en Espagne ou en France sous la III<sup>e</sup> République. Le monument à Colomb de Mexico s’inscrit donc dans un ensemble monumental dont la composition n’a cessé d’évoluer depuis sa création au gré des régimes politiques et mémoriels.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429376/original/file-20211029-23-x4rbgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce plan de la ville est traversé par le Paseo de la Reforma : la retonde du monument à Colomb de 1877 (n° 6) jouxte le monument à Cuauhtémoc de 1887 (n° 5) et la retonde au Caballito (n° 7) où la statue équestre de Charles IV d’Espagne demeura de 1852 à 1977. Références à la monarchie espagnole et au passé préhispanique se mêlaient jusqu’à une date récente sur cette avenue monumentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INEGI 2015/Google maps</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La statue de Colomb, en bronze, mesure près de quatre mètres de hauteur et repose sur un piédestal de trois mètres. Le « découvreur de l’Amérique » est représenté en pied, sans arme ni armure, le regard et une main tendus vers l’horizon, l’autre main découvrant le voile qui drape un planisphère centré sur l’Amérique. La statue surmonte un groupe de quatre autres statues situées sur un plan inférieur et en position assise. Le monument a donc été conçu comme un dialogue entre ces cinq personnages.</p>
<p>Pedro Gante (1478-1572) fut l’un des treize franciscains débarqués en 1523 dans le Mexique tout juste conquis par Cortés, missionnaire, traducteur inlassable des langues indigènes et auteur de catéchismes en images destinés à évangéliser ceux que l’on appelait alors les Naturels. Bartolomé de Las Casas (1484-1566), plus connu, dominicain, fut d’abord <em>encomendero</em> (propriétaire d’Indiens) à Cuba puis évêque du Chiapas et grand protecteur des Indiens. Diego de Dieza (1443-1523), lui aussi frère dominicain, fut le confesseur et chapelain des Rois Catholiques avant d’être nommé archevêque et Grand Inquisiteur de Castille. S’il n’a jamais foulé le Nouveau Monde, il fut le plus sûr soutien de Colomb auprès d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon. Enfin, Juan Pérez, franciscain du Couvent de la Rabida en Andalousie où Colomb prit asile avec son fils en 1484, accompagna le navigateur génois lors de son premier voyage.</p>
<p>L’ensemble monumental n’est pas uniquement centré sur le moment de la Découverte ; il inclut également ce qui suit : la conquête « légitime » des terres nouvelles au nom de Dieu et du monarque espagnol, l’évangélisation des natifs et la colonisation.</p>
<p>Éléments de décoration, gestuelle, position des corps et accessoires participent au sein de cet ensemble à un discours politique alors en vogue parmi les élites conservatrices hispanophiles qui plaçaient clairement la nation mexicaine dans la lignée des découvreurs, des conquistadors et des frères évangélisateurs. Ce monument fut pourtant moins le fruit d’une politique nationale que l’œuvre d’un homme d’affaires mexicain alors exilé en France…</p>
<h2>La naissance du Colomb mexicain</h2>
<p>Son nom apparaît comme donateur en bas de la dédicace en latin apposée sur une plaque en bronze. C’est une consécration. Antonio Escandón (1825-1877) est un magnat de l’industrie du chemin de fer. Il fit fortune, devint banquier, acquit la concession de la ligne ferroviaire entre Veracruz et Mexico et se lia, grâce à un mariage opportuniste, à la noblesse de l’ancien régime colonial. Compromis avec le régime de Maximilien, il dut s’exiler en France en 1867, à l’avènement du gouvernement libéral de Benito Juarez. Il entra en grâce sous le premier gouvernement de Porfirio Diaz, qui l’impliqua personnellement dans l’érection du monument.</p>
<p>Le magnat et le président passèrent un contrat : une donation de 60 000 pesos contre la concession d’une nouvelle ligne ferroviaire. Escandón joua un rôle déterminant non seulement dans le financement, mais aussi dans les choix esthétiques et idéologiques du monument. C’est lui qui imposa les quatre statues des religieux au détriment des figures allégoriques des quatre océans initialement prévues. C’est également lui qui décida de confier l’exécution de l’œuvre à un sculpteur français, <a href="https://galerietourbillon.com/biographie-charles-cordier/">Charles Cordier</a>.</p>
<p>Le groupe de statues fut donc fondu à Paris, le corps principal et le piédestal sculptés dans du marbre des Vosges et l’ensemble convoyé en bateau jusqu’à Veracruz en décembre 1875. Le convoi est interrompu à plusieurs reprises par des révoltes indiennes dont on craint qu’ils s’en prennent à la statue. Le Colomb de Cordier met près de 18 mois pour arriver jusqu’à Mexico !</p>
<p>Lorsque le monument fut inauguré en août 1877 en présence de Porfirio Diaz, Antonio Escandón venait de décéder à Paris. Dans le milieu artistique mexicain et les gazettes de l’époque, les réactions au monument furent globalement hostiles : manque d’harmonie dans les formats (les religieux avaient une place démesurée), problèmes de proportions, accusations de plagiat du sculpteur français à partir de modèles conçus au Mexique, etc. Dans la presse, les journalistes fustigeaient une œuvre réalisée par un étranger et l’influence culturelle de la France sur le Porfiriat. Mais durant un siècle, le monument demeura intact, trônant sur la plus belle avenue du Mexique et, chose remarquable, il ne fut jamais inquiété pendant la <a href="https://www.herodote.net/20_novembre_1910-evenement-19101120.php">Révolution mexicaine</a> de 1910.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429380/original/file-20211029-27-1aapfg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=561&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 12 octobre 1892, pour le IVᵉ centenaire de la Découverte, Porfirio Diaz inaugurait un autre monument à Colomb situé en face de la gare ferroviaire de Buenavista. Cette statue toujours sur pied, n’a pas été attaquée, ni remise en cause dans l’actualité, du fait de sa situation excentrée et peut-être aussi parce que, contrairement à celle de Reforma, elle n’est pas entourée de personnages liés à la conquête. Photographie de la fin du XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collection Villasana-Torres</span></span>
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<h2>Le monument contesté</h2>
<p>Depuis 1928, le 12 octobre, <a href="https://www.persee.fr/doc/mat_0769-3206_1992_num_27_1_410625">Día de la Raza</a>, est au Mexique un jour férié qui célèbre l’arrivée de Colomb et la fusion des races indienne et européenne.</p>
<p>Le 12 octobre 1989, le jour de la Race, des membres de Coordinadora Nacional de Pueblos Indios (CNPI), qui regroupe des communautés indiennes, manifestent et défilent jusqu’au Zocalo (la Place centrale) où, dans une annonce officielle, ils déclinent l’invitation faite par le président Carlos Salinas de Gortari (1988-1994) à participer aux futures commémorations de la Découverte prévues en 1992. Sur le parcours, le délégué politique de la CNPI passe le cordon policier qui protégeait l’édifice, dérobe une gerbe de fleurs déposée en l’honneur du découvreur pour l’offrir à la statue de Cuauhtémoc située sur la même avenue à 200 mètres de là. Cuauhtémoc fut l’empereur qui assura la défense de Mexico pendant le siège de Tenochtitlan en 1521 et dont la statue fut érigée en 1887.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429377/original/file-20211029-13-151wu7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le corps principal du monument à Colomb est occupé par quatre autres statues, on voit ici Gante et Las Casas. Sur cette photographie, le monument a été fleuri à l’occasion du Jour de la Race, le 12 octobre 1989. Au premier plan, un jeune homme en béquilles dérobe ostensiblement une couronne de fleurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives photographiques de El Universal</span></span>
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<p>Un an plus tard, toujours un 12 octobre, même scénario : cette fois, les gerbes de fleurs furent brûlées. En 1992, lors des <a href="https://www.persee.fr/doc/carav_1147-6753_1992_num_58_1_2492">commémorations du Vᵉ centenaire de la Découverte</a>, des manifestations contre le jour de la Race éclosent en Bolivie, au Chili, au Costa Rica, au Honduras, au Guatemala, etc. <a href="https://www.nytimes.com/1992/10/13/world/indians-in-protest-against-columbus.html">À Mexico</a>, près de 25 000 contre-manifestants partis depuis la Place des Trois Cultures, des groupes d’étudiants, des activistes anarchistes, des organisations indigènes communautaires et des partisans du Parti écologique accrochent à la statue de Colomb un drap blanc sur lequel on pouvait lire : « V<sup>e</sup> centenaire des massacres d’Indiens » et bariolent le monument de graffitis : « Répudiation du conquistador/Respect aux Indiens/Christophe Colomb au poteau d’exécution/Le Mexique ne célèbre pas, il est en deuil/500 ans de résistance indigène ». Les dirigeants du Parti écologique rédigent une demande officielle au gouvernement de la ville pour faire enlever la statue.</p>
<p>Le monument à Colomb de Reforma fut par la suite la cible régulière de dégradations successives commises par des altermondialistes, néo-zapatistes, membres des confréries de danseurs néo-aztèques. En 1994, des manifestants tentèrent à l’aide de cordes d’abattre la statue, en vain : elle était trop lourde.</p>
<p>C’est dans le contexte nouveau d’émergence de groupes féministes en août 2019 que le monument est à nouveau graffé. Les activistes dénoncent le sexisme structurel et les viols commis par les Européens sur les jeunes femmes indigènes depuis la découverte qu’incarne Colomb. La statue est retirée en octobre 2020, officiellement pour restauration, officieusement pour la préserver d’une destruction prochaine annoncée par le mouvement « Nous allons le faire tomber ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=807&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429381/original/file-20211029-25-1bh4k1t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1014&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 1992, pour le Vᵉ centenaire de la Découverte, des étudiants montent sur la statue de Colomb pour y fixer une banderole, « Vᵉ centenaire des massacres d’Indiens ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Archives El Universal</span></span>
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<p>Ces attaques doivent être lues comme des tentatives de réécriture de l’histoire officielle. Les spécialistes de l’histoire de l’iconoclasme, d’<a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1994_num_211_4_10283">Olivier Christin</a> à <a href="https://journals.openedition.org/rh19/7257">Emmanuel Fureix</a> en passant par <a href="https://www.unige.ch/lejournal/numeros/125/article4/">Dario Gamboni</a>, ont montré que ces moments destructeurs correspondaient à des transformations politiques majeures de l’histoire de l’humanité : la Réforme au XVI<sup>e</sup> siècle, la Révolution française ou la chute des régimes communistes qui ont vu des milliers de statues brisées.</p>
<h2>Les réécritures de l’histoire mexicaine en 2021</h2>
<p>Le retrait de la statue de Colomb et des quatre religieux doit finalement être replacé dans le <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2021-10-12/le-mexique-reactive-l-indigenisme-d-etat-pour-effacer-toute-trace-de-colomb.php">mandat d’Andrés Manuel López Obrador</a>. Le président du Mexique est l’héritier d’une certaine conception de l’histoire nationale dont les programmes scolaires, les politiques mémorielles et patrimoniales puisent dans l’<a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1961_num_26_5_6155">indigénisme</a> des années 1950-1960 : valoriser le passé indigène – quitte à l’embellir et à l’instrumentaliser – et minimiser les apports de la culture européenne trop longtemps survalorisée dans la construction nationale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432628/original/file-20211118-25-1wb2xl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alvarado était un capitaine de Hernan Cortés. L’Avenue du Pont d’Alvarado, en référence à un épisode de la Conquête, a été débaptisée et renommée Avenue Mexico-Tenochtitlan en septembre 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Exbalin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le retrait du monument à Colomb n’est qu’une action parmi d’autres qui forment un véritable <a href="https://historia21.org/">programme de commémoration-décommémoration</a>.</p>
<p>Le jour de la Race a été transformé en journée de la Nation Pluriculturelle ; l’Arbre de la Nuit triste sous lequel Cortés aurait pleuré la perte de ses soldats face à la vigueur d’une attaque aztèque en 1520 a été rebaptisé Arbre de la Nuit Victorieuse ; la station de métro de la place centrale où se trouvent la cathédrale, le Palais présidentiel et le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Templo_Mayor">Templo mayor</a> s’appelle désormais Zocalo-Tenochtitlan. Parmi les 15 dates retenues par le gouvernement pour les commémorations du bicentenaire de l’Indépendance en 2021, seront célébrés les sept siècles de fondation de Tenochtitlan et les cinq cents ans de « résistance indigène », un slogan porté par les contre-manifestants de 1992.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429383/original/file-20211029-13-10h6pgn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Buenos Aires, la statue de Colomb qui se trouvait en face du palais présidentiel et qui avait été offerte par la communauté italienne à la Ville en 1921 a été retirée en 2013 sous le gouvernement de Cristina Kirchner et remplacée par la statue d’une guérillera des guerres d’indépendance, Juana Azurduy, originaire de Sucre (Bolivie), don du gouvernement bolivien d’Evo Morales.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Contrairement à nombre de statues de Colomb détruites aux quatre coins du continent pendant l’été 2020, le monument de Mexico survivra. Une fois « restaurée », la statue sera replacée dans le <a href="https://www.forbes.com.mx/confirmado-estatua-de-colon-sera-reubicada-en-el-parque-america-en-polanco/">Parc de l’Amérique à Polanco</a> l’un des quartiers les plus riches, les plus blancs et les plus cosmopolites de la capitale. Y sera-t-elle davantage en sécurité ? Sera-t-elle défendue par le voisinage ? Affaire à suivre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Exbalin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse du déboulonnement du monument à Christophe Colomb, qui trônait en plein cœur de Mexico depuis 1877, et de son remplacement par une statue plus « locale ».Arnaud Exbalin, Maître de conférence, histoire, Labex Tepsis – Mondes Américains (EHESS), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1552712021-03-01T14:38:34Z2021-03-01T14:38:34ZLe rôle stratégique et essentiel des métaux rares pour la santé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390472/original/file-20210318-21-3qvy6s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C2619%2C1688&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus des métaux stratégiques, qui sont au coeur de conflits, il existe des métaux essentiels à la santé. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La pandémie de Covid-19 a mis en évidence que la plupart des pays ne disposaient pas d’une souveraineté sanitaire suffisante pour faire face à une telle crise. Des pénuries de masques, de respirateurs, de médicaments et maintenant de vaccins se sont fait sentir dans de nombreux pays, même les plus avancés. Ces problèmes montrent que nos sociétés sont dépendantes de certains pays pour des produits essentiels.</p>
<p>Qu’en est-il pour les métaux ?</p>
<p>Notre <a href="http://www.industrie-minerale-territoires.fr/index.en.htm">équipe de recherche</a> Franco-canadienne travaille depuis quelques années sur les interactions entre les sciences de la Terre et les sciences sociales, notamment autour du concept de géologie sociale et sur la dynamique des territoires riches en ressources.</p>
<h2>Des métaux stratégiques</h2>
<p>La notion de minerai critique et stratégique remonte aux guerres du 1IX<sup>e</sup> siècle. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont constitué des stocks de métaux. Toutefois, la surabondance de métaux de la fin du XX<sup>e</sup> siècle et la mondialisation ont conduit les états occidentaux à abandonner leur politique pro active dans ce domaine. La prise de conscience d’une dépendance aux ressources minérales importées ne revint qu’à la fin des années 1990, avec l’émergence des économies asiatiques et de nouveaux monopoles.</p>
<p>La liste des métaux critiques et stratégiques varie selon les pays, allant d’une douzaine pour la Défense nationale française aux <a href="https://www.usgs.gov/news/interior-releases-2018-s-final-list-35-minerals-deemed-critical-us-national-security-and">35 métaux</a> répertoriés dans le décret de l’ex-président américain Donald Trump, en 2018.</p>
<p>Pourquoi ces listes de métaux ? Elles reflètent les grands enjeux du passé, ceux des guerres du XX<sup>e</sup> siècle et des conflits craints pour le futur. Plus généralement, elles marquent les crises technologiques et sociales qui ont frappé nos sociétés depuis 50 ans et qui ont mené à ce que le sociologue allemand Ulrich Beck a appelé la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulrich_Beck">société du risque</a>.</p>
<p>Ainsi, chaque crise a laissé dans son sillage de nouvelles solutions technologiques, une sécurisation des chaînes d’approvisionnement et une conscience accrue de la dépendance, à chaque fois différente, envers divers métaux. Voici quelques exemples.</p>
<h2>Du pétrole à l’or</h2>
<p>En 1973, la crise du pétrole a souligné la fragilité de la plupart des pays développés en matière d’énergie. Certains pays se sont tournés vers le nucléaire, d’autres vers l’hydro-électricité. Des mines d’uranium sont alors mises en production un peu partout, de la Saskatchewan au Niger ; le prix du minerai flambe en 1978 et le pic de production est atteint en 1980.</p>
<p>La crise terroriste de 2001 a accéléré à son tour le développement des technologies de l’information dans les industries de la défense et la consommation de métaux de haute technologie a augmenté en conséquence. Le prix du tantale connaît un pic en 2000 et sa production mondiale est maximale en 2004. Cette demande encourage la production artisanale dans l’est du Congo, au cœur d’un conflit depuis 20 ans.</p>
<p>La crise du nucléaire à la suite des accidents de Tchernobyl (1986) et de Fukushima (2011) a encouragé le passage aux énergies renouvelables à forte intensité de métaux, notamment pour l’éolien. Le prix des terres rares a explosé pour atteindre un sommet en 2010, et la production a doublé depuis en 10 ans.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386208/original/file-20210224-13-khyykl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Minerai de terres rares (andradite NB), projet Kwyjibo (Côte Nord, Québec).</span>
<span class="attribution"><span class="source">fournie par les auteurs</span></span>
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<p>Enfin, en 2008, la crise financière a fragilisé les marchés mondiaux et entraîné une reprise des achats d’or, notamment par les banques centrales russes et chinoises, ce qui a permis de soutenir le cours du précieux métal.</p>
<p>On comprend ainsi que chaque crise s’accompagne de nouveaux besoins en minéraux et d’une sécurisation de ces nouvelles filières métalliques.</p>
<h2>Métaux et enjeux sanitaires</h2>
<p>Les métaux sont utilisés pour la santé humaine depuis des millénaires. La médecine <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ayurveda">ayurvédique</a>, une médecine traditionnelle utilisée depuis 3000 ans en Inde, recourt au plomb, au mercure, et à l’arsenic pour soigner divers maux. Toxiques en trop grande quantité, ces métaux peuvent cependant devenir indispensables dans certains médicaments et équipements médicaux et orthopédiques.</p>
<p>Aujourd’hui, la pharmacopée mobilise plus d’une douzaine de métaux ou de métalloïdes agissant sur diverses pathologies : fer contre l’anémie, bismuth, cobalt et nickel contre les problèmes gastriques, lithium contre la dépression, antimoine contre la leishmaniose, platine ou métaux radioactifs contre le cancer, arsenic contre le psoriasis. L’or peut même traiter la polyarthrite rhumatoïde…</p>
<p>Les métaux sont aussi largement utilisés dans les prothèses : ainsi, une bouche traitée par un prothésiste dentaire pourrait contenir jusqu’à 32 métaux différents ! L’imagerie médicale recourt également à de nombreux métaux, des rayons X à la médecine nucléaire ; la résonance magnétique nucléaire (RMN) repose sur des aimants riches en terres rares, tandis que 20 % du gadolinium mondial sert pour des solutions qui augmentent le contraste des images de la RMN.</p>
<h2>Métaux et crise de la Covid-19</h2>
<p>Et la Covid-19 ? On retrouve des métaux tant dans la prévention que dans le traitement de cette nouvelle maladie.</p>
<p>Le cuivre a été le grand favori pour créer des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/pourquoi-le-cuivre-est-le-pire-ennemi-du-coronavirus-en-plein-air_fr_5e96c5c0c5b6ac7eb262b677">surfaces anti-Covid</a>, pouvant réduire les éclosions nosocomiales dans les hôpitaux et faisant disparaître virus et bactéries en moins de deux heures. Le zinc quant à lui peut renforcer les défenses immunitaires et a déjà été utilisé contre des virus.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386210/original/file-20210224-23-1v7ib6t.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Exploration de métaux rares, projet North Rae (Ungava, Québec).</span>
<span class="attribution"><span class="source">fournie par les auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’argent prévient les infections et est présent partout dans les hôpitaux. Son utilisation en hygiène et en santé représente plus de 6 % de la production minière. Certains respirateurs contiennent du chrysocale, un alliage de cuivre, zinc et d’étain qui a d’ailleurs fait défaut en Europe au printemps 2020.</p>
<p>Ainsi, en plus des métaux stratégiques au cœur de conflits, il existe des métaux essentiels à la santé. La pandémie de 2020 a provoqué des pénuries en produits d’hygiène et pharmaceutiques ; des équipements médicaux de pointe, bourrés de composants électroniques et donc de métaux à haute valeur ajoutée, ont parfois fait défaut.</p>
<p>La plupart des pays occidentaux dépendent de métaux importés. Il serait donc temps d’établir avec plus de discernement ce qui est réellement indispensable, quels sont ces métaux essentiels dans le secteur de la santé, et comment en garantir l’approvisionnement pour les prochaines crises sanitaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155271/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Jébrak reçoit des financements de recherche pour des organismes publics (CRSNG, FRQNT) et privés (compagnies minières); il est membre de l'Ordre des Géologues du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yann Gunzburger reçoit des financements de la part d'organismes publics et, sous forme de mécénat, de la part d'entreprises privées, notamment dans le cadre d'une chaire de recherche et de formation s'intéressant aux relations entre projets miniers et territoires. Il est adhérent de la Société de l'Industrie Minérale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jack-Pierre Piguet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le fer combat l’anémie. Le bismuth soulage les problèmes gastriques. Le lithium agit contre la dépression et l’or peut traiter la polyarthrite rhumatoïde… les métaux sont précieux pour la santé.Michel Jébrak, professeur émérite en ressources minérales, Université du Québec à Montréal (UQAM)Jack-Pierre Piguet, Professeur, Laboratoire GeoRessources, Université de LorraineYann Gunzburger, Professeur des universités, laboratoire GeoRessources, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1505502021-01-05T19:14:22Z2021-01-05T19:14:22ZAntarctique : comment on organise une exploration scientifique en milieu hostile<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373276/original/file-20201207-21-1142pdn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C101%2C2941%2C1925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne du raid scientifique EAIIST prise par drone alors qu’il évolue sur le plateau Antarctique autour de 78 °S. Le raid est composé de trois convois comprenant les espaces de vie et l’énergie (en bas à gauche), les cuves de fioul (milieu)
et l’équipement scientifique (haut). </span> <span class="attribution"><span class="source">EAIIST/IPEV/PNRA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le premier à avoir imaginé, pensé, organisé et tenté de réaliser un raid terrestre sur le continent Antarctique est l’incroyable explorateur britannique Ernest Henry Shackleton. L’expédition Imperial Trans-Antarctic Expedition de 1914, plus connue sous le nom du navire qui fût englouti par les glaces, l’Endurance, avait pour objectif de traverser ces espaces polaires, de la mer de Weddell à la mer de Ross en passant par le pôle Sud.</p>
<p>Les « polaires » connaissent tous cette histoire incroyable de l’Endurance, ce monument épique de la survie en milieu hostile, de la traversée inconcevable en barque entre l’île inhospitalière et glacée de l’Éléphant et la Géorgie du Sud. Cette expédition fût une prouesse (une histoire de survie exemplaire sous le commandement de Shackleton) dans un échec (aucune traversée n’aura lieu).</p>
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<figcaption><span class="caption">Survival ! The Shackleton Story. (National Geographic Creative/Youtube, 2014).</span></figcaption>
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<p>Un siècle plus tard, se lancer à l’assaut de l’Antarctique demeure une aventure un peu folle, qui exige des années de préparation. Entre le 23 novembre 2019 et le 5 février 2020, une équipe que je coordonnais s’y est risquée, à l’occasion du raid <a href="https://www.eaiist.com/fr/">East Antarctic International Ice Sheet Traverse</a> (EAIIST). Le trajet, établi à partir de l’analyse de cartes satellites, s’est décomposé en 34 jours de conduite à 12 km/h de moyenne, 19 jours d’arrêt technique à Cap Prud’homme et Concordia et 26 jours d’arrêts « science ».</p>
<p>Huit ans de préparation, deux mois d’expédition et 3300 kilomètres aller-retour. Un an après, voici quelques leçons tirées de cette expérience hors du commun.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation vidéo du raid EAIIST. (Institut polaire français/Vimeo, 2019).</span></figcaption>
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<h2>De la préparation… et de la chance</h2>
<p>Un raid de trois mois en Antarctique ne s’improvise pas. La genèse du projet remonte à 2011 ; 8 ans auront donc été nécessaires pour préparer ce voyage. Huit années ponctuées d’innombrables réunions, d’échecs, d’échanges, de crises aussi. Le retrait d’un de nos partenaires du projet nous a, par exemple, forcés à modifier le parcours. Quant aux difficultés d’acheminement du matériel à cause de la glace de mer, elles nous ont contraints à décaler d’une année notre projet. Il ressort de cette expérience qu’une préparation longue, bien en amont et minutieuse par des personnels aguerris et expérimentés, est une condition sine qua non pour la réussite d’une telle entreprise.</p>
<p>Malgré tout cela, je mesure aussi combien la chance joue dans une telle expédition. La préparation réduit les aléas, mais ne les élimine pas. Nous avons dû faire face à la casse d’un moteur de tracteur, puis à la rupture d’un timon et d’un essieu de traîneau, autant d’éléments centraux à la progression du convoi. Par chance, ces problèmes techniques sont arrivés une fois le programme scientifique effectué, sur le chemin du retour. L’expérience des mécaniciens aguerris aux conditions polaires et leur habilité à trouver des solutions au milieu de rien ont permis d’éviter tout abandon de matériel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373879/original/file-20201209-17-4afc4g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue plongeante d’un site de forage. On aperçoit un coupe vent permettant aux opérateurs de travailler à l’abri, ainsi que deux carottiers pour forer la glace. Un petit modèle (premier plan à gauche) qui fore à 20 mètres maximum et un modèle plus gros, dont le mât est basculé pour extraire les carottes fore lui à 200 mètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">EAIIST/IPEV/PNRA</span></span>
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<p>Que ces avaries aient lieu en plein milieu du programme scientifique et ce sont toutes les cartes du jeu qui auraient été rebattues. Et que dire de l’émergence d’une pandémie comme le monde n’en a pas connu depuis la grippe espagnole si elle avait été plus précoce ? S’il est absolument nécessaire de préparer bien en amont ce type de projet, rendu très complexe par la nature du terrain, l’architecture du programme scientifique et la sécurité des personnels, la chance doit aussi vous accompagner.</p>
<h2>Choisir son équipe avec soin</h2>
<p>Dans la préparation d’un raid isolé en quasi autonomie comme celui que nous avons vécu, la composition de l’équipe n’est pas une tâche à prendre à la légère. Même si la dynamique d’un groupe vivant quasiment les uns sur les autres est difficilement prévisible, il est des atouts qu’il faut mieux mettre de son côté avant de partir en procession.</p>
<p>Les contraintes de départ étaient d’avoir à bord un personnel technique compétent et expérimenté, composé d’un chef de raid, de deux mécaniciens et d’un docteur. Les six places restantes pour les scientifiques devaient, là aussi, être occupées par du personnel expérimenté connaissant parfaitement le terrain et ses conditions difficiles, être adaptable et multitâche. Il fallait aussi prendre en compte une participation franco-italienne au raid. Je souhaitais de plus la présence de femmes autant que possible, afin d’avoir des points de vue variés et complémentaires sur les sujets qui pourraient être abordés au cours des 70 jours de ce confinement volontaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373871/original/file-20201209-18-klo2kf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pause déjeuner dans la caravane vie du raid scientifique EAIIST. Exiguë mais confortable et chaleureuse compte tenu de l’environnement !</span>
<span class="attribution"><span class="source">A.Spolaor/IPEV/PNRA</span></span>
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<p>Toutes les personnes que nous avons choisies comptabilisaient des années d’expérience polaire dans toutes les configurations possibles (travail en station de recherche, en camp isolé, en raid, en milieu alpin) et possédaient des spécialités scientifiques adaptées.</p>
<p>L’entente a été excellente, chacun a su amener une personnalité, un regard complémentaire au groupe. Je n’ai ressenti que très peu de tension entre nous, chacun faisant l’effort d’être le plus accommodant possible tout en maintenant un esprit chaleureux, amical et bienveillant.</p>
<p>Les rencontres avec le raid logistique alimentant la station Concordia sur les portions de route communes ont par ailleurs été des moments très forts du raid. Ce n’est pas vraiment l’endroit où l’on imagine croiser quelqu’un sur sa route ! Se retrouver en toute amitié, au milieu de nulle part, prendre l’apéritif, partager un repas entre les « scientos » et les « technicos » restera un moment fort de cette aventure, tout comme le fût l’échange de personnel aux mégadunes.</p>
<h2>Maximiser les retours scientifiques</h2>
<p>L’organisation d’un raid scientifique en milieu hostile, contraignant tant pour les machines que pour les personnes, présente d’autre part des coûts significatifs qu’il convient de minimiser en maximisant tous les retours scientifiques possibles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Wikipedia/eaiist.com" src="https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377188/original/file-20210105-15-1q6480d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte générale de l’Antarctique (gauche) ; parcours du raid EAIIST (droite).</span>
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<p>Fort d’un programme scientifique chargé, nous avons établi un chronogramme, la configuration du raid, une répartition des tâches et la rotation du personnel. Une saison sur le plateau Antarctique n’ouvre en effet qu’une soixantaine de jours d’activités de recherche en saison d’été. En tenant compte des préparatifs nécessaires, c’est au final cinquante jours de raid qui étaient disponibles pour réaliser EAIIST. À ces cinquante jours sur le plateau Antarctique, il fallait ajouter 2 fois 10 jours de conduite pour acheminer les véhicules de la côte à Concordia puis les redescendre.</p>
<p>Pour permettre à toutes les expériences scientifiques d’être réalisées, une rotation de personnel devait s’effectuer sur la zone des mégadunes, permettant ainsi à 15 personnes en tout de participer alors que le raid ne peut accueillir que 10 couchages. La composition du convoi a été pensée par l’Institut polaire afin d’accommoder le personnel, d’assurer un haut niveau de sécurité et de pouvoir acheminer tous les équipements : cinq tracteurs Challenger de type C65, des traîneaux, des cuves de fioul, une dameuse, la caravane vie (cuisine, bureau, dortoir, communication), la caravane énergie (atelier mécanique, sanitaire, douche, groupe électrogène, réserve nourriture) et les deux laboratoires mobiles CLIMCOR chaud et froid…</p>
<p>Apprenant des difficultés des années précédentes relatives à l’acheminement du matériel et du personnel causées par les aléas de la glace de mer, nous avons anticipé l’expédition du matériel lourd un an à l’avance. Ce choix s’est avéré fondamental. Au-delà du fait de gagner en flexibilité et de s’affranchir des conditions de glace de mer, l’avarie apparue sur l’Astrolabe au début de la saison 2019 aurait porté un coup certainement fatal au projet de raid si l’on intègre en plus aujourd’hui la problématique Covid-19.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373874/original/file-20201209-24-ygyy3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mesure de l’albédo (ou pouvoir réfléchissant) de la neige. Cette mesure permet de connaître la quantité d’énergie reçue et renvoyée de l’atmosphère et permet d’établir un bilan d’énergie. Au bout de la perche se trouve un spectro-radiomètre mesurant l’énergie lumineuse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">G. Larocca/IPEV/PNRA</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373875/original/file-20201209-20-10y8sb3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Échantillonnage d’un puits de neige. L’empilement des couches permet de remonter le temps et de suivre l’évolution passée de la composition chimique des précipitations. Les opérateurs sont habillés de façon à minimiser les contaminations. Les prélèvements de neige se font en enfonçant dans la paroi de neige des flacons propres qui sont ensuite stockés dans des caisses isothermes et rapatriés en Europe pour être analysés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">G. Larocca/IPEV/PNRA</span></span>
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<p>À ce jour, l’ensemble des échantillons a été rapatrié à Grenoble. Ils sont stockés dans un entrepôt frigorifique à – 20 °C. Avec 900 mètres de carotte de glace et des milliers d’échantillons de neige prélevés tout au long du trajet, la moisson a été fructueuse et attend d’être expédiée dans les différents laboratoires partenaires du projet. Covid-19 oblige, l’analyse des échantillons est à ce jour suspendue et en attente de jours plus favorables à l’expédition de ce précieux trésor.</p>
<p>Leur analyse devrait permettre d’apporter des éléments de réponse à l’une des questions fondamentales que l’on se pose sur l’Antarctique : les hauts plateaux de cette zone ont-ils vu ou non leurs précipitations de neige augmenter avec le réchauffement climatique ? Et si oui, comment celles-ci se situent dans une perspective historique ? Rappelons que l’un des enjeux majeurs du réchauffement climatique concerne la montée du niveau des mers, d’ores et déjà enclenchée, inéluctable et irréversible à l’échelle des sociétés humaines.</p>
<p>Savoir à quelle vitesse cette montée se produira est loin d’être une question anodine : elle concerne directement l’enjeu de l’adaptabilité des régions côtières où vivent plus de 600 millions de personnes dans le monde. Nul doute que d’autres études et d’autres raids scientifiques seront nécessaires pour mieux appréhender cette question tant l’Antarctique s’avère vaste et varié. Un continent si loin des yeux et pourtant si proche pour notre futur commun.</p>
<h2>Voyager léger</h2>
<p>Les retours scientifiques gagneront aussi en précision si les raids à venir disposent d’infrastructures plus légères, capables de parcourir de grandes étendues en peu de temps tout en garantissant sécurité et autonomie. Car si le raid scientifique en tracteur est un outil fantastique d’exploration, il implique néanmoins des infrastructures lourdes, peu agiles, qui manquent de souplesse et d’adaptabilité. S’il convient parfaitement à des raids où les opérations scientifiques nécessitent une charge utile importante, sa « lourdeur » peut aussi devenir un handicap.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373877/original/file-20201209-15-irzzld.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du raid scientifique EAIIST prise par drone alors qu’il évolue sur le plateau Antarctique autour de 78 °S. À l’arrêt du soir les tracteurs sont détachés de leur charge et réunis en face de la caravane énergie pour être réchauffés durant la nuit.</span>
<span class="attribution"><span class="source">EAIIST/IPEV/PNRA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une réflexion sur le sujet est en cours à l’Institut polaire français en concertation avec les scientifiques ; disposer d’une infrastructure plus agile représenterait un intérêt majeur pour l’étude des forts gradients d’altitude, d’accumulation, de température, de vent, d’humidité, d’écoulement que l’on observe en Antarctique.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, aidé par la chance – temps favorable, neige portante, peu de soucis –, EAIIST constitue à ce jour une réussite à la fois scientifique et logistique.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=129&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213123/original/file-20180404-189798-1dksj9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=163&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Le <a href="https://group.bnpparibas/actualite/premiere-traversee-antarctique-est">projet de recherche « EAIIST »</a> dans lequel s’inscrit cette publication a bénéficié du soutien de la <a href="https://group.bnpparibas/decouvrez-le-groupe/fondation-bnp-paribas/environnement">Fondation BNP Paribas</a> dans le cadre du programme Climate Initiative</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150550/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Savarino a reçu des financements de la fondation BNP Paribas via son programme Climate Initiative et de l’Agence nationale de la recherche.</span></em></p>Entre novembre 2019 et février 2020, une équipe de scientifiques franco-italienne s’est lancée à l’assaut de l’Antarctique. Retour sur une expédition hors du commun.Joël Savarino, Directeur de recherche CNRS, Institut des géosciences de l’environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1514332020-12-28T18:59:09Z2020-12-28T18:59:09Z« À la reconquête de l’espace » : un débat à revoir en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/372887/original/file-20201203-17-1b8zq2b.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1278%2C712&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour son cinquième anniversaire, The&nbsp;Conversation France a organisé une série de webinaires.</span> </figcaption></figure><p>Pour ses cinq ans, The Conversation a programmé cinq événements-débats entre septembre et novembre 2020. Après deux premiers événements maintenus en présentiel à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DoD0VGQS3oM">Paris</a> et à <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fcXoikdLZXY">Grenoble</a>, la suite des rencontres s’est faite virtuellement, chaque jeudi du mois de novembre.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=ppTDVAi1l34">« Les mystères du cerveau »</a> ont marqué le début de cette série d’événements en ligne. La semaine suivante, c’est avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WcHyHHkPpp8">« La vie des arbres »</a> que nous avons rassemblé plus de 2 000 spectateurs.</p>
<p>La série de webinaires s’est terminée le 26 novembre, avec « À la reconquête de l’espace », un événement initialement prévu à Bordeaux. Cette dernière table ronde en ligne a réuni :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/profiles/jacques-arnould-1156994">Jacques Arnould</a>, Expert éthique au CNES ;</p></li>
<li><p><a href="http://perso.astrophy.u-bordeaux.fr/%7Ejleconte/">Jérémy Leconte</a>, Chercheur au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux) ;</p></li>
<li><p>et Chloé Duffort, Doctorante – Droit international public – Droit des conflits armés à Sciences Po Bordeaux/Université Laval.</p></li>
</ul>
<p>Les humains explorent et utilisent leur connaissance du cosmos depuis la nuit des temps. Du ciel étoilé qui servait autrefois à naviguer, on explore désormais les origines et les limites à travers la <a href="https://theconversation.com/quy-a-t-il-entre-les-galaxies-ou-pourquoi-etudier-les-vides-cosmiques-146235">cosmologie</a>. On l’étudie également pour mieux comprendre un phénomène qui nous intéresse de près : la <a href="https://theconversation.com/comment-cherche-t-on-des-traces-de-vie-sur-mars-136720">vie</a>. Aux grandes puissances traditionnelles de l’exploration de l’espace s’ajoutent désormais d’autres pays, comme les Émirats Arabes Unis, qui ont lancé une <a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">mission vers Mars</a> à l’été 2020, ou la Chine, dont la <a href="https://theconversation.com/objectif-lune-le-temps-de-la-reconquete-150153">mission Chang’e 5</a> doit atterrir sur la Lune et en ramener des échantillons. Des <a href="https://theconversation.com/spacex-vers-une-nouvelle-ere-de-la-conquete-spatiale-139591">acteurs privés</a> entrent dans la danse, en forte coopération avec les agences spatiales comme la NASA ou l’ESA.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eQ1lvfItp9g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Replay de la table ronde en ligne « À la reconquête de l’espace » organisée le 26 novembre dernier, dans le cadre du cinquième anniversaire de The Conversation France.</span></figcaption>
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<p>Ces évolutions concrétisent les enjeux éthiques et juridiques de la reconquête de l’espace, et la période actuelle marque un changement d’ère dans l’aventure spatiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Entre sciences, éthique et droit, retrouvez notre rencontre sur la reconquête de l’espace.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLou Biasutto, EditorGrégory Rayko, Chef de rubrique International, The Conversation FranceElsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1503862020-12-28T18:58:45Z2020-12-28T18:58:45ZFemmes pionnières : Jeanne Barret, première femme à avoir navigué autour du monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370025/original/file-20201118-19-m6u6q8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C123%2C926%2C540&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait moderne de Jeanne Barret déguisée en homme, basé sur l’étude des auteures.</span> <span class="attribution"><span class="source">Timothy Ide</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En 1765, une jeune paysanne quitta le village reculé où vivait misérablement sa famille depuis des générations. Elle se lança dans un voyage autour du monde, qui la conduisit des jungles d’Amérique du Sud aux îles tropicales de l’Indo-Pacifique en passant par le détroit de Magellan.</p>
<p>Jeanne Barret (on trouve également l’orthographe Baret ou Baré) est la première femme connue pour avoir fait le tour du monde. Elle se déguisa en homme en troquant son bonnet et son tablier pour un pantalon et un manteau masculins et s’engagea comme assistante du naturaliste, <a href="https://plants.jstor.org/stable/10.5555/al.ap.person.bm000001607">Philibert Commerson</a> sur un des bateaux de <a href="https://francearchives.fr/commemo/recueil-2011/39832">l’expédition Bougainville</a>.</p>
<p>Au cours de ce voyage, Jeanne aida Commerson à amasser la plus grande collection personnelle d’histoire naturelle connue à l’époque. Des milliers de spécimens de plantes se trouvent encore dans <a href="https://science.mnhn.fr/institution/mnhn/collection/p/item/list?full_text=commerson">l’herbier du musée d’histoire naturelle de Paris</a>, mais peu portent le nom de Jeanne.</p>
<p>Malgré la portée de ses travaux, Jeanne n’a laissé aucun récit de son voyage ou de sa vie. Bougainville ne l’aurait jamais mentionnée dans son livre si elle n’avait pas été au centre d’un événement ayant eu lieu en 1768.</p>
<p>Le voyage de Bougainville a rendu Tahiti célèbre. On a représenté cette île comme un paradis utopique, rempli de belles femmes, où régnait la liberté sexuelle. Mais les hommes tahitiens étaient aussi désireux de rencontrer des femmes européennes et malgré le déguisement de Jeanne, ceux-ci se rendirent rapidement compte qu’elle était de sexe féminin.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=754&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359512/original/file-20200923-22-h0mxe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=948&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Portrait de Louis Antoine de Bougainville, par Joseph Ducreux, en 1790.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Cette révélation causa la consternation à bord et Bougainville fut contraint d’intervenir. Il fit mention brièvement des aveux de Jeanne dans <a href="https://play.google.com/books/reader?id=cgciCiW94cUC">son récit bien connu du voyage</a>. Ne pouvant tarir d’éloges à l’égard de celle-ci, Bougainville ordonna qu’on la laissât seule pour continuer son travail d’homme.</p>
<p>Jeanne n’avait rien fait de mal. La réglementation navale française n’interdisait pas de manière directe aux femmes d’embarquer, mais ceux qui amenaient une femme à bord risquaient des sanctions. Jeanne et Commerson insistèrent sur le fait que celui-ci n’était pas au courant de la ruse. Tous deux affirmèrent ne pas se connaître avant le voyage. Dès que l’expédition atteignit l’actuelle île Maurice, alors territoire français, Jeanne et Commerson débarquèrent.</p>
<p>L’aventure de Jeanne fut bientôt racontée dans un livre consacré à des <a href="https://books.google.com.au/books?id=WPFaAAAAQAAJ&vq=bare&pg=PA752#v=onepage&q=bard&f=false">femmes célèbres</a> ainsi que dans le <a href="https://www.google.com.au/books/edition/%C5%92uvres_de_Denis_Diderot_Philosophie/96IGAAAAQAAJ?hl=en&gbpv=1&dq=diderot+supplement+bougainville&pg=PA353">« Supplément au Voyage de Bougainville »</a> du philosophe Denis Diderot. Jeanne reçut finalement une pension de la Marine française pour ses services.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1019&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1019&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1019&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1281&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1281&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359504/original/file-20200923-14-ig2c2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1281&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une image allégorique de Jeanne Barret, par Giuseppe dall’Acqua en 1816.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span>
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<p>La seule image connue de Jeanne, élaborée longtemps après sa mort, figure dans un livre consacré à des voyages célèbres. L’image est probablement allégorique : les vêtements de marin amples représentent son voyage en mer, un bouquet de fleurs représente la botanique et le bonnet phrygien rouge représente Marianne, et <a href="https://www.jstor.org/stable/41914292?seq=1">symbolise à la fois la liberté</a> et la nouvelle République française.</p>
<p>Si l’image avait été fidèle à la réalité, Jeanne, à la fois servante et botaniste, aurait été représentée avec des vêtements d’homme, munie d’un assortiment d’épingles, de couteaux, de sacs, d’armes et de feuilles de papier prêtes à recevoir des plantes. En effet, les plantes étaient placées immédiatement dans une presse à plantes portable.</p>
<p>Malgré la renommée de Jeanne, les détails concernant sa vie au-delà de son célèbre voyage sont rares. Pendant de nombreuses années, on a su peu de choses sur son passé. Qu’est-il advenu d’elle lorsqu’elle a quitté l’expédition à Maurice en 1768 ? Comment est-elle revenue en France ? Qu’a-t-elle fait pendant le reste de sa vie ?</p>
<h2>Des stéréotypes simplistes</h2>
<p>Écrire un livre sur la vie d’une femme au sujet de laquelle nous savions si peu de choses, ne pouvait qu’être difficile. Il était tentant de rechercher un modèle préexistant pour Jeanne – dans la fiction ou dans les récits historiques. Mais dans les romans, comme dans la vraie vie, les femmes, les pauvres, les analphabètes, les non-conformistes et ceux issus d’autres cultures et parlant d’autres langues sont peu présents.</p>
<p>Quand ces personnes apparaissent, des stéréotypes simplistes leurs sont attachés – ils sont souvent réduits à aider un homme blanc et riche, qui détient le rôle principal. Une femme comme Jeanne pouvait être une paysanne ou une servante, une épouse ou une femme déchue. Il n’était pas possible pour elle d’être une aventurière ou une femme indépendante. Elle dut elle-même se donner cette opportunité.</p>
<p>Les premiers récits évoquant Jeanne portaient sur son travail, son apparence et sa conduite sexuelle. Elle y était décrite comme une femme infatigable, une botaniste experte et « une bête de somme » qui portait de lourdes provisions tout en ramassant des plantes. Les hommes ont noté qu’elle n’était ni laide ni jolie, mais qu’elle se comportait avec « la plus scrupuleuse sagesse ».</p>
<p>Commerson souffrait pendant son voyage d’une blessure invalidante à la jambe, ce qui a limité sa mobilité. Jeanne est probablement responsable de la collecte de la plupart des plantes d’Amérique du Sud, dont <a href="https://plants.jstor.org/search?efq=AWh0b3BpYzooImdlb2dyYXBoeS1wbGFudHMx76O4Me-juEFtZXJpY2Fz76O4U291dGggQW1lcmljYe-juCIp&ff=ps_type__ps_repository_name_str__ps_collection_name_str&filter=people&so=ps_group_by_genus_species+asc&Query=commerson">plus d’un millier se trouvent encore dans les herbiers aujourd’hui</a>.</p>
<p>Lorsque les scientifiques associés au Muséum national d’histoire naturelle ont commencé à publier à titre posthume certaines des descriptions d’espèces de Commerson, seul <a href="https://www.biodiversitylibrary.org/page/33495331#page/54/mode/1up">Jean‑Baptiste Lamarck</a>, biologiste évolutionniste pionnier, a mentionné la contribution et le courage de Jeanne. Pour les autres scientifiques, elle était une servante et pour cette raison, méritait peu de reconnaissance.</p>
<p>Commerson lui-même a rarement mentionné Jeanne. Ce n’est qu’une fois qu’ils eurent quitté l’expédition, qu’il donna son nom à une plante : <a href="http://coldb.mnhn.fr/catalognumber/mnhn/p/p00391569"><em>Baretia bonafidia</em></a> (maintenant connue sous le nom de <em>Turraea rutilans</em>).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359505/original/file-20200923-16-5iqd2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’isotype, ou spécimen de définition de <em>Turraea rutilans</em>, à l’origine nommé <em>Baretia bonafidia</em> par Commerson.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum national d’Histoire naturelle, Paris (France) Collection : Plantes vasculaires (P) Spécimen P00391569</span></span>
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<p>Lorsqu’il <a href="https://play.google.com/books/reader?id=AhhcAAAAcAAJ&hl=en&pg=GBS.PA160">décrivit cette plante</a>, Commerson reconnut la « soif de savoir » de Jeanne et avoua lui être redevable. Il évoque : « son héroïsme, tant de plantes jamais récoltées auparavant, tout le séchage laborieux, tant de collections d’insectes et de coquillages ».</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle on trouve des références à Jeanne dans les biographies de grands hommes, mais ces références apparaissent seulement dans les notes de bas de page ! Dans le but d’éviter tout impair, elle a été présentée comme la « fidèle servante » de Commerson, à l’instar du Vendredi de Robinson ou du Passepartout de Phileas Fogg. Auteur d’une des premières biographies consacrées à Commerson, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9403403.texteImage">Paul-Antoine Cap</a> fit le récit d’une histoire de famille dans laquelle Jeanne soigna fidèlement Commerson sur son lit de mort à l’île Maurice puis s’en retourna vivre dans la ville natale de celui-ci en France. Ceci est évidemment faux.</p>
<p>« Par souvenir et vénération pour son ancien maître, elle laissa tout ce qu’elle possédait aux héritiers naturels du célèbre botaniste », écrivit Cap. C’est une histoire de dévotion sans limites qu’on retrouve dans des récits ultérieurs.</p>
<h2>Des recherches effectuées par des femmes</h2>
<p>Plus récemment, c’est aux chercheuses qu’a incombé la tâche de découvrir plus de détails sur la vie de Jeanne. Celles-ci s’intéressent à elle en tant qu’individu et Jeanne n’est plus considérée comme un personnage secondaire des histoires de Commerson ou de Bougainville.</p>
<p>Dans les années 1980, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3395224f">Henriette Dussourd</a>, historienne spécialiste de la Bourgogne et du Bourbonnais, publie le registre paroissial de la naissance de Jeanne en 1740 dans une famille paysanne pauvre de La Comelle. Henriette Dussourd trouve également une déclaration de grossesse (obligatoire selon la loi française) signée par Jeanne à l’âge de 24 ans. Quand elle était enceinte de cinq mois, Jeanne s’est enfuie à Paris avec Commerson, et, se faisant passer pour sa gouvernante, a voyagé sous une autre identité.</p>
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<span class="caption">La Comelle, commune natale de Jeanne Barret.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span>
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<p>On peut imaginer les circonstances de cette grossesse. Jeanne avait vraisemblablement travaillé comme servante pour Commerson, qui était récemment devenu veuf et ils ont peut-être déménagé à Paris pour échapper au scandale. Les premiers registres paroissiaux parisiens ont été détruits lors des incendies de la Commune de 1871, mais Dussourd suggère qu’un fils est né, qu’il a été placé dans la Maison des enfants trouvés et qu’il est mort jeune.</p>
<p>Depuis, nous avons découvert que Jeanne avait eu un deuxième fils à Paris, qui semble être décédé pendant le voyage de celle-ci.</p>
<p>Plus récemment, une biographie populaire en anglais, rédigée par Glynis Ridley, a tenté de combler les lacunes des archives. <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/200271/the-discovery-of-jeanne-baret-by-glynis-ridley/">Cette biographie</a> a été critiquée en raison <a href="https://docs.google.com/viewer?url=https%3A%2F%2Fwww.nature.com%2Farticles%2F470036a.pdf%3Forigin%3Dppub">d’erreurs scientifiques et de spéculation</a>.</p>
<p>Ainsi, cette version de l’histoire de Jeanne s’est largement propagée sur Internet.</p>
<p>Contrairement au motif de la servante fidèle du XIX<sup>e</sup> siècle, Ridley a recours à un récit édifiant moderne pour compléter l’histoire de Jeanne – ce récit, maintes fois rencontré, affirme que les <a href="http://theamericanreader.com/green-screen-the-lack-of-female-road-narratives-and-why-it-matters/#_ftn1">femmes aventureuses connaissent inévitablement une fin tragique</a>.</p>
<p>La biographie de Ridley cherche à donner à Jeanne une autonomie qui lui faisait défaut dans les récits des XVIIIe et XIX<sup>e</sup> siècles. Elle soutient que Commerson s’est référé à Jeanne en tant qu » herboriste experte. Par ailleurs, elle se demande si une liste non signée de plantes médicinales présente dans les archives de Commerson n’était pas, en fait, l’œuvre de Jeanne.</p>
<p>Cette idée est séduisante. Commerson était cependant réputé pour ses thés médicinaux, et les remèdes à base de plantes étaient courants à cette époque.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=741&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359511/original/file-20200923-20-19rkm6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=932&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Philibert Commerson (1727-1773).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Il n’y a pas de preuves non plus que sa mère lui ait appris à lire et à écrire, comme le suggère Ridley. Nos recherches dans les archives ont révélé que sa mère était décédée lorsque Jeanne avait 15 mois. À 16 ans, Jeanne est devenue la marraine de son neveu, mais elle ne signe pas le registre. Il semble plus probable que Commerson lui ait appris à écrire et l’ait formée à la botanique.</p>
<p>Ridley soutient, et cela a provoqué une vive controverse, que le récit de l’épisode de Tahiti avait servi à couvrir le viol collectif dont Jeanne aurait été victime en Nouvelle-Irlande, au large de la Papouasie – Nouvelle-Guinée. Suite à cela, elle serait tombée enceinte et aurait donné naissance à un fils à Maurice.</p>
<p>Cette histoire s’inspire d’un récit du médecin François Vivez, présent à bord du navire où Jeanne avait embarqué. Vivez n’aimait pas Commerson et avait l’intention de publier un récit impudique sur Jeanne à son retour en France.</p>
<p>Dans ses manuscrits, Vivez décrit comment Jeanne a été attaquée par ses compagnons d’équipage et comment ceux-ci ont révélé le fait qu’elle était une femme, une fois l’identification effectuée par les Tahitiens. Même si Vivez semble grandement exagérer, on dispose d’un nombre important de témoignages corroborant les faits dans les journaux des autres membres d’équipage. Pour conclure, il semble probable que Jeanne ait été identifiée comme étant une femme à Tahiti et que certains membres de l’équipage aient décidé de le confirmer par eux-mêmes lors du débarquement qui suivit.</p>
<p>Mais y a-t-il eu viol ? Il est difficile d’interpréter ces récits du XVIIIe siècle écrits en français ou en latin, faisant référence à un contexte historique particulier et usant de métaphores classiques devenues depuis longtemps obscures pour des lecteurs modernes.</p>
<p>Bougainville ordonna que Jeanne ne soit pas harcelée. Le viol était passible de la peine de mort dans la Marine française. Un commandant de Marine pouvait-il tolérer qu’un crime aussi grave et qu’une insubordination ne soient pas signalés et restent impunis ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359507/original/file-20200923-24-11ogg89.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La bougainvillée, une fleur nommée d’après l’explorateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author provided</span></span>
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<p>Cela semble peu probable. Commerson a émis un seul commentaire à ce sujet. Selon lui, Jeanne « a échappé, indemne et saine, à l’embuscade des animaux sauvages et des humains, qui aurait pu lui coûter la vie ou lui faire perdre sa vertu ».</p>
<p>Rien n’indique que Jeanne, atteinte de scorbut et de malnutrition, ait conçu un enfant pendant le voyage. Il n’y a ni déclaration obligatoire de grossesse ni mention d’un enfant né à Maurice.</p>
<h2>Une femme aisée</h2>
<p>La vie de Jeanne à Maurice et son retour en France furent en réalité bien plus intéressants que les dénouements dramatiques qu’on voulait imaginer. Cette femme aventureuse n’a pas connu une fin tragique.</p>
<p>Elle n’a pas été la fidèle servante, réconfortant Commerson sur son lit de mort. Elle ne s’est pas retrouvée <a href="https://www.nyjournalofbooks.com/book-review/discovery-jeanne-baret-story-science-high-seas-and-first-woman-circumnavigate-globe">« seule, sans abri, sans le sou »</a> après la mort de celui-ci, et n’a pas attendu qu’un homme vienne la sauver. Elle n’est pas retournée dans la ville natale de Commerson et n’a pas mentionné de personnes de la famille de celui-ci dans son testament.</p>
<p>Les archives racontent une histoire différente. Nous avons découvert que Jeanne avait pu devenir propriétaire à part entière à Maurice. À la mort de Commerson, Jeanne y a dirigé une affaire, c’était un bar lucratif situé près du port.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359502/original/file-20200923-18-zp6oad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1141&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Lorsqu’elle épousa Jean Dubernat, alors soldat dans un régiment colonial français, elle était suffisamment riche pour exiger un contrat prénuptial. Son mari apportait 5000 livres au mariage tandis que Jeanne apportait une maison, des esclaves, des meubles, des vêtements, des bijoux et une petite fortune de 19 500 livres – dont les deux tiers resteraient sous son contrôle. Elle était une femme aisée.</p>
<p>Les recherches complémentaires effectuées par <a href="http://jeannebarret.free.fr/page1.htm">Sophie Miquel et Nicolle Maguet</a> en Dordogne, où Jeanne termina sa vie après son retour en France en 1775, révèlent davantage de détails. Jeanne y acheta diverses propriétés, dont une ferme qui existe encore aujourd’hui.</p>
<p>Son mari signa un document juridique reconnaissant que ces propriétés étaient partagées à parts égales avec sa femme. Jeanne rassembla sa famille autour d’elle, y compris ses nièce et neveu orphelins, et fut à la tête d’une propriété foncière et commerçante florissante. L’enfant analphabète et pauvre qu’elle était en Bourgogne était un lointain souvenir.</p>
<p>Si nous cherchons à rapprocher l’histoire de sa vie d’un modèle conventionnel, parlons de cette ascension spectaculaire, mais certainement pas de la fidèle servante ou encore d’un voyage tragique. Il vaut mieux sûrement reconstruire l’histoire de Jeanne en prêtant une attention minutieuse aux archives.</p>
<p>Jeanne était pleine de contradictions. Elle était une tante dévouée, mais a abandonné ses propres enfants à un destin inconnu en les laissant derrière elle à Paris. Elle a lutté pour échapper aux contraintes du système français de classe rigide et de patriarcat, mais possédait des esclaves. Sa vie ne suit pas une ligne habituelle et familière.</p>
<p>Ce dont nous ne pouvons douter, c’est que Jeanne était une femme sûre d’elle, capable et résiliente – ni victime ni héroïne – une sorte de modèle féminin complexe, non conventionnel et forçant le respect.</p>
<hr>
<p><em>Danielle Clode et Christèle Maizonniaux font des recherches sur les récits de voyages français dans les mers du sud. Le nouveau livre de Danielle sur la vie de Jeanne Barret, « In Search of the Woman Who Sailed the World », est publié par Picador Australie</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150386/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Danielle Clode a reçu un financement d'Arts SA et du Cabinet du Premier ministre d'Australie méridionale pour mener à bien cette recherche. Le livre qui en a résulté a été publié par Pan Macmillan dans la collection Picador. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christèle Maizonniaux travaille pour Flinders University à Adélaïde (Australie). Elle a reçu un financement du Cabinet du Premier ministre d'Australie méridionale pour mener à bien cette recherche. </span></em></p>De nouvelles recherches jettent un nouvel éclairage sur une femme audacieuse et peu conventionnelle qui s’est travestie en homme pour rejoindre un voyage maritime de la marine française.Danielle Clode, Senior Research Fellow in Creative Writing, Flinders UniversityChristèle Maizonniaux, Senior Lecturer in French, Flinders UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1470362020-12-16T19:16:37Z2020-12-16T19:16:37ZÀ plus de 1 000 mètres sous l’eau, des observatoires pour étudier la richesse de l’océan profond<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/375476/original/file-20201216-19-1f7njpd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’engin sous-marin Victor 6000 explorant une source hydrothermale. </span> <span class="attribution"><span class="source">Ifremer/Pix-factory</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Longtemps, par manque de moyens d’accès efficaces, l’océan profond a été perçu comme une immense plaine désertique ; un environnement stable, obscur et froid.</p>
<p>C’est dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle que des « savants fous » sont allés voir si ces plaines abyssales étaient si désertiques. En 1932, les Américains William Beebe et Olis Barton atteignent les 900 mètres <a href="https://wwz.ifremer.fr/grands_fonds/Les-moyens/Les-engins/Les-bathyscaphes">à bord de leur « bathysphère »</a> ; en 1960, le professeur <a href="https://www.rts.ch/archives/radio/divers/emission-sans-nom/3365383-piccard-et-le-trieste-06-08-1954.html">Auguste Piccard développe le Trieste</a>, lui permettant de décrocher le record de plongée profonde à 10 900 mètres dans la fosse des Mariannes (Pacifique).</p>
<p>En utilisant des submersibles habités, ces pionniers ouvrent la voie à l’exploration des grands fonds. Ces appareils seront ensuite développés et utilisés à des fins scientifiques.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AOfS-tzxZAs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">The Trieste’s Deepest Dive. (Rolex/youtube, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Les années 1970 et le tournant des sources hydrothermales</h2>
<p>Dans le courant des années 1950-1960, une série d’avancées majeures révolutionnent les sciences de la Terre. On découvre ainsi que les fonds des océans sont jeunes, moins de 200 millions d’années comparés au 4500 de l’histoire de la Terre. Mais c’est dans les années 1970 que notre vision des écosystèmes profonds va radicalement changer.</p>
<p>Situés au-delà des 200 mètres de profondeur, les « abysses » présentent des paysages aussi variés que ceux des écosystèmes terrestres : des plaines abyssales (qui en constituent la grande majorité), des chaînes de montagnes sous-marines (les <a href="https://bit.ly/3qOAIGR">dorsales médio-océaniques</a>), des canyons, des fosses et des marges… Ces différents contextes géologiques abritent des écosystèmes distincts, soutenus par deux sources d’énergie.</p>
<p>On distingue d’abord la faune dite « benthique », qui utilise majoritairement des apports d’origine photosynthétique sédimentant depuis la surface. Puis, <a href="https://wwz.ifremer.fr/grands_fonds/Les-enjeux/Les-decouvertes/Sources-hydrothermales">à la fin des années 1970, à la faveur de la découverte de sources hydrothermales</a> – situées sur une dorsale à proximité des îles Galapagos –, on détecte la présence d’une autre source d’énergie.</p>
<p>Cette énergie alternative, apportée dans les sources hydrothermales par des émissions de fluides, est utilisée par des microorganismes produisant la matière organique qui se trouve à la base de la chaîne alimentaire grâce au processus de la « chimiosynthèse ».</p>
<h2>Le règne de la chimiosynthèse</h2>
<p>Ces sources hydrothermales se trouvent en effet en majorité sur les chaînes de montagnes sous-marines (dorsales medio-océaniques) et dans les espaces océaniques situés en arrière et parallèlement à un arc volcanique (bassins arrière-arc).</p>
<p>Dans ces zones actives, les plaques tectoniques s’écartent pour former un nouveau plancher océanique. Celui-ci est fragmenté, fissuré, permettant à l’eau de mer, froide et dense, d’y percoler.</p>
<p>En entrant en contact avec ces roches chaudes, l’eau de mer va subir des réactions chimiques et voir sa composition modifiée : le fluide hydrothermal qui en résulte sera chaud (jusqu’à 350 °C), très souvent acide et dépourvu d’oxygène (anoxique) ; il sera aussi chargé en sulfures et métaux. Lorsque ce fluide chaud remonte vers la surface, en jaillissant à l’axe de la dorsale, il forme ce qu’on appelle des « fumeurs noirs ». Des dépôts, riches en fer, cuivre et zinc, s’accumuleront au cours du temps pendant la période d’activité des sources, généralement estimée à plus de 10 000 ans, pour composer autant d’édifices hydrothermaux.</p>
<p>En générant ces dépôts minéraux, le fluide hydrothermal soutient également cet écosystème très particulier évoqué plus haut et dont la chaîne alimentaire dépend : non pas de la photosynthèse – il n’y a plus de lumière au-delà de 200 m de profondeur –, mais de la chimiosynthèse microbienne. La présence de ces microorganismes, certains vivants à très haute température (110, voire 120 °C) va assurer la production de matière organique, consommée ensuite par les animaux colonisant cette zone à très forte productivité.</p>
<p>On l’a compris, l’écosystème ainsi formé, très limité dans l’espace (quelques centaines de m<sup>2</sup> au maximum), est dépendant de la source hydrothermale.</p>
<h2>Une image partielle des écosystèmes</h2>
<p>Les sources hydrothermales que nous venons de décrire sont situées sur des zones actives (volcanisme et tectonisme) et réparties de manière discontinue le long des chaînes de montagnes sous-marines (les dorsales médio-océaniques).</p>
<p>Encore bien des sources sont à découvrir, mais on estime que la distance entre deux sources est de l’ordre de 10 à 100 km.</p>
<p>L’étude de ces écosystèmes est encore très récente (quatre décennies seulement) et beaucoup de questions restent aujourd’hui sans réponse… Comment fonctionne cette circulation hydrothermale ? Comment se forment ces sulfures polymétalliques ? Quelles sont les différences rencontrées dans les différentes sources réparties sur les dorsales ? Quels sont les flux de chaleur et de matière (métaux et matière organique) apportés par les sources hydrothermales dans l’océan ? Quels sont les organismes qui colonisent ces environnements ? Comment résistent-ils à un milieu « hostile » ?</p>
<p>Si le développement des submersibles, habités ou téléopérés, a permis de commencer à répondre à ces questions, les approches classiques, basées sur des campagnes océanographiques, n’apportent qu’une image partielle du fonctionnement d’un écosystème : une photo à un « instant t », sans connaître l’évolution, la variabilité du système au cours du temps.</p>
<h2>Les premiers observatoires de fond de mer</h2>
<p>Pour dépasser cette vision lacunaire, la communauté scientifique internationale a développé, à partir des années 1990, les premiers projets d’observatoires de fond de mer. <a href="https://youtu.be/b0_VSkoZvaE">John Delaney</a>, professeur à l’Université de Washington, a joué ici un rôle de premier plan, réalisant son rêve « d’amener l’océan au grand public ».</p>
<p>En déployant des câbles sur le fond océanique, le professeur John Delaney et ses confrères ont montré qu’il était possible d’apporter de l’énergie vers des capteurs et de transmettre les données récoltées directement aux chercheurs.</p>
<p>Après quelques années de développements technologiques – déployer des capteurs sur de longues périodes en mer n’est pas chose aisée ! – les premiers observatoires ont vu le jour dans les années 2010. <a href="https://www.oceannetworks.ca/">Ocean Network Canada</a> a par exemple développé une infrastructure complète d’acquisition et de gestion de données autour d’un câble sous-marin déployé sur la plaque Juan de Fuca (Pacifique Nord-Est).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XB7Pt95nCYk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La campagne 2016 du Ocean Network Canada pour améliorer son réseau câblé dans l’océan Pacifique.</span></figcaption>
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<h2>Des Açores à Brest</h2>
<p>C’est à la même période, grâce à des financements européens, que nous avons déployé au large des Açores un observatoire non câblé (appelé EMSO-Açores) pour étudier la variabilité temporelle du champ hydrothermal « Lucky Strike », situé sur la dorsale médio-Atlantique, à 1700 mètres de profondeur. D’autres <a href="http://emso.eu/observatories/">observatoires EMSO</a> opèrent dans les mers du pourtour européen.</p>
<p><a href="https://www.emso-fr.org/EMSO-Azores">Cette infrastructure</a> est composée de 2 nœuds de surveillance qui fournissent de l’énergie, pilotent les capteurs, enregistrent les données et les transmettent par acoustique à une bouée en surface. Cette bouée sert de relais et renvoie les informations collectées, toutes les six heures, vers le centre d’archivage et de mise à disposition des données, situé à Brest. Ce lien nous permet, depuis la terre, de communiquer avec l’infrastructure.</p>
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<img alt="Ifremer 2010" src="https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/375486/original/file-20201216-13-e8bfmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Infrastructure d’observation et de transmission de données de l’observatoire EMSO.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le premier nœud d’observation est déployé sur un lac de lave fossile, nous permettant d’enregistrer localement les séismes et la déformation verticale du plancher océanique. Le second nœud a énormément évolué depuis 2010 : déployé autour de l’édifice hydrothermal actif « Tour Eiffel », il nous permet d’en étudier la variabilité temporelle.</p>
<p>L’infrastructure est complétée par un réseau de capteurs autonomes (thermistances, sismomètres…) et par un programme d’échantillonnage qui nous permet d’augmenter la portée spatiale de l’observatoire et nous donne accès à des données complémentaires (géochimie des fluides, biodiversité…).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Jr_2b_qpovg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de l’instrument EMSO opérant au large des Açores. (EMSO ERIC/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<h2>Dix ans de travaux scientifiques</h2>
<p><a href="https://www.emso-fr.org/fr/EMSO-Azores/Ground-breaking-results">Depuis dix ans</a>, grâce aux données de l’observatoire EMSO-Açores, nous avons obtenu des résultats décisifs pour comprendre comment la circulation hydrothermale s’établissait, comment le fluide hydrothermal se formait, quelles relations s’établissaient en profondeur entre la source de chaleur magmatique, la perméabilité créée par les failles et les nombreuses fractures à l’axe de la dorsale, et le système hydrothermal. Nous avons également contribué à une découverte importante : les émissions hydrothermales des dorsales jouent un <a href="http://doi.org/10.1002/2017GL073315">rôle clé pour la teneur en fer des océans</a>.</p>
<p>D’autres résultats marquants sont directement issus de ces dix années d’observation.</p>
<p><a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00419/53001/">La modélisation des courants</a> et de leur interaction avec la topographie a suggéré la formation de tourbillons qui pouvaient augmenter fortement la dispersion spatiale des particules et des larves d’organismes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-coraux-deau-froide-144314">Connaissez-vous les coraux d’eau froide ?</a>
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<p>L’étude de la dynamique temporelle de la faune a permis de mettre en évidence la stabilité de ces communautés à l’échelle décennale, et de mieux caractériser la distribution des espèces à l’échelle des individus – notamment <a href="https://www.deepseaspy.com">à travers le projet de science citoyenne, « Espion des grands fonds »</a> et la <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00640/75211/">reconstruction en 3D</a> de la cheminée hydrothermale active appelée « Tour Eiffel ».</p>
<p>Enfin, une <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-020-17284-4">étude très récente</a> a montré pour la première fois l’existence de rythmes biologiques au niveau du comportement et par séquençage moléculaire sur une espèce hydrothermale des grands fonds.</p>
<h2>Veiller sur les écosystèmes vulnérables</h2>
<p>En plus de ces connaissances fondamentales sur le fonctionnement de l’écosystème hydrothermal, l’observatoire EMSO-Açores nous a permis de développer et de faire fonctionner pendant une décennie complète une infrastructure complexe.</p>
<p>Le cœur électronique du système a été transféré à un industriel pour être commercialisé ; l’infrastructure développée préfigure des stations de surveillance environnementale qui pourront être utilisées dans le futur lors de projets d’exploitation ou de <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-coraux-deau-froide-144314">surveillance d’écosystèmes marins vulnérables</a>.</p>
<p>Ces technologies et les connaissances acquises permettront de répondre beaucoup plus efficacement à la question d’évaluation des impacts des activités humaines dans les grands fonds (pollutions, exploitation de ressources).</p>
<p>Depuis les années 1960, l’exploration de ces espaces a ainsi progressé de façon spectaculaire, toujours sous la double impulsion des questionnements scientifiques et des progrès technologiques. Nous appréhendons maintenant la richesse de ces milieux profonds, qui représentent environ 70 % de la surface de notre planète, richesse qu’il est important de partager : mieux connaître pour mieux protéger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147036/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux présentés dans cet article s’intègrent dans le réseau d’infrastructure de recherche EMSO-ERIC. EMSO-Açores est piloté et financé par l’Ifremer et le CNRS. Des financements publics spécifiques ont été obtenus par le labex Mer et les projets européens MERCES (grant agreement No 689518) et iAtlantic (grant agreement No 818123).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Cannat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les années 1960, explorateurs puis scientifiques tentent de mieux connaître ces zones longtemps considérées comme désertiques.Pierre-Marie Sarradin, Responsable de l’unité de recherche « Étude des écosystèmes profonds », IfremerMathilde Cannat, Directrice de recherche CNRS, géosciences marines, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1430202020-11-12T21:52:16Z2020-11-12T21:52:16ZL’espace pour tous… ou seulement pour quelques-uns ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/360333/original/file-20200928-22-vyyzu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C134%2C2048%2C1207&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Explorer l’espace ou l’exploiter ? L’atterrissage de la capsule du _New Shepard_, une fusée privée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasafo/47085559171/in/photostream/">NASA / Fickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=243&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349128/original/file-20200723-35-4r1lck.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=305&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science qui aura lieu du 2 au 12 octobre prochain en métropole et du 6 au 16 novembre en outremer et à l’international et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ? ».</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>Il y a 60 ans, le président américain John F. Kennedy justifiait d’engager son pays dans la course à la Lune « non pas parce que c’est facile, mais parce que c’est difficile ». À cette raison morale, s’ajoutaient évidemment d’autres enjeux, plus politiques : sortir « par le haut » d’une tension diplomatique extrême entre son pays et l’Union soviétique ; prouver que les États-Unis possédaient le leadership dans un domaine technologique hautement stratégique.</p>
<p>Aujourd’hui, les motifs pour une nation ou une entreprise de s’engager dans un programme spatial ont changé : il est question d’utiliser l’espace « au profit de l’humanité » ou d’en explorer le voisinage le plus proche le plus proche de la Terre ; des raisons qui suscitent l’enthousiasme, mais aussi les critiques.</p>
<h2>Les deux faces de l’espace</h2>
<p>L’utilité des armadas de satellites qui tournent au-dessus de nos têtes n’est plus à prouver : de nos communications à nos déplacements en passant par nos prévisions météorologiques, nous dépendons très étroitement de ces fidèles compagnons, tout comme en dépendent nos systèmes économiques, énergétiques ou encore de défense. Si la multiplication de ces objets spatiaux et des <a href="https://theconversation.com/pollution-dans-lespace-et-si-on-taxait-144744">débris qu’ils génèrent</a> peut être inquiétante, leur raison d’être n’est fondamentalement plus discutable. Les activités spatiales « tournées vers la Terre », comme la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9l%C3%A9d%C3%A9tection">télédétection</a> et la météorologie, les télécommunications et la géolocalisation, sont devenues une évidence à gérer, en même temps qu’une responsabilité à assumer.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-LL1MBpTN4w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les débris en orbite autour de la Terre.</span></figcaption>
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<p>En revanche, celles qui s’intéressent à l’espace lointain, à l’exploration de la Lune, de Mars et du système solaire, voire à l’exploitation des ressources que pourraient contenir ces corps célestes sont désormais l’objet de critiques à la hauteur de l’enthousiasme qu’elles ont suscité par le passé et continuent à susciter.</p>
<h2>Une ruée vers l’espace</h2>
<p>Cette direction des activités spatiales profite de l’émergence et du succès d’entreprises privées dont SpaceX, Blue Origin ou Virgin Galactic sont les plus médiatiques. Après de nombreuses tentatives qui se sont soldées par des échecs, il a fallu attendre la fin des années 2000, un « coup de pouce » de la part de l’administration américaine et les gains astronomiques réalisés par les GAFAM pour que le secteur privé prenne vraiment pied dans le domaine spatial.</p>
<p>Elon Musk, Jeff Bezos et Richard Branson sont ainsi devenus les icônes du <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/physique-et-astrophysique/le-nouvel-age-spatial/">« NewSpace »</a>, de ce nouvel intérêt pour l’espace, avec un commun leitmotiv : celui de rendre l’espace accessible à un plus grand nombre de Terriens. Qu’il s’agisse de développer le <a href="https://theconversation.com/tourisme-spatial-quand-les-plaisirs-de-quelques-uns-polluent-la-planete-de-tous-146552">tourisme spatial</a>, d’envisager la colonisation de Mars, d’installer les industries polluantes dans l’espace pour réserver la Terre au séjour des humains, d’exploiter les <a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">ressources minières de la Lune et des astéroïdes</a>, les acteurs du NewSpace ne manquent pas d’idées pour donner à l’entreprise spatiale un nouvel élan.</p>
<p>Et l’accueil réservé à leurs projets comme à leurs premières réalisations est à la hauteur de leurs ambitions : la <a href="https://www.france24.com/fr/20151222-spacex-lanceur-fusee-blue-origins-musk-bezos-course-espace">course entre SpaceX et Blue Origin</a> pour mettre au point la première fusée réutilisable, l’<a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/question-de-la-semaine-ou-se-trouve-la-tesla-envoyee-par-elon-musk-dans-l-espace_138527">envoi de la Tesla d’Elon Musk</a> avec un mannequin à son bord et au son de la musique de David Bowie, le <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/05/30/spacex-apres-un-report-mercredi-le-decollage-de-la-capsule-spatiale-confirme-pour-samedi-soir_6041289_1650684.html">vol de la première capsule spatiale américaine</a> depuis la fin du programme des navettes sont les étapes les plus marquantes de l’écriture d’un nouveau chapitre de l’odyssée de l’espace, suivi par de jeunes aficionados enthousiastes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360331/original/file-20200928-20-7245lg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le booster de la fusée réutilisable New Shepard, de la compagnie Blue Origin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasafo/32143859417/in/photostream/">NASA/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Les agences spatiales « traditionnelles » profitent de ce regain d’intérêt pour l’espace : les missions d’exploration du système solaire ou celles de la station spatiale internationale font à nouveau la une des médias.</p>
<h2>Dénigrement</h2>
<p>Dans le même temps, l’espace fait l’objet de discours de dénigrement, de <em>bashing</em> écrivent les anglophones. Ce n’est pas nouveau : déjà en juillet 1969, quelques heures avant le lancement de la mission Apollo 11, des activistes menés par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ralph_Abernathy">pasteur Ralph Abernathy</a>, un ami de Martin Luther King, avaient protesté contre le coût du programme lunaire américain évalué à l’époque à plus de 25 milliards de dollars (l’équivalent de 200 à 240 milliards de dollars actuels). Les tracts qu’ils distribuaient à la foule des curieux et des touristes étaient éloquents : ils montraient la misère des minorités aux États-Unis, le peu de progrès de la lutte contre l’inégalité raciale, alors que la course à la Lune, à l’espace et, pourquoi pas demain, vers Mars drainait déjà d’exorbitants budgets.</p>
<p>Aujourd’hui, les arguments du dénigrement des activités spatiales n’ont guère changé ; à leur coût et à l’oubli des affaires terriennes s’ajoutent le souci de l’environnement de la Terre et la pollution des orbites autour d’elle. Il est temps, <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/tourisme-spatial-s-envoyer-betement-en-l-air-n-est-pas-ethique">expliquent ces opposants</a>, de revenir sur Terre, d’oublier les rêves de fuir une planète épuisée, saccagée pour rejoindre des paradis célestes et artificiels. Plus concrètement, estiment-ils, il est temps de poser un moratoire sur le tourisme spatial ou la conquête de Mars.</p>
<h2>Le risque est de confondre exploration et conquête, observation scientifique et colonisation</h2>
<p>Le dénigrement n’est pas un acte anodin : au-delà de la critique, il sous-entend l’acte de noircir une réputation, de rabaisser, de calomnier une personne, une institution, une activité. Était-ce la volonté d’Abernathy en 1969 ? Est-ce celle de ses héritiers modernes ? Rien n’est vraiment sûr. À l’époque, le militant américain avait finalement ordonné le retrait des manifestants, comme pour reconnaître être dépassé par l’enjeu de l’exploration de la Lune.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/starlink-les-dommages-collateraux-de-la-flotte-de-satellites-delon-musk-135330">Starlink : les dommages collatéraux de la flotte de satellites d’Elon Musk</a>
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<p>Tels sont de fait l’enjeu et l’intérêt de l’actuel mouvement qui pourrait être qualifié, sans doute trop facilement, de « space bashing ». Nous devons examiner, analyser la signification de l’entreprise spatiale, débutée avec le lancement de <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/espace/il-y-a-60-ans-spoutnik-le-tout-premier-satellite-se-desintegrait-dans-l-atmosphere_119601">Spoutnik</a> en 1957, de ses apports scientifiques et techniques, économiques et politiques.</p>
<p>Mais aussi prendre la mesure de ses ambiguïtés : à bien regarder les projets du NewSpace ou ceux des agences spatiales, le risque n’est-il pas constant de confondre exploration et conquête, observation scientifique et tourisme ou colonisation ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360322/original/file-20200928-22-133e6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue d’artiste de la mission Gaia, de l’ESA, qui doit cartographier la Voie Lactée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.esa.int/var/esa/storage/images/esa_multimedia/images/2004/05/gaia_mapping_the_stars_of_the_milky_way/10200416-8-eng-GB/Gaia_mapping_the_stars_of_the_Milky_Way_pillars.jpg">ESA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Il y a 50 ans, en déclarant l’espace <a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">bien commun de l’humanité et les corps célestes son patrimoine</a>, le droit spatial n’a pas ouvert l’espace aux activités débridées des Terriens les plus entreprenants ou les plus riches. Il a plutôt, et d’une manière presque prophétique, reconnu et instauré l’idée d’une commune responsabilité vis-à-vis de ce qui reste d’abord la réalisation d’un des plus beaux rêves de l’humanité : celui de s’arracher à la gravité terrestre, de s’approcher des étoiles. Ne dénigrons pas trop vite ce qui a pu nous élever ; demandons-nous plutôt comment poursuivre ce rêve, tout en respectant la communauté humaine à laquelle nous appartenons, la Terre de laquelle dépend notre survie.</p>
<p>Qu’il s’agisse de l’explorer ou de l’exploiter, l’espace se trouve aujourd’hui à la croisée de deux chemins : celui d’une responsabilité commune et partagée et celui d’un individualisme débridé et profiteur. Le choix de la route à emprunter nous appartient ; il n’est pas aisé à faire. Mais, à bien y réfléchir, n’est-il pas celui que nous devrons aussi accomplir pour notre planète Terre ?</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143020/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Arnould ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La conquête de l’espace se renouvelle, et nous sommes à la croisée de deux chemins : celui d’une responsabilité commune et partagée et celui d’un individualisme débridé et profiteur.Jacques Arnould, Expert éthique, Centre national d’études spatiales (CNES)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457872020-10-01T18:52:43Z2020-10-01T18:52:43ZBiodiversité : la mer a encore de nombreux secrets à nous livrer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/359087/original/file-20200921-14-15ge3mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=335%2C106%2C5095%2C3465&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’utilisation d’aspirateurs sous-marins permet de prélever des organismes de petites tailles tels que des mollusques et des crustacées.</span> <span class="attribution"><span class="source">MNHN/José Utge</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui a lieu du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>Nous avons parfois l’impression que le vivant n’a plus de secrets pour nous. Mais à y réfléchir, combien d’espèces connaissons-nous vraiment ? Cent ? Quelques centaines ? Celles que l’on mange, celles que l’on craint ou qui nous dérangent, et celles que nous admirons et nous font rêver.</p>
<p>Les scientifiques ont quant à eux décrit deux millions de taxons en les nommant selon les règles de la nomenclature binomiale <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Species_plantarum">établies par Carl Von Linné en 1753</a>.</p>
<p>Parmi les près de deux millions d’espèces décrites, 3 000 sont des virus, 10 000 des bactéries, 135 000 des champignons, <a href="https://www.biotaxa.org/Phytotaxa/article/view/phytotaxa.261.3.1">375 000 des plantes</a> et <a href="http://www.catalogueoflife.org/annual-checklist/2019/info/totals">1,3 million des animaux</a>. Les 27 000 restants correspondent à plus d’une dizaine de lignées bien moins connues regroupant principalement des organismes unicellulaires eucaryotes (c’est-à-dire des organismes dont l’ADN est dans le noyau de la cellule), qualifiés de protistes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ernst_Haeckel">par Ernst Haeckel</a> en 1866.</p>
<p>Combien en reste-t-il à découvrir ? Quelles sont-elles ? Où se trouvent-elles ? C’est à ces grandes questions que les programmes d’exploration de la biodiversité tentent de répondre.</p>
<h2>80 % des espèces encore à découvrir</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359088/original/file-20200921-20-pm3gwr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les récifs de coralligènes forment un habitat emblématique de Méditerranée. Algues encroûtantes, éponges, ascidies, bryozoaires et de nombreux autres organismes constituent une structure tridimensionnelle qui forme une oasis pour des espèces plus mobiles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">José Utge/MNHN</span></span>
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<p>Si collecter les données pour réaliser l’inventaire des espèces <a href="https://eol.org/">est un exercice chronophage</a>, l’enjeu majeur du travail des taxonomistes est de décrire celles qui sont nouvellement identifiées. Les activités humaines entraînent directement ou indirectement une érosion sévère de la biodiversité, dont l’impact et les conséquences sont en cours d’évaluation <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/la-frb-en-action/nos-implications/ipbes/">par l’IPBES</a>. Le défi actuel est donc de dépeindre la biodiversité avant qu’elle ne s’érode davantage.</p>
<p>Estimer l’ampleur du nombre d’espèces encore inconnues sur Terre est une tâche d’extrapolation complexe et empreinte d’incertitudes. Après avoir annoncé une fourchette variant entre 6 et plus de 100 millions, un consensus semble s’établir au sein de la communauté scientifique autour d’une valeur légèrement en <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1001127">deçà de 10 millions</a>, ce qui revient à dire que 80 % des espèces restent à décrire !</p>
<p>Sur terre, les forêts sont identifiées de très longue date comme des réservoirs de biodiversité, notamment pour les arthropodes (parmi lesquels figurent les insectes, les mille-pattes, les arachnides et les crustacés). Ceux-ci constituent le groupe le plus varié d’organismes, avec près d’un million de taxons décrits. De façon générale, les sols abritent une myriade d’organismes de petite taille dont la diversité des espèces est en cours d’évaluation par des techniques de metabarcoding qui permettent de dénombrer les organismes sur la base d’une séquence de leur ADN.</p>
<h2>La diversité marine encore très mal connue</h2>
<p>Depuis les eaux douces comme dans les océans, les milieux aquatiques sont aussi des habitats foisonnants mais moins explorés, en raison notamment de la difficulté à y accéder. L’étude des grands patrons de biodiversité a révélé que les espèces marines étaient les plus variées entre les tropiques et que leur richesse <a href="https://www.researchgate.net/publication/45406822_Global_patterns_and_predictors_of_marine_biodiversity_across_taxa">s’amenuisait aux hautes latitudes</a>.</p>
<p>Les zones côtières où se concentre l’essentiel de la diversité marine subissent une forte pression anthropique. Elles n’échappent pas pour autant à un déficit d’exploration. La proximité de la terre engendre un hydrodynamisme important (courant, vagues, houle), qui rend l’utilisation de moyens nautiques et d’engins de pêche périlleux et donc la collecte de spécimens particulièrement difficile.</p>
<p>Quand les fonds sont meubles, il est possible d’utiliser des filets et des dragues, mais lorsqu’ils sont rocheux, les engins se heurtent aux aspérités du relief. <a href="http://www.sb-roscoff.fr/sites/www.sb-roscoff.fr/files/documents/station-biologique-roscoff-histoire-de-la-plongee-scientifique-3074.pdf">La plongée scientifique</a> constitue alors une alternative très efficace pour échantillonner ce milieu, mais sa mise en œuvre est limitée en profondeur et dans le temps. Par conséquent, ces techniques n’ont permis d’échantillonner qu’une infime partie des côtes planétaires.</p>
<h2>Grandes expéditions et aspirateurs sous-marins</h2>
<p>Bien que la faune et la flore marine aient fait l’objet de nombreuses études dès le début du XIX<sup>e</sup> siècle en Europe et notamment en France, la connaissance des espèces des fonds rocheux comporte encore d’importantes lacunes.</p>
<p>Les explorations historiques ont permis la description des espèces qui ont servi d’échafaudage pour établir des classifications. Il nous apparaît aujourd’hui opportun de poursuivre ces explorations, avec une méthodologie renouvelée.</p>
<p>Le Muséum national d’Histoire naturelle a donc organisé de nombreuses expéditions dans les régions tropicales, à travers des programmes comme <a href="https://www.mnhn.fr/fr/recherche-expertise/lieux/tropical-deep-sea-benthos">Tropical Deep-Sea benthos</a> et <a href="https://www.mnhn.fr/fr/recherche-expertise/lieux/planete-revisitee">« La planète revisitée »</a>, qui fouille à travers le monde cinq points chauds de la biodiversité, parmi lesquels la Corse.</p>
<p>Les équipes de terrain déploient désormais des modes d’échantillonnage capables de cibler des taxons dont l’étude a été négligée jusqu’alors. C’est notamment le cas pour les mollusques, les crustacés et les algues. Cette stratégie d’échantillonnage implique d’explorer tous les habitats d’une région donnée afin de maximiser la diversité des espèces récoltées.</p>
<p>Sur la base des cartographies des habitats marins réalisées <a href="https://wwz.ifremer.fr/gm/Comprendre/Soutien-a-la-puissance-publique/Ressources-minerales-grand-fond/Les-nodules-polymetalliques-dans-les-grands-fonds-oceaniques/Sondeur-multifaisceaux">grâce à des sondeurs multifaisceaux</a>, les organismes sont récoltés pour chaque lieu au moyen d’aspirateurs sous-marins et de paniers de brossages <a href="http://madibenthos.mnhn.fr/fr/echantillonnage-vrac-comment-chercher-aiguilles-meule-foin">qui permettent de prélever la faune</a> de taille millimétrique qu’il n’est pas possible de repérer à l’œil nu lors d’une plongée.</p>
<p>Les spécimens sont ensuite rapportés rapidement au laboratoire où ils sont triés par taille et par grand groupe avant d’être photographiés vivants puis fixés (le plus souvent dans de l’alcool) pour leur préservation. À l’issue de l’expédition, tous ces spécimens sont intégrés dans les collections du Muséum et sont étudiés par les spécialistes de chaque groupe. Les données d’occurrence sont versées à <a href="https://inpn.mnhn.fr/accueil/index">l’Inventaire national du patrimoine naturel</a>.</p>
<p>Si une espèce nouvelle est détectée, elle est formellement décrite dans une publication et officiellement reconnue et dénombrée dans le recensement de la diversité. Outre l’impact scientifique, les grandes expéditions constituent un évènement remarquable apte à souligner la valeur patrimoniale de la biodiversité et sensibiliser à l’unicité des territoires prospectés. L’enjeu en parallèle est de toucher un public large par des actions de médiations scientifiques et de communication.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=347&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359091/original/file-20200921-22-137fnud.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=436&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une fois rapportés aux laboratoires, les spécimens sont triés par classe de taille puis observés à l’œil nu pour ceux de plus grande taille ou à la loupe binoculaire pour les plus petits.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Soubzmaigne/MNHN</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359092/original/file-20200921-22-3n196r.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les algues sont préparées en herbier comme les plantes terrestres. Une fois sèches, elles peuvent ainsi être préservées pendant des siècles en gardant leur couleur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Soubzmaigne/MNHN</span></span>
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</figure>
<h2>La faune corse passée au peigne fin</h2>
<p>J’ai pour ma part participé au premier volet marin de « La planète revisitée » en Corse, qui s’est déroulé en mai 2019. Nous nous sommes consacrés à l’étude du vivant jusqu’à 100 mètres de fond autour du cap Corse et des Agriates, une zone protégée par le <a href="http://www.aires-marines.fr/L-Office/Organisation/Parcs-naturels-marins/Parc-naturel-marin-du-cap-Corse-et-de-l-Agriate">statut de Parc naturel marin</a>.</p>
<p>En octobre 2020, la réserve naturelle des <a href="http://www.reserves-naturelles.org/bouches-de-bonifacio">bouches de Bonifacio</a> sera à son tour passée au peigne des scientifiques de l’expédition. Une telle mission ne s’improvise pas, le rendez-vous est pris depuis près de deux ans déjà.</p>
<p>Il est désormais temps de préparer le matériel nécessaire qui sera acheminé sur place par container, de réunir une équipe, de solliciter les compétences localement, de réserver transport et hébergement.</p>
<p>Si les conditions sanitaires le permettent, une équipe d’une quarantaine de personnes regroupant des compétences très diverses (marins, pêcheurs, plongeurs, tamiseurs, trieurs, photographes…) travaillera jour et nuit pour recenser les espèces marines du sud de la Corse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Line Le Gall a reçu des financements de Collectivité de Corse et de l’Office français pour la biodiversité. </span></em></p>La biodiversité compterait 10 millions d’espèces, les scientifiques n’en ont décrit que 2 millions.Line Le Gall, Maître de conférences, spécialiste de la diversité des algues, plongeur scientifique, organisation de grandes expéditions, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1403142020-06-18T17:41:57Z2020-06-18T17:41:57ZWebdocumentaire : À la conquête de Mars<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342160/original/file-20200616-23261-1xhkkna.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1400%2C785&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel du wedocumentaire Mars Odyssey</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’envoi d’engins spatiaux par les États-Unis, la Chine et les Émirats arabes unis, l’été 2020 s’annonce décisif pour la conquête de Mars. N’avez-vous jamais rêvé de fouler le sol martien et de découvrir les plus grands secrets de ces expéditions ? Le webdocumentaire <a href="https://pcccd243347.eu.racontr.com/"><em>Mars Odyssey</em></a> vous invite au décollage.</p>
<p>À travers un format interactif mêlant à la fois contenus vidéo, sonores et écrits, partez à la conquête de la planète rouge et décryptez ainsi les nombreux enjeux scientifiques qui se cachent derrière cet ambitieux projet du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<iframe src="https://pcccd243347.eu.racontr.com/" width="100%" height="100%" frameborder="0" onmousewheel="" scrolling="yes" style="width: 100px; min-width: 100%; width: 100%; height: 1px; min-height: 100%; height: 500px;" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Naviguez entre la Terre et Mars et découvrez les travaux d’experts sur le sujet. Vous pourrez notamment y retrouver Jean‑François Clervoy, spationaute français à l’ESA ; Frances Westall, géologue et directrice de recherche au CNRS, Nicolas Mangold, également directeur de recherche au CNRS, Charles Yana, chef de projet au CNES, Pierre Thomas, géologue et professeur à l’ENS de Lyon, ou encore André Brack, exobiologiste au CNRS d’Orléans</p>
<p>Ce webdocumentaire a nécessité près de huit mois de travail et fait intervenir des institutions en France et à l’étranger telles que le CNES Paris et Toulouse, le planétarium du Jardin des Sciences-Université de Strasbourg, Latmos Paris, ou encore l’ESA Noordwijk aux Pays-Bas.</p>
<p>Il a été réalisé en partenariat avec l’Université de Lorraine de Metz, par cinq étudiants du Master Journalisme et Médias numériques : Lucas Ruch, Isabelle Hautefeuille, Adrien Bachy, Charlène Dosio et Arthur Diliberto.</p>
<p>Pour une lecture optimale <a href="https://pcccd243347.eu.racontr.com/">rendez-vous ici</a>. Bon voyage !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140314/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angeliki Monnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Partez à la découverte de la planète rouge grâce à ce webdocumentaire : un format novateur rassemblant textes, vidéos et podcasts.Angeliki Monnier, Professeure en Sciences de l'Information et de la Communication, chercheure au Centre de recherche sur les médiations, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.