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fertilité – The Conversation
2024-03-19T16:57:11Z
tag:theconversation.com,2011:article/226038
2024-03-19T16:57:11Z
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Ménopause : quels sont les symptômes les plus courants, et comment les prendre en charge ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582478/original/file-20240313-30-p6p9n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C151%2C7772%2C5041&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/menopausal-mature-woman-having-hot-flush-2281774401">Shutterstock/SpeedKingz</a></span></figcaption></figure><p>En dépit d’un nombre croissant de nouvelles recherches menées sur la ménopause, il semble de plus en plus compliqué de trouver des informations claires sur ce sujet. En effet, médias, Internet, soignants ou scientifiques ne s’accordent pas tous systématiquement.</p>
<p>Pour ajouter encore à cette confusion, une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)00462-8/fulltext">série d’articles</a> parus récemment dans le prestigieux journal médical <em>The Lancet</em> a remis en question certains aspects que l’on croyait acquis concernant non seulement les symptômes de la ménopause, mais aussi l’efficacité des traitements hormonaux (aussi appelés <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/menopause/traitements">« traitements hormonaux substitutifs de la ménopause »</a>) pour soulager certains d’entre eux.</p>
<p>Quels sont les symptômes qui indiquent de façon fiable le début de la périménopause ou de la ménopause ? Et quel est l’intérêt réel des traitements hormonaux ? Voici ce qu’en dit la science.</p>
<h2>Qu’est-ce que la ménopause ?</h2>
<p>Pour le dire brièvement, la ménopause est la perte complète de la fertilité féminine.</p>
<p>Il s’agit de la période de la vie d’une femme (ou de personnes dont le sexe de naissance était le sexe féminin) durant laquelle les règles (menstruations) s’arrêtent définitivement. La ménopause est diagnostiquée après 12 mois sans nouvelles règles (sauf en cas d’ablation des ovaires, laquelle qui provoque une ménopause induite chirurgicalement). Commence alors la période de postménopause.</p>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/c-est-quoi/derniers-stocks-cest-quoi-la-premenopause">périménopause</a> débute quant à elle lorsque les cycles menstruels varient pour la première fois de sept jours ou plus. Elle se termine lorsqu’il n’y a pas eu de règles pendant 12 mois.</p>
<p>La périménopause et la ménopause sont difficiles à identifier dans le cas ou une personne a subi une hystérectomie, mais que ses ovaires sont intacts, ou bien si les menstruations naturelles sont supprimées par un traitement (comme la contraception hormonale) ou une maladie (comme un trouble de l’alimentation).</p>
<h2>Quels sont les symptômes les plus courants de la ménopause ?</h2>
<p>Au cours de nos travaux, nous avons analysé la littérature scientifique afin de faire un état des lieux des recommandations de prise en charge de la ménopause et de la périménopause se basant sur les standards les plus exigeants. Nous avons ainsi pu en identifier les <a href="https://srh.bmj.com/content/early/2024/02/21/bmjsrh-2023-202099.long">symptômes reconnus au niveau international</a> :</p>
<ul>
<li><p>bouffées de chaleur et sueurs nocturnes (connues sous le nom de symptômes vasomoteurs) ;</p></li>
<li><p>troubles du sommeil ;</p></li>
<li><p>douleurs musculo-squelettiques ;</p></li>
<li><p>diminution de la fonction ou du désir sexuel ;</p></li>
<li><p>sécheresse et irritation vaginales ;</p></li>
<li><p>perturbation de l’humeur (humeur maussade, changements d’humeur ou symptômes dépressifs), mais sans dépression clinique.</p></li>
</ul>
<p>Aucun de ces symptômes n’est cependant spécifique à la ménopause, ce qui signifie qu’ils pourraient avoir d’autres causes.</p>
<h2>Des symptômes dont la gravité varie d’une personne à l’autre</h2>
<p><a href="https://journals.lww.com/menopausejournal/abstract/2015/07000/moderate_to_severe_vasomotor_and_sexual_symptoms.6.aspx">Notre étude</a> sur les femmes australiennes a révélé que 38 % des femmes avant la périménopause, 67 % des femmes périménopausées et 74 % des femmes postménopausées de moins de 55 ans ont déclaré avoir eu des bouffées de chaleur et/ou des sueurs nocturnes.</p>
<p>Mais la <a href="https://journals.lww.com/menopausejournal/abstract/2015/07000/moderate_to_severe_vasomotor_and_sexual_symptoms.6.aspx">gravité de ces symptômes varie considérablement</a>. Avant la périménopause, seules 2,8 % des femmes ont indiqué avoir subi des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes modérément à sévèrement gênantes, contre 17,1 % des femmes périménopausées et 28,5 % des femmes postménopausées de moins de 55 ans.</p>
<p>Bouffées de chaleur et sueurs nocturnes gênantes semblent donc constituer des indicateurs fiables de la périménopause et de la ménopause. Toutefois, ce n’en sont pas les seuls symptômes. Ce ne sont pas non plus des phénomènes touchant uniquement les femmes occidentales, contrairement à ce qui a pu être parfois suggéré : les femmes des pays asiatiques sont également concernées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme assise sur une chaise, l’air déprimé" src="https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581467/original/file-20240313-16-ht265a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ne pas avoir de sueurs nocturnes ou de bouffées de chaleur ne signifie pas pour autant ne pas être ménopausée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sad-asian-mature-woman-lonely-home-1682995819">Maridav/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les symptômes dépressifs et l’anxiété sont également souvent liés à la ménopause, mais ces symptômes sont moins spécifiques que les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes, car ils peuvent survenir tout au long de la vie adulte. Néanmoins, les recommandations actuelles considèrent que l’apparition de troubles de l’humeur peut constituer à elle seule la manifestation des <a href="https://www.cell.com/cell/abstract/S0092-8674(23)00905-4">changements hormonaux en lien avec la ménopause</a>. Autrement dit, une femme qui n’a pas de bouffées de chaleur ou de sueurs nocturnes <a href="https://srh.bmj.com/content/early/2024/02/21/bmjsrh-2023-202099.long">peut néanmoins être en périménopause ou en postménopause</a>.</p>
<p>On appréhende encore mal dans quelle mesure les changements hormonaux de la ménopause pourraient être liés à des problèmes de mémoire, de concentration ou à des difficultés de réflexion (des symptômes fréquemment regroupés et sous l’appellation « brouillard cérébral »). Certaines études suggèrent que la périménopause pourrait altérer la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13697137.2022.2122792">mémoire verbale épisodique</a>, mais que ce trouble pourrait se résoudre de lui-même à mesure que les femmes traversent la ménopause. Il semblerait que les fonctions cérébrales exécutives (réflexion stratégique, planification) <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13697137.2022.2122792">ne soient en revanche pas affectées</a>.</p>
<h2>Dans quels cas les traitements hormonaux sont-ils utiles ?</h2>
<p>Les articles du <em>Lancet</em> suggèrent que le traitement hormonal substitutif de la ménopause soulage les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes (symptômes « vasomoteurs »). Toutefois, la probabilité qu’une telle thérapie améliore le sommeil, l’humeur ou le « brouillard cérébral » semble ne concerner que les femmes qui sont gênées par ces symptômes vasomoteurs.</p>
<p>Le traitement hormonal est aussi recommandé pour la prise en charge des troubles de l’humeur associés à la ménopause. Autrement dit, se voir prescrire une telle thérapie ne nécessite pas d’avoir des bouffées de chaleur ou des sueurs nocturnes.</p>
<p>Souvent, les traitements hormonaux de la ménopause sont prescrits en association avec un œstrogène à application topique, afin de traiter les symptômes vaginaux (sécheresse, irritation ou nécessité fréquente d’uriner).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Médecin parlant à une femme" src="https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581473/original/file-20240313-30-mix8c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nul besoin de ressentir des bouffées de chaleur et des sueurs nocturnes pour prendre une thérapie hormonale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/mature-woman-consultation-female-doctor-sitting-1393901327">Monkey Business Images/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aucune des directives internationales actuelles ne recommande en revanche la prescription de traitement hormonal en ce qui concerne la prise en charge des symptômes cognitifs responsables du « brouillard cérébral ».</p>
<p>Par ailleurs, l’efficacité de ce genre de traitement pour prendre en charge les douleurs musculo-squelettiques, qui constituent les symptômes ménopausiques les <a href="https://journals.lww.com/menopausejournal/abstract/2016/07000/prevalence_and_severity_of_vasomotor_symptoms_and.6.aspx">plus courants dans certaines populations</a>, doit encore être étudiée.</p>
<p>Enfin, certaines recommandations nationales considèrent que le traitement hormonal est efficace <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13697137.2023.2258783">pour limiter le risque d’ostéoporose ou de fractures</a>, mais pas pour prévenir d’autres maladies.</p>
<h2>Quels sont les risques des thérapies hormonales ?</h2>
<p>Les principales préoccupations à propos des traitements hormonaux substitutifs de la ménopause ont concerné l’accroissement potentiel du risque de cancer du sein et de thrombose veineuse profonde (qui est susceptible de provoquer la formation d’un caillot dans les poumons).</p>
<p>Aujourd’hui, on considère que les traitement hormonaux recourant uniquement à des œstrogènes <a href="https://www.nice.org.uk/guidance/ng23">n’entraînent pas, ou peu, de modification du risque de cancer du sein</a>.</p>
<p>Les œstrogènes pris avec un progestatif, nécessaire pour les femmes qui n’ont pas subi d’hystérectomie, <a href="https://www.moh.gov.my/moh/resources/Penerbitan/CPG/Women%20Health/CPG_Management_of_Menopause_2022_e-version-1.pdf">ont été associés à une petite augmentation</a> du risque de cancer du sein (mais comme tout risque, celui-ci semble varier en fonction <a href="https://www.bmj.com/content/bmj/371/bmj.m3873.full.pdf">du type de traitement utilisé, de la dose et de la durée d’utilisation</a>).</p>
<p>Les œstrogènes pris par voie orale ont également été associés à un risque accru de thrombose veineuse profonde, ledit risque variant en fonction de la formulation utilisée. Ce problème peut être évité en utilisant des <a href="https://www.bmj.com/content/bmj/364/bmj.k4810.full.pdf">patchs ou des gels d’œstrogènes prescrits à des doses standards</a>.</p>
<h2>Et si je ne veux pas de thérapie hormonale ?</h2>
<p>Si vous ne pouvez pas ou ne voulez pas prendre de traitement hormonal pour atténuer les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes gênantes, des thérapies non hormonales efficaces sont aussi disponibles sur ordonnance.</p>
<p>En Australie, la plupart de ces options sont « hors indication », cependant le <a href="https://ec.europa.eu/health/documents/community-register/2023/20231207160974/anx_160974_fr.pdf">fezolinetant</a>, un nouveau médicament, vient d’être approuvé pour traiter les bouffées de chaleur et les sueurs nocturnes postménopausiques. </p>
<p>(<em>en Europe, ce médicament a obtenu <a href="https://www.apmnews.com/freestory/10/404209/amm-europeenne-pour-veoza-dans-les-symptomes-vasomoteurs-associes-a-la-menopause">une autorisation de mise sur le marché en décembre 2023</a>. Il avait été approuvé aux États-Unis au mois de mai de la même année, ndlr</em>) </p>
<p>Pris sous forme de comprimé, le fezolinetant agit dans le cerveau en bloquant la neurokinine 3, la molécule responsable de la réponse thermique inappropriée à l’origine des bouffées de chaleur et/ou des suées.</p>
<p>Si l’on peut déplorer que l’efficacité de la plupart des traitements en vente libre soit <a href="https://srh.bmj.com/content/early/2024/02/21/bmjsrh-2023-202099.long">nulle ou non prouvée scientifiquement</a>, notons que la thérapie cognitivo-comportementale et l’hypnose peuvent permettre de <a href="https://journals.lww.com/menopausejournal/abstract/2023/06000/the_2023_nonhormone_therapy_position_statement_of.4.aspx">soulager certains symptômes</a>.</p>
<hr>
<p><em><strong>Pour en savoir plus :</strong></em></p>
<ul>
<li><a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/menopause">Le dossier de l’Assurance maladie consacré à la ménopause et à la périménopause</a>, ainsi qu’à leur prise en charge </li>
<li>Le dossier de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) <a href="https://www.inserm.fr/dossier/menopause/">sur la périménopause et la ménopause</a> </li>
<li>La page consacrée à <a href="https://cngof.fr/espace-grand-public/la-menopause-et-apres/">la ménopause et la périménopause</a> sur le site du Collège national des gynécologues et obstétriciens </li>
<li><a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-menopause-pour-tout-le-monde">« Ménopause pour tout le monde »</a>, une série de quatre podcasts proposée par France Culture.</li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/226038/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Susan Davis est chercheuse au NHMRC et directrice du programme de recherche sur la santé des femmes de l'Université de Monash. Elle a assuré des présentations de ses travaux pour Theramex, Besins Healthcare, Mayne Pharma et Abbott Laboratories. Elle a aussi fait partie de comités de conseils consultatifs pour Theramex, Astellas, Besins Healthcare, Mayne Pharma, Abbott Laboratories et Gedeon-Richter.</span></em></p>
Bouffées de chaleurs, sueurs nocturnes, « brouillard cérébral »… Les symptômes de la ménopause sont multiples. Comment les détecter et les prendre en charge ? Voici les recommandations scientifiques.
Susan Davis, Chair of Women's Health, Monash University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/225960
2024-03-18T15:34:27Z
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Covid-19 : comment le coronavirus détruit des neurones essentiels pour la fertilité et la cognition
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582547/original/file-20240318-20-ppt6sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C1089%2C3515%2C2252&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à balayage colorisée d'une cellule (rose) infectée par des particules du virus SARS-CoV-2 (vert et violet), isolée à partir d'un échantillon de patient.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/50798069536/in/photolist-2koRoi7-2ivWYAQ-2itgZyx-2jk18mh-2iERQiZ-2iYmxva-2mFfcQ7-2jcerea-2jk18s4-2jk2hum-2jfwmb2-2jch9HX-2j4b4fV-2j4fdct-2iCRVRX-2iP8B13-2iERQmQ-2jfwm3X-2jfzdMX-2iDSu3E-2iDSu77-2iDWFNp-2iDVeTu-2iDVeUX-2iDVeVt-2iERQ8d-2iG5wqt-2iYiNki-2iPbjqr-2itfPmQ-2iDWFMh-2iDSu65-2iDVeQd-2iDSu8u-2nWQgad-2iETgaX-2ivUoVj-2ivUoW6-2itgZwo-2ivY9VB-2ivY9Xk-2o9zewJ-2koRooc-2koRocL-2jk2hQG-2jfAxCS-2jk18et-2itfPhS-2ivUoUn-2koRYXP"> Image prise au NIAID Integrated Research Facility (IRF) à Fort Detrick, Maryland / NIAID/NIH </a></span></figcaption></figure><p><em>Difficultés de concentration, de planification, troubles de la mémoire immédiate… Les personnes souffrant de Covid long se plaignent très souvent de problèmes cognitifs, qui s’ajoutent aux nombreux autres symptômes dont elles souffrent. Quatre ans après la première vague de la pandémie, la recherche sur les causes de ce « brouillard cérébral » progresse.</em></p>
<p><em>On sait aujourd’hui que le coronavirus SARS-CoV-2 à l’origine de la maladie est notamment capable de pénétrer dans notre cerveau et de détruire certaines cellules cérébrales. L’infection d’une petite population de neurones inquiète particulièrement les scientifiques : il s’agit des neurones à GnRH, qui jouent un rôle essentiel non seulement dans la fertilité, mais aussi dans le neurodéveloppement des enfants.</em></p>
<p><em>Directeur de recherche et responsable du laboratoire Inserm « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine », Vincent Prévot nous explique pourquoi leur destruction est préoccupante.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Des travaux récents ont montré que l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2, même quand elle ne s’accompagne que de symptômes modérés, <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2311330">est associée à des atteintes cognitives</a>. Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que l’infection par le SARS-CoV-2 est délétère pour le cerveau ?</strong></p>
<p><strong>Vincent Prévot :</strong> Plusieurs études ont montré que l’infection par le SARS-CoV-2 a des effets sur le cerveau. L’une des plus spectaculaires, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04569-5">publiée dans la revue <em>Nature</em></a>, montre qu’elle s’accompagne d’une diminution du volume du cerveau et d’une perte cognitive, d’autant plus importante que les personnes sont âgées. Et ce, même chez des gens qui n’ont pas fait de forme sévère.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/s41593-021-00926-1">Avec nos collaborateurs</a>, nous avons de notre côté démontré que le coronavirus était à l’origine de microruptures de vaisseaux sanguins cérébraux, parfois très nombreuses. Celles-ci pourraient entraîner la mort de certains neurones, et avoir des conséquences sur le vieillissement cérébral.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-le-coronavirus-sintroduit-dans-notre-cerveau-185834">Covid-19 : comment le coronavirus s’introduit dans notre cerveau</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Divers travaux ont par ailleurs montré que ce dernier <a href="https://www.researchsquare.com/article/rs-3818580/v1">semblait d’ailleurs accéléré</a> chez certains patients. Nous avons nous-mêmes constaté la dégradation très rapide, suite à l’infection par le coronavirus, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37428895/">l’état d’un patient atteint de démence vasculaire à un stade précoce</a>.</p>
<p><strong>The Conversation : Avec vos collaborateurs, vous vous êtes particulièrement intéressé aux effets de l’infection sur une catégorie bien particulière de neurones, les neurones à GnRH. Pourriez-vous nous expliquer ce dont il s’agit ?</strong></p>
<p><strong>VP :</strong> Ces neurones produisent une hormone appelée GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone). Éparpillés dans notre cerveau, ils sont très peu nombreux : on estime qu’il en existe seulement environ 10 000, dont 2000 dans l’hypothalamus. En regard des 100 milliards d’autres neurones, c’est extrêmement peu.</p>
<p>Cependant ces neurones, que l’on retrouve chez tous les vertébrés, sont essentiels. En effet, ils contrôlent notamment les capacités de reproduction. Les neurones à GnRH s’activent à la puberté. L’hormone qu’ils produisent à cette période passe dans le sang et atteint l’hypophyse, une petite glande située sous le cerveau.</p>
<p>Celle-ci libère alors deux autres hormones, la LH et la FSH, qui vont agir sur les ovaires et les testicules, entraînant leur croissance et déclenchant la production de spermatozoïdes et d’ovocytes. LH et FSH sont aussi impliquées dans la sécrétion des œstrogènes et de la testostérone.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Donc, depuis l’hypothalamus, les neurones à GnRH contrôlent tous les processus associés aux fonctions reproductrices : la puberté, l’acquisition des caractères sexuels secondaires et, à l’âge adulte, la fertilité.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout. Ces neurones jouent aussi <a href="https://theconversation.com/trisomie-21-une-hormone-ouvre-des-pistes-de-traitement-inedites-189887">un rôle essentiel dans le neurodéveloppement des enfants</a>. En effet, une semaine après la naissance, une première activation des neurones à GnRH se produit. Transitoire, elle est à l’origine d’une « mini-puberté » qui dure six mois environ, avant que ces neurones ne se mettent en hibernation en attendant la puberté adolescente. Or, cette première étape est fondamentale pour le développement des capacités cognitives des enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trisomie-21-une-hormone-ouvre-des-pistes-de-traitement-inedites-189887">Trisomie 21 : une hormone ouvre des pistes de traitement inédites</a>
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<p><strong>The Conversation : Comment avez-vous fait le lien entre ces neurones et le Covid-19 ?</strong></p>
<p><strong>Vincent Prévot :</strong> Au début de la pandémie, nous avons été troublés par le fait que la majorité des victimes des formes graves de Covid-19 étaient des hommes. Or, on sait que le dimorphisme sexuel est en partie contrôlé par le cerveau, via l’hypothalamus et les neurones à GnRH.</p>
<p>En outre, bon nombre de ces patients étaient en surpoids, voire obèses, ou diabétiques. Un constat qui, là encore, faisait soupçonner une implication de l’hypothalamus, car cette structure, qui intervient dans de nombreux mécanismes physiologiques (croissance, faim et soif, rythme circadien, régulation de la température, métabolisme…), joue aussi un rôle dans l’obésité et le diabète.</p>
<p>Nous nous sommes donc rapidement interrogés sur la possibilité que le virus puisse franchir la barrière hématoencéphalique, qui protège le cerveau des envahisseurs. À l’époque, peu de gens étaient prêts à l’admettre, car le SARS-CoV-2 était surtout considéré comme un virus pulmonaire.</p>
<p>Nous avons cependant prouvé que le virus pouvait bien accéder au cerveau, qui plus est de diverses façons.</p>
<p><strong>The Conversation : Comment le virus parvient-il à atteindre ces neurones ?</strong></p>
<p><strong>VP :</strong> La muqueuse de la cavité nasale (l’épithélium olfactif) est l’une de ses portes d’entrée. Il faut savoir que les neurones à GnRH ne naissent pas dans le cerveau, mais dans le nez, pendant le développement embryonnaire. Ils migrent dans le cerveau seulement dans un second temps.</p>
<p>Or, nous avons découvert ces dernières années que même une fois installés dans le cerveau, les neurones à GnRH gardent une attache physique avec l’épithélium olfactif, via leurs fibres nerveuses. C’est par là que passe le virus.</p>
<p>Qui plus est, dans la muqueuse nasale se trouve une autre sorte de neurones, les neurones olfactifs, dont le rôle est de détecter les molécules odorantes. Leurs fibres nerveuses sont en contact avec le bulbe olfactif situé dans le cerveau (la structure qui traite les informations liées aux odeurs). Nous avons démontré que le coronavirus SARS-CoV-2 était capable d’infecter ces neurones (c’est pour cela que l’un des symptômes est la perte de l’odorat, ou anosmie), lesquels constituent donc une seconde porte d’entrée.</p>
<p>Mais le virus dispose aussi d’une troisième voie d’accès au cerveau. Nos collègues allemands ont en effet découvert que le coronavirus <a href="https://theconversation.com/Covid-19-comment-le-coronavirus-sintroduit-dans-notre-cerveau-185834">détruit les cellules qui tapissent l’intérieur des vaisseaux sanguins cérébraux</a>. Ceux-ci perdent alors leur étanchéité, endommageant la barrière hématoencéphalique censée isoler le cerveau, et laissant « fuir » le virus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-comment-le-coronavirus-sintroduit-dans-notre-cerveau-185834">Covid-19 : comment le coronavirus s’introduit dans notre cerveau</a>
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<p>Enfin, à certains endroits de l’hypothalamus, la barrière hématoencéphalique s’interrompt, pour laisser passer librement dans le sang les neurohormones produites par cette structure cérébrale, telle que la GnRH. On peut donc imaginer que le virus, présent dans le sang, puisse lui aussi passer par là. Nous avons d’ailleurs montré qu’il infecte aussi des cellules appelées <a href="https://www.inserm.fr/actualite/les-tanycytes-des-intermediaires-indispensables-au-controle-de-la-glycemie-par-le-cerveau/">« tanycytes »</a>, qui régulent notamment la fréquence de sécrétion de la GnRH dans le sang…</p>
<p>L’entrée du virus dans le cerveau n’est pas sans conséquence : lorsque nous avons pratiqué des autopsies de patients décédés de la maladie, nous avons découvert que leurs neurones à GnRH avaient été tués ou étaient en train de mourir. La GnRH n’était donc plus produite à des taux suffisants. Or, en l’état actuel des connaissances, on considère que ces neurones ne se régénèrent pas.</p>
<p><strong>The Conversation : Quelles sont les conséquences pour les patients ?</strong></p>
<p><strong>VP :</strong> Divers rapports scientifiques avaient fait état de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34409772/">taux de testostérone très bas</a> chez des patients atteints de Covid-19. Par ailleurs, de nombreux hommes atteints de Covid long se plaignent d’une baisse de libido ou de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36251682/">problèmes érectiles</a>.</p>
<p>Nous l’avons aussi constaté dans la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34008009/">cohorte</a> de 47 hommes que nous avons analysée lors de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37713808/">nos derniers travaux</a>. Les dosages que nous avons effectués indiquent par ailleurs que cette baisse de testostérone n’est pas due à un problème au niveau des organes sexuels, mais bien à un déficit de production de GnRH dans l’hypothalamus (c’est ce que l’on appelle un <a href="https://www.chu-lyon.fr/hypogonadisme-hypogonadotrope">hypogonadisme hypogonadotrope</a>.</p>
<p>Mais les problèmes posés pourraient être plus importants qu’une simple baisse de la libido. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37713808/">Dans cette même étude</a>, nous avions déjà constaté un plus fort taux de mortalité chez les personnes en réanimation dont l’axe gonadotrope était altéré. Mais on sait aussi qu’un déficit en GnRH peut se traduire par des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37261390/">troubles cognitifs</a>.</p>
<p>Ainsi, certains traitements du cancer de la prostate ou de l’endométriose, qui consistent à supprimer l’axe GnRH, s’accompagnent d’une perte cognitive chez certaines personnes, ainsi que d’un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer plus tard.</p>
<p>Or, dans notre cohorte, les patients qui présentaient des dosages hormonaux anormaux se traduisant par une baisse de testostérone étaient en proportion plus nombreux à signaler des troubles de la mémoire ou de l’attention, ou des difficultés de concentration. Ces résultats doivent encore être confirmés sur des cohortes de plus grande taille incluant également des femmes.</p>
<p><strong>The Conversation : Doit-on craindre que l’effet du virus se fasse sentir à long terme ?</strong></p>
<p><strong>VP :</strong> On peut légitimement se poser la question des conséquences de l’infection par le SARS-CoV-2 sur le cerveau humain. Comment vont vieillir les cerveaux des personnes infectées ? Les troubles cognitifs dont se plaignent les patients vont-ils persister ? Va-t-on assister à une augmentation des cas de démence dans les décennies à venir ?</p>
<p>C’est d’autant plus inquiétant que des effets sur le cerveau ont été constatés, y compris chez des personnes souffrant seulement de symptômes modérés.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’être alarmiste, bien entendu. Mais le cas de <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/grippe#:%7E:text=la%20pand%C3%A9mie%20de%201918%20dite,due%20au%20sous%2Dtype%20H3N2.">l’épidémie de grippe espagnole survenue au début du XXème siècle</a>, doit nous faire réfléchir : une <a href="https://www.nature.com/articles/s41531-020-00123-0">grande partie des survivants avait développé la maladie de Parkinson</a>, pour des raisons <a href="https://www.vidal.fr/actualites/30687-il-y-a-100-ans-l-encephalite-lethargique-un-fleau-oublie.html">qui restent à élucider</a>.</p>
<p>Par ailleurs, on peut se demander si l’infection des enfants en très bas âge, longtemps considérée comme peu problématique, ne pourrait pas avoir elle aussi des conséquences à plus long terme. Si l’étape de mini-puberté a été altérée chez certains nourrissons, leur développement neurologique pourrait s’en ressentir, et nécessiter un accompagnement afin de tenter d’atténuer l’impact de cette situation.</p>
<p>Répondre à ces questions va nécessiter d’approfondir les recherches dans les années à venir.</p>
<p><strong>The Conversation : Quelle va être la suite de ces travaux ?</strong></p>
<p><strong>VP :</strong> Jusqu’ici, nos résultats ont été obtenus sur de petites cohortes. Nous allons maintenant changer d’échelle, en analysant des échantillons provenant d’hommes et de femmes participant à la <a href="https://etude-coper.fr/">cohorte française Coper</a>.</p>
<p>Il s’agit de 300 personnes qui ont eu un Covid « léger » sans conséquence à long terme, et 300 personnes qui ont eu un Covid similaire, mais ont développé un Covid long.</p>
<p>Nous allons tester l’état de l’axe gonadotrope et le comparer entre les deux groupes, afin de vérifier si un axe gonadotrope déficient est effectivement associé à des troubles neurologiques.</p>
<p>En attendant d’en savoir plus, mieux vaut éviter d’être contaminé par ce virus, qui n’est de toute évidence pas un simple virus respiratoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Prévot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Loin de n’être qu’un « banal » virus respiratoire, le coronavirus SARS-CoV-2 peut envahir de nombreuses sortes de cellules dans notre corps. Y compris dans le cerveau, normalement si bien protégé.
Vincent Prévot, Directeur de Recherche en Neuroendocrinologie et Neurosciences, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197264
2024-03-12T10:04:19Z
2024-03-12T10:04:19Z
Les protections intimes sont-elles sans danger pour les femmes ?
<p>Ces dernières années, la question de la composition des protections intimes a suscité de nombreux débats publics en France. De plus en plus de femmes s’interrogent sur les risques liés à l’utilisation de ces articles d’hygiène féminine. Entre 2018 et 2020, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a réalisé une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/protections-intimes-composition-et-choc-toxique-toutes-nos-recommandations">évaluation de la sécurité des protections intimes</a> : les tampons, les serviettes hygiéniques, les protège-slips et les coupes menstruelles.</p>
<p>Suite à cette évaluation et aux recommandations de l’Anses, les pouvoirs publics se sont saisis du sujet en 2022, et ont rédigé un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048737538">décret sur l’étiquetage des protections féminines</a>. Voici ce qu’il faut retenir.</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Deux catégories de protections intimes</h2>
<p>Les protections intimes sont des produits de grande consommation, utilisés pendant la période des règles afin d’absorber le flux menstruel ou en dehors (par exemple en cas de fuites urinaires). Elles sont utilisées par des femmes à partir de l’âge des premières règles (en moyenne 12 ans et 3 mois).</p>
<p>Il existe sur le marché deux catégories de protections intimes :</p>
<ul>
<li><p>les protections internes destinées à être insérées dans le vagin afin d’absorber les flux menstruels. Elles peuvent être à usage unique, telles que les tampons hygiéniques, ou être réutilisables, telles que les coupes menstruelles ou les disques menstruels ;</p></li>
<li><p>les protections externes telles que les serviettes hygiéniques, les protège-slips et les culottes menstruelles (qui peuvent être à usage unique ou réutilisables).</p></li>
</ul>
<p>De manière générale, les protections intimes à usage unique externe sont composées de produits d’origine naturelle dérivés du bois (cellulose), de substances de nature synthétique (polyoléfines) et de superabsorbant (SAP). Les tampons sont composés de produits d’origine naturelle dérivés du coton qui subissent un traitement chimique, et de produits de nature synthétique de type polyoléfines. Quant aux coupes menstruelles, elles sont composées d’élastomère thermoplastique ou de silicone de qualité médicale.</p>
<h2>Des substances chimiques dans les protections intimes</h2>
<p>En 2017, des <a href="https://www.60millions-mag.com/2016/03/01/test-de-tampons-et-protections-feminines-10206">études</a> ont mis en évidence la <a href="https://www.60millions-mag.com/2017/05/18/tampons-la-presence-de-residus-toxiques-confirmee-11155">présence de substances chimiques dans des protections intimes</a>. Certaines, comme les substances parfumantes, sont ajoutées intentionnellement. D’autres peuvent provenir de la contamination des matières premières, ou sont dues aux procédés de fabrication ; il peut s’agir par exemple de substances cancérogènes (hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dioxines, furanes), des substances reprotoxiques (<a href="https://echa.europa.eu/fr/hot-topics/phthalates">phtalates</a>), des substances parfumantes allergisantes et des pesticides. Soulignons que certains pesticides retrouvés dans les produits analysés sont interdits d’usage dans l’Union européenne, parfois depuis de nombreuses années (c’est le cas du lindane et du quintozène, interdits depuis 2000, ou de l’hexachlorobenzène, depuis 2004). Le glyphosate, dont l’usage est autorisé dans l’Union européenne, a également été retrouvé dans certains produits.</p>
<p>L’expertise de l’Anses a consisté à évaluer les risques sanitaires liés à la présence de ces substances dans les protections intimes – serviettes hygiéniques, protège-slips et tampons. Pour évaluer l’exposition, l’agence a considéré une utilisation de six protections intimes ou de quatre coupes menstruelles par jour, en considérant aussi bien une femme adulte (pour un poids moyen de 60kg) qu’une jeune fille venant d’être réglée (30kg).</p>
<p>En comparant l’exposition estimée aux différentes substances présentes dans les protections intimes avec les seuils toxicologiques pouvant entraîner des effets sur la santé, l’Agence n’a pas mis en évidence de risque chimique pour la santé des femmes exposées.</p>
<p>Néanmoins, l’Anses a recommandé aux fabricants d’améliorer la qualité des matières premières et de réviser certains procédés de fabrication, afin d’éliminer ou de réduire au maximum la présence des substances évoquées précédemment. Sont concernées en particulier, celles présentant des effets cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), les perturbateurs endocriniens et les sensibilisants cutanés.</p>
<p>L’Anses recommande également l’élaboration d’un cadre réglementaire plus restrictif au niveau européen, afin de limiter la présence des substances chimiques dans les protections féminines. En effet, il n’existe pas de cadre réglementaire spécifique dans l’UE. Ces produits sont des produits de consommation et dépendent donc de la directive générale de sécurité des produits, qui s’assure de la mise sur le marché de produits sûrs pour une utilisation prévue et raisonnable pour le consommateur. A contrario, aux États-Unis, au Canada ou au Japon, les protections féminines sont des dispositifs médicaux.</p>
<p>L’association 60 millions de consommateurs a testé 24 protections périodiques (tampons, serviettes hygiéniques, protège-slips), 7 ans après son premier comparatif. <a href="https://www.60millions-mag.com/2023/09/28/protections-hygieniques-toujours-des-substances-toxiques-22072">Des substances chimiques toxiques demeurent présentes</a> (glyphosate et son métabolite, dioxines, composés organiques halogénés), bien qu’à des concentrations ne présentant a priori pas de risque majeur pour la santé, en l’état actuel des connaissances.</p>
<h2>Le comportement des femmes par rapport aux protections intimes</h2>
<p>À la demande de l’Anses, une <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/produits-dhygiene-feminine-serviettes-tampons-et-coupes-menstruelles">enquête a été effectuée en 2017</a> auprès d’un échantillon de femmes représentatif de la population féminine française. Celle-ci avait pour objectifs de recueillir des informations concernant leurs pratiques en matière de protection intime, les principaux facteurs qui déterminent leur choix et les perceptions des éventuels risques associés à leur utilisation.</p>
<p>Concernant le type de protections portées, serviettes et protège-slips (les culottes menstruelles étaient encore peu présentes sur le marché français) étaient utilisés en association avec une autre protection par 91 % des femmes, en particulier les 13-24 ans. Les femmes de plus de 25 ans déclaraient utiliser de manière prédominante des tampons. Seuls 21 % des femmes (33 % des 13 à 24 ans) utilisaient exclusivement des serviettes hygiéniques.</p>
<p>Au cours des 12 derniers mois précédant la date de l’enquête, 13 % des répondantes déclaraient avoir changé de type de protection, principalement pour utiliser des coupes menstruelles.</p>
<p>Cette enquête a également mis en évidence une insuffisance des mesures d’hygiène, en particulier le lavage des mains, que ce soit avant ou après le changement de protection, et la durée de port. Les recommandations figurant dans les notices d’utilisation des protections internes préconisent une durée de port maximale entre 4 à 8 h. Elles semblent peu ou mal suivies par la majorité des utilisatrices de tampons, puisque 79 % d’entre elles déclaraient le garder toute la nuit. Près de 30 % des femmes ne changeaient pas de coupe menstruelle durant une journée entière (contre 2 % pour les tampons).</p>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2468784721001987">résultats de cette enquête ont été confirmés dans une étude française de 2022</a>. Les durées de port en journée rapportées pour les tampons étaient supérieures à 5 heures pour 10,7 % des répondantes et à 8 heures pour 1,7 % d’entre elles, et pour les coupes menstruelles supérieures à 5 heures pour 39,7 % des répondantes et à 8 heures pour 8,3 %.</p>
<p>Concernant la perception des risques liés à l’utilisation des protections intimes, 81 % des répondantes estimaient qu’au moins un type de protection comporte un risque (principalement les tampons), mais peu les connaissaient précisément. Les risques d’infection et de « problèmes vaginaux » (irritation, ulcération, sécheresse, prurit, etc.) étaient identifiés pour toutes les protections alors que le syndrome de choc toxique menstruel (SCT) était cité uniquement pour les tampons et, dans une moindre mesure, les coupes menstruelles. D’une manière générale, les coupes menstruelles étaient perçues comme les protections les moins risquées.</p>
<p>Il est à noter que pour les irritations, ulcérations, sécheresses, etc., il n’existe pas d’études épidémiologiques. Ces manifestations sont rapportées par les utilisatrices, les gynécologues et par les fabricants à travers leur système de surveillance des produits commercialisés.</p>
<h2>Qu’est-ce que le syndrome de choc toxique menstruel ?</h2>
<p>Le SCT menstruel représente le principal risque lié au port de tampons et aux coupes menstruelles. Il s’agit d’une maladie rare causée par une toxine produite par une bactérie, le staphylocoque doré (la toxine du choc toxique staphylococcique, TSST-1). Une vingtaine de cas sont recensés par an en France (11 cas en 2020). En l’absence de déclaration obligatoire de cette pathologie, il n’est pas possible de connaître le nombre de cas réel en France. Le <a href="https://cnr-staphylocoques.univ-lyon1.fr/icap_website/view/2332">CNR des staphylocoques</a> estime à environ cent cas par an en France de SCT menstruel.</p>
<p>Les premiers symptômes, non spécifiques de cette pathologie (de type grippal), apparaissent dans un délai de 3 à 5 jours après exposition. La toxine se diffuse dans le corps via la circulation sanguine et des atteintes de différents organes (foie, rein, systèmes nerveux et sanguin) commencent à être observées. Elles peuvent aboutir, dans de rares cas, à de graves complications pouvant aller jusqu’à l’amputation voire au décès.</p>
<p>Ce syndrome est lié aux conditions d’utilisation des protections intimes internes : une utilisation prolongée augmente le risque. Les protections d’une capacité d’absorption plus forte que nécessaire majorent mécaniquement ce risque, en augmentant de manière excessive la durée de port. En effet, coupes et tampons empêchent les menstruations d’être éliminées du vagin, où elles vont constituer un nutriment adéquat pour ce [staphylocoque présent chez environ 1 % à 4 % des femmes]. De quoi favoriser leur multiplication puis la production de toxine.</p>
<p>Afin de limiter les risques, l’Anses souligne ces conseils simples à destination des utilisatrices :</p>
<ul>
<li><p>Respecter les recommandations d’utilisation propres à chaque protection, non seulement en ce qui concerne le temps de port des tampons et des coupes, mais également au pouvoir absorbant du tampon – qui doit être adapté au flux menstruel, afin qu’il soit changé régulièrement. Cette recommandation s’applique également aux coupes menstruelles.</p></li>
<li><p>N’utiliser un tampon uniquement que pendant les règles.</p></li>
<li><p>Respecter les règles d’hygiène liées à l’utilisation des protections intimes, notamment le lavage des mains avant et après leur changement.</p></li>
</ul>
<p>L’Anses recommande également de renforcer l’information des professionnels de santé et des femmes sur cette maladie et ses symptômes.</p>
<h2>Et au niveau réglementaire ?</h2>
<p>L’Anses a préconisé que tous les fabricants affichent des indications claires relatives à ce risque <a href="https://www.anses.fr/fr/content/%C3%A9valuation-de-la-s%C3%A9curit%C3%A9-des-produits-de-protections-intimes">sur les emballages et les notices d’utilisation des produits de protections intimes internes</a>.</p>
<p>Cette recommandation a amené les pouvoirs publics français à publier un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048737538">décret qui vise à renforcer la protection et l’information des consommatrices</a>. Ce décret rend obligatoire, à partir du 1<sup>er</sup> avril 2024, l’affichage sur l’emballage et/ou dans la notice, de la composition de ces produits, des modalités et précautions d’utilisation et des risques sanitaires associés à la composition ou l’utilisation de ces produits.</p>
<p>Pour les protections intimes internes, des informations sur le risque de développer un syndrome de choc toxique menstruel doivent également présentes sur l’emballage, ainsi que des recommandations d’usage pour diminuer ce risque, telles que : ne pas dépasser une durée de port de 6 heures, ne pas utiliser ces protections la nuit, consulter immédiatement un médecin en cas d’apparition de symptômes du SCT menstruel en l’informant des menstruations en cours, et retirer la protection.</p>
<p>Ces recommandations sont d’autant plus d’actualité que, dans son comparatif de fin 2023, l’association 60 millions de consommateurs relevait que la composition précise des protections périodiques figure rarement sur les emballages, <a href="https://www.60millions-mag.com/2023/09/28/protections-hygieniques-toujours-des-substances-toxiques-22072">voire est absente</a>.</p>
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<p><em>Céline Dubois a participé à la rédaction de cet article. Cheffe de projets scientifiques pour l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail de 2007 à 2023, elle est aujourd’hui ingénieure chimiste et responsable réglementation produits pour Arkema.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Mathieu-Huart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La composition des protections féminines et les risques liés à leur usage sont une question de santé publique, comme en témoigne le récent décret encadrant leur étiquetage. Que faut-il savoir ?
Aurélie Mathieu-Huart, adjointe à la cheffe d'unité Evaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)
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2023-11-19T16:34:56Z
2023-11-19T16:34:56Z
« L’envers des mots » : Exposome
<p>L’impact de l’environnement sur la santé humaine est un enjeu de mobilisation majeur pour la science et les pouvoirs publics. Au niveau international, un domaine majeur des recherches se centre sur la notion d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29960033/">exposome</a>, qui désigne l’ensemble des expositions environnementales auxquelles une personne est sujette tout au long de sa vie. Ce concept est inspiré du terme « génome » (combinaison des mots <em>gène</em> et <em>chromosome</em>) qui désigne l’ensemble de l’information génétique d’un organisme contenu dans ses chromosomes.</p>
<p>Proposée en 2005 par l’épidémiologiste Christopher P. Wild, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22296988/">cette notion d’exposome</a> est intégrée depuis 2012 aux États-Unis dans tous les plans stratégiques du <a href="https://www.niehs.nih.gov/about/strategicplan/">National Institute of Environmental Health Sciences</a>. En France, l’exposome figure comme « élément structurant des politiques de santé » dans les objectifs des <a href="https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan-sante-environnement_synthese.pdf">Plans nationaux santé environnement</a> (PNSE) qui sont élaborés tous les cinq ans depuis 2016.</p>
<p>L’appréhender nécessite de prendre en compte de très nombreux paramètres tels que les nuisances chimiques (pesticides, perturbateurs endocriniens, particules fines…) et des facteurs comme les polluants alimentaires, des objets quotidiens (jouets, cosmétiques, tickets de caisse), la consommation de médicaments, les conditions de travail, les infections microbiennes, la pollution sonore et lumineuse, les effets des radiations, etc. L’enjeu est de considérer la multiplicité des expositions, leurs interactions et leurs effets dans le temps, de la conception à l’âge adulte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-et-environnement-mieux-prendre-en-compte-la-vulnerabilite-des-populations-feminines-157704">Santé et environnement : mieux prendre en compte la vulnérabilité des populations féminines</a>
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<p>Les recherches sur l’exposome impliquent de croiser de nombreuses disciplines qui relèvent à la fois des sciences « dures » (physique, chimie, science de la terre et de l’environnement, biologie) et des sciences humaines et sociales (anthropologie, sociologie, économie, épidémiologie, santé publique).</p>
<p>Les études de genre sont aussi concernées, sachant que les conditions de vie, sociales, culturelles et économiques, exposent différemment les femmes et les hommes <a href="https://inserm.hal.science/inserm-03022964/document">à des risques sanitaires</a>. Les hommes, majoritaires dans l’industrie et le bâtiment, ont des risques de santé liés à l’amiante, aux solvants, au port de charges, au bruit, etc. Les femmes, plus nombreuses dans les métiers de commerce, services et soins à la personne, sont exposées aux polluants des produits de nettoyage ou des cosmétiques comme le bisphénol. Les nuisances concernent aussi les facteurs liés à l’organisation et aux contraintes du travail. <a href="https://www.irset.org/">Les troubles musculosquelettiques</a> et les risques psychosociaux sont plus fréquents chez les femmes.</p>
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<p>Les conditions de vie précaires ont pour corollaire des risques sanitaires accrus par rapport à la population générale : logement insalubre, mauvaise alimentation, sédentarité, pénibilité au travail.</p>
<p>La baisse de fertilité des femmes et des hommes, la vulnérabilité des femmes enceintes et des fœtus constituent un sujet majeur pour la recherche et les politiques de prévention. Une autre préoccupation liée au genre porte sur la situation de vulnérabilité aggravée des femmes en raison des bouleversements climatiques et politiques dans les pays du Sud global : <a href="https://www.unwomen.org/fr/nouvelles/article-explicatif/2022/03/inegalites-entre-les-sexes-et-changements-climatiques-des-enjeux-etroitement-lies">sécheresse, pénurie alimentaire, migrations</a>, etc.</p>
<p>À l’évidence, étudier l’impact de l’exposome sur nos organismes est un projet éminemment ambitieux. L’objectif est d’enrichir les connaissances sur l’impact de l’environnement sur la santé et de comprendre les liens entre les sociétés et les écosystèmes dans l’émergence des pathologies, notamment chroniques et infectieuses. Il s’agit aussi de développer des politiques d’information, de prévention et de santé publique mieux ciblées pour les populations vulnérables. Un tel défi ne pourra être relevé qu’avec la mobilisation de moyens intellectuels et matériels considérables. C’est un enjeu politique majeur pour les générations futures.</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public. À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446"><em>« L’envers des mots » : Technoférence</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-ecocide-200604"><em>« L’envers des mots » : Écocide</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/214985/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Vidal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À quelles pollutions et paramètres environnementaux les hommes et les femmes sont-ils exposés tout au long d’une vie ? La notion d’exposome permet d’explorer cet enjeu crucial pour la santé.
Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, Inserm
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2023-09-17T14:45:29Z
2023-09-17T14:45:29Z
PMA : premier bilan de la CAPADD, la commission d’accès aux origines
<p>En ouvrant l’aide médicale à la procréation (AMP ; on parle aussi de procréation médicalement assistée ou PMA) aux couples de femmes et aux femmes non mariées, de même qu’en autorisant l’autoconservation des gamètes en dehors de toute indication médicale, la loi du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384/">2 août 2021 relative à la bioéthique</a> a fait entrer cette technique auparavant exclusivement médicale dans le domaine sociomédical.</p>
<p>Or, parmi les aspects sociétaux pris en compte par la loi, la question de l’accès aux origines des enfants nés de tiers donneurs constitue un point majeur de discussions, qui n’a cessé de s’amplifier au fil des années.</p>
<p>La question de l’« anonymat du don de gamètes » est en effet en réalité celle de l’accès à leurs origines des personnes conçues par une technique d’AMP « exogène », c’est-à-dire faisant intervenir un tiers via un don de spermatozoïdes, d’ovocytes ou d’embryon.</p>
<p>La loi ouvre désormais la possibilité, pour ces personnes, de <a href="https://theconversation.com/loi-de-bioethique-les-apports-dune-revision-majeure-pour-la-biomedecine-164254">demander à connaître leurs origines à leur majorité</a>. À cet effet, une commission dédiée a été créée par le texte : la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD).</p>
<p>Qu’a changé la nouvelle loi ? À quelles informations peuvent espérer accéder les personnes désireuses de connaître leurs origines ? Comment fonctionne la CAPADD, et quel est le bilan de sa première année d’activité ? Voici ce qu’il faut savoir.</p>
<h2>De l’anonymat des donneurs au droit à l’accès aux origines</h2>
<p>Le don de gamètes, voire d’embryon (on parle alors non plus de don, mais « d’accueil » d’embryon) présente comme particularité d’impliquer non seulement les tiers donneurs et les receveurs mais, également, l’enfant issu du don.</p>
<p>Or, depuis 1994, la loi appréhendait ce type de don comme un don ordinaire de produits du corps humain et, par voie de conséquences, le soumettait au même régime d’anonymat. Ce principe trouvait sa continuité, de même que sa garantie, dans l’impossibilité pour l’enfant né du don d’accéder, même une fois devenu majeur, à de quelconques informations relatives au tiers donneur, l’interdiction faisant l’objet de mesures d’ordre civil et pénal.</p>
<p>Ce principe demeure aujourd’hui encore inchangé entre donneurs et receveurs. Cependant, les débats autour de la question dite « de l’anonymat du don de gamètes » ont pris une ampleur de plus en plus importante au fil du temps, en particulier suite aux initiatives de personnes conçues par don de gamète.</p>
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<p>Certaines d’entre elles, réunies en associations, on fait connaître le besoin qu’elles ressentaient de connaître leurs origines génétiques, tout en revendiquant le droit d’accéder à cette partie de leur histoire. C’est-à-dire, si ce n’est de connaître l’identité, tout au moins de se voir délivrer des informations relatives aux tiers donneurs à l’origine de leur conception.</p>
<p>Leur parole s’est fait l’écho d’un fort courant psychanalytique et sociologique dénonçant les effets délétères du secret. Elle a en outre été renforcée par des arguments strictement médicaux : il existe en effet pour certaines des personnes conçues par AMP un risque de perte de chance de prévenir certains problèmes de santé, en raison de l’ignorance d’une partie de leurs origines génétiques.</p>
<p>Il faut aussi relever que la Cour européenne des droits de l’homme, dès 2003, a reconnu, puis réaffirmé à plusieurs reprises, que l’article 8 de la Convention européenne, qui garantit le droit à la vie privée, protège un droit à l’identité, <a href="https://hudoc.echr.coe.int/fre#%7B%22itemid%22:%5B%22002-4991%22%5D%7D">connaître l’identité de son géniteur représentant un aspect important de ce droit</a>.</p>
<h2>Accès aux données non identifiantes</h2>
<p>Ces différents éléments ont été pris en compte durant les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la dernière révision de la loi relative à la bioéthique.</p>
<p>Ceux-ci ont abouti à l’élaboration de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884384/">l’article L. 2143-2 du Code de la santé publique</a>, dans sa version issue de la loi du 2 août 2021, qui dispose que « toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur ».</p>
<p>Depuis le 1<sup>er</sup> septembre 2022, les personnes qui souhaitent procéder à un don de gamètes ou proposer leurs embryons <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043888527">doivent consentir préalablement et expressément à la communication de leurs données</a>. Le texte distingue les données identifiantes (le nom de naissance, les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance) et non identifiantes (âge, état général, caractéristiques physiques, situation familiale et professionnelle, pays de naissance, motivations du don rédigées par ses soins). En cas de refus, elles ne peuvent procéder au don.</p>
<p>À sa majorité, la personne née du don pourra avoir accès aux données identifiantes ou non identifiantes du donneur, ou les deux, selon son souhait.</p>
<h2>Quelles personnes conçues par AMP peuvent accéder à leurs origines ?</h2>
<p>Pour d’évidentes raisons liées aux conditions dans lesquelles les donneurs s’étaient engagés, la loi ne vaut que pour l’avenir. En d’autres termes, elle ne s’applique qu’aux dons réalisés à partir de sa mise en œuvre.</p>
<p>Le législateur, néanmoins, a pris acte de la situation des personnes conçues antérieurement et, par un amendement parlementaire, a ouvert ce droit d’accès aux personnes nées de dons réalisés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi. Cet accès se fait non seulement sur la base du volontariat des personnes souhaitant connaître leur donneur mais aussi, et surtout, des donneurs qui consentent à communiquer leur identité, renonçant ainsi à l’anonymat qui leur avait été garanti au moment du don.</p>
<p>Une commission dédiée a été créée par la loi pour instruire les demandes des personnes nées de dons et recueillir les consentements des anciens donneurs : la <a href="https://sante.gouv.fr/systeme-de-sante/acces-origines-AMP/">Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs</a> (CAPADD).</p>
<p>Cependant, la possibilité légale d’interroger les anciens donneurs, afin qu’ils consentent ou non à revenir sur l’anonymat qui leur a été garanti, ne va pas de soi.</p>
<p>Preuve en est, la transmission par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par un requérant qui reprochait à la loi d’avoir prévu qu’un tiers donneur, ayant effectué un don de gamètes ou d’embryons à une époque où la loi garantissait son anonymat absolu et définitif, puisse être contacté et à plusieurs reprises par la Commission afin de recueillir son consentement à la communication de ces données. Et ce, sans lui permettre de refuser préventivement d’être contacté ni garantir qu’il ne soit pas exposé à des demandes répétées.</p>
<p>Le Haut Conseil, en concluant <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231052QPC.htm">par une décision du 9 juin 2023</a> à la constitutionnalité de la disposition critiquée, a permis de sécuriser le dispositif en place et, par-là, l’activité majeure de la CAPADD.</p>
<h2>Les missions de la CAPADD</h2>
<p>Présidée par une magistrate de l’ordre judiciaire, la CAPADD réunit en son sein des représentants d’associations (tant de personnes nées de dons que de tiers donneurs ou de parents), des médecins, psychologues, sociologues, anthropologues, experts et juristes.</p>
<p>Ce caractère pluraliste lui confère une véritable richesse en termes de latitude d’idées, d’échange d’expériences et de confrontation des modes de raisonnement, ce qui permet d’affiner au mieux les réponses apportées grâce à la prise en considération des points de vue de chacun. Il permet également de prendre la mesure du bouleversement qu’a constitué cette réforme, tant pour les personnes nées de dons que pour les anciens donneurs.</p>
<p>La CAPADD réunit seize membres titulaires et autant de suppléants, désignés par arrêté du 5 septembre 2022 et installés le 7 septembre suivant.</p>
<p>Elle a trois missions principales :</p>
<ul>
<li><p>La première est de recevoir le consentement des tiers donneurs qui ont procédé à un don antérieurement au 1<sup>er</sup> septembre 2022 et qui souhaitent communiquer des informations les concernant aux personnes nées de leur don qui en feraient éventuellement la demande. Une fois leur consentement réceptionné par la CAPADD, les données sont enregistrées par les centres de dons dans le registre dédié à cet effet mis en place sous la responsabilité et le contrôle de l’agence de Biomédecine.</p></li>
<li><p>La deuxième mission de la commission est de recevoir et instruire les demandes des personnes nées de dons. Les personnes qui la saisissent ont le choix d’une demande portant soit sur l’identité du donneur, soit sur ses données non identifiantes ou soit sur l’ensemble de ces données. Certaines personnes ne souhaitent pas connaître l’identité du donneur, mais uniquement avoir des éléments sur ses caractéristiques physiques, personnelles et connaître la motivation du don.</p></li>
<li><p>La troisième mission de la commission est d’assister les centres de dons lorsqu’ils ont un doute sur le caractère identifiant ou non de certaines données transmises.</p></li>
</ul>
<p>La commission s’adresse aux anciens tiers donneurs ou aux personnes nées de don par courrier postal.</p>
<p>L’accompagnement des personnes impliquées dans ce processus étant un point majeur de la mission de Commission, le secrétariat général de la commission est joignable tous les jours ouvrables, offrant écoute, explications et informations à la suite d’un courrier.</p>
<p>Une psychologue accompagne la Commission, tant pour aider à caractériser le besoin d’information et d’accompagnement, élaborer des supports de formation à destination des différents publics, que pour prendre en charge certaines situations individuelles.</p>
<h2>Quel bilan au bout d’un an ?</h2>
<p>Au terme de sa première année d’exercice, la CAPADD a rendu public vendredi 15 septembre 2023 le rapport de sa première année d’exercice.</p>
<p>Ce rapport dresse un bilan chiffré de l’activité et expose les modalités précises de fonctionnement de la Commission, en faisant état des difficultés rencontrées dans sa mission et des pistes d’amélioration.</p>
<p>Les rapporteurs ont dressé un bilan positif de ces premiers mois d’exercice. Durant cette période, la Commission a reçu 434 demandes de personnes nées de dons. Elle a travaillé avec 26 centres de don des structures hospitalières qui, seuls, disposent des archives comportant l’identité des donneurs.</p>
<p>La mise en place de la CAPADD a nécessité d’établir une procédure de recherche et de mise en contact. Des efforts ont été réalisés dans ce sens, y compris de la part des centres de don, qui se sont par ailleurs trouvés confrontés aux nombreuses autres évolutions de la loi.</p>
<p>Grâce aux recherches menées par les médecins de ces centres, à la demande de la commission, 101 donneurs ont pu être identifiés (23 donneurs sont décédés). Parmi les donneurs contactés et ayant répondu à ce jour, un sur deux a donné son consentement à la communication de ses données.</p>
<p>La Commission a par ailleurs a reçu 435 consentements spontanés d’anciens tiers donneurs à la communication des données et informations les concernant.</p>
<p>Elle poursuit ses efforts en lien étroit avec les médecins des centres de don pour identifier les donneurs pour lesquels les recherches n’ont pas encore abouti. Un de ses principaux objectifs pour l’année à venir sera de parvenir à réduire les délais de réponse aux demandes qui lui sont adressées.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit par Stéphanie Kretowicz, magistrate, présidente de la commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs depuis le 1<sup>er</sup> septembre 2022.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les personnes nées grâce à un don de gamètes ou d’embryon peuvent désormais connaître l’identité des donneurs. Un an après la création de la commission chargée de les accompagner, voici un premier bilan.
Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris Nord
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2022-10-26T18:32:24Z
2022-10-26T18:32:24Z
Oui, messieurs, la fertilité masculine décline aussi avec l’âge
<p>Lorsqu’il s’agit de fonder une famille, la petite musique des limites imposées par l’« horloge biologique » sonne régulièrement aux oreilles des femmes. Les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1467-9566.13116">hommes ne sont pas soumis à la même pression</a> en ce qui concerne de la question de leur paternité si elle s’annonce tardive.</p>
<p>Cela peut en partie s’expliquer par le fait que beaucoup pensent que les hommes ont tout leur temps lorsqu’il s’agit d’avoir des enfants. Des exemples exceptionnels, comme celui du chanteur Mick Jagger qui a eu en 2016 un fils à l’âge de 73 ans, peuvent d’ailleurs venir renforcer cette idée reçue… Mais en réalité, il y a beaucoup de choses à rappeler en ce qui concerne leur fertilité masculine et sa longévité. <a href="https://theconversation.com/quel-est-le-bon-age-pour-avoir-des-enfants-107484">75 % des jeunes, filles et garçons, sous-estiment l’impact de l’âge sur leur fertilité</a>.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, nous avons assisté à une évolution progressive de l’âge auquel un couple à son premier enfant : dans les pays occidentaux, se dessine ainsi une augmentation du nombre de personnes qui deviennent parents plus tardivement dans leur vie. En Angleterre et au Pays de Galles, hommes et femmes n’ont jamais eu leurs enfants aussi tard <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2020">si l’on se fie aux archives</a>.</p>
<p>Si l’on considère les seuls hommes, ils ont aujourd’hui des enfants en moyenne à <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2020">près de 34 ans</a>, contre environ <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/livebirths/bulletins/birthcharacteristicsinenglandandwales/2017">29 ans au milieu des années 1970</a>. (<em>En France, l’<a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/memos-demo/focus/hommes-ont-enfants-plus-tard/">âge moyen de la première paternité est de 33,1 ans</a> contre 30,2 ans pour les femmes et la maternité. Cet écart se maintient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ndlr.</em>)</p>
<p>Il y a des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21652599/">multiples raisons qui peuvent inciter à repousser ainsi un projet parental</a>. Actuellement, il y a le fait que les jeunes ont plus de difficultés à acheter une maison et se trouvent dans un climat économique et social incertain… Ce qui ne permet pas de se projeter dans l’avenir. Les changements dans la façon dont les gens sortent et forment des relations doit également être pris en compte. Se lancer dans des études longues et prendre plus de temps pour faire un choix de carrière sont d’<a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(13)00501-4/fulltext">autres facteurs à considérer</a>. Enfin, beaucoup préfèrent attendre le « moment le plus propice » pour avoir des enfants, soit celui où ils pourront leur <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-90-481-8969-4_11">donner les « meilleures chances de départ » dans la vie</a>.</p>
<p>Mais ces choix de vie ne sont pas sans conséquences biologiques, ne serait-ce que sur la possibilité d’avoir un enfant « tard ».</p>
<h2>La fertilité masculine en question</h2>
<p>Si certaines personnes peuvent toujours avoir des enfants à 30, 40 ans et plus, d’autres peuvent en effet avoir des difficultés.</p>
<p>On pense souvent, à tort, que seules les femmes connaissent une baisse de fertilité à mesure que les années passent… Certes la fertilité féminine <a href="https://www.britishfertilitysociety.org.uk/fei/at-what-age-does-fertility-begin-to-decrease/">diminue plus rapidement</a> avec l’âge que celle d’un homme, mais de plus en plus de données suggèrent que l’âge affecte également la fertilité masculine – qui connaît un pic entre 30 et 35 ans, avant de décroître <a href="https://www.bmj.com/content/360/bmj.k1081">à partir de 40-45 ans environ</a> de façon significative.</p>
<p>Au-delà de 40 ans, un homme serait ainsi moitié <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28981654/">moins fertile qu’à 25 ans… sans que l’on sache vraiment pourquoi</a>. Ce sujet reste très débattu, au point qu’il n’existe pas de définition claire de ce que serait une paternité « tardive » chez l’homme.</p>
<p>Pourtant, il est désormais démontré que l’âge du père (au-delà notamment de 45 ans) :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">affecte négativement la qualité du sperme (en altérant ses données génétiques et épigénétiques, et donc le patrimoine génétique du futur enfant)</a>,</p></li>
<li><p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378512219301343">réduit sa fertilité</a> et le nombre de spermatozoïdes produits. Ces derniers sont également moins mobiles et moins performants pour féconder un ovocyte, ce qui implique souvent de recourir à leur injection médicalement assistée,</p></li>
<li><p>augmente le risque de <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">fausse couche et de complications médicales pour la mère (retard de croissance intra-utérine, naissances prématurées…)</a>,</p></li>
<li><p>entraîne une plus grande probabilité de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11934-018-0802-3">problèmes de santé futurs</a> chez les enfants à naître – en particulier les <a href="https://link.springer.com/article/10.1186/s12958-015-0028-x">troubles du spectre autistique (risque augmenté de 80 %), la schizophrénie (de près de 50 %), les troubles bipolaires et la leucémie infantile</a>. Le risque de faible poids à la naissance ou d’hospitalisation néonatale est également accru.</p></li>
</ul>
<p>Mais ces éléments sont rarement mis en avant, et les hommes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S001502821202345X">ne sont ainsi souvent pas conscients que chez eux aussi la fertilité peut diminuer avec l’âge</a>. Même si les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4854095/">risques restent faibles</a>, il est toujours préférable d’en être conscient lorsque l’on prévoit d’attendre pour avoir des enfants.</p>
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<h2>Améliorer vos chances</h2>
<p>Y a-t-il des moyens qui aideraient à mettre vos chances de votre côté lorsque vous voudrez avoir des enfants ? Il y a deux facteurs à prendre en compte.</p>
<p>Le premier est votre <strong>mode de vie</strong>. Les recherches montrent que de nombreux éléments liés au mode de vie peuvent affecter la fertilité masculine. En particulier, les recherches suggèrent que le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14647273.2017.1382733">tabagisme</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29713532/">consommation excessive d’alcool</a> influent négativement sur la qualité du sperme et la fertilité. Les <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/33/9/1749/5066758?login=true">sous-vêtements trop serrés</a>, les <a href="https://www.nice.org.uk/guidance/cg156/evidence/full-guideline-pdf-188539453">drogues et les stéroïdes</a> sans à éviter pendant l’adolescence et la vingtaine. À l’inverse, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7848840/">régime alimentaire et un IMC sains</a> ont un effet positif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un groupe de jeunes hommes boit une bière au pub" src="https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477666/original/file-20220804-1334-shfeux.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Certaines pratiques, comme une mauvaise alimentation ou le fait de boire excessivement, peuvent affecter la fertilité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/people-leisure-friendship-bachelor-party-concept-389227426">Ground Picture/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais avoir un mode de vie sain n’est qu’une partie de l’équation. <strong>Le second élément clé est l’âge</strong>.</p>
<p>Idéalement, il est préférable d’essayer d’avoir des enfants avant que le sujet de l’âge ne devienne un paramètre à prendre en compte pour la fertilité – c’est-à-dire avant que l’âge n’affecte les chances de concevoir, ou le bien-être des futurs enfants. C’est pourquoi il peut être pertinent que les garçons commencent à <a href="https://theconversation.com/forget-freezing-sperm-its-time-for-men-to-take-responsibility-for-the-foreplay-of-fatherhood-43753">réfléchir plus tôt qu’aujourd’hui</a> à la question de savoir s’ils veulent des enfants.</p>
<p>De nouvelles technologies continuent d’être développées et peuvent aider les gens à augmenter leurs chances de devenir parents à un âge moyen ou avancé. En particulier, la <a href="https://theconversation.com/congeler-ses-ovocytes-nest-pas-une-assurance-maternite-80155">congélation des ovules est un phénomène en pleine expansion</a> et certains suggèrent que la <a href="https://jme.bmj.com/content/41/9/775.short?g=w_jme_ahead_tab">congélation du sperme chez les jeunes adultes</a> pourrait aider les hommes à avoir des enfants plus tard dans leur vie. Mais attention, ces technologies ne sont pas parfaites et ne garantissent pas le succès d’un projet parental reporté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Law ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le fait est connu pour les femmes : la fertilité baisse avec les années. Il l’est moins pour les hommes. Pourtant l’impact de l’âge, s’il se manifeste différemment, est tout aussi réel… Petit rappel.
Caroline Law, Senior Research Fellow, De Montfort University
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tag:theconversation.com,2011:article/187651
2022-08-11T17:38:54Z
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Des microbes dans le sperme ? La fertilité masculine dépend aussi de ce microbiote méconnu…
<p>Depuis plusieurs années, les constats sur l’évolution de la qualité du sperme inquiètent d’autant qu’elle semble aller de pair avec un taux de fécondité en baisse. Une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/10/plastiques-dioxines-et-paracetamol-pesent-lourd-dans-le-declin-de-la-fertilite-masculine_6129703_3244.html">baisse devenue une préoccupation mondiale</a>…</p>
<p>Une des questions les plus cruciales est de savoir si ce déclin s’explique uniquement par des facteurs économiques et comportementaux, ou si des facteurs biologiques peuvent également être impliqués.</p>
<p>Les causes sont complexes.</p>
<p>La diminution de la qualité du sperme fait partie d’une tendance plus large à la détérioration de la santé reproductive masculine, qui commence à dégénérer en une crise générale de fertilité. S’il est déjà établi que des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412022002495?via%3Dihub#b0325">facteurs environnementaux influencent négativement la qualité du sperme</a>, pour bien comprendre la situation, la compréhension de la biologie des spermatozoïdes reste un enjeu crucial : avec l’impact de l’environnement cellulaire, elles réservent encore des inconnues.</p>
<p>Considérés dans un premier temps comme des parasites contenus dans la semence, mi-vers mi-anguilles, les <a href="https://theconversation.com/petite-histoire-du-spermatozo-de-la-belle-au-bois-dormant-et-les-missiles-123305">spermatozoïdes ont été isolés puis reconnus comme des acteurs cellulaires de la reproduction chez le mâle au XVIIᵉ s</a>. Mais ils ne sont pas les seuls… Depuis quelques années, les milieux scientifiques constatent que d’autres cellules, non humaines cette fois, joueraient à leurs côtés un rôle dans la fertilité humaine.</p>
<h2>Les microbiotes en nous</h2>
<p>D’innombrables micro-organismes (bactéries, levures, champignons et virus) vivent dans tous les organismes pluricellulaires. Ils y constituent de véritables écosystèmes que l’on appelle un microbiote, et dont les fonctions physiologiques sont un sujet d’étude depuis une vingtaine d’années.</p>
<p>Ces micro-organismes vivent en colonies au sein de nombreux tissus : <a href="https://theconversation.com/ces-pouvoirs-que-nous-pretons-au-microbiote-intestinal-80213;https://theconversation.com/microbiote-intestinal-et-sante-une-alliance-que-chacun-peut-optimiser-168965">appareils digestifs et respiratoires (qui sont particulièrement étudiés et bien connus du grand public)</a> mais aussi nez, peau, etc. Pesant de 2 à 3 kilogrammes chez un adulte, ces communautés microbiennes intriguent. Et elles intéressent d’autant plus qu’elles confèrent à chacun des caractères uniques et sont susceptibles de varier au cours de la vie d’un individu. Elles seraient donc associées, pour certaines, à une bonne santé et une longévité accrue.</p>
<p>Lancé en 2008, le Human Microbiome Project (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_microbiote_humain">Projet Microbiote humain</a>) vise à caractériser la diversité de ces ensembles de micro-organismes et à explorer le lien entre la présence ou la variation de ces communautés et le développement de maladies. Près de 40000 articles ont été écrits entre 2009 et 2021 sur le microbiote intestinal, qui constitue la plus grande masse du microbiote d’un individu adulte.</p>
<p>La découverte de l’importance physiologique de ces microbiotes a bouleversé notre rapport à la santé et ouvert des perspectives thérapeutiques nouvelles. La communauté scientifique a donc commencé à explorer les microbiotes d’autres tissus, moins étudiés en première intention.</p>
<h2>Le microbiote spermatique, cet inconnu</h2>
<p>Le sperme et l’environnement testiculaire ne sont pas stériles, dans les deux sens du terme : ils contiennent, naturellement, de nombreux micro-organismes. Moins riche mais plus diversifié que le microbiote vaginal, il s’enrichit ou s’altère au cours de la vie d’un individu. Ces <a href="https://www.larevuedesmicrobiotes.fr/numeros/numero-22-impact-microbiotes-genitaux-fertilite">deux microbiotes revêtent un intérêt particulier dans les études de fertilité humaine</a>.</p>
<p>L’analyse comparée de plus d’une cinquantaine d’études a en effet mis en lumière la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/andr.12886">complexité et les modifications du microbiote spermatique</a>.</p>
<p>Initialement estimés par des techniques de mise en culture, les microbiotes sont maintenant analysés grâce aux techniques de biologie moléculaire pour accéder aux génomes bactériens. Les techniques de séquençage à haut débit des génomes ainsi que les progrès en bio-informatique contribuent à la caractérisation et l’analyse de ces écosystèmes de micro-organismes et de leurs relations avec l’état de santé de leurs hôtes respectifs.</p>
<p>Ces deux méthodes d’analyse ont pu mettre en évidence l’existence de types de bactéries différents dans le sperme chez les sujets fertiles et non fertiles.</p>
<p>Les méthodes de culture observent fréquemment la présence de Staphylocoques, d’Entérocoques, d’<em>Escherichia</em> et d’<em>Ureaplasma</em>. Les méthodes de séquençage rapportent, quant à elles, une abondance de Lactobacilles, <em>Prevotella</em>, <em>Pseudomonas</em> ainsi que d’autres pathogènes opportunistes anaérobies (micro-organismes vivants dans un milieu sans dioxygène).</p>
<p>Ces résultats illustrent sans doute les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/andr.12886">limites de ces méthodes de détection</a>, mais ne laissent pas planer de doute sur le fait que les spermatozoïdes ne sont pas seuls dans les éjaculats…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux spermatozoïdes sont côte à côte" src="https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/476469/original/file-20220728-26986-ejyizd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les spermatozoïdes ne sont pas seuls dans le sperme… Et la qualité de ce dernier dépend en partie des microorganismes présents.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vasin-ks</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quelle origine et quels impacts pour le microbiote spermatique ?</h2>
<p>Deux origines sont admises. L’une implique les voies génitales hautes (incluant la prostate), l’autre des tissus étrangers au système urogénital (l’appareil digestif, la cavité buccale, le sang ou le vagin), le partage de microbiotes entre les deux pouvant se réaliser à la faveur de relations sexuelles.</p>
<p><a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0110152">Plusieurs études rapportent une corrélation</a> <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0923250815000613?via%3Dihub">entre la présence de microbes particuliers et la qualité du sperme</a>. Ils seraient par exemple capables d’adhérer aux spermatozoïdes et, partant, d’en modifier des fonctions – telle la mobilité, jusqu’à les immobiliser.</p>
<p>Les effets rapportés sont très variables… La présence de lactobacilles serait ainsi favorable aux fonctions des spermatozoïdes, alors que les présences de protéobactéries, d’<em>Anaerococcus</em> et de <em>Bacteroides ureolyticus</em> seraient davantage associées à des spermes de moins bonne qualité. Comment expliquer ces différents impacts sur les fonctions spermatiques ?</p>
<p>Première possibilité, les micro-organismes pourraient avoir une action positive sur les fonctions du testicule même… Mais, seconde hypothèse, ils pourraient agir comme des antioxydants : ils diminueraient la concentration des dérivés réactifs de l’oxygène (ou espèces réactives de l’oxygène, dont l’excès peut endommager les structures cellulaires) et diminueraient de ce fait la fragmentation et l’altération de l’ADN.</p>
<p>L’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1751731112002054">apport de micro-organismes vivants, sous forme de probiotiques, montre des effets bénéfiques sur la motilité des spermatozoïdes</a> chez le lapin. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28343402/">Chez l’homme, la supplémentation du régime en <em>Lactobacillum</em> et <em>Bifidobacterium</em> augmente la motilité et diminue la fragmentation de l’ADN</a> chez les individus atteints d’asthénozoospermie (diminution ou absence de la mobilité des spermatozoïdes, pour plus de 50 % d’entre eux une heure après l’éjaculation).</p>
<p>Des études plus récentes d’administration de probiotiques ont également montré des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32985280/">améliorations de la concentration et la mobilité des spermatozoïdes</a> ainsi que des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8023005/">diminutions de la mort cellulaire ou de marqueurs d’inflammation</a>. Pour autant, ces observations n’ont pas été réalisées sur des populations suffisamment grandes pour que des conclusions nettes puissent être posées…</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Gros plan sur Lactobacillus acidophilus (bactérie en forme de bâtonnet)" src="https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475892/original/file-20220725-21-ic95uw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La bactérie de <em>Lactobacillus acidophilus</em> (ici en microscopie à balayage) peut être bénéfique dans les voies génitales masculines. Elle a par contre un effet négatif au niveau du vagin, sans doute du fait d’une concentration très importante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mogana Das Murtey and Patchamuthu Ramasamy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>[Prlus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<h2>Les spermatozoïdes face au microbiote vaginal</h2>
<p>Une fois qu’ils ont pénétré les voies génitales féminines, les spermatozoïdes doivent aussi se confronter à l’existence du microbiote local…</p>
<p>Peu d’études ont été réalisées sur les effets de cet autre microbiote sur le sperme, mais plusieurs résultats indiquent tout de même que les bactéries vaginales peuvent avoir des effets délétères sur la survie des spermatozoïdes. Ainsi, si les lactobacilles auraient plutôt un effet protecteur dans les voies génitales masculines, leur présence massive au niveau du vagin altère la qualité du sperme et des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6909777/">phénomènes d’adhérence et d’agglutination des spermatozoïdes sont observés</a>.</p>
<p>D’autres mécanismes cellulaires peuvent être déclenchés tels que la diminution de la mobilité cellulaire ou la destruction des spermatozoïdes par apoptose. Cette mort cellulaire programmée pourrait être provoquée soit par interaction entre des molécules bactériennes et la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3174031/">surface de l’acrosome du spermatozoïde (au niveau de sa tête, soit par l’altération de sa membrane</a>.</p>
<p>Il a été suggéré que le microbiote vaginal puisse agir en discriminant les spermes de moindre qualité, puisque ces derniers seraient plus sensibles aux bactéries hébergées par les voies génitales féminines.</p>
<h2>Des pistes d’avenir</h2>
<p>Connaître le microbiote séminal et ses modifications permettrait de mieux comprendre l’impact de cet environnement sur la qualité des spermatozoïdes : est-ce que ces bactéries peuvent avoir un réel effet bénéfique sur la qualité du sperme ? Selon leur nature, ces microbiotes peuvent-ils favoriser ou nuire à la fécondité masculine ?</p>
<p>Le microbiote spermatique tend de plus en plus à être reconnu comme une cause potentielle d’infertilité, mais trop peu d’études se sont focalisées sur ces aspects – qui restent par conséquent controversés.</p>
<p>Il est donc nécessaire de rester prudent et que soit tranchée l’hypothèse offerte par ces études : si la présence de microbiote est parfois corrélée à des états pathologiques, le rapport de cause à effet n’est pas clairement établi. L’exploration des mécanismes biologiques de ce compagnonnage spermatozoïdes-microbes ne fait donc que débuter… Elle offre déjà, malgré tout, de nouvelles pistes diagnostiques ou thérapeutiques aux couples non fertiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187651/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Bodart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le sperme contient-il autre chose que des spermatozoïdes ? Un microbiote méconnu s’y cache… S’agit-il de passagers clandestins inoffensifs, de précieux alliés ou de marqueurs de la qualité du sperme ?
Jean-François Bodart, Professeur des Universités, en Biologie Cellulaire et Biologie du Développement, Université de Lille
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/170438
2022-04-24T20:28:02Z
2022-04-24T20:28:02Z
PMA : l’extension légale de l’assistance médicale à la procréation se heurte à la réalité
<p>En 2019, plus de 27 000 enfants sont venus au monde en France grâce à des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP, parfois qualifiée de « procréation médicalement assistée » ou PMA), ce qui représente <a href="https://theconversation.com/40-ans-apres-la-naissance-du-premier-bebe-eprouvette-francais-plus-de-400-000-enfants-concus-par-fiv-177573">3,7 % des naissances globales</a>. Contrairement aux idées reçues, dans l’immense majorité des cas (<a href="https://theconversation.com/40-ans-apres-la-naissance-du-premier-bebe-eprouvette-francais-plus-de-400-000-enfants-concus-par-fiv-177573">95 % environ</a>), les enfants conçus par ces techniques le sont avec les gamètes des deux parents.</p>
<p>Bien que le recours à un tiers donneur soit très minoritaire, le don de gamètes ou d’embryon pose des questions d’ordre psychologique, juridique et pratique. Il n’est donc pas surprenant que, dans le cadre de la révision de la loi relative à la bioéthique, la question de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ait particulièrement retenu l’attention.</p>
<p>Entre divergences d’opinions, analyses critiques et revendications, le sujet a largement occupé les débats, jusqu’à l’adoption du texte, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043884445">2 août 2021</a>.</p>
<p>Cette loi a introduit plusieurs évolutions majeures, ouvrant notamment l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées.</p>
<p>Mais après quelques mois de mise en application des nouveaux textes, les professionnels doivent faire face à un certain nombre de problèmes. Entre afflux de dossiers et délais de traitement, dans la réalité des services d’AMP, ces dispositions nouvelles sont difficiles à concrétiser.</p>
<h2>Révision de la loi de bioéthique : des évolutions attendues</h2>
<p>Supprimant la condition d’infertilité médicalement diagnostiquée qui conditionnait jusqu’ici l’accès des couples aux techniques d’AMP, le nouveau texte de loi introduit également deux évolutions, parmi d’autres mesures phares : il ouvre l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées (c’est-à-dire célibataires, pacsées ou en concubinage), et crée d’un droit d’accès aux origines au bénéfice des personnes conçues par AMP exogène (qui font appel à des dons de gamètes).</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/loi-de-bioethique-les-apports-dune-revision-majeure-pour-la-biomedecine-164254">Loi de bioéthique : les apports d’une révision majeure pour la biomédecine</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces personnes sont désormais en droit, lorsqu’elles atteignent l’âge de la majorité, d’accéder à des données non identifiantes sur le tiers donneur (voire les tiers donneurs en cas d’accueil d’embryon) ou à son identité. En cas de refus d’accepter cette transmission future des informations, le don ne peut avoir lieu.</p>
<p>Du point de vue des médecins et biologistes de la reproduction, ces deux dispositions constituent une avancée réelle, attendue depuis de longues années. Le droit antérieur les réduisait en effet au rôle d’accompagnants pour des femmes en couple ou célibataires qui allaient se faire traiter à l’étranger. Mais l’augmentation des demandes qui en a résulté a notamment eu pour conséquence d’allonger les délais.</p>
<h2>Des demandes en hausse</h2>
<p>Depuis la promulgation de la loi, les services d’AMP enregistrent un nombre de demandes sensiblement augmenté par l’arrivée dans le circuit des couples de femmes ou des femmes non mariées : cette année, 3 500 dossiers supplémentaires ont été déposés, <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/loi-de-bioethique/pma-pour-toutes-pourquoi-les-femmes-concernees-risquent-de-devoir-s-armer-de-patience-malgre-le-decret_4788699.html">selon l’entourage du ministre de la Santé Olivier Véran</a>, cité par l’Agence France Presse en septembre, alors que les autorités s’attendaient plutôt à un millier de demandes supplémentaires (en 2019, <a href="https://rams.agence-biomedecine.fr/sites/default/files/pdf/2021-08/ABM_PEGH_AMP2019_0.pdf">selon l’Agence de la Biomédecine</a>, 1 309 dossiers avaient été déposés par des couples en attente de don d’ovocyte, et 2017 dossiers concernaient des couples en attente de don de spermatozoïdes. Suite aux nouvelles dispositions de la loi, les demandes ont donc plus que doublé).</p>
<p>Le risque annoncé d’une baisse des donneurs consécutive à l’ouverture du droit d’accès aux origines pour les personnes concernées apparaît cependant ne pas se réaliser : les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan_2017-2021_pour_la_procreation_embryologie_genetique_humaine_pegh.pdf#page=9">dons s’avèrent en augmentation</a> et, par voie de conséquence, les délais d’attente des CECOS en diminution. La médiatisation de la loi et les campagnes d’informations initiées par l’Agence de la biomédecine semblent avoir sensibilisé les donneurs potentiels.</p>
<p>Cette situation est particulièrement heureuse, dans la mesure où la plupart des pays qui pratiquent l’AMP avec tiers donneur ont pallié l’insuffisance de leurs stocks de gamètes par le recours aux banques de sperme, ce que la loi française interdit. En effet, ces compagnies privées, basées au Danemark, États-Unis ou Angleterre, commercialisent des « paillettes » de spermatozoïdes à partir de multiples donneurs rémunérés. Si les modalités de fonctionnement de ces banques, notamment d’un point de vue sanitaire, ne posent pas problème, il n’en va pas de même de ces dons qui ne répondent pas au principe de gratuité imposé par l’État français.</p>
<p>Le double mouvement d’augmentation des demandes de gamètes et de baisse des donneurs paraît donc évité, mais la question des délais d’attente n’est pas pour autant résolue. Alors que la réflexion bioéthique consiste à déterminer si le techniquement possible est socialement souhaitable, risque de se poser la question de savoir si le socialement acquis est techniquement possible…</p>
<h2>La réalité du terrain biomédical</h2>
<p>La sous-estimation par le gouvernement de l’augmentation du nombre de demandes consécutive à l’ouverture de l’AMP et, par suite, des besoins en personnel et matériel des centres habilités à les prendre en charge a entraîné des difficultés pour la majorité des femmes souhaitant recourir à ces techniques.</p>
<p>À l’heure actuelle, on dénombre <a href="https://www.cecos.org/les-cecos/">moins de 30 centres de don</a> sur le territoire métropolitain. En fonction du lieu de résidence, les délais varient sensiblement, tant pour un premier rendez-vous que pour la délivrance des paillettes de sperme. Le cas des protocoles d’AMP avec dons de spermatozoïdes illustre bien le problème : selon les centres et les régions, les délais peuvent s’étirer de 9 mois à… 3 ans !</p>
<p>Le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/pma-pour-toutes-olivier-veran-s-engage-a-reduire-les-delais-d-attente">plan d’accompagnement financier de 8 millions d’euros</a> mis en place par les autorités permet d’assurer les besoins en matériel, mais il ne suffit pas à engager le personnel supplémentaire.</p>
<p>La situation est encore accentuée par les très larges conditions d’âge, qui autorisent des femmes dont les chances de procréer sont minimes à recourir à l’insémination avec donneur.</p>
<p>En avril 2021, Olivier Véran, interviewé par Sciences Po TV (la télévision des étudiants de Sciences Po), envisageait que la naissance des premiers bébés conçus par des couples de femmes se produisent au printemps <a href="https://www.bfmtv.com/politique/pma-pour-toutes-olivier-veran-pense-que-le-premier-bebe-naitra-avant-la-fin-du-mandat_AN-202105040126.html">« avant la fin du mandat »</a> d’Emmanuel Macron. Mais combien de printemps faudra-t-il à la majorité des couples et des femmes qui suivront pour bénéficier d’un don de gamètes ?</p>
<p>La question se pose avec d’autant plus d’acuité que l’horloge biologique ne laisse aucun répit aux femmes, avec un pic de fertilité atteint entre 20 et 30 ans, suivi d’une baisse progressive jusqu’à une réduction drastique de la capacité à concevoir au-delà de 40 ans. Le temps est une composante cruciale du succès en AMP et l’imposition des délais trop longs, faute d’avoir mal pensé la mise en application de la loi, pénalise les femmes en limitant leur chance d’avoir un enfant. Pour cette raison, nombreuses sont celles qui continuent à se tourner, à regret, vers l’étranger afin de pouvoir bénéficier d’une prise en charge dans des délais raisonnables, à savoir ceux qu’impose la technique.</p>
<h2>Le recours à l’étranger toujours d’actualité</h2>
<p>Outre la temporalité, le recours à l’AMP à l’étranger peut également avoir un tout autre motif : beaucoup de femmes refusent de se voir imposer un appariement des gamètes par les centres de dons, et préfèrent avoir la possibilité de choisir leur donneur en particulier.</p>
<p>L’<a href="https://www.dondespermatozoides.fr/vos-questions/les-couples-peuvent-ils-choisir-les-spermatozoides-quils-vont-recevoir-peuvent-ils-connaitre-certaines-caracteristiques-du-donneur-notamment-sa-couleur-de-peau/">appariement (sous-entendu « appariement des caractères phénotypiques »</a>, autrement dit de l’apparence physique) consiste à attribuer les gamètes d’un donneur dont les caractéristiques (couleur de peau ou groupe sanguin, par exemple) sont les plus proches possibles de celle du couple receveur.</p>
<p>En France, cet appariement est la norme, mais il se pratique sans encadrement légal ni accord des receveurs, qui n’en sont pas forcément informés et ne peuvent pas s’y opposer (l’<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements_alt/4222/AN/957">amendement n°957</a> proposant que l’appariement ne puisse se faire qu’avec l’accord des parents a été rejeté par l’Assemblée nationale). Partant, cette pratique pénalise lourdement certains receveurs d’origines ethniques pour lesquelles les donneurs sont rares, en leur imposant des délais d’attente particulièrement longs. Ces derniers, qui sont au minimum d’un an (dans le cas de receveurs d’origine caucasienne), peuvent s’allonger de plusieurs années, jusqu’à atteindre 5 ans dans certains centres pour les receveurs non caucasiens, faute de donneurs.</p>
<p>Or, les règles en vigueur dans certains pays nordiques permettent aux couples concernés d’avoir leur mot à dire à propos de l’appariement : ils peuvent en effet consulter les caractéristiques physiques des donneurs et choisir les gamètes en fonction de ces critères. En France, une femme célibataire, blonde aux yeux bleus, se verra fournir des gamètes appariés, de telle sorte que son enfant soit blond aux yeux bleus. Dans les pays nordiques, elle pourrait décider d’avoir un enfant brun aux yeux sombres. Cette possibilité de choix constitue une motivation pour réaliser une AMP à l’étranger.</p>
<p>La démarche d’appariement, à l’origine justifiée par la volonté d’entretenir le secret de l’AMP, y compris vis-à-vis de l’enfant, demeure-t-elle justifiée aujourd’hui ? La question se pose.</p>
<h2>Élargir les possibilités de prise en charge</h2>
<p>Certaines femmes souhaitent recourir à la technique de la ROPA (réception de l’ovocyte par la partenaire), par laquelle une des deux mères porte un embryon conçu grâce à l’ovocyte de sa partenaire, suite à un don de sperme. Il paraissait logique à la communauté médicale que, dans un pays où le don d’ovocytes était légal, l’ouverture du don de sperme pour les femmes en couple ou célibataires puisse donner accès à cette technique (qui ouvre également la possibilité d’une filiation génétique pour les hommes transgenres). Mais le législateur en a décidé autrement, arguant qu’une telle possibilité de don partagé s’opposerait au principe d’anonymat entre donneurs et receveurs (que le droit d’accès aux origines n’a d’aucune façon impacté).</p>
<p>Sans entrer dans les méandres d’un débat complexe, relevons que la ROPA apporterait une autre solution que le don d’ovocytes dans l’hypothèse où la femme s’apprêtant à porter l’enfant du couple souffrirait d’une déficience ovocytaire.</p>
<p>Devant cette situation plus que difficile, tant pour les femmes que pour les centres d’AMP qui pratiquent le don de sperme, il est urgent d’élargir les possibilités de prise en charge. Une évolution en ce sens passera inéluctablement par une refonte du système du don de gamètes, qui doit être autorisé pour l’ensemble des centres d’AMP désirant le mettre en place, publics comme privés.</p>
<p>L’accès à la parenté attendu de longue date par les couples de femmes et les femmes non mariées est aujourd’hui légalement admis. Mais l’existence de la loi ne suffit pas : encore faut-il que ses conditions d’application lui permettent d’atteindre ses objectifs, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes (la « PMA pour toutes ») a constitué une évolution majeure de la loi de bioéthique. Mais sa mise en œuvre est à la peine.
Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris Nord
Michael Grynberg, PU-PH, chercheur au sein de l’équipe physiologie de l’Axe Gonadotrope - U1133 INSERM, chef du service de médecine de la reproduction et préservation de la fertilité - hôpital Jean Verdier, AP-HP
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2022-02-22T18:41:32Z
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40 ans après la naissance du premier « bébé-éprouvette » français, plus de 400 000 enfants conçus par FIV
<p>Il y a 40 ans, le 24 février 1982, la France découvrait « son » premier « bébé-éprouvette », une petite fille prénommée <a href="https://www.lefigaro.fr/histoire/archives/2017/02/23/26010-20170223ARTFIG00307-amandine-premier-bebe-eprouvette-fete-ses-35-ans.php">Amandine</a>, dans la lignée ouverte par <a href="https://nextnature.net/story/2017/1978-worlds-first-test-tube-baby-born">Louise Brown</a>, née au Royaume-Uni le 25 juillet 1978.</p>
<p>Ces naissances ont marqué très fortement notre imaginaire collectif : pour la première fois, la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde pouvait être obtenue hors du corps de la femme, au sein d’une éprouvette en laboratoire, c’est-à-dire « in vitro » selon le terme technique. La technique de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RdgMECreoU0">fécondation in vitro (FIV)</a> était née.</p>
<p>Pour mesurer l’avancée technologique, il faut se rappeler qu’à l’époque, la procréation médicalement assistée (PMA) consistait uniquement en des « <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vsc65Yn7XAw">inséminations artificielles » (IA)</a>, c’est-à-dire à déposer les spermatozoïdes du Conjoint (IAC) ou d’un Donneur (IAD) au niveau du col de l’utérus ou de la cavité utérine pour qu’ils aillent féconder naturellement l’ovocyte dans le corps de la femme, in vivo.</p>
<p>Après la naissance d’Amandine, l’histoire de la FIV se poursuivit loin du tumulte médiatique. Où en sommes-nous aujourd’hui et que s’est-il passé durant ces quatre décennies ?</p>
<h2>Près de 3 % des enfants sont conçus par FIV en France</h2>
<p>Avant la crise sanitaire de Covid-19, les FIV de l’année 2019 ont permis la naissance de plus de 21 000 enfants. Rapporté au nombre de naissances dans la population, cela représente pratiquement 3 enfants sur 100 conçus par FIV (2,9 %). Autrement dit, en moyenne, si vous avez un groupe de 34 enfants nés en 2020 (correspondant majoritairement aux conceptions de 2019), l’un de ces enfants a été conçu par FIV.</p>
<p>L’impact des inséminations artificielles est bien plus faible (moins de 6 000 enfants conçus en 2019), mais la somme globale de ces techniques conduit à plus de 27 000 enfants conçus suite à des PMA réalisées en 2019, soit une proportion de 3,7 % des enfants conçus par PMA parmi les naissances françaises. En moyenne, parmi un groupe de 27 enfants nés en 2020, l’un de ces enfants a été conçu par PMA.</p>
<p>Les chiffres sur les PMA de l’année 2020 n’ont pas encore été publiés par l’<a href="https://www.agence-biomedecine.fr/">Agence de la Biomédecine</a>. Néanmoins, il faut s’attendre à une nette baisse puisque les centres de PMA ont fermé leurs portes durant le premier confinement lors de la crise sanitaire. Leur activité a repris progressivement à partir de mi-mai 2020, mais l’impact de la mise sous tension des hôpitaux, en particulier publics, a probablement été un frein dans la réalisation des PMA.</p>
<h2>40 ans d’augmentation quasiment linéaire de la FIV</h2>
<p>La figure ci-dessous représente l’évolution de la proportion d’enfants conçus par FIV (courbe rouge) et la proportion d’enfants conçus par PMA incluant les FIV et les IA (courbe bleue). Entre 1981 et 1985, environ un millier d’enfants ont été conçus par FIV. Après cette période de mise en route, la FIV a connu une progression quasiment linéaire. La proportion d’enfants conçus par FIV progresse de +0,5 % tous les 7 à 8 ans.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la proportion d’enfants conçus par assistance médicale à la procréation en France.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette augmentation quasiment linéaire de la FIV reflète probablement la combinaison de plusieurs phénomènes. Dans un premier temps, il a bien sûr fallu que cette technique se « diffuse » dans la population, c’est-à-dire qu’elle est connue et acceptée. Mais, sa progression continue sur quatre décennies appelle d’autres explications.</p>
<p>Une première explication repose sur les évolutions technologiques qui ont permis d’élargir les « indications », c’est-à-dire le type d’infertilité pouvant être pris en charge par FIV. En effet, initialement, la FIV avait été conçue pour répondre aux infertilités féminines d’origine tubaire (trompes altérées ou bouchées). Elle a été rapidement utilisée pour d’autres indications, et son extension a connu une nouvelle dynamique à partir de 1992 avec l’arrivée d’une nouvelle technique de FIV permettant de prendre en charge les infertilités masculines : l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=iVDH7jQze6g">injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI)</a>. L’ICSI consiste à sélectionner un spermatozoïde qui est directement introduit dans l’ovocyte. Utilisée au départ pour les infertilités masculines dites « sévères », la FIV avec ICSI (ou ICSI) est aujourd’hui très largement utilisée puisqu’en 2019, deux fécondations <em>in vitro</em> sur trois réalisées en France l’étaient avec cette méthode.</p>
<p>Au-delà de ces aspects technologiques, le recours croissant à la FIV reflète sans doute surtout des besoins plus importants dans la population.</p>
<p>D’une part, des <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_fertilite_est_elle_en_danger_-9782707156389">travaux scientifiques</a> alertent sur une possible altération de la fertilité humaine en lien avec les expositions aux polluants industriels et agricoles, ou au tabac par exemple. Une telle altération de la fertilité pourrait être susceptible de conduire à une fréquence plus élevée des infertilités et donc à un recours plus important à la PMA. D’autre part, les démographes observent une <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/maternites-tardives-de-plus-en-plus-frequentes-pays-developpes/">parentalité plus tardive</a>. Or, la fertilité diminue fortement avec l’âge, si bien que les couples rencontrent plus de <a href="https://theconversation.com/le-declin-de-la-fertilite-une-charge-inegalement-partagee-entre-hommes-et-femmes-163689">difficultés pour avoir un enfant aux âges plus avancés</a> et recourent donc plus souvent à la PMA. Ainsi, en France, en une décennie (2008-2017), le recours à l’ensemble des traitements de l’infertilité (stimulations hors PMA et PMA) <a href="https://doi.org/10.2105/AJPH.2020.305781">a augmenté de 24 %</a> parmi les femmes de 34 ans et plus alors qu’il est resté stable chez les femmes plus jeunes.</p>
<h2>Plus de 400 000 enfants conçus par FIV en 40 ans</h2>
<p>Avec cette dynamique de recours à la FIV, quel bilan démographique peut-on tirer quarante ans après la naissance d’Amandine ? Les FIV réalisées durant les vingt premières années (1981-2000) ont permis globalement la naissance de 100 000 enfants. Le mouvement s’amplifie ensuite puisque la naissance des 100 000 enfants suivants est obtenue en uniquement 8 années d’activité (2001-2008). Ce délai se raccourcit encore pour les 100 000 suivants : 6 années (2009-2014), et enfin 5 années (2015-2019). Les FIV réalisées entre 1981 et 2019 ont donc permis globalement la naissance de 400 000 enfants. Ces naissances françaises sont à replacer dans la dynamique mondiale où le nombre d’enfants conçus par FIV était estimé à plus de <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(18)30598-4/fulltext">8 millions</a> sur cette même période. </p>
<p>Derrière ce chiffre mondial global se cache une <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">forte variabilité dans le recours à la PMA</a> d’une région à l’autre, et d’un pays à l’autre, y compris parmi les pays européens. Il n’y a pas d’explication simple à cette forte variabilité, il est probable que cela reflète en partie le coût des traitements à la charge des couples, l’offre de santé, la dynamique de fécondité du pays et l’âge à la parentalité. Le niveau de recours à la PMA semble également corrélé au <a href="https://www.rbmojournal.com/article/S1472-6483(21)00097-3/fulltext">niveau des inégalités hommes – femmes dans le pays</a> : plus ces inégalités sont faibles (selon l’<a href="https://hdr.undp.org/en/indicators/68606">indice d’inégalité de genre</a> des Nations unies) et plus le recours à la PMA est développé. L’étude souligne qu’il est nécessaire de développer des recherches pour mieux comprendre le sens de cette corrélation.</p>
<p>Le nombre d’enfants conçus par FIV actuellement inclut également les enfants nés suite aux FIV réalisées durant l’année 2020 et celles réalisées entre janvier et mai 2021. Les perturbations liées à la crise sanitaire fragilisent les projections qui peuvent être faites, mais en retenant l’hypothèse d’une diminution de l’activité FIV de 30 % durant l’année 2020 et une activité 2021 stable par rapport à 2019, cela conduit à une estimation de 420 000 enfants conçus par FIV en France en ce quarantième anniversaire d’Amandine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447765/original/file-20220222-25-116zvz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre cumulé d’enfants conçus par fécondation in vitro en France.</span>
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</figure>
<p>Cette hausse du nombre d’enfants conçus par FIV est d’autant plus notable que ce nombre était autrefois amplifié par le phénomène des naissances multiples, et que ce phénomène est en forte régression. Ainsi, dans les années 1990, il naissait 130 enfants pour 100 accouchements obtenus suite à une FIV. Ces naissances multiples étaient liées à la volonté d’augmenter les chances d’obtenir une grossesse. Pour cela, les médecins transféraient beaucoup d’embryons, souvent 4 ou plus à la fois (39 % des cas en France en 1988).</p>
<p>Ces pratiques ont rapidement été remises en cause en raison des risques pour la santé des enfants issus de ces naissances multiples. Pour réduire ces risques, les médecins ont peu à peu réduit le nombre d’embryons transférés, passant d’abord à trois embryons (environ 40 % des cas en 1997) puis à deux embryons (environ 60 % des cas en 2009), pour finalement ne plus transférer qu’un seul embryon (60 % des cas en 2019). Actuellement, il n’y a plus que 107 enfants pour 100 accouchements suite à une FIV, une fréquence qui reste encore plus élevée que celle observée dans le cas d’une grossesse obtenue sans aide médicale (101 enfants pour 100 accouchements). Cette forte réduction des naissances multiples ne s’est néanmoins pas traduite par une baisse du nombre d’enfants conçus par FIV car la progression continue du recours à la FIV contrebalance largement cet effet.</p>
<h2>Des PMA invisibilisées dans les statistiques : PMA à l’étranger et hors cadre médical</h2>
<p>Dans l’imaginaire collectif, la PMA est souvent associée à l’idée du recours à un tiers donneur pour avoir un enfant, que ce soit via un don de spermatozoïdes, d’ovules, d’embryons (lorsque ceux d’un couple sont accueillis par un autre couple), ou en faisant appel à une gestatrice pour autrui (GPA). Pourtant, la réalité de la PMA en France est très éloignée de cette idée a priori : la quasi-totalité des enfants conçus par PMA (c’est-à-dire par FIV ou IA) le sont avec les gamètes de leurs deux parents (pratiquement 95 % des enfants conçus par PMA en 2019). </p>
<p>En cas de PMA avec tiers donneur, il s’agit majoritairement d’un don de spermatozoïdes (environ 1 000 enfants conçus avec don de spermatozoïdes par an). Les naissances par don d’ovocytes ont fortement augmenté ces dernières années, mais n’étaient encore que de 400 suite aux PMA réalisées en 2019 (contre 200 enfants suite aux PMA de 2013 et 100 suite à celles de 2006). L’accueil d’embryons est lui statistiquement négligeable (37 enfants suite aux accueils de 2019), tandis que la gestation pour autrui est interdite en France.</p>
<p>Derrière ce recours à la PMA avec tiers donneur apparemment très limité en France se cache une réalité invisibilisée dans les statistiques : les enfants français nés d’une PMA réalisée à l’étranger ou d’une procréation dite amicalement assistée (l’insémination artificielle pouvant être pratiquée hors d’un laboratoire en raison de sa relative simplicité technique, et la GPA sur la base d’un accord entre les individus hors cadre légal et médical).</p>
<p>Actuellement, il <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/aide-a-la-procreation-en-dehors-du-cadre-legal-et-medical-francais-quels-enjeux-aujourdhui/">n’existe pas de données fiables sur le nombre d’enfants nés suite à ces PMA</a>. Malgré la nouvelle loi de bioéthique de 2021 ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, il est probable que ce phénomène se poursuive. Cependant, un appel est actuellement en cours (voir image ci-dessous) pour que les personnes ayant pratiqué une PMA à l’étranger ou hors du cadre médical français <a href="https://amp-sans-frontieres.fr/">participent à une étude scientifique</a> réalisée en collaboration avec les associations accompagnant ces parcours.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447550/original/file-20220221-22-19z9y5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Etude scientifique, AMP sans frontières de l’Ined.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des témoignages recueillis dans le questionnaire disponible sur Internet, il sera possible de fournir de premières données sur ces PMA, mais aussi de visibiliser ces expériences et parcours pour faire famille.</p>
<hr>
<p>_Ce texte reprend en les actualisant certains éléments publiés par l’autrice en 2018 dans la revue Population et Société, n°556, <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/1-enfant-sur-30-concu-par-assistance-medicale-a-la-procreation-en-france/">« 1 enfant sur 30 conçu par assistance médicale à la procréation en France »</a>.</p>
<hr>
<p>__</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et de l'Agence de la Biomédecine pour des travaux sur les traitements de l'infertilité et la PMA. </span></em></p>
Depuis la naissance d’Amandine, où en sommes-nous de la fécondation in vitro en France ?
Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163689
2021-07-15T20:15:27Z
2021-07-15T20:15:27Z
Le déclin de la fertilité : une charge inégalement partagée entre hommes et femmes
<p>L’âge de 35 ans est souvent avancé par le corps médical comme un cap à partir duquel il devient plus difficile pour les femmes d’avoir un enfant. Dans le contexte actuel où les naissances surviennent de plus en plus tard, de récentes publications dans la presse (<a href="http://www.slate.fr/story/194340/idee-recue-enceinte-grossesse-apres-35-ans-complique-faux-baisse-fertilite-risques">Slate</a>, <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/apr/10/fertility-cliff-age-35-week-in-patriarchy">The Guardian</a> ou encore <a href="https://www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/fertilite-le-mythe-de-la-date-de-peremption-a-35-ans-20210417_GIXSYE7ECVC6HO4EIKPKJMQRHM/">Libération</a>), ont pointé du doigt la pression que fait peser l’existence d’un tel discours sur les femmes, et questionnent sa légitimité. Le seuil des 35 ans découlerait en effet de données anciennes, et ne serait plus d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2684952/">actualité</a> pour la période contemporaine. La « bonne nouvelle » qu’ont ainsi relayée ces médias serait que, passé cet âge, les femmes pourraient en réalité attendre encore quelques années pour concevoir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1383752384862593032"}"></div></p>
<p>Quel que soit le seuil avancé, le statut des hommes reste un impensé des problématiques relatives au déclin de la fertilité avec l’âge, ce qui n’est pas sans conséquence pour les femmes.</p>
<p>Cet article s’appuie sur une <a href="http://www.theses.fr/s204948">recherche de doctorat</a> portant sur le fait de devenir parent tardivement. Elle a notamment été menée à partir d’une enquête par entretiens auprès d’hommes et de femmes ayant eu ou envisageant d’avoir un premier enfant au-delà de 35 ans, et se fonde également sur l’analyse du traitement médiatique contemporain des parentalités tardives en France.</p>
<h2>La norme parentale aujourd’hui</h2>
<p>Auparavant, avoir un premier enfant constituait un attendu social, qui plus est fortement associé à l’institution du mariage. C’est moins le cas dans la période contemporaine, durant laquelle il est valorisé de se réaliser pendant un temps dans les études, l’emploi, les loisirs, ou dans une vie de couple sans enfant avant de songer à en avoir un.</p>
<p>Dans le même temps, constituer une famille demeure une norme relativement forte, notamment en France où les taux de fécondité sont parmi les plus élevés d’<a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/29504/569.population.societes.tous.pays.monde.2019.fr.pdf">Europe</a>. Toutefois, l’entrée en parentalité, parce qu’elle répondrait moins à des règles sociales que par le passé, relèverait davantage d’un choix personnel, ce que permet aussi l’accès à des moyens de contraception modernes. Dans les représentations collectives, les individus sont alors considérés comme responsables de leurs décisions en matière de procréation, en particulier lorsqu’ils remettent à plus (trop) tard l’arrivée d’un enfant.</p>
<p>Malgré tout, un certain encadrement de l’entrée en parentalité demeure, s’exerçant notamment par le biais d’<a href="https://www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_2005_num_23_3_1656">institutions médicales</a>. Face à l’arrivée plus tardive d’une première naissance et en raison du déclin de la fertilité avec l’âge, se diffuse un discours incitant à « ne pas trop attendre » pour constituer une famille. Ces mises en garde, principalement portées par le corps médical, sont souvent relayées dans les médias et aussi largement intériorisées par les individus.</p>
<p>Du point de vue des professionnel·le·s de santé, le fait de brandir le seuil de 35 ans comme un âge fatidique à partir duquel il est difficile d’avoir un enfant peut relever d’une volonté d’information, afin de guider les choix procréatifs. Néanmoins, un tel seuil basé sur des critères biologiques participe aussi à figer des différences entre hommes et femmes, en assignant ces dernières à des impératifs corporels et en affirmant une injonction plus forte à la maternité qu’à la paternité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KbzAJV_LEaE?wmode=transparent&start=7" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Sur le plateau de TV5 Monde, l’autrice Myriam Levain interroge la pression de l’« horloge biologique » qui pèse sur les femmes sans enfant dès 30 ans.</span></figcaption>
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<h2>Avoir un enfant avant qu’il ne soit « trop tard »</h2>
<p>Les messages invitant à « se presser » pour avoir un enfant font surtout référence aux capacités reproductives des femmes, et s’adressent donc principalement à ces dernières. D’ailleurs, parmi les personnes que j’ai interviewées, l’idée selon laquelle les hommes n’auraient « pas d’horloge biologique » était souvent formulée.</p>
<p>Il est vrai que les hommes peuvent concevoir à des âges plus tardifs que les femmes. Pourtant, leur <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00345-006-0130-y">fertilité</a> décline aussi avec l’âge. Dans le cadre d’une prise en charge en AMP (assistance médicale à la procréation), les causes de l’infertilité des couples, lorsqu’elles sont connues, sont autant masculines que féminines. En effet, si la réserve ovarienne et la qualité ovocytaire des femmes diminuent avec l’âge, il en est de même de la qualité des spermatozoïdes pour les hommes.</p>
<p>D’<a href="http://www.ijwhr.net/pdf/pdf_IJWHR_177.pdf">autres facteurs</a> (par exemple environnementaux, liés à la santé ou au déclin du désir sexuel) jouent aussi sur la baisse de la fertilité, pour les hommes comme pour les femmes. Le déclin des capacités reproductives est toutefois mieux connu, car plus étudié, concernant la fertilité féminine que masculine, ce qui participe à nourrir l’idée selon laquelle la vie reproductive des hommes serait largement plus étendue que celle des femmes, voire illimitée.</p>
<p>Ces éléments peuvent aussi être resitués par rapport à l’organisation sociale plus générale de la vie reproductive des femmes, de la ménarche (c’est-à-dire les premières menstruations) à la ménopause, en passant par la prescription de la contraception. L’<a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/27050/549_ang_population.societes.novembre2017.contraception.fr.pdf">offre contraceptive</a> comporte en effet une diversité de moyens féminins et relativement peu de moyens masculins, les plus prescrits par les médecins étant aussi plus souvent des méthodes féminines.</p>
<h2>Des hommes relativement dispensés de la charge reproductive</h2>
<p>Les hommes, quant à eux, ne sont que rarement patients de la <a href="http://dicopolhis.univ-lemans.fr/fr/dictionnaire/a/andrologie.html">médecine reproductive</a>. Ils ne le deviennent éventuellement que dans le cadre d’un recours à l’AMP au côté de leur conjointe. Celle-ci reste, même dans ce cadre, principalement en charge de la gestion des traitements de l’infécondité. De plus, tandis que la ménopause touche toutes les femmes, l’<a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02531775">andropause</a> n’est pas forcément considérée comme concernant tous les hommes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Xs5p0QdpuSg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les discours médicaux incitant à se presser pour concevoir passent ainsi principalement des professionnel·le·s de santé aux femmes (notamment dans le cadre de consultations). À elles ensuite d’impliquer leur conjoint dans ces problématiques, alors même que ce dernier peut, pour sa part, avoir l’impression d’avoir « encore le temps ».</p>
<p>Ainsi, dans la continuité d’une charge contraceptive faisant peser sur les femmes la responsabilité d’éviter une naissance au sein des relations hétérosexuelles, vient s’inscrire une charge – toujours féminine – relative à l’anticipation du déclin de la fertilité dans le cas où il serait envisagé d’avoir un enfant. Autrement dit, après avoir assumé le principal de l’évitement d’une grossesse non désirée, il s’agit d’« être prête » à avoir un enfant, c’est-à-dire de réunir toutes les « bonnes conditions » à la constitution d’une famille (dans l’emploi, dans la vie de couple) avant qu’il ne soit trop difficile de concevoir. Si les hommes peuvent également ressentir une pression à concevoir avant un âge trop tardif (ne pas vouloir être « trop vieux » pour s’occuper d’un enfant en bas âge par exemple), celle-ci fait moins référence à une fatalité biologique relative aux capacités reproductives que pour les femmes, laissant planer l’idée qu’il est toujours possible d’éventuellement devenir père.</p>
<p>Finalement, que l’on fixe un âge fatidique à 35, 37 ou 40 ans, qu’importe. Dans la mesure où l’infertilité liée à l’âge a été construite comme un sujet principalement féminin, elle épargne les hommes de ces préoccupations alors même qu’elles les concernent aussi. Il s’agirait alors de revoir la façon de penser la part que ces derniers jouent dans le processus menant les couples hétérosexuels à reporter une première naissance de plus en plus tard, en les impliquant davantage dans les problématiques relatives à la procréation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Caroline Compans a bénéficié du soutien financier de l'Ined et d'une aide de l'Etat français gérée par l'Agence Nationale de Recherche, au titre du programme "Investissements d'avenir" portant la référence ANR-10-LABEX-0089-01. Elle a aussi été en partie financée par l'Austrian Science Fund (sur le projet FWF P31171-G29, "Later fertility in Europe"). </span></em></p>
Le seuil des « 35 ans », comme âge à partir duquel la fertilité chute, associe les femmes à des impératifs corporels et participe à une injonction plus forte à la maternité qu’à la paternité.
Marie-Caroline Compans, Docteure en démographie, Institut National d'Études Démographiques (INED)
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tag:theconversation.com,2011:article/163037
2021-07-06T17:21:47Z
2021-07-06T17:21:47Z
Le sol urbain, un sol fertile ? À Rouen, des étudiants les mains dans la terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409849/original/file-20210706-21-1u1a4io.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1376%2C808%2C1937%2C1315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prélèvements dans le jardin de Repainville pour analyser la composition du sol urbain.</span> <span class="attribution"><span class="source">UniLaSalle</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dans les grandes métropoles, l’usage des sols fait depuis longtemps l’objet de fortes tensions entre artificialisation et agriculture. Les usages artificialisés et très lucratifs du sol, centrés sur la rente foncière et le prix du foncier bâti et constructible, ne cessent de progresser, convertissant continuellement autour des villes des terres agricoles en sols constructibles.</p>
<p>Malheureusement, ces transformations de l’usage du sol se font souvent au détriment de la qualité de vie des citadins, occultant de fait <a href="http://www.fao.org/resources/infographics/infographics-details/fr/c/294324/">ses principales fonctions</a>.</p>
<p>Au-delà de sa fonction nourricière – de support des cultures vivrières –, le sol offre une <a href="https://theconversation.com/les-mycorhizes-reseaux-sociaux-des-ecosystemes-terrestres-146335">diversité de services écosystémiques</a> allant de la fonction de régulation (stockage du carbone et climat…) à celle de support (l’eau) en passant par celle d’approvisionnement (la nutrition et la défense des plantes ainsi que le maintien de la biodiversité du sol).</p>
<p>Le sol urbain est aussi reconnu pour <a href="https://www.afes.fr/wp-content/uploads/2019/06/EGS-2018-25-4-Guilland-59-78.pdf">sa grande fertilité et sa forte biodiversité</a>. Aujourd’hui, l’<a href="https://theconversation.com/lexperience-du-jardinage-urbain-des-habitants-de-la-ville-de-rouen-145897">engouement pour des projets d’agriculture urbaine</a> portés par les citoyens et soutenus par les pouvoirs publics, témoigne d’une prise de conscience des fonctions originelles des sols en milieu urbain.</p>
<p>Cependant, la transition d’un sol de ville empreint de connotations négatives (pollution, contamination…) en un sol productif et nourricier n’est pas chose aisée et la tâche peut se révéler infructueuse. Il s’agit de bousculer les mentalités…</p>
<h2>Le Champ des possibles</h2>
<p>Même si un pas est franchi sur l’acceptabilité par les citadins de ces îlots de verdure au regard de leurs différentes fonctions paysagères, sociales, thérapeutiques et éducatives, l’approche scientifique quant à elle, demeure un défi que plusieurs associations ont tenté de relever.</p>
<p>Dans les jardins de Repainville, à Rouen, l’une d’elles nommée le Champ des possibles, a bénéficié du soutien du campus de Rouen d’UniLaSalle pour mettre en œuvre une telle approche, dans l’objectif de valider la qualité des sols et par conséquent la sécurité des fruits et légumes qu’ils produisent.</p>
<p>L’association cultive dans ses serres et dans son jardin de la moutarde, des fleurs comestibles, du persil, des tomates, des laitues, des fraises, des radis, des poireaux, des plantes aromatiques et arbres fruitiers (pommiers, framboisiers…).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407337/original/file-20210620-35700-1ib8kuq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plan d’expérience et stratégie d’échantillonnage dans les trois agrosystèmes du site de Repainville (jardin potager, serre et exploitation maraîchère.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UniLaSalle</span></span>
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</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407338/original/file-20210620-35447-dmti2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plan d’expérience et stratégie d’échantillonnage dans les trois agrosystèmes du site de Repainville (jardin potager, serre et exploitation maraîchère.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UniLaSalle</span></span>
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<p>Elle ambitionne d’être un démonstrateur des alternatives écologiques de l’usage des sols urbains et un lieu de partage des vertus de l’agriculture urbaine. Elle propose notamment des ateliers cuisine nature afin de reconnecter les citadins avec la nature et l’agriculture locale.</p>
<p>Dans le cadre du Master of science « agriculture urbaine et villes vertes » (MAUV), dix étudiants du campus de Rouen ont réalisé un protocole d’expérimentation en deux étapes, intitulé « sol-plante-climat dans les jardins de Repainville ».</p>
<h2>Démarche expérimentale simplifiée</h2>
<p>Lors d’une campagne de prélèvement sur le site de Repainville, les étudiants ont dans un premier temps établi un plan d’expérience et une stratégie d’échantillonnage. Un travail mené à la suite d’une analyse de lecture de paysage (orientation, relief, vent dominant, flore et faune spontanées, aménagement des cultures, espaces bâtis…) et d’une approche sensible (odeur, bruit, ressenti…).</p>
<p>Ils ont prélevé du sol et des racines de plantes sur trois agrosystèmes différents : le jardin (pleine terre, plein air, agriculture biologique), la serre (pleine terre, sous-abris, agriculture biologique) et l’exploitation maraîchère (pleine terre, plein air, agriculture raisonnée). Un prélèvement de vers de terre a également été réalisé pour étayer les observations.</p>
<h2>Approches paysagère et sensible</h2>
<p>Exposés au sud et situés aux pieds des falaises creusées par la Seine, les jardins de Repainville sont parcourus par un petit ruisseau. Ils sont abrités du vent et du soleil par des arbres générant un microclimat favorable à la culture et offrant un refuge à une biodiversité spécifique. C’est le royaume des Lamiaceae, Fabaceae, Brassicaceae et des oiseaux à proximité du centre-ville de Rouen ! Un lieu paisible et plaisant où la rumeur de la ville est somme toute perceptible.</p>
<h2>Approche scientifique</h2>
<p>Dans un second temps, les échantillons ont été observés au laboratoire d’analyse de sol de l’école. Les étudiants ont mesuré d’une part, les propriétés physicochimiques du sol (pH, granulométrie par sédimentation, détermination de la matière organique et du carbonate de calcium et détermination de la capacité d’échange cationique : CEC), d’autre part, les composants biologiques du sol en interaction avec les plantes (colonisation endomycorhizienne des racines, symbiose rhizobienne et abondance des vers de terre).</p>
<p>L’approche scientifique a permis de consolider l’approche sensible issue de la lecture du paysage. Les résultats des propriétés physicochimiques dans les trois agrosystèmes ont révélé un pH un peu élevé variant de 7,6 à 7,8, toutefois favorable à la culture maraîchère. Cette valeur pourrait être expliquée par la grande quantité de calcaire mesurée dans les prélèvements et mise en évidence par la très forte effervescence en présence d’acide. Les valeurs de CEC obtenues soulignent par ailleurs que le pH n’impacte pas négativement les échanges sol-plante.</p>
<p>En outre, la teneur en matière organique est plus que satisfaisante compte tenu de toutes les variables physicochimiques mesurées. Enfin, la granulométrie indique un sol limono-argileux, une texture très favorable à la circulation d’eau, des nutriments et au développement de la vie biologique du sol.</p>
<h2>Mycorhizes, <em>Rhizobium</em> et vers de terre</h2>
<p>Les résultats des composants biologiques ont montré une forte colonisation mycorhizienne (association entre une plante et un champignon favorisant l’absorption d’eau et de minéraux en particulier le phosphore) et rhizobienne (association entre une plante et une bactérie favorisant l’absorption de l’azote) des racines des plantes prélevées dans les trois agrosystèmes. Un résultat très encourageant, synonyme d’un sol vivant et en bonne santé.</p>
<p>D’ailleurs, la présence d’une forte abondance de vers de terre (aérateurs et mélangeurs du sol) conforte ces observations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407339/original/file-20210620-26-1yq9yh3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ateliers d’analyses au laboratoire sur les propriétés physicochimiques du sol (à gauche) et les composants biologiques du sol en interaction avec les plantes (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">UniLaSalle</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Discussion et perspectives</h2>
<p>Pas forcément si difficile de bousculer les mentalités, donc, mais plus complexe en revanche de lutter contre la monétarisation du sol urbain au-delà de sa seule vocation de terrain constructible et sa valeur foncière.</p>
<p>Les vertus des sols urbains offrent une multitude de bénéfices aux citadins dont la valeur est non marchande. Il est ainsi important d’arbitrer les dynamiques de l’occupation des sols et des transformations de leur usage autour et au sein même des villes.</p>
<p>Cette étude permet d’attirer l’attention sur la nécessité de concilier l’approche scientifique à celle paysagère dans d’autres jardins et fermes urbaines à l’échelle de la ville.</p>
<p>Même si des analyses préalables ont en l’occurrence montré l’absence dans la terre de tout contaminant dommageable à la santé humaine, il est indispensable d’acquérir des données supplémentaires d’inventaire dans le cadre d’une évaluation environnementale ou sanitaire des activités des projets d’agricultures urbaines.</p>
<p>Ces données permettraient <em>in fine</em> de dégager des typologies de jardins et fermes urbaines en fonction des caractéristiques des sols à l’échelle de la ville de Rouen.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163037/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs remercient Stéphanie Gomis et Anne Delisle (Association du Champ des possibles) et Odile Morvan (enseignante-chercheure de l’université de Rouen), qui ont participé à la mise en œuvre ; ainsi que les étudiants du MSc agriculture urbaine et villes vertes d’UniLaSalle. Un grand merci à Magali Maniez, ingénieure d’étude à UniLaSalle pour la préparation des analyses en laboratoire.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Babacar Thioye et Marie-Pierre Bruyant ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Dans les jardins de Repainville, à Rouen, des étudiants ont aidé une association d’agriculture urbaine locale à analyser la qualité des sols avec des résultats très encourageants.
Marie Asma Ben-Othmen, Enseignante-chercheuse en agroéconomie et économie de l’environnement, UniLaSalle
Babacar Thioye, Enseignant-chercheur en agroécologie, unité de recherche AGHYLE, UniLaSalle
Marie-Pierre Bruyant, Sciences végétales, UniLaSalle
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/160576
2021-05-10T14:03:37Z
2021-05-10T14:03:37Z
Les produits chimiques réduisent-ils la taille du pénis et appauvrissent-ils le sperme ? Voici ce qu’on en sait
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/399565/original/file-20210508-23-6u9yc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C37%2C5000%2C3285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un scénario apocalyptique annonce la fin de la production de sperme chez les humains ainsi que la menace d’une diminution de la taille du pénis. Mais est-ce scientifique?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On a vu réapparaître <a href="https://www.lesacdechips.com/2021/03/24/attention-les-penis-retrecissent-a-cause-de-la-pollution">dans les nouvelles</a>, dernièrement, un scénario apocalyptique qui annonçait la fin de la production de sperme chez les humains ainsi que la menace d’une diminution de la taille du pénis.</p>
<p>Shanna Swan, une épidémiologiste américaine qui étudie les effets de l’environnement sur le développement humain, a récemment publié un <a href="https://www.shannaswan.com/countdown">nouveau livre</a> intitulé « Countdown ».</p>
<p>Elle y avance que la numération des spermatozoïdes <a href="https://parismatch.be/actualites/societe/474807/la-plupart-des-couples-seront-steriles-dici-2045-avertit-une-experte">pourrait atteindre zéro d’ici 2045</a>, en grande partie à cause de l’impact de divers polluants environnementaux utilisés dans la fabrication de produits de tous les jours : les phtalates et le bisphénol A, des plastiques, et les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) présentes, par exemple, dans les produits d’étanchéité. Selon ce scénario, dit-elle, la plupart des couples qui souhaitent concevoir un enfant devront recourir à la procréation assistée.</p>
<p>Elle nous annonce également que ces produits chimiques réduisent la taille du pénis.</p>
<p>De telles affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. Selon moi, ses preuves ne le sont pas.</p>
<h2>Corrélation n’est pas synonyme de causalité</h2>
<p>Les épidémiologistes cherchent des liens entre des maladies et d’éventuels facteurs contributifs, comme entre le cancer du poumon et le tabagisme. Mais leur travail ne permet pas forcément d’identifier les causes de la maladie : ce n’est pas parce que deux choses sont associées que l’une est la cause ou la conséquence de l’autre.</p>
<p>Un article écrit par la militante écologiste Erin Brockovich dans <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2021/mar/18/toxic-chemicals-health-humanity-erin-brokovich"><em>The Guardian</em></a> en mars parle de « ces produits chimiques perturbateurs d’hormones qui détruisent la fertilité ». Mais le lien de causalité est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33385395/">loin d’être établi</a>.</p>
<p>Il est légitime de penser que les produits chimiques qui <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33385395/">affectent nos fonctions hormonales</a>, comme les BPA et les PFAS, pourraient avoir un impact sur la fertilité des hommes et des femmes compte tenu de certaines données. Mais nous n’en avons pas de preuve irréfutable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme et une femme à l’extérieur, avec un chien" src="https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398265/original/file-20210503-17-fzbt4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les polluants environnementaux pourraient-ils entraîner l’infertilité ? Il n’est pas facile d’établir un lien de cause à effet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Information sélective</h2>
<p>En 2017, Mme Swan et ses collègues ont publié une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28981654/">étude de synthèse</a> exhaustive montrant une baisse apparente de 59,3 % du nombre de spermatozoïdes chez les hommes de 1973 à 2011. Cette recherche alimente les arguments de Swan dans « Countdown » et les informations présentées dans les médias.</p>
<p>Peu de gens ont mentionné le fait que les chercheurs n’ont observé un déclin de la numération des spermatozoïdes que chez les hommes originaires d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Australie et de Nouvelle-Zélande, mais pas chez ceux originaires d’Amérique du Sud, d’Asie ou d’Afrique.</p>
<p>Lorsque Swan et ses collègues ont regroupé les données de tous les pays, ils ont constaté une baisse, car les études sur les hommes occidentaux surpassent celles sur les hommes d’autres régions (en nombre d’études et de participants).</p>
<p>Swan et ses collègues se sont efforcés d’éviter tout biais dans la réalisation de leur étude. Mais le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9455838/">biais de sélection</a> (lié à la façon dont on choisit les participants à une étude), le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2406472/">biais de publication</a> (tendance des chercheurs à ne rapporter que les observations qu’ils trouvent intéressantes) et d’autres limites des études utilisées comme base de leur recherche pourraient avoir influencé leurs résultats.</p>
<p>De nombreuses études menées dans différentes parties du monde montrent une diminution des spermatozoïdes, ce qui est préoccupant, mais nous ne comprenons pas vraiment <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32168194/">ce qui en est la cause</a>. En accusant les produits chimiques présents dans l’environnement, on néglige <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29774489/">d’autres facteurs importants</a> tels que les maladies chroniques, le régime alimentaire et l’obésité, sur lesquels les gens peuvent agir pour améliorer leur fertilité.</p>
<h2>Le hic avec l’extrapolation</h2>
<p>L’étude de Swan de 2017 présente une ligne droite descendante qui relie les résultats de numération de spermatozoïdes de 1973 à 2011.</p>
<p>Le fait qu’on obtienne une ligne droite ne permet pas d’extrapoler au-delà des données les plus anciennes et les plus récentes. Supposer que des tendances existent en dehors des données observées n’est pas scientifique.</p>
<p>Nous savons que la numération des spermatozoïdes au début des années 1940 était d’environ <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1393072/">113 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme</a>, et non pas d’environ 140 millions/ml, ce à quoi on arriverait en extrapolant à rebours à partir du début des études utilisées par Swan. Conclure que la numération atteindra zéro en 2045, sur la base d’une extrapolation vers l’avenir à partir des données disponibles, risque d’être tout aussi incorrect.</p>
<p>Lorsque Mme Swan a déclaré au <a href="https://www.axios.com/newsletters/axios-future-e58ada65-1a84-4550-afd8-79d698bb7d38.html">site d’information Axios</a> : « Si vous regardez la courbe du nombre de spermatozoïdes et que vous la projetez vers l’avenir », elle proposait une interprétation injustifiable et non scientifique de ses données, même si elle a reconnu qu’il était « risqué » d’extrapoler de la sorte. Malheureusement, cette mise en garde a été trop souvent passée sous silence.</p>
<p>Brockovich écrit : « Cela signifie qu’il n’y aura plus de bébés. Plus de reproduction. Plus d’êtres humains. » C’est une exagération. Ce n’est tout simplement pas de la science.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une illustration de sperme" src="https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398266/original/file-20210503-23-8j0tma.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Swan a extrapolé à partir de données récentes pour prédire que le nombre de spermatozoïdes pourrait atteindre zéro d’ici 2045. Mais cela n’est pas forcément exact.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Du calme, votre pénis n’est pas en train de rapetisser</h2>
<p>Les allégations de réduction de la taille du pénis sont manifestement des pièges à clics. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30403786/">Une seule étude</a>, portant sur 383 jeunes hommes de la Vénétie, dans le nord-est de l’Italie, établit un lien entre la taille du pénis et les mêmes substances chimiques que Swan considère comme responsables de la diminution du nombre de spermatozoïdes.</p>
<p>En Vénétie, <a href="https://figshare.com/articles/figure/Supplemental_Figure_1/7016234">différentes zones géographiques</a> présentent différents niveaux de contamination par les PFAS. Un groupe de 212 hommes de zones fortement ou moyennement exposées aux PFAS et avec des niveaux élevés de ces substances chimiques dans leur organisme avaient une longueur moyenne de pénis de 8,6 cm, soit environ 10 % de moins que la moyenne d’un groupe de 171 hommes provenant d’une zone non exposée (9,7 cm).</p>
<p>Mais certaines caractéristiques de cette étude mettent en cause la fiabilité des observations et la possibilité de les transposer à d’autres populations.</p>
<ol>
<li><p>Les participants étaient regroupés en fonction de leur lieu de résidence plutôt que de naissance. La taille des organes génitaux étant <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30403786/">déterminée avant la naissance</a>, l’environnement pendant la grossesse de la mère est plus important pour la taille du pénis que celui où vivaient les hommes au moment de l’étude. Certains ont probablement déménagé de leur lieu de naissance, mais nous ne savons pas combien l’ont fait ni où ils habitaient avant.</p></li>
<li><p>Le niveau d’exposition aux PFAS des participants des régions contaminées de Vénétie est extrême, à la suite de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29108835/">décennies de pollution industrielle</a>. Nous ignorons comment l’effet d’une exposition aussi importante se compare à une autre plus faible et courante aux polluants, à des emballages alimentaires en plastique, par exemple.</p></li>
<li><p>L’étude ne comporte pas assez de détails sur ses sujets et les conditions dans lesquelles les mesures ont été prises. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33748967/">Habituellement</a>, on exclut des études les personnes qui présentent des conditions susceptibles d’affecter les résultats, telles que des anomalies congénitales, mais il n’est pas clair si cela a été fait ici. Les variables qui <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31171853/">influencent la mesure du pénis</a> (comme la température ambiante, la position et le fait que le pénis soit tenu droit ou pendant) ne sont pas mentionnées.</p></li>
</ol>
<p>De plus, d’un point de vue sémantique, pour que les pénis « rétrécissent », il faut qu’ils raccourcissent avec le temps, que ce soit sur le plan individuel ou celui de la population. Je ne trouve aucune étude faisant état d’un rétrécissement des pénis en raison de la pollution environnementale. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31171853/">Les données disponibles</a> ne montrent aucun déclin de la taille du pénis au cours des dernières décennies.</p>
<p>Si la pollution environnementale est un enjeu pressant, les faits indiquent que le déclin catastrophique de la reproduction humaine et le rétrécissement du pénis sont heureusement peu probables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160576/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tim Moss est responsable du contenu santé chez Healthy Male (anciennement Andrology Australia). Il est l'actuel président de la Perinatal Society of Australia and New Zealand.</span></em></p>
Les avertissements concernant la fin de la production de sperme humain ont récemment fait la une des journaux, avec en plus la menace d’un rétrécissement des pénis. Science ou sensationnalisme ?
Tim Moss, Adjunct Associate Professor, Department of Obstetrics and Gynaecology, Monash University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/152802
2021-01-24T17:23:43Z
2021-01-24T17:23:43Z
Alimentation : comment consommer du soja sans risques pour la santé
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378111/original/file-20210111-21-kpj2a9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Graines de soja</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/soja-haricots-alimentaire-c%C3%A9r%C3%A9ales-182295/">© Jing / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Riche en protéines, en fibres et en acides gras oméga-6 et oméga-3, le soja est une légumineuse de grand intérêt nutritionnel. </p>
<p>Mais pour tirer parti des nutriments de cette plante, il faut limiter les risques pour la santé de certains de ses composés, notamment ceux du aux <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=13">phytoestrogènes</a>, des analogues d’hormones sexuelles féminines.</p>
<h2>Comestible après cuisson</h2>
<p>Pour résister à ses prédateurs herbivores, le soja a développé tout un arsenal de composés antinutritionnels (interférant avec l’absorption des nutriments), voire toxiques. Résultat : il n’est du reste que très peu attaqué par les rongeurs lors de son stockage, mais ces molécules ont réduit son intérêt à l’état cru : .</p>
<p>En Chine, où le soja est utilisé depuis au moins 4 000 ans dans les rotations des cultures, pour enrichir les sols en azote, on a cherché à le consommer en s’appuyant sur divers procédés – dont la cuisson et le trempage.</p>
<p>La chaleur de la cuisson détruit ou désactive en effet les inhibiteurs des protéases (qui réduisent la digestibilité des protéines), les hémagglutinines (qui font coaguler le sang), les lipoxygénases (qui oxydent les acides gras polyinsaturés), les saponines (qui altèrent les membranes cellulaires), les tannins (qui freinent l’absorption des minéraux et la digestion des protéines), etc.</p>
<p>Reste deux problèmes : celui des allergènes du soja (comme la <a href="https://biochim-agro.univ-lille.fr/proteines/co/ch2_II_b.html">glycinine</a> ou la β-conglycinine), et celui des <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf#page=16">isoflavones</a> – des substances que l’on classe parmi les phytoestrogènes. Le premier n’a pas vraiment de parade. Mais le second peut-être résolu <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02458900/document">par le trempage et la cuisson prolongée des recettes asiatiques traditionnelles</a> – les isoflavones, solubles dans l’eau, sont ainsi éliminées pour une grande part. </p>
<p>En revanche, les procédés de transformation utilisés par l’industrie agroalimentaire depuis les années 1960, qui réduisent parfois la cuisson à quelques dizaines de secondes sous un jet de vapeur, n’éliminent pas les isoflavones. Or, celles-ci ont une activité biologique.</p>
<h2>Des composés qui perturbent la fertilité</h2>
<p>L’activité hormonale des isoflavones présentes dans le soja est avérée depuis les années 1940 en Australie. Ainsi des brebis que l’on faisait paître sur des champs de trèfle rouge ou souterrain (riches en isoflavones) <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21028682/">développaient un syndrome d’infertilité</a>. Le phénomène était spectaculaire. En l’espace de trois à quatre saisons sur ces pâtures, la fertilité des animaux s’effondrait. Il fut alors mis fin à un nombre important d’élevages. </p>
<p>Il fallut attendre la fin des années 1950 pour que des études vétérinaires expliquent enfin le syndrome des brebis : les isoflavones perturbent plusieurs mécanismes endocriniens, et notamment la sécrétion de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_folliculo-stimulante">FSH</a> et de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hormone_lut%C3%A9inisante">LH</a>, des hormones de l’hypophyse contrôlant la reproduction.</p>
<p>Dans les années 1990, l’impact chez l’être humain finit par être envisagé. À l’époque, on considèrait les effets du soja sous un angle positif, en imaginant qu’il pourrait limiter la sécrétion d’estradiol et peut-être réduire le risque de cancer du sein. On a alors constaté, sur un petit nombre de jeunes femmes britanniques, que la consommation quotidienne de 60 g de soja (soit 45 mg d’isoflavones pendant un mois) peut allonger le cycle menstruel de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8074062/">28 à 30 jours en réduisant la production de FSH et LH</a>.</p>
<p>Quelques années plus tard, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11216491/">étude d’intervention menée avec 40 jeunes étudiantes japonaises</a> aboutit à des conclusions similaires : une consommation quotidienne de 20 à 40 mg d’isoflavones s’est traduite par des cycles menstruels plus irréguliers et plus longs que ceux des femmes occidentales (30 jours versus 28). En ajoutant à leur alimentation du jus de soja contenant 50 mg d’isoflavones, ledit cycle pouvait atteindre 32 jours.</p>
<p>Des travaux à mettre en perspective avec ceux d’une équipe américaine qui avait noté, dans les années 1970, que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/167146/">60 % des plantes traditionnellement utilisées en occident pour leurs vertus contraceptives sont riches en isoflavones</a>.</p>
<h2>Premières recommandations</h2>
<p>En 2005, répondant à une auto-saisine et à une saisine de la direction de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (aujourd’hui ANSES) se prononce sur la <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/064000580.pdf">sécurité et les bénéfices des phytoestrogènes apportés par l’alimentation</a>.</p>
<p>Son rapport préconise de ne pas utiliser les formules infantiles à base de soja contenant de fortes quantités de phytoestrogènes. Il déconseille par ailleurs aux femmes enceintes, tout comme à celles ayant des antécédents personnels ou familiaux de cancers du sein, de consommer du soja. Enfin, il est demandé aux industriels d’indiquer les teneurs en isoflavones sur leurs produits, et recommandé de ne pas dépasser 1 mg/kg/jour.</p>
<p>Trois ans plus tard, le National Toxicology Program Américain, qui fait autorité au plan mondial, mettait en avant chez le rongeur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18685713/">toxicité de la génistéine</a>, principale isoflavone du soja, sur la reproduction. En soumettant quatre générations de rats à différentes doses de génistéine, cette étude révélait qu’une dose de 35 mg/kg/j provoquait des retards de croissance et l’apparition de malformations génitales chez les jeunes, tout en perturbant les cycles des femelles et en provoquant une baisse de la fertilité pour la deuxième génération exposée.</p>
<p>Problème : cette dose se traduit, chez les animaux, par des taux sanguins comparables à ceux d’un consommateur régulier de soja (deux portions quotidiennes d’aliments industriels à base de soja). Or en pratique, selon les règles qui permettent d’élaborer les <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SUBSTANCES2017SA0016Ra.pdf">limites à ne pas dépasser chez l’humain</a>), la valeur toxique de référence doit être cent fois moins élevée que la dose active chez le rongeur (35 mg/kg/jour) : on ne devrait donc pas consommer plus de 0,35 mg/kg/jour (un steak de soja pour un adulte de 60 kg, un demi pour un enfant de 30 kg).</p>
<h2>Qu’observe-t-on en population ?</h2>
<p>Aujourd’hui, il semble que dans les pays asiatiques industrialisés, la <a href="https://www.indexmundi.com/g/r.aspx?v=31">fertilité est malmenée</a>. Ces populations consomment depuis toujours du soja, mais suite à la généralisation des aliments transformés, elles sont exposées depuis deux générations, de façon régulière, à d’importantes quantités d’isoflavones. Le problème est que l’on ne dispose pas de populations témoins pour réellement relier l’exposition aux isoflavones aux problèmes de fertilité.</p>
<p>Pas moins de cinq études ont cependant révélé l’existence <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18650557/">d’une corrélation</a> entre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26423741/">fortes teneurs en isoflavones</a> des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21958682/">fluides biologiques</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23820060/">l’altération</a> de la quantité et de la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31128434/">qualité du sperme chez l’homme</a>. Aucune ne permet d’exclure des effets synergiques entre les phytoestrogènes et d’autres perturbateurs endocriniens de l’environnement. Mais ces derniers étant présents partout, ces études restent pertinentes.</p>
<p>Côté femmes, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18396257/">trois cas cliniques de surconsommation de soja</a> ont été rapportés en 2008, avec des fibromes utérins, de l’endométriose, et pour celles qui étaient sous pilule contraceptive, un traitement perturbé. Tout est rentré dans l’ordre à l’arrêt du soja. Voilà sept ans, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24741329/">étude menée auprès de 11 688 Américaines</a> a montré qu’une consommation de 50 mg/jour d’isoflavones diminue la probabilité de donner naissance à un enfant. Des données <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26082480/">confortées l’année suivante</a> par le suivi d’un plus petit nombre de femmes. Il est alors observé un défaut de la phase lutéale, augmentant le risque de fausse couche, quand l’apport d’isoflavones s’accroit.</p>
<h2>Qu’en est-il des enfants ?</h2>
<p>S’agissant des enfants, et plus particulièrement des tout petits, on manque de données pour se prononcer. Si plusieurs équipes scientifiques se sont inquiétées des conséquences d’une alimentation à base de soja dans les premiers mois de vie, leurs résultats ne sont pas toujours probants.</p>
<p>Chez les petits garçons, il a par exemple été constaté une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19846109/">diminution du volume des testicules</a> après qu’ils aient été nourris par du lait à base de soja plutôt que par du lait maternel. Mais c’était aussi le cas à la suite d’une alimentation infantile à base de lait de vache.</p>
<p>Chez les petites filles, il a été noté un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21813368/">comportement de jeu</a> « moins féminin », mais aussi des différences dans la maturation des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29506126/">cellules vaginales et dans le volume utérin</a>. Enfin, trois études américaines font état de <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/34/1/148/5146638">règles plus douloureuses</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11497534/">plus longues</a> et anarchiques, mais aussi d’éventuels <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26565393/">fibromes de taille plus importante</a>, chez ces petites filles devenues femmes.</p>
<h2>Quelques conseils pour réduire les doses</h2>
<p>Si les plantes produisent des phytoestrogènes, c’est avant tout pour <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/62660/">limiter la reproduction de leurs prédateurs</a>. La présence dans l’alimentation humaine de ces composés, qui ressemblent à la principale hormone sexuelle féminine - l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Estradiol">estradiol</a>, n’est donc pas anodine.</p>
<p>Chez les jeunes femmes, les estrogènes sont utilisés à des fins contraceptives. Au moment de la ménopause, à condition que soit exclu tout risque de cancer du sein ou de l’utérus, ils permettent aussi de réduire les bouffées de chaleur et la perte osseuse. Toutefois, en pratique, ces hormones ou leurs analogues pharmaceutiques sont délivrés sur prescription médicale et ne sont pas laissés à la disposition de tous. Ce qui n’est pas le cas des phytoestrogènes…</p>
<p>Dans les faits, à travers une enquête de consommation conduite auprès de 270 femmes, et doublée de l’analyse des sources d’isoflavones dans l’offre alimentaire française, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31569435/">notre équipe a récemment conclu que 12 % des consommatrices de soja</a> avaient un apport d’isoflavones dépassant 50 mg par jour, et donc susceptible d’allonger la durée des cycles menstruels. Dans ces conditions, nous estimons qu’il est prudent de revenir aux préparations traditionnelles du soja, pour limiter les risques et profiter de ses bienfaits.</p>
<p>Concrètement, avant de consommer des graines de soja, il s’agit de les faire tremper dans une première eau, puis de les blanchir en commençant la cuisson dans de l’eau froide, et enfin de jeter cette deuxième eau. On le fait d’ailleurs, pour toutes sortes d’autres graines (haricots, pois chiches…).</p>
<p>À ce propos, notons que certains industriels de l’agroalimentaire proposent déjà des produits à teneur réduite en isoflavones, qui conservent de bonnes qualités nutritionnelles et gustatives. Et l’on ne peut qu’encourager la consommation de ces nouveaux aliments, qui permettent de s’affranchir des limites imposées aux autres préparations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine BENNETAU-PELISSERO a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine</span></em></p>
Parce qu’il renferme des composés homologues aux hormones sexuelles féminines, le soja ne doit pas être consommé à la légère. Mais à la juste dose, on peut tirer parti de tous ses bienfaits.
Catherine Bennetau-Pelissero, Professeur Physiologiste, endocrinologiste de la reproduction, pertubateurs endocrinien, nutrition, Université de Bordeaux
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2021-01-06T19:21:41Z
2021-01-06T19:21:41Z
Dans la plaine de Crau, l’empreinte des Romains se voit encore sur le sol et la végétation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373965/original/file-20201209-21-1mevu28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=318%2C2%2C875%2C547&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une bergerie de la plaine de Crau, datant du XIXe siècle et encore exploitée.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Roux/Maison de la transhumance</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où l’on invite souvent à « ré-ensauvager » nos paysages, on peut légitimement s’interroger sur la réussite de tels projets. L’emprise actuelle de l’humain sur la nature, mais aussi celle qu’il y a laissée dans le passé – comme les bergers romains quand ils gardaient leur troupeau sur les bords de la Méditerranée – rendent ce vœu peut-être illusoire.</p>
<p>On désigne comme « <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2351989419306031">écologie historique</a> » la discipline scientifique qui s’intéresse aux conséquences des activités humaines passées sur la composition et le fonctionnement des écosystèmes actuels. De nombreux travaux relevant de ce domaine ont déjà démontré la forte rémanence des perturbations anthropiques sur le très long terme.</p>
<p>Nos massifs forestiers sont ainsi toujours marqués dans leur composition floristique par la présence de villas romaines pourtant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-008-9229-4">abandonnées depuis plus de 1600 ans</a>. Et certaines prairies d’Europe du Nord voient encore leur constitution et leur richesse influencées par la densité des populations à l’âge du Fer, il y a plus de 2000 ans.</p>
<p>Mais dans leur très grande majorité, ces travaux ne concernent que le sol et la végétation d’une <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/05-1314">seule époque historique</a>, et pour un nombre très limité de sites. Ils ne permettent pas de reconstruire la dynamique temporelle de cicatrisation après l’abandon de ces anciennes occupations, ce que l’on appelle plus communément « le retour de la nature ».</p>
<p>En attendant de pouvoir voyager dans le temps, nous pouvons néanmoins le remonter à travers l’espace. Il faut pour cela qu’une activité humaine se soit répétée à l’identique sur une longue période en différents lieux d’un même habitat. Une telle collection de sites historiques proches permet alors d’étudier le retour de la végétation naturelle de sites ayant des dates d’abandon différentes. C’est un cas exceptionnel en écologie historique car de nombreuses pratiques anciennes ne se perpétuent pas sur le long terme. Elles disparaissent, se « modernisent » ou sont effacées par d’autres usages, empêchant leur enregistrement archéologique. Nous avons rencontré ce cas dans la plaine de Crau.</p>
<h2>Dans la plaine de Crau, la marque du pastoralisme</h2>
<p>Ancien delta de la Durance, la plaine de Crau est située dans le département des Bouches-du-Rhône entre la Camargue et l’étang de Berre, au sud de la chaîne des Alpilles. Elle est considérée comme la seule steppe d’Europe occidentale, un vaste espace couvert essentiellement d’herbes, encore appelé localement « coussoul » du latin « cursorium, l’espace que l’on traverse, que l’on foule du pied.</p>
<p>Plus que son sol maigre ou le climat méditerranéen qui y règne, ce sont plusieurs milliers d’années de pratique du pastoralisme associant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0959683609348841">pâturage ovin itinérant et feux courants</a> qui sont à l’origine de cette végétation. Au fil des siècles s’est donc constitué un écosystème unique au monde, abritant une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030147970500318X">très grande richesse biologique</a> hélas menacée aujourd’hui par l’installation de cultures intensives et de sites militaires ou industriels.</p>
<p>Pour abriter les troupeaux, des bergeries y ont été construites depuis l’époque romaine avec la présence systématique d’un enclos attenant pour trier, sélectionner ou encore soigner les bêtes. Ces bergeries ont été régulièrement abandonnées en fonction des aléas historiques locaux mais toujours reconstruites plus ou moins selon le même principe et en réutilisant bien souvent les matériaux des structures précédemment délaissées à proximité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1310312527318986752"}"></div></p>
<h2>Les anciens enclos comme marqueurs</h2>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1995_num_52_1_3152">Grâce à l’aide d’archéologues</a>, il a été possible d’étudier les sols et la végétation actuelle de plus d’une trentaine de sites utilisés durant l’époque antique (200 av. J.-C. – 475 apr. J.-C.) et l’époque moderne (> 1500 apr. J.-C.) entre les XVII<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles.</p>
<p>Pour la période des grandes invasions et durant tout le Moyen-âge (475 – 1500), l’instabilité politique n’a pas permis la création et l’occupation de bergeries. Nous avons étudié la végétation dans les anciens enclos de ces dernières, facilement repérables grâce à la persistance de murets ou de fondations en galets.</p>
<p>Au printemps, durant le pic de floraison, nous avons identifié l’ensemble des plantes d’une surface standard. Le sol a également été échantillonné à quelques centimètres de profondeur pour analyser des variables chimiques constituant des marqueurs des anciennes activités humaines, comme le taux de phosphore disponible ou de carbone organique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fondation d’une ancienne bergerie romaine dans la plaine de Crau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Henry/IMBE</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Carbone, phosphore et fertilité</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10021-020-00581-w">Nos résultats</a> ont montré que même après plus de 2000 ans d’abandon pour les sites de l’époque du Haut-Empire romain, la végétation est toujours marquée par les activités humaines anciennes au sein de ces enclos, comme si l’empreinte de la concentration des brebis refusait de s’effacer. La composition floristique change rapidement les décennies suivant l’abandon, mais elle reste finalement différente de la végétation steppique témoin où aucun enclos ne semble avoir été construit.</p>
<p>L’absence de retour au stade initial ou de « résilience » de cette végétation sur le très long terme peut alors s’expliquer par la rémanence des impacts de la concentration des brebis sur le sol.</p>
<p>Même après deux millénaires d’abandon, le sol des anciens enclos romains demeure significativement plus riche en carbone et en phosphore. Deux éléments apportés par les déjections des brebis durant leur concentration dans ces enclos. Les sécheresses récurrentes peuvent alors expliquer la très lente minéralisation de la matière organique excédentaire déposée.</p>
<p>Pour le phosphore, il est connu pour être peu mobile dans le sol, contrairement à l’azote qui est un élément nutritif prélevé très rapidement sous forme de nitrates par les plantes, ou lessivé par les précipitations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1103037331991416832"}"></div></p>
<p>La diminution très lente de ces éléments a pour conséquence une véritable succession d’espèces de plantes sur le très long terme. Les plantes typiques des enclos, qui aiment les sols très riches en matières organiques, laissent alors progressivement la place à celles typiques de la steppe lorsque la fertilité du sol diminue.</p>
<p>La cohabitation de ces différents types d’espèces mène à une sorte de « nouvel écosystème » dont la végétation est aujourd’hui encore significativement plus riche que la steppe alentour !</p>
<h2>Des perturbations rémanentes</h2>
<p>On comprend alors que ces résultats interrogent fortement la capacité des écosystèmes à revenir à leur état initial, après une perturbation finalement très légère à l’aune des pressions anthropiques contemporaines.</p>
<p>On peut ainsi se demander dans combien de temps la nature deviendra résiliente aux effets de l’agriculture industrielle ou de l’urbanisation rampante !</p>
<p>En matière de « ré-ensauvagement » comme de restauration écologique active des espaces naturels dégradés, il ne faut pas se fixer un état de référence figé tel une <a href="https://www.liberation.fr/evenements-libe/2020/09/21/liberer-ou-restaurer-la-nature_1800081">carte postale ou une peinture ancienne</a>. La très longue rémanence des perturbations, les évolutions socio-économiques ou climatiques actuelles semblent avoir à jamais changé la donne.</p>
<p>En revanche, la résilience globale de la nature est toujours à l’œuvre et de « nouvelles natures » vont s’offrir à nous. À l’image de celle des Romains dans la steppe de Crau, notre empreinte sera indélébile pour les millénaires à venir.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé en collaboration avec Frédéric Henry, ex-doctorant à l'Université d'Aix-Marseille, professeur de biologie au collège et au lycée</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arne Saatkamp a reçu des financements de la région PACA (pour le projet de recherche Gévoclé) et de l’Union européenne à travers le dispositif de coopération de voisinage CBCMED (pour le projet de recherche GREATMED).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thierry Dutoit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ré-ensauvager la nature est un projet irréalisable, tant la rémanence des perturbations anthropiques est forte, même des millénaires plus tard.
Thierry Dutoit, Directeur de recherches au CNRS en ingénierie écologique, Université d’Avignon, Institut méditerranéen de la biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université (AMU)
Arne Saatkamp, Maître de conférences, Aix-Marseille Université (AMU)
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tag:theconversation.com,2011:article/142858
2020-07-23T19:55:00Z
2020-07-23T19:55:00Z
En France, un enfant sur 30 est conçu par PMA
<p>Le premier « bébé-éprouvette » au monde, Louise Brown, fête ses 42 ans le 25 juillet 2020. La naissance de cette Anglaise signe une véritable révolution dans l’assistance médicale à la procréation (AMP ou procréation médicalement assistée, PMA). Cette technique permet en effet la fécondation d’un ovule par un spermatozoïde hors du corps de la femme, dans « l’éprouvette » du biologiste, <em>in vitro</em> selon le terme technique.</p>
<p>Jusqu’à cette première fécondation in vitro (FIV), les techniques d’AMP se cantonnaient à des inséminations « artificielles » (IA) qui consistent à déposer les spermatozoïdes du conjoint (IAC) ou d’un donneur (IAD) au niveau du col de l’utérus ou dans la cavité utérine pour qu’ils aillent féconder naturellement un ovocyte dans le corps de la femme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347938/original/file-20200716-27-16fo3i1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure actualisée issue Population & Sociétés, n°556, Ined, juin 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2018-6-page-1.htm">Ined, sur la base de données tirées de Groupement de l’étude des FIV en France (GEFF) ; ministère de la Santé ; registre FIVNAT ; Agence de la Biomédecine ; Insee -- État Civil</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Premier « bébé éprouvette » français, Amandine est conçue en 1981 et naît le 24 février 1982. Par la suite le <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2018-6-page-1.htm">nombre de FIV ne va cesser de croître</a> selon un rythme remarquablement linéaire (figure, courbe du bas). La proportion d’enfants conçus par FIV progresse de +0,5 % tous les 7 à 8 ans et c’est désormais plus de 2,5 % des enfants français qui sont conçus par FIV, soit 1 enfant sur 40.</p>
<p>En considérant l’ensemble des techniques d’AMP (insémination et fécondation in vitro, voir courbe du haut sur la figure), 3,4 % des enfants français sont conçus grâce à ces techniques (chiffres sur l’activité AMP de 2017 avec des naissances survenant en 2017-2018), soit 1 enfant sur 30. Pour illustrer ce que cela peut représenter : en moyenne, au sein d’une classe à l’école, on s’attend à avoir un enfant conçu par AMP.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise de La Rochebrochard a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) pour une recherche connexe sur les traitements de l'infertilité (StimHo).</span></em></p>
En moyenne, au sein d’une classe à l’école, on s’attend à avoir un enfant conçu par PMA.
Elise de La Rochebrochard, Directrice de recherche, Santé et Droits Sexuels et Reproductifs, Institut National d'Études Démographiques (INED)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/137921
2020-06-24T21:18:39Z
2020-06-24T21:18:39Z
Que se passe-t-il quand les huîtres avalent des microplastiques ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343284/original/file-20200622-54993-1bqydhn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous avons tous déjà vu ces images de tortues et mammifères piégés dans de gros déchets plastiques. On estime que chaque année, plus de <a href="https://www.wwf.org.au/news/blogs/plastic-in-our-oceans-is-killing-marine-mammals#gs.2sg3j2">100 000 mammifères marins meurent</a> par piégeage ou obstruction des voies respiratoires ou digestives par ces détritus.</p>
<p>Mais il ne s’agit que de la partie visible de l’iceberg, plus de 90 % des déchets plastiques dénombrés en mer étant des microplastiques <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0111913">inférieurs à 5 mm</a>. Pour la plupart invisibles, ils sont pourtant bien à l’œuvre !</p>
<p>Comparés aux macroplastiques, ces microplastiques sont plus nombreux. Puisqu’ils sont de petite taille et ont un comportement dans l’eau de mer proche de celui du plancton, ils peuvent être facilement ingérés, soit directement par les animaux, soit par la consommation de proies contaminées. On <a href="http://www.gesamp.org/site/assets/files/1275/sources-fate-and-effects-of-microplastics-in-the-marine-environment-part-2-of-a-global-assessment-en.pdf">retrouve désormais des microplastiques</a> chez une grande majorité d’espèces marines, quelle que soit leur position dans la chaîne alimentaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337348/original/file-20200525-106853-1oc2qum.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Microplastiques (particules, fibres, filaments, films) collectés en rade de Brest.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sébastien Hervé/UBO</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Du plastique partout</h2>
<p>Une fois ingérés, ces microplastiques peuvent <a href="https://doi.org/10.1016/j.marenvres.2015.09.009">obstruer le système digestif</a> ou simplement y transiter.</p>
<p>Quant aux plus petites particules plastiques – appelées nanoplastiques et non quantifiées en mer à l’heure actuelle du fait de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2016/en/c6en00008h#!divAbstract">difficultés méthodologiques</a> majeures –, leur taille nanométrique va leur permettre de passer au travers des membranes digestives et de migrer dans le système circulatoire, voire dans d’autres organes. On en a ainsi observé <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-10813-0">dans le cerveau</a> de petits poissons de laboratoire.</p>
<p>Un simple transit de microplastiques dans le tube digestif, de quelques heures à quelques jours, peut induire de grandes modifications sur la biologie de l’animal qui les a ingérés.</p>
<p>C’est ce nous avons voulu tester sur une espèce emblématique de nos côtes et de nos assiettes : l’huître creuse <em>Crassostrea gigas</em>.</p>
<p>Nous avons ainsi montré que l’exposition d’huîtres à des microparticules de polystyrène de 2 et 6 µm (taille proche des microalgues consommées par les huîtres), pendant deux mois dans des aquariums de laboratoire, <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1519019113">affectaient leur reproduction</a> : moins d’ovocytes produits (réduction de 40 %) et des spermatozoïdes nettement moins mobiles (réduction de 20 %) – un indicateur de leur qualité comme chez l’homme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337350/original/file-20200525-106842-e0mwih.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les huîtres ont été exposées à des microbilles de polystyrène pendant deux mois à la station expérimentale d’Ifremer à Argenton (Finistère).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rossana Sussarellu/Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La reproduction des huîtres perturbée</h2>
<p>L’huître est une machine à produire des gamètes, sa gonade pouvant atteindre 70 % de sa masse de chair. C’est sa stratégie pour assurer la survie de l’espèce car, sur des millions de descendants produits à chaque génération, seule une très faible proportion survit.</p>
<p>Mais qui dit forte production de gamètes dit besoin de beaucoup d’énergie. Et cette énergie vient de son l’alimentation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=913&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337351/original/file-20200525-106866-1ebtdi2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1147&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Présence de microbilles de polystyrène fluorescentes (de taille 2, 6 et 20µm) dans le tube digestif d’une huître après une exposition expérimentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au cours de nos expériences, nous avons observé la présence de microplastiques dans le tube digestif des huîtres exposées et une perturbation de leur digestion. S’en suit une limitation de l’entrée d’énergie que nous relions à la diminution du nombre de gamètes produits.</p>
<p>Mais qu’en est-il de la baisse de qualité de ces gamètes ?</p>
<p>À leur conception, les plastiques sont formulés à partir d’un ensemble d’additifs/plastifiants, qui peuvent être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749116313112">relargués dans le tube digestif</a>.</p>
<p>Dans notre expérience, c’est vraisemblablement une perturbation chimique de type endocrinienne qui aurait réduit la qualité des gamètes produits, comme le suggèrent le fonctionnement moléculaire des gamètes femelles et la modélisation des flux d’énergie dans les huîtres exposées.</p>
<p>Une fois collectés, les gamètes, ovocytes et spermatozoïdes, ont été mis ensemble dans de grandes éprouvettes remplies d’eau de mer pour réaliser une fécondation au laboratoire.</p>
<p>Les résultats montrent que la fécondité était en forte baisse, avec <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1519019113">40 % de moins de jeunes larves</a> produites issus des parents exposés aux microplastiques (par comparaison aux parents non exposés). Sachant que les 60 % des larves obtenues à partir des parents exposés étaient de moins bonne qualité : un retard de croissance qui a provoqué un décalage de six jours de la métamorphose des larves en juvéniles. C’est-à-dire six jours de vulnérabilité larvaire en plus dans le milieu naturel, juste avant cette étape cruciale durant laquelle les jeunes huîtres se fixent à leur rocher pour la vie.</p>
<h2>Sonner l’alerte</h2>
<p>Pour comprendre l’effet de pollutions sur un organisme et en suggérer les répercussions dans la nature, il est important d’analyser l’ensemble du cycle de vie de l’animal.</p>
<p>L’huître émet ses gamètes dans l’eau de mer où a lieu la fécondation. Les gamètes, une fois émis, doivent se retrouver – challenge terriblement difficile – pour féconder et donner naissance à des petits qui vont devoir affronter les aléas de leur environnement, dont les pollutions d’origine humaine.</p>
<p>Nous avons donc exposé les gamètes, les embryons et les larves d’huîtres à des micro et nanobilles de polystyrène. Contrairement aux microbilles testées de 2 micromètres, sans effet dans nos conditions d’expérience, les nanobilles de 50 nanomètres ont fortement perturbé les gamètes et les embryons ; leur petite taille leur permettant d’interagir avec les membranes biologiques.</p>
<p>Des nanoplastiques ont été observés par microscopie électronique collés à la surface des spermatozoïdes, ce qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749118329725">empêcherait leur mobilité nécessaire</a> pour féconder l’ovocyte.</p>
<p>Des embryons d’huîtres exposés pendant leurs premières heures de vie à ces mêmes nanobilles (dose : 0,1 µg par mL) avaient une coquille altérée et une croissance réduite de 10 %, comme le montre le montage photo ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337356/original/file-20200525-106848-130eeuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Larves d’huître (obtenues 24 heures après fécondation) observées en microscopie électronique à balayage. À gauche : la coquille normale d’une larve d’huître non exposée ; à droite : des aspérités et des trous à la surface de la coquille d’une larve d’huître après exposition embryonnaire (1h30) à des nanobilles de polystyrène de 50 nm.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kevin Tallec/Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À doses 10 à 100 fois plus fortes, le développement des embryons et des larves est très affecté avec de nombreuses malformations, allant jusqu’à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749118329725">arrêts complets de développement</a>.</p>
<p>Mais rassurons-nous, l’huître n’est pas en péril. Les concentrations testées dans ces travaux sont supérieures à celles relevées sur nos côtes bretonnes. Mais ce travail fait office d’alerte : si rien ne change, la quantité de déchets plastiques en mer <a href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/768">augmentera d’un facteur 10 en seulement 10 ans</a>.</p>
<p>Pour comprendre les conséquences de ces déchets sur la vie marine, il ne suffit pas de comprendre l’effet sur chaque espèce séparément. Par exemple, l’alimentation des huîtres n’est pas épargnée puisque le cycle de vie de petites algues (des diatomées dans nos expériences), consommées par filtration par les huîtres, est <a href="https://doi.org/10.1016/j.envpol.2019.04.093">apparu stressé et perturbé</a> dans leur phase de croissance après exposition à des nanoplastiques en laboratoire.</p>
<p>Ce n’est donc pas seulement sur l’huître qu’il faut étudier les effets, mais sur l’ensemble de sa proche biodiversité, à micro-échelle. À ce jour, très peu d’études ont initié de telles recherches. Parmi elles, on peut citer les travaux de <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.6b04496">scientifiques britanniques</a> : ils ont montré, en laboratoire, qu’un récif naturel façonné par l’huître plate, <em>Ostrea edulis</em>, était modifié une fois exposé à des microplastiques.</p>
<p>Il est donc important d’approcher la diversité de l’écosystème tout en considérant aussi celle des déchets plastiques : leur forte variabilité de taille, forme, aspérité ainsi que le type de <a href="http://www.gesamp.org/site/assets/files/1275/sources-fate-and-effects-of-microplastics-in-the-marine-environment-part-2-of-a-global-assessment-en.pdf">polymères et additifs les constituant</a> influencent leur devenir en mer et leur <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2018.00252/full">toxicité sur les organismes marins</a>.</p>
<p>Mieux comprendre toutes ces interactions et leurs conséquences constitue l’un des objectifs des travaux du groupement de recherche <a href="https://www.gdr-polymeresetoceans.fr/">« Polymères et océans »</a> qui fédère aujourd’hui les communautés scientifiques françaises travaillant sur les déchets plastiques en milieu aquatique.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www-iuem.univ-brest.fr/lemar/equipe/paul-pont-ika/">Ika Paul-Pont</a>, <a href="https://www-iuem.univ-brest.fr/lemar/equipe/tallec_kevin/">Kevin Tallec</a>, <a href="https://wwz.ifremer.fr/pollution/Laboratoires-et-cellules-d-expertise/Laboratoire-LEX/L-equipe/Rossana-Sussarellu">Rossana Sussarellu</a> et <a href="https://www-iuem.univ-brest.fr/lemar/equipe/gonzalez-fernandez-carmen/">Carmen González-Fernández</a> ont participé à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Huvet a reçu des financements de l’ANR (projet Nanoplastics), du Fond unique inter-ministériel et de communautés locales (CR Bretagne et PACA, CD29, CATPM, Brest Métropole) au sein du projet Microplastics2, et de la région Bretagne (cofinancement de thèse de K. Tallec). Il est membre du conseil scientifique du groupement de recherche « Polymères et océans ». </span></em></p>
Comment d’infimes résidus de polymères peuvent perturber la reproduction des huîtres creuses.
Arnaud Huvet, Chercheur en biologie marine, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130325
2020-01-21T19:04:18Z
2020-01-21T19:04:18Z
Jusqu’à quel point la pilule contraceptive est-elle efficace ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311180/original/file-20200121-117933-zlrp3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C25%2C5615%2C3707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous prenez la pilule « parfaitement », elle est efficace à 99,5 %.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Un tiers des femmes ayant recours à la contraception <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27373543">ont recours à la pilule</a> (en France, <a href="https://theconversation.com/la-pilule-premiere-methode-de-contraception-en-france-mais-pas-dans-le-monde-89207">près de la moitié des femmes l’utilisent</a>). Jusqu’à quel point celle-ci est-elle efficace ?</p>
<p>Il existe deux sortes de pilules contraceptives : la pilule combinée estroprogestative (ou mini-dosée), qui contient un œstrogène de synthèse et un progestatif de synthèse, et la pilule progestative (ou micro-dosée), qui contient uniquement un progestatif de synthèse.</p>
<p>Les efficacités respectives des deux sortes de pilules <a href="https://www.fpv.org.au/for-you/contraception/daily-contraceptive-pills/contraceptive-pill">sont généralement considérées comme similaires</a> : elles seraient de 93 % dans le cadre d’une utilisation typique (une prise ponctuellement manquée) et de 99,5 % dans le cadre d’une utilisation parfaite. Pourtant la plupart des preuves d’efficacité résultent de travaux menés sur la pilule combinée.</p>
<p>Que signifient ces chiffres et comment ont-ils été obtenus ?</p>
<h2>Utilisez-vous la pilule « parfaitement » ?</h2>
<p>Les protocoles visant à évaluer l’efficacité de la pilule ont consisté à demander à des femmes de <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=Retrieve&db=PubMed&dopt=Citation&list_uids=15325887">prendre leur pilule à la même heure chaque jour</a>. Les femmes qui ont respecté les règles édictées sans jamais se trouver à court de pilules ni manquer une prise quotidienne et sans avoir pris de médicament risquant de diminuer l’efficacité du contraceptif ont été considérées. Les femmes qui ont participé à ces études ont été considérées comme étant toutes aussi fertiles et « à risque » de grossesse.</p>
<p>Dans ces strictes conditions, les deux types de pilules s’avèrent efficaces à environ 99,5 %. Autrement dit, sur une période de 12 mois, cinq femmes sur mille risquaient de tomber enceintes malgré la prise de l’une ou l’autre des sortes de pilules.</p>
<p>Mais ces conditions ne sont pas représentatives de la vie quotidienne de la plupart des utilisatrices. Il est donc plus réaliste de considérer l’efficacité de chaque pilule dans le cadre d’une « utilisation typique ». Leur efficacité <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28245088">est alors de 93 %</a>, ce qui signifie que sept utilisatrices sur 100 tombent enceintes sur une période de 12 mois.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-pilule-premiere-methode-de-contraception-en-france-mais-pas-dans-le-monde-89207">La pilule, première méthode de contraception en France, mais pas dans le monde</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ce taux de 93 % reflète les aléas de la vie quotidienne : la pilule peut être oubliée, on peut venir à en manquer avant d’avoir pu obtenir une nouvelle ordonnance, une maladie peut entraîner des vomissements ou des diarrhées, provoquant ainsi le rejet du contraceptif… L’efficacité de la pilule peut aussi être diminuée par la prise d’autres médicaments (dont certaines <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27444983">préparations sans ordonnance à base de végétaux</a>).</p>
<p>En réalité, la probabilité de tomber enceinte en prenant la pilule se situe donc quelque part entre 93 % et 99,5 %. Cette efficacité peut s’améliorer avec le temps, à mesure que les utilisatrices s’habituent à prendre quotidiennement la pilule. Elle peut aussi être augmentée en conjuguant la prise de la pilule avec l’utilisation du préservatif (qui présente de plus l’avantage de prévenir les infections sexuellement transmissibles) et en utilisant des moyens de contraception d’urgence si la pilule a été oubliée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309211/original/file-20200109-138649-1ea5q0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La plupart des utilisatrices ne pourront pas prendre la pilule systématiquement à la même heure chaque jour sans jamais commettre d’impair.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Le timing est primordial</h2>
<p>Le mode d’action de la pilule combinée repose principalement sur l’arrêt de l’ovulation. Bien qu’il soit important de la prendre chaque jour à la même heure, cette pilule continuera à être efficace même si elle est prise avec 24 heures en retard, car l’ovulation sera malgré tout empêchée.</p>
<p>Moins souvent prescrite, la pilule progestative agit quant à elle principalement en épaississant la glaire du col de l’utérus, afin d’empêcher les spermatozoïdes de remonter dans l’utérus et les trompes de Fallope et d’éviter ainsi la fécondation de l’ovule.</p>
<p>Cet effet disparaît au bout d’environ 27 heures, ce qui signifie que la fenêtre de prise quotidienne est étroite : elle n’est que de 3 heures. Pour cette raison, l’efficacité de la pilule progestative risque généralement d’être plus proche des 93 % que des 99,5 %.</p>
<p>Les adolescentes et les jeunes femmes d’une vingtaine d’années sont susceptibles d’avoir un <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1110855">taux d’échec plus élevé</a> que les utilisatrices plus âgées. Ceci peut s’expliquer par une plus grande fertilité, ou par une plus grande difficulté à se souvenir de prendre la pilule chaque jour et à entreprendre les démarches pour faire renouveler leurs ordonnances.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle la pilule progestative est rarement prescrite aux jeunes femmes appartenant à ce groupe d’âge. On leur recommande généralement des méthodes plus efficaces, telles que dispositif contraceptif implantable ou une pilule combinée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309214/original/file-20200109-138677-dow2mk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un contraceptif intra-utérin peut être efficace jusqu’à dix ans après son implantation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>En règle générale, moins les utilisateurs d’un contraceptif ont de choses à faire pour s’assurer de son efficacité, plus cette dernière est élevée. Les contraceptifs réversibles à longue durée d’action sont de ce fait les <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1110855">méthodes de contraception les plus efficaces</a>, et ce partout dans le monde, car une fois mis en place leur efficience ne dépend plus du comportement de l’utilisatrice.</p>
<p>Ces dispositifs comprennent les implants contraceptifs, qui peuvent jusqu’à trois ans, et les dispositifs hormonaux ou intra-utérins en cuivre, qui durent respectivement jusqu’à cinq et dix ans. Ils sont efficaces à 99,5–99,95 % car une fois insérés, l’utilisatrice n’a pas besoin de se rappeler de faire quoi que ce soit. Cette simplicité peut en faire une alternative attrayante à la pilule pour les femmes qui souhaitent une méthode fiable.</p>
<p>Effets secondaires, risques associés, coûts, avantages supplémentaires… La décision d’opter pour l’un ou l’autre des dispositifs contraceptifs dépend de divers facteurs qui vont au-delà de la seule efficacité. Mais comprendre ce que signifie cette dernière et la façon dont elle est calculée constitue une étape importante pour faire un choix éclairé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deborah Bateson a participé à des réunions consultatives et a reçu un soutien pour assister à des événements éducatifs pour Bayer et MSD dans le cadre de son rôle de directrice médicale du planning familial en Nouvelle-Galles du Sud.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kathleen McNamee a participé à des réunions consultatives et a reçu un soutien pour assister à des événements éducatifs pour Bayer et MSD dans le cadre de son rôle de directrice médicale au Planning familial de Victoria.</span></em></p>
La pilule contraceptive n’est pas efficace à 100 %. Comprendre comment son efficacité est calculée et ce qu’elle signifie constitue une étape importante dans le choix d’un mode de contraception.
Deborah Bateson, Clinical Associate Professor, Discipline of Obstetrics, Gynaecology and Neonatology, University of Sydney
Kathleen McNamee, Adjunct Senior Lecturer, Obstetrics & Gynaecology, Monash University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/123305
2019-09-22T17:57:42Z
2019-09-22T17:57:42Z
Petite histoire du spermatozoïde : la Belle au bois dormant et les missiles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/292182/original/file-20190912-190007-16ostud.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C29%2C5945%2C3833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On a longtemps perçu le spermatozoïde comme un preux chevalier venant réveiller la princesse endormie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2ODMxMTU4MiwiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTA3NzY4MjE1NyIsImsiOiJwaG90by8xMDc3NjgyMTU3L2h1Z2UuanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzd">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Sujets sensibles, les spermatozoïdes intriguent, inquiètent ou inspirent. Produits dans les gonades mâles (les testicules), ce sont à l’origine des cellules sphériques (les spermatides), qui se transforment en cellules fuselées, propulsées par un flagelle – leur « queue ». Lors de la fécondation, l’union de deux cellules reproductrices, d’une part un spermatozoïde et d’autre part un ovocyte, rétablit la totalité du nombre de chromosomes et forme la cellule-œuf, qui se développera en embryon.</p>
<p>Cette fonction essentielle fait des cellules reproductrices un objet de préoccupation chez l’homme. Ce dernier surveille leur qualité et leur quantité avec la nervosité d’un conducteur, qui, l’œil sur la jauge, s’inquiéterait de ne pas arriver à bon port. Sa <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1084952116301045?via=ihub">capacité reproductrice</a> se voit en effet parfois affectée, lorsque des facteurs environnementaux tels que les perturbateurs endocriniens ou les métaux lourds diminuent la production ou la qualité des spermatozoïdes.</p>
<p>Peu surprenant donc qu’ils aient été dans l’histoire l’objet de tant de fantasmes et de métaphores. Antoni Van Leeuwenhoek, scientifique néerlandais, fut le premier à décrire la présence de spermatozoïdes dans le sperme en 1677, grâce aux améliorations qu’il fit du microscope. Ces « animaux » à mi-chemin entre le ver et l’anguille furent considérés par beaucoup comme des parasites présents dans la semence. Si le chercheur ne doutait pas de la portée biologique de sa découverte, il fallut attendre le XIX<sup>e</sup> siècle qu’Albert Kölliker – anatomiste et physiologiste suisse – montre que les spermatozoïdes n’étaient autres que des cellules produites par les testicules et que ces cellules fécondaient les ovocytes. Les spermatozoïdes y gagnèrent alors leurs premières lettres de noblesse.</p>
<h2>Animalcules et homoncules</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=495&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292188/original/file-20190912-190044-11y6vuo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Animalcules.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/daniel_friedman/24156578469/in/photolist-oBW7pV-ozLhgm-aMiXyP-XhJFwB-afKQmy-WPk1HA-XLNV6j-o7hnRA-Hyipmz-8BNq5T-XZ6i3M-KdJLCd-7cW22r-cvPTA5-28mdrKL-7tEabN-nGBztJ-XWjhHw-afKKW1-KbQnct-CNCMbe-X1MmU6-i5dsx9-7RRnTZ-XX6W5L-bC1rdY-9AC8EV-bQV8bc-D7tmfp-bC1rDh-Ug17Cp-WRtTma-2auP6dH-XPTASy-afKJFh-yz2Z6-HqmPto-YcrUfx-XX7dmo-UoSoXS-WYMzSe-afKLkm-59zYje-QwqxrH-Qwqwhi-Pqb2bz-BP6XJW-HZxm4U-YdfiMa-2dhZKeu">Daniel Friedman/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entre temps, les théories se sont succédé. À une époque, certains scientifiques virent même la forme d’êtres minuscules à l’intérieur de ces cellules flagellées qui se démenaient en tous sens : ce furent les homoncules (formes humaines minuscules) ou animalcules (animaux microscopiques). C’est en se fondant sur cette idée que N. Hartsoeker, biologiste et physicien néerlandais, expliqua qu’un fœtus tout entier se logeait <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01758382/document">dans la « tête » du spermatozoïde</a>. La description d’un nouveau-né, roulé en boule, dans la tête du spermatozoïde est devenue emblématique de la théorie de la préformation. Cette théorie affirmait que les êtres se développent à partir d’une version miniature d’eux-mêmes – contenant elles-mêmes des versions miniatures de leur descendance à venir.</p>
<p>Le développement était alors envisagé comme une simple croissance de l’individu, l’être étant préexistant : les bras, les jambes, le torse et la tête formés étaient déjà formés dans les cellules reproductrices. Une théorie qui eut la vie dure, avec deux variantes. Les spermistes ou animalculistes estimaient que les êtres miniatures étaient présents dans les spermatozoïdes. Pour les ovistes, ils logeaient au contraire dans les ovocytes. Dans le premier cas, le rôle de l’ovocyte se cantonnait à leur fournir de la nourriture. Dans le second, l’assaut du spermatozoïde visait à le réveiller pour l’obliger à commencer sa croissance.</p>
<h2>Exit le preux chevalier</h2>
<p>Nous avons désormais délaissé ces théories au profit d’une approche plus constructiviste : la fécondation est aujourd’hui perçue comme le fruit d’interactions entre les cellules. L’ovocyte apparaît de moins en moins passif, n’attendant plus du spermatozoïde qu’il pourfende la couronne de cellules qui entoure l’ovocyte, afin de réveiller ce dernier – <a href="http://www.slate.fr/story/173103/fecondation-spermatozoide-ovule-chevalier-belle-au-bois-dormant-mythe-sexisme-naturalisation-biologie">dans une analogie</a> avec une lascive belle au bois dormant secourue par son preux chevalier.</p>
<p>Le spermatozoïde et l’ovocyte interagissent dans un phénomène de reconnaissance mutuelle qui déclenche plusieurs événements : un « frisson » sous la forme d’une vague de concentration élevée de calcium se propage dans tout l’ovocyte ; le cortex de l’ovocyte réagit et bloque la pénétration de tout autre spermatozoïde ; le cycle cellulaire reprend et l’ovule entreprend la fusion avec le spermatozoïde.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=448&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292184/original/file-20190912-190016-1vxfiq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=563&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Balance des sexes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/daniel_friedman/24156578469/in/photolist-oBW7pV-ozLhgm-aMiXyP-XhJFwB-afKQmy-WPk1HA-XLNV6j-o7hnRA-Hyipmz-8BNq5T-XZ6i3M-KdJLCd-7cW22r-cvPTA5-28mdrKL-7tEabN-nGBztJ-XWjhHw-afKKW1-KbQnct-CNCMbe-X1MmU6-i5dsx9-7RRnTZ-XX6W5L-bC1rdY-9AC8EV-bQV8bc-D7tmfp-bC1rDh-Ug17Cp-WRtTma-2auP6dH-XPTASy-afKJFh-yz2Z6-HqmPto-YcrUfx-XX7dmo-UoSoXS-WYMzSe-afKLkm-59zYje-QwqxrH-Qwqwhi-Pqb2bz-BP6XJW-HZxm4U-YdfiMa-2dhZKeu">Daniel Friedman/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette reconnaissance est permise par l’existence de protéines à la surface de chaque cellule. On pense notamment à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3998876/">Juno et Izumo</a>, les plus célèbres. La première est essentielle à la fécondation – chez la souris, sa perte rend les ovocytes stériles. Mais elle agit de concert avec Izumo, son partenaire spermatique, dont le rôle est de faciliter la reconnaissance des deux cellules reproductrices et leur fusion.</p>
<h2>Missiles à têtes chercheuses</h2>
<p>S’il est à espérer que le récit chevaleresque de l’épopée des spermatozoïdes n’est plus qu’un lointain souvenir, une autre image persiste pourtant : celle qui associe la cellule reproductrice mâle au <a href="http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/03/22/les-spermatozoides-savent-calculer/">missile</a> à tête chercheuse : les récepteurs présents dans leur membrane plasmique le rendent en effet sensible à la chaleur ou à des molécules spécifiques. À l’image du missile guidé vers sa cible, le spermatozoïde traque ces signaux qui le conduisent vers l’ovocyte.</p>
<p>Le système qui propulse notre missile est le flagelle. Les mouvements de ce dernier peuvent résulter de mécanismes différents. Dans le cas des bactéries – qui en sont elles aussi dotées – ils sont assurés par la rotation de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6680979/">moteurs moléculaires</a>. La base du flagelle tourne sur elle-même, à l’image des hélices d’un hélicoptère.</p>
<p>Dans le cas des spermatozoïdes, le mouvement du flagelle est impulsé différemment : sa structure comprend des tubes microscopiques (les microtubules), qui glisser les uns contre les autres, provoquant des battements. L’amplitude, le rythme et l’orientation des battements des flagelles sont alors régulés. Dans certains cas de stérilité masculine, cette capacité de mouvement se voit altérée, entraînant un ralentissement voire une <a href="http://www.ajandrology.com/preprintarticle.asp?id=260431">absence de propulsion des spermatozoïdes</a>.</p>
<h2>Des spermbots contre la stérilité</h2>
<p>Les caractéristiques des cellules reproductrices mâles, comme leurs capacités de détection, de propulsion et de transport, continuent d’inspirer de nos jours. Désormais, c’est la nanomédecine qui s’y intéresse pour développer des <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/video-un-robot-qui-aide-les-spermatozoides-a-atteindre-l-ovule_30307">systèmes hybrides</a> de taille microscopique. Ces derniers intègrent les spermatozoïdes à des microstructures qui trouvent des applications dans le domaine de la procréation médicalement assistée ou de l’administration de médicaments. C’est par exemple le cas de micromoteurs <a href="https://www.sciencealert.com/new-spermbots-could-help-solve-infertility-by-acting-as-bionic-suits-for-sperm">appelés spermbots</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zchbyUW7VWw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un robot pour lutter contre la stérilité.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces mini-robots permettent par exemple aux spermatozoïdes d’exercer leurs fonctions quand leur nombre est trop petit ou qu’ils présentent de sévères défauts de mobilité : ces nanomachines peuvent être activées par un champ magnétique pour améliorer le guidage des spermatozoïdes vers l’ovocyte. À l’avenir, ils pourraient aussi conduire les médicaments dans des zones ciblées en évitant une propagation indésirable des agents pharmaceutiques dans tous les tissus de l’organisme.</p>
<p>Les spermatozoïdes deviendraient alors des missiles armés d’une charge pharmacologique ou médicament dans des stratégies ciblées de traitements des cancers du col de l’utérus, des ovaires ou de l’utérus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123305/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Bodart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Au cours de l’histoire, le spermatozoïde a intrigué et inspiré toutes sortes de théories et de métaphores sur sa nature.
Jean-François Bodart, Professeur des Universités, en Biologie Cellulaire et Biologie du Développement, Université de Lille
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2019-09-22T17:57:19Z
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Pourquoi créer des modèles embryonnaires à usage scientifique ?
<p>Depuis la modification de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687480&dateTexte=&categorieLien=cid">article L2151-5</a> du Code de la Santé publique en janvier 2016, la recherche sur l’embryon humain n’est plus interdite en France. Elle peut être entreprise dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et l’embryon peut être transféré à des fins de gestation. Ce type d’étude peut être assimilé aux recherches cliniques menées à d’autres étapes de la vie humaine.</p>
<p>En ce qui concerne les autres catégories de recherches, sur l’embryon la situation est différente : qu’il s’agisse de recherches fondamentales visant à accroître les connaissances ou de travaux dont l’objectif est la mise au point de nouveaux moyens diagnostiques ou thérapeutiques, les embryons sur lesquels sont menées ces études ne s’inscrivent pas dans un projet parental. Ils ne peuvent donc pas être transférés dans l’utérus à des fins de gestation, selon l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687479">article L2151-4</a> du Code de la santé publique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/292941/original/file-20190918-149001-16wpqgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les embryons congelés qui ne correspondent plus à un projet parental pourraient être utilisés pour la recherche, mais ils ne remplissent pas toujours les critères requis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/embryologist-pulls-out-dewar-liquid-nitrogen-1225484494">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les embryons utilisés pour ce deuxième genre d’investigations ont généralement été créés par fécondation in vitro (FIV). Il s’agit soit d’embryons qui ne sont pas transférés dans l’utérus, car leurs caractéristiques morphologiques indiquent qu’ils sont incompatibles avec un développement normal, soit d’embryons qui ont été conservés congelés, pour un éventuel transfert ultérieur dans l’utérus, mais pour lesquels les personnes qui sont à leur origine n’ont plus de projet parental et ont choisi de les donner à la science, plutôt que de les voir détruits. À la fin de l’année 2016, 19 354 embryons appartenaient à cette dernière catégorie, selon le bilan établi par l’Agence de la biomédecine (ils avaient été donnés à la recherche par 6090 couples).</p>
<p>On pourrait donc supposer que ces très nombreux embryons créés par FIV et qui n’ont pas d’autre avenir que la destruction sont largement suffisants pour satisfaire aux besoins de la science. C’est pourtant loin d’être le cas, pour plusieurs raisons.</p>
<h2>Accéder aux stades de développement les plus précoces</h2>
<p>Les embryons qui sont congelés après une FIV le sont au stade 4/8 cellules (2/3 jours) ou au stade <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-blastocyste-2538/">blastocyste</a>, composé d’une petite centaine de cellules (5 jours). Bien qu’il soit possible de les utiliser pour étudier certains des mécanismes cellulaires et moléculaires régulant le tout début du développement de l’être humain, leur emploi n’est pas toujours suffisant, notamment quand le projet de recherche a pour but d’étudier des stades plus précoces.</p>
<p>C’est le cas par exemple quand on veut étudier les phénomènes survenant immédiatement après la fécondation, au niveau de la première cellule embryonnaire (ou « zygote »), qui résulte de la fusion d’un spermatozoïde et d’un ovocyte. On sait que durant ce laps de temps, l’organisation du génome ainsi que les protéines nucléaires qui l’entourent subissent des modifications drastiques. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29720659">Largement inexplorées chez l’être humain</a>, elles jouent un rôle important dans l’activation et l’expression des gènes embryonnaires, qui ne commencent qu’au stade 4/8 cellules dans l’espèce humaine, soit plusieurs jours après la fécondation.</p>
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293018/original/file-20190918-187945-qpb5kw.gif"><figcaption>Développement de l’embryon au cours des 5 jours suivant la fécondation (avec l’aimable autorisation de Patricia Fauque).</figcaption></figure>
<p>Certains protocoles d’étude nécessitent donc d’intervenir au niveau du zygote. C’est précisément en travaillant à ce stade qu’une équipe britannique a pu déterminer le rôle déterminant d’une molécule appelée OCT4 <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28953884">dans la formation du blastocyste humain</a>. Après avoir rendu inactif, dans des zygotes humains, le gène servant à produire OCT4 grâce à des <a href="https://theconversation.com/a-laube-de-lage-des-nucleases-107754">« ciseaux moléculaires »</a>, les chercheurs se sont aperçus que la transformation desdits zygotes en blastocystes était compromise.</p>
<p>Pour pouvoir mener ce type d’études, il est donc souhaitable d’utiliser des modèles embryonnaires qui ne soient pas des embryons créés par FIV. Pourquoi ne pas mener ce type de recherche sur des modèles animaux ?</p>
<p>Parce que les phénomènes survenant après la fécondation se déroulent de manière différente chez les autres espèces, en particulier <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Epigenetic+regulation+in+development%3A+is+the+mouse+a+good+model">chez la souris</a>, animal utilisé le plus couramment comme modèle expérimental dans les laboratoires de recherche.</p>
<h2>Explorer de nouvelles approches</h2>
<p>Au cours des dernières années, les scientifiques ont par ailleurs vu s’ouvrir de nouvelles pistes de recherche pour étudier le développement embryonnaire au-delà du stade blastocyste. Cette période de la vie, auparavant inabordable pour les chercheurs car elle ne pouvait se dérouler qu’<em>in vivo</em> (dans l’utérus). Elle est aujourd’hui devenue accessible, grâce notamment aux connaissances obtenues sur les <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/cellules-souches-embryonnaires-humaines">cellules souches pluripotentes</a> (des cellules capables de générer tous les tissus d’un organisme), ainsi que grâce à de nouvelles techniques qui permettent de co-cultiver plusieurs types cellulaires en 3 dimensions, reproduisant ainsi un environnement plus proche de l’organisme embryonnaire que les cultures de cellules classiques.</p>
<p>Les premiers résultats acquis grâce à ces nouveaux outils chez la souris, se sont avérés prometteurs. Cependant, ici encore, il est inévitable d’entreprendre également ce type d’étude sur des modèles humains. En effet, le développement embryonnaire post-implantatoire (après implantation dans l’utérus) <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30038253">est différent chez la souris et chez l’être humain</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=660&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=660&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293020/original/file-20190918-187991-vvthtf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=660&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un exemple de système microfluidique.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, utilisant des cellules souches humaines pluripotentes mises en culture dans des chambres <a href="https://www.institut-pgg.fr/Comprendre-la-microfluidique_65.html">microfluidiques</a> (systèmes de culture contenant un réseau de micro-canaux, à l’échelle des cellules), des chercheurs américains ont récemment été capable d’étudier <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Controlled+modelling+of+human+epiblast+and+amnion+development+using+stem+cells">comment des éléments embryonnaires et extra-embryonnaires coopèrent à partir du 14ᵉ jour pour organiser le développement de l’embryon à ce stade</a>.</p>
<p>Ce type d’expérience est d’un grand intérêt pour appréhender comment se différencient et s’organisent les cellules et les tissus constituant le corps humain, et comprendre leurs dysfonctionnements éventuels.</p>
<h2>S’assurer de l’innocuité des nouvelles techniques</h2>
<p>Reste une dernière situation : celle où la recherche ne concerne pas directement les éléments embryonnaires eux-mêmes, mais a pour but d’évaluer les conséquences de manipulations faites en amont, sur les gamètes ou au moment de la fécondation. La mise au point de nouvelles techniques agissant sur les spermatozoïdes ou les ovocytes, tout comme celles modifiant les conditions de la fécondation, exigent en effet que leur innocuité soit vérifiée <em>in vitro</em> au niveau des embryons, avant de les transférer à des fins de gestation.</p>
<p>Au début des années 2000, déjà, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’était emparé de cette question complexe. Dans <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/avis067.pdf">son avis n° 67</a>, il se prononçait pour l’évaluation obligatoire des nouvelles techniques d’assistance médicale à la procréation (<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/assistance-medicale-procreation-amp">AMP ou PMA, procréation médicalement assistée</a>) avant leur mise en œuvre. Le comité soulignait notamment :</p>
<blockquote>
<p>« Cette mesure de bon sens, destinée à mettre fin à des errements antérieurs, soulève la question du devenir des embryons qui seront inévitablement produits par FIV dans le cours de ces procédures de validation, ce qui apparaît comme une exception motivée au principe général d’interdiction de produire des embryons humains par FIV à des fins de recherche »</p>
</blockquote>
<p>Malheureusement, à l’époque le législateur n’avait pas suivi le CCNE sur ce point et a édicté une interdiction totale. L’histoire de la vitrification des ovocytes nous montre à quel point cette attitude est intenable.</p>
<h2>La vitrification des ovocytes, un cas d’école</h2>
<p>Dans les années 2000, des médecins et des biologistes français avaient sollicité l’autorisation d’étudier et de développer une nouvelle technique de congélation ovocytaire : la <a href="https://www.em-consulte.com/en/article/977389#">vitrification</a>, qui a l’avantage de réduire les lésions cellulaires dues à la cristallisation de l’eau lors de la congélation classique, plus lente. En 1999, des chercheurs australiens et italiens avaient montré qu’il était possible d’obtenir la naissance d’enfants à partir de FIV utilisant des ovocytes vitrifiés. Dans notre pays, autorités administratives et ministère de la Santé n’apportèrent aucune réponse à la demande des scientifiques, au prétexte non clairement exprimé ni argumenté que ce type de recherche aurait pu entraîner la création d’embryons.</p>
<p>Il en résulta une controverse qui se manifesta dans les milieux médicaux, mais aussi dans les médias, d’autant qu’il était parfois avancé (à tort) que la vitrification des ovocytes supprimerait toute nécessité d’avoir recours à la congélation d’embryons. Finalement, le débat fut clos à l’occasion de la révision de la loi relative à la bioéthique en 2011 quand les parlementaires ajoutèrent à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687417&dateTexte=&categorieLien=cid">article L 2141-1</a> du Code de la Santé publique une disposition mentionnant que « la technique de congélation ultrarapide des ovocytes est autorisée. »</p>
<p>Si une nouvelle technique de congélation ovocytaire était mise au point demain, peut-on imaginer que son étude serait toujours interdite en France ? Qu’il serait nécessaire d’attendre qu’une nouvelle loi soit votée par le Parlement pour la valider ? Pour éviter un nouveau blocage, mieux vaudrait autoriser, à titre exceptionnel, la création d’entités embryonnaires comme cela devrait être le cas pour valider toute nouvelle technique de traitement des gamètes ou de FIV, chaque fois que la situation le justifie.</p>
<h2>Des recherches à encadrer</h2>
<p>Quelle que soit la nature des cellules qui sont à leur origine ou qui les composent, les entités embryonnaires évoquées ci-dessus ne peuvent être assimilées aux embryons créés par FIV dans le cadre d’un projet parental (et donc dans l’espoir d’être transférés à des fins de gestation). Ces entités sont en effet créées dans un but uniquement scientifique. Elles ne sauraient être transférées dans un utérus. Elles n’ont pas le même statut moral : ce ne sont pas des personnes potentielles.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lembryon-humain-est-il-une-personne-123113">L’embryon humain est-il une personne ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Afin de lever toute ambiguïté et de bien signifier leur différence avec les embryons, les chercheurs attribuent d’ailleurs à ces entités des noms différents : « embryoid », « gastruloid » ou encore <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28494856">« synthetic human entities with embryo-like features (SHEEFs) »</a> (<em>entités humaines synthétiques dotées de caractéristiques semblables à celles d’un embryon</em>). En France, le comité d’éthique de l’Inserm a proposé, dans sa dernière <a href="https://www.inserm.fr/recherche-inserm/ethique/comite-ethique-inserm-cei/groupes-reflexion-thematique-comite-ethique">note publiée début 2019</a>, que ces entités soient dénommées « Modèles embryonnaires à usage scientifique (MEUS) ».</p>
<p>Le fait que ces MEUS ne sont certainement pas des personnes, même potentielles, n’exclut cependant pas qu’ils devraient être traités avec tout le respect qui leur est dû. Pour cette raison, les recherches les utilisant devraient être encadrées selon une réglementation analogue à celle encadrant les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Un nouveau sujet de réflexion pour le législateur, à l’heure de la révision des lois de bioéthique.</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour en savoir plus :</em></strong></p>
<p><em>Jouannet P., Baertschi B., Guérin J.-F. (2019), <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/coeditions/recherches-sur-embryon-derive-ou-necessite">« Recherches sur l’embryon : dérive ou nécessité ? »</a>, éditions Inserm/Le Muscadier, coll. « Choc santé »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Jouannet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les progrès technologiques survenus ces dernières années permettent d’étudier le développement l’embryon comme jamais auparavant. Encore faut-il que la législation le permette.
Pierre Jouannet, Biologiste de la reproduction, professeur émérite, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/120113
2019-07-10T19:01:49Z
2019-07-10T19:01:49Z
Management : l’assistance médicale à la procréation reste un tabou pour les salariés
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/283326/original/file-20190709-44479-agym95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C80%2C905%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Presque un salarié sur deux reconnaît avoir eu recours au mensonge pour justifier les absences professionnelles nécessaires au traitement. </span> <span class="attribution"><span class="source">Imtmphoto / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les sphères professionnelles et privées ne sont pas hermétiques, et les entreprises ne peuvent plus ignorer ce qui est important pour leurs collaborateurs en dehors du travail. Cette capacité à accompagner les préoccupations personnelles des collaborateurs devient pour les entreprises un enjeu de gestion des talents. Les collaborateurs « bien dans leur travail » sont en effet moins absents, plus autonomes, plus mobilisés, plus créatifs, et ont des <a href="https://app.dimensions.ai/details/publication/pub.1001161099">meilleures relations</a> avec leur management et leurs collègues.</p>
<p>Au contraire, le refus de cette prise en compte par les entreprises peut provoquer une fuite des salariés, entraînant une <a href="https://theconversation.com/le-mal-etre-psychologique-au-travail-une-facture-economique-lourde-66751">augmentation des coûts</a> (turnover, absentéisme, etc.) et une baisse de la performance. Les entreprises doivent donc veiller à la motivation de leurs collaborateurs en faisant preuve de sollicitude à leur égard en cas de problèmes de santé, car la prise en compte des causes d’un stress ou d’un syndrome anxio-dépressif lié à la sphère personnelle permettra de limiter les conséquences négatives dans la vie professionnelle du collaborateur.</p>
<p>Les cas, de plus en plus nombreux, des salariés qui suivent un parcours d’assistance médicale à la procréation (AMP) illustrent particulièrement bien ce principe.</p>
<h2>Un couple sur cinq consulte</h2>
<p>En France et dans la plupart des pays industrialisés, les femmes conçoivent leurs enfants de plus en plus tard. Or, la fécondité naturelle des femmes baisse dès l’âge de 31 ans avec une diminution importante après 35 ans. Actuellement, un couple sur cinq consulte pour des difficultés à concevoir. En France, en 2018, un <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/28078/556_population.societes.juin.2018.amp.france.fr.fr.pdf">enfant sur 30</a> était né grâce à une technique d’AMP. Or, l’impact sur la vie professionnelle de ce parcours de soins, qui a un impact psychosocial important, reste méconnu et donc encore insuffisamment pris en compte par les entreprises, comme le montrent les résultats d’une <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-03/parcours_amp_en_france.pdf">enquête Ipsos pour Gedeon Richter</a> publiée en février 2019 et réalisée avec des médecins spécialistes de la reproduction et le <a href="https://bamp.fr/2019/05/17/1re-enquete-sur-le-vecu-des-couples-en-parcours-damp-en-france/">collectif BAMP</a> (Association de patients de l’AMP et de personnes infertiles).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283333/original/file-20190709-44448-tt04zt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’AMP génère un surplus de stress chez les patients lors de leur parcours de soin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photographee.eu/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette enquête est riche d’enseignements puisqu’elle permet de montrer les difficultés qui touchent nombre de collaborateurs des entreprises et donc d’aider celles-ci à mesurer la nécessité d’une plus grande considération et d’un accompagnement plus proche des salariés concernés.</p>
<h2>Des mensonges pour justifier les absences</h2>
<p>Au total, 63 % des personnes interrogées actuellement en parcours AMP considéraient que l’AMP avait des répercussions sur l’organisation de leur temps de travail et 52 % se déclaraient moins motivés pour aller travailler du fait de la baisse de leur bien-être au travail. Parmi les répondants, 55 % indiquaient une hausse importante de leur niveau de stress du fait du parcours.</p>
<p>Cette diminution de la motivation et du bien-être au travail ne peut laisser les entreprises et les managers indifférents quand on sait les leviers de performance que ces deux sentiments représentent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283320/original/file-20190709-44487-vjr61r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’étude « Vécu et perceptions du parcours en AMP en France ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-03/parcours_amp_en_france.pdf">Ipsos (Février 2019)</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, 50 % des patients jugeaient que l’AMP a un impact important sur la qualité de leur travail. Il est probable que les entreprises ne prenant pas en compte le parcours de leurs collaborateurs les poussent malgré eux à des comportements déloyaux : 46 % d’entre eux reconnaissaient par exemple devoir mentir pour justifier les absences professionnelles nécessaires au traitement, et seulement 54 % d’entre eux ont osé utiliser les autorisations d’absence prévues par la loi pour le protocole de soin en AMP, témoignant ainsi du peu de confiance qu’ils ont dans la compréhension de leur employeur.</p>
<p>Enfin, 35 % des personnes ont déclaré avoir préféré démissionner pour se consacrer pleinement à leur parcours, ne pensant peut-être pas pouvoir mettre toutes les chances de leur côté en conservant leur activité professionnelle dans le champ de contraintes posé par l’entreprise.</p>
<p>L’enquête a révélé un volet plus inquiétant encore qui reflète les réactions des entreprises et du management. En effet, seulement 58 % des répondants ont déclaré avoir ressenti de la compréhension de la part de leur employeur. En outre, 37 % d’entre eux déclarent avoir subi des pressions du management ou des collègues lors de leur parcours. Cette accumulation de réactions négatives dans le cadre de l’entreprise a conduit plus 35 % d’entre eux à changer d’employeur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/283468/original/file-20190710-44437-5m6ggq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de l’étude « Vécu et perceptions du parcours en AMP en France ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2019-03/parcours_amp_en_france.pdf">Ipsos pour Gedeon Richter (février 2019)</a></span>
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<h2>Bâtir une relation plus solidaire</h2>
<p>Cette enquête met donc en lumière le manque de prise en compte des entreprises à accompagner et à soutenir leurs collaborateurs dans ces moments émotionnels compliqués, alors même que ce soutien psychosocial et cette compréhension sont des leviers de performance importants.</p>
<p>Le désir d’être respecté et de faire l’objet d’une écoute attentive et bienveillante est devenu un désir fondamentalement humain qui ne peut être mis entre parenthèses dans le monde du travail. Aussi il faut remettre en question la marginalisation des affects dans l’entreprise pour les considérer comme devant faire l’objet d’une attention essentielle dans les relations professionnelles. Plutôt que le tristement fameux « laissez vos problèmes personnels à la maison », il faut envisager « vos problèmes personnels sont nos problèmes professionnels ». En observant l’impact des parcours en AMP sur la mobilisation des collaborateurs, il apparaît que ne pas s’adapter aux difficultés psychosociales des collaborateurs ne peut avoir qu’un impact négatif sur l’entreprise.</p>
<p>L’entreprise et son management doivent donc envisager une relation émotionnelle plus solidaire et bienveillante avec les collaborateurs pour pouvoir les mettre en confiance et générer un accompagnement bienveillant en cas de difficultés de santé. C’est par l’acceptation de cette vulnérabilité et la capacité à accompagner les collaborateurs en travaillant en collaboration avec la médecine du travail que les entreprises pourront minimiser l’impact de celles-ci et maintenir un degré de confiance et de bien-être au travail acceptable, synonyme d’engagement et d’efficacité sauvegardés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120113/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
À peine un salarié sur deux utilise les autorisations d’absence prévues par la loi pour ce protocole de soins qui génère pourtant un stress important.
Arnaud Lacan, Professeur de management - Chercheur au GREQAM AMSE - Titulaire de la Chaire AGIPI KEDGE « Le travail indépendant et les nouvelles formes d'entrepreneuriat », Kedge Business School
Blandine Courbière, Gynécologue-obstétricien, professeur des Universités, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/116074
2019-06-11T19:19:02Z
2019-06-11T19:19:02Z
Le cerveau, chef d’orchestre de la fertilité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/278985/original/file-20190611-32347-1j155xe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C6898%2C4585&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Outre les paramètres biologiques, le psychisme influe sur la fertilité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cropped-image-young-woman-sitting-on-705166822?src=pOfu1K0Ay10E8I-u7SBmLg-1-25">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le monde, environ 80 millions de couples sont concernés par l’infertilité, qui est définie par l’OMS comme l’absence de grossesse après plus de 12 mois de rapports sexuels réguliers sans contraception. Et le problème <a href="http://www.leparisien.fr/societe/l-infertilite-croissante-un-vrai-sujet-d-inquietude-03-11-2017-7369893.php">ne fait que s’aggraver</a>.</p>
<p>En France, près d’un quart des couples ne parvient pas à concevoir un enfant <a href="https://epidemiologie-france.aviesan.fr/epidemiologie-france/fiches/epidemiological-observatory-for-fertility-in-france">après 1 an de rapports sexuels non protégés</a>. Au bout de 2 ans, 8 à 10 % des couples sont toujours en attente de grossesse. Conséquence : dans l’Hexagone, 1 couple sur 6 consulte pour infertilité.</p>
<p>Depuis la naissance de Louise Brown, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/j-ai-ete-la-premiere-nee-d-une-science-qui-a-change-le-monde-louise-brown-le-premier-bebe-eprouvette-fete-ses-40-ans_2865111.html">premier bébé conçu par fécondation <em>in vitro</em></a>, le 25 juillet 1978, au Royaume-Uni, de nombreux progrès scientifiques ont été accomplis. Les couples touchés par des troubles de la fertilité <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/assistance-medicale-procreation-amp">peuvent aujourd’hui avoir recours à diverses solutions de procréation médicalement assistée (PMA)</a> : traitements hormonaux visant à favoriser la fécondation, insémination, fécondation <em>in vitro</em>, fécondation <em>in vitro</em> avec micro-injection (FIV-ICSI)… Grâce à elles, en 2014 un enfant français sur 32 avait été conçu par PMA (soit 25 208 naissances). On estime que chaque année dans le monde 350 000 enfants naissent grâce à la PMA, un nombre en constante augmentation.</p>
<p>Mais pour traiter l’origine des troubles de la fertilité, encore faut-il comprendre les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement du système de reproduction chez l’homme et la femme. Débutées initialement sur les organes génitaux et les gamètes, elles ont progressivement mené les chercheurs jusqu’au cerveau.</p>
<h2>Le cerveau joue un rôle central dans la reproduction</h2>
<p>Dans les années 1940, les scientifiques ont découvert que la fertilité dépend de l’hypothalamus, une glande située à la base du cerveau. Cependant, les chercheurs ne soupçonnaient pas, alors, à quel point le cerveau jouait un rôle central dans la fertilité. Les recherches menées en neuroscience ont progressivement révélé son importance.</p>
<p>L’hypothalamus régit et coordonne de nombreuses fonctions essentielles : la faim, la soif, la température corporelle, les cycles du sommeil, les émotions, le comportement sexuel et la fonction de reproduction. Cette dernière est contrôlée par des cellules nerveuses spécialisées, les neurones neuroendocrines. Ceux-ci produisent une hormone, la GnRH (<em>gonadotrophin-releasing hormone</em>, ou gonadolibérine), qui pilote la maturation sexuelle, l’apparition de la puberté, ainsi que la fertilité à l’âge adulte.</p>
<p>La GnRH assure ce rôle en provoquant la libération par l’hypophyse, glande située sous l’hypothalamus, de deux autres hormones : l’hormone lutéinisante et l’hormone folliculo-stimulante. Transportées par le sang jusqu’aux ovaires ou aux testicules, elles régulent la production des hormones sexuelles (œstrogènes et testostérone) ainsi que la production d’œufs matures et de sperme.</p>
<p>Mais si la fertilité est inscrite dans nos gènes, elle n’est pas figée à la naissance : les facteurs environnementaux peuvent fragiliser le cerveau et donc avoir un impact sur la fonction de reproduction, en affectant notamment la puberté.</p>
<h2>Un acteur sous influence</h2>
<p>On comprend encore mal comment se met en place la puberté, toutefois la découverte de diverses mutations au cours des dernières décennies a permis d’identifier quelques gènes impliqués dans ce processus. Cependant, seul le tiers environ des troubles de la puberté rencontrés peuvent être imputés à des modifications de ces gènes. En outre, les problèmes qui surviennent à cette période peuvent trouver leur origine bien plus tôt.</p>
<p>En effet, entre le premier et le troisième mois de vie, les nourrissons subissent une « mini-puberté » qui consiste en une première activation de l’axe reproducteur par le cerveau. Cette période, qui dure juste quelques jours, est critique pour le bon déroulement ultérieur de la maturation sexuelle et pour la puberté, qui surviendra des années plus tard.</p>
<p>On sait que cette étape cruciale repose sur la production de GnRH. Or des travaux récents ont montré que celle-ci est soumise à une régulation <a href="https://www.nature.com/articles/nn.4298">épigénétique</a>, c’est-à-dire qu’elle peut être modifiée par des facteurs changeant l’activité des gènes sans modifier l’ADN (et qui peuvent néanmoins être transmis lors des divisions cellulaires). Si la production de ces facteurs est perturbée, la GnRH ne peut pas être produite, quand bien même son gène est intact. Ce qui peut empêcher la maturation sexuelle…</p>
<p>Or ces dernières années un nombre croissant de travaux ont montré que certaines substances ou un mélange de substances pouvaient interférer avec les systèmes hormonaux, et avoir des effets néfastes : ce sont les fameux <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Environnement-et-sante/Perturbateurs-endocriniens">perturbateurs endocriniens</a>.</p>
<h2>Le stress, un perturbateur endocrinien sous-estimé</h2>
<p>Sucre, café, acides gras polyinsaturés, produits chimiques, tabac, ondes électromagnétiques, médicaments, obésité, chaleur… La liste des perturbateurs endocriniens est longue. Mais il existe un perturbateur endocrinien moins connu, peut-être parce qu’il se situe à la frontière du psychologique : le stress. Celui-ci est pourtant considéré par l’OMS comme l’une des causes des dysfonctions gonadiques d’origine centrale, tant chez l’homme que chez la femme.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27623482">Une étude publiée en 2016</a> par des chercheurs de l’université de Louisville, aux État-Unis, révèle ainsi que les chances de tomber enceinte seraient réduites de plus de 40 % chez les femmes ressentant un niveau important de stress au moment de l’ovulation. Les auteurs de cette étude soulignent la nécessité d’encourager le recours à des techniques de gestion du stress pour les femmes qui désirent un enfant.</p>
<p>Kira Taylor, épidémiologiste et responsable de ces travaux, <a href="https://www.healthywomen.org/content/article/can-stress-lower-womans-fertility">espère que ceux-ci</a></p>
<blockquote>
<p>« pourront provoquer la prise de conscience à la fois des médecins et du grand public que la santé psychologique et le bien-être sont aussi importants que les autres facteurs impactant la fertilité comme la tabagisme, la consommation d’alcool ou l’obésité quand il s’agit de concevoir un enfant ».</p>
</blockquote>
<p>Des causes psychiques (conscientes ou inconscientes) peuvent donc être sous-jacentes à une infertilité, que des causes médicales aient été identifiées ou non. </p>
<p>Divers scientifiques défendent de ce fait la nécessité de dépasser le clivage entre l’infertilité biologique et l’infertilité psychogène (causée par le psychisme). Ainsi Marianne Dollander et Sophie Lallié, chercheuses au laboratoire de psychologie de l’Université de Lorraine, <a href="https://www.cairn.info/revue-psychologie-clinique-et-projective-2010-1-page-145.htm">soulignent-elles que</a> « les facteurs psychogènes peuvent être sous-jacents à une infertilité organique, dont les explications médicales ne sont pas à remettre en cause. »</p>
<p>On peut espérer qu’à l’avenir une meilleure prise en compte des phénomènes psychologiques accompagnant l’infertilité, jusqu’ici peu considérés, permettra de trouver les réponses à certaines des questions sur la fécondité qui restent en suspens.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin : Alejandro S. et Godefroy A.-S., <a href="https://laboutique.edpsciences.fr/produit/1083/9782759822737/Infertilite%20et%20cerveau%20">« Infertilité et cerveau ? Des clés pour concevoir ! »</a>, EDP Sciences, à paraître le 20 juin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116074/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Dworczak ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le cerveau est un acteur central de la reproduction. Conséquence : si l’infertilité peut avoir des origines biologiques, le psychisme est également un paramètre à prendre en compte en cas de problème.
Fabien Dworczak, PhD, chercheur neurosciences et politiques publiques, Inserm
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/107484
2018-11-23T00:53:16Z
2018-11-23T00:53:16Z
Quel est le « bon » âge pour avoir des enfants ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246952/original/file-20181122-182056-ilfyu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C2488%2C1661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre contraintes professionnelles, amoureuses et biologiques, pas évident de déterminer le meilleur timing pour avoir des enfants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/fgmLRBlUIpc">Guillaume de Germain / unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des trois dernières décennies, l’âge moyen des parents n’a cessé d’augmenter. Les progrès de la science dans le domaine de la fertilité on permis aux gens de congeler leurs ovules ou leur sperme, et ainsi repousser le début de la vie parentale. De nombreuses grandes entreprises, telles qu’Apple, Facebook et Google, offrent désormais à leurs employés la possibilité de <a href="http://uk.businessinsider.com/egg-freezing-at-facebook-apple-google-hot-new-perk-2017-9">congeler leurs gamètes</a>, dans le cadre de leur programme de soins de santé. Il n’a jamais été aussi facile et socialement acceptable de <a href="http://www.leparisien.fr/informations/enceinte-apres-45-ans-mais-a-quel-prix-23-02-2016-5569285.php">retarder la naissance d’un enfant</a>. Mais est-ce une bonne chose ?</p>
<p>Trois points sont à considérer. Votre enfant sera-t-il en bonne santé ? Allez-vous tomber enceinte ? Combien cela vous coûtera-t-il ?</p>
<p>Les parents ont une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12058767">obligation morale</a> de donner à leur enfant le meilleur départ possible dans la vie. Mais les enfants nés de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15863534">mères</a> de plus de 35 ans et de <a href="https://www.nature.com/articles/tp2016294">pères</a> âgés de plus de 45 ans courent plus de risques que les autres d’être affectés troubles génétiques et neurodéveloppementaux, comme la schizophrénie et l’autisme. Ce qui pourrait évidemment affecter leur qualité de vie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246947/original/file-20181122-182062-5z79sb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L'horloge biologique ne s'arrête jamais…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Charlotte Walker</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, des parents plus âgés sont davantage susceptibles d’avoir besoin de recourir à des techniques de procréation assistée telle que la <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/sterilite-pma-infertilite/prise-charge-infertilite#text_8281">fécondation in vitro </a>(FIV). Or il existe un lien entre le recours à ces techniques et des risques d’accouchement précoce ou de poids plus faible à la naissance. Les bébés nés par fécondation in vitro sont également plus vulnérables <a href="https://doi.org/10.1093/humupd/dms062">aux maladies cardiovasculaires et métaboliques</a> plus tard dans leur vie.</p>
<p>Certains de ces risques liés à l’âge peuvent être réduits si les futurs parents congèlent leurs ovules ou leur sperme lorsqu’ils sont encore jeunes. En revanche, ceux liés à la FIV demeurent. Par ailleurs, lorsque la FIV est réalisée avec des ovules congelés, la technique utilisée est l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes, qui consiste à injecter le sperme dans l’ovule. Celle-ci peut <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1008095">augmenter le risque de malformations congénitales</a> chez les enfants. Le recours à l’injection intracytoplasmique de spermatozoïdes est également plus fréquente chez les hommes âgés, car la motilité de leurs spermatozoïdes <a href="https://doi.org/10.1016/j.arr.2014.10.007">est faible</a>. Encore une fois, ce n’est pas assurer à son futur enfant le meilleur départ qui soit dans la vie.</p>
<h2>Donc, vous avez décidé d’attendre</h2>
<p>Si souhaitez attendre avant d’avoir des enfants, vous n’êtes pas seuls dans ce cas.</p>
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<p>La plupart des couples parviennent à déclencher une grossesse après avoir essayé pendant un an. Néanmoins, un <a href="https://www.nhs.uk/conditions/infertility/">couple sur sept</a> rencontre des difficultés à concevoir – et, à cet égard, l’âge est un facteur important. En effet, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14704244">femme sur six</a> âgée de 35 à 39 ans ne parviendra pas à tomber enceinte au bout d’un an. Et si son partenaire a plus de 40 ans, ce chiffre tombe à plus d’une femme sur quatre.</p>
<p>La FIV est considérée par beaucoup comme une méthode de conception infaillible, mais son succès est lui aussi dépendant de l’âge des couples qui y ont recours. Pour une femme qui utilise ses propres ovules, le succès de la FIV après 40 ans est <a href="https://www.hfea.gov.uk/treatments/explore-all-treatments/in-vitro-fertilisation-ivf/">inférieur à 10 %</a>.</p>
<p>Un modèle informatique a récemment simulé les risques inhérents <a href="https://doi.org/10.1093/humrep/deh304">au choix de retarder la parentalité</a>. Si une femme de 30 ans décide de retarder le moment d’avoir un bébé jusqu'à 35 ans, ses chances de tomber enceinte diminuent de 9 %. Or dans ce cas, la FIV ne compensera ce risque que de 4 %.</p>
<p>Vous pouvez décider de <a href="http://www.slate.fr/story/164525/congelation-ovocytes-graal-maternite-chances-reussite-processus-medical-espoirs-fecondation-in-vitro">congeler vos ovocytes</a>. Parfait. Mais les femmes en produisent moins à mesure qu’elles vieillissent. Donc les femmes plus âgées peuvent avoir besoin de davantage de cycles de stimulation hormonale pour parvenir à stocker les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27031375">huit à dix ovules</a> nécessaires pour avoir une chance raisonnable d’avoir une naissance réussie – ce qui peut être extrêmement coûteux (<em>ndlr : en France, l'assurance maladie prend en charge <a href="https://www.youtube.com/watch?v=fMVJpsJK1VM">jusqu'à quatre FIV</a> <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01777930/document#page=69">avant 43 ans</a>, pour un coût unitaire moyen <a href="https://www.fiv.fr/cout-fiv/">estimé à 4 100 euros</a></em>).</p>
<h2>Combien cela va-t-il vous coûter ?</h2>
<p>Bien que la FIV en elle-même soit coûteuse, il existe d’autres coûts indirects importants lorsqu'on décide d'avoir un enfant.</p>
<p>La « pénalité salariale liée à la maternité » est souvent citée dans les <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/gadrey/2018/02/20/quel-role-joue-la-maternite-dans-les-inegalites-professionnelles-entre-les-femmes-et-les-hommes-1">discussions économiques sur l’effet de la maternité</a> sur la carrière des femmes. On désigne par cette expression la perte de revenus à laquelle les femmes sont confrontées en raison de leur grossesse puis <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281361">de leur maternité</a>. Certaines données suggèrent que les femmes peuvent <a href="https://doi.org/10.1007/s00148-009-0296-x">gagner plus</a> en retardant leur maternité du début de la vingtaine au début de la trentaine.</p>
<p>Mais cette pénalité salariale ne semble pas être sexospécifique. Suite à l’introduction du congé parental pour les pères par le gouvernement norvégien, en 1993, une étude a révélé un effet similaire (effet négatif sur les revenus des pères qui <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13524-013-0233-1">restent au foyer</a>.</p>
<p>En définitive, si vous choisissez de fonder une famille, vous subirez une baisse de revenus.</p>
<h2>Quand commencer ?</h2>
<p>Les données scientifiques sont claires. Si l’on tient compte de l’horloge biologique, le « bon » âge pour avoir un enfant est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1215541/">avant 35 ans pour les femmes</a> et avant 40 ans pour les hommes.</p>
<p>Plus de <a href="https://doi.org/10.1080/14647273.2018.1482569">75 % des jeunes sous-estiment</a> l’impact de l’âge sur la fertilité masculine et féminine. Or seuls <a href="https://doi.org/10.1007/s10815-018-1273-7">27 %</a> des médecins abordent le sujet avec leurs patients âgés de 18 à 34 ans qui évoquent leur souhait de retarder le moment d’avoir un enfant pour des raisons sociales. Une plus grande sensibilisation aux risques liés au fait de repousser le moment de devenir parents est donc nécessaire, et les médecins de famille devraient jouer un rôle plus proactif à cet égard.</p>
<p>En définitive, si vous voulez avoir un enfant, l’âge idéal pourrait être plus précoce que vous ne le pensiez…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Walker reçoit des financements du Fonds Clarendon pour son doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Suzannah Williams a reçu des financements du MRC.</span></em></p>
Le choix de l’âge auquel on aura des enfants n’est pas anodin, et de nombreux paramètres doivent être pris en compte pour déterminer le meilleur moment…
Charlotte Walker, DPhil Candidate in Women's and Reproductive Health, University of Oxford
Suzannah Williams, Principal Investigator, University of Oxford
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/92454
2018-04-09T04:14:12Z
2018-04-09T04:14:12Z
La famille « naturelle » existe-t-elle ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212704/original/file-20180329-189801-1rvhjiw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=181%2C129%2C5320%2C3086&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procréation médicalement a multiplié les nouvelles formes de famille. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/44XRowmXF24">Gift Habeshaw/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Il existe aujourd’hui toutes sortes de familles. Certaines sont volontiers désignées comme biologiquement « naturelles », celles composées d’un couple (père et mère) vivant sous le même toit, avec un ou plusieurs enfants leur étant génétiquement liés. Dans d’autres familles, le lien biologique est moins fort, ou absent. Il s’agit des familles adoptives, recomposées après un divorce, monoparentales ou homosexuelles.</p>
<p>Mais au fond, cette famille dite naturelle existe-t-elle vraiment ? Et surtout, que signifie cette expression ? C’est l’une des questions que nous avons soulevées lors de la journée éthique sur le thème familles et parentalités, organisée par MGEN le 24 janvier à Paris.</p>
<p>Car la prochaine révision des lois de bioéthique devrait encore modifier la donne. Le législateur devra en effet trancher sur l’élargissement, ou non, des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) <a href="https://theconversation.com/debat-pma-pour-toutes-une-etape-societale-qui-reste-a-consacrer-dans-le-droit-80773">aux couples de même sexe et aux femmes célibataires</a>. Une décision qui aura, dans les deux cas, des répercussions sur la notion de famille.</p>
<p>Les citoyens sont d’ailleurs invités à poster leurs propositions <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/project/procreation/presentation/presentation-12">sur le thème « procréation et société »</a> via le site des États généraux de la bioéthique, dont la consultation en ligne est ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai.</p>
<h2>Des techniques d’AMP plus ou moins artificielles</h2>
<p>Avec le développement des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) dans les années 1970, un élément artificiel s’est glissé dans un acte de procréation jusqu’ici naturel. Cet élément d’artificialité consiste en différentes interventions techniques qui vont du moins artificiel au plus artificiel.</p>
<p>L’éventail de l’aide médicale à la procréation se déploie ainsi de l’insémination pratiquée dans le cabinet du médecin à la fécondation <em>in vitro</em> (FIV), réalisée en laboratoire. Pour la FIV, deux techniques sont possibles : soit les ovules et les spermatozoïdes sont simplement mis en contact dans une boîte de Petri (un contenant cylindrique transparent), soit un spermatozoïde est choisi et introduit dans l’ovule à l’aide d’une pipette. Cette étape est suivie de l’implantation dans l’utérus de la femme d’un ou deux des embryons conçus, le surplus étant éventuellement congelé. Il est possible de concevoir ces mêmes embryons avec les gamètes (ovocyte ou sperme) d’un donneur, qui doit rester anonyme par la loi, ou bien encore d’accueillir dans l’utérus de la femme des embryons donnés par un autre couple.</p>
<p>Bien d’autres possibilités sont techniquement envisageables, même si elles sont interdites aujourd’hui en France. Par exemple, la fécondation <em>in vitro</em> ou le transfert d’embryon <em>post mortem</em>, c’est-à-dire après le décès du père. Ou encore la gestation pour autrui, c’est-à-dire l’utilisation de l’utérus d’une femme porteuse, éventuellement associée à un don d’ovocytes par une autre femme.</p>
<h2>« Ce qui arrive en dehors de l’action de l’homme »</h2>
<p>Tous ces modes de conceptions sont artificiels, si l’on retient la définition du naturel donnée par le philosophe britannique <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Stuart_Mill">John Stuart Mill</a> en 1874, <a href="http://www.earlymoderntexts.com/assets/pdfs/mill1873b.pdf">dans son texte sur la nature</a> : est naturel « ce qui arrive en dehors de l’action, ou en dehors de l’action volontaire et intentionnelle, de l’homme ». En ce sens, d’ailleurs, dans la mesure où elles s’opposent aux pathologies, hélas, naturelles, les interventions médicales sont toutes artificielles.</p>
<p>Mais dans l’esprit de la première loi française de bioéthique, votée en 1994, l’élément artificiel lié aux techniques doit être compensé, voire même neutralisé, par le caractère naturel du noyau familial que cette conception viendrait compléter. L’accès à ces techniques est ainsi réservé à un couple formé d’un homme et d’une femme, vivants et en âge de procréer, comme indiqué <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">dans le Code de la santé publique</a>. Comme l’affirme le Conseil d’état en 2009 dans <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/094000288.pdf">son rapport préparatoire à la deuxième révision des lois de la bioéthique</a> survenue en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Ainsi conçue, l’assistance médicale à la procréation n’a pas eu pour objet de créer un modèle alternatif à la procréation : la fonction “naturelle” de la procréation est le modèle sur lequel l’assistance médicale à la procréation a été calquée, autant que faire se peut. »</p>
</blockquote>
<p>D’après cette approche, l’acte médical ne fait que remédier à une infertilité pathologique. La formulation de la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687420&dateTexte=20110311">a été modifiée en 2011</a> pour ne laisser aucun doute sur ce point et insister sur « le caractère pathologique de l’infertilité » qui doit être « médicalement diagnostiqué ». Il s’agit de reconstituer non la nature en tant que telle – on sait qu’elle produit, outre la stérilité, les pathologies les plus atroces ! –, mais la « bonne nature », ce que la nature est supposée faire de mieux.</p>
<h2>Le concept normatif de famille naturelle : un enfant issu d’une relation d’amour entre un homme et une femme</h2>
<p>Le modèle actuel de l’AMP s’appuie donc sur une définition implicite de « nature » comme concept normatif : un enfant issu spontanément d’une relation d’amour entre un homme et une femme. Selon cette interprétation du mot « naturel », même l’absence de lien génétique entre un des parents d’intention et l’enfant (en cas de fécondation avec gamètes de donneurs), ne rend pas la famille construite par le biais de l’AMP moins « naturelle », à la condition que l’intervention du donneur puisse être oubliée.</p>
<p>Deux artifices permettent d’y parvenir. Le premier est de nature légale, c’est le principe de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006686063&dateTexte=&categorieLien=cid">anonymat des donneurs de gamètes</a> qui vise <a href="https://theconversation.com/don-de-sperme-anonyme-la-cour-europeenne-des-droits-de-lhomme-va-t-elle-bousculer-la-france-84172">à renforcer le noyau familial construit avec l’aide de la médecine</a>. Le don de sperme est ainsi conçu sur le modèle du don de sang, en faisant abstraction du contenu du matériel génétique. Les parents d’intentions et les professionnels privilégient l’anonymat, du moins en France, au nom de la préservation de la famille naturelle, dans le sens que nous avons dit.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212707/original/file-20180329-189830-1d4ojz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mère et fille, à Montréal au Canada.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/cykFL7IQCTk">London Scout/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un second montage tend à renforcer le caractère naturel de cette conception assistée par des moyens artificiels. Les Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme (CECOS), institutions publiques chargées de gérer les dons de gamètes, pratiquent, conformément à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035138350">leur code de bonnes pratiques</a>, des « appariements » sur la base de l’apparence physique des parents d’intention et du donneur, ainsi que de leurs groupes sanguins. Là où la réglementation ancienne estimait cet appariement « souhaitable », depuis 2017 il doit seulement être « proposé, dans la mesure du possible et si le couple le souhaite ». Ce procédé facilite la ressemblance entre l’enfant et ses parents d’intention et donc, le secret des parents sur le mode de conception. Secret qui à son tour permet de remplacer la naturalité biologique et génétique défaillante par une naturalité acculturée et normative.</p>
<h2>L’AMP, pensée sur le modèle de l’adoption</h2>
<p>Pour que ces nouvelles techniques soient mieux apprivoisées, l’AMP a été au début pensée sur le modèle de l’adoption. Garder le secret sur l’adoption était encore répandu dans les années 1980, quand les premières AMP ont eu lieu ; rappelons aussi que l’acte de naissance originaire <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425973&dateTexte=&categorieLien=cid">est considéré comme nul en cas d’adoption plénière</a>. L’idée d’un effacement des origines de l’enfant a pu facilement prospérer d’un champ à l’autre.</p>
<p>De plus, dès la première loi de bioéthique, en 1994, une disposition a été introduite pour permettre aux équipes de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072665&idArticle=LEGIARTI000006687436&dateTexte=&categorieLien=cid">refuser la mise en œuvre de l’AMP</a> « dans l’intérêt de l’enfant à naître ». Cette disposition a été introduite dans le but de se rapprocher de la procédure de l’adoption, tenue depuis longtemps pour un moyen de greffer dans un noyau « naturel » un élément étranger, par un acte de la volonté conjugué à un contrôle judiciaire. L’accès à l’adoption est cependant plus large que l’accès à l’AMP, puisque des femmes seules ou au-delà de l’âge de procréer peuvent y accéder.</p>
<p>Dans l’adoption, encore plus que dans l’AMP, ce n’est pas tant le statut des parents potentiels qui est le centre de l’attention, mais leur compétence à assurer le bien-être de l’enfant. Pour le garantir, des enquêtes sociales, souvent intrusives, conditionnent encore aujourd’hui l’agrément des parents adoptifs. Et le juge ne peut prononcer l’adoption que s’il estime qu’elle est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006425951&dateTexte=&categorieLien=cid">« conforme à l’intérêt de l’enfant »</a>.</p>
<h2>L’adoption internationale a facilité la fin du secret</h2>
<p>Or, l’adoption a évolué depuis l’analogie initiale entre l’AMP et l’adoption. L’adoption internationale, qui concerne des enfants d’origine ethnique différente de celle des adoptants, souvent plus visible, s’est développée. Elle a facilité la fin du secret que les parents d’intention pouvaient être tentés d’entretenir sur le fait même de l’adoption. Par ailleurs, depuis 2002, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) a ouvert la possibilité aux enfants adoptés et pupilles de l’État de demander à avoir accès à leurs « parents de naissance », autrement dit <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074069&idArticle=LEGIARTI000006796688&dateTexte=&categorieLien=cid">à leurs origines génétiques</a>. L’adoption apparaît donc comme un processus de « naturalisation » transparent d’un enfant ayant une histoire biologique et culturelle différente.</p>
<p>Ne serait-il pas souhaitable que l’AMP se rapproche maintenant du paradigme de l’adoption, comme mode de création d’un lien parental par « intégration » progressive de l’enfant dans un milieu qui lui est au départ étranger ? Une précaution s’impose néanmoins. Si le modèle de l’adoption peut nous inspirer comme processus de « naturalisation » des liens familiaux, la procédure juridique de l’adoption ne doit pas servir, en tant que telle, à établir la parenté dans le cas où l’enfant est né par AMP avec don de gamètes. En effet, reconnaître la filiation d’un enfant à la conception duquel une personne a contribué, fût-ce par son seul engagement et sans apport génétique, ne doit pas être confondu avec l’assimilation familiale, par voie d’adoption, d’un enfant abandonné après sa naissance et accueilli dans un nouveau foyer.</p>
<p>L’analogie entre l’AMP et l’adoption est aujourd’hui facilitée par deux changements majeurs dans la société, qui contribuent à la « relativisation » de la famille « naturelle », au sens normatif du terme, et favorisent le pluralisme des modèles familiaux. D’une part les familles recomposées, liées aux divorces désormais très courants, sont plus vastes que le noyau biologique, mais fonctionnent pourtant en tant que familles. D’autre part, les couples homosexuels, dont le droit à faire famille a été reconnu par la loi en 2013, ne peuvent pas concevoir un enfant en tant que couple par les voies biologiques normales – même si, bien sûr, un des membres de ce couple peut en être le géniteur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212705/original/file-20180329-189798-1fz6dnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Deux pères, une famille.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/EB2wvXfXT_M">Ethan Hu /Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de ces évolutions, il serait possible et souhaitable de revenir à l’analogie qui a été fondatrice entre AMP et adoption. Remettre le modèle de l’adoption au centre d’une nouvelle approche de l’AMP permettrait d’interpréter la famille « naturelle », non à partir de liens génétiques et biologiques, réels ou potentiels, mais à partir d’un processus de « naturalisation » des liens familiaux entre les parents, qu’ils soient biologiques ou d’intention, et leurs enfants.</p>
<h2>Des familles « naturelles » aux familles adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles</h2>
<p>Ce processus est nécessaire non seulement dans les familles dans lesquelles le lien biologique est absent ou moins fort – adoptives, recomposées, monoparentales, homosexuelles – mais également dans les familles biologiquement « naturelles ». Chaque famille en effet se fonde sur des habitudes communes et un partage quotidien de lieux, de ressources et d’affects.</p>
<p>De ce point de vue, le lien génétique et biologique peut être dans certains cas un facteur facilitateur. Sans aller jusqu’à l’idée que des personnes qui partagent des liens génétiques auront plus d’affinités dans leurs goûts, aptitudes et comportement, la connaissance du lien génétique et biologique peut être important symboliquement pour les membres d’une famille. Il leur offre une sorte de « mise de départ » sur laquelle chaque membre peut, s’il le désire, s’appuyer pour construire ce contexte commun. Toutefois, ce lien génétique avec l’un ou les deux membres du couple ne permet pas de faire l’économie de ce processus de « naturalisation », d’apprivoisement et d’adoption réciproque.</p>
<p>Mais dans quel sens s’agit-il d’une « naturalisation » et pas simplement d’une « acculturation » ? Il nous semble que le terme de « nature » reste une référence importante pour réfléchir à la question de la procréation aujourd’hui. Mais on peut pourtant puiser dans d’autres significations de ce terme que celle de « qui n’est pas artificiel », ou « ce qui n’est pas fait par l’homme ».</p>
<h2>La « nature » dans le sens de « normal », « coutumier »</h2>
<p>Premièrement, comme la tradition pragmatiste l’a mis en évidence, le terme de « nature » possède également le sens de « normal », « coutumier ». On peut citer à ce propos une définition du naturel donnée dans un dictionnaire du XVIII<sup>e</sup> siècle : « On demande ici dans quel sens on dit, parlant d’une sorte de vin, qu’il est <em>naturel</em>, tout vin de soi étant artificiel ; car sans l’industrie et le soin des hommes il n’y a point de vin […]. Quand donc on appelle du vin <em>naturel</em>, c’est un terme qui signifie que le vin est dans la constitution du vin ordinaire [tel] qu’on n’y ait rien fait que ce qu’on a coutume de faire à tous les vins qui sont en usage dans le pays et dans le temps où l’on se trouve » (Étienne Bonnot de Condillac, Dictionnaire des synonymes de la langue française, 1758-1767). Or, la notion même de famille « naturelle », au sens de « normale », a évolué pour se détacher du modèle classique du couple hétérosexuel ayant un enfant génétiquement apparenté.</p>
<p>Deuxièmement, le terme naturel peut également signifier ce qui est spontané et non affecté, comme dans l’expression « une grâce naturelle ». Un comportement est naturel dans ce sens-là quand « on n’essaie pas de le contrôler ou de le dissimuler », comme l’écrit le philosophe John Stuart Mill, cité plus haut. La caractérisation des liens familiaux comme « naturels », malgré l’invraisemblance biologique (couple de même sexe, procréation <em>post mortem</em>) ou l’absence de liens génétiques (procréation avec donneur), permet de mettre l’accent sur un élément fondamental de ce qui constitue famille : son « intimité ».</p>
<p>Il s’agit du fait que, quand on est membre d’une famille, certains comportements, attentes et sentiments vont de soi, sans nécessiter un effort particulier. Dans la mesure où toute intimité familiale est en partie construite, elle est fragile. Même les liens génétiques ou biologiques ne suffisent pas à éviter les déchirements et les ruptures. La naturalisation, processus nécessaire à la construction de l’intimité familiale, peut être ardue, comme les parents adoptifs le savent bien. Une famille peut être dite naturelle dans ce sens par degrés. Cette forme de naturalité renvoie également à un concept normatif – pas au sens d’une norme sociale mais d’une forme « d’être bien », subjective, indicible et quotidienne.</p>
<h2>La liberté d’avoir accès à ses origines génétiques</h2>
<p>Cette analogie retrouvée entre les familles non naturelles – entendu ici dans le sens biologique ou génétique du terme – que l’AMP permet de créer, et les familles adoptives aurait quelques conséquences importantes et positives, sous réserve d’éviter tout amalgame quand il est question des manières d’établir les liens de filiation.</p>
<p>Premièrement, il faudrait donner la liberté aux enfants conçus dans le cadre d’une AMP avec les gamètes d’un donneur, <a href="https://theconversation.com/debat-les-personnes-concues-par-un-don-de-sperme-doivent-pouvoir-connaitre-leurs-origines-91720">d’avoir accès à leurs origines génétiques</a>, tout comme c’est le cas pour les enfants adoptés. Il s’agit moins de conforter l’existence d’un droit « créance » des enfants à l’égard de leurs géniteurs, que de leur donner la liberté de construire leur identité à partir des morceaux de réalité et de représentations auxquels ils souhaitent se rattacher, au fur et à mesure <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/hast.346">qu’ils construisent leur identité personnelle</a>. On oppose souvent à cet argument que les enfants adoptés souhaitent avoir accès à leur « histoire » et non aux données génétiques. Or, selon les <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?page_id=4387">témoignages rassemblés par l’association Procréation médicalement anonyme</a>, qui milite pour l’accès aux origines, il semblerait que <a href="http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100872840">tout comme les enfants adoptifs</a>, les enfants issus de donneurs sont intéressés, <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2009-5-p-82.htm">non par les données génétiques</a>, mais par les raisons du don ainsi que l’apparence et la personnalité du donneur. Les travaux de la sociologue Cécile Ensellem vont dans ce sens, comme indiqué dans son article publié en 2004 sous le titre « Les lois concernant l’accès aux origines des personnes nées sous x et par assistance médicale : des révélateurs d’une définition de l’individu ? ».</p>
<p>La deuxième conséquence d’un prolongement de l’analogie entre l’AMP et l’adoption est l’accent mis sur l’intérêt de l’enfant. Cette notion est entendue de manière souple, évolutive, et ancrée dans des situations singulières, plus que sur des types abstraits de situations, de couples ou de familles. En effet, l’intérêt de l’enfant dépend moins du « type » de famille concernée, de la sexualité des adoptants ou de leur conjugalité, que de l’« environnement parental soutenant », pour reprendre les termes de la loi britannique, dans lequel un enfant vient à naître et à grandir.</p>
<p>Certes, ces critères ne sont pas faciles à définir, mais une réflexion de la société pourrait être engagée à ce sujet. Si, comme l’affirmait la sociologue Irène Théry lors de la journée éthique Familles et parentalités organisée par MGEN, c’est la présence de l’enfant et non le mariage qui fonde la famille contemporaine, alors il faudra le remettre au centre des préoccupations de manière concrète, sans se camoufler derrière des standards généraux ou des préjugés. Ce n’est pas un hasard s’il y a aujourd’hui des chercheurs qui vont jusqu’à soutenir que tout parent, y compris ceux qui font des enfants sous la couette, devraient <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/j.1468-5930.2010.00497.x">recevoir un brevet d’aptitude à la parenté</a>… avant de pouvoir procréer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Un couple avec leurs enfants biologiques, c’est généralement ainsi qu’est définie la famille dite naturelle. Quid des familles adoptives, recomposées, monoparentales ou homosexuelles ?
Marta Spranzi, Philosophe, maître de conférences, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay
Laurence Brunet, Juriste spécialisée en droit de la famille, chercheuse associée au centre de recherche Droit, sciences et techniques, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/91720
2018-03-05T20:54:17Z
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Débat : Les personnes conçues par un don de sperme doivent pouvoir connaître leurs origines
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/208493/original/file-20180301-152590-gaqnld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C0%2C5086%2C3357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paillettes de sperme congelé, dans une banque de sperme. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/frozen-storage-sperm-bank-155727368?src=d5PzklrinUeFLQGI0Kd1Sw-1-0">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres : « Les Origines », qui se tiendra le 7 juin 2019 à l’ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l’événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>Chacun peut désormais faire décrypter son génome à partir d’un peu de salive. Ce type de test est disponible, pour moins de 100 euros, via Internet et très facile à réaliser. Son utilisation a permis tout récemment à Arthur Kermalvezen, un homme de 34 ans conçu grâce à un don de sperme, de retrouver <a href="http://www.liberation.fr/france/2018/01/15/don-de-sperme-le-jour-ou-arthur-kermalvezen-a-retrouve-son-geniteur_1622583">celui qui, de manière anonyme, avait fait ce don</a>. D’autres personnes ont affirmé publiquement avoir entrepris la même démarche.</p>
<p>La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27073260">disponibilité de ces tests ADN</a> bouleverse la question de l’accès aux origines pour les personnes conçues d’un don de gamètes (ovocytes ou sperme), d’un accueil d’embryon ou nées d’une mère ayant accouché sous X (sans révéler son identité). Ce sujet s’est imposé dans le débat public avec les États généraux de la bioéthique et notamment la <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/">consultation en ligne</a> qui s'est tenue au premier semestre 2018. </p>
<p>En France, la loi ne permet pas encore que les personnes conçues dans ces conditions puissent, à leur majorité, connaître l’identité de leurs géniteurs. </p>
<p>Les choses pourraient toutefois changer, puisque dans son <a href="https://www.google.fr/url?sa=t&source=web&rct=j&url=https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/media/default/0001/01/2f6fd8a91e7685295f714ebc519343adaa3cf174.pdf&ved=2ahUKEwil47-ZutrdAhVKUhoKHW4JCKIQFjADegQIBxAB&usg=AOvVaw3Cbljer6QfKqnsIMoC0si-">avis n°129 sur la loi de bioethique</a> à venir, rendu public mardi 25 septembre, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) souhaite</p>
<blockquote>
<p>« que soit rendu
possible la levée de l’anonymat des futurs
donneurs de sperme, pour les enfants issus
de ces dons. Les modalités de cette levée
d’anonymat devront être précisées et
encadrées, dans les décrets d’application,
notamment en respectant le choix du
donneur. »</p>
</blockquote>
<p>Une majorité de pays ont déjà choisi <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sperm_donation_laws_by_country">d’autoriser l’accès aux origines</a> : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, la <a href="https://www.lematin.ch/suisse/don-sperme-infos-pere-envoyees-poste/story/10094969">Suisse</a> et la Grande-Bretagne. Le moment est venu d’examiner, un à un, les arguments avancés dans notre pays par les défenseurs du statu quo et de les confronter aux faits, établis par des études solides.</p>
<h2>Pas de désertion des donneurs au Royaume-Uni</h2>
<p>Il y a peu de temps encore, le principal motif avancé par ceux qui ne souhaitent pas voir la loi changer était le risque d’une désertion des donneurs de gamètes. Selon eux, ces derniers seraient effrayés à l’idée de voir les personnes conçues à partir de leur don se manifester un jour auprès d’eux. Or le cas du Royaume-Uni, bien documenté, montre la tendance inverse.</p>
<p>Dans ce pays, comme en attestent les statistiques de l’<a href="http://hfeaarchive.uksouth.cloudapp.azure.com/www.hfea.gov.uk/9370.html">autorité britannique en charge de cette activité</a>, le nombre des donneurs de sperme et d’ovocyte a doublé suite à la levée de l’anonymat en 2005. La même tendance est observée en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8583002">Suède</a> et aux États-Unis, où les donneurs peuvent choisir de rester anonymes ou non et s’orientent de plus en plus vers la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=scheib+je+cushing">possibilité d’être identifiés</a>. On entend donc moins l’argument de la « désertion des donneurs », de fait devenu caduc.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=479&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/208534/original/file-20180301-152593-1cyyhyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=602&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Spermatozoïdes vus au microscope, en préparation d’une fécondation in vitro.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laboratoire de biologie de la reproduction (CECOS du CHU de Strasbourg)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est maintenant le système suédois, autorisant l’accès aux origines depuis 1984, qui est présenté comme catastrophique et aboutissant à une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b3Pb7uCIbh0">pratique dévoyée du don de gamètes</a>. Cette vision semble être celle de nombreux responsables des <a href="https://www.cecos.org/node/4204">Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme</a> (CECOS), les 23 institutions publiques installées dans les Centres hospitaliers universitaires (CHU) et chargées de gérer les dons.</p>
<p>Les défenseurs du statu quo pointent d’abord, dans ce pays, une évolution du profil des donneurs. Dans une tribune publiée le <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/19/don-de-gametes-les-enfants-ne-regleront-pas-tous-leurs-problemes-en-rencontrant-leur-geniteur_5243787_3232.html#2qb7AsHEIrpGmcYM.99">19 janvier dans <em>Le Monde</em></a>, Jean‑Philippe Wolf, professeur à la faculté de médecine Paris Descartes et responsable du CECOS de l’hôpital Cochin à Paris, affirme que « les donneurs habituels, pères de famille, se sont abstenus de donner leur sperme ». Il ajoute que « cela n’était pas très grave, car d’autres donneurs sont apparus, des jeunes essentiellement épris d’altruisme, comme le sont les jeunes d’aujourd’hui, qui volent au secours de la planète ou des migrants ». On assisterait donc à une fuite des « pères de famille », expression ô combien connotée renvoyant aux « bons pères de familles » de la bourgeoisie du XIX<sup>e</sup> siècle. Passons sur le jugement de valeur.</p>
<p>Les articles publiés dans les revues scientifiques de référence, par exemple <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12525469">cette étude suédoise</a>, font état de la tendance inverse : on trouve moins de jeunes et, s’il faut employer ces mots, plus de « pères de famille ».</p>
<h2>Des couples suédois qui fuiraient vers le Danemark ?</h2>
<p>Jean‑Philippe Wolf pointe encore, dans sa tribune comme dans l’émission du <a href="http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/etats-generaux-de-la-bioethique-le-debat-sur-la-fin-de-l-anonymat-des-donneurs-de-sperme-est-relance-1025203.html">18 janvier sur BFM TV</a>, « une fuite massive des parents en demande de don de sperme vers le Danemark voisin ». <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/pma/dons-de-sperme-le-danemark-leve-l-anonymat_2648872.html">Au Danemark</a>, en effet, les couples peuvent choisir que le donneur reste anonyme, ou pas. Le professeur émérite de biologie de la reproduction à l’université Paris Descartes et ancien président de la Fédération des CECOS, Pierre Jouannet, a avancé le même argument le 2 février <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b3Pb7uCIbh0&t=221s">lors du débat</a> sur le thème « anonymat et gratuité des dons de gamètes et d’embryons », pendant le Forum européen de bioéthique à Strasbourg.</p>
<p>Qu’en est-il vraiment ? En Suède comme ailleurs, il est impossible de chiffrer ce que l’on appelle le « tourisme procréatif ». Cependant, aucune baisse d’activité n’est apparue au sein des centres spécialisés dans la fertilité suite au changement de la loi en 1984. En admettant que ce « tourisme procréatif » soit conséquent, cette stabilité suggère qu’il ne s’est pas intensifié. Il est à noter qu’avant 2016, la Suède n’autorisait pas la procréation médicament assistée (PMA) pour les femmes célibataires ni pour les couples homosexuels. Ces femmes allant chercher ailleurs ce qu’elles ne pouvaient pas trouver chez elles, le phénomène expliquait une bonne part du « tourisme procréatif », indépendamment de la question de l’anonymat des donneurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/178320/original/file-20170715-2600-1d63jp6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue au microscope d’un ovocyte entouré de sa zone pellucide (au centre) lors d’une fécondation in vitro, avant l’injection d’un spermatozoïde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zeissmicro/27771482282/in/photolist-Jj5793-2JGsyA-nETRWE-6zoeU6-7gVbVN-bww9qZ-6fwmfL-nCSjV7-axwKgF-noqD2h-9Marma-Br9uf6-ebuuxe-JsYKsc-Jj57bh-ac5KGG-axzrXN-7gXAfo-97J5Dr-7z6byy-e4UUSa-5B7qt6-dZTdWR-7PGFn4-a2Hv5H-fU97rR-7PGFiV-HP3Q6R-4hQUh-yy3di-7k48vw-HGFVEF-7jZeQB-GTcvoq-JTC5s8-FKEvqx-wBoTgo-JYgEdC-L2sxp3-JuNo9U-BSxub1-JJrudh-GTctJo-HP3SAv-HGFXiF-HEgYH5-JTC4Ft-GTcrJw-Npivpx-J5SEHf">Zeiss/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dernière critique faite au système suédois : « Bon nombre de parents s’abstiennent dorénavant d’annoncer à leur enfant leur mode de conception », affirme-t-on, pour éviter que leur enfant ait l’idée d’aller chercher des informations sur ses origines. Ce n’est pas exact. Dans ce pays, selon une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22859508">étude publiée en 2012</a>, la majorité des couples prévoient de dévoiler à leur enfant son mode de conception (78 %) ou l’ont déjà fait (16 %). Seule une petite proportion (6 %) n’en a pas l’intention. Les autres études menées dans ce pays trouvent des résultats concordants.</p>
<p>Cette imposante majorité est d’ailleurs peu surprenante, dans la mesure où il apparaît plus aisé de dévoiler à un enfant son mode de conception lorsqu’on ouvre un possible, celui de connaître l’identité du donneur. Dans la situation inverse, la révélation ne lui offre rien, hormis la perspective de le placer face un vide complet quant à ses origines. Il est bien plus simple d’envisager de divulguer le mode de conception quand on est assuré de pouvoir répondre à la première question que l’enfant posera sur le donneur : « Qui est-ce ? »</p>
<p>Sur le fond, comme le montrent les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=isaksson+s+tango">entretiens réalisés par des chercheurs suédois</a> auprès de 30 parents en 2015, la difficulté n’est pas tant de l’annoncer, que d’imaginer quand et surtout comment.</p>
<h2>1 à 3 % de Français issus de « fausses paternités »</h2>
<p>Un dernier argument, que les tenants du statu quo espèrent décisif, repose sur le fait que « 3 % d’enfants ne sont pas de leur père – du moins pas de celui qu’ils ou elles croient ». Autrement dit, le père qui a déclaré l’enfant à l’état civil n’est pas le géniteur, mais il ne le sait pas. C’est un fait établi qu’environ 3 % de la population <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Measuring+paternal+discrepancy+and+its+public+health+consequences">est issue de « fausses paternités »</a>. « Ces personnes ignorent qui est leur père, et ne s’en portent pas forcément plus mal », écrit Jean‑Philippe Wolf.</p>
<p>Cet argument apparaît spécieux car, pour commencer, ces personnes n’ignorent pas qui est leur père. Elles ont bel et bien un père, même si elles ignorent qui est leur géniteur. Ensuite, qui peut prétendre savoir que ces personnes vont bien ? Comme a pu le montrer le <a href="http://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1994_num_59_1_1901">psychiatre Serge Tisseron</a>, il n’y a pas de secret de famille sans retentissement.</p>
<p>Dans les situations de fausses paternités, le secret de la conception est double : père et enfant sont dans l’ignorance. Ce qui diffère fondamentalement, c’est que dans ce cas le secret relève d’une décision personnelle et privée, celle de la mère ; concernant le don de gamètes, le secret est organisé par l’État. Tout comme dans les dons de gamètes, quand il arrive que le secret de la fausse paternité soit levé, la première question légitimement posée par l’enfant est : « Qui est-ce ? »</p>
<h2>L’engouement pour les tests génétiques</h2>
<p>Le débat sur l’accès aux origines pour les personnes conçues par un don de gamètes et sur l’anonymat des donneurs pourrait bien être tranché plus vite que prévu. Il est désormais impossible d’occulter un phénomène qui touche la France comme le reste du monde : l’<a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">engouement pour les tests génétiques</a>. Commercialisés essentiellement par des compagnies américaines, ils sont proposés, en France, à des personnes qui souhaitent des informations sur leur généalogie ou encore savoir de quelle partie du monde venaient leurs ancêtres. Or plus le nombre de personnes pratiquant ces tests sera important, plus les chances que les individus conçus par don de gamètes identifient leur donneur seront élevées.</p>
<p>En effet, les personnes ayant pratiqué le test sont régulièrement informées par la compagnie de l’arrivée dans leur banque de données de tout individu ayant de l’ADN commun avec elles. Parmi ces apparentés, certains sont susceptibles de les mettre sur la piste de leur donneur, voire de le trouver. Le délai pour l’identifier peut se compter en années, ou bien… seulement en jours, comme dans le cas d’Arthur Kermalvezen.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R-CKgbN5kG8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>La future révision des lois de bioéthique est l’occasion d’inscrire, enfin, dans le droit l’accès aux données identifiantes des donneurs de gamètes pour les adultes qui le souhaitent.</p>
<p>Par ailleurs, il faut d’ores et déjà prévoir un dispositif permettant une meilleure prise en charge pour ceux qui découvriraient leur donneur via des tests ADN, comme nous le proposons, la psychanalyste et spécialiste de bioéthique Geneviève Delaisi de Parseval et moi-même, dans <a href="http://www.lemonde.fr/bioethique/article/2018/01/19/la-decouverte-de-l-identite-d-un-donneur-de-gametes-risque-d-engendrer-des-situations-explosives_5243778_5243590.html#CuZ3zCDzphKtGXRb.99">notre tribune publiée le 19 janvier dans <em>Le Monde</em></a>. Ce sont actuellement des rencontres « sauvages » qui se profilent, sans préparation ni pour les personnes conçues par don de gamètes, ni pour les donneurs. Si rien n’est fait, la situation risque de devenir rapidement explosive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Viville a reçu des financements de la Fondation Maladies Rares, l'Agence de BioMédecine et l'ANR.
Il a accepté l'invitation de l'association PMAnonyme à participer en 2017 à une table ronde lors d'une réunion de cette association.</span></em></p>
En France, la loi prévoit l’anonymat pour les hommes donnant leur sperme. De nombreux arguments plaident pour que les adultes conçus d’un don puissent connaître l’identité de leur géniteur.
Stéphane Viville, Biologiste, professeur à la faculté de médecine, Université de Strasbourg
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/84172
2017-12-14T00:05:25Z
2017-12-14T00:05:25Z
Don de sperme anonyme : la Cour européenne des droits de l’homme va-t-elle bousculer la France ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194028/original/file-20171109-13292-1r9oju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Injection d'un spermatozoïde dans un ovule, l'une des techniques de procréation médicalement assistée. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cnbp/35927609156/in/photolist-WJNovb-6nsoVv-7bnEBZ-9edQbG-5yw7x8-q7n6Yj-bww9qZ-sMMUrW-VMJDQw-9ZL6n6-63k5Wx-ara191-pMePA9-eiMm1j-ar7gmM-6iwN71-atpFKj-edNM2K-ara195-9ve6dq-4bBn1x-ngBpk9-QX2B83-9ZL6NH-5xFGbV-dQVcnj-6hmoWQ-6isDXF-6isEmF-aQZgR2-8VQBzq-8tvpv2-dQdAPP-d5TB9N-4ZZLY1-7yvJXc-eSzgKY-6iwN3Y-5wKoSK-eWMv6g-5woyGu-pR8Wyz-5wjeJc-pJzYGd-4We8a8-f1fTLP-6iwNGo-7r6m5G-5wjemi-e1nVV1/">CNBP/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, les hommes qui donnent leur sperme en France gardent l’anonymat. Les femmes qui donnent leurs ovocytes, également. Et les couples qui donnent leurs embryons, aussi. Ainsi, le droit français refuse que les enfants nés de ces dons puissent, à l’âge de la majorité, connaître l’identité de leurs géniteurs. L'un de ces « enfants », Arthur Kermalvezen, âgé de 34 ans, vient d'ailleurs <a href="http://www.liberation.fr/france/2018/01/15/don-de-sperme-le-jour-ou-arthur-kermalvezen-a-retrouve-son-geniteur_1622583">de raconter aux médias</a> l'enquête quasi-policière qui lui a permis de retrouver, le 25 décembre 2017, l'homme à l'origine de sa conception.</p>
<p>La disposition en vigueur depuis les années 1970 pourrait pourtant céder, à terme, devant la justice européenne. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet été saisie par Audrey Kermalvesen, une jeune femme <a href="http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/acces-aux-origines-ce-n-est-pas-un-chromosome-qui-fait-le-pere-06-05-2014-1819439_56.php">conçue par une insémination avec donneur de sperme anonyme</a>, qui est aussi l'épouse d'Arthur Kermalvesen. Les juges doivent se prononcer dans les prochaines semaines sur la recevabilité de sa demande. Dans un deuxième temps, ils diront si le principe d’anonymat des donneurs inscrit dans le droit français est compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.</p>
<p>Le sujet revêt une importance d’autant plus grande qu’on débattra à partir du 18 janvier, à travers <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">les Etats généraux de la bioéthique</a>, d’un recours élargi à l’assistance médicale à la procréation (AMP), en vue de la révision de la loi de bioéthique, prévue pour 2019. Si l’ouverture de ces techniques aux couples de femmes et aux femmes célibataires est adoptée, il en résultera en effet une augmentation du nombre d’enfants dont la conception a impliqué le don d’un tiers.</p>
<h2>L’effacement de l’intervention d’un tiers dans la conception</h2>
<p>Dans le droit français, les principes du secret de la conception et de l’anonymat du don de gamètes (c’est-à-dire les spermatozoïdes ou les ovules) ou d’embryons se conjuguent afin de masquer la réalité des faits : l’intervention d’un tiers dans la conception de l’enfant. Les lois en vigueur font disparaître, lors de l’établissement de la filiation de l’enfant, toute trace de l’intervention du donneur voire des donneurs, lorsqu’il s’agit d’embryon.</p>
<p>Ces principes visent à laisser croire à la société en général, et à l’enfant en particulier, que ce dernier est génétiquement lié aux deux parents qui le déclarent à l’état civil. Dans les années 1970, cet arrangement avec la réalité a pu apparaître comme la meilleure solution du point de vue de l’intérêt de la famille. On y reviendra plus loin.</p>
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<p>Cependant, une telle disposition prive l’enfant de toute possibilité d’accéder à sa véritable histoire. D’où la dénonciation, par de grands universitaires comme le <a href="http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/103444/">professeur de droit privé Françoise Dekeuwer-Défossez</a> d’un « état factice » pour l’enfant, ou par des magistrats de premier plan, comme Jean‑Dominique Sarcelet, magistrat honoraire à la Cour de cassation, d’un « mensonge d’état civil » (en 2009, dans le Recueil Dalloz).</p>
<p>Ce qu’on pourrait qualifier de « falsification légale » des origines s’avère lourd de conséquences, car l’état civil représente un élément majeur dans l’identité sociale d’une personne. L’extrait d’acte d’état civil permet notamment de connaître la nature charnelle ou adoptive du lien de filiation qui l’unit à ses parents. Aussi l’état civil, dès lors qu’il ne traduit pas la réalité des faits, entrave nécessairement le sujet dans la constitution de son identité.</p>
<p>Le principe de l’anonymat apparaît en décalage avec notre époque, marquée par une exigence de transparence et de traçabilité en tous domaines. Ainsi en 2012, Bernard Carayon, alors député, écrivait sur un tout autre sujet, la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r4159.asp">violation du secret des affaires</a> : « le secret a mauvaise presse. Dans une société qui a érigé la transparence en vertu cardinale et où la sphère des secrets, qu’ils soient publics ou privés, s’est réduite comme peau de chagrin, une proposition visant à renforcer la protection du secret des affaires en étonnera sans doute certains, prompts à dénoncer tout secret comme liberticide ».</p>
<h2>Un refus opposé par le Conseil d’État à une femme demandant des informations sur sa conception</h2>
<p>Certains enfants nés de ces dons ont entrepris des démarches, une fois adultes, pour obtenir des informations sur leurs origines. Mais le 28 décembre 2017, le Conseil d'État a <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000036411817&fastReqId=1013703317&fastPos=1">rejeté le pourvoi de Monsieur B. A.</a> qui demandait à deux établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) de lui communiquer « des documents relatifs au donneur de gamètes à l'origine de sa conception ». La plus haute juridiction administrative l'a, de plus, condamné à verser 3 000 euros à l'APHP. </p>
<p>Audrey Kermalvesen, <a href="https://www.canal-u.tv/video/universite_paris_diderot/audrey_kermalvezen_mes_origines_une_affaire_d_etat.16988">avocate spécialisée en droit de la bioéthique</a>, avait elle aussi saisi le Conseil d’État. Celui-ci avait refusé, le 12 novembre 2015, de faire droit à la demande de la jeune femme que lui soient communiquées <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/le-conseil-d-etat-maintient-l-anonymat-des-donneurs-de-sperme_1172899.html">certaines informations relatives au donneur à l’origine de sa conception</a>.</p>
<p>La première raison invoquée par le Conseil d’État dans cette décision est « la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation ». Le simple énoncé de ce principe fait apparaître son caractère désuet. L’anonymat a pu, à la génération précédente, apparaître comme un moyen de protéger le parent infertile contre toute stigmatisation, réelle ou imaginaire, liée à sa stérilité. Le couple a pu également se sentir protégé de la menace de voir surgir sur le tard un donneur se revendiquant tout à coup comme un père. L’une et l’autre de ces craintes ont quasiment disparu. À présent, la distinction entre le fait biologique de l’engendrement et la filiation est un fait acquis.</p>
<h2>Le risque d’une baisse des dons, argument utilitariste</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue d’un ovule sur l’écran de contrôle, lors d’une ponction d’ovocyte réalisée chez une jeune femme dans une clinique de Sydney (Australie).</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>La deuxième raison invoquée par le Conseil d’État est « le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes ». Ce motif apparaît inacceptable, car il s’agit là d’un argument exclusivement utilitariste en ce qu’il a vocation à assurer le bon fonctionnement des services de l’AMP. S’il peut être compris comme relevant de l’attention portée aux couples en attente d’un don, il ignore l’intérêt de l’enfant ainsi conçu. De plus, les exemples étrangers de pays ayant levé l’anonymat, comme la Grande-Bretagne, <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">démentent cette crainte</a>.</p>
<p>Troisième et dernier argument du Conseil d’État : « le risque d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps ». En effet, l’anonymat des dons liés au corps humain, tels les dons d’organes ou de sang, relève d’une politique de solidarité collective et d’une éthique qu’il n’est pas question de remettre en cause. Mais les gamètes, a fortiori les embryons, <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">se différencient des autres cellules ou organes</a>. Une greffe de poumons va sauver la vie du receveur, le soigner, mais ne va pas changer son identité. S’agissant de cellules reproductives, de ce don va naître un nouvel individu dont une partie de la personnalité et des caractéristiques physiques sera déterminée par les gènes transmis.</p>
<h2>La voix longtemps inaudible des enfants conçus avec un tiers donneur</h2>
<p>La voix des enfants conçus par l’AMP avec un tiers donneur, devenus majeurs, est longtemps restée inaudible. Aujourd’hui, environ 70 000 individus sont nés en France d’un don de gamètes ou d’embryon, selon l’<a href="http://pmanonyme.asso.fr/?cat=2">association Procréation médicalement anonyme</a>, créée en 2004 pour obtenir le droit pour chacun d’accéder à ses origines. Ces dernières années, ces personnes ont clarifié leur demande, qui doit être entendue comme un élément central du débat. Elles affirment n’être à la recherche que de leur géniteur ou génitrice, c’est-à-dire d’une part de leur identité, et en aucune façon d’un père ou d’une mère.</p>
<p>Plus généralement, ces personnes dénoncent la violence à leur égard d’un système qui leur refuse l’accès à leur histoire, mais aussi à des données d’ordre génétique. À l’heure de la médecine prédictive, ne pas pouvoir interroger leur géniteur sur d’éventuelles pathologies héréditaires présentes chez lui ou dans sa famille – par exemple certaines prédispositions au cancer – les prive d’une chance de pouvoir prévenir des problèmes de santé importants.</p>
<p>De nombreux pays, par exemple la Suède, la Suisse ou le Royaume-Uni, ont supprimé l’anonymat des dons de gamètes. Les débats qui se tiendront à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de la révision des lois de bioéthique devraient logiquement aborder la question de sa levée en France.</p>
<p>Si de ces débats ne ressortait aucune évolution de la loi, alors les recours en justice pourraient bien l’imposer. Certes le Conseil d’État, dans ses décisions de 2015 et de 2017, a conclu à la compatibilité du principe d’anonymat avec la Convention européenne des droits de l’homme. Mais sa jurisprudence apparaît en contradiction avec celle construite par la Cour européenne des droits de l’homme depuis le début de notre siècle. Laquelle reconnaît un droit à la connaissance de ses origines personnelles, y compris génétiques.</p>
<h2>La Convention européenne des droits de l’homme protectrice d’un droit à l’identité</h2>
<p>L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme énonce en effet que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».</p>
<p>Avant d’être invoqué pour la première fois par une femme née d’un don de sperme, cet article a d’abord été invoqué par des personnes nées sous X, c’est-à-dire d’une mère ayant choisi de confier son enfant à l’adoption et de rester anonyme. Dans l’<a href="https://www.ieb-eib.org/fr/pdf/cedh-odievre-20030213.pdf">arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 13 février 2003</a> opposant Madame Pascale Odièvre à la France, la requérante, née sous X, alléguait une violation de l’article 8 pour s’être vue refuser par les juridictions françaises certains documents administratifs qui lui auraient permis d’accéder à des éléments identifiants sur ses parents de naissance. À cette occasion, la Cour de Strasbourg a rappelé que l’article 8 « protège un droit à l’identité » pour tout un chacun et considère celle des géniteurs comme un aspect important de cette identité. Cependant, la Cour n’est pas allée jusqu’à conclure que le droit français constituait une violation de l’article 8.</p>
<p>Tout d’abord, la Cour note que les États jouissent en ce domaine d’une certaine marge d’appréciation des intérêts en présence, à savoir ici la protection de la mère et de l’enfant – en évitant avortements ou abandons sauvages de nouveau-nés. Ensuite, la Cour souligne les efforts du législateur français qui « renforce la possibilité de lever le secret de l’identité », notamment par la création, en 2002, du Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) dont la mission est de faciliter l’accès aux origines des enfants nés sous X.</p>
<p>L’affaire Odièvre n’est pas une décision isolée. Depuis, la Cour a réaffirmé à plusieurs reprises son approche de la reconnaissance des origines génétiques d’une personne en tant qu’élément important de sa vie privée. Citons notamment les arrêts <a href="https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&id=1019503&direct=tru">Jäggi contre la Suisse du 3 juillet 2006</a>, <a href="https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2011/CEDH001-105157">Pascaud contre la France du 16 juin 2011</a> ou <a href="http://www.aimjf.org/storage/www.aimjf.org/Jurisprudence_CEDU/AFFAIRE_GODELLI_c_.ITALIE.pdf">Godelli contre l’Italie du 25 septembre 2012</a>, tous rendus en faveur de personnes demandant à connaître leur ascendance.</p>
<p>Pour en revenir à l’affaire Audrey Kermalvesen, la requérante, ayant épuisé les voies de recours à l’échelle nationale, a saisi la Cour européenne. L’affaire est désormais inscrite sur le calendrier des affaires à juger. La décision concernant sa recevabilité devrait être connue d’ici quelques semaines. Les juges strasbourgeois se prononceront donc bientôt, pour la première fois, sur le fait que le principe d’anonymat des dons de gamètes respecte, ou non, la Convention des droits de l’homme. Sans préjuger de leur décision, on peut supposer, au regard de la jurisprudence dans les affaires d’enfants nés sous X, que la France sera condamnée. Car la nécessité de connaître ses origines génétiques reste la même, que leur ignorance tienne au fait être né sous X ou conçu par don de gamètes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La Cour européenne des droits de l’homme doit dire prochainement si la demande d’une Française conçue par insémination avec donneur est recevable. Celle-ci demande la levée de l’anonymat du donneur.
Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris Nord
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