tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/football-20898/articlesfootball – The Conversation2024-03-06T16:12:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2251102024-03-06T16:12:05Z2024-03-06T16:12:05ZLes JO, Mondiaux de football et consorts boostent-ils le tourisme ? Pas forcément…<p>Cela fait un sujet de dispute en moins. En maintenant cet été les <a href="https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/paris-2024/paris-2024-les-bouquinistes-sont-heureux-et-soulages-de-pouvoir-rester-sur-les-quais-de-seine_6364039.html">bouquinistes de Paris sur les quais de Seine</a>, le gouvernement français a clos une des nombreuses polémiques liées à l’organisation des Jeux olympiques à Paris.</p>
<p>À moins de six mois de l’événement, les Parisiens continuent toutefois de se plaindre de <a href="https://www.ouest-france.fr/jeux-olympiques/cest-aberrant-ce-maire-vient-dapprendre-que-sa-ville-accueillera-les-jeux-de-paris-ab1fa968-cfd1-11ee-89c0-6cefac77e04a">l’absence de consultation de la population locale</a>, des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/transport-et-jo-2024-la-crainte-du-grand-embouteillage-reste-tres-presente-20231208">prévisions d’embouteillages</a>, de la fermeture de certaines stations de métro et de l’implantation renforcée de caméras de surveillance… Est-ce une manifestation supplémentaire de l’esprit frondeur des habitants de la capitale française ? Ou ces critiques sont-elles fondées ? Au-delà des Parisiens, la capitale française étant une destination prisée, que sait-on de l’impact de l’organisation des événements sportifs internationaux sur la fréquentation touristique ?</p>
<p>Quant à l’effet de l’accueil d’événements sportifs à grande échelle sur les visites touristiques, l’impact global doit prendre en compte deux effets qui peuvent être contradictoires. Même s’ils peuvent avoir un impact positif sur le nombre de visiteurs, ils peuvent aussi avoir des conséquences négatives si les touristes « réguliers » boudent soudain cette destination en raison de l’événement.</p>
<p>Cela peut être dû aux infrastructures surchargées, à la forte augmentation des coûts d’hébergement et aux inconvénients liés à la surpopulation ou à des visiteurs bruyants et/ou violents. En outre, les reportages sur la pauvreté ou la criminalité dans les médias mondiaux peuvent rendre certaines destinations beaucoup moins attrayantes.</p>
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<img alt="Une vue de la tour Eiffel avec les anneaux olympiques ajoutés au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579903/original/file-20240305-30-y8m8w6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les villes hôtes doivent généralement franchir de nombreuses étapes avant de pouvoir commencer à profiter des retombées d’événements sportifs de grande envergure tels que les Jeux olympiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peter Skitterians/Pixabay</span></span>
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<p>Dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/15270025231206393">article</a> publié récemment dans le <em>Journal of Sports Economics</em> avec Igor Drapkin et Ilya Zverev, nous avons évalué les effets de l’organisation d’événements sportifs à grande échelle, tels que les Jeux olympiques d’hiver et d’été et les Coupes du monde de la FIFA, sur la venue de touristes internationaux. Nous utilisons un ensemble complet de données sur les flux de touristes couvrant les plus grands pays de destination et d’origine du monde entre 1995 et 2019.</p>
<h2>Des effets contrastés</h2>
<p>Dans un premier temps, nous avons construit un modèle économétrique qui prédit efficacement le flux de touristes entre n’importe quelle paire de pays dans nos données. Nous avons ensuite comparé les flux touristiques prédits dans un scénario hypothétique où aucun événement sportif de grande envergure n’aurait eu lieu avec les chiffres réels.</p>
<p>Si les chiffres réels dépassent les prévisions, nous considérons que l’événement a un impact positif net. Dans le cas contraire, nous considérons qu’il a eu un effet d’éviction sur les touristes « réguliers ». Dans le cadre de cette analyse, nous avons fait la distinction entre le court terme (c’est-à-dire l’année de l’événement) et le moyen terme (l’année de l’événement et les trois années suivantes).</p>
<p>Nos résultats montrent que les effets des événements sportifs de grande envergure varient considérablement d’un pays hôte à un autre : les coupes du monde de 2002 au Japon et en Corée du Sud et de 2010 en Afrique du Sud ont donné lieu à une nette augmentation des arrivées de touristes, alors que toutes les autres éditions ont eu un effet neutre ou négatif.</p>
<p>En ce qui concerne les Jeux olympiques d’été, les Jeux de 2008 à Pékin sont les seuls à avoir un effet positif significatif sur les arrivées de touristes dans le pays. Les effets des quatre autres événements (Sydney 2000, Athènes 2004, Londres 2012 et Rio 2016) se sont révélés négatifs à court et à moyen terme. En ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver, le seul cas positif est celui de la Russie en 2014. Les cinq autres événements ont eu un impact négatif, à l’exception de l’effet neutre d’une année pour le Japon en 1998.</p>
<p>À la suite d’événements sportifs de grande envergure, les pays hôtes sont donc généralement moins visités par les touristes. Sur les 18 pays hôtes étudiés, 11 ont vu le nombre de touristes diminuer sur quatre ans et trois n’ont pas connu de changement significatif.</p>
<h2>Un effet incertain pour Paris</h2>
<p>Nos recherches indiquent que l’effet positif de l’organisation d’événements sportifs de grande envergure sur les flux touristiques est, au mieux, modéré. Si de nombreux touristes sont attirés par les Coupes du monde de la FIFA et les Jeux olympiques, l’effet d’éviction des touristes « réguliers » est important et souvent sous-estimé.</p>
<p>Cela signifie que l’afflux des touristes qui viennent assister à un événement tel que les Jeux olympiques dissuade généralement ceux qui seraient venus pour d’autres raisons. Par conséquent, les efforts visant à attirer de nouveaux visiteurs doivent s’accompagner d’efforts visant à retenir ceux qui viennent déjà en temps normal.</p>
<p>Les événements sportifs de grande envergure doivent être considérés comme un élément d’une politique à long terme de promotion d’un territoire auprès des touristes plutôt que comme une solution isolée. Nos recherches ont fait ressortir un élément révélateur. En effet, il est plus facile d’obtenir une augmentation nette des entrées de visiteurs dans les pays qui sont des destinations touristiques moins populaires en temps normal, par exemple, les pays d’Asie ou d’Afrique.</p>
<p>En revanche, les États-Unis et l’Europe, deux destinations traditionnellement très prisées des touristes, ne présentent aucun cas d’effet positif net. En d’autres termes, les événements sportifs de grande envergure organisés en Asie et en Afrique ont contribué à promouvoir leurs pays d’accueil en tant que destinations touristiques, ce qui semble justifier l’investissement initial. À l’inverse, les événements organisés au cours des dernières décennies aux États-Unis et en Europe n’ont guère rapporté, du moins en termes d’afflux de touristes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux d'Ivan Savin ont reçu le soutien de la Russian Science Foundation (grant number 19-18-00262).</span></em></p>Les grands événements sportifs comme les Jeux olympiques stimulent-ils la fréquentation touristique ? La réponse n’est pas simple car le public amateur de sport peut évincer les visiteurs habituels.Ivan Savin, Associate Professor of Quantitative Analytics, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237652024-03-04T11:17:54Z2024-03-04T11:17:54ZComment le sport pratiqué par les étudiants façonne-t-il leur carrière ?<p>Sur les réseaux sociaux professionnels, chaque début de semaine arrive avec son lot de publications de cadres et dirigeants qui vantent leurs performances sportives du week-end. À grand renfort de photos, ils montrent l’endurance (marathon, trail, cyclisme, triathlon…) ou l’agilité (escalade, surf, kite…) dont ils ont fait preuve en pratique libre ou en compétition, comme autant de compétences qu’ils jugent utiles dans le contexte de leur travail. Les mérites du <a href="https://theconversation.com/topics/sport-20624">sport</a> sur la santé physique et mentale ne sont plus à démontrer. Il est devenu aussi un moyen de se développer personnellement et professionnellement.</p>
<p>Alors que l’on pointe parfois une génération rivée à ses écrans, 2600 étudiants d’écoles de commerce nous ont détaillé leur pratique sportive, la manière dont elle a façonné leur <a href="https://theconversation.com/topics/personnalite-46122">personnalité</a> et les <a href="https://theconversation.com/topics/competences-80203">compétences</a> qu’elle leur a permis de développer en lien avec leur <a href="https://theconversation.com/topics/carrieres-32607">projet professionnel</a>. Il s’agissait aussi de comprendre comment le poste occupé dans un sport d’équipe peut permettre d’optimiser ses choix de carrière et son épanouissement au travail. L’étude a été menée par le <a href="https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/edhec-newgen-talent-centre">NewGen Talent Centre</a>, centre d’expertise de l’EDHEC sur les aspirations, comportements et compétences des nouvelles générations de diplômés. Nous y explorons ce qui développe les compétences et façonne la personnalité des jeunes générations pour favoriser leur investissement et épanouissement professionnels.</p>
<h2>Des différences de genre</h2>
<p>Les jeunes générations définissent presque à l’unanimité leur rapport au sport comme un plaisir et comme une pression stimulante. Trois jeunes sur quatre le pratiquent de façon régulière, ce pour se dépasser plus que pour gagner. Ils sont deux tiers à savoir se motiver seuls, sans besoin d’un coach. S’ils préfèrent néanmoins concourir pour un club, c’est notamment pour le lien social.</p>
<p><iframe id="DdtHh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DdtHh/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Quelques différences de genre apparaissent dans le rapport que les jeunes générations entretiennent avec le sport : les jeunes femmes s’y adonnent plus encore que les hommes pour se dépasser plutôt que pour gagner. Les hommes exercent de façon plus régulière et concourent plutôt pour un club que pour eux-mêmes.</p>
<h2>Quels sports pour quelles compétences ?</h2>
<p>Pour identifier des compétences clés, les sports ont été regroupés par catégorie selon la façon de les pratiquer : en équipe pour les sports collectifs (football, basketball, rugby…) ; à deux ou en double face-à-face pour les sports de combats ou d’adversaires (tennis, judo, escrime…) ; individuels et évalués sur une mesure physique (temps, distance) pour les sports chronométrés ou mesurés (natation, athlétisme, tir à l’arc…) ; individuels et notés par un jury pour les sports artistiques ou acrobatiques (danse, patinage artistique, plongeon…).</p>
<p>Globalement, les sports individuels, notamment les sports chronométrés ou mesurés, ont été plus structurants pour les femmes et les sports d’opposition ou collectifs pour les hommes. Un étudiant explique :</p>
<blockquote>
<p>« L’esprit d’équipe retrouvé dans le football m’a appris à savoir défendre mes intérêts personnels tout en œuvrant à l’accomplissement d’un collectif. De plus, les notions de dépassement de soi d’un point de vue physique, accompagné à la créativité nécessaire, notamment pour le dribble, m’ont permis d’acquérir des valeurs qui me sont aujourd’hui indispensables. »</p>
</blockquote>
<p><iframe id="PxyKu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PxyKu/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le sport semble agir comme catalyseur du développement des compétences en management chez les jeunes diplômés. Résilience, enthousiasme et agilité sont les compétences que les jeunes générations nous indiquent avoir les plus développées quel que soit le sport, des traits recherchés par les recruteurs. Ce trio de compétences est celui que les pratiquants du tennis ont le plus développé. À noter également que 38 % des joueurs de tennis ont renforcé leur pensée critique</p>
<p>Le football renforce avant tout les qualités collaboratives pour 83 % des joueurs et la fiabilité pour près de la moitié des pratiquants. Quant à la danse, elle développe l’attention aux détails de 80 % des adeptes et la précieuse créativité de 55 % d’entre eux.</p>
<p><iframe id="o7SKj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/o7SKj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon les étudiants, si tous les sports développent enthousiasme et agilité, chaque type de sports est plus particulièrement propice à l’acquisition de certaines compétences en particulier.</p>
<p><iframe id="lV9f0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lV9f0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Quel positionnement sur le terrain ?</h2>
<p>En imaginant, l’entreprise comme un sport d’équipe, 32 % des répondants se projettent dans le rôle de capitaine, 27 % dans le rôle d’entraîneur, 19 % seraient attaquant, 14 % défenseur et 8 % arbitre.</p>
<p>Pour mieux comprendre les ambitions que sous-entendent ces choix, il leur a aussi été demandé de s’identifier selon trois profils d’ambition professionnelle issus d’une <a href="https://www.edhec.edu/sites/default/files/2022-10/ETUDE_NEWGEN-Newgen_newjob_rapport_detude-Mars2022.pdf">étude précédente</a>. Le premier, les compétiteurs, est centré sur le développement ambitieux de sa carrière, motivé par la perspective d’un poste de dirigeant, une responsabilité hiérarchique et une rémunération attractive. Le second, les engagés, est orienté sur les enjeux du monde, motivé par l’intérêt général, la culture et les valeurs de l’entreprise, l’utilité de sa mission. Le dernier profil est animé de l’envie d’innover, motivé par le challenge, la liberté d’action, l’autonomie dans les missions confiées et la conduite de projets. Il s’agit des entrepreneurs.</p>
<p>En fonction de leur genre et de leurs profils d’ambition, les étudiants se positionnent ainsi :</p>
<p><iframe id="fu059" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/fu059/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par les compétences qu’il permet de développer, le sport que vous pratiquez entre aussi en interaction avec vos aspirations professionnelles.Geneviève Houriet Segard, Docteur en démographie économique, Directrice adjointe et ingénieur de recherche à l’EDHEC NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolManuelle Malot, Directrice Carrières et NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2234922024-02-14T14:27:39Z2024-02-14T14:27:39ZLa victoire en coupe d’Asie, nouveau succès pour le soft power du Qatar<p>Un an après Lionel Messi, Hassan Al-Haydoos est à son tour revêtu d’un <a href="https://www.geo.fr/histoire/coupe-du-monde-quest-ce-que-le-bisht-pose-par-lemir-du-qatar-sur-les-epaules-de-messi-212961"><em>bisht</em></a>. L’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al-Thani habille de ce manteau, synonyme de noblesse et d’autorité, le capitaine de sa sélection. Il le couronne, cette fois-ci, « prince » du football asiatique.</p>
<p>Le Qatar vient, en effet, de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/coupe-dasie-des-nations-porte-par-afif-le-qatar-simpose-face-a-la-jordanie-et-conserve-son-titre-fe106094-c84d-11ee-9a26-b3fe0ec43b85">réussir un doublé historique</a>, d’autant plus pour un État de sa dimension (seulement 330 000 citoyens), en remportant la Coupe d’Asie qu’il organisait sur ses terres. Une victoire dont l’importance, comme toujours, n’est pas que sportive…</p>
<h2>La Coupe du monde 2022 : succès d’image, échec sportif</h2>
<p>Cet exploit installe sa génération triomphante au rang des grands d’Asie. C’est une fois de plus, en grande partie le sacre de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-qatar/reportage-dans-les-coulisses-d-aspire-le-clairefontaine-du-football-au-qatar-ba2a9746-5ad5-11ed-8bfd-8dba71fb0669">l’Aspire Academy</a> et des dizaines de formateurs étrangers passés par ce centre dédié à la formation de l’excellence sportive du pays. D’ailleurs, son président, cheikh Jassim, le frère de l’émir, initialement promis à ce titre suprême, est à cet instant présent au côté de Tamim. Au quotidien, son ombre plane sur ce lieu stratégique de la performance sportive dans la monarchie.</p>
<p>Au cœur de la péninsule, les faits de jeu litigieux de la finale ayant avantagé sa sélection n’y font rien : la ferveur autour de son collectif est retrouvée. Les observateurs du football international avaient pourtant laissé, en décembre 2022, cette équipe sur une page inachevée, <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/coupe-du-monde-2022-le-zero-pointe-historique-du-qatar-a-domicile_AV-202211290680.html">ridiculisée lors de cette Coupe du monde tant attendue</a>. N’inscrivant qu’un but en trois rencontres, toutes perdues, la sélection, déjà championne d’Asie, avait déçu tous les espoirs misés en elle par l’émirat. Malgré un groupe relevé (Pays-Bas, Sénégal, Équateur), ses supporters étaient tombés de haut face à la piètre prestation de leurs joueurs.</p>
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<p>La principale faiblesse, pointée par plusieurs de leurs formateurs, le mental, avait jailli aux yeux du monde. <em>Al-’Annaby</em> (la Bordeaux, couleur de son maillot, qui est aussi celle du drapeau national) – était apparue totalement dépassée, tétanisée par les attentes placées en elle par tout un pays.</p>
<p>Ce grand écart, entre un premier sacre continental étincelant, en 2019, et un échec retentissant trois ans plus tard lors du plus grand événement sportif mondial, a provoqué une <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/qatar-fans-lambast-team-after-second-world-cup-defeat-2022-11-25/">profonde frustration</a>. Plusieurs échanges houleux eurent lieu. Le flou persiste autour de l’ensemble de ces faits, mais cela n’a pas manqué de rejaillir sur les rangs de sa sélection. Il a été clairement notifié aux joueurs qu’ils ne sont pas maîtres dans l’émirat, mais bien à son service, et peuvent passer à tout moment de stars à sujets de seconde zone.</p>
<h2>Abdelkarim Hassan, un cas emblématique</h2>
<p>Ce malaise se perçoit sur la feuille du match d’ouverture de la Coupe d’Asie, alors que le Qatar étrille sur la pelouse une faible sélection du Liban, 3 buts à 0. L’effectif convoqué pour défendre son titre de champion d’Asie laisse apparaître le traumatisme qu’a constitué pour <em>Al-’Annaby</em> l’échec patent enregistré lors de sa Coupe du monde. Un nouveau venu particulièrement remarqué prend ainsi place au sein de l’effectif, en la personne de Lucas Mendes. Le joueur brésilien passé par l’olympique de Marseille, recruté par Al-Duhaïl, le club de l’armée, porte cette saison les couleurs de l’équipe en vogue d’Al-Wakrah. Il se substitue à l’une des stars de la sélection, Abdelkarim Hassan.</p>
<p>Ce joueur promis à un avenir radieux dans le football asiatique a été <a href="https://www.cbc.ca/sports/soccer/qatar-player-banned-fifa-world-cup-1.6719002">contraint de quitter Doha dans l’urgence</a> pour le Koweït, avant de rejoindre l’Iran. Sa trajectoire raconte celle de la hiérarchie sociale propre aux sociétés du Golfe, dont le sport est l’un des reflets.</p>
<p>Comme la majeure partie de la sélection, il est issu des promotions de l’Aspire Academy, rouage essentiel dans l’intégration du sport à la politique étrangère dessinée par le pouvoir. Lancée en 2004, sa mission consiste à revivifier le tissu sportif qatarien affaibli au cours de la décennie 1990 par l’enrichissement de sa société. Elle vise ainsi à apporter la légitimité nécessaire à l’essor du Qatar comme nouvel acteur influent du sport mondial. Dans les faits, cette institution s’appuie avant tout sur les communautés arabes vivant au Qatar, plus enclines à épouser les contours d’une carrière de sportif de haut niveau et en quête de reconnaissance sociale.</p>
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<p>Né de parents soudanais installés à Doha, Abdelkarim Hassan en est l’illustration. Ce statut lui assure l’accès à un degré de la nationalité qatarienne. En effet, n’appartenant pas au noyau de la population définie comme originelle, il ne peut pas bénéficier de l’ensemble des <a href="https://apnews.com/article/world-cup-entertainment-soccer-sports-95c68fcde462922fc7c599e6f26497cb">droits économiques</a> attribués aux familles d’ascendance qatarienne. Son statut de sportif de haut niveau lui confère toutefois des prérogatives financières équivalentes. Élu meilleur joueur asiatique de l’année 2018, acteur majeur des bonnes performances répétées de son club d’Al-Sadd SC, ailier gauche incontournable de la sélection, il est l’un des grands artisans de l’épopée victorieuse lors de la Coupe d’Asie 2019.</p>
<p>C’est un parcours sans faute qui s’arrête au lendemain d’une phase finale de la Coupe du monde désastreuse qui l’amène à faire un faux pas. Sous le poids des critiques, il profère des insultes <em>via</em> les réseaux sociaux à l’égard de Qatariens. La suite reste obscure. Le dossier est traité en interne par les dirigeants. L’avenir de ce pilier d’<em>Al-’Annaby</em> est tranché : il n’a pas respecté la hiérarchie d’une société qui repose sur <a href="https://theconversation.com/qatar-comment-mieux-comprendre-une-societe-basee-sur-lhistoire-et-la-tradition-195961">« l’idéologie de l’origine »</a>.</p>
<p>L’avenir de l’ancien espoir ayant commis l’irréparable se déroulera loin de Doha, et il passera du statut de star à celui de paria en sa terre natale. Il évolue désormais dans un effectif à sa mesure, pour le club phare de Téhéran, le Persepolis FC. De retour à Doha, en ce mois janvier 2024, c’est en tribune qu’il prendra place pour supporter ses anciens coéquipiers.</p>
<p>La naturalisation de Lucas Mendes, un procédé qui n’était pour le Qatar plus d’usage dans le football depuis le milieu des années 2010, s’explique par cet imprévu. Doha doit alors combler le vide causé par la perte d’un pilier de son onze majeur. Le défenseur brésilien est à même d’occuper l’intérim, le temps d’une Coupe d’Asie qui s’avère cruciale pour l’émirat. À ses côtés, un autre arrière rarement convoqué prend place. Al-Mahdy Ali Mokhtar relègue sur le banc l’Algérien naturalisé Boualem Khoukhi, qui jusqu’à présent s’affirmait comme un titulaire indiscutable à ce poste. Formé à l’Aspire Academy, le joueur provient également de la communauté soudanaise de Doha. Resté dans l’ombre des grands noms de ses promotions, il profite des largesses affichées par l’arrière-garde d’<em>Al-’Annaby</em> pour enfin s’affirmer sous ses couleurs. Le Qatar compte ainsi toujours sur son principal vivier sorti des rangs de l’Aspire Academy, mais sa fédération peut, dans l’urgence, pallier ses manquements en s’appuyant sur les étrangers de son championnat éligibles.</p>
<h2>Un émirat porté vers le mondial, une sélection taillée pour l’Asie</h2>
<p>Cette histoire est le récit d’un émirat passé de la fierté d’être champion d’Asie à la honte d’une élimination précoce lors de sa Coupe du monde. Avec l’Aspire Academy, l’émirat s’est donné les moyens d’être à la hauteur de ses ambitions internationales en matière de <em>soft power</em>. Il fait cependant face à un obstacle : la place des joueurs issus de ses promotions une fois leur formation terminée.</p>
<p>Bénéficiant d’un traitement financier de choix, ils jouent principalement pour l’un des cinq clubs majeurs du pays et restent ainsi auprès de leur famille, au service de l’émir et de la sélection. Ces footballeurs sont alors cantonnés au football asiatique sans jamais se mesurer réellement à l’élite du football mondial qui, pour la majorité, évolue dans les hautes sphères du football européen.</p>
<p>Suivant ce schéma, la sélection est taillée pour l’Asie, mais n’est pas en mesure de rivaliser sur les pelouses mondiales. Son parcours lors de la Coupe d’Asie vient l’illustrer. C’est une question de niveau et là se présente la limite de son projet sportif. <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">La politique de libéralisation initiée par l’Arabie saoudite</a> à l’été 2023 autour de son championnat apparaît à ce titre comme un signe positif pour le Qatar.</p>
<p>L’arrivée de dizaines de joueurs de renom dans le football asiatique pourrait, en effet, lui être bénéfique. La qualité inégale de la Qatar Stars League, son championnat, reste l’obstacle majeur pour que le projet dont l’Aspire Academy est le fer de lance fonctionne pleinement. La ligne prônée est désormais de recruter de jeunes pépites européennes tout juste formées, souvent en manque de temps de jeu dans leur club d’origine pour poursuivre leur progression. Le Qatar pourrait se présenter pour ces joueurs d’avenir comme un débouché sérieux avant qu’ils ne retournent jouer pour de grandes écuries européennes.</p>
<p>L’adversité à laquelle les joueurs d’<em>Al-’Annaby</em> seraient confrontés au quotidien serait dès lors autrement plus élevée. Dans l’ombre du « bling bling » saoudien, le Qatar a enclenché cette politique à l’été 2023. Reste à savoir combien de temps cette ligne sera de mise. En matière de sport, au Qatar, tout reste incertain, régi en dernier lieu par les proches du cercle de l’émir. Le désastre de la Coupe du monde aura sans doute été le détonateur pour tenter d’agir sur l’écosystème sportif qatarien, qui loin de son soft power reste figé. Quoi qu’il en soit, le Qatar continue de briller sur les pelouses continentales, à la portée de sa génération dorée, ce qui suffit à lui apporter la légitimité qu’il recherche depuis la fin des années 1990 pour asseoir son soft power.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de la Fondation de France. </span></em></p>Retour sur l’histoire tourmentée de la sélection nationale du Qatar, qui vient de remporter « sa » coupe d’Asie après avoir subi un échec cinglant lors de « sa » Coupe du monde.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216732024-02-09T17:48:18Z2024-02-09T17:48:18ZSur fond de guerre, le Qatar orchestre son soft power autour de la cause palestinienne<p>Depuis octobre et l’enclenchement de la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/themes/guerre/la-guerre-de-soukkot/">« guerre de Soukkot »</a> en représailles à l’attaque meurtrière du Hamas contre Israël, les tarmacs des aéroports de Doha sont au cœur d’un <a href="https://www.lemonde.fr/comprendre-en-3-minutes/video/2023/12/07/israel-hamas-comment-le-qatar-s-est-il-impose-comme-un-interlocuteur-incontournable-comprendre-en-trois-minutes_6204360_6176282.html">intense ballet diplomatique</a>. L’émirat est, en effet, devenu un acteur incontournable dans la gestion des crises régionales.</p>
<p>Ces jours-ci, les projecteurs de son théâtre du <em>soft power</em> sont à nouveau braqués vers l’aéroport Hamad international. L’élite du football asiatique y a défilé depuis le 12 janvier, avec un seul but en tête : soulever la Coupe d’Asie des Nations. Une compétition que le Qatar organise un peu plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du monde, et dont il espère, au-delà d’une victoire finale de son équipe nationale (qui affrontera la Jordanie en finale ce samedi), qu’elle lui permettra d’entretenir son rang international.</p>
<h2>Le Hamas à Doha</h2>
<p>L’histoire du <em>soft power</em> qatarien pourrait se résumer aux arrivées sur ses tarmacs. Ces lieux de passage symbolisent la centralité de l’émirat sur l’échiquier moyen-oriental, particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de gérer d’épineux dossiers tel celui du conflit israélo-palestinien.</p>
<p>La crise qui s’est ouverte à Gaza offre au Qatar une nouvelle occasion de jouer un rôle crucial. Si issue favorable au sujet des otages israéliens détenus par le Hamas il y a, ce sera probablement grâce à <a href="https://www.iris-france.org/180462-israel-hamas-comment-le-qatar-sest-il-impose-comme-mediateur-du-conflit/">sa médiation</a>.</p>
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<p>Ce caractère central, Doha l’a forgé en se positionnant comme un relais auprès d’acteurs régionaux souvent jugés infréquentables par les puissances occidentales. C’est ainsi qu’une partie de la branche politique du Hamas est <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-que-va-t-il-advenir-des-dirigeants-du-hamas-installes-au-qatar">officiellement installée dans la capitale</a> depuis 2012. À cette époque, le mouvement palestinien, alors basé à Damas, ne cautionne pas la répression exercée par son protecteur Bachar Al-Assad à l’encontre de sa propre population. Face à cette discorde majeure, son bureau politique <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/28/world/middleeast/khaled-meshal-the-leader-of-hamas-vacates-damascus.html">cherche un nouveau point de chute</a>.</p>
<p>Les États-Unis y voient une occasion de renouer discrètement leurs relations avec le Hamas, rompues de manière officielle en 1997, quand Washington l’avait inclus dans sa <a href="https://www.state.gov/foreign-terrorist-organizations/">liste des organisation terroristes</a>. Le tournant de 2012 est pour l’administration américaine une nouvelle occasion à saisir, une aubaine pour instaurer une nouvelle voie d’échanges avec cet acteur incontournable sur l’échiquier palestinien, qui administre pleinement depuis 2007 la bande de Gaza. Aux yeux de Washington, Doha apparaît comme le parfait entremetteur, et les Américains incitent l’émirat à proposer l’hospitalité aux dirigeants palestiniens. Voir ces derniers quitter Damas pour leur autre sponsor, Téhéran, aurait grandement compromis tout canal de discussions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1715763608787841427"}"></div></p>
<p>Échanger avec le Hamas passe désormais avant tout par l’émirat, où la confrérie des Frères musulmans, persécutée par les différents régimes nationalistes arabes, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/les-pays-du-golfe-face-la-question-freriste">est influente depuis les années 1960</a>. La diplomatie américaine perçoit le Qatar comme son seul allié en mesure d’exercer ce rôle.</p>
<p>De son côté, Doha considère que la présence sur son sol du Hamas renforce sa capacité à peser davantage dans l’arène internationale. Ce ressort diplomatique est un point crucial dans l’essor d’un <em>soft power</em> à multiples facettes fréquemment présenté comme l’assurance vie d’un émirat de prime abord fragile. Cette stratégie initiée à partir de 1995 à l’issue d’un coup d’État de palais qui amène au pouvoir Hamad ben Khalifa Al-Thani (lequel abdiquera en 2013 au profit de son fils Tamim ben Hamad Al Thani) résulte d’un environnement régional incertain.</p>
<h2>Un rôle clé au cœur du Proche-Orient</h2>
<p>Hamad ben Khalifa Al-Thani a le dessein de garantir la sécurité de son pays en mettant en place un système basé sur l’interdépendance. Son architecture repose sur l’investissement de multiples champs, allant de <a href="https://gfmag.com/country-report/qatar-spending-cash-abroad/">l’entrée au capital de grands groupes</a> à une présence soutenue sur le marché de l’art. La modernisation de son infrastructure gazière et l’exploitation de riches gisements constituent le noyau de sa stratégie.</p>
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<p>Fort de <a href="https://www.lesechos.fr/2017/06/comment-le-petit-qatar-est-devenu-si-riche-si-rapidement-172941">ressources financières rapidement devenues abondantes</a>, le pays cultive des alliances plurielles. Depuis 1995, il accueille de nombreux événements, <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210717-afghanistan-des-discussions-%C3%A0-doha-entre-taliban-et-gouvernement-malgr%C3%A9-les-combats">politiques</a> comme <a href="https://journals.openedition.org/emam/3402">sportifs</a>, et <em>Al-Jazeera</em>, son média panarabe, s’affirme dans le même temps comme un moyen privilégié d’offrir à l’opinion arabe une vision de l’actualité régionale conforme aux intérêts de Doha.</p>
<p>Après le 7 octobre dernier, le Qatar propose ses services à Tel-Aviv pour faciliter la libération des centaines d’otages aux mains du mouvement islamiste. Dans un exercice où il excelle, sa diplomatie prend activement part aux négociations d’échanges d’otages et de cessez-le-feu. Elle doit aussi composer avec la stratégie jusqu’au-boutiste d’un premier ministre israélien qui voit dans la poursuite de la guerre la seule condition de sa survie politique et de son immunité judiciaire. Doha et sa posture médiatrice sont à présent <a href="https://www.france24.com/fr/vid%C3%A9o/20240125-isra%C3%ABl-benjamin-netanyahou-remettrait-en-cause-la-m%C3%A9diation-du-qatar">sous le feu des critiques de Benyamin Nétanyahou</a>.</p>
<h2>Une cérémonie d’ouverture aux sons de la Palestine</h2>
<p>Le 12 janvier dernier, l’ouverture de la Coupe d’Asie à Lusaïl, ville nouvelle située dans le nord de la métropole de Doha, réaffirme une fois de plus l’omniprésence de l’émirat. Ses stades, construits en vue de la Coupe du monde 2022, ont été conçus comme un arsenal, armé pour entretenir ce pilier de son <em>soft power</em> actif.</p>
<p>L’attribution de la Coupe du monde avait pourtant fait jaser, du fait de rumeurs insistantes de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/09/26/coupe-du-monde-2022-le-qatari-mohamed-ben-hammam-vise-par-un-mandat-d-arret-de-la-justice-francaise_6191047_3224.html">corruption</a> de certains membres de la FIFA ; par la suite, la construction des stades avait mis en lumière le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/football-coupe-du-monde-2022-6-500-ouvriers-seraient-morts-dans-les-chantiers-au-qatar-7164865">sort inhumain réservé aux ouvriers étrangers</a> travaillant sur les chantiers qatariens ; et l’attention accrue portée au Qatar dans les mois et années précédant la compétition mondiale avait suscité la mise en avant de nombreuses interrogations sur son <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/05/ingerence-etrangere-pourquoi-un-lobbyiste-et-un-specialiste-du-qatar-sont-mis-en-examen-dans-une-affaire-tentaculaire_6192618_3224.html">ingérence</a> dans les affaires de ses partenaires, notamment occidentaux. Des accusations illustrant le fait que l’arme première du Qatar réside dans l’argent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1753118864185921604"}"></div></p>
<p>Tout cela ne semble pas, pour l’heure, freiner la progression de Doha. Dans un système mondialisé avant tout régi par la norme monétaire, le Qatar l’a bien compris : sa prospérité économique le protège. Un an après une finale de Coupe du monde légendaire, l’émir et Gianni Infantino, le président de la FIFA, aux mêmes places, assistent côte à côte à la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Asie des nations.</p>
<p>Et en ces temps de guerre, à la manière d’<em>Al-Jazeera</em>, le Qatar conçoit à nouveau son événement comme une caisse de résonance de son discours international – en l’occurrence, celui d’un appui complet à la cause palestinienne. L’émirat fête ainsi la Palestine – et cette fois-ci, une sélection palestinienne meurtrie mais qualifiée <a href="https://www.la-croix.com/sport/football-cinq-choses-a-savoir-sur-l-equipe-de-palestine-qui-se-distingue-a-la-coupe-dasie-20240129">est sur le terrain</a>.</p>
<p>Le temps de la cérémonie d’ouverture, la pelouse de l’Iconic Stadium prend des airs d’étendue désertique. Sur les dunes, les acteurs et danseurs entrent en scène pour une évocation de <a href="https://www.imarabe.org/fr/rencontres-debats/kalila-dimna-ou-la-fable-fertile"><em>Kalila et Dimna</em></a>, œuvre littéraire majeure du répertoire indien. Ce faisant, Doha rappelle les âges d’or de grandes civilisations asiatiques, de l’Inde à la Bagdad des Abbassides. Ces multiples livres réunissent des fables ayant pour but d’enseigner l’art de gouverner. Écrits en sanskrit au IV<sup>e</sup> siècle, ces textes ont été par la suite traduits en pehlavi dans la Perse sassanide, puis en arabe sous les Abbassides. <em>Kalila et Dimna</em> intègre ainsi la culture arabe. Par le recours à ces traits artistiques, le Qatar crée du liant entre sociétés asiatiques d’horizons divers.</p>
<p>Place au jeu ; comme la tradition le veut, le capitaine de la sélection du pays hôte entre sur le terrain. Hassan Al-Haydoos salue l’émir, puis rappelle que de coutume il revient au capitaine de la sélection hôte de prêter serment pour lancer le tournoi… mais annonce que pour cette édition extraordinaire il réserve cet honneur à la Palestine et à son capitaine. Sous les vivats du stade, Musab Al-Batat prend le micro et déclame le serment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745825395784442101"}"></div></p>
<p>Le symbole est fort : la parole est donnée à la Palestine, qui donne le coup d’envoi de cette Coupe d’Asie. À présent, une voix résonne dans l’enceinte : « Lil-madinat al-salat usaly – Pour la ville de la prière je prie ». Sur ces paroles empruntées à la grande diva libanaise, Fayrouz, la chanteuse qatarienne Dana Al-Mir entonne ce vers de sa célèbre chanson <a href="https://www.imarabe.org/fr/actualites/bibliotheque/2018/jerusalem-zahrat-al-mada-in">« Al-Zaharat al-mada’ïn »</a>, un hommage à Jérusalem, restée pour l’opinion arabe la capitale de la Palestine.</p>
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<p>S’ensuit un chant symbolique de la résistance des femmes palestiniennes, le <em>tarwideh</em>, également appelé <em>al-malulah</em>. Dana Al-Mir est rejointe sur scène par un groupe de femmes sorti de l’ombre, portant l’habit traditionnel palestinien, <em>al-thowb al-falestiny</em>. Rassemblées, elles reprennent en cœur une poésie cryptée visant à déjouer la surveillance de l’ennemi. Forgé par les femmes palestiniennes au cours du XX<sup>e</sup> face aux oppressions successives subies par la société palestinienne, ce genre musical repose sur l’inversion des lettres de la phrase ou du cœur de la dernière lettre de chaque mot. Les paroles interprétées à Lusaïl signifient littéralement : <a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=urLTg-3eImU">« Et je suis pour envoyer avec le vent du nord »</a>. L’emploi de ce vers au sens caché vise à donner une orientation géographique au détenu qui l’entend. Puis les danseuses avancent en rythme vers la sortie. Une chanson retentit pour les accompagner : « Bilady, bilady, bilady, ya ardy, ya ard al-jadoud – Mon pays, mon pays, mon pays, ô ma terre, ô la terre des ancêtres ». L’hymne de la Palestine, « Fedayi », ponctue cette cérémonie d’ouverture imprégnée de géopolitique.</p>
<p>Deux semaines plus tard, le Qatar rencontrera la Palestine en huitième de finale et la vaincra de justesse ; mais au-delà du résultat sportif, la plus grande victoire pour Doha sera probablement l’impact symbolique de la solidarité affichée à cette occasion, comme tout au long de la Coupe d’Asie, par les footballeurs et les autorités du petit émirat à l’égard des Palestiniens. Se voyant comme un leader arabe, le Qatar continue de jouer sur la corde sensible de la cause palestinienne qui, loin des palais, demeure le trait d’union entre sociétés de Casablanca à Bagdad.</p>
<h2>La FIFA sous pression, une fois de plus confrontée à la géopolitique moyen-orientale</h2>
<p>À l’abri des regards, les loges et salons de Doha auront vraisemblablement été des lieux d’échanges poussés. Alors que la Coupe d’Asie touche à sa fin, en coulisses, derrière le prince Ali ben Al-Husseïn, l’influent président de la fédération jordanienne, se rangent douze de ses homologues de pays membres de la Fédération d’Asie de l’Ouest de football. Ils formulent auprès de la FIFA une demande d’exclusion de la fédération israélienne de toute instance du football mondial. Cette requête « choc », <a href="https://news.sky.com/story/amp/israel-faces-calls-for-football-ban-from-nations-in-the-middle-east-but-urges-fifa-not-to-involve-politics-13066461">révélée par <em>Sky News</em></a>, montre que ces États décident de pleinement politiser le football mondial pour tenter de peser sur la situation à Gaza. Comptant en son sein de puissants acteurs, parmi lesquels le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, cette union entend jouer sur leur stature pour accroître la pression sur le gouvernement Nétanhyaou. La FIFA fait face une nouvelle fois à ses contradictions. Vantée comme « apolitique », l’enceinte sportive se révèle, encore une fois, intrinsèquement politique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221673/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Le Magoariec a reçu des financements de Fondation de France. </span></em></p>La Coupe d’Asie organisée au Qatar est pour l’émirat un nouveau moment de soft power – spécialement dans le contexte actuel, quand l’ensemble des sociétés arabes a les yeux braqués sur la Palestine.Raphaël Le Magoariec, Géopolitologue, spécialiste des sociétés de la péninsule Arabique et du sport, CITERES-EMAM, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2230562024-02-08T16:56:38Z2024-02-08T16:56:38ZChanger de stade, tout un enjeu pour les clubs sportifs s’ils veulent éviter la grogne des supporters<p>Coup de tonnerre dans le monde du <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> français. Après plusieurs mois de négociations avec la mairie de Paris concernant un éventuel rachat du Parc des Princes, son résident historique, le <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/paris-sg/le-psg-et-le-parc-des-princes-cest-termine-f2707268-c67e-11ee-8011-b976796527e7">Paris Saint-Germain annonce quitter son stade de toujours</a>. Le club, qui souhaitait racheter l’enceinte afin notamment de porter sa capacité de 48 000 à 60 000 places, a vu sa demande rejetée par le Conseil de Paris mardi 6 février et son président Nasser Al-Khelaifi a déclaré à la presse ce jeudi 8 février :</p>
<blockquote>
<p>« C’est fini maintenant, on veut bouger du Parc des Princes. »</p>
</blockquote>
<p>Une déclaration non sans susciter l’émotion des supporters.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1755620691980759150"}"></div></p>
<p>Ce n'est pas non plus sans émotion que les fans du <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/basket/jeep-elite/les-emouvants-adieux-du-paris-basket-a-la-halle-carpentier_AV-202402080205.html">Paris Basket</a> ont, cette semaine, dit « au revoir » et « merci ! » à la Halle Carpentier du 13<sup>e</sup> arrondissement, salle qu'ils laissent pour la flambant neuve Adidas Arena, Porte de la Chapelle.</p>
<p>Le choix de quitter une infrastructure n’est pas toujours voulu. Cas récent, le 25 décembre dernier, le complexe Sportica, demeure du BCM Gravelines, club de l’élite nationale de <a href="https://theconversation.com/topics/basket-50855">basketball</a>, était ravagé par les flammes. Tristes fêtes de fin d’année. Les hommages envers ce qui n’était matériellement qu’une <a href="https://theconversation.com/topics/stade-107030">salle de sport</a> ont vite afflué sur la toile, du plus haut sommet de l’État, avec un post sur X d’Amélie Oudéa-Castéra – alors ministre des Sports –, aux anonymes venus afficher leur soutien, habitants de Gravelines, autres clubs sportifs, et même supporters rivaux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1739328593027571839"}"></div></p>
<p>Dans tous les cas le mouvement n’est jamais anodin et différentes parties prenantes, supporters en tête, doivent être accompagnées pour que la transition s’opère au mieux.</p>
<h2>« Comme à la maison »</h2>
<p>Ce qui a pu frapper ces dernières semaines dans les messages liés au Sportica et ces dernières heures au Parc des Princes et à la Halle Carpentier est la dimension quasi humaine qui leur est donnée. L’article paru dans <a href="https://www.lequipe.fr/Basket/Article/Incendie-de-sportica-a-gravelines-le-cauchemar-de-noel/1438910"><em>L’Équipe</em></a> le lendemain de l’incendie à Gravelines est assez éloquent : on y lit ainsi, pêle-mêle, des expressions comme « le mal au cœur »,« un état de choc »,« le choc à peine digéré »,« reconstruction »,« surmonter tout ça ».</p>
<p>Il est vrai que ce complexe, inauguré en 1986 était un lieu de vie qui assurait un lien social indéniable dans cette ville de 12 000 habitants située entre Dunkerque et Calais. Cette petite salle de 3 003 places qui devait faire l’objet d’une modernisation et d’un agrandissement à l’horizon 2027 avait accueilli près d’un millier de matches de Pro A, division que le BCM, marque sportive de premier plan dans le Nord, n’a jamais quittée depuis 1988. Un projet de déménagement vers Dunkerque avait été envisagé il y a quelques années mais le projet était « mort dans l’œuf » tant il avait suscité d’émotions chez les amoureux du club, réticents à abandonner le centre-ville de Gravelines.</p>
<p>La <a href="https://www.tutor2u.net/psychology/reference/bowlbys-theory-of-maternal-deprivation">théorie de l’attachement</a>, que nous avons reprise et appliquée au sport dans nos <a href="https://hal.science/tel-03585446/document">travaux</a>, met l’accent sur le lien affectif et durable qui unit l’enfant avec certaines figures. Par extrapolation, les sciences de gestion s’en sont servi pour explorer d’autres contextes plus éloignés, comme les relations qui unissent les consommateurs aux <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-3-page-95.htm">biens possédés</a>, aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/281474999_L%E2%80%99attachement_a_la_marque_Proposition_d%E2%80%99une_echelle_de_mesure">marques</a> ou encore aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/271631149_Creating_consumer_attachment_to_retail_service_firms_through_sense_of_place">lieux de consommation</a>. Plus spécifiquement sur les enceintes sportives, la recherche a montré combien elle contribue à l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/288267205_Which_senses_matter_more_The_impact_of_our_senses_on_team_identity_and_team_loyalty">expérience sensorielle</a> des spectateurs et participe à l’identification des individus à l’équipe.</p>
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<p>Les supporters développent un sentiment de fierté et d’attachement au stade ou au gymnase, notamment lorsque celui-ci revêt une <a href="https://www.researchgate.net/publication/327400976_Sport_Fans_The_Psychology_and_Social_Impact_of_Fandom">dimension historique</a>. Certaines personnes considèrent les enceintes sportives comme des <a href="https://www.researchgate.net/publication/283867613_The_Shrines_of_Sport_Sacred_Space_and_the_World%E2%80%99s_Athletic_Venues">lieux sacrés</a> et y entrent de manière quasi religieuse. Le stade n’est pas un lieu comme les autres : c’est le symbole le plus durable d’une équipe ou d’un club et même un repère pour la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272494408000522">communauté locale</a>. Après tout, ne parle-t-on pas de « match à la maison », de « victoire à domicile » et de « l’avantage de recevoir chez soi » ?</p>
<h2>Déménager, c’est reconstruire une identité</h2>
<p>Construire le lien entre une communauté et un lieu est un processus dynamique : il a un début et une fin. Si l’attachement au lieu se développe lentement, tout peut s’arrêter brutalement et entraîner une longue période pendant laquelle l’individu va essayer de gérer cette perte, de la réparer ou de créer de nouveaux liens d’attachement avec d’autres personnes ou d’autres lieux.</p>
<p>Lorsque le lieu est amené à changer, les réactions sont bien souvent liées aux <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4684-8753-4_13">causes du mouvement</a>. Le déménagement peut être volontaire, auquel cas le changement suit un processus en trois phases. Avant le déménagement, l’individu commence à se détacher de son domicile et des obligations qui lui sont inhérentes. Puis il se projette et essaye d’anticiper et d’établir une connexion avec sa nouvelle résidence. Le déménagement en lui-même est généralement générateur de stress. Une fois celui-ci effectué, l’individu peut éprouver un mal du pays et une manière de se sortir de cet état est de maintenir des liens avec son ancien domicile et de fournir des efforts pour afficher son appartenance à une identité personnelle et collective au nouveau lieu. D’autres déménagements sont subis et suivent d’autres processus dans lesquels il s’agit parfois de gérer un traumatisme.</p>
<p>Tout cela explique pourquoi les supporters se sont souvent montrés réticents à ce que leur club change de stade. Lorsqu’ils y sont contraints, soit en raison d’accidents comme à Gravelines, soit par politique du club comme cela a été le cas, avant peut-être donc le PSG, ces dernières années en football pour l’Olympique lyonnais ou les Girondins de Bordeaux, l’urgence pour les clubs est de trouver des leviers pour créer de l’attachement au nouveau lieu. Nos <a href="https://www.theses.fr/2021TOUR1002">travaux</a> se sont notamment intéressés au déménagement du club de rugby du Racing 92, qui, en 2017, a migré depuis le stade Yves du Manoir de Colombes vers la salle flambant neuve de la Paris la Défense Arena.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034836770456776706"}"></div></p>
<p>Nous montrions dans pareil cas que la <a href="https://bpifrance-creation.fr/moment-de-vie/comment-ameliorer-valeur-percue-vos-produits-services">valeur perçue</a> du stade, celle qui existe dans l’esprit du consommateur, est un antécédent de l’attachement au lieu. D’où l’importance pour les clubs de bien la soigner en travaillant notamment sur les émotions ressenties lorsqu’on se retrouve dans le stade.</p>
<h2>Construire une continuité</h2>
<p>Comme toute étude de cas, l’exemple du Racing 92 présente des singularités. Le projet de déménager porté par le président Jacky Lorenzetti n’avait pas fait l’objet d’une résistance féroce de la part des supporters. Seuls les <a href="https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/nanterre-92000/a-nanterre-c-est-le-grand-soir-pour-la-u-arena-et-ses-riverains-18-10-2017-7341396.php">riverains</a> de la nouvelle infrastructure montraient une forme d’hostilité.</p>
<p>D’autres projets de relocalisation d’enceinte ont fait l’objet d’études : <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13606719.2011.532600">Arsenal</a>, club londonien de football, qui avait quitté son antre historique d’Highbury pour l’Emirates Stadium en 2006, par exemple, ou, plus récemment, sur le projet de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14660970.2024.2303851">déménagement du club d’Aberdeen vers le quartier de Westhill</a>. Ces études – peu nombreuses dans un contexte européen et quasi inexistantes en France (une étude est en cours sur le processus de déménagement du Stade Brestois 29 du stade Francis le Blé vers l’Arkéa Park à l’horizon 2027) – s’accordent pour dire que la réussite d’un projet de changement de stade passe par l’identification puis l’accompagnement des parties prenantes avant, pendant et après la réalisation du déménagement.</p>
<p>Cet accompagnement passe par des réunions publiques et des visites de chantier en amont, par exemple, mais aussi par des actions marketing concrètes : la commercialisation de produits dérivés à l’effigie des deux enceintes par exemple, ou pourquoi pas, la mise en vente de « reliques ». C’est ce qu’a fait West Ham en 2016, avec des pièces de son stade de Boleyn Ground, situé dans le quartier d’Upton Park et démoli depuis. Certains éléments de l’ancien stade peuvent aussi être incorporés dans le nouveau pour instaurer de la continuité, comme la célèbre horloge d’Highbury qui trône désormais au sommet d’une tribune de l’Emirates Stadium.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Boissel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’il soit choisi ou contraint, un changement d’enceinte sportive exige pour les clubs un accompagnement de leurs supporters qui peuvent se montrer particulièrement attachés aux lieux.Jérôme Boissel, Professeur Associé et Responsable de la Filière Passion Sport, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2225662024-02-06T14:38:38Z2024-02-06T14:38:38ZCoupe d’Afrique des nations : les diasporas, une aubaine pour le football africain ?<p>Qui remportera la <a href="https://theconversation.com/topics/coupe-dafrique-des-nations-can-137997">Coupe d’Afrique des nations</a> (CAN) dimanche prochain ? Ce mercredi, en demi-finales, le Nigeria s'est qualifié aux dépens de l’Afrique du Sud, et affrontera en finale le pays organisateur, la Côte d’Ivoire, venue à bout de la République démocratique du Congo.</p>
<p>À l’issue de <a href="https://www.theguardian.com/football/2022/feb/06/senegal-egypt-africa-cup-of-nations-final-match-report">l’édition précédente</a>, en 2022, c’est le capitaine du Sénégal, Kalidou Koulibaly, qui avait soulevé le trophée. En 2019, le capitaine Riyad Mahrez avait mené l’Algérie à la victoire. Aucun de ces deux joueurs n’est né en Afrique. En cas de victoire du Nigeria, le trophée ne serait, une fois de plus, pas soulevé par un natif du continent africain : <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Article/Troost-ekong-capitaine-du-nigeria-a-la-can-la-plus-belle-decision-de-ma-vie/1446178">William Troost-Ekong</a>, l’actuel capitaine des Super Eagles, est né aux Pays-Bas. Sur les <a href="https://www.thecitizen.co.tz/tanzania/news/sports/the-allure-of-the-diaspora-at-afcon-2024-4491490#">630 joueurs</a> convoqués, 200 sont nés en dehors du continent. La carte ci-dessous indique leurs lieux de naissance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573538/original/file-20240205-25-o9305y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lieu de naissance hors Afrique des joueurs engagés à la CAN. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le pays non africain qui a vu naître le plus grand nombre de joueurs présents à la CAN est la France, avec 104 joueurs, suivie de l’Espagne avec 24 joueurs, puis du Royaume-Uni avec 15 joueurs. Des natifs de l’Irlande et de l’Arabie saoudite participent aussi au tournoi cette année.</p>
<p>L’équipe nationale marocaine était celle comptant le plus grand nombre de joueurs issus de la <a href="https://theconversation.com/topics/diaspora-72162">diaspora</a> : 18 d’entre eux sont nés hors du pays qu’ils représentaient, alors que seuls 9 membres de l’équipe sont nés dans le pays. La Guinée équatoriale et la République démocratique du Congo comptent, elles, respectivement 17 et 16 joueurs issus de la diaspora.</p>
<h2>Choix du cœur ou de la raison ?</h2>
<p>Une intense bataille visant à attirer les talents se dispute actuellement dans le monde du football. Elle implique souvent la <a href="https://www.migrationpolicy.org/article/international-athletes-world-cup-nationality">naturalisation de footballeurs</a>, qui se retrouvent parfois à jouer pour une équipe nationale alors qu’ils ont déjà joué pour une autre (ce qui est possible depuis 2020, avec toutefois des <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/fifa-la-nouvelle-regle-pour-les-changements-d-equipe-nationale-a-ete-votee_AV-202009190237.html">restrictions importantes</a>). Certains États effectuent même un <a href="https://www.thenationalnews.com/fifa-world-cup-2022/2022/12/07/every-moroccan-is-moroccan-regraguis-fight-to-include-foreign-born-players-vindicated/">ciblage spécifique</a> de joueurs susceptibles de renforcer leur sélection nationale dans des pays du monde entier.</p>
<p>Le cas de l’Afrique reste cependant bien à part. Il reflète à la fois son passé colonial et l’importance de ses diasporas présentes en de nombreux points du monde. <a href="https://www.theguardian.com/football/2015/sep/12/leicester-city-riyad-mahrez-father-dream-algeria-world-cup">Riyad Mahrez</a>, par exemple, est né à Paris de parents d’origine algérienne et marocaine. La capitale française compte 331 000 Algériens et 254 000 Marocains. Les parents de <a href="https://onefootball.com/en/news/chelsea-defender-koulibaly-explains-choosing-senegal-over-france-35927795">Kalidou Koulibaly</a>, natif de Saint-Dié-des-Vosges, sont tous deux nés au Sénégal ; et les chiffres indiquent qu’il y a plus de 100 000 Sénégalais en France.</p>
<p>Il ne s’agit pas seulement d’une histoire française : l’attaquant nigérian <a href="https://dailypost.ng/2023/02/09/no-regrets-choosing-nigeria-over-england-lookman/">Ademola Lookman</a> est né à Londres ; le Ghanéen <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/africa/62549049">Inaki Williams</a> a quasiment toujours vécu à Bilbao et a porté une fois le maillot de la sélection espagnole ; les Marocains <a href="https://blogs.lse.ac.uk/mec/2023/01/16/the-political-dimension-of-moroccos-success-in-the-world-cup/">Sofyan Amrabat et Hakim Ziyech</a> sont passés par les équipes de jeunes des Pays-Bas.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1745694217509458131"}"></div></p>
<p>L’identité personnelle et la dynamique familiale comptent souvent parmi les raisons principales pour lesquelles les joueurs choisissent de représenter les équipes du lieu de naissance de leurs parents plutôt que celles du pays où ils sont nés eux-mêmes. <a href="https://www.irishtimes.com/sport/soccer/2022/12/10/hakim-ziyech-a-magician-at-the-heart-of-moroccan-love-story/">Hakim Ziyech</a>, par exemple, a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Le choix d’une équipe nationale ne se fait pas avec le cerveau mais avec le cœur. Je me suis toujours senti marocain, même si je suis né aux Pays-Bas. Beaucoup de gens ne comprendront jamais. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.goal.com/en-gb/news/inaki-williams-made-right-choice-ghana-over-spain/blt005c8219a89b044e">Inaki Williams</a> a, lui, évoqué l’influence de ses grands-parents :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’étais pas sûr de mon choix, mais un voyage au Ghana m’a aidé à comprendre ce que mes grands-parents en pensaient. Tout m’a semblé plus simple en voyant les gens et ma famille m’encourager à devenir un Black Star. »</p>
</blockquote>
<p>Les cyniques affirment que certains de ces joueurs ne sont tout simplement pas assez bons pour être sélectionnés dans l’équipe nationale du pays où ils sont nés. Présenté dans ses jeunes années comme une future star du football anglais alors qu’il impressionnait sous les couleurs d’Arsenal, <a href="https://www.completesports.com/ex-everton-star-ball-iwobi-not-good-enough-to-play-for-toffees/">Alex Iwobi</a>, 27 ans, joue aujourd’hui pour Fulham, équipe de milieu de tableau, et compte 72 sélections avec le Nigeria.</p>
<h2>S’appuyer davantage sur les natifs du continent ?</h2>
<p>D’autres observateurs s’inquiètent néanmoins de l’impact négatif que le recours aux diasporas peut avoir sur le football africain. Pour eux, faire venir des talents d’Europe et d’ailleurs ne serait qu’une stratégie cherchant à obtenir des résultats immédiats au détriment du <a href="https://www.africanews.com/2018/09/11/is-africas-football-talent-finally-coming-back-home-football-planet/">développement à long terme du football sur le continent</a>.</p>
<p>Une telle stratégie peut effectivement porter ses fruits rapidement : lors de la Coupe du monde au Qatar en 2022, le Maroc est devenu la première nation africaine à atteindre les demi-finales du tournoi. Cette performance lui a permis d’obtenir la meilleure place jamais enregistrée par une équipe africaine dans le classement de la FIFA (13<sup>e</sup> place). Le Sénégal se trouve également dans le Top 20 mondial.</p>
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<p>Les performances récentes du Cap-Vert, éliminé aux tirs au but au stade des quarts de finale de la Coupe d’Afrique cette année, ont aussi montré que tout était possible, même pour des nations traditionnellement plus discrètes sur la planète football. L’équipe nationale de ce chapelet de dix îles de l’océan Atlantique, dont la population est inférieure à celle de la ville de Marseille, a terminé en tête d’un groupe difficile comprenant l’Égypte et le Ghana et a éliminé la Mauritanie en huitième de finale. Là aussi, de nombreux binationaux ont été <a href="https://www.flashscore.fr/actualites/football-can-pico-lopez-et-logan-costa-l-irlandais-et-le-toulousain-du-cap-vert-a-la-can-2024/AkwY50Ck/">remarqués et sollicités</a> par la fédération capverdienne.</p>
<p>L’ancien gardien de but du Cameroun et de l’Olympique de Marseille <a href="https://www.lemonde.fr/en/sports/article/2022/11/25/world-cup-2022-the-problem-with-african-football-is-the-leaders_6005649_9.html">Joseph-Antoine Bell</a> ne s’enthousiasme pas outre mesure. Selon lui, la possibilité d’avoir recours à de nombreux joueurs issus de la diaspora rend le travail des dirigeants, des managers et des entraîneurs du continent africain trop facile, ce qui provoquerait une forme de passivité. Il a ajouté que ce phénomène démotiverait les joueurs nés, éduqués et vivant en Afrique.</p>
<p>Bien que la pratique de la sélection de joueurs issus des diasporas semble <a href="https://www.versus.uk.com/articles/diaspora-fc-why-its-time-for-this-generation-to-go-back-to-their-motherlands">s’intensifier</a> (l’impact de la <a href="https://sports-chair.essec.edu/resources/research-reports/sport-and-national-eligibility-criteria-in-the-era-of-globalization">mondialisation</a> se faisant aussi ressentir), quelques pays continuent de s’appuyer fortement sur des joueurs nés et élevés sur le territoire national. L’Égypte, la Namibie et l’Afrique du Sud en sont des exemples. Joseph-Antoine Bell approuverait sans doute, lui qui a déjà appelé l’Afrique à développer des solutions internes en matière d’identification et de développement des talents. Le problème, c’est que cela demande du temps, de l’argent et de la patience – des denrées précieuses dans le football en général, et pas seulement en Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222566/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux joueurs des sélections africaines sont nés et ont grandi en Europe. Leur choix d’évoluer pour une nation africaine est-il un signe positif pour le football africain ?Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Associate Professor, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216742024-01-30T15:22:15Z2024-01-30T15:22:15ZFootball : le premier échec économique de la Chine moderne<p>Le football <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/mondial-et-si-le-football-etait-une-invention-chinoise_3068889.html">aurait été inventé par les Chinois</a> : le cuju, un jeu similaire au football, aurait été créé pour la formation militaire, plusieurs siècles avant notre ère. Malgré cette histoire lointaine et, surtout, malgré ses importants efforts récents, la Chine n’est aujourd’hui guère à l’honneur dans le sport le plus populaire du monde.</p>
<p>En termes de championnat domestique, d’abord. Alors que <a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">l’Arabie saoudite vient de faire signer plusieurs superstars planétaires pour des sommes astronomiques</a>, le championnat de la République populaire peine toujours à émerger sur la scène internationale et ses recrutements ne sont plus à la hauteur de ses ambitions.</p>
<p>En termes d’accueil de grandes compétitions, ensuite : la Chine rêve depuis longtemps d’accueillir une Coupe du monde, mais depuis qu’elle se consacre sérieusement à ce projet les organisations ont été confiées à la Russie (2018), au Qatar (2022), aux trios États-Unis/Mexique/Canada (2026), puis Maroc/Espagne/Portugal (2030) et à l’Arabie saoudite (2034).</p>
<p>En termes de résultats de sa sélection nationale, enfin : l’un des objectifs affichés par la Chine est de remporter une Coupe du monde d’ici à <a href="https://neogeopo.com/fra-archives/chine-x-futur-vers-lhegemonie-de-la-chine-en-2049-avec-10-priorites-strategiques">2049, année du centenaire de la RPC</a>. Mais le football est un domaine où les coûts d’entrée sont très élevés et Pékin l’a appris à ses dépens. Malgré les investissements colossaux consentis dans les années 2000, le bilan sportif est maigre : une seule participation à la Coupe du monde (en 2002, profitant de la qualification directe du Japon et de la Corée co-organisateurs ; la Chine perd ses trois matchs et ne marque aucun but) ; deux finales seulement en Coupe d’Asie (et une <a href="https://www.vietnam.vn/fr/bi-loai-som-o-asian-cup-2023-tuyen-trung-quoc-ngay-lap-tuc-sa-thai-hlv/">élimination piteuse dès les phases de poule cette année, avec zéro but marqué</a>) ; et un classement FIFA qui stagne entre la 70<sup>e</sup> et la 100<sup>e</sup> place depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Les seuls succès enregistrés par le football chinois l’ont été au niveau des clubs, le Guangzhou Evergrande remportant deux fois la Ligue des champions d’Asie, en 2013 et 2015, et au niveau du <a href="https://www.lequipiere.com/le-football-feminin-chinois-en-quete-de-renouveau/">football féminin</a> (neuf victoires en coupe d’Asie et finale de Coupe du monde en 1999).</p>
<p>Cet échec est surprenant pour un pays qui a réussi dans beaucoup de domaines à rattraper son retard, voire à <a href="https://theconversation.com/la-chine-est-elle-re-devenue-la-premiere-puissance-economique-mondiale-181872">dépasser les leaders mondiaux</a>. Un échec auquel Pékin ne se résigne pas : en 2021, l’agence gouvernementale en charge du sport lançait un <a href="https://www.sportstrategies.com/comment-la-chine-veut-toujours-devenir-un-geant-du-football/">nouveau plan sur 15 ans pour faire de la Chine une grande nation de football</a>. Pour la Chine comme pour d’autres pays, le football fait en effet partie aujourd’hui des enjeux géopolitiques et peut même être qualifié d’<a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2017-5-page-134.htm">élément majeur du « soft power »</a>.</p>
<h2>L’investissement massif des années 2000</h2>
<p>Après <a href="https://www.researchgate.net/publication/310037292_An_economic_history_of_Chinese_football_1994_-_2016">l’arrivée du football professionnel en 1994</a> et le lancement de la « Chinese Super League » en 2004, les années 2010 ont vu apparaître des clubs dotés de moyens considérables pour développer le football.</p>
<p>En avril 2016, un <a href="https://footpol.fr/la-chine-et-le-football-le-grand-bond-en-avant-la-geopolitique-chinoise-au-prisme-du-premier-sport-global#">« plan de développement du football à moyen et long terme (2016-2050) » est lancé</a> et le président Xi Jinping (amateur de football) déclare « en avoir assez d’être un nain footballistique alors que la Chine est un géant politique et économique ». L’idée, pour la RPC, est de ne plus accepter d’être battue sur le terrain par des pays voisins de petite taille. Le développement du football est ainsi, pour le pouvoir, un moyen d’affirmer la puissance du pays. L’investissement dans ce domaine relève donc d’une volonté politique de placer la Chine au premier rang des nations dans le sport le plus populaire sur la planète.</p>
<p>Plusieurs recrutements symboliques ont lieu : au premier sélectionneur étranger à prendre les commandes de l’équipe nationale en 1997 (l’Anglais Bon Houghton), succéderont, entre autres, des vedettes de la profession comme le Serbe Bora Milutinovic en 2000, l’Espagnol José Antonio Camacho en 2011, et l’Italien Marcello Lippi en 2016 (vainqueur de la Coupe du monde à la tête de la sélection de son pays dix ans plus tôt).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"789790886007803904"}"></div></p>
<p>Au niveau des clubs, l’année 2012-2013 est marquée par l’arrivée de stars mondiales comme l’Ivoirien Didier Drogba et du Français Nicolas Anelka au club de Shanghai Shenhua, avec des salaires d’un million d’euros par mois (un record pour l’époque).</p>
<p>En 2017-2018, c’est au tour de l’Argentin Carlos Tevez de rejoindre le même club, suivi du Brésilien Hulk au Shanghai Port FC <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/mercato-le-bresilien-hulk-rejoint-la-chine-pour-55-millions-deuros-4331206">(pour un transfert à 55 millions d’euros)</a>. Dans la plupart des cas, <a href="https://www.sofoot.com/articles/anelka-et-drogba-le-constat-dechec-du-foot-chinois-chine-chinese-super-league-mercato">l’aventure se termine mal</a> : les joueurs repartent, les supporters sont déçus et le bilan financier est désastreux.</p>
<p>En matière d’investissement, l’avancée de la Chine s’est également faite, à la même période, avec le rachat de clubs européens par des groupes privés (néanmoins liés à l’État). En 2016, le <a href="https://www.lexpress.fr/sport/le-milan-ac-officiellement-vendu-a-un-groupe-d-investisseurs-chinois_1898802.html">Milan AC est racheté pour 740 millions d’euros</a> (mais finalement, faute de paiement, le club est repris par des Américains). La même année, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/italie/football-linter-milan-rachete-70-par-le-groupe-chinois-suning-4280181">l’Inter de Milan est acheté à hauteur de 70 % par le groupe Suning</a> (pour 270 millions d’euros). En Angleterre, toujours en 2016, <a href="https://www.rtbf.be/article/west-bromwich-rachete-par-un-investisseur-chinois-9369853">West Bromwich Albion est racheté par le groupe Yunyi Guoka</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/sport/angleterre-aston-villa-rachete-par-un-groupe-chinois-18-05-2016-2040301_26.php">Aston Villa par le groupe Recon</a>. En Espagne, c’est <a href="https://www.lindependant.fr/2015/11/03/l-espanyol-barcelone-passe-aux-mains-des-chinois,2108093.php">l’Espanyol Barcelone qui a été racheté en 2015</a> pour 64 millions d’euros.</p>
<p>Des prises de participation sont également opérées dans de grands clubs, sans en prendre le contrôle, comme <a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/le-groupe-chinois-dalian-wanda-prend-20-de-latletico-madrid-1688376">l’Atletico Madrid</a> (20 % pour 45 millions d’euros en 2015). En France, les investisseurs chinois ont également racheté des clubs, comme <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/yonne/auxerre/yonne-le-proprietaire-chinois-james-zhou-nomme-president-du-club-de-l-aj-auxerre-2085133.html">l’ AJ Auxerre</a> (en 2016 pour 7 millions d’euros « seulement »), le <a href="https://www.francebleu.fr/sports/football/fc-sochaux-le-chinois-nenking-devient-officiellement-proprietaire-du-club-1587997600">FC Sochaux</a> (en 2015 pour 7 millions d’euros également), ou des parts de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/fonds-chinois-rachete-20-parts-olympique-lyonnais-1154327.html">l’Olympique lyonnais</a> (20 % en 2016) ou de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2016/06/11/des-investisseurs-chinois-entrent-au-capital-de-l-ogc-nice_1458809/">l’OGC Nice</a> (80 % en 2016).</p>
<p>Enfin, la Guangzhou Evergrande Football Academy de Qingyan est devenue la <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/2017/01/12/27001-20170112ARTFIG00210-l-academie-de-foot-chinoise-de-la-demesure-a-canton.php">plus grande académie de football au monde</a> avec 280 millions d’euros d’investissements par l’entreprise Evergrande et un partenariat avec le Real Madrid qui envoie des entraîneurs espagnols comme conseillers.</p>
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<p>Au niveau des structures, le plan de Xi JinPing prévoyait le développement d’un championnat de haut niveau avec des stades de qualité. Une ambition affichée est d’organiser une Coupe du monde (la Chine ayant déjà accueilli la Coupe du monde féminine de football en 2007). Les stades ont été construits ou agrandis avec l’implication des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Les dix plus gros entrepreneurs chinois ont tous acheté un club du championnat. Par exemple, Alibaba a pris 50 % des parts du Guangzhou Evergrande. L’État a également participé en soutenant directement des clubs (comme Shanghai Port FC). Les droits télévisuels sont passés de 7 millions de dollars en 2014-2015 à 140 millions en 2015-2016. Aujourd’hui, les stades sont là. En plus de dizaines de stades d’environ 30000 places, onze stades plus grands, d’une capacité située entre 57 000 et 80 000 places ont été construits ces 20 dernières années.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/le-football-comme-axe-majeur-du-developpement-sportif-de-la-chine-l-ambition-demesuree-d-une-nation-mineure_4450289.html">Le plan de Xi Jinping</a> prévoyait aussi de rendre le football obligatoire à l’école, de créer 50 000 académies de foot (accueillant 50 millions d’enfants) et de faire en sorte que le football représente 1 % du PIB de la Chine. Son prédécesseur, Hu Jintao, voulait passer « d’un pays de premier plan en termes d’organisations sportives à une puissance sportive de renommée mondiale ».</p>
<p>La professionnalisation a engendré une transformation des instances. Depuis 2020, l’organisation de la Chinese Super League est confiée par la Fédération chinoise de football aux clubs, dans un souci de développement commercial sur le modèle de la Premier League anglaise. Les sponsors se sont développés, avec notamment Ping An (société d’assurance), Nike, Ford, DHL, Shell, Tsingtao ou encore Tag Heuer.</p>
<h2>Le repli actuel</h2>
<p>Les investissements ont été freinés à partir de la fin des années 2010 et une nouvelle politique prônée afin de limiter le « gaspillage ». Certains grands clubs, comme Jiangsu Suning ou Tianjin Tainhai, <a href="https://lucarne-opposee.fr/index.php/actualite/afc/archives/chine/8408-chine-chinese-super-league-2021-le-monde-d-apres">mettent la clé sous la porte en 2020</a>. Le premier, racheté en 2015 par le Suning Appliance Group pour 68 millions d’euros, avait recruté à prix d’or des joueurs internationaux brésiliens (Ramires pour 30 millions d’euros et Teixeira pour 50 millions), ainsi que l’entraîneur italien Fabio Capello. Le second avait recruté le Belge Witsel pour 20 millions d’euros et le Brésilien Pato pour 18 millions d’euros.</p>
<p>Ces disparitions vont de pair avec la crise Covid qui a considérablement affaibli financièrement le football chinois. Même si le repli des investissements avait légèrement anticipé la crise sanitaire, les effets ont été catastrophiques pour la plupart des clubs.</p>
<p>Dès 2017, une <a href="https://www.letemps.ch/economie/football-chinois-somme-mettre-lordre-finances">« luxury tax » avait été imposée par le gouvernement</a> : tout club dépensant plus 6 millions d’euros d’achat d’un joueur doit payer une taxe égale à 100 % de l’indemnité de transfert (réinjectée dans le développement du football en Chine).</p>
<p>Cette mesure, accompagnée d’une surveillance accrue des finances des clubs et de leur solvabilité, a freiné ces derniers dans leur développement. La Chinese Super League a ensuite fixé de nouvelles règles avec un « salary cap » (masse salariale maximale par équipe) et un salaire maximum par joueur afin de limiter la dérive financière.</p>
<p>Les récentes <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-chine/football-lex-president-de-la-federation-chinoise-juge-pour-corruption-cced04e4-be71-11ee-8a7d-fa3ec2db0626">affaires de corruption</a> révélées au sein de la fédération chinoise de football ne font que renforcer les craintes (Chen Xuyuan, président de l’Association chinoise de football, fait l’objet d’une enquête, après l’arrestation de Li Tie, ancien entraîneur de l’ACF et Chen Yongliang, secrétaire général).</p>
<p>Aujourd’hui, le championnat chinois a une valeur marchande (prix estimé de tous les joueurs) très éloignée des plus grands championnats, avec une somme de 154 millions d’euros qui le situe à la <a href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">sixième place sur le continent asiatique</a> mais loin des européens (3,5 milliards pour la Ligue 1 en France ou 10,5 milliards pour la Premier League en Angleterre). Même le championnat des États-Unis est presque dix fois plus coté (1,3 milliard).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valeur des championnats asiatiques en prix des joueurs y évoluant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">Transfermarkt.de</a></span>
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<p>Concernant le nombre de spectateurs dans les stades, les deux années Covid ont faussé les statistiques et la dernière saison redonne des <a href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">chiffres un peu inférieurs à ceux des années précédentes</a> – autour de 20 000 spectateurs en moyenne par match, en stagnation depuis 2014, après une montée rapide de 2009 à 2015 (passant de 14 000 à 22 000). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux d’un championnat majeur comme la Ligue 1, où l’on recense 24 000 spectateurs en moyenne.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=703&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571861/original/file-20240129-27-j24r8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=883&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nombre de spectateurs dans le championnat de République de Chine par année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">Transfermakt.de</a></span>
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<h2>L’un des rares échecs internationaux de la Chine de Xi Jinping</h2>
<p>La Chine a beaucoup investi dans le football dans l’optique de gagner une place importante sur la scène internationale permettant d’asseoir sa stature de grande puissance et de développer son soft power.</p>
<p>Les résultats n’ont pas été au rendez-vous et les sommes investies n’ont pas été rentabilisées, si bien qu’aujourd’hui la Chine semble avoir reculé, pour ne pas dire renoncé. Dans ce domaine, elle est désormais largement devancée par d’autres nations asiatiques (Qatar, Arabie saoudite) dont les premiers succès seront toutefois à confirmer.</p>
<p>Cet échec d’un investissement colossal est étonnant dans le paysage économique actuel, tant les succès sont nombreux pour les projets chinois sur des domaines où la Chine partait de loin à l’échelle internationale : éolien, ferroviaire, universités, etc. La Chine semble en avoir tiré les leçons en misant davantage sur la formation (académies de football), et plus généralement en se montrant plus patiente, espérant en tirer profit plus tard avec l’éclosion de talents. Elle paraît avoir réussi à sortir suffisamment tôt de l’emballement et de la folie des grandeurs qui caractérisent les pays du Golfe et qui peuvent conduire à des pertes importantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le championnat chinois ne fait plus recette, l’équipe nationale est très faible, le pays n’a pas obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2030 qu’il convoitait…Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210652024-01-12T19:26:37Z2024-01-12T19:26:37ZCAN 2023 : tout ce qu'il faut savoir sur une année record pour la plus grande compétition de football d'Afrique<p>La plus grande fête du football en Afrique, la <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/">Coupe d'Afrique des Nations 2023 (CAN)</a> masculine, est organisée par la Côte d'Ivoire en Afrique de l'Ouest et se terminera par la finale le 11 février 2024.</p>
<p>Plus que jamais, l'attention mondiale sera rivée sur les événements de la 34e édition de la Coupe en raison de la participation de certains athlètes qui font partie des plus éminents dans le domaine du football. Ajoutez à cela le fait que le tournoi se déroule pendant l'hiver européen et qu'il n'est donc pas confronté à la concurrence d'autres tournois internationaux majeurs, à l'exception de la Coupe d'Asie de l'AFC. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/africa-cup-of-nations-showcases-the-continents-finest-footballers-and-chinas-economic-clout-220313">Africa Cup of Nations showcases the continent's finest footballers – and China's economic clout</a>
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<p>Le tournoi a ses <a href="https://english.aawsat.com/sports/4766406-asian-cup-afcon-scheduling-%E2%80%98not-good%E2%80%99-players-says-arsenal%E2%80%99s-tomiyasu%C2%A0">détracteurs</a>, en particulier en Europe, où plusieurs clubs perdront des joueurs clés au profit d'équipes africaines. Malgré cela, rares sont ceux qui doutent que La CAN entre dans une nouvelle ère.</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=Chuka+Onwumechili&btnG=">chercheur</a> en communication sportive axée sur le football africain, je pense que ce sera une année record pour la CAN. Les vedettes mises à part, le tournoi continue de se développer en termes d'audience mondiale, d'amélioration des infrastructures, d'attention médiatique et d'augmentation des récompenses.</p>
<h2>Une dotation record</h2>
<p>La <a href="https://www.cafonline.com">Confédération africaine de football</a> (Caf) a annoncé une <a href="https://www.sportingnews.com/us/soccer/news/afcon-2023-prize-money-total-winners-africa-cup-nations-2024/3cef2e95886cf6b323253685">augmentation de 40 %</a> des récompenses pour les vainqueurs de la CAN. Le pays champion remportera 7 millions de dollars US, le vice-champion 4 millions, le troisième 2,5 millions et le quatrième 1,3 million. Bien qu'encore loin de l'Europe, ces récompenses <a href="https://en.as.com/en/2021/07/10/soccer/1625920368_059485.html">sont plus importantes</a> que celles ofertes par la Copa America (le championnat de football sud-américain) en 2021.</p>
<h2>Les stars</h2>
<p>Les joueurs africains vedettes sont des noms connus en Europe, grâce à des postes de haut niveau dans des clubs de premier plan. De grands noms comme <a href="https://www.transfermarkt.co.za/victor-osimhen/profil/spieler/401923">Victor Osimhen</a> (Nigeria), <a href="https://www.transfermarkt.co.za/achraf-hakimi/profil/spieler/398073">Achraf Hakimi</a> (Maroc) et <a href="https://www.transfermarkt.co.za/mohamed-salah/profil/spieler/148455">Mohamed Salah</a> (Égypte) représenteront tous leur pays lors du tournoi. Ils ont recueilli les trois plus grands <a href="https://www.espn.com/soccer/story/_/id/39091926/nigeria-striker-osimhen-african-footballer-year">votes</a> pour le titre de Joueur africain de l'année 2023. En outre, d'autres finalistes des Caf Awards - Fiston Mayele (Congo), Peter Shalulile (Namibie) et Percy Tau (Afrique du Sud) - participeront également au tournoi. A cette liste s'ajoute le sensationnel gardien de but marocain <a href="https://www.transfermarkt.co.za/bono/profil/spieler/207834">Yassine Bounou</a>.</p>
<h2>Les téléspectateurs du monde entier</h2>
<p>Le tournoi sera un événement mondial. La Caf a <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/news/caf-concludes-extensive-global-tv-broadcast-agreements-ahead-of-the-kick-off-of-the-totalenergies-africa-cup-of-nations-cote-d-ivoire-2023/">annoncé</a> une nouvelle série d'accords sur les droits de diffusion. Il s'agit notamment d'accords avec la BBC et Sky au Royaume-Uni, Band TV au Brésil, beIN et Canal+, entre autres. Ces accords signifient que le tournoi sera suivi en direct dans 180 pays à travers le monde. La Caf a également annoncé plus de 6 000 demandes d'accréditation de médias. C'est plus du double des demandes reçues lors de la précédente édition de la CAN.</p>
<h2>Des infrastructures de classe mondiale</h2>
<p>La Côte d'Ivoire a mis tout en œuvre pour que la CAN de cette année soit un événement de classe mondiale. On estime que le pays hôte a dépensé <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67719900">1 milliard de dollars</a> pour rénover les routes, les stades, les hôpitaux et d'autres infrastructures en préparation du tournoi. Outre la rénovation des stades existants, le pays a construit trois nouveaux sites. Il y a deux nouveaux stades d'une capacité de 20 000 places. Le <a href="https://www.afrik-foot.com/en-ng/afcon-2023-laurent-pokou-stadium-san-pedro">Stade Laurent Pokou</a> est situé à San-Pédro dans l'extrême sud-ouest du pays et le <a href="https://www.cafonline.com/caf-africa-cup-of-nations/stade-amadou-gon-coulibaly/">Stade Amadou Gon Coulibaly</a> à Korhogo dans le nord. </p>
<p>La plus grande nouvelle infrastructure, le <a href="https://www.modernghana.com/sports/1284721/2023-afcon-six-world-class-stadiums-ready-for.html">Stade Alassane Ouattara</a>, est située juste à l'extérieur de la capitale économique, Abidjan, et a été construite avec 260 millions de dollars pour accueillir 60 000 spectateurs sous un même toit. </p>
<p>Certains de ces sites, comme celui de Korhogo, sont accompagnés d'hôtels, de villas et de routes nouvellement construits. En tant que pays hôte, la Côte d'Ivoire bénéficiera également d'une base de supporters qui pourrait renforcer le moral de son équipe et ses chances de victoire.</p>
<h2>Les favoris</h2>
<p>Une saine rivalité entre les nations - en particulier entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique du Nord - va intensifier les enjeux de la CAN de cette année. Vingt-quatre équipes participent à la phase de groupes et 16 d'entre elles se qualifieront pour la <a href="https://www.bbc.com/sport/africa/67615678">phase à élimination directe</a>. Cela signifie que trois équipes se qualifieront à partir de quatre poules sur sur les six. </p>
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Read more:
<a href="https://theconversation.com/womens-afcon-2022-nigeria-sweats-as-morocco-and-cote-divoire-usher-in-new-era-177844">Women's Afcon 2022: Nigeria sweats as Morocco and Cote d'Ivoire usher in new era</a>
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<p>Bien que le Maroc soit devenu la première équipe africaine à atteindre la demi-finale d'une Coupe du monde de football masculin, il pourrait avoir du mal à remporter la CAN. Le Maroc a <a href="https://tribune.com.pk/story/2452923/morocco-seek-end-to-48-year-african-trophy-drought">remporté un seul</a> titre de la CAN, en 1976 en Éthiopie, et a atteint la finale en 2004 à Tunis. Mais le pays nord-africain fait partie des favoris en Côte d'Ivoire. Le pays hôte et le champion en titre, le Sénégal, se joindront à aux Marocains. Le Nigeria et l'Algérie sont également des candidats sérieux, tandis que le Mali fait figure d'outsider.</p>
<p>Compte tenu de tous ces développements, il ne fait aucun doute que le tournoi établira des records d'audience et d'affluence des stades, ouvrant ainsi une nouvelle perspective pour le tournoi le plus prestigieux d'Afrique. </p>
<p>La CAN a débuté ce 13 janvier 2024.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chuka Onwumechili does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>L'augmentation des récompenses, plusieurs nouveaux contrats de diffusion et les plus grands noms du football africain définiront l'édition 2024 de la CAN.Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1648950102583648256"}"></div></p>
<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1034394441627459584"}"></div></p>
<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
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<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208912024-01-11T16:39:04Z2024-01-11T16:39:04ZFootball : au Qatar, coup d’envoi de la Coupe d’Asie des tensions<p>À peine plus d’un an après avoir accueilli la Coupe du Monde, le Qatar s’apprête à accueillir à nouveau l’une des plus grandes compétitions de football, la Coupe d’Asie des nations. Le petit pays du Golfe lancera la compétition face au Liban, le 12 janvier, au stade Lusail, près de Doha, où <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/12/18/tears-of-relief-and-joy-as-messi-lifts-world-cup-for-argentina">Lionel Messi avait mené l’Argentine à la victoire</a> en décembre 2022.</p>
<p>Le Qatar espère <a href="https://www.cnbc.com/2019/01/30/qatar-thrashes-uae-4-0-in-politically-charged-asia-cup-semi-final--.html">conserver son titre acquis en 2019</a> face au Japon, aux Émirats arabes unis. Les cinq dernières années ont été mouvementées, turbulentes et donc incertaines : la <a href="https://www.reuters.com/lifestyle/sports/china-gives-up-2023-asian-cup-hosting-rights-afc-2022-05-14/">Chine aurait dû accueillir l’événement</a>, mais une combinaison de raisons politiques et sanitaires (sa politique « zéro Covid ») a <a href="https://asia.nikkei.com/Business/Business-Spotlight/Chinese-soccer-plunges-deeper-into-crisis">réduit les ambitions du pays</a> qui <a href="https://www.espn.co.uk/football/story/_/id/37628437/china-withdraw-afc-asian-cup-2023-hosts">a finalement renoncé en 2022</a> à accueillir le tournoi.</p>
<p>Quand elle a gagné le droit d’organiser la Coupe d’Asie, en 2019, la Chine aspirait à devenir l’une des principales nations de football au monde. Or, ces rêves ont été contrariés par des joueurs peu performants, des politiciens qui s’immiscent dans le jeu et la prudence apparente des officiels chinois.</p>
<h2>Le Qatar à nouveau au centre de l’attention</h2>
<p>La Confédération asiatique de football (AFC) a donc rouvert les candidatures et reprogrammé la compétition en 2024, une opportunité fortuite pour le Qatar. Ayant dépensé <a href="https://publika.skema.edu/qatar-saudi-arabia-sport-is-also-a-means-to-accumulate-power-and-build-control/">240 milliards de dollars pour accueillir la Coupe du monde</a>, le pays pourra réutiliser ses nouvelles infrastructures et démontrer que l’organisation d’un tournoi peut avoir des retombées positives. Sur le plan régional, cela est d’autant plus important que, depuis 2019, l’Arabie saoudite voisine est devenue un sérieux <a href="https://www.thisdaylive.com/index.php/2023/08/30/sports-and-entertainment-tourism-saudi-arabias-ambitious-plan-to-host-major-events-and-attract-global-audiences">rival pour les projets d’accueil d’événements sportifs</a> du Qatar.</p>
<p>Néanmoins, le Qatar se retrouve une fois de plus au centre de l’attention, une position que le gouvernement du pays souhaite perpétuer. Lors de la Coupe du monde 2022, il s’est imposé comme un <a href="https://www.cityam.com/size-matters-why-tiny-qatar-decided-it-needed-to-host-the-world-cup/">hôte fiable</a>, capable d’organiser des événements avec succès, comme un point focal pour communiquer une <a href="https://time.com/6237673/arab-nationalism-world-cup-qatar/">vision de l’unité arabe</a> et pour démontrer qu’il est un membre légitime et digne de confiance de la communauté internationale. Cette année, les responsables de Doha rechercheront sans aucun doute le même objectif, surtout au vu des récentes turbulences au Moyen-Orient.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du stade Lusail de Doha au Qatar" src="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568637/original/file-20240110-29-8ndfnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le stade Lusail de Doha, où s’est déroulé la finale de la Coupe du monde 2022, accueille le match d’ouverture, le 12 janvier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://zh.wikipedia.org/zh-cn/File:Lusail_Iconic_Stadium,_Qatar.jpg">Ilus/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces dernières années, le <a href="https://edition.cnn.com/2023/11/01/middleeast/qatar-mediation-israel-hamas-intl/index.html">Qatar s’est engagé dans la diplomatie</a> entre les États-Unis et le gouvernement taliban en Afghanistan, a organisé un échange d’otages entre l’Iran et les États-Unis et a joué un rôle déterminant dans la négociation de la libération d’otages palestiniens et israéliens. Lors de la Coupe d’Asie, les responsables qataris <a href="https://apnews.com/article/qatar-palestinians-israel-negotiation-hostages-6a11f09dd0968de8eb232260d7aca90d">devront déployer pleinement leur « soft power »</a> (puissance douce) et leur diplomatie, notamment en raison de l’identité de plusieurs équipes qualifiées pour le tournoi.</p>
<h2>Football et politique se mélangent</h2>
<p>Les événements actuels au Proche-Orient ont entraîné la <a href="https://www.aljazeera.com/sports/2023/10/30/israelis-war-on-gaza-hits-palestinian-football">mort de plusieurs joueurs de football</a> et la guerre a posé des problèmes à la sélection palestinienne pour se préparer au tournoi. Pour son premier match, l’équipe affrontera l’Iran, <a href="https://www.chathamhouse.org/2023/11/irans-regional-strategy-raising-stakes-hamas-israel-war">pays accusé par Israël, les États-Unis et leurs alliés</a> d’être à l’origine des attaques du Hamas en Palestine et de soutenir le Hezbollah au Liban. Ce dernier participera également au tournoi, dans le même groupe que le Qatar et la Chine, à un moment de tensions croissantes, comme en témoigne la <a href="https://edition.cnn.com/2024/01/03/middleeast/iran-explosions-soleimani-ceremony-intl/index.html">récente explosion terroriste</a> à Téhéran.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1719136639170056311"}"></div></p>
<p>Lors de la Coupe du monde 2022, <a href="https://www.npr.org/2022/11/29/1139548119/iran-protests-2022-world-cup">l’Iran s’était attiré les foudres du monde entier</a>, car à l’époque, des femmes du pays étaient arrêtées et battues pour avoir refusé de se couvrir la tête en public. Cette question pourrait resurgir une fois de plus, bien que l’apparition des Émirats arabes unis dans le même groupe que l’Iran et que la sélection palestinienne suggère que des questions plus importantes pourraient être soulevées – idéalement, le football et la politique ne devraient pas se mélanger, mais c’est très souvent le cas.</p>
<p>Tout au long du récent conflit au Moyen-Orient, Etihad Airways d’Abu Dhabi a été <a href="https://gulfnews.com/business/aviation/uaes-etihad-resumes-israel-flights-emirates-suspends-all-tel-aviv-flights-until-october-20-1.1696997020113">l’une des rares compagnies aériennes internationales à continuer à desservir Tel-Aviv</a>. Cela fait suite à la normalisation de ses relations avec Israël en 2020, un processus qui a ensuite donné lieu à <a href="https://news.sky.com/story/beitar-jerusalem-emirati-sheikh-invests-in-football-club-with-reputation-for-anti-arab-racism-12155293">plusieurs accords dans le domaine du football</a>. Mais le Qatar, pays hôte du tournoi, a toujours refusé de suivre le mouvement, tandis que l’Arabie saoudite est <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/saudi-arabia-puts-israel-deal-ice-amid-war-engages-with-iran-sources-say-2023-10-13/">revenue sur sa volonté de normalisation</a> à la suite de l’action militaire d’Israël à Gaza.</p>
<h2>Une édition particulière</h2>
<p>La Coupe d’Asie de cette année se déroulant dans un contexte de conflit et d’incertitude, l’Arabie saoudite s’y rend en essayant de se forger une <a href="https://www.ft.com/content/a619d07c-70e3-453c-83b3-3ce2ff903a78">réputation internationale plus progressiste et plus responsable</a>. Cela n’a jamais été aussi évident qu’à travers ses <a href="https://theconversation.com/saudi-arabia-and-sport-a-strategic-gamble-aiming-for-economic-political-and-social-goals-199233">récents investissements sportifs</a>, en particulier dans le football. Il y a cinq ans, le royaume était arrivé deuxième de son groupe et avait quitté la compétition en huitièmes de finale, une performance décevante comparée à celle de ses petits voisins, le Qatar et les Émirats arabes unis (qui ont atteint les demi-finales).</p>
<p>Cette fois-ci, l’Arabie saoudite, qui a <a href="https://www.middleeasteye.net/news/saudi-arabia-football-huge-spending-reshape-middle-east">beaucoup investi dans l’acquisition de joueurs étrangers</a> pour son championnat national, espère mieux jouer, voire remporter le tournoi, et projeter une image du pays qui attire l’attention de manière positive plutôt que négative. La Coupe d’Asie ne sera pas un test décisif pour évaluer le retour sur investissement de l’Arabie saoudite dans le football, mais les performances de l’équipe dans le tournoi donneront une indication de l’évolution du football dans le royaume.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">Football : le modèle de la Saudi Pro League peut-il s’imposer ?</a>
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<p>En ce qui concerne le soft power et l’attractivité, les pays du Golfe se retrouveront <a href="https://theconversation.com/world-cup-2022-who-won-the-prize-for-soft-power-195867">face à certains des meilleurs dans ce domaine</a>, notamment le Japon et la Corée du Sud. Tous deux participeront au tournoi et ont une réputation bien établie pour ce qui est de séduire le public dans le monde entier, qu’il s’agisse des supporters japonais qui <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/life-style/spotlight/japanese-fans-cleaning-stadiums-its-cool-but-why-are-they-doing-it/articleshow/95993013.cms">nettoient les stades après leur passage</a> ou du Sud-Coréen Son Heung-min, véritable <a href="https://www.korea.net/NewsFocus/Culture/view?articleId=226199">ambassadeur de la « vague Hallyu »</a>, qui désigne la politique de soft power du pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1595475389257760768"}"></div></p>
<p>À ce mélange de tensions, d’attraction et d’intrigues s’ajoutent l’Australie et la Syrie, qui s’affrontent, même si <a href="https://www.smh.com.au/politics/federal/australia-to-end-air-strikes-in-iraq-and-syria-following-victory-over-islamic-state-20171222-h090x4.html">leurs relations en dehors du terrain restent tendues</a> (la première ayant bombardé la seconde au cours de la dernière décennie). L’Indonésie sera également présente, pays qui ambitionnait d’accueillir la Coupe du monde <a href="https://www.espn.co.uk/football/story/_/id/38687241/saudi-given-2034-wc-bid-boost-indonesia-show-support">mais qui se serait retiré</a> pour permettre à l’Arabie saoudite de devenir le favori pour l’organisation du tournoi de 2034. Il y a aussi l’Inde, une nation traditionnellement peu performante dans le domaine du football mais qui <a href="https://www.firstpost.com/sports/football-news/indian-football-2023-year-in-review-13526702.html">s’éveille peu à peu</a> aux avantages économiques et politiques de ce sport.</p>
<p>Contrairement aux éditions précédentes, la Coupe d’Asie 2024 revêt une importance particulière. Certaines régions du continent sont en proie à des conflits, tandis que d’autres sont en train de devenir des puissances mondiales. Cela illustre la façon dont le <a href="https://knowledge.skema.edu/future-sport-asia-khanna-soft-power/">monde pivote du Nord vers le Sud</a>. Dans le même temps, le tournoi nous rappelle que ce pivot ne se fait pas nécessairement sans heurts, surtout en ces temps difficiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220891/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un peu plus d’un an après le Mondial, le Qatar accueille le tournoi international continental dans un contexte de rivalités avec le voisin saoudien et du risque d’embrasement de la région.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolPaul Widdop, Reader of Sport Business, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179852023-11-23T17:50:58Z2023-11-23T17:50:58ZTroisième division de football en France : une professionnalisation à l’américaine ?<p>Hormis les fans, peu de monde sait qu’une révolution silencieuse est en marche dans le milieu du <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a> français : la possible création d’une <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/national/une-ligue-3-renforcera-le-football-professionnel-francais-7c2d0f50-6128-11ee-8e3d-a7166db2fbdd">troisième division professionnelle</a>, telle qu’elle existe déjà par exemple au Royaume-Uni (League One) ou en Italie (Serie C, ou Lega Pro). L’élite du football hexagonal serait alors constituée de trois niveaux (Ligue 1, Ligue 2 et Ligue 3), sous la gouvernance de la Ligue de football professionnel (LFP). De nouveaux clubs viendraient se partager notamment les droits TV, évidemment dégressifs en fonction du niveau, mais dont on connaît désormais l’importance majeure (jusqu’à un tiers des budgets des clubs), alors que les <a href="https://theconversation.com/leconomie-du-football-entre-dans-une-nouvelle-ere-194706">recettes de billetterie ne cessent de baisser</a>.</p>
<p>Pour mieux comprendre la situation en cette fin 2023, replongeons-nous un instant trente ans en arrière, au début des années 1990. Il existait alors en France une Division 1 de 20 clubs et deux groupes de Division 2 de 18 clubs chacun. Au total, le football professionnel français de l’élite comptait 56 clubs. Au début de la saison 2023-2024, ce nombre s’est drastiquement réduit puisqu’il est tombé à 38 clubs (18 en Ligue 1 Uber Eats et 20 en Ligue 2 BKT), avec seulement 36 clubs à l’horizon d’août 2024 (la Ligue 2 BKT va également passer à <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-lfp-adopte-le-passage-a-18-clubs-en-ligue-2-a-partir-de-la-saison-2024-2025/1304114">18 clubs</a>). La « cure d’amaigrissement » a ainsi été sévère.</p>
<p>Aujourd’hui, les clubs de ce troisième échelon semblent s’organiser collectivement, malgré ce qui peut les opposer sportivement. Ce modèle original augurerait-il une forme d’« américanisation » du sport professionnel en France, modèle exploré dans nos précédents <a href="https://www.revue-rms.fr/Gouverner-le-football-professionnel_a106.html">travaux</a> ?</p>
<h2>Le « National » : certainement pas un sous-championnat</h2>
<p>Le troisième niveau du football français est actuellement dénommé championnat de National (18 clubs) et regroupe pour moitié des clubs à statut dit fédéral (pour simplifier, des clubs « amateur ») et pour moitié des clubs à statut professionnel. Parmi ces derniers, on retrouve d’anciennes gloires du football, qui évoluaient il y a peu encore en Ligue 1 : Dijon, Nancy, Nîmes ou Sochaux en sont les exemples les plus représentatifs.</p>
<p>Un véritable « vivier » de clubs historiques à forte image alimente ainsi le championnat de National. En témoignent des affluences de plusieurs milliers de spectateurs dans les stades depuis août 2023, à l’image du match Sochaux-Grand Ouest association lyonnaise (GOAL) de la 4<sup>e</sup> journée jouée devant <a href="https://www.fcsochaux.fr/actualites/supporters/14-025-spectateurs-a-loccasion-de-fcsm-goal-fc#:%7E:text=14.025%20spectateurs%20%C3%A0%20l%E2%80%99occasion%20de%20FCSM%2DGOAL%20FC">14 000 spectateurs</a> au stade Auguste Bonal ou du match Nancy-Versailles de la 8<sup>e</sup> journée joué devant <a href="https://www.francebleu.fr/sports/football/l-as-nancy-lorraine-passe-la-barre-des-5-200-abonnes-la-campagne-se-termine-ce-vendredi-soir-9031722">8 200 spectateurs</a>. À titre de comparaison, le match de Ligue 1 opposant Monaco à Metz le 22 octobre 2023 ne s’est disputé que devant <a href="https://sportune.20minutes.fr/affluences-9e-journee-ligue-1">6 000 spectateurs</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1593294726253404161"}"></div></p>
<p>Pour l’instant, les clubs du championnat de National, dépendant de la Fédération française de football (FFF), sont exclus des droits TV, ce qui représente un énorme manque à gagner (rappelons que la FFF espère récolter <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/ligue-1/droits-tv-une-mise-a-prix-de-800-millions-deuros-par-saison-pour-la-ligue-1-57f0bec8-516c-11ee-bd2b-11d6ecd273da">800 millions d’euros</a> par saison entre 2024 et 2029 pour la Ligue 1…). Chaque vendredi soir, les différentes rencontres donnent juste lieu à une diffusion en streaming à partir d’un <a href="https://ffftv.fff.fr/63-national.html">lien</a>, accessible gratuitement. Seule une rencontre « de prestige » est diffusée le lundi soir sur Canal+ Sport, ainsi que trois multiplex lors de la fin des matches aller, et lors de l’avant-dernière et de la dernière journée du championnat. Les clubs ne sont pas bénéficiaires des droits TV, mais le contrat avec Canal+ Sport permet à la FFF de soutenir le football amateur dans son ensemble.</p>
<p>De leur côté, les joueurs sous <a href="https://media.fff.fr/uploads/document/66b9c0b22461378dbcc76f216df66cae.pdf">contrat fédéral</a> sont rémunérés selon le principe d’un temps plein de 35 heures hebdomadaires, mais sans bénéficier du droit à la retraite et du minimum salarial équivalent aux joueurs professionnels. Cela rend difficile pour les clubs à statut fédéral de conserver leurs meilleurs joueurs, naturellement tentés de signer un contrat professionnel lorsqu’ils attirent l’attention d’un club de Ligue 2 ou de Ligue 1, voire d’un club de National à statut professionnel.</p>
<p>La création d’une Ligue 3 professionnelle changerait complètement la donne sur le plan financier pour les clubs présents, notamment avec des droits TV permettant d’accroître significativement leurs budgets. Ceux-ci ont donc intérêt collectivement à voir se mettre en place cette Ligue 3 dès la saison 2024-2025… sachant néanmoins qu’un nombre non négligeable d’entre eux n’en récoltera pas les fruits : 6 clubs sur 18 seront rétrogradés dans le championnat amateur de National 2 en mai 2024.</p>
<h2>Agir collectivement malgré la compétition sportive</h2>
<p>Nous sommes de fait face à un exemple de ce que l’on appelle une stratégie « coopétitive » (un mot-valise entre « coopétition » et « compétition ») : des clubs en compétition chaque semaine ont intérêt à coopérer et parler d’une seule voix pour convaincre la LFP de créer la Ligue 3 et y attribuer des droits TV. En septembre 2023, tous les présidents de clubs du championnat de National ont signé une <a href="https://maligue2.fr/2023/09/11/n1-une-etape-franchie-vers-une-ligue-3-professionnelle/">déclaration commune</a> allant dans ce sens, alors qu’un tiers d’entre eux ne seront pas concernés.</p>
<p>Celle-ci est sans ambiguïté. Ils affirment en effet avec véhémence :</p>
<blockquote>
<p>« Les présidents de National démontrent toute leur motivation et détermination à vouloir participer au développement de notre football dans le cadre d’un projet ambitieux mais peut-être également plus solidaire qui pourrait se résumer en une phrase : <em>“Développons notre football pour développer TOUS nos clubs !”</em> »</p>
</blockquote>
<p>La question est abordée depuis plusieurs années et soulève certaines réticences du côté des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 : le « gâteau » des droits télévisuels notamment serait à partager entre plus de clubs sans qu’il ne devienne plus gros. Le président de la FFF est d’ailleurs conscient de ces tensions puisqu’après avoir signifié sa totale opposition à la création d’une Ligue 3 au printemps 2023, il a décidé d’ouvrir la réflexion début novembre 2023 en initiant un <a href="https://footamateur.ouest-france.fr/ligue-3-le-president-de-la-fff-philippe-diallo-a-ouvert-la-reflexion/">groupe de travail</a> chargé d’imaginer une nouvelle structure professionnelle.</p>
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<p>Il est évidemment impossible à ce jour, dans un contexte de négociations aussi serrées que secrètes, d’évaluer le poids que représente l’action collective des présidents des clubs du championnat de National. Rarement néanmoins une logique d’action collective aura été affirmée de manière si forte dans le football professionnel français, alors qu’y règne le plus souvent une compétition sans pitié entre clubs, débordant d’ailleurs souvent des stades avec une <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-la-violence-des-supporters-213000">violence incontrôlée de leurs supporters</a>.</p>
<p>En d’autres termes, nous sommes en présence d’agents qui s’opposent mais qui agissent au même moment dans la même direction. Une telle ambivalence est d’ailleurs courante en management des entreprises, lorsque le concurrent sur un marché de consommation sera également un partenaire dans l’organisation de chaînes logistiques communes. Pareil type de paradoxe avait déjà été analysé dans les années 1960 par l’économiste <a href="https://www.persee.fr/doc/casec_0761-9871_1987_num_8_1_1571">François Perroux</a> et son paradigme « lutte-coopération » pour décrire cette « relation Janus ».</p>
<h2>Une lente infusion du modèle nord-américain ?</h2>
<p>Le cas d’école relatif à la création d’une Ligue 3 professionnelle en France rapproche implicitement le comportement des clubs du championnat de National du système des ligues nord-américaines (dénommées « franchises »), dont s’inspire d’ailleurs la <a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">Saudi Pro League</a>. Dans ces ligues, c’est effectivement un intérêt collectif qui prévaut et des mécanismes sophistiqués sont mis en œuvre pour préserver les intérêts de tous les clubs de la franchise, même si un seul club remportera <em>in fine</em> le Super Bowl de football américain ou le titre NBA de basket chaque année.</p>
<p>La structuration du football professionnel français en trois ligues ne signifierait pas bien sûr que la compétition sportive serait figée d’une année sur l’autre, empêchant par exemple une excellente équipe de Ligue 3 d’intégrer la saison suivante la Ligue 2. En revanche, une gouvernance <em>ad hoc</em>, sur le modèle nord-américain, pourrait être envisagée, notamment avec la présence d’un puissant <em>commissionner</em> (la DNCG ?) régulant les forces en présence et bloquant l’accès à une ligue supérieure en cas de conditions économiques (budget de fonctionnement) et infrastructurelles (capacités et équipements du stade) non remplies.</p>
<p>Nul doute que certains puristes crieront au scandale à la lecture de cette suggestion, en considérant que le mérite sportif s’estomperait totalement au bénéfice du seul « foot business ». Cela serait oublier un peu vite que la puissance et la pérennité des ligues nord-américaines sont justement fondées sur une <a href="https://www.revue-rms.fr/attachment/609680/">régulation collective</a> dont bénéficient en dernier ressort tous les clubs d’une franchise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217985/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Paché ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les présidents des clubs de National s’entendent pour que celle-ci devienne professionnelle, une forme d’alliance qui n’est pas sans rappeler ce que l’on observe en NBA ou dans la NFL.Gilles Paché, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172362023-11-16T17:14:05Z2023-11-16T17:14:05ZLes clubs de football en crise, bientôt une vitrine pour l’économie sociale et solidaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558084/original/file-20231107-22-v7bfb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1588%2C855&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Stade Auguste Bonnal, voisin des usines Peugeot, est l'antre du FC Sochaux-Montbéliard, club en pleine mutation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Info Stades / Wikimedia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football professionnel</a> a-t-il sa place au sein de l’<a href="https://theconversation.com/topics/economie-sociale-et-solidaire-22578">économie sociale et solidaire</a> (que l’on connaît parfois sous l’acronyme ESS), cette économie alternative qui valorise à la fois ancrage au territoire, coopération, utilité sociale et performance économique ? Le Football Club Sochaux Montbéliard (FCSM) notamment, club historique franc-comtois fondé en 1928, est en passe de se relancer sous le statut de Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).</p>
<p>Après 90 années passées au niveau professionnel, un <a href="https://www.fcsochaux.fr/palmares">palmarès conséquent</a> (deux championnats et deux coupes de France notamment) et jusqu’à 150 salariés, le FCSM connaît des difficultés que l’on peut relier au retrait progressif de Peugeot, marque automobile historiquement intégrée dans ce territoire et qui a permis le développement d’un grand club dans une petite ville. Le Peugeot de 2023, intégré au Groupe Stellantis, mise sur une montée en gamme, sponsorise le golf, le tennis et s’éloigne d’un sport qui véhicule des valeurs populaires. La fin du patronage de l’entreprise automobile en 2015 s’est suivie d’une succession néfaste d’investisseurs étrangers et de difficultés de gestion.</p>
<p>Le club du Doubs, proche du dépôt de bilan, évolue actuellement en National (3<sup>e</sup> division), mais il aurait commencé la saison à un niveau bien inférieur sans le retour d’un ancien président du club, Jean-Claude Plessis, et la <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/bourgogne-franche-comte/football-le-pari-reussi-de-sociochaux-1987400">levée de fonds</a> portée par l’association de supporters les « Sociochaux ». L’initiative visait notamment rassembler les différents acteurs du territoire concernés par la survie de ce club emblématique. Plus de 11 000 supporters, mais aussi des joueurs, anciens joueurs, des entreprises du territoire et les collectivités se sont fédérés autour d’un projet coopératif et économique de territoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1705547871662063833"}"></div></p>
<p>Dans le milieu du football, le FCSM n’est pas le premier à penser aux modèles et outils développés par l’ESS, objets de nos travaux. Il pourrait suivre le <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/788972/sc-bastia-la-scic-sportive-levier-de-la-renaissance/">SC Bastia</a>, devenue SCIC en 2019. L’idée a été évoquée par d’autres clubs comme <a href="https://www.lardennais.fr/id501989/article/2023-07-10/football-cs-sedan-ardennes-francis-roumy-cest-une-bataille-tres-difficile-mais">Sedan</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2020/09/02/football-les-supporteurs-de-valenciennes-bientot-au-capital-du-club_6050739_1616938.html">Valenciennes</a>, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/fc-nantes/fc-nantes-reprise-du-club-l-association-a-la-nantaise-propose-un-nouveau-modele-d6af62d4-4f96-11ec-b93a-6aa1b43b752b">Nantes</a> ou <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/100-girondins-l-emission/gironde/girondins-de-bordeaux-le-financement-participatif-peut-il-sauver-le-club">Bordeaux</a>. Leur point commun ? Des clubs emblématiques de leur territoire et connaissants des difficultés de gestion.</p>
<h2>Différents types de sociétaires</h2>
<p>Le projet nommé « FCSM 2028 » veut ramener le club en première division, mais surtout rendre plus transparente et saine la gestion du club en la faisant reposer sur une gouvernance partagée entre des sociétaires de différents horizons : supporters qui connaissent l’histoire du club, collectivités qui veulent maintenir l’emploi et l’attractivité du territoire, salariés et acteurs économiques locaux. L’ESS regroupe des organisations qui partagent ce souci d’une gestion démocratique et multiparties prenantes et c’est notamment ce que permet le <a href="https://www.les-scic.coop/presentation">modèle de la SCIC</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1681057098363224067"}"></div></p>
<p>De forme privée et d’intérêt public, la Société coopérative d’intérêt collectif associe des personnes physiques ou morales autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale. Comme dans toute coopérative le principe « un sociétaire = une voix » s’applique, et cela quel que soit le nombre de parts sociales achetées. Sa particularité est d’être construite autour du « multisociétariat ». C’est-à-dire qu’elle implique différents types de sociétaires, salariés, clients, collectivités territoriales, réunis dans différents collèges ayant chacun des droits de vote entre 10 et 50 %.</p>
<p>Ce modèle existe en France depuis 2001 et s’adapte à tout secteur d’activité du <a href="http://www.polenautique.org/">sport</a> à la <a href="https://culture-sante-na.com/">santé</a> en passant par exemple par l’<a href="https://www.communile.com/fr/">alimentation</a>. Il occupe une place de plus en plus importante dans le paysage économique : en 2022 le nombre d’entreprises l’ayant adopté a augmenté de 6 % d’entreprises par rapport à 2021, les effectifs de 7 % pour atteindre <a href="https://www.les-scic.coop/chiffres-cles">14 287 salariés</a> fin 2022.</p>
<h2>Les coopératives, simples « issues de secours » ?</h2>
<p>Dommage qu’il faille « toucher le fond pour sortir de la logique d’actionnaires venus du bout du monde sans aucune attache locale », explique Michel Abhervé dans ses <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2023/08/05/apres-bastia-vers-une-scic-pour-le-fc-sochaux-montbeliard">billets de blog</a> dédiés aux sujets « ESS » pour le mensuel <em>Alternatives économiques</em>. De fait, le cas des clubs de football pourrait pointer le <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/abherve/2021/11/28/un-projet-de-scic-pour-le-fc-nantes">manque de légitimité</a> des modèles de l’ESS dans certains secteurs économiques avec une approche trop « marquée sociale ou solidaire dans un paysage où on parle de millions d’euros ».</p>
<p>Si la marche est haute dans le milieu du football, dans de nombreux secteurs, les modèles de l’ESS tendent à se faire une place plus importante pour stimuler un changement de regard sur un modèle capitaliste dont les critiques dénoncent le <a href="https://theconversation.com/cooperatives-supermarches-solidaires-devenir-une-organisation-alternative-ne-simprovise-pas-161860">caractère prédateur et destructeur</a>. C’est d’ailleurs comme cela que Bastien Sibille entrevoit le rôle des <a href="https://www.letelegramme.fr/economie/bastien-sibille-on-ne-battra-pas-le-capitalisme-mais-on-peut-essayer-de-le-ringardiser-6424250.php">Licoornes</a>, le regroupement de coopératives qu’il préside : on y retrouve notamment Enercoop dans l’énergie, la NEF dans la finance, Biocoop dans la distribution alimentaire ou Mobicoop dans le covoiturage :</p>
<blockquote>
<p>« Il s’agit de faire grandir ces alternatives et construire le système économique dont le XXI<sup>e</sup> siècle a besoin. »</p>
</blockquote>
<p>La SCIC est même encouragée par l’acteur public : le <a href="https://www.lecese.fr/actualites/retours-sur-les-suites-donnees-lavis-du-cese-sur-leconomie-du-sport">Conseil économique, social et environnemental</a> préconise notamment le développement des SCIC pour les activités sportives. Dans la même veine, nos <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2022-3-page-289.htm">recherches</a> montrent que de plus en plus d’entrepreneurs envisagent la SCIC et les modèles de l’ESS dès l’émergence de leurs projets, et ce pour valoriser et structurer les dimensions multiparties prenantes et territoriales.</p>
<p>A contrecourant d’un entrepreneuriat en mode « start-up » dont la durée de vie des projets est limitée, les coopératives ont l’avantage de constituer des organisations plus pérennes. Leur taux de pérennité à 5 ans est de 76 % contre 61 % pour l’ensemble des entreprises françaises. La SCIC impose qu’au moins 57,5 % des bénéfices doivent être affectés à des réserves impartageables, ce qui consolide l’autonomie financière de l’organisation et rassure les différentes parties prenantes dans leur engagement.</p>
<h2>Bastia, aux portes de la Ligue 1</h2>
<p>L’exemple du SC Bastia commence à prouver la pertinence du modèle de SCIC pour un club de foot. Entre 2019, année de la transformation organisationnelle et 2021, le capital du club est passé de 801 000 à 1,34 million d’euros.</p>
<p>L’augmentation s’opère notamment grâce aux nouvelles souscriptions de particuliers, des supporters qui perçoivent les retombées de leur engagement. Ils prennent part aux décisions et font peser le poids des intérêts de la société civile. Sur les 120 000 euros glanés lors d’une nouvelle souscription réalisée en 2020, 100 000 euros ont ainsi été investis dans la <a href="https://www.liberation.fr/economie/a-bastia-le-foot-est-a-tous">création d’un terrain pour les jeunes</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1354843175014305797"}"></div></p>
<p>De même du côté des collectivités, une vingtaine de communes sont actionnaires du club. Leurs parts sociales sont des investissements récupérables au bout de cinq ans, contrairement aux subventions qui sont en quelques sortes « perdues » pour elles. En impliquant les villes, l’enjeu n’est pas de bénéficier d’un socle financier mais de constituer un projet de club et de territoire avec des contreparties qui dépassent l’économique : les joueurs se déplacent par exemple, dans les clubs et les écoles partenaires. <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/788972/sc-bastia-la-scic-sportive-levier-de-la-renaissance/">Jérôme Negroni</a>, directeur général adjoint du SC Bastia explique dans les colonnes de <em>La Gazette des communes</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Dans ce football de plus en plus mondialisé, nous sommes persuadés que ces valeurs ont un véritable sens. »</p>
</blockquote>
<p>Le club corse porteur d’un nouveau modèle de club de football professionnel a terminé aux portes de la ligue 1 en fin de saison dernière, six ans après avoir frôlé le dépôt de bilan et avoir été rétrogradé administrativement en cinquième division.</p>
<h2>Un mois de l’ESS pour lever des barrières ?</h2>
<p>Avec des SCIC au plus haut niveau du football français, et dans la mesure où celles-ci ne sont pas que des modèles de sortie de crise, l’ESS pourra conquérir de nouveaux supporters pour encourager l’économie de demain. Mettre en place ces modèles d’organisations plus collectifs et démocratiques ne s’improvise cependant pas. Nos analyses mettent en évidence les multiples freins culturels et institutionnels que ces innovations alternatives vont rencontrer pour se déployer à une échelle plus large dans notre société.</p>
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<p>Luc K. Audebrand, professeur en économie sociale à l’université de Laval au Canada, souligne notamment la prégnance de <a href="https://www.lesoleil.com/dossiers-speciaux/limpulsion-coop/2023/10/16/la-cooperative-plus-quun-modele-de-survie-LWB6VXCD2JHQ5DKMLZTXPLJBRI/">mythes</a> qui desservent le modèle : une coopérative serait moins efficace et rentable qu’une entreprise classique par exemple. Le manque de connaissances diffusées et enseignées à leur sujet est également à souligner, de même que des barrières de nature réglementaire. Obtention de financements, mécénat, recours possible au bénévolat, au service civique, etc. de nombreuses spécificités des SCIC sont encore à clarifier sur le plan légal, notamment vis-à-vis des statuts juridiques d’associations, des autres coopératives et des entreprises classiques pour prétendre être une alternative crédible.</p>
<p>Afin de dépasser ces limites, outre l’image positive que pourraient donner des clubs de football, le mois de novembre est aussi le <a href="https://www.mois-ess.org/le-mois-de-l-ess">mois de l’économie sociale et solidaire</a>. Partout en France, des événements mettent en valeur les savoir-faire et activités des femmes et hommes porteurs de projets, entreprises, organisations et collectifs qui se mobilisent dans les territoires pour porter, présenter et faire connaître l’économie sociale et solidaire au plus grand nombre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217236/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Denos ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la lignée du SC Bastia et du FC Sochaux, des clubs de football en difficulté réfléchissent à se transformer en entreprises sociales et solidaires proches de leur territoire.Guillaume Denos, Maître de Conférence, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175062023-11-15T21:16:05Z2023-11-15T21:16:05ZLes supporters de clubs de football face à la marchandisation de leur sport<p>Le football professionnel fait aujourd’hui l’objet d’une forte marchandisation. En effet, les clubs de football adoptent des pratiques commerciales toujours plus sophistiquées dans le but de générer des sources de revenus supplémentaires : <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/07/25/qui-possede-les-clubs-de-foot-francais_6136111_4355770.html">ventes de parts de capital</a> à des investisseurs étrangers (en France, les six clubs de foot aux budgets les plus élevés sont désormais tous majoritairement détenus par des investisseurs étrangers) ; <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-decathlon-arena-de-quoi-le-naming-est-il-le-nom-1765430"><em>naming</em></a> des stades (les trois plus grands stades de clubs de Ligue 1 <a href="https://www.transfermarkt.fr/ligue-1/stadien/wettbewerb/FR1">portent le nom d’un sponsor</a>) ; <a href="https://football-observatory.com/L-inflation-sur-le-marche-des-transferts-des">transferts de joueurs</a> fréquents et pour des indemnités parfois colossales ; <a href="https://www.leparisien.fr/sports/football/psg/psg-une-tournee-en-asie-qui-rapporte-plus-de-20-millions-deuros-meme-sans-mbappe-23-07-2023-XWPE44HF25EK5H3ZOIBIZ7LWI4.php">tournées promotionnelles</a> dans les marchés émergents du football tels que l’Asie et les pays du Golfe ; <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-psg-portera-un-maillot-special-nouvel-an-chinois-face-a-reims/1376345">flocage des maillots des joueurs en mandarin</a> lors de matchs disputés pendant le Nouvel An chinois et diffusés en Chine ; mise en place de loges VIP dans les stades ; billetterie aux prix fortement différenciés selon le pouvoir d’achat et la disposition à payer des spectateurs…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-fin-du-foot-retour-sur-un-business-qui-derange-97337">La fin du foot ? Retour sur un business qui dérange</a>
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<p>Difficilement imaginables il y a encore 30 ans, ces pratiques sont aujourd’hui monnaie courante dans les principales ligues de football européennes. Mais l’expérience communautaire recherchée par les supporters de clubs peut-elle survivre à l’avènement du « foot business » ?</p>
<h2>La logique communautaire</h2>
<p>De nombreux supporters ne conçoivent pas leur relation au club qu’ils soutiennent en des termes purement marchands. Autrement dit, ils ne se considèrent pas comme de simples « clients » d’une organisation sportive qui leur fournirait, moyennant finances, un spectacle qu’ils espèrent être à la mesure de la somme d’argent dépensée. Leur rapport au club soutenu est plutôt régi par ce que l’on nomme en sociologie une <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2011-2-page-33.htm">« logique communautaire »</a>.</p>
<p>Cela signifie que ces supporters se représentent le club auquel ils apportent leur soutien comme une « communauté » (en termes simples, comme un « nous ») dont ils se perçoivent comme des « membres » à part entière. Ce sentiment d’appartenance communautaire se manifeste notamment dans la manière dont ces supporters évoquent le club qu’ils affectionnent et les résultats sportifs qu’il obtient : ils en parlent généralement comme de « leur » club, de « leurs » victoires et de « leurs » défaites. « Nous avons gagné dans la douleur hier soir ! », peuvent-ils s’exclamer au lendemain d’un match remporté au forceps – à la surprise de leurs interlocuteurs non initiés au supportérisme, qui s’étonnent que l’on puisse s’arroger la victoire d’une équipe de football sans avoir foulé soi-même le terrain.</p>
<p>Cela dit, n’est pas pleinement « membre » d’un club qui veut. La logique communautaire exige des supporters qui y adhèrent de se conformer à une valeur cardinale : la <em>loyauté au club</em>. On ne peut légitimement considérer un club comme « le sien » qu’à condition de lui accorder une fidélité à toute épreuve. Faire défection à son club en période d’échec sportif ou, a fortiori, lui préférer un club rival sportivement plus performant, est vu comme une forme de trahison communautaire.</p>
<p>Inversement, rester fidèle à un club de sorte à pouvoir le tenir pour « le sien » offre au supporter animé par un esprit communautaire toute une série de gratifications psychosociales. Un fan loyal peut ainsi se prévaloir de sa fidélité auprès d’autres supporters acquis, comme lui, à la logique communautaire. En langage sociologique, il jouit d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-internationaux-de-psychologie-sociale-2018-1-page-119.htm">reconnaissance sociale auprès de son groupe de référence</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1520781557266583554"}"></div></p>
<p>De plus, les jours de match au stade, un tel supporter peut éprouver le plaisir de se sentir « en communion » avec les autres membres de son club qui se trouvent réunis dans la même enceinte sportive que lui – à savoir les autres supporters, les joueurs, l’équipe dirigeante et le staff (il est révélateur à cet égard que les termes « communauté » et « communion » soient étymologiquement apparentés).</p>
<p>Ce sentiment d’appartenance commune transcende dans une certaine mesure les différences personnelles et socioculturelles qui peuvent exister entre membres du même club. Un supporter loyal tire également de la fierté des succès sportifs remportés par le club qu’il estime être « le sien » en vertu de la fidélité qu’il lui voue. La fierté de voir son équipe gagner des matchs et remporter des titres est ressentie comme d’autant plus légitime que les compétitions dans lesquelles celle-ci est engagée sont perçues comme <em>équitables</em>. En effet, il est plus aisé d’attribuer un succès sportif au <em>mérite</em> du club gagnant si l’on peut raisonnablement supposer que celui-ci n’a pas bénéficié d’un avantage indu vis-à-vis de ses adversaires.</p>
<h2>La marchandisation du football perçue comme une menace pour la logique communautaire</h2>
<p>Dans des recherches qualitatives en cours, nous étudions la façon dont des supporters de football mus par un tel esprit communautaire perçoivent et réagissent à la commercialisation croissante de leur sport.</p>
<p>Conformément à des enquêtes quantitatives menées auprès de fans de football – en Allemagne par exemple, <a href="https://de.statista.com/statistik/daten/studie/1280209/umfrage/meinung-zur-kommerzialisierung-im-fussball/">près de 75 % d’entre eux jugent la commercialisation du football « excessive »</a> – nous observons que la marchandisation du football est globalement mal accueillie par ces supporters. Cela s’explique principalement par le fait que ceux-ci y voient une menace pour les valeurs inscrites dans la logique communautaire à laquelle ils adhèrent.</p>
<p>Ainsi, les ventes de parts majoritaires de club à des investisseurs étrangers et le <em>naming</em> des stades sont souvent perçus comme des formes d’expropriation symbolique qui vont à l’encontre de l’esprit communautaire auquel ces fans sont attachés. Ces pratiques font qu’il leur devient plus difficile de considérer l’équipe qu’ils soutiennent et l’enceinte dans laquelle elle évolue comme « les leurs ».</p>
<p>De même, la mise en place de loges VIP et l’augmentation des écarts de prix des billets contribuent à une différenciation sociale au sein des stades qui peut faire obstacle au sentiment de « communion » entre spectateurs.</p>
<p>La multiplication et la banalisation des transferts de joueurs – qui font aujourd’hui généralement peu de cas de la valeur de loyauté au club qui tient tant à cœur à leurs supporters lorsqu’ils reçoivent une offre de contrat lucratif de la part d’un autre club – entrave quant à elle la construction d’un sentiment d’appartenance à un « nous » commun englobant les fans et les joueurs du même club.</p>
<p>Enfin, le libre jeu du marché a fait émerger au fil du temps une poignée de clubs qui se trouvent désormais en situation d’<a href="https://www.lemonde.fr/blog/latta/2023/06/13/en-championnat-les-clubs-riches-sevadent-par-le-haut/">« hyperdomination »</a> dans leurs championnats respectifs. Au-delà du fait qu’elle nuit au suspense des championnats nationaux, la concentration des moyens financiers et sportifs dans les mains de quelques clubs surpuissants écorne l’idée selon laquelle les compétitions nationales seraient encore raisonnablement équitables. L’impression de participer à une compétition équitable est pourtant nécessaire au développement d’un authentique sentiment de fierté chez les supporters des clubs qui en sortent victorieux.</p>
<p>Vu sous cet angle, il n’est guère surprenant que les supporters du PSG – dont les neuf championnats remportés depuis l’entrée au capital du fonds qatarien QSI en 2011 ne sont que logiques au vu des moyens financiers disproportionnés dont le club dispose à présent en comparaison de ses rivaux nationaux – focalisent dorénavant leurs espérances davantage sur la Ligue des Champions, compétition dans laquelle le PSG a l’occasion de se mesurer à des équipes dotées de moyens similaires.</p>
<h2>Dissonance cognitive et résistances à la marchandisation</h2>
<p>Si les supporters animés par un esprit communautaire se montrent globalement critiques de la marchandisation du football, ils sont toutefois comparativement peu nombreux à se détourner de ce leur club de cœur, y compris lorsque ce dernier met en œuvre des pratiques commerciales qu’ils désapprouvent.</p>
<p>Cela s’explique, en premier lieu, par l’idéal de loyauté auquel ces supporters sont attachés et qui leur procure, pour autant qu’ils s’y conforment, les gratifications psychosociales décrites plus haut. Mais le fait de maintenir, au nom de la valeur de loyauté inscrite dans la logique communautaire à laquelle ils adhèrent, leur soutien à leur club de cœur quand bien même celui-ci adopte des pratiques commerciales qu’ils perçoivent comme contraires à cette même logique, les place dans une situation inconfortable de <a href="https://theconversation.com/why-do-we-feel-bad-when-our-beliefs-dont-match-our-actions-blame-cognitive-dissonance-193444">« dissonance cognitive »</a> : ces supporters savent qu’au travers du soutien qu’ils continuent d’accorder à leur club, ils participent, ne serait-ce qu’indirectement, à la corruption de la logique communautaire qui pourtant leur est chère.</p>
<p>Pour réduire cette dissonance cognitive, les supporters peuvent adopter un large éventail de comportements. L’une des stratégies est la désignation d’un bouc émissaire, en l’occurrence d’un club rival encore plus « commercial » que le sien et en comparaison duquel le club que l’on soutient apparaît sous un meilleur jour. En Allemagne, cette fonction d’exutoire est actuellement remplie par le RB Leipzig, un club créé en 2009 par l’entreprise Red Bull dans un but commercial assumé. Le RB Leipzig est aujourd’hui <a href="https://www.theguardian.com/football/2016/sep/08/why-rb-leipzig-has-become-the-most-hated-club-in-german-football">violemment critiqué et chargé de tous les péchés</a> de la part des supporters des autres clubs de Bundesliga.</p>
<p>Une autre stratégie consiste à exercer une résistance à l’encontre de pratiques commerciales mises en place par la direction du club que l’on soutient. Cette résistance peut être active (à titre d’exemple, les supporters du PSG ont déployé en 2019 une <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/scan-sport/actualites/les-supporters-manifestent-contre-le-naming-du-parc-des-princes-983714">banderole</a> pour protester contre un projet de <em>naming</em> du Parc des Princes) ou passive (de nombreux supporters refusent tout simplement de mentionner le nom du sponsor accolé au nom du stade de leur équipe).</p>
<h2>Des résistances persistantes et parfois insoupçonnées</h2>
<p>Malgré cette résistance, il semblerait que les supporters s’accommodent au fil du temps de certaines pratiques commerciales – surtout lorsque celles-ci sont progressivement adoptées par un nombre grandissant de clubs et perçues comme indispensables à la compétitivité de leur club. À titre d’exemple, les réactions suscitées par les rachats de club sont aujourd’hui bien moins virulentes qu’elles ont pu l’être par le passé.</p>
<p>Alors que le rachat de Manchester United par le milliardaire américain Malcolm Glazer dans les années 2000 s’était heurté à de fortes oppositions, la récente reprise de Newcastle United par un fonds d’investissement saoudien fut même <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/10/07/football-un-fonds-saoudien-rachete-le-club-anglais-de-newcastle_6097525_3242.html">frénétiquement acclamée</a> par bon nombre de supporters du club, qui se réjouissaient de la compétitivité retrouvée de leur équipe.</p>
<p>Pour autant, il serait faux de supposer que les supporters de football se résignent tout bonnement à la commercialisation de leur sport et se muent en de simples consommateurs. Diverses formes de résistance à la marchandisation du football persistent, et de nouvelles oppositions naissent parfois, y compris au sein de clubs que l’on aurait pu croire irrévocablement soumis à la logique marchande. Ainsi, parmi les spectateurs du RB Leipzig, un club pourtant créé de toutes pièces à des fins purement marketing, un <a href="https://www.nytimes.com/2020/08/18/sports/soccer/champions-league-leipzig-psg.html">groupe de supporters</a> s’est formé qui cherche à insuffler un esprit communautaire à leur club et à lui conférer une identité dissociée de la marque Red Bull – au grand dam de la direction du club. Même les clubs qui forment le fer de lance du « foot business » ne sont donc pas à l’abri de mouvements protestataires issus des rangs de leur propre public.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217506/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Moritz Gruban a reçu des financements du Fonds National Suisse (FNS). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurélien Feix ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les supporters éprouvent à l’égard de « leur » club des sentiments forts qui sont mis à mal par les pratiques toujours plus commerciales en cours.Aurélien Feix, Professeur au département Droit des Affaires et Management de Ressources Humaines, TBS EducationMoritz Gruban, Postdoctoral researcher, Cambridge Judge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2142962023-11-02T21:01:38Z2023-11-02T21:01:38ZFootball : le modèle de la Saudi Pro League peut-il s’imposer ?<p>Le pari est peut-être déjà gagnant. Karim Benzema au cœur de l’actualité <a href="https://www.sport.fr/football/spl-karim-benzema-ny-arrive-pas-avec-al-ittihad-1089662.shtm">sportive</a> et <a href="https://www.sudouest.fr/politique/guerre-israel-hamas-karim-benzema-au-coeur-d-un-match-nul-entre-gerald-darmanin-et-jean-luc-melenchon-17233600.php">politique</a>, des <a href="https://www.middleeastmonitor.com/20231023-saudi-football-club-deletes-tweet-expressing-solidarity-with-gaza/">polémiques sur un soutien à la Palestine</a> mais aussi des <a href="https://www.agbi.com/analysis/saudi-football-sells-tv-rights-in-hope-of-net-profit/">contrats de diffusion</a> signés dans des dizaines de pays (dont Canal+ en France et le service de streaming sportif DAZN au Royaume-Uni)… le championnat de football saoudien, la Saudi Pro League (SPL), s’est clairement imposé dans l’actualité ces derniers mois. S’il est encore tôt pour évoquer le succès sportif de la compétition, la réussite médiatique semble déjà au rendez-vous.</p>
<p>À l’ère de la géopolitique du sport, le Moyen-Orient en est devenu le champion. Nation majeure sur le plan économique, culturel et géographique de la région, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/arabie-saoudite-23722">Arabie saoudite</a> demeurait cependant en <a href="https://www.routledge.com/The-Geopolitical-Economy-of-Sport-Power-Politics-Money-and-the-State/Chadwick-Widdop-Goldman/p/book/9781032390598">retrait</a> eu égard à son influence. Le royaume a commencé à rattraper son retard. Le succès retentissant de son voisin et rival qatarien à l’occasion de la Coupe du monde 2022 semble en effet avoir incité le prince héritier Mohammed Ben Salmane <a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">à investir plus en profondeur le terrain du sport</a>.</p>
<p>Avec la SPL mais aussi le <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/10/07/football-un-fonds-saoudien-rachete-le-club-anglais-de-newcastle_6097525_3242.html">rachat du club anglais de Newcastle</a> ou encore l’investissement dans les <a href="https://www.lequipe.fr/Golf/Actualites/Le-pga-tour-et-le-liv-fusionnent/1401103">compétitions de golf au plus haut niveau</a>, la géopolitique du sport saoudien est entrée depuis quelques mois dans une phase d’accélération. Le mardi 31 octobre, une nouvelle étape a été franchie lorsque le président de la FIFA, Gianni Infantino, a annoncé que l’Arabie saoudite organiserait le Mondial de football en 2034.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1719413104474243189"}"></div></p>
<p>Au-delà de sa dimension géopolitique, les footballeurs arrivés en SPL cet été marquent un changement dans l’organisation du sport professionnel. Au début de l’été 2023, le Public Investment Fund (PIF), <a href="https://www.vision2030.gov.sa/en/vision-2030/overview/">bras armé du plan de développement du pays intitulé « Vision 2030 »</a>, avait en effet investi pour obtenir 75 % des droits de propriété des quatre clibs les plus populaires et titrés du pays, Al-Nassr, Al-Hilal, Al-Ahli et Al-Ittihad (champion en titre).</p>
<h2>Recrutement 5 étoiles</h2>
<p>Avec ces fonds, les clubs ont animé le marché des transferts cet été en recrutant massivement des joueurs connus et reconnus, avec le Portugais Cristiano Ronaldo (arrivé dès l'hiver précédent), le Français Karim Benzema et le Brésilien Neymar en têtes d’affiche. En conséquence, la valeur totale des joueurs du championnat a presque triplé en un an, passant de 350 à 1200 millions d’euros.</p>
<p><iframe id="JL3ML" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JL3ML/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Contrairement aux précédents championnats qualifiés d’« exotiques » ayant lourdement investi par le passé, le championnat saoudien marque par ses choix stratégiques et réfléchis. Si le <a href="https://www.sportspromedia.com/news/saudi-pro-league-pif-al-nassr-hilal-ittihad-ahli-takeover-privatisation-aramco-neom/?zephr_sso_ott=XVXWho">PIF annonce que les clubs rachetés agiront de manière autonome</a>, la stratégie sportive menée semble en effet on ne peut plus centralisée.</p>
<h2>Pas que Ronaldo et Neymar</h2>
<p>La Chine, pays qu’il est pourtant difficile de battre sur le sujet de la planification et de la centralisation de la gouvernance, <a href="https://www.nytimes.com/2023/03/29/sports/soccer/china-soccer.html">s’était heurtée à ce manque de synergie</a> n’ayant pas permis à la Chinese Super League de prendre de l’ampleur espérée sur le long terme. À l’âge d’or des investissements de l’empire du Milieu, chaque équipe essayait tour à tour de faire son coup d’éclat. Ce constat peut être étendu au championnat américain de football, la MLS (Major League Soccer), autre compétition qui a été affublée du sobriquet d’<a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Guide-des-destinations-exotiques-de-transfert-tome-2/707922">« exotique »</a>.</p>
<p>Cet été, les clubs saoudiens mentionnés précédemment ont, eux, tous mis en place une stratégie avec le dessein d’avoir un produit marketing international, dans laquelle le niveau sportif n’est pas le seul déterminant des choix de recrutement.</p>
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<p>La SPL a ainsi mené à bien son projet de récupérer l’ensemble des meilleurs joueurs musulmans en activité (le Français Karim Benzema, l’Algérien Riyad Mahrez et le Sénégalais Sadio Mané, liste à laquelle aurait presque pu être ajouté Mohamed Salah, dont le <a href="https://www.africatopsports.com/2023/09/04/mohamed-salah-liverpool-rejette-une-offre-incroyable-dal-ittihad/">transfert a finalement échoué</a>). La religion islamique devient là un <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315745480-17/islamic-sport-marketing-sport-marketing-muslim-countries-communities-guillaume-bodet-mahfoud-amara?context=ubx&refId=8feff6ac-c925-4490-a6c5-f1bd07de4ea6">outil marketing</a> pour faire rayonner le championnat dans tout le monde arabe.</p>
<p><iframe id="hraa1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hraa1/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les recruteurs se sont en parallèle portés vers des joueurs avec de très grosses communautés internationales comme le Portugais Cristiano Ronaldo et le Brésilien Neymar (respectivement 605 et 215 millions d’abonnés sur Instagram) ainsi que sur des joueurs majeurs de deux grands pays africains, le Sénégal (Kalidou Koulibaly, Sadio Mané, Édouard Mendy) et la Côte d’Ivoire (Franck Kessié et Seko Fofana).</p>
<p>Cette stratégie de communauté comprend également le recrutement de joueurs internationaux de grandes équipes européennes et sud-américaines (le Français N’Golo Kanté, l’Espagnol Aymeric Laporte, le Croate Marcelo Brozovic, le Serbe Sergej Milinkovic-Savic ou encore le Brésilien Fabinho). Le dernier profil concentre lui des joueurs jeunes avec une très grosse côte et promis à un avenir radieux (le Français Allan Saint-Maximin, l’Espagnol Gabri Veiga et le Portugais Diogo Jota).</p>
<h2>Distorsion de concurrence</h2>
<p>Avec ces choix sportifs et stratégiques, l’Arabie saoudite dévoile une bascule marketing du sport professionnel, d’un spectacle à un média « global » qui cherche à faire parler de lui au travers d’une intrigue reprise par d’autres supports, médias traditionnels ou réseaux sociaux. C’est le modèle qu’a par exemple suivi le youtubeur Squeezie début octobre : en ralliant différentes communautés en ligne, il a réuni <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/24h-du-mans/gp-explorer-l-interet-ne-porte-pas-sur-le-niveau-sportif-mais-sur-l-intrigue-decrypte-un-chercheur-a-propos-du-succes-de-la-course-creee-par-squeezie_6043037.html">1,3 million de viewers sur la plate-forme de streaming Twitch</a> pour suivre la course automobile qu’il avait organisée. Avec un modèle similaire, les décideurs saoudiens veulent mettre en place une réelle alternative à l’existant avec une offre nouvelle, la SPL en étant l’un des fers de lance.</p>
<p>Marqué par les effets de la numérisation, le secteur du sport professionnel observe en effet un virage stratégique avec ce projet. La guerre <a href="https://hbr.org/2014/06/how-to-succeed-in-business-by-bundling-and-unbundling">du regroupement et dégroupement</a> de contenu a mis fin à beaucoup d’initiatives dans le divertissement avec la mort de Mixer ou HBO Max. Ce même phénomène a été érigé comme un <a href="https://hbr.org/2014/06/how-to-succeed-in-business-by-bundling-and-unbundling">frein à la consommation de spectacles sportifs par les fans</a>. Le projet saoudien s’inspire de ce secteur et de ces funestes échecs pour atteindre sa stratégie médiatique, économique et géopolitique – avec l’atout de ne pas avoir à prendre en considération la rentabilité directe.</p>
<p>Le championnat saoudien peut-il ainsi espérer se construire une place plus solide que les autres championnats « exotiques » dans le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/football-20898">football</a> mondial ? S’il est difficile de répondre pour l’instant à cette question, on peut d’ores et déjà lister un certain nombre d’atouts. Première certitude, la SPL change l’équilibre du marché du football professionnel. Il est rare de voir émerger des stratégies de fortes croissances externes dans le secteur du sport professionnel. Le championnat saoudien a fait passer le message qu’il avait les moyens de ses ambitions et que même les plus puissants Européens avaient besoin d’argent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Deuxième constat, <a href="https://theconversation.com/us/topics/european-super-league-103233">l’échec du projet de Super Ligue européenne</a> en 2021 a laissé une porte ouverte pour une compétition footballistique d’un genre nouveau qui viendrait concurrencer le football européen. Or, les investissements du Moyen-Orient exercent une distorsion du marché et de la concurrence en Europe. Les récents achats onéreux par des clubs qatariens d'Abdou Diallo, Marco Verratti et Julian Draxler, joueurs du PSG propriété du Qatar, interrogent sur des <a href="https://www.eurosport.fr/football/transfers/2022-2023/mercato-transferts-de-verratti-draxler-et-diallo-l-uefa-surveillerait-les-transferts-du-psg-vers-le-_sto9803126/story.shtml">possibles nouvelles pratiques économico-géopolitiques</a>. Les instances du football européen, l’UEFA, examineraient d’ailleurs actuellement ces transferts pour s’assurer qu’ils respectent les règles de fair-play financier. </p>
<p>Enfin, dans le cadre de nos recherches, nous avons identifié que le projet de PIF était marqué par une modification profonde de l’offre, de la structure et de l’organisation, ce que nous qualifions d’<a href="https://easm2023.com/wordpress/wp-content/uploads/2023/09/EASM-Belfast-2023-Conference-Abstracts.pdf">« effets institutionnels »</a>.</p>
<p>Le projet saoudien présent donc de nombreux atouts. Dépourvue d’un enjeu de rentabilité économique, la pérennité de la SPL dépendra dès lors de sa capacité à renouveler ses joueurs internationaux, mais aussi à adopter au mieux les codes du divertissement aujourd’hui attendus par les consommateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Brossillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Hit de l’été et tourbillon médiatique, le championnat saoudien de football vient proposer un nouveau modèle économique pour le sport professionnel – au-delà des buzz relayés mondialement.Baptiste Brossillon, Doctorant en économie et management du sport, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2147312023-10-11T10:49:57Z2023-10-11T10:49:57ZPourquoi aller au stade si c’est pour passer son temps sur son smartphone ?<p>Le 7 février 2023, en inscrivant à 38 ans le 38 888<sup>e</sup> de sa carrière, le basketteur LeBron James devient le meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, la ligue d’élite américaine. Le précédent record détenu par Kareem Abdul-Jabbar aura tenu presque 40 ans. Le moment historique a été capturé par le photographe Andrew D. Bernstein. Au second plan, les fans vivent l’instant par l’intermédiation de l’écran de leur smartphone faisant barrière entre leur visage et le fait historique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1623187957820555266"}"></div></p>
<p>S’ils donnent le sentiment de ne savoir apprécier authentiquement le moment présent, c’est que tout se passe comme s’ils contrevenaient à ce qu’on attend d’eux dans le cadre d’un spectacle sportif. Le mot <em>spectacle</em> tire son étymologie du latin <em>spectare</em>, qui signifie en effet en latin regarder avec attention. Le spectacle serait donc fait pour retenir l’attention. Le smartphone devient alors un outil de diversion. Accaparé par son écran, le fan manquerait à ce qu’on attend de lui : regarder le terrain et encourager son équipe.</p>
<h2>« F*ck wifi »</h2>
<p>Depuis une décennie, les critiques se sont ainsi multipliées contre les spectateurs accros à l’écran. En 2014, des supporters du PSV Eindhoven, club de football des Pays-Bas, avaient déployé une banderole sans équivoque : <a href="https://www.theguardian.com/football/2014/aug/18/psv-fans-protest-against-wifi-access">« F*ck wifi, support the team »</a>. Ils envisageaient l’émergence de la technologie dans les tribunes comme une nouvelle expression de la gentrification du public de stades.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des supporters du club de football néerlandais du PSV Eindhoven déploient une banderole « F*ck wifi, support the team » (PSV Support, 2014).</span></figcaption>
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<p>En France, un supporter niçois militait en 2017 pour une <a href="https://www.20minutes.fr/nice/2137295-20170922-ogc-nice-supporter-nicois-veut-laisser-telephones-touche">tribune sans selfie</a>, estimant que cela nuisait à l’ambiance. Aux États-Unis la même année, des étudiantes se sont vues <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ngt1JK3DyOU&t=4s">moquées par les commentateurs d’un match de baseball</a> pour avoir pris des selfies alors que le public était appelé à participer aux encouragements.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des commentateurs se moquent de spectatrices rivées sur leurs téléphones lors d’un match de baseball (MLB, 2015).</span></figcaption>
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<p>Le repli sur son smartphone semble en effet aller à l’encontre de la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0163443716635862">célébration collective qu’on attend d’un évènement sportif</a>. Rivé à l’écran du smartphone, le public connecté serait « seul avec du monde autour ».</p>
<h2>Regarder Netflix au Super Bowl</h2>
<p>Pourtant, cinq attributs de l’évènement sportif favorisent le recours au smartphone :</p>
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<li><p>Les émotions ressenties ne valent que parce qu’elles sont partagées, ce que permettent les réseaux sociaux.</p></li>
<li><p>Unique et éphémère, le <a href="http://hell-of-a-sport.blogspot.com/2017/02/voir-ou-vivre-quest-ce-quetre-un.html">match invite à en faire l’expérience du souvenir</a>. Par ses stories, on apporte donc la preuve « j’y suis/j’y étais ».</p></li>
<li><p>L’évènement sportif n’a d’intérêt que s’il est vu dans l’instant présent. Or, les médias sociaux sont des outils de l’instantanéité.</p></li>
<li><p>Le smartphone permet de partager en direct un contenu lié à un évènement à ceux qui n’ont pas pu/voulu y assister.</p></li>
<li><p>Il est créateur de données et permet aux spectateurs d’obtenir une <a href="https://theconversation.com/la-realite-virtuelle-le-futur-de-la-retransmission-sportive-193551">couche de réalité augmentée</a> directement sur leur smartphone comme lors de la Coupe du monde de football au Qatar en 2022 avec l’application FIFA+.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, depuis l’apparition de l’iPhone en 2007 et le <a href="https://www.researchgate.net/publication/305490421_Connected_Stadiums_in_the_US_issues_and_opportunities_Stades_connectes_aux_%C3%89tats-Unis_%C3%89tats_des_lieux_enjeux_et_perspectives">développement dans la foulée de « stades connectés »</a> aux États-Unis, le comportement des fans dans les enceintes sportives s’est considérablement transformé et le smartphone figure bien au cœur de ce bouleversement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-realite-virtuelle-le-futur-de-la-retransmission-sportive-193551">La réalité virtuelle, le futur de la retransmission sportive ?</a>
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<p>Il est possible de prendre la mesure de ces usages grâce aux données partagées occasionnellement par des opérateurs. Par exemple, la 57<sup>e</sup> édition du Super Bowl, la grande finale du championnat de football américain qui s’est déroulée début 2023, détient le record de données consommées sur le wifi d’un stade <a href="https://stadiumtechreport.com/feature/super-bowl-lvii-sees-31-5-tb-of-wi-fi-data-sets-new-record-for-per-device-data-used/">avec 31,5 téraoctets</a>. C’est l’équivalent de 700 000 heures de musique sur une plate-forme de streaming. Le pic d’utilisation a eu lieu au moment de l’entrée des deux équipes sur le terrain. Pendant le show de Rihanna à la mi-temps, l’utilisation de la bande passante a augmenté de 450 %.</p>
<p>Par ailleurs, Facebook a été le média social le plus utilisé devant Instagram, Twitter, Snapchat et Reddit. Mais les personnes dans le stade semblent combler les moments d’attente par des services de streaming (Apple, YouTube, Disney ou Netflix). Ils sont par ailleurs nombreux à consulter Ring, une application de surveillance de son foyer.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/345814413_Social_Media_Usage_During_Live_Sport_Consumption_Generation_Gap_and_Gender_Differences_Among_Season_Ticket_Holders">article</a> académique publié en 2020, des chercheurs ont essayé de comprendre comment 400 abonnés d’une franchise NBA consultaient leurs smartphones pendant un match. L’usage des médias sociaux reste globalement répandu (29 % des abonnés consultent au moins une fois Twitter et Facebook, 27 % consultent au moins une fois Instagram et Snapchat), même s’ils sont 53 % à relever au moins une fois leurs e-mails !</p>
<p>Selon les auteurs :</p>
<blockquote>
<p>« Les abonnés utilisent les médias sociaux pour partager de l’information et en obtenir au sujet du match avec leurs amis sur Instagram et Snapchat. Ce faisant, ils satisfont leur besoin d’interaction sociale, d’expression d’une opinion et de partage d’information. »</p>
</blockquote>
<h2>« Sans connectivité, nous allons perdre les millennials »</h2>
<p>Les stades connectés doivent également permettre de convaincre un nouveau public plus jeune et plus familial d’assister à des rencontres sportives, y compris en Europe. En 2017, Javier Tebas, le président de la <em>Liga</em> espagnole de football <a href="https://www.sofoot.com/breves/la-liga-veut-le-wi-fi-dans-tous-ses-stades">expliquait</a> ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« S’il n’y a pas de connectivité dans les stades, nous allons perdre des spectateurs comme les « millennials » qui ont besoin d’un double écran. [Or], il y a deux publics que nous voulons toucher : les femmes, qui sont pour l’instant un marché de niche, et les nouvelles générations, pour qui la connectivité est très importante. »</p>
</blockquote>
<p>Ces usages étant de plus en plus ancrés, les promoteurs de spectacle sportif y voient également depuis des années une opportunité pour lutter contre la concurrence de la télévision. Roger Goodell, le commissaire de la NFL,</p>
<blockquote>
<p>« L’expérience du téléspectateur à la maison est exceptionnelle, et c’est dorénavant une concurrence que nous devons surmontant en nous assurant de créer le même genre d’environnement dans nos stades en permettant l’accès à la même technologie. Nous voulons nous assurer que nos fans, lorsqu’ils viennent dans les stades, n’ont pas à éteindre leur téléphone. »</p>
</blockquote>
<h2>Un (faux) corbeau géant à Baltimore</h2>
<p>Au-delà des possibilités de partage, le smartphone intègre aussi le spectacle. En effet, des start-up conçoivent des chorégraphies lumineuses grâce à la lumière du téléphone ou animent le stade par la réalité augmentée, à l’image du corbeau géant (virtuel) qui survole la pelouse de la franchise de football américain des Ravens de Baltimore.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NebxhBmzteQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La franchise des Baltimore Ravens propose une expérience de réalité virtuelle à ses fans (en anglais).</span></figcaption>
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<p>Soucieux de satisfaire les aspirations digitales des publics, les exploitants de stade intègrent donc les innovations technologiques successives – plutôt que de freiner les usages. En France, l’Orange Vélodrome de Marseille est devenu en 2019 le premier stade européen <a href="https://reseaux.orange.fr/actualites/5g-orange-velodrome">à intégrer la 5G</a> et à mettre en place un programme d’accompagnement de start-up pour repenser l’expérience du fan.</p>
<p>Aux États-Unis en 2020, le géant du numérique <a href="https://www.nba.com/news/nba-microsoft-announce-new-partnership-deal-analysis">Microsoft s’est engagé auprès de la NBA</a> à créer, selon Chris Benyarko, vice-président exécutif de la ligue :</p>
<blockquote>
<p>« Une nouvelle plate-forme qui rassemble toutes les choses qui composent la vie d’un fan de la NBA – qu’il s’agisse de regarder des matchs, d’acheter un billet, de participer à des ligues Fantasy ou d’acheter des produits. L’un de nos principaux domaines d’intérêt sera d’innover et de repenser la façon dont nous présentons les matchs. L’objectif principal reste de tirer parti de la technologie au mieux pour approfondir ces expériences et les rendre plus attrayantes. »</p>
</blockquote>
<p>Le concurrent de Microsoft, Apple, vient lui de lancer début 2023 un <a href="https://www.sportbuzzbusiness.fr/fan-experience-de-la-realite-mixte-pour-les-fans-de-sport-avec-le-casque-apple-vision-pro.html">casque de réalité mixte</a> qui pourrait modifier la façon dont on regarde du sport. La question n’est donc plus tant de savoir s’il faut ou non sortir son smartphone au stade mais quel appareil pourrait à terme le remplacer – voire de permettre de « vivre » une expérience au stade sans avoir à se déplacer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Helleu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le téléphone, qui détourne l’attention du terrain, présente paradoxalement un certain nombre de caractéristiques qui renforce l’expérience du spectateur lors d’un match. Explications.Boris Helleu, Maitre de conférences, spécialiste de marketing du sport, laboratoire NIMEC, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130002023-10-11T10:49:39Z2023-10-11T10:49:39ZComment expliquer la violence des supporters ?<p>Dans la nuit du 7 au 8 août 2023, un match devant opposer Athènes à Zagreb produit des rixes entre aficionados : un <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/un-supporter-de-football-poignarde-a-mort-en-grece-une-dizaine-de-personnes-interrogees-11-08-2023-XS5UAGZUQVBZTDE5LOEBBSGF2Y.php">supporter grec est poignardé à mort</a>. Le 3 juin 2023, dans un stade de football en Corse, un père et son fils de 8 ans alors atteint d’un cancer du cerveau sont agressés par <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ce-que-l-on-sait-de-l-agression-du-petit-kenzo-8-ans-fan-de-l-om-par-des-supporters-corses-3968157">trois supporters</a>. En septembre 2022 une rencontre entre Cologne et Nice conduit à des violences dans les tribunes : le <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/justice/football-le-parquet-ouvre-une-enquete-apres-les-affrontements-entre-supporters-lors-du-match-nice-cologne_5351578.html">bilan fait état d’une trentaine de blessés</a>.</p>
<p>À l’échelle mondiale le football produit son lot quasiment hebdomadaire de faits divers au sujet de violences entre supporters. Alors chaque nouvel évènement chasse le précédent, l’écrase, crée l’oubli ou au mieux une trace. Bien sûr <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_catastrophes_survenues_pendant_un_match_de_football">quelques dates et de funestes bilans</a> demeurent dans les mémoires : le drame du Heysel en 1985 : 39 morts ; Lima en 1964 : 330 morts ; Le Caire en 1974 et Johannesburg en 2001 : 50 morts.</p>
<p>À quoi ressemble le stade de football si on ajoute à cet inventaire imparfait les usages de banderoles injurieuses dans les stades, des <a href="https://doi.org/10.3917/rai.029.0147">chants racistes</a> issus de certaines tribunes, des cris de singe provoqués par les prises de ballon de certains joueurs ? Mais est-ce surprenant de constater pareil spectacle dans les tribunes quand le problème se poserait également au niveau de certains clubs ou <a href="https://doi.org/10.3917/mouv.078.0081">dans les institutions fédérales</a> ?</p>
<p>Tout cela n’empêche pas le football de poursuivre sa domination en termes d’audience, d’investissements financiers, de couvertures médiatiques, d’identifications.</p>
<p>Une telle situation mériterait un examen mais observons ici précisément les faits de violences physiques parmi les fans. Comment peuvent-ils être violents sachant, en outre, qu’un arsenal législatif s’est notablement étoffé depuis <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000509542">l’introduction de la loi Alliot-Marie du 6 décembre 1993</a> avec la création du Fichier national des interdits de stade en 2007, les interdictions judiciaires de stade ou de déplacement, les dissolutions ou suspensions d’activité d’associations de supporters ?</p>
<h2>Un théâtre de violences</h2>
<p>Les pratiques de spectacles sportifs dérivent donc sur des débordements, heurts et autres agressions caractérisées. Ces phénomènes soulèvent plusieurs questions. La première interroge la possibilité même de telles déviances au cours de situations festives, récréatives. La seconde nous rapproche des faits : pourquoi le stade et ses abords sont-ils un théâtre privilégié des violences ?</p>
<p>La troisième nous rapproche encore du sol raboteux des évènements : pourquoi tous les supporters ne sont-ils pas violents et pourquoi ceux-là le sont-ils ? Enfin, nous voilà au plus près du réel : pourquoi les supporters violents ne le sont-ils pas en permanence ?</p>
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<figcaption><span class="caption">PSG : la violence des supporters (Archive INA, 2006).</span></figcaption>
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<p>Répondre à ces questions m’a occupé plusieurs années car cela impliquait de mener des <a href="https://doi.org/10.3917/ds.292.0155;https://doi.org/10.4000/lectures.5587">enquêtes ethnographiques</a>, de dépouiller d’innombrables archives policières, de profiter des connaissances de collègues français et étrangers, de qualifier la situation du match et finalement de travailler les scènes des crimes. Que voit-on ?</p>
<p>Un stade rassemble une population hétéroclite. S’y côtoient en effet des professionnels du football (joueurs, techniciens, dirigeants), des <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2020-1-page-83.htm?ref=doi">arbitres</a>, des journalistes, des agents privés de sécurité, des employés du commerce du spectacle sportif, des forces publiques de l’ordre, des spectateurs.</p>
<h2>Une population hétérogène</h2>
<p>Ces derniers composent une population hétérogène, et c’est là que se trouvent les auteurs des violences. On distingue grossièrement plusieurs catégories. Il y a des individus dont la présence tient du hasard (une place gagnée ou offerte), de la curiosité ou de la nécessité (le stade permet de faire des affaires, de se montrer…). L’engagement n’a ici rien à voir avec le soutien à une équipe.</p>
<p>Dans les faits l’essentiel des tribunes est peuplé de spectateurs impliqués, regroupés et en de rares cas pratiquant le spectacle sportif en solo : ce sont les supporters. On retrouve ici l’un des ingrédients structurants <a href="https://doi.org/10.3917/rsss.008.0051">du supporterisme</a> : c’est une activité qui exclut le quant à soi et privilégie un engagement avec autrui (un ami ou plusieurs, un ou des membres de la famille, un voisin, un collègue).</p>
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<figcaption><span class="caption">Olympique de Marseille, ultras, historique « meilleurs moments » (YouTube).</span></figcaption>
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<p>D’un stade à l’autre ces collectifs de circonstance garnissent plus ou moins les stades. Ils les partagent cependant avec des pratiquants formant des groupes à part entière qui, parfois, occupent une tribune entière voire un espace particulier pensés comme un territoire possédé.</p>
<p>Ces groupes sont constitués en associations plus ou moins reconnues et dépendantes des clubs, des instances sportives. Présidées et organisées autour d’un bureau, ces associations de supporters colorent les stades. Elles contribuent à leurs paysages sonores et visuels grâce aux chants plus ou moins originaux entonnés, aux spectacles organisés avant et durant les matchs appelés <em>tifos</em>. Ces groupes rassemblent parfois plusieurs milliers de fans constitués en sections : l’audience d’un club pourrait se mesurer à leur nombre variant de quelques unités à plus <a href="https://doi.org/10.3917/socio.043.0291">d’une centaine et au-delà</a>.</p>
<p>Il y a néanmoins des styles partisans, et par conséquent des types variés d’associations intégrant une complexité sociologique d’engagements. Une majorité de clubs est ainsi soutenue par des associations indépendantes, affranchies de modèles de conduites imposés, organisées autour de manières d’être produites par le groupe lui-même. C’est là que nous retrouvons les mouvements ultras et hooligans d’<a href="https://doi.org/10.3917/pouv.101.0075">inspirations anglo-saxonne et latine</a>. Ici aussi les fans pratiquent collectivement leur activité, l’inscrivent dans l’opposition aux clubs non soutenus. Mais il y a plus.</p>
<h2>De l’humour à la provocation</h2>
<p>Ces groupes sont principalement constitués de jeunes hommes de sexe masculin, d’horizons sociaux divers parmi lesquels on retrouve cependant une majorité de mâles issus des classes populaires. Ils se définissent premièrement à leur association elle-même, à l’usage de la provocation, de l’humour qui graduellement peut aussi verser vers l’intimidation et la violence, voire la confrontation à d’autres groupes indépendants.</p>
<p>Pour les ultras le soutien au club est indéfectible : il faut assister à tous les matchs à domicile et en déplacement, défendre les couleurs préférées et dénoncer les conséquences d’une marchandisation du football conduisant à en faire un produit.</p>
<p>Mais pour les ultras le groupe lui-même compte autant que le club choyé : on le rend visible grâce à des tifos plus spectaculaires les uns que les autres ; audible en le faisant chanter le plus possible ; lisible sur les réseaux sociaux et dans des fanzines fabriqués de manière artisanale. Ici les attachements sont structurants, se confondent et se répondent, se parent d’attributs qui font du groupe l’espace d’un supporterisme au-delà qui joue avec les règles. On doit au mouvement ultra les remarquables polyphonies et polychromies des tribunes, mais aussi les règlements de compte entre groupes du même style que ce soit dans les tribunes ou autour des stades. Bien sûr les violences proviennent également des hooligans pour qui la violence constitue un levier identitaire premier, un moteur des engagements émotionnels et par corps.</p>
<h2>On existe dans la partisanerie sportive locale</h2>
<p>L’établissement d’une sociologie des supporters autorise un éclaircissement des raisons de la violence. Bien sûr des faits échappent à une logique sociale parce que des passages à l’acte auraient à voir avec la consommation d’alcool ou de psychotropes. Mais en quoi la violence des stades est-elle sociale ? Qu’est-ce qui la distingue du fait divers ? Des explications générales défendent la nécessité d’affirmer une virilité, une suprématie nationale ou « raciale ».</p>
<p>Un regard plus circonstancié montre que les violences dépendent de logiques de groupes : on veut montrer que l’on existe dans la partisanerie sportive locale ou nationale, on défend un territoire, on joue avec la contrainte policière et l’autorité, on règle un contentieux passé comme l’agression d’un congénère ou le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/italie-un-vol-de-bache-dans-un-stade-romain-pourrait-declencher-une-guerre-d-ultras-en-europe">vol de la bâche du groupe</a> considéré comme le cœur dans la poitrine des supporters : dans ces cas la violence renforce et devient une ressource identitaire.</p>
<p>Préméditée, collective, elle se comprend, peut se réguler contrairement à ce passage à l’acte provenant d’une décision individuelle, dissimulée et pensée par son auteur comme un moyen de progresser dans un groupe. C’est ce qui rend la violence si difficile à éradiquer d’autant que sa gestion se heurte à des <a href="https://doi.org/10.3917/rfs.623.0451">impératifs économiques</a>. Et, peut-être aussi que, quel que soit le coût de la sécurisation des enceintes sportives, il sera toujours inférieur au profit qu’il procure quand assister à un spectacle sportif demeure une pratique sociale pacifiée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Williams Nuytens a reçu des financements de l'université d'Artois, de la région des Hauts-de-France, de l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure, de la Fédération Française de Football, de l'UFOLEP du Pas-de-Calais, de l'UFOLEP nationale, du Ministère de l'Enseignement Supérieure et de la Recherche, de l'APELS, de certaines villes et de certains comités sportifs, de la Ligue de Sport Adapté des Hauts-de-France...</span></em></p>Comment les supporters peuvent-être aussi violents sachant, en outre, que l’arsenal législatif s’est notablement étoffé ces dernières années ?Williams Nuytens, Sociologue, professeur des universités en Sciences et Techniques des APS, Université d'ArtoisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143382023-10-02T18:19:23Z2023-10-02T18:19:23ZScandale Luis Rubiales : l’image progressiste de l’Espagne écornée ?<p>La finale de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/coupe-du-monde-feminine-2023-141703">Coupe du Monde de football féminin</a> a captivé le monde autant qu’elle a dérangé pour des raisons inattendues. Après la victoire de l’équipe espagnole, le président de la Fédération espagnole de football (RFEF), Luis Rubiales, a choqué l’opinion en <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/baiser-force-de-luis-rubiales-sur-jennifer-hermoso-ce-sont-des-gestes-qu-on-n-aime-pas-voir-j-ai-ete-choquee-avoue-eugenie-le-sommer_6068034.html">embrassant sans son consentement Jennifer Hermoso</a>, la capitaine de la sélection. Cet incident a déclenché un scandale à échelle mondiale et mis en lumière la problématique du harcèlement sexuel, tout en rappelant l’une des difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses femmes qui en sont victimes : l’identifier comme tel.</p>
<p>Cette controverse soulève des questions cruciales sur les abus de pouvoir au sein de fédérations sportives et sur la perception et la définition du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-h-comme-harcelement-164371">harcèlement sexuel</a>. Elle révèle également des liens complexes entre politique espagnole, droits des femmes et image internationale du pays. Elle met enfin en lumière les mœurs espagnoles contemporaines.</p>
<h2>Une mobilisation sociale sans équivoque ?</h2>
<p>Le baiser en question a d’abord provoqué une polémique, les réactions allant de l’indignation à la minimisation des faits. Certaines personnes ont considéré l’incident comme une situation résultant de l’euphorie du moment, Luis Rubiales lui-même ayant fondé un temps sa défense sur le fait que c’était un acte banal – en relayant une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=4uz-HP2fvBI">scène d’amusement des joueuses après l’incident</a>. Jenni Hermoso a déclaré publiquement que le baiser n’était pas consenti. Parallèlement, la Fédération affirmait que le geste était mutuel et spontané, lié à la joie de la victoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/D4Tm0o38oaE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces déclarations contradictoires ont contribué à alimenter la controverse et ont vite déclenché une réaction massive dénonçant la normalisation de comportements machistes et abusifs sur le corps des femmes.</p>
<p>Le geste de Rubiales a été largement condamné comme inapproprié par la classe politique, les institutions, les syndicats, les citoyens espagnols et les athlètes. <a href="https://www.thewomensvoices.fr/news/agression-de-hermoso-solidarite-des-joueuses-face-au-refus-de-demission-de-rubiales/">Les joueuses championnes du monde ont pris position</a> en soutien à leur coéquipière. <a href="https://elpais.com/deportes/2023-08-24/la-tardia-reaccion-del-futbol-espanol-al-beso-no-consentido-de-rubiales-a-hermoso.html">Après plusieurs heures de tergiversations</a>, les présidents des fédérations régionales ont déclaré unanimement leur intention de demander la démission de Rubiales. Cette mobilisation plurielle montre une <a href="https://elpais.com/videos/2023-09-03/video-la-entrevista-a-irene-montero-en-diez-minutos.html">prise de conscience collective</a> dans la lutte contre le harcèlement sexuel.</p>
<h2>Du sport à la politique</h2>
<p>Le scandale est au cœur de débats qui mêlent des facteurs culturels, sociaux et politiques. La ministre de l’Égalité Irene Montero a qualifié le baiser forcé de « violence sexuelle » et a insisté sur le besoin de ne pas normaliser de tels actes. Elle a été soutenue par le chef du gouvernement Pedro Sanchez, ainsi que par plusieurs ministres qui ont demandé la démission immédiate de Rubiales.</p>
<p>En Espagne, la question de la définition juridique du harcèlement sexuel a fait l’objet en 2022 de débats houleux lors du projet de loi contre les violences sexuelles. Cette loi, communément appelée <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230425-s%C3%B3lo-s%C3%AD-es-s%C3%AD-en-espagne-la-r%C3%A9forme-de-la-loi-sur-le-consentement-sexuel-divise-la-gauche"><em>Solo sí es sí</em></a> (« seul un oui est un oui ») visait à renforcer la protection des victimes de violence sexuelle et à punir plus sévèrement les agresseurs.</p>
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<p>L’Espagne de 2023 est forte d’une réputation avant-gardiste en matière de droits des femmes et des minorités sexuelles grâce aux avancées en termes législatifs et judiciaires enregistrées sous le gouvernement de coalition de gauche PSOE et Podemos, au pouvoir depuis 2019. Dans le <a href="https://eige.europa.eu/gender-equality-index/2022">classement européen sur l’égalité femmes-hommes</a>, elle était 10<sup>e</sup> sur 27 en 2017, deux ans avant l’arrivée de la gauche au pouvoir. Elle est désormais 6<sup>e</sup>, juste derrière la France.</p>
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<p><a href="https://theconversation.com/droits-des-femmes-la-vague-mauve-en-espagne-et-en-france-129659">Les questions liées au féminisme</a> et aux droits LGBTQIA+ ont joué un rôle central durant le mandat de Pedro Sanchez, qui <a href="https://www.20minutes.fr/politique/4055434-20230929-espagne-pedro-sanchez-nouveau-rangs-succeder-apres-echec-droite">brigue actuellement un nouveau mandat</a> après les législatives de juillet dernier. Les lois adoptées au cours de ces dernières années témoignent d’un engagement fort en faveur de l’égalité des sexes et de la diversité sexuelle.</p>
<p>Ainsi, en 2023 a été adoptée la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/17/avec-la-loi-d-egalite-des-personnes-trans-l-espagne-approuve-l-autodetermination-de-genre_6162150_3210.html">loi pour l’égalité réelle et effective des personnes trans et pour la garantie des droits des personnes LGBT+</a>, qui autorise l’autodétermination de genre. Elle permet aux personnes transgenre de changer leur sexe légal sans avoir à subir de traitement médical préalable, ni à obtenir une décision judiciaire à partir de 16 ans (avec approbation parentale ou aval judiciaire pour les jeunes de 12 à 16 ans). Cette loi a été saluée comme un <a href="https://tetu.com/2023/02/16/europe-vote-loi-transgenre-espagne-avancee-historique-exemple-droits-trans-lgbt/">exemple de progrès en matière de droits LGBTQIA+</a> mais a aussi <a href="https://elpais.com/sociedad/2022-09-27/la-urgencia-profundiza-las-grietas-que-abre-la-ley-trans-entre-los-socialistas.html">divisé la classe politique</a> tant au sein de la gauche que de la droite, <a href="https://www.eldiario.es/politica/pp-recurrira-constitucional-ley-trans-rebufo-vox_1_10113074.html">Vox et le Parti populaire ayant par ailleurs intenté un recours contre le texte</a>.</p>
<h2>Entre tradition et avant-gardisme social</h2>
<p>Depuis la fin des années 1970, et après plusieurs décennies de dictature franquiste, l’Espagne a connu une transformation sociale rapide et est devenue un modèle en Europe en matière de droits pour l’égalité (<a href="https://ecoute-violences-femmes-handicapees.fr/ressources/espagne-loi-organique-relative-aux-mesures-de-protection-integrale-contre-la-violence-de-genre-en-espagne-2004/">loi contre les violences de genre</a> en 2004, <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-ephemeride/3-juillet-2005-legalisation-du-mariage-pour-tous-en-espagne_1782333.html">loi sur le mariage pour tous</a> en 2005, <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/07/05/avorter-en-espagne-devient-un-droit_1383342_3214.html">loi sur l’avortement</a> en 2010, <a href="https://fr.euronews.com/2022/08/26/seul-un-oui-est-un-oui-lespagne-renforce-sa-loi-contre-le-viol">loi contre les violences sexuelles</a> en 2022, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/02/17/avec-la-loi-d-egalite-des-personnes-trans-l-espagne-approuve-l-autodetermination-de-genre_6162150_3210.html">loi pour l’égalité des personnes trans</a> en 2023, <a href="https://www.bfmtv.com/politique/parlement/conge-menstruel-un-rapport-senatorial-estime-qu-un-dispositif-ne-se-justifie-pas_AD-202306280924.html">loi pour le congé menstruel en 2023 – dont le modèle a été rejeté en France</a>…)</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1703304370673131976"}"></div></p>
<p>Cependant, malgré ces avancées législatives, il est essentiel de reconnaître que l’Espagne n’est pas unanime sur ces questions. L’opposition au féminisme et aux droits LGBT+ persiste dans certaines parties de la société espagnole. Cela peut s’expliquer par diverses raisons, à commencer par la rapidité de ces changements sociaux qui remettent en cause des normes établies, enracinées, en lien avec des questions sur l’identité de genre qui polarisent la classe politique. L’Espagne est l’héritière d’un <a href="https://cle.ens-lyon.fr/espagnol/civilisation/histoire-espagnole/societe-contemporaine/la-laicite-en-espagne-un-compromis-hesitant-issu-de-memoires-conflictuelles">passé culturel et religieux</a> dont les valeurs traditionnelles volent en éclats face aux revendications des groupes exposés précédemment.</p>
<h2>Une image de pays progressiste à soigner</h2>
<p>Cette affaire dessert un pays dont la réputation est aujourd’hui largement bâtie sur les avancées sociales, le tourisme et les succès sportifs. En prononçant un discours incendiaire lors de l’assemblée extraordinaire de la RFEF, et en scandant « Je ne vais pas démissionner » à maintes reprises, Luis Rubiales a attiré l’attention des médias internationaux, friands d’une histoire de dirigeant d’une grande organisation sportive qui refuse d’abandonner son poste et présente cet épisode tel un match de longue haleine à gagner contre ce qu’il a <a href="https://www.elcorreo.com/deportes/futbol/rubiales-causa-asombro-prensa-internacional-20230825175342-ntrc.html">qualifié de « faux féminisme » ambiant</a> (Rubiales a finalement <a href="https://www.letemps.ch/sport/football/baiser-force-luis-rubiales-annonce-qu-il-va-quitter-la-presidence-de-la-federation-espagnole-de-football">quitté ses fonctions le 10 septembre</a> après trois semaines de polémique).</p>
<p>Tant Rubiales que ceux qui ont applaudi son discours, comme Luis de la Fuente, sélectionneur de l’équipe féminine de football espagnole, laissent penser que les normes et valeurs au sein de l’institution ne sont pas alignées avec celles promues au sein de cette Espagne progressiste. Parmi les divers sponsors de la Fédération espagnole de football, il y a eu un <a href="https://elpais.com/deportes/2023-08-25/el-silencio-de-los-patrocinadores-de-la-federacion-espanola-de-futbol.html">moment de flottement</a> puisque seules la compagnie aérienne Iberia et le fournisseur d’énergie Iberdrola ont immédiatement soutenu publiquement les joueuses sur leurs réseaux sociaux. Or, dans la gestion de la crise d’une part et dans la communication sur l’affaire d’autre part, il en va de l’image de marque de l’Espagne. Comme le souligne le spécialiste de la communication de crise <a href="https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/image-reputation-influence-comment-construire-une-strategie-pour-vos-marques">Géraud de Vaublanc</a> :</p>
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<p>« Une bonne réputation est une image favorable qui dure, malgré les aléas (évolution des marchés, changements de dirigeants, incidents ou crises traversées par l’entreprise). C’est ce qui explique que la valeur d’une réputation positive est supérieure à la valeur d’une image positive. »</p>
</blockquote>
<p>L’affaire Rubiales porte peut-être atteinte un temps à l’image de l’Espagne, quelque peu abîmée par le comportement d’un dirigeant, mais il est peu probable qu’elle affecte radicalement sa réputation. Alors que l’enquête se poursuit, l’Espagne est toujours engagée aux côtés du Portugal et du Maroc pour l’organisation du Mondial (masculin) en 2030.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214338/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sabrina Grillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’affaire Rubiales intervient dans un contexte de crise politique et d’avancées sociales qui ne font pas l’unanimité.Sabrina Grillo, Maîtresse de conférences en civilisation de l'Espagne contemporaine, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089002023-09-03T14:20:16Z2023-09-03T14:20:16ZÉgalité des salaires hommes-femmes : où en est-on dans le football ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545767/original/file-20230831-25-rlu346.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C1985%2C1116&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le salaire du footballeur le mieux payé de L1, Kylian Mbappé, est plus de cent fois supérieur à celui de la joueuse la mieux payée du championnat de France féminin, Marie-Antoinette Katoto, qui évolue comme lui au PSG. Les footballeurs de L1 ont en moyenne un salaire 26&nbsp;fois supérieur à celui de leurs homologues féminines.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.psg.fr/media/41888/4.jpg">Source : site officiel du PSG</a></span></figcaption></figure><p>« Le football féminin est une partie de l’avenir du football » : voilà ce que <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Philippe-diallo-et-jean-michel-aulas-officialisent-l-ambitieux-plan-pour-le-football-feminin-francais/1391262">déclarait au printemps dernier Philippe Diallo</a>, nouveau président de la Fédération française de football (FFF), qui s’est engagé à contribuer, durant son mandat, au <a href="https://www.fff.fr/article/10094-les-points-essentiels-du-plan-de-developpement-du-football-feminin.html">développement du football féminin en France</a>.</p>
<p>Plus précisément, il s’agit de relancer ce développement, paradoxalement coincé entre, d’une part, une nette augmentation du nombre de licenciées depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle (ce nombre a été multiplié par plus de cinq en 20 ans, pour dépasser les 200 000 actuellement) et, d’autre part, une certaine insuffisance sur le plan de la performance sportive (absence de podium à l’Euro et à la Coupe du Monde pour la sélection nationale, recul de la domination exercée par l’OL sur la Ligue des Champions).</p>
<p>C’est ainsi qu’une restructuration nationale des championnats est mise en œuvre à partir de la saison 2023-2024, avec la mise en place de trois divisions nationales (contre deux auparavant) et la perspective d’une réelle professionnalisation de la pratique. <a href="https://theconversation.com/equal-play-equal-pay-des-inegalites-de-genre-dans-le-football-208530">La question des salaires des footballeuses</a> surgit au cœur de ce processus.</p>
<h2>Recontextualiser les inégalités salariales</h2>
<p>Évoquer les inégalités salariales, c’est, dans un premier temps, aborder une réalité sociétale. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6960132#">Selon l’Insee</a>, en 2021, l’écart de revenu salarial moyen entre hommes et femmes dans le secteur privé est de 24 % (mais seulement de 4 % à temps de travail égal).</p>
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<p>Le football professionnel affiche des écarts incommensurablement plus élevés. En effet, Kylian Mbappé, le joueur le mieux payé de L1, gagne quelque 6 millions d’euros par mois ; la footballeuse la mieux payée de France, Marie-Antoinette Katoto, gagne, elle, environ 50 000 euros mensuels. En moyenne, d’après <a href="http://journals.openedition.org/lectures/29442">Arrondel et Duhautois</a> (2018), le salaire annuel des joueuses serait plus de 26 fois inférieur à celui des joueurs. En outre, chez les hommes comme chez les femmes, il existe de grandes disparités au sein des championnats en termes de salaires, d’après ces mêmes auteurs.</p>
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<p>« Comme pour les garçons, mais à une échelle différente, il existe un effet “superstar” dans les rémunérations du football féminin. […] Une grande partie des salariés gagnant moins que la moyenne des salaires, ce sont, par conséquent, les quelques superstars qui captent une grande partie de la rente : comme disent les économistes, “the winner takes all”. » </p>
</blockquote>
<p>C’est bien le cas en première division féminine, dite D1 Arkema, avec les deux poids lourds que sont le PSG et l’OL.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-d1-feminine-de-football-ou-les-oubliees-de-la-democratisation-sportive-208533">La D1 féminine de football, ou les oubliées de la démocratisation sportive</a>
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<p>Enfin, l’inégalité de salaire se double d’une inégalité de statut. Si l’ensemble des joueurs de Ligue 1 et Ligue 2 sont professionnels (avec bien sûr des niveaux de rémunération variables), le statut des joueuses entre elles est bien différent. Le statut professionnel « confortable » dont bénéficie l’élite de la D1 Arkema contraste fortement avec celui des joueuses de D2, contraintes d’accepter des rémunérations s’apparentant à des « revenus précaires » entre frais de déplacement, primes de match et encadrement des jeunes – l’éventail est très large.</p>
<h2>Le statut des joueuses : un frein à l’équilibre financier des clubs</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2016-3-page-83.htm?ref=doi">Selon Dalmont et Falcoz</a> (2016), « il convient de souligner la difficulté pour les instances sportives de proposer un cadre structurant et abouti pour ces situations de travail entre amateur et professionnel. Cela se manifeste dans la manière d’appréhender le sportif amateur rémunéré ». Tout en reconnaissant que le sport amateur n’est pas tout à fait amateur, ils souhaitent préserver l’amateurisme originel, socle fondateur de la pratique sportive.</p>
<p>Cette situation ambiguë agite depuis des décennies le sport universitaire américain : le statut de l’athlète de NCAA (National Collegiate Athletic Association) est officiellement « amateur », alors que certaines équipes de football américain en NCAA remplissent des stades de 100 000 places, sont diffusées à la télévision nationale et signent des contrats de sponsoring à plusieurs millions de dollars. Cette situation a récemment changé, les athlètes pouvant être rémunérés en <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Ncaa-les-athletes-pourront-etre-remuneres/1074658">tirant des revenus de leur nom et leur image à partir de 2023</a>.</p>
<p>Dans le football féminin, c’est bien au cœur de cette contradiction que certains clubs se trouvent coincés : obligés d’assurer des dépenses importantes au niveau national (déplacements, salaires, primes de matches…) pour espérer être concurrentiels, ils sont finalement rattrapés par la fragilité de leur structure. C’est ainsi que la <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/business/2014/07/25/27004-20140725ARTFIG00040-comment-fonctionne-la-dncg-le-gendarme-financier-du-foot-francais.php">Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG)</a> impose régulièrement un « encadrement de la masse salariale » ou, pis, des <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/d1-feminine/football-soyaux-figure-historique-de-la-d1-feminine-vers-un-depot-de-bilan-aad9d208-1feb-11ee-b1e6-ff579647233d">« rétrogradations administratives »</a> en division régionale pour les clubs ne satisfaisant pas aux critères financiers. L’instance de contrôle demande pour chaque début de saison des comptes équilibrés, afin d’éviter que les clubs croulent sous les déficits et les dettes impossibles à assumer. Pour remplir cette mission, les clubs sont auditionnés au moins une fois par an. </p>
<p>L’équilibre financier d’un club professionnel est depuis longtemps questionné par les chercheurs, car les coûts (les salaires) sont souvent trop élevés. Le club génère quatre revenus d’activité : la billetterie (revenu historique depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle) ; les droits médias (essentiellement TV, mais de plus en plus les droits digitaux/Internet) ; le sponsoring et les « business seats » (loges VIP) au stade ; et enfin le merchandising, autrement dit la vente de produits dérivés (en grande partie les maillots).</p>
<p>De manière générale, la billetterie est devenue minoritaire et la télévision a pris une place considérable, rendant certains clubs fragiles (en cas de relégation notamment, le club perd de facto la moitié de ses ressources).</p>
<p><iframe id="Cn6P6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Cn6P6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Source : DNCG, 2023.</p>
<p>Sans cette manne des droits TV, les autres sports professionnels souffrent parfois et doivent trouver d’autres leviers de financement. Ainsi, le basket et le handball professionnel pourraient difficilement survivre sans les subventions, alors que le rugby doit son salut à son important financement.</p>
<p><iframe id="vYYfZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/vYYfZ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>La conséquence d’une faible médiatisation</h2>
<p>Si en France, l’écart entre les revenus des hommes et des femmes est de 1 à 26, il monte à 43 en Allemagne et à 113 en Angleterre. Dans le tableau ci-dessous, on constate que l’écart subsiste aux États-Unis entre la MLS (la ligue de football féminine) et la WMLS (la ligue féminine) car les chiffres sont de 2017-2018. Il faudra vérifier si les choses évoluent dans le bon sens, alors que les femmes ont obtenu gain de cause en <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-justice-americaine-approuve-l-egalite-salariale-entre-hommes-et-femmes-en-selection/1347795">matière d’égalité salariale au niveau de l’équipe nationale en 2022</a>. On peut donc parler d’égalité au niveau des primes touchées en équipe nationale, mais cela ne concerne pas les championnats. </p>
<p><iframe id="GrXDH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GrXDH/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Souvent, les experts du sport business expliquent cette différence salariale en argumentant que les audiences du sport féminin sont basses, donc l’exposition pour les sponsors faible, et la rentabilité pour les télévisions tout aussi faible, ce qui se traduit par des droits de retransmission proches de zéro. Il n’y aurait donc finalement pas d’« injustice » notoire : les lois du marché seraient sans pitié et somme toute logiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/equal-play-equal-pay-des-inegalites-de-genre-dans-le-football-208530">Equal play, equal pay : des « inégalités » de genre dans le football</a>
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<p>Tout d’abord, il faut noter que cette injustice est avant tout liée à la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-de-midi/le-debat-de-midi-du-vendredi-18-ao%C3%BBt-2023-2935630">moindre exposition du sport féminin</a>. L’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel français, a recensé l’ensemble des compétitions sportives masculines, féminines et mixtes diffusées à la télévision entre 2018 et 2021. Sur l’ensemble de cette période, marquée par la crise du Covid-19, la part du sport masculin est seize fois plus élevée que celle concernant le sport exclusivement féminin, qui ne concerne que <a href="https://www.20minutes.fr/television/4020864-20230127-competitions-sport-feminin-encore-16-fois-moins-diffusees-tv-celles-hommes">4,5 % du total des diffusions de compétitions sportives</a>.</p>
<p><iframe id="CV3hk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CV3hk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, quand le sport féminin est bien exposé, sur des chaînes généralistes et/ou de grande écoute, à des horaires favorables, il obtient de très bons résultats d’audience. Il y a donc un vrai travail à réaliser de la part des médias : c’est l’offre qui est motrice et stimule la demande. On retrouve ce même phénomène dans le sport masculin : quand le handball et le basketball (français) sont retransmis sur les grandes chaînes lors des grandes compétitions internationales, ils rencontrent bien leur public, alors que durant l’année ces deux sports sont retransmis sur des chaînes spécialisées à des horaires plus confidentiels.</p>
<p>Sans cette exposition, les femmes ne rattraperont jamais l’écart avec les hommes en matière de rémunération, surtout pour les sports d’équipe.</p>
<p>De ce point de vue, l’entrée de la basketteuse américaine Candace Parker dans le <a href="https://www.forbes.fr/classements/classement-exclusif-des-sportives-les-mieux-payees-aucune-francaise-dans-le-top-10-mondial/">top 10 des sportives les mieux payées au monde en 2021</a>, – alors que les stars américaines de football Alex Morgan et Megan Rapinoe ont manqué de peu d’y figurer – est particulièrement encourageante, Parker pratiquant un sport d’équipe, où les salaires sont inférieurs aux montants disponibles dans les sports individuels.</p>
<h2>D’ambitieuses perspectives d’évolution</h2>
<p>Récemment, les annonces de développement du football féminin faites par Philippe Diallo tracent une évolution à moyen terme allant dans le sens d’une amélioration de la pratique, sans doute avec davantage d’enjeux sportifs, une couverture médiatique meilleure et, conséquemment, une amélioration de la condition de vie des footballeuses, dans un sens plus large, en France.</p>
<p>Ainsi, il est prévu de voir éclore une D1 Arkema à 12 clubs avec instauration de play-offs en fin de saison pour la course au titre et la qualification à la Ligue des Champions féminine, le passage à une poule de D2 unique et la création d’une troisième division nationale à laquelle les centres de formation pourraient participer.</p>
<p>Certaines ligues, comme en Australie, ont déjà progressé vers cette égalité de salaires en instaurant un <a href="https://www.reuters.com/article/us-soccer-australia-women-idUSKCN1T80DU">salaire minimum équivalent entre les hommes et les femmes</a>. </p>
<p>Le débat est donc aujourd’hui partagé entre le fatalisme – ou le cynisme – de l’ancienne internationale <a href="https://www.90min.com/fr/posts/jessica-houara-se-prononce-sans-filtre-sur-l-egalite-salariale-dans-le-football">Jessica Houara</a> qui avance que « le foot est une économie et les clubs sont des entreprises. Quel club va sortir des gros chèques alors que le retour sur investissement est nul, voire négatif ? » et l’idéalisme américain incarné par <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220518-accord-historique-pour-l-%C3%A9galit%C3%A9-salariale-femmes-hommes-dans-les-s%C3%A9lections-am%C3%A9ricaines-de-football">Megan Rapinoe</a>, ex-capitaine de la sélection américaine, qui a obtenu de sa fédération la ratification d’une nouvelle convention collective garantissant une rémunération égale entre joueurs et joueuses en sélection.</p>
<p>Même s’il ne s’agit pas des mêmes types de rémunération, la question de l’équité hommes-femmes demeure au cœur de cette réflexion.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/la-coupe-du-monde-feminine-a-t-elle-respecte-ladage-de-la-glorieuse-incertitude-du-sport-211967">Mondial 2023</a> qui vient de s’achever aura notamment été marqué par des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/coupe-du-monde-de-foot-que-donnent-les-audiences-des-femmes-par-rapport-aux-hommes-7303022">audiences très élevées</a> dans <a href="https://www.rts.ch/sport/football/14246377-fifa-mondial-feminin-2023-record-absolu-daudience-en-australie-pour-la-demifinale.html">certains pays</a>. Peut-être cette compétition sera-t-elle une étape de plus vers une métamorphose éthique et économique qui verrait le football féminin être autant diffusé que le football féminin, et les femmes rémunérées à la même hauteur que les hommes ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208900/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une meilleure exposition du football féminin pourrait permettre de réduire l’écart colossal qui existe entre les revenus des footballeurs et ceux des footballeuses.Yann Imine, Professeur agrégé à l’UFR STAPS, Université Paris-SaclayMichel Desbordes, Professeur des Universités, Faculté des sciences du sport, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119672023-08-23T20:26:08Z2023-08-23T20:26:08ZLa Coupe du Monde féminine a-t-elle respecté l’adage de la glorieuse incertitude du sport ?<p>La <a href="https://theconversation.com/topics/coupe-du-monde-feminine-2023-141703">neuvième Coupe du Monde féminine</a> de <a href="https://theconversation.com/topics/football-20898">football</a>, qui vient de se tenir en Australie et en Nouvelle-Zélande, a réuni 32 équipes. 64 rencontres ont été disputées. La compétition a, naturellement, donné lieu à de nombreuses analyses consacrées à la visibilité du <a href="https://theconversation.com/topics/football-feminin-142218">sport féminin</a>, à la rétribution des sportives ou encore, tout dernièrement, au <a href="https://www.francetvinfo.fr/coupe-du-monde/feminine/coupe-du-monde-de-football-le-president-de-la-federation-espagnole-presente-ses-excuses-apres-son-baiser-force-a-jennifer-hermoso_6017945.html">comportement déplacé</a>, durant la remise de la Coupe, du président de la Fédération espagnole.</p>
<p>Mais qu’en a-t-il été de l’aspect purement sportif et, spécialement, de cette dimension centrale en matière de spectacle sportif qu’est le suspense quant à l’issue de chaque affrontement, ce que l’on appelle communément la « glorieuse incertitude du sport » ? Des outils élaborés par des spécialistes de l’économie du sport permettent d’évaluer cet aspect à première vue difficilement palpable, et de répondre à ces questions : les Coupes du Monde féminines sont-elles devenues, avec le temps, plus ou moins équilibrées ? Et la compétition féminine suprême est-elle plus ou moins propice aux surprises et à l’incertitude que son homologue masculine ?</p>
<h2>Equilibre et intensité compétitive : concepts clés en économie du sport</h2>
<p>L’expression « glorieuse incertitude du sport » a donné lieu à de nombreuses recherches dès les premiers travaux du champ, notamment à ceux de l’Américain Simon Rottenberg. Il est considéré par beaucoup comme le père fondateur de la spécialité, en particulier avec un <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/257790">article</a> publié en 1956 intitulé « The Baseball Players’ Labor Market ». Il y affirmait : </p>
<blockquote>
<p>« L’incertitude du résultat est nécessaire pour que le consommateur soit disposé à payer l’entrée pour le jeu. »</p>
</blockquote>
<p>L’équilibre compétitif est le concept traditionnellement associé à cette incertitude permettant de mesurer l’équilibre des compétitions. Pour les Coupes du Monde, une mesure appropriée est <strong>l’équilibre compétitif intra-match (ECIM)</strong>. <a href="https://shs.hal.science/halshs-02110782/document">Les rares auteurs à s’être intéressés à l’ECIM</a> l’ont défini via deux indicateurs :</p>
<ul>
<li><p>« L’incertitude », qui désigne le pourcentage du temps de jeu d’un match joué entre deux équipes avec un but d’écart comme limite au-delà de laquelle le match n’est plus en situation d’incertitude (1-0 étant considéré comme un résultat incertain contrairement à 2-0) ;</p></li>
<li><p>« Les fluctuations », qui désignent le nombre de buts distincts au cours d’un match changeant l’état du score (passer d’un match nul à une victoire d’une des deux équipes ou inversement).</p></li>
</ul>
<p>L’équilibre compétitif souffre toutefois d’une limite importante : celle de ne pas considérer les enjeux sportifs. Certains matches peuvent, en effet, être incertains analysés en tant que tels, mais ne pas l’être du point de vue de la compétition dans le cadre de laquelle ils se déroulent. Par exemple, la formule actuelle de la Coupe du Monde féminine ne permet, lors des phases de groupe, qu’aux deux meilleures équipes (sur quatre) de se qualifier pour la suite du tournoi. Dès lors, les derniers matches de groupes peuvent ne plus avoir d’enjeu : une rencontre opposant deux équipes déjà mathématiquement éliminées peut déboucher sur un match équilibré et plein de rebondissements, mais ne comporter aucun enjeu sportif. </p>
<p>Cela nous a conduit dans nos <a href="https://www.mdpi.com/2227-7099/10/12/315">travaux</a> à développer un indicateur complémentaire de l’ECIM : <strong>l’intensité compétitive intra-match (ICIM)</strong>. Il consiste à mesurer l’incertitude et les fluctuations d’un match en les contextualisant par rapport aux enjeux sportifs. En guise d’illustration simple, prenons le match Costa-Rica-Zambie joué lors de la dernière journée du groupe C. </p>
<p>Si celui-ci s’est soldé par le score de 3-1 aboutissant après calcul à une incertitude de 82 % (74 minutes sur 90 ayant été disputées avec au plus un but d’écart) et 1 fluctuation (seul le premier but de la Zambie a permis de faire changer l’état du score en faisant passer cette dernière leader du match), en réalité la partie n’avait aucun enjeu. Ces deux équipes, en ayant perdu leurs deux premiers matches de poules, étaient éliminées avant même le début du match, rendant nulles l’incertitude et les fluctuations de cette confrontation.</p>
<h2>Où situer la Coupe du Monde féminine 2023 par rapport aux précédentes ?</h2>
<p>Quel bilan tirer du Mondial qui vient de s’achever du point de vue de l’équilibre et de l’intensité compétitive, en l’examinant dans la continuité des compétitions précédentes ? L’équilibre et l’intensité ont-ils augmenté au cours du temps, du fait de la professionnalisation de l’ensemble du football féminin, qui aurait réduit les écarts sportifs ? Ou bien ont-ils diminué, du fait de l’augmentation du nombre d’équipes engagées (12 lors des premières éditions en 1991 et 1995, 16 de 1999 à 2011, 24 en 2015 et 2019, 32 en 2023) ?</p>
<p>En matière d’ECIM, on constate que l’incertitude et les fluctuations se sont détériorées depuis l’édition 2011, qui avait atteint un niveau record dans ces deux domaines. Avec 73,15 % du temps des matches joués en situation d’incertitude, la Coupe du Monde 2023 se situe derrière les cinq précédentes éditions, mais devant les trois premières. En ce qui concerne, les fluctuations, elle est, des neuf Coupes du Monde disputées à ce jour, celle qui en a généré le moins (1,33), ce qui reflète la faible capacité des équipes engagées en 2023 à changer l’état du score.</p>
<p><iframe id="AZRwW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AZRwW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="QJ9eS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QJ9eS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En matière d’ICIM, les résultats sont du même ordre. Si les dernières éditions avaient élevé l’incertitude à des niveaux inégalés, celle de 2023 n’a généré que 71,21 % d’incertitude. Comme pour l’ECIM, les fluctuations recensées à travers l’ICIM font de la Coupe du Monde 2023 l’édition la moins prolifique en matière de rebondissements (1,22 fluctuation). Il n’est toutefois pas surprenant que le niveau d’ICIM, en partie dépendant du format des compétitions, se soit dégradé par rapport aux deux dernières éditions, dont le format permettait de qualifier les meilleures troisièmes équipes au premier tour, ce qui rendait la dernière journée de la phase de poules plus incertaine.</p>
<p><iframe id="4QXYo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/4QXYo/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="QnJdG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QnJdG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un regard plus qualitatif permet toutefois de nuancer ces résultats. Les deux équipes les plus titrées, les États-Unis et l’Allemagne, ont enregistré leurs plus mauvais résultats en 2023. Les Américaines, qui ont remporté la compétition à quatre reprises sur neuf, dont les deux dernières éditions, ont été cette fois éliminées dès les huitièmes de finale, tandis que les Allemandes, deux fois victorieuses (en 2003 et en 2007), n’ont pas réussi à passer la phase de groupes.</p>
<p>Ce serait toutefois faire injure aux autres équipes d’attribuer ces résultats aux seules contre-performances de ces deux favoris. Leur suprématie semble aujourd’hui concurrencée par une multitude d’équipes qui jusqu’ici n’étaient que des challengers. Ainsi, parmi les quatre demi-finalistes, aucune équipe n’avait gagné le tournoi auparavant. L’Espagne s’est même payé le luxe de remporter l’édition 2023 alors qu’elle n’avait jusqu’ici participé qu’aux deux dernières éditions et que son meilleur résultat était un huitième de finale en 2019.</p>
<h2>Par rapport aux hommes, où en est-on ?</h2>
<p>L’édition 2023 de la Coupe du Monde féminine est intéressante à comparer à l’édition masculine de 2022 dans la mesure où, pour la première fois, le nombre d’équipes lors des deux éditions fut le même.</p>
<p>Les résultats montrent l’écart encore existant entre les deux compétitions. Tant en termes d’ECIM que d’ICIM, chacun des indicateurs considérés (incertitude et fluctuations), apparaît, en effet, plus élevé pour les hommes.</p>
<p><iframe id="svIkV" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/svIkV/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="vg9J5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/vg9J5/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ces résultats restent également à nuancer car les comparaisons depuis 1990 montrent une diminution considérable de l’écart en matière d’équilibre et d’intensité compétitive. La prochaine Coupe du Monde masculine 2026, marquée par le passage de 32 à 48 équipes, subira-t-elle, comme son homologue féminine de 2023, une détérioration de son équilibre et de son intensité compétitive au point de voir cette dernière la supplanter ?</p>
<p>Enfin, si l’écart se résorbe progressivement bien qu’il soit encore présent, le même constat est à appliquer sur le plan du spectacle. Avec des stades particulièrement garnis et de fortes audiences TV, <a href="https://www.tf1info.fr/sport/coupe-du-monde-de-football-feminine-2023-en-demi-finale-la-television-australienne-a-enregistre-la-meilleure-audience-de-son-histoire-2266918.html">notamment des pays hôtes</a>, boostées par les résultats de l’Australie, l’édition 2023 a été un franc succès. Aussi, bien que nos résultats démentent l’idée d’une compétition beaucoup plus équilibrée et intense en 2023 que lors des éditions précédentes, d’autres indicateurs plaident l’inverse. </p>
<p>Les éliminations surprises des favoris et, au contraire, les excellents parcours de certains challengers, à commencer par celui de l’Espagne bien sûr, ont fait souffler un vent de renouveau et de fraîcheur sur la Coupe du Monde des femmes 2023 !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211967/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Est-il possible d’estimer l’équilibre et l’incertitude d’une compétition sportive ? Et si oui, quels enseignements peut-on tirer de la Coupe du Monde des femmes qui vient de prendre fin ?Aurélien François, Maître de conférences en management du sport, Université de Rouen NormandieNicolas Scelles, Reader in the Department of People and Performance, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096172023-08-02T18:06:34Z2023-08-02T18:06:34ZStéréotypes de genre dans le football français, les défis des médias pour les jeunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538757/original/file-20230721-23892-1ngou4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C0%2C4179%2C2797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La façon dont les magazines destinés à la jeunesse présentent les footballeuses et les footballeurs a un impact sur la perception de la pratique sportive par leur lectorat.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/smiling-girl-reading-on-brown-sofa-109899608">Dmytro Vietrov/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En 2022, le <a href="https://injep.fr/publication/barometre-national-des-pratiques-sportives-2022/">Baromètre national des pratiques sportives</a> de l’Institut national de la Jeunesse et de l’éducation populaire indiquait que 60 % des Françaises et Français de 15 ans et plus affirmaient avoir pratiqué au cours de l’année écoulée une activité physique et sportive régulière. Cette hausse est fortement portée par la pratique féminine : 58 % des femmes pratiquent une activité sportive en moyenne au moins une fois par semaine, soit 7 points de plus qu’en 2018. L’écart entre hommes et femmes s’est ainsi réduit, passant de 6 à 4 points.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que cet écart persiste de façon prononcée dans certaines disciplines : la Fédération française de football (FFF) comptabilisait seulement 157 761 joueuses pour 2 124 335 licenciés lors de la saison 2019-2020, malgré un <a href="https://www.fff.fr/16-le-football-feminin/365-football-feminin-nos-actions.html">plan fédéral de féminisation</a> impulsé en 2011. Axe prioritaire de la FFF sur la période 2012-2016, celui-ci visait à féminiser le football à tous les niveaux, sur et en dehors du terrain.</p>
<p>Parmi les nombreuses pistes explicatives à la lenteur de la féminisation du football français, les médias, et spécialement ceux destinés aux plus jeunes, ont retenu notre attention car ils sont aujourd’hui des <a href="https://journals.openedition.org/communiquer/2576">acteurs majeurs de la diffusion du sport et de la visibilité du sport dit féminin</a>.</p>
<h2>Les médias, acteur important de la socialisation sportive des jeunes</h2>
<p>Le lien mécanique entre médiatisation et massification/démocratisation de la pratique sportive, pourtant rarement mis à l’épreuve des faits, reste tenace dans notre société.</p>
<p>Un exemple parmi d’autres : en 2019, la ministre des Sports Laura Flessel avait déclaré durant la Coupe du Monde féminine de football qu’elle espérait que la médiatisation de la compétition « donne envie à beaucoup de Françaises, et notamment des jeunes filles, de chausser les crampons et de rejoindre les garçons sur le terrain ».</p>
<p>En considérant la capacité des médias à octroyer une place plus ou moins importante à certains contenus, à privilégier et légitimer des cadres d’intelligibilité, des normes ou des modèles de conduite spécifiques et, en creux, <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2022-1.htm">à passer sous silence ou disqualifier certaines pratiques et visions du monde</a>, il semble pertinent d’analyser leur rôle dans la socialisation sportive des jeunes.</p>
<p>Composé d’une dizaine d’enseignants-chercheurs aux ancrages disciplinaires distincts (histoire, sociologie, sciences du langage, sciences de l’information et de la communication), le Collectif MediSJeu (pour mediatisation du sport et socialisation sportive des jeunes) s’est donné pour objectif, dans le cadre d’un programme de recherches étalé sur une dizaine d’années, de répondre à deux questions : dans quelle mesure les médias, en diffusant à grande échelle des modèles de sportivité, participent-ils de la construction des (dé) goûts, du développement de dispositions ou non pour le sport ? Et dans quelle mesure amènent-ils un jeune à admirer ou à stigmatiser d’autres jeunes pratiquant une activité sportive, à s’en auto-exclure, à se forcer à la pratiquer ou à l’abandonner ?</p>
<h2>Une couverture de l’activité sportive déséquilibrée</h2>
<p>Nous avons effectué un examen détaillé de la couverture et du traitement médiatique des joueuses et joueurs des équipes de France de football lors des six dernières Coupes du Monde, féminines et masculines confondues (2010 à 2019), sur l’intégralité d’un corpus reconstitué (n=1 440 numéros) d’un titre de la <a href="https://www.cairn.info/la-presse-des-jeunes--9782707132291.htm">presse écrite dite « jeunesse »</a> destiné aux 6-10 ans, <a href="https://www.playbacpresse.fr/abonnements-le-petit-quotidien"><em>Le Petit Quotidien</em></a>, largement diffusé dans les écoles françaises.</p>
<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2022-1-page-63.htm">premiers résultats</a> montrent que le sport, pratique culturelle pourtant bien installée dans la population française, n’occupe qu’environ 7 % de la surface rédactionnelle, et est majoritairement traité sous forme d’images, souvent relégué en troisième page et dans des formats inférieurs ou égaux au quart de page.</p>
<p>Surtout, en dépit du fait que les jeunes lectrices sont tenues de s’investir dans l’éducation physique à l’école, <a href="https://injep.fr/wp-content/uploads/2018/08/ias1-le-sport.pdf">sont de plus en plus nombreuses à être licenciées dans un club entre 6 et 12 ans</a> et considèrent les jeux sportifs comme l’un de leurs loisirs préférés, le journal construit le sport comme un loisir « masculin ».</p>
<p>En effet, les filles sont concernées par moins de 10 % des articles sportifs, moins souvent présentes en couverture, généralement cantonnées aux dernières pages, rarement représentées seules dans des formats écrits ou de grande taille, et assignées aux articles courts, sans fond ou seulement illustrés par <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2004-1-page-163.htm">« l’être féminin »</a>, c’est-à-dire que ce qui est considéré comme faisant la femme est souvent réduit à l’« être perçu ». Les sportives – sans être complètement oubliées – restent ainsi littéralement reléguées au second plan.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=106&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538759/original/file-20230721-37190-7bnydt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=133&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Résultat d’une recherche Google Images sur la requête « Petit Quotidien » + « foot ».</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans un second temps, nous avons analysé les contenus visuels du quotidien relatifs aux équipes de France de football : dans près de 90 % des cas, les photos ne sont pas mixtes et mettent en scène des hommes dans plus de 85 % des visuels étudiés. Cette domination se poursuit lorsque l’on observe la répartition des hommes et des femmes dans les différents plans photographiques. Au premier plan figurent des hommes seuls (83 % <em>vs</em> 6 % pour les femmes) tandis qu’au second plan, les chiffres sont divisés par deux pour les hommes et par trois pour les femmes (48 % d’hommes <em>vs</em> 2 % de femmes).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=885&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538758/original/file-20230721-29-vbmm8w.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1113&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le 24 juin 2023, peu avant le début de la Coupe du Monde, le Petit Quotidien, pour son n°7195, consacre exceptionnellement sa couverture à l’équipe de France féminine de football.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.epresse.fr/kiosque_premium/le-petit-quotidien/2023-06-24">Le Petit Quotidien</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour alourdir encore davantage ce constat, il convient de noter que, quand les femmes sont au premier plan, elles sont le plus souvent accompagnées d’hommes au second plan, contribuant ainsi à construire l’image d’un <a href="https://journals.openedition.org/sds/2174">sport féminin encadré, analysé et régi par des hommes</a>.</p>
<h2>Un choix d’illustrations qui n’est pas neutre</h2>
<p>Les photographies relatives aux Coupes du Monde de football utilisent la plupart du temps un cadrage resserré, c’est-à-dire lorsque le personnage occupe toute la hauteur ou la largeur au minimum (45 % du volume) ou normal, lorsque le personnage occupe la moitié de la hauteur ou de la largeur (37 % du volume).</p>
<p>Le retrait des éléments de contexte peut être considéré comme un levier visant à faciliter la lecture du jeune public, mais il pose dans le même temps la question du message envoyé à propos du football : de tels effets de zoom sur un ou quelques joueurs en particulier participent du processus d’<a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2008-4-page-29.htm">individualisation</a> et de <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-et-representations-2011-1-page-105.htm">vedettisation</a> des joueurs et des joueuses, conduisant à la surreprésentation des champions et à la sous-représentation des championnes, et valorisant un champion dans le cadre d’actions décisives (Mbappé, Pogba, Griezmann, par exemple) au détriment d’une équipe.</p>
<p>Au final, le traitement médiatique des joueuses et joueurs des équipes de France de football dans le quotidien étudié n’est pas « neutre » et nos résultats confirment pour la presse écrite jeunesse les <a href="https://www.neonmag.fr/le-sport-feminin-est-16-fois-moins-diffuse-a-la-tele-que-le-sport-masculin-indique-un-rapport-de-larcom-560125.html">constats produits par ailleurs</a> (presse écrite généraliste, presse écrite spécialisée, télévision, etc.). D’après le sociologue du sport Nicolas Delorme, la rédaction de <em>L’Équipe</em>, unique quotidien sportif généraliste français, a <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-01-19/pourquoi-le-sport-feminin-est-toujours-aussi-peu-mediatise-9c2e129d-43b9-4fdf-a9d2-e7acd76a3436">délibérément choisi de privilégier le sport masculin</a> au sport féminin, les hommes représentant 82 % du lectorat du journal.</p>
<p>Certes, l’appropriation des messages médiatiques n’est ni immédiate ni systématique, mais relève d’une socialisation complexe et continue, qu’il convient de penser dans l’articulation aux autres agents socialisateurs (famille, école, club, etc.). Il n’en demeure pas moins que les médias doivent être pensés et analysés comme une instance de socialisation puissante : ils peuvent permettre d’ouvrir le champ des possibles, susciter l’admiration voire des vocations, ils participent également d’un processus plus large de stigmatisation/discrimination chez les jeunes lectrices et lecteurs.</p>
<p>On mesure dès lors combien les enjeux sont d’importance pour la Coupe du Monde féminine de football 2023. En renforçant la place des footballeuses dans les contenus proposés et en érigeant des « rôles modèles » pour des millions de jeunes filles, les médias pourraient contribuer à permettre à la jeunesse de se projeter dans des sports que les unes et les autres s’imaginent encore trop sexués, voire ségrégués.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209617/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oumaya Hidri Neys a reçu, pour le Collectif MediSJeu, des financements de la Maison Européenne des Sciences de l’Homme et de la Société Lille Nord-de-France, de l'INSPE Lille Nord-de-France et de l’Institut National de Jeunesse et d’Education Populaire (Paris). Le Collectif MediSJeu a également obtenu le label de la Fondation Alice Milliat, première fondation européenne en faveur du sport féminin.</span></em></p>D’après une étude, la presse écrite dite « jeunesse » tend à présenter le football comme un loisir masculin, contribuant ainsi à perpétuer les stigmatisations traditionnelles entourant ce sport.Oumaya Hidri Neys, Professeur des universités en STAPS, Université d'ArtoisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2097672023-08-01T16:20:03Z2023-08-01T16:20:03ZOù (en) sont les femmes arbitres de football en France ?<p>Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du Monde féminine de football, la FIFA a fait appel à un <a href="https://www.tousarbitres.fr/stephanie-frappart-manuella-nicolosi-et-elodie-coppola-retenues-pour-la-coupe-du-monde-feminine-2023/">trio de femmes arbitres de nationalité française</a> pour diriger certaines rencontres de la compétition qui se déroule du 20 juillet au 20 août 2023, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Pour cette édition, l’arbitre centrale chevronnée Stéphanie Frappart fera équipe avec ses compatriotes arbitres assistantes <a href="https://www.fff.fr/article/10659-manuela-nicolosi-on-a-ouvert-les-portes-.html">Manuela Nicolosi et Élodie Coppola</a>.</p>
<p>Si cette nouvelle apparaît <em>a priori</em> comme un signe de bonne santé de l’arbitrage féminin français, elle met également en lumière l’incapacité de la Fédération française de football (FFF) à « fournir », jusque-là, à la FIFA, trois femmes arbitres pour officier sur des événements de grande ampleur.</p>
<p>Quelle est donc la situation actuelle de l’arbitrage féminin en France ? Quelle est la place des femmes arbitres dans le football ? Quels sont les freins qui les empêchent de faire carrière ?</p>
<h2>La lente évolution de l’arbitrage « féminin »</h2>
<p>À la fin des années 1960, la FFF accepte (enfin) que des femmes <a href="https://www.theses.fr/2018LILUA009">deviennent arbitres officielles de football</a>. Cette entrée dans l’arbitrage ne se fait pas sans mal. Ces pionnières ne sont, par exemple, autorisées qu’à arbitrer des matchs d’enfants ou d’adolescents. Mais qu’importe <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/marie-anne-bessard-arbitre-football-pionniere-1966-706593.html">Marie-Anne Bessard</a>, Geneviève Zak, ou encore Martine Jayais ont ouvert une porte.</p>
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<p>En 1970, au moment où la FFF reconnaît officiellement le football féminin, cette dernière a déjà délivré le titre d’arbitre à une quinzaine de femmes. Si certaines abandonnent rapidement, d’autres, comme Antoinette Pluet ou Nicole Piveteau, se maintiennent et parviennent même à arbitrer des matchs de Seniors au niveau régional. Dix ans plus tard, en 1980, elles sont près de 120, mais aucune d’elles n’officie au-dessus du niveau local.</p>
<p>Dans les années 1990, la FIFA décide de confier l’arbitrage des matchs internationaux de football féminin à des femmes. Accusant un certain retard en matière de développement de l’arbitrage féminin, la FFF n’est pas en mesure de proposer la candidature d’une Française disposant des compétences nécessaires pour officier sur ces matchs.</p>
<p>Pour remédier au problème, l’ancien arbitre international, alors président de la Commission centrale des arbitres de la FFF de l’époque, Michel Vautrot, réalise un recensement des femmes arbitres susceptibles d’accéder immédiatement au haut niveau en tant qu’arbitre assistante. <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/football-nelly-viennot-stephanie-frappart-footballeuse-arbitre-juge-de-touche">Nelly Viennot</a> fait partie de ces femmes ayant bénéficié de cette promotion accélérée. Elle devient en 1996 la <a href="https://www.republicain-lorrain.fr/sport/2021/04/07/la-premiere-femme-arbitre">première femme</a> à officier en première division du Championnat de France de football professionnel (PSG-Martigues), en tant qu’arbitre assistante.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119511281088724992"}"></div></p>
<p>Alors que l’on pensait que Nelly Viennot avait brisé le « plafond de verre », il faudra attendre 23 longues années et l’été 2019 pour qu’une nouvelle femme, en la personne de <a href="https://www.france24.com/fr/20190423-femme-arbitre-premiere-fois-match-ligue-1-stephanie-frappart-mondial-2019">Stéphanie Frappart</a>, soit nommée en Ligue 1, en tant qu’arbitre centrale cette fois. Durant plus d’un demi-siècle, la <a href="https://www.slate.fr/audio/siffles/femmes-arbitres-football-exister-rencontre-3">féminisation de l’arbitrage s’est donc poursuivie</a>, mais les femmes demeurent toujours en faible nombre dans le milieu.</p>
<p>En 2023, on ne dénombre qu’un peu plus de <a href="https://www.fff.fr/article/9805-les-chiffres-cles-du-football-feminin-en-2023.html">1 000 femmes arbitres</a> sur les 20 000 que compte la FFF. En plus d’être rares, les femmes arbitres sont aussi sous-représentées au plus haut niveau du football français puisque seules trois femmes (pour 86 hommes) officient dans les championnats professionnels masculins de Ligue 1 et Ligue 2 : Manuela Nicolosi et Camille Soriano sont arbitres assistantes en Ligue 2 tandis que Stéphanie Frappart est toujours arbitre centrale en Ligue 1. Elle a par ailleurs été la <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2021-1-page-31.htm">première femme à arbitrer un match de Coupe du monde masculine</a> au Qatar en 2022.</p>
<p>Les autres femmes arbitres évoluent dans les plus basses divisions du football masculin ou restent cantonnées à l’arbitrage de matchs de football féminin, jugés moins prestigieux dans le milieu. Cette répartition des femmes dans l’arbitrage laisse penser que derrière les discours institutionnels affichant une bonne volonté en matière de mixité se cache une division sexuelle du travail.</p>
<h2>Des critères de sélection et des conditions d’exercice défavorables aux femmes</h2>
<p>Pour justifier la faible présence des femmes dans l’arbitrage en général et au niveau fédéral en particulier, les dirigeants de l’arbitrage font souvent référence aux exigences physiques que nécessite la pratique.</p>
<p>Les femmes n’arriveraient pas à rivaliser avec les hommes, notamment lors des tests physiques de présélection. L’exemple illustrant le mieux le frein que représente le passage des tests physiques à l’accession et l’ascension des femmes dans l’arbitrage reste sans doute celui de Nelly Viennot, qui, sélectionnée par la FIFA parmi 82 candidats pour participer aux épreuves de sélection des arbitres assistants pour la Coupe du Monde 2006, avait échoué, lors du test de sprint, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/coupe-du-monde/entretien-nelly-viennot-pionniere-des-arbitres-j-ai-rate-le-mondial-pour-deux-dixiemes-7f56d372-70c5-11ed-b658-d40122929dc2">pour deux dixièmes de seconde seulement</a>. Elle aurait été la première femme à officier lors d’une Coupe du monde masculine.</p>
<p>Les dirigeants justifient les écarts de performance entre les hommes et les femmes par les différences biologiques entre les sexes et passent totalement sous silence l’histoire de la pratique féminine qui montre pourtant que <a href="https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2016-3-page-131.htm">l’investissement des femmes dans l’arbitrage</a> et le sport en général est tardif, et que ce déficit historique se traduit en déficit institutionnel dans la fabrique des femmes arbitres.</p>
<p>L’ordre établi semble dès lors légitime puisque les qualités tirées de la « nature » permettent de rendre acceptables les inégalités de réussite. Si les dirigeants regrettent publiquement la situation, ils n’envisagent pas pour autant d’adapter ni les critères de sélection ni les barèmes des tests physiques et ont même tendance à les rehausser régulièrement ; d’autant plus que Stéphanie Frappart parvient, <em>elle</em>, à répondre aux obligations.</p>
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<figcaption><span class="caption">Reportage sur Stephanie Frappart, 11 février 2018.</span></figcaption>
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<p>Malgré ces exigences, l’arbitrage n’est pas une activité professionnelle. Les femmes arbitres ont un travail par ailleurs. Elles doivent donc concilier leur activité professionnelle, l’arbitrage et leur vie personnelle. Deux dimensions sont alors déterminantes. La première concerne l’organisation familiale. Les femmes qui se maintiennent à un niveau de responsabilité fort font parfois état de tensions dans leur couple, qu’elles réussissent à réduire en négociant ou redéfinissant les rôles de chacun. Ces situations confortables sont souvent fragilisées par les grossesses et congés maternité, autant de causes d’interruption de carrière, parfois définitive, ou de déclassement lors de la reprise de l’activité. Ces exemples forcent certaines femmes à faire le choix de la carrière plutôt que de la maternité.</p>
<p>La seconde dimension est la stabilité professionnelle des femmes arbitres. Les Françaises ont massivement investi le marché du travail mais restent davantage concernées par les emplois sous-qualifiés et plus exposés aux aléas sociaux. Leur niveau d’investissement dans l’arbitrage varie donc en fonction du contexte professionnel dans lequel elles évoluent.</p>
<p>La plupart des femmes arbitres de haut niveau témoignent d’une situation professionnelle privilégiée. Pour améliorer les conditions de vie des femmes arbitres, la FFF a, au début de la saison 2020/2021, signé un contrat de prestation de service d’une durée de 1 à 3 ans avec huit d’entre elles. Ces dernières perçoivent désormais, en plus des indemnités de match, une rémunération fixe mensuelle censée leur permettre d’évoluer plus sereinement.</p>
<h2>Acceptées… à condition de faire différemment</h2>
<p>Si les femmes arbitres ne sont pas catégoriquement exclues de la pratique de l’arbitrage, c’est à condition qu’elles fassent différemment de leurs homologues masculins et qu’elles répondent à certaines assignations liées à leur genre. La mixité recherchée par les dirigeants fédéraux implique forcément cette différence entre hommes et femmes et aboutit à une vision essentialiste des compétences, selon laquelle les femmes auraient des qualités propres et présupposées différentes de celles des hommes.</p>
<p>Ainsi, les femmes arbitres se voient accorder une capacité particulière à canaliser les émotions des joueurs et des entraîneurs grâce à leur supposé sens développé de la conciliation, de leur écoute et de leur douceur. Elles restent donc toujours des femmes avant d’être des arbitres (compétentes). Lorsqu’elles réalisent de bonnes performances, elles le doivent bien souvent non pas à leurs aptitudes mais à leurs atouts « féminins ». C’est ce qu’explique un dirigeant de la FFF venu superviser une femme arbitre, à l’issue d’un match pourtant engagé, en inscrivant sur le rapport d’évaluation que cette dernière a maîtrisé son match « bien aidée par [son] sourire qui a évité toute contestation ».</p>
<p>Les joueurs et les entraîneurs, dont les propos sont souvent repris par les médias, seraient même prêts à faciliter la tâche des femmes arbitres, ce qui expliquerait qu’elles puissent (parfois) arbitrer convenablement. En 2019, Christophe Galtier, à l’époque à la tête du LOSC, <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/ligue-1/actualites/premiere-reussie-pour-stephanie-frappart-arbitre-pionniere-955289">vantait par exemple la « diplomatie » de Stéphanie Frappart</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Quand on est entraîneur, homme, on est sous pression, on s’énerve… Il suffit qu’elle sorte un regard, un sourire, un geste… et ça s’arrête […] Est-ce qu’il y aura plus de respect ? Automatiquement, c’est la nature de l’homme, il y aura plus de retenue dans les propos. »</p>
</blockquote>
<p>Si tous ces comportements paraissent <em>a priori</em> bienveillants, en renforçant les stéréotypes de genre ils participent en fait d’une part à l’infantilisation des femmes arbitres et d’autre part à la <a href="https://www.octares.com/serie-colloques-congres/245-variations-sur-le-theme-du-genre-dans-les-groupes-professionnels.html">reproduction d’un ordre genré</a>.</p>
<p>Pour le sociologue <a href="https://journals.openedition.org/sdt/28165?lang=en">Erving Goffman</a>, les pratiques de galanterie et de sollicitude excessive conduisent chacun à rester à sa place. Quant à <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1990_num_84_1_2947">Pierre Bourdieu</a>, il explique que l’attribution aux femmes de dispositions valorisantes ne fait pas disparaître la domination masculine car elle accorde les préjugés favorables au sexe féminin pour mieux le dévaloriser.</p>
<p>D’autant plus qu’un grand nombre de femmes arbitres considèrent les qualités « féminines » qu’on leur attribue comme une ressource : « Un arbitre homme va souvent entrer dans le rôle du gendarme, strict et assez fermé. Le fait de voir une femme qui parle différemment et se montre plus souple est un atout », explique l’une d’entre elles. Les femmes arbitres se parent donc de caractéristiques secondaires comparées à celles qui sont habituellement attribuées et recherchées chez un bon arbitre (homme) de football comme la fermeté, l’autorité, le sang-froid.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209767/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Le Tiec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur les 20 000 arbitres que compte la Fédération française de football, 1 000 sont des femmes. Cette disparité s'explique par de nombreux élements.Lucie Le Tiec, Maître de conférences en sociologie ; Laboratoire Centre de recherche sur l'industrie, les institutions et les systèmes économiques d'Amiens (CRIISEA), Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094492023-07-31T16:18:57Z2023-07-31T16:18:57ZLe football féminin en France : une réalité qui dérange (encore) ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539992/original/file-20230728-29-3d8exq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C11%2C1495%2C970&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des jeunes joueuses de football s'affrontant lors d'un tournoi interclubs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Yuri A./PeopleImages</span></span></figcaption></figure><p>Voilà déjà plus d’un siècle que la France a vu se tenir la première rencontre de football opposant des femmes, mais ce sport reste avant tout, dans notre pays, une affaire d’hommes : en 2022, la FFF comptait quelque <a href="https://footamateur.ouest-france.fr/licencies-la-fff-vers-un-record-historique-saison-2022-2023/">2,1 millions de licenciés</a>, dont moins de 200 000 <a href="https://www.fff.fr/article/6934-les-chiffres-cles-du-football-feminin.html">étaient des femmes</a>.</p>
<p>Si les avancées en la matière sont notables (seules 90 000 filles et femmes étaient licenciées en 2010-2011), le déséquilibre demeure patent. L’une des explications tient à la façon dont le football féminin est perçu et géré au niveau des clubs amateurs. Certains d’entre eux, comme l’ont montré mes travaux effectués dans la région Hauts-de-France, accordent au football des femmes une place majeure tandis que d’autres le considèrent encore comme le parent pauvre du football masculin.</p>
<h2>Un siècle de progrès saccadés</h2>
<p>En France, si les footballeuses apparaissent au début des années 1910, il faut attendre 1917 pour voir se dérouler la <a href="https://www.footofeminin.fr/Histoire-Centenaire-du-1er-match-de-football-feminin-en-France_a14052.html">première rencontre féminine à Paris</a> qui oppose deux équipes de la société sportive féminine le Femina Sport.</p>
<p>Le succès fut tel qu’au cours des années suivantes, d’autres équipes se forment et de nouveaux matchs s’organisent. La pratique va progressivement s’implanter sur le territoire : de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-histoire_du_football_feminin_au_XXeme_si%C3%A8cle_laurence_prudhomme_poncet-9782747547307-15071.html">11 clubs en 1920, on atteint les 130 un an plus tard</a>. Toutefois, ces manifestations publiques sont la cible des détracteurs de l’activité physique pour les femmes, qui affirment que celles-ci doivent uniquement pratiquer des exercices lents, doux et esthétiques. Les critiques dont elles font l’objet et l’entrée en guerre en 1941 engendrent la disparition des joueuses françaises.</p>
<p>Il faut attendre les années 1960 pour voir le football dit féminin « renaître ». Marquée par de profonds changements sociétaux, cette époque voit les femmes réinvestir les terrains. L’engouement est tel qu’en trois ans (1968-1971), la pratique compte plus de 2 000 joueuses.</p>
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<p>Cette croissance des effectifs féminins incite, entre autres, la Fédération française de football (FFF), en mars 1970, à s’engager en faveur de la pratique et à créer la première commission féminine spécifiquement chargée de veiller au développement du football féminin.</p>
<p>Si l’on assiste à une courte période d’augmentation des effectifs, au milieu des années 1980, ces derniers stagnent, voire diminuent. Il faut dire qu’aucune mesure incitative efficace en faveur de la pratique n’est impulsée par cette commission : la FFF souhaite en effet contrôler cette dernière et non la développer. Ainsi, à l’aube des années 2000, les <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-etre_une_femme_dans_le_monde_des_hommes_socialisation_sportive_et_construction_du_genre_christine_mennesson-9782747595414-20465.html">footballeuses représentent seulement 3 % des licenciés</a>.</p>
<p>Mais la position de la Fédération à l’égard des joueuses va progressivement être remise en cause. En effet, en 2007, le Conseil de l’Europe publie <a href="https://www.coe.int/fr/web/cultural-routes/about-the-epa">l’<em>Accord Partiel Élargi</em></a> qui a pour objectif d’aider au développement de l’égalité entre les sexes dans le sport. Cet accord incite, l’année suivante, le ministère de la Jeunesse et des Sports à contraindre quatre Fédérations, dont celle de football, à impulser un plan de féminisation. Lancée en 2011, cette première <a href="https://www.fff.fr/16-le-football-feminin/365-football-feminin-nos-actions.html">politique de « développement »</a> d’ampleur en faveur des footballeuses s’articule autour de quatre grands axes : valoriser la place des femmes dans l’activité ; devenir une nation référence des licenciées ; jouer les premiers rôles au niveau européen et mondial ; innover en matière de formation.</p>
<h2>Au niveau régional, cinq approches différentes du football féminin dans les clubs</h2>
<p>Au niveau régional, pour tenter de mener à bien cette féminisation, des plans de développement voient le jour. En 2013, par exemple, la Ligue de football des Hauts-de-France impulse plusieurs grandes actions sur son territoire : labéliser les écoles de football au féminin, former et diplômer les femmes entraîneures ou encore mettre en place des tournois. Toutefois, si ces mesures ont permis à la Ligue de connaître une hausse du nombre de licenciées engagées dans la pratique – de <a href="https://www.fff.fr/80-le-budget-et-les-chiffres-cles.html">7 040 en 2013, on passe à 11 576 en 2017</a> – le taux de féminisation de la pratique dans la région peine encore à dépasser les 6,9 % en 2018.</p>
<p>C’est donc au niveau local, c’est-à-dire au plus près des 99 clubs de football « féminin » ou intégrant une équipe féminine senior que compte la région des Hauts-de-France, que j’ai tenté, lors de la rédaction de <a href="https://www.theses.fr/s274011">ma thèse</a> de comprendre cet écart entre « les dires » et « les faires ». Au total, 111 entretiens avec les présidents, entraîneurs et capitaines ont été réalisés au sein de ces associations. L’analyse des données a permis d’identifier cinq profils de clubs au sein desquels la féminisation de la pratique est vécue différemment.</p>
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<p>Le premier profil, « une féminisation gynécocentrée mais calquée sur le modèle professionnel masculin », se compose de cinq clubs « 100 % féminins ». Ici, les joueuses bénéficient d’un budget conséquent et de bonnes conditions de pratique. Encadrées par des hommes diplômés, elles se déplacent principalement en minibus. Dans ces cinq clubs, dont trois sont présidés par des femmes, tout est mis en œuvre pour que les joueuses se concentrent uniquement sur la production de performances.</p>
<p>Le deuxième profil, « une féminisation contrainte mais encadrée », compte 20 équipes « féminines » qui évoluent dans des clubs mixtes. Dans ces clubs, les joueuses ne bénéficient ni d’un budget conséquent, ni du soutien du président qui ne déploie aucun moyen visant à optimiser leur visibilité. Si l’attention est principalement portée sur l’équipe « masculine » senior, les clubs sont tenus de respecter les « obligations » formulées par la Fédération pour ce qui concerne le football des femmes. Par exemple, pour obtenir le premier niveau de labels masculins, le « label jeune espoir », ces associations doivent disposer d’une équipe de filles engagées en U6F-U9F ou U10F-U13F. Les joueuses sont délaissées et ne bénéficient pas de terrains et d’horaires d’entraînement adaptés.</p>
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<p>Le troisième profil, « une féminisation subie et déléguée », se compose de 15 équipes « féminines » qui évoluent dans des clubs mixtes. Dans ces associations, comme dans le cas du profil précédent, les joueuses ne bénéficient ni du soutien de leurs présidents, ni d’un budget conséquent, ni d’objectifs sportifs. Toutefois, elles réussissent à tenir dans le temps, avant tout grâce au surinvestissement de leur entraîneur.</p>
<p>Le quatrième profil, « une féminisation intégrée et stabilisée », recense 28 équipes « féminines » qui évoluent dans des clubs mixtes. Dans ces associations, les équipes « féminines » bénéficient du soutien du président du club, de conditions correctes de pratique et d’un entraîneur engagé et souvent diplômé. Soutenues et encouragées par les membres de ces clubs, les joueuses bénéficient de conditions d’accueil, d’accès et d’entraînement identiques à leurs homologues masculins.</p>
<p>Le cinquième et dernier profil, « une féminisation basée sur une logique associative qui dépasse la logique sportive », se compose de 31 équipes « féminines » qui évoluent dans des clubs mixtes. Dans ces clubs, les joueuses bénéficient du soutien du président et d’un partage équitable des budgets. Si les entraînements se font dans des conditions peu favorables à la production de performances, les filles ont créé leur propre équipe et viennent ici uniquement pour jouer au football et « s’amuser ».</p>
<p>Ainsi, au sein de la région des Hauts-de-France, si le football des femmes est considéré par certains acteurs comme une véritable condition nécessaire à l’égalité entre les sexes, pour d’autres, <em>a contrario</em>, il est (encore) parfois perçu comme étant problématique, voire inapproprié.</p>
<p>L’analyse croisée de ces cinq profils m’a finalement permis d’identifier trois facteurs décisifs à la féminisation différenciée de la pratique sur notre territoire : la (non) mixité, le (non) soutien du président et le (non) soutien de l’entraîneur. Toutefois, dans cette région étudiée, aucune tendance particulière ne se dessine, aucune logique ne prédomine : chaque club, au regard de son bureau dirigeant, de ses moyens, de son fonctionnement, vit la féminisation du football différemment.</p>
<p>Alors que dans d’autres pays, la pratique enregistre un taux de féminisation élevé – Allemagne (15,5 %), Angleterre (24,6 %), Norvège (29,7 %), Suède (38,4 %) et États-Unis (55 %) – en France (7,4 %), le football des femmes peine encore à sortir de l’ombre de ses homologues masculins. Aujourd’hui, à l’heure où deux chaînes nationales de télévision diffusent l’intégralité de la Coupe du Monde, nous ne pouvons qu’espérer que les performances des Françaises donneront envie à des filles et femmes de chausser les crampons et de fouler les pelouses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209449/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Gozillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude conduite dans les Hauts-de-France auprès de 99 clubs amateurs permet de mieux comprendre les différentes approches qu’ont les clubs à l’égard du football féminin.Audrey Gozillon, Maîtresse de conférences en STAPS, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085332023-07-30T15:11:54Z2023-07-30T15:11:54ZLa D1 féminine de football, ou les oubliées de la démocratisation sportive<p>La pratique du football par les filles est devenue en France un fait presque banal et l’équipe nationale une sélection qui n’est pas inconnue du grand public. Lors de la 9<sup>e</sup> édition de la Coupe du Monde de football 2023, l’équipe de France <a href="https://www.fifa.com/fifaplus/fr/tournaments/womens/womensworldcup/australia-new-zealand2023/articles/france-profil-coupe-du-monde-feminine-2023-selectionneur-joueuse-cle-a-surveiller">espère bien figurer</a>.</p>
<p>Mais cette sélection française a-t-elle été placée dans les conditions optimales pour performer lors de ce Mondial austral ? En d’autres termes, le Championnat de France de Division 1 Arkema (du nom du sponsor officiel depuis 2019) a-t-il préparé au mieux les footballeuses françaises à une éventuelle réussite ? Et, plus encore, les joueuses ont-elles bénéficié, cette année comme depuis leurs débuts dans le football amateur, de <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2015-1-page-119.htm">moyens susceptibles de les transformer en compétitrices</a> avides de victoire ?</p>
<h2>Des critiques récurrentes</h2>
<p>En réalité, le tableau du football féminin en France est loin d’être idyllique. Pour ne s’en tenir qu’à l’élite, seuls trois clubs – l’Olympique lyonnais, le Paris Saint-Germain et à un degré moindre Montpellier – ont les moyens d’offrir un statut professionnel à leurs joueuses.</p>
<p>Dans les neuf autres équipes que compte la Division 1, ce sont des contrats fédéraux qui sont proposés aux joueuses : ces dernières sont des salariées au sens strict du droit du travail, mais les contrats qu’elles signent ne sont pas suffisants pour subvenir à leurs besoins. Dans la moitié des équipes de Division 1, le salaire mensuel moyen brut est inférieur à 2 000 euros, loin de la moyenne de 100 000 euros bruts mensuels enregistrés par leurs homologues masculins du championnat de Ligue 1. La plupart des joueuses sont obligées <a href="https://www.transcript-verlag.de/author/gruen-laurent-320030512/">d’occuper un autre emploi ou de poursuivre leurs études</a> en même temps, voire <a href="https://www.cairn-int.info/article-E_STA_131_0065--taking-up-and-giving-up-soccer.htm">d’arrêter leur pratique dans l’élite</a>.</p>
<p>Ces disparités, mais également le manque de considération dont fait preuve la Fédération française de football (FFF) pour le football féminin, ont occasionné des prises de position virulentes de la part de personnalités du ballon rond. Ainsi, au début de l’année 2022, l’attaquante lyonnaise Ada Hegerberg, premier Ballon d’Or européen de l’histoire en 2018, a <a href="https://www.eurosport.fr/football/euro-2022/2022/ada-hegerberg-critique-la-fff-et-sa-candidature-pour-accueillir-l-euro-feminin-2025_sto8765937/story.shtml">incriminé directement la FFF</a>, l’invitant à investir davantage dans le championnat national.</p>
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<p>Au printemps 2023, c’est l’ancienne et mythique attaquante Marinette Pichon qui <a href="https://www.rtl.fr/sport/football/invitee-rtl-football-feminin-je-me-demande-ce-que-fait-la-fff-s-indigne-marinette-pichon-7900266731">s’en prend aux instances fédérales</a> et dénonce le manque de structures d’entraînement, ainsi que le déficit en éducatrices et éducateurs, notamment chez les jeunes filles qui représentent l’avenir du football français.</p>
<p>Enfin, c’est le nouveau sélectionneur national Hervé Renard qui <a href="https://footeuses.com/herve-renard-ne-veut-plus-dune-d1-feminine-filmee-dans-des-stades-de-3e-ou-4e-niveau/">déplore la qualité indigne des retransmissions télévisées</a> des matches de Division 1 disputés dans des stades de stades de quatrième niveau, peu propices à la production d’un spectacle susceptible de susciter l’intérêt de potentiels téléspectateurs.</p>
<h2>L’exemple anglais</h2>
<p>Pourtant, d’autres pays ont entamé leur révolution culturelle en matière de médiatisation du football féminin. En Angleterre, par exemple, la Women’s Super League (WSL) a commencé à capitaliser sur le succès de la sélection nationale des « Three Lionesses » lors de l’Euro 2022. Comme le révèle la journaliste Anna Pheulpin, le football féminin a conquis la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/football-feminin-television-angleterre-women-super-league-bbc-skynews-lionnes">télévision anglaise</a>.</p>
<p>La croissance de l’audience lors des rencontres télévisées a été spectaculaire lors de la saison 2022-2023. Il est vrai que le <a href="https://www.theguardian.com/football/2021/mar/22/a-huge-step-forward-wsl-announces-record-breaking-deal-with-bbc-and-sky">partenariat historique signé par la WSL avec la BBC et Sky Sports en 2021</a>, à hauteur de 24 millions de livres sur trois ans, a renouvelé le public des téléspectateurs, mais également des spectateurs présents dans les stades. En effet, la <a href="https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=276">progression de l’affluence est elle aussi probante</a>, car la hausse par rapport à la saison précédente était de 227 % en décembre 2022.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638467323400003585"}"></div></p>
<p>La FFF peut-elle s’inspirer de l’exemple anglais ? C’est l’impression que veut donner l’institution, qui sous la houlette de Jean-Michel Aulas, membre du Comex en charge du football féminin, vient d’annoncer un <a href="https://www.fff.fr/article/10161-plus-de-7-m-alloues-pour-la-d1-arkema-en-2023-2024.html">plan ambitieux de développement</a> : 7,3 millions d’euros seront alloués pour la saison 2023-2024 à la D1 Arkema. Ce budget est destiné principalement aux clubs et surtout aux licenciées : les joueuses de l’élite, mais aussi les équipes de jeunes. Les dotations iront aussi aux six centres de formation existant pour l’instant sur le territoire français, ainsi qu’à l’arbitrage féminin.</p>
<p>Il va de soi que <a href="https://preo.u-bourgogne.fr/football-s/index.php?id=312">cette mesure financière</a>, même conséquente, ne suffira pas à elle seule à sortir le football féminin français du relatif anonymat dans lequel il se trouve. Car effectivement, si voir jouer une jeune fille au football en 2023 ne choque plus grand monde, ce n’est pas pour autant que le public afflue en masse dans les tribunes de D1. Une comparaison peu flatteuse pour le football féminin français montre par exemple que la finale de la Coupe de France 2023 s’est disputée devant 6 217 personnes, contre 77 390 présentes à Wembley pour la finale de la FA Cup (la Coupe d’Angleterre).</p>
<h2>Le nerf de la guerre : les retransmissions télévisées</h2>
<p>Pour implanter définitivement le football des filles dans le paysage sportif et médiatique français, deux leviers ont été actionnés. Le premier est constitué par le renouvellement des <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-bleues-et-la-d1-arkema-ont-des-diffuseurs/1402544">droits de retransmission</a> à Canal+ pour une durée de six ans, jusqu’à la saison 2028-2029 incluse.</p>
<p>Deux matches de Division 1 Arkema seront retransmis dès le début de la saison 2023-2024, et chaque dimanche soir l’actualité du championnat sera évoquée lors d’un plateau télévisé. Les 5,3 millions d’euros annuels de droits TV générés par le football féminin, sélection nationale comprise, seront intégralement attribués au football féminin. Cette somme connaît ainsi une augmentation qui même peu spectaculaire puisqu’elle était la saison précédente de 4,5 millions, devrait permettre d’accroître l’attractivité de la D1 – sous réserve évidemment que les retransmissions des matches soient de qualité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657735957217419265"}"></div></p>
<p>Le deuxième levier qui pourrait consacrer un pas en avant pour le football féminin réside dans la création d’une <a href="https://www.fff.fr/article/10094-les-points-essentiels-du-plan-de-developpement-du-football-feminin.html">ligue féminine de football</a>, certes toujours affiliée à la FFF, mais dédiée exclusivement au football professionnel. Cette ligue, qui ne verra hélas le jour qu’à partir de la saison 2024-2025, a pour objectif de professionnaliser les deux plus hauts niveaux de pratique en France, soit la D1 et la D2, resserrée pour l’occasion à 12 clubs (contre les 24 que compte actuellement la D2). Ces différentes mesures pourraient enfin conférer aux footballeuses la place qui leur est due, après des <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/il-y-a-cent-ans-les-femmes-anglaises-etaient-privees-de-football-20211201_YJDBWLWC6BGC3GVO667PWLCX7Y/">décennies d’ostracisme</a> ou, au moins, de traitement différencié par rapport aux garçons.</p>
<h2>Pour un développement tous azimuts</h2>
<p>Néanmoins, pour développer et stabiliser le football français, il semble indispensable de s’adresser à tous les niveaux, et pas seulement à l’élite. La Premier League anglaise (et non la fédération anglaise) a par comparaison investi 21 millions de livres sterling sur 3 ans dans la WSL à l’été 2022, afin de développer le « grassroots football », c’est-à-dire le football amateur, dont celui des jeunes et très jeunes joueuses. En contrepartie, entre juin et décembre 2022, la fédération anglaise a enregistré une augmentation de 15 % de ses équipes de jeunes.</p>
<p>Pourquoi la France ne s’inspirerait-elle pas de l’exemple anglais, et qu’est-ce qui empêcherait la Ligue nationale de soutenir massivement le football féminin ? Cela passerait évidemment par le développement des équipes de jeunes mais aussi par le milieu scolaire, puisqu’en 2022, sur les 1 077 sections sportives scolaires labellisées par la FFF, 173 sont dédiées aux filles et concernent 5 600 élèves. Les meilleures jeunes viendront alimenter les centres de formation des équipes professionnelles, puis éventuellement les meilleures équipes de la future ligue.</p>
<p>Selon l’historienne Audrey Gozillon, contrairement à d’autres pays comme la Norvège ou l’Allemagne où ces politiques ont été mises en place dès les années 1970, la FFF a tardé à lancer un <a href="https://www.iris-france.org/notes/football-feminin-un-retard-francais/">plan de féminisation du football</a>, lequel n’a été effectif qu’à partir de 2011 et dans des proportions relativement modestes, malgré les affirmations de l’ancien président de la FFF Noël Le Graet.</p>
<p>Pour l’équipe de France qui dispute actuellement la Coupe du Monde 2023, au vu des conditions que nous avons énumérées, un succès tiendrait du miracle, même si la plupart des sélectionnées évoluent <a href="https://football-observatory.com/RapportMensuel86">au Paris Saint-Germain ou à l’Olympique lyonnais</a>, deux clubs peu représentatifs des conditions vécues par les meilleures joueuses de D1.</p>
<p>Pour qu’à l’avenir l’équipe de France puisse jouer un rôle de premier plan lors des échéances internationales, il faut que la professionnalisation totale de l’élite, prévue dès 2024, produise des effets rapides. Mais cela passe aussi par la structuration et l’encadrement des 200 000 licenciées actuelles, notamment les équipes de jeunes, par l’octroi de conditions de pratique égales à celles des garçons, par un traitement médiatique approprié, conditions <em>sine qua non</em> du succès, de la visibilité et l’amélioration des conditions auxquelles elles ont droit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208533/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Grün ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le développement du football féminin français doit concerner tous les niveaux, des clubs amateurs à la Division 1, dont la professionnalisation a pris trop de retard.Laurent Grün, Enseignant-chercheur, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100972023-07-20T18:15:25Z2023-07-20T18:15:25ZCoupe du monde féminine : l’équité des genres dans les sports demeure un problème malgré des avancées majeures<p>La Coupe du monde féminine de la FIFA vient de débuter en Australie et en Nouvelle-Zélande. En tant que plus grand événement sportif féminin au monde, elle donne l’occasion aux footballeuses de représenter leur pays et de compétitionner au plus haut niveau sur la scène mondiale.</p>
<p>Avec une compétition plus forte viennent de <a href="https://www.fifa.com/fr/womens-football/news/gianni-infantino-annonce-une-augmentation-importante-des-fonds-alloues-a-la">plus grands investissements</a> et des <a href="https://canadasoccer.com/fr/news/la-plus-grande-coupe-du-monde-feminine-de-la-fifa-aura-lieu-cet-ete/">augmentations prévues de l’audimat</a> et de l’assistance dans les stades. La Coupe du monde féminine 2023 promet d’être meilleure que jamais.</p>
<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1991542/soccer-coupe-du-monde-sydney-australie-irlande-guichets-fermes">L’Australie a déjà vendu son premier match à guichets fermés (83 500 sièges)</a> et <a href="https://www.fifa.com/fr/tournaments/womens/womensworldcup/australia-new-zealand2023/news/le-president-de-la-fifa-revele-une-etape-importante-dans-la-vente-de-billets">plus d’un million de billets ont été vendus</a> la semaine qui a précédé la compétition. <a href="https://www.bellmedia.ca/fr/salle-de-presse/presse/les-64-matchs-de-la-coupe-du-monde-feminine-de-la-fifa-australie-et-nouvelle-zelande-2023-presentes-sur-les-plateformes-de-rds-des-le-20-juillet/">Avec plus d’options de visionnement que jamais</a>, les possibilités de regarder les matchs sont nombreuses.</p>
<p>Au moins sept équipes ont des chances d’être couronnées championnes. Les nouvelles venues <a href="https://www.fifa.com/fifaplus/fr/articles/usa-profil-coupe-du-monde-feminine-2023-selectionneur-joueuse-cle-a-surveiller">tenteront de déstabiliser la puissante équipe des États-Unis</a>, qui va défendre son titre et essaiera de remporter son troisième championnat FIFA de suite.</p>
<p><a href="https://sportnewsafrica.com/breve/mondial-2023-f-la-zambie-bat-lallemagne-en-amical/">Lors d’un match amical précédant la Coupe, la Zambie a remporté un match contre l’une des équipes favorites, l’Allemagne</a>. Leur victoire inattendue indique que des équipes passées sous le radar pourraient causer des surprises cette année.</p>
<h2>Pour l’amour du jeu</h2>
<p>J’encourage la Jamaïque, le Canada, Haïti, la Zambie et le Maroc. En tant qu’ancienne milieu de terrain et fan, ainsi qu’universitaire féministe noire militant pour l’égalité des sexes dans le sport, je trouve qu’il y a énormément de choses à aimer dans le football. Connu sous le nom de soccer en Amérique du Nord, c’est le plus beau des jeux. Il est simple et magique, et c’est peut-être l’un des sports les plus émouvants. </p>
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<img alt="Une femme en soutien-gorge de sport et en shorts lève son chandail, les poigts serrés, en criant" src="https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537908/original/file-20230717-210016-bo97w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Brandi Chastain célèbre après avoir marqué le but de pénalité ayant mené son équipe à la victoire contre la Chine lors de la Coupe du monde féminine au Rose Bowl à Pasadena, Californie, le 10 juillet 1999.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/The San Francisco Examiner, Lacy Atkins)</span></span>
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<p>Bien que 24 ans aient passé, je me rappelle tout aussi vivement la <a href="https://www.fifa.com/fr/news/la-celebration-devenue-celebre-de-chastain-2907940">célébration mémorable de la joueuse américaine Brandi Chastain</a> suivant la victoire de son équipe à la Coupe du monde féminine, après son tir de pénalité.</p>
<p>Cet instant demeure toujours un moment significatif, autant pour le football féminin que pour les sports féminins. Depuis, le <a href="https://fr.uefa.com/nationalassociations/uefarankings/womensclub/#/yr/2023">football a connu une évolution fulgurante en se développant de manière exponentielle, avec le développement de plusieurs ligues professionnelles féminines en Europe et en Amérique du Nord</a>.</p>
<p>Plus d’investissements que jamais ont été alloués à la Coupe du monde féminine de 2023. VISA est devenue le premier commanditaire officiel et la <a href="https://www.fifa.com/fifaplus/fr/articles/quel-prix-pour-le-vainqueur-coupe-du-monde-feminine-fifa-2023-australie-nouvelle-zelande">FIFA s’est engagée à verser au moins 30 000 dollars à chaque joueuse</a>.</p>
<p>Les équipes représentant la <a href="https://www.fifa.com/fifaplus/fr/articles/8-novices-ligne-de-depart-australie-nouvelle-zelande-coupe-du-monde-feminine-fifa-2023">Zambie, Haïti et le Maroc</a> — dont les parcours jusqu’à la Coupe du monde sont à la fois remarquables et inspirants — démontrent bien la croissance internationale du jeu.</p>
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<img alt="Une femme aux cheveux courts turquoise parle dans un microphone lors d’une conférence de presse" src="https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537903/original/file-20230717-218013-y2g95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La joueuse américaine Megan Rapinoe parle aux reporters au nom de l’équipe nationale féminine des États-Unis à Carson, en Californie, le 27 juin 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ashley Landis)</span></span>
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<p><a href="https://www.fifa.com/womens-football/news/the-nine-female-coaches-rewriting-the-history">Cette année — une première historique — neuf coachs féminines sont à la tête d’équipes en compétition à la Coupe du monde</a>. Il y a également une plus grande volonté de raconter les histoires inspirantes des femmes, ainsi que leur parcours.</p>
<p>Megan Rapinoe mérite tout particulièrement des éloges, <a href="https://ca.thegistsports.com/article/24d797eb-5056-40e6-8d84-84bdebafb29a">étant une des joueuses de football les plus influentes de son temps</a>. Elle prendra sa retraite au cours de l’année. Elle a pavé le chemin aux filles et aux femmes afin qu’elles ne soient pas que des héroïnes sur le terrain, mais également dans la société en général, en plaidant pour le changement dans le sport et ailleurs.</p>
<h2>On ne peut pas se contenter de « jouer malgré tout »</h2>
<p>Dans le sport, il existe un dicton disant de « jouer malgré tout » (« play through it »). Il signifie que, quels que soient les obstacles rencontrés, il faut persévérer et continuer à aller de l’avant afin atteindre son objectif. </p>
<p>Les joueuses présentes à la Coupe du monde cette année ont eu à surmonter de nombreux problèmes. Plusieurs de ces obstacles persistent, dont le manque de fonds pour la formation et l’équité salariale. </p>
<p>Bien que le fait de jouer pour leur pays soit une source de fierté, les joueuses ont besoin d’un meilleur soutien financier. Il devrait être au moins équivalent à celui de leurs homologues masculins.</p>
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<img alt="Deux joueuses de football sautent pour tenter de frapper un ballon avec leur tête" src="https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537907/original/file-20230717-231543-xnewke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Australienne Sam Kerr, à gauche, saute vers le ballon en même temps que la Jamaïquaine Khadija Shaw, au centre, lors d’un match de la Coupe du monde féminine au Stade des Alpes à Grenoble, France, le 18 juillet 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Laurent Cipriani)</span></span>
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<p>En juin, <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-jamaicaines-denoncent-une-desorganisation-extreme-de-leur-federation-avant-la-coupe-du-monde/1403252">l’équipe jamaïcaine a publié une lettre ouverte soulignant le manque de soutien qu’elle a reçu en amont de la Coupe du monde</a>. Les joueuses ont dû s’entraîner et compétitionner dans des conditions médiocres, voyager de manière désordonnée, et sans les compensations promises dans leurs contrats. </p>
<p><a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-afrique-du-sud-championne-d-afrique-en-titre-en-crise-a-trois-semaines-de-la-coupe-du-monde-feminine/1406020">L’équipe sud-africaine a récemment refusé d’entrer sur le terrain</a>, exprimant l’incapacité de leur fédération de football à leur fournir les ressources nécessaires à la formation et à l’équité salariale pour la Coupe du monde. Les équipes féminines du <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1973011/soccer-feminin-fifa-coupe-du-monde-droits-television">Canada</a>, de <a href="https://time.com/6293087/womens-world-cup-2023-controversies-global/">l’Angleterre et de l’Espagne ont également exprimé des préoccupations</a> concernant l’équité salariale et les disparités en matière de soutien.</p>
<h2>La violence sexuelle dans le sport</h2>
<p>Il y a d’autres conditions déplorables que les femmes ne devraient jamais avoir à subir. Le harcèlement sexuel est l’une des formes les plus répandues de violence à l’égard des femmes et il <a href="https://theconversation.com/abuse-in-canadian-sports-highlights-gender-and-racial-inequities-198869">continue d’être un problème constant et flagrant dans le sport féminin</a>.</p>
<p>La Coupe du monde féminine n’est pas différente et la FIFA a encore beaucoup à faire pour démontrer qu’elle accorde la priorité à la sécurité et au bien-être des athlètes féminines. </p>
<p>Par exemple, des <a href="https://fr.africanews.com/2023/07/12/mondial-feminin-la-zambie-entre-football-et-scandale-sexuel//">allégations d’inconduite sexuelle ont été formulées à l’encontre de l’entraîneur zambien</a>. Ces allégations ont été étouffées, car l’équipe féminine zambienne gagne et obtient des résultats impressionnants. Des allégations d’agression sexuelle ont également été <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/11/18/haiti-mettre-fin-aux-abus-sexuels-dans-le-monde-du-football">soulevées par l’équipe haïtienne</a>. </p>
<p>Je regarderai la Coupe du monde avec l’amour du sport dans les yeux, mais aussi avec un regard critique sur l’équité et la justice pour les joueuses. La clé d’une Coupe du monde féminine de la FIFA réussie réside dans la résolution des nombreux problèmes systémiques liés au sexisme. Le sport féminin ne pourra pas atteindre son plein potentiel tant que les femmes et les jeunes filles seront exposées à la violence sexuelle.</p>
<h2>Un regard vers l’avenir</h2>
<p>Comment pouvons-nous garantir une meilleure Coupe du monde féminine en 2027 ? Elle doit mettre en lumière les progrès du football féminin en dehors du terrain, où les femmes et les filles sont en sécurité et à l’abri de la violence verbale, émotionnelle et sexuelle. </p>
<p>Les joueuses doivent voir leur pays investir en elles et dans la prochaine génération. Bien des choses dépendent de ce qui est fait maintenant. Tandis que nous soutenons et encourageons les joueuses de la Coupe du monde, nous devons à la fois plaider pour elles en faveur de la justice et de la protection, et poursuivre des réformes dans le sport féminin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210097/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Treisha Hylton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Coupe du monde féminine de 2023 est sans doute la meilleure en termes de niveau sportif, d'investissements et d'audience. Mais l'équité et la reconnaissance ne sont pas encore au rendez-vous.Treisha Hylton, Assistant Professor, Faculty of Social Work, Wilfrid Laurier UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2085302023-07-20T15:54:50Z2023-07-20T15:54:50ZEqual play, equal pay : des « inégalités » de genre dans le football<p><em>Equal play, equal pay</em> : tel est le <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Accord-trouve-aux-etats-unis-pour-l-egalite-salariale-entre-les-hommes-et-les-femmes-en-selection/1333679">slogan adopté par les footballeuses de l’équipe nationale américaine</a> et repris par de nombreuses sélections nationales.</p>
<p>Depuis la Coupe du Monde féminine de 2015, et <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde-de-foot-feminin/mondial-2019-pourquoi-y-a-t-il-autant-d-ecarts-de-salaires-entre-les-hommes-et-les-femmes_3496805.html">encore davantage depuis celle de 2019 en France</a>, la question des inégalités de revenus entre footballeurs et footballeuses fait l’objet de nombreuses discussions. </p>
<p>La thématique des inégalités a été replacée au centre des débats de politique économique, et les inégalités entre les hommes et les femmes sont de celles que les Français et les Françaises considèrent parmi les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/6-156OFCE.pdf">« moins acceptables »</a>. Il n’est donc pas surprenant que le football, qui n’est pas à l’écart de la société, soit confronté à cette question de justice sociale.</p>
<h2>Une revendication des internationales</h2>
<p>Les revendications « salariales » des joueuses se sont multipliées : <a href="https://edition.cnn.com/2015/09/11/football/australia-matildas-women-soccer-pay/index.html">refus des joueuses australiennes</a> d’effectuer une tournée aux États-Unis en 2015 ; <a href="https://www.huffingtonpost.fr/sport/article/les-joueuses-americaines-de-foot-menacent-de-faire-greve_88970.html">plainte des stars américaines</a> contre leur fédération en 2016 ; <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Sport/Egalite-salariale-les-footballeuses-danoises-en-greve-depuis-plusieurs-jours-1373600">grève des joueuses danoises</a> en 2017 ; <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/03/09/football-les-americaines-attaquent-leur-federation-pour-discrimination_5433650_3242.html">plainte des internationales américaines</a> contre leur fédération pour discrimination devant un tribunal de Los Angeles en mai 2019 ; <a href="https://www.france24.com/fr/20191023-joueuses-femmes-football-pro-espagne-greve-egalite-salaire-barcelone-atletico-madrid">grève pour l’égalité du salaire minimum en Espagne</a> en octobre 2019 ; <a href="https://www.slate.fr/story/177954/ada-hegerberg-norvege-boycott-coupe-monde-football#">boycott de la Coupe du monde 2019</a> par la star norvégienne Ada Hegerberg ; <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Les-footballeuses-canadiennes-en-greve-pour-denoncer-les-inegalites-de-genre/1380189">grève de l’équipe nationale canadienne</a> en 2023 ; etc. </p>
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<p>Ces revendications ont abouti dans de nombreuses fédérations à des accords de parité entre internationales et internationaux : en Angleterre, au Brésil, en Norvège et en Espagne par exemple, les primes (en niveau ou en part) et les conditions de sélection des footballeurs et des footballeuses ont été alignées, la dernière nation en date étant le Pays de Galles en 2023. </p>
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<p>Aux États-Unis, les conventions collectives des équipes nationales masculine et féminine <a href="https://www.europe1.fr/sport/football-un-accord-historique-pour-legalite-salariale-femmes-hommes-aux-etats-unis-4112217">sont aujourd’hui les mêmes</a> : cet accord historique permet d’atteindre des salaires égaux et garantit des primes identiques entre les sélections féminine et masculine pour toutes les compétitions y compris la Coupe du Monde.</p>
<h2>Les inégalités salariales entre joueuses et joueurs : un double processus socio-historique et économique</h2>
<p>On sait que la différence salariale entre footballeuses et footballeurs, et plus généralement entre sportives et sportifs, a une origine socio-historique. Les racines des inégalités entre hommes et femmes se trouvent à la naissance du sport moderne, les femmes ayant été mises à l’écart pour différentes raisons pendant quasiment un demi-siècle. </p>
<p>La professionnalisation des équipes sportives masculines au cours du XX<sup>e</sup> siècle, notamment dans le football, n’a pas contribué à réduire les inégalités entre sportifs et sportives. Suivant l’Angleterre et l’Écosse à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les nations européennes ou sud-américaines, où le football s’était implanté, le professionnalisent entre la fin des années 1920 et le début des années 1930. La « non-professionnalisation » des équipes féminines se traduit par une moindre pratique du sport de haut niveau, donc moins d’entraînements et moins d’équipements adéquats. Cela affecte les capacités physiques et techniques des sportives et, par conséquent, l’attractivité vis-à-vis du public et des médias (faiblesse de la demande).</p>
<p>Cependant, il faut noter que des années 1920 à 1960, le football masculin, même professionnel, n’est pas à son apogée. À cette époque, de nombreux footballeurs sont contraints d’exercer une autre activité pour pouvoir vivre correctement, et la <a href="https://lecorner.org/la-coupe-du-monde-de-la-fifa-1942/">Seconde Guerre mondiale met un frein à l’expansion du football</a>. Après le conflit, les championnats reprennent avec des rémunérations qui ne permettent toujours pas à l’ensemble des joueurs de vivre du football.</p>
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<p>Il faudra attendre les années 1960 pour que les salaires augmentent, notamment sous la pression des joueurs en France et en Angleterre, en vue de supprimer les plafonds salariaux. Il n’est donc pas étonnant qu’à cette époque le football féminin ne se soit pas développé et ce, nonobstant les interdictions d’utiliser les stades et le fait que le football demeure un sport masculin : rares sont en effet ceux ou celles qui remettent en cause la division traditionnelle existant entre les hommes et les femmes à cette époque. </p>
<p>Ainsi, jusqu’au milieu des années 1960, en dépit des changements sociaux importants qui s’opèrent dans les sociétés occidentales après la Seconde Guerre mondiale, le football féminin demeure embryonnaire.</p>
<h2>Des inégalités salariales qui ne sont pas propres au football</h2>
<p>Depuis des années, les fédérations sportives mènent des politiques égalitaristes en matière de distribution des dotations entre les hommes et les femmes, particulièrement dans les sports individuels. Et ce, d’autant plus que les compétitions se déroulent au même endroit et au même moment. </p>
<p>Le tennis a fait office de pionnier puisque l’US Open de New York est le premier tournoi à avoir <a href="https://www.slate.fr/story/26543/tennis-parite-egalite-billie-jean-king">introduit la parité dans les dotations pour les hommes et les femmes en 1973</a>. Depuis cette date, de nombreuses fédérations ont suivi le mouvement. En 2017, une <a href="https://www.bbc.com/sport/40300519">enquête de la BBC</a> a fait état de 35 sports qui distribuent des dotations équivalentes entre les hommes et les femmes tandis que 9 favorisent les hommes. Les sports les plus inégalitaires demeurent les sports collectifs.</p>
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<p>Parmi les sportives pratiquant un sport collectif, les mieux payées du monde sont les basketteuses du championnat américain (Women National Basketball Association ou WNBA) qui gagnaient en moyenne plus de 60 000 euros par an à la fin des années 2010. Il reste que leurs homologues masculins de la NBA, également les mieux payés du monde en moyenne, gagnent environ 100 fois plus.</p>
<p>À noter que les sportives pratiquant certains sports individuels, à commencer par les joueuses de tennis, sont mieux loties : en 2022, la joueuse de sports collectifs la mieux payée, la basketteuse américaine Candace Paker, <a href="https://www.forbes.fr/classements/classement-des-sportives-les-mieux-payees-au-monde-en-2022/">n’arrivait qu’en onzième position des sportives les mieux rémunérées au monde</a> – et 97 % de ses revenus étaient extra-sportifs.</p>
<p>Dans cette hiérarchie des salaires des sports collectifs, les footballeuses européennes (France, Allemagne, Angleterre) occupent la troisième, la quatrième et la cinquième places après les basketteuses de la WNBA et les joueuses australiennes de netball, un dérivé du basket essentiellement féminin. Les footballeuses américaines arrivent en septième position, après les handballeuses danoises.</p>
<h2>Des inégalités salariales importantes entre pays, entre clubs et entre joueuses</h2>
<p>En 2017, la ligue féminine la plus rémunératrice en moyenne était la première division française, avec un salaire annuel brut d’environ 42 000 euros. Viennent ensuite la ligue allemande (37 000 euros), la ligue anglaise (30 000 euros) et la ligue américaine (23 000 euros).</p>
<p>Les inégalités entre footballeuses et footballeurs varient beaucoup d’un pays à l’autre : le salaire annuel brut moyen des hommes est 113 fois supérieur à celui des femmes en Angleterre, mais 27 fois supérieur en France et 8 fois supérieur en Suède. Ce rapport dépend, comme on l’a souligné, de la taille respective des « gâteaux » à se partager.</p>
<p>En France, en 2022, <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-equipe-special-salaires-de-d1-feminine-une-vraie-fracture-entre-le-psg-et-l-ol-et-le-reste-de-la-d1/1323634">selon le journal <em>L’Équipe</em></a>, le salaire moyen brut en D1 féminine est le même qu’en 2017, avec de fortes disparités entre les clubs. Le salaire moyen le plus élevé est celui de l’Olympique lyonnais : il équivaut au salaire moyen en Ligue 2 masculine (12 000 euros bruts par mois) alors que le plus faible, à l’ASJ Soyaux (en grande difficulté financière actuellement), est en dessous du SMIC mensuel brut (1 700 euros en 2023). L’écart de salaires entre les deux « gros », l’OL et le PSG, et les autres, est important (les joueuses gagnent entre 3 et 4 fois moins), ce qui explique les <a href="https://www.fff.fr/263-palmares-d1-feminine.html">résultats en championnat</a> : l’OL a gagné 16 des 17 derniers championnats, ne laissant échapper que celui de 2020-2021, au profit du PSG.</p>
<h2>Le futur du football féminin : former, professionnaliser et médiatiser</h2>
<p>Les différences de salaires entre footballeurs et footballeuses s’expliquent par la faiblesse des revenus générés par le football féminin comparativement à ceux de son homologue masculin : pour les années récentes, près de 2 milliards pour les hommes contre 34 millions pour les femmes, un rapport de 1 à 50. Le gâteau à partager est beaucoup plus petit. Pour réduire ces inégalités, il faut donc chercher à augmenter les revenus liés au football féminin.</p>
<p>La stratégie de développement la plus convaincante actuellement est celle de l’Angleterre. Dans la perspective de <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-angleterre-organisera-l-euro-feminin-en-2021/964740">l’organisation de l’Euro féminin en 2021</a>, la fédération anglaise (FA) a lancé en 2016 une série de réformes, la première d’entre elles concernant la professionnalisation des douze clubs participant à son championnat féminin. La FA a par ailleurs adopté une gouvernance de type « ligue », indépendante du secteur amateur et du football masculin, ce qui permet notamment une gestion particulière du sponsoring.</p>
<p>Un des objectifs de ces réformes de la FA est d’accroître la compétitivité du championnat et d’augmenter la demande de football féminin (affluence et audience). Un autre objectif des réformes est de limiter la dépendance des équipes féminines aux financements émanant des clubs masculins.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536610/original/file-20230710-15-ivzyp1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1094&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Logo de la Super League féminine anglaise, sponsorisée par Barclay’s.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Cette réforme a porté ses fruits puisque la FA a réussi en 2021 à renégocier le « naming » de la Super League pour un montant de dix millions de livres par an sur trois ans (avec Barclay’s) contre cinq millions pour les saisons précédentes. Elle est également parvenue à vendre les droits TV de la compétition pour un montant record de huit millions de livres. Par ailleurs, les affluences ont nettement augmenté, dépassant cette année les 5 000 spectateurs en moyenne (1 000 avant la réforme).</p>
<p>Cet intérêt croissant pour le football féminin anglais (y compris au niveau des audiences TV) a profité aux footballeuses du championnat anglais puisque les salaires ont augmenté et vraisemblablement dépassé le salaire moyen des joueuses en France, notamment lors de la saison 2022-2023. Et les performances sportives suivent.</p>
<p>Après leur titre européen, les « Lionesses » de l’équipe nationale anglaise vont-elles régner sur le toit du monde ? Réponse le 20 août…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que le football féminin gagne progressivement du terrain sur la scène médiatique depuis la Coupe du Monde de 2019, les inégalités salariales entre les équipes masculines et féminines perdurent.Luc Arrondel, Économiste, directeur de recherche au CNRS, membre associé, Paris School of Economics – École d'économie de ParisRichard Duhautois, Économiste et chercheur, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.