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histoire des sciences – The Conversation
2024-02-29T16:22:31Z
tag:theconversation.com,2011:article/223023
2024-02-29T16:22:31Z
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Une brève histoire de la prévision du temps
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577993/original/file-20240226-24-fmdjvg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C32%2C2987%2C2412&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vilhem Bjerknes est le père des équations primitives, qui modèlisent l'évolution de l'atmosphère et ont fondé les prédictions météorologiques et climatologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://groven.no/rolf/bilder/vilhem_bjerknes/">Rolf Groven</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 1904, le scientifique norvégien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelm_Bjerknes">Wilhelm Bjerknes</a> proposa un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/modelisation-26666">modèle mathématique</a> destiné à prévoir l’évolution des océans et de l’atmosphère. Il posa ainsi les bases à la fois de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/meteorologie-65555">météorologie</a> (prévisions à court terme) et de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/climat-20577">climatologie</a> (prévisions à long terme).</p>
<p>Ce modèle a cependant longtemps attendu son heure de gloire. En cause : sa complexité mathématique et le challenge que représente le calcul effectif de ses solutions. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le développement de l’informatique permit enfin de calculer les premières prévisions météorologiques convaincantes. Les théorèmes se feront cependant encore attendre, car c’est seulement entre 1992 et 2007 que fut montré que ce modèle a bien une et une seule solution. Un résultat rassurant pour un modèle prédictif dont on ne sait que calculer des solutions approchées, faute de formule explicite pour la solution exacte. C’est l’histoire de ce modèle mathématique, de son origine physique, de son utilisation numérique et de sa justification mathématique en tant que modèle prédictif que nous allons raconter.</p>
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<img alt="Photographie de Vilhem Bjerknes" src="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578009/original/file-20240226-20-9mr63n.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1061&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vilhem Bjerknes, professeur de météorologie dynamique à l’université de Bergen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://marcus.uib.no/instance/photograph/ubb-bs-q-00364.html">Bibliothèque universitaire de Bergen</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Mettre l’atmosphère en équations</h2>
<p>Au début du vingtième siècle, Wilhelm Bjerknes, alors professeur de mécanique appliquée et de mathématiques à l’université de Stockholm, conçoit un plan d’attaque pour prévoir l’évolution du temps. D’abord, obtenir une connaissance suffisamment précise de l’état de l’atmosphère. Ensuite, utiliser les lois les plus pertinentes de l’hydrodynamique et de la thermodynamique pour déterminer la dynamique de sept quantités cruciales : la pression, la température, la densité, l’humidité et la vitesse de l’air dans les trois directions de l’espace. Comme s’il avait eu l’intuition que notre environnement était à soigner, Bjerknes utilisa les termes « diagnostique » et « pronostique » pour désigner ces deux étapes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cinq lignes d’équations reliant vitesse du fluide, pression, densité, température et salinité" src="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=172&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578230/original/file-20240227-30-80pzvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=216&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les cinq équations primitives décrivant les mouvements océaniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Sueur/Université de Bordeaux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les équations en jeu, appelées équations primitives, sont des équations aux dérivées partielles. Cela signifie qu’elles font intervenir l’évolution dans le temps et dans l’espace des sept grandeurs physiques clés. Ces équations sont déterministes, ce qui signifie qu’elles ne contiennent pas d’aléatoire. Elles sont de plus non linéaires. Ainsi, une petite imprécision anodine à un instant donné dans les mesures peut s’amplifier terriblement par la suite et fausser complètement les prévisions. C’est là que réside la difficulté de faire des prévisions pertinentes à long terme.</p>
<p>Bjerknes, qui fonda ensuite l’Institut de géophysique de Bergen, fit de nombreux émules et fut sollicité par l’armée norvégienne pour fournir des prévisions météorologiques stratégiques lors de la Première Guerre mondiale.</p>
<h2>Comment réussir à faire des prédictions ? L’arrivée de l’informatique</h2>
<p>Mais à cette époque, l’informatique n’était pas suffisamment développée pour permettre des prévisions météorologiques efficaces. Ce n’est qu’en 1947 que, sous l’impulsion du mathématicien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_von_Neumann">John von Neumann</a>, le premier superordinateur développé aux États-Unis nommé ENIAC, réalisa les premières prévisions météorologiques convaincantes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux personnes travaillent debout dans une grande pièce hébergeant les nombreux composants de l’ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574470/original/file-20240208-26-keojz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Glen Beck et Betty Snyder programment l’ENIAC dans le bâtiment du Laboratoire de recherche balistique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Glen_Beck_and_Betty_Snyder_program_the_ENIAC_in_building_328_at_the_Ballistic_Research_Laboratory.jpg">U.S. Army Photo/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Mathématiquement, l’étude de ce problème a débuté au début des années 1990, grâce à une série d’articles des mathématiciens <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Louis_Lions">Jacques-Louis Lions</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roger_Temam">Roger Temam</a> et <a href="https://math.indiana.edu/about/faculty/wang-shouhong.html">Schouhong Wang</a>. L’enjeu est simple : prouver que ces équations d’évolution ont bien une et une seule solution, définie pour un temps que l’on souhaite le plus long possible, pour le plus grand nombre de données initiales possibles. Dans le cas contraire, cela signifierait qu’un calcul numérique pourrait fournir aussi bien une approximation de la solution pertinente physiquement qu’une solution qui n’aurait rien à voir avec la réalité des faits ! Les simulations informatiques ne seraient alors pas toujours fiables, quelle que soit la puissance de la machine utilisée.</p>
<p>La rotation de la Terre, les aspects thermodynamiques, le transport et la diffusion de la salinité dans les océans sont autant de phénomènes à prendre en compte dans l’analyse mathématique. En revanche, la faible profondeur des océans ainsi que la faible hauteur de l’atmosphère par rapport au rayon de la Terre conduisent à négliger le mouvement vertical de l’eau ou de l’air, ce qui permet de simplifier le modèle mathématique.</p>
<h2>S’assurer de la pertinence du modèle</h2>
<p>Les équations primitives se situent ainsi en quelque sorte entre les dimensions deux et trois ! Cette observation permit en 2007 à deux mathématiciens, <a href="https://faculty.fiu.edu/%7Ecaoc/">Chongsheng Cao</a> et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Edriss_Titi">Edriss Titi</a>, de <a href="https://annals.math.princeton.edu/2007/166-1/p07">prouver</a> qu’à une donnée initiale régulière, c’est-à-dire sans variation brutale, est associée une unique solution régulière, bien définie pour tous les instants. De plus, le résultat montre aussi que la sensibilité au moindre changement des conditions initiales, si elle est bien réelle, ne conduit pas, par la suite, à des sauts brutaux, de température ou d’humidité par exemple, au cours du temps. Ce dernier point est particulièrement appréciable compte tenu de ce que l’on ne peut bien sûr pas espérer connaître exactement l’état du système à un instant précis. La viabilité du modèle comme outil prédictif est ainsi, théoriquement, bien assurée.</p>
<p>Depuis, de nombreux travaux ont été réalisés pour étendre ce résultat marquant à des modèles plus sophistiqués, de plus en plus proche de la réalité. Une autre problématique d’actualité est la comparaison des différents modèles, en fonction des paramètres physiques qu’il modélise. Le but est pour le chercheur de pouvoir choisir en conscience à quel modèle se fier, arbitrant, en fonction de sa puissance de calcul, entre complexité et pertinence.</p>
<p>Enfin, un doux rêve est d’explorer, au moins théoriquement, la possibilité d’agir sur de tels systèmes. D’ailleurs, on attribue, lors d’une de ses conférences, les propos suivants à John von Neumann : « Le climat est peut-être plus facile à contrôler qu’à prédire ». La théorie mathématique de la contrôlabilité, qui explore justement les possibilités de modifier les systèmes d’évolution par une action ciblée, est pourtant encore loin, aujourd’hui, de couvrir le cas des équations primitives.</p>
<p>Bien qu’âgées de 120 ans, et amplement utilisées dans des simulations informatiques depuis quatre-vingts ans, les équations primitives sont ainsi encore dans leur adolescence du point de vue de leur compréhension mathématique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Sueur a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche Project BOURGEONS ANR-23-CE40-0014-01.</span></em></p>
Si la climatologie et la météorologie reposent aujourd’hui sur la simulation informatique de modèles complexes, la mise en équation de l’atmosphère est vieille de plus d’un siècle.
Franck Sueur, Professeur en Mathématiques, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/224088
2024-02-25T16:27:02Z
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Pourquoi une année bissextile compte-t-elle 366 jours ?
<p>On a l’habitude d’entendre qu’il faut 365 jours à la Terre pour faire un tour complet autour du Soleil, mais ce voyage dure en fait environ 365 jours et quart. Les années bissextiles permettent de faire coïncider le calendrier de 12 mois avec le mouvement de la Terre autour du Soleil.</p>
<p>Au bout de quatre ans, ces heures restantes sont ajoutées pour former une journée entière. Lors d’une année bissextile, ce jour supplémentaire est ajouté au mois de février, qui compte alors 29 jours au lieu des 28 habituels.</p>
<p>L’idée d’un rattrapage annuel remonte à la Rome antique, dont le calendrier comptait 355 jours au lieu de 365, car il était basé sur les cycles et les phases de la Lune. Constatant que leur calendrier se désynchronisait avec les saisons, ils ont commencé à ajouter un mois supplémentaire, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mercedonius">qu’ils ont appelé Mercedonius</a>, tous les deux ans, pour rattraper les jours manquants.</p>
<p>En l’an 45 avant notre ère, l’empereur romain Jules César a introduit un calendrier solaire, basé sur un calendrier égyptien. Tous les quatre ans, le mois de février est prolongé d’un jour afin que le calendrier reste en phase avec le voyage de la Terre autour du Soleil. En l’honneur de César, ce système est toujours connu sous le nom de calendrier julien.</p>
<p>Mais ce n’était pas la dernière modification. Au fil du temps, on s’est rendu compte que le voyage de la Terre ne durait pas exactement 365,25 jours, mais 365,24219 jours, soit environ 11 minutes de moins. L’ajout d’un jour entier tous les quatre ans était donc en fait une correction un peu plus importante que nécessaire.</p>
<p>En 1582, le pape Grégoire XIII a signé une ordonnance qui apportait une petite modification. On gardait toujours une année bissextile tous les quatre ans, sauf pour les années « centenaires » – les années divisibles par 100, comme 1700 ou 2100 – à moins qu’elles ne soient également divisibles par 400. Cela peut sembler complexe, mais cet ajustement a rendu le calendrier <a href="https://airandspace.si.edu/stories/editorial/science-leap-year">encore plus précis</a> – et à partir de ce moment, il a été connu sous le nom de calendrier grégorien.</p>
<h2>Et si nous n’avions pas d’années bissextiles ?</h2>
<p>Si le calendrier n’effectuait pas cette petite correction tous les quatre ans, il se désalignerait progressivement des saisons. Au fil des siècles, cela pourrait conduire à ce que les solstices et équinoxes se produisent à des moments différents de ceux prévus. Un temps hivernal pourrait apparaître alors que le calendrier indique l’été, et les agriculteurs pourraient ne plus savoir quand planter leurs semences.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Guide schématique complexe du ciel nocturne" src="https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575719/original/file-20240214-30-of8z7y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les anciens Égyptiens étaient de fervents astronomes. Cette section du plafond de la tombe de Senenmut, un haut fonctionnaire de la cour d’Égypte, a été dessinée vers 1479-1458 avant notre ère. Elle montre des constellations, des dieux protecteurs et 24 roues segmentées pour les heures du jour et les mois de l’année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Senenmut-Grab.JPG">NebMaatRa/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres calendriers dans le monde ont leurs propres méthodes de mesure du temps. Le calendrier hébraïque, qui est régi par la Lune et le Soleil, est pensé comme un grand puzzle avec un cycle de 19 ans. De temps en temps, on ajoute un mois bissextil pour s’assurer que les célébrations religieuses ont lieu au bon moment.</p>
<p>Le calendrier islamique est encore plus unique. Il suit les phases de la Lune et n’ajoute pas de jours supplémentaires. Comme l’année lunaire ne dure que 355 jours environ, les dates clés du calendrier islamique sont avancées de 10 à 11 jours chaque année par rapport au calendrier solaire.</p>
<p>Par exemple, le ramadan tombe au cours du neuvième mois de ce calendrier. En 2024, il se déroulera du 11 mars au 9 avril ; en 2025, il aura lieu du 1<sup>er</sup> au 29 mars ; et en 2026, il sera célébré du 18 février au 19 mars.</p>
<h2>Apprendre des planètes</h2>
<p>À l’origine, l’astronomie était un moyen de donner un sens à notre vie quotidienne, en reliant les événements qui nous entourent aux phénomènes célestes. Le concept des années bissextiles illustre la manière dont, depuis les temps les plus reculés, l’homme a trouvé un ordre dans des conditions qui semblaient chaotiques.</p>
<p>Des outils simples, peu sophistiqués mais efficaces, nés des idées créatives d’astronomes et de visionnaires de l’Antiquité, ont permis d’entrevoir les premières possibilités de comprendre la nature qui nous entoure. Certaines méthodes anciennes, telles que l’astrométrie et les listes d’objets astronomiques, persistent encore aujourd’hui, révélant l’essence intemporelle de notre quête de compréhension de la nature.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224088/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bhagya Subrayan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis des siècles, les humains synchronisent leurs calendriers avec le soleil et la lune, mais de temps en temps, ces systèmes ont besoin d’une petite correction.
Bhagya Subrayan, PhD Student in Physics and Astronomy, Purdue University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205526
2024-01-10T19:00:36Z
2024-01-10T19:00:36Z
La glace : pourquoi ça glisse, pourquoi ça colle ? Les physiciens patinent depuis 150 ans
<p>Malgré le réchauffement climatique, la glace pose des problèmes considérables en conditions hivernales, notamment sur les carlingues des avions, les voies routières ou ferroviaires, ou encore sur les lignes électriques.</p>
<p>Qu’elle soit sous la forme de givre, ou d’un glaçon lisse et transparent, la glace adhère spontanément et même assez fortement sur de nombreuses surfaces solides. Pourtant, tout imprudent ayant dérapé sur une plaque de verglas en témoigne : la glace peut être aussi très glissante. Ainsi la glace nous apparaît tantôt collante, tantôt glissante.</p>
<p>Depuis plus de 150 ans, de nombreux scientifiques ont réfléchi à la raison pour laquelle la glace est glissante. Parmi eux, de célèbres physiciens tels Lord Kelvin ou Michael Faraday ; ce dernier, plus connu pour ses travaux en électromagnétisme, fut le premier à imaginer la présence d’une fine couche d’eau liquide couvrant la glace, même bien en dessous de 0 °C. Au contact d’un solide, cette couche superficielle joue un rôle de lubrifiant diminuant fortement les frottements sur la glace. L’existence de cette couche liquide sera confirmée par l’expérience plus d’un siècle plus tard.</p>
<h2>Pourquoi la glace glisse-t-elle ?</h2>
<p>Répondre à la question « pourquoi la glace est glissante ? » revient donc à comprendre le mécanisme sous-jacent à la génération de cette fine couche d’eau liquide sur la glace.</p>
<p>Comme l’eau est plus dense dans sa phase liquide qu’à l’état de glace, on a longtemps cru que la fonte de la glace en surface était liée à un <a href="https://www.aldebaran.cz/bulletin/2016_05/2005_Rosenberg.pdf">excès de pression</a> dû par exemple au poids du patineur sur la faible surface de ses patins : en comprimant davantage la glace, donc en augmentant la densité localement, on provoquerait ainsi sa fonte.</p>
<p><a href="https://www.aldebaran.cz/bulletin/2016_05/2005_Rosenberg.pdf">Un autre mécanisme</a> pour la fonte de surface a aussi été évoqué : le dégagement de chaleur par friction de l’objet se déplaçant sur la glace. Quand on frotte un solide contre un autre, ça chauffe (on le constate en se frottant machinalement les mains pour les réchauffer).</p>
<p>Pourtant ces deux mécanismes n’expliquent pas pourquoi la glace reste glissante en dessous de -20 °C. En effet, à de telles températures, il faudrait une pression considérable (environ 500 fois la pression exercée par un patin à glace) pour causer la fonte.</p>
<p>Dans les années 1960, soit plus d’un siècle après Faraday, en mesurant la résistance mécanique d’un fil lentement tiré à travers la glace « froide » (en dessous de -20 °C), Telford et Turner ont montré que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14786436308211151">glace restait glissante jusqu’à -35 °C</a>, température à laquelle la chaleur dégagée par frottement ne suffirait pas à provoquer la fonte.</p>
<p>Ce n’est qu’environ un siècle après l’intuition de Faraday qu’on pût mettre en évidence indirectement cette couche liquide, en mesurant une quantité intrinsèque aux propriétés de la surface et non du volume ; en l’occurrence ses propriétés d’absorption de vapeurs d’hydrocarbures qui sont assez comparables à celle de l’eau liquide ! Mais il restait à caractériser cette couche, et en premier lieu à en mesurer l’épaisseur ; des techniques utilisant la diffusion de protons ou de rayons X, utilisées habituellement pour l’étude de la structure des cristaux, ont permis d’estimer cette épaisseur entre un et plusieurs centaines de nanomètres. Certaines études ont même suggéré que cette épaisseur divergeait lorsque la température s’approche de 0 °C. L’intuition de Faraday est d’autant plus impressionnante que de telles épaisseurs sont invisibles à l’œil nu. Plus récemment, des simulations numériques ont permis de <a href="https://pubs.aip.org/aip/jcp/article-abstract/120/3/1395/186402/Molecular-dynamics-studies-of-surface-of-ice-Ih">mieux représenter la structure de cette couche liquide</a>. Par la suite, on qualifia cette couche de « pseudo-liquide » ou « quasi-liquide » pour la différentier de la vraie phase liquide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567664/original/file-20240103-21-qe9gca.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Modélisation de la structure de la glace où on voit le désordre structurel propre aux liquides sur une épaisseur d’une à deux molécules. Plus profondément dans la glace, on retrouve la structure ordonnée (cristalline) de la glace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet/adaptée de T. Ikeda-Fukazawa et K. Kawamura</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ces travaux théoriques ont montré que dans cette couche superficielle, les molécules ont la capacité de se mouvoir plus librement, confirmant son rôle de lubrifiant. Néanmoins, la structure moléculaire n’est pas exactement la même que celle de l’eau liquide, ce qui a des conséquences sur les propriétés mécaniques de cette couche pseudo-liquide. La caractérisation de ces propriétés est depuis quelques années un sujet de recherche « chaud ».</p>
<p><a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jpclett.8b01188">Une étude récente</a> a montré une forte corrélation entre la mobilité individuelle des molécules et le coefficient de friction macroscopique (plus ce coefficient est faible, plus on glisse aisément), ce qui suggère que ce n’est pas tant l’épaisseur de la couche qui importe pour mieux glisser mais plutôt le mouvement individuel des molécules. La valeur minimale du coefficient de friction est mesurée à -7 °C, température connue des skieurs et patineurs comme étant optimale à leur activité.</p>
<p><a href="https://journals.aps.org/prx/abstract/10.1103/PhysRevX.9.041025">Une autre recherche</a> est allée au cœur de la couche pseudo-liquide à l’aide d’une nano-sonde, une pointe de microscope à force atomique. En faisant vibrer cette pointe reliée à un capteur de force extrêmement précis, mesurant la friction entre la pointe et le liquide dans la couche, les auteurs ont mesuré que ce liquide peut être 50 fois plus visqueux que l’eau liquide, et qu’il possède en outre une élasticité (propriété plutôt liée à l’état solide) ; cette viscosité comparable à celle des huiles alimentaires et cette élasticité inattendue font de cette couche pseudo-liquide un excellent lubrifiant. Par ailleurs, ces mêmes auteurs ont mesuré que la force de friction diminue avec la vitesse de glissement, ce qui suggère que le mécanisme de fonte par friction intervient, mais de manière minoritaire. Peut-être est-ce là que réside le secret des compétiteurs de curling…</p>
<p>En résumé : la glace glisse car il se forme spontanément une couche liquide d’environ 1 à 100 nm d’épaisseur à sa surface. Les propriétés mécaniques (viscosité, élasticité) de cette couche, différentes de l’eau liquide, ainsi que la mobilité des molécules qui la composent, bien supérieure à celle de la glace solide, lui confèrent son caractère lubrifiant exceptionnel.</p>
<h2>Pourquoi la glace colle-t-elle ?</h2>
<p>Alors que l’origine longtemps débattue du caractère glissant de la glace a finalement trouvé des explications assez précises et convaincantes, les mécanismes à l’origine du caractère collant de la glace sont encore sujets à questionnement.</p>
<p>Pourtant, de nombreuses études expérimentales ont été menées depuis près de 70 ans. En général, on utilise un dispositif expérimental relativement simple : un bloc de glace collé sur un solide est poussé par un piston, lui-même relié à un capteur de force. Lorsque le glaçon se détache, la force enregistrée par le capteur devient soudainement nulle et on mesure la valeur maximale avant ce décrochement. Mais ces résultats ont montré des tendances parfois contradictoires, et une assez forte dispersion.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/254214058_Ice_Adhesion_-Theory_Measurements_and_Countermeasures">Une récente revue</a> sur ce sujet concluait que la force d’adhésion de la glace « dépend non seulement de la composition chimique, de la rugosité de la surface, des propriétés mécaniques et thermiques du substrat », mais « dépend aussi de manière critique de la température et même du dispositif expérimental de mesure d’adhésion ». Pour être un peu plus précis, lorsqu’on explore la littérature sur le sujet depuis plus de 60 ans, on note que la force avec laquelle la glace colle sur un solide dépend fortement de la température dans un intervalle entre -20 °C et 0 °C (la glace colle plus fort sur un solide plus froid). Quant au rôle de la rugosité de surface, il est ambivalent : pour certains solides (notamment les métaux…), la glace adhère davantage sur un substrat plus rugueux, alors que sur certains plastiques c’est l’inverse…</p>
<p>Finalement, la nature chimique semble intervenir via l’affinité de l’eau liquide pour le solide, c’est-à-dire de la capacité de l’eau à s’étaler ou non sur sa surface. Cette capacité se quantifie par l’angle (dit angle de contact) qu’une gouttelette forme sur le solide. Ainsi, l’eau s’étale très bien sur du verre propre : l’angle de contact ⍺ est proche de 0° et on parle de surface mouillante. Sur une surface non mouillante (ou hydrophobe), par exemple en Téflon, l’angle de contact ⍺ est proche de 90° ou légèrement supérieur ; et sur une surface dite super-hydrophobe l’angle est supérieur à 140° : la goutte prend la forme d’une sphère qui semble rouler sans adhérer, un peu comme sur une feuille de lotus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=170&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567668/original/file-20240103-29-c8ben5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=214&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La glace adhère mieux sur une surface mouillante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/am1006035">Une étude récente</a> a ainsi montré que plus l’eau à l’état liquide s’étale sur la surface d’un solide (faible angle de contact), plus la glace adhérera sur ce solide. Au contraire, une surface présentant peu d’affinité pour l’eau liquide sera aussi peu adhérente pour la glace.</p>
<p>Pourquoi cette relation entre l’étalement de l’eau et l’adhérence de la glace ? D’abord, pour que la glace adhère sur un solide froid, il est nécessaire que de l’eau à l’état liquide ait pu geler au contact du solide. Voici une expérience simple que chacun peut faire pour le vérifier :</p>
<ol>
<li><p>Placez une plaque de métal au congélateur ou dans votre bac à glaçons.</p></li>
<li><p>Prenez un glaçon et posez-le sur la plaque sans extraire l’ensemble du congélateur : ça ne colle pas.</p></li>
<li><p>Prenez un autre glaçon et laissez-le légèrement fondre à température ambiante (en l’extrayant du bac froid pendant quelques secondes par exemple) et posez-le à son tour sur la plaque froide : cette fois, ça colle !</p></li>
</ol>
<p>Que peut-on en conclure ? Intuitivement, plus l’affinité de l’eau pour la surface est forte, plus l’eau liquide s’infiltre facilement dans les rugosités et interstices à la surface du solide, augmentant la surface de contact entre celui-ci et la glace après solidification, consolidant ainsi l’adhérence. Par ailleurs, cette expérience montre le rôle d’adhésif tenu par l’eau liquide. Lorsqu’on utilise un adhésif classique, de la colle liquide, pour assembler deux pièces, c’est en solidifiant (par l’évaporation d’un solvant dans la colle) que l’adhésion forte et définitive s’effectue. C’est un peu la même chose qui se passe lorsque l’eau liquide, en se refroidissant au contact du solide froid, se solidifie. La couche d’eau gelée joue alors le rôle de l’un des solides.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568665/original/file-20240110-20-a7b0za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un glaçon collé sur une barre de métal froide (sortie du congélateur).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Philippe Brunet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais le détail des mécanismes régissant l’adhésion reste flou. Pour un adhésif « classique », l’adhérence est assurée par l’adsorption dans le solide de longues molécules (polymères) composant la colle. Les molécules d’eau sont trop courtes pour un tel mécanisme. Cependant, des <a href="https://www.researchgate.net/publication/231658537_Physical_Mechanisms_Responsible_for_Ice_Adhesion">théories à l’échelle moléculaire</a> ont mis en évidence que lors de la solidification de l’eau, la formation du réseau cristallin de la glace peut présenter de nombreux défauts structurels ; des charges électrostatiques se retrouveraient alors engendrées au voisinage de ces lacunes cristallographiques. Cette cristallisation imparfaite vient notamment du fait que la glace se forme au contact de la surface d’un solide, lui-même imparfait. Ainsi sur la plupart des solides, l’adhésion de la glace serait principalement due aux forces électrostatiques (dite forces de Coulomb), en raison de ces charges piégées près de la surface de la glace. Ces théories ne fournissent que des preuves indirectes de ce mécanisme, alors que d’autres forces d’origine électrostatique peuvent contribuer à l’adhésion de manière plus minoritaire, notamment des interactions dites « à longue portée » non spécifiques à la nature cristalline du solide et… fortement impliquées dans l’étalement de l’eau liquide sur un solide ! Parvenir à mesurer même indirectement ces interactions électrostatiques reste un défi expérimental. Ainsi dans l’état actuel des connaissances, la compréhension de l’adhésion de la glace n’est que partielle. L’une des solutions pourrait être d’utiliser un type de sonde locale telle que celle mentionnée plus haut, ayant permis de mesurer les propriétés de la couche pseudo-liquide.</p>
<h2>Comment rendre la glace moins adhérente ?</h2>
<p>À défaut de pouvoir expliquer en détail l’adhérence de la glace, on peut néanmoins tenter d’en diminuer la force. L’idée d’utiliser des traitements déperlants pour l’eau a naturellement émergé, mais les résultats pour la glace sont mitigés. En effet, ces traitements utilisent une micro-structuration, dans laquelle l’eau peut s’empaler accidentellement, entraînant alors un ancrage accru de la glace, couplée à des dépôts chimiques pouvant se dégrader avec le froid. Ainsi ces traitements sont peu robustes dans le temps et peuvent entraîner l’effet inverse de celui escompté. Des solutions plus prometteuses proposent d’étaler une fine couche d’huile ou d’un hydrogel sur la surface, mais des problèmes de stabilité de ces couches sur de grandes surfaces subsistent.</p>
<p>Une autre approche consiste à utiliser des méthodes actives de dégivrage. Parmi ces techniques, les ultrasons de surfaces, générant des « micro-tremblements de terre » sur le solide, peuvent provoquer le décrochement de la glace. Nous étudions actuellement cette méthode au laboratoire MSC.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205526/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Brunet a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre-Brice Bintein ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Comment un même matériau, la glace, peut-il avoir des propriétés physiques diamétralement différentes : coller ou glisser ?
Philippe Brunet, Directeur de recherches CNRS, Docteur en physique, HdR, Université Paris Cité
Pierre-Brice Bintein, Docteur en sciences physiques, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218630
2023-12-27T16:27:10Z
2023-12-27T16:27:10Z
Peut-on encore parler de « propre de l’homme » et comment se place Homo Sapiens parmi les autres espèces humaines ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567365/original/file-20231227-27-l12yif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C0%2C5160%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sommes-nous si différents des autres espèces humaines ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/homme-tenant-une-lance-peinture-murale-3IxuF9MCjkA">Crawford Jolly/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Parler du « propre de l’homme », voilà un sujet épineux lorsqu’il s’agit d’évoquer la grande histoire de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/humanite-46876">l’humanité</a> ! Une bonne approche pour se simplifier la tâche est de s’entendre sur le vocabulaire, en tout cas d’expliciter de quoi nous parlons. C’est primordial de donner un sens aux mots, car la terminologie utilisée par divers scientifiques pour classifier nos ancêtres et proches cousins n’est pas toujours la même.</p>
<p>Pour trouver le propre de l’humain (pour ne pas s’engager dans la problématique de la polysémie du mot homme ici) il faut à la fois rassembler des êtres actuels ou du passé dans un ensemble cohérent et reconnaître des particularités à ce groupe. Il s’agit donc de parler des différentes possibilités pour appeler un humain, humain, et de justifier pourquoi ! Remontons le temps et explorons la diversité des primates actuels à la recherche d’une définition qui fonctionnerait pour avancer sur la résolution de notre fameuse question.</p>
<h2>Primates, hominidés et homininés</h2>
<p>Première évidence, nous faisons partie du groupe des primates, nous humains d’aujourd’hui, au côté des chimpanzés ou gorilles, mais aussi des tarsiers, singes hurleurs ou ouistitis. Notre plus nette caractéristique commune est d’avoir un pouce opposable aux autres doigts, le premier peut venir pincer la dernière phalange des 4 autres. C’est unique, nous ne verrez jamais une vache ou votre chat faire de même.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-qui-separe-vraiment-lhumain-de-lanimal-une-histoire-de-la-classification-zoologique-218204">Qu’est-ce qui sépare vraiment l’humain de l’animal ? Une histoire de la classification zoologique</a>
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<p>Pour la majorité des paléoanthropologues, le terme homininé réfère aux humains préhistoriques et actuels et aux chimpanzés, hominidé inclue en plus les autres grands singes actuels (gorilles et orangs-outans) et ancêtres communs à ce petit monde depuis une vingtaine de millions d’années. Les hominines comprennent le genre <em>Homo</em>, les Australopithèques, <a href="https://www.hominides.com/hominides/paranthropus-robustus/">Paranthropes</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ardipith%C3%A8que#:%7E:text=Ardipithecus%20(les%20ardipith%C3%A8ques)%20est%20un,signifie%20donc%20%C2%AB%20singe%20terrestre%20%C2%BB.">Ardipithèques</a> et autres <em>Orrorin</em> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahelanthropus_tchadensis"><em>Sahelanthropus</em></a> (des plus récents aux plus anciens, qui sont ainsi les tout premiers il y a 6 à 7 millions d’années).</p>
<p>Ces derniers partagent la bipédie et surtout tous les caractères anatomiques qui en découlent, crâne au-dessus de la colonne vertébrale, adaptation de cette dernière, etc. Pour une partie des chercheurs, le mot « humain » renvoie élégamment à ce dernier assemblage. L’adaptation à la bipédie serait un indicateur utile et plutôt clair de ce qui nous réunirait.</p>
<h2><em>Homo</em>, le sparadrap du paléoanthrolopologue</h2>
<p>Cette approche fonctionne, c’est un intérêt non négligeable. Car d’autres niveaux de classification posent plus de problèmes. Le genre <em>Homo</em> est un peu le sparadrap dérangeant du paléoanthropologue. Au départ, il avait été défini pour justifier l’apparition du premier artisan, à qui on offrait aussi capacités de langage et raisonnement, <em>Homo habilis</em>.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/202007a0">Cette proposition</a> au cœur des années 60, résiste mal à la multitude de découvertes effectuées depuis. D’un point de vue anatomique, les différences entre <em>habilis</em> et les espèces qui ont vécu avant lui ne sont pas flagrantes, alors que les espèces humaines qui lui succèdent sont par contre proportionnées comme les humains d’aujourd’hui. <em>Homo habilis</em> ressemble plus à un Australopithèque qu’à <em>Homo erectus</em> en somme.</p>
<p>Pour les capacités cognitives, rien de plus évident puisque nous savons maintenant que les <a href="https://www.nature.com/articles/nature14464">plus anciens outils en pierre</a> sont contemporains des Australopithèques. Ainsi, utiliser le mot humain pour parler de Homo nous met face à un problème. Ce genre est aujourd’hui mal défini anatomiquement, et pas vraiment justifié par des comportements particuliers.</p>
<p>Il serait impossible d’omettre dans cet inventaire Homo sapiens. Voici deux mots qui désignent des êtres vivants dont nous imaginons tout savoir, ou presque. Pas tout à fait en effet, car lorsqu’il s’agit de définir notre espèce, de décrire ce qui nous caractériserait, l’expérience est nettement plus ardue que prévu.</p>
<p>Homo sapiens est un animal, un mammifère, un primate, parmi d’autres ; un représentant du genre Homo aussi, tout en étant le dernier toujours existant, et, enfin, évidemment, le seul de l’espèce sapiens. Car, l’appellation <em>Homo sapiens sapiens</em> qui fut un temps utilisée ne doit plus l’être depuis que les Néandertaliens ont été classés comme une espèce différente, <em>Homo neanderthalensis</em> et non pas <em>Homo sapiens neanderthalensis</em>. ; le terme « Homme moderne » est aussi souvent employé bien qu’il n’ait pas de valeur scientifique. Très bien, mais qu’est ce qui nous définirait alors ?</p>
<p>Certains croient que nous sommes plus « intelligents », mais cela mérite largement discussion. Les outils ne sont pas notre apanage, aussi bien au cours de l’évolution, mais aussi puisque les grands singes actuels savent aussi utiliser ou fabriquer certains objets selon leurs besoins et ils connaissent les <a href="https://www.fondationbiodiversite.fr/des-chimpanzes-pharmaciens">vertus médicinales des plantes</a> qui les entourent.</p>
<h2>Sommes-nous la seule espèce à avoir su parler ?</h2>
<p>Homo sapiens, garant de la pensée et du savoir, n’a en fait probablement pas été le premier à mériter cette appellation. Depuis des centaines de milliers d’années, d’autres groupes fossiles parmi <em>Homo erectus</em> et <em>neanderthalensis</em> en particulier ont sélectionné des pierres pour leurs outils, parfois uniquement à des fins esthétiques. Ils conservaient aussi à l’occasion des curiosités de la nature, comme des fossiles ou de belles pierres, pour des raisons non utilitaires.</p>
<p>Si le langage articulé est un trait distinctif évident de l’humanité actuelle, son origine est difficile à dater, car ni le son ni les organes pour l’émettre ou le percevoir, comme la langue ou le cerveau, ne se fossilisent. Les indices à disposition, indirects, sont complexes à interpréter. Les ossements mis au jour, crâne, mandibule et os hyoïde (os situé au niveau de la gorge), sont utilisés pour reconstituer la forme et la position des de la gorge ou des organes internes de l’oreille.</p>
<p>Les humains préhistoriques depuis 2 millions d’années devaient avoir des capacités similaires aux nôtres d’après les reconstitutions 3D de ces parties anatomiques, au contraire des grands singes. Dans tous les cas, les données archéologiques suggèrent que nos prédécesseurs disposaient depuis longtemps d’un mode de communication complexe. Des activités telles que le façonnage d’outils élaborés, l’usage du feu et surtout les comportements symboliques impliquent des savoirs et des valeurs échangés et transmis.</p>
<p>Notre espèce n’a pas été non plus la seule à avoir établi des usages vis-à-vis des morts, puisque les Néandertaliens enterraient leurs défunts, signe de valeurs partagées, d’une marque de respect envers l’autre, peut-être de croyances dans l’au-delà. Ces exemples suffisent à montrer qu’Homo sapiens n’a pas été le seul à développer une conscience réfléchie. Ainsi, notre espèce ne se distingue que par quelques caractéristiques anatomiques (la plus marquante, et pourtant totalement inutile semble-t-il, est la présence d’un menton osseux sur la mandibule) et partage de nombreuses similarités physiques et comportementales avec d’autres êtres vivants et les autres espèces humaines préhistoriques. Bien qu’étant les derniers sur Terre, nous n’avons pas été uniques. Certains chercheurs emploient le mot humain pour référer uniquement à notre espèce, voire à ses représentants actuels. Cela ne nous facilite pas la tâche pour répondre à la question de départ et n’est pas justifié d’un point de vue scientifique.</p>
<p>En tant que paléoanthropologue, je suis convaincu que nous, humains d’aujourd’hui, ne sommes pas plus intelligents qu’un représentant de notre espèce qui vivait il y a 40 000 ans ou d’un de ses contemporains néandertaliens. Le niveau de capacité serait à mon avis du même ordre au regard des productions archéologiques et par comparaison avec ce que nous savons réellement faire individuellement. Notre impression de tant avoir de capacités est surtout lié à notre héritage. Écriture, imprimerie, Internet… sont autant d’étapes qui nous ont permis de constituer une base de connaissances toujours plus grande. Chacun d’entre nous n’est pas devenu plus malin, nous profitons du savoir de nos prédécesseurs et de nos contemporains. Cela nous amène d’ailleurs à identifier une particularité, celle d’être les premiers à étudier, à documenter, à chercher à comprendre tout ce qui nous entoure. Mais aussi à le détruire massivement, malheureusement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218630/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Balzeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Nous sommes la dernière espèce vivante du genre Homo, mais pouvons-nous vraiment nous différencier de nos cousins, aujourd’hui disparus ?
Antoine Balzeau, Paléoanthropologue, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219666
2023-12-20T19:54:58Z
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Une forêt tropicale à Paris
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566323/original/file-20231218-28-xc0jy3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C2939%2C2913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail&nbsp;!</span> <span class="attribution"><span class="source">Sophie Fernandez, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?</p>
<p>Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.</p>
<p>Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.</p>
<h2>Un réchauffement brutal et sans précédent</h2>
<p>À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a11">moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France</a> et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.</p>
<p>Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.</p>
<p>L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.</p>
<p>En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !</p>
<h2>Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement</h2>
<p>À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les <em>Fagaceae</em>, la famille du chêne) semblent être secondaires.</p>
<p>C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/3091-prodrome-d-une-flore-fossile-des-travertins-anciens-de-sezanne">travertins anciens, dits « de Sézanne »</a>, dans la Marne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un fossile et une feuille actuelle" src="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de feuille de <em>Quercites</em> (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, <em>Quercus glauca</em>, observé aujourd’hui au Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193862334">RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.</p>
<p>Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Del Rio</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui</h2>
<p>L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.</p>
<p>Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaison d’un fossile de palme et d’un palmier actuel" src="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193524095">Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul-Honoré Fritel <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/2898-etude-sur-les-vegetaux-fossiles-de-l-etage-sparnacien-du-bassin-de-paris?offset=17">a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques</a> pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.</p>
<p>Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (<em>Sabal</em>, <em>Taxodium</em>, <em>Sequoia</em>) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (<em>Asplenium</em>, <em>Salvinia</em>).</p>
<p>Avec les <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a2">études suivantes</a>, autant en botanique qu’en <a href="https://doi.org/10.1016/j.revpalbo.2005.02.005">paléobotanique</a>, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.</p>
<p>En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.</p>
<h2>L’apport des pollens</h2>
<p>Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.</p>
<p>Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’<a href="https://www.abebooks.fr/Etude-palynologique-gisements-sparnacien-Bassin-Paris/16351549141/bd">on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène</a> à l’issue du réchauffement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une fleur conservée dans de l’ambre et une liane actuelle de la même famille" src="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce <em>Icacinanthium tainiaphorum</em> (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre <em>Iodes</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/83583160">Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-11536-y">même de l’ambre</a> (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple <em>Gyptostrobus</em>, <em>Restionaceae</em>, <em>Sabal</em>) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple <em>Icacinaceae</em>, <em>Sapotaceae</em>, <em>Myricaceae</em>).</p>
<h2>Réaction des flores au changement climatique</h2>
<p>Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier)</a> a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fossile de fruit et lame mince pour voir graine, noyau, et pulpe" src="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossile de fruit d’<em>Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa</em>_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">Cédric Del Rio, MNHN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.</p>
<h2>Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents</h2>
<p>Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-00756083/">Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives</a>. C’est alors bien une <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/comprendre-la-foret/foret-et-changement-climatique">perte et non un gain de biodiversité</a> qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le <a href="https://www.ign.fr/files/default/2023-10/memento_oct_2023.pdf">montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts</a>.</p>
<p>De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !</p>
<p>De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.</p>
<hr>
<p><em>Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Del Rio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Il était une fois, il y a bien longtemps, une jungle tropicale à Paris. Partez à la découverte de ses fleurs, ses fruits, et ses lianes.
Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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tag:theconversation.com,2011:article/218203
2023-12-10T15:49:40Z
2023-12-10T15:49:40Z
Quand la Terre se lève sur la Lune : la genèse de la « photo du siècle »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560468/original/file-20231117-24-a4qtm4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C2035%2C1523&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">The restored image of Earthrise. A high quality black and white image was coloured using hues from the original colour photos.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://apod.nasa.gov/apod/ap181224.html">Image Credit: NASA, Apollo 8 Crew, Bill Anders; Processing and License: Jim Weigang</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le récent <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/nov/10/frank-borman-commander-first-apollo-moon-mission-dies-aged-95">décès de Frank Borman</a>, commandant de la <a href="https://nasa.gov/missions/apollo/apollo-8-mission-details/">mission Apollo 8 de la NASA en 1968</a>, a attiré l’attention sur le premier voyage sur la Lune.</p>
<p>Il a eu lieu huit mois avant la mission <a href="https://www.nasa.gov/mission/apollo-11/">Apollo 11</a>, au cours de laquelle Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont exploré la surface lunaire pour la première fois. Cependant, l’impact de la photo du « lever de Terre » d’Apollo 8 – la vue de la Terre depuis la Lune – semble aujourd’hui encore plus grand que celui du premier alunissage.</p>
<p>Pendant de nombreuses années, l’histoire derrière la <a href="https://www.nasa.gov/image-article/apollo-8-earthrise/">célèbre photo du lever de la Terre</a>, était que l’équipage avait été pris au dépourvu par l’orbe bleu s’élevant derrière la Lune. Mais <a href="https://science.nasa.gov/resource/the-story-behind-apollo-8s-famous-earthrise-photo/">même s’ils étaient occupés à d’autres tâches</a>, les astronautes avaient en tête que cela allait arriver.</p>
<p>Un autre événement marquant de la mission a été la lecture de <a href="https://moon.nasa.gov/resources/318/apollo-8-genesis-reading/">la Genèse (le premier livre de la Bible)</a> par l’équipage, dont les images ont été diffusées dans le monde entier à Noël. Les recherches approfondies que j’ai menées dans les archives de la NASA ont révélé plus clairement l’ampleur de la mise en scène de tous ces moments. La fameuse photo du lever de la Terre, un cliché bizarre pris à la hâte, a été certes improvisée, mais elle avait été anticipée.</p>
<h2>Capturer le Lever de Terre</h2>
<p>Après être entrés en orbite lunaire, les astronautes ont failli ne pas voir la Terre. Ce n’est qu’au cours de la quatrième orbite, lorsque la capsule s’est retournée de 180 degrés pour pointer vers l’avant, qu’ils l’ont remarquée. Quand je l’ai interrogé, Borman m’a confirmé qu’à ce moment-là, ils ont été « pris par surprise – trop occupés par l’observation lunaire sur les trois premières orbites ».</p>
<p>Mais le <a href="https://historycollection.jsc.nasa.gov/JSCHistoryPortal/history/oral_histories/UnderwoodRW/underwoodrw.htm">directeur de la photographie du programme Apollo, Dick Underwood</a>, tenait à rétablir la vérité. Il explique : « Des heures ont été consacrées à l’observation lunaire sur les trois premières orbites », « Les équipages lunaires, y compris l’équipage d’Apollo 8, ont été longuement formés et informés sur la manière exacte d’installer la caméra, sur la pellicule à utiliser… ces briefings étaient très complets. »</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="L’équipage d’Apollo 8." src="https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559679/original/file-20231115-21-97wwdu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’équipage d’Apollo 8 présentant la photo du lever de Terre au gouverneur du Texas, John Connally, en 1969.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, la NASA s’est battue pour savoir sur quelles images les astronautes devaient se concentrer, la direction insistant sur des clichés de la <a href="https://history.nasa.gov/alsj/a410/A08_PressKit.pdf">géologie lunaire et des sites d’atterrissage potentiels</a>. Dick Underwood a expliqué : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai beaucoup insisté pour que l’on prenne une photo du lever de la Terre, et nous avions fait comprendre aux astronautes que c’était ce que nous voulions absolument. »</p>
</blockquote>
<p>Borman était accompagné de deux autres astronautes : Jim Lovell, pilote du module de commande, et Bill Anders, pilote du module lunaire. La NASA avait prévu qu’Apollo 8 testerait le module lunaire, mais comme elle avait pris du retard, la mission n’a pas eu lieu.</p>
<p>Lors de la conférence de presse précédant le lancement, Borman s’était réjoui d’avoir « de bonnes vues de la Terre depuis la Lune » et Lovell de voir « la Terre se coucher et la Terre se lever ».</p>
<p>Le plan de mission officiel prévoyait que les astronautes prennent des photos de la Terre, mais seulement en dernière priorité. Lorsque le moment clé est arrivé, les astronautes ont effectivement été pris par surprise, mais pas pour longtemps.</p>
<p>Anders se trouvait à une fenêtre latérale et prenait des photos de cratères à l’aide d’un appareil photo à pellicule noir et blanc lorsqu’il vit la Terre surgir de derrière la Lune. « Regardez cette image ! C’est la Terre qui se lève », <a href="https://science.nasa.gov/resource/the-story-behind-apollo-8s-famous-earthrise-photo/">s’exclama Anders</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/559678/original/file-20231115-23-nzbbhx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La première photo du lever de Terre, prise par Bill Anders.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Anders a rapidement pris une photo nette de la Terre émergeant de l’horizon lunaire. Puis Lovell et lui se sont brièvement disputés pour savoir qui devait avoir l’appareil photo couleur, tandis que Borman tentait de les calmer.</p>
<p>C’est Anders qui a pris la <a href="https://apod.nasa.gov/apod/ap020127.html">photo couleur du lever de la Terre</a>, floue, cadrée à la hâte et surexposée, surnommée plus tard l’<a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2018/dec/22/behold-blue-plant-photograph-earthrise">image du siècle</a>. Mais dans l’autre appareil photo se trouvait une bien meilleure photo, longtemps ignorée parce qu’elle était en noir et blanc.</p>
<p>Cette première image mono était parfaite. Une photo restaurée du « lever de la Terre », récemment colorisée par des experts qui ont pris pour référence les clichés ultérieurs, restitue le spectacle époustouflant qu’ont vu les astronautes.</p>
<p>Cette photo révèle la Terre comme une oasis majestueuse mais fragile. Comme l’a dit Lovell : « La solitude qui règne ici est impressionnante… Cela nous fait prendre conscience de ce que nous avons sur Terre ». Pour Borman aussi, ce fut « intensément émouvant… Nous ne nous sommes rien dit, mais nous avons peut-être partagé la même pensée : Ce doit être ce que Dieu voit ».</p>
<h2>La lecture de la Genèse</h2>
<p>En 1968, comme aujourd’hui, les voyages dans l’espace étaient considérés comme un domaine scientifique et technologique. Mais la mission était également envoyée par l’un des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Christianity_in_the_United_States">pays les plus fortement christianisés du monde</a>, et l’équipage n’était pas parti sans son bagage culturel.</p>
<p>La NASA était fière que ses astronautes soient libres de leurs opinions, tandis que les cosmonautes soviétiques soient <a href="https://www.bbc.com/future/article/20210406-how-russias-cosmonauts-trained-for-space">étroitement surveillés et contrôlés</a>. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître aujourd’hui, ils ont été laissés libres de décider eux-mêmes de ce qu’ils allaient dire lors de leur émission historique en direct de l’orbite lunaire.</p>
<p>Borman savait qu’il devait trouver quelque chose de spécial pour l’émission de Noël. Quelques semaines à l’avance, un attaché de presse lui a dit : « Nous pensons que vous serez plus écouté que n’importe quel autre homme dans l’histoire. Nous voulons donc que vous disiez quelque chose d’approprié ».</p>
<p>Alors que le message « un petit pas » de Neil Armstrong a été <a href="https://time.com/5621999/neil-armstrong-quote/">soigneusement préparé au sein de la NASA</a>, personne au sein de l’agence ne savait à l’avance ce que Borman allait dire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Earthrise" src="https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=527&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560186/original/file-20231117-25-yelyw3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=662&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La première photo du lever de Terre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors qu’il ne reste que deux minutes avant que le contact radio ne soit perdu lorsque le vaisseau spatial passe derrière la Lune, Anders a déclaré : « L’équipage d’Apollo 8 a un message à vous transmettre. » Il a ensuite lu un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ToHhQUhdyBY">extrait de la Genèse</a> : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, et la terre était informe et vide. Dieu dit : “Que la lumière soit !” et la lumière fut. »</p>
<p>Lovell et Borman ont pris le relais pour lire les versets suivants, et Borman a conclu : « Joyeux Noël, et que Dieu vous bénisse tous – vous tous sur notre bonne Terre. »</p>
<p>Alors qu’Apollo 8 cessait tout contact radio, le monde devait absorber l’impact de ces paroles. « Pendant ces instants, j’ai ressenti la présence de la création et du créateur », se souviendra plus tard Gene Kranz, <a href="https://airandspace.si.edu/explore/stories/eugene-kranz">directeur de vol de la NASA</a>. « J’avais les larmes aux yeux. »</p>
<p>D’une manière ou d’une autre, Borman et ses collègues ont trouvé les mots parfaits pour exprimer leur expérience. Mais Borman avait bien réfléchi à sa mission et avait demandé à un <a href="https://airandspace.si.edu/collection-archive/apollo-8-and-11-notes-and-letters-bourgin/sova-nasm-1995-0025">ami publiciste de l’aider à rédiger le texte</a>.</p>
<p>Il s’agissait de Simon Bourgin, responsable de la politique scientifique à l’Agence américaine d’information. Bourgin demanda à son tour à un journaliste, Joe Laitin, qui en <a href="https://www.smithsonianmag.com/smithsonian-institution/how-apollo-8-delivered-moment-christmas-eve-peace-and-understanding-world-180976431/">parla à sa femme, Christine</a>.</p>
<p>Après avoir consulté l’Ancien Testament, elle a suggéré : « Pourquoi ne pas commencer par le commencement ? » Elle a souligné la puissance primitive du récit de la création dans le premier livre de la Genèse, avec sa description évocatrice de la Terre.</p>
<p>Borman a immédiatement reconnu que c’était parfait et l’a fait dactylographier. Il a superbement justifié la confiance que la NASA lui a accordée.</p>
<p>Si la photo du lever de la Terre et la lecture de la Genèse sont le fruit de l’inspiration et d’une certaine liberté, on doit leur exécution à une planification minutieuse et un grand professionnalisme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218203/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Robert Poole ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ou comment le professionnalisme de l'astronaute Frank Borman a contribué à la réussite de la mission Apollo 8.
Robert Poole, Professor of History, University of Central Lancashire
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216277
2023-10-24T17:06:42Z
2023-10-24T17:06:42Z
Pourquoi Saturne a-t-elle des anneaux ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555549/original/file-20190805-117866-dgviij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5000%2C2776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Galilée trouvait que Saturne ressemblait un peu à la tête d’un ours en peluche avec deux grandes oreilles. Il pensait qu’elle était peut-être composée de trois planètes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/598786217?src=3gOjCUuRJ49ko3p_hhzRfg-1-10&studio=1&size=huge_jpg">Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La plupart des scientifiques pensent que Saturne n’a pas toujours eu ses anneaux, mais qu’il y a des millions d’années, une lune lui tournait autour.</p>
<p>Cette lune a fini par s’approcher très près de la planète, tout en tournant de plus en plus vite. Cette accélération était tellement violente qu’elle a fait exploser la lune. Elle s’est brisée en morceaux qui se sont ensuite répandus autour de la planète en prenant la forme d’un disque. Ces fragments sont majoritairement de la glace et de la roche.</p>
<p>Les morceaux ont continué à se fracasser les uns contre les autres, ce qui a produit beaucoup de poussière et de neige. Certains morceaux sont tombés sur Saturne ou ont flotté dans l’espace. C’est encore le cas aujourd’hui et, dans un avenir lointain, les anneaux devraient disparaître complètement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290468/original/file-20190902-175668-1b5jt8o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des morceaux de glace et de roche se sont répandus autour de la planète pour former un disque ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/saturn-isolated-on-black-215681422?src=-1-17">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>À la découverte des anneaux de Saturne</h2>
<p>On n’a pas toujours su que Saturne avait des anneaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/291032/original/file-20190905-175696-tmdxvu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Voici une photo en gros plan des anneaux de Saturne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JPL/NASA</span></span>
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</figure>
<p>Il y a quelques centaines d’années, un astronome nommé Galilée a observé le ciel à travers l’un des premiers télescopes. Lorsqu’il l’a utilisé pour observer Saturne, il a trouvé que la planète ressemblait un peu à la tête d’un ours en peluche avec deux grandes oreilles. Il a pensé qu’elle était peut-être composée de trois planètes.</p>
<p>Des années plus tard, les astronomes ont utilisé de meilleurs télescopes et se sont rendu compte que Saturne était entourée de ce qui ressemblait à un grand disque plat.</p>
<p>Au départ, les astronomes pensaient que le disque touchait Saturne. Un astronome nommé Christiaan Huygens pensait que le disque autour de Saturne était un objet plein, comme une bague autour d’un doigt. Un autre astronome, Giovanni Cassini, a été le premier à remarquer que l’anneau n’était pas plein, et qu’il y a avait du vide entre les morceaux.</p>
<p>Aujourd’hui, nous savons que les anneaux sont constitués de poussière de lune et de roches. Et comme Saturne est très éloignée du Soleil, c’est une planète très froide. Cela signifie que les roches des anneaux de Saturne sont très glacées. Certaines sont même entièrement constituées de glace, comme des boules de neige. Les anneaux de Saturne sont très brillants, car la glace reflète fortement la lumière du soleil.</p>
<p>En envoyant des sondes spatiales vers d’autres planètes et en prenant des photos de très près, on a découvert que Jupiter, Uranus et Neptune avaient également des anneaux. Mais ces anneaux sont plus fins et difficiles à voir depuis la Terre. On a également réalisé que ces planètes avaient de nombreuses lunes, certaines plus petites et d’autres plus grandes que la Lune de la Terre.</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre. En attendant, tu peux lire tous les articles <a href="https://theconversation.com/fr/topics/the-conversation-junior-64356">« The Conversation Junior »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucyna Kedziora-Chudczer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
On pense qu’il y a plusieurs millions d’années, Saturne n’avait pas d’anneaux. À leur place, une grosse lune se déplaçait autour d’elle. Finalement, la lune a éclaté et s’est brisée en morceaux.
Lucyna Kedziora-Chudczer, Program Manager / Adjunct Research Fellow, Swinburne University of Technology
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/212500
2023-10-05T17:50:00Z
2023-10-05T17:50:00Z
À la fin du XIXᵉ siècle, l’usage de la cocaïne a transformé les consultations chez le dentiste
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552085/original/file-20231004-16-tkx3nb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C615%2C479&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Edouard Vuillard, Le Docteur Georges Viau dans son cabinet dentaire, 1914
</span> <span class="attribution"><span class="source">Musée d'Orsay</span></span></figcaption></figure><p>En 1884, la cocaïne produit une « révolution » dans l’histoire de la médecine : pour la première fois, il est possible, grâce à cette substance, de pratiquer des anesthésies locales, et les dentistes vont particulièrement bénéficier de cette découverte.</p>
<p>En cette fin du XIX<sup>e</sup> siècle, aller chez un ou une dentiste reste un moment angoissant et douloureux. On peut par exemple se rendre compte de la terreur qui saisissait les patients et patientes lors des extractions de dents grâce <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5820319m/f23.item.r=poitrine%20serree">aux observations d’Henri Rodier en 1890 dont voici quelques extraits</a> :</p>
<blockquote>
<p>Femme de 26 ans : « Malaise général à la vue de l’instrument. Larmes, sanglots. Attaque d’hystérie légère. Yeux convulsés. Pupilles contractées. Jambes paralysées et insensibles. Pouls, 116. Respiration forte avec contraction et dilatation alternatives des narines. »</p>
<p>Femme de 22 ans, couturière : « Sueurs profuses. Grande émotion. Pleurs. Anéantissement et trépidation générale. Jambes paralysées. Angoisse précordiale. Pouls accéléré. »</p>
<p>Homme de 32 ans « très faible » : « Agitation. Poitrine serrée, angoisse précordiale. Sueurs froides. Tête lourde, étourdissement, envie de vomir. »</p>
</blockquote>
<p>Cette spécialité a encore une forte aura de charlatanisme. Il n’existe pas d’école pour former les futurs dentistes, pas non plus de diplôme obligatoire. Dans ces conditions, n’importe qui pouvait se déclarer dentiste.</p>
<p><a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad/actes/les-dentistes-americains-a-paris-au-XIXe-si%C3%A8cle/">Un diplôme de chirurgien-dentiste existait bien depuis 1699</a>, mais la plus grande partie de la population ne pouvait pas se payer les services de ces spécialistes.</p>
<p>Dans l’imaginaire collectif d’ailleurs, la population ne faisait pas de distinction entre les « dentistes-experts » et les autres. Ce corps de métier était donc méprisé mais il était impossible de s’en passer. Les praticiens et praticiennes se déplaçaient de ville en ville pour proposer leurs services lors des marchés et des foires, s’entourant parfois de musiciens pour couvrir les cris des malades. Ils annonçaient leur présence dans des publicités publiées dans la presse locale :</p>
<p>Leur travail principal était en fait d’arracher les dents, sans anesthésie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=488&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=614&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=614&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552089/original/file-20231004-19-rzsouq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=614&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Jean Veber – L’Arracheuse de dents, 1904.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8577598v?rk=21459;2">Gallica</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On trouve à l’époque des dentistes femmes, comme Hélène Purkis (en image) ou Marie Delpeuch, <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad/cabinet-dentaire/deux-personnages-insolites-helene-purkis-dentiste-pour-dames-georges-fattet-dentiste-des-gens-du-monde/">cette dernière obtenant en 1827 le droit pour toutes les femmes d’exercer le métier</a>.</p>
<p><a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k76124805/f2.item">Elles sont au moins quarante en 1900 à Paris selon Hubertine Auclert</a>, qui explique combien cette profession est désormais perçue comme « honorable », une « carrière de rêve » pour les jeunes filles. Que s’est-il donc passé pour que les représentations sur la profession changent ainsi si rapidement ? À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, la possibilité de supprimer la douleur des opérations va transformer en quelques années la pratique de cette profession.</p>
<h2>La cocaïne, médicament prometteur</h2>
<p>À partir de 1884, les dentistes disposent en effet désormais de la cocaïne, permettant de réaliser des anesthésies locales en quelques minutes. La substance, synthétisée par le chimiste allemand Nieman dès 1859, coûtait jusque là trop cher pour être utilisée.</p>
<p>Avec l’amélioration des moyens de transport pour acheminer plus rapidement les feuilles de coca en Europe, les médecins en explorent les propriétés ; la substance n’est alors pas considérée comme une “drogue” : il s’agit d’un médicament très prometteur, notamment grâce à ses vertus stimulantes.</p>
<p>En septembre 1884, l’ophtalmologue Carl Koller publie une découverte révolutionnaire pour la médecine de l’époque : la cocaïne peut insensibiliser pour quelques dizaines de minutes de petites zones du corps. Les dentistes sont parmi les premiers à s’en emparer. Des publicités fleurissent dans la presse populaire pour annoncer la découverte et l’emploi de l’anesthésique, fautes d’orthographe comprises !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=180&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=180&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=180&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552092/original/file-20231004-23-jenzcg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=226&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Publicité parue dans le Courrier de Saône-et-Loire le 25 avril 1887, p. 3.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.retronews.fr/journal/courrier-de-saone-et-loire/25-avril-1887">Retronews/Gallica</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552097/original/file-20231004-25-wj1kpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Publicité parue dans le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 23 août 1885.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.retronews.fr/journal/memorial-de-la-loire-et-de-la-haute-loire/23-aout-1885/231/1749481/3%20%22%22">Retronews</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=193&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=243&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=243&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552100/original/file-20231004-19-9ypi1g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=243&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Publicité parue dans Le Petit Marseillais, 30 mars 1885, p. 4.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.retronews.fr/journal/le-petit-marseillais/30-mars-1885/437/2221985/4%20%22%22">Retronews</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’usage de la cocaïne va leur apporter une légitimité inespérée auprès de la population. Il leur suffit de badigeonner la gencive et de placer le coton imbibé de cocaïne dans le creux de la dent pour voir la zone presque immédiatement insensibilisée. On peut aussi injecter directement la cocaïne dans la gencive. Les malades « même les plus douillets » sont enchantées par l’effet « extraordinaire » de la substance. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56085227/f10.item.texteImage">Les dentistes quant à eux se réjouissent de ce que leurs clients et clientes ne craignent plus leur spécialité</a>.</p>
<p>C’est également à partir de l’usage de la cocaïne que la posture d’examen chez les dentistes va évoluer : on passe ainsi de la position assise à allongée pour éviter les syncopes dues à l’injection. Or cette position, nouvelle pour les malades comme pour les praticiens, n’allait pas de soi. En 1898, le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57302822/f19.item">docteur L. O’Folowell décrit ses difficultés à allonger ses malades, en particulier les hommes</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons vu des malades souffrant atrocement d’une dent cariée venir en réclamer l’extraction. Ils s’installent dans le fauteuil, nous examinons la dent malade et jugeant que l’avulsion sera très douloureuse, nous décidons d’anesthésier le sujet. Nous faisons alors jouer la vis qui incline le dossier, à peine le malade est-il tombé en arrière qu’il se redresse et l’air inquiet demande ce qu’on va lui faire. – Une simple piqûre sur la gencive pour que vous ne souffriez pas ; allons, couchez-vous. Le malade proteste, prétend celle position inutile et, pensant qu’on veut l’étendre parce que l’on craint de lui une faiblesse, vous assure qu’il est plein de courage. Vous donnez des explications, vous insistez, peine perdue. Le plus souvent, ou vous êtes obligé d’opérer sans anesthésie, ou le malade refuse l’extraction. »</p>
</blockquote>
<p>Le premier fauteuil permettant au dentiste d’opérer en position horizontale (avec la tête au même niveau que le tronc) est présenté en <a href="https://archive.org/details/BIUSante_PF092x1893/page/291/mode/2up?q=fauteuil">1893 à la Société d’Odontologie par le professeur de l’École dentaire de Paris, Paul Martinier, qui l’a fait réaliser par la maison Billard</a>. Cette innovation technique est directement et expressément liée à l’usage de la cocaïne.</p>
<p>Auparavant, les fauteuils s’inclinaient en même temps que le siège ou ne s’inclinaient pas suffisamment. En cas de syncope, les dentistes devaient coucher la personne sur le sol.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=199&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=199&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552094/original/file-20231004-27-qps83o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=199&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fauteuils de dentistes, années 1860 et 1890.</span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad/cabinet-dentaire/le-cabinet-dentaire-de-green-vardiman-black/">Fauteuils de dentistes, années 1860 et 1890</a> :</p>
<p>Mais cet usage de la cocaïne par des professionnels est vécue comme une concurrence déloyale par les médecins pratiquant la dentisterie. Ils parviendront à obtenir le monopole de l’usage de cocaïne en 1892 suite à un lobbying intense au sein de la presse médicale pour dénoncer de supposés abus et accidents parfois mortels.</p>
<p>Le professeur Reclus, fervent défenseur de la cocaïne, condamne quant à lui une entreprise de diabolisation de la substance. Après une étude méticuleuse menée entre 1889 et 1892 au sujet des 126 prétendus accidents mortels causés par la cocaïne au niveau international, il parvient à les réfuter un par un et déclare : <a href="https://archive.org/details/lacocaneenchirur00recl/page/46/mode/2up?view=theater">« l’alcaloïde n’est pas responsable des méfaits commis en son nom »</a>.</p>
<p>En réalité, la plupart des « empoisonnements » répertoriés sont des intoxications « légères » n’ayant pas causé la mort ; les quelques cas de décès sont liés à des usages inappropriés de la substance ou à des malades ayant une pathologie grave. Bien employée, la cocaïne est selon lui d’une parfaite innocuité.</p>
<p>Il souligne d’ailleurs qu’étant donné le grand nombre de dentistes qui l’emploient chaque jour, comme <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56013246/f20.item.r=(prOx:%20%22dentiste%22%2010%20%22coca%C3%AFne%22)">Bouchart, dentiste à Lille, qui déclare avoir depuis six ans retiré plus de 5 000 « dents ou chicots » grâce à la cocaïne en 1890</a>, le nombre d’accidents rapporté est bien faible.</p>
<p>Reclus insiste : les médecins eux-mêmes sont en fait bien plus souvent en cause que les dentistes, tel <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/histoire/medica/resultats/index.php?do=page&cote=90182x1889x06&p=204">ce médecin de Philadelphie qui injecte d’un coup 3,60g de cocaïne dans l’urètre de son patient</a>, soit 40 fois la dose normale ! (Ici le patient est bien décédé mais Reclus considère – à juste titre – que c’est le médecin et non la cocaïne qui est à condamner).</p>
<p>En 1892 donc, les dentistes perdent malgré tout le droit d’utiliser la cocaïne s’ils ne sont pas accompagnés d’un docteur en médecine. Dans la foulée, un diplôme de chirurgien-dentiste est enfin créé, légitimant définitivement cette profession. <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5729041z/f100.item">Ces nouveaux praticiens et praticiennes reçoivent dès lors une formation spécifique concernant l’anesthésie à la cocaïne</a>, qui aura donc tant marqué la pratique de la dentisterie qu’elle l’aura fait passer du domaine du charlatanisme à celui de la médecine officielle !</p>
<p>Elle révolutionne par ailleurs à la même époque d’autres disciplines médicales en permettant des opérations jusqu’alors impossibles, en ophtalmologie ou en laryngologie par exemple. Son usage permettra en 1901 d’inventer la péridurale. De nos jours, bien qu’étant désormais très rarement employée, la cocaïne fait toujours partie de la pharmacopée française.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212500/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zoë Dubus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
À partir de 1884, les dentistes disposent de la cocaïne, permettant de réaliser des anesthésies locales en quelques minutes.
Zoë Dubus, Post docorante en histoire de la médecine, Sciences Po
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tag:theconversation.com,2011:article/203640
2023-09-21T16:31:19Z
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Comment la couleur est devenue un enjeu majeur de l’histoire de l’art
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548640/original/file-20230916-36057-q6y5ni.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=72%2C26%2C1828%2C1198&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Étude d'un martin-pêcheur, avec référence dominante à la couleur, John Ruskin, probablement octobre 1871. Pour Ruskin, la couleur joue un rôle clé : elle symbolise la beauté de la faune et de la flore.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://ruskin.ashmolean.org/collection/8979/object/14655">Ashmolean Museum</a></span></figcaption></figure><p>Le thème de la couleur est devenu un classique des expositions. Citons par exemple pour la seule année 2022 <a href="https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/la-couleur-en-fugue">« La Couleur en fugue » à la fondation Louis Vuitton</a> à Paris, <a href="https://www.museedegrenoble.fr/2458-bonnard.-les-couleurs-de-la-lumiere.htm">« Bonnard. Les couleurs de la lumière »</a> au musée de Grenoble ou bien encore <a href="https://www.museeregardsdeprovence.com/exposition/couleurs-des-suds-antoine-et-jos-henri-ponchin">« Couleurs des Suds »</a> au musée Regards de Provence de Marseille.</p>
<p>Le succès de la thématique doit sans doute beaucoup au fait qu’elle parle et résonne facilement, d’une façon que l’on imagine instinctivement comme « universelle ». La perception de la couleur est pourtant culturelle et contingente, comme nous l’apprennent les études de plus en plus nombreuses, depuis les <a href="https://www.inha.fr/fr/ressources/publications/collections-imprimees/collection-sources-pour-l-histoire-de-l-art/couleur-et-culture-usages-et.html">travaux précurseurs de John Gage au Royaume-Uni</a> et de l’historien <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb35519948s">Michel Pastoureau</a> en France.</p>
<p>Tout reste néanmoins à explorer dans cette branche encore nouvelle. La couleur comme objet d’étude ouvre ainsi des perspectives pluridisciplinaires : que nous apprennent les matériaux colorants sur notre rapport à l’art, à la mode, à la décoration ? Quelles idées, quel rapport au monde environnant et aux objets du quotidien notre utilisation et notre compréhension des couleurs véhiculent-elles ?</p>
<h2>La couleur au XIXᵉ siècle</h2>
<p>Si, comme l’a montré Michel Pastoureau, la couleur gagne à être historicisée et contextualisée, peu de travaux s’attardent sur les enjeux chromatiques de certaines aires géoculturelles précises. C’est l’objet de <a href="https://chromotope.eu/">Chromotope</a>, un ambitieux projet de recherche financé par l’Union européenne qui explore ce que le XIX<sup>e</sup> siècle a fait à la couleur, et dans lequel s’inscrit mon propre travail de recherche sur l’œuvre de l’écrivain, poète, peintre et critique d’art britannique John Ruskin (1819–1900). L’étude d’une période circonscrite permet une plongée plus en détail dans un moment charnière dans l’histoire de la couleur : la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, qui voit l’apparition des premiers colorants et pigments de synthèse extraits de goudron de houille.</p>
<p>C’est <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Henry_Perkin">William Henry Perkin</a>, un jeune apprenti chimiste anglais, qui synthétise pour la première fois la <a href="https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/couleurs/la_mauveine.html">mauvéine</a> en 1856. Cette découverte accidentelle modifie profondément le rapport à la couleur dans les arts, la littérature et la culture visuelle de l’Angleterre industrielle : la mauvéine, peu coûteuse et efficace sur des textiles comme la laine ou la soie, ouvre la voie à une production industrielle qui donnera lieu à une « mauve mania » dans la mode britannique, ainsi que dans le reste de l’Europe. Les conséquences se font ressentir en peinture, en architecture, dans les arts décoratifs… mais aussi au cœur des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02666286.2019.1651593">débats esthétiques de l’époque</a> autour de l’authenticité des couleurs « naturelles » ou « artificielles ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549581/original/file-20230921-25-4iuqh4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=982&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">[Image extraite de l’exposition : Robe de jour pour femme, Angleterre, soie pourpre aniline, vers 1865–70.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ashmolean.org/sites/default/files/ashmolean/images/media/rs643645_li_5223_9-2-lrg-purple-dress-1000tall.png">Manchester Art Gallery</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est dans le cadre de ce projet Chromotope que s’ouvre le 21 septembre 2023 au musée des Beaux-arts d’Oxford (l’Ashmolean Museum) une grande exposition sur la couleur au XIX<sup>e</sup> siècle, intitulée <a href="https://www.ashmolean.org/exhibition/colour-revolution-victorian-art-fashion-design">« Color Revolution : Victorian Art, Fashion and Design »</a>. Une exposition largement informée par les travaux interdisciplinaires de chercheurs et chercheuses en arts et littérature, conservateurs, conservatrices et scientifiques de la conservation qui ont collaboré afin de rendre leur recherche accessible à un plus large public.</p>
<h2>Le tournant Ruskin</h2>
<p>L’ère victorienne au Royaume-Uni, qui correspond au règne de la reine Victoria entre 1837 et 1901, fut marquée par l’apogée de la révolution industrielle et de l’empire colonial britannique, mais aussi par une riche scène artistique et littéraire. Parmi les figures majeures qui ont joué un rôle dans ces transformations, John Ruskin, critique d’art très influent et grand penseur de la couleur, occupe une place importante. Bien que moins connu en France qu’au Royaume-Uni, l’œuvre de cet artiste, collectionneur et écrivain prolifique, a notamment marqué Marcel Proust, qui le lut et le traduisit avec enthousiasme. <a href="https://id.erudit.org/iderudit/1043950ar">Cette influence se retrouve dans bien des aspects de son œuvre</a>. Dans <em>The Elements of Drawing</em> (<em>Éléments du dessin</em>), en 1857, il écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« Tout ce que l’on voit dans le monde autour de soi ne se présente au regard que sous la forme d’un agencement de taches de différentes couleurs, de différentes nuances. »</p>
</blockquote>
<p>Dans une époque marquée par la consolidation d’un certain nombre de champs disciplinaires scientifiques comme les sciences naturelles ou humaines, l’anthropologie, la géologie, la botanique et d’autres, Ruskin se démarque par une pensée complexe qui échappe aux classifications, et fait la part belle à la nature, la morale et la pédagogie. Il écrit pour informer son lectorat, enseigner le dessin, éduquer les jeunes filles ; il fonde des institutions muséales à destination des populations ouvrières afin de remettre le beau et l’artisanat au centre de la vie et de la ville, comme le <a href="https://www.ruskinatwalkley.org/">St George’s museum à Sheffield</a> ; il s’oppose à l’industrialisation qu’il perçoit comme un danger majeur pour la civilisation européenne comme pour le monde naturel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549584/original/file-20230921-29-2kp2rk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=877&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Portrait de John Ruskin par le peintre préraphaélite John Everett Millais, Millais, entre 1853 et 1854.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ashmolean.org/sites/default/files/ashmolean/images/media/wa_2013_67-afull_0.jpg">Ashmolean Museum</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans son œuvre, la couleur joue un rôle clé : elle symbolise la beauté de la faune et de la flore, sacralise la peinture lorsqu’elle est utilisée correctement, mais peut gâcher une image instantanément si le peintre commet la moindre erreur dans les nuances et les harmonies chromatiques.</p>
<p>Dans ce rapport protoécologiste au monde, la couleur est un prisme par lequel l’observation minutieuse de l’environnement naturel permet de servir l’art, les êtres humains et la création divine. Loin de la pensée chromophobe d’un Platon qui s’attaque à la rhétorique autant qu’à la couleur ou de <a href="https://www.davidbatchelor.co.uk/books/chromophobia/">ses héritiers qui en dénonçaient les attributs sensuels</a>, la couleur devient ainsi pour Ruskin un élément sacré.</p>
<p>Ruskin prêtait en effet une attention toute particulière aux couleurs de la nature qu’il s’efforça de reproduire de la manière la plus fidèle possible : en témoignent ses nombreuses études, notamment à l’aquarelle, rassemblées dans la <a href="http://ruskin.ashmolean.org/">« Teaching Collection »</a> de l’Ashmolean Museum. Cette collection rassemble presque mille-cinq-cents œuvres, dessinées ou collectionnées par Ruskin, qui servirent de support à ses enseignements à l’Université d’Oxford à partir des années 1870. À titre d’exemple, on peut mentionner son célèbre martin-pêcheur dont il existe deux versions : une en noir et blanc, une multicolore. Le plumage de l’oiseau montre toute l’étendue du savoir-faire chromatique de Ruskin, avec des touches subtiles et éclatantes de bleu, violet, orange, et toutes les nuances liées à la texture et à la lumière. Ces images sont disponibles en version numérisée sur le site de la <a href="http://ruskin.ashmolean.org/collection">« Teaching Collection »</a>.</p>
<p>Lorsqu’il fonde le musée de Saint George, dans la banlieue de Sheffield, en 1857, Ruskin le conçoit comme un lieu de fluidité où les catégories artistiques figées n’ont pas cours : ce qui lui importe est de revivifier l’art et l’artisanat. Or, la couleur, commune à toutes ces pratiques, défie les tentations classificatoires et en ce sens, elle sert l’élan muséologique libérateur porté par Ruskin tout au long de la deuxième moitié du XIX<sup>e</sup> siècle. Elle échappe aux catégories muséales qui se solidifient alors à peine. Dans ce sens, on trouvera l’exposition « Colour Revolution » résolument ruskinienne : on y trouvera des supports variés (dessins et peintures, mais aussi céramique, vitraux, bijoux, meubles, vêtements…), avec une approche transversale, qui souligne l’attention portée à la matière de la couleur tout en même temps qu’à sa portée spirituelle. Ces éléments témoignent de la portée de l’œuvre et de l’influence de Ruskin qui dépasse l’époque victorienne et influence les pratiques muséales contemporaines.</p>
<p>À la lecture de Ruskin, la révolution de la couleur au XIX<sup>e</sup> siècle interroge ainsi nos rapports à la nature, à l’art, mais aussi à des questions éthiques brûlantes d’actualité. On pense à la couleur genrée, qualifiée de futile lorsqu’elle est vive dans la mode féminine ; mais aussi à la <a href="https://theconversation.com/jai-pour-moi-la-beaute-et-la-vertu-qui-nont-jamais-ete-noires-largument-esthetique-dans-le-racisme-coloriste-156889">couleur racisée</a> et au <a href="https://theconversation.com/au-musee-dorsay-les-modeles-noirs-sortent-de-lombre-114878">traitement artistique</a> de la couleur de peau non blanche dans une Europe colonialiste et impérialiste, au regard exotisant sur les couleurs de l’orient.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=863&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1085&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1085&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549579/original/file-20230921-27-7c8h4p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1085&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Porteur de pipe, 1856, John Frederick Lewis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ashmolean.org/sites/default/files/ashmolean/images/media/the_pipe_bearer_john_frederick_lewis_oil_on_canvas_1868-9._birmingham_museum_and_art_gallery._image_c_birmingham_museums_trust_licensed_under_cc0.jpg">Ashmolean museum</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Autant de problématiques qui trouveront des échos dans le cadre de l’exposition. Au-delà de l’image terne et grise d’une Angleterre victorienne plongée dans la brume de l’industrialisation, Ruskin nous donne à penser et à découvrir une palette d’enjeux esthétiques, artistiques et politiques qui font résolument écho à nos préoccupations contemporaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stella Granier a reçu des financements de Sorbonne Université.
Ce projet a bénéficié d’un financement du Conseil européen de la recherche (ERC) au titre du programme-cadre de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation "Horizon 2020" (convention de subvention n° 818563).</span></em></p>
Que nous apprennent les couleurs sur notre rapport à l’art, à la mode, à la décoration ? Quelles idées véhiculent-elles ?
Stella Granier, Doctorante en études anglophones, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208914
2023-08-21T15:45:52Z
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Le « wokisme » est-il vraiment un danger pour la science ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535113/original/file-20230701-15-7iub59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C14%2C1920%2C1238&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le mérite scientifique ne tient pas au nombre de publications et de citations.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De nos jours, il est courant de se plaindre que, compte tenu de la préoccupation générale pour les minorités et de l’affirmation selon laquelle la justice sociale devrait intéresser tout le monde, l’idéologie domine la science. Certains vont même jusqu’à comparer le système de recherche actuel au <a href="https://ethos.lps.library.cmu.edu/article/id/560/">lyssenkisme</a>, une approche erronée de la génétique végétale promue par les autorités soviétiques et chinoises.</p>
<p>C’est le cas d’un article paru le 27 avril dans le <em>Wall Street Journal</em>, <a href="https://www.wsj.com/articles/the-hurtful-idea-of-scientific-merit-controversy-nih-energy-research-f122f74d">« The hurtful idea of scientific merit »</a> — (La notion « blessante » de mérite scientifique), rédigé par les scientifiques Jerry Coyne — un éminent biologiste de l’évolution, auteur de l’important livre <em>Why Evoluton is True ?</em> – et Anna Krylov. Les institutions et les revues, affirment-ils, ont oublié le « mérite scientifique » et l’ont remplacé par l’idéologie, craignant que les soi-disant « wokistes » soient soutenus par les gouvernements et les agences officielles de la même manière que la fausse théorie de Trofim Lysenko sur l’hérédité des caractères acquis a été mise en application par Staline. Si c’est vrai, c’est une terrible nouvelle, car en URSS, la suprématie idéologique du lysenkoïsme a conduit à de nombreuses exécutions et à des exils.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=814&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534045/original/file-20230626-7296-eraf42.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1022&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’adoption des idées pseudo-scientifiques de Trofim Lysenko a contribué aux famines qui ont tué des millions de personnes en URSS et en Chine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Trofim_Lysenko#/media/File:Trofim_Lysenko_portrait.jpg">Russian Federation foundation/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À de nombreuses reprises, les « anti-woke » ont formulé des critiques analogues. Un exemple dans les sciences humaines a été la dénonciation de la divulgation des relations entre la famille du poète <a href="https://www.theguardian.com/books/2020/nov/25/british-library-apologises-for-linking-ted-hughes-to-slave-trade?CMP=Share_iOSApp_Other">Ted Hughes et l’esclavage</a>. En psychologie, on a critiqué l’introduction de la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0963721417753600">notion de « privilège blanc »</a>.</p>
<h2>Le concept délicat de mérite scientifique</h2>
<p>Coyne et Krylov parlent de biologie, mais on pourrait facilement admettre que les controverses sur ce qu’on appelle le wokisme, la justice sociale et la vérité concernent l’ensemble du monde universitaire, qui comprend les sciences naturelles, les sciences sociales, les sciences humaines et le droit. Leur affirmation est censée s’appliquer au monde universitaire en général, et « mérite scientifique » est ici synonyme de « mérite académique ». </p>
<p>Mais cette notion de « mérite scientifique », parfois appelée <a href="https://aoc.media/analyse/2020/09/15/le-mirage-de-lexcellence-menera-t-il-au-naufrage-de-la-recherche-publique/">« excellence scientifique » dans les politiques françaises dévaluation de la recherche</a>, est obscure. En l’absence d’une méthode fiable pour la mesurer, l’invoquer est une affirmation vide de sens. Pire encore, la manière dont le mérite lui-même est utilisé par les institutions et les politiques s’avère en fin de compte beaucoup plus nuisible à la science que n’importe quelle « idéologie guerrière de justice sociale » radicalisée, si tant est que cette expression ait un sens.</p>
<p>Dans le monde universitaire, le « mérite » signifie que l’on doit être crédité d’une contribution solide et mesurable à la science. Pourtant, lorsqu’une découverte est faite ou qu’un théorème est prouvé, c’est toujours sur la base de travaux antérieurs, comme nous l’a rappelé une <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-023-01313-5">reconstitution exhaustive</a> du rôle joué par Rosalind Franklin dans la découverte mondialement saluée de l’ADN (1953) par Crick et Watson, qui ont reçu le prix Nobel pour cela alors que Franklin était décédée quatre ans plus tôt. L’attribution du mérite est donc compliquée par l’inextricabilité des contributions causales, ce qui rend la notion de « crédit intellectuel » complexe, tout comme l’idée même d’un « auteur », à qui ce crédit est en principe dû. Comme dans une équipe de football ou de handball, l’analyse de la contribution de chaque joueur au but marqué par l’équipe n’est pas une mince affaire.</p>
<p>Des conventions sociales ont donc été inventées pour surmonter cette sous-détermination quasi métaphysique de l’« auteur » (et donc de son mérite). En science, l’une d’entre elles est la <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0198117"><em>discipline</em></a> : être un auteur n’est pas la même chose en mathématiques qu’en sociologie, et les disciplines déterminent ce qui est requis pour signer un article, et donc pour être un auteur dans un domaine donné. Un autre outil conventionnel est la <em>citation</em> : plus une personne est citée, plus son mérite est élevé.</p>
<p>Le classement des citations est donc censé refléter la véritable <a href="https://press.princeton.edu/books/paperback/9780691125169/on-justification"><em>grandeur</em></a> des individus. Pour l’estimer, il faut répertorier tous les articles signés par un individu et cités par ses pairs, ce qui donne lieu à des mesures telles que le <em>facteur d’impact</em> (pour les revues) ou le <em>h-index</em> (pour les scientifiques), qui constituent la base de notre système de mérite dans le domaine scientifique, puisque toute évaluation de la valeur académique d’une personne et de ses chances d’être embauchée, promue ou financée dans n’importe quel pays jongle avec ces chiffres combinés. Comme l’a dit le <a href="https://www.ost.uqam.ca/en/publications/the-transformation-of-the-scientific-paper-from-knowledge-to-accounting-unit/">sociologue canadien Yves Gingras</a>, alors que l’« article » a été une unité de connaissance pendant quatre siècles, il est maintenant aussi une unité d’évaluation et est utilisé quotidiennement par les comités d’embauche et les agences de financement dans le monde entier.</p>
<p>Contrairement à ce qu’affirment Coyne et Krylov, ces derniers ont l’intention de trouver les scientifiques les plus méritants en suivant le nombre de citations et de publications — ces dernières permettant d’augmenter le nombre de citations, puisque plus vous publiez d’articles, plus votre travail sera cité. Entendre dire que la Chine est désormais le <a href="https://theconversation.com/china-now-publishes-more-high-quality-science-than-any-other-nation-should-the-us-be-worried-192080">premier pays publiant</a> et s’inquiéter de sa victoire imminente dans la course aux publications, comme nous le lisons tous les jours, n’a de sens que si l’on assimile la valeur de la science à ces grandes mesures.</p>
<h2>Où la science est perdante dans l’idée de mérite</h2>
<p>Pourtant, mesurer le mérite scientifique de cette manière nuit à la qualité de la science pour trois raisons qui ont été analysées par les scientifiques eux-mêmes. Le résultat global est que ce type de mesure produit une « sélection naturelle pour la mauvaise science », comme l’ont dit les biologistes évolutionnistes Paul E. Smaldino et Richard McElreath dans un <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsos.160384">article de 2016</a>. Pourquoi ?</p>
<p>Tout d’abord, il est facile de jouer avec les mesures — par exemple, en divisant un article en deux, ou en écrivant un autre article en modifiant uniquement les paramètres d’un modèle. De toute évidence, cette stratégie augmente inutilement la quantité de littérature que les chercheurs doivent lire et accroît ainsi la difficulté de distinguer le signal du bruit dans une forêt croissante d’articles universitaires. Les raccourcis tels que la fraude ou le plagiat sont également encouragés ; il n’est donc pas étonnant que les agences pour l’intégrité scientifique et les traqueurs d’inconduite scientifique aient proliféré.</p>
<p>Deuxièmement, cette mesure du mérite induit une science moins exploratoire, car l’exploration prend du temps et risque de ne rien trouver, de sorte que vos concurrents récolteront tous les bénéfices. Pour la même raison, les revues favoriseront ce que les écologistes appellent traditionnellement <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fdec0000033"><em>exploitation</em> plutôt qu’<em>exploration</em> de nouveaux territoires</a>, puisque leur facteur d’impact repose sur le nombre de citations. Un récent article de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05543-x%23citeas"><em>Nature</em></a> affirme que la science est devenue beaucoup moins novatrice au cours de la dernière décennie, alors que les évaluations basées sur la bibliométrie ont prospéré.</p>
<p>Enfin, même si l’on souhaite conserver une mesure du mérite liée à l’activité de publication, le mérite basé sur la bibliométrie est unidimensionnel car la science réelle — telle qu’elle est révélée par son étude quantitative assistée par ordinateur — se développe comme un paysage en évolution plutôt que comme un progrès linéaire. Ainsi, ce qui constitue une « contribution majeure » à la science peut prendre plusieurs formes, en fonction de l’endroit où l’on se situe dans ce paysage.</p>
<h2>Repenser le progrès scientifique</h2>
<p>À l’ISC-PIF (Paris), les <a href="https://iscpif.fr/projects/gargantext/?lang=en">chercheurs ont cartographié la dynamique de la science</a> en détectant au fil des ans l’émergence, la fusion, la fission et la divergence de sujets définis par des groupes de mots corrélés (comme l’illustre la figure ci-dessous concernant le domaine de l’informatique quantique, où les fissions et les fusions qui se sont produites dans l’histoire du domaine sont visibles graphiquement). Il apparaît que les types de travaux réalisés par les scientifiques aux stades distincts de la naissance, de la croissance ou du déclin d’un domaine (considéré ici comme un ensemble de sujets) sont très différents et donnent lieu à des types de mérites incomparables.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534625/original/file-20230628-21-uoc72f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Progrès au fil du temps dans le domaine de l’informatique quantique.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ainsi, lorsqu’un domaine est mature, il est facile de produire de nombreux articles. En revanche, lorsqu’il est émergent — par exemple par la fission d’un domaine ou la fusion de deux domaines antérieurs — les publications et les publics sont rares, de sorte qu’il est impossible de produire autant d’articles qu’un concurrent travaillant dans un domaine plus mûr. Tout niveler par la référence commune aux nombres de citations —, quel que soit le raffinement des mesures — manquera toujours la nature propre de chaque contribution spécifique à la science.</p>
<p>Quel que soit le sens du mot <em>mérite</em> en science, il est multidimensionnel, et donc tous les index et mesures basés sur la bibliométrie ne le prendront pas en compte parce qu’ils le transformeront en un chiffre unidimensionnel. Mais ce mérite mal défini et mal mesuré, en tant que base de toute évaluation des scientifiques et donc de l’allocation des ressources (postes, subventions, etc.), contribuera à façonner la physionomie du monde universitaire et donc à corrompre la science plus fermement que n’importe quelle idéologie.</p>
<p>Par conséquent, la revendication du mérite tel qu’il est actuellement évalué n’est pas un étalon-or pour la science. Au contraire, ce « mérite » est déjà connu pour renforcer une approche délétère de la production de connaissances qui implique de nombreuses conséquences négatives pour la science comme pour les chercheurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Avant l’idéologie « wokiste », qui est accusée de corrompre la valeur scientifique, c’est cette notion même de « valeur » qui pourrait être une menace pour la science.
Philippe Huneman, Directeur de recherche CNRS, Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
David Chavalarias, Research director, Centre d’Analyses de Mathématiques Sociales (CAMS), Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/209006
2023-08-06T15:31:47Z
2023-08-06T15:31:47Z
Le fabuleux destin de Thérèse Poulain : dans les coulisses d’une Préhistoire à la française
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537044/original/file-20230712-21-abu8rn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C7%2C4905%2C3268&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Thérèse Poulain à son domicile.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gwendoline Torterat </span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Les ossements sur lesquels maman travaillait étaient étalés partout dans la maison. Quand je rentrais de l’école, je me mettais sur ses genoux et je les triais avec elle. » (Agnès Poulain, fille cadette de l’archéologue Thérèse Josien-Poulain)</p>
</blockquote>
<p>Disparue en 2022, <a href="https://hal.science/hal-03950706">Thérèse Josien-Poulain</a>, mère de quatre enfants et chargée de recherche au CNRS, a travaillé dès les années 1950 au développement d’un domaine scientifique jusque-là inédit pour la préhistoire française : <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb38801438w">l’archéozoologie</a>. Elle fait partie de ces femmes pionnières qui ont révolutionné la science.</p>
<p>Contrairement à la paléontologie, dont l’histoire remonte à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, les études archéozoologiques sont menées sur les sites portant les traces d’activités humaines et tiennent compte de l’ensemble des ossements d’animaux retrouvés lors des fouilles. Elles s’adossent donc à l’étude des autres vestiges afin d’accéder notamment aux comportements de subsistance vis-à-vis des ressources sauvages et domestiques. Malgré leur proportion importante sur les sites archéologiques, aucun spécialiste n’avait jusqu’alors choisi de consacrer sa carrière à des analyses poussées destinées à dépasser les déterminations anatomiques et taxinomiques en usage.</p>
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<p>C’est pourtant tout un pan des connaissances sur les populations préhistoriques, croisées à celles des relations naturelles et culturelles entre les humains et les animaux non humains qui échappaient à la science.</p>
<p>La thèse que Thérèse Josien-Poulain soutient en 1964 témoigne d’un élan précurseur vers ces questions, d’autant qu’elle intègre les périodes préhistoriques et historiques à sa recherche. Elle fut en effet la première à étudier la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb351538575">domestication des animaux sur 10 000 ans</a> et la place des premières formes d’élevage dans ce processus.</p>
<p>Et pour cela, elle s’est autant investie sur les terrains de la fouille qu’en post-fouille, c’est-à-dire à l’étape de l’identification et de l’analyse de ces vestiges. Elle a par exemple montré que le prélèvement de certains animaux chassés était différent selon leur âge ou leur état de santé. Elle a également avancé l’hypothèse d’une consommation sélective de certaines parties de l’animal.</p>
<h2>Du Musée de l’Homme à son domicile : la naissance d’un laboratoire domestique</h2>
<p>Au cours de ses études d’histoire-géographie à la Faculté des lettres de Paris, elle suit en tant qu’auditrice libre les cours de l’ethnologue et préhistorien <a href="https://hal.science/hal-01772868v1">André Leroi-Gourhan</a> (1911-1986) au Musée de l’Homme.</p>
<p>En 1951, elle s’associe aux fouilles archéologiques que ce dernier dirige à Arcy-sur-Cure (Yonne) et fait la rencontre de l’un de ses proches collaborateurs, Pierre Poulain (1921-1987), qui était aussi responsable des collections du musée d’Avallon et implanté dans la région depuis plusieurs années. Thérèse Josien épouse Pierre Poulain en 1957 et le suit la même année à Avallon, petite ville de l’Yonne éloignée de près de 200 kilomètres du musée de l’Homme où se trouvait son laboratoire, ses collègues, et les étudiants qu’elle avait commencé à former.</p>
<p>Qu’à cela ne tienne ! Thérèse Josien-Poulain décide de transformer son domicile en y installant une bibliothèque, une collection inédite d’ossements de référence ainsi que de multiples zones de stockage et plusieurs espaces de travail.</p>
<p>Ce laboratoire domestique que s’est constitué Thérèse Josien-Poulain n’est pas un cas isolé. L’historiographie souligne la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39150209g">sous-reconnaissance générale des contributions des femmes dans les sciences</a>. Ce phénomène touche autant les catégories de chercheuse, d’assistante ou de technicienne, le statut d’épouse augmentant souvent encore plus leur invisibilisation. L’espace domestique a dès lors longtemps constitué le <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb45339617v">seul lieu pour l’activité scientifique des femmes</a>, également un espace d’inventions.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mathilde-wernert-une-femme-dans-un-monde-de-prehistoriens-en-1907-201212">Mathilde Wernert : une femme dans un monde de préhistoriens… en 1907</a>
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<p>Entre les années 1950 et 2000, un volume colossal de vestiges est arrivé jusqu’au domicile familial de Thérèse Josien-Poulain. Ils proviennent en tout de plus de 600 sites archéologiques, dont 279 ont fait l’objet d’une publication (hors articles de fond).</p>
<p>Des colis d’ossements ont ainsi été envoyés par ses collègues responsables de fouilles en France et à l’étranger, qu’elle appelait ses « fournisseurs ». Avec près de 700 000 ossements répertoriés, elle a examiné sur la table de son salon l’équivalent de plus de 40 000 animaux. Quelques carcasses de boucherie ou de chasse étaient même placées dans le réfrigérateur avant que les os ne complètent la collection de référence. Elle a continué à collaborer de la même manière après sa retraite en 1994, c’est-à-dire bénévolement, pendant plus d’une dizaine d’années.</p>
<h2>Dans les coulisses d’une préhistoire « à la française », une école de pensée née dans les années 1950</h2>
<p>Malgré son isolement géographique, une implication considérable pour seconder son époux au musée, et l’éducation de ses quatre enfants (nés entre 1958 et 1966), Thérèse Josien-Poulain obtient le poste de chargée de recherche au CNRS en 1967. Si travailler de son domicile ne l’a pas empêchée d’être titularisée, il ne lui a toutefois pas été possible d’évoluer par la suite en tant que maître de recherche. Il fallait pour cela avoir la responsabilité de travaux de recherche d’étudiants, une possibilité offerte à ceux qui étaient restés proches des universités et des laboratoires. Cela étant, ses recherches ont largement contribué à la reconnaissance progressive de ce qui deviendra une discipline à part entière à partir des années 1980.</p>
<p>La reconnaissance de Thérèse Josien-Poulain comme fondatrice de l’archéozoologie est marquée par l’organisation des « Journées scientifiques d’Avallon » en 1983. Cet événement hommage fut organisé par une quinzaine de chercheurs travaillant tant sur les périodes préhistoriques qu’historiques. Ils incarnaient d’une part la première génération d’archéozoologues français formés entre autres par les paléontologues et préhistoriens François Poplin et Jean Bouchud (1913-1995). Et d’autre part, ils héritaient d’une certaine école de pensée née dans les années 1950 avec André Leroi-Gourhan : pour lui, sans l’intégration de l’étude des restes de faune, la <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32375872w">préhistoire ne serait qu’un catalogue d’outillage</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="coupure de presse" src="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537790/original/file-20230717-224833-3iwgm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Coupure de presse de l’<em>Yonne républicaine</em>, qui couvre la réunion d’Avallon. Thérèse Poulain est la troisième en partant de la droite sur la photo de gauche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gwendoline Torterat</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De façon plus générale, il voulait élargir le spectre des types de vestiges étudiés, pas uniquement osseux. Les méthodes de fouille et d’analyse des vestiges qu’il développa ont suscité l’intérêt d’autres préhistoriens qui mesuraient également l’importance de l’<a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1993_num_48_1_279117">analyse des sédiments et des pollens fossiles</a>. Ce sont plus de 1 500 personnes qui ont ainsi été formées de son vivant à ses méthodes, sur les sites d’Arcy-sur-Cure (1946-1963) et de Pincevent (1964-1986).</p>
<p>Cette école de préhistoire à laquelle Thérèse Josien-Poulain appartenait est donc née sur les chantiers de fouille et a contribué au renouveau des études de paléoenvironnements quaternaires. Néanmoins, pour André Leroi-Gourhan, cet élan d’après-guerre favorable pour la préhistoire était lié à une réflexion de fond sur l’avenir professionnel et institutionnel de la discipline. Son objectif était de <a href="https://hal.science/hal-01772868v1">remettre les travaux de la préhistoire française à un niveau scientifique qui soit digne du pays</a>. L’ambition d’un tel projet scientifique n’a ainsi pu se faire que collectivement, souvent en coulisses, ce dont les recherches pionnières de Thérèse Josien-Poulain témoignent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwendoline Torterat a reçu des financements du DIM MAP région Île-de-France.</span></em></p>
L’espace domestique a longtemps constitué le seul lieu pour l’activité des femmes scientifiques, participant à leur invisibilisation.
Gwendoline Torterat, Post-doctorante en anthropologie sociale (UMR TEMPS 8068, CNRS), Université d’Orléans
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2023-08-03T21:33:44Z
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La sinueuse histoire des remèdes aux morsures de serpent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537589/original/file-20230715-82493-nlny8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C926%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aujourd’hui, plus question d'aspirer le venin en cas de morsure de serpent.</span> <span class="attribution"><span class="source">State Library of NSW / Hood</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En Australie comme dans d’autres endroits où vivent ces reptiles, l’été est traditionnellement la saison des morsures de serpents, car à cette époque leur activité s’accroît, tout comme celle des êtres humains. Fort heureusement, le nombre de décès résultant d’une rencontre avec ces animaux est aujourd’hui remarquablement bas. Mais cela n’a pas toujours été le cas.</p>
<p>Bien que les statistiques de la période coloniale soient très peu fiables, il semblerait qu’en Australie, entre 1882 à 1892, on enregistrait chaque année aux alentours de 11 décès suite à des morsures de serpents. Depuis lors, la population du continent est passée de 2,2 millions à 24,3 millions. Pourtant, chaque année entre 2001 et 2013, en moyenne, deux victimes seulement sont décédées suite à une rencontre avec un serpent.</p>
<p>Si les améliorations des transports, des communications et des services d’ambulance ont contribué à cette diminution du nombre de morts, les progrès en matière de premiers secours et de moyens médicaux disponibles pour contrer les venins de serpent ont également joué un rôle.</p>
<h2>À l’époque coloniale, des remèdes complexes</h2>
<p>La prise en charge de John Brownn suite à une envenimation (injection de venin), durant l’année 1868, illustre bien la complexité des remèdes de l’époque coloniale, ainsi que l’énergie du désespoir qui animait ceux qui les mettaient en œuvre. Chef de gare de son état, John Brown officiait à la gare d’Elsternwick lorsque des travailleurs des chemins de fer victoriens lui ont lancé le cadavre d’un serpent brun qu’ils venaient de tuer. </p>
<p>Soit le serpent n’était pas tout à fait mort, soit Brown a effleuré ses crochets lorsqu’il a frappé le corps du reptile « dans un geste d’énervement ». Toujours est-il que le chef de gare a rapidement montré des symptômes d’envenimation : vomissements, faiblesse physique, puis paralysie suivie de coma. Sa mort semblait inévitable.</p>
<p>Le chef de gare fut transporté précipitamment à Balaclava (dans la banlieue de Melbourne). Là, le chirurgien George Arnold lui posa un garrot sur le bras avant de découper le site de la morsure, espérant ainsi éliminer le venin. Il versa ensuite de l’ammoniac (un produit chimique dangereux, utilisé aujourd’hui pour le nettoyage) sur la plaie afin de neutraliser tout venin restant, puis encouragea Brown à boire 175 ml de cognac pour stimuler sa circulation sanguine.</p>
<p>Le médecin agita aussi des sels sous son nez, puis appliqua en cataplasme une sorte de pommade pâteuse à base de moutarde, sur ses mains, ses pieds et son abdomen, afin de soulager la congestion interne. Des chocs électriques furent aussi administrés au malheureux chef de gare pour le stimuler, tandis que, chancelant et semi-conscient, il était promené de long en large afin qu’il reste éveillé – et en vie. Malgré tous ces efforts, son état continua de se détériorer.</p>
<p>Arnold fit alors venir en urgence le seul professeur de médecine de la colonie, <a href="http://adb.anu.edu.au/biography/halford-george-britton-3693">George Halford, de l’Université de Melbourne</a>. Celui-ci accepta à contrecœur d’utiliser sur Brown son nouveau remède contre les morsures de serpent. Il ouvrit une veine du bras du chef de gare et lui injecta de l’ammoniac directement dans le sang. Ce dernier reprit rapidement connaissance, ce qui amena un autre médecin à affirmer que « l’injection d’ammoniac avait sauvé la vie de l’homme » (un conseil : ne tentez pas cela chez vous).</p>
<h2>Nommez votre poison</h2>
<p>Si bon nombre des interventions de 1868 nous semblent aujourd’hui étranges, voire dangereuses, prises dans leur contexte historique, elles avaient néanmoins un sens. Le traitement administré à John Brown suivait en effet un schéma bien connu, appliqué en Australie des années 1800 aux années 1960. Il faut savoir que jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, les traitements mis en œuvre pour lutter contre les morsures de serpent alternaient entre trois approches fondamentales.</p>
<p>La plupart des colons européens, ainsi que les membres de nombreuses cultures autochtones, considéraient le venin comme un « poison » externe se déplaçant à travers le corps. C’est ce qui explique que des mesures « physiques » telles que le garrot ou la succion étaient courantes : elles visaient à expulser le venin ou limiter sa circulation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/154020/original/image-20170124-8067-n1jkov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1144&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les personnes qui étudiaient les morsures de serpent n’hésitaient pas à recourir à l’auto-expérimentation, quitte à se mettre en danger.</span>
<span class="attribution"><span class="source">State Library of NSW</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une deuxième catégorie de remèdes, allant des cataplasmes de moutarde aux injections d’ammoniac, cherchait à s’opposer aux effets néfastes du venin dans le corps, à le contrer, souvent en stimulant la fonction cardiaque et la circulation sanguine.</p>
<p>Enfin, la troisième approche consistait à neutraliser directement le venin lui-même, par exemple en versant de l’ammoniac sur la morsure.</p>
<p>Jusqu’aux années 1850, les mesures physiques ont dominé. Puis, durant les 50 années suivantes, ce fut l’apogée des traitements d’opposition. Lorsque l’ammoniac intraveineux de Halford tomba en disgrâce (car il semblait ne pas fonctionner), il fut remplacé, dans les années 1890, par des injections d’un autre poison notoire : la strychnine. Initialement plus populaire que l’ammoniac, ce poison végétal hautement toxique a fini par être accusé d’avoir tué plus de patients qu’il n’en aurait sauvés.</p>
<p>Au final, le remède colonial le plus populaire, tant auprès des praticiens que des patients, était de boire d’abondantes quantités d’alcool, en particulier du cognac…</p>
<p>La troisième approche, la neutralisation directe du venin, était à la base à la fois de « remèdes » populaires très prisés en Australie et d’une nouvelle technologie, « l’antivenin », développée dans les années 1890.</p>
<h2>La lente émergence des antivenins</h2>
<p>Aujourd’hui, les antivenins sont généralement créés en injectant du venin à des chevaux, ce qui provoque chez eux une réponse immunitaire. Les anticorps qu’elle induit sont ensuite purifiés à partir du sang des animaux, pour être ultérieurement injectés aux patients mordus par les serpents produisant ce venin. </p>
<p>(<em>le premier antivenin a été mis au point <a href="https://www.revuebiologiemedicale.fr/images/Biologie_et_histoire/349_BIO_HIST_CALMETTE.pdf#page=4">en 1893 par le médecin et bactériologiste français Albert Calmette</a>, ndlr</em>)</p>
<p>En Australie, la gestation des antivenins a été lente. Le premier d’entre eux, ciblant le venin de serpent noir, a été développé en 1897. En 1902, un antivenin expérimental contre le serpent tigre a été élaboré. Mais les antivenins sont des produits difficiles à produire, à distribuer et à stocker. Ils se sont également révélés difficiles à administrer, provoquant parfois des réactions allergiques graves et potentiellement mortelles (chocs anaphylactiques). </p>
<p>En conséquence, ce n’est qu’en 1930 que <a href="https://discovery.wehi.edu.au/timeline/snakebite-antivenom">l’antivenin contre le serpent tigre</a> a été commercialisé sur le marché australien. D’autres injections ont ensuite suivi, ciblant un plus large éventail d’espèces de serpents. Mais l’antivenin « polyvalent », efficace contre plusieurs sortes de venins, n’a émergé qu’à partir du milieu des années 1950.</p>
<p>Dans le même temps, d’autres mesures de premiers secours étaient encore administrées, tels que la pose de garrots ou l’application sur la morsure de cristaux de Condy dans l’espoir d’inactiver le venin (du permanganate de potassium, utilisé pour nettoyer les plaies).</p>
<h2>Deux sempiternelles questions</h2>
<p>La prise en charge des morsures de serpent ne s’est stabilisée sous sa forme actuelle qu’à partir des années 1980. Deux développements clés ont joué un rôle : la mise au point de tests rapides permettant d’identifier le venin injecté, et le développement d’une nouvelle stratégie de premiers secours.</p>
<p>Le scientifique <a href="https://www.mja.com.au/journal/2002/177/3/struan-keith-sutherlandao-mb-bs-md-dsc-fracp-frcpa">Struan Sutherland</a> a été un pionnier de la « technique d’immobilisation sous pression ». Afin de ralentir la propagation du venin, il recommande d’enrouler étroitement un bandage autour de la région mordue, d’ajouter une attelle et de minimiser les mouvements.</p>
<p>Éviter de laver ou d’inciser le site de la morsure laisse par ailleurs la possibilité de récupérer ultérieurement un échantillon de venin, ce qui en facilite l’identification et permet de choisir l’antivenin le plus approprié.</p>
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<p>Les méthodes de prise en charge contemporaines sont cependant encore en cours d’évaluation. Les venins et les traitements mobilisés actuellement continuent en effet à poser divers défis aux cliniciens, notamment en raison des réactions graves qu’ils peuvent provoquer et des dommages à long terme qui peuvent résulter d’une envenimation.</p>
<p>Aujourd’hui comme en 1868, deux questions demeurent cruciales après une morsure de serpent : était-ce réellement un serpent dont le venin est mortel, et si tel est le cas, l’animal en a-t-il injecté suffisamment pour tuer ?</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour en savoir plus :</em></strong></p>
<ul>
<li>Les recommandations sur la <a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/urgence/morsures-griffures-piqures/morsure-serpent">conduite à tenir en cas de morsure de serpent</a> sur le site de l’Assurance Maladie.</li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/209842/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Peter Hobbins a reçu un Australian Postgraduate Award afin entreprendre son doctorat sur le sujet des morsures de serpent dans l'Australie coloniale. Il est le Merewether Fellow 2016 à la State Library of New South Wales (ce qui implique des recherches sur un sujet similaire).</span></em></p>
Les traitements des morsures de serpent ont beaucoup évolué depuis deux siècles. Si les plus anciens nous semblent étranges aujourd’hui, ils avaient un sens dans le contexte historique de l’époque.
Peter Hobbins, Head of Knowledge, Australian National Maritime Museum and Honorary Affiliate, University of Sydney
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2023-07-25T17:53:12Z
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Inverser la mort : l’étrange histoire de la réanimation
<p>La plupart d’entre nous savent probablement – plus ou moins – comment réanimer l’un de nos semblables. Même si vous n’avez pas suivi de cours de <a href="http://www.cfrc.fr/">réanimation cardio-pulmonaire (RCP)</a>, vous avez probablement vu la technique de nombreuses fois à la télévision ou au cinéma.</p>
<p>Les premiers moments de l’histoire de la réanimation étaient, à bien des égards, dramatiques. Ainsi, le 1<sup>er</sup> juin 1782, un journal de Philadelphie rapportait la dernière prouesse en matière de réanimation : un enfant de cinq ans avait été ramené à la vie après s’être noyé dans la rivière Delaware.</p>
<p>Le petit Rowland Oliver jouait sur l’un des quais animés qui avaient été construits lorsque l’industrialisation s’était propagée sur les rives du Delaware lorsqu’il est tombé à l’eau. Il a lutté pendant 10 minutes, puis s’est retrouvé inerte. Un ouvrier l’a sorti de l’eau et l’a ramené chez lui.</p>
<p>Bien que l'enfant ait été rendu visiblement sans vie à sa famille, le journal rapportait que ses parents se sont aperçus qu’il était seulement « mort en apparence ». Cela les a galvanisés, et ils sont passés à l’action. Ils « lui ont immédiatement enlevé tous ses vêtements, l’ont giflé » et « l’ont frotté avec des chiffons de laine trempés dans de l’alcool ».</p>
<p>Le médecin, arrivé peu après, a fait la même chose. Ils ont également plongé les pieds du petit Rowland dans de l’eau chaude et lui ont administré un agent émétique (vomitif) par voie orale. Après environ 20 minutes, la vie est revenue dans le corps du petit garçon. Une petite saignée a été pratiquée, pour atténuer d’éventuels effets secondaires, et le jeune Rowland a vite retrouvé sa vivacité habituelle.</p>
<h2>Sociétés humanitaires</h2>
<p>Ce récit n’était qu’une illustration parmi d’autres des nombreuses histoires de réanimations réussies diffusées dans les journaux par les <a href="https://www.rcpe.ac.uk/sites/default/files/jrcpe_49_2_mccabe.pdf">sociétés humanitaires</a> nouvellement créées à cette époque.</p>
<p><a href="https://royalhumanesociety.org.uk/the-society-history-and-archives/history/">Ces sociétés</a> ont émergé au milieu du XVIII<sup>e</sup> siècle à Amsterdam, ville notoirement connue pour ses canaux… dans lesquels un nombre croissant de personnes se noyaient. Leur but était d’éduquer le public sur le fait que la mort – du moins par noyade – n’était pas forcément absolue, et que les passants avaient le pouvoir d’empêcher les noyés apparemment morts de rejoindre réellement l’au-delà.</p>
<p>À Philadelphie, la résurrection du petit Rowland a rendu ces idées crédibles, et a inspiré la société humanitaire locale : celle-ci a installé le long des rivières de la ville des kits contenant des médicaments, des outils et des instructions pour ranimer les noyés.</p>
<p>Les méthodes ont évolué au fil du temps, mais jusqu’au XIX<sup>e</sup> siècle, les efforts de réanimation consistaient essentiellement à stimuler le corps pour le remettre en mouvement mécaniquement parlant. Les sociétés humanitaires recommandaient souvent de réchauffer la victime de la noyade et de pratiquer une respiration artificielle. Quelle que soit la méthode, le plus important était de redémarrer la machine corporelle.</p>
<p>La stimulation externe – les frottements et les massages pratiqués par les parents du jeune Rowland – était essentielle. De même, la stimulation interne, généralement par l’introduction de rhum ou d’une autre concoction stimulante dans l’estomac, était courante. Mais une autre méthode destinée à exciter l’intérieur du corps était plus étonnante : les sociétés humanitaires proposaient en effet de procéder à une <a href="https://www.resuscitationjournal.com/article/S0300-9572(19)30500-3/fulltext">« fumigation au tabac »</a> du côlon des victimes de noyade. Oui, vous avez bien lu : les efforts de réanimation exigeaient de souffler de la fumée de tabac dans l’anus d’un noyé apparemment morte.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme noyée est réanimée par un lavement à la fumée de tabac" src="https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430009/original/file-20211103-21-3hjyf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration : une femme noyée est réanimée par un lavement à la fumée de tabac.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wellcome Collection</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au XX<sup>e</sup> siècle, d’autres dangers ont émergé, eux aussi potentiellement mortels. Tout comme les noyades se sont multipliées au XVIII<sup>e</sup> siècle, en raison de l’utilisation accrue des voies navigables résultant de l’industrialisation, l’avènement de l’électricité généralisée – et des lignes électriques – ainsi que des automobiles notamment, ont ajouté l’électrocution et l’intoxication au gaz aux causes de mort possibles…</p>
<h2>Un nouveau lieu de stimulation</h2>
<p>Les méthodes de réanimation ont également évolué, les efforts se concentrant de plus sur la stimulation du cœur. Pour cela, il arrivait de manipuler un corps apparemment mort afin de le disposer dans différentes positions. Les compressions thoraciques et les techniques de respiration artificielle sont aussi devenues de plus en plus courantes.</p>
<p>Mais ces modifications de techniques n’ont pas enlevé à la réanimation son caractère « démocratique » : elle pouvait être pratiquée par quasiment n’importe qui. Ses applications restaient cependant spécifiques à certaines circonstances. En effet, la mort apparente ne pouvait résulter que d’un nombre limité de situations…</p>
<p>Les choses ont changé au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. À cette époque, la réanimation a commencé à acquérir une réputation de traitement miraculeux, utilisable pour toutes sortes de « morts ». Les personnes capables de prodiguer ces traitements sont devenues plus spécialisées, et la réanimation s’est bientôt limitée aux professionnels médicaux ou intervenants d’urgence. De nombreuses raisons expliquent ce changement, mais une en particulier a joué un rôle crucial dans cette mutation : la reconnaissance du fait que les accidents chirurgicaux causaient eux aussi des morts apparentes.</p>
<p>Lorsque le chirurgien américain <a href="https://www.researchgate.net/publication/271915780_Never_a_Simple_Choice_Claude_S_Beck_and_the_Definitional_Surplus_in_Decision-Making_About_CPR">Claude Beck</a> parlait de ses propres tentatives de refonte de la réanimation, au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, il évoquait souvent ce qu’était cette discipline lorsqu’il était encore en formation, à la fin des années 1910.</p>
<p>À l’époque, se souvenait-il, si le cœur d’un patient s’arrêtait sur la table d’opération, les chirurgiens ne pouvaient rien faire d’autre que d’appeler les pompiers et d’attendre qu’ils apportent un « pulmotor », le précurseur des respirateurs artificiels que nous connaissons aujourd’hui. Comme si tout le monde pouvait pratiquer la réanimation, sauf les professionnels médicaux…</p>
<p>Trouvant cela inacceptable, Beck s’est lancé à la recherche d’une méthode de réanimation adaptée aux dangers particuliers de la chirurgie.</p>
<p>Les nouvelles techniques que Beck, et d’autres chirurgiens avec lui, ont expérimentées alors reposaient toujours sur la stimulation. Mais elles s’appuyaient quelque chose dont les chirurgiens bénéficiaient plus ou moins exclusivement : l’accès à l’intérieur du corps. L’une de ces nouvelles méthodes consistait à appliquer de l’électricité directement sur le cœur (défibrillation). Une autre consistait à plonger la main dans la poitrine du patient, et à masser manuellement son cœur en était une autre.</p>
<p>Beck considérait ses premiers succès au bloc opératoire comme une promesse que ses techniques pourraient voir leur efficacité encore étendue. En conséquence, il a élargi sa définition de ce qu’était un patient ranimable. Il a ajouté à la catégorie relativement restreinte des personnes « apparemment mortes » toutes celles qui n’étaient pas « absolument et indiscutablement mortes ».</p>
<p>Beck a réalisé plusieurs films témoignant de ses succès. L’un d’eux, <em>The Choir of the Dead</em> (« Le chœur des morts »), montrait les 11 premières personnes que Beck était parvenu à réanimer se tenant debout, maladroitement côte à côte, tandis qu’il leur demandait tour à tour, sur un ton étonnamment jovial : « De quoi êtes-vous mort ? »</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1375084086256091136"}"></div></p>
<p>« Le chirurgien Claude Beck posant aux côtés de ses patients ressuscités »</p>
<p>Les techniques mises en place dans les espaces médicaux découlaient directement de la réanimation pratiquée ailleurs, elles en constituaient une extension, en quelque sorte. Il est cependant rapidement devenu évident que ces méthodes médicales, privilégiant l’accès à l’intérieur du corps, ne pourraient pas être facilement démocratisables.</p>
<p>Cela ne signifie pas que Beck n’a pas essayé de faire en sorte qu’elles sortent du cercle médical. Il imaginait même un monde où ceux qui étaient formés à ses méthodes transporteraient un scalpel de chirurgien sur eux, toujours prêts à ouvrir une poitrine pour masser un cœur et le faire repartir…</p>
<p>Mais la communauté médicale s’est révoltée, vent debout contre cette idée. Elle était non seulement inquiète de voir émerger des « civils-chirurgiens », mais aussi soucieuse de maintenir son monopole professionnel sur l’intérieur du corps.</p>
<p>Ce n’est qu’avec l’avènement, plusieurs années plus tard, de la méthode, moins choquante, de compression thoracique que l’imprimatur démocratique de la réanimation a été rétabli.</p>
<p>La vision de Beck selon laquelle la mort est généralement réversible a persisté. Elle a atteint son apogée en 1960, lorsque des études médicales déclarèrent que le taux de survie de la réanimation s’établissait à <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/328956">« plus de 70 % »</a>. Des études ultérieures <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/656324">ont corrigé cette conclusion trop optimiste</a>, mais la réputation de la réanimation en tant que traitement largement applicable et extrêmement efficace était déjà établie. Et il semblerait <a href="https://www.bmj.com/company/newsroom/patients-overestimate-the-success-of-cpr/">qu’elle persiste encore aujourd’hui, si l’on en croit des rapports récents</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209843/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caitjan Gainty dirige le projet Healthy Scepticism financé par le Wellcome Trust.</span></em></p>
La réanimation a heureusement beaucoup évolué depuis les premières tentatives à base de lavements à la fumée de tabac.
Caitjan Gainty, Senior Lecturer in the History of Science, Technology and Medicine, King's College London
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205538
2023-05-15T18:02:47Z
2023-05-15T18:02:47Z
Des canicules au froid glacial, comment corps et cerveau s’allient pour percevoir la température
<p>Lorsque mon fils de quatre ans semble épuisé et que ses yeux brillent, je pose instinctivement ma main sur son front. Ce simple geste me permet de déterminer en quelques secondes non seulement s’il a de la fièvre, mais aussi, avec une précision surprenante, si elle est forte ou peu importante. Je trouve fascinant que la simple sensation thermique sur main me fournisse des informations aussi précises sur son état de santé.</p>
<p>Nous utilisons constamment les informations thermiques dans notre vie quotidienne. La chaleur brûlante quand on ouvre le four chaud, le plaisir de tenir les mains de nos proches, la fraîcheur d’une glace et le vent glacial un matin d’hiver sont autant de sensations qui nous permettent d’expérimenter pleinement l’environnement qui nous entoure. Cette sensibilité fine à la température est essentielle aux êtres vivants : elle nous aide à explorer l’environnement qui nous entoure, à maintenir l’homéostasie (le processus par lequel le corps se régule et reste dans un état interne stable) et à assurer notre survie, car <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cphy.c150040">nos sensations thermiques peuvent déclencher ou en ajuster des comportements spécifiques</a>.</p>
<p>Nous avons <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-05705-5">récemment montré</a> qu’il existe bien une zone du cerveau qui intègre les informations que notre corps envoie sur la température, le « cortex thermique » – une étude publiée dans <em>Nature</em>. Contrairement à celles dédiées aux autres sens, cette région était restée difficile à identifier jusqu’à présent.</p>
<h2>De Descartes au Nobel : ce que nous savions jusqu’à présent sur la perception de la température</h2>
<p>Notre perception du monde se forme en intégrant des stimuli provenant de nos organes sensoriels. Depuis longtemps, une énigme pour les neuroscientifiques est de comprendre comment ces stimuli sont intégrés par le cerveau, et notamment la perception de la température.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma historique de connexion entre pied et cerveau" src="https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525890/original/file-20230512-27-o251am.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=860&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Pour Descartes, il y a une connexion entre la peau et le cerveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louis La Forge, d’après les descriptions dans « L’homme », de Descartes</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au XVII<sup>e</sup> siècle, le philosophe René Descartes a proposé le concept d’une connexion anatomique spécifique entre la peau et le cerveau, suggérant que lorsqu’un pied s’approche <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Homme_(Descartes)">d’une flamme, un signal spécifique est envoyé au cerveau</a>. Deux siècles plus tard, en 1882, Magnus Blix a démontré que notre peau contient des «points» spécialisés, qui sont sensibles à la température et peuvent être activés sélectivement par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magnus_Blix">froid ou le chaud</a>. Ces points sont anatomiquement et fonctionnellement distincts de ceux qui sont impliqués dans la perception du toucher.</p>
<p>Des travaux scientifiques récents réalisés au cours des 30 dernières années ont révélé les composants moléculaires de ces « points » sensibles à la température, où des protéines hautement spécialisées réagissent à des changements de la température environnementale, même subtils. Les découvertes dans ce domaine ont notamment permis à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/medicine/2021/julius/facts/">David Julius de recevoir le prix Nobel de physiologie ou de médecine en 2021</a>.</p>
<p>Même si nous comprenons à présent comment notre peau détecte les changements de température, nous ne savons toujours pas exactement comment notre cerveau intègre ces informations pour créer notre expérience de la température (ce que l’on appelle « percept »). Dans le cerveau, la formation d’un percept sensoriel se produit généralement dans sa couche externe repliée, le cortex ; mais tandis que nous savons bien quelles zones du cortex encodent la vision, le toucher, le goût et l’audition, les régions corticales dédiées à la perception de la température restaient jusqu’à présent largement inconnues. L’existence même d’un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959438818300060?via%3Dihub">« cortex thermique » capable d’encoder à la fois le chaud et le froid a fait l’objet d’un débat</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma du cerveau avec des zones mises en lumière" src="https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525924/original/file-20230512-19-4e1v43.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les différentes parties du cerveau discutées dans le texte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mario Carta</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Comment avons-nous découvert qu’une région du cerveau des mammifères est spécialisée dans la détection de la température ?</h2>
<p>Dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-05705-5">notre quête pour comprendre comment le cerveau des mammifères traite les températures non douloureuses</a>, nous nous sommes tournés vers la patte avant de la souris comme système modèle. Ce choix s’explique par le fait que les souris ont une sensibilité à la température similaire à celle de l’homme, car elles et nous sommes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0896627320301860">capable de détecter des changements aussi minimes que 0,5 °C</a>. Les souris présentent en outre des avantages uniques pour la recherche en neurosciences, car elles peuvent être génétiquement modifiées pour exprimer des protéines spécifiques qui nous permettent de visualiser et de manipuler les fonctions cérébrales.</p>
<p>Pour visualiser la façon dont la température est traitée dans le cortex, nous avons utilisé des souris qui exprimaient un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/GCaMP">indicateur spécifique d’activité dans leurs neurones corticaux</a>. Cette protéine-indicateur modifie son niveau de fluorescence en fonction de l’activité neuronale, ce qui nous permet d’observer les réponses liées à la température. Par exemple, il émet plus ou moins de lumière lorsque le neurone cortical est activé suite à l’arrivée de signaux sensoriels.</p>
<p>En combinant cet indicateur avec des techniques de microscopie avancée, nous avons pu étudier le traitement sensoriel dans les cerveaux intacts et fonctionnels de souris éveillées, et obtenir des informations précieuses sur les mécanismes neuronaux qui sous-tendent la perception de la température.</p>
<p>Nous nous attendions à observer l’encodage des températures chaudes dans une région particulière du cortex, le « cortex somatosensoriel primaire », car des <a href="https://www.nature.com/articles/nn.3828">recherches antérieures</a> ont montré que celui-ci réagit à un bref refroidissement de la peau de la patte avant</p>
<p>Mais en utilisant notre technique d’imagerie à grande échelle, nous avons découvert que le cortex somatosensoriel primaire ne réagissait pas au réchauffement. En cherchant plus loin, nous avons trouvé des neurones réagissant à la fois au refroidissement et au réchauffement dans une région située sur le côté du cerveau.</p>
<p>Cette région, appelée « cortex insulaire postérieur », semble être l’insaisissable « cortex thermique » que les scientifiques recherchaient.</p>
<h2>Les sensations de froid et de chaud ne sont pas codées de la même manière</h2>
<p>Nous avons ensuite utilisé un microscope plus sophistiqué et à plus haute résolution (appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microscopie_par_excitation_%C3%A0_deux_photons">microscope à deux photons</a>) pour examiner la réponse thermique des neurones individuels dans cette région du cerveau. Nos résultats révèlent que certains neurones réagissent au refroidissement, d’autres au réchauffement, et enfin qu’il y a aussi de nombreux neurones qui réagissent à la fois au refroidissement et au réchauffement.</p>
<p>Nous avons remarqué que les neurones chauds et froids s’activent de façons très différentes : les froids s’activent plus rapidement et s’éteignent plus tôt que les chauds. Ces résultats suggèrent qu’il pourrait y avoir des voies distinctes pour la perception des températures froides et chaudes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma et photo de microscopie" src="https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525929/original/file-20230512-23-clw0xu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À gauche, les neurones du cortex insulaire postérieur, observés par microscopie à deux photons ; à droite, la réponse neuronale moyenne au froid (bleu) ou à la chaleur (rouge) – les intensités sont normalisées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/s41586-023-05705-5">Mario Carta, adapté de Vestergaard, Carta, Güney et Poulet, Nature, 2023</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons également observé que les neurones chauds réagissaient à la température absolue, tandis que les neurones froids réagissaient aux changements relatifs de température. Cette observation pourrait suggérer que notre système thermique est adapté pour détecter et prédire quand les températures deviennent dangereusement chaudes pour le corps, ce qui permet d’éviter les brûlures.</p>
<h2>Le cortex thermique médiateur de la perception de la température</h2>
<p>Pour prouver de manière concluante l’implication du cortex insulaire postérieur dans la perception de la température, nous avons eu recours à une approche appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optog%C3%A9n%C3%A9tique">« optogénétique »</a>. Nous avons utilisé des souris qui expriment une protéine sensible à la lumière dans le cortex, c’est-à-dire qu’en illuminant des parties spécifiques du cerveau, on peut inhiber leur activité.</p>
<p>Ces souris <a href="https://theconversation.com/ce-qui-se-passe-dans-notre-cerveau-quand-on-a-peur-203588">ont été entraînées</a> à lécher pour obtenir une récompense en eau chaque fois qu’elles ressentaient des températures froides ou chaudes. Nous avons ensuite utilisé de brèves impulsions lumineuses pour activer la protéine photosensible et désactiver temporairement le cortex insulaire postérieur tout en délivrant un stimulus thermique. Dans ce cas, la souris ne léchait plus pour recevoir une récompense en eau après le stimulus thermique. Cependant, lorsque nous avons cessé d’inhiber cette partie du cortex, la souris a de nouveau ressenti la stimulation thermique (et recommencé à lécher).</p>
<p>En conclusion, nous avons découvert une région corticale essentielle à la perception non douloureuse de la température, ce qui confirme l’hypothèse selon laquelle le cortex insulaire postérieur sert de « cortex thermique ». De plus, ces résultats permettent d’explorer les principes qui sous-tendent l’encodage de la température douloureuse et non douloureuse, ainsi que leurs liens avec le comportement et les interactions sociales, où la température peut jouer un rôle essentiel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mario Carta ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une nouvelle étude publiée dans Nature explique enfin comment nous percevons la température – et évitons de nous brûler par exemple.
Mario Carta, CRCN-CNRS, neuroscientifique, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204293
2023-04-21T12:43:25Z
2023-04-21T12:43:25Z
Dossier : Les 1 001 destins de la double hélice d’ADN
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522336/original/file-20230421-28-efi9sh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C16%2C5463%2C3399&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La double hélice d'ADN est aussi devenue une icône culturelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1528177">pxhere</a></span></figcaption></figure><p>En 1953, James Watson et Francis Crick publiaient leur <a href="https://www.nature.com/articles/171737a0">légendaire article</a> sur la structure de l’ADN, la fameuse double hélice. </p>
<p>Ces recherches ont marqué l’histoire de la biologie, et bien au-delà, l’histoire des êtres vivants, nous offrant une fenêtre sur la variété des formes de vie sur Terre et leur évolution, mais nous donnant aussi les moyens d’intervenir intentionnellement dans le code de programmation du vivant.</p>
<p>Soixante-dix ans plus tard, les applications de cette découverte ont complètement changé la société. Voici une sélection d’applications très différentes de la génétique et de la génomique, qui permet de mieux en comprendre les enjeux.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/edition-genomique-humaine-quels-espoirs-et-quelles-peurs-203215">Édition génomique humaine : quels espoirs et quelles peurs</a></h2>
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<img alt="Image en carte à gratter de Bill Sanderson, 1990" src="https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522329/original/file-20230421-881-1qhoo2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La famille de Laocoon en proie à des doubles hélices d’ADN.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/n5nyj788/images?id=ap3d2z87">Wellcome Trust Limited 1990</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Soixante-dix ans après la découverte de la structure de l’ADN, on sait modifier les génomes humains. Zooms sur trois enjeux majeurs : héritabilité, régulation, équité dans l’accès aux soins.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/decouvrir-de-nouvelles-especes-grace-a-ladn-quelles-laissent-derriere-elles-181861">Découvrir de nouvelles espèces grâce à l’ADN qu’elles laissent derrière elles</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Poissons, planctons, méduses, et autres espèces colorées, sur fond noir" src="https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522330/original/file-20230421-28-pdoiw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=529&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La biodiversité marine est toujours méconnue. Ici, des espèces d’eaux intermédiaires, qui pourraient être affectées par les activités minières dans les abysses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pnas.org/cms/10.1073/pnas.2011914117/asset/3571810c-ff7e-4751-b5b4-32680272f70e/assets/images/large/pnas.2011914117fig01.jpg">E. Goetze, K. Peijnenburg, D. Perrine, B. Takenaka, J. Kaneko, S. Haddock, J. Drazen, B. Robison, Danté Fenolio, avec l’autorisation de l’Université de Hawaii.)</a></span>
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</figure>
<p>L’ADN environnemental révèle que la biodiversité des grands fonds est bien plus importante que ce que l’on pensait, avec plus d’un tiers des espèces encore inconnues.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-fabriquer-de-ladn-et-creer-de-nouveaux-genomes-203249">Comment fabriquer de l’ADN et créer de nouveaux génomes</a></h2>
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<img alt="Double hélice en forme de 53" src="https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522333/original/file-20230421-18-1o6rtz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=404&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La double hélice d’ADN a été découverte en 1953, il y a 70 ans. Depuis, on sait fabriquer de l’ADN à partir de ses briques de base, et même créer de nouveaux génomes (de petites tailles, mais quand même).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/hg3eqrjd">Peter Artymiuk, Wellcome Trust Images</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis la découverte de la double hélice, on a appris à lire, modifier et écrire l’ADN – jusqu’à créer des génomes nouveaux.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-fonctionnent-les-vaccins-a-arn-et-a-adn-125267">Comment fonctionnent les vaccins à ARN et à ADN ?</a></h2>
<p>Le laboratoire Pfizer a mis au point un vaccin contre le coronavirus SARS-CoV-2, qui a été le premier a être administré dans plusieurs pays dont la France. Retour sur son principe de fonctionnement.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/ladn-sera-t-il-lavenir-du-stockage-de-donnees-159387">L’ADN sera-t-il l’avenir du stockage de données ?</a></h2>
<p>Peut-on se servir de la double hélice d’ADN pour stocker la quantité croissante de données que nous générons ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Depuis la découverte de la structure de l’ADN, de nombreuses applications ont vu le jour. Une sélection des articles de la rédaction.
Elsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203249
2023-04-19T16:55:59Z
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Comment fabriquer de l’ADN et créer de nouveaux génomes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520565/original/file-20230412-14-9ewiq4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1452%2C798&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La double hélice d'ADN a été découverte en 1953, il y a 70 ans. Qu'en a-t-on tiré depuis?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://wellcomecollection.org/works/hg3eqrjd">Peter Artymiuk, Wellcome Trust Images</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Il y a 70 ans, le 25 avril 1953, trois articles publiés dans la revue <em>Nature</em> ont changé notre vision du monde. La <a href="https://www.nature.com/articles/171737a0">découverte de la structure de la molécule origine de l’hérédité</a>, l’ADN en double hélice, représente l’une des plus grandes découvertes en biologie du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>L’organisation de la molécule siège de la vie est somme toute assez simple : l’ADN est constitué d’unités répétitives, les nucléotides, qui forment une <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/professional/multimedia/figure/structure-de-ladn">chaîne chimique</a>. Un <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/ue1-ue2_auto/Bases_Biologie_Moleculaire_v2/co/_gc_briques_elementaires.html">nucléotide</a> est une molécule issue de la combinaison de trois composants chimiques : une base azotée, un sucre et de l’acide phosphorique. Quatre types de bases azotées déterminent quatre types de nucléotides, qui se combinent à l’infini dans l’ADN et sont à la base de la diversité du vivant (A : adénosine ; T : thymine ; G : guanine ; C : cytosine). Enfin, dans l’ADN, chaque nucléotide est lié à ses deux voisins par une liaison chimique dite « phosphodiester ». Dans le vivant, ce sont des enzymes, catalyseurs des réactions biochimiques, qui réalisent ces liaisons chimiques.</p>
<p><a href="https://www.senat.fr/rap/r11-378-1/r11-378-115.html">Depuis que cette structure a été élucidée</a>, les humains ont appris à lire l’ADN, de plus en plus vite et des brins de plus en plus longs. Parallèlement, nous avons trouvé comment fabriquer (synthétiser) de l’ADN à partir de bases azotées (1972) – ce qui nous permet aujourd’hui d’aller jusqu’à inventer des ADN comme un écrivain invente un livre à partir de l’alphabet (en respectant quelques règles de grammaire tout de même). Nous savons également « amplifier » de l’ADN (1983), c’est-à-dire cibler une région bien déterminée sur l’ADN et la recopier en milliers d’exemplaires, notamment avec la désormais bien connue PCR. Et bien sûr, nous savons éditer le génome (à partir de 1973 grâce à l’« ADN recombinant », où on combine différents morceaux d’ADN), c’est-à-dire le modifier localement pour en modifier ses fonctions – la technique d’édition du génome la plus connue est désormais celle des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, né en 2012.</p>
<p>Ainsi, depuis 70 ans, l’amélioration des techniques de lecture de l’ADN, puis de fabrication et d’édition, ont conduit à développer notre capacité à comprendre le vivant.</p>
<h2>Pourquoi fabriquer de l’ADN alors qu’il y en a partout dans la nature ?</h2>
<p>Les synthèses à grande échelle et à faible coût sont sources de progrès tant en recherche fondamentale qu’appliquée. Par exemple, la reconstruction de <a href="https://productions-animales.org/article/view/3383#">génomes viraux</a> (c’est-à-dire la re-création en laboratoire de génomes viraux identiques) – virus de la grippe espagnole, VIH, SARS-CoV-2 par exemple – ont permis des avancées spectaculaires, comme l’accélération de la production de vaccins ou la génération de cellules résistantes aux infections liées à ces virus (tomates résistantes aux potyvirus par exemple).</p>
<p>Désormais, nous savons même écrire et concevoir de l’information génétique en nous inspirant du génome naturel, pour le reproduire en partie sur des régions intéressantes, ou bien dans sa globalité en l’optimisant.</p>
<p>Ceci est possible grâce à des progrès technologiques récents, comme les <a href="https://www.supagro.fr/ress-tice/PCR/5/co/puces.html">« puces à ADN »</a>, microdispositifs permettant de manipuler simultanément plusieurs séquences d’ADN, ou encore les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2860119/">technologies microfluidiques</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520623/original/file-20230412-16-rygdt9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une puce à ADN avec 37500 tests (et un zoom), permettant d’analyser de grandes quantités de données.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Microarray_analysis_techniques#/media/File:Microarray2.gif">Paphrag/Wikipedia</a></span>
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</figure>
<p>Ainsi, la génomique synthétique a désormais le potentiel de créer de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">nouveaux génomes</a> et aussi des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">cellules rudimentaires</a>, à l’exemple de la bactérie JCVI-syn3.0, une bactérie de synthèse possédant le plus petit génome jamais observé chez un organisme indépendant. Issue de <em>Mycoplasma genitalium</em>, une bactérie sexuellement transmissible, cette bactérie dont le génome a été synthétisé par des scientifiques ne contient que les gènes nécessaires à la vie.</p>
<p>Nous pouvons même créer de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">nouvelles formes de vie artificielle</a> comme les <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/robotique-vie-artificielle-chercheurs-creent-premier-robot-dote-metabolisme-53648/">robots ADN</a>, capables de se déplacer et de transporter des « colis » de molécules. Cette dernière technologie est à l’étude pour amener des médicaments vers des cellules ciblées dans le corps humain, telles que les cellules cancéreuses.</p>
<h2>Faire avancer la recherche et la médecine</h2>
<p>La synthèse de génomes permet d’aborder des questions de recherche ouvertes et accélère les avancées dans un large éventail de domaines. Par exemple, il est désormais possible de construire une super cellule immunologique en programmant sa séquence d’ADN. C’est le cas des <a href="https://www.gustaveroussy.fr/fr/les-cellules-car-t">cellules CAR-T</a> (<em>chimeric antigenic receptor-T</em>), des lymphocytes T modifiés génétiquement en 2012 dans le but de détecter et d’éliminer les cellules cancéreuses. D’autres champs d’applications consistent à produire des gènes non défectueux pour la thérapie génique, ou encore à développer un génome minimal avec les gènes essentiels pour aborder les principes de base de la vie, explorer la conception du génome entier et l’ingénierie métabolique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="illustration de l’action des cellules CAR-T dans le traitement de leucémie" src="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520625/original/file-20230412-26-xhnjar.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Illustration d’un lymphocyte T modifié génétiquement (en bleu) reconnaissant et attaquant une cellule leucémique (en vert). La molécule CAR (en rouge) s’accroche à la protéine CD19 que l’on trouve à la surface des cellules leucémiques. Ceci active le lymphocyte T, qui relâche de la perforine (violet), ce qui rend la membrane cellulaire poreuse et laisse pénétrer des molécules cytotoxiques (granzymes en magenta) qui déclenchent la mort cellulaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pdb101.rcsb.org/motm/214">David Goodsell/Protein Database</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais malgré les améliorations continues des techniques de synthèse, les capacités de lecture de l’ADN restent aujourd’hui très supérieures aux capacités d’écriture (en termes de temps requis par échantillon, nombre d’échantillons étudiés en même temps, analyse des résultats et automatisation).</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190082/msc190082.html">synthèse de l’ADN</a> figure parmi les étapes les plus contraignantes de l’étude du vivant, limitée par les taux d’erreur (qui augmentent avec la taille de l’ADN à synthétiser) et les difficultés d’assemblage des fragments pour la synthèse de génomes complets.</p>
<h2>Comment a-t-on appris à synthétiser de l’ADN</h2>
<p>Suite à la découverte de la structure chimique de l’ADN, les chercheurs se sont intéressés à synthétiser de l’ADN au laboratoire : il s’agit de préparer les nucléotides à partir de leurs ingrédients, puis de les assembler.</p>
<p>La génomique synthétique est née avec le premier « dinucléotide » synthétisé au laboratoire en 1955. Ensuite, en 1963, <a href="https://theconversation.com/har-gobind-khorana-the-chemist-who-cracked-dnas-code-and-made-the-first-artificial-gene-was-born-into-poverty-100-years-ago-in-an-indian-village-178390">H. Gobind Khorana</a> et son équipe ont synthétisé un ADN bicaténaire beaucoup plus long de 77 « paires de bases » (les bases azotées vont par deux : une sur chaque brin de la double hélice).</p>
<p>Les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fbioe.2019.00086/full">techniques de synthèse</a> se sont progressivement améliorées dans les décennies qui ont suivi, mais sont restées limitées en termes de longueur de chaîne, de qualité et de rendement, en raison de réactions instables qui généraient des séquences ramifiées, tronquées ou mutées, c’est-à-dire des molécules non conformes à la structure en double hélice, qui assure que l’ADN est fonctionnel.</p>
<p>Au début des années 80, un étudiant de Khorana, Marvin Caruthers, a introduit des réactifs plus efficaces, les phosphoramidites, et a ainsi révolutionné la synthèse de l’ADN. Cette synthèse comprend quatre étapes et aboutit à l’addition d’un seul nucléotide au brin d’ADN, qui croît en étant fixé à un support solide (du verre ou du polystyrène par exemple). Cette méthode a été encore améliorée grâce à différents supports, puis automatisée, ce qui a permis de réduire le temps de synthèse.</p>
<h2>Comment fabrique-t-on aujourd’hui de l’ADN ?</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses versions modifiées des <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-22945-z">phosphoramidites</a> ont vu le jour, avec des propriétés optimisées pour des synthèses d’ADN spécifiques.</p>
<p>La chimie des phosphoramidites reste la méthode de référence pour la fabrication d’ADN, utilisée dans l’industrie depuis près de 40 ans avec une efficacité aujourd’hui supérieure à 99 % et une rapidité de synthèse de quelques minutes. Sa simplicité et sa haute efficacité permettent de synthétiser de grandes longueurs de séquences, jusqu’à 200 paires de bases, dont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/anie.201708741">l’assemblage aboutit à la construction d’ADN encore plus grands</a>, pour produire des gènes simples jusqu’à des génomes synthétiques entiers, tel que le génome de la levure de boulanger, <em>Saccharomyces cerevisiae</em>.</p>
<p>Si la chimie des phosphoramidites résiste à l’épreuve du temps, elle a des limites techniques. Par exemple, des erreurs peuvent se produire lors de synthèses successives résultant de réactions secondaires, comme des couplages incomplets, quand la liaison entre nucléotides complémentaires ne se produit pas, ou des incorporations erronées, par exemple un G au lieu d’un A.</p>
<h2>Fabriquer de l’ADN, demain</h2>
<p>Nous devons être conscients que les capacités de synthèse de l’ADN disponibles aujourd’hui ont pris beaucoup de retard par rapport aux progrès réalisés dans le domaine du séquençage de l’ADN. Les technologies actuelles de fabrication de l’ADN ne sont pas suffisamment mûres pour permettre l’ingénierie pratique et économique de génomes de grande taille.</p>
<p>Des efforts interdisciplinaires continus sont déployés pour utiliser de nouvelles chimies et stratégies pour synthétiser de l’ADN et assembler des gènes. De nouvelles stratégies inspirées des systèmes biologiques émergent mais pour l’instant, aucune technologie ne permet d’accéder à des séquences aussi grandes que celles trouvées dans la nature.</p>
<p>Les défis techniques actuels concernent l’assemblage de régions de la chaîne d’ADN qui sont hautement répétitives ou complexes. Quand ces verrous techniques seront surmontés, avec des stratégies de synthèse plus optimales, de nouvelles perspectives s’ouvriront pour résoudre les défis majeurs auxquels nous sommes confrontés en matière de ressources, d’énergie, de santé et d’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203249/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amina Ben Abla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis la découverte de la double hélice, on a appris à lire, modifier et écrire l’ADN – jusqu’à créer des génomes nouveaux.
Amina Ben Abla, Enseignante Chercheure en Biologie Moléculaire, École de Biologie Industrielle (EBI)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197930
2023-01-24T19:08:53Z
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Comment les neurones créent les souvenirs
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504631/original/file-20230116-24-i5v4ml.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C792%2C425&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En couleurs, les protéines qui reçoivent les messagers chimiques voyageant entre les neurones — elle a été obtenue en associant la microscopie de fluorescence et le suivi de nombreuses molécules individuelles.</span> <span class="attribution"><span class="source">© Benjamin COMPANS /Daniel CHOQUET/IINS/CNRS Photothèque</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Quelle est donc cette guirlande, une décoration de Noël ? Une vue nocturne d’une autoroute prise par un drone ?</p>
<p>Il s’agit en fait d’une partie d’un neurone impliqué dans nos capacités de mémorisation : on voit en gris une dendrite (un des nombreux prolongements d’un neurone) et, en blanc, des synapses (les zones de communication chimique entre neurones). Les trajectoires multicolores reflètent les protéines qui, sur les synapses, accueillent les messagers chimiques en provenance d’autres neurones. On pensait jusqu’à présent que ces protéines, les « récepteurs de neurotransmetteurs », étaient immobiles à la surface des neurones. Mais ces images nous ont permis de faire une découverte fondamentale : les récepteurs bougent à la surface des neurones !</p>
<p>Ici, nous observons un neurone d’une culture de neurones d’hippocampe de rat, une <a href="https://www.neuromedia.ca/lhippocampe-son-role-dans-le-cerveau/">région cérébrale impliquée dans les phénomènes de mémoire et d’apprentissage</a>. Ce type d’image nous permet donc de mieux comprendre comment fonctionne la mémoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/notre-cerveau-peut-apprendre-a-tout-age-72207">Notre cerveau peut apprendre à tout âge</a>
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<h2>Les synapses, briques élémentaires de fonctionnement du cerveau et de la mémoire</h2>
<p>Les synapses sont formées de deux parties : la partie présynaptique, produisant et relarguant le neurotransmetteur, qui n’est pas visualisée ici ; et la partie post-synaptique contenant les récepteurs de neurotransmetteurs, et qui est visualisée ici.</p>
<p>Elles ont été <a href="https://digibug.ugr.es/handle/10481/69715">découvertes à la fin du XIXᵉ siècle</a>, ce qui a conduit à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Santiago_Ram%C3%B3n_y_Cajal">théorie neuronale</a> postulant que le cerveau est constitué de cellules individuelles – les neurones – qui communiquent entre eux au niveau de ces jonctions synaptiques.</p>
<p>Leur mode de communication, caractérisé par une libération de neurotransmetteur qui active des récepteurs concentrés dans le domaine post-synaptique, a été identifié au cours du XX<sup>e</sup> siècle par l’association des techniques d’électrophysiologie et de microscopie électronique.</p>
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<p>Une avancée fondamentale dans notre compréhension du fonctionnement du cerveau a été la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1350458/">découverte dans les années 1970</a> que l’efficacité de la transmission synaptique était « plastique » : elle n’est pas fixe et peut être modulée par les activités neuronales précédentes. De manière importante, ces changements de la transmission synaptique pouvant être stables dans le temps – de plusieurs heures à plusieurs mois.</p>
<p>Cette découverte a conduit à l’hypothèse que des briques élémentaires de mémoire pourraient être « stockées » dans les synapses sous cette forme.</p>
<blockquote>
<p>« Faisons l’hypothèse qu’une activité persistante et répétée d’une activité avec réverbération (ou trace) tend à induire un changement cellulaire persistant qui augmente sa stabilité. Quand un axone d’une cellule A est assez proche pour exciter une cellule B de manière répétée et persistante, une croissance ou des changements métaboliques prennent place dans l’une ou les deux cellules ce qui entraîne une augmentation de l’efficacité de A comme cellule stimulant B. » <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Hebb">Donald Hebb, 1949</a></p>
</blockquote>
<h2>Et pourtant ils bougent !</h2>
<p>Comment les synapses stockent-elles l’information ? Cette question fondamentale pour notre compréhension des bases cellulaires de la mémoire mobilise les neuroscientifiques depuis plus de 50 ans. Jusqu’à la fin du siècle dernier, on pensait que les mécanismes essentiels en étaient une modulation de l’efficacité de libération de transmetteurs ou des propriétés biophysiques des récepteurs.</p>
<p>Maintenant, on pense plutôt que pour que le neurone post-synaptique adapte mieux sa réponse au neurotransmetteur, il est particulièrement intéressant que les protéines réceptrices soient mobiles sur de grandes distances : <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31477899/">plusieurs laboratoires ont mis en évidence</a> au tournant du XXI<sup>e</sup> siècle que la plasticité synaptique était associée à une variation du nombre de récepteurs à la synapse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-symphonie-des-neurones-ou-les-mathematiques-du-cerveau-188942">La symphonie des neurones ou les mathématiques du cerveau</a>
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<p>Ceci contrastait avec le dogme de l’époque, qui postulait que les récepteurs de neurotransmetteurs sont solidement ancrés dans les synapses et très stables. Mais différents groupes de recherche, dont le nôtre, ont alors découvert que les récepteurs étaient en perpétuellement en mouvement à la surface du neurone, <a href="https://www.nature.com/articles/nn0301_253">diffusant librement</a> grâce à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12050666/">fluidité des membranes</a>. Les récepteurs s’accumulent aux synapses par un phénomène de capture, mais ils s’échangent en permanence entre les différents compartiments du neurone.</p>
<p>De manière fascinante, nous avons <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aay4631">également découvert</a> que ce mouvement des récepteurs est fortement modulé par l’activité neuronale, ouvrant la porte à des études liant la mobilité des récepteurs à la mémoire !</p>
<h2>Le contrôle de la mobilité des récepteurs ouvre de nouvelles fenêtres vers le contrôle de l’activité cérébrale</h2>
<p>La formation d’une mémoire est une symphonie jouée par plusieurs zones cérébrales qui se synchronisent pour permettre son encodage, sa consolidation et son rappel (qui permet de réagir de façon adaptée lorsqu’une même situation est rencontrée). De même, la plasticité synaptique est régie par plusieurs phases distinctes permettant une réaction immédiate (secondes), et son maintien à moyen terme (minutes) ou à plus long terme (jours et plus).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/saura-t-on-un-jour-effacer-les-mauvais-souvenirs-196362">Saura-t-on un jour « effacer » les mauvais souvenirs ?</a>
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<p>L’enjeu est désormais de comprendre comment ces deux phénomènes sont liés et le rôle joué par la mobilité des récepteurs. Nous avons récemment développé au laboratoire une nouvelle génération d’outils moléculaires permettant de contrôler efficacement la mobilité des récepteurs au glutamate, un neurotransmetteur majeur au sein du cerveau. En combinant des approches pharmacologiques, électrophysiologiques et comportementales, nous allons explorer le lien fondamental entre plasticité synaptique et mémoire chez la souris, et tenter de comprendre les mécanismes expliquant les désordres cognitifs associés aux maladies neurodégénératives ou neurodéveloppementales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197930/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Humeau st membre de la société des neurosciences (société savante). Il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la recherche scientifique (ANR) et de la fédération pour la recherche médicale (FRM)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Choquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Notre mémoire dépend de mouvements de protéines à la surface de nos synapses.
Daniel Choquet, Directeur de recherche au CNRS, neuroscience et imagerie, Université de Bordeaux
Yann Humeau, Docteur en neurosciences, directeur de recherche au CNRS, Université de Bordeaux
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/195831
2022-12-21T16:20:20Z
2022-12-21T16:20:20Z
Eunice Foote, la première scientifique (et suffragette) à avoir théorisé le changement climatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499015/original/file-20221205-20-22rcw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C132%2C2247%2C1554&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Troy Female Seminary où Eunice Foote a développé ses compétences scientifiques expérimentales (1800).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.loc.gov/item/rbpe.13406400/">Library of Congress</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>En 1859, le physicien irlandais John Tyndall est le premier à découvrir que des molécules de gaz comme le dioxyde de carbone, le méthane et la vapeur d’eau (que l’on appelle aujourd’hui gaz à effet de serre ou GES) <a href="https://books.google.es/books?id=ZKB3JAlswvMC">bloquent la radiation infrarouge</a>. On le considère comme le premier scientifique à avoir prédit les impacts que provoqueraient sur le climat de petits changements dans la composition atmosphérique. C’est du moins ce que l’on enseigne dans les facultés de sciences du monde entier.</p>
<p>Sans rien enlever aux recherches de Tyndall ni à celles, postérieures, du prix Nobel suédois Steven Arrhenius, auquel est <a href="https://www.bbvaopenmind.com/en/science/leading-figures/svante-arrhenius-the-man-who-foresaw-climate-change/">attribuée la découverte de l’effet de serre</a>, les chercheurs contemporains négligent le travail d’Eunice Newton Foote (1819-1888). <a href="https://www.smithsonianmag.com/science-nature/lady-scientist-helped-revolutionize-climate-science-didnt-get-credit-180961291/">Selon le récit fait par Leila McNeill dans le <em>Smithsonian</em></a>, cette scientifique réalisa ses <a href="https://www.davidmorrow.net/eunice-foote">expériences</a> en 1856, trois ans avant que Tyndall ne présente ses résultats et quarante avant qu’Arrhenius ne dévoile les siens.</p>
<p>Cette étasunienne est la première scientifique à avoir théorisé que même des hausses modérées de la concentration en dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) dans l’atmosphère pourraient engendrer un réchauffement global significatif.</p>
<p>Depuis, cette relation entre le CO<sub>2</sub> et le climat s’est convertie en l’un des principes clés de la météorologie moderne, de l’effet de serre et de la science climatique. Personne n’a pourtant reconnu que Foote avait été la première à le découvrir – en plus d’avoir été l’une des fondatrices de la <a href="https://www.history.com/topics/womens-rights/seneca-falls-convention">Convention de Seneca Falls</a>, première assemblée où ont été débattus, en 1848, les droits des femmes.</p>
<h2>Oubliée pendant plus de 150 ans</h2>
<p>Selon le <a href="https://www.smithsonianmag.com/science-nature/lady-scientist-helped-revolutionize-climate-science-didnt-get-credit-180961291/">récit</a> de McNeill, des centaines d’hommes de sciences, inventeurs et dilettantes se réunirent le matin du 23 août 1856 à Albany, dans l’État de New York, pour la 8<sup>e</sup> réunion annuelle de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS) – ces conférences rassemblaient les scientifiques étasuniens pour partager de nouvelles découvertes, discuter d’avancées dans leurs domaines respectifs et explorer de nouveaux champs de recherche. Jamais le rendez-vous n’avait attendu autant de participants que ce jour-là.</p>
<p>Aucune étude d’intérêt particulier n’y fut pourtant présentée… à l’exception notable d’un rapport, dont l’importance scientifique est passée inaperçue jusqu’à ce qu’il soit <a href="https://www.searchanddiscovery.com/pdfz/documents/2011/70092sorenson/ndx_sorenson.pdf.html">tiré de l’oubli par Raymond P. Sorenson</a> en 2010.</p>
<p>Or l’étude en question, intitulée <a href="https://books.google.co.uk/books?id=6xhFAQAAMAAJ&pg=PA382#v=onepage&q&f=false"><em>Circonstances affectant la chaleur des rayons du soleil</em></a>, était – à la surprise générale – signé par une femme, Eunice N. Foote.</p>
<p>À cette époque, les femmes n’étaient pas autorisées à présenter des rapports à la AAAS : c’est donc Joseph Henry, un professeur de la <em>Smithsonian Institution</em>, qui se chargea de présenter les travaux. Ni le document de Foote ni la présentation de Henry ne furent consignés dans les actes de la conférence. En novembre 1856, l’<a href="https://books.google.co.uk/books?id=fjtSAQAAMAAJ&pg=PA382&lpg=PA382&dq=%22Circumstances+Affecting+the+Heat+of+the+Sun%E2%80%99s+Rays%22+foote"><em>American Journal of Art and Science</em></a>, revue de l’AAAS, se contenta de publier une brève page et demie sur le sujet.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=556&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/290705/original/file-20190903-175663-9n8vl1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=698&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’article d’Eunice Newton Foote, <em>Circonstances qui affectent les rayons du soleil</em>, publié en 1857 par l’<em>American Journal of Science</em>.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le <a href="https://books.google.es/books?id=s7gWAQAAIAAJ&lpg=PR1">volume de 1857</a> de l’<em>Annual of Scientific Discovery</em>, le journaliste David A. Wells publie un résumé du travail. Au sujet de cette réunion annuelle, il écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Le professeur Henry a ensuite lu un article de Mme Eunice Foote, le faisant précéder de quelques mots dans lesquels elle disait “que la science n’appartient ni au pays ni au sexe. La sphère de la femme englobe non seulement le beau et l’utile, mais aussi le vrai.” »</p>
</blockquote>
<p>Dans l’édition de septembre 1956 de <em>Scientific American</em>, intitulée <a href="http://ebooks.library.cornell.edu.ezproxy.lib.ou.edu/cgi/t/text/pageviewer-idx?c=scia;cc=scia;rgn=full%20text;idno=scia0012-1;didno=scia0012-1;view=image;seq=9;node=scia0012-1%3A2;page=root;size=200"><em>Scientific Ladies</em></a>, une chronique fait l’éloge de Foote pour avoir traduit ses convictions en actes :</p>
<blockquote>
<p>« Certains ont non seulement conservé, mais aussi exprimé, l’idée funeste selon laquelle les femmes ne posséderaient pas la force mentale nécessaire à la recherche scientifique. […] Les expériences de Mme Foote prouvent largement la capacité des femmes à étudier n’importe quel sujet avec originalité et précision. »</p>
</blockquote>
<h2>Science faite maison</h2>
<p>L’expérience pionnière de Foote était ingénieusement « maison ». À l’aide de quatre thermomètres, de deux cylindres en verre et d’une pompe à vide, elle a isolé les gaz composant l’atmosphère et les a exposés aux rayons du soleil, aussi bien en plein soleil qu’à l’ombre.</p>
<p>En mesurant le changement de leurs températures, elle découvrit que le CO<sub>2</sub> et la vapeur d’eau absorbaient suffisamment de chaleur pour que cela affecte le climat :</p>
<blockquote>
<p>« Une atmosphère de CO<sub>2</sub> augmenterait la température de notre Terre ; et si, comme certains le supposent, à une période de son histoire, l’air s’était mélangé avec le CO<sub>2</sub> dans des proportions plus importantes qu’aujourd’hui […] il devrait nécessairement en résulter une température plus élevée. »</p>
</blockquote>
<p>À ce moment-là, Foote avait des années d’avance sur la science de son temps. Ce qu’elle décrit et théorisa n’était autre que le réchauffement graduel de l’atmosphère de la Terre, ce que l’on appelle aujourd’hui l’effet de serre.</p>
<p>Elle le fit trois ans avant John Tyndall, dont les expériences plus sophistiquées démontrèrent de manière concluante que l’effet de serre de la Terre provient de la vapeur d’eau et d’autres gaz comme le CO<sub>2</sub>, qui absorbe et émet de l’énergie infrarouge thermique. Dans <a href="https://www.jstor.org/stable/111604?seq=1#metadata_info_tab_contents">sa publication</a>, Tyndall ne mentionna pas Foote. On ignore s’il connaissait son travail ou s’il ne l’avait pas jugé pertinent.</p>
<p>Selon <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsnr.2018.0066#d3e540">Roland Jackson</a>, il est probable qu’il n’ait pas eu connaissance du travail de Foote.</p>
<blockquote>
<p>« La communication scientifique directe entre les deux côtés de l’Atlantique était rare au cours de la décennie 1850 et, comme les institutions scientifiques étasuniennes avaient assez peu de poids en Europe, les relations personnelles revêtaient une importance particulière ».</p>
</blockquote>
<p>Peu de chances qu’une scientifique étasunienne passionnée vivant dans les environs d’Albany au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle ait donc eu des liens avec de prestigieux chercheurs étrangers. Et ce en dépit de l’éducation de Foote, excentrique pour son époque. <a href="https://www.resilience.org/stories/2019-07-30/a-foote-note-on-the-hidden-history-of-climate-science-why-you-have-never-heard-of-eunice-foote/">Selon John Perlin</a>, qui a fait campagne pendant des années pour redonner à Foote une place dans l’histoire de la science :</p>
<blockquote>
<p>« Au cours de son adolescence, Foote assista au <a href="https://www.britannica.com/topic/Troy-Female-Seminary">Troy Female Seminary</a>, dont les élèves étaient invitées à assister à des conférences sur les sciences, dans une école qui devint ensuite le <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Instituto_Polit%C3%A9cnico_Rensselaer">Rensselaer Polytechnic Institute</a>, fondé par <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Amos_Eaton">Amos Eaton</a>, un ancien président condamné à perpétuité pour fraude puis libéré au bout de 4 ans afin de poursuivre son travail d’apôtre de l’éducation scientifique. »</p>
</blockquote>
<p>Eaton était convaincu que les hommes et les femmes devaient avoir le même accès à l’éducation scientifique : une idée farfelue au début du 19<sup>e</sup>. Pour atteindre son objectif, il s’appuya sur <a href="https://www.britannica.com/biography/Emma-Willard">Emma Hart Willard</a>, l’enseignante fondatrice du Troy Female Seminary, une éducatrice et activiste qui élabora le premier programme d’études scientifiques pour femmes, aussi bon voire meilleur que n’importe quel autre dédié aux hommes. Eaton conçut aussi la construction de laboratoires de chimie dans les deux institutions, qui furent les premières dans le monde construites exclusivement pour les étudiantes. C’est là qu’Eunice développa ses compétences en sciences expérimentales.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299183/original/file-20191029-183132-f00v3h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Liste de femmes et d’hommes qui signèrent la Déclaration de Sentiments lors de la première Convention des Droits de la Femme, à Seneca Falls, New York, 19 et 20 juillet 1848. Le nom d’Eunice Newton Foote figure en cinquième position dans la colonne de gauche.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.loc.gov/resource/rbcmil.scrp4006701/">Library of Congress</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour une femme comme Eunice Foote, qui était aussi une activiste du mouvement en faveur des droits des femmes, il n’a pas dû être agréable d’être évincée de la présentation de sa propre découverte. <a href="https://www.press.uillinois.edu/books/catalog/44gqy8bm9780252071737.html"><em>The Road to Seneca Falls</em></a> de Judith Wellman montre que Foote signa la <a href="http://memory.loc.gov/cgi-bin/ampage?collId=rbcmil&fileName=scrp4006701/rbcmilscrp4006701.db&recNum=0&itemLink=D?rbcmillerbib:3:./temp/%7Eammem_1vWP::">Déclaration de sentiments de Seneca Falls</a> de 1848, et fut désignée aux côtés de la fameuse activiste et abolitionniste <a href="https://es.wikipedia.org/wiki/Elizabeth_Cady_Stanton">Elizabeth Cady Stanton</a> pour éditer les actes de la Convention destinés à sa publication.</p>
<p>Comme les nombreuses autres scientifiques que l’histoire a oubliées, son destin illustre les formes de discrimination qui ont longtemps maintenu les femmes dans l’arrière-boutique de la science.</p>
<p>Le travail de Foote sur les gaz à effet de serre ne remplace pas celui de Tyndall, qui disposait d’un laboratoire parfaitement équipé et dont les découvertes dans leur ensemble ont été plus pertinentss pour la science actuelle. Mais inclure ses recherches de 1856 à l’histoire de la science climatique est aussi une façon de rappeler que le chemin pour comprendre les interactions humaines avec l’atmosphère a été le fruit d’un effort continu depuis plus d’un siècle et demi.</p>
<p>Et que c’est une femme qui a ouvert le chemin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195831/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manuel Peinado Lorca est responsable du Groupe Fédéral de Biodiversité du Partido Socialista Obrero Español (PSOE).</span></em></p>
Si John Tyndall est considéré comme un pionnier de l’étude de l’effet de serre, une Américaine oubliée par l’histoire avait quelques années d’avance sur lui.
Manuel Peinado Lorca, Catedrático de Universidad. Director del Real Jardín Botánico de la Universidad de Alcalá, Universidad de Alcalá
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196819
2022-12-20T15:58:08Z
2022-12-20T15:58:08Z
Louis Pasteur : l’empreinte toujours d’actualité d’un révolutionnaire en blouse
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501896/original/file-20221219-18-dfqqrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C27%2C1547%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louis Pasteur était un expérimentateur hors pair.</span> <span class="attribution"><span class="source">DR</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les plus grandes découvertes scientifiques n’ont pas donné lieu à des prix Nobel.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">Louis Pasteur</a>, dont on célèbre le bicentenaire de la naissance (1822-1895), est sans doute le microbiologiste le plus connu au monde et l’un de ceux dont l’impact reste le plus important. On lui doit notamment la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK24649/">théorie des germes responsables de maladies</a> et l’invention du processus de pasteurisation – qui porte son nom – pour conserver les aliments.</p>
<p>Il a également développé les vaccins <a href="https://doi.org/10.1111%2Fj.1365-2249.2012.04592.x">contre la rage</a> et la <a href="https://www.cdc.gov/anthrax/basics/anthrax-history.html">maladie du charbon</a>, et a apporté une contribution majeure à la <a href="https://www.vbivaccines.com/evlp-platform/louis-pasteur-attenuated-vaccine/#">lutte contre le choléra</a>.</p>
<p>Mais il est mort en 1895… Six ans avant l’attribution du premier <a href="https://www.nobelprize.org/">prix Nobel</a> ! Le prestigieux prix, <a href="https://www.nobelprize.org/the-nobel-prize-organisation/#">jamais attribué à titre posthume</a>, ne figurera donc jamais à son palmarès.</p>
<p>À l’heure du <a href="https://theconversation.com/Covid-19-un-hiver-imprevisible-sous-le-sceau-de-la-diversification-massive-et-inedite-domicron-192897">Covid-19</a> et où les <a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">maladies infectieuses émergentes ou réémergentes</a> représentent une menace croissante – polio, <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-cette-circulation-de-la-maladie-est-completement-nouvelle-183517">monkeypox (variole du singe)</a> ou <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">rage</a> –, il est impressionnant de se remémorer l’héritage de Pasteur. Ses efforts ont bouleversé la façon dont nous percevons les maladies infectieuses et dont nous pouvons les combattre par le biais des vaccins.</p>
<p>J’ai travaillé dans des <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/">laboratoires médicaux et de santé publique</a> en me spécialisant dans les virus et autres microbes, tout en <a href="https://www.health.txstate.edu/cls/">formant de futurs scientifiques en biologie médicale</a>. Ma carrière a débuté en virologie, alors que je travaillais à la <a href="https://scholar.google.com/citations?user=8XtvOZ8AAAAJ&hl=en">détection et la surveillance de la rage</a> – entre autres agents zoonotiques. Et, un siècle plus tard, elle repose toujours largement sur les travaux pionniers de Pasteur en microbiologie, immunologie et vaccinologie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration en noir et blanc de Pasteur au milieu de patients" src="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Louis Pasteur (à droite) supervisant l’administration de son vaccin contre la rage à l’Institut portant son nom à Paris, en 1886.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-illustration-shows-french-biologist-louis-pasteur-right-news-photo/1266883710">Library of Congress/Interim Archives via Getty Images</a></span>
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<h2>En premier lieu, un chimiste</h2>
<p>Selon moi, les plus grandes contributions de Pasteur à la science sont ses remarquables réalisations dans le domaine de la microbiologie médicale et de l’immunologie… Toutefois, son parcours commence par la chimie organique.</p>
<p>Étudiant, Pasteur est fortement influencé par un de ses maîtres, le <a href="https://www.britannica.com/biography/Jean-Baptiste-Andre-Dumas">chimiste français Jean-Baptiste-André Dumas</a>. Pendant cette période, le jeune homme, curieux, s’intéresse à de nombreux domaines, allant des origines de la vie à l’étude de la <a href="https://www.pasteur.fr/en/institut-pasteur/history/early-years-1847-1862">lumière polarisée et de la cristallographie</a>.</p>
<p>En 1848, quelques mois seulement après avoir obtenu son doctorat, Pasteur se lance dans l’analyse des propriétés des cristaux formés lors de la fabrication du vin : il découvre qu’ils se <a href="https://journals.openedition.org/bibnum/443">présentent sous des formes « inversées » (comme nos mains)</a>, une propriété connue sous le nom de chiralité. Cette découverte, qui a un impact sur la lumière, est devenue le fondement d’une sous-discipline de la chimie connue sous le nom de <a href="https://doi.org/10.1002/hlca.201900098">stéréochimie</a>, ou étude de la disposition spatiale des atomes dans les molécules. L’<a href="https://doi.org/10.1007/BF03401596">hypothèse est révolutionnaire</a>.</p>
<p>Ces découvertes vont le conduire à soupçonner ce qui allait être prouvé bien plus tard, par la biologie moléculaire : tous les processus de vie découlent de l’arrangement précis des atomes au sein des molécules biologiques…</p>
<h2>Vin et bière : de la fermentation à la théorie des germes</h2>
<p>La bière et le vin étaient <a href="https://ageofrevolutions.com/2016/12/05/intoxication-and-the-french-revolution/">essentiels à l’économie de la France</a> et de l’Italie dans les années 1800. Mais il n’était pas rare que les produits se gâtent et deviennent amers sinon dangereux à boire. À l’époque, la notion de « génération spontanée », selon laquelle la vie peut naître à partir d’une matière non vivante, est alors considérée comme le coupable de l’altération du vin…</p>
<p>Bien des scientifiques ont tenté de réfuter cette théorie, en vain. En 1745, le biologiste anglais <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.1098/rstl.1748.0072">John Turberville Needham</a> pense même avoir mis au point l’expérience parfaite en faveur de la génération spontanée : un protocole pour montrer que les micro-organismes peuvent se développer sur les aliments même après ébullition (la chaleur étant connue pour tuer les microbes). Après avoir fait bouillir du bouillon de poulet, il le place dans une fiole, qu’il fait chauffer à son tour avant de le sceller. Et au bout de quelque temps, victoire ! il constate bien le développement de nouveaux micro-organismes.</p>
<p>Cependant, son expérience <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17940406/">présente deux défauts majeurs</a> : d’une part, le temps d’ébullition adopté n’était pas suffisant pour tuer tous les microbes présents ; d’autre part, ses flacons n’étaient fermés que dans un second temps, ce qui permettait leur contamination microbienne.</p>
<p>Pour mettre fin à cette bataille scientifique aux conséquences majeures, l’Académie des sciences française décide d’organiser une sorte de concours de la meilleure expérience <a href="https://doi.org/10.1080/00033798800200281">pour prouver ou réfuter la génération spontanée</a>. Pasteur s’y inscrit. Il conçoit une série d’expériences, qu’il compilera en 1861 dans un de <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">ses essais les plus importants. :« Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère – examen de la doctrine des générations spontanées »</a>.</p>
<p>Le chimiste-biologiste touche-à-tout considère l’une de ces expériences comme « inattaquable et décisive » car, contrairement à Needham, après avoir véritablement stérilisé ses cultures, il les préserve de toute contamination ultérieure grâce à un procédé aussi simple qu’élégant : l’utilisation de ses désormais célèbres flacons à col de cygne, dont le long col en forme de S permettait à l’air de circuler tout en empêchant les éventuelles particules présentes d’atteindre le bouillon pendant le chauffage. Et de fait, ses flacons sont restés vierges de toute croissance microbienne.</p>
<p>Ce qui prouva, définitivement, que si l’air n’était pas admis directement, alors aucun « micro-organisme vivant n’apparaissait, même après des mois d’observation » ; à l’inverse, si de la poussière était introduite, des microbes apparaissaient. La controverse est définitivement close.</p>
<p>Grâce à ce processus, Pasteur a non seulement réfuté la théorie de la génération spontanée, mais il a également démontré que les micro-organismes étaient partout. Ce sont eux qui gâtent aliments et vins qu’ils contaminent – et des entités apparues de rien. la <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">théorie moderne des germes de la maladie est née</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AJByE5jO6Ys?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les découvertes de Pasteur restent de première importance aujourd’hui.</span></figcaption>
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<h2>Aux origines de la vaccination</h2>
<p>Dans les années 1860, alors que l’industrie de la soie était dévastée par deux maladies qui <a href="https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/notre-histoire/deuxieme-epoque-1862-1877">infectaient les vers à soie</a>, Pasteur <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">met au point un procédé ingénieux</a> permettant d’examiner les œufs de vers à soie au microscope et de préserver ceux qui étaient sains. À l’instar de ses efforts dans le domaine du vin, il a pu appliquer ses observations aux méthodes industrielles et est devenu une sorte de <a href="https://doi.org/10.3390%2Fbiom12040596">« héros français »</a>, à tout le moins un de ses scientifiques les plus connus.</p>
<p>Même <a href="https://www.biography.com/scientist/louis-pasteur">avec une santé défaillante</a> suite à une grave attaque cérébrale qui l’a laissé partiellement paralysé, Pasteur va poursuivre son travail. En 1878, il identifie notamment et réussit à cultiver la bactérie <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">responsable du choléra aviaire</a>.</p>
<p>Il remarque également que les anciennes cultures bactériennes n’étaient plus nocives et que les poulets vaccinés avec ces dernières pouvaient survivre à l’exposition aux souches sauvages et toujours virulentes de la bactérie. Autre observation fondamentale : des poulets apparemment sains pouvaient excréter les bactéries nocives… Un constat qui a contribué à établir un concept important, devenu très familier à l’ère du Covid-19 : les individus asymptomatiques, des « porteurs sains », peuvent aussi propager des germes.</p>
<p>Après le choléra aviaire, Pasteur se tourne vers la prévention de l’<a href="https://rarediseases.org/rare-diseases/anthrax/">anthrax (maladie du charbon)</a>, un fléau alors très répandu chez le bétail et d’autres animaux – causé par la bactérie <em>Bacillus anthracis</em>. S’appuyant sur ses propres travaux et sur ceux du médecin allemand <a href="https://doi.org/10.12816/0003334">Robert Koch</a>, Pasteur développe le concept des <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">versions « atténuées », ou affaiblies, des microbes</a> pour les utiliser dans les vaccins.</p>
<p>À la fin des années 1880, il démontre sans l’ombre d’un doute que l’exposition du bétail à une forme affaiblie virus via un vaccin (en l’occurrence contre la maladie du charbon) pouvait entraîner ce que l’on appelle désormais l’immunité – et réduire considérablement la mortalité du bétail, et bientôt de l’être humain.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image de synthèse du virus de la rage, qui ressemble ici à une pomme de pin" src="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le virus mortel de la rage (en brun). Bien qu’elle puisse être évitée par la vaccination, la rage tue encore chaque année environ 59 000 personnes dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/rabies-virus-illustration-royalty-free-illustration/1191008423">Nano Clustering/Science Photo Library via Getty Images</a></span>
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<h2>La percée du vaccin contre la rage</h2>
<p>De mon point de vue professionnel, la découverte de Louis Pasteur de la vaccination contre la rage est la plus importante de toutes ses réalisations.</p>
<p>La rage, qui se transmet de l’animal à l’homme <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">par morsure</a>, a été qualifiée de <a href="https://www.goodreads.com/book/show/13403051-rabid">« virus le plus diabolique du monde »</a>.</p>
<p>Travailler avec ce pathogène reste incroyablement dangereux car, sans vaccination, à partir du moment les symptômes apparaissent, la <a href="https://www.elsevier.com/books/rabies/wilson/978-0-323-63979-8">mortalité avoisine les 100 %</a>. <a href="https://gallica.bnf.fr/blog/09122022/pasteur-et-la-decouverte-du-vaccin-contre-la-rage?mode=desktop">Grâce à une observation astucieuse</a>, Pasteur découvre que faire sécher de la moelle épinière de lapins et de singes enragés morts permettait d’obtenir une forme affaiblie du virus. En utilisant cette version affaiblie comme vaccin avant d’exposer progressivement des chiens au virus de la rage, il réussit à les immuniser efficacement.</p>
<p>Puis vient le passage à l’Homme. En juillet 1885, <a href="https://www.pbs.org/newshour/health/louis-pasteurs-risky-move-to-save-a-boy-from-almost-certain-death">Joseph Meister, un garçon de 9 ans, est mordu par un chien enragé</a>… La mort du garçon étant presque certaine, sa mère l’emmène à Paris pour voir Pasteur, car elle avait entendu qu’il travaillait à la mise au point d’un traitement.</p>
<p>Pasteur accepte de s’occuper de l’enfant. Avec deux médecins, il lui administre une série d’injections pendant plusieurs semaines. La survie du jeune Joseph va provoquer une stupéfaction mondiale : pour la première fois, un remède permettait de survivre à cette maladie mortelle. Cette découverte ouvre la voie à l’utilisation généralisée du vaccin antirabique du biologiste français, ce qui permettra de <a href="https://doi.org/10.3390%2Ftropicalmed2020005">réduire considérablement la mortalité due à la rage</a>.</p>
<h2>Une vie digne du Nobel</h2>
<p>Pasteur a dit un jour que « dans les domaines de l’observation, le <a href="https://www.nhlbi.nih.gov/directors-messages/serendipity-and-the-prepared-mind">hasard ne favorise que les esprits préparés</a> ». Lui était prêt.</p>
<p>Il a su utiliser ce qu’il voyait lorsque de ses expériences pour se confronter à certains des dilemmes les plus dramatiques auxquels l’humanité a été confrontée.</p>
<p>Bien que Louis Pasteur soit décédé avant l’instauration du prix Nobel, ses découvertes et sa contribution aux sciences dans les domaines de la médecine, des maladies infectieuses, de la vaccination, de la microbiologie et de l’immunologie le placent parmi les plus grands scientifiques de tous les temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodney E. Rohde a reçu des financements de l'American Society of Clinical Pathologists (ASCP), de l'American Society for Clinical Laboratory Science (ASCLS), du ministère américain du Travail (OSHA) et d'autres entités/fondations publiques et privées. Il est affilié à l'ASCP, à l'ASCLS et à l'ASM, et fait partie de plusieurs conseils consultatifs scientifiques (voir <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/">https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/</a>).</span></em></p>
À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, il est important de rappeler l’impact fondamental de Louis Pasteur : médecine, biologie… ont été bouleversées par son esprit curieux et ses expériences.
Rodney E. Rohde, Regents' Professor of Clinical Laboratory Science, Texas State University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194105
2022-11-23T20:15:55Z
2022-11-23T20:15:55Z
Les pionniers de la biologie ont-ils participé à la construction du racisme ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495648/original/file-20221116-22-csntu8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C850%2C595&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Marcel verdier le chatiment des piquets</span> </figcaption></figure><p>L’idéologie raciste se caractérise par l’acceptation de deux postulats : l’existence de races humaines identifiables par des critères morphologiques et une hiérarchisation de ces races. Cette idéologie a légitimé durant plusieurs siècles l’esclavage et le colonialisme ainsi que les politiques discriminatoires les plus violentes du XX<sup>e</sup> siècle, comme l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hygi%C3%A8ne_raciale">hygiène raciale</a> en Allemagne, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9gr%C3%A9gation_raciale">ségrégation raciale</a> aux États-Unis et l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Apartheid">apartheid</a> en Afrique du Sud.</p>
<p>Mais d’où vient-elle ? Les pionniers de la biologie ont-ils participé à la construction de l’idéologie raciste ? C’est ce que nous allons essayer de clarifier en contextualisant l’œuvre du médecin et naturaliste suédois <strong>Carl von Linné</strong>, auteur du premier essai de classification systématique de la nature.</p>
<h2>Les variétés humaines de Linné</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=725&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=725&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=725&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=911&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=911&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494199/original/file-20221108-8962-7f8rf6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=911&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carl von Linné en 1775.</span>
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<p>En 1735, Linné publie la première édition de son <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Systema_naturae"><em>Systema Naturæ</em></a>. Son ambition n’est rien de moins que de classer et de nommer tous les animaux, plantes et minéraux connus. Si la première édition ne comporte que 11 pages, la treizième et dernière, publiée en 1770, en contient 3 000 et décrit 6 000 espèces végétales et 4 400 espèces animales. Linné catégorise, mais pas seulement : il hiérarchise également les êtres vivants, des moins évolués aux plus évolués.</p>
<p>À partir de la dixième édition, Linné généralise l’usage d’une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nom_binominal">nomenclature binomiale</a> qui reste aujourd’hui encore la référence en biologie pour nommer les espèces. Le premier nom indique le genre de la plante ou de l’animal, et le second indique l’espèce à laquelle elle appartient.</p>
<p>Ce faisant, Linné invente un langage spécifique à la description du vivant qui va tout changer. Car nommer les espèces et les associer à une description est la première étape essentielle à leur étude par une communauté internationale de chercheurs. Il s’agit d’ailleurs d’une des premières grandes œuvres scientifiques collectives, Linné ayant fait appel à de nombreux autres naturalistes pour collecter, décrire et nommer les spécimens.</p>
<p>Sur base de critères morphologiques, il nomme donc l’espèce humaine « Homo sapiens », et la situe – c’est une première – au sein des Primates, au sommet de son « échelle » de la complexité. Il divise également l’espèce humaine en six variétés : l’<em>Americanus</em>, l’<em>Europaeus</em>, l’<em>Asiaticus</em>, l’<em>Afer</em>, la <em>Monstruosus</em> (qui comprend des formes aberrantes comme les macrocéphales) et la <em>Ferus</em> (<em>H. sapiens</em> sauvage).</p>
<p>À chaque variété, il associe une description, un caractère et un mode de gouvernance, dont ceux-ci :</p>
<blockquote>
<p>L’<em>Americanus</em> est rouge, bilieux, droit et régi par les coutumes.</p>
<p>L’<em>Europaeus</em> est blanc, sanguin, musculeux et régi par les lois.</p>
<p>L’<em>Asiaticus</em> est basané, mélancolique, raide et régi par l’opinion.</p>
<p>L’<em>Afer</em> est noir, flegmatique, relâché et régi par le hasard.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494182/original/file-20221108-14-zayarq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Reproduction de l’édition de 1765 du « Systema Naturae per regna tria naturae, secudum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis » de Linné. La page 29 décrit la division en cinq variétés de l’espèce Homo sapiens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BUMP</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Même si Linné n’utilise à aucun moment le terme dans son ouvrage, il est évident que sa description des variétés humaines satisfait pleinement à la définition moderne de « race » que l’on associe à l’idéologie raciste : elle postule une inégalité intellectuelle et morale entre les races et place l’homme blanc au sommet de la hiérarchie de l’espèce humaine.</p>
<p>Cette présentation raciste est-elle en rupture par rapport à l’époque de Linné. Ou, au contraire, n’incarne-t-elle que ses normes ?</p>
<h2>La théorie de la dégénérescence de Buffon</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494209/original/file-20221108-18-ylkgw0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon.</span>
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<p>Contemporain de Linné, le naturaliste français <strong>Georges-Louis Leclerc de Buffon</strong> est réputé pour avoir popularisé le naturalisme en France et influencé les travaux de Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin.</p>
<p>Dans son <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_naturelle_(Buffon)">Histoire naturelle</a> publiée entre 1749 à 1804, Buffon attaque les classifications du Systema Naturæ qu’il juge arbitraires, car reposant sur une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fixisme">vision fixiste du vivant</a> (qui exclus toute transformation depuis la création divine originelle). Il défend l’existence d’une seule espèce humaine en raison de l’interfécondité de tous les humains. Toutefois, dans le tome XI de son Histoire naturelle, <a href="https://www.cairn.info/revue-dix-huitieme-si%C3%A8cle-2012-1-page-183.htm">il adhère à l’existence de variétés humaines locales</a> qu’il fait dériver, par dégénérescence, d’une variété blanche primordiale.</p>
<p>Pour Buffon, rien n’est fixe ou hérité. C’est le climat et l’alimentation qui déterminent les variétés humaines ; le meilleur climat étant le climat européen dont les peuples sont « les plus beaux et les mieux faits de toute la terre ». Ce faisant, Buffon concilie à la fois l’antique théorie environnementaliste d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hippocrate">Hippocrate</a>, qui postule que le climat détermine le caractère des humains, et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Livre_de_la_Gen%C3%A8se">Genèse biblique</a>, qui proclame qu’après le Déluge ce sont les fils de Noé qui peuplèrent toute la terre.</p>
<p>Implicitement, par analogie avec les races animales, Buffon considère les variétés dégénérées comme inférieures au type originel. Il cite notamment le cas des chevaux qui peuvent commencer à dégénérer, c’est-à-dire à perdre leurs caractéristiques remarquables, en une seule génération. Dans son Histoire naturelle, il décrit sommairement les Africains comme « grands, gros, bien faits, mais niais et sans génie ».</p>
<h2>Le « racisme ordinaire » des philosophes des Lumières</h2>
<p>Dans le même temps, le courant de pensée dit des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lumi%C3%A8res_(philosophie)">Lumières</a> atteint son apogée en Europe. Les philosophes appartenant à ce mouvement sont connus pour leur engagement en faveur du progrès social et moral. Pour leurs luttes contre l’obscurantisme. Ils défendent la tolérance, la liberté et l’égalité. Les Lumières sont à l’origine de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_des_droits_de_l%27homme_et_du_citoyen_de_1789">Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789</a>.</p>
<p>Pourtant, c’est également au XVIII<sup>e</sup> siècle que l’esclavage prend une ampleur inédite avec la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Commerce_triangulaire">traite négrière atlantique</a> reliant l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Au total, c’est plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2005-2-page-375.htm">11 millions d’Africains</a> qui furent réduits en esclavage et déportés dans les colonies américaines où ils servirent de main-d’œuvre dans les plantations. Ainsi, si la liberté est érigée en droit naturel pour les Lumières, elle doit souffrir d’exceptions pour justifier l’esclavage, pratique indispensable au système économique colonial.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=726&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494210/original/file-20221108-21-upjrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=912&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu.</span>
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<p>Si Montesquieu affirme dans De l’esprit des lois (1748) que l’esclavage « n’est pas bon par sa nature ; il n’est utile ni au maître ni à l’esclave », il excuse dans le même ouvrage l’esclavage des populations noires en déclarant « Il y a des pays où la chaleur énerve le corps, et affaiblit si fort le courage, que les hommes ne sont portés à un devoir pénible que par la crainte du châtiment : l’esclavage y choque donc moins la raison.». « Il faut donc borner la servitude naturelle à de certains pays particuliers de la terre. Dans tous les autres, il me semble que, quelque pénibles que soient les travaux que la société y exige, on peut tout faire avec des hommes libres. »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494211/original/file-20221108-15-nb3edq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nicolas de Largillière, François-Marie Arouet dit Voltaire.</span>
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<p>Dans son <em>Essai sur les mœurs et l’esprit des nations</em> (1756), considéré comme un essai de synthèse de l’histoire universelle, <strong>Voltaire</strong> écrit que « la race des nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre, comme la race des épagneuls l’est des lévriers » et que « la plupart des Nègres, tous les Cafres, sont plongés dans la même stupidité, et y croupiront longtemps ».</p>
<p>L’œuvre de <strong>Jean-Jacques Rousseau</strong> peut être vue comme une critique systématique de la servitude. Dans <em>Du contrat social</em> (1762), il présente la liberté comme inaliénable car synonyme de la vie elle-même. Mais s’il condamne l’esclavage antique, considéré comme « contre nature », Rousseau <a href="https://hal.sorbonne-universite.fr/hal-02495808/document">ne critique jamais explicitement</a> l’esclavage pratiqué à son époque par les Européens.</p>
<p>Ce n’est qu’à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle que se développa le <a href="https://www.cairn.info/revue-historique-2005-2-page-375.htm">mouvement abolitioniste</a> visant la suppression de l’esclavage et dont l’Angleterre fut le berceau. L’abolition fut adoptée en 1807 par la Chambre des Communes et la traite considérée comme un crime à partir de 1811.</p>
<h2>La nécessité de contextualiser une œuvre scientifique</h2>
<p>La division d’<em>Homo sapiens</em> en variétés par Linné correspond bien à ce que nous nommerions aujourd’hui une vision raciste. Elle a vraisemblablement contribué à donner une légitimité à cette idéologie. Il serait cependant anachronique d’évaluer la valeur de l’œuvre de Linné à l’aune des normes morales ou scientifiques actuelles.</p>
<p>Par rapport à son époque, Linné ne défend en rien une position de rupture concernant l’espèce humaine. Sa division d’<em>Homo sapiens</em> en variétés associées à des caractères et des modes de gouvernance reflète la vision prédominante de l’humanité dans l’Europe du XVIII<sup>e</sup> siècle. Une Europe coloniale dont le modèle économique reposait essentiellement sur l’esclavage.</p>
<p>Comme l’a bien souligné le sociologue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Graham_Sumner">William Graham Sumner</a>, l’ethnocentrisme, le fait de considérer sa propre culture comme si elle était la norme universelle, et de la prendre comme un cadre de référence permettant de juger d’autres cultures, est malheureusement un trait universel dont il est difficile de se libérer.</p>
<p>De plus, de par sa conception créationniste et fixiste du vivant, Linné n’a jamais eu pour ambition de produire une vision originale de celui-ci. Contemporaine de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751), sa classification doit être comprise comme une première tentative de compiler et d’organiser rationnellement les connaissances disponibles en sciences naturelles au XVIII<sup>e</sup> siècle : « c’est le fil d’Ariane sans lequel il n’est pas donné de se tirer seul et avec sûreté du dédale de la Nature » (Linné 1773).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Céline Rase a reçu des financements du FNRS. </span></em></p>
Les pionniers de la biologie, comme Carl von Linné, ont classifié les êtres vivants : animaux, plantes, insectes, mais aussi les humains. Comment lire et comprendre, aujourd’hui, leurs travaux ?
Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Directeur de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)
Céline Rase, Chercheuse en histoire, Université de Namur
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194560
2022-11-22T19:27:29Z
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Le naturaliste Alexander von Humboldt, « inventeur » de l’écologie ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496725/original/file-20221122-22-uz0dc1.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C862%2C715&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait of Alexander von Humboldt par
Friedrich Georg Weitsch, 1806. Alte Nationalgalerie, Berlin. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://artsandculture.google.com/asset/bildnis-alexander-von-humboldt/zAGegDX7ldHamQ?hl=fr">Google arts and Culture</a></span></figcaption></figure><p>À l’époque où les humains expérimentent les <a href="https://www.chateauversailles.fr/decouvrir/histoire/grandes-dates/premier-vol-montgolfiere">premières ascensions en ballon</a>, les <a href="https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/40014">premières navigations à vapeur sur l’eau</a> et où les premiers ingénieurs <a href="https://www.slate.fr/story/220854/quand-comment-ou-naissance-chemin-de-fer-rails-wagons-vapeur-locomotive-trains-inventeurs">inventent les trains</a>, les explorateurs européens <a href="http://classes.bnf.fr/essentiels/albums/voyage/">sillonnent la planète</a> pour remplir les <em>terrae incognitae</em> de la carte du monde. Entre 1780 et 1830, comment tracent-ils leurs sillons ? Par les moyens les plus rudimentaires : la navigation et la marche. La carte du monde qui se dessine dans les <a href="https://passerelles.essentiels.bnf.fr/fr/metier/d6cacd63-26d3-4837-ae4f-2da45a90ec2f-travaux-publics/article/84b837ec-3b75-44d1-a5df-58ce3d181a72-mesurer-terre-histoire-la-topographie">cabinets des topographes</a> est celle de scientifiques qui relient les étoiles à la Terre, et usent de la triangulation pour étaler sur des feuilles leurs calculs.</p>
<p>Ces passionnés de la mesure, ces techniciens offrent leurs services aux pouvoirs politiques avides de connaître les richesses de leur sous-sol et de dessiner des frontières. Ces aventuriers n’ont peur de rien. À la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, la rugosité du monde physique ne lève pas les doutes. Le ciel a bien été vidé de ses divinités par les Copernic, Galilée et autre Newton, mais la Terre ? Les océans ? Les montagnes ? Les forêts ? Qui peut bien expliquer par une physique raisonnée comment fonctionne cette machine très complexe qu’est la planète Terre ?</p>
<h2>La Terre comme un organisme vivant</h2>
<p>Celui qui veut donner le premier récit d’une Terre comme un organisme vivant, c’est Alexander von Humboldt. Contrairement à Christophe Colomb ou Isaac Newton, Humboldt n’a pas découvert de nouveaux continents, il n’a pas formulé de nouvelles lois de la physique, mais il apporte une nouvelle vision du monde. Et à ce titre, pour <a href="https://ash.univ-tours.fr/version-francaise/actualites/juliette-grange">Juliette Grange</a>, il est bien le père de l’écologie. </p>
<p>Selon sa biographe Andrea Wulf, ses idées sont devenues si courantes qu’il a disparu derrière leur évidence. Pour comprendre la grave crise écologique actuelle, nous avons besoin de Humboldt. Déjà en 1801, le savant allemand percevait combien les humains étaient capables de « ravager » la Terre. « L’équilibre général qui règne au milieu des perturbations est le résultat d’une infinité de forces mécaniques et d’attractions chimiques qui se balancent les unes par les autres ». La Terre, poursuivait-il, est « une entité naturelle mue et animée par une même impulsion ».</p>
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<h2>Oublié à la fin du XIXᵉ siècle</h2>
<p>Alors qu’Alexander von Humboldt a été adulé de son vivant, il a été oublié à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. En France où il a pourtant passé plus du tiers de sa vie, il était très proche de tous les scientifiques sans appartenir au monde académique et il refusait tout poste de responsabilité. L’historien <a href="https://explore.psl.eu/fr/le-magazine/expositions-virtuelles/les-freres-humboldt-leurope-de-lesprit">David Blankenstein</a> pense qu’il fait partie de « ces nombreux Allemands effacés de la perspective française après la défaite de 1871 » alors qu’il est pour l’Américain Ralph Waldo Emerson « l’homme le plus connu de son époque après Napoléon ». </p>
<p>Il a donné son nom à un célèbre courant marin dans le Pacifique, à de multiples chaînes de montagnes en Chine, en Afrique du Sud, en Océanie, au Mexique et au Venezuela, à des dizaines de rivières, des chutes d’eau, des parcs, des geysers et des baies. On trouve son nom jusque sur la Lune avec une Mare Humboltianum. Plus d’une dizaine de villes (treize en Amérique du Nord) et des comtés lui empruntent leur nom. Un nom qu’on retrouve sur environ trois cents plantes et cent animaux, ainsi que sur des dizaines de minéraux. Alexander von Humboldt bat le record au monde des toponymes commémorant un nom, dépassant tous les présidents, les rois, les savants – y compris Léonard de Vinci et Louis Pasteur, Newton et Einstein – et les artistes.</p>
<p>Dans sa longue vie quasi biblique – il meurt à l’âge de quatre-vingt-dix ans –, il a passé l’essentiel de son temps à se confronter au monde physique pour connaître la Terre. Si les maîtres du monde colonial du XIX<sup>e</sup> siècle, les Anglais l’empêchent de mettre le pied en Asie du Sud et du Sud-Est où il aurait aimé explorer l’Himalaya, il parvient à réaliser deux grands voyages. Seul, il organise le premier de 1799 à 1804 avec l’appui du roi d’Espagne Charles IV, une expédition qui dure cinq années sous les tropiques de l’Amérique latine. Un autre lui est proposé par le tsar russe Nicolas I<sup>er</sup> en Asie du Nord-Est jusqu’au pied de l’Altaï durant sept mois en 1829.</p>
<h2>Un voyage fondateur</h2>
<p>Le récit de son premier voyage a connu une postérité exceptionnelle ; il a enrichi toute la vie de Humboldt. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yYAXNRW-Tg4">Kenneth White</a> pense que ce n’était ni une aventure, ni un vagabondage mais un vrai « plan de travail, un plan de vie ». Le récit détaillé de ces <a href="https://www.babelio.com/livres/Humboldt-Voyages-dans-lAmerique-Equinoxiale-tome-1--Itine/54445"><em>Voyages dans l’Amérique équinoxiale</em></a> a inspiré de jeunes savants comme Charles Darwin qui a payé sa dette envers Humboldt en le citant autant que possible.</p>
<p>Cette expédition n’a cessé d’être analysée, tant elle est dense et ambitieuse. Avec la crise écologique actuelle, elle a gardé toute son actualité. Son heure pourrait être à nouveau venue. Humboldt n’a-t-il pas, à partir de ses observations du lac Valencia au Venezuela en 1800, pesté contre les dégâts causés par les plantations coloniales ? Il y déplorait la stérilisation des sols liée à une déforestation brutale, la disparition de la végétation liée à un usage intensif de l’eau. </p>
<p>Il y voyait ce qu’on appelle aujourd’hui une boucle de rétroaction négative, avec la forêt tropicale jouant un rôle central dans le cycle de l’eau et le réchauffement global provoqué par la perturbation de ce qu’on appellera au XX<sup>e</sup> siècle le cycle géochimique du carbone. N’est-ce pas là formuler, de manière limpide, le rôle des activités humaines dans le changement climatique qui a ouvert une nouvelle ère dans le temps géologique qu’on appelle l’anthropocène ?</p>
<h2>« Chaque canton du globe est le reflet de la nature entière »</h2>
<p>Humboldt s’est donné de considérables moyens techniques pour parvenir à son objectif car, dit-il, « mon attention est l’harmonie des forces concurrentes, l’influence de l’univers inanimé sur le règne animal et végétal. » Il lui faut traquer et nommer ces « forces ». Dans l’Amérique tropicale, il ne visite aucun lieu sans noter sur ses carnets l’évolution de la température, la pression et l’électricité de l’air, la température d’ébullition de l’eau, les mélanges gazeux atmosphériques, le champ magnétique, le bleu du ciel, les espèces de plantes et d’animaux et leurs associations, ainsi que les roches. Tout en s’émerveillant des paysages, il se comporte comme un physicien qui aurait sorti ses instruments du laboratoire.</p>
<p>Pour <a href="https://u-paris.fr/centre-politiques-terre/teams/jerome-gaillardet/">Jérôme Gaillardet</a>, il va plus loin que nos sens communs, il « mathématise » le monde pour imaginer une physique du globe, en mettant en relation ses mesures des gradients dans l’espoir de faire naître des relations causales. « Chaque canton du globe est le reflet de la nature entière » écrira Humboldt dans <em>Cosmos</em>. En comparant la carte mondiale du champ magnétique qu’il avait établie avec celle révélée aujourd’hui – avec l’aide des satellites –, on est bluffé par l’exactitude des mesures de cet Eratosthène du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
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<p>Durant ses années parisiennes, Alexander von Humboldt vit dans un triangle magique du Quartier latin, entre l’Observatoire, l’Institut et le Muséum, visitant ou travaillant avec les sommités scientifiques que furent Monge, Gay-Lussac, Cuvier, Berthollet, Arago, Thénard, Vauquelin, eux-mêmes rappelant les filiations d’avec les Lavoisier, Lamarck, Chaptal, Jussieu, Delambre, Laplace… Il ne manque pas une séance de la classe des sciences de l’Institut de France, où il ne fait pas moins de trois lectures dans le courant de 1798 et l’Académie des sciences lui rend un solennel hommage en 1806. L’année suivante, Humboldt et Bonpland offrent au Museum de Paris quarante-cinq caisses de plantes sèches, soit six mille échantillons et ils commencent la rédaction de leur Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent, onze volumes in-folio et quatre cents gravures et soixante-dix cartes.</p>
<p>Alexander von Humboldt savait « battre du tambour », ce qui pour le germaniste Christian Helmreich, « fait partie du métier d’intellectuel ». En vibrionnant dans les salons les plus huppés de Paris, en conseillant les rois de France et de Prusse, en organisant des grandes conférences ouvertes à tout public à Berlin, il savait installer des paysages par une parole brillante, élaborer une géographie d’auteur. Brillant orateur, personne n’osait polémiquer avec lui.</p>
<p>Humboldt a été formé par l’élite allemande, de Goethe à Werner. Mais du fait des origines françaises de sa mère, Marie-Elisabeth Colomb, il écrit une grande partie de son œuvre en français, dans une langue qui lui permet de mieux exprimer ses idées « géopoétiques ». À cette époque, le romantisme allemand est très prégnant. Mais il est marqué par les conceptions mécanistes et vitalistes, la croyance en la raison et cette « machine de guerre » qu’est l’Encyclopédie des Lumières françaises. Cela lui donne un esprit très clair et Kenneth White ajoute une « vigueur de pensée, un encyclopédisme éclairé, un élan transnational et un désir d’unité ». Il confine les idées des religions dans ce qu’on nomme à l’époque les « traités de mœurs » et qu’il appelle, non sans ironie « les petits romans historiques » ou encore « les rêves géologiques comme ceux d’une genèse de la Terre ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496727/original/file-20221122-22-jda7gc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Humboldt et Bonpland au pied du Chimborazo en Équateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hermann Buresch/RMN-Grand Palais</span></span>
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<p>Sans avoir intégré aucune institution scientifique, il n’en a pas moins échangé avec des centaines de chercheurs dans le monde entier. Il parvient à élaborer la notion de système dynamique dans lequel différents compartiments interagissent et concourent à la stabilité de l’ensemble. Pour Jérôme Gaillardet, « on n’est pas si loin de la manière dont les premiers chimistes Lavoisier, Bersélius, Bischof, Ebelmen… et le premier des géochimistes Vladimir Vernadsky commencent à décrire les cycles à la surface de la Terre […]. Humboldt est arrivé trop tôt pour voir dans le recyclage de la matière sur la Terre, un des mécanismes liant entre elles les choses qu’il a observées, mais il a inspiré clairement Vernadsky et, dans sa lignée, Lovelock, le père de la théorie Gaïa ».</p>
<h2>Préserver les biens communs</h2>
<p>C’est ainsi qu’Alexander von Humboldt est un savant à relire aujourd’hui. Pour entrer dans la complexité de sa pensée, le <em>Voyage en Amérique équinoxiale</em> – dont nous racontons ici les thématiques physiques – est la meilleure porte possible. Car Humboldt prend les routes océaniques et fluviales, il franchit des cols dans les Andes équatoriales dont il gravit les sommets volcaniques, il passe des déserts à la <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/botanique-foret-temperee-sempervirente-7253/">forêt sempervirente</a> et aux sommets enneigés. Hydrologue, géologue, volcanologue, écologue, il pose la question de la pérennité de cette fine pellicule du globe sur laquelle nous vivons que les géochimistes appellent <a href="http://impmc.sorbonne-universite.fr//fr/espace-grand-public/l_impmc_en_images/films_en_ligne/e-seminaire-la-zone-critique-interface-scientifique-jerome-gaillardet.html">« la zone critique »</a>.</p>
<p>Comment préserver ces biens communs que sont l’eau, l’air, les sols ? Nous ne sommes plus dans les faits scientifiques pour comprendre la planète Terre. Nous sommes dans les valeurs morales ou politiques. Nous sommes entrés dans l’anthropocène…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496728/original/file-20221122-22-zh12gj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=481&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Géographie des plantes équinoxiales : Tableau physique des Andes et pays voisins</em>, Alexander von Humboldt (auteur), Aimé Bonpland (auteur), Anne-Charlotte de Schönberg (dessinateur), Louis Bouquet (graveur), 1805.</span>
<span class="attribution"><span class="source">St. Louis Missouri Botanical Garden, Peter H. Raven Library</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans ses <a href="https://www.editions-lepommier.fr/alexander-von-humboldt"><em>Tableaux de la nature</em></a>, livre qu’il chérissait parmi tous ceux qu’il a écrits, il explique que « les forces de la nature « coopèrent », en voulant à la fois engager l’imagination, la connaissance des choses dans leurs configurations cachées et relations plastiques profondes et, in fine, enrichir la vie par de nouvelles idées. Pour Kenneth White, « Humboldt est un scientifique, un intellectuel qui a une vision ». L’homme fait partie de la nature. Sa vision englobante fonde son voyage dans les terres tropicales et son projet de Cosmos, au terme de sa vie, qui nous mène des canyons aux étoiles et aux planètes.</p>
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<p><em>Gilles Fumey est l’auteur de <a href="https://www.doubleligne.com/catalogue/alexandre-de-humboldt"><em>Alexandre de Humboldt, l’eau et le feu</em></a>, Genève, Ed. Double-Ligne, 2022.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Fumey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Alexander von Humboldt fut l’un des premiers savants à livrer le récit d’une Terre vue comme un organisme vivant.
Gilles Fumey, Géographie culturelle de l'alimentation, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194078
2022-11-15T16:55:18Z
2022-11-15T16:55:18Z
Images de science : En 1919, l’éclipse qui démontra la relativité générale
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494063/original/file-20221108-16-j7ghm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C362%2C1191%2C1111&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Photo de l'éclipse de Soleil de 1919, avec les positions annotées des étoiles qui démontrèrent la théorie de la relativité générale.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:1919_eclipse_positive.jpg">Frank W. Dyson, Arthur S. Eddington et Charles R. Davidson</a></span></figcaption></figure><p>Nous sommes le 29 mai 1919. Une éclipse solaire totale, visible du centre du Brésil jusqu’à l’Afrique de l’Est, s’est emparée du ciel pendant 6 minutes et 51 secondes. Ce n’est pas une éclipse comme les autres, celle-ci est historique : on la surnomme l’« éclipse de la relativité générale ». Elle est considérée comme l’<em>experimentum crucis</em>, c’est-à-dire l’expérience qui a permis de valider la théorie.</p>
<p>À vrai dire, on ne regardait pas ici le soleil caché par la Lune, mais bien les taches blanches à sa droite, des étoiles qui se trouvent plus loin derrière notre astre et qui sont habituellement cachées par la luminosité du Soleil.</p>
<p>Pour comprendre l’engouement particulier pour cette éclipse et pour la double expédition menée par Sir Arthur Eddington vers l’île de Príncipe en Afrique de l’Ouest et Sobral au Brésil, il faut remonter un peu le temps.</p>
<p>En 1905, Einstein publiait sa <a href="https://www.cea.fr/comprendre/Pages/physique-chimie/essentiel-sur-principe-relativite.aspx">théorie de la relativité restreinte</a> – qui postule notamment que la vitesse de la lumière dans le vide est inchangée quelque soit la vitesse de l’observateur. Mais il réalisa que celle-ci était incompatible avec la théorie de la gravitation de Newton, établie au XVII<sup>e</sup> siècle et qui explique pourquoi les pommes tombent des arbres et pourquoi les astronautes flottent dans la station spatiale internationale.</p>
<p>Ceci amena Einstein à réfléchir dès 1907 à une théorie de la gravitation qui soit compatible avec sa relativité restreinte : c’est la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=E5LvA8FHBxs">relativité générale</a>, très différente de la gravitation newtonienne (qui est en fait valable pour les objets de faible masse et à des vitesses faibles par rapport à la vitesse de la lumière).</p>
<p>Einstein propose notamment que la <a href="https://www.decitre.fr/livres/une-breve-histoire-du-temps-9782081452015.html">gravitation n’est pas une force, mais la manifestation d’une courbure géométrique de l’espace-temps</a>, courbure produite par la présence de masses, comme des étoiles ou des trous noirs, ou de façon équivalente, de la présence d’énergie : c’est le fameux E=mc<sup>2</sup>, où E est l’énergie, m la masse et c la vitesse de la lumière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma de la terre qui déforme une nappe un peu élastique" src="https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=265&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=332&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=332&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494064/original/file-20221108-11-kh8xd7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=332&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La matière courbe localement l’espace-temps, c’est la vision d’Einstein de la gravitation. Ici, on représente l’analogie avec une nappe qui se déforme : la nappe est à deux dimensions, tandis que l’espace-temps est en réalité à quatre dimensions (trois d’espace, une de temps).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Spacetime_curvature.png">Johnstone, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une analogie permettant une visualisation de la relativité consiste à représenter l’espace-temps en trois dimensions comme une nappe tendue se déformant sous la masse des objets que l’on y met. Si la nappe est bien tendue et sans aucun corps dessus, une bille légère que l’on fait rouler dessus se déplace en ligne droite. Si on place au centre de la nappe une boule lourde, la nappe se déforme et la bille ne se déplace plus en ligne droite. Elle peut même tomber vers la boule, donnant l’illusion que la bille est attirée par la boule « comme par un aimant »… alors que cette attraction est le résultat indirect de la forme de la nappe qui s’applique aux masses en tout lieu de celle-ci.</p>
<h2>Les étoiles dévient la lumière des autres étoiles</h2>
<p>Cela signifie que les objets massifs, comme les étoiles, peuvent fléchir la trajectoire de la lumière lorsqu’elle passe devant eux. Dans son manuscrit de 1915, Einstein propose de tester sa théorie sur trois applications. Parmi elles, la déviation d’un rayon lumineux dans un champ de gravitation d’un astre massif comme le Soleil. Einstein prédit une déviation deux fois plus grande que celle obtenue par les équations de Newton.</p>
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<p>Le Soleil est un objet massif qui, selon la théorie d’Einstein, déforme le rayon lumineux émis par des étoiles lointaines lorsqu’il passe devant elles. Normalement, le Soleil est bien trop brillant pour qu’on puisse remarquer cette lumière. Mais pendant une éclipse, la Lune « occulte » le Soleil. Il est alors possible d’apercevoir les étoiles autrement invisibles du fait de l’éblouissante lumière du Soleil.</p>
<p>Si le rayon lumineux voyage en ligne droite, la carte du ciel est inchangée, avec ou sans Soleil interposé. Si la théorie proposée par Einstein est correcte, la lumière se courbe quand elle passe à proximité de l’astre, et sur Terre on enregistre une position décalée par rapport à la position vraie. Le Soleil produit une sorte de « mirage » et on détecte des étoiles en fait cachées derrière lui. Ainsi pour un observateur, les étoiles semblent se déplacer sur le fond du ciel pendant la durée de l’éclipse. Il s’agit donc de prendre une photo des objets visibles au moment du phénomène et comparer à la carte obtenue par une nuit normale quand la lumière suit une trajectoire rectiligne. Les images des étoiles sont d’autant plus affectées qu’elles passent proche de l’astre, la déflexion étant proportionnelle à la masse (du Soleil, ici) et inversement proportionnelle à la distance d’approche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/courbure-de-lespace-temps-et-trous-noirs-decouverte-de-douze-nouveaux-mirages-gravitationnels-161009">Courbure de l’espace-temps et trous noirs : découverte de douze nouveaux mirages gravitationnels</a>
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<p>C’est l’enjeu de l’expédition menée par Arthur Eddington : observer une éclipse totale de Soleil dans deux endroits. Une équipe s’est rendue sur l’île de Príncipe, en Afrique de l’Ouest, et une autre à Sobral, au Brésil. Chaque équipe a pris des photographies de l’éclipse, ce qui a permis de comparer la position des étoiles durant l’éclipse et pendant une nuit « normale » et de mesurer la déviation des rayons lumineux. Utiliser deux expéditions permet d’avoir des mesures complémentaires (et compatibles, ouf !) et de multiplier les chances d’avoir une bonne visibilité (sans nuages, par exemple).</p>
<p>Le 6 novembre 1919, une <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.1098/rsta.1920.0009">session spéciale de la <em>Royal Society</em></a> fut convoquée. Le résultat du Brésil, avec sept étoiles bien identifiées, mesura une déflexion de 1,98 ± 0,16 seconde d’arc (1,61 seconde d’arc à Principe). Le calcul d’Einstein prédisait 1,74.</p>
<p>Ainsi, Arthur Eddington et ses équipes ont montré que la théorie de la relativité générale d’Einstein était correcte. Ce fut un immense déferlement d’enthousiasme, jusqu’à faire la une du <em>New York Times</em> !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Waleed Mouhali ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La théorie d'Einstein a attendu une éclipse de Soleil et deux expéditions au bout du monde pour se voir validée.
Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE Paris
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2022-10-25T16:14:22Z
2022-10-25T16:14:22Z
Les débuts de la physique quantique, ou comment admettre élégamment que l'on a tort
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490307/original/file-20221018-14-tyefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C14%2C3230%2C2061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une carte postale historique, où des opposants admettent galamment que les prédictions de la physique quantique sont en accord avec leurs expériences.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://arkiv.dk/vis/5956913">Avec l'aimable autorisation de la Niels Bohr Archive, arkivdk</a></span></figcaption></figure><p>Le 8 février 1922, Walther Gerlach envoie à son ami Niels Bohr cette carte postale accompagnée du message suivant : « Voici la preuve expérimentale de la quantification directionnelle. Nous vous félicitons pour la confirmation de votre théorie ». Sur cette carte postale, nous pouvons voir deux plaques sur lesquelles sont déposés des atomes d’argents – ce sont les taches sombres.</p>
<p>Ces résultats proviennent de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Stern_et_Gerlach">expérience de Stern et Gerlach</a>, menée en 1922 à Francfort en Allemagne.</p>
<p>Dans cette expérience, des atomes d’argent sont éjectés d’un four, envoyés à travers un champ magnétique variable, puis déposés sur une plaque. Sur la plaque de gauche, la trace forme une ligne uniformément recouverte d’atomes d’argent et correspond au cas où le champ est désactivé. Sur la droite, la trace laissée par les atomes d’argent forme deux lignes courbées entourant une zone non atteinte par les atomes d’argent et correspond au cas où un fort champ magnétique est présent.</p>
<p>En comparant les deux plaques, les auteurs en concluent qu’en présence de ce champ magnétique, les particules subissent une force qui les dévie de leur trajectoire.</p>
<h2>Test de l’hypothèse de Bohr</h2>
<p>Au moment de développer cette expérience, Walther Stern espère avant tout discréditer le <a href="https://arxiv.org/pdf/1805.09412.pdf">récent modèle de l’atome de Bohr</a>. Niels Bohr part de l’hypothèse que dans les atomes, des électrons négatifs orbitent autour du noyau concentrant les charges positives. En développant son modèle, il trouve qu’il ne peut exister que certaines orbites stables spatialement, séparées par des zones où il ne peut <em>pas</em> y avoir d’électrons. Les électrons n’orbiteraient pas librement autour du noyau, leur position serait donc « quantifiée »… d’où le futur nom de la physique « quantique ».</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une des conséquences de cette affirmation conduit Niels Bohr et Arnold Sommerfeld à penser qu’en présence d’un champ magnétique, tous les atomes d’un faisceau seront déviés vers deux orientations.</p>
<p>C’est ce que constatent Stern et Gerlach, qui sont dès lors obligés de reconnaître la validité de la théorie de Bohr… ce qui explique pourquoi ils lui envoient leurs félicitations. Néanmoins, en 1927, cette <a href="https://physicstoday.scitation.org/doi/10.1063/1.1650229">expérience prend un nouveau tournant</a>, puisque Ronald Fraser propose de réinterpréter le résultat de l’expérience de Stern et Gerlach à la lumière d’une <a href="https://arxiv.org/pdf/1805.09412.pdf">nouvelle propriété purement quantique</a> qui vient d’être formalisée : le spin.</p>
<h2>Le spin, propriété purement quantique</h2>
<p>Ce spin est une propriété dite « quantique » dans la mesure où il ne peut prendre que des valeurs demi-entières de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Constante_de_Planck">constante de Planck (h)</a> (-1/2h, 1/2h…) pour les particules de matière (électron, atomes…). Lorsqu’une particule avec un spin non nul interagit avec un champ magnétique, la force que la particule subit est proportionnelle au champ et à la valeur du spin.</p>
<p>Puisque l’atome d’argent possède un spin non nul, il va être dévié dans le champ produit par Stern et Gerlach. C’est en fait la raison aujourd’hui admise pour laquelle il n’y a pas d’atomes au centre de la plaque de droite : les atomes d’argent sont déviés soit à droite soit à gauche en deux zones bien délimitées, en fonction du signe du spin dans cette direction (négatif ou positif). Stern et Gerlach ont donc initialement donné raison à Bohr… pour la mauvaise raison !</p>
<p>La découverte du spin et son étude durant les décennies à venir seront à l’origine d’une nouvelle compréhension de la matière ainsi que de nombreux phénomènes physiques, tels que le magnétisme ou la supraconductivité. La recherche sur le spin contribuera à apporter de nouvelles techniques d’analyse en physique et en chimie, débouchera sur de nombreux développements parmi lesquels l’<a href="https://theconversation.com/un-nouveau-type-dirm-pour-mieux-suivre-les-myopathies-88729">IRM</a> et les <a href="https://theconversation.com/ingenierie-quantique-2-0-quelles-technologies-100056">horloges atomiques</a>, et contribuera significativement à l’informatique avec notamment la <a href="https://theconversation.com/le-neuromorphisme-ou-comment-creer-des-ordinateurs-plus-puissants-en-sinspirant-du-cerveau-187795">spintronique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Poindron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La théorie quantique a d'abord rencontré des résistances, jusqu'à ce que des démonstrations expérimentales l'étayent - voici une carte postale discutant un résultat historique.
Adrien Poindron, Ingénieur de recherche, laboratoire de Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires, CNRS, Aix-Marseille Université (AMU)
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tag:theconversation.com,2011:article/190981
2022-09-25T15:38:22Z
2022-09-25T15:38:22Z
Mendel et Darwin, une relation énigmatique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485521/original/file-20220920-3560-awunyy.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=244%2C45%2C1557%2C914&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Charles Darwin (à gauche) et Gregor Mendel (à droite).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Darwinmendel.jpg">Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Cette année marque le 200<sup>e</sup> anniversaire de la naissance de Gregor Johan Mendel à Heinzendorf (ancien empire autrichien, aujourd’hui République tchèque). Ce frère augustin est, paradoxalement, entré dans l’histoire comme le fondateur de la génétique et de l’hérédité grâce à la publication en 1866 de ses expériences sur le croisement des plants de pois (<em>Recherches sur des hybrides végétaux</em>).</p>
<p>Or, peu de temps auparavant, en 1859, <a href="https://theconversation.com/descendons-nous-du-chimpanze-la-biologie-evolutive-et-ses-idees-recues-83746">le naturaliste anglais Charles Darwin avait publié <em>L’origine des espèces</em></a>, dans lequel il proposait la théorie de la sélection naturelle pour expliquer l’évolution des êtres vivants. Les deux ouvrages fondateurs de la biologie moderne ont donc été publiés en l’espace de huit ans seulement.</p>
<p>Les trajectoires des deux œuvres et de leurs auteurs, loin de converger et de se compléter comme nous le savons aujourd’hui, étaient alors perçues comme très différentes. La théorie de l’évolution par la sélection naturelle a rapidement provoqué un séisme d’opinions et de controverses, ébranlant les fondements de la pensée sociale et religieuse dans le dernier tiers du XIX<sup>e</sup> siècle. Acclamé ou honni, Charles Darwin est devenu une figure éminente de son temps.</p>
<p>En revanche, les croisements de plants de pois ont été complètement oubliés jusqu’à leur redécouverte en 1900. Après sa publication, qui est passée pratiquement inaperçue à l’exception de quelques chercheurs, Mendel s’est concentré sur ses devoirs religieux et a dirigé le monastère augustin de Brno jusqu’à sa mort en 1884.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474893/original/file-20220719-18-f0cxf6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture des Annales de la Société d’histoire naturelle de Brno pour le numéro dans lequel les travaux de Mendel ont été publiés (à gauche) et la première page des travaux de Mendel (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
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<h2>Mendel et Darwin ont-ils échangé ?</h2>
<p>Le fait que Mendel et Darwin aient eu connaissance de leurs découvertes respectives fait l’objet d’un débat historique, centré sur l’hypothèse selon laquelle un échange d’idées entre les deux hommes aurait pu accélérer le développement de la biologie moderne.</p>
<p>Aucune donnée historique ne permet de conclure <a href="https://academic.oup.com/qjmed/article/102/8/587/1598792">si Darwin a lu ou non les travaux de Mendel</a>… mais nous pouvons affirmer avec certitude que Mendel connaissait parfaitement les travaux de Darwin. Il a obtenu un exemplaire de <em>L’origine des espèces</em> en 1863, l’année où il a terminé ses croisements de plants de pois. Et, plus important encore, l’analyse comparative de leurs écrits indique que Mendel a utilisé des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27729492/">mots et des expressions d’influence darwinienne évidente</a> dans la rédaction de ses travaux.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<span class="caption">Pierre commémorative des croisements de pois dans le jardin du monastère où Mendel a mené ses expériences.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jstor.org/stable/1293124">Boyes et al</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mendel connaissait donc la théorie de l’évolution et les apports du naturaliste anglais. L’un de ses professeurs à l’université de Vienne, Franz Unger, défendait déjà en 1851 la théorie de l’ancêtre commun, selon laquelle toutes les espèces sont dérivées d’espèces antérieures. On croit généralement que Darwin est le premier à avoir parlé de la théorie de l’évolution, mais ce n’est pas vrai : elle avait déjà été formulée et étudiée avant lui. Son mérite a consisté à expliquer « comment » se produit l’évolution, à savoir par le biais de la sélection naturelle – selon laquelle les individus les mieux adaptés sont les gagnants dans la génération suivante.</p>
<p>Mieux : Mendel n’a pas seulement analysé en profondeur <em>L’origine des espèces</em>, il a également étudié d’autres ouvrages de Darwin. Il s’est ainsi particulièrement intéressé à <em>De la variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication</em>, en raison du lien avec ses propres travaux.</p>
<p>Deux facteurs sont frappants dans l’analyse qu’en fait Mendel :</p>
<ol>
<li><p>Il se détache de son statut religieux pour les évaluer. Les historiens s’accordent pour dire que Mendel acceptait la proposition de Darwin, malgré les graves conséquences qu’elle pouvait avoir pour la hiérarchie ecclésiastique.</p></li>
<li><p>Il a une critique perspicace et précise des raisons pour lesquelles les hypothèses ou les explications darwiniennes – et non les résultats – différaient des conclusions tirées de ses propres expériences. Là où Darwin a montré une approche plus théorique, Mendel s’est révélé réfléchir en pur scientifique expérimental.</p></li>
</ol>
<p>Nous savons que Mendel a envoyé jusqu’à 40 exemplaires de sa publication aux principaux scientifiques et sociétés scientifiques de l’époque… et pourtant, paradoxalement, pas à Darwin. En tous cas s’il faut en croire l’ancien directeur du musée Mendel, à Brno.</p>
<p>Darwin comprenait un peu d’allemand, ou aurait pu obtenir une traduction. A priori, les travaux de Mendel auraient dû être portés à sa connaissance, puisque Darwin lui-même a procédé à des hybridations entre de multiples espèces de plantes et chez les pigeons. Pourquoi, alors, n’en a-t-il jamais parlé, ou ne l’a-t-il même jamais mentionné ?</p>
<p>Darwin croyait en fait fermement que les caractères soumis à l’évolution par la sélection naturelle étaient ceux qui présentaient une variation graduelle entre les individus (par exemple les différences de taille au sein d’un groupe). Aujourd’hui, nous les appelons caractères « quantitatifs ». De plus, il défendait la théorie de la pangenèse (tout le corps contribue à la reproduction en envoyant des cellules dans les organes génitaux ; ovocyte et spermatozoïde sont pour lui des « polybourgeons » résultant de l’agrégation de toutes cellules) et de la nature mixte des hybrides : des concepts diamétralement opposés aux conclusions de Mendel.</p>
<p>En bonne logique darwinienne, ce que Mendel avait découvert n’avait tout simplement rien à voir avec ses propres travaux…</p>
<h2>La synthèse néodarwinienne</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474906/original/file-20220719-18-c0t7bz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Theodosius Dobzhansky au Brésil en 1943.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Dobzhansky_no_Brasil_em_1943.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que la pangenèse ait été rapidement écartée après la redécouverte des travaux de Mendel en 1900, la croyance selon laquelle la génétique mendélienne ne pouvait pas expliquer les changements évolutifs est restée vivace.</p>
<p>Ce n’est qu’en 1937, avec la publication de <em>La génétique et l’origine des espèces</em> par le généticien et évolutionniste russo-américain Theodosius Dobzhansky, que le fossé entre les deux disciplines commence à se combler. Ce rapprochement, avec également les résultats obtenus en génétique des populations et en biologie, donnera naissance à la théorie synthétique évolutionniste (ou néodarwinisme).</p>
<blockquote>
<p>« Rien n’a de sens en biologie, si ce n’est à la lumière de l’évolution » (Citation de T. Dobzhansky, d’après son essai paru en 1973)</p>
</blockquote>
<p>Les travaux de Dobzhansky ont montré que la microévolution (variation au sein d’une espèce) et la macroévolution (variation entre espèces) ont la même base : les « gènes » mendéliens.</p>
<p>Que n’auraient pas donné Gregor Mendel et Charles Darwin pour échanger avec Theodosius Dobzhansky dans le monastère de Brno, autour de quelques chopes de la bière qui y était brassée ! Il leur aurait expliqué comment les facteurs héréditaires découverts dans les jardins environnants sont à la base de l’origine et de la diversification de toutes les espèces, passées, présentes et futures, sur notre planète…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190981/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>José María Díaz Mínguez no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>
Leurs travaux sont contemporains et se complètent parfaitement… Mais si Mendel, père de l’hérédité, a lu Darwin, rien ne dit que le naturaliste anglais lui a rendu la politesse. Retour sur ce mystère.
José María Díaz Mínguez, Catedrático de Genética, Universidad de Salamanca
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/188495
2022-09-22T18:43:17Z
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La révolution microbienne racontée par Hector Lebrun, témoin privilégié du XIXᵉ siècle
<figure class="align-right zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Représentation schématique du concept One Health (Une seule santé).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle, un nouveau paradigme s’impose en infectiologie et en santé publique : <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549"><em>One Health</em></a> (une seule santé), basé sur la reconnaissance des interconnexions entre santé humaine, santé animale et état des écosystèmes. Il remplace celui de la théorie microbienne de Pasteur et Koch (XIX<sup>e</sup> s.) et constitue un retour partiel à l’antique théorie des miasmes d’Hippocrate, qui attribuait à l’environnement un rôle prédominant dans l’émergence des épidémies.</p>
<p>Ces changements de paradigme ont des implications majeures en santé publique : la théorie des miasmes avait servi de base aux politiques hygiénistes visant à assainir les villes, puis la théorie microbienne avait mis l’accent sur la lutte contre les agents pathogènes via la stérilisation des aliments, les antibiotiques et la vaccination. <em>One Health</em> recommande désormais d’agir également sur les conditions socio-économiques et environnementales favorisant les infections.</p>
<p>Pour mieux en saisir les implications, revenons sur la naissance de la théorie microbienne qui a façonné notre vision des pathogènes depuis plus d’un siècle avec pour guide un témoin privilégié de son développement, Hector Lebrun.</p>
<h2>Un savant généraliste</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Hector Lebrun penché sur un microscope" src="https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478351/original/file-20220809-15346-vohb4s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Hector Lebrun (1866-1960) va s’intéresser à la microscopie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BUMP</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Hector Lebrun est un scientifique belge né en 1866. Il <a href="https://libstore.ugent.be/fulltxt/MEM10/000/000/231/MEM10-000000231_1913.pdf">étudie</a> les sciences naturelles à la Faculté des sciences du Collège Notre-Dame de la Paix à Namur (UNamur), obtient à l’Université de Louvain (UCL) un premier doctorat en médecine en 1893, puis un second en 1897 en sciences naturelles.</p>
<p>Entre 1898 et 1908, il réalise de nombreux séjours à l’étranger, tant en Europe qu’aux États-Unis. D’abord assistant à l’UCL, puis successivement aide-naturaliste et conservateur au Musée des sciences naturelles de Bruxelles, il est finalement nommé chargé de cours en anatomie et physiologie à l’Université de Gand.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Dessins réalisés par Hector Lebrun sur base d’observations en microscopie. À gauche deux schistomomes, mâle et femelle, enlacés et à droite un ténia (ver solitaire).</span>
<span class="attribution"><span class="source">BUMP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chercheur éclectique, savant généraliste, Lebrun s’intéresse à la reproduction des batraciens, aux techniques de microscopie, à la théorie de l’évolution, à l’archéologie et à la muséologie. Né dans un siècle malmené par les flambées épidémiques, il étudie aussi la question de l’immunité contre les maladies infectieuses.</p>
<p>C’est ainsi qu’en 1897, il publie un long article intitulé « <a href="https://www.urbm.be/research-groups/jean-jacques-letesson/publications">L’immunité dans les maladies microbiennes</a> » dans la <a href="https://www.rqs.be/app/views/index.php"><em>Revue des questions scientifiques</em></a> – fondée par la Société scientifique de Bruxelles et toujours éditée en collaboration avec l’UNamur. Ce texte résume les grandes polémiques scientifiques de l’époque et, rétrospectivement, éclaire la dynamique de la production du savoir par les pionniers de l’infectiologie.</p>
<h2>Théorie des miasmes et théorie de la contagion</h2>
<p>Remontons tout au début. Longtemps, et dans la plupart des civilisations, les épidémies ont été interprétées comme des messages ou des punitions divines. Dans la Rome ancienne, par exemple, Febris est la déesse de la fièvre. En cas de maladie, elle est honorée dans les temples qui lui sont dédiés.</p>
<p>Au VI<sup>e</sup> siècle avant J.-C., les philosophes grecs présocratiques inaugurent une approche « mécanistique » des maladies où l’environnement joue un rôle clé. Un siècle plus tard, le philosophe grec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hippocrate">Hippocrate de Cos</a>, considéré comme le père de la médecine, développe ce concept dans son traité <em>Airs, Eaux et Lieux</em>. Il y présente la maladie comme résultant des interactions de l’humain avec son environnement.</p>
<p>Cette vision va donner naissance à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22475662/">théorie des miasmes</a>, qui explique la transmission des épidémies par le « mauvais air » et les émanations malsaines produites spontanément par la pourriture. Sur la base de cette théorie, défendue ensuite par le médecin grec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Galien">Claude Galien</a>, il est recommandé de lutter contre les miasmes par le feu et les aromates.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Tableau représentant la Peste en cavalier dans un nuage" src="https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478390/original/file-20220809-16023-mvpk1f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1078&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Peste (Arnold Böcklin, 1898) est représentée sous la forme d’un nuage chargé de miasmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kunstmuseum Basel, Online Collektion</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Durant le XVI<sup>e</sup> siècle, le poète et médecin italien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Girolamo_Fracastoro">Girolamo Fracastoro</a>, s’appuyant sur des observations réalisées lors d’épidémies, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11612689/">propose en 1546 dans son ouvrage <em>De contagion</em> une théorie</a> selon laquelle la maladie nécessite un contact direct ou indirect (via les vêtements, etc.) entre individus pour se transmettre. Cependant, Fracastoro conçoit les germes comme de simples « substances corrompues » et reste fidèle à la tradition hippocrato-galénique.</p>
<p>Ce n’est qu’au XVII<sup>e</sup> siècle que, pour la première fois, des organismes microscopiques sont identifiés. Cette découverte est le fait du drapier néerlandais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Antoni_van_Leeuwenhoek">Antoni Van Leeuwenhoek</a> qui, pour vérifier la qualité de ses étoffes, avait amélioré les lentilles des microscopes. Ses microbes, observations inédites en biologie, sont cependant accueillis avec scepticisme…</p>
<p>Ainsi, en dépit des travaux de Fracastoro et Van Leeuwenhoek, la théorie des miasmes ne perd de son influence qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Il faut toutefois lui reconnaître d’avantageux effets : elle stimule notamment les grandes réformes sanitaires du milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, comme la construction d’importants réseaux d’égouts à Londres et Paris. Elle est donc à la base de l’assainissement des villes et d’une <a href="https://www.researchgate.net/publication/283361062_Twentieth_century_mortality_trends_in_England_and_Wales">importante diminution de la mortalité</a> due aux infections.</p>
<h2>La théorie microbienne de Pasteur et Koch</h2>
<p>Puis d’un coup, c’est le grand saut. En 25 ans à peine, le monde inconnu jusque-là de l’infiniment petit se dévoile… Lebrun décrit sa découverte et la fascination qu’exercent alors les microbes :</p>
<blockquote>
<p>Ils contribuent à nous faire vivre en attendant qu’ils nous dévorent</p>
<p>Ils nous entourent, nous englobent, nous disputent nos aliments.</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="Tableau montrant Pasteur observant un bocal dans on laboratoire au milieu de fioles" src="https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479575/original/file-20220817-23-ssl6gb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Son étude de moelle épinière de lapin enragé permet à Louis Pasteur de concevoir le vaccin contre la rage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée d’Orsay (A. Edelfelt)</span></span>
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</figure>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Pasteur">Louis Pasteur</a> fait partie de ceux qui ont révolutionné notre vision du vivant. En 1862, le <a href="https://journals.openedition.org/bibnum/443">chimiste français invalide expérimentalement l’antique théorie de la génération spontanée de la vie</a>. Il démontre en effet que la fermentation et la croissance des micro-organismes dans les bouillons de culture peuvent être prévenues si l’on évite les contaminations par la stérilisation.</p>
<p>Cette pratique va dès lors s’implanter dans les domaines de l’alimentation et en médecine, avec des effets notables. Par exemple, la <a href="https://meridian.allenpress.com/jfp/article-abstract/81/10/1713/104691/A-Brief-History-of-Milk-Hygiene-and-Its-Impact-on?redirectedFrom=fulltext">pasteurisation du lait</a>, qui s’impose au début du XX<sup>e</sup> siècle, va contribuer à réduire la mortalité infantile.</p>
<p>Puis, en 1879, une nouvelle découverte de Pasteur et ses collaborateurs <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3342039/">ouvre la voie à la conception de vaccins</a> : des volailles auxquelles on a inoculé des cultures vieillies du choléra des poules (causé par une bactérie du genre <em>Pasteurella</em>) non seulement ne meurent pas, mais en plus résistent ensuite à une infection par une culture pleinement virulente.</p>
<p>Enfin, le médecin allemand <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Koch">Robert Koch</a> et son collaborateur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_L%C3%B6ffler">Friedrich Löffler</a> énoncent en 1890 une série de critères (les « postulats de Koch ») permettant d’établir une relation de cause à effet entre un microbe et une maladie.</p>
<p>Fusionnées, toutes ces avancées fondent la <strong>théorie microbienne</strong> qui postule que les infections sont des « maladies microbiennes » : elles résultent d’une contamination par des micro-organismes pathogènes. Ce nouveau paradigme supplante rapidement la théorie des miasmes et réoriente durablement les recherches en infectiologie. Celles-ci se focalisent désormais sur la découverte et la caractérisation des agents pathogènes ainsi que sur le développement de vaccins et la compréhension de leurs mécanismes d’action.</p>
<h2>L’immunité dans les maladies microbiennes</h2>
<p>Hector Lebrun est un témoin privilégié de l’émergence de ce consensus. À la fin des années 1890, il affirme sa prédominance :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde est d’accord aujourd’hui pour reconnaître que les maladies infectieuses sont toutes d’origine microbienne. »</p>
</blockquote>
<p>Mais une question demeure : par quel mécanisme la vie des bactéries est-elle nuisible à la nôtre ?</p>
<p>Deux hypothèses s’affrontent encore. Pasteur prône une explication dite « vitaliste » : la maladie est causée par la multiplication des microbes dans le corps. D’autres sont partisans d’une explication chimique : elle résulte des poisons produits par la putréfaction, et les microbes ne sont que des « satellites inconstants et inoffensifs ». Ils pointent le fait que dans plusieurs maladies infectieuses (diphtérie, tétanos, choléra…), les microbes ne semblent pas disséminer dans le corps ou s’y multiplier intensément.</p>
<p>Cette controverse fut résolue par l’isolation dans des cultures bactériennes de substances extrêmement toxiques capables de reproduire chez l’animal les symptômes de ces maladies. Cette capacité des microbes à sécréter des toxines permettait de concilier les deux explications – restait à les caractériser chimiquement, ce qui n’était pas une mince affaire.</p>
<p>La persistance de l’activité des toxines après de fortes dilutions interroge… Lebrun mentionne qu’un milligramme de la toxine du tétanos « est mortel pour 500 millions de fois son poids de matière vivante », ce qui parait alors inconcevable. Certains postulent l’existence d’une « sorte de vibration, d’un ébranlement imprimé par le microbe aux molécules » responsable de cette toxicité. Encore plus mystérieux, ces toxines, inoffensives lorsqu’administrées par voie orale, sont souvent fatales quand injectée dans le sang… (L’existence de récepteurs spécifiques ne sera comprise que bien plus tard.)</p>
<p>Lebrun souligne une autre observation cruciale : l’évolution des agents infectieux, par exemple en les inoculant à d’autres animaux. Le microbe peut « perdre des propriétés, il peut en acquérir d’autres, et pourtant toujours rester le même ». Ces observations sont importantes pour comprendre la dynamique des épidémies… mais leur bonne compréhension demandera des avancées en génétique.</p>
<p>Enfin, le biologiste relate également des expériences suggérant que la plus grande virulence d’un agent pathogène découle de sa capacité à résister à nos défenses immunitaires. Encore une observation cruciale qui demandera des décennies de recherche avant de mener au concept de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0404758101">mécanisme d’échappement à la réponse immunitaire</a> (que les pathogènes acquièrent par coévolution avec le système immunitaire de leur hôte).</p>
<p>Fort de ces constats, Lebrun décrit ensuite les nouvelles stratégies de lutte contre les agents infectieux : d’une part le développement de l’hygiène en médecine permet d’éviter les contaminations, d’autre part des traitements novateurs émergent, comme la <a href="https://www.revuebiologiemedicale.fr/biologie-et-histoire/biologie-et-histoire-archives/331-renato-dulbecco-de-la-virologie-a-la-cancerologie-5.html">sérothérapie</a> (transfert du sérum d’un individu immunisé à une maladie). Son succès souligna l’importance d’élucider les acteurs impliqués dans l’immunité acquise naturellement (suite à une infection) ou artificiellement (par vaccination ou sérothérapie).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Metchnikoff a son microscope, sur la paillasse de son laboratoire" src="https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479577/original/file-20220817-14-xaw9yn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Élie Metchnikoff (ici dans son laboratoire à l’Institut Pasteur de Paris, 1913) recevra le Nobel de Médecine en 1908 pour ses découvertes sur l’immunité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque nationale de France</span></span>
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<p>Mais à cet égard, deux grandes théories s’opposent toujours : <strong>l’immunité des humeurs</strong>, soutenue par des chercheurs allemands dont Emil Adolf von Behring (qui développa les bases de la sérothérapie), qui postule l’existence dans le sang de substances chimiques bactéricides (capables de tuer les bactéries) et <strong>la théorie de la phagocytose</strong>, défendue par Elie Metchnikoff et l’Institut Pasteur, qui attribue l’immunité à des cellules capables d’englober et de détruire les bactéries.</p>
<p>Lebrun ne se contente pas de compiler les avancées de son temps, il les analyse en se fiant à son expertise. Il avance ainsi que « ni la théorie phagocytaire, ni la théorie des humeurs, prises séparément, ne peuvent expliquer l’immunité ». Il existerait « de nombreux et puissants moyens de défense » capables de synergie pour éliminer les microbes… Immunités humorale et cellulaire seront décrites par la suite : Lebrun avait vu juste.</p>
<h2>Une histoire sans fin</h2>
<p>Galvanisé par la rapidité des progrès, Lebrun est toutefois beaucoup trop optimiste à certains égards…</p>
<p>Le biologiste conclut en effet son texte avec l’espoir que l’on découvre « à bref délai » un sérum contre la tuberculose, causée par la bactérie <em>Mycobacterium tuberculosis</em> qui fait alors des ravages. Il faudra pourtant attendre les premiers essais sur l’humain en 1921 du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vaccin_bili%C3%A9_de_Calmette_et_Gu%C3%A9rin">vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG)</a>, développé à l’Institut Pasteur de Lille à partir d’une souche atténuée de bacille tuberculeux bovin (<em>Mycobacterium bovis</em>), pour disposer d’un vaccin conférant une protection partielle.</p>
<p>Aujourd’hui encore, en dépit de plus de 120 ans de recherche, <a href="https://www.cell.com/med/fulltext/S2666-6340(21)00380-9?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS2666634021003809%3Fshowall%3Dtrue">nous ne disposons toujours pas d’un vaccin pleinement protecteur contre la tuberculose</a>.</p>
<p>Une situation qui n’a rien d’exceptionnel : de nombreux agents pathogènes disposent de <a href="https://theconversation.com/comment-les-microbes-reussissent-ils-a-echapper-aux-vaccins-151401">mécanismes d’échappement à la réponse immunitaire</a> qui rendent problématique le développement de vaccins et invalident une approche de santé publique qui serait uniquement centrée sur le microbe. Quant à l’application du nouveau concept <em>One Health</em>, elle se heurte à l’absence d’une réelle stratégie sanitaire internationale ainsi qu’à la difficulté d’imposer une politique préventive en matière de protection de l’environnement et de la biodiversité… L’histoire de la lutte contre les maladies infectieuses est donc loin d’être finie.</p>
<h2>Une approche méthodologique moderne</h2>
<p>L’article d’Hector Lebrun est une des nombreuses archives qu’a décidé de valoriser la <a href="https://www.unamur.be/bump">bibliothèque universitaire Moretus Plantin</a>. Consulter ces documents anciens, c’est retrouver l’état des connaissances au tournant du vingtième siècle… et se rendre compte de l’immensité des progrès engrangés dans les disciplines scientifiques, les contextes de recherche et les pratiques savantes adoptées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/479571/original/file-20220817-26-2spfmc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bibliothèque universitaire Moretus Plantin.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BUMP</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ainsi, par exemple, s’étonne-t-on de ne croiser aucun nom féminin dans le texte du biologiste. La science, à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, est quasi exclusivement une histoire d’hommes. Un fait qui rappelle en creux que les femmes n’ont eu accès à l’enseignement supérieur et aux carrières qu’il permettait que très récemment. En Belgique, il fallut attendre les années 1880 pour que les universités de Liège, de Bruxelles et de Gand accueillent leurs premières étudiantes, 1920 pour l’Université (catholique) de Louvain, et 1953 pour celle de Namur.</p>
<p>De la même façon, les « hécatombes » de batraciens que Lebrun réalise dans le cadre de ses recherches sur l’appareil reproducteur démontrent combien l’expérimentation animale est une pratique qui a évolué. Dans son article, le biologiste présente des expériences sur des animaux infectés tels que lapin, chien et parfois même directement sur l’humain. C’est dire combien la recherche n’était pas encore encadrée par un arsenal législatif !</p>
<p>À d’autres égards, la synthèse de Lebrun relève d’une méthode extrêmement moderne en infectiologie. Le biologiste souligne l’importance de l’approche expérimentale pour tester les hypothèses. Tout comme aujourd’hui, les expériences sont réalisées à différents niveaux de complexité : <em>in vitro</em>, chez l’animal et même sur l’humain. Lebrun note ainsi déjà que les résultats des expériences d’infection diffèrent en fonction de l’hôte utilisé, ce qui met en évidence la spécificité d’hôte des agents pathogènes, le fait qu’ils soient adaptés à certains organismes.</p>
<p>Enfin, on est frappé par la pluridisciplinarité des travaux réalisés par les pionniers de l’infectiologie. Le développement des connaissances en microbiologie et en immunologie a reposé sur la maîtrise des techniques de chimie et de microscopie. Lebrun cite un grand nombre de collègues et décrit leurs travaux : la science est déjà une entreprise collective, en réseau, où l’on échange des informations et où l’on se critique. Ces commentaires, parfois acerbes, sont les germes de l’évaluation par les pairs.</p>
<p>De tels textes de science montrent à la fois qu’un monde sépare les XIX<sup>e</sup> et XXI<sup>e</sup> siècle… mais que cette distance n’est finalement pas si grande.</p>
<hr>
<p><em><strong>Pour aller plus loin</strong> : Écoutez les <a href="https://open.spotify.com/show/04zjP5tnkukaBcfE32uJTP">quatre podcasts HECTOR</a> qui explorent, à partir des archives et de l’itinéraire scientifique d’Hector Lebrun, des questions de science et de société : la place des femmes dans le monde de la recherche, les résistances à la théorie de l’évolution, les pratiques de l’expérimentation animale et la valeur de la parole des experts dans la sphère publique.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Céline Rase a reçu des financements du Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS) et de l'Institut Moretus Plantin (Belgique).</span></em></p>
La crise du Covid a révélé les carences en culture scientifique – et en microbiologie. D’où l’intérêt de redécouvrir les travaux pionniers, notamment via le regard d’un expert du XIXᵉ, Hector Lebrun.
Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Directeur de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)
Céline Rase, Chercheuse en histoire, Université de Namur
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.