tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/londres-27318/articlesLondres – The Conversation2024-02-08T16:52:31Ztag:theconversation.com,2011:article/2216392024-02-08T16:52:31Z2024-02-08T16:52:31Z« Pauvres créatures » : Alasdair Gray, auteur du roman derrière le film<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573024/original/file-20240202-15-erbbgu.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=125%2C83%2C1057%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alasdair Gray, _Eden and After_, fresque pour la Greenhead Church de Glasgow, 1963, détail. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nationalgalleries.org/art-and-artists/113174?artists%5B25%5D=25&search_set_offset=0">National Galleries, Scotland</a></span></figcaption></figure><p>Le film <em>Pauvres Créatures</em>, adaptation rétrofuturiste du roman éponyme d’Alasdair Gray, adapté par Tony McNamara et réalisé par Yorgos Lánthimos, propulse le spectateur dans un univers à la fois exubérant, tragicomique, grotesque et jubilatoire que ne renierait sans doute pas l’auteur du roman. <em>Poor Things</em> (1992) (<em>Pauvres Créatures</em>, <a href="https://editions-metailie.com/livre/pauvres-creatures">dans la version française</a>), est une réactivation dix-neuvièmisante du mythe de Frankenstein, fondée sur le postulat gothique du savant fou qui ressuscite une jeune suicidée en lui greffant le cerveau du fœtus qu’elle portait au moment de sa noyade. </p>
<p>L’esthétique travaillée du film, avec l’alternance noir et blanc/couleur, et le recours à une palette saturée et chromatiquement exubérante, l’effet d’œilleton qui indique la notion de point de vue, celui de la protagoniste Bella Baxter, sont autant d’éléments participant à l’interprétation que le metteur en scène propose de ce roman qui conduit ses personnages de Glasgow (Londres dans le film) à Alexandrie, en passant par Odessa (le film choisit Lisbonne) ou encore un bordel parisien.</p>
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<h2>Faire lien entre littérature et Histoire</h2>
<p>En 2012 paraît une monographie signée Camille Manfredi consacrée à Alasdair Gray, écrivain et artiste peintre né à Glasgow en 1934, dont le titre, <a href="https://pur-editions.fr/product/4725/alasdair-gray"><em>Le Faiseur d’Écosse</em></a> est inspiré de celui d’un roman de l’auteur paru en 1994, <a href="https://editions-metailie.com/livre/le-faiseur-dhistoire/"><em>Le Faiseur d’Histoire</em></a> (<em>A History Maker</em>). Ces deux titres capturent l’essence de l’apport de l’auteur à la littérature écossaise, mais également britannique, en insistant sur le lien intime entre littérature, (petites) histoires, et (grande) histoire, et sur la capacité de l’artiste à « faire » (le mot « makar », proche phonologiquement de « maker », désigne le poète en langue écossaise). C’est en effet dès la publication du premier roman de Gray en 1981, <a href="https://editions-metailie.com/livre/lanark/"><em>Lanark, A Life in Four Books</em></a> que se manifeste cette étroite corrélation.</p>
<p>Le contexte historique, politique et social de la publication de <em>Lanark</em> coïncide avec l’arrivée au pouvoir en 1979 de Margaret Thatcher, dont la politique économique et le libéralisme laissez-faire laisseront de profondes traces en Écosse, notamment sur les <a href="http://www.clydewaterfront.com/clyde-heritage/river-clyde/shipbuilding-on-the-clyde_">chantiers navals de la Clyde à Glasgow</a>, dont la population ouvrière fut particulièrement touchée par la récession économique de la fin du XX<sup>e</sup> siècle. L’année de cette élection fut aussi l’année du (premier) <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1998/04/SCHLESINGER/3655">référendum sur l’autonomie de l’Écosse</a>, dont l’échec plongea le pays dans une période de dépression politique accompagnant les souffrances économiques.</p>
<p>Dans ce contexte se produisit une seconde renaissance littéraire, extrêmement politisée, dévolutionnaire puis indépendantiste, qui prit le relais d’une sphère politique en berne, édifiant ce que le romancier Duncan McLean décrivit comme « un parlement de romans » (<a href="https://journals.openedition.org/rfcb/1175">« a parliament of novels »</a>) pendant les années qui menèrent à la dévolution en Écosse et à l’inauguration du parlement en 1999. </p>
<p>Cette participation de la littérature à la (re) constitution à la fois politique et historique de l’Écosse prend aujourd’hui des allures de mythes des origines ; pour autant, cette vision atteste de la force du lien entre les artistes écossais et l’histoire de leur pays notamment depuis le poème accusateur de Robert Burns <a href="https://www.youtube.com/watch?v=XLaYLDuxvQ8">« Such a Parcel of Rogues in a Nation »</a> (1791), dans lequel l’auteur traitait de vendus les technocrates qui, au moment de l’union des parlements en 1707, avaient accepté pour quelques pièces d’or de « vendre » l’Écosse à l’Angleterre.</p>
<h2>Postmodernisme et nationalisme : Gray et l’engagement</h2>
<p>Car la première caractéristique de l’œuvre de Gray qui, dès <em>Lanark</em>, mêle expérimentations formelles, visuelles et génériques, et propose un art qui tour à tour esquisse une forme d’hyperréalité, mais aussi de fantastique allant parfois jusqu’à convoquer des éléments de science-fiction au service de ce qu’il nomme inlassablement une « meilleure nation », est l’engagement. Engagement d’un artiste : <em>Lanark</em> possède une double intrigue, une réaliste, inspirée de la vie de l’auteur, et l’autre fantasmagorique, qui campe un sombre au-delà dystopique nommé Unthank, dans lequel erre un personnage amnésique que le récit relie au héros de la partie réaliste. </p>
<p>Il rencontre au passage son auteur, un « fichu magicien » dans un épilogue au roman intervenant avant la fin du livre, et se voit proposer deux fins, dont l’une est jugée « bloody rotten » (vraiment pourrie). Ce roman, qui valut à son auteur d’être rangé parmi les écrivains postmodernistes, jongle avec la temporalité, les identités, réelles et fictionnelles, au gré d’un récit déstructuré non chronologique ; il met en péril le texte en en déplaçant les frontières entre texte et hors texte, entre personnage de roman et leur auteur, entre monde fictionnel et monde réel.</p>
<p>Ce qualificatif encombrant d’auteur postmoderniste, que Gray réfute et dont il joue cependant, a parfois occulté à quel point son œuvre est à la fois engagée et politique. Engagée en faveur de l’indépendance écossaise : Gray est auteur de deux essais, <em>Why Scots should rule Scotland</em>, publié en 1992 au moment de la campagne pour la dévolution de l’Écosse, puis <em>Why we Should Rule Ourselves</em> (2005). Pour autant, son engagement n’est pas cantonné à la forme de l’essai ou du pamphlet : il est partie intégrante de son œuvre, qui répète sa vision d’une « meilleure nation », précisant qu’elle pourrait prendre la forme d’une « petite République socialiste coopérative ». C’est surtout un engagement qui postule l’importance de la littérature dans l’existence même d’une nation, argument qui sera important lors de la <a href="https://www.luath.co.uk/art-and-photography/arts-of-independence-the-cultural-argument-and-why-it-matters-most">campagne pour l’indépendance en 2016</a>.</p>
<h2>Un imaginaire politique, lié au territoire</h2>
<p>Duncan Thaw, héros de <em>Lanark</em>, identifie la raison de la non-existence de sa ville, et par extension, de son pays : « Si une ville n’a pas été utilisée par des artistes, même ses habitants n’y vivent pas en imagination », dit-il. Pour exister, une ville doit d’abord avoir une existence dans l’imaginaire collectif. Le mot est lâché : l’imaginaire ; il engage la responsabilité des artistes. Celle de Gray, et celle de ses contemporains tels que James Kelman, Edwin Morgan, Liz Lochhead, Iain Banks ou encore William McIlvanney qui, comme lui, viendront (ré) inscrire l’Écosse sur la carte du monde. L’adaptation de <em>Poor Things</em> par Yorgos Lánthimos vient parachever ce phénomène en lui donnant la résonance mondiale du blockbuster aux deux Golden Globes et au Lion d’Or, au prix toutefois d’une ironie, puisque l’intrigue du film est déplacée de Glasgow à Londres.</p>
<p>L’imaginaire est, chez Gray, politique, lié à la thématique fondatrice du territoire. Pour <em>Lanark</em>, il convient de prendre de la hauteur sur les montagnes du pays afin de cartographier l’espace et ainsi délimiter le territoire de la nation. Pour <em>A History Maker</em>, les territoires sont explorés par un « œil public » surplombe les champs de bataille entre clans rivaux. Enfin, Gray est illustrateur et, dans chacun de ses livres, fait dialoguer texte et image de manière foisonnante, et inclut la carte, le dessin de frontières, dans <a href="https://canongate.co.uk/books/97-a-history-maker/">nombre de ses illustrations et couvertures</a>.</p>
<p><em>Poor Things</em> convoque également le territoire comme conquête, en utilisant la période à laquelle se déroule l’intrigue afin de fustiger l’impérialisme britannique : Lord Blessington, époux de Bella/Victoria, est un impérialiste dominateur qui déclare dans le film vouloir annexer le corps de sa femme. Cette idéologie fait son chemin dans le livre sous forme d’addenda, une invasion des bordures du texte (des paratextes) qui sont la marque de fabrique de l’auteur. Elle est faite de notes historiques apocryphes, mais qui soulignent l’emprise de l’idéologie impérialiste et, au passage, la part que prit l’Écosse à l’expansionnisme britannique. Dans le film, cela se limite à la terreur grotesque que Blessington inspire à son personnel tenu en joue de son pistolet.</p>
<p>Autre dimension gommée de l’adaptation, la femme-territoire, dans le roman, est aussi une femme qui s’engage, et engage avec elle l’avenir d’une nation. Nommée Bella, Victoria Blessington, puis Victoria McCandless, mais surtout Bella Caledonia, elle allégorise la nation écossaise. Elle est aussi le véhicule de la critique sociale : Victoria McCandless, la version conquérante de Bella Baxter (cf le royal prénom) est médecin, suffragette, engagée pour faire une différence dans la vie des femmes et des hommes de son époque, mettant à mal les stéréotypes victoriens et édouardiens.</p>
<p>L’internationalisation que constitue l’adaptation par Lánthimos de ce roman à maints égards particulièrement écossais est aussi paradoxalement une sorte de retour bienvenu au point de départ pour un écrivain éclectique qui n’a jamais considéré ses inspirations comme étroitement nationales. Au rang des sources, Robert Burns bien sûr, le poète national, notamment pour ses propositions révolutionnaires, comme celle du poème « Un homme est un homme » (<a href="https://www.scottishpoetrylibrary.org.uk/poem/mans-man-0/">« A man’s a man for a’ that »</a>) qui fait fi des distinctions sociales pour proclamer l’humanité commune aux grands de ce monde et au peuple ; d’autres grands auteurs écossais tels que Robert Louis Stevenson, dont la nouvelle « The body snatcher » est une des sources d’inspiration de <em>Poor Things</em>, ou encore Walter Scott, Hugh MacDiarmid ou des contemporains de Gray ; mais aussi Shakespeare, Dickens, William Blake, Tolstoï, tous les grands auteurs de la littérature mondiale, les philosophes (il y a dans <em>Poor Things</em> une mise en perspective de la rationalité des lumières, la raison conduisant parfois à la déchéance de l’humain), les auteurs antiques, la Bible bien sûr, ou encore des lectures de son enfance, des romans ou des textes plus confidentiels.</p>
<h2>Un auteur versatile et curieux</h2>
<p>Car la seconde caractéristique de Gray est la versatilité de son esprit et de sa curiosité. Cette caractéristique de son écriture confère à ses romans une vitalité et une dimension carnavalesque, <a href="https://www.jstor.org/stable/42945044">au sens Bakhtinien du terme</a>. Les œuvres de Gray, de <em>Lanark</em> à <em>Old Men in Love</em> (2007) ou à sa pièce <em>Fleck</em> (2008), réécriture du mythe de Faust, se caractérisent en effet par cette exubérance, cette jubilation à mélanger forme et fond, à mettre en avant la matérialité de l’objet livre, dont les illustrations de couverture en font de véritables objets artistiques, à mettre en scène une intertextualité débordante, dont l’auteur se moque lui-même lorsque, dans l’épilogue de <em>Lanark</em>, il conçoit un « Index des plagiats », placé en marge du texte romanesque dans lequel une figure de l’auteur détaille les emprunts dont il s’est rendu coupable.</p>
<p>L’héritage de Gray, disparu en 2019, est donc immense, et fort opportunément rendu accessible par le travail de diffusion de son travail, pictural et littéraire, de la <a href="https://thealasdairgrayarchive.org">Alasdair Gray Archive</a>.</p>
<p>Pour avoir une idée de son œuvre picturale, on peut admirer la magistrale fresque murale dont Gray orna <a href="https://oran-mor.co.uk/arts-for-all/celestial-ceiling-mural/">l’église d’Oran Mor</a> dans le West End de Glasgow, aujourd’hui lieu dédié à la culture et à l’événementiel.</p>
<p>Concernant l’importance du Gray écrivain, certains auteurs l’ayant aujourd’hui rejoint au canon de la littérature écossaise reconnaissent sa colossale influence. Ainsi de Janice Galloway, qui écrit dans un article intitulé <a href="https://archive.org/details/sim_review-of-contemporary-fiction_1995_15_index">« Me and Alasdair Gray »</a> qu’il a ouvert la voie pour les artistes de sa génération, en décloisonnant une géographie de la littérature jusqu’alors polarisée sur la grande voisine anglaise et le « centre » londonien. Il lui a permis d’oser imaginer (encore l’imagination) une carrière d’écrivain pour elle-même, grâce à cette voix qui montre la voie :</p>
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<p>« La voix d’Alasdair Gray m’a apporté quelque chose de libérateur. Elle n’était ni distante ni condescendante. Elle connaissait des mots, une syntaxe, des endroits que je connaissais aussi, mais les utilisait sans s’en excuser : elle considérait sa propre expérience et sa propre culture comme valables et centrales, et non comme dépassée ou rurale, pittoresque pour les touristes ou arriérée pour déclencher l’hilarité. Plus encore, c’était une voix qui postulait qu’elle n’était pas la seule voix possible. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ce souffle de liberté, ce pouvoir d’imaginer autrement qui est perceptible dans l’adaptation de Lánthimos. C’est aussi ce patrimoine intellectuel, politique et artistique qui fait de Gray un des artistes les plus marquants du XX<sup>e</sup> siècle britannique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Odile Pittin-Hedon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>« Pauvres créatures » est l’adaptation rétrofuturiste du roman d’Alasdair Gray au cinéma. Un auteur et artiste écossais qui a marqué son époque et continue à inspirer le monde de la création.Marie-Odile Pittin-Hedon, Professeur de littérature écossaise contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205082024-01-08T16:57:00Z2024-01-08T16:57:00ZFaire carrière dans la finance : eldorado ou prison dorée ?<p>Une belle opportunité pour les néo-diplômés, de hauts niveaux de salaires, une ambiance de travail jeune et une évolution de carrière très rapide… Telle est la <a href="https://start.lesechos.fr/travailler-mieux/classements/linkedin-publie-son-top-25-des-entreprises-qui-offrent-les-meilleures-carrieres-1936076">façon dont sont souvent dépeintes les carrières</a> dans le <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">monde de la finance</a>. Un discours qui attire semble-t-il : de nombreuses écoles de commerce, d’ingénieurs ou des universités proposent ces filières spécialisées prisées par les étudiants. Plus précisément, les métiers de <a href="https://theconversation.com/topics/trader-22014">traders</a> et de vendeurs sur les marchés, d’analystes financiers également promettent des rémunérations pour la première embauche particulièrement lucratives qui font rêver un certain nombre de jeunes hommes et femmes. Afin de démarrer leur carrière avec des revenus très élevés, les jeunes banquiers d’affaires <a href="https://journals.openedition.org/lectures/421">ne craignent pas de travailler de nombreuses heures</a> en début de carrière.</p>
<p>Des discours qui ne suffisent plus toujours. Beaucoup de nouveaux arrivants sur le marché du travail ont leur exigence, que ce soit en termes de <a href="https://www.lefigaro.fr/decideurs/emploi/horaires-ecologie-qualite-de-vie-les-nouvelles-exigences-des-jeunes-loups-de-la-finance-20230912">qualité de vie</a> ou d’<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/lengagement-climatique-du-secteur-financier-un-critere-de-plus-en-plus-important-pour-les-jeunes-diplomes-2040678">engagement environnemental</a> par exemple. Une face sombre du secteur a également été mise en avant au cours de la dernière décennie par les publications de l’ancien trader <a href="https://theconversation.com/topics/jerome-kerviel-22012">Jérôme Kerviel</a> présentant l’ <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-engrenage-9782081238862.html">« engrenage »</a> dans lequel il s’est trouvé pris.</p>
<p>Nos <a href="https://agrh2021.sciencesconf.org/data/pages/Communication_AGRH_2021_Lescoat_De_Becdelievre.pdf">travaux</a> auprès de professionnels des marchés financiers pour la plupart expatriés dans les grandes capitales internationales questionnent ainsi le rêve que peuvent constituer ces professions sur le moyen et le long terme. Nous avons suivi une cohorte et interrogé une quarantaine de financiers qui exercent des métiers parmi les plus rémunérateurs (plus de 100 000 € les années les plus fastes) : traders, analystes <em>sell-side</em> et vendeurs. Ils semblent suivre un mouvement en deux étapes.</p>
<h2>Essoufflés après cinq années</h2>
<p>Dans les premiers temps, les traders expriment un véritable engouement pour l’activité et le contexte où elle se déroule. L’un d’entre eux revient pour nous sur ses cinq premières années d’expérience :</p>
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<p>« J’ai bien aimé l’équipe, l’ambiance, les tâches et c’est pour cela que j’en suis arrivé là. »</p>
</blockquote>
<p>Tous paraissent très motivés par leur nouvel emploi et s’en disent très satisfaits. Dans cette première phase, le travail semble permettre à l’individu de trouver un certain bonheur personnel. Il y prend du plaisir et cela le conduit à être productif. La littérature qualifie parfois ces réflexions de « <a href="https://www.elgaronline.com/edcollchap/edcoll/9781782547020/9781782547020.00006.xml">sustainable career</a> », la carrière durable, un processus par lequel l’individu ajuste son travail et ses opportunités pour y trouver du sens. Le plaisir d’un travail intellectuellement stimulant, l’ambiance internationale des banques et le salaire élevé grisent les jeunes banquiers qui arrivent sur le marché du travail. La carrière dans la finance est pensée comme un eldorado à la fois pour l’argent et pour le prestige.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496421550295330817"}"></div></p>
<p>Au bout de 5 à 7 ans de carrière, ce mouvement positif et les certitudes laissent cependant place à des difficultés et à des questionnements. Surinvestissement, exigences et horaires de travail démesurés valent-ils le coup ? La moyenne d’heures de travail selon nos enquêtés s’élève de 10 à 12 heures par jour, avec parfois des pics à 14 ou 15 heures dans les cas par exemple d’un travail sur une introduction en bourse. Les nuits de sommeil sont parfois courtes comme nous l’explique un analyste avec cinq ans d’expérience :</p>
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<p>« Je me suis endormi à 1h du matin et me suis levé à 4h30, et je ne peux pas faire de sieste au travail. »</p>
</blockquote>
<p>Les banquiers ont aussi beaucoup de mal à bien se nourrir. Ils mangent souvent sur le pouce et tard, au point que certains banquiers soucieux de leur santé n’hésitent pas à payer une personne pour leur faire à manger :</p>
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<p>« Jusqu’à il y a un mois, mon manager payait une dame de 70 ans pour lui faire à manger… »</p>
</blockquote>
<p>Les financiers mettent aussi en avant une compétition toujours plus intense sur le marché du travail, avec des exigences toujours plus élevées d’année en année :</p>
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<p>« L’employabilité a beaucoup changé, tu es beaucoup plus sur la défensive, on exige beaucoup plus de toi, il y a beaucoup plus de stress de réussite… »</p>
</blockquote>
<p>Les femmes sont sujettes à des difficultés spécifiques dans ce milieu très masculin. Persiste une représentation traditionnelle de la femme où devenir mère est considéré comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/54506">désengagement de la compétition</a> car cette étape de vie nécessiterait obligatoirement un temps passé avec les enfants qui pourrait être utilisé pour signer des contrats ou entretenir une relation client. Une vendeuse de six ans d’expérience le suppose du moins :</p>
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<p>« Peut-être que quand tu as des enfants, tu es moins investie, tu déjeunes moins souvent avec les clients, tu restes moins souvent le soir. »</p>
</blockquote>
<p>Si l’on peut s’attendre à une évaluation claire du travail de chacune et chacun, corrélée aux performances financières, les bonus semblent en fait peu expliqués et laissés à l’appréciation du manager. Dans le cas d’une erreur ou d’une mauvaise gestion, c’est le ou la moins gradé qui en paiera les conséquences. Le système d’évaluation par objectifs, censé apporter une neutralité par le chiffre n’est en fait pas égalitaire car si le calcul d’une performance est objectif, son interprétation est subjective et peut être soumise à des biais, notamment en termes de <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctt7rz99">genre</a>.</p>
<p>Une forte insatisfaction apparaît alors : il ne suffit pas de travailler beaucoup pour être bien évalué et bien rétribué. C’est le mythe de la méritocratie qui s’effondre.</p>
<h2>Partir… pour rester ?</h2>
<p>À moyen terme, cet ensemble de contraintes provoque une baisse de la motivation. Le jeune banquier se questionne sur son rapport au travail, sur sa carrière et sur le sens qu’il peut lui donner. La reconversion reste cependant difficile ne sachant pas où se diriger, certains banquiers quittent la banque pour finalement y revenir dans le même type de poste :</p>
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<p>« Mon année sabbatique m’a donné un peu plus de recul par rapport à ce job. Elle m’a permis de comprendre plus pourquoi je l’ai fait et surtout pourquoi j’y suis retourné : c’est essentiellement parce que je ne sais pas ce que je veux faire, que ça ne nuit pas sur un CV et que ça paye bien »</p>
</blockquote>
<p>Par ailleurs, alors que l’on pourrait penser que l’hyperconsommation ferait partie de cette culture financière, nos enquêtés préfèrent en fait vivre confortablement sans excès. Ils épargnent dans l’éventualité d’un changement de poste qui serait par exemple moins rémunérateur. L’accès à la propriété, peu évident dans les grandes capitales internationales pousse aussi à épargner. Rester dans ces grandes villes, en particulier Londres, est une motivation pour conserver un emploi dans la finance.</p>
<p>Certains cherchent des solutions intermédiaires, un poste en banque moins exposé ou mettent à profit leurs connaissances fines des produits financiers dans d’autres secteurs d’activité. Un équilibre de sens dans la carrière semble être trouvé quand l’individu accepte certaines contraintes pour rester heureux dans sa vie personnelle et professionnelle grâce à une rémunération confortable qui lui permet de profiter des nombreux restaurants et bars et d’avoir un accès à la propriété.</p>
<p>À l’opposé de cette stratégie de sortie, certains font le choix de ne pas construire de vie personnelle. Le travail devient un « lifestyle », un mode de vie. Tout doit être orienté dans le temps non travaillé vers une optimisation afin de dégager le plus de temps possible pour le travail. Le reste est mis de côté et le corps est beaucoup sollicité. Un analyste dans le secteur depuis sept ans se questionne :</p>
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<p>« Ton boss, il est marié ? Comment tu veux qu’il garde une nana avec le travail qu’il fournit… »</p>
</blockquote>
<p>Celles et ceux qui restent sont les personnes qui trouvent une gratification dans l’activité et dans la démonstration de leur capacité de travail. Ou bien souhaitent-ils offrir à leur famille une bonne éducation et un logement confortable, en particulier à Londres ? La perte de leur travail, ou une baisse significative de la rémunération signifierait un retour en France (retour par ailleurs non vécu comme un échec).</p>
<p>Si l’on peut penser cela antinomique avec le travail des traders, nos travaux montrent au contraire que, quel que soit le métier, l’individu cherche à donner du sens à son travail et à se construire une carrière durable. Après onze ans d’exercice, un professionnel nous explique :</p>
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<p>« C’est beaucoup plus amusant qu’avant : je décide de mes horaires, de l’orientation à donner, des produits à développer, des sites clients à prioriser… C’est beaucoup plus intéressant ! »</p>
</blockquote>
<p>La carrière en finance apparaît ainsi comme un eldorado qui peut se transformer un temps en prison dorée. Les plus heureux semblent celles et ceux qui prennent en compte la courte durée de ces carrières dans la finance et se questionnent régulièrement sur « l’après-salle de marché ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220508/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette enquête est issue d'un travail de terrain financé en partie par une bourse de doctorat de l'ESCP Europe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pauline de Becdelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au bout de cinq années d’exercice, les professionnels de la finance à qui l’on promettait monts et merveilles lorsqu’ils étaient étudiants déchantent souvent. De là à quitter le secteur ?Pierre Lescoat, Professeur Assistant, Neoma Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033782023-04-06T10:55:38Z2023-04-06T10:55:38ZDe Paris à Londres, dans les laiteries urbaines du XIXᵉ siècle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519662/original/file-20230405-26-t4ijqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2560%2C1460&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tête de vache ornant l’entrée du passage Delanos à Paris (Xe arrondissement). Il abritait à l’origine une « vacherie » approvisionnait en lait Montmartre. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/01/Inscription_Passage_Delanos_-_Paris_X_%28FR75%29_-_2021-06-25_-_2.jpg/2560px-Inscription_Passage_Delanos_-_Paris_X_%28FR75%29_-_2021-06-25_-_2.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Des caves à fromages médiévales à la production de lait dédiée aux chocolatiers au début du XX<sup>e</sup> siècle, l’historien Fabien Knittel s’intéresse dans son ouvrage <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/la-fabrique-du-lait/">« La Fabrique du lait », paru début mars 2023 aux éditions CNRS</a>, aux mutations des mondes ruraux et des pratiques agricoles en Europe occidentale. Dans l’extrait choisi que nous vous proposons de découvrir ci-dessous, l'auteur nous plonge dans l’univers des laiteries urbaines qui alimentaient en lait frais les capitales française et britannique.</em></p>
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<p>Dans les grandes villes européennes, la consommation de lait frais est un sujet de préoccupation pour les hygiénistes du XIX<sup>e</sup> siècle. C’est un commerce important qui suscite des questionnements tant commerciaux que de santé publique sur la qualité du lait, sur l’approvisionnement ou sur la prévention des fraudes. L’exemple des laiteries de Paris, Londres ou Copenhague permet d’aborder toutes ces questions.</p>
<p>L’hygiène des étables parisiennes intra-muros est un point capital pour assurer une distribution de lait sain. Jusqu’au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, parallèlement aux étables des laitiers-nourrisseurs où l’on élève des vaches intra-muros pour vendre leur lait, l’approvisionnement en lait de la capitale s’effectue grâce à des charrettes à cheval dans un rayon d’environ 15 km. </p>
<p>Des « ramasseurs » récupèrent les bidons de lait ensuite vendus directement à domicile ou confiés à des dépôts de crémiers ou laitiers en gros. Les consommateurs parisiens se rendent aussi parfois directement à l’étable pour obtenir du lait frais à la source. La collecte organisée grâce au développement du chemin de fer permet d’étendre ce rayon d’approvisionnement jusqu’à 150 km à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Paris compte encore 1550 établissements de laitiers-nourrisseurs en 1899. </p>
<p>Olivier Fanica juge que l’on consomme à Paris, vers 1900, le lait d’environ 150 000 vaches en une année. À raison d’environ 1 500 litres de lait par vache et par an, cela donne une consommation annuelle d’environ 225 000 000 de litres. Les étables parisiennes des laitiers-nourrisseurs, pour la plupart d’origine auvergnate, n’en fournissent alors que 10 %, soit 22 500 000 litres. </p>
<p>Les étables à l’hygiène trop souvent douteuse disparaissent alors peu à peu, remplacées progressivement par un approvisionnement issu des fermes laitières des alentours. Se développe alors une structure de type industriel pour approvisionner le marché parisien. Les étables parisiennes n’assurent plus que 15 % du commerce du lait parisien en 1913, seulement 8 % durant les années 1930 et à peine 3 % en 1945.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, on assiste à Paris à l’essor des laitiers en gros, comme la Compagnie générale de la laiterie parisienne, société en commandite fondée en 1859. Elle fait rapidement faillite, mais d’autres se développent comme la Société des Fermiers réunis, fondée en 1881, qui devient le premier fournisseur de lait de Paris avec environ 200 000 litres de lait quotidien jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. </p>
<p>Si les Fermiers réunis dominent le marché parisien, ils n’en ont pas l’exclusivité. Ils doivent compter, au début du XX<sup>e</sup> siècle, avec la Laiterie centrale, la Laiterie d’Augerville, la Laiterie Hauser et, enfin, la Société laitière Maggi, fondée en 1907. Le succès de cette dernière tient à la création d’une chaîne de magasins qui assurent une vente de lait dans des conditions d’hygiène optimales. Face à l’hégémonie des entreprises de vente, les producteurs de la banlieue parisienne se regroupent en coopérative pour contrebalancer leur quasi-monopole.</p>
<p>Les sociétés de laiteries installent leurs locaux à proximité des gares afin de pasteuriser le lait dès son arrivée. Au début du XX<sup>e</sup> siècle, le lait frais est parfois stérilisé, à une température proche de 100 °C, avant d’être versé dans les bouteilles vendues directement aux particuliers. Cela limite les problèmes d’hygiène, mais c’est économiquement peu rentable. </p>
<p>Il faut attendre les années 1930 pour que le lait soit transporté dans des citernes isothermes ; on généralise alors aussi l’embouteillage du lait. Une fois conditionné, le lait est vendu au porte-à-porte par des laitières, souvent des jeunes filles, dans tous les quartiers de la capitale. Si le lait vendu à Paris est principalement du lait de vache, on peut aussi y trouver du lait de chèvre, dont des troupeaux stationnent à Paris de février à octobre-novembre et procurent ainsi leur lait aux Parisiens jusqu’à la veille de la Grande Guerre.</p>
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<img alt="Illustration représentant la foire du lait à St James’s Park, à Londres" src="https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519663/original/file-20230405-617-7cg1wx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La foire au lait à Saint James’s Park. Illustration tirée de l’ouvrage « Walks in London » (1878) d’Augustus Hare.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Milk_Fair,_St._James%27s_Park_-_Walks_in_London,_Augustus_Hare,_1878.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>À Londres, dans les années 1820-1830, le désir de lait frais et non frelaté se traduit par une demande importante de traite en présence du client, ce que rendent possible les étables urbaines ainsi que la « foire au lait » de Saint James’s Park depuis le XVII<sup>e</sup> siècle. </p>
<p>Cette foire au lait, qui a existé jusqu’en 1905, était un point de vente identique à la « pierre au lait » parisienne, à un carrefour proche de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, où les laitières vendaient leur lait jusqu’au XVIII<sup>e</sup> siècle. Mais la croissance de l’agglomération londonienne au XIX<sup>e</sup> siècle, et donc l’augmentation des distances à parcourir, va progressivement mettre fin à cette pratique. Les consommateurs s’en remettent alors aux vendeuses ambulantes. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Peinture représentant une jeune laitière" src="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519665/original/file-20230405-22-bbe1gg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1030&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« La laitière », peinture de Bernardus Johannes Blommers (1845–1914).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Bernardus_Johannes_Blommers_The_milk_maid.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Le commerce du lait frais est assuré principalement par des jeunes filles pauvres (parfois appelées milkmaids), d’origine galloise ou irlandaise le plus souvent, qui se rendent en pleine nuit, dès trois ou quatre heures du matin, dans les étables à la périphérie de la ville pour remplir leurs seaux de lait avant de retourner dans les quartiers centraux pour le vendre au petit matin. Mais à partir des années 1850, les charrettes de bidons de lait sont de plus en plus fréquemment véhiculées par des hommes. Les femmes sont alors assignées au commerce de détail. Cette division genrée des tâches techniques est fondée sur les stéréotypes de la (prétendue) force masculine et de la (prétendue) délicatesse féminine. </p>
<p>Durant la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, la demande de lait frais à Londres émane principalement des catégories sociales aisées, la consommation dans les milieux populaires étant encore rare et peu régulière. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les petites gens achètent quelquefois du babeurre ou du lait écrémé. Mais ces produits ont peu de succès à Londres ; contrairement à Liverpool ou Glasgow où ils sont prisés dans les quartiers ouvriers et populaires.</p>
<p>Se développe aussi à partir des années 1830 la vente au détail du lait à proximité des étables londoniennes. Ces échoppes se trouvent dans une zone étroite s’étendant de Clerkenwell à Hyde Park Corner. Certains vendeurs urbains cherchent le maximum de profit en augmentant leur clientèle, ce qui implique un prix de vente le moins élevé possible. Or l’hygiène a un coût, et ce lait peu cher est souvent de piètre qualité quand il n’est pas tout simplement impropre à la consommation. </p>
<p>Si la vente de lait frais au détail dans des échoppes dédiées se généralise à Londres durant le XIX<sup>e</sup> siècle, la vente au porte-à-porte ne disparaît pas pour autant. Certaines laiteries sont même devenues progressivement des magasins de détail plus diversifiés. Il n’est pas rare, vers 1900, qu’on y vende de l’épicerie, des œufs ou de la margarine. La part du lait dans le chiffre d’affaires de ces laiteries tend d’ailleurs à diminuer au profit des autres marchandises. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « La Fabrique du lait »" src="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519666/original/file-20230405-16-j5ehyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paru le 2 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/la-fabrique-du-lait/">CNRS Éditions</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les petites laiteries, encore majoritaires au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, tendent à disparaître au profit d’entreprises plus grandes, des sociétés laitières par actions comme l’Express County Milk Co., fondée en 1864 ou Dairy Reform Co. créée en 1871. La concentration des entreprises de vente du lait en Angleterre et en particulier à Londres se poursuit et s’accentue au XX<sup>e</sup> siècle. Le lait est alors acheminé à Londres par le train depuis les régions d’élevage laitier environnantes et les étables urbaines tendent à disparaître. </p>
<p>À la fin de la Grande Guerre, l’United Dairies, fondée en 1915, contrôle à elle seule les deux tiers de l’approvisionnement de lait en gros et le tiers du commerce au détail de Londres. Le lait frais est aussi de plus en plus souvent vendu dans des commerces de détail généraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203378/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Knittel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les grandes villes européennes du XIXᵉ siècle, la consommation de lait frais représente un commerce important qui structure toute une économie locale.Fabien Knittel, Maître de conférences HDR en histoire contemporaine, spécialiste des techniques rurales au XIXe siècle, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2000142023-03-02T20:03:09Z2023-03-02T20:03:09ZFamille royale, showbiz et paparazzi : les tabloïds, une histoire 100 % british<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/513200/original/file-20230302-20-konvfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C398%2C4031%2C2619&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La presse à sensation fait toujours recette en Grande-Bretagne.</span> </figcaption></figure><p>Le documentaire <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81439256"><em>Harry & Meghan</em></a> – sorti en décembre 2022 sur Netflix – et dans lequel le couple détaille les raisons de son conflit avec le reste de la famille royale, met en cause les médias britanniques et en particulier les tabloïds, taxés de harcèlement, et jugés en grande partie responsables du <a href="https://www.nytimes.com/2020/01/15/world/europe/harry-meghan-megxit-brexit.html">« Megxit »</a>. Mais à quand remonte l’apparition de ces journaux à sensation, quel est leur mode de fonctionnement, et pourquoi rencontrent-ils un tel succès outre-Manche ?</p>
<p>Les débuts de la presse britannique furent chaotiques, mais grâce aux progrès techniques, économiques et sociétaux, elle allait devenir une industrie puissante et influente, à tel point qu’on la surnomme le <a href="https://www.greelane.com/fr/sciences-humaines/probl%C3%A8mes/what-is-the-fourth-estate-3368058/">« quatrième pouvoir »</a>, allusion à sa place de contrepouvoir face à l’exécutif, au législatif et au judiciaire.</p>
<h2>Un peu d’histoire…</h2>
<p>Les premiers journaux paraissent en Écosse, en Angleterre et en Irlande avant la fin du XVII<sup>e</sup> siècle : le <a href="https://www.nls.uk/collections/rare-books/collections/newspapers/mercurius-caledonius/"><em>Mercurius Caledonius</em></a> à Édimbourg en 1660, puis la <a href="http://www.1-jour.fr/7-nov-1665-premiere-publication-du-london-gazette/"><em>London Gazette</em></a> en 1665, et en 1685, la <em>News Letter</em> à Dublin. En 1691, grâce aux progrès technologiques, l’Angleterre met en place un système postal national, ce qui facilite la publication quotidienne de certains titres.</p>
<p>Cependant, pour contrer le développement de la presse, le parlement britannique vote la loi <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Stamp_Act_1712">Stamp Act</a> en 1721. Cette taxation sur les journaux et autres publications, qui est une forme de censure imposée par l’état, est finalement abrogée en 1855.</p>
<p>Les innovations technologiques de l’imprimerie permettent alors la croissance rapide de la presse britannique, qui devient une industrie à part entière à la fin du dix-neuvième siècle et s’installe dans la vie quotidienne des Britanniques. En 1896, la <a href="http://www.1-jour.fr/4-mai-1896-sortie-du-journal-britannique-daily-mail/">première édition du <em>Daily Mail</em></a> paraît à Londres : c’est le premier journal du type « tabloïd, » un format qui allait littéralement bouleverser la place des journaux auprès des lecteurs ainsi que les attentes de ceux-ci.</p>
<p>On aurait pu croire que la <a href="https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2014/01/23/la-presse-ecrite-britannique-cherche-son-nouveau-modele-economique_4352821_3236.html">révolution numérique</a> sonnerait le glas de la presse britannique classique ; mais malgré la baisse considérable des tirages, les journaux britanniques arrivent à tirer leur épingle du jeu.</p>
<p>Cependant, le <a href="https://www.bing.com/ck/a?!&&p=aba44513ea1735a8JmltdHM9MTY3NTkwMDgwMCZpZ3VpZD0yMTYxNDI2My04MjVhLTZiZDItMTU1OC01MGQwODM1YzZhYTgmaW5zaWQ9NTQ0MQ&ptn=3&hsh=3&fclid=21614263-825a-6bd2-1558-50d0835c6aa8&u=a1L3ZpZGVvcy9zZWFyY2g_cT10cmFpbGVyK25ldGZsaXgraGFycnkrbWVnaGFuJnZpZXc9ZGV0YWlsJm1pZD1COUMxQUVCODA2NTYxNTU4ODQ0Q0I5QzFBRUI4MDY1NjE1NTg4NDRDJkZPUk09VklSRQ&ntb=1">départ des Sussex du Royaume-Uni</a> pour s’installer en Californie, en 2020, a mis en lumière de nombreuses pratiques peu éthiques de la part de certains journalistes.</p>
<h2>Les tabloïds en tête des ventes</h2>
<p>Pour mieux comprendre la presse britannique et ses lecteurs, il est important de connaître comment elle s’organise. La presse britannique peut être divisée en <a href="https://www.10differences.org/broadsheet-vs-tabloid/?utm_content=cmp-true">deux catégories distinctes</a> : d’une part les « broadsheets » (littéralement les feuillets larges), et d’autre part les tabloïds, de taille plus petite, avec beaucoup de photos, et donc plus faciles à manier et à lire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-fausses-nouvelles-une-histoire-vieille-de-2-500-ans-101715">Les fausses nouvelles : une histoire vieille de 2 500 ans</a>
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<p>Si les « broadsheets » proposent généralement des articles de qualité et une analyse approfondie de l’actualité (comme dans <em>The Guardian</em>, par exemple), c’est tout autre chose pour les tabloïds, avec un journalisme axé sur le sensationnalisme et la médiocrité, et qui suscite de très vives critiques de la part des « victimes » de la classe politique, la famille royale et d’autres personnalités du showbiz. Avec son surnom de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2011/jul/30/tabloids-british-phone-hacking">« the gutter presse »</a> (la presse du caniveau) les tabloïds défraient régulièrement la chronique, et ce depuis de très longtemps…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/the-crown-saison-4-un-soap-opera-cruel-envers-linstitution-monarchique-151264">« The Crown », saison 4 : un soap opera cruel envers l’institution monarchique</a>
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<p>Au niveau des tirages, parmi les <a href="https://www.newspapersland.com/united-kingdom/">titres nationaux</a> ce sont les tabloïds qui arrivent largement en tête des ventes. <a href="https://wikimonde.com/article/The_Sun"><em>The Sun</em></a>, journal fondé en 1964, reste le titre le plus vendu du pays, frôlant les quelques 1,2 million d’exemplaires quotidiennement. C’est le sensationnalisme qui fait vendre, avec une intrusion à outrance dans la vie privée de bon nombre de personnalités de la société britannique, dont la cible préférée des <a href="https://www.pointdevue.fr/royal/royaume-uni/diana-et-les-paparazzis-entre-amour-et-haine">paparazzis</a>, la famille royale. Les pratiques peu éthiques, et certains diraient franchement sordides, de ces derniers ont provoqué un tollé suite à la disparition de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/cinema/documentaires/the-princess-le-documentaire-inedit-sur-la-vie-tragique-de-lady-diana-25-ans-apres-sa-mort_5314465.html">Princesse de Galles, Diana</a>, dans un accident de voiture sous le pont de l’Alma à Paris le 31 août 1997. Les circonstances de l’accident ont déclenché une prise de conscience collective chez les Britanniques, comprenant les conséquences potentielles de la course au scoop.</p>
<h2>Un droit de regard sur la famille royale</h2>
<p>Dix ans après la disparition tragique de la <a href="https://edition.cnn.com/2020/08/31/world/princess-diana-death-the-windsors-series/index.html">« people’s princess »</a>, Tony Blair, premier ministre à l’époque, <a href="https://youtu.be/0wcADoF4Jos">lançait un pavé dans la mare</a> en dénonçant une tendance préoccupante au « sensationnalisme » de la part des médias britanniques. <a href="https://www.courrierinternational.com/breve/2007/06/13/pourquoi-tony-blair-deteste-the-independent">Il déplorait que</a></p>
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<p>« les médias chassent de plus en plus en meute, comme des bêtes féroces qui mettent en pièces les gens et leur réputation ».</p>
</blockquote>
<p>Malgré de nombreuses plaintes déposées auprès des tribunaux britanniques (on peut citer les actions juridiques entamées récemment par le Duc et la Duchesse de Sussex contre les propos racistes publiés <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/08/world/europe/harry-meghan-netflix-media.html">dans les tabloïds</a>, ces derniers continuent à mener la vie dure des personnalités sans réfléchir à l’impact psychologique des articles pondus pour… booster les ventes.</p>
<p>Il est légitime à se demander pourquoi les Britanniques ont un appétit aussi féroce pour les tabloïds et le sensationnalisme à outrance, un phénomène qu’on ne trouve pas ailleurs, en tous cas pas à cette échelle. Pourquoi <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/17499755221092810">certains éditorialistes</a> s’acharnent à dévoiler la vie privée, par exemple, de la famille royale et de certains membres de celle-ci ? La <a href="https://www.societyofeditors.org/">Society of Editors</a>, organisme qui regroupe 400 membres de médias britanniques, a réfuté catégoriquement toute accusation de racisme de la part de Prince Harry et sa femme. Ces derniers affirment que la presse britannique est, en grande partie, responsable de leur départ « precipité ».</p>
<p>Selon la Society of Editors, les Britanniques ont un droit de regard sur la vie des « riches », y compris la famille royale. La question épineuse du coût de la monarchie et de l’existence même de l’institution est une constante source de débat d’outre-Manche. Si le contribuable britannique finance une partie de cette institution, est-il en droit de connaître la vie privée de certains de ses membres ? Pour la Society of Editors, la réponse est claire : oui. La monarchie, financée par l’argent public, doit rendre des comptes. Quant aux Sussex et à leur <a href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-56326807">refus de respecter certaines conventions</a> de la famille Windsor (la célèbre maxime « ne jamais se plaindre, ne jamais s’expliquer »), avec notamment la diffusion sur Netflix de la série <em>Harry & Meghan</em>, il a peut-être renforcé cette frénésie de sensationnalisme.</p>
<p>On pourrait se demander si la mise en place de la <a href="https://www.ipso.co.uk/what-we-do/">Independent Press Standards Organisation</a>( IPSO) en 2014, qui a fait suite au scandale du <a href="https://youtu.be/52VQ3gSzqCE">piratage téléphonique par News International</a> (dont le propriétaire est Rupert Murdoch) a changé la donne. Mais à en croire les vives critiques à l’encontre de cet organisme, censé gérer les plaintes logées contre la presse, il semblerait qu’il reste encore un long chemin à faire.</p>
<p>Le Prince Harry, dans sa biographie, parue en janvier 2023, <a href="https://youtu.be/nRtzE658oSA"><em>Le Suppléant</em></a>,résume en quelques mots son ressenti concernant l’évolution de la presse à sensation :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde à l’époque [du décès de sa mère, NDLR] s’accordait à dire que la presse était une meute de monstres ; même ceux qui lisaient acceptaient leur part de responsabilité. Nous devions tous nous comporter mieux que ça, disaient la plupart des gens. Aujourd’hui, tant d’années plus tard, tout était oublié. L’histoire se répétait jour après jour… »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/200014/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gwyn Jones ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi les Britanniques ont-ils un appétit aussi féroce pour les tabloïds ?Gwyn Jones, Etudes de civilisations britanniques, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966722023-01-04T19:58:09Z2023-01-04T19:58:09ZBourses : la place de Paris a-t-elle vraiment détrôné la City de Londres en Europe ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501267/original/file-20221215-26-tg0u7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=65%2C26%2C948%2C623&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les opérations quotidiennes représentent un montant d’environ 3&nbsp;700&nbsp;milliards de dollars à Londres contre 200 à Paris.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/City_of_London">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cocorico : lundi 14 novembre, la presse française est unanime à saluer la capitalisation boursière de Paris, qui a dépassé celle de Londres. Alors que ces places financières sont <a href="https://www.cairn.info/histoire-de-la-bourse--9782707171665-page-47.htm">rivales depuis plus de deux siècles</a>, Paris a connu de 1914 à 1985 une longue éclipse avant d’entrevoir enfin <a href="https://academic.oup.com/book/8065/chapter-abstract/153455884?redirectedFrom=fulltext">« la possibilité d’une renaissance »</a>. On lit maintenant qu’elle aurait « détrôné » Londres. Qu’est-ce que cela signifie ?</p>
<p>Commençons par expliquer ce qu’est la capitalisation boursière avant de nous demander comment <a href="https://theconversation.com/fr/topics/paris-21728">Paris</a> a dépassé <a href="https://theconversation.com/fr/topics/londres-27318">Londres</a>, et comment nous pouvons interpréter cet événement. La capitalisation boursière correspond à la valeur totale des actions cotées dans une bourse. Comme les actions représentent les droits de propriété des entreprises qui les ont émises, la capitalisation d’une bourse mesure donc la valeur des entreprises correspondantes.</p>
<p>Toutefois, cette valeur est virtuelle, à la fois parce qu’elle représente des profits à venir, et parce qu’il n’est pas possible de la convertir en pouvoir d’achat sans vendre tous les titres, ce qui entraînerait leur baisse. Une hausse de la capitalisation n’est donc qu’une promesse.</p>
<p>Et il convient de rappeler à cet égard que :</p>
<ul>
<li><p>toutes les entreprises ne sont pas cotées, car si la cotation permet d’accéder aux financements de marché elle comporte des coûts et des risques, </p></li>
<li><p>il existe d’autres sources de financement que les marchés, notamment les banques,</p></li>
<li><p>il est tout à fait possible pour une entreprise d’un pays donné de choisir d’être cotée par une bourse située dans un pays différent.</p></li>
</ul>
<p>Toutefois ces raisons ne suffisent pas à interpréter la dynamique récente des bourses de Paris et Londres.</p>
<h2>Les actions hors indices portent Paris</h2>
<p>Le 23 juin 2016, c’est-à-dire le jour du référendum sur la sortie de l’Union européenne, la capitalisation à Londres mesurée en euros était de l’ordre de 2 900 milliards, contre 1 750 à Paris. Depuis cette date, la livre sterling a baissé par rapport à l’euro (-6 %) et l’indice boursier de Londres a moins progressé que l’indice parisien : 14 % pour le FTSE contre 30 % pour le CAC 40. Toutefois, ces deux effets combinés n’expliquent qu’un quart du rattrapage opéré par la bourse de Paris.</p>
<p>Les trois quarts restants sont donc dus à des changements hors du périmètre des indices. Ils s’expliquent soit par des introductions ou des sorties du marché, soit par les variations de cours des « petites » valeurs qui ne sont pas comptabilisées par les indices.</p>
<p>Le volume des entrées/sorties apparaît très limité pour Paris (<a href="https://www.proactiveinvestors.co.uk/companies/news/999581/paris-may-be-bigger-but-london-remains-europe-s-ipo-destination-999581.html">inférieur à 5 milliards par an</a>, avec un solde légèrement positif) et plus significatif à Londres. Outre-Manche, malgré un volume d’introductions bien plus élevé, les pertes sont encore dominantes à cause des acquisitions : dès le 18 juillet 2016, le japonais SoftBank rachetait le fabricant de microprocesseurs ARM pour 24 milliards de livres, d’où son retrait de la cote. D’autres vinrent ensuite, mais le total des flux nets représente moins de 5 % de la variation de la différence entre Londres et Paris, qui est donc due pour près des trois quarts à la variation des actions hors indices, donc des titres des plus petites entreprises qui ont cru beaucoup plus vite à Paris (+150 %) qu’à Londres.</p>
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<p>Si on regarde de plus près la liste des sociétés introduites à Paris, on constate qu’elles ne sont pas toutes françaises : par exemple, Be-Bô est une jeune pousse du secteur santé domiciliée à Genève, Kompuestos, un spécialiste espagnol des plastiques, etc. Ces deux cas sont cependant différents : le premier correspond à une introduction en bourse à Paris, le second à la cotation additionnelle à Paris d’une entreprise introduite au préalable à la bourse de Madrid. Mais alors, la capitalisation de Kompuestos doit-elle alors être comptée pour Paris ou pour Madrid ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-preuve-par-trois-paris-londres-il-ny-a-pas-match-138786">La preuve par trois : Paris–Londres, il n’y a pas match !</a>
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<p>Comptons pour Paris celles des actions qui sont détenues par des personnes résidentes en France, comme c’est l’usage : pourquoi alors ne pas inclure dans la capitalisation d’une place toutes les actions étrangères détenues par des résidents, même quand les actions concernées ne sont pas effectivement cotées (c’est-à-dire négociées en temps réel) à la bourse ?</p>
<p>Dans ces conditions, Londres dépasse nettement Paris. En effet, la City possède une infrastructure particulière nommée CREST : agissant comme dépositaire de titres internationaux, CREST émet pour les personnes résidentes britanniques des certificats numériques représentatifs d’actions étrangères. Quand on prend en compte toutes les actions cotées à l’étranger, la capitalisation détenue par des personnes résidentes au Royaume-Uni est-elle de <a href="https://www.ft.com/content/db5d516a-4b35-4e85-8b02-4ddd73b48e0b?accessToken=zwAAAYSmkdgEkdPbXVFqSzVOhdOLAk3dc7SOCw.MEUCIBROqiacUrVTAAxdwUO6SKav_eIvOveicHxmsjJQ3Y9iAiEArFO07n4_rAb7HnEM7sWtePRX4Hfkj4or5Yekf1BWd_w&sharetype=gift&token=54fe1a0e-83cd-4079-b4c4-9848520ea920">6 200 milliards de dollars, contre 3 700 milliards</a> pour la France métropolitaine, comme le suggère le <em>Financial Times</em>. La différence s’explique en grande partie par les <a href="https://www.oecd.org/daf/fin/private-pensions/Pension-Funds-in-Figures-2021.pdf">fonds de pension</a> dont la valeur d’actif s’élevait en 2021 à plus de 3 000 milliards de dollars au Royaume-Uni contre moins de 100 en France.</p>
<h2>Les « services » annexes de la City</h2>
<p>Une place financière n’est cependant pas qu’un marché d’actions, les titres de dette représentent aussi une capitalisation considérable : <a href="https://www.icmagroup.org/market-practice-and-regulatory-policy/secondary-markets/bond-market-size/">128 000 milliards de dollars fin 2020</a>, dont Paris représente moins de 4 %, soit un peu plus que Londres. En revanche, le marché le plus important en volume est certainement le marché des changes : Londres représente <a href="https://www.bis.org/statistics/rpfx22.htm">38 % de l’activité mondiale</a> avec plus de 3 700 milliards de dollars d’opérations quotidiennes, Paris est à 200 milliards. Et plus généralement, en matière de financement, la place de Londres joue un rôle central parce qu’un grand nombre de contrats internationaux sont rédigés sous le régime du droit britannique, en relation avec des cabinets d’avocats (<em>law firms</em>) britanniques.</p>
<p>Par exemple, les premiers <em>sukuk</em> (certificats d’investissement conforme à la charia) émis par une entreprise américaine pour permettre l’achat par GE Capital (filiale financière de l’américain General Electric) d’une flotte aérienne étaient des contrats reposant sur un véhicule <em>ad hoc</em> coté à la bourse de Londres et <a href="https://www.sukuk.com/sukuk-new-profile/ge-capital-sukuk-ltd-999/">payant un dividende périodique à Londres</a>. Les navires, les immeubles, les containers, les œuvres d’art : pour tous ces actifs, les cabinets londoniens savent rédiger le contrat qui permet de les acquérir selon un régime fiscal favorable dans un territoire choisi (par exemple, un trust jersiais ou une entité <em>ad hoc</em> bahamienne) en arrangeant un financement approprié. Par comparaison, Paris offre principalement des moyens de financement conventionnels et pas de régimes juridiques particuliers.</p>
<p>C’est en raison de ces « services » annexes que Londres est depuis l’après-guerre au <a href="https://www.longfinance.net/programmes/financial-centre-futures/global-financial-centres-index/gfci-publications/global-financial-centres-index-31/">second rang des places financières mondiales</a>, bien devant Paris. Londres emploie encore plus d’un million de personnes dans le secteur financier, <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=SNA_TABLE3">25 % de plus qu’en France</a>. Cependant, l’écart se resserre depuis le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a> : c’est le <a href="https://www.dartmouthpartners.com/brexodus-to-paris/">« Brexode »</a>.</p>
<p>On peut toutefois s’interroger sur les conséquences de cette tendance sur le reste de l’économie en termes de croissance. Rappelons en effet qu’avec un PIB supérieur de 40 % à la France, l’Allemagne a une capitalisation boursière inférieure de 40 %. L’estime retrouvée des marchés pour l’avenir économique de la France, plus qu’une occasion de nous réjouir, nous donne donc l’occasion de rappeler que la valeur des entreprises repose avant tout sur un contrat social implicite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196672/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Charles Pradier est président du conseil de surveillance de FIFA Clearing House.</span></em></p>Si la valeur totale des actions cotées est supérieure en France depuis mi-novembre, la finance britannique garde une longueur d’avance en termes de volume d’activité.Pierre-Charles Pradier, Maître de conférences en Sciences économiques, LabEx RéFi, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1581122021-05-06T18:23:47Z2021-05-06T18:23:47ZLes préraphaélites, enfants terribles de l’art anglais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/398631/original/file-20210504-23-ezp0lt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C2540%2C1728&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">John Everett Millais, Ophélie, vers 1851.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Oph%C3%A9lie_(Millais)#/media/Fichier:John_Everett_Millais_-_Ophelia_-_Google_Art_Project.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque je suis allée à Londres seule pour la première fois, je suis tombée en admiration devant une toile de la Tate Britain. Le tableau représentait une jeune fille aux cheveux roux, sa robe flottant dans l’eau de la rivière, emportée par le courant. Il m’a fallu quelques secondes pour reconnaître Ophélie, la bien-aimée d’Hamlet conduite au suicide. Là où le peintre a innové, c’est en mettant un personnage shakespearien secondaire au premier plan. Son impact sur la scène artistique est considérable : à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, le public britannique se plaint de voir trop d’Ophélies aux expositions de la Royal Academy.</p>
<p>En France, l’art de la période victorienne a longtemps pâti d’une mauvaise réputation. De par son insularité et son histoire, le mouvement préraphaélite a été perçu comme rétrograde, notamment à cause de ses inspirations littéraires. On ne peut plus éloigné des considérations sociales qui animent les partisans du réalisme, comme Gustave Courbet. Et pourtant, les fondateurs du préraphaélisme s’employèrent à créer une nouvelle peinture, en réaction au conformisme académique.</p>
<h2>Le goût du scandale</h2>
<p>1848 : toute l’Europe est en effervescence sous l’effet de soulèvements révolutionnaires. Alors première puissance mondiale, le Royaume-Uni connaît une relative stabilité économique. L’urbanisation et l’industrialisation massives s’étendent comme une traînée de poudre, provoquant la destruction de l’environnement naturel. La condition du prolétariat se dégrade, fustigée par Marx et Engels dans le <em>Manifeste du Parti communiste</em>.</p>
<p>La même année, trois étudiants de la Royal Academy, William Holman Hunt, John Everett Millais et Dante Gabriel Rossetti remettent en cause l’enseignement qu’ils reçoivent pour revenir à un art plus proche de la nature. L’école anglaise se trouve dans une impasse. La mode est à la peinture de genre, inspirée par l’apogée de la Renaissance italienne, dont les riches marchands bourgeois sont très friands.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398351/original/file-20210503-21-1h10x09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1137&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Raphaël, La Transfiguration, 1518–1520 Huile sur de bois, 405 x 278 cm Musées du Vatican.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Art vulgaire, élitiste et moralisateur, selon Hunt, qui relate dans ses mémoires son dédain pour la <em>Transfiguration</em> de Raphaël : « nous la condamnions pour son mépris grandiose de la simplicité et de la vérité, la pose pompeuse des apôtres et l’attitude du Sauveur ». Hunt, Millais et Rossetti, rejoints par quatre amis, prennent pour modèle la peinture des Primitifs italiens et flamands, antérieurs à la Renaissance classique. La Confrérie préraphaélite est née.</p>
<p>Il y a dans cette société secrète un fort esprit de camaraderie. Les préraphaélites organisent des séances de dessin et posent entre eux pour ensuite s’offrir leurs esquisses en gage d’affection. C’est bien pratique : les modèles coûtent cher, ils ont des allures trop conventionnelles. Hyperréalisme, teintes contrastées, absence de perspective et profusion de détails : les premiers tableaux exposés font l’effet d’un pavé dans la mare. Comme si cela ne suffisait pas, les peintres signent avec les initiales P.R.B (Pre-Raphaelite Brotherhood), pour se moquer des académiciens, qui apposent le R.A (Royal Academy) au coin de leurs toiles.</p>
<p>Le scandale éclate au printemps 1850, lorsque l’<em>Illustrated London News</em> révèle la signification de l’acronyme. La critique, relayée par l’écrivain Charles Dickens, est sans appel : « un hideux garçonnet roux et pleurnichard au cou tordu, vêtu d’une chemise de nuit […] une femme agenouillée, si hideuse dans toute l’étendue de sa laideur qu’elle se démarque de la toile tel un monstre du plus vil des cabarets français ou de la plus sordide des caves à gin d’Angleterre ». C’est tout un vocabulaire de la difformité qui se déploie pour décrire la peinture préraphaélite. Millais avait effectivement commis l’impensable : désacraliser le religieux, le dépeindre de manière prosaïque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398354/original/file-20210503-17-dy7l3p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">John Everett Millais, <em>Le Christ dans la maison de ses parents</em> (l’atelier du charpentier), 1849-1850, huile sur toile.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Désirs de reconnaissance</h2>
<p>Dans une lettre au <em>Times</em> de mai 1851, le théoricien et mécène John Ruskin prend la défense des préraphaélites pour avoir « posé en Angleterre les jalons de l’école d’art la plus noble que l’on ait connue depuis trois cents ans ». Ruskin l’a bien compris : les préraphaélites partagent sa vision d’un art authentique. Il s’agit de représenter la nature avec exactitude en sondant ses moindres détails, « en toute vérité de cœur, sans rien mépriser et sans rien choisir ». Contrairement aux idées reçues, la technique du plein air n’est pas née avec les impressionnistes. Bien avant les années 1870, Millais et Hunt se rendent sur les bords de la rivière Ewell pour peindre sur le motif. Ils cherchent à capturer les effets capricieux du climat britannique. La différence, c’est qu’ils adoptent une attitude quasi mystique face à une nature révélatrice de vérités supérieures.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398357/original/file-20210503-19-540ibr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">William Holman Hunt, <em>Nos côtes anglaises</em> (les brebis égarées), 1852, huile sur toile.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le dessin n’est plus une étape intermédiaire du processus créatif, mais un moyen en soi. Pour les tableaux de chevalet, les préraphaélites utilisent une préparation de vernis et de plâtre blancs. Ils appliquent l’huile avec des pinceaux très fins sur le support encore mouillé, ce qui rend les couleurs plus brillantes. Celles-ci sont rarement mélangées entre elles. À tel point qu’on se plaindra de ne voir plus que ces toiles quand elles seront exposées aux côtés d’autres œuvres.</p>
<p>La composition aussi est différente. Les préraphaélites adoptent un sens de la narration bien particulier, où chaque élément doit se lire comme un indice à décrypter. Par exemple, <em>Nos Côtes anglaises</em> fait écho aux craintes de se voir envahir par les troupes de Napoléon III, qui établit un régime autoritaire après son coup d’État. Hunt a choisi pour cadre Hastings, le lieu de la défaite du roi saxon Harold face aux Normands (1066).</p>
<p>Les préraphaélites sont témoins des mutations ambiantes. Avec <em>Travail</em>, Ford Madox Brown, ancien professeur de Rossetti, a pour ambition l’exécution d’une monumentale fresque satirique, qui dépeint toutes les couches de la société. Les riches, placés en haut de la composition, doivent s’arrêter parce que la route est en travaux. Au premier plan, on aperçoit des ouvriers, ainsi qu’une adolescente dont les maigres omoplates jaillissent d’une robe trop grande pour elle. Elle tente de discipliner son jeune frère. Dans ses bras, un nourrisson qui porte un ruban noir : les parents sont visiblement décédés, laissant leur progéniture dans la misère.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Ford Madox Brown, <em>Travail</em>, 1852-1863, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Birmingham.</span>
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<h2>« La Table Ronde est dissoute »</h2>
<p>À partir de 1854, les frères préraphaélites se séparent : leurs divergences professionnelles et personnelles sont trop importantes. Millais devient membre associé de l’Académie, Hunt part pour un long voyage spirituel en Terre sainte. Quant à Rossetti, qui n’expose plus en public et ne pratique plus l’huile depuis 1851, il cultive son attitude de marginal. Il n’admet dans son atelier qu’un petit groupe d’élus, comme sa compagne Elizabeth Siddal, avec qui il pose, dessine et peint de concert.</p>
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<span class="caption">Elizabeth Siddal, <em>Dame attachant un fanion à la lance d’un chevalier</em>, vers 1856, aquarelle sur papier.</span>
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<p>Les œuvres du couple ressemblent à des enluminures : les aires de nuances colorées sont bien délimitées, mais se répondent comme dans un vitrail. Siddal et Rossetti font un usage atypique de l’aquarelle : au lieu de l’employer comme un lavis, ils l’étalent presque à sec sur le papier, d’où son rendu mat. Chevaliers, gentes damoiselles et créatures fantomatiques peuplent un univers pictural à l’atmosphère mélancolique.</p>
<p>C’est bien par ce fantasme d’un Moyen-âge idéalisé qu’est assurée la relève du préraphaélisme. Pour le projet de décoration de la bibliothèque de l’Oxford Union en 1857, Rossetti fait appel à de nouvelles recrues comme Edward Burne-Jones et William Morris. La peinture n’étant pas vraiment son fort, Morris se tourne vers l’engagement politique – le socialisme – et les arts décoratifs.</p>
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<span class="caption">Morris & Co, motif treillis, 1862-1864, papier peint.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Victoria and Albert Museum</span></span>
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<p>Fermement opposé à la Révolution industrielle, Morris réunit architectes, brodeurs, céramistes et ébénistes pour privilégier un mode de travail artisanal. Les motifs de végétaux stylisés des textiles Morris & Co continuent d’inspirer plusieurs générations de couturiers.</p>
<p>La même quête du Beau anime d’ailleurs les derniers souffles du préraphaélisme, qui glisse peu à peu vers un esthétisme raffiné. Selon les partisans de « l’art pour l’art », tel Oscar Wilde, toute notion de signification est à proscrire : une œuvre doit s’admirer pour l’harmonie de ses couleurs et de ses formes. Aussi Rossetti amorce-t-il une autre étape de sa carrière. Bien des toiles des années 1870 sont dépourvues de narration, centrées sur le plaisir des sens, notamment le lien entre la vue, le toucher et l’ouïe. <em>Veronica Veronese</em>, qui montre une femme perdue dans ses pensées, tapotant sur les cordes d’un violon, représente « l’âme de l’artiste en train de créer ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=690&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/398369/original/file-20210503-13-10m3s16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=867&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dante Gabriel Rossetti, <em>Veronica Veronese</em>, 1872&, huile sur toile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delaware Art Museum</span></span>
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<p>Le préraphaélisme est le premier courant de peinture britannique à prétention contestataire, qui s’est constitué en tant que tel. Il étendra son emprise jusqu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. C’est un art démocratique, au service de la justice, qui ne cherche pas à établir de hiérarchies entre les techniques et les sujets représentés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4oU1nmKDBtA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Tombés dans l’oubli après la Grande Guerre, les préraphaélites ont été réhabilités par la contre-culture des années 60. Plusieurs musées et galeries se sont appliqués à rendre leurs œuvres plus savoureuses auprès du public. À travers de grandes expositions itinérantes, ou des produits de la culture populaire (films, séries, fictions), le préraphaélisme reprend ses lettres de noblesse pour apparaître révolutionnaire, bohème, voire fantasque.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin :<br>
– Laurence Des Cars, « Les Préraphaélites : un modernisme à l’anglaise », Gallimard, 1999.<br>
– William Holman Hunt, « Pre-Raphaelitism and the Pre-Raphaelite Brotherhood », Macmillan, 1905.<br>
– Aurélie Petiot, « Le Préraphaélisme« , Citadelles et Mazenod, 2019.<br>
– William Michael Rossetti, « Pre-Raphaelite Diaries and Letters », Hurst and Blackett, 1900.<br>
– Alison Smith, « The Pre-Raphaelites : Victorian avant-garde », catalogue de l’exposition, Tate Publishing, 2012.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laure Nermel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France, l’art de la période victorienne a longtemps pâti d’une mauvaise réputation.Laure Nermel, Doctorante en histoire de l'art, Université de Lille - initiative d'excellenceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1555072021-02-21T17:22:02Z2021-02-21T17:22:02ZL’industrie financière, grande « oubliée » de l'accord post-Brexit<p>L’<a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_20_104">accord post-Brexit</a> de 1 250 pages, déposé au pied du sapin, la veille de Noël, sonne le début d’une partie d’échecs acharnée entre le Royaume-Uni et l’Europe… pourtant cet accord « oublie » un secteur primordial pour le Royaume-Uni (avec 7 % du PIB, 10 % des recettes fiscales et 1,1 million de postes) : l’industrie financière.</p>
<p>Sur un fond d’incertitude lié au Brexit, comme le montre notre <a href="https://brexit.hypotheses.org/category/actualites">étude</a>, des grandes manœuvres avaient pourtant déjà débutées : pour les banques de financement, comme Bank of America, JP Morgan Chase, Citigroup et Goldman Sachs, qui migrent de la City et s’établissent à Paris ; de même pour des gestionnaires d'actions comme BlackRock ou Schroders, et des fonds de pension comme Capital Group ou Vanguard.</p>
<p>Les actifs financiers migrent également (« au moins 170 milliards d'euros d'actifs relocalisés en France » selon le gouverneur de la <a href="https://www.banque-france.fr/intervention/voeux-la-place-financiere-paris-19-janvier-2021">Banque de France</a>), et les salariés de la finance les accompagnent (les firmes financières ont transféré environ 7 000 emplois). </p>
<p>Ces mouvements concernent toutes les grandes places financières européennes (Francfort, Paris, Amsterdam, Luxembourg, Dublin, etc.) et internationales (avec New York en tête), avec des logiques de spécialisation, de positionnement, de segmentation et d’attraction différentes.</p>
<h2>Perte des transactions européennes</h2>
<p>Ce déversement d’activités, d’actifs financiers et de travailleurs s’explique par la perte du passeport européen, qui permettait aux institutions financières britanniques de commercialiser leurs produits partout en Europe. Le Royaume-Uni et la Commission européenne (CE) doivent alors jouer une partie d’échecs serrée en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/11/15/londres-accepte-de-reconnaitre-une-partie-de-la-regulation-financiere-europeenne_6059821_3234.html">négociant</a> âprement le régime des équivalences de l'Union européenne (UE), qui permet de commercer avec l'UE.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=522&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384742/original/file-20210217-23-iqqlbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=656&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’accord post-Brexit sonne le début d’une partie d’échecs acharnée entre le Royaume-Uni et l’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1452985">PxHere</a></span>
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<p>Ce système d’équivalences réglementaires (39 différentes), pour autoriser les produits financiers de pays tiers, est nettement moins profitable et pérenne que le « passeport », parce qu’il peut être retiré sans préavis et de manière unilatérale. Il est évident que ces délivrances au compte-gouttes fournissent une prévalence de l’UE sur le Royaume-Uni, en termes d’accès aux services financiers, tout en facilitant des délocalisations dans les capitales financières européennes.</p>
<p>Pour l’instant, l'UE a accordé deux équivalences sur la compensation de dérivés et la finalisation des échanges d'actions irlandaises. Les banques de l'UE doivent désormais traiter les actions libellées en euros au sein de l'UE – <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/le-brexit-un-seisme-potentiel-pour-le-courtage-en-europe-1941233.php">activité</a> largement exercée avant le 1er janvier 2021 à Londres (presque un tiers des transactions des actions européennes). L’Union européenne laisse <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/londres-a-bien-l-intention-de-rester-le-coeur-de-la-finance-en-europe-872084.html#:%7E:text=Industrie%20financi%C3%A8re-,Londres%20a%20bien%20l'intention%20de%20rester%20le,de%20la%20finance%20en%20Europe&text=%C2%AB%20Nous%20ne%20suivrons%20plus%20les,de%20repenser%20ses%20services%20financiers.">planer le doute</a> sur des activités clés pour la City, tel que le courtage d'actions ou de dérivés.</p>
<p>Les conséquences du Brexit se sont faites ressentir dès le début d'année. La place financière londonienne a perdu le 4 janvier, la quasi-totalité des <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/brexit-detronee-par-amsterdam-londres-nest-plus-la-premiere-place-boursiere-europeenne-1289392">transactions européennes</a>, ce qui représente 6 milliards d'euros, au profit d’Amsterdam, qui devient la première place européenne de négociations de titres financiers, avec 9,2 milliards d'actions échangées en moyenne à chaque séance de janvier ; et de Paris, avec environ 6 milliards d'euros en moyenne par jour. </p>
<p>De même, l'opérateur boursier américain ICE (IntercontinentalExchange) devrait déplacer son marché quotidien de 1 milliard d'euros d'échanges de quotas d'émissions de CO2 et de contrats à terme européens sur le carbone de Londres vers Amsterdam.</p>
<p>Toutefois, ces batailles perdues ne préfigurent pas d’une perte d’hégémonie de la City dans l’industrie financière, qui englobe toutes les activités exercées dans le domaine de la finance (les activités de gestion d’actifs et d’investissement, le trading, les chambres de compensation, l’assurance, etc.). </p>
<h2>Londres toujours attractive</h2>
<p>En effet, en 2020, en pleine période d’incertitude liée au Brexit (avec des craintes sur l'attractivité de la place londonienne comme porte d’entrée stratégique dans l’UE), Londres se plaçait en deuxième position dans le classement GFCI (<a href="https://www.longfinance.net/programmes/financial-centre-futures/global-financial-centres-index/">Global Financial Centres Index</a>) des places financières mondiales (après New York et avant Shanghaï ; Luxembourg, Francfort, Paris et Amsterdam se plaçant respectivement en 12e, 16e, 18e et 22e position). </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/384744/original/file-20210217-13-1hufunp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2020, Londres arrivait à la deuxième position des places financières mondiales selon le classement GFCI.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_City_by_night_(12699969295).jpg">James Petts / Wikimedi Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Pour 2021 et 2022, les chambres de compensation (qui garantissent le règlement-livraison entre vendeur et acheteur) londoniennes (leader sur le marché) sont autorisées à poursuivre leur activité en Union européenne. De même, la City a un <a href="https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2021-1-page-72.html">avantage compétitif</a> marqué (et prégnant au moins à court-terme) pour le trading. </p>
<p>De plus, Londres, « libérée » des règles de Bruxelles, pourrait attirer de nouveaux clients ou partenaires, et adopter des règles moins contraignantes. Les places de marché de Londres ont d’ailleurs repris (après une perte en juin 2019) le trading des actions suisses en février 2021 et devraient affiner leurs stratégies avec un <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/industrie-financiere/londres-a-bien-l-intention-de-rester-le-coeur-de-la-finance-en-europe-872084.html#:%7E:text=Industrie%20financi%C3%A8re-,Londres%20a%20bien%20l'intention%20de%20rester%20le,de%20la%20finance%20en%20Europe&text=%C2%AB%20Nous%20ne%20suivrons%20plus%20les,de%20repenser%20ses%20services%20financiers.">positionnement</a> dans les fintech, la finance verte, le marché des changes et les dérivés. Il est également important de <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Brexit-Pourquoi-l-exode-vers-Paris-ne-s-est-pas-encore-realise--32368079/">souligner</a> que « le Brexit n’impacte, finalement, qu'un certain nombre d'activités, principalement liées aux produits libellés en euros ».</p>
<p>Comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2021-1-page-60.html">montre</a> le banquier d'affaires Georges Ugeux : </p>
<blockquote>
<p>« Il est trop tôt pour établir ce que sera la nouvelle forme de l’équilibre entre la City de Londres et les places financières européennes, en particulier Francfort et Paris ». </p>
</blockquote>
<p>Toutefois, avec l’ouverture de filiales dotées d’une personnalité juridique par les entreprises britanniques, la délégation de la gestion d’une entité dans l’UE vers le territoire britannique via des « <a href="https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2021-1-page-72.html">boîtes aux lettres </a>» et l’évolution des règles et de la législation non contrainte par la réglementation européenne, couplée à de nouvelles équivalences réglementaires en matière de services financiers, il est fort probable que la City reste une place financière de premier rang. </p>
<p>Jean Beunardeau, directeur général de HSBC France, <a href="https://www.cairn.info/revue-realites-industrielles-2021-1-page-69.htm">avance l’idée</a> qu’une part prépondérante de la valeur ajoutée des activités de marché (change, taux, matière première et actions) pour les clients européens, devrait rester à la City en raison de la forte liquidité de cette place financière et de prix d’exécution attractifs.</p>
<h2>Une industrie financière européenne fragmentée</h2>
<p>Si nous devions nous livrer à des « spéculations », il est probable que certaines activités de gestion d'actifs, avec le back-office en tête, devraient migrer principalement vers Dublin (avantages fiscaux, proximité géographique et culturelle) et Luxembourg (très attractif via sa <a href="https://cepr.org/content/free-dp-downloads-08-february-2021-banks-defy-gravity-tax-havens-grey-zones-global-finance">fiscalité</a> et son « <a href="http://center-border-studies.uni-gr.eu/en/resources/knowledge-and-documentation-center/resources-list/cluster-financier-luxembourgeois-et">savoir-faire</a> »), et que certaines banques commerciales devraient se disperser en Europe. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1361421270512902145"}"></div></p>
<p>Concernant les banques d'investissement, les alternatives sérieuses à la City seraient Paris, Francfort et Zurich (comme le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0308518X18797702">montrent</a> les chercheurs Wójcik et al.). </p>
<p>Ces scénarios sont évidemment conditionnés par le niveau d’entente entre les principales places financières européennes (et notamment avec l’éventuelle fusion entre Francfort et Euronext), les choix en termes de positionnement et de spécialisation (trading, post-marché, asset management, etc.), les négociations entre l’UE et le Royaume-Uni qui conditionneront « le <a href="https://www.cogitatiopress.com/politicsandgovernance/article/view/3705">leadership politique </a>» en termes de gouvernance des marchés financiers européens, et la concurrence internationale (avec les places financières d’Amérique du Nord et d’Asie).</p>
<p>Le Brexit ouvre la perspective d'un paysage plus <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0016718518300381">fragmenté</a> pour l’industrie financière européenne – bien que probablement toujours dirigé par Londres – avec un risque de rétrogradation à l’échelle internationale qui devra être pris en compte dans les futures discussions et négociations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155507/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Fromentin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré des batailles perdues, Londres conserve une hégémonie dans le secteur de la finance.Vincent Fromentin, Maître de conférences HDR, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544042021-02-02T20:06:16Z2021-02-02T20:06:16ZBrexit : pourquoi les négociations ont-elles été si difficiles ?<p>Les négociations liées au Brexit, qui ont tenu l’Union européenne en haleine pendant plus de quatre ans, n’auront <a href="https://www.theguardian.com/politics/2020/dec/09/quick-and-easy-what-leavers-said-about-uk-eu-brexit-trade-deal">pas été le long fleuve tranquille</a> promis par le premier ministre Boris Johnson et ses équipes pro-<em>Leave</em>. Si le Brexit a été voté le 23 juin 2016, le processus de négociation a formellement débuté le 29 mars 2017, lorsque le Royaume-Uni a activé l’article 50 du traité de Lisbonne.</p>
<p>Deux accords s’ensuivront : l’accord de divorce, approuvé par le parlement britannique le 9 janvier 2020, et l’accord sur les conditions post-divorce, signé in extremis le 24 décembre dernier et effectif au <a href="https://brexit.gouv.fr/sites/brexit/accueil/le-brexit-cest-quoi.html">1er janvier 2021</a>.</p>
<p>Pourquoi le processus a-t-il été si chaotique ? Parmi les théories liées au processus de négociation, le <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2004-2-page-113.htm">modèle du professeur américain</a> William Zartman, de l’Université Johns-Hopkins, permet d’éclairer les principales difficultés rencontrées. Selon lui, toute négociation suit nécessairement trois étapes :</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>diagnostic</strong> : d’abord réalisé individuellement par chacune des parties, puis partagé entre elles.</p></li>
<li><p>La <strong>formule</strong> : les parties construisent ensemble la structure du futur accord (la liste des points à négocier).</p></li>
<li><p>Le <strong>détail</strong> : les parties décident en introduisant dans la formule les éléments concrets de leur accord (qui fait quoi quand, qui paie quoi, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Un diagnostic contraint par les circonstances</h2>
<p>Le diagnostic constitue l’étape la plus importante de la négociation, mais aussi celle qui est le plus souvent négligée, par excès de confiance ou du fait des circonstances, notamment en situation de crise. À titre d’exemple, en France, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035607348/">rapport Pénicaud</a> sur les négociations concernant la mise en place du Conseil social et économique (CSE) constatait froidement, en décembre 2018, une « quasi-absence de diagnostic » de la part des partenaires sociaux lors de ces négociations dans les entreprises.</p>
<p>Le premier diagnostic, celui sur lequel aurait dû se baser la décision de quitter l’Union européenne, peu d’électeurs en avaient conscience, au point que, parmi ceux qui ont voté <em>Leave</em>, beaucoup ont ensuite estimé <a href="https://www.lepoint.fr/monde/londres-une-foule-geante-demande-un-second-referendum-sur-le-brexit-20-10-2018-2264458_24.php">qu’ils auraient voté différemment</a> s’ils avaient été mieux renseignés.</p>
<p>Une fois la décision prise (irrévocable du fait de la légitimité populaire), c’est nécessairement dans la précipitation que le diagnostic de l’étendue des négociations s’est fait.</p>
<p>En principe, c’est pourtant bien sur le diagnostic que vont s’appuyer les négociateurs pour définir leurs objectifs et la stratégie qu’ils entendent déployer pour les atteindre. En négociation internationale, il revient à l’administration de réaliser le diagnostic et au pouvoir politique de fixer le cap et de décider des grandes lignes de la stratégie.</p>
<p>Concernant le Brexit, la négociation s’est brutalement imposée : le résultat du référendum a été une surprise (les sondages donnant, jusqu’au dernier moment, plutôt l’avantage au <em>Remain</em>) et a même déstabilisé le pouvoir britannique (démission du gouvernement de David Cameron et constitution d’un nouveau gouvernement, une fois Theresa May élue à la tête du Parti conservateur).</p>
<p>En situation d’urgence, encore plus qu’en situation normale, le dialogue entre une administration solide et un pouvoir politique bien ancré s’avère fondamental. Outre le temps très court pour réaliser le diagnostic des négociations du Brexit (avec des ressources contraintes, rien n’étant prévu pour de telles négociations), l’administration britannique a dû faire face aux atermoiements d’un pouvoir politique malmené de toutes parts, tant par l’opposition travailliste que par les tenants d’un Brexit « hard » ou « soft ». Il s’agit ici du pire scénario pour établir une stratégie viable de négociation.</p>
<p>Tel un bon pilote d’avion, un bon négociateur ne devrait jamais se mettre dans une situation où il a un besoin impérieux d’être un bon négociateur. Cela passe par le diagnostic et, lorsque c’est possible, par l’anticipation.</p>
<p>Pour les Britanniques, le Brexit semble être l’exemple parfait d’une négociation où tant l’objectif que la stratégie ont été définis sans un diagnostic complet de la situation. L’Union européenne semble avoir bien mieux anticipé ces négociations, sans doute car elle est bien équipée et rompue depuis des décennies aux négociations d’annexion et de partenariat. Ces difficultés de diagnostic ont rendu chaotique le processus et expliquent notamment que les points d’achoppement principaux ne semblent pas avoir été prévus.</p>
<h2>Les points bloquants « surprise » de la formule</h2>
<p>À la suite de leur décision de quitter l’Union européenne, les Britanniques ne semblaient pas avoir mesuré les questions qui allaient empoisonner les négociations jusqu’à leur terme. La question irlandaise ne fut pas la seule mais reste particulièrement révélatrice.</p>
<p>Sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne impliquait nécessairement de traiter le problème de la frontière entre la République d’Irlande (indépendante et membre de l’UE) et l’Irlande du Nord (province britannique). La question dépasse le seul champ économique (la République d’Irlande restant dans le marché commun), elle est sociétale : une frontière risque de raviver les tensions communautaires et religieuses qui ont longtemps secoué l’île.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La question de l’Irlande est révélatrice du manque de diagnostic clair au moment de lancer les négociations sur le Brexit.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dublin-jul-22-crowds-people-walk-303143519">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La formule, c’est-à-dire la liste des points que l’accord devra traiter, ne pouvait faire l’économie de la situation de l’Irlande. L’une des utilités majeures du diagnostic est d’identifier, pour la formule, ces questions à forts enjeux, où aucune solution acceptable à première vue ne semble exister, et où les positions de repli des parties sont inacceptables. Dans le cas de l’Irlande : un retour à une frontière physique, ou un maintien de facto de tout le Royaume-Uni dans le marché commun – le fameux « <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/quest-ce-que-le-backstop-irlandais-au-coeur-de-limpasse-sur-le-brexit-1125876">backstop</a> » – et donc un Brexit qui n’aurait de Brexit que le nom.</p>
<p>Si la question irlandaise semble avoir échappé au diagnostic avant le vote (à part en Irlande du Nord, ce qui l’a conduit à <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2016/06/24/brexit-ecosse-irlande-royaume-uni-referendum_n_10648326.html">voter majoritairement non au référendum</a>), elle s’est rapidement imposée dans la formule et s’est révélée tellement complexe qu’elle a failli jusqu’au bout <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/276127-negociations-post-brexit-ue-et-royaume-uni">faire échouer les négociations</a>.</p>
<h2>Le détail : un accord tout juste satisfaisant</h2>
<p>Ce n’est pas parce que la négociation aboutit à la signature d’un accord que l’accord est nécessairement objectivement bon. Depuis que l’accord post-divorce a été signé, rares sont les parties impactées qui s’en réjouissent : la City londonienne <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/brexit-la-city-perd-la-bataille-du-trading-sur-les-actions-europeennes-1278225">s’estime lésée</a>, les incidents entre pêcheurs se multiplient, l’industrie et les chaînes logistiques souffrent de <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/brexit-les-premiers-couacs-1390086">difficultés de livraisons</a>, etc.</p>
<p>Alors que le Royaume-Uni pensait quitter l’Union européenne sans grever ses finances publiques, il devra finalement s’acquitter d’une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/le-brexit-a-deja-coute-aux-britanniques-presque-autant-que-leurs-47-annees-dans-lunion-europeenne-1359920">très lourde facture</a>.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que tout accord doit être comparé avec la situation des parties en l’absence d’accord : en l’espèce, par rapport à un divorce sans accord, il semble y avoir consensus, l’accord a le mérite d’exister, de clarifier la situation et d’offrir un chemin pour l’avenir.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que, sur la question irlandaise, l’accord n’en est pas vraiment un : si l’hypothèse du maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière est écartée, il revient à l’assemblée d’Irlande du Nord de <a href="https://ec.europa.eu/info/relations-united-kingdom/eu-uk-withdrawal-agreement/protocol-ireland-and-northern-ireland_fr">statuer, tous les quatre ans</a>, sur le maintien de la solution trouvée, ou un retour à une frontière physique sur l’île.</p>
<p>Faute de zone d’accord possible, les parties ont ici fait preuve de créativité, mais laissent planer une certaine incertitude sur l’avenir post-Brexit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De juin 2016 au 1ᵉʳ janvier 2021, date d’entrée en vigueur de l’accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE, les négociations du Brexit auront offert le spectacle d’un processus tumultueux.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolBruno André Giraudon, Conférencier en négociation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1477632020-10-15T19:53:00Z2020-10-15T19:53:00ZPourquoi Sherlock Holmes n’aurait pas pu vivre dans les années 60<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362964/original/file-20201012-21-1qxr6fs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C176%2C5051%2C4202&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sherlock Holmes et le docteur Watson, illustration de Sidney Paget pour le Strand Magazine, décembre 1892.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:Strand_paget.jpg">Strand Magazine / Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Sherlock Holmes est la figure mythique du détective, celui qui sait établir la vérité grâce à son sens de la déduction. Pour beaucoup, le talent de Sherlock Holmes tient d’abord dans une capacité d’observation exceptionnelle, symbolisée par sa loupe, qui lui permet de saisir le détail qui a échappé au commun des mortels.</p>
<p>Qu’il me soit permis ici d’explorer une autre explication, qui est sans doute complémentaire. Prenons un exemple parmi les plus purs du talent de déduction de notre célèbre détective, au début de <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Aventures_de_Sherlock_Holmes/L%E2%80%99Escarboucle_bleue">« L’escarboucle bleue »</a>. Un homme a perdu son chapeau dans une altercation et s’est enfui. Holmes présente ce chapeau au Dr Watson, lui confie sa loupe, et lui demande d’en déduire la personnalité du possesseur de ce chapeau.</p>
<h2>Dans la tête de Sherlock Holmes</h2>
<p>Alors que Watson peine à trouver le moindre indice, Holmes lui fait un exposé sur cette personne, exposé qui frappe le lecteur par ses détails, notamment le fait que cet homme a sans doute subi des revers de fortune et perdu l’amour de sa femme :</p>
<blockquote>
<p>« Il est évident que le possesseur de ce chapeau était extrêmement intelligent, et que dans ces dernières années il s’est trouvé dans une situation, qui, d’aisée, est devenue difficile. Il a été prévoyant, mais l’est beaucoup moins aujourd’hui, c’est la preuve d’une rétrogression morale qui, ajoutée au déclin de sa fortune, semble indiquer quelque vice dans sa vie, probablement celui de l’ivrognerie. Ceci explique suffisamment pourquoi sa femme ne l’aime plus. » (« L’escarboucle bleue », 1892).</p>
</blockquote>
<p>Watson, et nous avec, sommes presque choqués par ces déductions qui semblent tenir du miracle, voire du bluff, mais qui se révéleront exactes par la suite. Holmes en livre une explication détaillée :</p>
<blockquote>
<p>« Ce chapeau date de trois ans ; or, à ce moment ses bords plats légèrement retournés étaient à la mode. Puis, c’est un chapeau de toute première qualité. Voyez donc le ruban gros grain qui le borde et sa doublure soignée. Si cet homme avait de quoi s’acheter, il y a trois ans, un chapeau de ce prix-là et qu’il n’en ait pas eu d’autre depuis, j’en conclus que sa situation est aujourd’hui moins bonne qu’elle ne l’a été. […] N’avez-vous pas remarqué que ce chapeau n’a pas été brossé depuis plusieurs semaines ? Mon cher Watson, lorsque votre femme vous laissera sortir avec un chapeau non brossé et que je vous verrai arriver ainsi chez moi, j’aurai des doutes sur la bonne entente de votre ménage. » (« L’escarboucle bleue »)</p>
</blockquote>
<p>Arrêtons-nous un instant sur le cheminement du détective. Comment déduit-il que sa femme ne l’aime plus ? L’homme n’est plus aimé par sa femme parce que le chapeau n’est pas bien entretenu.</p>
<p>Pour un lecteur du XXI<sup>e</sup> siècle comme moi, moitié d’un couple moderne, je fais ma part des tâches ménagères. Si d’aventure je mettais un chapeau, et que ce chapeau n’était pas bien entretenu, cela tiendrait plus vraisemblablement à ma propre négligence qu’à l’amour que peut me porter ma femme !</p>
<p>Mais voilà, la société dans laquelle je vis n’a pas grand-chose à voir avec celle dans laquelle évolue Holmes. Pour mieux comprendre comment cela influe sur le raisonnement de Sherlock, convoquons un autre anglais célèbre, Thomas Bayes.</p>
<h2>Le raisonnement bayésien</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Signature de Bayes, à la plume" src="https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362377/original/file-20201008-20-skmu9h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Thomas Bayes nous a légué un théorème sur lequel sont basés nombres d’algorithmes d’analyses de données et de prise de décision.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Bayes#/media/Fichier:Bayes_sig.png">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pasteur et mathématicien du XVIII<sup>e</sup> siècle, Thomas Bayes est connu pour nous avoir légué son théorème de Bayes, sans doute un des théorèmes les plus importants pour toute personne cherchant à analyser des données avec des probabilités. Il a notamment permis ce qui est maintenant appelé l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Inf%C3%A9rence_bay%C3%A9sienne"><em>inférence bayésienne</em></a>, manière optimale de combiner observation, déduction et a priori.</p>
<p>Tentons d’en donner ici une version simplifiée et intuitive, en utilisant notre exemple du chapeau. Imaginons quatre hypothèses :</p>
<ul>
<li><p>H1 : je suis en charge de l’entretien de mon chapeau, et m’en acquitte fort bien</p></li>
<li><p>H2 : je suis en charge de l’entretien de mon chapeau, mais suis assez négligent à son égard.</p></li>
<li><p>H3 : ma femme est en charge de l’entretien de mon chapeau, et s’en occupe amoureusement, reflétant l’amour qu’elle me porte.</p></li>
<li><p>H4 : ma femme est chargée d’entretenir mon chapeau, mais ne s’en occupe plus, car elle a perdu son intérêt pour moi.</p></li>
</ul>
<p>Deux choses vont vous permettre de trancher entre ces quatre hypothèses. D’abord, l’observation dudit chapeau. Tel le docteur Watson armé de la loupe de Sherlock, vous observez qu’il est fort mal entretenu. Cela rend les hypothèses H1 et H3 beaucoup moins probables que H2 et H4.</p>
<p>Par ailleurs, si vous savez que nous nous trouvons dans une société moderne où les femmes et les hommes partagent les tâches ménagères et que, selon toute vraisemblance, le possesseur de ce chapeau ne charge pas sa femme de l’entretenir, alors H3 et H4 sont moins probables que H1 et H2.</p>
<p>Vous voyez donc comment, d’une part, l’observation vous a permis de moduler la probabilité des quatre hypothèses, et d’autre part, comment votre connaissance <em>a priori</em> de la société dans laquelle vous vivez, vous a permis de le faire. Bayes a formalisé ces notions. Pour simplifier, il nous a donné la méthode pour combiner tout cela de manière optimale, et estimer ainsi la probabilité finale (dite « a posteriori ») de chaque hypothèse. Il en ressort que l’hypothèse H2 est la plus probable, c’est-à-dire que je suis sans doute un être négligent, mais encore aimé par sa femme, ouf.</p>
<p>Mais donnons maintenant ce même chapeau à Holmes. Il va observer la même chose que vous, et que le Dr Watson : ce chapeau est mal entretenu, favorisant H2 et H4. Mais Sherlock Holmes est un homme du XIX<sup>e</sup> siècle. En ce temps-là, les tâches ménagères étaient moins bien partagées, et il y a fort à parier que, pour lui, a priori, H1 et H2 sont bien moins probables que H3 et H4. Donc, en combinant tout cela, il en déduira que l’hypothèse la plus probable est H4, ce qu’il fait bien dans l’histoire.</p>
<p>Que conclure de tout ceci ? Que la fantastique capacité de déduction du brillant détective ne doit pas tout à son sens aiguisé de l’observation, mais aussi à une connaissance fine de la société qui l’entoure, et d’une capacité remarquable à combiner les deux.</p>
<p>Cette combinaison de l’observation avec sa connaissance de la société est encore plus frappante dans l’autre exemple mis en exergue plus haut : l’homme a subi des revers de fortune, car son chapeau est un modèle cher qui correspond à la mode d’il y a quelques années, mais pas à celle en vogue actuellement. Seul un homme riche il y a quelques années a pu l’acheter, mais s’il était toujours riche, il en aurait acheté un autre plus récemment, suivant la mode du moment. À moins que vous ayez fait une thèse sur les chapeaux à la mode à l’époque de Conan Doyle, il vous est tout simplement impossible de faire cette déduction, même avec une faculté d’observation hors norme. Holmes connaît bien son monde, les modes de chaque année, et sait mobiliser cette connaissance à bon escient.</p>
<h2>De l’avantage d’une société conformiste</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362965/original/file-20201012-17-oytdnr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=580&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’escarboucle bleue, illustration de Sidney Paget, 1892.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Adventure_of_the_Blue_Carbuncle#/media/File:The_Adventure_of_the_Blue_Carbuncle_03.jpg">Sidney Paget/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Allons plus loin : quelle est cette société où l’on peut déduire la richesse passée et présente d’une personne à son chapeau ? À l’évidence, une société assez conformiste, la société victorienne de l’époque. Holmes semble exclure l’hypothèse que la personne puisse simplement conserver son chapeau sans se soucier de la mode.</p>
<p>Une société conformiste a bien pour effet de <em>réduire les hypothèses probables</em>. Dans notre exemple ci-dessus, H1 et H2 sont peu probables dans cette société victorienne, dont Sherlock Holmes connaît parfaitement les us et coutumes. Il peut donc définir très clairement son « a priori », le combiner avec les observations et, en bon bayésien, en déduire l’hypothèse la plus probable. Mais l’un de ses secrets est sans doute le conformisme de ses contemporains, conformisme qui les rend prévisibles et permet de réduire fortement les hypothèses possibles a priori. C’est d’ailleurs un aspect que Holmes remarque, et dont il se plaint, car cela rend son quotidien ennuyeux et les mystères trop faciles à résoudre (et l’incite à explorer d’autres mondes, comme les paradis artificiels).</p>
<p>Mais c’est justement cette société si conformiste, si déterministe, qui lui permet d’exercer de si brillantes déductions. Imaginons une expérience de pensée. Déménageons notre brillant détective depuis sa demeure de Baker Street, en pleine époque victorienne, pour Carnaby Street, cœur vibrant de la capitale londonienne des années 60. Le conformisme craque de toute part à l’époque des <em>swinging sixties</em>, les gens ne s’habillent plus selon une mode déterminée. Notre détective serait sans doute bien en peine de déduire quoique ce soit de son propriétaire si on lui apportait le chapeau de Jimi Hendrix. À une époque où l’on casse tous les codes culturels, toutes les hypothèses deviennent possibles : les « a priori » ne nous disent plus grand-chose, et même les déductions du plus brillant esprit ne permettraient pas de départager les hypothèses.</p>
<p>Non, Sherlock n’aurait pas pu vivre dans les années 60.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147763/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Marre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sherlock Holmes fait des déductions brillantes – ses raisonnements ont tout de « l’inférence bayésienne », une méthode mathématique très utilisée aujourd’hui en science.Olivier Marre, Chercheur en neurosciences, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1425042020-07-15T17:39:58Z2020-07-15T17:39:58ZCanicule et urbanisme : arrêtons de densifier nos villes !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347137/original/file-20200713-38-1yjqab3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C24%2C1809%2C1115&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une grande part des revêtements urbains accentue la hausse des températures. </span> <span class="attribution"><span class="source">Tricky Shark/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au cours du XX<sup>e</sup> siècle, les grandes métropoles françaises, comme Paris, Marseille ou Lyon, se sont développées au détriment des villes moyennes et villages. Ce basculement s’est accompagné d’une répartition spatiale socio-économique, les plus aisés occupant les zones plutôt centrales bien équipées en services et activités, tandis que les plus pauvres étaient relégués dans des zones déclassées en périphérie, mal desservies, ou dans des zones périurbaines toujours plus lointaines.</p>
<p>Refonder les métropoles pour les rendre durables et résilientes passe donc par une maîtrise de l’occupation urbaine, ainsi que par une rénovation en profondeur du tissu urbain.</p>
<p>Ce type d’analyse fait référence pour nombre de documents d’urbanisme, à l’image du schéma directeur de la région Île-de-France (<a href="https://espaceprojets.iledefrance.fr/jahia/Jahia/SDRIF/site/projets/cache/offonce;jsessionid=0F309ADEDA7A38493EA0A58929372EAE">SDRIF</a>) ; ce dernier affirme la nécessité de ne plus grignoter les espaces agricoles et naturels périurbains. Les arguments mis en avant mettent en avant l’attractivité et la réduction des besoins de transport. Ajoutons que la mise en application de l’objectif ZAN (pour « zéro artificialisation nette »), inscrit dans le <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/plan-biodiversite,%20objectif%201.3,%20https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-2019-artificialisation-juillet.pdf">plan biodiversité de 2018</a>, conduit à augmenter la densité des nouvelles constructions pour diminuer la consommation d’espaces naturels.</p>
<h2>Densité et canicules… de Paris à Londres</h2>
<p>L’impact des canicules à répétition depuis le début des années 2000 a montré l’importance de préserver de la fraîcheur au sein des villes.</p>
<p>Prenons le cas de la métropole parisienne (voir la figure (a) ci-dessous). La structure de densité de la population y est très concentrique : un centre très dense (jusqu’à plus de 40 000 habitants au km<sup>2</sup> pour une moyenne de 21 000 hab/km<sup>2</sup>) ; une périphérie dont la densité décroît très rapidement, avec quelques exceptions comme à Levallois-Perret (26 000 hab/km<sup>2</sup>).</p>
<p>Par comparaison, le grand Londres, légèrement plus grand en superficie et en nombre d’habitants que la métropole du grand Paris, est polycentrique, sans jamais atteindre les mêmes valeurs extrêmes de densité (voir la figure (b) ci-dessous) et avec des zones peu denses au cœur de la ville.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347114/original/file-20200713-50-131whyc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=664&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Densité d’habitants au km² dans l’agglomération (a) parisienne, (b) londonnienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.luminocity3d.org/WorldPopDen/#10/48.5880/2.5255">Luminocity3d.org, basé sur les données de EC JRC CIESIN Global Human Settlement Layer</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À Paris, les zones les plus denses correspondent à un bâti continu de plus de trois étages (voir figure (a) ci-dessous). En s’éloignant du cœur de ville, le tissu urbain passe progressivement à du bâti collectif irrégulièrement réparti et à du pavillonnaire. La répartition des zones industrielles et d’activité (dont les aéroports) n’est pas régulière et concentrée dans la périphérie, du nord/ouest au sud/sud-est (voir figure (b) ci-dessous), alors que les zones boisées à l’ouest et au sud-ouest sont davantage présentes à proximité de la ville.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=259&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347115/original/file-20200713-18-1merw6r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Structure du tissu urbain de l’agglomération parisienne (la limite de la métropole du grand Paris est indiquée par un trait noir). (a), par type et hauteur (bâtiment et végétation) ; (b), type de bâti par parcelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.apur.org/fr/geo-data/">Données APUR</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Que se passe-t-il lors des périodes de grande chaleur ?</p>
<p>La figure (a) (voir ci-dessous) montre une carte détaillée de la température au sol un jour d’été 2010 ; la figure (b) présente une superposition d’une dizaine de cartes de température de surface obtenues par satellite pendant les canicules de 2017 à 2019. On observe que les zones les plus chaudes correspondent aux plus artificialisées : les zones industrielles – au nord de la capitale et le long de la Seine au sud (Orly et Rungis) – se distinguent par leur température extrême ainsi que les zones de bâti dense dans Paris et en très proche banlieue.</p>
<p>La présence de forêts, bois et grands parcs se remarque par la température nettement plus basse (figure a). La banlieue, majoritairement pavillonnaire dans la partie externe de la métropole, apparaît en moyenne plus fraîche de plusieurs degrés que la zone urbaine centrale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=274&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=274&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347118/original/file-20200713-62-17ur88d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=274&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Température au sol issue de mesures satellites. (a), données Landsat ; (b), superposition de 10 cartes de température de surface issues des satellites Aqua et Terra, pour des jours sans nuages durant les canicules de 2017 à 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.apur.org/fr/geo-data/thermographie">worldview.earthdata.nasa.gov & www.apur.org</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même, le grand Londres présente une répartition de température de surface cohérente avec celle de sa densité (voir ci-dessous) : les zones d’échauffement maximal sont séparées par de grands couloirs plus frais correspondant aux vastes parcs et aux zones d’habitation de type pavillonnaire ou cité jardin (à l’anglaise), qui se retrouvent jusqu’au cœur de la ville.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=255&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347122/original/file-20200713-42-15rfgr3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=321&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">(a), carte de température de surface en été, d’après le UK Met Office ; (b), superposition de 10 cartes de température de surface satellite par temps de canicule de 2017 à 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.metoffice.gov.uk/weather/climate/uk-climate">UK Met Office/worldview.earthdata.nasa.gov</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’incontournable îlot de chaleur</h2>
<p>Les travaux des spécialistes de la météorologie urbaine ont montré que le phénomène d’« îlot de chaleur urbain » (en ville, les températures de l’air, des surfaces et du sol sont presque toujours plus importantes que dans les zones non urbaines) est causé pour l’essentiel par l’accumulation de matériaux artificiels (béton, bitume…), tout particulièrement ceux de couleur sombre ; ces matériaux absorbent fortement l’éclairement solaire en s’échauffant et restituent cette chaleur la nuit, réduisant le refroidissement nocturne.</p>
<p>Le bâti dense accentue cet effet car la chaleur est piégée entre les murs. À l’échelle de la région, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-temperatures-grimpent-elles-en-ville-62786">l’effet d’îlot de chaleur</a> se traduit par un « dôme » de température entre le centre et la périphérie. Au sein du territoire francilien, la superficie et la répartition des surfaces de sol naturel sont primordiales.</p>
<p>La physique de l’atmosphère nous explique en effet que l’air circule des zones « froides » vers les zones « chaudes », et descend les pentes du relief la nuit. L’air peut circuler facilement en banlieue fortement pavillonnaire, sur les pentes des plateaux, jusqu’en bordure de Paris.</p>
<p>Au contraire, la « rugosité » de la surface urbaine dense (immeubles hauts et rapprochés) freine ce déplacement d’air. De plus, les grandes zones d’activité (aéroportuaires notamment), presque totalement artificialisées, accumulent la chaleur solaire le jour et la maintiennent la nuit. C’est pourquoi la périphérie nord de Paris, où se concentrent ce type de structures, est la plus chaude.</p>
<h2>Forme du bâti et canicules</h2>
<p>À l’échelle des habitations et des quartiers, la densité du bâti et les surfaces artificielles contribuent, on le voit, à l’amplification des canicules en ville, en empêchant la baisse de température nocturne. À l’inverse, les quartiers pavillonnaires ou peu denses des banlieues, avec un ratio de moins de 50 % de bâti, permettent de limiter l’élévation de température, et la <a href="https://theconversation.com/les-forets-urbaines-essentielles-aux-villes-de-demain-94335">présence de végétation rafraîchit</a> globalement ces quartiers, par ombrage et évaporation.</p>
<p>Or le changement climatique nous promet des canicules de plus en plus fréquentes, et intenses ! Comment permettre à chaque habitant de vivre correctement sans souffrir de ces conditions dans les prochaines années et décennies ? Sans que l’exiguïté des logements et leur répartition n’aggravent les inégalités déjà criantes ?</p>
<p>La densification de la métropole, promue par nombre d’urbanistes, est-elle vraiment une bonne idée ? On peut en douter.</p>
<p>En effet, densifier fortement la petite couronne et plus modérément la grande couronne, comme le propose le <a href="https://espaceprojets.iledefrance.fr/jahia/Jahia/SDRIF/site/projets/cache/offonce;jsessionid=0F309ADEDA7A38493EA0A58929372EAE">schéma directeur de la région Île-de-France</a>, aura pour effet d’amplifier la surface du dôme de l’îlot de chaleur, et très probablement son amplitude au centre, puisque la circulation de l’air sera bloquée sur toute la banlieue ! Le résultat sera un centre de la métropole invivable en période chaude et encore davantage en période de canicule.</p>
<p>Il en résultera une aggravation de l’inégalité sociale, les plus riches pouvant <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/28/les-pistes-des-chercheurs-pour-maitriser-le-risque-caniculaire-qui-menace-l-ile-de-france_6044434_3244.html">s’équiper de climatiseurs</a>, quand les plus pauvres ne le pourront pas, alors qu’ils habitent dans les zones les plus chaudes de la ville.</p>
<p>Une autre façon d’aborder ces problématiques s’impose pour assurer une qualité de vie satisfaisante en ville dans les prochaines décennies.</p>
<h2>Sauver les sols de l’artificialisation</h2>
<p>Une première réponse consiste à stopper la densification des métropoles telle qu’elle se pratique aujourd’hui. En effet, les parcelles, qu’elles soient pavillonnaires ou bâties d’immeubles collectifs, sont considérées comme « sol artificialisé », donc <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2086/NR_821_web.pdf">susceptibles d’être densifiées</a> sans respecter la surface de sol végétalisé présent. Pour atteindre réellement l’objectif « zéro artificialisation nette », tout projet de transformation immobilière devrait ainsi préserver la surface de sol naturel présente sur la parcelle concernée.</p>
<p>En outre, les plans d’urbanisme devraient systématiquement prendre en compte la circulation de l’air, et donc ménager et accroître, dans le cadre des trames vertes et bleues, les couloirs de fraîcheur à forte présence arborée et de nature, et éviter au maximum les surfaces couvertes de matériaux artificiels absorbant la chaleur (au sol, sur les toits et terrasses)</p>
<h2>Créer des corridors de fraîcheur</h2>
<p>À l’échelle de l’agglomération parisienne, ne pourrait-on pas préserver et amplifier le « corridor » de fraîcheur, reliant les forêts du Sud-ouest parisien (Meudon et Clamart pour les plus proches) aux berges de la Seine ?</p>
<p>Cela suppose de ne pas densifier les zones urbaines encore peu denses, et de désartificialiser partout où c’est possible. On favoriserait ainsi l’écoulement de l’air de sud-ouest (vent dominant) et l’apport du rafraichissement des bois et du fleuve dans la partie centrale de la ville. Dans l’Est parisien, bien que moins boisé en proche banlieue, on pourrait de même relier la Seine au bois de Vincennes, puis aux forêts de Seine et Marne.</p>
<p>Dans ce contexte, on devrait se souvenir d’Henri Sellier, initiateur des cités-jardins construites dans les années 1930 en France : pour lutter contre l’insalubrité et donner une meilleure qualité de vie possible aux ouvriers dans les banlieues, les architectes-urbanistes des cités jardins avaient organisé les bâtiments pour optimiser la lumière, l’aération et la présence d’espaces naturels ! Sans même évoquer les liens sociaux, favorisés par la présence d’espaces partagés à l’intérieur des bâtiments…</p>
<p>Ce type de logements, associant des immeubles collectifs de hauteur modérée et pavillons, pourrait redevenir un modèle pour concilier densité et qualité de vie dans le contexte du changement climatique.</p>
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<figcaption><span class="caption">La cité-jardin de Stains (France 3, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Se réapproprier les villes moyennes et petites ?</h2>
<p>Mais ce n’est sans doute pas suffisant pour empêcher le grignotage continu des terres agricoles et l’accroissement de surface des métropoles. Si on densifie peu, l’artificialisation périurbaine ne va-t-elle pas continuer de plus belle ?</p>
<p>Le confinement aura sans doute apporté un éclairage utile à cette problématique : et si la solution passait par une réappropriation des villes moyennes et petites, grâce notamment à la relocalisation des activités économiques et culturelles concentrées dans les métropoles, combinée à une part de télétravail ?</p>
<p>Le développement des circuits courts pour l’approvisionnement en biens essentiels pourrait être facilité, sans augmenter le bilan carbone des transports, et un réseau de transport ferroviaire régional permettrait de concilier les impératifs économiques, sociaux et culturels, en redonnant du dynamisme à de nombreuses villes moyennes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Eymard est membre du groupe d’urbanisme écologique (GUÉ) de l’Institut de la transition environnementale de l’alliance Sorbonne Université (SU-ITE).</span></em></p>Si la densification des zones urbaines vise à préserver les espaces naturels, ses effets sont extrêmement néfastes lors des épisodes caniculaires, amenés à se multiplier.Laurence Eymard, directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1387862020-06-01T17:21:03Z2020-06-01T17:21:03ZLa preuve par trois : Paris–Londres, il n’y a pas match !<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech (Université PSL) détaille les principaux enjeux de la compétition entre les métropoles Paris et Londres. Vous comprendrez notamment comment Londres capitalise sur son rayonnement international et tire principalement sa richesse de ressources extérieures, puis en quoi la lourdeur administrative de Paris nuit à sa productivité et enfin pourquoi classer les villes à l’échelle mondiale n’est pas chose aisée !</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-l-effet-wimbledon-au-cur-du-dynamisme-de-londres-138752">L’« Effet Wimbledon » au cœur du dynamisme de Londres</a></h2>
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<span class="caption">La vitalité économique londonienne repose sur les investissements qui viennent du monde entier, tandis que celle de Paris dépend avant tout de ses propres ressources.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/london-june-24-rafael-nadal-spain-92786875">Alison Young/Shutterstock</a></span>
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<p>Peu importe d’avoir des champions locaux, puisque les meilleurs joueurs du monde viennent participer au tournoi. C’est l’effet Wimbledon sur lequel la capitale britannique a construit ses succès.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/podcast-l-effet-wimbledon-au-coeur-du-dynamisme-de-londres?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5D1ML4Gj2KSK9IWn3TSnMi"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-l-effet-wimbledon-au-c%C5%93ur-du-dynamisme-de-londres/id1516230224?i=1000476394991"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-paris-plombee-par-les-lourdeurs-administratives-dans-la-competition-entre-metropoles-138762">Paris plombée par les lourdeurs administratives dans la compétition entre métropoles</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335569/original/file-20200517-138615-1l0dlzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Selon une étude, un doublement du nombre de municipalités dans une zone géographique entraîne une baisse de 6 % de la productivité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-paris-panorama-late-autumn-montparnasse-517398646">Augustin Lazaroiu/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Métropole du Grand Paris, région Ile-de-France, communes, départements… Le millefeuille administratif entrave le dynamisme économique de la capitale française face à Londres.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5Un97VDqqfqUN633967mlP"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-paris-plomb%C3%A9e-par-les-lourdeurs-administratives/id1516230224?i=1000476394990"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-mefiez-vous-des-classements-des-villes-138764">Méfiez-vous des classements des villes !</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/335570/original/file-20200517-138629-19ze03b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les différents indicateurs placent généralement Paris quelques places derrière Londres. Mais méfiance….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/miniature-people-small-worker-figures-wooden-548794270">Khongtham/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les avantages de taille et de localisation sont le résultat de l’accumulation d’investissements passés sur des décennies et souvent des siècles en particulier dans les infrastructures. Du coup, les classements ne bougent pas beaucoup. Rien de bien neuf dans la hiérarchie à part l’arrivée des métropoles asiatiques.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/6xUTojmv73XdC1NjQKTnve"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-m%C3%A9fiez-vous-des-classements-des-villes/id1516230224?i=1000476394978"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138786/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Souvent comparées, mais difficilement comparables. Les deux métropoles restent davantage complémentaires que rivales, comme l’explique l’économiste François Lévêque dans cette nouvelle série.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1387642020-06-01T15:43:47Z2020-06-01T15:43:47ZPodcast : Méfiez-vous des classements des villes !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/335457/original/file-20200515-138639-xgy671.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C0%2C5955%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les différents indicateurs placent généralement Paris quelques places derrière Londres. Mais méfiance...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/miniature-people-small-worker-figures-wooden-548794270">Khongtham / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quels que soient les classements, Paris se hisse toujours au moins à la cinquième place, toujours derrière Londres. Mais selon quels critères ? La richesse produite par habitant, l’emploi, la qualification de la main-d’œuvre, la productivité ? À force de vouloir tout classer et dans tous les sens, ne perdons-nous pas en compréhension ? Car les classements tous azimuts négligent les causes et mécanismes.</p>
<p>Mais pour gagner la guerre de l’attractivité, les métropoles ont certainement besoin d’indicateurs, même imparfaits, pour mesurer les effets de leurs politiques et ainsi s’améliorer.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/6xUTojmv73XdC1NjQKTnve"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png ?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip »%20width=" height="82"></a></p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent trois aspects d’une question d’actualité en trois épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, François Lévêque, Professeur d’économie à Mines ParisTech (Université PSL) détaille les principaux enjeux de la compétition entre les métropoles Paris et Londres. Vous comprendrez notamment comment Londres capitalise sur son rayonnement international et tire principalement sa richesse de ressources extérieures, puis en quoi la lourdeur administrative de Paris nuit à sa productivité et enfin, dans ce dernier épisode, pourquoi classer les villes à l’échelle mondiale n’est pas chose aisée !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les avantages de taille et de localisation sont le résultat de l’accumulation d’investissements passés sur des décennies et souvent des siècles en particulier dans les infrastructures.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1387622020-06-01T15:43:46Z2020-06-01T15:43:46ZPodcast : Paris plombée par les lourdeurs administratives dans la compétition entre métropoles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/335452/original/file-20200515-138615-1fwh3cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C21%2C4207%2C2565&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude, un doublement du nombre de municipalités dans une zone géographique entraîne une baisse de 6 % de la productivité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-paris-panorama-late-autumn-montparnasse-517398646">Augustin Lazaroiu / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Comment définir les contours de Paris ? Il y a bien la métropole du Grand Paris qui réunit la ville elle-même, ses trois départements limitrophes ainsi que quelques dizaines de communes extérieures. Mais on peut également confondre Paris et la région Île-de-France ou encore Paris et l’Unité urbaine de Paris… Bref, c’est un vrai casse-tête administratif ! Cette difficulté à dessiner les frontières de la métropole parisienne reflète une fragmentation de sa gouvernance et une incapacité à profiter pleinement des effets d’agglomération. Il est temps que Paris se dote d’une autorité administrative équivalente à celle du Grand Londres.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/podcast-paris-plombee-par-les-lourdeurs-administratives-dans?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5Un97VDqqfqUN633967mlP"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png ?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip »%20width=" height="82"></a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent trois aspects d’une question d’actualité en trois épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, François Lévêque, Professeur d’économie à Mines ParisTech (Université PSL) détaille les principaux enjeux de la compétition entre les métropoles Paris et Londres. Vous comprendrez notamment comment Londres capitalise sur son rayonnement international et tire principalement sa richesse de ressources extérieures, puis dans ce deuxième épisode, en quoi la lourdeur administrative de Paris nuit à sa productivité et enfin pourquoi classer les villes à l’échelle mondiale n’est pas chose aisée !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138762/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Métropole du Grand Paris, région Ile-de-France, communes, départements… Le millefeuille administratif entrave le dynamisme économique de la capitale française face à Londres.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1387522020-06-01T15:43:44Z2020-06-01T15:43:44ZPodcast : L’« effet Wimbledon » au cœur du dynamisme de Londres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/335418/original/file-20200515-138644-1bv78xw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C28%2C4680%2C3130&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vitalité économique londonienne repose sur les investissements qui viennent du monde entier, tandis que celle de Paris dépend avant tout de ses propres ressources. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/london-june-24-rafael-nadal-spain-92786875">Alison Young / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Londres et Paris sont en concurrence sur le plan économique. Si Londres doit son statut de métropole à une attraction forte des investissements et des talents depuis l’étranger, Paris, à l’inverse, a appris à capitaliser sur ses ressources propres. Mais, les deux villes, souvent considérées comme rivales, tirent grandement parti de leur complémentarité. En effet, elles bénéficient d’une proximité géographique et donc de l’échange permanent de ressources. En empruntant le tunnel sous la Manche, les professionnels et touristes enrichissent mutuellement les deux villes.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5D1ML4Gj2KSK9IWn3TSnMi"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>La preuve par trois : les experts de The Conversation déclinent trois aspects d’une question d’actualité en trois épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, François Lévêque, Professeur d’économie à Mines ParisTech (Université PSL) détaille les principaux enjeux de la compétition entre les métropoles Paris et Londres. Vous comprendrez notamment dans ce premier épisode comment Londres capitalise sur son rayonnement international et tire principalement sa richesse de ressources extérieures, puis dans les suivants en quoi la lourdeur administrative de Paris nuit à sa productivité et enfin pourquoi classer les villes à l’échelle mondiale n’est pas chose aisée !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138752/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Peu importe d’avoir des champions locaux, puisque les meilleurs joueurs du monde viennent participer au tournoi. C’est l’effet Wimbledon sur lequel la capitale britannique construit ses succès.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1338452020-03-25T19:24:10Z2020-03-25T19:24:10ZLittérature : Defoe, Poe et Shelley en terrain contaminé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/323010/original/file-20200325-168889-px50uy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C889%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gravure anglaise, circa 1665, quand Londres était ravagée par la peste. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lord_haue_mercy_on_London.jpg#/media/File:Lord_haue_mercy_on_London.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Contre ce fléau qu’est le coronavirus, il y a les gestes barrière, impératifs, partie intégrante de la « distanciation sociale », ce mot terrible, mais dont on voit bien la raison d’être. Rien de tel, cependant, que la littérature pour nous permettre, en ces temps de confinement, de renouer avec autrui et de passer outre les murs qui nous séparent de nos semblables.</p>
<p>À défaut de réparer dans l'instant le monde et les vivants, la littérature, notamment anglo-américaine, celle qui prend l’épidémie pour sujet, donne matière à de saines lectures. Non que les récits, les romans, puissent se prévaloir d’une quelconque propriété immunisante – cela se saurait. Mais la peste racontée dans de si nombreuses histoires, elle du moins, ne s’attrape pas ! Mieux, si l’on en croit du moins le Deleuze de <em>Critique et Clinique</em>, dans son rapport à la « vie », donc à la mort, la fabulation relève bel et bien d’une « entreprise de santé » ; de surcroît, loin de déréaliser le monde, la fiction en saisit au contraire la vérité profondément anthropologique : « le monde est l’ensemble des symptômes dont la maladie se confond avec l’homme ».</p>
<p>C’est à ce titre que les écrivains montent au front de l’épidémie et s’aventurent en terrain contaminé. Autrefois à Thèbes, hier dans la Florence du <em>Décaméron</em>, plus près de nous, à Boston ou au sein du Londres des XVII<sup>e</sup> ou XXI<sup>e</sup> siècles. Pour en rire, à l’occasion, ce que fait E.A. Poe, dans la nouvelle « Le roi Peste » (1835), composée à l’époque où le fléau sévit encore sur la côte Est des États-Unis : entre mauvais jeux de mots (sa « Sérénissime Altesse l’archiduchesse Ana-Peste ») et humour noir, la peur change de camp et le roi Peste passe à la trappe, culbute des plus réjouissantes par laquelle il nous est donné, par procuration, de faucher la Grande Faucheuse.</p>
<p>Mais l’exorcisme ne fonctionne pas à tous les coups. En règle générale, ce que la littérature privilégie, en se colletant aux épidémies et autres fléaux, ce n’est bien sûr pas la recherche d’un hypothétique vaccin, mais plutôt la conjonction singulière d’une « agency » (agentivité), entre impact ravageur du fléau et actions menées contre lui, souvent infructueuses mais parfois couronnées de succès, et d’un terrain, d’un territoire, « local » d’abord, puis de plus en plus « global », rejoignant ainsi la marche du monde.</p>
<h2>L’épidémie en l’abbaye</h2>
<p>À l’entame de « Le Masque de la Mort rouge » (1842), nouvelle du même E.A. Poe, trois phrases lapidaires plantent le décor : </p>
<blockquote>
<p>« Depuis longtemps, la “Mort rouge” dévastait le pays. Aucune peste n’avait jamais été si fatale, ni si atroce. Son symbole, aussi bien que son sceau, était le sang. » </p>
</blockquote>
<p>Un décor indéterminé, universel, au service d’une allégorie à la force de concentration, et donc de signification, maximale. Dans l’espoir d’échapper au fléau qui a déjà décimé la moitié des habitants de ses domaines, le Prince Prospero se retranche avec un millier de ses amis derrière les hauts murs d’une abbaye fortifiée. Il organise un bal masqué dans sept superbes chambres, chacune tapissée d’une couleur différente et orientée selon les points cardinaux, d’est en ouest, à l’image des sept âges de la vie et de la course du soleil. Alors que la « licence carnavalesque » bat son plein et que s’égrènent les coups de minuit, un intrus spectral portant un masque d’une rigidité cadavérique fait son entrée. Prospero veut le mettre en fuite, mais la mort le saisit sur place. Et les autres danseurs de choir l’un après l’autre dans les salles maculées de sang : </p>
<blockquote>
<p>« Et les ténèbres, la pourriture et la Mort rouge étendirent sur toutes choses leur empire illimité. »</p>
</blockquote>
<p>L’illusion de qui croit tenir l’épidémie hors les murs vole en éclats. « Comme un voleur », référence ici à Matthieu 24, 45, celle-ci s’est nuitamment introduite dans la place forte, pour faire payer au prince son arrogance, sa prospérité, son insensibilité à la tragédie qui frappe ses sujets.</p>
<p>Si la chute de la nouvelle ne saurait surprendre – qui ignore encore que la peste, comprenons la mort, est la toute-puissante « niveleuse » ? –, ce qui fascine, ce sont les peurs et les fantasmes projetés, par la force de la fiction, sur le fléau.</p>
<p>À savoir un imaginaire, celui de la rétribution, du châtiment, ainsi qu’une « métaphore », au sens où l’entend Susan Sontag (<em>La Maladie comme métaphore</em>, 1979), ici celle du sang écarlate. L’un et l’autre sanctionnent pour l’heure les « autres », forcément riches et licencieux, en attendant de s’en prendre à chacun de « nous », hypocrite lecteur/lectrice. La surenchère à laquelle se livre Poe, à grand renfort d’images plus « bizarres » les unes que les autres, apparente le conte à un mauvais rêve, indécidable quant à la réalité de son dénouement, ne convoquant la luxuriance et la transgression qu’aux seules fins de les bannir d’un trait de plume. Car, <em>in fine</em>, c’est l’écrivain qui prononce l’arrêt de mort, s’arrogeant ainsi le plus envié, mais aussi le plus redouté des arbitrages.</p>
<h2>La peste en ville</h2>
<p>Le très glaçant <em>Journal de l’année de la peste</em> (1722), écrit par Daniel Defoe, créateur de l’immortel <em>Robinson Crusoe</em>, a pour cadre une métropole surpeuplée, la capitale du royaume d’Angleterre. Près de 60 ans après les faits, il revient sur les ravages occasionnés par la peste bubonique dans le Londres des années 1665-1666, ici ramenées à 12 mois : unité de temps, d’action et de lieu, pour un total de 100 000 morts, très en excès sur les chiffres officiels faisant état de 68 590 victimes. Mêlant habilement faits et fiction, le récit, qui n’est pas un roman, documente l’implacable montée en puissance du fléau et dresse la comptabilité morbide des cadavres, à coups de tableaux et de statistiques.</p>
<p>À mesure que les observations s’enchaînent, sans autre forme de procès, apparaît un Londres fantomatique, vidé de ses habitants les plus riches et déserté par la Cour qui a trouvé refuge à Oxford. Un Londres qui se barricade, les malades comme les valides, car ce que donne à voir le <em>Journal</em>, c’est la mise en place de nouvelles techniques sanitaires initiées par les pouvoirs publics – le « bio-pouvoir » de l’époque, pour le dire <a href="https://journals.openedition.org/methodos/131">avec Michel Foucault</a>. Le choix y avait été fait de la quarantaine, du confinement, option contestée par le narrateur, qui y voit, outre une efficacité réduite, une atteinte aux libertés fondamentales, doublée d’une entrave à l’indispensable sociabilité qui fait de nous des animaux qui se parlent, de maison à maison, de fenêtre à fenêtre (comme on a pu le voir récemment, dans les villes d’Italie prises au piège du coronavirus).</p>
<p>Du reste, sur la durée, la compassion, le souci de l’autre, cèdent la place au fatalisme et à l’égoïsme du « chacun pour soi ». S’efface même la curiosité, un brin voyeuriste, dont fait d’abord preuve le diariste-ethnographe, battant le pavé en tous sens et pressé de mener l’enquête sur son « terrain », comme le diraient les sociologues, celui d’une ville entre-temps partiellement dévorée par les flammes <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/londres-se-souvient-du-great-fire-le-grand-incendie-de-1666_3340391.html">« du Grand Incendie »</a>. Toutefois, et c’est à cela que se mesure la force de la littérature, il donne à entendre, derrière les portes et les fenêtres hermétiquement closes, les cris des milliers d’agonisants à jamais anonymes dont la plainte continue de résonner jusqu’à nous.</p>
<p>Mais c’est le choix improbable fait par celui qui signe H.F., initiales derrière lesquelles on s’est plu à reconnaître l’oncle de l’écrivain, Henry Foe, qui polarise l’attention. Pourquoi n’a-t-il pris la fuite, seul remède efficace contre la virulence de l’épidémie ? Parce qu’il est célibataire, sans autre personne à charge que lui-même, et qu’il ne pouvait se permettre de laisser péricliter son activité commerciale. Parce que là est sans doute le destin du sujet, de l’individu de classe moyenne, dans une société libérale. Donnant quitus aux « services publics » qu’il remercie pour leur dévouement, il félicite également les personnels de santé, les vrais, du moins ceux qui sont restés fidèles au poste. Sans oublier de fustiger les charlatans et autres prophètes de malheur qui prolifèrent en pareille circonstance. Malgré les évidentes différences liées au contexte et aux mentalités du temps, les observations politiques frappent par une forme de constance : Defoe admet que la peste s’en est prise le plus durement aux pauvres de Londres. Cynique, il note même que la létalité extrême dans les quartiers les moins favorisés a, tout compte fait, préservé la « paix sociale », en évitant attroupements et émeutes.</p>
<p>De son temps, le <em>Journal</em> l’est pleinement, en ce qu’il fait de la Providence divine l’agent unique de la tragédie, à l’origine de son déclenchement comme de sa très miraculeuse interruption. Pour le reste, sur la conduite humaine par temps de crise épidémiologique majeure, sur les querelles, notamment religieuses, précédant l’irruption de la peste en provenance de Hollande et qui reprennent aussitôt après, les leçons dispensées par le Journal sont résolument nôtres.</p>
<h2>Le virus en tout point du globe</h2>
<p>Quatre ans après la mort de son compagnon, le poète P.B. Shelley, Mary fait paraître <em>Le Dernier homme</em> (1826), placé sous le signe d’une mondialisation éminemment funeste. Dans un XXI<sup>e</sup> siècle assez peu futuriste, une épidémie fait rage. Son origine se situe quelque part dans le bassin du Nil, aux origines de l’humanité, son épicentre se trouve à Constantinople, toujours aux mains des Ottomans, et qu’assiègent les Grecs en quête de leur indépendance, et c’est en Occident qu’elle finira sa course.</p>
<p>Les épidémies, on l’aura noté, ont toujours leur origine « ailleurs », de préférence en Orient, la faute à l’orientalisme. Dans un premier temps, l’Angleterre se croit à l’abri de la contamination : son passé de citadelle inviolée plaide pour elle. Anglais expatriés, suivis par des hordes d’Italiens et d’Espagnols, auxquels se joignent Étasuniens et Irlandais, se replient alors en masse sur cette terre bordée d’eau, devenue une République. Mais à cette « crise migratoire » aiguë va se surajouter une infection généralisée : Londres est à son tour nettoyée de ses habitants.</p>
<p>Frappant au hasard, se jouant des médecins, réduits à l’impuissance la plus totale, la peste se répand sur toute la surface du globe. Ajoutons que la romancière semble mettre un point d’honneur à ne pas « théologiser » un fléau a priori perçu comme « athée » : à la différence de l’immense majorité des ouvrages qui prennent les épidémies pour objet, Shelley se garde bien, elle, de mêler Dieu à cette affaire de contamination énigmatique quant à ses causes. Peu à peu, l’humanité entière s’éteint, à l’exception de Lionel Verney, le « dernier homme » du titre, double masculin de l’auteure.</p>
<p>Longtemps négligé par la critique, qui lui préférait <em>Frankenstein</em> et son ambition prométhéenne, fut-elle avortée, le roman bénéficie à présent d’une attention soutenue – très largement, il est vrai, depuis l’épidémie du sida dans les années 1990. Aux yeux des spécialistes des études postcoloniales, l’épidémie est la réponse du berger à la bergère, la riposte, légitime, apportée par les « subalternes » à l’impérialisme britannique et à sa domination sans partage.</p>
<p>On fait également un sort à la manière dont la fille du pourtant très rationnel William Godwin bat en brèche le mythe progressiste de l’invincibilité de la science. Tout en se voulant d’anticipation, le roman s’affirme contemporain de la découverte d’un paradigme majeur, celui de « l’extinction ». Extinction des dinosaures, documentée et théorisée par Georges Cuvier, l’auteur en 1812 des <em>Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes</em>, ouvrage que Mary Shelley connaissait bien. Du quadrupède au bipède, elle aura aisément franchi le pas, preuve s’il en est qu’à chaque nouvelle épidémie, fictive ou réelle, de nature connue ou inconnue, c’est l’avenir du genre humain qui se joue, apparaissant à chaque fois plus sombre et moins assuré. Une dimension prophétique que Jack London reprendra à son compte, avec <em>La Peste écarlate</em> (1912), également située au XXI<sup>e</sup> siècle, l’universitaire James Smith y apparaissant comme le dernier survivant d’une période d’extinction qu’il entreprend de raconter à ses petits-enfants, lesquels n’en ont cure.</p>
<p>La forte composante autobiographique du livre de Mary Shelley en fait enfin un roman à clefs. Le vide planétaire y est d’abord un vide d’hommes, ces « grands hommes » qui peuplaient son univers intellectuel et sa vie de femme : ils avaient pour nom Lord Byron et P.B. Shelley, ils sont morts jeunes, faisant d’elle une veuve à jamais endeuillée. C’est leur « Disparition » qu’elle met en scène à grande échelle, et on a en tête ici, fût-ce en filigrane, le récit éponyme de George Perec, de 1969, dans lequel, au travers de l’absence de la voyelle « e », se configure le vide béant laissé par la mort et l’extermination de membres de la famille de l’écrivain, dans des circonstances historiques il est vrai tout autres, mais à l’époque où sévissait une autre lèpre hideuse, celle du nazisme.</p>
<p>Dans le roman de Mary Shelley, comme dans ceux de ses confrères et consœurs en écriture, se fait jour la réalité d’une observation, consignée par Defoe, mais chacun l’aura faite sienne : « La peste est un ennemi [« enemy », en anglais, mais également « foe »] redoutable, elle s’arme de terreurs telles qu’il n’est pas donné à tout le monde d’être assez fort pour y résister, ni de se sentir prêt à s’opposer à la violence du choc qu’elle occasionne. »</p>
<p>Si, devant l’épidémie qui est parmi nous, la peur nous prenait, à l’idée des « terreurs » qu’elle inspire et du « choc » qu’elle inflige, souvenons-nous qu’il est donné à quelques grands livres de se sentir assez forts, assez armés, pour s’y « opposer ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Porée ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À défaut de réparer le monde et les vivants, la littérature qui prend l’épidémie pour sujet donne matière à de saines lectures.Marc Porée, Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281412019-12-05T19:27:23Z2019-12-05T19:27:23ZBrexit et agences européennes : pourquoi l’EMA va à Amsterdam et l’EBE à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304686/original/file-20191202-67002-75c5jj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C14%2C962%2C625&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La procédure de désignation retenue par le Conseil européen a pu avoir une influence décisive sur le résultat du vote. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alexandros Michailidisr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>À la suite d’un référendum le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi à une majorité de 51,89 % (avec un taux de participation de 72,21 %) de quitter l’Union européenne (UE). Cela a mécaniquement conduit le gouvernement du Royaume-Uni à mettre en œuvre <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/20367-retrait-volontaire-de-lue-article-50-tue-issu-du-traite-de-lisbonne">l’article 50 du Traité sur l’UE</a> et à notifier au Conseil européen le 29 mars 2017 la décision du Londres de quitter les Vingt-Huit : ce que l’on appelle depuis le « Brexit ». Il s’agit là d’un évènement historique sans précédent, aux conséquences incertaines, tant pour le Royaume-Uni que pour les 27 autres pays de l’UE.</p>
<p>Les problèmes à résoudre sont gigantesques et d’autant plus délicats que les positions défendues par les différentes parties prenantes au sein du Royaume-Uni sont très hétérogènes. Le <a href="https://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-049-notice.html">rapport</a> d’information du Sénat du 10 octobre 2019 réalisé par les sénateurs Jean Bizet et Christian Cambon au nom du « Groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et sur la refondation de l’Union européenne » offre une belle analyse de la situation, de ses risques, ainsi que des évolutions possibles.</p>
<p>Parmi les très nombreuses questions liées au changement de statut du Royaume-Uni, qui passera du statut d’État membre à celui d’État tiers, figure celle du devenir des <a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies_fr">agences européennes</a> implantées outre-Manche. Il n’est en effet pas possible de laisser des agences européennes sur le territoire d’un État tiers. Concrètement, en l’espèce, il s’agissait de savoir où allaient être réimplantées sur le territoire européen l’Agence européenne des médicaments (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/ema_fr">EMA</a>) et l’Autorité bancaire européenne (<a href="https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/eba_fr">EBA</a>).</p>
<p>L’objet de cette note est d’expliquer la manière dont ce problème a été résolu en mettant en évidence le fait qu’il s’agissait de résoudre ce que les économistes appellent un problème de <a href="https://crese.univ-fcomte.fr/uploads/documents/89c5f8346db8ab6327abef6d9696729a.pdf">choix social</a>, c’est-à-dire un problème consistant à regrouper les choix ou classements d’au moins deux individus (personnes physiques, juges, entreprises, associations, partis politiques, ou États) pour en faire un classement ou un choix collectif.</p>
<h2>Le choix crucial de la procédure</h2>
<p>Face au retrait du Royaume-Uni de l’UE, les autres États membres ont dû choisir une méthode pour relocaliser ces deux agences européennes. Reprenant la tripartition proposée en 1944 par l’économiste américain Frank Knight en matière de choix sociaux, ils devaient donc choisir entre : l’autorité, la coutume et le consensus. La première solution envisageable, l’autorité, aurait consisté à ce qu’un (ou plusieurs) État(s) membre(s) ait (aient) suffisamment de pouvoir au sein du Conseil européen pour imposer aux autres membres deux localisations, puisqu’il avait été convenu que les deux agences ne pourraient être relocalisées dans un même pays. À l’évidence une telle option était à la fois juridiquement et démocratiquement impossible.</p>
<p>La deuxième solution envisageable, la coutume, était elle aussi impossible, pour les mêmes raisons, mais également car il n’y a jamais eu auparavant de sortie d’un État de l’UE. Il ne restait donc que la troisième solution : le consensus.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304667/original/file-20191202-67007-h72qnn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ancien siège de l’EMA, à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lubo Ivanko/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304668/original/file-20191202-67002-1bc3go3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le nouveau siège de l’EMA, à Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aerovista Luchtfotografie/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Depuis les travaux de Kenneth Arrow, les économistes conviennent que la solution du consensus comprend elle-même deux possibilités : le marché et le vote. La solution du marché aurait par exemple consisté à mettre aux enchères entre les pays membres la nouvelle localisation de ces agences. Ainsi chaque pays intéressé (voir même chaque ville intéressée) par recevoir une agence aurait proposé une somme d’argent et les gagnants auraient payé cette somme pour, par exemple, alimenter le budget européen. Il existe là encore de très nombreuses manières d’organiser concrètement des enchères et la théorie économique propose une analyse fine de ces questions. Mais le Conseil européen a choisi de ne pas retenir cette option et de procéder à un vote.</p>
<p>À notre connaissance les éléments qui ont conduit le Conseil européen à ce choix social d’une procédure de vote parmi les procédures que nous venons de rappeler n’ont pas été rendus publics.</p>
<p>Arrivé à l’idée que la relocalisation des agences européennes devait se faire grâce à un vote, le problème était posé mais non résolu. En effet, la théorie du choix social a démontré que le choix d’un système de vote n’était pas nécessairement neutre quant au résultat du vote. Autrement dit, la théorie du choix social a démontré qu’en prenant les mêmes classements (c’est-à-dire les mêmes préférences dans le jargon des économistes), le choix d’une procédure de vote peut influer sur l’identité du gagnant du vote. Se pose donc à nouveau un problème de choix social, lequel concerne cette fois-ci le choix entre les différents systèmes de vote existants. Là encore, à notre connaissance, il n’est pas possible de savoir comment fut choisi le système de vote appliqué que nous allons maintenant présenter.</p>
<h2>Trois tours de vote</h2>
<p>La <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">procédure</a> retenue par le Conseil européen a les huit caractéristiques suivantes :</p>
<ul>
<li><p>il y a 27 votants (l’ensemble des États membres de l’UE à l’exception du Royaume-Uni),</p></li>
<li><p>il n’y a pas de procuration possible,</p></li>
<li><p>il n’y a pas de quorum,</p></li>
<li><p>le vote blanc et le vote nul sont possibles,</p></li>
<li><p>chaque votant dispose de 6 points à répartir sur ceux qu’il estime être les 3 meilleurs candidats (3 points pour le premier, 2 points pour le deuxième, et 1 point pour le troisième) (tous les autres candidats recevant 0 points),</p></li>
<li><p>il y a au minimum 1 tour et au maximum 3 tours pour choisir le gagnant,</p></li>
<li><p>un vote est effectué pour chaque agence,</p></li>
<li><p>les candidats pour recevoir une agence correspondent aux villes qui en ont fait la demande (il y a eu 19 villes candidates pour recevoir l’Agence européenne des médicaments et 8 villes candidates pour recevoir l’Autorité bancaire européenne).</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304665/original/file-20191202-67028-nh0s3b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=753&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les villes candidates à l’accueil des agences de l’UE établies au Royaume-Uni.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.consilium.europa.eu/media/31502/sn05194fr17.pdf">Europa.eu</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les tours de vote furent organisés de la manière suivante :</p>
<ul>
<li><p>Premier tour : il y a un gagnant si et seulement si une ville obtient 14 fois la première place (cela correspond à la majorité absolue sur 27 votants). En l’absence de gagnant on passe à un deuxième tour.</p></li>
<li><p>Deuxième tour : ne sont qualifiées au deuxième tour que les trois villes qui ont obtenu au premier tour le plus de points (ce qui correspond à ce que les économistes considèrent être une version particulière des règles d’élimination à scores). En cas d’ex aequo il peut y avoir plus de trois villes qualifiées pour le deuxième tour. Pour ce deuxième tour, chacun des 27 votants choisi un gagnant et si une ville est placée 14 fois gagnante alors la procédure s’arrête et elle est déclarée gagnante. Sinon, on passe au troisième et dernier tour.</p></li>
<li><p>Troisième tour : ne sont qualifiées au troisième tour que les deux villes ayant obtenu au deuxième tour le plus de points). En cas d’ex aequo il peut y avoir trois villes. Pour ce dernier tour, chacun des 27 votants donne 1 point à son favori et la ville gagnante est celle qui obtient le plus de points. En cas d’égalité entre des villes, le président effectue un tirage au sort.</p></li>
</ul>
<p>Comme on peut le voir, chacun des éléments précédents mérite réflexion et n’est ni naturel, ni incontestable. Parmi les caractéristiques qu’il est possible de relever, on peut noter que pour le premier tour il n’est pas tenu compte des écarts relatifs des différentes villes. En effet on peut imaginer un cas où les 27 votants ont les préférences suivantes : 14 pays classent la ville A en premier et la ville B en seconde position et 13 pays classent la ville B en première position et la ville A en dernière position. Dans la procédure retenue, c’est la ville A qui est gagnante malgré le fait que tous les votants classent la ville B soit en première position, soit en deuxième position, alors que 13 votants classent la ville A en dernière position.</p>
<p>Au bilan, c’est Paris qui gagna le vote pour accueillir l’Autorité bancaire européenne et Amsterdam qui gagna le vote pour accueillir l’Agence européenne des médicaments. Un bel exemple supplémentaire de choix social dont il sera intéressant d’analyser la sensibilité des résultats à la procédure de vote choisie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage de la méthode qui a conduit à la relocalisation de ces deux agences européennes sises jusqu’à présent au Royaume-Uni.Marc Deschamps, Chercheur, membre associé du Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA), Université de LorraineMostapha Diss, Professeur des Universités en sciences économiques, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1223012019-10-22T18:42:18Z2019-10-22T18:42:18ZAccueillir des Jeux suffit-il pour qu’une nation soit plus sportive ?<p>Paris a tout juste <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/10/21/paris-2024-le-nouveau-logo-des-jeux-olympiques-se-devoile_6016373_3242.html">dévoilé ce lundi 21 octobre</a> le logo des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 mettant à l’honneur le visage d’une femme et qui symboliserait des jeux « plus ouverts, plus participatifs, plus inclusifs » d’après le <a href="https://www.paris2024.org/fr/">Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques</a> (Cojop) de Paris 2024.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297992/original/file-20191021-56234-1fqljqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Logo des Jeux de Paris 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paris 2024</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Derrière cette ambition se niche aussi l’espoir de voir augmenter la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/16184742.2014.998695">participation sportive</a>, notamment de celle des plus jeunes et des groupes sous-représentés. Cet argument sert souvent à justifier l’organisation de grands évènements sportifs. Lorsque Londres avait accueilli les Jeux olympiques et paralympiques en 2012, le gouvernement souhaitait ainsi « inspirer une génération ». </p>
<p>Mais est-ce si simple ? Accueillir des Jeux entraîne-t-il automatiquement un accroissement de la participation sportive au sein de la nation hôte ? Ces dernières années, <a href="https://www.cogitatiopress.com/socialinclusion/article/view/54">plusieurs études</a> ont démontré que l’objectif fixé par le gouvernement britannique n’avait pas été atteint.</p>
<p>La <a href="https://www.sportengland.org/media/11746/1x30_sport_16plus-factsheet_aps10.pdf">participation sportive</a> n’a augmenté <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19406940.2017.1348964">ni de manière significative ni de manière pérenne</a> dans le pays depuis 2012.</p>
<p>Comment expliquer ce constat ? Pour y parvenir, nous nous sommes intéressés à l’effet de la politique d’austérité budgétaire mise en place par le gouvernement britannique à la fin des années 2000. Dans quelle mesure cette dernière a-t-elle influencé l’héritage des Jeux de Londres 2012 en termes de participation sportive, notamment au regard de son impact sur les clubs sportifs amateurs anglais ?</p>
<h2>L’influence des mesures d’austérité sur le mouvement sportif anglais</h2>
<p>L’impact des mesures d’austérité sur la participation sportive au Royaume-Uni a récemment fait l’objet de plusieurs études académiques et journalistiques. <a href="https://www.cogitatiopress.com/socialinclusion/article/view/54">Des chercheurs</a> ont montré que les inégalités structurelles croissantes générées par ces mesures ont eu un effet négatif sur la participation sportive, touchant plus sévèrement les personnes en situation de pauvreté ; le phénomène étant aggravé par des facteurs de genre, de handicap, d’âge ou d’ethnicité.</p>
<p>À titre d’exemple, les jeunes venant de familles à bas revenus (moins de 16 000 livres sterling par an, soit 18 600 euros) ont deux fois moins de chance d’être membre d’un club, de faire de la compétition ou d’être coach. Leurs possibilités de faire du volontariat est 25 % plus faible.</p>
<p>Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/04419057.2013.820503">autre étude</a> a révélé que les programmes dédiés à renforcer la participation sportive étaient fragilisés, alors que ceux visant à élargir cette participation dans différents groupes sous-représentés (comme les femmes, les jeunes, les personnes ayant un handicap) étaient sur le point de disparaître.</p>
<p>Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19407963.2014.968309?casa_token=IkCzhBA9S7AAAAAA:F07oNNQZBn3GIaArRQlnCREk6pcHmwGPXu3IfZIgzkOQ1Ty_AWB4Rvj3V-xz69D75VDCwFXeunb2Ig">dernière recherche</a> note un transfert de l’offre sportive du secteur public et volontaire vers le secteur privé et commercial.</p>
<p>S’inspirant de ces travaux, notre étude <a href="https://pureportal.coventry.ac.uk/en/publications/gouvernance-des-f%C3%A9d%C3%A9rations-sportives-d%C3%A9fis-actuels-dans-une-pers">tente de comprendre les mécanismes</a> par lesquels les politiques d’austérité ont pesé sur les clubs sportifs amateurs, affectant ainsi la réalisation des objectifs d’élévation de la participation sportive attendus de l’organisation des Jeux de Londres 2012. Pour ce faire, une série d’interviews a été conduite auprès de dirigeants de clubs sportifs amateurs dans le centre de l’Angleterre. Nous avons également étudié l’évolution des principales politiques et stratégies sportives menées par les gouvernements successifs au Royaume-Uni.</p>
<h2>Un environnement socio-économique changeant</h2>
<p>En 2003, lorsque le gouvernement britannique décide de supporter la candidature de Londres pour l’organisation des Jeux de 2012, le Royaume-Uni connaît une longue période de stabilité économique. De plus, le gouvernement travailliste au pouvoir investit alors massivement dans le secteur public, notamment dans différents programmes pour promouvoir la participation sportive. La crise financière de 2007-2008 change la donne. Elle entraîne une augmentation significative du déficit public, <a href="https://www.theguardian.com/news/datablog/2010/oct/18/deficit-debt-government-borrowing-data">qui atteint 156 milliards (£) (181 365 euros) en 2009</a>.</p>
<p>L’année suivante, l’élection d’une coalition formée par les Conservateurs et les Socio-Démocrates marque un tournant non seulement idéologique concernant le rôle de l’État, mais aussi politique, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23750472.2018.1550369">avec une série de mesures d’austérité budgétaire et de réduction des investissements publiques</a>.</p>
<p>Le budget des gouvernements locaux est massivement réduit, impliquant une réduction de l’offre sportive offerte ou soutenue par les services publics. La Local Government Association estime que les gouvernements locaux ont dépensé 1 milliard (£) soit 1,1 M d’euros, dans le domaine du sport en 2014, contre 1,4 milliard (1,6 M euros) en 2009-2010. Une <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/thousands-of-sports-facilities-lost-since-2012-bxfnlp8jw">autre étude</a> rapporte que le nombre d’infrastructures sportives (piscines, pistes d’athlétisme, cours de tennis, etc.) a chuté de 80 942 en 2012 à 78 270 en 2016, phénomène associé à des pertes d’emplois et une baisse des heures d’ouverture ou des offres sportives proposées. Ces restrictions budgétaires ont eu des répercussions pour les clubs sportifs amateurs, comme l’indique un des dirigeants interviewés :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais de par mon expérience que les choses sont plutôt difficiles pour les autorités locales en ce moment, et cela complique les choses pour nous aussi car nous dépendons d’eux pour accéder à la piscine [communale]. »</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs programmes phares furent par ailleurs annulés par le gouvernement conservateur, tel que le programme de « natation gratuite » destiné à encourager la pratique pour les moins de 16 ans et les plus de 60 ans.</p>
<p>Hugh Robertson, alors ministre des Sports et de l’Olympisme, décrit soudain ce programme <a href="https://www.theguardian.com/politics/2010/jun/18/end-free-swimming-children-over-60s">« comme un luxe que l’on ne peut plus se permettre »</a>. Ce changement d’orientation politique affecte également les clubs sportifs, comme le mentionne le dirigeant d’un club de natation :</p>
<blockquote>
<p>« C’était super quand le gouvernement travailliste garantissait la natation gratuite, mais quand cela a été supprimé, il ne fait pas de doute que cela nous a fortement impacté. »</p>
</blockquote>
<h2>Des paradoxes au cœur de l’héritage des Jeux de Londres 2012</h2>
<p>Plus largement, nos résultats indiquent des contradictions profondes entre les politiques d’austérité et les objectifs de promotion de la participation sportive promus par les Jeux de Londres 2012.</p>
<p>Au moment même où le budget des Jeux été réévalué à 9 milliards de livres sterling (10,4 M euros), le gouvernement se refusant à <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-16370681">des « Jeux d’Austerité »</a> (Austerity Games), les moyens donnés aux clubs sportifs locaux et aux dispositifs de promotion de la pratique se voyaient significativement amputés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M4JA3Lbwj5Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Austerity Olympics », INSEAD, 2012.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette contradiction inscrite au cœur de l’héritage de Londres 2012 est pointée par l’ensemble des dirigeants sportifs interviewés. Le président d’un club de natation souligne ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai été impliqué dans tout cela le [sport associatif local] depuis plus de 20 ans et la situation est pire qu’elle ne l’a jamais été. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre dirigeant n’hésite pas à renchérir :</p>
<blockquote>
<p>« Nous perdons notre piscine et on nous parle d’héritage olympique ! Est-ce là l’héritage olympique ? ! Notre situation est bien pire qu’en 2012 ! Je ne pense donc pas qu’il y a eu un héritage… »</p>
</blockquote>
<p>Au moins deux conclusions s’imposent. Ainsi, même si le gouvernement britannique <a href="https://www.theguardian.com/business/2019/sep/05/has-the-age-of-austerity-really-come-to-an-end-sajid-javid">a annoncé la fin des mesures d’austérité</a>, leurs conséquences ne vont pas s’effacer du jour au lendemain.</p>
<p>Les clubs sportifs britanniques ont besoin d’un environnement économique et politique stable, propice à leurs activités et qui favorise non seulement l’augmentation de la participation sportive mais aussi son élargissement aux franges de la population jusqu’ici sédentaire.</p>
<p>Enfin, l’accueil de grands évènements sportifs ne peut pas contribuer à l’essor de la participation sportive sans l’accompagnement de politiques claires et durables de soutien au mouvement sportif local. Voilà le Comité d’organisation des Jeux de Paris 2024 averti !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’austérité budgétaire génère des inégalités croissantes avec un effet négatif sur la participation sportive.Simon Gérard, Lecturer in Sport Management, Coventry UniversityAndrew Jones, Research Assistant, Coventry UniversityIan Stuart Brittain, Research Fellow, Centre for Business in Society, Coventry UniversitySylvain Ferez, Maître de conférence, sociologie, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1164782019-05-07T04:27:28Z2019-05-07T04:27:28ZPourquoi le prix du m² à Paris monte au ciel (et pourrait bientôt en redescendre)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/272282/original/file-20190502-103049-m2y0qh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C977%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les prix de l'immobilier résidentiel parisien ont quadruplé en 20 ans. </span> <span class="attribution"><span class="source">Sergii Rudiuk / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Près de 10 000 euros pour un petit carré d’un mètre de côté. C’est le prix de l’immobilier résidentiel dans la capitale. Le quadruple d’il y a 20 ans. C’est cher. Pas encore comme à Londres, mais presque. Très cher pour les familles qui voudraient s’installer ou s’agrandir. Trop cher pour les jeunes actifs qui travaillent dans Paris. Mais pourquoi donc ? Le manque de nouvelles constructions ? Les acquisitions de richissimes citoyens d’Amérique et du Golfe arabique ? Et, tout compte fait, est-ce un prix bien raisonnable et durable ?</p>
<h2>Le choix difficile d’un logement</h2>
<p>Si vous souhaitez acquérir un appartement à Paris, il vous faut lister vos préférences (quartier, surface, étage, ascenseur, proximité du métro, niveau des établissements scolaires, etc.) et surtout être prêt à en rabattre. Eh oui, votre budget n’est pas extensible. Il est contraint par votre apport personnel et la mensualité de remboursement du prêt supportable par vous et acceptable par votre banquier. Il faudra donc arbitrer, en particulier entre surface et lieu. L’écart de prix moyen du m<sup>2</sup> dans l’ancien est près de un à deux <a href="https://basebien.com/PNSPublic/_medias/pdf/chiffre/pns_conjoncture.pdf">entre le VIᵉ et le XIXᵉ arrondissement</a>. De nouveau un écart de un à deux entre Paris <em>intra muros</em> et les communes de la petite couronne.</p>
<p>Que les habitants de métropoles d’autres régions n’arrêtent pas ici leur lecture. Ce qui est dit par la suite de Paris vaut dans les grandes lignes pour Lyon, Nantes ou Strasbourg. Par exemple, la diminution du prix de l’immobilier résidentiel avec la distance au centre-ville est un cas général en France, comme ailleurs aussi en Europe. Les centres-villes sont plus denses et le foncier plus rare. De plus, ils concentrent le patrimoine historique, les musées, les salles de concert, et autres aménités recherchées par les ménages à haut revenu. </p>
<p>Le choix d’un logement ne se réduit pas à ses caractéristiques intrinsèques, il porte aussi sur le voisinage. Bref, plein de paramètres. En plus, les appartements et maisons ne sont pas valorisés de la même façon par chacun. Les coups de cœur vantés par les agents immobiliers ne sont pas les mêmes pour tous. L’immobilier est donc un bien économique très hétérogène, ce qui implique que le prix de transaction <a href="https://www.mitpressjournals.org/doi/10.1162/003465303762687794">dépend des différences</a> entre les valeurs personnelles qu’accordent l’acheteur et le vendeur pour le bien considéré ainsi que de leur pouvoir respectif de négociation.</p>
<h2>Les étrangers achètent plus cher et revendent moins cher</h2>
<p>Prenons le cas de l’immobilier de luxe, un marché tiré par les étrangers non résidents. Leur achat à Paris est un peu moins guidé par des motivations d’investissement ou de future immigration qu’à New York ou Londres, où le marché est plus liquide. Et un peu plus guidé par l’afféterie, le souci de renommée, ou l’attrait sentimental pour la ville étrangère préférée de Woody Allen. Conjuguée à une grande aisance financière, ces valeurs personnelles les conduisent à surpayer leurs vastes appartements. Et ce d’autant qu’ils sont aussi moins bien informés sur les prix que les résidents, ce qui réduit leur pouvoir de négociation. Dans un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3248902">travail de recherche récent</a>, deux économistes ont montré que le surpris de ces acheteurs bien particuliers atteignait à Paris 2 à 3 % et qu’ils revendaient aussi moins cher. Toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire pour des appartements de même qualité (surface, localisation, confort, etc.).</p>
<p>Les acheteurs étrangers contribuent à un phénomène apparu avec la globalisation : une <a href="https://www.elibrary.imf.org/abstract/IMF082/24893-9781484338292/24893-9781484338292/binaries/9781484338292_Chapter_3-House_Price_Synchronization-What_Role_for_Financial_Factors.pdf?redirect=true">synchronisation croissante</a> du prix de l’immobilier entre les <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2018/09/28/House-Price-Synchronization-and-Financial-Openness-A-Dynamic-Factor-Model-Approach-46220">métropoles internationales</a>. Actif financier, le bien immobilier fait l’objet d’arbitrages et de stratégies de portefeuille qui tendent à propager les variations de prix d’un point à l’autre de la planète, fussent-ils très éloignés.</p>
<h2>Baisse des taux, hausse de la durée des prêts</h2>
<p>Mais plus que par ce mécanisme de diffusion, la synchronisation globale croissante est avant tout le résultat de mouvements simultanés, c’est-à-dire l’effet de facteurs identiques ; les mêmes causes produisant les mêmes effets. Or, qu’est-ce qui affecte la demande pour un appartement à Paris, Munich, Vancouver ou Boston, ou encore à Nancy ou Bordeaux, qu’il soit de luxe ou non ? La facilité du crédit. Les taux d’intérêt ont connu une longue période de baisse et restent exceptionnellement bas en Europe. Pour la France, l’inflation repartant depuis quelques années rend l’endettement encore plus attractif. Par ailleurs, les banques acceptent de prêter aux particuliers sur de très longues périodes et ne font pas toujours preuve d’excès de prudence dans leurs autorisations de crédit, malgré la crise financière de 2009. La facilité de crédit augmentant la demande est un puissant moteur du renchérissement des prix immobiliers.</p>
<p>La capacité de financement des ménages s’est également accrue grâce à l’élévation des revenus, en particulier des hauts salaires. En 2018, combinée à la baisse des taux d’intérêt (nets de l’inflation) et à la hausse de la durée des prêts, elle permettait à un ménage d’acquérir un appartement à Paris de la même surface qu’en 1996 pour une mensualité quasi identique. Mais évidemment, ni le même nombre ni la même somme totale des mensualités ! La graphique ci-dessous indique qu’il en a été rarement ainsi. Pour les acquisitions des années passées, c’était plutôt moins de m<sup>2</sup> pour la même mensualité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272298/original/file-20190502-103075-1oge3sl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Prix du m² à Paris et capacités de financement (1996 base 100).</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Gérard Lacoste (2018).</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Observez donc que l’avantage des trois facteurs cités pour les ménages désirant accéder à la propriété a été entièrement mangé par l’élévation du prix du m<sup>2</sup>. Dit autrement, ce sont les propriétaires-vendeurs qui ont bénéficié des évolutions macroéconomiques tirant la capacité financière des ménages. Bref, baisse des taux nets de l’inflation, hausse de la durée de prêt et des revenus ont largement contribué à l’envolée du prix du m<sup>2</sup> parisien et ce sont les vendeurs qui en ont profité.</p>
<h2>Les seniors d’abord</h2>
<p>Parmi les autres facteurs fondamentaux du prix du m<sup>2</sup>, il convient également de mentionner les déterminants démographiques. Lorsque la population s’accroît la demande, donc le prix croît, et inversement. Ce facteur a peu joué pour Paris <em>intra muros</em> car sa population est à peu près stable depuis 40 ans (entre 2,1 et 2,2 millions de Parisiens). En revanche, elle vieillit. Le <em>baby boom</em> de l’après-guerre s’est aujourd’hui transformé en <em>papy boom</em>. Quel lien avec le prix de l’immobilier me direz-vous ? Eh bien tout simplement que les acheteurs sont des jeunes actifs tandis que les vendeurs sont des seniors, comme on dit aujourd’hui. Plus la population vieillit, plus il y a de vendeurs et moins il y a d’acheteurs ; l’âge croissant de la population a ainsi un effet dépressif sur le prix des logements.</p>
<p>Inversement, une plus grande proportion de jeunes dans la population a pour effet d’augmenter les prix. Deux économistes de l’Université Paris-Dauphine ont bien montré le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01138074/document">poids de cette variable</a> sur l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> en France entre 1996 et 2006, année charnière car celle de l’entrée dans la soixantaine des premiers <em>baby boomers</em>. Notez au passage que l’augmentation du prix de l’immobilier entraîne un transfert de richesse massif entre générations. L’envolée des prix parisiens profite aux vieux (appelons un chat un chat) et pénalisent les jeunes. Vous êtes peut-être pris d’un doute en songeant qu’une partie des ventes se réalisent au décès et donc que les héritiers en profitent. Vous avez raison mais les héritiers ne sont pas tout jeunes non plus, l’âge de l’héritage recule. Seulement un quart des héritiers ont moins de 50 ans.</p>
<h2>Et l’insuffisance de l’offre de neuf ?</h2>
<p>Vous êtes peut-être aussi surpris que la construction de logements ne soit pas mentionnée dans ce panorama des fondamentaux de l’envolée des prix du m<sup>2</sup> parisien. L’antienne est connue : pour Paris, comme ailleurs, les prix augmentent parce qu’on ne construit pas suffisamment. En réalité, la croissance du parc n’exerce qu’un effet modeste sur le prix. Pour la France urbaine entière, tablez sur une <a href="http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/IMG/pdf/ed120.pdf">diminution du prix de l’ordre de 2 %</a> pour une augmentation de 1 % du parc. </p>
<p>Pour Paris <em>intra muros</em>, on ne dispose pas d’estimation de cette élasticité. En la supposant identique et en calculant à la louche, une baisse de 2 % du prix sur un an impliquerait la livraison de 13 000 logements neufs (1 % du parc), soit une croissance d’un tiers du nombre annuel de transactions (de l’ordre de 40 000, soit encore un <a href="http://immotrend.fr/Nombre-Ventes-Immobilieres?id=Paris">triplement du rythme actuel</a> de construction (environ <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3544903?sommaire=3548956">4 400 logements neufs</a> par an). Un bond spectaculaire alors que la capitale se caractérise par une <a href="https://www.apur.org/fr/file/47076/download?token=QTXRhia8">densité de population très élevée</a>. Surtout rappelons qu’en 2018 le prix du m<sup>2</sup> parisien a augmenté de 5 %. Ce n’est pas parce qu’on ne bâtit pas assez de logements neufs que le prix du m<sup>2</sup> s’envole à Paris.</p>
<h2>La faute aux riches étrangers ?</h2>
<p>Est-ce alors la faute des richissimes citoyens d’Amérique ou du Golfe persique ? Sachez d’abord que les principaux acheteurs étrangers qui achètent à Paris sont… <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/7b66/a26f35d3d96f38ea4824400340ef3a6b862a.pdf">italiens</a>. Les acheteurs américains et moyen-orientaux représentent <a href="http://piketty.pse.ens.fr/fichiers/enseig/memothes/M%C3%A9moire2011Sotura.pdf">moins d’un quart des achats</a> réalisés par les étrangers. Le gros bataillon des acheteurs parisiens étrangers est formé par des Européens qui résident en France. Formulons donc la question différemment : les acheteurs étrangers non résidents contribuent-ils à l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> à Paris ? Question légitime puisqu’ils achètent plus cher et que leur nombre et leur proportion parmi les acheteurs parisiens n’ont pas en effet cessé d’augmenter.</p>
<p>La réponse est oui, mais très modestement selon deux travaux académiques (un <a href="http://piketty.pse.ens.fr/fichiers/enseig/memothes/M%C3%A9moire2011Sotura.pdf">mémoire de master</a> de l’École d’économie de Paris et un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3248902">article</a> paru dans la Collection des papiers de recherches d’HEC). Les deux analyses économétriques trouvent que le prix du m<sup>2</sup> n’est que faiblement affecté par les acquisitions des étrangers non résidents. Attention cependant : cette influence n’est estimée dans ces analyses qu’aux alentours du lieu de la transaction. Elle ne tient pas compte de l’effet de propagation d’une hausse de prix au-delà du voisinage considéré, c’est-à-dire du bloc d’immeubles ou du quartier, vers le reste de l’arrondissement, puis vers les autres arrondissements, puis encore vers les communes au-delà du boulevard périphérique, un peu comme les vaguelettes d’un caillou tombant dans une eau dormante. Or, cette propagation peut être puissante (voir appendice).</p>
<h2>Est-ce bien raisonnable ?</h2>
<p>Quelle que soit l’ampleur de cet effet, l’envolée des prix parisiens est-elle bien raisonnable ? L’idée reçue économique est que l’augmentation du prix de l’immobilier serait favorable à la croissance car elle augmenterait la consommation. C’est le fameux effet richesse : les propriétaires se voyant plus argentés dépensent plus, ce qui entraîne plus d’investissements et d’emplois. Il reste <a href="https://www.nber.org/papers/w15075.pdf">très controversé</a>, en particulier parce que l’augmentation du prix du m<sup>2</sup> présente aussi un effet opposé : la part des dépenses consacrées à l’achat immobilier réduit la part des dépenses pour les autres biens. Il faut donc que le premier effet soit suffisamment puissant pour l’emporter sur le second. Par ailleurs, le sens de la causalité n’est pas clairement établi. Pour certains économistes interrogés sur l’effet des prix à Londres, comme <a href="https://voxeu.org/article/house-prices-and-uk-economy">Jan Eeckhout</a> de l’université barcelonaise de Pompeu Fabra, c’est plus la croissance du PIB qui entraîne le prix de l’immobilier que l’inverse.</p>
<p>Pour ce qui est de l’envolée des prix à Paris, je n’ai pas connaissance de travaux sur la question. Mon sentiment est qu’elle est plutôt néfaste. Côté plus, l’effet richesse devrait être faible car les propriétaires étant pour beaucoup retraités, y sont peu sensibles. Côté moins, l’envolée du prix distord l’investissement. La valeur du stock immobilier parisien privé s’élève à <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2018-4-page-233.htm">600 milliards d’euros</a>, soit le <a href="https://www.boursedeparis.fr/centre-d-apprentissage/les-bases-de-l-investissement-en-bourse/les-bourses-euronext">quart de la capitalisation</a> boursière des entreprises sur Euronext. Côté moins encore, des prix élevés sont pénalisants pour les ménages actifs et les éloignent, à cause des temps de transport, d’emplois correspondant mieux à leurs qualifications. Ce sont là des gains de productivité perdus et donc une croissance moindre.</p>
<p>Y voir plus clair sur les effets économiques d’ensemble de l’envolée des prix parisiens est d’autant plus important que l’on serait ainsi mieux en mesure d’anticiper ceux d’un retournement du marché. Vous en connaissez maintenant les ressorts : augmentation du taux d’intérêt (net d’inflation), durcissement des possibilités de crédit (avec la fin du rallongement de la durée des prêts) et moindre croissance des revenus. Difficile de prédire quand ces tendances pointeront en France. La seule évolution certaine est l’augmentation du nombre de personnes âgées et de décès à cause de l’arrivée des <em>papy boomers</em>. Elle conduit mécaniquement à une augmentation du nombre de ventes à Paris et donc une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01138074/document">baisse du prix</a> du m<sup>2</sup>, toutes choses égales par ailleurs. </p>
<p>Observons aussi la <a href="https://www.ubs.com/global/en/wealth-management/chief-investment-office/our-research/life-goals/2018/global-real-estate-bubble-index-2018.html">baisse des prix déjà entamée</a> dans plusieurs villes internationales dont Londres, New York et Genève. Selon l’indice global de bulle immobilière (<em>Global Real Estate Bubble Index</em>) d’une grande banque suisse, Paris se rapproche dangereusement de la zone de risque élevé. Le retournement du marché parisien n’attendra pas jusqu’à la Saint-Glinglin.</p>
<hr>
<h2>Appendice : La ville concentrique</h2>
<p>« L’unité urbaine est plus ou moins parfaite » soulignait le géographe Vidal de La Blache en décelant dans Paris la trace d’anneaux concentriques dans lesquels il voyait le reflet de <a href="https://books.openedition.org/enseditions/328?lang=fr">« sa formation harmonieuse »</a>. Les économistes l’ont rejoint un demi-siècle plus tard lorsqu’ils ont modélisé la ville. Ils ont en effet opté pour un centre réunissant production et consommation et des habitations concentriques dont le prix est d’autant plus bas qu’elles lui sont plus éloignées. Cet avantage est contrebalancé par un coût de transport plus élevé pour se rendre et repartir du centre. Cette ville est parfaite, car par la magie de quelques hypothèses et de quelques équations le prix d’équilibre du logement en fonction de la distance se fixe tout seul, aucun ménage ne souhaite s’établir ailleurs qu’à son domicile actuel et tous obtiennent le même niveau de satisfaction.</p>
<p>Ce modèle simplissime a été bien sûr été complexifié par la suite, notamment en introduisant des ménages dont les revenus diffèrent, des préférences individuelles hétérogènes pour les aménités (proximité de musées et cinémas contre celle des champs et des bois) et ainsi que pour le voisinage (inclination pour l’entre-soi ou attrait pour la mixité sociale). En introduisant aussi la localisation et la consommation d’espace des entreprises manufacturières et commerciales qui ne sont plus alors concentrées en un point virtuel. Tout cela pour mieux interpréter l’occupation de l’espace et ses gradients comme dans les figures ci-dessous empruntées d’un article de synthèse sur le modèle de la ville monocentrique et ses prolongements.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272288/original/file-20190502-103071-12rrz7v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Occupation spatiale à Paris et dans un rayon de 30 km autour de Notre-Dame.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=529&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272293/original/file-20190502-103053-1gefaap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Occupation spatiale à Paris et autour rapportée en deux dimensions le long d’un axe Nord-Sud de part et d’autre de Notre-Dame.</span>
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</figure>
<p>La figure géométrique du cercle se retrouve également dans les travaux qui analysent la diffusion de chocs économiques dans l’espace urbain. Plouf ! Une pierre tombe au milieu du lac, comment les vaguelettes se propagent-elles concentriquement à partir du point d’impact ? Par exemple, comment va se diffuser une hausse de prix observée à tel endroit, mettons dans le quartier de La Bastille à cause de la nouvelle maison d’opéra, ou dans le quartier Saint-Germain à cause d’une <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/22644">recrudescence d’achats</a> de riches étrangers non résidents ?</p>
<p>Un <a href="http://www.revues.armand-colin.com/eco-sc-politique/revue-deconomie-regionale-urbaine/revue-deconomie-regionale-urbaine-ndeg-42017/linfluence-arrondissements-formation-prix-immobiliers">article d’économétrie</a> récent paru dans la <em>Revue d’économie régionale et urbaine</em> montre ainsi que certains arrondissements diffusent plus les prix que d’autres.</p>
<p>Les auteurs mettent en évidence que V<sup>e</sup> arrondissement est celui dont le prix exerce le rôle directeur le plus grand tandis que le XIX<sup>e</sup> arrondissement exerce le rôle directeur le plus faible. Autrement dit, une augmentation (ou une baisse) de prix dans l’arrondissement du Quartier latin et de la Sorbonne influence autrement plus l’évolution du prix du m<sup>2</sup> parisien que celle dans l’arrondissement de Belleville et de La Villette. De même, mais ailleurs et à une autre échelle, le prix immobilier à Londres se propage dans sa <a href="http://ftp.iza.org/dp4694.pdf">périphérie et bien au-delà</a>.</p>
<hr>
<p><em>François Lévêque a publié <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les habits neufs de la concurrence. Ces entreprises qui innovent et raflent tout »</a> aux éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherche de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.
</span></em></p>Plusieurs éléments montrent que la capitale suit les tendances observées à Londres, New York et Genève, où les prix repartent à la baisse.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1158602019-04-23T21:40:08Z2019-04-23T21:40:08ZClimat : quand la désobéissance civile fait bouger les lignes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/323216/original/file-20200326-133040-dontvg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=104%2C98%2C1839%2C1253&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une militante d’Extinction Rebellion arrêtée à Melbourne lors d’une action de désobeissance civile.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/21f46060-a939-4236-9d34-a56ff2081ea1">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ce samedi 5 octobre, plusieurs centaines de manifestants, membres du mouvement écologiste Extinction Rebellion, ont occupé durant 17 heures, Italie 2, un centre commercial de 130 boutiques et restaurants du sud-est de Paris, empêchant l’entrée des clients. Au Royaume-Uni, ce même mouvement avait perturbé mi-avril et pendant une semaine la circulation londonienne, s’installant sur cinq cites emblématiques de la ville. En France encore, en avril, des activistes de plusieurs ONG avaient bloqué les sièges d’entreprises comme Total, la Société Générale ou EDF, les accusant d’être responsables de pollutions et du changement climatique. </p>
<p>Au cœur de toutes ces mobilisations, une même stratégie : la désobéissance civile en faveur de la protection de l’environnement.</p>
<p>Ces méthodes radicales sont la marque de fabrique d’Extinction Rebellion : ce mouvement non violent créé en 2018 chez nos voisins britanniques, et arrivé en France en mars dernier, s’est illustré à plusieurs reprises : de la perturbation de la <a href="https://rebellion.earth/2019/02/17/breaking-now-extinction-rebellion-disrupts-london-fashion-week-with-swarm-roadblocks-meets-british-fashion-council/">Fashion Week de Londres</a> en janvier, aux militants nus introduits <a href="https://inews.co.uk/news/politics/extinction-rebellion-naked-protest-house-of-commons-climate-change/">dans le Parlement</a>. L’ampleur de leurs dernières actions aura finalement donné à la question du changement climatique l’attention médiatique qu’elle méritait.</p>
<h2>Le climat sur le devant de la scène</h2>
<p>Certains diront que la semaine d’action d’Extinction Rebellion conduite mi-avril aura bénéficié de l’actualité – l’extension de l’article 50 qui prévoit un mécanisme de retrait volontaire et unilatéral d’un pays de l’Union européenne (UE) <a href="https://www.theguardian.com/politics/live/2019/apr/10/brexit-eu-to-decide-on-uk-extension-live-news">jusqu’à octobre prochain</a> ayant créé une sorte de vide médiatique, offrant une alternative à la couverture du Brexit. C’est certainement vrai mais les militants ont raison de pointer le changement climatique comme la plus grande catastrophe imminente. En octobre 2018, le <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/11/pr_181008_P48_spm_en.pdf">GIEC publiait</a> ses projections inquiétantes sur l’ampleur du défi qui nous attend pour limiter les conséquences les plus catastrophiques du changement climatique. Pour Extinction Rebellion, comme pour les activistes de vendredi dernier en France ou le mouvement de grève des écoliers pour le climat, la <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/dec/16/what-was-agreed-at-cop24-in-poland-and-why-did-it-take-so-long">réponse insuffisante</a> des nations lors de la COP24, deux mois après la publication du rapport du GIEC, a prouvé qu’il n’y avait plus de temps à perdre.</p>
<p>L’objectif consiste à ce que personne ne puisse plus ignorer ce problème. En bloquant des sites emblématiques du centre de Londres, Extinction Rebellion maintient ainsi le changement climatique sur le devant de la scène, afin que chacun prenne conscience que ce problème, apparemment abstrait, est bien réel.</p>
<p>Inévitablement, les actions d’Extinction Rebellion ont <a href="https://inews.co.uk/news/extinction-rebellion-adam-boulton-robin-boardman-london-travel-sky-news/">essuyé les critiques</a> de certains <a href="https://www.dailymail.co.uk/debate/article-6933701/DAVID-BLUNKETT-force-law-used-against-eco-anarchists.html">commentateurs politiques britanniques</a>. Mais si les activistes déclarent qu’ils regrettent de perturber le quotidien des travailleurs, ils estiment que leurs actions constituent un mal nécessaire pour faire évoluer le débat public.</p>
<h2>L’héritage de Seattle et Occupy</h2>
<p>Les activistes les plus âgés pointeront sûrement l’impact et l’héritage des <a href="https://www.theatlantic.com/business/archive/2014/01/the-dark-side-of-globalization-why-seattles-1999-protesters-were-right/282831/">manifestations de Seattle en 1999</a>, lorsque le « Global Justice Movement » avait clôturé avec succès la réunion annuelle de l’Organisation mondiale du commerce. Une action non seulement très stimulante pour les personnes concernées, mais qui avait aussi contribué de façon cruciale à rendre concrète et réelle la résistance à une structure de gouvernance néolibérale, abstraite pour un grand nombre.</p>
<p>Tout comme les mobilisations du mouvement Occupy il y a sept ans (contre Wall Street), les dernières manifestations d’Extinction Rebellion ont été amicales et ouvertes, enrichies de performances artistiques et de discussions. Cet esprit bon enfant a jusqu’à présent permis au mouvement de gagner en popularité, non seulement dans les médias, mais aussi dans la rue.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270475/original/file-20190423-175528-10684bu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répression des manifestants réunis à Seattle à l’occasion de la réunion annuelle de l’Organisation mondiale du commerce en 1999.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifestations_de_1999_%C3%A0_Seattle#/media/File:WTO_protests_in_Seattle_November_30_1999.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Les efforts d’Extinction Rebellion visent à créer une dynamique, en se fondant sur des données de sciences politiques : comme le souligne leur site, il suffit de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/feb/01/worried-american-democracy-study-activist-techniques">3,5 % de la population d’une nation</a> engagés dans une résistance non-violente soutenue, pour renverser une dictature. Au Royaume-Uni, cela représente moins de 2,5 millions de personnes.</p>
<p>La clarté de ses <a href="https://rebellion.earth/the-truth/about-us/">revendications et principes</a> donne au mouvement une orientation très nette que le mouvement d’Occupy n’avait peut-être pas. Ses rangs grossissent de semaine en semaine – selon Extinction Rebellion, <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-london-47997531">50 000 personnes</a> auraient rejoint le mouvement depuis le début des manifestations.</p>
<p>Les cycles de l’information à destination du grand public étant aujourd’hui rapides et changeants, le mouvement devra agir à la fois rapidement et prudemment s’il veut maximiser l’impact de sa plate-forme.</p>
<h2>Efficace, mais pour combien de temps ?</h2>
<p>Il est crucial que l’objectif du mouvement ne soit pas éclipsé par sa stratégie de communication. Or Extinction Rebellion a pillé tous les répertoires de l’action directe – en <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-england-london-47935416">bloquant des routes</a>, en <a href="https://www.desmog.co.uk/2019/03/09/climate-change-means-real-death-real-blood-extinction-rebellion-paints-downing-st-red">utilisant du faux sang</a>, en <a href="https://rebellion.earth/2018/11/24/breaking-extinction-rebellion-funeral-service-on-parl-sq-blocks-square/">recréant des marches funèbres</a> ou encore en <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OVdl6lKxG-Q">se mettant en scène nus</a>.</p>
<p>Si ces méthodes ont jusqu’ici réussi à mettre en avant le nom et la cause défendue par ce mouvement, le recours ad nauseum à ces modes d’action peut rapidement perdre l’imagination et le soutien du public. C’est ce qui est arrivé au Global Justice Movement des années 2000, lorsque le désir de recréer l’euphorie de Seattle a donné lieu à des interventions à l’impact décroissant.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6GEc8NSV1NQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Par ailleurs, les autorités s’adaptent rapidement aux mobilisations répétées, en y appliquant une répression plus extrême et plus dure – bien que le répertoire d’Extinction Rebellion, qui repose sur le recours tactique aux arrestations massives, semble jusqu’à présent combattre efficacement cette menace. La police a le pouvoir de disperser les manifestants, mais le nombre de personnes désormais prêtes à être arrêtées modifie le rapport de force entre les militants et l’État.</p>
<h2>Arrestations volontaires, un jeu risqué</h2>
<p>Les arrestations massives – 1 065 personnes ont été interpellées en tout à Londres – étaient suivies de près par l’arrivée d’une nouvelle vague de manifestants venus en renfort. Les postes de police de la ville n’ont de toute façon pas les moyens de retenir bien longtemps les centaines de manifestants arrêtés, et les frais de justice décourageront les agents de police de porter des accusations, limitant ainsi le pouvoir punitif de l’État.</p>
<p>Dans le même temps, la stratégie d’Extinction Rebellion risque de fétichiser le fait d’être arrêté comme symbole de l’engagement des participants dans la cause. Le co-fondateur du mouvement, Roger Hallam, a <a href="https://www.bbc.co.uk/news/science-environment-47865211">récemment déclaré à la BBC</a> que pour atteindre son objectif de discussion avec le gouvernement, il serait nécessaire de créer une crise de l’ordre public d’une ampleur de 1 000 arrestations – chiffre aujourd’hui dépassé. Fixer un tel seuil de façon arbitraire est problématique, car cela peut encourager les militants à prendre davantage de risques dans la poursuite d’un objectif qui n’est nullement garanti.</p>
<p>On peut critiquer la politique à l’origine des nombreuses accusations de <a href="https://greenandblackcross.org/guides/laws/5-trespass-aggravated-trespass/">« violation de propriété aggravée »</a> qui visent les activistes : quoi qu’il en soit, un casier judiciaire peut être extrêmement coûteux et discriminatoire pour de nombreux jeunes militants, particulièrement s’ils appartiennent aux minorités visibles. Cela contraste avec les risques relatifs que courent les militantes et militants chevronnés dont le travail, le mode de vie ou les privilèges leur permettent d’en <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/apr/15/extinction-rebellion-protesters-arrested-stansted-15">subir les conséquences</a>.</p>
<p>Il est ainsi crucial qu’Extinction Rebellion remplisse un devoir de diligence pour soutenir ceux qui sont prêts à s’investir dans ses rangs. Avec déjà plus de <a href="https://www.standard.co.uk/news/london/extinction-rebellion-protests-arrests-near-500-as-police-deploys-1000-officers-to-remove-eco-a4121861.html">1 000 personnes arrêtées</a>, il s’agit d’un jeu coûteux et très risqué pour les militants.</p>
<p>Mais, pour l’instant, les activistes d’Extinction Rebellion verront dans les récents événements un succès monstre. Ils ont gagné en visibilité et détourné l’attention des médias du Brexit, au moins temporairement. Plus important encore, ils ont placé le changement climatique au centre des débats publics. Espérons qu’il y restera.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l'anglais par <a href="https://theconversation.com/profiles/nolwenn-jaumouille-578077">Nolwenn Jaumouillé</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Hensby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La désobéissance civile est un bon moyen d’attirer l’attention, mais pour construire sur cette dynamique, les objectifs ne doivent pas être éclipsés par les modes d’action.Alexander Hensby, Lecturer in Sociology, University of KentLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1127082019-03-12T09:16:12Z2019-03-12T09:16:12ZLa grandeur des métropoles : Londres contre Paris ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261863/original/file-20190304-110143-6nml2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C9%2C3176%2C2232&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Londres dans la course…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/60157/long-exposure-of-city-street-and-phone-booth-at-night/">Photo on Visualhunt</a></span></figcaption></figure><p>Paris a perdu les Jeux olympiques de 2012 contre Londres. Paris devrait prochainement gagner quelques milliers de banquiers londoniens en mal de relocalisation post-Brexit. Du reste Francfort aussi. Nul doute qu’en cas de bataille pour accueillir un nouveau siège social d’Amazon en Europe les deux capitales seraient sur les rangs. D’autres aussi, d’ailleurs. Le virus de la concurrence semble avoir définitivement atteint les métropoles mondiales.</p>
<h2>Les classements de villes se multiplient</h2>
<p>La manie des classements est parvenue jusqu’aux villes. Il y en a de toutes sortes. Ordinairement, la hiérarchie porte sur la compétitivité à travers la richesse produite par habitant, l’emploi, la qualification de la main-d’œuvre, la productivité, etc. Couramment aujourd’hui, elle s’ordonne aussi selon la qualité de la vie et l’environnement durable. Et même, occasionnellement, <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-sector/our-insights/smart-city-solutions-what-drives-citizen-adoption-around-the-globe">selon l’intelligence</a>. Désormais, les métropoles se doivent en effet d’être <em>smart</em>.</p>
<p>On peut ainsi apprendre que, parmi les plus grandes métropoles européennes et étatsuniennes, Paris est première en taux de chômage (on s’en passerait), seconde en produit intérieur brut par habitant, troisième en qualité des infrastructures, quatrième par l’investissement étranger, cinquième en taux de croissance des activités commerciales. Je m’arrête là car Paris, quels que soient les classements généraux, se situe dans les cinq premières. Aux côtés de Londres bien sûr, mais souvent occupant une marche inférieure. C’est le cas pour le Global Power City Index, le World Cities Survey, ou encore le Master Card Index.</p>
<p>Il y a tellement de <a href="https://www.atkearney.com/2018-global-cities-report">cabinets de conseil</a>, de <a href="https://www.brookings.edu/research/global-metro-monitor-2018/">laboratoire d’idées</a>, ou de sociétés <a href="https://www.pwc.com/us/en/library/cities-of-opportunity.html">d’audit</a>, qui classent les métropoles que le niveau de détail de l’information est proprement ahurissant. Sachez que <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-sector/our-insights/smart-city-solutions-what-drives-citizen-adoption-around-the-globe">Londres est devant</a> Paris pour le nombre de thermostats intelligents et la proportion d’utilisateurs de sites de rencontre <a href="https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/11/gci_paris-nov42016-64p-lr.pdf">mais derrière</a> pour la vitesse d’accès à Internet ou le nombre de brevets déposés par employé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261866/original/file-20190304-110119-qwa8ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paris se maintient.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/182706/">VisualHunt</a></span>
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<h2>Des hiérarchies urbaines plutôt stables</h2>
<p>Naturellement, l’économiste que je suis regarde ces travaux de compilation et de comparaison avec un léger doute… Ne négligent-ils pas les corrélations et les liens de causalité entre les variables documentées ? Ce qui fragilise leur agrégation dans un score global. Ce qui réduit également leur portée pour l’action des élus voulant renforcer la compétitivité de leur métropole. Quels leviers utiliser si on ne connaît ni les causes ni les mécanismes ? Difficile de lire aussi dans l’évolution d’un classement ce qui relève de l’effet d’une politique publique locale.</p>
<p>Les hiérarchies urbaines sont très stables dans le temps. Les avantages de taille (voir appendice) et de localisation sont le résultat de l’accumulation d’investissements passés sur des décennies et souvent des siècles en particulier dans les infrastructures. Lyon est depuis longtemps la seconde ville française. Elle est environ sept fois plus petite que la capitale et cette proportion a à peine varié depuis <a href="https://www.city-journal.org/html/five-principles-urban-economics-13531.html">200 ans</a>. Le seul changement significatif depuis un demi-siècle est l’irruption des grandes métropoles asiatiques dans les classements mondiaux.</p>
<p>Mais ne soyons pas (trop) hautains. Le parangonnage (<em>benchmarking</em> en anglais) est utile. Se situer et se comparer aux autres ne conduit-il pas à s’interroger et à progresser ?</p>
<p>De plus, il invite à réfléchir sur les formes de la concurrence entre métropoles. Notons tout d’abord que la flopée de classements urbains crée au moins autant qu’elle n’en témoigne de la rivalité entre les villes. Toutes ne peuvent être la première ou dans le peloton de tête sur tel ou tel critère ou indicateur. Perdre une place impose une action publique locale ne serait-ce que symbolique et en gagner exige de le faire savoir. Les classements urbains sont les outils privilégiés du <em>city branding</em> et du <em>city marketing</em>. Gare à la perte d’attractivité si un maire de métropole ne s’y lance pas tandis que les autres s’y livrent. Bref, les classements ont créé une nouvelle épreuve dans le tournoi de la concurrence urbaine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261868/original/file-20190304-110134-152sl7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">City marketing à Lyon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5847931505/59402ff902/">║Dd║/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Surtout, les classements permettent de souligner que les villes sont mises en concurrence plutôt qu’elles ne se concurrencent. Cette subtilité vous échappe ? Soyons donc concrets. L’exemple évident est celui des touristes qui choisissent une destination métropolitaine. Iront-ils passer un week-end prolongé à Paris, Londres ou Berlin ? Puis vient l’exemple des hommes d’affaires, banquiers, artistes, chercheurs, et autres nomades de la globalisation. Certes les maires peuvent agir sur leurs choix et non seulement les subir mais ils sont à la tête d’un engin qui, lui, ne se déplace pas ! La marge des élus est étroite. Il ne suffit pas de construire un lycée international pour les enfants des nomades. Il faut des liaisons aériennes nombreuses et fréquentes, des parcs et bois à proximité pour jogger ou golfer, des théâtres et des salles de concert, etc. Également bien sûr un niveau de pollution et d’encombrement acceptable. La ville est un tout qui ne bouge par petites touches. De plus, elle est ancrée dans un territoire national. À l’exception de villes États comme Singapour, une métropole ne conduit pas de politique de commerce extérieur, de politique monétaire ou encore d’emploi. Ses leviers de développement économique sont peu puissants.</p>
<h2>La course pour attirer les entreprises</h2>
<p>Les entreprises mettent également les villes en concurrence. La compétition organisée par Amazon pour son second siège social en témoigne de façon spectaculaire. Plus de 200 villes se sont portées candidates, 20 finalistes ont été sélectionnées et 2 ont été retenues, Amazon ayant finalement opté à la surprise générale pour deux demi-nouveaux sièges. À la clef 50 000 emplois et <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/2018/11/17/superstar-cities-have-a-big-advantage-in-attracting-high-paying-jobs">5 milliards de dollars d’investissement</a>. Cet attirant trophée a évidemment déclenché un concours de subventions, exemptions fiscales et autres cadeaux. New York, une des deux gagnantes, a offert plusieurs milliards.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261871/original/file-20190304-110107-ecik5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le siège social d’Amazon en a fait rêver plus d’un.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/5252226771/037c546e8e/">cheukiecfu/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Stonecrest, une ville obscure de Georgie, s’est proposée de se rebaptiser Amazon City en cas de victoire et de nommer Jeff Bezos à sa tête pour la vie. Pour désigner cette compétition féroce autour d’un unique fromage, les Américains utilisent l’expression de <em>rat race</em> (course de rats). Quoique désobligeant pour les compétiteurs, c’est assez bien imagé. D’autant que le vainqueur est souvent choisi d’avance. La course est alors organisée pour qu’il rabaisse ses prétentions. Amazon visait vraisemblablement un emplacement près de la capitale fédérale. Arlington, sur l’autre rive du Potomac, est l’autre gagnante. Deux autres, près de la capitale, étaient parmi les finalistes.</p>
<p>Jeff Bezos est propriétaire d’une résidence à Washington (2 700 m<sup>2</sup> !) et du <em>Post</em>, quotidien tellement célèbre qu’il est devenu inutile de préciser son rattachement géographique. Cette proximité avec les élus n’était naturellement pas un critère explicite de l’appel à candidature. Toujours est-il que les 20 finalistes se caractérisent par un <a href="https://www.citylab.com/equity/2018/05/the-hypocrisy-of-amazons-hq2-process/560072/">nombre élevé de sénateurs de haut rang</a>. Une coïncidence ?</p>
<p>Vous avez sans doute noté que cette concurrence intense s’est jouée entre des villes d’un même pays. C’est un point important car la compétition urbaine a toutes les chances d’être plus forte dans ce cas. Pourquoi ? Simplement parce que les individus et les entreprises sont plus mobiles à l’intérieur des frontières. Il est plus facile pour une famille parisienne de déménager à Nantes qu’à Liverpool ou pour une PME d’implanter une seconde usine dans son propre pays.</p>
<h2>Compétition urbaine et mobilité</h2>
<p>Si la mobilité était parfaite, c’est-à-dire sans coût, un équilibre économiquement optimal se produirait. Un économiste géographe américain, Charles Tiebout, l’a démontré. Le modèle qui porte son nom n’a plus qu’un intérêt historique tellement ses hypothèses sont simplificatrices. L’idée mérite cependant d’être résumée ici.</p>
<p>Imaginez d’un côté des villes qui offrent des services publics locaux financés par une taxe forfaitaire et d’un autre côté des personnes aux préférences hétérogènes (en matière de services publics et de capacités différentes à payer les taxes) qui choisissent leur lieu de résidence. Les individus initialement répartis au hasard vont se déplacer de là où ils sont vers la ville qui maximise leur utilité, c’est-à-dire qui les satisfont le plus.</p>
<p>En réalité, d’une métropole à une ville étrangère, seul un petit nombre d’individus peuvent exercer ce <a href="https://mises.org/library/voting-our-feet-local-government-services-and-supposed-tiebout-effect">vote « par les pieds »</a>, selon l’expression de Tiebout. Les plus talentueux des footballeurs, des chefs d’orchestre, des artistes, des chefs de cuisine, des consultants, des financiers, des avocats et hommes d’affaires, des scientifiques, des startuppers, et j’en oublie forcément (pas les femmes car le pluriel utilisé plus haut désigne indifféremment sous ma plume les deux sexes). Ils forment un bataillon choyé et recherché par les élus de métropoles. Pourquoi ? Parce qu’ils créent de la richesse pour la ville à travers les services qu’ils consomment, à travers les entreprises qu’ils fondent, à travers les autres individus ou entreprises qu’ils attirent à leur tour et à travers les impôts qu’ils versent (sauf quand les métropoles les en exemptent totalement).</p>
<p>Ils ne sont cependant pas toujours les bienvenus car leur concentration est une des causes de l’augmentation du prix des logements urbains et de la gentrification des quartiers. Devant l’opposition farouche des habitants du Queens à New York, Amazon a finalement jeté l’éponge en renonçant à son second demi-siège new-yorkais.</p>
<h2>Londres vs Paris</h2>
<p>Par sa population de <em>Frenchies</em>, Londres est souvent présentée comme la sixième ville française ou un vingt et unième arrondissement de Paris <em>intra-muros</em>. À tort au vue de ce qui précède puisqu’une frontière nationale change la donne. À tort aussi car contrairement à une grande ville française, Londres est une ville qui tire principalement sa richesse de ressources extérieures tandis que Paris s’appuie surtout sur des ressources propres. Londres est très loin devant Paris pour accueillir les investissements internationaux. Dans un autre ordre d’idée, 70 % des étudiants de la London School of Economics sont étrangers (et rapportent 100 millions de recettes). Les chiffres sont très différents pour les établissements d’enseignement parisiens, y compris Sciences Po pourtant très ouvert. C’est le phénomène Wimbledon : peu importe d’avoir des champions locaux puisque les meilleurs joueurs du monde viennent participer au tournoi. Autre différence marquante entre les deux capitales : l’économie de Londres est très spécialisée dans la finance alors que celle de Paris est plus diversifiée.</p>
<p>Oups ! Je viens de m’apercevoir que je n’ai pas précisé jusque-là les contours de Paris et Londres. Pour la capitale britannique, c’est facile. Il s’agit du <strong>Grand Londres avec ses 9 millions d’habitants</strong>. Pour la métropole française, c’est flou car le millefeuille administratif est épais comme un bottin. Il y a bien la <strong>Métropole du Grand Paris avec ses 7 millions d’habitants</strong>. De création récente, elle réunit la ville lumière et ses trois départements limitrophes. (Plus quelques dizaines de communes extérieures à ce périmètre : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?) Mais il y a aussi la <strong>région Ile-de-France plus étendue qui ajoute 5 millions</strong> d’habitants et comprend en tout 1 272 communes. Entre les deux, l’Unité urbaine de Paris est une catégorie purement statistique fondée sur la continuité de l’habitat et du bâti. Dès la première ligne de cette chronique « Paris » désigne la région et « Paris <em>intra-muros</em> » l’intérieur du périphérique, un peu comme pour la vieille ville de Saint-Malo derrière ses remparts. <a href="https://www.decitre.fr/livres/la-france-des-territoires-defis-et-promesses-9782815932448.html">Comme le suggère</a> malicieusement Pierre Veltz, un ingénieur-géographe, la cité corsaire, aux yeux de cadres chinois en visite à Paris, ferait d’ailleurs partie de la capitale, au même titre que le Mont-Saint-Michel éloigné de quelques dizaines de kilomètres.</p>
<h2>Poids démographique… et pesanteurs administratives</h2>
<p>La fragmentation de la gouvernance de Paris est naturellement un désavantage économique par rapport à Londres. L’émiettement des pouvoirs rend plus longues et coûteuses les décisions collectives au-delà de l’échelle communale, voire les bloque, notamment en <a href="https://www.telos-eu.com/fr/societe/quelle-gouvernance-pour-le-grand-paris-1-letat-des.html">matière d’urbanisme et d’investissement en services publics</a>.</p>
<p>Une étude économétrique de l’<a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/5jz432cf2d8p-en.pdf?expires=1550831356&id=id&accname=guest&checksum=78A6E7BB090623018AFE15863F2B8098">OCDE</a> permet d’estimer les conséquences de cette fragmentation. Réalisée à partir des données de plus de 100 métropoles d’Amérique du Nord et d’Europe, elle montre que le doublement de la taille de la ville est associé à une augmentation entre 2 et 5 % de la productivité du travail. C’est un résultat sans surprise pour les spécialistes : les effets d’agglomération rendent les villes plus efficaces (voir appendice). De façon plus originale, l’étude avance qu’un doublement du nombre de municipalités est associé à une baisse de 6 % de la productivité, toutes choses égales par ailleurs, en particulier bien sûr le nombre d’habitants.</p>
<p>En d’autres termes, le gain économique apporté par le doublement de la taille est effacé par le doublement de l’épaisseur du millefeuille. Mais, lueur d’espoir pour l’avenir de Paris, la baisse de 6 % est réduite à la moitié quand la ville est dotée d’une autorité métropolitaine à l’instar de celle du Grand Londres. Sachez que la gouvernance à la bonne échelle permet aussi de mieux respirer puisque la pollution de l’air est statistiquement significativement plus faible qu’en cas de <a href="https://voxeu.org/article/why-metropolitan-governance-matters">fragmentation des pouvoirs</a>.</p>
<p>Des JO de 2012 au débauchage des banquiers post-Brexit en passant par la conquête des touristes et les batailles dans les classements, la concurrence économique entre Paris et Londres est très visible. Comme le tunnel qui les relie, la complémentarité des deux capitales est plus souterraine. La richesse de la ville dépend aussi de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/toc/14355957/95/1">sa mise en réseau avec d’autres métropoles</a>.</p>
<p>Pensez aux cités <a href="https://www.universalis.fr/dictionnaire/hanseatique/">hanséatiques</a> ou toscanes de la Renaissance. L’étude de l’OCDE déjà citée montre que la présence d’une autre métropole à moins de 300 kilomètres se traduit par une plus forte productivité. La distance qui relie Londres et Paris est plus grande et une frontière les sépare. Mais les va-et-vient des entrepreneurs et des professionnels entre les deux capitales les fertilisent. Malgré sa rivalité légendaire avec Londres, le Brexit n’est pas forcément une bonne nouvelle pour Paris !</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261878/original/file-20190304-110130-qzb2gq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne de Londres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/138830677/46ed5c74ed/">Bobcatnorth/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Appendice : Grandeur des villes et effets d’agglomération</h2>
<p>La taille des villes est déterminée par les bénéfices de l’agglomération, appelés aussi économies d’agglomération, et les coûts d’agglomération, c’est-à-dire les coûts de la congestion. (Attention pas de méprise, agglomération ne désigne pas ici une « agglo » mais le phénomène de concentration des individus et des organisations.) S’il n’y avait que des économies d’agglomération, tout le monde se regrouperait dans une ville unique ; s’il n’y avait que des coûts de congestion, il n’y aurait pas de ville.</p>
<p>Encore un bel exemple de la facilité des économistes à enfiler des perles, diriez-vous. Pas vraiment en réalité car si les coûts d’agglomération sont évidents (bruit, pollution de l’air, saleté, encombrement, etc.) les bénéfices sont moins palpables. Chercher à les comprendre et à les mesurer est l’occupation principale des économistes urbains.</p>
<p>Alfred Marshall, l’auteur des <em>Principles of Economics</em> (1890) avait repéré trois types d’économies d’agglomération, catégories toujours pertinentes aujourd’hui. Le premier, le plus intuitif, est la réduction du coût de déplacement des biens : les fournisseurs et les producteurs sont plus proches ; <em>idem</em> pour les producteurs et leurs clients. Pensez aussi aux villes installées près des fleuves et des océans ou de ressources minières. Le second type d’économies d’agglomération est apporté par l’élargissement du marché du travail et la mobilité de la main-d’œuvre entre les entreprises. Il est plus facile pour les individus de trouver un emploi et d’en changer et pour les entreprises de recruter les personnes dont elles ont besoin aussi bien en nombre qu’en qualification. Cette mobilité contribue d’ailleurs au troisième type d’économies d’agglomération : la présence et la circulation des idées. Comme le soulignait Marshall, c’est comme si ces dernières flottaient dans l’air des métropoles et qu’il n’y avait plus qu’à s’en saisir. Pour contribuer au progrès technique et aux avancées commerciales elles doivent cependant être habillement combinées et portées par des talents différents. Aux États-Unis, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/pirs.12216nticscholar.org/c958/47992553f0f77fbdccb2a57fd171e339efa5.pdf">96 % des innovations proviennent des métropoles</a>.</p>
<p>L’existence des économies d’agglomération est démontrée par la relation forte et partout observée entre densité et productivité. Le doublement de la densité urbaine augmente de quelques pour cent la productivité. De 2 à 3,5 % par exemple pour la <a href="https://www.newyorkfed.org/medialibrary/media/research/staff_reports/sr440.pdf">densité en emploi et la productivité du travail</a>. Le poids joué par chaque type d’économies d’agglomération est en revanche moins bien mesuré. En particulier pour les retombées des idées. Leur cheminement est en effet difficile à repérer. Une des rares façons trouvées pour le tracer consiste à comparer l’origine géographique des brevets d’importance et des brevets successifs qui les améliorent. Il s’agit très souvent de la <a href="https://www.nber.org/papers/w3993">même métropole</a>.</p>
<p>Il y a de bonnes raisons de penser que la mobilité des idées est devenue plus importante que celle des biens. Les coûts de transports ont considérablement diminué et les industries de service (finances, conseil, conception, etc.) ont pris le pas dans les métropoles sur les activités manufacturières. Les tours de bureaux ont remplacé les usines.</p>
<p>Quant à l’importance relative des économies d’agglomération et des externalités de réseaux urbains, c’est-à-dire des économies apportées par la connexion d’une métropole avec d’autres villes, on n’en sait encore trop rien. Jusqu’à maintenant l’économie urbaine s’est plus intéressée aux premières qu’aux secondes. Elle a surtout en effet modélisé la métropole comme un monopole géographiquement isolé, composé le plus souvent de cercles concentriques où se localisent résidences et entreprises, ou en situation de concurrence parfaite à la Tiebout. Dans les deux, cas il n’y a aucune place possible pour la complémentarité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire de François Lévêque reçoit des aides à la recherche de nombreuses entreprises, notamment au cours des 5 années passées d’EDF, Microsoft et Philips. Par ailleurs, François Lévêque est Conseiller de référence chez Deloitte France.</span></em></p>La multiplication des classements de villes invite à réfléchir sur les formes de la concurrence entre métropoles.François Lévêque, Professeur d'économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1113702019-02-11T20:54:12Z2019-02-11T20:54:12ZLe XIXᵉ siècle, premier moment de l’ère des pollutions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/257929/original/file-20190208-174870-17y0ndb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C13%2C772%2C522&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est en Angleterre que se généralise au XVIIIᵉ siècle l'utilisation du charbon : commence alors un peu partout en Europe puis dans le monde une exploitation industrielle de ses mines.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Coal_Miners-_Everyday_Life_in_a_Midlands_Colliery,_England,_UK,_1944_D18872.jpg">Ministry of Information/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>On débat depuis quelques décennies des ravages de la pollution industrielle et de ses effets néfastes sur l’environnement comme s’il s’agissait de phénomènes nouveaux.</p>
<p>Dans la seconde moitié de XIX<sup>e</sup> siècle, pourtant, à une époque où la France renforce son industrialisation, les Français des villes et des régions industrielles découvrent les méfaits des usines et des mines – qui les font vivre et, dans le même temps, les tuent à petit feu.</p>
<p>Les feuilletonistes, dont les récits peuplent le rez-de-chaussée d’une presse en plein développement, y consacrent des pages bien avant Zola. Ils y décrivent des villes « noires » baignant dans un bruit assourdissant, et des campagnes passées en quelques décennies du vert de la nature à la couleur du bitume et de la suie.</p>
<p>Personne ou presque ne peut alors ignorer les conséquences désastreuses de la modernisation économique sur l’environnement, même si la notion de pollution n’est pas encore au cœur des préoccupations de la population. Pas plus qu’elle ne le sera à Londres, dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, quand séviront les fameux « smog » ; ou dans les pays de l’Est dans les années 1970, où des régions entières, notamment en Roumanie, seront contaminées par les rejets de l’industrie chimique.</p>
<h2>Des arbres couverts de charbon</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257768/original/file-20190207-174887-195d1no.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Scène du film inspiré de <em>Germinal</em>, d’Emile Zola, qui décrit la vie des travailleurs dans les mines de charbon du Nord-Pas-de-Calais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Germinal, Claude Berry</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si <em>Germinal</em> révèle en 1884-1885 les tragédies qui se jouent dans le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b90129825.item">monde de la mine</a>, d’autres écrivains célèbres mettaient déjà en scène quelques années plus tôt la France industrielle dans toute sa noirceur.</p>
<p>George Sand dans <a href="https://ebooks-bnr.com/ebooks/pdf4/sand_la_ville_noire.pdf"><em>La Ville noire</em></a> (1880), n’hésite pas à évoquer un « enfer » de « toits de bois noircis par la fumée », de « trou noir et hideux » et « d’eau qui tombait en une nappe noire » dans cette ville du centre de la France – sans doute Thiers –, tout entière dédiée à la métallurgie, où règnent en maîtres le bruit et la fumée.</p>
<p>Dans <a href="https://ebooks-bnr.com/malot-hector-famille/"><em>Sans famille</em></a> (1878), le bourg de Varses imaginé par Malot est recouvert d’une poussière industrielle « bicolore ». La rouge provient du minerai de fer ; la noire, du charbon.</p>
<p>Élie Berthet, l’un des grands papes du feuilleton sous le Second Empire, va plus loin dans sa description de la pollution causée par la houille. Dans <a href="http://blog.bnf.fr/gallica/index.php/2014/03/27/elie-berthet-1815-1891-romancier-populaire-du-XIXe-siecle/"><em>Les Houillères de Polignies</em></a> (1866), il écrit que « le feuillage des arbres demeure couvert de poussière fine et brillante du charbon ».</p>
<p>On trouve aussi ces évocations chez Jules Verne, avec <a href="https://beq.ebooksgratuits.com/vents/Verne-Indes.pdf"><em>Les Indes noires</em></a> (1878), et chez d’autres écrivains aujourd’hui oubliés, tels Victor Cherbuliez de l’Académie française avec <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k663412/f9.image.texteImage"><em>Olivier Maugant</em></a> (1885) ou encore George Maisonneuve avec <a href="http://journauxdecette.agglopole.fr/2/OCR_PDF/FRB343016201_JC_1907/FRB343016201_JC_1907_0280.pdf"><em>Plébéienne</em></a> (1884).</p>
<p>Et pour Louis Simonin, auteur d’un ouvrage incontournable sur <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96017994.texteImage"><em>La vie souterraine. La mine et les mineurs</em></a> (1867), la pollution s’infiltre partout, y compris à l’intérieur des maisons où le linge tourne rapidement au jais, tout comme les visages des hommes, des femmes et des enfants qui y vivent et qui, lorsqu’il pleut, pataugent dans une boue noire, épaisse selon les uns, liquide selon les autres. Les jours de grand vent, c’est un gros nuage couleur de suie qui tourbillonne au-dessus de ces bourgades.</p>
<p>Ces romans, qui circulent largement parmi les Français, diffusent chez leurs lecteurs l’image d’une pollution jusque-là inconnue, sans jamais la nommer ni en évoquer les conséquences possibles sur la santé des habitants de ces régions, ou sur les campagnes qui les environnent.</p>
<h2>Des marteaux-pilons qui ébranlent le sol</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257756/original/file-20190207-174894-3sa5yg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Machine d’extraction à vapeur dans une mine.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les nuisances ne se limitent pas à cette forme de contamination, pourtant particulièrement agressive. À la noirceur de la ville s’agrège une pollution sonore assourdissante, que l’on mesurerait de nos jours en décibels.</p>
<p>Dans l’industrie métallurgique, on entend les marteaux pilons ébranler le sol de leurs <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marteau-pilon">coups sourds</a>. Dans les mines, ce sont les allers-retours assurés par les chevalements, structures qui descendent et remontent les mineurs et leur production, ou le bruit incessant des puissantes machines d’extraction à vapeur qui trépident pour alimenter les galeries en air pur.</p>
<p>Hector Malot évoque les « puissants ronflements » des ventilateurs que les voyageurs entendent à une heure de marche de la ville. Sans oublier le <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k11773706.image">roulement des wagons</a> sur les rails.</p>
<p>Toutes ces régions ont longtemps été « bercées » par l’envahissante musique de l’industrie. Paradoxalement, le répit n’intervenait qu’en cas de grève générale !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257766/original/file-20190207-174887-rlspz2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un smog de pollution a envahi le ciel londonien le 10 avril 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zongo/16909776110/in/photolist-mMeDtr-rLg2iY-r72SFz-9iJwv6-9DNDSR-r6Q44d-s3LJpT-s3LNvt-r72R5Z-r72V7B-s3GtJE-R3xDJg-s3GxoU-rLeQGY-rLeW9j-njMnnV-nk6SWw-7UdkCu-mKy9b-6R7Vji-6R7UQn">David Holt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un smog noir rouille</h2>
<p>Le « smog » – néologisme qui date du début du XX<sup>e</sup> siècle, formé à partir des mots « smoke » (fumée) et « fog » (brouillard) – londonien est quant à lui très présent dans les romans de Dickens, qui parle spécifiquement de « pollutions ».</p>
<p>Dans <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Bleak-House/Texte_entier"><em>Bleak House</em></a> (1853), ce brouillard industriel est décrit avec une précision quasi scientifique, quant à sa coloration. Plutôt jaune à proximité de la capitale, du fait des émanations sulfuriques que dégage le chauffage domestique au charbon, il prend dans les faubourgs une couleur de plus en plus brune.</p>
<p>Arrivé au cœur de la cité, Dickens le qualifie de « rusty black », noir rouille. Propice à la mise en scène des crimes les plus horribles, comme ceux de Jack l’Éventreur qui semèrent la panique parmi les Londoniens à la <a href="http://www.escapadesalondres.com/pages/les-musees-de-londres/dans-l-antre-du-mysterieux-jack-the-ripper-museum.html">fin des années 1880</a>, le « smog » est aussi cause de mortalité.</p>
<p>Durant la Première Guerre mondiale, nombreux ont été les Londoniens à rentrer chez eux, en plein jour et en file indienne, s’accrochant les uns aux autres. Ils parcouraient ainsi les rues de la ville, nimbée d’un « smog » si épais qu’ils ne distinguaient plus rien, guidés par des personnes qui connaissaient le parcours les yeux fermés et les escortaient chacun leur tour jusqu’à leur domicile.</p>
<p>Le dernier épisode de « smog » date de la <a href="https://www.history.com/news/the-killer-fog-that-blanketed-london-60-years-ago">fin de l’année 1952</a>. Entre le 5 et le 9 décembre, la capitale britannique fut complètement noyée dans un brouillard à couper au couteau. Au troisième jour, la visibilité était quasi nulle et l’air devenu irrespirable. Entre 4 000 et 12 000 personnes, selon les sources, auraient perdu la vie des suites de ce dramatique évènement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"806565930218176512"}"></div></p>
<h2>Le village le plus pollué d’Europe</h2>
<p>À Copsa Mica (5 000 habitants) dans la vallée de la Tarnava en Transylvanie, région de Roumanie – pays hautement contaminé –, l’industrie chimique a connu une très forte activité sous Nicolas Ceausescu pendant la période communiste. Surnommé, à l’époque, le <a href="https://www.alamyimages.fr/photo-image-la-pollution-dans-copsa-mica-roumanie-28347316.html">« village noir »</a>, il était considéré comme l’un des lieux les plus pollués d’Europe.</p>
<p>Les usines abandonnées dominent encore aujourd’hui la <a href="https://alexharford.uk/photos/romania-copsa-mica-most-polluted-town-europe">petite cité</a> dont le sous-sol regorge de métaux lourds tels que le cadmium, ou le dioxyde de soufre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257764/original/file-20190207-174873-1sum3e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Copsa Mica Plant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Copsa_Mica_Plant.jpg">Julian Nitzsche/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les villages allemands de cette partie de la Transylvanie, placés depuis le XII<sup>e</sup> siècle sous la protection de leurs imposantes <a href="https://fr.123rf.com/photo_67537477_biertan-roumanie-le-18-septembre-2016-village-saxon-avec-%C3%A9glise-fortifi%C3%A9e-en-transylvanie-ch%C3%A2teau-de-biert.html">églises fortifiées</a>, non loin de Copsa Mica, on tente de tourner la page de la pollution sans limites. Depuis la chute du régime communiste, l’objectif est de repasser « au vert », afin d’attirer les touristes, et de permettre à la population de vivre sur une terre saine.</p>
<p>Mais encore aujourd’hui, trente ans après la fermeture des entreprises polluantes, la production agricole de ces lieux, tout comme l’eau des environs, demeurent impropres à la consommation.</p>
<p>Partout où elle a eu lieu, quels que soient la période et le régime, l’industrialisation à marche forcée s’est d’abord installée aux abords des villes ou dans les campagnes. Dans un premier temps, le vert et le noir coexistent, avant que la pollution ne dévore le vert et finisse par ravager villes et campagnes en empoisonnant durablement leurs sols.</p>
<p>Si la prise de conscience vis-à-vis de la pollution industrielle a été relativement tardive, elle n’en reste pas moins un phénomène aussi ancien que l’industrie elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111370/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la pollution est devenue un enjeu conscient il y a quelques décennies seulement, ses conséquences sur les villes étaient déjà perçues pendant la révolution industrielle.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1091062019-01-03T00:22:13Z2019-01-03T00:22:13ZLondres est-elle la véritable héroïne du dernier « Mary Poppins » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252167/original/file-20181230-47304-7f281g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=27%2C1%2C1293%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mary Poppins dans un décor typiquement londonien.</span> <span class="attribution"><span class="source">Disney</span></span></figcaption></figure><p><em>Le retour de Mary Poppins</em> (Marshall, 2018), 50 ans après la création cinématographique du personnage, est un événement pour Disney et pour les fans de la célèbre nounou britannique. <a href="https://theconversation.com/dans-mary-poppins-la-legende-perdure-les-placements-de-produits-aussi-1-103791">Le cerf-volant rafistolé grâce au <em>Times</em></a> crée un véritable trait d’union entre les deux films et, étant donné son rôle narratif dans le second opus, il devient un symbole fort : symbole de la famille mais aussi symbole endogène à l’univers de Mary Poppins. Au-delà de cette insertion publicitaire unique en son genre, nous nous intéressons ici aux inscriptions filmiques de la ville de Londres. Dans les deux longs-métrages, il est explicité que l’histoire se déroule au cœur de la capitale anglaise. Mais quelle place la ville de Londres occupe-t-elle réellement dans le récit ? Entre le Londres de 1910 dans <em>Mary Poppins</em> en 1964 (Stevenson) comparé au Londres de 1930 dans <em>Le retour de Mary Poppins</em> en 2018, dans quelle mesure la monstration du territoire a-t-elle évolué ?</p>
<p>Ces questions s’inscrivent dans les réflexions sur les enjeux en termes d’image et de construction de l’identité territoriale par le placement de produit filmique tel que nous les avions développés dans un <a href="https://theconversation.com/cine-tourisme-decouvrir-et-valoriser-le-territoire-par-le-cinema-86081">précédent article</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cine-tourisme-decouvrir-et-valoriser-le-territoire-par-le-cinema-86081">Ciné-tourisme : découvrir et valoriser le territoire par le cinéma</a>
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<h2>En 1964, une évocation de Londres en peinture et en musique</h2>
<p>Première image du film <em>Mary Poppins</em> version 1964 : la tour de l’horloge du Palais de Westminster renfermant Big Ben. Dans la brume, le monument domine Londres et situe immédiatement l’action filmique dans la capitale anglaise. Les peintures sur Londres se succèdent pendant le générique au début du film. Londres apparaît donc avant l’héroïne. Lorsque Mary Poppins descend de son nuage pour rejoindre la maison des Banks, elle ne manque pas de passer à côté de la tour. Pareillement, à la fin du film, elle s’envole à proximité du monument particulièrement représentatif de Londres.</p>
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<span class="caption">Mary Poppins vole au-dessus de Londres.</span>
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<p>Au-delà de Big Ben et de la tour de l’horloge, d’autres insertions territoriales nous rappellent ponctuellement le contexte géographique de l’histoire.</p>
<p>Pour endormir les enfants, Mary Poppins leur chante une berceuse « Feed the birds » qui raconte l’histoire de la dame aux pigeons. Dans ce passage, la nurse évoque le parvis de la cathédrale Saint-Paul au cœur de Londres dès les premiers mots du complet : « Early each day to the steps of Saint Paul’s/The little old bird woman comes ». Jane et Michael écoutent attentivement et regardent émerveillés la boule à neige que leur montre la nurse. Sous le verre, la cathédrale Saint-Paul et des oiseaux qui remplacent les traditionnels flocons. La mise en scène nous transporte ensuite sur les marches du monument où nous découvrons la scène telle qu’elle est chantée par Mary Poppins. Le lendemain, Jane et Michael, accompagnés de leur père passeront également devant la cathédrale.</p>
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<p>Dans une autre scène, Bert dessine des illustrations sur les pavés à l’entrée du parc. Parmi celles-ci, une vue de la Tamise « Balade sur la Tamise ». Le personnage propose alors aux enfants de s’y rendre. Malgré les talents d’imitateur de Bert, ils sont déçus de ne pas se téléporter sur place.</p>
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<span class="caption">Le dessin à la craie de Bert.</span>
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<p>Les insertions territoriales pour la ville de Londres sont manifestes mais ce sont des représentations dessinées, peintes ou modelées. <em>Mary Poppins</em> a été tourné dans les studios Twickenham de Londres ; les décors du film sont des panneaux peints ou constitués de maquettes réalisées à la main. En conséquence, si les insertions londoniennes sont explicites, elles ne sont pas réalistes. Big Ben, la cathédrale Saint-Paul, le centre-ville de Londres ou encore les toits de la ville apparaissent telle une rêverie.</p>
<h2>En 2018, un placement pour Londres assumé et revendiqué</h2>
<p>Dans <em>Le retour de Mary Poppins</em>, la ville prend la forme d’un placement de produit avec des objectifs touristiques tangibles. La visée stratégique de la démarche ne peut échapper aux spectateurs, véritables visiteurs de la capitale au fil des scènes qui se succèdent. Contrairement au premier opus, les scènes dans la ville sont tournées directement dans les rues de Londres. Les lieux, bien que mis en valeur par la cinégénie du film, figurent donc plus réalistes que dans le film de 1964.</p>
<p>Comme son aîné, le film nous fait voyager au cœur de la cité londonienne. Nous retrouvons les lieux emblématiques de <em>Mary Poppins</em> : Big Ben, Buckingham Palace, en passant par le parvis de la cathédrale Saint-Paul. C’est également le bâtiment du Royal Exchange – première bourse de commerce de la Cité de Londres et actuellement Centre commercial de boutiques de luxe – qui sert de décor à la banque dans laquelle Michael travaille (le même établissement qui employait son père dans le premier film). Plus encore, <em>Le retour de Mary Poppins</em> met en lumière d’autres quartiers de Londres. Jack allume les réverbères vintage de la rue Queen Anne’s Gate et Jane distribue des tracts dans la Cowley Street SW1, à Westminster</p>
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<span class="caption">Le Royal Exchange à Londres.</span>
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<p>Au-delà, les acteurs et la production revendiquent la nécessité de tourner le film à Londres. Lors de la promotion du film, Emily Blunt précise son lien de familiarité avec les lieux : <em>Le retour de Mary Poppins</em> est une lettre d’amour adressée à Londres : « Le film retranscrit magnifiquement la beauté de cette ville dont je suis originaire », dit-elle. Elle n’hésite donc pas à faire l’éloge de la ville devant les médias.</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, de nombreuses photos du tournage sont également partagées. Nous y découvrons les acteurs du film en costume, parfois le dispositif technique et toujours Londres, dans l’image et dans les commentaires. Quant à lui, le producteur du film John DeLuca explique la place primordiale de Londres dans sa réalisation : « Il était important pour nous de tourner dans la capitale britannique afin de transporter les spectateurs au cœur même de la ville ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251870/original/file-20181221-103660-bsgv48.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’acteur Lin-Manuel Miranda sur le tournage du film.</span>
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<p>Nous voyons que le placement territorial est légitimé par l’équipe du film, soutenu par les médias et le public. Ce placement territorial est omniprésent, montré, exprimé, chanté et pourtant il est encensé. Là où le placement de produit doit se faire discret et s’intégrer parfaitement dans l’histoire pour être accepté, ici il bénéficie d’une aura d’acceptabilité unanime. Précisons que, dans le cas présent, le film est une adaptation littéraire des histoires de P.L. Travers, auteur australienne de naissance mais londonnienne d’adoption et de cœur. Ses récits sur Mary Poppins livraient déjà un mode de vie typiquement british.</p>
<h2>Quand un lieu emblématique cimente un film</h2>
<p>« Ces décors sont devenus des personnages à part entière du film » a déclaré John DeLuca. Cette phrase du producteur est loin d’être anodine. L’analyse du film nous permet d’établir que Big Ben endosse le rôle d’opposant puis celui d’adjuvant dans le récit.</p>
<p>Rappelons le point de départ de l’histoire : Michael, ruiné, a contracté un prêt qui hypothèque la maison familiale. Les huissiers lui donnent jusqu’à vendredi, avant minuit pour rembourser l’intégralité de la somme. La seule issue pour les Banks est d’apporter à la banque le certificat d’actions égaré. Le compte à rebours commence. La thématique du temps s’affirme centrale dans le film.</p>
<p>Leur voisin, l’Amiral Boom, a pour habitude (déjà dans la première histoire), de tirer un coup de canon à chaque heure qui passe. Au début du film de Rob Marshall, il s’étonne que Big Ben soit 5 minutes en avance sur l’heure exacte. Anecdotique ? Pas tant que ça ! Michael retrouve finalement le document, se tourne vers Big Ben : trop tard, il ne pourra arriver sur place en moins d’une minute. Mais c’est sans compter sur Mary Poppins pour qui « rien n’est impossible même l’impossible ».</p>
<p>Avec l’aide de ses amis allumeurs de réverbères, ils décident de remonter le temps. Un montage alterné montre alors Jack en train d’escalader Big Ben et William Weatherall Wilkins, Directeur de la banque, assis à son bureau guettant chaque minute qui passe. Derrière lui, majestueuse et toute en lumière dans la nuit, la tour de l’horloge. Elle est le garant du temps qui passe. Jack parvient au sommet de la tour, Mary Poppins peut reculer la grande aiguille de 5 minutes. Elle remonte littéralement le temps pour que Michael puisse honorer le pacte. L’Amiral Boom fait alors remarquer que les choses sont rentrées dans l’ordre et que Big Ben est de nouveau à l’heure. Le temps qui s’égrenait inéluctablement jouait contre les Banks jusqu’à ce que Mary Poppins s’en mêle et qu’il passe du statut d’ennemi à celui d’ami. Big Ben offre finalement le laps de temps nécessaire à la résolution narrative du film. Métaphoriquement, Mary Poppins est hors du temps ; 1964, 2018, peu importe, elle ne change pas, c’est une icône intemporelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251871/original/file-20181221-103634-194bxfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jack au sommet de la Tour de l’horloge.</span>
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<p>Avec les moyens techniques de leur époque respective_<em>, les films de _Mary Poppins</em> dépeignent un tableau londonien merveilleux empreint de tradition et de féérie. D’une version de Londres poétique, nous passons avec <em>Le retour de Mary Poppins</em> à un Londres réaliste mais tout aussi enchanteur. Un Londres qui contextualise toujours l’histoire mais qui devient un personnage à part entière et un nœud dramatique majeur dans le récit.</p>
<p>Un placement de produit inédit et hautement symbolique du <em>Times</em> ; un placement territorial idéal pour Londres… Les insertions publicitaires ne deviendraient-elles pas un peu magiques grâce à Mary Poppins ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Le Nozach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le film « Mary Poppins », l’insertion territoriale est manifeste : Londres et son patrimoine y sont particulièrement mis en valeur.Delphine Le Nozach, Maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037912018-12-19T23:40:31Z2018-12-19T23:40:31ZDans « Mary Poppins », la légende perdure, les placements de produits aussi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250797/original/file-20181216-185246-1tgekk5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=299%2C2%2C1601%2C829&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mary Poppins version 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm-240987/photos/detail/?cmediafile=21559502">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>Plus de cinquante ans après la sortie du film <em>Mary Poppins</em> (Stevenson – 1964), une suite de la célèbre comédie musicale sort sur nos écrans. <em>Le retour de Mary Poppins</em> (Marshall – 2018), un film événement sur la nounou la plus populaire au monde. Diégétiquement, 20 années séparent les deux histoires. Dans le premier opus, nous sommes en 1910 et Mary Poppins vient s’occuper des enfants de la famille Banks, Jane et Michael. Dans le deuxième, nous sommes en 1930 : Jane et Michael sont adultes et la nurse revient pour garder leurs enfants. Vingt ans d’écart et le même produit placé, la même insertion publicitaire pour créer un trait d’union entre deux époques, entre deux générations, entre deux films.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250752/original/file-20181215-185234-1trq4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du film <em>Le retour de Mary Poppins</em>.</span>
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<h2>Un produit placé qui construit un symbole</h2>
<p>Au départ de l’intrigue du film de 1964, l’envol d’un cerf-volant. Attirés par cet oiseau vert, Jane et Michael Banks courent à travers le parc en laissant derrière eux Katie Nanna exaspérée. Face à ces difficultés, la nurse demande congé. Les enfants terribles viennent ainsi de décourager plusieurs nurses en quelques semaines. Devant ce constat, M. Banks prend la décision de se charger lui-même du prochain recrutement. Il passe alors une annonce dans le journal le <em>Times</em> : « I’ll advertise in The Times ». Parallèlement, les enfants rédigent également une annonce en guise de pardon et de bonne volonté. Si celle de leur père évoque le respect, l’autorité et la discipline, la leur est bien différente : ils demandent une nounou gentille, aux joues roses qui chante et offre des bonbons. Deux annonces pour deux mondes qui s’opposent. L’univers des adultes, sérieux et responsable ; l’univers des enfants, insouciant et ludique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/transformers-une-forme-inedite-de-placement-de-produit-au-cinema-79508">« Transformers » : une forme inédite de placement de produit au cinéma</a>
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<p>Le <em>Times</em> caractérise ainsi parfaitement le personnage du père en confirmant son statut et son rang social. Journal britannique de référence, le <em>Times</em> est réputé pour ses journalistes qualifiés et ses articles de qualité. Proche des conservateurs, ce journal est conforme aux idées et mode de vie des Banks, foyer bourgeois dont le chef de famille est un lord anglais banquier de profession. L’insertion publicitaire est donc <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=39871">en totale cohérence avec le contexte diégétique du film</a>.</p>
<p>Mary Poppins répond à l’appel des enfants et non à l’annonce publiée par le père. Néanmoins, elle est embauchée sur le champ. Plusieurs jours passent ; Mary Poppins s’occupe de Jane et Michael, leur fait vivre des aventures extraordinaires et exubérantes. Elle apporte joie et bonne humeur dans la maison. Mais M. Banks conserve sa rigidité et n’arrive pas à se faire aux changements provoqués par la nouvelle nurse. Rationnel, il reste imperméable à la magie et au rêve. Afin que les enfants comprennent les obligations de leur père et les réalités de la vie, Mary Poppins convainc M. Banks de les emmener sur son lieu de travail. Malheureusement, ces derniers prennent peur et sèment la panique dans l’établissement bancaire. Suite à ce fâcheux incident, M. Banks est renvoyé. Ce licenciement provoque une sorte d’électrochoc : il revient chez lui, détendu, souriant et désireux de passer du temps en famille. Pour preuve, il a réparé le cerf-volant de ses enfants et leur propose une sortie dans le parc. Ce geste fait écho à la scène d’ouverture du film.</p>
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<span class="caption">Le cerf-volant réparé avec le journal <em>The Times</em>.</span>
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<p>Observons le cerf-volant de plus près : des bandes de papier journal recouvrent les déchirures. Il s’agit de morceaux du <em>Times</em> ; nous voyons distinctement le nom de la publication et nous devinons son logo formé d’un lion, d’une licorne et de la devise de la monarchie britannique « Dieu et mon droit ». Les inscriptions du <em>Times</em> sont collées sur le dos du cerf-volant. Pourtant, lorsque le cerf-volant s’envole, le décor créé par les morceaux du journal se retrouve sur l’intérieur. Ce faux raccord permet aux spectateurs d’identifier le cerf-volant Banks parmi les dizaines d’autres aux alentours. Ce choix de mise en scène provoque également une plus longue exposition de l’insertion publicitaire du <em>Times</em> à l’image.</p>
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<span class="caption">Le cerf-volant dans les airs…</span>
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<p>Tel un pansement qui recouvre les blessures, les bandelettes du journal rassemblent les différentes parties du cerf-volant déchiré : le père a renoncé à son journal pour redonner vie au jouet. L’objet fabriqué réunit les deux univers qui s’opposaient jusqu’alors ; il devient un symbole d’harmonie et un acte d’amour. En utilisant le <em>Times</em> d’une manière surprenante, le réalisateur construit une métaphore : M. Banks a rapiécé le cerf-volant, rafistolé sa famille, consolidé leurs liens.</p>
<h2>Le cerf-volant au motif du Times comme passage de témoin</h2>
<p>Vingt ans plus tard, Michael redécouvre le cerf-volant entreposé au grenier et se demande pourquoi avoir conservé cette vieillerie. Sa sœur Jane lui répond : « Tu ne te souviens plus de ce cerf-volant ? On adorait le faire voler avec père et mère ! » Cette courte scène rappelle aux spectateurs l’importance émotionnelle de cet objet. À l’image, le <em>Times</em> toujours exposé en plein centre du cerf-volant.</p>
<p>Michael dépose le jouet dans la poubelle à l’extérieur de la maison. Le vent se lève et emporte le cerf-volant vers le parc. Georgie, le fils cadet de Michael, le récupère et le fait voler dans les airs avec l'aide de son ami Jack, allumeur de réverbères. À cause du vent qui souffle toujours plus fort, le cerf-volant disparaît dans les nuages… et réapparaît dans la main de Mary Poppins ! Elle est de retour.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250755/original/file-20181215-185234-1e1eop5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’arrivée de Mary Poppins.</span>
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<p>Selon le synopsis du film « Mary Poppins réapparaît magiquement dans la vie de la famille » mais, en fait, la magie intervient sous la forme du cerf-volant au motif du <em>Times</em>. Dans le film original, l’annonce déposée dans le journal n’est pas la raison de l’arrivée du personnage principal. En revanche, dans <em>Le retour de Mary Poppins</em>, c’est bien le cerf-volant au motif du <em>Times</em> qui appelle Mary Poppins et créé l’introduction de l’héroïne dans le film. </p>
<h2>Une insertion narrative magique</h2>
<p>Le rôle narratif du cerf-volant ne se limite pas à la situation initiale du film ; il articule le récit. Dans la nurserie, Mary Poppins suggère à Georgie de réparer son cerf-volant pour qu’il puisse voler à nouveau. L’enfant s’exécute : il découpe un dessin de sa famille réalisé par son père et en colle les lambeaux pour boucher les trous. Nous remarquons qu’après vingt ans, les bandes du <em>Times</em> n’ont pas cédé sous le vent ; le journal a résisté au temps. Le cerf-volant est de nouveau prêt à l’emploi, prêt à résoudre les problèmes de la famille Banks, prêt à intervenir dans le climax du film.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250756/original/file-20181215-185255-17kosgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Notons que le cerf-volant est légèrement différent entre les deux films.</span>
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<p>Michael est en difficulté financière. Pour conserver sa maison de famille, il doit prouver qu’il détient des actions en apportant le certificat à sa banque. Malheureusement, ce document est introuvable. Tout le long du film, Jane et Michael fouillent la maison de fond en comble pour mettre la main dessus, en vain. L’heure du déménagement a sonné : il fait nuit, le camion est rempli, la famille est sur le trottoir. Tout à coup, Georgie se rend compte qu’il a oublié son cerf-volant à l’intérieur. Il court le récupérer et Michael découvre alors le cerf-volant réparé : par son père et son fils, par le <em>Times</em> et le dessin. Attendri et triste, Michael s’attarde un moment sur son illustration. La lueur du réverbère révèle alors le verso du papier : il s’agit du certificat tant recherché.</p>
<p>Le temps presse, les Banks se rendent au plus vite à la banque en emportant tel quel le cerf-volant. Devant l’établissement et ses portes fermées, Jane et Michael déroulent son fil pour le faire voler jusqu’à la fenêtre du Directeur. Le cerf-volant au motif du <em>Times</em> et agrémenté du certificat d’actions atterrit directement dans le bureau, devant les yeux stupéfaits du dirigeant. En plein cadre de l’image, le cerf-volant est bien l’adjuvant narratif qui sauve les personnages de la faillite.</p>
<p>À l’époque, George Banks réparait le cerf-volant avec des morceaux de son <em>Times</em>, dans <em>Le retour de Mary Poppins</em>, son petit-fils Georgie le rafistole en utilisant un croquis de son père. Le dessin au recto incarne la famille, valeur omniprésente dans les deux films. Au verso, le certificat d’actions, document édifié par M.Banks. Trois générations de Banks s’unissent alors pour ressusciter le cerf-volant : la filiation subsiste.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251556/original/file-20181219-45394-1515ive.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La dernière génération Banks.</span>
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<p>Ainsi le cerf-volant transgénérationnel aux inscriptions du <em>Times</em> forme-t-il un véritable héritage : un héritage diégétique de l’enfance de Michael, un héritage symbolique de l’harmonie familiale, un héritage cinématographique du film originel <em>Mary Poppins</em>. </p>
<p>Le <em>Times</em> dans les films <em>Mary Poppins</em>, un placement de produit contextuel, qualifiant et narratif mais surtout une insertion publicitaire affective pour les personnages et mythique pour nous spectateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103791/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Le Nozach ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au départ de l’intrigue du film de 1964, l’envol d’un cerf-volant, que l'on retrouve dans la version 2018. Avec une constante : le placement de produit, en l'occurrence le « Times », journal mythique.Delphine Le Nozach, Maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1073372018-11-21T20:41:56Z2018-11-21T20:41:56ZExtinction Rebellion : « Pourquoi je m’engage dans l’action non violente contre le changement climatique »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246638/original/file-20181121-161627-xy569z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=75%2C289%2C3790%2C2295&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 31 octobre, plusieurs centaines de personnes se sont regroupées à Londres devant le Parlement, brandissant un sablier enfermé dans un rond. Le rond symbolise notre planète et le sablier, le compte à rebours de l’extinction.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/167286793@N02/45026289484/">Kay Michael/Flickr</a>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Le dérèglement climatique a affecté l’humanité de 467 façons différentes depuis 1980. C’est le bilan glaçant que dresse une vaste étude publiée dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-018-0315-6">Nature Climate Change</a> ce lundi 19 novembre. Santé, alimentation, économie, infrastructures, sécurité, accès à l’eau et aux services basiques… Ces manifestations touchent toutes les dimensions de nos vies, et s’intensifieront si les émissions de gaz à effet de serre ne chutent pas d’ici la fin du siècle.</em></p>
<p><em>Face à l’urgence climatique, de nouvelles formes de mobilisation émergent. Lancé au Royaume-Uni fin octobre par des activistes anglais, Extinction Rebellion (XR) revendique une vocation internationale et annonce compter déjà 500 personnes formées à l’action non violente et prêtes à aller en prison. Son appel a reçu la signature d’une centaine d’universitaires. Rupert Read, enseignant britannique en philosophie, a rejoint le mouvement. Il nous explique pourquoi.</em></p>
<hr>
<p>Vous ne connaissez pas « Extinction Rebellion » ? Le texte qui suit est pour vous et parions que, bientôt, plus personne n’ignorera ce nom. Ce <a href="https://thestandard.org.nz/extinction-rebellion/">mouvement</a>, fondé sur la non-violence, entend défier l’inaction face au changement climatique et l’extinction massive d’espèces qui menace à terme <a href="https://www.bbc.co.uk/news/science-environment-45084144">notre propre survie</a>.</p>
<h2>Criminels du climat</h2>
<p>Le samedi 17 novembre 2018 a ainsi été déclaré <a href="https://rightsinfo.org/climate-change-protestors-step-up-direct-action/">« Jour de rébellion »</a> : des personnes opposées à ce qu’elles estiment être un gouvernement de « criminels du climat » ont décidé de réunir suffisamment de manifestants pour fermer certaines zones de la capitale britannique, en bloquant le trafic routier en divers points stratégiques.</p>
<p>J’enseigne la philosophie à l’université de East Anglia et je me suis lancé tout entier dans ce mouvement. Notre objectif à long terme est de créer un contexte dans lequel le gouvernement ne pourra plus ignorer la détermination d’un nombre croissant de personnes pour détourner le monde de la catastrophe climatique. Et, qui sait, le gouvernement pourrait bien se trouver contraint de <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-46172661">négocier avec les rebelles</a>.</p>
<p>En tant que vétéran de l’action directe et universitaire cherchant à comprendre ces mouvements, j’ai beaucoup réfléchi à Extinction Rébellion, l’héritage dans lequel il s’inscrit et sa nouveauté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065227212595621888"}"></div></p>
<h2>Un risque certain</h2>
<p>Cette mobilisation s’enracine dans des traditions de longue date, parmi lesquelles le mouvement radical <a href="https://tridentploughshares.org/the-ploughshares-movement/">pour le désarmement nucléaire</a>. Les fondateurs d’XR ont étudié avec attention les précédents en matière d’action non violente, afin d’identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.</p>
<p>Ils ont, par exemple, remarqué qu’un petit pourcentage de la population engagé activement suffit parfois à faire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=b2VkC4SnwY0&feature=youtu.be">triompher le changement radical</a>, à condition de défendre une cause vertueuse, susceptible de recevoir le soutien tacite d’une part bien plus large de la population.</p>
<p>Extinction Rebellion se distingue aussi par rapport à ses prédecesseurs. Certes, le mouvement pour le désarmement nucléaire concernait notre propre existence, mais la dévastation nucléaire n’était, et ne reste, qu’un risque. L’objectif d’Extinction Rebellion est de prévenir une dévastation de notre monde <a href="https://theecologist.org/2017/feb/23/climate-change-white-swan">qui est certaine</a> et risque de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2018/oct/08/global-warming-must-not-exceed-15c-warns-landmark-un-report">survenir rapidement</a>, à moins que nous réussissions à changer radicalement le <a href="https://theecologist.org/2017/mar/09/apollo-earth-wake-call-our-race-against-time">cours des choses</a>.</p>
<p>Les activistes environnementaux comparent souvent leur lutte à certaines victoires passées. Mais selon moi, les parallèles établis – avec l’indépendance indienne, le mouvement des droits civiques ou la campagne pour le suffrage universel, par exemple – sont <a href="https://www.independent.co.uk/voices/venice-flooding-italy-weather-climate-change-environment-civil-disobedience-a8609116.html">excessivement optimistes</a>, voire naïfs. Ces mobilisations historiques concernaient souvent des classes opprimées, se soulevant pour s’émanciper afin d’accéder à ce que les classes privilégiées possédaient déjà.</p>
<h2>Transformer nos modes de vie</h2>
<p>Tous ces objectifs se dressent contre des intérêts profondément ancrés et exigent aussi un effort considérable des citoyens ordinaires, particulièrement dans les <a href="https://kevinanderson.info/blog/avoiding-dangerous-climate-change-demands-de-growth-strategies-from-wealthier-nations/">pays « développés »</a> comme le Royaume-Uni ou la France. Cela rend la tâche <a href="https://www.nytimes.com/2018/10/06/opinion/sunday/climate-change-global-warming.html">particulièrement ardue</a>… et les chances de succès du mouvement très minces. Mais cela ne conteste en rien la légitimité de la démarche qui apparaît, bien au contraire, comme <a href="http://thinkingfilmcollective.blogspot.com/2013/10/avatar-transformed-cinema.html">notre dernière chance</a>.</p>
<p>C’est pour toutes ces raisons que je me suis assis sur une route bloquant l’entrée de Parliament Square, le 31 octobre dernier, lorsque Extinction Rebellion a été lancé – et pourquoi j’étais à nouveau « sur les barricades », le samedi 17 novembre. En temps que quaker – ce mouvement religieux fondé au XVIIe siècle par des dissidents de l’Église anglicane – j’affectionne les premiers mots du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DZJnYcQKvvI">célèbre hymne shaker</a> – branche du protestantisme issu des Quakers : « C’est le cadeau d’être simple ». Que signifie vivre simplement aujourd’hui ? Cela implique de mettre tout en œuvre pour permettre aux autres – et avant tout nos enfants et petits-enfants – de pouvoir vivre. Il ne suffit pas de mener une vie volontairement sobre.</p>
<p>Nous devons nous engager dans une action directe et pacifique dans le but de stopper la méga-machine d’un capitalisme d’entreprise obsédé par la croissance qui détruit notre avenir commun. À mes yeux, il est clair qu’une rébellion pacifique s’impose dès à présent, afin d’empêcher la dévastation ou l’extinction de notre espèce – et de nombreuses autres.</p>
<p>La seconde phrase de l’hymne shaker dit : « C’est le cadeau d’être libre ». Se libérer aujourd’hui signifie s’émanciper de toutes les lois qui condamnent nos enfants à vivre un enfer. Prendre soin de ses enfants exige de prendre soin par avance des leurs. Cette logique <a href="https://people.uea.ac.uk/en/publications/the-future-compassion-complacency-or-contempt(fc9d3d11-2239-4d1e-a92e-e4bb6a2b3736).html">se multiplie indéfiniment</a> : nous ne veillons pas correctement sur une génération si la suivante est sacrifiée.</p>
<p>De même que les mammifères ont pour vocation première de veiller sur leur descendance, il est logique que nous résistions et nous rebellions contre ce qui menace purement et simplement le futur des prochaines générations, indépendamment de ce que nos lois pitoyablement inadaptées nous dictent.</p>
<h2>Dernière chance</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que je ressens la nécessité de m’engager dans une désobéissance civile par objection de conscience : j’ai lutté à Faslane et à Aldermaston <a href="https://peacenews.info/node/4085/faslane-solidarity-aldermaston">contre les armes nucléaires</a>, et avec EarthFirst pour défendre les <a href="http://www.environmentandsociety.org/tools/keywords/earth-firsts-fight-save-redwoods">forêts de séquoias</a> menacées de destruction dans le Pacifique nord-ouest des États-unis.</p>
<p>Mais de toutes, le mouvement Extinction Rebellion me paraît la cause la plus convaincante. Car à moins que nous réussissions l’<a href="https://www.uea.ac.uk/philosophy/news-and-events/-/asset_publisher/wb9yCV6yd5EC/blog/after-the-ipcc-report-climatereality-by-rupert-read?inheritRedirect=false">impossible, ou presque</a>, il n’y aura plus, dans quelques décennies, aucune cause à défendre. Oui, le tableau est <a href="http://iflas.blogspot.com/2018/07/new-paper-on-deep-adaptation-to-climate.html">à ce point sombre</a> mais ne doit pas empêcher de passer à l’action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rupert Read est membre d'Extinction Rebellion et du Parti vert.</span></em></p>Ce mouvement britannique, lancé le 31 octobre dernier à Londres, entend défier l’inaction climatique des gouvernements par l’action non violente.Rupert Read, Reader in Philosophy, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/983522018-06-18T22:11:42Z2018-06-18T22:11:42ZIncendie de la tour Grenfell à Londres : quand Twitter réfute fake news et islamophobie<p>Ceux qui étaient présents dans l’ouest londonien le 14 juin 2017 ne l’oublieront jamais. Il y a un an et une semaine, les résidents de ce quartier cosmopolite de la capitale anglaise ont en effet été réveillés par l’odeur du feu et par le son des hélicoptères, tandis que des pompiers épuisés et noircis travaillaient sans relâche dans les rues entourant un immeuble de 24 étages en feu.</p>
<p>Des questions ont rapidement émergé : comment la tour Grenfell, un véritable « village vertical » bien connu des Londoniens – <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2018/06/14/un-an-apres-l-incendie-de-la-tour-grenfell-de-londres-les-lecons-tardent-a-etre-tirees_5314532_3214.html">était-il devenu un piège fatal ?</a>.</p>
<p>Dans les heures et les jours qui ont suivi, l’incertitude sur le nombre de victimes (<a href="http://www.lefigaro.fr/international/2018/06/14/01003-20180614ARTFIG00007-londres-un-an-apres-l-incendie-de-la-grenfell-tower-les-survivants-en-colere.php">72 au final</a>) et la cause de l’incendie ont perduré.</p>
<p>Les plates-formes de médias sociaux telles que Twitter sont devenues un lieu où survivants, citoyens, journalistes et organisations d’aide ont partagé les dernières mises à jour sur la cause de l’incendie, ses progrès et ses conséquences.</p>
<p>Or, très vite le débat s’est cristallisé autour d’une supposée attaque terroriste islamiste.</p>
<p>C’était l’été 2017. L’incendie s’est déroulé à la même période où des terroristes liés à l’intégrisme islamique avaient fauché des piétons <a href="https://edition.cnn.com/2017/04/11/europe/stockholm-terror-attack-rakhmat-akilov/index.html">à Stockholm</a> et <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2017/mar/23/crude-nature-of-attack-suggests-lack-of-isis-network-in-britain">à Londres</a> <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/crime/isis-london-bridge-attack-borough-market-terrorists-took-steroids-dhea-inquest-khuram-butt-rachid-a8203241.html">deux fois</a>, <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/jun/06/paris-police-shoot-man-who-attacked-officer-outside-notre-dame-cathedral">attaqué un policier à Paris</a> et fait exploser une bombe dans un stade de Manchester. À chaque fois des vies ont été perdues.</p>
<p>La thèse de l’attentat a été en outre alimentée par des <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/westway-warriors-the-nest-of-isis-fighters-from-a-few-london-streets-jqzwxzpxf">histoires circulant à propos de djihadistes</a> originaires de Grande-Bretagne et qui auraient tenté de rejoindre Daech – certains d’entre eux venaient de la localité où se trouvait la tour Grenfell. La présence de beaucoup de résidents de confession musulmane dans la tour fut également rappelée.</p>
<p>Aussi, sans grande surprise, dans les quatre jours suivant l’incendie, 44 000 tweets avec les mots-clés « Grenfell » et « Musulmans » ont inondé la plate-forme de médias sociaux.</p>
<p>C’est dans ce cadre que nous avons décidé d’analyser ces tweets, de voir comment les musulmans ont été perçus et représentés dans le sillage de l’incendie de la tour Grenfell.</p>
<h2>Actes héroïques</h2>
<p>Notre recherche initiale parmi les tweets a révélé que, pendant les premières heures de l’incendie, il y avait des tweets discutant de la possibilité que l’incendie soit un acte criminel et terroriste.</p>
<p>Certains ont spéculé que les musulmans avaient mis le feu afin de prétendre à une attaque pendant le ramadan.</p>
<p>Mais il y avait aussi un nombre important de tweets présentant certains comportements de résidents musulmans comme héroïques, car, pendant l’incendie, ces derniers – éveillés en raison du ramadan – auraient alerté et frappé aux portes pour mettre leurs voisins en sécurité, alors que les services d’urgence conseillaient encore de ne pas bouger.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"874944928203362309"}"></div></p>
<p>Nous voulions mieux comprendre ces données, découvrir comment certains messages étaient diffusés et identifiés les « influenceurs clés » qui ont façonné le débat. Nous avons acheté les données auprès <a href="https://texifter.com/">d’un fournisseur de données tiers</a> et analysé le texte à l’aide <a href="https://discovertext.com/">d’une plate-forme spécialisée</a> dotée de capacités d’apprentissage automatique, appelée « discovertext ».</p>
<p>Nous voulions voir à quel point les fake news circulant à propos de l’incendie de Grenfell et le décrivant comme une attaque terroriste ont influencé le débat en ligne.</p>
<p>Nous avons ainsi échantillonné le top 5 % des tweets par « influence » – c’est-à-dire, dans quelle mesure le tweet a été diffusé – et les avons analysés sur discovertext. Nous avons ensuite comparé cela avec un échantillon aléatoire de 5 % de tweets.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223613/original/file-20180618-85825-lu8qug.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=306&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Échantillon aléatoire (5 % des tweets).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Joseph Downing, Richard Dron</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois classées par influence, on remarque que les théories du complot ont presque disparu du débat. En revanche, les tweets les plus influents étaient ceux portant sur « l’aide de la population musulmane », pendant et après l’incendie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223614/original/file-20180618-85834-iuy5iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=301&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Échantillon pris parmi les 5 % des tweets considérés comme les plus influenceurs.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>74 % des tweets les plus influents ont diffusé des messages sur la manière dont les résidents musulmans, éveillés à cause du jeûne, ont joué un rôle crucial alertant les autres quant à la propagation du feu et aidant à évacuer les habitants.</p>
<p>Discovertext nous a également permis d’exporter les données, de générer des cartes complètes du réseau social. L’aperçu complet était composé de 812 réseaux croisés ; les frontières sont floues, car les messages passent entre les différents sujets de discussion par rapport au feu – groupés par couleur dans le graphique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223009/original/file-20180613-32304-1cca282.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le réseau au complet, avec certains points surlignés en couleurs comme les retweets des reportages diffusés par la chaîne télévisée Channel 4 (en violet) et en noir pour les discours provenant d’Infowars et repostées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Richard Dron.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Lutter contre les fausses nouvelles</h2>
<p>Nous avons découvert que nous pouvions examiner non seulement comment les messages individuels étaient diffusés, mais aussi comment ils étaient réfutés et contestés. Par exemple, une <a href="https://www.infowars.com/muslims-celebrate-london-tower-fire-despite-many-of-the-victims-being-muslim/">histoire concoctée de toutes pièces par le site conspirationniste InfoWars</a> a agrégé des commentaires et des tweets pour affirmer que « les musulmans célèbrent le feu de la tour de Londres ». L’histoire a été partagée 730 fois.</p>
<p>Cependant, à l’ère de la « post-vérité » de Trump et du Brexit, de nombreux usagers de Twitter on également refusé de cautionner ce type de désinformation. Nous avons ainsi observé que beaucoup d’entre eux ont partagé des articles de médias grand public mettant en évidence les contributions positives des musulmans suite à l’incendie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223014/original/file-20180613-32339-7e8aaq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Articles émanant d’InfoWars article : retweets et réponses.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Richard Dron.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si ce graphique montre comment l’histoire d’InfoWars s’est répandue, il affiche aussi la façon dont les utilisateurs ont relayé des articles du <a href="http://www.dailymail.co.uk/news/article-4604980/Muslims-awake-Ramadan-helped-Grenfell-Tower-fire.html?ito=social-twitter_dailymailUK"><em>The Daily Mail</em></a>, <a href="https://www.express.co.uk/news/uk/816870/London-Fire-grenfell-tower-latimer-road-blaze-w11-ramadan-muslims-firefighters-police"><em>The Express</em></a>, <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/london-fire-muslim-wake-early-ramadan-fast-grenfell-tower-resident-live-save-north-kensington-a7789111.html"><em>The Independent</em></a> et <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2017/06/14/local-heroes-saved-lives-helped-residents-grenfell-tower-fire/"><em>The Telegraph</em></a>, qui ont montré comment la communauté musulmane locale a aidé au plus fort de la catastrophe.</p>
<p>De toute évidence, les « fake news » ne sont pas intrinsèquement convaincantes dans tous les contextes – elles peuvent au contraire déclencher des processus beaucoup plus nuancés et complexes sur les plates-formes de médias sociaux où elles sont diffusées.</p>
<p>À une époque où la couverture médiatique impliquant des citoyens de confession musulmane est dominée par les préoccupations sur le terrorisme, Grenfell est un rare cas d’école où la société (via Twitter) a décidé de regarder au-delà des différences religieuses et ethniques, et de reconnaître les contributions humanitaires d’une communauté pour ce qu’elles sont, au milieu de la tragédie et du désastre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph Downing a reçu des financements de l' European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme under the Marie Skłodowska-Curie grant agreement No 703613.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Richard Dron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il y a un an, un incendie ravageait la tour Grenfell à Londres. Plutôt que céder à l’islamophobie, Twitter a réagi, valorisant les actes héroïques des résidents de confession musulmane.Joseph Downing, Marie Curie Fellow, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Richard Dron, Lecturer in Digital Enterprise & Innovation, University of SalfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.