tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/maladies-genetiques-35669/articlesmaladies génétiques – The Conversation2023-12-07T17:28:44Ztag:theconversation.com,2011:article/2189682023-12-07T17:28:44Z2023-12-07T17:28:44ZRevivre après le traitement d’une maladie génétique rare : l’exemple de la drépanocytose<p>Cette année, le Téléthon se tiendra les 8 et 9 décembre. Cet évènement consacré aux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-rares-33282">maladies rares</a> est l’occasion de lever le voile sur la drépanocytose qui est la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/maladies-genetiques-35669">maladie génétique</a> <a href="https://sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/maladies-rares/article/les-maladies-rares">rare</a> la plus fréquente en France, avec environ <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/epidemiologie-de-la-drepanocytose-en-france-et-dans-le-monde">30 000 personnes</a> atteintes.</p>
<p>Cette pathologie reste pourtant insuffisamment connue de certains professionnels de santé et, plus généralement, de la société. La drépanocytose est également très répandue dans le monde, notamment en <a href="https://theconversation.com/la-drepanocytose-sevit-en-afrique-de-louest-une-nouvelle-approche-est-necessaire-pour-la-combattre-211168">Afrique</a>, dans les Antilles et au Moyen-Orient.</p>
<h2>Anémie, crises douloureuses et impact majeur sur la qualité de vie</h2>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">drépanocytose</a> est due à une anomalie de l’hémoglobine, principal composant des globules rouges, qui sont des cellules du sang permettant le transport de l’oxygène aux organes.</p>
<p>Cette anomalie cause une déformation des globules rouges qui prennent une forme de faucille (d’où son autre nom d’anémie falciforme). Cela entraîne leur destruction (anémie) et des occlusions des petits vaisseaux sanguins responsables de crises très douloureuses appelées « crises vaso-occlusives ».</p>
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<img alt="Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose." src="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/563690/original/file-20231205-21-h7a71c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Photo de globules rouges. Certains présentent une forme normale, d’autres une forme de faucille caractéristique de la drépanocytose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/24170591501/in/album-72157656657569008/">National Center for Advancing Translational Sciences (NCATS), National Institutes of Health</a></span>
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<p>De plus, la drépanocytose peut atteindre les vaisseaux de tous les organes conduisant à des lésions graves et multiples (atteintes des artères cérébrales, atteintes pulmonaires, cardiaques, rénales, hépatiques, etc.). Cette maladie est responsable de décès précoces et a un impact majeur sur la qualité de vie des patients qui est à ce jour mal évalué.</p>
<h2>Se construire entre les crises</h2>
<p>Alors que, dans d’autres maladies génétiques, les symptômes peuvent s’exprimer de manière continue, les personnes atteintes de drépanocytose se construisent dans l’alternance entre des périodes de « vie normale » et des épisodes de crises, dont ils qualifient la douleur d’« insoutenable », « invivable », « traumatique ».</p>
<p>En crise ils se sentent malades, le reste du temps ils se savent malades, anxieux de l’advenue de ces crises menaçantes et soumis aux contraintes à respecter pour les éviter (s’hydrater, ne pas s’exposer au froid, aux émotions fortes, ne pas faire trop de sport, etc.).</p>
<p>La drépanocytose peut ainsi être qualifiée de « maladie chronique de l’aigu » du fait des ruptures répétées et imprévisibles que ces crises occasionnent. Celles-ci paralysent physiquement, mais hypothèquent aussi tout projet de vie, même minime ou à court terme. De plus, le fait que ce soit une maladie mortelle engage les patients dans une lutte pour la survie.</p>
<p>Finalement, ces crises impactent le <a href="https://www.researchgate.net/publication/352544405_Tap_P_Tarquinio_C_Sordes-Ader_F_2002_Sante_maladie_et_Identite_in_GN_Fisher_Traite_de_Psychologie_de_la_Sante_pp_135-162Paris_Dunod">sentiment de continuité de l’existence</a> ou la <a href="http://philosophicalenquiries.fr/numero3Hamou.pdf">continuité de la conscience</a> (la perception d’être le même dans l’espace et dans le temps), socle de l’identité personnelle. Pour faire face psychologiquement aux douleurs extrêmes qu’elles génèrent, de nombreux patients mettent en place des mécanismes qui consistent à se déconnecter de leurs corps et de leurs émotions.</p>
<h2>La greffe de moelle, seul traitement curatif</h2>
<p>Les principaux traitements (médicaments par voie orale et échanges transfusionnels consistant à retirer du sang du patient et à le transfuser avec des globules rouges sains) permettent d’atténuer la maladie, sans toutefois la faire disparaître. De plus, chez certains patients, ces traitements sont inefficaces.</p>
<p>À l’heure actuelle, le seul traitement curatif est la <a href="https://www.sfgm-tc.com/harmonisation-des-pratiques/52-indications/3903-2020-allogreffe-de-cellules-souches-hematopoietiques-dans-la-drepanocytose-de-l-enfant-et-de-l-adulte-indications-et-modalites">greffe de moelle osseuse</a>. Présente à l’intérieur des os, celle-ci fabrique toutes les cellules du sang. La greffe permet de remplacer la moelle du patient qui fabrique des globules rouges malades, par celle d’un donneur qui fabrique des globules rouges sains.</p>
<p>Ce traitement permet d’améliorer les symptômes et de guérir la maladie de la majorité des patients. Cependant la greffe peut être responsable de complications qui sont plus fréquentes lorsqu’elle est réalisée chez les adultes. Ainsi, 75 % des greffes de moelle (sur environ 700) pratiquées à ce jour en France chez des patients atteints de drépanocytose, l’ont été chez des enfants de moins de 15 ans, selon la Société francophone de greffe de moelle et de thérapie cellulaire.</p>
<h2>Effets psychosociaux inattendus de la « guérison »</h2>
<p>L’évolution des techniques de greffe permet aujourd’hui de greffer des patients adultes avec une <a href="https://www.chu-nantes.fr/allogreffe-la-preparation-ou-le-conditionnement-du-patient-en-attente-de-greffe">moindre toxicité</a> et d’envisager des greffes chez des patients n’ayant pas de donneur parfaitement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0007455120303179">compatible</a>. Ainsi, des patients adultes, ayant vécu des années avec cette maladie très lourde et considérée comme incurable, se retrouvent « guéris ».</p>
<p>Il a été constaté que cette guérison somatique (c’est-à-dire avec une diminution voire une disparition des symptômes) s’accompagnait chez certains patients d’effets inattendus sur le plan psychosocial et de difficultés à se réapproprier leur vie.</p>
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<p>Cet apparent paradoxe, entre la promesse de guérison offerte par la médecine et certains vécus relatés par les patients, est un des objets de l’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> initiée par des chercheurs en sciences humaines et sociales et des équipes médicales, à partir des récits de vie de malades.</p>
<p>La greffe de moelle osseuse est ainsi l’occasion de penser ce que signifie vivre ou revivre après avoir fait l’expérience d’une maladie génétique dont les symptômes altèrent lourdement l’espérance et la qualité de vie, parfois dès la naissance.</p>
<h2>Revivre après la greffe</h2>
<p>La greffe de moelle osseuse n’est proposée, le plus souvent, qu’en dernier recours, après un épisode qui peut avoir fait frôler la mort. C’est un choix contraint, « quand on n’a plus rien à perdre » comme le disent certains patients. En dépit des informations données par les médecins et d’autres patients greffés, elle représente un « saut dans le vide ». Elle constitue à la fois une épreuve et une renaissance.</p>
<p>La vie après la greffe est décrite par les patients comme la possibilité de déployer et d’éprouver une « liberté de mouvement » ou une puissance d’agir toutes nouvelles. Revivre, c’est faire ce dont ils étaient incapables, s’autoriser à ressentir des émotions et faire des projets jusqu’ici interdits, gagner en confiance en soi, se sentir « comme les autres ».</p>
<p>Cependant, ces possibilités sont déstabilisantes parce que totalement inédites et survenant dans une temporalité accélérée qui ne permet pas de les intégrer psychologiquement ou émotionnellement. Elles bousculent les défenses psychiques mises en place pour faire face à la maladie, provoquant parfois des états de sidération. S’ouvre une temporalité nouvelle : un avenir définitivement libéré de l’imprévisibilité des crises, mais dans lequel il n’est pas évident de se projeter.</p>
<h2>Un état de déséquilibre au moins transitoire</h2>
<p>La greffe conduit ainsi à un état de déséquilibre au moins transitoire. Elle n’efface pas le passé ni les expériences corporelles, relationnelles, sociales liées à la maladie. Du fait des séquelles physiques, de la prise de médicaments et du suivi médical, la maladie demeure sous d’autres formes (stérilité, ostéonécrose – qui correspond à la destruction progressive de certains os, l’une des <a href="https://sosglobi.fr/en/drepanocytose/complications/">complications</a> de la maladie –, addiction aux antidouleurs, etc.). Parfois, des douleurs (appelées « douleurs fantômes ») ressurgissent, faisant craindre aux patients un retour de la maladie et manifestant une anxiété toujours active.</p>
<p>Certains patients s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas faire « comme tout le monde », l’entrée dans la vie active en particulier s’avère complexe en raison de « tout ce qu’on n’a pas pu faire à cause de la maladie » (études, expériences professionnelles…).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-gaston-lagaffe-avait-en-realite-un-syndrome-dehlers-danlos-130907">Et si Gaston Lagaffe avait en réalité un syndrome d’Ehlers-Danlos ?</a>
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<p>Enfin, la maladie reste transmissible, complexifiant la vie amoureuse et les projets parentaux. En effet, la drépanocytose est une <a href="https://www.inserm.fr/dossier/drepanocytose/">maladie génétique héréditaire</a>. Même traitée par greffe, une personne qui porte les gènes mutés responsables de la drépanocytose les transmet à son enfant.</p>
<p>L’après-greffe est le moment parfois douloureux de prendre la mesure de tout ce que la vie avec la drépanocytose a empêché et de tout ce qu’il semble difficile de rattraper dans une vie sans elle.</p>
<h2>Être « autrement le même » : ni malade, ni en bonne santé</h2>
<p>La question « Qui suis-je ? » émerge chez beaucoup de patients et montre une tension entre trois dimensions : une présence du passé qui est constitutif du soi, une « perte de soi » marquée par une sensation de vide, et le besoin de construire une « nouvelle identité ».</p>
<p>Les personnes se trouvent pour la plupart dans un entre-deux : ni malades – elles n’ont plus les symptômes de leur pathologie initiale –, ni en bonne santé – « ex-drépanocytaires » et pouvant toujours transmettre la maladie.</p>
<p>Certains préfèrent ne plus parler de la maladie, comme si l’oubli était <a href="https://editions.flammarion.com/revivre/9782081314993">« une réponse de la vie à ce qui en elle est invivable », nécessaire pour continuer ou recommencer à vivre</a>. D’autres culpabilisent d’avoir été greffés.</p>
<h2>L’apport des sciences humaines et sociales pour penser un soin global</h2>
<p>Dans ce processus de transformation, il faut apprendre à se (re)connaître et se reconstruire, à devenir <a href="https://ec56229aec51f1baff1d-185c3068e22352c56024573e929788ff.ssl.cf1.rackcdn.com/attachments/original/6/9/7/002624697.pdf">« autrement le même »</a> ou « malade autrement », selon l’expression d’un patient greffé.</p>
<p>Être « autrement » évoque l’effort à déployer pour apprendre à vivre sans la maladie initiale mais avec d’autres vulnérabilités qui ne lui seront pas nécessairement liées ; être « le même » renvoie à la <a href="https://www.utep-besancon.fr/content/uploads/2021/12/La-representation-de-soi-au-coeur-du-la-relation-soignants-soignes-24.pdf">« nécessité vitale pour un individu d’avoir un sentiment de cohésion et de continuité quant à la perception de ce qu’il est »</a>.</p>
<p>L’étude <a href="https://u-paris.fr/la-personne-en-medecine/enjeux-psychosociaux-des-nouveaux-traitements-pour-la-mucoviscidose-et-la-drepanocytose/">« Revivre »</a> illustre l’apport indispensable des sciences humaines et sociales pour penser un soin global de la personne malade.</p>
<p>En éclairant les limites de la notion de guérison et la complexité du revivre, elle contribue, de manière utile aussi à d’autres maladies rares, à définir des filières, des réseaux et des pratiques (médicales et non médicales) de soin adaptés et susceptibles de soutenir l’<a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:5226"><em>empowerment</em></a> ou la <a href="https://www.puf.com/content/Le_normal_et_le_pathologique">normativité des malades</a>.</p>
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<p><em>Cet article a été co-écrit par les trois auteures mentionnées et le Dr Nathalie Dhédin, médecin hématologue (Unité d’hématologie Adolescents et Jeunes Adultes, APHP- hôpital Saint-Louis) spécialisée dans la greffe de moelle osseuse en particulier des patients drépanocytaires, et à l’initiative du protocole de recherche mené en SHS sur cette thématique. Nous remercions tous les patients et soignants qui soutiennent et participent à cette étude.</em></p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-IDEX-0001">IDEX</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité est financé par l’IDEX (ANR-18-IDEX-0001).
Le projet « Revivre » est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.
Nous remercions tous les patients, les soignants et les institutions partenaires pour leur participation à l’étude « Revivre ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L’Institut La Personne en médecine de l’Université Paris Cité qui est financé par l’IDEX (ANR-18-
IDEX-0001).
Le projet Revivre est co-financé par l’Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l’Association Vaincre la Mucoviscidose.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le projet Revivre est co-financé par l'Institut La Personne en médecine, la Fondation Maladies Rares et l'Association Vaincre La Mucoviscidose</span></em></p>Des patients ayant vécu des années avec la drépanocytose se retrouvent « guéris » grâce à la greffe de moelle osseuse. Cela entraîne, chez certains, des effets inattendus sur le plan psychosocial.Elise Ricadat, Elise Ricadat est psychologue clinicienne, Maitre de Conférences à l’Université Paris Cité (IHSS/Études Psychanalytiques) et chercheuse au Laboratoire CERMES 3, UMR 8211. Elle co-dirige l’Institut interdisciplinaire « La Personne en Médecine »., Université Paris CitéCéline Lefève, Professeure des universités en philosophie (UMR 7219, Université Paris Cité). Co-directrice de l'Institut interdisciplinaire "La Personne en médecine", Université Paris CitéMilena Maglio, Chercheuse post-doctorante en philosophie, Institut La Personne en médecine, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2168572023-11-06T15:22:51Z2023-11-06T15:22:51ZTraiter les maladies génétiques, c’est du gâteau… ou presque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557179/original/file-20231101-27-722eas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une erreur dans l’ADN s’appelle une mutation.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>J’ai toujours été fascinée par la génétique, une branche de la biologie qui permet à la fois d’expliquer la ressemblance frappante entre différents membres d’une famille et le fait que des plants de fraises résistent au gel. C’est assez impressionnant ! </p>
<p>J’ai aussi un lien assez personnel avec la génétique. J’ai appris, en grandissant, que des membres de ma famille étaient atteints de dysferlinopathie, une <a href="https://doi.org/10.3390/jcm12186011">dystrophie musculaire</a>. J’ai vu ma mère ne plus pouvoir monter d’escalier et devoir utiliser une canne, une marchette, puis un fauteuil roulant pour se déplacer. Ses muscles des jambes arrivaient de moins en moins à se réparer et devenaient de plus en plus faibles. </p>
<p>Mes parents m’ont expliqué que tous ces changements étaient dus à une erreur d’une seule lettre dans une immense séquence d’ADN, elle constituée de milliards de lettres. Cette erreur empêche la fabrication de la protéine <a href="https://doi.org/10.3390/jcm12144769">responsable de la réparation des muscles des bras et des jambes</a>. </p>
<p>Aujourd’hui, je suis étudiante chercheuse au doctorat en médecine moléculaire et j’étudie le traitement des maladies héréditaires pour pouvoir aider des familles comme la mienne. Dans cet article, je propose de démystifier les maladies héréditaires et ce qui est fait en recherche pour les traiter.</p>
<h2>C’est du gâteau ? Pas tout à fait</h2>
<p>Imaginons l’ADN comme un livre de recettes, où chaque gène représente une recette différente. À la page de la recette de gâteau au chocolat, il y a une belle image, mais il manque certaines informations. Il y est bien indiqué de préchauffer le four et de mesurer de la farine, mais le reste de la page est déchiré. Il est donc impossible de confectionner ce gâteau. On servira alors un festin composé de toutes les autres recettes, mais sans gâteau au chocolat, qui a pourtant une importance bien particulière. </p>
<p>C’est la même chose pour les maladies héréditaires. Le corps peut fabriquer toutes les protéines dont il a besoin, sauf une. Dans le cas de la dystrophie musculaire qui affecte ma famille, c’est celle qui répare les muscles des bras et des jambes dont la recette est manquante. Chaque maladie héréditaire a sa propre page endommagée dans son livre de recettes. </p>
<p>Plus concrètement, une erreur dans l’ADN s’appelle une mutation. Il en existe différents types. Certaines sont causées par l’ajout de lettres, comme si on ajoutait un ingrédient à la recette. Cette addition peut mener à un délicieux gâteau au chocolat avec des fraises ou alors à un gâteau qui n’est plus comestible, car on y a ajouté de l’huile à moteur. </p>
<p>D’autres mutations sont causées par le retrait (ou délétion) d’une ou plusieurs lettres (ou ingrédients), ou alors par des substitutions qui remplacent une lettre par une autre. Toutes ces modifications peuvent mener à des changements favorables ou sans impact, comme l’apparition des premiers yeux bleus dans l’évolution ou l’habileté de respirer hors de l’eau. Mais elles peuvent également causer des changements défavorables, comme une maladie héréditaire ou un cancer. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/557129/original/file-20231101-17-kfz51p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il existe différents types de mutations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Camille Bouchard), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Réparer l’ADN</h2>
<p>Dès mon jeune âge, je comprenais que ma mère était malade en raison d’une erreur dans son gène, mais que je ne développerai pas la maladie, car mon père n’a pas d’erreur dans le sien. C’est ce qu’on appelle une maladie récessive, puisqu’elle nécessite une erreur dans le gène de chacun des deux parents pour se manifester. D’autres maladies héréditaires sont dominantes, ce qui veut dire qu’une mutation dans l’ADN transmis par un seul parent est suffisante pour nuire à la production d’une protéine. </p>
<p>Dans le cadre de mes recherches, j’observe la séquence d’ADN de chaque patient atteint de dysferlinopathie pour voir où se trouve l’erreur.</p>
<p>Pour tenter de la corriger, j’utilise le <a href="https://doi.org/10.3390/cells12040536"><em>Prime editing</em></a>, une technique qui permet de couper l’ADN près de la mutation et de réécrire la séquence correctement. Le <em>Prime editing</em> est une version de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clustered_Regularly_Interspaced_Short_Palindromic_Repeats">CRISPR-Cas9</a>, une technique qui permet de couper l’ADN à un endroit particulier.</p>
<p>Le <em>Prime editing</em> utilise une protéine appelée Cas9, qui se retrouve naturellement chez les bactéries. Elle leur permet de détruire la séquence d’ADN des virus qui pourraient les infecter. La mission de la protéine Cas9 est de reconnaître une séquence et de la couper. </p>
<p>Lorsqu’on l’utilise dans nos cellules humaines, on l’attache à une autre protéine, qui va réécrire l’ADN à partir d’un modèle. On lui fournira donc une séquence sans erreur pour que la cellule puisse ensuite fabriquer la protéine. C’est un peu comme retrouver la page originale du livre de recettes, pour enfin pouvoir servir le gâteau au chocolat. </p>
<h2>Un pas dans la bonne direction</h2>
<p>Pourquoi n’avons-nous donc pas entendu parler de <em>Prime editing</em>, s’il peut traiter diverses maladies ? Parce que la technique n’est pas encore tout à fait au point. En fait, nous arrivons à réparer l’ADN directement dans des cellules en laboratoire, mais il nous manque un moyen d’acheminer les deux grosses protéines (Cas9 et celle qui réécrit) jusqu’aux cellules à traiter (par exemple, jusqu’au centre des muscles touchés). </p>
<p>En d’autres termes, nous avons retrouvé la recette de gâteau, mais son format est trop volumineux pour entrer dans un courriel ou dans une enveloppe. De nombreux laboratoires, dont le mien, sont à la recherche d’un véhicule de livraison efficace et sécuritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216857/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Camille Bouchard a reçu des financements de Jain Foundation et de la Fondation du CHU de Québec.</span></em></p>Plusieurs personnes connaissent une personne atteinte de maladie génétique mais peu comprennent comment fonctionnent les mutations.Camille Bouchard, Étudiante au doctorat en médecine moléculaire (correction génétique de maladies héréditaires), Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087092023-07-03T16:58:01Z2023-07-03T16:58:01ZPourquoi l’étude des cancers chez le chien bénéficie à la médecine humaine<p>Devant la difficulté d’étudier le développement de certaines maladies humaines, la recherche se tourne parfois vers des animaux dits modèles – allant du poisson-zèbre au primate non humain. Ce qui pose nombre de questions, éthiques mais aussi médicales : les rats ou souris de laboratoire sont-ils de bons modèles ? Un nouveau médicament efficace chez les rongeurs ne le sera pas nécessairement chez notre espèce… en tout cas pas aux mêmes doses et pas sous la même forme.</p>
<p>D’où l’intérêt de s’intéresser à des modèles plus grands, littéralement, tel que le chien.</p>
<p>Le chien partage avec l’Homme son environnement, mais aussi des caractéristiques génétiques. Le génome canin, c’est-à-dire l’ensemble de ses gènes, est entièrement <a href="https://www.nature.com/articles/nature04338">connu depuis en 2005</a>. L’analyse, effectuée chez une chienne de race Boxer, y a identifié un peu moins de 20 000 gènes sur les 78 chromosomes répartis en 38 paires de chromosomes autosomiques (non sexuels) et une paire de chromosomes sexuels (X et Y). L’espèce humaine en compterait, elle, 23 000 pour 23 paires de chromosomes.</p>
<p>Pourquoi s’intéresser au génome du chien ? La faute à l’Homme… En effet, en sélectionnant plus de 350 races de chiens pour la chasse, le gardiennage de troupeaux, la défense, le secourisme, l’assistance aux personnes ou tout simplement comme animal de compagnie, nous avons aussi sélectionné des gènes responsables de maladies. Aussi un grand nombre de races de chiens présentent une susceptibilité accrue à des maladies génétiques complexes comme les cancers. </p>
<p>Et comme pour nous, les altérations de son génome peuvent avoir des conséquences sur sa santé. Or, sur les 500 maladies génétiques qui peuvent l’affecter, la moitié sont analogues à celles qui nous touchent. Le chien peut ainsi en théorie être un bon modèle… Au point de jouer un rôle majeur dans l’identification de nouveaux gènes ou le développement de traitements innovants ? C’est ce que nous allons développer ici.</p>
<h2>Quels cancers chez le chien ?</h2>
<p>Animal de compagnie apprécié (même si le chat l’a récemment détrôné), le chien fait l’objet d’un suivi médical avancé. Les données recueillies montrent qu’il développe spontanément des maladies analogues à celles qui nous frappent : maladies cardio-vasculaires, auto-immunes, neurologiques, etc. Ce qui est un atout par rapport aux souris par exemple, où elles sont souvent induites artificiellement et ne reflètent que très partiellement les maladies humaines.</p>
<p>Le cancer fait partie de ces maux qui affectent nos compagnons. De 25 % à 30 % des chiens domestiques <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-022-02025-5">développent en effet une tumeur maligne</a>. Les plus fréquents sont les cancers de la peau tels que le mastocytome ou le mélanome, les cancers de la glande mammaire chez la femelle et les lymphomes, cancers des nœuds lymphatiques – qui sont également décrits au sein de notre espèce.</p>
<p>Certains cancers sont plus fréquents chez des races données : cancer de la glande mammaire chez le doberman ou tumeur du cerveau chez les races brachycéphales (chien à nez court : boxer, bouledogue, carlin, etc.).</p>
<p>Au microscope, les cellules malignes des tumeurs canines et humaines se ressemblent beaucoup. Les similitudes existent aussi sur le plan génétique : les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28883003/">mêmes chromosomes ou les mêmes gènes peuvent être endommagés</a>. Récemment, l’analyse comparée du génome d’un mélanome rare et mal caractérisé chez l’Homme (mélanome muqueux) et du mélanome buccal chez le chien, beaucoup plus fréquent, a permis la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-08081-1">découverte d’anomalies génétiques similaires entre les deux espèces</a>. Cette découverte pourrait permettre d’identifier de nouveaux traitements pour l’un comme pour l’autre.</p>
<h2>Ce qui est cancérigène pour nous l’est aussi pour notre compagnon</h2>
<p>Un autre avantage du chien en termes de santé est qu’il partage notre environnement : les mêmes lieux de vie, les expositions aux mêmes agents chimiques, les mêmes stress et, jusqu’à il y a peu, la même alimentation.</p>
<p>Les chiens de fumeurs en sont malheureusement un bel exemple. Fumer une cigarette expose son animal à 4 000 substances chimiques, dont une cinquantaine sont cancérigènes. Ils peuvent s’intoxiquer directement par inhalation de la fumée de cigarette ou bien via le dépôt sur leur pelage de substances nocives dérivées du tabac et secondairement ingérées.</p>
<p>La suite est affaire de museau. Les races à museau long (colley, berger des Shetland, etc.) développeront un cancer du nez ou des sinus car les particules cancérigènes resteront piégées dans leur nez. Les races à museau court ou aplati (bouledogue, Pékinois, Carlin…), dépourvues de filtre nasal, verront les particules cancérigènes s’accumuler dans leurs poumons, pouvant provoquer un cancer pulmonaire.</p>
<p>L’exposition aux toxiques environnementaux est évaluable chez le chien grâce à des <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-022-02025-5">colliers spéciaux qui captent les particules nocives, qui peuvent être secondairement étudiées</a>. Là encore, les analyses chez le chien peuvent contribuer à une meilleure compréhension des cancers humains.</p>
<h2>Les particularités du génome canin</h2>
<p>L’intérêt pour les cancers canins a fait un bond après le séquençage du génome du chien il y a une quinzaine d’années.</p>
<p>Sa « lecture » complète a montré une étonnante homogénéité, qui découle de la forte consanguinité au sein des races. D’une génération à l’autre, il n’y a donc que <a href="https://www.persee.fr/doc/bavf_0001-4192_2012_num_165_3_9631">très peu de brassage des gènes</a>, du fait des croisements prévus pour respecter les critères de chaque race. À l’opposé, les vagues migratoires et les différents flux de populations humaines ont facilité d’importants brassages et ont abouti à une population hétérogène au niveau mondial, composée d’individus très différents.</p>
<p>En faisant se reproduire ensemble les animaux d’une même race pour fixer des caractéristiques physiques, les éleveurs ont ainsi imposé une épuration de nombreux gènes. Mais couleur des poils ou taille n’ont pas été les seuls traits sélectionnés : la prédisposition à certaines maladies génétiques, dont les cancers, l’a également été.</p>
<p>Pratiquement toutes les races de chiens sont touchées par des maladies génétiques. Ces maladies ont souvent une fréquence supérieure à celle observée chez nous, et peuvent toucher jusqu’à 10 % des animaux au sein de certaines races. Le chien représente ainsi un modèle unique pour l’étude de maladies spontanées d’origine génétique.</p>
<p>Mais ce n’est pas tout. L’homogénéité de son génome permet également d’identifier plus facilement les gènes en cause.</p>
<p>Étudier une maladie monogénique (due à un seul gène anormal) nécessite 20 chiens malades et 20 chiens contrôles (sains). Pour une maladie complexe, multifactorielle, telle que le cancer, quelques centaines d’animaux sont nécessaires – chez l’Homme, plusieurs milliers de patients et de sujets contrôles sont requis.</p>
<h2>Un bénéfice pour tous</h2>
<p>Ces chiffres soulignent tout l’intérêt du chien pour décrypter les bases génétiques de maladies rares et/ou complexes chez nous.</p>
<p>Ce concept de « chien-patient » bénéficie d’abord au chien par le développement de tests génétiques, voire de thérapies efficaces, et à l’Homme par la mise en place d’essais précliniques étudiant l’efficacité des traitements proposés… chez le chien.</p>
<p>Par ailleurs, l’espérance de vie de nos compagnons étant plus courte, les cancers se développent et donnent des métastases plus tôt chez eux : ce qui permet d’apprécier rapidement l’efficacité d’un nouveau médicament. L’adaptation ultérieure des doses à notre espèce est par ailleurs facilitée par leur taille plus grande que celle des rongeurs.</p>
<p>Cette approche repose sur une étroite collaboration entre chercheurs, vétérinaires, médecins et généticiens. Les données acquises lors des différentes études croisées peuvent ensuite être appliquées aux maladies humaines homologues, avec un intérêt direct pour les deux espèces.</p>
<p>Selon le <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">concept « OneHealth » (une seule santé)</a>, garantir la santé de l’Homme implique de protéger celles de l’animal et des écosystèmes. Dans ce contexte d’interdépendance, nos animaux de compagnie offrent un miroir de notre santé globale. Le chien est le meilleur ami de l’Homme à plus d’un titre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Trouver de bons modèles pour étudier les cancers est complexe. Un de nos plus proches compagnons, le chien, est un « patient » particulièrement pertinent. Avec des bénéfices pour lui et nous.Audrey Rousseau, Professeur en Anatomie Pathologique - Médecin enseignant-chercheur au CHU d'Angers, Université d'AngersMarie-Anne Colle, Professeur en Anatomie pathologique Vétérinaire, directrice de l'UMR PAnTher (UMR 703 INRAE/Oniris), InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2054362023-05-28T15:36:04Z2023-05-28T15:36:04ZMaladies génétiques : comment un champignon comestible pourrait corriger notre ADN<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528570/original/file-20230526-19-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4475%2C2965&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le clitocybe inversé (Lepista inversa) contient une molécule capable de corriger certains types de mutations.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Roodbruine_schijnridderzwammen_(Lepista_flaccida)._22-01-2021_(d.j.b.)_01.jpg">Dominicus Johannes Bergsma / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Mucoviscidose, myopathies, hémophilies… <a href="https://www.plateforme-maladiesrares.org/presentation/les-maladies-rares.html">Les maladies génétiques touchent une personne sur vingt dans le monde</a>. En règle générale, elles apparaissent durant l’enfance, et sont liées à l’absence ou au dysfonctionnement d’une protéine. Leur issue est malheureusement souvent fatale, car les traitements permettant d’y remédier sont encore trop rares.</p>
<p>Nos travaux pourraient cependant ajouter une corde à l’arc des scientifiques qui cherchent à réparer certaines anomalies de l’ADN impliquées dans ces maladies. </p>
<p>Nous avons en effet identifié, dans un champignon commun qui pousse notamment dans les forêts françaises (le clytocybe inversé), une molécule capable <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29131862/">de corriger des mutations particulières appelées mutations « STOP »</a>, non seulement dans des cellules en culture, mais aussi chez la souris. Et peut-être, demain, chez l’être humain… Explications.</p>
<h2>Les mutations « STOP » ou mutations « non sens »</h2>
<p>Parmi les problèmes moléculaires qui peuvent mener au développement d’une maladie génétique figurent notamment certaines mutations particulières appelées mutations « non-sens » ou « STOP ». De telles mutations touchent environ 10 % des patients atteints de maladies génétiques. Or, à l’heure actuelle, aucun traitement ne permet de les soigner, même si quelques pistes thérapeutiques sont à l’étude.</p>
<p>Pour comprendre le problème, penchons-nous brièvement sur notre ADN. Celui-ci compose nos chromosomes ; il peut être considéré comme une longue chaîne constituée d’une succession de plus petites molécules, les nucléotides. Ces « maillons » sont de quatre types, symbolisés par les lettres A (Adénine), T (Thymine), G (Guanine) et C (Cytosine). L’enchaînement de ces quatre nucléotides constitue la « séquence » de l’ADN.</p>
<p>Certaines portions de cette séquence correspondent à des gènes, autrement dit des régions qui contiennent les informations nécessaires à la fabrication de protéines.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pnYNsbCWBLg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En temps normal, la séquence d’un gène permet de produire une protéine qui fonctionne correctement. Mais il arrive que l’ADN soit endommagé ou modifié. Dans certains cas, les modifications de séquence des gènes (ou « mutation ») qui en résulte font que les protéines correspondantes ne peuvent plus être fabriquées correctement. C’est par exemple le cas lorsqu’une mutation « non sens » (aussi appelée mutation « STOP ») est introduite dans l’ADN.</p>
<p>Ce type de mutation fonctionne comme un signal d’arrêt : lorsque le gène muté est utilisé pour produire la protéine correspondante, la fabrication de cette dernière s’interrompt prématurément. Conséquence : soit la protéine n’est pas produite, soit elle est trop courte, et ne fonctionne pas correctement.</p>
<p>Or, les protéines jouent d’innombrables rôles dans notre organisme. Les hormones, les anticorps, les récepteurs cellulaires, les enzymes, entre autres, sont des protéines. Si certaines d’entre elles sont non fonctionnelles, absentes ou anormales, des maladies peuvent donc rapidement survenir.</p>
<h2>Corriger les mutations non-sens grâce à un champignon ?</h2>
<p>Créée en 2003, la <a href="https://chembiofrance.cn.cnrs.fr/fr/composante/chimiotheque">chimiothèque nationale</a> est à la chimie ce que la bibliothèque nationale est à la littérature : une immense collection de plus de 80 000 composés chimiques et 15 000 extraits naturels originaux, mis à la disposition des équipes de recherche.</p>
<p>En 2012, 20 000 extraits de plantes, micro-organismes et champignons issus de cette chimiothèque nationale ont été testés via un protocole permettant d’identifier les composés capables de corriger efficacement les mutations non-sens dans des cellules humaines cultivées en laboratoire.</p>
<p>Ce criblage a permis de détecter une activité correctrice de mutations non-sens intéressante <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29131862/">dans un extrait provenant de <em>Lepista inversa</em> (ou clitocybe inversé)</a>. Ce champignon commun, comestible quoique peu savoureux, peut être ramassé dans les forêts d’Europe, d’Amérique du Nord ou d’Afrique du Nord.</p>
<p>Suite à cette découverte, nous avons entamé une collaboration avec les scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle de Paris (qui avaient initialement préparé cet extrait pour le mettre en collection) afin de purifier la molécule impliquée dans cette activité.</p>
<p>C’est ainsi que nous avons identifié la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7083880/pdf/41467_2020_Article_15140.pdf">2,6-diaminopurine, ou DAP</a>. Étonnamment, cette molécule n’était pas connue pour posséder une telle capacité de correction.</p>
<h2>La DAP, un puissant correcteur de mutations non-sens</h2>
<p>Après avoir purifié la DAP, nous avons comparé son activité à celle d’autres molécules correctrices de mutations non-sens déjà connues. La molécule de champignon s’est montrée bien plus efficace que ses concurrentes pour corriger des mutations dans des cellules en culture.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Schéma de la 2,6-diaminopurine" src="https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528700/original/file-20230528-23-1x5wxe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La 2,6-diaminopurine présente la capacité de corriger les mutations « non-sens »</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/2,6-Diaminopurine">Yikrazuul / Wikimedia Commons</a></span>
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<p>L’étape suivante a été d’évaluer sa toxicité : bonne nouvelle, la DAP ne présente pas ou peu de toxicité sur les cellules en culture. Enfin, il a fallu élucider son mode d’action, autrement dit, la façon dont elle fonctionne. Ce dernier point est très important, car il permet d’anticiper de possibles effets secondaires.</p>
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<p>Nous avons découvert que la DAP inhibe l’activité d’une enzyme qui agit sur la machinerie cellulaire impliquée dans la fabrication des protéines. Sans entrer dans les détails : l’inhibition de cette enzyme a pour conséquence de rendre « lisible » la séquence de mutation « STOP ».</p>
<p>En absence de DAP, une telle séquence est perçue comme un signal d’arrêt par la machinerie cellulaire qui fabrique les protéines. Mais après l’ajout de DAP, la machinerie cellulaire qui fabrique les protéines n’est plus arrêtée par la présence d’une séquence « STOP ».</p>
<p>Point particulièrement intéressant, ce mécanisme fonctionne seulement lorsque la séquence « STOP » résulte d’une mutation. Les « stops » physiologiques, qui sont normalement présents à la fin des séquences destinées à produire les protéines, ne sont pas affectés par la DAP. La production des protéines « normales » ne devrait donc pas être modifiée.</p>
<p>Après ces premières recherches menées sur des cellules en culture, nous avons poursuivi l’étude de cette molécule. Nous avons notamment cherché à savoir si elle pouvait corriger des mutations non-sens responsables d’une maladie génétique, la mucoviscidose.</p>
<h2>La DAP comme approche thérapeutique de la mucoviscidose</h2>
<p>La mucoviscidose est une maladie génétique rare qui touche principalement les voies respiratoires et le système digestif. En France, et plus généralement dans les pays occidentaux, c’est l’une des maladies génétiques les plus fréquentes. Elle affecte environ <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">6000 personnes dans notre pays, où 200 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année</a>.</p>
<p>La mucoviscidose est due à une mutation du gène qui permet de fabriquer la protéine CFTR. Présente dans la membrane des cellules de diverses muqueuses (muqueuse respiratoire, muqueuse digestive…), CFTR forme un canal qui permet la sécrétion d’ions chlorure vers l’extérieur des cellules. Chez les personnes atteintes de mucoviscidose, ce canal dysfonctionne.</p>
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<img alt="Photo d’une mère aidant un jeune enfant doté d’une chambre d’inhalation à l’utiliser." src="https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528701/original/file-20230528-189676-31uypm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les poumons des malades atteints de mucoviscidose sont peu à peu détruits par une inflammation anormale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>En conséquence, les cellules sécrètent moins de chlorure et, surtout, moins d’eau. Moins hydraté, le mucus qui recouvre les muqueuses devient visqueux, collant, et ne remplit plus correctement sa fonction de protection vis-à-vis des microbes. Bactéries et champignons restent piégés dans les bronches, ce qui provoque des infections répétées et une inflammation durable qui dégrade peu à peu les poumons, entraînant des difficultés à respirer et, à terme, le décès des malades.</p>
<p>Avec l’aide de l’association <em>Vaincre la mucoviscidose</em>, nous avons dans un premier temps évalué le potentiel thérapeutique de la DAP sur des cellules en culture.</p>
<p>Nos résultats ont révélé que l’ajout de DAP corrige effectivement les mutations non-sens présentes dans le gène CFTR de telles cellules et permet de restaurer la fonction de la protéine correspondante. Sur des cellules de patients atteints de mucoviscidose due à une mutation non-sens, le rétablissement de la fonction de CFTR a été observé en moins de 24 heures.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mucoviscidose-pourquoi-les-femmes-sont-elles-plus-vulnerables-que-les-hommes-195467">Mucoviscidose : Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables que les hommes ?</a>
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<p>L’étape suivante a consisté à tester la capacité de la molécule à corriger les mutations non-sens au sein d’une organisation cellulaire s’approchant de celle d’un organe.</p>
<h2>Des résultats encourageants</h2>
<p>Grâce à une collaboration avec l’équipe de Jeff Beekman, aux Pays-Bas, nous avons pu tester la DAP sur des <a href="https://www.inserm.fr/actualite/organoides-quelle-place-dans-recherche-demain/">organoïdes intestinaux</a>.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/les-compagnons-biologiques-un-atout-pour-la-medecine-du-futur-109304">« mini-organes »</a> sont des assemblages de cellules dont l’organisation rappelle celle de l’organe dont ils sont issus (dans notre cas, l’intestin, car les cellules utilisées dérivaient de cellules issues d’une biopsie rectale). L’intérêt est d’obtenir une architecture et des fonctionnalités proches de celle de l’organe originel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C175%2C1146%2C785&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252235/original/file-20190102-32133-1nzat8f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Organoïde intestinal cultivé à partir de cellules souches Lgr5+</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.1002149">Meritxell Huch</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’ajout de DAP dans le milieu de culture de ces organoïdes a permis, là encore, de restaurer la fonction de la protéine CFTR. Et ce, avec une efficacité comparable à celle d’un médicament déjà utilisé pour traiter des patients atteints de formes de mucoviscidose dues à un autre type de mutation que des mutations non-sens.</p>
<p>Ce résultat corrobore l’hypothèse que la DAP pourrait constituer un candidat médicament pertinent pour le traitement des mucoviscidoses liées à des mutations non-sens.</p>
<p>Enfin, pour se rapprocher encore davantage de la physiologie rencontrée chez les patients, nous avons effectué des expérimentations chez la souris.</p>
<h2>La DAP est aussi efficace chez l’animal</h2>
<p>Chez ce rongeur, l’absence de protéine CFTR conduit à une forte mortalité non seulement durant la gestation, mais aussi pendant les premiers jours qui suivent la naissance.</p>
<p>En nourrissant quotidiennement avec de la DAP, trois jours durant, des souris adultes porteuses d’une mutation non-sens dans le gène CFTR, nous avons montré que nous effacions les conséquences de cette dernière : ce traitement a en effet permis de <a href="https://www.cell.com/molecular-therapy-family/molecular-therapy/fulltext/S1525-0016(23)0 0014-X">restaurer la production et la fonction de la protéine CFTR</a>.</p>
<p>De manière encore plus remarquable, ces travaux ont révélé qu’il est possible de restaurer l’expression et la fonction de CFTR chez le fœtus, en administrant de la DAP à une femelle gestante. À la naissance, la protéine CFTR était présente chez les souriceaux, et le pourcentage de souris porteuses de la mutation correspondait au pourcentage attendu pour une mutation non mortelle. Ces résultats indiquent que la DAP est donc capable de passer la barrière du placenta.</p>
<p>Nous nous sommes aussi aperçus que nous pouvions prolonger l’exposition des petits après la naissance en poursuivant le traitement de la mère. En effet, la DAP passe aussi dans le lait maternel. Les souriceaux sont donc exposés à la molécule pendant toute la période d’allaitement.</p>
<p>Enfin, la DAP est également connue pour sa capacité à traverser la barrière hémato-encéphalique, qui protège le cerveau, ce qui laisse entrevoir la possibilité de l’utiliser afin de traiter des mutations non-sens dans cet organe.</p>
<p>Ce type d’intervention n’est cependant pas encore à l’ordre du jour : plusieurs étapes restent à franchir avant de pouvoir envisager d’utiliser la DAP comme médicament chez l’être humain.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>On peut aujourd’hui raisonnablement considérer la DAP comme une candidate solide pour la mise au point d’un traitement des formes de mucoviscidose dues aux mutations non-sens. Cependant, elle ne peut pas encore être administrée en l’état à l’être humain. Avant d’en arriver là, deux étapes majeures doivent encore être franchies.</p>
<p>Il faudra tout d’abord trouver une formulation pharmacologique qui permettra de rendre la DAP facilement administrable, et qui optimisera sa distribution dans l’organisme au cours du traitement.</p>
<p>Surtout, il faudra tester sa toxicité potentielle chez l’animal et l’être humain. Des tests réglementaires permettront de déterminer si la DAP peut entrer en <a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">phase d’essais cliniques</a> (durant laquelle elle sera administrée à des patients) ou si elle est au contraire trop dangereuse pour être administrée aux malades.</p>
<p>Ces deux étapes nécessitant des budgets très importants, elles seront entreprises par une jeune start-up, Genvade Therapeutics.</p>
<p>Jusqu’à présent, seules deux molécules correctrices de mutations non-sens ont atteint la phase des essais cliniques (ataluren et ELX-02). Malheureusement, ni l’une ni l’autre n’a permis d’améliorer significativement les symptômes des patients. Une des raisons avancées pour expliquer cet échec est que l’efficacité de ces molécules pourrait être trop faible pour se traduire par un bénéfice thérapeutique.</p>
<p>La DAP présente toutefois un profil plus prometteur, puisque son efficacité est très largement supérieure à celle de ces composés. Si les espoirs qu’elle soulève s’avèrent fondés, elle pourrait en théorie être utilisée pour traiter d’autres maladies génétiques, comme la myopathie de Duchenne ou l’hémophilie par exemple. Mais pour cela, de nombreux travaux complémentaires seront nécessaires.</p>
<p>Une chose est certaine : quelle que soit l’issue de ces recherches, elles auront été riches d’enseignements. Elles nous auront notamment rappelé que la biodiversité qui nous entoure est une richesse à préserver. En effet, qui aurait pu prévoir qu’un champignon aussi banal que le clitocybe inversé abritait une molécule potentiellement capable de corriger notre ADN ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205436/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Lejeune est fondateur de la start-up Genvade Therapeutics. Fabrice Lejeune a reçu des financements de Vaincre la mucoviscidose, la Fondation maladies rares, la Fondation les Ailes, l'Agence Nationale de la Recherche et l'AFM-Téléthon. De plus, le laboratoire a reçu un financement du Contrat Plan Etat Région 2015-2020. </span></em></p>En cuisine, le clitocybe inversé, un champignon comestible de nos forêts, est médiocre. Mais son intérêt est ailleurs : capable d’agir sur l’ADN, il pourrait un jour soigner des maladies génétiques.Fabrice Lejeune, Chercheur Inserm au sein du laboratoire CANcer Heterogeneity, Plasticity and Resistance to THERapies (Inserm/ CNRS/ Université de Lille/Institut Pasteur de Lille/CHU Lille), Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954672023-01-24T19:08:49Z2023-01-24T19:08:49ZMucoviscidose : Pourquoi les femmes sont-elles plus vulnérables que les hommes ?<p>Les recherches sur la mucoviscidose ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie des patients atteints par cette grave maladie. En 1945, avant le début de la prise en charge des patients, l’âge médian de survie était de 4 à 5 ans, <a href="https://www-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/pmc/articles/PMC9004282/">il est progressivement passé à 20 ans dans les années 1980, et il est aujourd’hui de 50 ans</a>.</p>
<p>Malheureusement, tous les patients ne sont pas égaux devant la maladie : certains ne sont pas éligibles aux nouvelles thérapies, d’autres ne réagissent pas aux traitements de la façon attendue… Par ailleurs, la <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02110-0">mortalité des femmes demeure aujourd’hui encore plus élevée que celle des hommes</a> : <a href="https://openres.ersjournals.com/content/7/1/00475-2020#ref-6">leur espérance de vie est de 49 ans en moyenne, contre 56 pour les hommes</a>. Pourquoi les deux sexes n’ont-ils pas les mêmes chances face à la maladie ?</p>
<p>Nos recherches à l’Institut Mondor de recherche biomédicale, à Créteil, visent notamment à répondre à cette question. Nous avons récemment découvert une nouvelle piste qui pourrait expliquer, au moins en partie, l<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">a plus grande vulnérabilité des femmes malades par rapport aux hommes</a>.</p>
<h2>L’inflammation, un problème central dans la mucoviscidose</h2>
<p>Nos travaux ont révélé que certaines molécules intervenant dans l’interruption de l’inflammation sont fabriquées en quantité insuffisantes par les cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose. Pour comprendre le rôle de l’inflammation dans la maladie, attardons-nous un instant sur ses causes.</p>
<p>En France, 6000 personnes environ sont actuellement touchées par la mucoviscidose, et chaque année, environ 200 enfants atteints naissent atteints de cette maladie génétique héréditaire. Cette affection <a href="https://theconversation.com/resoudre-le-casse-tete-de-la-mucoviscidose-et-de-ses-traitements-une-percee-digne-dun-prix-nobel-175486">concerne principalement les poumons, mais elle atteint aussi d’autres organes</a>, dont ceux de l’appareil digestif, et <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">l’appareil reproducteur</a>.</p>
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<p>Elle est causée par une anomalie du gène CFTR, qui permet normalement de fabriquer une protéine « canal » située dans la membrane cellulaire des muqueuses (respiratoires, digestives…). Ce canal est responsable de la sécrétion d’ions chlorure vers l’extérieur des cellules. Chez les personnes atteintes de mucoviscidose, ce passage dysfonctionne. Conséquences : les cellules sécrètent moins de chlorure et surtout moins d’eau, notamment à la surface des voies respiratoires.</p>
<p>Ce manque d’eau a d’importantes conséquences. En effet, en temps normal, les voies respiratoires sont recouvertes d’une fine couche de liquide et de mucus, laquelle permet d’éliminer des microbes entrés dans l’organisme par le nez ou par la bouche. Lorsque cette couche est déshydratée, le mucus devient visqueux et collant. Il ne remplit plus correctement sa fonction, c’est pourquoi chez les patients atteints de mucoviscidose, bactéries et champignons restent donc piégés dans les bronches.</p>
<p>Les infections répétées qui résultent de cette situation ont pour conséquence l’installation d’une inflammation durable dans les poumons, ce qui conduit à leur dégradation progressive. Cette inflammation persistante est responsable des difficultés à respirer et, à terme, du décès des malades.</p>
<h2>Quand l’inflammation devient néfaste</h2>
<p>La réponse inflammatoire est habituellement protectrice. Elle défend l’organisme contre une agression, une infection, un traumatisme, une blessure… Une fois cette mission accomplie, en principe, <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/05/14/inflammation-mieux-vaut-stimuler-sa-resolution-qu-empecher-son-declenchement_5461833_1650684.html">elle s’interrompt spontanément</a>, on dit qu’elle se « résout ». C’est lorsque l’inflammation persiste, comme dans la mucoviscidose, qu’elle pose un problème de santé. </p>
<p>Plutôt que d’empêcher le déclenchement de l’inflammation, une piste thérapeutique pleine de promesses consiste à stimuler la résolution de l’inflammation. Cette dernière est orchestrée par diverses molécules appelées lipoxines, résolvines, marésines et protectines. Elles appartiennent toutes à la grande famille des <em>specialized pro-resolving mediators</em> (ou SPM), découverte dans les années 2000 par le <a href="https://dms.hms.harvard.edu/people/charles-n-serhan-1">scientifique Charles Serhan, chercheur à Harvard Medical School</a>. </p>
<p>Ces « soldates du feu » sont très importantes pour éteindre l’incendie de l’inflammation au sein de notre organisme. Elles interviennent aussi dans la réparation des tissus qui ont été endommagés pendant la phase aiguë de l’inflammation.</p>
<p>On l’a vu, chez les personnes atteintes de mucoviscidose, l’épaississement du mucus aboutit à une augmentation de l’inflammation. Mais cette inflammation plus importante n’est pas la seule explication de la maladie. En effet, chez les malades, la réaction inflammatoire est, de plus, inefficace et disproportionnée ; elle est même quelquefois observée en absence d’infection microbienne.</p>
<p>Les observations réalisées par notre équipe de recherche pourraient expliquer cette situation. Nous avons en effet notamment montré que plusieurs membres de la famille des molécules de la résolution de l’inflammation <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">sont produits en quantité plus faibles</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15034576/">chez les personnes atteintes de mucoviscidose</a> <a href="https://erj.ersjournals.com/content/44/2/394">que chez les autres</a>.</p>
<h2>Pourquoi hommes et femmes sont-ils inégaux face à la mucoviscidose ?</h2>
<p>Plusieurs études ont par ailleurs démontré que, dans la population générale (donc chez des personnes qui ne sont pas atteintes par la mucoviscidose), les <a href="https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/27893465/https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/23327902/">femmes produisent plus de SPMs que les hommes</a>. Ce constat pourrait expliquer en partie leur longévité supérieure à celle des hommes (en 2022, <a href="https://www.statista.com/statistics/460418/france-life-expectancy-by-gender/">l’espérance de vie des femmes à la naissance est de 85,5 ans contre 79,4 ans pour les hommes</a>).</p>
<p>Le dépistage systématique de la mucoviscidose à la naissance a révélé que les nombres de nouveau-nés masculins et féminins atteints de mucoviscidose sont similaires. Cependant, les jeunes patientes développent une maladie pulmonaire plus précoce et plus sévère que les garçons. Cette situation fait que l’espérance de vie des femmes atteintes de mucoviscidose est plus faible que celle des hommes, à l’inverse de ce qui est observé dans la population générale.</p>
<p>Les raisons de ces différences sont encore mal comprises, mais nos travaux ont révélé que les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2022.915261/full">cellules respiratoires des femmes atteintes de mucoviscidose produisent moins de SPMs que celles des hommes</a>, ce qui pourrait constituer un début d’explication. Nous cherchons maintenant à identifier les mécanismes moléculaires impliqués dans cette anomalie, avec l’espoir de mettre au jour de nouvelles pistes thérapeutiques.</p>
<p>Ces travaux pourraient également permettre de mieux comprendre la situation d’autres patients, car l’étude des molécules de la résolution de l’inflammation présente un intérêt qui s’étend bien au-delà de la seule mucoviscidose. En effet, des anomalies les concernant ont également été constatées dans d’autres maladies : maladies inflammatoires chroniques comme la périodontie (inflammation des gencives), sclérose en plaques, maladies cardio-vasculaires, asthme sévère, ou Covid-19 sont notamment concernées. En outre, en vieillissant, l’organisme produit de moins en moins de SPMs, ce qui contribue à la vulnérabilité des personnes plus âgées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les travaux de recherche de Valerie Urbach sont financés par l'Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale (INSERM) ainsi que par les associations de patients Vaincre la Mucoviscidose et l'Association Gregory Lemarchal </span></em></p>La durée de vie moyenne des femmes atteintes de mucoviscidose est de 49 ans, contre 56 ans pour les hommes. Pourquoi une telle différence ? La réponse pourrait se trouver du côté de l'inflammation.Valerie Urbach, Chargée de recherche, chercheur, INSERM, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959552022-12-07T16:43:16Z2022-12-07T16:43:16ZConversation avec Guillaume Vogt : « Pour faire avancer la génétique, arrêtons de jeter les génomes après une seule analyse »<p><em>Intervenant aux <a href="https://www.tribunesdelapresse.org/">Tribunes de la presse 2022</a> à Bordeaux, Guillaume Vogt, généticien à l’Inserm et docteur en génétique humaine (UMR Inserm 1283), explique comment un service français de test ADN, aujourd’hui interdit, pourrait voir le jour.</em></p>
<hr>
<p><strong>Pourquoi avons-nous besoin de chercher en permanence nos origines ? Existe-t-il un fantasme au sujet des tests ADN ?</strong></p>
<p><strong>Guillaume Vogt :</strong> Je ne crois pas que ce soit un fantasme. Il existe des gens qui désirent connaître leurs origines pour des raisons variées, comme découvrir ses parents biologiques, un apparenté ou encore connaître ses origines ethniques. Les passionnés de généalogie peuvent également être fascinés par le fait de pouvoir remonter plus de 200 ans en arrière, se découvrir des aînés jusqu’aux rois de France. Il existe cette possibilité de faire des tests ADN pour pas cher avec la certitude d’apprendre quelque chose.</p>
<p>Évidemment, certains tests sont de mauvaise qualité. Des erreurs sont toujours possibles, et les résultats peuvent varier en fonction des banques des données. Les résultats sur les origines ethniques sont relatifs car ils sont autodéclaratifs et dépendent de la représentativité des origines ethniques contenues dans les banques. Aujourd’hui, les clients sont majoritairement caucasiens et très peu africains, avec certains marqueurs génétiques peu ou pas représentés dans les banques de données, ce qui crée déjà un biais en soi.</p>
<h2>Quelles sont les principales critiques que vous faites au système américain ?</h2>
<p><strong>G.V :</strong> Les tests ADN sont autorisés aux États-Unis et font l’objet d’un marché important incarné par les sociétés de biotechnologie <em>MyHeritage</em> et <em>23andme</em>. En France, la revente de données génétiques est interdite. Malgré tout, ces sociétés livrent des kits en France, permettant à des citoyens de faire des tests ADN sans être inquiétés.</p>
<p>Or, d’un point de vue médical, ces tests proposés par le marché américain sont de très mauvaise qualité. Ils ne regardent que certaines variations génétiques et la multiplicité des conditions rend les tests salivaires peu fiables, même quand les variations sont très connues. Par exemple, cela peut devenir très grave quand il s’agit de déclarer à la personne testée si elle n’a pas de prédisposition au cancer, alors qu’en réalité elle en a une. La société <em>23andme</em> ne détecte que cinq des mutations du cancer du sein les plus fréquentes alors qu’il en existe des centaines. Contrairement à la France, aux États-Unis comme dans n’importe quel autre pays, vous devez payer vos frais médicaux et cela crée des situations d’autant plus problématiques.</p>
<p>En revanche, les biobanques américaines autorisent la comparaison des données entre elles pour identifier des personnes, à partir du moment où le client donne son accord lors du test. En France, cette pratique est, à l’inverse, interdite, ce qui altère l’efficacité de la recherche.</p>
<p><strong>Vous défendez la création d’un modèle à la française et avez développé <em>e-CohortE</em>, quels sont les enjeux d’un tel projet ?</strong></p>
<p><strong>G.V :</strong> <em>e-CohortE</em> est avant tout un protocole de recherche qui permet d’analyser le génome d’un individu à partir d’un questionnaire très dense. Cet individu va signer un formulaire de consentement, non plus pour une finalité précise et réduite à un seul objectif, mais autant de thématiques auxquelles il désirait répondre permettant le traitement de son génome entier en faveur d’une recherche plus large. À ce jour, comme la finalité est unique en France, nous n’avons pas le droit de rechercher une autre finalité sur le génome obtenu qui terminera donc à la poubelle, alors qu’il pourrait servir a d’autres chercheurs.</p>
<p>Pour faire avancer la génétique, il faut considérer que toute recherche est bonne et conserver les génomes au lieu de les jeter. Le projet <em>e-CohortE</em> vise à proposer à l’individu de recevoir régulièrement des questions de différents instituts pour faire avancer la recherche fondamentale en génétique. Si plusieurs individus passent du temps à répondre à des questionnaires divers et variés, cela aidera considérablement la science et permet de découvrir l’implication des gènes dans telle ou telle caractéristique humaine.</p>
<p>Ce projet est d’autant plus intéressant qu’il assure au médecin de conserver un lien avec son patient et de le recontacter pour d’autres études. Il s’agit d’une dimension que l’on ne retrouve pas dans les hôpitaux par exemple. L’intérêt est que si un patient accepte une étude sur le cancer, il ne sera pas surpris d’être contacté pour une étude sur la Covid-19. Ce dernier peut décider de ne pas répondre à toutes les questions, et peut éventuellement retirer son consentement.</p>
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<p>Ce lien est important puisqu’avec <em>e-CohortE</em>, nous allons pouvoir aider certaines personnes à qui nous avons détecté une maladie rare, du diabète ou encore un cancer, en mettant en place des moyens de surveillance. Beaucoup de détracteurs disent que certains ne veulent pas savoir s’ils sont atteints d’une maladie. Pour ma part, je considère que c’est au libre arbitre de chacun, et qu’il faut donner aux individus l’opportunité de décider. Enfin, il y a une possibilité de le faire à moindre coût, puisqu’<em>e-CohortE</em> a pour but d’être développé au travers de protocoles de recherches qui sont déjà financés. En France nous faisons déjà de la recherche de haute qualité mais monothémathique et coûteuse, et là nous passerions au protocole multithématiques grâce à e-CohortE.</p>
<h2>Le système français bloque-t-il ces progrès ?</h2>
<p><strong>G.V :</strong> Le monde entier considère que les tests génétiques ne sont qu’une information supplémentaire, une sorte de radiographie ou d’un marqueur sanguin. Cela représente une donnée comme une autre, sauf en France et en Pologne.</p>
<p>En France, l’article 16.1 et 16.10 du code civil interdit de vendre les organes du corps humain et donc de son ADN. Mais les tests ADN ne sont pas à proprement parler interdits en France, l’article 16.10 [qui garantit que l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne ne peut être entrepris qu’à des fins médicales ou scientifiques, <em>ndlr</em>]. Il n’est donc pas utile de modifier la loi pour faire e-CohortE car la modifier ouvrirait la possibilité aux entreprises étrangères de piller en quelques années nos données génétiques. Car les entreprises françaises ne pourraient pas se faire de place, du jour au lendemain, à côté des géants américains déjà rodés. Mais la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) bloque cette pratique multithématique « d’étudier le génome au travers de questionnaires ».</p>
<p>Pourtant, le fait que de nombreux Français se fassent déjà tester prouve qu’il existe une certaine tolérance envers cette pratique. Ils ne s’opposeraient pas à l’utilisation des données à des fins scientifiques. Ce qui, par ailleurs, est déjà le cas en France. Depuis la loi Jardé de 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, lorsque vous allez dans un hôpital, toutes vos données peuvent être utilisées pour la recherche si vous ne vous y opposez pas. Ce qui est dommage, c’est l’utilisation d’un génome, sans en avoir informé la personne concernée, pour ensuite le jeter.</p>
<h2>Où en est aujourd’hui le projet e-CohortE ?</h2>
<p><strong>G.V :</strong> Nous avons trouvé un promoteur public et nous allons de nouveau soumettre notre projet à la CNIL. Dans le cas d’un refus, il restera le Conseil d’État, mais il est probable qu’il existe un certain consensus entre ces deux organismes. Or, le Conseil d’État ou la CNIL peut statuer sur de nombreux points. Elle peut décider de notre consentement, dire que nous n’avions pas le droit et donc refuser que des potentiels patients donnent des informations dans le cadre du soin. Malheureusement, le protocole de <em>e-CohortE</em> avait été accepté en 2018 sans qu’il n’y ait de suite.</p>
<p>La Covid-19 a exposé les failles du système en place et a montré que la gestion des données génétiques était trop monothématique. Dans le cas de cette crise sanitaire, cela a conduit à de véritables dérives éthiques. Je pense aux plans nationaux qui visaient à contacter massivement les personnes de cohortes nationales (dont des personnes âgées) pour savoir si elles avaient la Covid-19, car on disposait de leurs données pour une autre thématique (nutrition, cancer…). Si <em>e-CohortE</em> avait été opérationnel durant cette période, les recherches auraient été plus faciles. Je ne cherche pas à remplacer la totalité du système actuel, mais à trouver une nouvelle catégorie de patients qui prendraient le temps de nous répondre pour faciliter la recherche. La création embryonnaire actuelle du dispositif « Mon espace santé », pourrait accueillir un consentement de <em>e-CohortE</em>, par exemple.</p>
<p>Nous privilégions actuellement un système coûteux dans les hôpitaux qui refusent d’utiliser un consentement express en faveur de la non-opposition qui empêche une réutilisation des exomes ou des génomes dans le cadre du soin.. Avec <em>e-CohortE</em>, les patients auraient l’assurance que leurs génomes ne seraient pas utilisés de n’importe quelle façon, et la communication avec eux serait totalement transparente.</p>
<hr>
<p><em>Propos recueillis par Arthur Picard et Emma Guillaume, étudiant·e·s en master de journalisme professionnel à l’Institut de journalisme de Bordeaux Aquitaine (IJBA) dans le cadre des Tribunes de la presse dont The Conversation France est partenaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195955/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En France, les tests génétiques sont très encadrés et permettent seulement de rechercher une pathologie par test. Pourquoi ne pas réutiliser ces données pour faire avancer d’autres études ?Guillaume Vogt, Chercheur en génétique humaine, InsermMarie-Christine Lipani, Maitre de conférences en Sciences de l’Information et de la Communication habilitée à diriger des recherches à l'Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA), Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1663612022-02-15T17:24:32Z2022-02-15T17:24:32ZImages de science : la dynamique des mitochondries éclairée par la microscopie à fluorescence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444347/original/file-20220203-25-12pwkdh.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2399%2C2072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réseau mitochondrial d'une cellule humaine en division. ADN nucléaire en bleu, mitochondries en violet, nucléoides ou ADN mitochondrial en vert.
Le cadre en bas à droite montre un détail après traitement de l'image et modélisation 3D par Imaris (Oxford Instruments) qui permet de quantifier le nombre et la distance entre les nucléoides. Barre d'échelle 5 micromètres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://vimeo.com/588750267">Charlène Lhuissier & Arnaud Chevrollier</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Obtenue par microscopie à fluorescence, cette cellule humaine a été marquée pour visualiser son <em>noyau</em> en bleu, ses <em>mitochondries</em> en violet et ses <em>nucléoides</em> en vert. Cette image (tirée d’une vidéo consultable <a href="https://vimeo.com/manage/videos/588750267">ici</a>) illustre la complexité d’une cellule et de ses composants nécessaires à la transmission de l’information génétique. Cette connaissance est nécessaire pour proposer des pistes thérapeutiques à certaines maladies génétiques.</p>
<p>Précisons : le noyau referme l’ADN, des millions de séquences génétiques qui peuvent se compacter et former les chromosomes (en bleu). Ces séquences portent l’information indispensable à la synthèse de nos composants cellulaires, les gènes.</p>
<p>Cependant, le noyau n’est pas le seul à héberger de l’information génétique : des centaines d’exemplaires d’un petit ADN circulaire se trouvent au cœur des mitochondries (en violet), les centrales énergétiques des cellules. Ces structures membranaires en forme de tube plus ou moins longues, souvent connectées entre elles, ont en effet leur propre matériel génétique, l’ADN mitochondrial (en vert). Ce génome mitochondrial, qui prend le nom de nucléoide lorsque l’on prend en compte les protéines qui lui sont associées, ne porte que quelques gènes. Mais ceux-ci sont indispensables à la machinerie de production d’énergie indispensable au bon fonctionnement des cellules (et au-delà de l’organisme). Impossible donc de s’en passer !</p>
<p>Ainsi, des maladies neuromusculaires sévères, des <a href="https://www.afm-telethon.fr/myopathie-mitochondriale-1376">myopathies</a> et des atteintes neurodégénératives ont pour origine des <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2010/09/medsci20102610p836/medsci20102610p836.html">mutations de la séquence de l’ADN mitochondrial ou une disparition des nucléoides</a></p>
<p>Normalement, lorsque l’ADN mitochondrial subit des mutations, la mitochondrie endommagée est isolée des autres, puis éliminée par le service-qualité des mitochondries : c’est ce qu’on appelle la mitophagie. Dans le cas contraire, les mutations s’accumulent : lorsque le taux d’ADN mitochondrial muté dépasse le taux d’ADN mitochondrial sain, la pathologie se met en place, et les symptômes cliniques apparaissent. Il est donc essentiel de comprendre comment la cellule détecte et active cette élimination. À Angers, au sein de notre équipe <a href="http://mitovasc.univ-angers.fr/en/research/research-themes.html">Mitolab</a>, nous explorons les pathologies de la dynamique des mitochondries pour mieux comprendre les défauts de maintenance de l’ADN mitochondrial.</p>
<h2>Les mitochondries, des structures dynamiques</h2>
<p>En effet, les données de microscopie fluorescente ont montré que les mitochondries sont des structures extrêmement dynamiques, en constant remodelage par des évènements de fission, de fusion et de changements de forme. La dynamique mitochondriale contrôle ainsi la distance entre chaque nucléoide et permet leur distribution homogène au sein des mitochondries.</p>
<p>De plus, les mitochondries elles-mêmes sont mobiles et se déplacent dans la cellule. La dynamique des mitochondries assure ainsi les échanges de contenu énergétique et positionne la machinerie de production d’énergie au site d’utilisation. Pour illustrer, prenons l’exemple du neurone, une cellule du système nerveux avec un très grand prolongement dont l’extrémité transmet le signal au neurone suivant. Les mitochondries qui sont produites dans le corps de la cellule doivent migrer dans ces longs prolongements pour assurer la production d’énergie au niveau de l’extrémité. Au niveau cellulaire, les mitochondries ne sont d’ailleurs pas les seules structures à bouger et se remodeler : des vésicules membranaires, chargées d’assurer le contrôle qualité des composants, patrouillent également à la recherche d’éléments défectueux.</p>
<p>Observer le comportement des mitochondries au sein des cellules ou la distribution des nucléoides dans différents modèles de mitochondries mutées nous permet d’établir des tests pour améliorer le contrôle-qualité des mitochondries et prévenir des pathologies. Nous étudions ainsi des cellules de patients souffrant de maladie mitochondriale présentant un pourcentage différent d’ADN mitochondrial muté. L’efficacité du système d’élimination des mitochondries endommagées est évaluée par des techniques de microscopie avec des marqueurs spécifiques. Plusieurs approches pharmacologiques et génétiques sont en développement pour contrôler ce système de contrôle-qualité, et favoriser le maintien de l’ADN mitochondrial.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166361/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Chevrollier a reçu des financements de l'Université d'Angers et du Centre Hospitalier Universitaire d'Angers. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charlène Lhuissier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’ADN mitochondrial est indispensable à l’activité de nos cellules. Étudier les processus qui garantissent son intégrité permet de mieux connaître les pathologies qui en découlent.Arnaud Chevrollier, Maître de conférences en biochimie, biologie moléculaire et bioinformatique, Université d'AngersCharlène Lhuissier, Doctorante de l'équipe MitoLab, CNRS UMR 6015, INSERM U1083, MitoVasc, CHU d'Angers, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1683132021-11-15T20:45:24Z2021-11-15T20:45:24ZComment la découverte du gène responsable de la mucoviscidose a transformé la prise en charge de la maladie<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 15 novembre 2021 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>La mucoviscidose a été longtemps considérée comme la plus fréquente des maladies génétiques graves de l’enfant dans les populations d’origine européenne. En France, aujourd’hui, 6 500 personnes <a href="https://www.vaincrelamuco.org/sites/default/files/registre_2019_vf.pdf">sont atteintes de mucoviscidose</a> et la maladie touche environ une naissance sur 5 000 dans notre population (soit environ <a href="https://www.inserm.fr/dossier/mucoviscidose/">200 naissances par an</a>. Toute la gravité de la mucoviscidose est liée à l’atteinte pulmonaire se traduisant par une insuffisance respiratoire chronique. L’espérance de vie à la naissance est aujourd’hui de 40 ans environ.</p>
<p>La découverte du gène responsable, le gène CFTR, en septembre 1989, est un moment qui restera à tout jamais fondateur dans l’histoire de la maladie.</p>
<h2>Une découverte fondatrice</h2>
<p>Je me souviens encore du congrès Nord-Américain de la mucoviscidose à Tampa en Floride en octobre 1989, où les découvreurs du gène Lap-Chee Tsui, John Riordan et Francis Collins ont présenté les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2570460/">résultats de leurs travaux</a>. Il s’en est suivi d’une standing ovation d’une heure portée par les trois mille congressistes présents, et c’est peu dire l’émotion énorme de la collectivité médicale et scientifique. On changeait de monde. Après ce <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2475911/">tour de force génétique</a>, on allait enfin comprendre cette maladie, mieux la diagnostiquer et pouvoir envisager des thérapies spécifiques.</p>
<p>Pendant ce congrès de Tampa se mettait en place, sous l’initiative de Lap-Chee Tsui, un <a href="http://www.genet.sickkids.on.ca/app">Consortium International d’étude des mutations du gène</a> regroupant 80 laboratoires essentiellement situés aux États-Unis et en Europe.</p>
<p>Ce consortium a réalisé un travail exemplaire d’identification des mutations du gène en partageant en temps réel (par fax à l’époque) les informations découvertes par ses différents laboratoires. Ce modèle de fonctionnement exemplaire de travail collaboratif à l’échelle mondiale a servi d’exemple pour l’étude de nombreux gènes qui ont été identifiés dans les années 1990.</p>
<h2>Une pathologie génétiquement déterminée</h2>
<p>Quelles leçons retenir de ces travaux 32 ans après la découverte du gène ?</p>
<p>Tout d’abord il existe déjà une mutation très fréquente dans le gène CFTR (une petite délétion appelée « Delta F 508 »), survenue probablement <a href="http://hdl.nature.com/10101/npre">à l’âge de bronze dans les populations de nord-ouest de l’Europe</a>.</p>
<p>Mais elle n’est pas la seule : grâce à un travail collectif international, ont également été rapportées, de façon inattendue, plus de 2 000 autres mutations – témoignant de l’extrême variabilité des anomalies possibles.</p>
<p>Leur étude a permis de faire un lien entre les différentes formes déjà connues de la maladies (appelées « phénotypes ») et les différentes versions du gène. Ces 2000 mutations ont ainsi pu être organisées en six classes, en fonction de leur impact sur la fonction de la protéine, et les mutants associés aux formes sévères et modérées identifiés.</p>
<p>De quoi démontrer que la mucoviscidose est un modèle remarquable de pathologie génétiquement déterminée. Et illustrer, pour la première fois dans l’histoire de la médecine, le lien que l’on peut faire entre un gène et ses variations et l’expression d’une maladie.</p>
<p>C’est aussi la preuve que certaines variations dans un gène peuvent conduire à l’expression d’autres phénotypes, d’autres affections. On savait en effet que les hommes atteints de mucoviscidose étaient stériles, du fait de l’absence au sein de leur appareil reproducteur de canaux déférents (ou spermiducte, qui permettent aux spermatozoïdes de sortir des testicules) : on a pu montrer que la forme la plus fréquente de stérilité masculine, là encore par absence de ces canaux déférents, était associée à certaines mutations du gène CFTR.</p>
<p>Ceci illustre parfaitement que la connaissance de notre génome nous a permis de décrypter et de revisiter les bases génétiques de certaines maladies.</p>
<h2>Diagnostic précoce et meilleure prise en charge</h2>
<p>Cette connaissance fine du gène CFTR, en plus d’une meilleure compréhension de la maladie et de ses différentes formes, a eu par ailleurs deux autres impacts majeurs.</p>
<p>Tout d’abord au niveau du dépistage néonatal, avec l’association du dosage de la trypsine (une molécule enzymatique dont la présence dans le sang est associée à un risque de mucoviscidose), la recherche des principales mutations du gène ainsi que le test de dépistage systématique à la naissance mis en place dans presque tous les pays européens, aux États-Unis et en Australie. Le diagnostic de la maladie est ainsi posé très précocement, permettant une prise en charge rapide et un accès au conseil génétique – avec un recours possible au diagnostic anténatal, si besoin pour les grossesses ultérieures.</p>
<p>Ensuite, la connaissance des mutations et de leur impact sur le fonctionnement normal de la protéine CFTR a ouvert une ère nouvelle grâce à la découverte des médicaments dits « modulateurs » agissant spécifiquement sur certaines d’entre elles. Ces médicaments ont révolutionné la prise en charge de la maladie en apportant une amélioration significative de la fonction respiratoire, une diminution des hospitalisations et une amélioration de la qualité de vie des patients.</p>
<p>Cette thérapie « mutation spécifique » de la maladie est venue compléter le traitement symptomatique (antibiothérapie, kinésithérapie, fluidifiants pulmonaires, etc.) qui est le lot quotidien des patients.</p>
<p>En une génération, un peu plus de 30 ans, le gène responsable de cette maladie génétique fréquente dans nos populations a donc été découvert. Une collaboration internationale exemplaire a permis d’identifier ses mutations à risque, de comprendre leur impact, d’ouvrir de nouvelles perspectives de diagnostic en situation anténatale, de nouveaux dépistages à la naissance… Et, surtout, d’aboutir à la mise au point de traitements spécifiques qui bénéficient aujourd’hui <a href="https://doi.org/10.1051/medsci/2021085">à 90 % des patients atteints de mucoviscidose</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Ferec ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mucoviscidose est une des maladies génétiques les plus connues – et des plus simples à appréhender, croyait-on, car elle est liée à un gène unique. Sa découverte a bouleversé le monde scientifique…Claude Ferec, Professeur émérite de génétique médicale, CHRU de BrestLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1522982021-04-19T17:19:16Z2021-04-19T17:19:16ZCancer du poumon : quand l’hérédité s’en mêle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395597/original/file-20210418-17-17nvti7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3368&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Modèle anatomique de poumons</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Pw9aFhc92P8">Robina Weermeijer / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Si le tabagisme reste le principal facteur de risque du cancer du poumon, il en existe d’autres. Certains sont d’origine professionnelle comme l’amiante, d’autres ont des racines environnementales, telles que la pollution de l’air ou le radon, un gaz ubiquitaire naturellement présent dans l’atmosphère provenant de la désintégration d’éléments radioactifs dans le sol. </p>
<p>Mais il existe aussi des facteurs de risque génétiques, des variations présentes dans nos gènes depuis la naissance qui, pour certaines, augmentent de manière importante le risque de cancer du poumon. Ces mutations sont appelées « variants pathogènes ». On parle alors de prédisposition génétique au cancer du poumon. </p>
<p>Ces « cancers génétiques » apparaissent plus précocement – avant 50 ans – que les cancers du poumon classiques – vers 65 ans –, souvent chez des non-fumeurs. Les identifier est essentiel pour le patient, car sa prise en charge médico-chirurgicale peut s’en trouver optimisée. Mais ça l’est aussi et surtout pour sa famille, les variants pathogènes étant héréditaires. Ils peuvent, en effet, être transmis à la descendance et ont, la plupart du temps, été hérités de l’un des deux parents.</p>
<h2>Deux gènes en cause</h2>
<p>On sait depuis les années 1960 que le fait d’avoir un proche parent ayant eu un cancer du poumon <a href="https://academic.oup.com/jnci/article-abstract/30/2/289/929715?redirectedFrom=fulltext">augmente le risque d’en développer un soi-même</a>, <a href="https://www.ejcancer.com/article/S0959-8049(12)00214-6/fulltext">indépendamment d’un éventuel tabagisme</a>. Plus récemment, les études portant sur des paires de jumeaux ont prouvé <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2480486">l’importance des facteurs génétiques</a>.</p>
<p>Le risque de développer un cancer du poumon pour le « vrai » jumeau (monozygote, autrement dit issu de la même cellule-œuf) d’un patient ayant déclaré un cancer du poumon est, en effet, supérieur à celui encouru par un « faux » jumeau (dizygote, deux cellules-œufs différentes). Si les jumeaux monozygotes possèdent le même patrimoine génétique, les jumeaux dizygotes n’en partagent environ que la moitié. En présence d’une exposition carcinogène similaire (tabac, pollution, amiante, radon…), l’augmentation du risque observée chez les premiers atteste ainsi de la part du risque attribuable à nos gènes. </p>
<p>On connaît aujourd’hui deux gènes majeurs de prédisposition au cancer du poumon : <a href="https://clincancerres.aacrjournals.org/content/23/11/e38.long"><em>TP53</em> (Tumor protein P53)</a> et <a href="https://www.nature.com/articles/ng1671"><em>EGFR</em> (Epidermal Growth Factor Receptor)</a>. Tous deux sont impliqués dans les adénocarcinomes pulmonaires, le cancer du poumon le plus fréquent, mais vraisemblablement pas dans ses autres types, les cancers étant classés en fonction de leurs caractéristiques microscopiques.</p>
<p>Les variants pathogènes de <em>TP53</em> sont responsables d’une maladie génétique rare : le syndrome de Li-Fraumeni. Chez ceux qui en sont atteints, le risque de développer de nombreux types de cancer augmente, souvent à un âge jeune. Les plus fréquemment rencontrés sont le cancer du sein, les tumeurs des os et des tissus mous (sarcomes), les tumeurs cérébrales, les leucémies et certains cancers des glandes surrénales (glandes produisant les hormones du stress).</p>
<p>Mais ce n’est que récemment que l’<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology/fullarticle/10.1001/jamaoncol.2017.1968">augmentation du risque de cancer du poumon</a> a été <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology/fullarticle/10.1001/jamaoncol.2017.1358">mise en évidence de manière convaincante</a>. Au début des années 2010, près de 300 personnes touchées par un syndrome de Li-Fraumeni, mais indemnes de cancer ont été suivies par imagerie par résonance magnétique (IRM). Lors du premier examen, un cancer du poumon a été diagnostiqué chez 9 d’entre elles.</p>
<p>Le rôle du gène EGFR, le second gène majeur de prédisposition au cancer du poumon, a d’abord été découvert chez des non-fumeurs présentant un adénocarcinome pulmonaire. Chez ces patients, un variant pathogène était retrouvé dans les cellules cancéreuses, mais pas dans les cellules « normales », <a href="http://www.pnas.org/lookup/pmidlookup?view=long&pmid=15329413">le cancer acquérant ces variants d’EGFR à mesure de son évolution et de l’exposition aux traitements</a>.</p>
<p>Cette découverte a littéralement transformé le traitement du cancer du poumon en permettant le développement de thérapies ciblant spécifiquement le gène dans la cellule cancéreuse. Chez de rares patients, cependant <a href="https://doi.org/10.1038/ng1671">le variant pathogène est également retrouvé dans les cellules normales</a>, ce qui conduit alors à un <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1556-0864(15)30240-9">syndrome de prédisposition génétique</a>. Contrai au syndrome de Li-Fraumeni, les patients ne présentent qu’un risque de développer un cancer du poumon.</p>
<h2>Aussi fréquent que le cancer du sein en France</h2>
<p>À la lumière de l’intérêt croissant porté au sujet et des progrès dans les capacités d’analyse génétique, les connaissances sur les prédispositions génétiques au cancer du poumon sont amenées à progresser considérablement dans les années à venir avec l’identification de nouveaux gènes. Des données récentes suggèrent notamment que <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1556-0864(20)30677-8">le gène <em>ATM</em></a> pourrait aussi être <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-020-15905-6">associé au cancer pulmonaire</a>. Ce gène de prédisposition au cancer du sein et du pancréas est, par ailleurs, responsable d’une maladie neurodégénérative chez l’enfant : l’ataxie télangiectasie.</p>
<p>Une prédisposition génétique au cancer du poumon n’est identifiée que dans une <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1525-7304(15)00267-3">faible proportion de patients atteints par la maladie</a> (dans <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S1556-0864(17)30686-X">1 à 2 % des adénocarcinomes</a>, par exemple). En nombre absolu, un variant pathogène serait néanmoins retrouvé chez <a href="https://www.e-cancer.fr/content/download/267189/3771998/version/2/file/Rapport_Vol1_Tumeurs_Solides_juillet_2019.pdf">plusieurs centaines de nouveaux patients par an en France</a>, si les recherches étaient systématiquement lancées pour étudier les cas suspects. En y ajoutant les autres porteurs dans la famille, on arrive à environ 1 000 personnes nouvellement concernées chaque année.</p>
<p>On peut noter que la proportion d’adénocarcinomes pulmonaires d’origine génétique est assez proche de celle observée dans le cancer du sein, pourtant le monde médical et les non-spécialistes sont bien plus familiers avec cette seconde maladie.</p>
<p>L’identification d’une prédisposition génétique est bénéfique tout d’abord pour le patient traité et dans un second temps, pour sa famille. En effet, le traitement du malade peut être optimisé, par exemple par l’évitement d’une radiothérapie, dont la toxicité est <a href="https://doi.org/10.1007/s10549-020-05612-7">accrue en cas de syndrome de Li-Fraumeni</a>, ou par l’administration de thérapies ciblées de dernière génération, en cas de variant pathogène d’EGFR. L’identification de porteurs sains parmi les proches du patient permet d’envisager un dépistage du cancer du poumon, avec par exemple la réalisation d’IRM thoraciques à intervalles réguliers ainsi que des recommandations strictes de ne pas fumer. </p>
<p>Le diagnostic de cancer du poumon chez une personne jeune et souvent non fumeuse est un véritable cataclysme. Face à une maladie que l’on associe naturellement au tabac et à l’âge, un sentiment d’incompréhension prédomine. L’évocation d’une cause génétique apporte un début d’explication et une déculpabilisation par rapport à une responsabilité personnelle dans la survenue de la maladie. Une prédisposition génétique, quand elle est identifiée, permet d’agir puisqu’il est alors possible de mieux traiter le patient et de protéger ses proches.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick BENUSIGLIO a reçu des financements des laboratoires AstraZeneca, Janssen et Roche Diagnostics dans le cadre de missions de conseil ou de conférences invitées. Il est par ailleurs membre du comité scientifique de l'association de patients Geneticancer. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Cadranel a reçu des financements dans le cadre de programmes de soutien aux techniques innovantes coûteuses du ministère et de soutiens à la recherche des laboratoires Astra Zeneca, Boerhinger Ingelheim, Pfizer, Novartis.</span></em></p>Les facteurs de risques environnementaux du cancer du poumon sont aujourd'hui connus. Mais le danger peut venir de l'intérieur : parfois, nos propres gènes peuvent favoriser la survenue de ce cancer.Patrick Benusiglio, Maître de Conférence Universitaire et Praticien Hospitalier à AP-HP .Sorbonne Université, spécialiste des prédispositions génétiques au cancer, Sorbonne UniversitéJacques Cadranel, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1585382021-04-09T17:16:50Z2021-04-09T17:16:50ZDe la santé à l’alimentation, les applications de l’édition des génomes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/394140/original/file-20210408-13-1ucmg0c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock/Wikipedia/Unspalsh </span></span></figcaption></figure><p>En 2012, année de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22745249/">la publication de Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier</a> qui allait leur valoir le prix Nobel de chimie huit ans plus tard, la base de données bibliographique Pubmed dénombrait 145 publications scientifiques comportant le terme « CRISPR ».</p>
<p>En avril 2021, on en compte 23 838. Cette explosion des recherches illustre l’extraordinaire engouement que cette technologie d’édition du génome a suscité chez les chercheurs étudiant les sciences du vivant. Pour comprendre les espoirs qu’elle fait naître, nous vous proposons d’en découvrir quatre applications concrètes.</p>
<h2>1. Comme traitement du cancer</h2>
<p>La plupart des cancers sont reconnus et attaqués par le système immunitaire, en particulier par certains globules blancs, les lymphocytes T infiltrés. La tumeur parvient néanmoins à progresser en raison de sa capacité à inhiber l’action du système immunitaire (elle induit une « immunosuppression ») et parce que les cellules qui la constituent possèdent des mécanismes d’évasion immunitaire qui leur permettent d’échapper aux défenses de l’organisme.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dou-vient-le-cancer-et-pourquoi-na-t-il-pas-ete-elimine-par-levolution-153428">D’où vient le cancer, et pourquoi n’a-t-il pas été éliminé par l’évolution ?</a>
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<p>Il est cependant possible d’augmenter la réponse immunitaire antitumorale naturelle du patient, grâce à la thérapie cellulaire T adoptive (ou « adoptive cell therapy », ACT en anglais). Cette approche personnalisée consiste à prélever chez la personne malade des lymphocytes T, à les faire se multiplier in vitro, puis à les lui réadministrer par perfusion, souvent après les avoir modifiées pour améliorer leurs capacités à combattre les cellules tumorales.</p>
<p>Des résultats spectaculaires ont été obtenus grâce à cette technique, démontrant que le transfert adoptif de cellules T génétiquement modifiées peut induire des rémissions complètes et durables chez des patients atteints de divers cancers du sang (cancers hématologiques).</p>
<p>L’approche CAR (pour Chimeric Antigene Receptor) est l’une de ces thérapies cellulaires T adoptives. Elle consiste à introduire dans les cellules T prélevées chez le patient des gènes codant pour des récepteurs d’antigènes synthétiques. En immunologie, le terme antigène désigne tout élément étranger à l’organisme capable de déclencher une réponse immunitaire. En l’occurrence, les antigènes concernés sont des molécules <a href="https://science.sciencemag.org/content/359/6382/1361/tab-article-info">présentes uniquement à la surface des cellules des tumeurs</a>. Une fois réintroduites dans le corps du patient, les cellules T modifiées seront capables de reconnaître les cellules porteuses d’antigène et de s’y lier. Activées par cette liaison, elles détruisent alors ces cellules tumorales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Les <a href="https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov.proxy.insermbiblio.inist.fr/29248427/">données cliniques recueillies depuis 2010</a> indiquent que les cellules CAR T ont le potentiel de guérir des patients atteints de leucémie avancée, chez les adultes et les enfants atteints de leucémie lymphoblastique aiguë (LLA) récidivante/réfractaire et de lymphome diffus à grandes cellules B (DLBCL). Plusieurs traitements les mettant en œuvre ont été autorisés depuis 2018 (Yescarta de Gilead et Kymriah de Novartis).</p>
<p>Les cellules CAR T commencent également à démontrer une activité antitumorale robuste chez les patients atteints de myélome multiple.</p>
<p>L’un des problèmes majeurs de cette approche est son coût, de l’ordre de 400 000€ par traitement. En outre, une limite de l’efficacité de la thérapie cellulaire T adoptive est l’épuisement des cellules T transférées, qui est source de rechute. De plus, si les cellules CAR T révolutionnent le traitement des cancers du sang, elles n’ont pas démontré d’efficacité clinique pour les tumeurs solides.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393986/original/file-20210408-19-6ag38v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une cellule cancéreuse (blanche) attaquée par deux cellules T (rouges).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/27125551111/in/photolist-HjZxiH-Mr9Ybe-xtpwc3-EZs5pQ-HvhUbM-MRJsjS-GtGPQj-xe7uQq-TQnXCY-Xz2eVr-K4F3ZT-2jk2hQG-FTRhzj-GA1wRk-EHFHMg-NZjgba-FGhAwL-NNxBSb-AUyPrC-FtA56G-N9NzT5-HhAtvw-FDE32d-VTFtF3-2jfAxCS-22gP1w5-221rBUe-2jch9HX-SVUDSx-PRStab-2gBAvML-GGj5gR-Npivpx-2iHGzwz-zjwDKs-xVEjQo-2j6TtYS-MNcui7-xVGKaj-2j4b4fV-2ghkDXt-FXWtxu-LT9mGu-NRx4Az-DJPTus-VoAKx1-2iYiNki-X8AKw1-UFC1xy-JS4G8T">Nih Image Gallery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>L’édition de précision du génome à l’aide de CRISPR/Cas9 pourrait permettre de surmonter ces obstacles. Cette technologie est en effet facilement « multiplexable », autrement dit on peut l’utiliser pour modifier simultanément de nombreuses régions de l’ADN d’une cellule.</p>
<p><a href="https://science.sciencemag.org/content/367/6481/eaba7365">Un travail récent</a> a donné des résultats encourageants chez deux patients atteints de myélome et un patient atteint de sarcome métastatique, ces trois cancers s’étant avérés réfractaires aux traitements. CRISPR/Cas9 a permis l’élimination simultanée de deux molécules différentes dans les cellules T de ces malades : la molécule de surface naturelle permettant l’activation des cellules T (TCR) et de la molécule de contrôle immunitaire PD1. Ces cellules T ont aussi été modifiées pour produire un TCR synthétique spécifique des cellules cancéreuses, afin de leur permettre de reconnaître les cellules tumorales. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crispr-comment-ca-marche-158581">CRISPR : comment ça marche ?</a>
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<p>L’idée derrière ces manipulations était d’améliorer les capacités antitumorales des cellules T et d’augmenter leur persistance dans l’organisme des malades. Les résultats sont encourageants : les cellules T ainsi modifiées étaient toujours vivantes et actives 9 mois après les traitements, chez les 3 participants à l’essai clinique. Aucune toxicité clinique n’a été observée, et une forte régression du myélome a été constatée.</p>
<h2>2. Comme traitement des hémoglobinopathies héréditaires</h2>
<p>Les maladies héréditaires de l’hémoglobine – la protéine qui fixe l’oxygène au sein de nos globules rouges – sont de graves maladies du sang qui réduisent l’espérance de vie de millions de personnes dans le monde. Au nombre de ces hémoglobinopathies figurent notamment la drépanocytose et les β-thalassémies.</p>
<p>Les patients atteints de drépanocytose présentent une mutation unique dans le gène qui code pour la protéine β-globine, la composante principale de l’hémoglobine adulte. Cette mutation entraîne la production d’une hémoglobine qui se polymérise lorsqu’elle est désoxygénée. Les globules rouges prennent une forme en croissant, ou faucille. Ils forment des microthromboses (occlusion de petits vaisseaux sanguins), ce qui provoque de fortes douleurs, endommage de nombreux organes, et entraîne une anémie par destruction des globules rouges, d’où l’autre nom de cette maladie, « anémie falciforme ».</p>
<p>Les patients atteints de β-thalassémies présentent quant à eux également des mutations dans le gène de la β-globine ou dans ses régions régulatrices. Ces modifications entraînent une production déficiente de β-globine ce qui provoque une anémie exigeant des transfusions sanguines. Une solution aux formes graves des deux maladies est la transplantation de cellules souches productrices du sang à partir de la moelle osseuse, mais peu de patients disposent de donneurs compatibles.</p>
<p>Depuis plus de vingt ans, différentes stratégies de thérapies géniques ciblent les cellules souches productrices du sang. Sans succès, car l’exercice est particulièrement difficile : il faut modifier un grand nombre de cellules, en ciblant uniquement les précurseurs des globules rouges, en obtenant un fort niveau d’expression de β-globine, le tout sans risquer que ces manipulations ne déclenchent le développement de tumeurs à long terme.</p>
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<figcaption><span class="caption">La drépanocytose qu’est-ce que c’est ? (Inserm/Youtube, 2018).</span></figcaption>
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<p>La nouvelle génération de thérapies géniques a tiré parti d’une observation : la persistance héréditaire de l’hémoglobine foetale. Durant la gestation, l’hémoglobine produite par le fœtus diffère de celle qui sera utilisée une fois que l’enfant sera venu au monde. La production de cette hémoglobine fœtale diminue généralement peu de temps après la naissance, et l’hémoglobine « adulte » devient majoritaire. Cependant, chez certaines personnes, cette bascule ne se fait pas et les gènes servant à produire l’hémoglobine fœtale demeurent actifs. On a constaté que la persistance de ces gènes diminue les manifestations cliniques de la β-thalassémie et de la drépanocytose.</p>
<p>On connaît l’« interrupteur » impliqué dans l’extinction des gènes de l’hémoglobine fœtale et l’allumage des gènes de la β-globine : il s’agit d’une protéine appelée BCL11A. Des chercheurs se sont donc naturellement demandé s’il était possible, en supprimant BCL11A, de rétablir la production d’hémoglobine fœtale. <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2031054">Un essai clinique récent a exploré cette piste</a> sur une patiente atteinte de drépanocytose et sur une autre atteinte de ß-thalassémie. Les chercheurs ont cherché à inactiver BCL11A grâce à CRISPR-Cas9, dans les cellules souches productrices du sang.</p>
<p>L’article rapporte une efficacité de 69 à 85 % au niveau du site cible. La conséquence a été une production importante d’hémoglobine fœtale, ce qui a permis aux patientes de ne plus avoir besoin des transfusions sanguines, a résolu leurs problèmes d’anémie et a fait disparaître les crises vaso-occlusives. Ces patientes font partie d’un essai plus large, avec des résultats encourageants chez un total de neuf patients.</p>
<p>Avant le début de l’essai clinique, les chercheurs ont également fait un effort majeur pour identifier des effets génomiques hors cible de CRISPR. En effet, il arrive que cette technique, si précise soit-elle, ne coupe pas uniquement la séquence d’ADN visée. Ils ont utilisé plusieurs méthodes de prédictions de cassure, effectué des séquençages précis de ces sites et n’ont pas observé d’édition hors cible. Il reste toutefois à vérifier à long terme la stabilité des résultats bénéfiques et l’absence d’effet délétère.</p>
<h2>3. Pour lutter contre les maladies transmises par certains insectes</h2>
<p>Un autre domaine dans lequel les applications potentielles de la technologie CRISPR soulèvent des espoirs thérapeutiques est l’éradication d’espèces animales nuisibles à l’homme par l’approche dite du « forçage génétique » (<em>Gene drive</em> en anglais).</p>
<p>Il est estimé que chaque année les maladies vectorielles sont responsables de la mort de <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/336075">700 000 personnes dans le monde</a> et surtout dans les pays aux économies les plus fragiles. Les maladies concernées sont principalement la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune, les maladies à virus Zika, le paludisme, lui-même responsable de la mort de près de 400 000 personnes dont la très grande majorité concerne des enfants de moins de 5 ans.</p>
<p>Inspirée par les versions naturelles existantes du forçage génétique, l’édition du génome est ici utilisée pour propager des modifications génétiques pérennes. Celles-ci aboutiront soit à une infertilité des espèces à éradiquer, soit à la production de protéines par l’animal même le rendant incapable d’héberger le virus pathogène.</p>
<p>Plusieurs laboratoires de recherche développent cette approche, qui permettrait d’obtenir des résultats plus rapides, plus efficaces et moins coûteux que <a href="https://www.who.int/bulletin/volumes/87/3/09-020309/fr/">celles plus classiques</a>, déjà utilisées <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23816508/">au Brésil</a>, <a href="https://www.nature.com/news/us-government-approves-killer-mosquitoes-to-fight-disease-1.22959">aux États-Unis</a> ou au <a href="https://www.radarsburkina.net/index.php/fr/societe/373-lacher-de-moustiques-genetiquement-modifies-au-burkina-faso-est-ce-la-panacee-pour-l-eradication-du-paludisme(accessFeb2019)">Burkina Faso</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lgIF2ZB9Ix0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Burkina Faso : polémique autour de moustiques OGM contre le paludisme (TV5Monde/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<p>Actuellement, plusieurs études en laboratoire ont démontré les <a href="https://www.nature.com/articles/s41587-020-0508-1">potentialités du forçage génétique</a>, mais de nombreuses limites à l’application en situation réelle subsistent. Il s’agit notamment de la crainte de la perte de contrôle des animaux génétiquement modifiés et les impacts écologiques <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/biodiversity-and-health">non encore mesurés de la disparition d’espèces</a> jouant un rôle souvent essentiel au sein d’écosystèmes fragiles. De <a href="https://science.sciencemag.org/content/358/6367/1135">nombreuses organisations</a> internationales et des <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/04/au-burkina-un-premier-lacher-de-moustiques-genetiquement-modifies-cree-la-polemique_5485432_3212.html">représentants de la société civile</a> ont pris rapidement position pour une régulation de ces techniques.</p>
<p>De même, l’Association internationale pour une recherche et une innovation responsables de l’édition du génome (<a href="https://www.arrige.org/">Arrige</a>) a notamment rappelé que le déploiement de ces techniques doit se faire en toute transparence et en concertation avec les communautés vivant dans les zones les plus exposées.</p>
<p>Ces communautés particulièrement vulnérables pourraient en effet pâtir d’une mauvaise utilisation ou d’une mauvaise mise en œuvre de cette nouvelle technologie, même si celle-ci l’est dans leur propre intérêt.</p>
<h2>4. Pour la sélection végétale</h2>
<p>Depuis le Néolithique, les communautés humaines n’ont cessé de sélectionner les plantes ou de croiser différentes espèces pour obtenir celles qui seraient les mieux adaptées à leurs besoins. Cette sélection végétale a permis d’améliorer avec succès les cultures qui sont à la base de la production alimentaire mondiale.</p>
<p>L’utilisation de l’édition du génome pour la sélection végétale a été l’une des plus rapides à se développer. Elle ne soulève pas en effet le même type de questionnement éthique que son utilisation chez les animaux, et tout particulièrement chez les êtres humains.</p>
<p>En outre, cette approche a rapidement démontré son fort potentiel pour améliorer, faciliter et accélérer la sélection végétale. Les enjeux sont ici considérables : cette technique est appelée notamment à améliorer les rendements, procurer une meilleure résistance des plantes aux maladies, aux nuisibles et au « stress abiotique » (conditions de croissance sous-optimales causées, par exemple, par la sécheresse, l’excès d’eau, les températures extrêmes, le stress salin, les carences en minéraux et le ralentissement de la croissance ou les dommages à la suite d’une pulvérisation de produits), en réduisant l’utilisation d’intrants toxiques pour l’environnement.</p>
<p>Très vite de grands groupes industriels, tels Bayer-Monsanto, Pioneer, ainsi que la biotech française Cellectis, ont négocié des brevets pour <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2020.586027/full">produire des plantes modifiées</a> qu’il est désormais possible de trouver <a href="https://newatlas.com/usda-will-not-regulate-crispr-gene-edited-plants/54061/">sur le marché nord-américain non régulé</a>.</p>
<p>Cela va des champignons qui ne brunissent plus en vieillissant, à l’huile de soja modifiée pour une meilleure stabilité et l’absence d’acides gras insaturés, jusqu’aux <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpls.2020.586027/full">plants de maïs présentant un meilleur rendement</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/f70Vpt6Tx9s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une modification génétique pour améliorer la résistance des plantes à la chaleur. (Salk Institute/Youtube, 2019).</span></figcaption>
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<p>Les États-Unis ont en effet reconnu que, contrairement aux organismes génétiquement modifiés (OGM), les plantes obtenues après édition du génome ne contiennent pas un gène étranger inséré de manière aléatoire, mais reproduisent un trait déjà observé dans le gène de certaines variées de la plante. Ils sont en cela suivis par de nombreux autres pays, Australie, Japon, Canada, Inde…</p>
<p>Par contraste, suite à une saisine d’un collectif associatif français, la Cour de Justice de l’Union européenne a statué en juillet 2018 que les produits issus de méthodes de mutagenèse ciblée, dont l’édition du génome, <a href="https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=204387&pageIndex=0&doclang=FR&mode=re">doivent être réglementés</a> par les dispositions complètes de la directive européenne <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2001L0018:20080321:FR:PDF">encadrant la dissémination volontaire d’OGM</a>.</p>
<p>Un grand nombre de scientifiques considèrent cette décision inappropriée et demandent instamment une révision du cadre juridique qui tienne compte des avantages et des risques réels de cette technologie. Ainsi, la Fédération européenne des académies des sciences et des humanités (<a href="https://allea.org/">Allea</a>) – qui représente plus de 50 académies de plus de 40 pays de l’Union européenne et de pays tiers – considère que le maintien des restrictions pourrait entraver la sélection de cultures plus productives, plus diversifiées, plus résistantes au changement climatique et ayant une empreinte environnementale réduite.</p>
<p>Seule une décision du Conseil de l’Union européenne précisant la place de l’édition du génome dans la modification des plantes, permettra ou non à l’Europe de garder son autonomie en matière de développement de semences améliorées par ingénierie des génomes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Du traitement des cancers à l’amélioration des variétés cultivées en passant par l’élimination des insectes vecteurs de maladies, les « ciseaux moléculaires » CRISPR ouvrent de nouveaux horizons.Hervé Chneiweiss, Directeur de recherche du laboratoire Neurosciences, Président du comité d'éthique de l'Inserm, InsermFrançois Hirsch, Membre du comité d'éthique de l'Inserm, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1477152020-10-12T18:36:47Z2020-10-12T18:36:47ZCRISPR : un prix Nobel pour une révolution en biologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363018/original/file-20201012-17-1gs8sjo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C2991%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">CRISPR-Cas9 : un outil de manipulation génétique. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/27669625144">NIH Image Gallery / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’Académie royale des sciences de Suède a décerné le prix Nobel de chimie 2020 à la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, pour leurs travaux sur le développement d’une méthode d’édition du génome.</p>
<p>Le système CRISPR-Cas est un mécanisme de défense pour la plupart des microorganismes unicellulaires tels que les bactéries : il confère une résistance aux éléments génétiques étrangers provenant de plasmides (morceaux d’ADN qui peuvent se transmettre par transfert, de cellule en cellule) et de bactériophages (virus n’infectant que des bactéries), et fournit une forme d’immunité acquise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313778075356798976"}"></div></p>
<p>Emmanuelle Charpentier (aujourd’hui directrice de l’Institut Max Planck pour la biologie des infections à Berlin, Allemagne) et Jennifer Doudna (professeure à l’Université de Californie, Berkeley, États-Unis) ont joué un rôle crucial en montrant comment ce système peut être utilisé pour cibler des séquences précises d’ADN.</p>
<p>Comme la plupart des avancées de la science moderne, la découverte de CRISPR et son émergence en tant que méthode d’édition du génome impliquent un grand nombre de chercheurs.</p>
<h2>Avant les lauréates, d’autres pionniers</h2>
<p>En 1987, Yoshizumi Ishino et ses collègues ont été les premiers à remarquer, dans le génome des bactériés <em>E. coli</em>, des <a href="https://doi.org/10.1128%2Fjb.169.12.5429-5433.1987">groupes de séquences répétées interrompues par de courtes séquences</a> (ce qui est inhabituel). Francisco Mojica et ses collègues ont montré que des <a href="https://doi.org/10.1046%2Fj.1365-2958.2000.01838.x">structures similaires étaient présentes dans d’autres organismes</a> et ont proposé de les appeler CRISPR, pour <em>clustered regularly interspaced short palindromic repeats</em>.</p>
<p>En 2005, Mojica et d’autres groupes ont rapporté que les <a href="https://doi.org/10.1007%2Fs00239-004-0046-3">courtes séquences (« spacers ») qui séparent ces répétitions sont dérivées de l’ADN viral</a>.</p>
<p>Kira Makarova, Eugene Koonin et leurs collègues ont <a href="https://doi.org/10.1186%2F1745-6150-1-7">proposé que CRISPR et les gènes Cas associés agissent comme un mécanisme immunitaire</a>, ce qui a été <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscience.1138140">confirmé expérimentalement</a> par Rodolphe Barrangou et ses collègues en 2007. Le système CRISPR est responsable de l’acquisition et de l’insertion des « spacers », qui sont ensuite utilisés par le mécanisme de défense.</p>
<h2>Un système programmable</h2>
<p>L’un des gènes associés à CRISPR, Cas9, code pour une protéine qui « coupe » l’ADN. C’est le bras armé du mécanisme immunitaire. En 2012, <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscience.1225829">Charpentier et Doudna ont montré</a> de manière cruciale que les « spacers » sont utilisés dans le cadre d’une structure à deux ARN qui dirige Cas9 pour faire une « coupe » à la séquence que ces « spacers » représentent. Elles ont également montré que cette structure pouvait être conçue comme un guide « ARN guide » unique, et qu’en manipulant la séquence de cet ARN guide, le système Cas9 artificiel pouvait être programmé pour cibler n’importe quelle séquence d’ADN in vitro.</p>
<p>En 2013, des groupes dirigés <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscience.1231143">par Feng Zhang</a> et <a href="https://doi.org/10.1126%2Fscience.1232033">par George Church</a> ont rapporté pour la première fois l’utilisation du système CRISPR-Cas9 pour l’édition du génome dans des cultures de cellules humaines. Le système a depuis été utilisé dans d’innombrables organismes, de la levure aux vaches, aux plantes et aux coraux, et est devenu l’outil génétique privilégié par des milliers de chercheurs.</p>
<h2>Une révolution technique avec des applications infinies</h2>
<p>Les humains modifient le génome des espèces depuis des milliers d’années. Initialement, c’était par sélection artificielle, puis par mutation. Le génie génétique, qui consiste à manipuler directement l’ADN en dehors de la reproduction et des mutations, existe depuis les années 1970. Une bactérie est <a href="https://dx.doi.org/10.1073%2Fpnas.70.11.3240">modifiée en 1973</a>, une <a href="https://doi.org/10.1073%2Fpnas.71.4.1250">souris en 1974</a>, et de <a href="https://doi.org/10.1073%2Fpnas.76.1.106">l’insuline humaine est produite artificiellement par des bactéries dès 1978</a>.</p>
<p>Cependant, les systèmes basés sur CRISPR ont fondamentalement changé le domaine car ils permettent de modifier les génomes in vivo avec une précision extrêmement élevée, à moindre coût et avec facilité. Il y a maintenant des milliers d’articles scientifiques publiés chaque année sur diverses applications de CRISPR. Doudna et Charpentier sont récompensées pour leur rôle clé dans cette révolution.</p>
<p>CRISPR est un outil révolutionnaire pour la recherche fondamentale, mais il change aussi déjà le monde dans lequel nous vivons.</p>
<p>Des essais cliniques sont en cours sur l’utilisation de CRISPR pour des troubles sanguins tels que la drépanocytose ou la bêta-thalassémie, et pour l’immunothérapie anticancéreuse. Dans chaque cas, des cellules sont prélevées sur les patients, modifiées, et réintroduites. Un pas supplémentaire a été franchi en mars de cette année dans le cadre du traitement de la cause la plus fréquente de cécité infantile héréditaire (amaurose congénitale de Leber) : le système CRISPR a été injecté <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-00655-8">directement dans l’œil d’un patient</a>, près des cellules photoréceptrices.</p>
<p>L’édition génomique a aussi un fort potentiel dans la production alimentaire. Elle peut être utilisée pour l’amélioration des cultures (rendement, qualité, résistance aux maladies, résistance aux herbicides). Elle a également des applications pour le bétail, où elle peut conduire à de meilleures caractéristiques de production, une meilleure résistance aux maladies et un bien-être animal accru (en éliminant par exemple le recours à des pratiques telles que l’écornage).</p>
<p>Un certain nombre de défis subsistent. Certains sont d’ordre technique, comme le risque de modifications hors cible.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crispr-et-les-effets-hors-cible-des-risques-encore-peu-controlables-108214">CRISPR et les « effets hors-cible » : des risques encore peu contrôlables</a>
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<p>D’autres sont sociétaux. CRISPR a été utilisé dans l’une des expériences les plus controversées de ces dernières années, avec la tentative de He Jiankui d’utiliser la technologie CRISPR pour modifier les embryons humains et les rendre résistants au VIH, qui a conduit à la naissance des jumelles Lulu et Nana. Nous avons besoin d’une discussion large et inclusive sur la réglementation de ces technologies dans une gamme d’applications.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-tres-graves-rates-de-lexperience-chinoise-des-bebes-crispr-128728">Les très graves ratés de l’expérience chinoise des « bébés CRISPR »</a>
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<p>Le prix Nobel rend hommage à deux femmes pour leur contribution essentielle dans ce domaine, mais ce n’est que le début des avancées et des changements que va engendrer CRISPR.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dimitri Perrin a reçu des financements de l'Australian Research Council (ARC), de l'Association Franco-Australienne pour la Recherche et l'Innovation (AFRAN), et du programme Advance Queensland. </span></em></p>Le prix Nobel de chimie 2020 a été attribué à la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna pour leurs travaux sur les ciseaux moléculaires.Dimitri Perrin, Senior Lecturer, Queensland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1309072020-02-27T19:54:25Z2020-02-27T19:54:25ZEt si Gaston Lagaffe avait en réalité un syndrome d’Ehlers-Danlos ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316423/original/file-20200220-92551-1rqzr57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2172%2C1632&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louvain-la-Neuve (Belgique), Rue des Wallons : peinture murale de la rampe inclinée </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Belgique_-_Louvain-la-Neuve_-_Rue_des_Wallons_-_10.jpg">EmDee/ Wiki Loves Heritage in Belgium in 2018 /image recadrée</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gaston_Lagaffe">Gaston Lagaffe</a> refait parler de lui, 66 ans après son embauche par le journal Spirou : <a href="https://www.ouest-france.fr/culture/bande-dessinee/entretien-gaston-lagaffe-obeit-a-sa-propre-loi-delaf-redonne-vie-a-ce-personnage-mythique-190615ba-83e8-11ee-9b65-2282e6d4bdd9">le dessinateur canadien Delaf</a> signe en effet le retour de l’un des plus célèbres « olibrius » de la bande dessinée.</p>
<p>L’occasion de se poser une question : et si ce gaffeur patenté était en réalité atteint d’une maladie génétique rare affectant le tissu conjonctif ? À bien l’observer, on peut en effet déceler chez lui un ensemble de symptômes caractéristiques du <a href="https://www.chuv.ch/fr/ial/ial-home/patients-et-familles/maladies-rares/syndrome-ehlers-danloss">Syndrome d’Ehlers-Danlos</a>.</p>
<p>À quelques jours du <a href="https://www.afm-telethon.fr/fr">Téléthon</a>, faisons le point sur cette maladie du tissu conjonctif… Et ses conséquences sur l’inimitable <a href="https://www.actualitte.com/video/gaston-lagaffe-le-heros-sans-emploi-a-la-bpi/68504">« héros sans emploi »</a>.</p>
<h2>Un tissu de soutien omniprésent</h2>
<p>Le <a href="http://histoblog.viabloga.com/texts/le-tissu-conjonctif--cours-n-1-et-n-2--2009-">tissu conjonctif</a> est un tissu de soutien qui maintient les autres tissus ensemble, assure la cohésion des organes, et leur sert « d’emballage ».
Il n’est donc pas surprenant qu’il représente 70 à 80 % de la masse du corps humain, et qu’on le trouve partout : dans les muscles, la peau, les nerfs, les os, les parois des vaisseaux sanguins, les yeux… </p>
<p>Il est constitué de cellules non jointives (cellules graisseuses, fibroblastes, etc.), de fibres (élastiques et collagènes) et d’une sorte de « gel » qui les englobe et rempli les espaces laissés libres entre elles, <a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=substance%20fondamentale">la substance fondamentale</a> (l’association des fibres et de cette dernière constitue ce que l’on appelle la matrice extracellulaire). </p>
<p>La quantité et la nature des constituants (fibres, cellules, eau…) du tissu conjonctif peut varier, ce qui lui confère différentes propriétés (par exemple, une résistance mécanique ou des capacités d’échange métabolique), et permet de le classer en différentes catégories. Sa qualité et sa quantité varient en fonction des organes : il est ainsi peu présent dans le cerveau, mais son collagène est très abondant dans le muscle – d’où la formation de gélatine au-delà d’une température de 60 °C, et donc lors de la cuisson d’un pot-au-feu…</p>
<h2>Un syndrome multiforme</h2>
<p>C’est parce que le tissu conjonctif est présent dans nombre d’organes que le <a href="https://www.edimark.fr/riip/2018/fi-1/que-penser-epidemie-maladie-ehlers-danlos">Syndrome d’Ehlers-Danlos</a> (SED) qui l’affecte rassemble, sous un terme générique, plusieurs maladies différentes. </p>
<p>Pour tâcher d’y voir plus clair et proposer une prise en soin adapté, la communauté scientifique et médicale a proposé plusieurs classifications, en fonction des manifestations cliniques. </p>
<p>La <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ajmg.1320290316">première a été établie en 1988 à Berlin</a>, puis une seconde a été élaborée en <a href="http://www.reumatologia-dr-bravo.cl/Villefranche/Ehlers-Danlos_Syndrome_Revised_Nosology.pdf">1997</a>. Ces deux classifications ne parvenaient cependant pas à circonscrire tout le spectre de cette affection, les critères diagnostiques n’étant pas toujours pertinents. Une autre <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ajmg.c.31552">classification internationale</a>, la classification dite « de New York », a donc été proposée en 2017, définissant 13 sous-types de SEDs.</p>
<p>Tous les SEDs se caractérisent par une hyperextensibilité cutanée, une hypermobilité articulaire, et une fragilité des tissus qui est source de difficultés de cicatrisation. </p>
<p>À l’exception du type <a href="https://www.louvainmedical.be/fr/article/syndrome-dehlers-danlos-de-type-hypermobile-mise-au-point-des-signes-symptomes-et">hypermobile</a> (SEDh), Chacun d’entre eux correspond à une affection distincte, et est définie par des mutations d’un seul ou d’un petit ensemble de gènes, d’où un diagnostic très fiable. </p>
<p>Le cas du syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile est particulier. Faute de gènes incriminés et donc de test génétique, son diagnostic s’appuie sur un faisceau d’arguments cliniques, bien que les symptômes soient multiples, hétérogènes, et que les atteintes et répercussions fonctionnelles puissent prendre de nombreuses formes. Certaines manifestations cliniques peuvent ressembler à des manifestations somatoformes, c’est-à-dire sans causes identifiées avec certitude.</p>
<p>Le SEDh est apparemment la forme la plus fréquente des SEDs : les estimations vont pour la France de 1 personne sur 5000 à 1 sur 20 000. Cette prévalence semblant augmenter depuis 2012, la communauté médicale a pointé la nécessité de disposer de critères précis – pour éviter les diagnostics erronés et les errances diagnostiques.</p>
<h2>Trois critères diagnostiques</h2>
<p>En l’absence de confirmation génétique possible actuellement, le diagnostic se fait par un médecin spécialiste en s’appuyant sur la présence <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ajmg.c.31552">concomitante</a> de plusieurs faisceaux d’arguments et signes cliniques présents (classification de New York).</p>
<p>Le premier d’entre eux est une hypermobilité articulaire généralisée, qui peut être <a href="https://www.ehlers-danlos.com/assessing-joint-hypermobility/">évaluée</a> par le score de Beighton. Cet examen s’appuie sur cinq manœuvres cliniques cotées sur 9 points.</p>
<ul>
<li><p>La dorsiflexion passive de l’articulation métacarpophalangienne du cinquième doigt (auriculaire) au-delà de 90° (1 point pour chaque main)</p></li>
<li><p>L’hyperextension du coude au-delà de 10° (1 point pour chaque coude)</p></li>
<li><p>L’apposition passive des pouces sur la face antérieure de l’avant-bras (1 point pour chaque pouce)</p></li>
<li><p>L’hyperextension du genou au-delà de 10° (1 point pour chaque genou)</p></li>
<li><p>Une flexion du tronc vers l’avant, les genoux complètement étendus, de sorte que les mains reposent à plat sur le sol lors (1 point)</p></li>
</ul>
<p>Selon les auteurs et l’âge du patient, l’hypermobilité articulaire est reconnue pour un score de Beighton à 4 ou 5.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’examen du score de Beighton.</span></figcaption>
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<p>Un second point doit aussi être examiné : la présence de deux indices, à choisir entre l’atteinte systémique du tissu conjonctif, les complications musculo-squelettiques, l’atteinte cutanée, et l’histoire familiale. On prêtera ainsi une attention particulière à une peau extraordinairement douce ou veloutée, une hyperextensibilité cutanée, un rapport envergure des bras sur hauteur important (supérieur ou égal à 1,05), des douleurs chroniques, des complications musculo-squelettiques, une instabilité franche des articulations (luxation/subluxation), etc. </p>
<p>Enfin, troisième point important, les manifestations cliniques ne doivent pas être expliquées par un autre diagnostic ou une autre forme de SED.</p>
<p>Le diagnostic de SEDh est donc porté si les 3 points sont réunis. Le tableau clinique est souvent associé à une fatigue chronique et des douleurs (parfois liées aux instabilités articulaires), qui peuvent altérer la qualité de vie. S’y ajoutent parfois d’autres signes cliniques – frilosité, reflux gastro-œsophagien, transpiration excessive, etc. – qui ne sont pas, toutefois, des critères diagnostiques.</p>
<h2>Et Gaston Lagaffe dans tout ça ?</h2>
<p>La lecture de cette description clinique n’est pas sans nous faire nous interroger sur le cas de Gaston Lagaffe, l’un de nos antihéros préférés. En 2017, une édition <a href="https://www.dupuis.com/gaston-integrale/bd/gaston-integrale-gaston-l-integrale/30974">intégrale recolorisée</a> est sortie regroupant par ordre de numéros croissants les gags de Gaston. Cette édition nous permet d’illustrer les probables critères diagnostiques du SEDh chez lui.</p>
<p>Dans son cas, le critère de fatigue chronique n’est plus à démontrer : il est de notoriété publique ! Ainsi, en feuilletant les pages de l’intégrale, il n’est pas rare de voir Gaston s’endormir debout, même en « sursaut » (gags 110b, 114, 130b, pages 93,91 et 112) ou lors d’une apnée prolongée (gag 239, page 182). Cette fatigue et son hypersomnie avaient fait penser à certains que Gaston pouvait être narcoleptique. Mais ne sont-elles pas plutôt en lien avec un SEDh ? Qu’en est-il des autres critères diagnostiques chez notre gaffeur ?</p>
<p>On le sait, Fantasio considère que Gaston n’est pas souple (gag 135a, page 120) mais « mou ». Reste que tout au long de l’œuvre de Franquin, on décèle aisément chez Gaston une hypermobilité articulaire. Ses amplitudes articulaires sont en effet très importantes, allant même au-delà des possibilités physiologiques. De plus, bien que les genoux et les coudes fléchis soient ses positions préférées, ses articulations sont parfois capables d’hyperextension, par exemple lorsqu’il joue au football.</p>
<h2>Gaston Lagaffe : un score de Beighton entre 5 et 9 !</h2>
<p>En l’absence d’examen clinique formel, il est évidemment compliqué de réaliser un score de Beighton. Mais au vu des différentes planches des gags, on peut l’estimer à 5, voire 7 ou 9. On note en effet une flexion à plus de 90° des auriculaires (2 points, gag 740, page 672), lorsque notre Gaston devenu gardien de but se relâche. </p>
<p>Mais on observe aussi une hyperantéflexion du tronc importante (dessin de couverture pour la reliure du journal de Spirou n°85 parue en 1963 et gag 26b, page 39), des mains qui reposent à plat sur le sol lors d’une flexion de tronc vers l’avant (1 point, gag 26b, page 43 ; et gag 536b, page 548), des hyperextensions de coudes passif à droite (gag 859, page 798) et à gauche (gag 875, page 814, 860) soit un total de 5 points.</p>
<p>Certes, l’hyperextension – ou recurvatum – du genou chez Gaston est plus discutable. Mais un coup du foulard infligé par Lebrac lors d’un match de rugby (gag 716, page 648), ainsi qu’une chute dans les escaliers (gag 536b, page 448) ou un saut avec un cerf-volant (gag 577b, page 499) en attestent (2 points), portant le score de Beighton à 7 points. </p>
<p>Enfin, s’il n’existe pas d’illustration formelle, on doit admettre au vu de scènes évocatrices (comme le gag 159b, page 132) qu’il existe chez Gaston un probable signe du pouce (à droite et à gauche, 2 points), ce qui pourrait porter le score à 9 points.</p>
<p>Cette hypermobilité articulaire est bien illustrée dans le <a href="http://www.toutspirou.fr/Calendriers/menu%20calendrier.html">calendrier de 1967</a> dessiné par Franquin (on y voit Gaston se contorsionner pour regarder les mois du calendrier), ou encore dans le gag 283 (page 208) où notre antihéros s’emberlificote avec son homologue en latex. </p>
<p>Cette laxité permet à notre garçon de bureau de se mettre dans des positions invraisemblables, comme lorsqu’il joue du trombone à coulisse dans une cabine téléphonique (gag 570b, page 486), ou quand il se cache pour dormir dans son armoire (gag 237, page 181). Fantasio profite de cette particularité articulaire pour glisser Gaston dans des tiroirs (gag 27b, page 44 ; gag 125b, page 109).</p>
<h2>Il semble bel et bien présenter tous les critères</h2>
<p>S’agissant du deuxième point nécessaire pour poser un diagnostic de SEDh, plusieurs constats peuvent être faits. Il y a d’abord chez Gaston une hyperextensibilité cutanée, qui lui permet d’utiliser un Mastigaston (Mastigaston page 138), mais aussi une peau douce et veloutée que met en évidence la restauration des couleurs de Frédéric Jannin dans l’intégrale des gags parue en 2017. C’est d’ailleurs sa peau de pêche (voir la couverture et la page de garde de l’album « le repos du gaffeur » pages 494 et 495) qui permet à Lagaffe de devenir modèle pour une publicité de PetroleScalp (gag 193, page 154).</p>
<p>Ensuite, on note chez Gaston un rapport bras / jambes supérieur à 1,05 (particulièrement bien illustré dans le gag 364, page 255). De plus, il est capable de recouvrir son pouce dans sa paume avec ses autres doigts, de manière bilatérale, ce qui peut témoigner d’une <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/arachnodactylie/4913">arachnodactylie</a> : il n’est qu’à le voir pratiquer le bicyclown (gag 877, page 816) et sa façon de tenir la corde à sauter. </p>
<p>Et Gaston, tout au long de l’œuvre de Franquin, est également sensible aux ecchymoses, bosses ou cicatrices étranges après des chocs et autres traumatismes sportifs ou de bureau (par exemple gag 877, page 816). Il s’en protège avec toutes sortes de dispositifs anti-chute : en s’enroulant dans un matelas (page 236), ou bien avec un « déambulateur » (gag 10A, page 37), ou encore un lance-flamme (gag 285, page 209) en présence de verglas.</p>
<p>À ce tableau déjà bien fourni, on peut ajouter que les complications musculo-squelettiques et les probables luxations/subluxations articulaires sont bien présentes dans l’histoire de Gaston, comme en témoignent ses nombreuses immobilisations par plâtre et autres passages à l’hôpital : par exemple, une fracture ou une luxation du poignet gauche après avoir voulu cassé un biscuit lors d’un entraînement de karaté (gag 418b, page 314), ou une noix (gag 539b, page 451). </p>
<p>Enfin, son hypermobilité articulaire semble familiale, si l’on en croit les dessins de l’oncle de Gaston (page 909) et de son neveu (page 909, publicité pour dilektron parue dans le Spirou n°1805, et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gastoon">« Gastoon »</a> aux éditions Marsu production).</p>
<h2>Un fort faisceau d’arguments</h2>
<p>Avant dernier indice sur lequel s’attarder : les nombreuses onomatopées qu’utilise Gaston pour exprimer des phénomènes douloureux, allant de « Aïe !Aïe ! » à « Gargll RRâââââh » ou « AOUHH » sont présentes de manière régulière dans tous les albums. « M’enfin »… on peut difficilement en conclure que notre garçon de bureau présente des douleurs chroniques quotidiennes depuis plus de 3 mois. </p>
<p>En revanche, certains auteurs rapportent dans le SEDh une frilosité dont souffre aussi Gaston. Or, Gaston explique que le « froid l’engourdit » (gag 273, page 203), ce qui le pousse à utiliser de nombreux gadgets pour se réchauffer (gag 380, page 267).</p>
<p>Pour terminer, tentons de vérifier si ces potentielles manifestations cliniques pourraient être expliquées par un autre diagnostic. Parmi les antécédents médicaux connus de Gaston, on retiendra une simple allergie au mot « effort », diagnostiqué dans un gag (le 422b, page 318). Aucun élément supplémentaire ne nous conduit sur la piste d’autres maladies, et il n’y a pas davantage de fragilité excessive de la peau (même à l’épreuve des flammes et autres traumatismes et brûlures chimiques) qui pourrait nous orienter vers une autre forme de SED. Enfin, on ne doutera pas du fait que Gaston ne présente probablement pas de troubles somatoformes.</p>
<p>Pour conclure, si, faute de test génétique disponible (et d’un examen clinique bien conduit…), il est impossible de conclure avec certitude à la présence d’un SEDh chez Gaston, un fort faisceau d’arguments permet néanmoins de penser que notre antihéros souffrait d’un tel syndrome… Ou, à tout le moins, d’une hypermobilité articulaire importante !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mickaël Dinomais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des articulations hypermobiles, une peau de pêche hyperextensible, des bras démesurés, des douleurs récurrentes, etc. À l’évidence, Gaston souffrait d’un syndrome rare touchant le tissu conjonctif…Mickaël Dinomais, Professeur de médecine en Médecine Physique et Réadaptation, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1224942019-12-11T19:58:46Z2019-12-11T19:58:46ZLes troubles psychiatriques peuvent cacher des maladies rares<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/306367/original/file-20191211-95159-1p19qhl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5414%2C3620&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les maladies rares provoquant des troubles psychiatriques sont parfois difficiles à mettre en évidence.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/womans-head-hidden-by-soft-cloud-636371048?src=b2ec3d11-a0b0-4832-9852-70be99dc8c89-1-31">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Myopathies, maladie des os de verre, amaurose congénitale de Leber, lupus érythémateux… Dans l’opinion, l’expression « maladie rare » évoque souvent des maladies dont les symptômes seraient avant tout physiques.</p>
<p>On sait cependant aujourd’hui qu’un grand nombre de ces maladies génèrent aussi des symptômes neurologiques ou psychiatriques. Les anomalies de l’interaction sociale et les comportements stéréotypés observés dans les <a href="https://www.autismspeaks.org/autism-diagnosis-criteria-dsm5">troubles du spectre autistique</a> sont par exemple présents dans un large éventail de maladies rares : X-fragile, mutation du gène ADNP, mutation du gène SHANK3…</p>
<p>Le corollaire de ce constat est que certains troubles psychiatriques pourraient aussi avoir pour origine des maladies rares non identifiées. Ainsi, on sait que plus de <a href="https://www.sfari.org/resource/sfari-gene/">1 000 gènes différents peuvent être impliqués dans les troubles du spectre autistique</a>. Il est possible qu’une fraction non négligeable de ce trouble résulte de l’addition de nombreuses maladies rares.</p>
<p>En identifiant ces maladies, qui sont rares individuellement, mais nombreuses collectivement, on peut espérer préciser le diagnostic pour un grand nombre de patients.</p>
<h2>Quand les maladies rares provoquent des troubles psychiatriques</h2>
<p>Une maladie est dite rare lorsqu’elle concerne moins d’une personne sur 2 000. Plus de 7 000 affections correspondant à cette définition <a href="https://fondation-maladiesrares.org/les-maladies-rares/les-maladies-rares-bis/la-definition-des-maladies-rares/">ont été décrites à ce jour</a>, et cette liste s’allonge un peu plus chaque semaine. Aujourd’hui, au total, 3 à 4 millions Français sont concernés par l’une ou l’autre de ces maladies rares, dont la plupart (environ 80 %) <a href="https://fondation-maladiesrares.org/les-maladies-rares/les-maladies-rares-bis/la-definition-des-maladies-rares/">ont une origine génétique</a>.</p>
<p>Un certain nombre d’entre elles se traduisent par des troubles psychiatriques. Grâce aux avancées considérables réalisées dans le champ de la psychiatrie génétique, plusieurs sont désormais bien connues. C’est le cas par exemple de la <a href="http://www.generation22.fr/actualites/5-fiches-points-cles-pour-la-prise-en-charge-psychiatrique-dans-la-deletion-22q11/">délétion d’une partie du chromosome 22</a> (del22q11), qui ont 40 % de risque de développer une schizophrénie à l’adolescence.</p>
<p>Par ailleurs, certaines formes extrêmes de troubles psychiatriques sont en elles-mêmes des maladies rares. Par exemple, la schizophrénie se déclenche généralement entre 15 et 30 ans, mais elle peut parfois débuter dans l’enfance. Ces <a href="https://www.chu-nantes.fr/schizophrenies-a-debut-precoce-chez-l-enfant--37445.kjsp">schizophrénies très précoces</a> affectent environ 0,03 % de la population, bien loin des 1 % de la forme classique.</p>
<p>Mais les liens entre maladie rare et trouble psychique vont bien au-delà. On sait que certaines maladies métaboliques rares peuvent aussi se traduire par des symptômes psychiatriques. Ainsi, le <a href="http://www.tousalecole.fr/content/d%C3%A9ficit-en-cr%C3%A9atine#simple-table-of-contents-5">déficit en créatine</a> maladie rare dans laquelle la créatine, molécule permettant de fournir une réserve d’énergie au cerveau et aux muscles, est insuffisamment produite, peut entraîner des symptômes autistiques ou une déficience intellectuelle. Administrer aux patients la molécule manquante pourrait améliorer les symptômes.</p>
<p>Il arrive enfin que certaines maladies inflammatoires rares <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27063957">provoquent des dépressions ou de l’anxiété</a>, ou encore que certaines maladies auto-immunes, voire certaines infections, engendrent des troubles psychiatriques. Pour preuve, le <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2019/03/22/sa-schizophrenie-etait-due-au-chat-%E2%80%A8%E2%80%A8/">cas de ce jeune patient américain</a> qui, atteint par une évolution atypique de la maladie des griffes du chat, <a href="https://theconversation.com/podcast-lorsque-la-folie-est-soignee-par-un-dermatologue-121572">a développé une schizophrénie</a>. Après une longue et pénible errance diagnostique, son trouble psychiatrique a finalement pu être traité efficacement par des antibiotiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-lorsque-la-folie-est-soignee-par-un-dermatologue-121572">Podcast : Lorsque la folie est soignée par un dermatologue !</a>
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<p>Avant de poser un diagnostic de trouble psychiatrique et de prescrire un traitement, les médecins doivent donc s’assurer que ce trouble ne résulte pas d’une autre maladie, qui serait non psychiatrique. Une tâche singulièrement compliquée par la profusion des maladies rares existantes.</p>
<h2>Le défi du dépistage</h2>
<p>Le principal obstacle auquel font face les médecins est la quantité de maladies rares identifiées. Comment passer en revue l’ensemble des 7 000 affections répertoriées sans multiplier les examens inutiles pour le patient ?</p>
<p>Dans certains cas, il est possible d’identifier des symptômes non psychiatriques : par exemple, les patients avec <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2016-02/pnds_-_deletion_22q11_2.pdf">délétion 22q11</a>, à haut risque de schizophrénie, sont parfois repérés car ils souffrent également d’anomalie cardiaque. Cependant d’autres maladies rares ne s’expriment que par des symptômes psychiatriques.</p>
<p>La réalisation d’un bilan large systématique quand certaines caractéristiques sont présentes est une autre possibilité de dépistage : troubles psychiatriques résistants aux traitements classiques, formes précoces ou atypiques, formes familiales…</p>
<p>Enfin, l’arrivée de techniques d’analyse permettant de rechercher des anomalies génétiques à grande échelle pourrait permettre d’identifier efficacement et rapidement les patients dont les troubles sont dus à des maladies rares.</p>
<h2>Des bénéfices médicaux et psychologiques</h2>
<p>Identifier une maladie rare sous-jacente à un trouble psychiatrique présente des intérêts médicaux évidents. Savoir que l’on est porteur d’une délétion 22q11 offre par exemple l’opportunité d’intervenir précocement en cas de développement d’une schizophrénie à l’adolescence. Agir tôt est important, car ce trouble répond d’autant mieux au traitement que les symptômes sont pris en charge rapidement.</p>
<p>L’identification d’une maladie rare permet parfois aussi de mieux prévenir la survenue de complications. La délétion 22q11, qui augmente le risque de schizophrénie, s’accompagne notamment d’un taux de calcium anormalement bas durant les premières semaines de vie. Parfois, ce problème peut perdurer ou réapparaître, au cours des phases importantes de la croissance. Identifier la délétion permet de dépister du même coup le problème de calcium, qui serait passé inaperçu.</p>
<p>Dans certains cas, l’information sur la maladie rare fournit aussi des indications sur les façons <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31685813">d’adapter le traitement du trouble psychiatrique</a>. Ainsi, une dépression causée par une maladie inflammatoire rare peut parfois bénéficier d’un traitement comme la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0889159119304386">kétamine</a>, qui n’est habituellement pas utilisé en première intention. Le médecin peut aussi décider de changer de traitement s’il en existe un spécifique de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17689147">maladie rare concernée</a>.</p>
<p>Outre les bénéfices purement médicaux, le fait de poser un diagnostic précis peut aussi s’accompagner de bénéfices psychologiques. Les familles ont parfois tendance à surévaluer le poids de l’environnement et de leur propre rôle dans l’apparition des troubles psychiatriques. Informer l’entourage et le patient sur les causes biologiques des troubles permet de les déculpabiliser, car personne n’est responsable de sa génétique. Le diagnostic peut alors être source de soulagement psychique.</p>
<p>De plus, alors que les troubles psychiatriques s’accompagnent souvent d’un déni, objectiver l’anomalie sous-jacente permet à certains patients de mieux accepter leur maladie. Et en réaffirmant la prépondérance de la biologie sur la responsabilité de l’individu, on peut espérer changer l’opinion des citoyens envers les maladies psychiatriques, qui restent encore trop stigmatisées.</p>
<h2>Poursuivre les recherches en associant médecins, chercheurs, patients et familles</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=776&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=975&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=975&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305723/original/file-20191207-90580-1rlqd5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=975&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des centres de référence et les centres de compétences pour les maladies rares à expression psychiatriques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.defiscience.fr/filiere/organisation/">DefiScience</a></span>
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<p>En France, la prise en charge des maladies rares à expression psychiatrique et la recherche sur le sujet sont assurées par la <a href="http://www.defiscience.fr/">filière DefiScience</a>. Celle-ci regroupe trois <a href="https://fondation-maladiesrares.org/les-maladies-rares/les-maladies-rares-bis/les-centres-de-references-et-de-competences/">centres de références</a> (CRMR) et plusieurs centres de compétences répartis sur le territoire.</p>
<p>Ces structures ont des missions de diagnostic et de soins mais aussi de recherche, de formation, de discussion entre les différents partenaires, les malades et leurs familles. Les médecins traitants et les psychiatres peuvent demander des avis aux psychiatres de ces centres. De plus en plus souvent, les projets de recherche mis en place dans les CRMR sont menées dans une perspective participative, les chercheurs travaillant avec les associations de patients et les familles.</p>
<p>Grâce à ces travaux, on peut espérer mieux appréhender les liens entre maladies rares et troubles psychiatriques, et ainsi mieux personnaliser les soins afin de traiter les causes plutôt que les symptômes. Les maladies plus fréquentes pourraient aussi bénéficier de ces recherches, à l’image de ce qui s’est passé pour la maladie d’Alzheimer : l’identification de gènes impliqués dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22312439">formes familiales rares</a> a permis de mieux comprendre la biologie des formes fréquentes.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus :<br>
– les sites des CRMR de <a href="http://speapsl.aphp.fr/#/cref/mr">La Pitié Salpêtrière en pédopsychiatrie</a>, du groupe hospitalier universitaire <a href="http://www.ch-sainte-anne.fr/Actualites/Le-CH-Sainte-Anne-labellise-Centre-de-reference-des-maladies-rares-a-expression-psychiatrique">Paris Psychiatrie et Neurosciences à Sainte Anne</a> et du <a href="http://www.ch-le-vinatier.fr/offre-de-soins/la-recherche/genopsy-2098.html">Vinatier</a>, à Lyon ;<br>
– le site du programme européen <a href="https://www.cost.eu/actions/CA17130">COST Action 17130</a>, mis en place pour promouvoir les tests génétiques et le conseil génétique en psychiatrie.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Boris Chaumette a reçu au cours des trois dernières années des rémunérations du laboratoire Janssen pour la participation à des manifestations scientifiques. Il reçoit des financements de la fondation Bettencourt-Schueller pour ses recherches.</span></em></p>En identifiant les maladies rares responsables de troubles psychiatriques, on peut espérer améliorer leur diagnostic et mieux adapter les traitements. Explications.Boris Chaumette, Psychiatre, neurobiologiste, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1070642018-11-15T21:39:39Z2018-11-15T21:39:39ZPourquoi certaines personnes sont-elles plus douillettes que d’autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245848/original/file-20181115-194506-1o47xoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5607%2C3732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines personnes supportent moins bien la douleur...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/tattooist-makes-tattoo-287783510">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Quiconque a grandi dans les années 1990 se souvient de l’épisode de la série « Friends » où Phoebe et Rachel s’aventurent à se faire tatouer. Alerte <em>spoiler</em> : Rachel finit avec un tatouage, et Phoebe se retrouve avec un simple point d’encre noire, parce qu’elle n'a pas pu supporter la douleur.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=614&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242138/original/file-20181024-71020-1xw3won.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=771&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En terme de douleur, êtes-vous plutôt Rachel ou Phoebe ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Associated-Press-Domestic-News-California-Unite-/0ea5d08fdde6da11af9f0014c2589dfb/2/0">AP Photo/Reed Saxon</a></span>
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<p>Ce scénario de <em>sitcom</em> est drôle, et illustre bien la question à laquelle je tente de répondre, comme bon nombre de mes confrères <a href="http://doi.org/10.1038/nrrheum.2013.43">travaillant</a> <a href="http://doi.org/10.1136/jmedgenet-2011-100386">dans</a> le <a href="http://doi.org/10.1016/j.pain.2013.09.018">domaine</a> <a href="http://doi.org/10.1111/gbb.12302">de</a> <a href="http://doi.org/10.1172/JCI87406">la</a> <a href="http://doi.org/10.2174/138920111798357393">« génétique</a> <a href="http://doi.org/10.1038/nm.2710">de la douleur »</a> : en quoi Rachel est-elle différente de Phoebe ? Et, plus important encore, pouvons-nous exploiter cette différence pour aider les « Phoebe » du monde à moins souffrir, en les rendant plus semblables aux « Rachel » ?</p>
<p>La douleur est le symptôme le plus courant signalé en consultation médicale. Dans des circonstances normales, elle est signe de blessure. La réaction « naturelle » est donc de se protéger du mieux possible, jusqu’au rétablissement et à la disparition de la douleur. Malheureusement, les <a href="http://doi.org/10.1371/journal.pgen.1000086">gens diffèrent non seulement dans leur capacité à détecter la douleur, à la tolérer et à y réagir</a>, mais aussi dans la façon dont ils la signalent, et dont ils répondent aux divers traitements. Il est de ce fait difficile de savoir comment traiter efficacement chaque patient. Pourquoi la douleur n’est-elle pas ressentie de la même façon par tout le monde ?</p>
<p>En termes de santé, les différences entre individus résultent souvent d’interactions complexes entre des facteurs psychosociaux, environnementaux et génétiques. Et bien que la douleur ne puisse pas être considérée comme une maladie « traditionnelle », au même titre que les maladies cardio-vasculaires ou le diabète, les facteurs qui entrent en ligne de compte sont identiques. Notre bagage génétique nous rend plus ou moins sensibles à la douleur, et aux expériences douloureuses que nous subissons tout au long de notre vie. Mais nos réactions peuvent aussi être modulées par notre état mental et physique, nos expériences passées – douloureuses, traumatisantes – et notre environnement.</p>
<p>Si nous pouvions mieux comprendre ce qui, dans diverses situations, rend les individus plus ou moins sensibles à la douleur, nous serions plus à même de réduire la souffrance des individus, en mettant au point des traitements personnalisés. Ciblés, ceux-ci présenteraient moins de risques de mauvaise utilisation ou d’accoutumance que les traitements actuels. Concrètement, il s’agit dans un premier temps de savoir déterminer qui risque de ressentir le plus de douleur, ou qui va avoir besoin de plus grandes quantités d’analgésiques, puis dans un second temps d’être capable de gérer efficacement ladite douleur, afin que le patient se sente mieux et se rétablisse plus rapidement.</p>
<h2>Les gènes de la douleur ne sont pas tous les mêmes</h2>
<p>Le séquençage du génome humain nous a beaucoup appris sur le nombre et l’emplacement des gènes contenus dans notre ADN. Il a aussi permis d’identifier des millions de petites variations à l’intérieur desdits gènes. Certaines ont des effets connus, d’autres non.</p>
<p>Ces variations peuvent se présenter sous plusieurs formes, mais la variation la plus courante est le <a href="http://www.edu.upmc.fr/sdv/masselot_05001/polymorphisme/snp.html">polymorphisme d’un seul nucléotide</a> (SNP), qui correspond à une unique différence dans les nucléotides qui composent le gène (les nucléotides sont les <a href="http://www.supagro.fr/ress-tice/ue1-ue2_auto/Bases_Biologie_Moleculaire_v2/co/_gc_briques_elementaires.html">« briques moléculaires »</a> qui constituent l’ADN. Au nombre de quatre, elles sont symbolisées par les lettres A,T,C et G).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242143/original/file-20181024-71026-kbljnb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plusieurs des raisons pour lesquelles la sensibilité à la douleur diffère d’une personne à une autre résident dans nos gènes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/sequencing-genome-background-on-subject-dna-792901510?src=-STUX5PnnQvYXMisZokyfA-2-19">Sergei Drozd/Shutterstock</a></span>
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<p>On connaît environ 10 millions de SNP dans le génome humain ; la combinaison des SNP d’un individu constitue son code ADN personnel et le différencie de celui des autres. Lorsqu’un SNP est fréquent, on parle de variant ; lorsqu’un SNP est rare, c’est-à-dire qu’on le trouve dans moins de 1 % de la population, on parle alors de mutation. </p>
<p>Des données de plus en plus nombreuses montrent <a href="https://www.humanpaingenetics.org/hpgdb/">des douzaines de gènes</a> et de variants différents sont impliqués non seulement dans notre sensibilité à la douleur, mais aussi dans la proportion dans laquelle les analgésiques – comme les opioïdes – sont capables de la réduire, ou dans notre risque de développer une douleur chronique.</p>
<h2>Une histoire de la tolérance à la douleur</h2>
<p>Les premières études de « génétique de la douleur » ont porté sur des familles dont certains membres étaient touchés par une affection extrêmement rare, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4237581/">l'insensibilité congénitale à la douleur</a>. Décrite pour la première fois <a href="https://journals.lww.com/jonmd/Citation/1932/06000/A_Case_of_Congenital_General_Pure_Analgesia.2.asp">en 1932</a> chez un artiste travaillant dans un spectacle ambulant en tant que « The Human Pincushion » (« Le coussin à épingles humain »),cette « analgésie pure » se caractérise par une absence de douleur. Dans les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14209605">années 1960</a>, des travaux ont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14177236">rapporté</a> l’existence de familles <a href="http://dx.doi.org/10.1136/jnnp.31.3.291">génétiquement apparentées</a> dont certains enfants étaient tolérants à la douleur.</p>
<p>À l’époque, il n’existait aucune technologie permettant de déterminer la cause de ce trouble. Toutefois, grâce à ces familles rares, nous savons que l’analgésie congénitale – connue désormais sous des noms plus étranges tels que <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2010/11/medsci20102612p1015/medsci20102612p1015.html">« canalopathie »</a> – résulte de mutations ou de délétions spécifiques au sein de gènes uniques, indispensables pour transmettre les signaux de la douleur.</p>
<p>Le coupable le plus courant est l’un des quelques SNPs connus du gène <a href="https://ghr.nlm.nih.gov/gene/SCN9A">SCN9A</a>, qui code un <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/canaux-ioniques/3-les-caracteristiques-structurales-des-canaux-ioniques/">canal protéique</a> nécessaire à l’envoi de signaux de la douleur. Cette affection est rare, et seule une poignée de cas a été documentée aux États-Unis. On pourrait penser que vivre sans douleur est une bénédiction, mais ce n’est pas le cas. Ces familles doivent en effet toujours être à l’affût de blessures graves ou de maladies mortelles. En temps normal, les enfants tombent et pleurent, mais dans le cas de l’analgésie congénitale, il n’existe aucun des niveaux de douleur qui permettent habituellement de distinguer une simple éraflure au genou d’un genou cassé. De même, aucune douleur thoracique ne signale une crise cardiaque, et aucune souffrance abdominale ne prévient d’une appendicite, ce qui fait que ces deux affections peuvent tuer les individus atteints avant que quiconque ne réalise le problème.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242099/original/file-20181024-71038-12vaw3w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’aide-enseignante Sue Price, à droite, examine la tête d’Ashlyn Blocker à la recherche d’éraflures, qui s'est cognée après l’école. Ashlyn ne se plaint jamais, car cette enfant de 5 ans fait partie du petit nombre de personnes dans le monde connu pour leur insensibilité congénitale à la douleur – une maladie génétique rare qui la rend incapable de ressentir la douleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Associated-Press-Domestic-News-Georgia-United-S-/69578fe3eee0da11af9f0014c2589dfb/3/0">AP Photo/Stephen Morton</a></span>
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</figure>
<h2>Supersensibilité à la douleur</h2>
<p>Les variations au sein du gène SCN9A causent non seulement une insensibilité à la douleur, mais il a également été démontré qu’elles déclenchent deux affections sévères, caractérisées par une douleur extrême : l’érythermalgie primaire et le syndrome de douleur extrême paroxystique. Dans ces deux cas, les mutations au sein de SCN9A provoquent plus de signaux de douleur que la normale.</p>
<p>Ces types de douleurs héréditaires sont extrêmement rares. Il ne fait aucun doute que les études sur les variations génétiques qui en sont la cause e ne révèlent que peu de choses sur les variations plus subtiles qui contribuent aux différences de sensibilité à la douleur des individus appartenant à la population normale.</p>
<p>Cependant, grâce à l'intérêt croissant du public pour la médecine basée sur le génome et aux appels à développer des stratégies de soins de santé personnalisés plus ciblés, ces résultats peuvent être traduits par les chercheurs en protocoles de traitement de la douleur personnalisés, qui correspondent aux gènes d’un patient donné.</p>
<h2>Les variations génétiques affectent-elles la douleur chez tout le monde ?</h2>
<p>En activant ou en réduisant au silence le canal sodique, le gène SCN9A joue un rôle majeur dans le contrôle de la réponse de l’organisme à la douleur. Le fait qu’il amplifie ou atténue la douleur dépend de la mutation portée par un individu.</p>
<p>Il s’avère que le gène SCN9A influe également sur la perception de la douleur dans la population normale. Il a été démontré qu’un SNP relativement courant au sein du gène SCN9A, appelé 3312G>T, présent dans 5 % de la population, détermine la sensibilité à la <a href="http://doi.org/10.1097/ALN.0b013e31827dde74">douleur post-opératoire</a> et la quantité de médicaments opioïdes nécessaires pour la maîtriser. <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0913181107">Un autre SNP</a> du gène SCN9A provoque quant à lui une plus grande sensibilité chez les personnes souffrant de douleurs causées par l’arthrose, la chirurgie d’ablation des disques lombaires, les membres fantômes chez les personnes amputées et la pancréatite.</p>
<p>Selon les estimations, jusqu’à 60 % de la variabilité de la douleur pourrait être attribuable à des facteurs héréditaires, c’est-à-dire génétique. En d’autres termes, cela signifie que la sensibilité à la douleur se transmet, au sein d’une famille, par l’hérédité, tout comme la taille, la couleur des cheveux ou le teint de la peau.</p>
<p>Certains des principaux gènes qui influencent la perception de la douleur sont déjà connus, et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=k0pWUhqZoAc">de nouveaux gènes</a> continuent à être identifiés.</p>
<h2>Les créatures marines, sources de nouveaux analgésiques</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242135/original/file-20181024-71020-1jhoxu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains poissons-globes comme <em>Arothron meleagris</em> peuvent produire une toxine capable de bloquer la transmission du signal de la douleur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/11/Arothron_meleagris_by_NPS_1.jpg">NPS photo -- Bill Eichenlaub</a></span>
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<p>Sur le plan thérapeutique, depuis plus d’un siècle des anesthésiques locaux (notamment la <a href="https://www.vidal.fr/substances/2097/lidocaine/">lidocaïne</a>) sont utilisés pour traiter la douleur. Ceux-ci induisent un blocage à court terme du canal protéique, afin de stopper la transmission de la douleur efficacement et en toute sécurité.</p>
<p>Fait intéressant, les chercheurs évaluent actuellement la tétrodotoxine, une puissante neurotoxine produite par des créatures marines comme le dangereux <a href="https://youtu.be/osz8w-mxy8c?t=52">poisson-globe</a> et les poulpes, qui agit en bloquant la transmission du signal de la douleur.</p>
<p>La tétrodotoxine a montré une efficacité précoce dans le traitement de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21655148">douleur cancéreuse</a> et de la <a href="http://doi.org/10.3390/md10020281">migraine</a>. Ces médicaments et toxines induisent le même état que celui existant chez les personnes atteintes d'insensibilité congénitale à la douleur.</p>
<p>S’il fallait trouver un point positif à la <a href="https://theconversation.com/antidouleurs-opio-des-comment-prevenir-une-crise-sanitaire-en-france-101621">terrible crise des opioïdes</a> actuellement en cours, c’est qu’elle a fait prendre conscience de la nécessité de mettre au point des outils plus précis pour traiter la douleur – des outils capables de s'y attaquer à la source, tout en génèrant moins d’effets secondaires et comportant moins de risques.</p>
<p>Grâce à une meilleure compréhension de la contribution des gènes à la sensibilité à la douleur, à la susceptibilité aux douleurs chroniques et même à la réponse analgésique, des traitements qui abordent le « pourquoi » de la douleur, et non plus seulement le « où », pourront être mis au point. Des stratégies de gestion de la douleur ciblées commencent déjà à être conçues. Leurs bienfaits ne feront que croître, à mesure que nous en apprendrons davantage sur les raisons pour lesquelles la douleur diffère d’une personne à l’autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Erin Young reçoit des fonds des instituts nationaux de la santé. Elle est professeure adjointe à l'École des Sciences infirmières de l'Université du Connecticut et directrice adjointe du Centre pour l'avancement dans la gestion de la douleur (CAMP).</span></em></p>Comprendre pourquoi certaines personnes sont plus sensibles à la douleur que d’autres permettrait de mettre au point des traitements personnalisés beaucoup plus efficaces.Erin Young, Assistant Professor, University of Connecticut School of Nursing; Assistant Director, UCONN Center for Advancement in Managing Pain, University of ConnecticutLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1059362018-10-29T20:33:01Z2018-10-29T20:33:01ZÀ quoi est due la sclérose en plaques ? Ce que l’on sait, ce que l’on ignore<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242846/original/file-20181029-76402-nco92e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3494%2C1991&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes exposées à un faible ensoleillement et les femmes sont plus susceptibles d'être atteintes de sclérose en plaques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-wheelchair-her-dog-sunset-640121941?src=vuTaenfofgLG3saKsBL9lg-1-3">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’actrice américaine Selma Blair a annoncé récemment qu’elle avait reçu un diagnostic de sclérose en plaques (SEP). « J’ai probablement cette maladie incurable depuis au moins 15 ans, a-t-elle écrit. Au moins, je suis soulagée de le savoir. »</p>
<p>La <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/sclerose-en-plaques-sep">sclérose en plaques</a> est une maladie auto-immune qui survient lorsque le corps attaque par erreur le cerveau et la moelle épinière. Plus précisément, il endommage la myéline, la couche protectrice qui entoure les nerfs. Or, lorsque la myéline est endommagée, les messages émanant du cerveau et de la moelle épinière ne peuvent plus être correctement transmis aux autres parties du corps.</p>
<p>Les symptômes qui en résultent sont multiples : fatigue extrême, perte de concentration et de mémoire, engourdissement, sensibilité à la chaleur et au froid, difficultés à marcher et à s’équilibrer, spasmes, étourdissements et irascibilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maladies-auto-immunes-quand-le-systeme-immunitaire-se-trompe-de-cible-103799">Les maladies auto-immunes, quand le système immunitaire se trompe de cible</a>
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<p>Selma Blair, 46 ans, est l’une des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4799713/">400 000 personnes aux États-Unis</a> atteintes de SEP. La prévalence de cette maladie est similaire <a href="http://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/42394/924156203X_en.pdf">à celle de l’Australie</a>, où <a href="https://www.msaustralia.org.au/what-ms">environ 25 000</a> personnes vivent avec cette maladie (<em>ndlr</em> <em> : environ 100 000 personnes sont affectées en <a href="https://www.arsep.org/fr/168-d%C3%A9finition-et-chiffres.html">France</a></em>). L’âge moyen d’apparition de la SEP est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19782378">30 ans</a>, et environ les trois quarts des personnes touchées sont des femmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=502&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241767/original/file-20181023-169816-1pypqt2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=631&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/BpKjP_7FnWQ/?utm_source=ig_web_copy_link">Instagram</a></span>
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<p>Nous ignorons encore beaucoup de choses sur les causes de la SEP, mais les recherches menées jusqu’à présent indiquent que nos gènes et notre environnement jouent un rôle dans la susceptibilité à la maladie.</p>
<h2>Génétique</h2>
<p>La génétique joue un rôle important dans le développement de la SEP : plus de 200 marqueurs génétiques ont été impliqués dans la maladie. Toutefois si, collectivement, les gènes identifiés peuvent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24852507">représenter jusqu’à 25 %</a> de la composante génétique du risque de SEP, chaque gène pris isolément ne représente qu’un risque faible.</p>
<p>Pour cette raison, il n’est pas possible d’établir un « score de risque génétique » qui refléterait précisément le risque qu’une personne court de développer la SEP. Il n’est donc pas possible de distinguer les personnes les plus à risque des autres, même si l’on connaît leur proportion dans la population.</p>
<p>Les chercheurs tentent désormais de développer une approche génétique plus sophistiquée pour aider à identifier les personnes à risque. Pour cela, ils se concentrent sur les familles dans lesquelles plus d’une personne est atteinte par la maladie. On sait qu'il arrive que dans certaines familles, des membres qui ne présentent pas de symptômes soient quand malades. L'existence de ces SEP asymptomatiques peut signifier plusieurs choses : soit la maladie en est à un stade précoce de son développement, soit elle est moins grave, soit elle est « bloquée » à un stade où elle ne s’est pas manifestée cliniquement.</p>
<p>L’identification des mutations communes aux différents membres de la famille touchés pourrait aider à comprendre quels gènes sont susceptibles d’être directement impliqués dans l’origine de la SEP. Ces résultats, obtenus dans des familles touchées par la maladie, peuvent-ils être extrapolés à l’ensemble de la population ? Cette question doit encore trouver une réponse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=571&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242844/original/file-20181029-76390-18vday2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=717&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsque la myéline est endommagée, les signaux nerveux ne peuvent plus être transmis correctement entre le cerveau ou la moelle épinière et le reste du corps.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Virus</h2>
<p>Le <a href="http://www.cancer.ca/fr-ca/prevention-and-screening/reduce-cancer-risk/make-informed-decisions/get-vaccinated/epstein-barr-virus-ebv/?region=qc">virus d’Epstein-Barr</a>, qui provoque souvent une fièvre glandulaire chez les jeunes adultes, est fortement associé au développement de la SEP. Si vous <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/10908883">n’avez pas été exposé</a> au virus, vous n’attraperez probablement pas la maladie.</p>
<p>Il existe de nombreuses théories sur la façon dont le virus d’Epstein-Barr pourrait être impliqué dans la SEP. Celui-ci infecte un <a href="http://www.bloodjournal.org/content/112/5/1570?sso-checked=true">type de globule blanc</a> important pour le système immunitaire. L’infection de ces cellules affecterait la réponse immunitaire, provoquant les réactions auto-immunes à l’origine de la SEP.</p>
<p>Mais le virus d’Epstein-Barr <a href="http://n.neurology.org/content/55/2/164">ne suffit pas</a> à déclencher la SEP, puisque plus de 90 % des personnes non affectées par la SEP ont été exposées au virus.</p>
<h2>La lumière du soleil</h2>
<p>La lumière du soleil, ou plus précisément l’exposition aux rayons ultraviolets (UV), diminue avec l’éloignement de l’équateur. Or, plus on s’éloigne de l’équateur, plus le risque de développer la SEP est élevé. En Australie, les personnes qui vivent dans le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3368080">nord du Queensland</a> sont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3681330">sept fois moins susceptibles</a> de développer la SEP <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3365543">que celles qui vivent en Tasmanie</a>.</p>
<p>On sait que la lumière ultraviolette a de nombreux effets sur le système immunitaire et sur notre synthèse de vitamine D. En particulier, les UV semblent avoir un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2687907">impact sur l’activité immunitaire</a>, rendant les cellules immunitaires plus tolérantes et, dans certains cas, inhibant l’activité immunitaire.</p>
<h2>Hormones</h2>
<p>Le fait que les femmes soient plus susceptibles de développer la SEP que les hommes pourrait être lié à des différences hormonales.</p>
<p>On sait en effet que l’activité de la maladie diminue <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27145331">pendant la grossesse</a>, et que les femmes qui ont plusieurs enfants sont en moyenne moins susceptibles de contracter la maladie. Par ailleurs, si elles la contractent, il y a de fortes chances pour que la forme de la maladie soit moins sévère.</p>
<h2>Lifestyle</h2>
<p>Fumer <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1352458515609794?journalCode=msja">augmente significativement le risque de développer la SEP</a>. Les fumeurs et les personnes exposées au tabagisme secondaire sont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19365595">presque deux fois plus susceptibles</a> d’être touchés par la maladie. Ils ont en particulier plus de risques de développer des <a href="https://www.jle.com/download/nro-286081-les_formes_demblee_progressives_de_sclerose_en_plaques--W9dJx38AAQEAAF8bQZkAAAAO-a.pdf">formes de SEP progressives</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241961/original/file-20181024-169831-1i0uer3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fumer augmente considérablement le risque de développer une sclérose en plaques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/lzcKZlVPYaU">Mathew MacQuarrie/Unsplash</a></span>
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<p>Par ailleurs, il existe <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28402456">des preuves solides</a> établissant que l’arrêt du tabac réduit la gravité de la progression de la maladie chez les personnes qui en sont atteintes.</p>
<p>Les recherches sont toujours en cours, mais il semble que le tabagisme influence la production de certaines protéines dans les poumons, lesquelles peuvent accroître la vigilance des cellules immunitaires. À l’extrême, ces modifications pourraient déclencher la réponse immunitaire.</p>
<h2>Pistes de recherche et de thérapies</h2>
<p>On s’intéresse aujourd’hui beaucoup au rôle que la nutrition et l’alimentation pourraient jouer dans le développement de la SEP, et dans la gestion de la maladie une fois qu’elle s’est déclarée. Ces études sont toutefois complexes, en raison des nombreuses composantes nutritionnelles qui constituent potentiellement notre régime alimentaire.</p>
<p>Le maintien du taux de cholestérol et de lipides <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27645350">à un niveau correct</a> pourrait aider à atténuer certains symptômes de la SEP, comme la fatigue. Les recherches sur ce sujet sont néanmoins actuellement encore en cours.</p>
<p>Les données sont plus probantes en ce qui concerne les liens entre poids, obésité et risque de SEP. Des études ont démontré que l’embonpoint ou l’obésité, particulièrement à l’adolescence, sont associés <a href="https://www.karger.com/Article/Abstract/450854">à un risque accru de développer la SEP</a>. Chez les personnes atteintes de SEP, surpoids et obésité sont également associés aux plus mauvaises situations médicales. On ne sait toutefois pas grand-chose sur les mécanismes responsables qui en sont à l’origine.</p>
<p>Pour les malades, le recours à la <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-physiotherapie-13411/">physiothérapie</a> donne des résultats variables, néanmoins cette approche a été associée, au moins à court terme, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29414293">à certains bénéfices</a>, tels qu’un meilleur équilibre et une meilleure coordination.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Trevor Kilpatrick reçoit des fonds du NHMRC, de l'ARC, du MSRA et du NMSS.</span></em></p>La sclérose en plaques affecte de façon surtout les jeunes femmes. Elle survient quand le système immunitaire attaque le cerveau et brouille la communication avec le corps. Quelles sont ses causes ?Trevor Kilpatrick, Professor of neurologist and clinical director, Florey Institute of Neuroscience and Mental HealthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894622018-01-17T21:39:36Z2018-01-17T21:39:36ZBioéthique : doit-on soigner les embryons ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201707/original/file-20180111-101495-13x3uvx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=647%2C0%2C4258%2C3206&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Certaines techniques permettent de corriger des anomalies génétiques sur l'embryon. Ici, manipulation sous microscope dans un cours d'embryologie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zeissmicro/9258850055/in/album-72157634586497769/">Zeiss/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>En France, les tests génétiques sont autorisés avant la naissance pour certaines pathologies héréditaires graves comme la maladie de Hungtinton ou la mucoviscidose. Ils peuvent être réalisés sur un fœtus – on parle alors d’un diagnostic « prénatal » car réalisé dans l’utérus. Si les mêmes tests sont réalisés sur un embryon, il s’agit d’un diagnostic dit « préimplantatoire » car pratiqué après la Fécondation in vitro (FIV) et avant l’implantation dans l’utérus. Jusqu’à tout récemment, la seule action possible en cas de détection de l’anomalie génétique était de pratiquer un avortement sur le fœtus ou de ne pas transférer l’embryon dans l’utérus.</p>
<p>Sur le fœtus, certaines interventions ont déjà pu être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/261230132">pratiquées avec succès</a> et sont aujourd’hui envisageables. En ce qui concerne l’embryon, on n’en est pas là. Cependant, des techniques encore expérimentales ont été développées, permettant de soigner un embryon plutôt que de l’éliminer. Deux enfants sont déjà nés à la suite de telles interventions et sont – pour autant qu’on le sache – en bonne santé.</p>
<p>Un groupe du comité d’éthique de l’Inserm se penche depuis plusieurs années sur les nouvelles techniques de thérapie embryonnaire. Ses membres examinent les questions qu’elles soulèvent et, plus généralement, celles posées par les progrès scientifiques permettant d’intervenir sur les embryons humains. Les résultats de cette réflexion ont pu être communiqués <a href="https://www.inserm.fr/sites/default/files/media/entity_documents/Inserm_Note_ComiteEthique_GroupeEmbryon_decembre2017.pdf">dans une note</a>, en décembre 2017.</p>
<p>Le 18 janvier seront lancés les <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">États généraux de la bioéthique</a>. Cette vaste consultation des citoyens précède la révision des lois de bioéthique prévue pour 2019. Elle porte sur des sujets aussi différents que l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes en couple et aux femmes seules, les tests génétiques, mais aussi le dépistage de maladies avant la conception ou chez l’embryon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201922/original/file-20180115-101508-1apz6b5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Embryon au stade de 8 cellules, stade auquel est couramment pratiqué le diagnostic pré-implantatoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Jouannet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’une des techniques permettant de soigner les embryons est le don de mitochondries. Elle a conduit récemment à la naissance de deux enfants, un garçon né au Mexique en septembre 2016, puis un <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/grossesse/naissance-d-un-deuxieme-enfant-avec-trois-parents-biologiques_109929">autre né en Ukraine</a> en janvier 2017. Les mitochondries sont des éléments qui produisent l’énergie de nos cellules. Elles sont situées dans le cytoplasme, l’espace autour du noyau contenant les 23 paires de chromosomes porteurs des gènes dits nucléaires. Les mitochondries possèdent leur propre génome, qui peut être à l’origine de maladies héréditaires comme le <a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=255210">syndrome de Leigh</a>, lequel entraîne une dégénérescence du système nerveux central.</p>
<h2>L’enfant « à trois parents »</h2>
<p>Lors de la fécondation, seules les mitochondries de l’ovule sont transmises à l’embryon. Ainsi, les maladies mitochondriales se transmettent par la mère. Pour éviter ce risque, il est envisagé d’utiliser l’ovule d’une donneuse (contenant les mitochondries) dont on retirerait le noyau pour le remplacer par celui de la femme atteinte de la maladie. D’où l’expression d’enfant « aux trois parents » employée dans les médias, puisqu’en plus du père, deux femmes contribueraient génétiquement à la création de cet enfant.</p>
<p>Cette opération peut être réalisée juste avant la fécondation (<em>spindle transfer</em>) ou juste après, quand les pronoyaux contenant l’ADN et donc les génomes d’origine paternelle et maternelle sont bien visibles et plus facilement transférables (<em>pronuclear transfer</em>). Dans le premier cas, c’est un ovocyte (ovule) qui est énucléé, alors que dans le second, c’est un embryon précoce (à savoir la première cellule de l’embryon au stade zygote).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201921/original/file-20180115-101518-1jem7o0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Embryon humain au tout premier stade, une seule cellule avec 2 pronoyaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Jouannet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Un médecin américain, John Zhang, a utilisé le mode de transfert avant fécondation pour aider une femme atteinte du syndrome de Leigh à avoir un enfant en bonne santé, le premier au monde né d’un don de mitochondries. Toutefois, en août 2017, l’Agence américaine du médicament (FDA) est intervenue auprès de ce médecin afin qu’il cesse ses recherches cliniques, dans la mesure où elles impliquaient la création d’un embryon génétiquement modifié. Par contre, les autorités britanniques ont autorisé le passage de la phase expérimentale à l’application clinique depuis 2015, sans naissance connue à ce jour. En France, le débat n’a pas encore débuté.</p>
<h2>Des recherches préalables sur des embryons d’espèces animales</h2>
<p>Si l’on doit un jour généraliser les techniques permettant de soigner les embryons, il faut s’assurer auparavant qu’elles ne comportent pas de risque pour les enfants futurs. Le préalable incontournable, d’un point de vue éthique, est donc d’entreprendre des recherches sur des embryons d’espèces animales, mais aussi sur des embryons humains qui ne seront pas transférés dans l’utérus dans un premier temps. En effet, les premières ne peuvent suffire, car le développement embryonnaire précoce est différent d’une espèce à une autre.</p>
<p>Concernant le don de mitochondries et bien que deux enfants soient déjà nés, toutes les questions ne sont pas résolues. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29121011">La recherche expérimentale doit être poursuivie</a> tant sur des embryons d’animaux que sur des embryons humains. Au fur et à mesure que les techniques deviendront plus sûres et plus efficaces, le nombre d’embryons utilisés pour la recherche diminuera. À terme, le bénéfice pour les enfants futurs – et leurs parents – devrait se révéler considérable.</p>
<p>Le côté irréversible des changements induits chez l’embryon par ces techniques suscite une inquiétude légitime pour la santé de l’enfant futur. Il faut toutefois relever qu’il y a toujours une certaine prise de risque quand on agit sur les processus de la fécondation ou du développement embryonnaire précoce. Il en est ainsi de la FIV, qui a conduit à la naissance de Louise Brown, le premier « bébé éprouvette » en 1978. Les pionniers de cette technique ont fait l’objet de vives critiques pour n’avoir pas réalisé suffisamment d’expérimentations auparavant. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23449642">Rien de grave n’est apparu</a> chez les millions d’enfants nés depuis à la suite d’une FIV, heureusement. S’il y a donc bien toujours une prise de risque dans ce domaine, elle doit cependant être réduite au minimum pour chaque nouvelle technique, grâce à des études suffisamment nombreuses.</p>
<h2>Quelle sûreté, pour le don de mitochondries ?</h2>
<p>En médecine, la sûreté d’un traitement s’évalue habituellement par une comparaison entre les bénéfices et les risques. Mais dans le don de mitochondries, il convient, dans un souci éthique, d’aborder la question de manière plus large : la technique cause-t-elle, en elle-même ou en vertu de ses conséquences directes, un tort à ceux qui sont impliqués dans le processus ? On a de bonnes raisons de penser que ce n’est pas le cas.</p>
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<p>Passons en revue les parties prenantes, à commencer par les médecins. Soigner constitue la vocation même de la médecine. Soigner un embryon est donc en accord avec leur déontologie. De leur côté, les parents sont demandeurs de l’intervention thérapeutique. L’enfant futur – en admettant qu’on puisse causer un tort à une entité qui n’existe pas encore – devrait en bénéficier après sa naissance et, en principe, tout au long de sa vie.</p>
<p>Quant aux embryons, ils ne sont pas des personnes comme l’a souligné le Comité consultatif national d’éthique <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/avis-sur-les-prelevements-de-tissus-dembryons-et-de-foetus-humains-morts#.WleBSZOdW1s">dans son avis de 1984</a>. De toute façon, loin de subir un préjudice, ils bénéficieront au contraire du traitement.</p>
<h2>La parentalité, notion biologique… ou sociale ?</h2>
<p>Une autre source d’interrogations, avec le don de mitochondries, touche à la parentalité. L’enfant, génétiquement issu de trois personnes différentes, aurait dans l’esprit de certains « trois parents ». Sur le fond, cette manière de voir les choses repose sur une conception uniquement biologique de la parentalité – exclusivement génétique, même – qui apparaît discutable. Celle-ci s’oppose à la conception sociale de cette fonction, où le projet d’enfant joue le rôle essentiel. De plus, elle sous-estime le rôle joué par la gestation (la grossesse), ainsi que l’importance de la relation qui se tisse entre les parents et l’enfant avant la naissance, puis durant l’enfance.</p>
<p>La nouvelle forme de parentalité rendue possible grâce à un don de mitochondries est-elle susceptible de causer un tort à l’enfant ? Personne ne peut le prédire, car la situation est inédite. Les deux enfants nés de cette manière n’ont… même pas deux ans. Toutefois, il existe aujourd’hui une grande variété dans les parentalités, incluant l’adoption, la procréation avec tiers donneur, les familles recomposées ou monoparentales. Et les études menées à leur sujet, comme <a href="https://www.researchgate.net/publication/316274048_Les_meres_lesbiennes_les_meres_celibataires_et_leurs_enfants_l%E2%80%99etat_des_lieux_de_la_recherche">celle publiée en 2016</a> par Michael Stambolis-Ruhstorfer de l’université Bordeaux Montaigne dans le livre <em>Procréation, médecine et don</em> (Lavoisier), ne montrent pas de préjudice pour l’enfant.</p>
<p>Une dernière préoccupation, plus métaphysique, est parfois avancée, celle d’une menace sur l’identité de la personne. En effet, pense-t-on parfois, si on modifie le génome d’un individu – et on le fait si l’on substitue les mitochondries d’une donneuse à celle de la mère –, il ne sera plus la même personne. Mais peut-on considérer que l’identité et l’essence d’une personne se réduisent à son génome ? Non, le génome n’est pas l’équivalent moderne de « l’âme », affirmait dès 2001 <a href="http://science.sciencemag.org/content/291/5505/831">dans la revue Science</a> Alex Mauron, <a href="https://www.unige.ch/medecine/ieh2/alumni/alexandremauron/">professeur en bioéthique</a> à l’Université de Genève. Il faut se méfier de « l’essentialisme génétique », avertit pour sa part la chercheuse britannique <a href="https://www.ndph.ox.ac.uk/team/camillia-kong">Camillia Kong</a>, de l’Université d’Oxford, dans <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28328372">son article paru en avril 2017</a>. L’environnement naturel et social joue un rôle décisif dans ce que nous sommes, tant dans la globalité de notre être que dans chacune de nos cellules.</p>
<p>Aussi, soigner des embryons plutôt que les éliminer apparaît comme un projet porteur d’espoir. La technique du don de mitochondries, en particulier, devrait permettre à des parents à risque de transmission de pathologies héréditaires graves d’avoir des enfants en bonne santé et ce, dans un futur proche.</p>
<hr>
<p><em>Le groupe de travail « Embryon et développement » du <a href="https://www.inserm.fr/recherche-inserm/ethique/comite-ethique-inserm-cei/groupes-reflexion-thematique-comite-ethique">comité d’éthique de l’Inserm</a> est à l’origine de la réflexion qui a nourrit cet article. Il réunit, outre son auteur, Marc Brodin (AP-HP, Université Paris 7), Christine Dosquet (AP-HP, Université Paris 7), Pierre Jouannet (Université Paris 5), Anne-Sophie Lapointe (association Vaincre les Maladies lysosomales), Jennifer Merchant (Université Paris 2) et Grégoire Moutel (Université de Normandie et CHU Caen)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89462/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Baertschi fait partie du comité d'éthique de l'Inserm. </span></em></p>Au moment, où s’ouvrent les États généraux de la bioéthique, il est utile de réfléchir à l'utilisation des nouvelles techniques permettant de corriger des anomalies génétiques de l’embryon.Bernard Baertschi, Maître d'enseignement et de recherche en philosophie à l'université de Genève, comité d'éthique, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841722017-12-14T00:05:25Z2017-12-14T00:05:25ZDon de sperme anonyme : la Cour européenne des droits de l’homme va-t-elle bousculer la France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194028/original/file-20171109-13292-1r9oju3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Injection d'un spermatozoïde dans un ovule, l'une des techniques de procréation médicalement assistée. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cnbp/35927609156/in/photolist-WJNovb-6nsoVv-7bnEBZ-9edQbG-5yw7x8-q7n6Yj-bww9qZ-sMMUrW-VMJDQw-9ZL6n6-63k5Wx-ara191-pMePA9-eiMm1j-ar7gmM-6iwN71-atpFKj-edNM2K-ara195-9ve6dq-4bBn1x-ngBpk9-QX2B83-9ZL6NH-5xFGbV-dQVcnj-6hmoWQ-6isDXF-6isEmF-aQZgR2-8VQBzq-8tvpv2-dQdAPP-d5TB9N-4ZZLY1-7yvJXc-eSzgKY-6iwN3Y-5wKoSK-eWMv6g-5woyGu-pR8Wyz-5wjeJc-pJzYGd-4We8a8-f1fTLP-6iwNGo-7r6m5G-5wjemi-e1nVV1/">CNBP/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Aujourd’hui, les hommes qui donnent leur sperme en France gardent l’anonymat. Les femmes qui donnent leurs ovocytes, également. Et les couples qui donnent leurs embryons, aussi. Ainsi, le droit français refuse que les enfants nés de ces dons puissent, à l’âge de la majorité, connaître l’identité de leurs géniteurs. L'un de ces « enfants », Arthur Kermalvezen, âgé de 34 ans, vient d'ailleurs <a href="http://www.liberation.fr/france/2018/01/15/don-de-sperme-le-jour-ou-arthur-kermalvezen-a-retrouve-son-geniteur_1622583">de raconter aux médias</a> l'enquête quasi-policière qui lui a permis de retrouver, le 25 décembre 2017, l'homme à l'origine de sa conception.</p>
<p>La disposition en vigueur depuis les années 1970 pourrait pourtant céder, à terme, devant la justice européenne. La Cour européenne des droits de l’homme a en effet été saisie par Audrey Kermalvesen, une jeune femme <a href="http://www.lepoint.fr/chroniqueurs-du-point/laurence-neuer/acces-aux-origines-ce-n-est-pas-un-chromosome-qui-fait-le-pere-06-05-2014-1819439_56.php">conçue par une insémination avec donneur de sperme anonyme</a>, qui est aussi l'épouse d'Arthur Kermalvesen. Les juges doivent se prononcer dans les prochaines semaines sur la recevabilité de sa demande. Dans un deuxième temps, ils diront si le principe d’anonymat des donneurs inscrit dans le droit français est compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.</p>
<p>Le sujet revêt une importance d’autant plus grande qu’on débattra à partir du 18 janvier, à travers <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">les Etats généraux de la bioéthique</a>, d’un recours élargi à l’assistance médicale à la procréation (AMP), en vue de la révision de la loi de bioéthique, prévue pour 2019. Si l’ouverture de ces techniques aux couples de femmes et aux femmes célibataires est adoptée, il en résultera en effet une augmentation du nombre d’enfants dont la conception a impliqué le don d’un tiers.</p>
<h2>L’effacement de l’intervention d’un tiers dans la conception</h2>
<p>Dans le droit français, les principes du secret de la conception et de l’anonymat du don de gamètes (c’est-à-dire les spermatozoïdes ou les ovules) ou d’embryons se conjuguent afin de masquer la réalité des faits : l’intervention d’un tiers dans la conception de l’enfant. Les lois en vigueur font disparaître, lors de l’établissement de la filiation de l’enfant, toute trace de l’intervention du donneur voire des donneurs, lorsqu’il s’agit d’embryon.</p>
<p>Ces principes visent à laisser croire à la société en général, et à l’enfant en particulier, que ce dernier est génétiquement lié aux deux parents qui le déclarent à l’état civil. Dans les années 1970, cet arrangement avec la réalité a pu apparaître comme la meilleure solution du point de vue de l’intérêt de la famille. On y reviendra plus loin.</p>
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<p>Cependant, une telle disposition prive l’enfant de toute possibilité d’accéder à sa véritable histoire. D’où la dénonciation, par de grands universitaires comme le <a href="http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/103444/">professeur de droit privé Françoise Dekeuwer-Défossez</a> d’un « état factice » pour l’enfant, ou par des magistrats de premier plan, comme Jean‑Dominique Sarcelet, magistrat honoraire à la Cour de cassation, d’un « mensonge d’état civil » (en 2009, dans le Recueil Dalloz).</p>
<p>Ce qu’on pourrait qualifier de « falsification légale » des origines s’avère lourd de conséquences, car l’état civil représente un élément majeur dans l’identité sociale d’une personne. L’extrait d’acte d’état civil permet notamment de connaître la nature charnelle ou adoptive du lien de filiation qui l’unit à ses parents. Aussi l’état civil, dès lors qu’il ne traduit pas la réalité des faits, entrave nécessairement le sujet dans la constitution de son identité.</p>
<p>Le principe de l’anonymat apparaît en décalage avec notre époque, marquée par une exigence de transparence et de traçabilité en tous domaines. Ainsi en 2012, Bernard Carayon, alors député, écrivait sur un tout autre sujet, la <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r4159.asp">violation du secret des affaires</a> : « le secret a mauvaise presse. Dans une société qui a érigé la transparence en vertu cardinale et où la sphère des secrets, qu’ils soient publics ou privés, s’est réduite comme peau de chagrin, une proposition visant à renforcer la protection du secret des affaires en étonnera sans doute certains, prompts à dénoncer tout secret comme liberticide ».</p>
<h2>Un refus opposé par le Conseil d’État à une femme demandant des informations sur sa conception</h2>
<p>Certains enfants nés de ces dons ont entrepris des démarches, une fois adultes, pour obtenir des informations sur leurs origines. Mais le 28 décembre 2017, le Conseil d'État a <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000036411817&fastReqId=1013703317&fastPos=1">rejeté le pourvoi de Monsieur B. A.</a> qui demandait à deux établissements de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP) de lui communiquer « des documents relatifs au donneur de gamètes à l'origine de sa conception ». La plus haute juridiction administrative l'a, de plus, condamné à verser 3 000 euros à l'APHP. </p>
<p>Audrey Kermalvesen, <a href="https://www.canal-u.tv/video/universite_paris_diderot/audrey_kermalvezen_mes_origines_une_affaire_d_etat.16988">avocate spécialisée en droit de la bioéthique</a>, avait elle aussi saisi le Conseil d’État. Celui-ci avait refusé, le 12 novembre 2015, de faire droit à la demande de la jeune femme que lui soient communiquées <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/grossesse/le-conseil-d-etat-maintient-l-anonymat-des-donneurs-de-sperme_1172899.html">certaines informations relatives au donneur à l’origine de sa conception</a>.</p>
<p>La première raison invoquée par le Conseil d’État dans cette décision est « la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation ». Le simple énoncé de ce principe fait apparaître son caractère désuet. L’anonymat a pu, à la génération précédente, apparaître comme un moyen de protéger le parent infertile contre toute stigmatisation, réelle ou imaginaire, liée à sa stérilité. Le couple a pu également se sentir protégé de la menace de voir surgir sur le tard un donneur se revendiquant tout à coup comme un père. L’une et l’autre de ces craintes ont quasiment disparu. À présent, la distinction entre le fait biologique de l’engendrement et la filiation est un fait acquis.</p>
<h2>Le risque d’une baisse des dons, argument utilitariste</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=513&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194030/original/file-20171109-13292-miw7r4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue d’un ovule sur l’écran de contrôle, lors d’une ponction d’ovocyte réalisée chez une jeune femme dans une clinique de Sydney (Australie).</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>La deuxième raison invoquée par le Conseil d’État est « le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes ». Ce motif apparaît inacceptable, car il s’agit là d’un argument exclusivement utilitariste en ce qu’il a vocation à assurer le bon fonctionnement des services de l’AMP. S’il peut être compris comme relevant de l’attention portée aux couples en attente d’un don, il ignore l’intérêt de l’enfant ainsi conçu. De plus, les exemples étrangers de pays ayant levé l’anonymat, comme la Grande-Bretagne, <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">démentent cette crainte</a>.</p>
<p>Troisième et dernier argument du Conseil d’État : « le risque d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps ». En effet, l’anonymat des dons liés au corps humain, tels les dons d’organes ou de sang, relève d’une politique de solidarité collective et d’une éthique qu’il n’est pas question de remettre en cause. Mais les gamètes, a fortiori les embryons, <a href="http://pmanonyme.asso.fr/?p=3309">se différencient des autres cellules ou organes</a>. Une greffe de poumons va sauver la vie du receveur, le soigner, mais ne va pas changer son identité. S’agissant de cellules reproductives, de ce don va naître un nouvel individu dont une partie de la personnalité et des caractéristiques physiques sera déterminée par les gènes transmis.</p>
<h2>La voix longtemps inaudible des enfants conçus avec un tiers donneur</h2>
<p>La voix des enfants conçus par l’AMP avec un tiers donneur, devenus majeurs, est longtemps restée inaudible. Aujourd’hui, environ 70 000 individus sont nés en France d’un don de gamètes ou d’embryon, selon l’<a href="http://pmanonyme.asso.fr/?cat=2">association Procréation médicalement anonyme</a>, créée en 2004 pour obtenir le droit pour chacun d’accéder à ses origines. Ces dernières années, ces personnes ont clarifié leur demande, qui doit être entendue comme un élément central du débat. Elles affirment n’être à la recherche que de leur géniteur ou génitrice, c’est-à-dire d’une part de leur identité, et en aucune façon d’un père ou d’une mère.</p>
<p>Plus généralement, ces personnes dénoncent la violence à leur égard d’un système qui leur refuse l’accès à leur histoire, mais aussi à des données d’ordre génétique. À l’heure de la médecine prédictive, ne pas pouvoir interroger leur géniteur sur d’éventuelles pathologies héréditaires présentes chez lui ou dans sa famille – par exemple certaines prédispositions au cancer – les prive d’une chance de pouvoir prévenir des problèmes de santé importants.</p>
<p>De nombreux pays, par exemple la Suède, la Suisse ou le Royaume-Uni, ont supprimé l’anonymat des dons de gamètes. Les débats qui se tiendront à l’Assemblée nationale et au Sénat lors de la révision des lois de bioéthique devraient logiquement aborder la question de sa levée en France.</p>
<p>Si de ces débats ne ressortait aucune évolution de la loi, alors les recours en justice pourraient bien l’imposer. Certes le Conseil d’État, dans ses décisions de 2015 et de 2017, a conclu à la compatibilité du principe d’anonymat avec la Convention européenne des droits de l’homme. Mais sa jurisprudence apparaît en contradiction avec celle construite par la Cour européenne des droits de l’homme depuis le début de notre siècle. Laquelle reconnaît un droit à la connaissance de ses origines personnelles, y compris génétiques.</p>
<h2>La Convention européenne des droits de l’homme protectrice d’un droit à l’identité</h2>
<p>L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme énonce en effet que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».</p>
<p>Avant d’être invoqué pour la première fois par une femme née d’un don de sperme, cet article a d’abord été invoqué par des personnes nées sous X, c’est-à-dire d’une mère ayant choisi de confier son enfant à l’adoption et de rester anonyme. Dans l’<a href="https://www.ieb-eib.org/fr/pdf/cedh-odievre-20030213.pdf">arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 13 février 2003</a> opposant Madame Pascale Odièvre à la France, la requérante, née sous X, alléguait une violation de l’article 8 pour s’être vue refuser par les juridictions françaises certains documents administratifs qui lui auraient permis d’accéder à des éléments identifiants sur ses parents de naissance. À cette occasion, la Cour de Strasbourg a rappelé que l’article 8 « protège un droit à l’identité » pour tout un chacun et considère celle des géniteurs comme un aspect important de cette identité. Cependant, la Cour n’est pas allée jusqu’à conclure que le droit français constituait une violation de l’article 8.</p>
<p>Tout d’abord, la Cour note que les États jouissent en ce domaine d’une certaine marge d’appréciation des intérêts en présence, à savoir ici la protection de la mère et de l’enfant – en évitant avortements ou abandons sauvages de nouveau-nés. Ensuite, la Cour souligne les efforts du législateur français qui « renforce la possibilité de lever le secret de l’identité », notamment par la création, en 2002, du Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) dont la mission est de faciliter l’accès aux origines des enfants nés sous X.</p>
<p>L’affaire Odièvre n’est pas une décision isolée. Depuis, la Cour a réaffirmé à plusieurs reprises son approche de la reconnaissance des origines génétiques d’une personne en tant qu’élément important de sa vie privée. Citons notamment les arrêts <a href="https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&id=1019503&direct=tru">Jäggi contre la Suisse du 3 juillet 2006</a>, <a href="https://www.doctrine.fr/d/CEDH/HFJUD/CHAMBER/2011/CEDH001-105157">Pascaud contre la France du 16 juin 2011</a> ou <a href="http://www.aimjf.org/storage/www.aimjf.org/Jurisprudence_CEDU/AFFAIRE_GODELLI_c_.ITALIE.pdf">Godelli contre l’Italie du 25 septembre 2012</a>, tous rendus en faveur de personnes demandant à connaître leur ascendance.</p>
<p>Pour en revenir à l’affaire Audrey Kermalvesen, la requérante, ayant épuisé les voies de recours à l’échelle nationale, a saisi la Cour européenne. L’affaire est désormais inscrite sur le calendrier des affaires à juger. La décision concernant sa recevabilité devrait être connue d’ici quelques semaines. Les juges strasbourgeois se prononceront donc bientôt, pour la première fois, sur le fait que le principe d’anonymat des dons de gamètes respecte, ou non, la Convention des droits de l’homme. Sans préjuger de leur décision, on peut supposer, au regard de la jurisprudence dans les affaires d’enfants nés sous X, que la France sera condamnée. Car la nécessité de connaître ses origines génétiques reste la même, que leur ignorance tienne au fait être né sous X ou conçu par don de gamètes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour européenne des droits de l’homme doit dire prochainement si la demande d’une Française conçue par insémination avec donneur est recevable. Celle-ci demande la levée de l’anonymat du donneur.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/887292017-12-07T21:37:22Z2017-12-07T21:37:22ZUn nouveau type d’IRM pour mieux suivre les myopathies<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/197974/original/file-20171206-896-e7vcu9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C2029%2C1425&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’IRM permet d'obtenir des images « en tranches » des muscles et d'étudier ainsi l'évolution d'une myopathie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/50493220@N00/43321426/in/photolist-d79kWW-9BZKSp-pfPaYk-jP4DzF-8bmPNh-6CCESZ-jCSW9-Yz11tc-cgsfym-3K5Zuh-pdMfsN-5yf1B5-dAxMRx-8Rfbo7-dHg6yk-8sbB5-36burC-9hqyJ6-bdhtfp-9tk6po-otDsxG-ffLH-dZoX27-oYji6W-4PctvU-7K3HzY-9aoEDp-e8tLK1-4QFAks-4Q2X9-53tqpd-4Ns9nh-oqw66-5iVv4H-etzrB-dMgnw1-ts7eQ-8RbSkt-6sfWuG-8RbSaP-znr6L-a7sxNe-3K447V-9YLEZw-brFaZL-d1NWz-4Mc8uu-2uc4-hR7j8-7w4z6N">Marc Donis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://www.afm-telethon.fr/">Téléthon</a> a lieu ce week-end, les 9 et 10 décembre, partout en France. L’année dernière, l’association française contre les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Myopathie">myopathies</a> a reçu 80,3 millions d’euros de promesses de dons. Cette somme, en grande partie mise à profit pour aider les patients, sert également à financer la recherche sur les maladies rares en général, et les myopathies en particulier.</p>
<p>La recherche a permis l’identification de nombreux gènes responsables de ces maladies rares héréditaires. Il n’existe à ce jour que très peu de possibilités thérapeutiques. Les <a href="https://theconversation.com/cancer-que-valent-vraiment-les-therapies-geniques-85998">thérapies géniques</a> visent à corriger les anomalies de l’ADN et des premiers résultats n’ont été obtenus, à ce jour, que pour très peu de maladies rares touchant le sang, le cerveau ou la rétine, mais pas le muscle. D’autres essais thérapeutiques sont en cours avec des médicaments visant à enrayer le processus pathologique.</p>
<p>Pour ces différentes approches, l’une des avancées attendues est la mise à disposition d’outils permettant un suivi fiable et sensible des atteintes des muscles et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) se présente comme un outil de choix. Mon équipe exerce au sein du <a href="http://crmbm.univ-amu.fr/?lang=fr">Centre de résonance magnétique biologique et médicale (CRMBM)</a> à Marseille. Au sein du campus du CHU de la Timone, nous travaillons en étroite collaboration avec le <a href="http://fr.ap-hm.fr/nos-hopitaux/hopital-de-la-timone">Centre de référence des maladies neuromusculaires</a> coordonné par le professeur Shahram Attarian.</p>
<p><a href="http://crmbm.univ-amu.fr/Systeme-Musculosquelettique">Notre groupe</a> s’intéresse à de nombreuses pathologies comme la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Myopathie_de_Duchenne">dystrophie musculaire de Duchenne</a>, la <a href="https://www.afm-telethon.fr/myopathie-facio-scapulo-humerale-1178">dystrophie facio-scapulo-humérale</a> et la <a href="https://www.afm-telethon.fr/maladie-charcot-marie-tooth-1172">maladie de Charcot-Marie-Tooth</a> (CMT).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=578&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198007/original/file-20171206-915-1aa6w6w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=726&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illustration d’un enfant atteint de la dystrophie de Duchenne (1881).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Myopathie_de_Duchenne#/media/File:A_treatise_on_the_diseases_of_the_nervous_system_(1881)_(14591054750).jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutes ces maladies sont évolutives et se traduisent par une dégénérescence progressive du tissu musculaire en tissu fibro-adipeux. Autrement dit, le tissu musculaire est petit à petit remplacé par du tissu graisseux.</p>
<p>Aujourd’hui, les tests effectués par les médecins lors de l’examen clinique du patient sont reconnus comme trop peu sensibles pour mesurer précisément l’évolution de ces pathologies. Par exemple, le <a href="https://www.irbms.com/test-de-marche-de-six-minutes-6mwt/">« test de marche des six minutes »</a> consiste à mesurer la distance parcourue en marchant six minutes. Ses résultats peuvent varier en fonction de nombreux facteurs indépendants de la maladie, par exemple la motivation du patient.</p>
<h2>L’IRM, oui, mais quantitative</h2>
<p>Nos recherches visent à identifier de nouveaux indices révélateurs de l’évolution d’une maladie, voire des effets bénéfiques d’une stratégie thérapeutique. Nous travaillons sur des méthodes d’IRM et plus précisément l’IRM quantitative. L’IRM est une technique d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/imagerie-27540">imagerie</a> non irradiante qui permet d’obtenir des images de l’intérieur du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/anatomie-25743">corps humain</a> avec une excellente résolution : celles-ci ressemblent à des coupes d’organes, avec l’avantage non négligeable… de ne pas avoir à trancher la jambe d’un patient. Les clichés obtenus sont ensuite étudiés par des médecins radiologues, qui peuvent détecter un problème visuellement, par la simple observation.</p>
<p>Par exemple, les images ci-dessous montrent clairement le remplacement du muscle par la graisse chez les personnes atteintes de myopathie. Il est aisé de concevoir, dès lors, que la cuisse contenant essentiellement de la graisse perdra toute tonicité, ce qui empêchera la personne de marcher.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/197971/original/file-20171206-894-16n9bqd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Images obtenues par IRM de jambes de patients « sains » ou atteints de myopathie. Visuellement, on note un remplacement du muscle par la graisse chez les malades.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CNRS</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’IRM quantitative permet de quantifier, entre autres, la quantité de graisse dans le muscle, et donc de suivre, sur la base de ce critère, l’évolution de la maladie d’une façon plus robuste et fiable. À ce jour, nous en sommes encore au stade exploratoire. Mais ces indices pourraient cependant, dans un avenir très proche, être reconnus comme des critères de choix dans l’évaluation de l’efficacité des stratégies thérapeutiques.</p>
<h2>Vers une généralisation de la technique ?</h2>
<p>La preuve de l’efficacité de cette méthode <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28841698">a été démontrée</a> par notre groupe de recherche marseillais et un <a href="http://www.imagingdmd.org/">consortium nord-américain</a> envisage de faire reconnaître ces indices par l’autorité sanitaire américaine, la <a href="https://www.fda.gov/">Food and Drug Admnistration</a> (FDA). Cet organisme contrôle la mise sur le marché de tout nouveau <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medicaments-21224">médicament</a>. Pour qu’il autorise la commercialisation d’une nouvelle molécule, le fabricant doit prouver son efficacité. Dans le cas des myopathies, la démarche est périlleuse car les techniques, bien souvent, ne sont pas suffisamment reproductibles et robustes. L’IRM quantitative semble, quant à elle, répondre à ce cahier des charges.</p>
<p>Notre laboratoire, l’un des grands centres européens de recherche en IRM, est équipé de trois appareils entièrement dédiés à la recherche. Le plus récent (présenté ci-dessous) est un dispositif à la pointe de la technologie IRM – il en existe à ce jour une cinquantaine de ce type dans le monde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/197970/original/file-20171206-933-1ai28g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Machine IRM Siemens d’une puissance de 7 Tesla.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.cnrs.fr/insis/recherche/actualites/2013/irm.htm">CNRS</a></span>
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<p>La maintenance de ces appareils est coûteuse et l’amortissement est impératif. Le CRMBM est soutenu, en cela, par le CNRS, l’<a href="http://fr.ap-hm.fr/">AP-HM</a>, <a href="https://www.univ-amu.fr/">Aix-Marseille Université</a> et l’AFM. Pour autant, le laboratoire doit trouver une grande partie de ses ressources financières via des appels d’offres nationaux et internationaux, et des collaborations de recherche avec les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/industrie-pharmaceutique-26016">laboratoires pharmaceutiques</a> ayant choisi d’investir le champ des maladies neuromusculaires.</p>
<p>De tels projets peuvent être financés en partie par des opérations comme le Téléthon dans le cadre d’appels d’offres annuels. Ce week-end de mobilisation contribue aux avancées de la recherche dans le domaine des maladies rares.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88729/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bendahan a reçu des financements de l'ANR, de l'AFM, de l'APHM, du CNRS et de laboratoires pharmaceutiques.</span></em></p>À l'occasion du Téléthon, le point sur les recherches menées en imagerie pour mieux mesurer l’évolution d’une myopathie chez les patients. Et dans le futur, les améliorations liées aux traitements.David Bendahan, Directeur de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/847882017-10-02T19:18:37Z2017-10-02T19:18:37ZSyndrome de Rett : de nouvelles pistes pour retrouver le souffle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/187877/original/file-20170927-24173-1ec13gh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un traitement est à l'étude pour lutter contre les arrêts respiratoires souvent présents chez les filles touchées par le syndrome de Rett, une maladie génétique rare. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/search/photos/dandelion?photo=9JV2X2ZrXXQ">Roya Ann Miller/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>En dépit des progrès de la médecine, certaines maladies rares comme le <a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?Lng=FR&Expert=778">syndrome de Rett</a>, une affection génétique touchant uniquement les filles, ne peuvent pas encore être guéries. L’espoir de découvrir un traitement repose sur une collaboration étroite entre les médecins suivant les malades et les chercheurs travaillant en laboratoire sur les mécanismes en cause à l’échelle des cellules. C'est le cas dans beaucoup de maladies rares, dont la 11ème journée mondiale se tient le 28 février.</p>
<p>Les fillettes touchées par le syndrome de Rett ne parlent pas ou quasiment pas, souffrent souvent d’épilepsie et de scoliose. Ces problèmes peuvent être améliorés par différents traitements. Par contre, il n’existe pas de solution satisfaisante pour lutter contre leurs troubles respiratoires. En effet, la maladie peut provoquer aussi bien des arrêts respiratoires (apnées) que des accélérations de la respiration (hyperventilation). C’est un enjeu majeur, sachant qu’à ce jour, environ 20 % des malades décèdent subitement en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9487980">raison de ces arythmies cardio-respiratoires chroniques</a>.</p>
<p>Les recherches de notre équipe Inserm de neurogénétique humaine, au sein du Centre de génétique médicale de Marseille situé à la faculté de médecine de Marseille, portent sur les maladies rares du cerveau de l’enfant conduisant à une déficience intellectuelle, parmi lesquelles le syndrome de Rett. Les liens tissés avec les équipes médicales partout en France nous ont permis d’ouvrir la voie à un traitement améliorant la survie des malades.</p>
<h2>Une maladie qui se déclare après l’âge de six mois</h2>
<p>Initialement décrit par le neuropédiatre autrichien Andreas Rett dans les années 1960, ce grave désordre neurologique est causé par des mutations dans un gène situé sur le chromosome X. Les filles touchées présentent un développement normal <em>in utero</em> et pendant les 6 à 18 premiers mois de leur vie. Puis celui-ci s’arrête, entraînant un profond handicap mental et physique. Entre 25 et 40 filles porteuses de ce syndrome <a href="https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/Rett-FRfrPUB91v01.pdf">naissent chaque année en France</a>.</p>
<p>Dans notre équipe, nous avons mené nos travaux sur des souris représentant un modèle de ce syndrome, pour lesquelles le gène en cause (Mecp2) a été rendu totalement inopérant. Nous avons <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16354910">mis en évidence</a> des déficits en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9cholamine">catécholamines</a> au niveau de plusieurs structures majeures du système nerveux central et du système nerveux périphérique. Les catécholamines les plus courantes sont l’adrénaline, la noradrénaline et la dopamine. En particulier nous avons observé des anomalies des contenus en noradrénaline dans le tronc cérébral, la partie du cerveau impliquée dans la mise en place et la régulation des rythmes respiratoires. Nos résultats ont montré que l’intensité des troubles respiratoires est intimement liée à une diminution des niveaux de noradrénaline dans le cerveau.</p>
<p>À la suite de cette découverte, nous avons pu mettre au point chez les souris un traitement pharmacologique stimulant les neurones producteurs de noradrénaline, dit noradrénergiques, par un mécanisme bien précis (en inhibant le processus de recapture dans la fente synaptique). De cette façon, nous avons pu améliorer leurs fonctions respiratoires et motrices, et donc, leur survie.</p>
<h2>Une molécule pour agir sur les troubles respiratoires</h2>
<p>La molécule retenue, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sipramine">désipramine</a>, l’a été parmi le grand nombre d’agents pharmacologiques capables d’agir sur l’activité des neurones noradrénergiques, pour la plupart des médicaments antidépresseurs. Cette molécule agit de manière très spécifique sur la noradrénaline, et pas sur d’autres neurotransmetteurs. Autre avantage : elle possède déjà une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la dépression, facilitant ainsi les futures étapes pour obtenir l’autorisation de traiter des humains, et non plus des souris.</p>
<p>Pour évaluer les effets de la désipramine, nous avons traité des souris modèles du syndrome de Rett dès qu’elles présentaient une augmentation significative du nombre d’apnées. Nous avons constaté une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17439480">amélioration notable de leur rythme respiratoire</a> durant plusieurs semaines, avec un niveau d’apnée maintenu à un seuil très bas. De manière encore plus intéressante, le traitement a prolongé la durée de vie des souris d’environ 50 % par rapport aux souris non traitées, ou traitées par un placebo (ressemblant au médicament mais sans principe actif).</p>
<p>Avec nos collègues praticiens, le Pr Josette Mancini (alors responsable du service de neurologie pédiatrique à l’hôpital de la Timone), et les médecins du centre de pharmacologie clinique et d’évaluations thérapeutiques (CPCET) de Marseille dirigé par le Pr Joëlle Micaleff, nous avons décidé de mettre en place un essai clinique permettant de traiter 36 patientes âgées de 6 à 18 ans. Nous avons obtenu pour cet essai de phase II un financement de 500 000 euros provenant du ministère de la Santé, sous la forme d’un Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national.</p>
<h2>Des patientes de Lyon, Lille, Marseille, Tours, Toulouse et Paris</h2>
<p>Au vu de la rareté de la maladie, et afin de faciliter le recrutement des volontaires, nous avons impliqué six hôpitaux dans cet essai, à Lyon, Lille, Marseille, Tours, Toulouse et Paris. Il a démarré en 2010 et s’est terminé en 2016.</p>
<p>Les participantes ont effectué trois passages à l’hôpital, le premier avant de prendre la désipramine, le deuxième après trois mois de traitement et le dernier après six mois. À chacune de leurs visites, des enregistrements respiratoires, moteurs et une prise de sang ont été effectués. À la maison, elles ont vu enregistré leur rythme cardiaque, ce qui demandait le maintien de l’appareillage pendant 24 heures – sans doute l’examen le plus contraignant pour elles, et pour leurs parents.</p>
<p>Par ailleurs les parents remplissaient une grille avec des critères permettant d’apprécier leur propre qualité de vie, un moyen d’évaluer le comportement général de leurs filles.</p>
<p>Cet essai n’a pas permis de montrer directement une amélioration des troubles respiratoires chez les patientes en fonction de la dose de désipramine prise. Nous nous sommes en effet heurtés à deux difficultés. Un nombre trop faible de patientes ont pu réaliser l’essai jusqu’au bout. Par ailleurs, les patientes ont assimilé la molécule dans des proportions variables, selon leur métabolisme. Cependant, nous avons mis en évidence un lien entre la dose de médicament présente dans le sang des patientes et la diminution de leurs troubles respiratoires, comme indiqué dans l’article <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/store/10.1002/acn3.468/asset/acn3468.pdf;jsessionid=4FDBF8D21D47EF026F26FC64F58B67CA.f01t02?v=1&t=je6ssrc9&s=30b66f735aff2b0de1ef4972076402ef9fe145fe">paru dans le journal <em>Annals of Clinical and Translational Neurology</em></a>. Ce qui nous conforte dans l’idée que l’hypothèse de départ est juste.</p>
<h2>Passer le plus rapidement possible de la recherche fondamentale à l’essai chez les malades</h2>
<p>Ainsi, notre équipe a pu, sur une période s’étalant sur douze années, passer de résultats obtenus chez l’animal à un essai chez l’homme, un mode de recherche dit translationnel. L’idée étant de réussir à reproduire auprès des malades, le plus rapidement possible, des résultats fondamentaux obtenus en laboratoire. Ces travaux ont généré, aussi, un grand nombre de mesures chez les filles Rett, un avantage dans la perspective d’un nouvel essai clinique.</p>
<p>La création en 2015 de la fédération hospitalo-universitaire (FHU) maladies rares et chroniques de l’enfant et de l’adolescent (Marche) doit permettre d’accélérer ces recherches. Le <a href="http://www.fhu-marche.fr/fr/">FHU Marche</a> regroupe en effet, autour d’un même campus situé à Marseille, des chercheurs de plusieurs disciplines (biologie, physique) et des médecins en charge de ces pathologies.</p>
<p>Nous avons cependant constaté, dans le syndrome de Rett, les limites d’une approche centrée uniquement sur des médicaments. Aussi, nous avons mis en place un autre projet relevant de la thérapie génique, visant à apporter un gène sain pour compenser la mutation du gène Mecp2 sur le chromosome X, à l’origine de la maladie. Ce travail s’effectue en partenariat avec l’AFM-Telethon. Nos premiers résultats, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27974239">publiés en 2017</a>, sont très encourageants car ils montrent, chez l’animal, une correction importante des atteintes respiratoires. Cette approche novatrice doit d’abord être optimisée avant de pouvoir être proposée à des patientes, mais constitue un réel espoir dans cette maladie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Roux a reçu, pour ces études sur le syndrome de Rett, des financements de l'AFM-Téléthon, de l'Association Française du Syndrome de Rett, de l'Agence Nationale de la Recherche, d'Aix Marseille Université, de l'Inserm, de la Région Provence Alpes Côte d'Azur, de la Communauté Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Villard a reçu, pour ces études sur le syndrome de Rett, des financements de l'AFM-Téléthon, de l'Association Française du Syndrome de Rett, de l'Agence Nationale de la Recherche, d'Aix Marseille Université, de l'Inserm, de la Région Provence Alpes Côte d'Azur, de la Communauté Européenne et de l'Association Vendéenne de Soutien aux Maladies Orphelines.</span></em></p>Dans cette maladie génétique rare touchant uniquement les filles, la respiration peut aussi bien s’accélérer que s’arrêter brutalement. Des chercheurs testent un médicament pour la régulariser.Jean-christophe Roux, Directeur de recherche à l'INSERM, faculté de médecine Timone, université Aix-Marseille, InsermLaurent Villard, Directeur de recherche à l'INSERM, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/783842017-07-25T20:22:04Z2017-07-25T20:22:04ZDans l’autisme, le rôle de l’hérédité est prépondérant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/171060/original/file-20170525-23251-rgyro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une mère tenant la main de son fils autiste. Dans certains pays, le port d'un bracelet est recommandé pour que ces enfants puissent recevoir de l'aide en cas de problème.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/autism-awareness-picturei-have-mom-holding-395253874?src=Nx0g-CuoNighks69vCF6UA-1-22">Zahraa Saleh/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Plusieurs dizaines de familles mettent en accusation la vaccination dans l’autisme de leurs enfants. Elles ont décidé de déposer plainte contre quatre laboratoires pharmaceutiques, comme <a href="http://www.leparisien.fr/societe/antivaccins-nous-allons-attaquer-en-justice-quatre-laboratoires-previent-martine-ferguson-andre-24-07-2017-7152849.php">annoncé le 24 juillet dans <em>Le Parisien</em></a>.</p>
<p>Leur action laisse entendre qu’il pourrait exister un lien de cause à effet entre les vaccins de la petite enfance et la survenue d’un <a href="http://www.who.int/features/qa/85/fr/">trouble du spectre de l’autisme</a> (TSA). Celui-ci se caractérise par des déficits persistants dans la communication sociale et les interactions sociales, et par des comportements, intérêts et activités restreints et répétitifs. De nombreuses études scientifiques ont été consacrées aux causes de l’autisme à travers le monde. Or elles n’apportent aucun élément permettant d’incriminer les vaccins.</p>
<p>Par contre, ces travaux permettent de mesurer le poids des différents facteurs ayant une responsabilité avérée, à ce jour, dans l’apparition du trouble. Les scientifiques ont passé en revue ceux liés à l’environnement, au sens large. Ils ont étudié l’environnement biochimique dès le stade du foetus, par exemple la composition du liquide amniotique - dont ils ont démontré l'influence ; ils ont étudié aussi l’environnement social, par exemple l’éducation reçue pendant l’enfance - un facteur aujourd'hui écarté. Cependant, l’hérédité et plus largement les gènes restent le facteur prépondérant, expliquant au moins 60 % de l’autisme.</p>
<h2>La composante génétique, connue depuis longtemps</h2>
<p>L’autisme touche <a href="https://theconversation.com/peut-on-parler-dune-epidemie-dautisme-73261">environ 1 % de la population</a>. Il est la conséquence d’un ensemble de facteurs, variables selon les individus. Si beaucoup de ces facteurs restent ignorés ou controversés, la composante génétique, elle, est connue depuis longtemps. Et de nouvelles études, rendues possibles par le décryptage du génome humain, sont venues préciser le rôle des gènes dans ce trouble.</p>
<p>Les chercheurs parlent « d’héritabilité », désignant ainsi la part du trouble liée à la génétique. Une héritabilité de 50 %, par exemple, signifie que les prédispositions génétiques joueront à 50 % dans l’autisme d’un individu, d’autres facteurs liés à l’environnement dans lequel il évolue venant compléter ce déclencheur. Parmi les facteurs génétiques qui participent à cette héritabilité, certains sont hérités des parents, alors que d’autres sont des mutations survenues seulement chez l’enfant porteur du trouble.</p>
<p>Historiquement, les premiers indices du facteur héréditaire dans l’autisme sont venus de l’observation d’une récurrence accrue de ce trouble chez les apparentés à une personne autiste. La probabilité d’être autiste est en effet multipliée par 3 chez les demi-frères et sœurs, par 10 chez les frères et sœurs, par 150 chez les jumeaux monozygotes, également appelés vrais jumeaux.</p>
<h2>Des travaux menés sur des vrais et faux jumeaux</h2>
<p>Par la suite, des études de jumeaux ont comparé la concordance du diagnostic d’autisme entre jumeaux monozygotes (génétiquement identiques) et jumeaux dizygotes (génétiquement similaires à 50 %, également appelés faux jumeaux). Ces travaux ont fourni les premières estimations de l’héritabilité de l’autisme.</p>
<p>Dans les années 1980-1990, les études convergeaient vers une héritabilité de 90 % pour l’autisme, c’est-à-dire une <a href="http://science.sciencemag.org/content/264/5166/1733">grande prédominance des facteurs génétiques</a>. Néanmoins, ces études étaient basées sur des nombres relativement faibles de paires de jumeaux, la combinaison de l’autisme et de la gémellité étant nécessairement un évènement rare. De ce fait, l’estimation de 90 % était assortie de larges marges d’erreur.</p>
<p>En 2011, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21727249">étude californienne</a> a jeté le trouble en annonçant une héritabilité de 35 % pour l’autisme, et donc une prédominance (65 %) de facteurs environnementaux. Certains commentateurs ont crié victoire un peu vite, soit pour ressusciter les hypothèses psychanalytiques incriminant le comportement des parents, soit pour dénoncer des facteurs environnementaux dans la supposée « épidémie » d’autisme. En fait, cette étude était elle aussi basée sur un faible nombre de jumeaux (90 paires) et entachée de larges marges d’erreur.</p>
<h2>Les enseignements de deux études suédoises</h2>
<p>Dès l’année suivante, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22213788">étude suédoise</a> basée sur 11 500 jumeaux dont 100 avec autisme annonçait une héritabilité de 59 %. En 2014, une <a href="http://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/1866100">nouvelle étude</a> basée sur les 2 millions d’enfants suédois nés entre 1982 et 2006 (dont 14 500 avec TSA), et analysant tous les liens de parenté plutôt que la seule gémellité, a donné une héritabilité de 50 %.</p>
<p>En 2015, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25738232">étude britannique</a> basée sur 6 400 jumeaux dont 200 avec TSA a fourni des estimations d’héritabilité variant de 56 % à 95 %, selon la méthode diagnostique retenue. Dans cette étude, l’héritabilité de l’autisme était de 56 % selon l’ADI-R (un instrument diagnostique basé sur un entretien avec les parents), 76 % selon l’ADOS (un instrument diagnostique basé sur une observation de l’enfant), et de 95 % selon une méthode diagnostique compilant les données de l’ADI, de l’ADOS et de deux autres échelles de symptômes autistiques. Enfin, une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26709141">récente méta-analyse</a> de toutes les études de jumeaux estime l’héritabilité de l’autisme dans une fourchette comprise entre 64 et 91 %.</p>
<p>On voit à travers ces différentes études qu’il n’y a pas nécessairement de valeur vraie et définitive de l’héritabilité. Celle-ci dépend inévitablement de la manière de définir le trouble, et de la population étudiée. C’est-à-dire à la fois de l’ensemble des génomes que porte cette population et de l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels elle est exposée. Mais globalement, toutes ces études convergent vers l’idée que les facteurs génétiques expliquent au minimum 50 % de l’autisme.</p>
<h2>La révolution du séquençage du génome humain</h2>
<p>Depuis les années 2000, l’estimation des facteurs génétiques dans l’autisme a été totalement révolutionnée, comme pour d’autres troubles ou maladies, par les progrès de la génétique moléculaire et par le séquençage du génome humain. Il est maintenant possible, non seulement de se demander si des facteurs génétiques sont impliqués, et dans quelle proportion, mais aussi d’identifier directement des gènes dont des variations sont impliquées dans la susceptibilité à l’autisme.</p>
<p>C’est ainsi que l’équipe <a href="http://public.weconext.eu/academie-sciences/2016-09-11/video_id_200/index.html">du généticien Thomas Bourgeron</a> à l’Institut Pasteur a identifié toute une série de gènes <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23875794">dont des mutations sont impliquées dans l’autisme</a>. Par exemple, cette équipe a pu détecter une mutation du gène Shank3 chez le fils autiste du comédien Laurent Savard, comme il le raconte <a href="http://www.payot-rivages.net/livre_Gabin-sans-limites-Laurent-SAVARD_ean13_9782228916967.html">dans son livre Gabin sans limites</a> (éditions Payot). Néanmoins, de telles mutations sont très rares, et ne sont détectées que chez une minorité de personnes avec TSA.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/vUdO1AAxG6o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Pour les autres personnes, on pense que ce sont des combinaisons de variations génétiques fréquentes qui constituent la susceptibilité génétique à l’autisme. Cette hypothèse a été récemment mise à l’épreuve d’études consistant à sonder plusieurs centaines de milliers de polymorphismes (c’est-à-dire de lettres variant dans la séquence d’ADN) dans le génome de personnes porteuses ou pas de TSA. Ces études permettent de quantifier la part de la susceptibilité à l’autisme qui est directement explicable par l’ensemble de ces polymorphismes. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25038753">Les études récentes</a> convergent vers une estimation de 50 % d'héritabilité attribuable aux variations génétiques à la fois fréquentes et héritées des parents.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=441&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171059/original/file-20170525-23279-8klpzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=554&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Part de la susceptibilité aux troubles du spectre autistique (TSA) expliquée par des variations génétiques fréquentes héritées des parents, rares héritées, rares survenues chez l’enfant seulement, et par des variations génétiques non additives. La part de susceptibilité inexpliquée par ces facteurs est constituée de facteurs génétiques non mesurés et de facteurs non génétiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/le-point-sur-lheritabilite-de-lautisme/">Franck Ramus</a></span>
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</figure>
<p>Comme l’indique la figure ci-dessus, une dizaine de pourcents supplémentaires de la susceptibilité aux TSA sont expliqués par des mutations rares, soit héritées des parents, soit survenues chez l’enfant seulement (<em>de novo</em>), et par des interactions entre différentes variations génétiques (variations dites non additives). Il reste 41 % de la susceptibilité à l’autisme inexpliqués par les facteurs génétiques mesurés dans ces études, incluant donc à la fois des facteurs génétiques non encore identifiés et des facteurs environnementaux.</p>
<p>Ce genre d’études complète donc les études de jumeaux et d’apparentés, qui avaient été critiquées <a href="https://www.medecinesciences.org/fr/articles/medsci/full_html/2010/07/medsci2010266-7p659/medsci2010266-7p659.html">pour de plus ou moins bonnes raisons</a>, en fournissant cette fois des estimations de l’héritabilité mesurée directement au niveau moléculaire. Les deux types d’estimation donnent des résultats cohérents, aux alentours de 60 %.</p>
<h2>Infections de la mère pendant la grossesse, prématurité</h2>
<p>Il est utile de revenir sur que l’on appelle les facteurs environnementaux, recensés à travers une revue exhaustive de la littérature scientifique <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5356236/">publiée au mois de mars par une équipe américaine</a>. Le terme englobe en fait tous les facteurs non génétiques, c’est-à-dire non seulement l’environnement affectif, familial et social auquel on pense spontanément, mais aussi tous les facteurs biologiques qui peuvent affecter le développement cérébral et cognitif de l’enfant. Cela inclut notamment les facteurs prénataux (infections et expositions à des toxiques dans l’utérus de la mère) et périnataux (prématurité, manque d’oxygène ou hémorragie cérébrale à la naissance), <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15870155">qui ont une importance particulière dans l’autisme</a>.</p>
<p>Par exemple, une <a href="http://www.nature.com/mp/journal/vaop/ncurrent/full/mp2017119a.html">étude toute récente réalisée sur des dossiers médicaux en Norvège</a> a montré un lien entre la survenue de fièvre chez la mère durant la grossesse, et l’augmentation du risque de ce trouble neurodéveloppemental chez l’enfant. Les chercheurs <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Femme/21775-Grossesse-fievre-augmenterait-risque-d-autisme">s’interrogent donc à nouveau sur le rôle des infections prénatales</a> : on savait déjà que l’exposition prénatale aux virus de la rubéole et du cytomégalovirus augmentaient la susceptibilité à l’autisme, mais d’autres virus ou bactéries à l’origine de ces fièvres restent sans doute à identifier.</p>
<p>D’autres facteurs environnementaux qui augmentent de manière prouvée la susceptibilité à l’autisme incluent l’exposition prénatale à la thalidomide (un médicament qui fut utilisé notamment comme anti-nauséux chez la femme enceinte), à l’acide valproïque (dont la <a href="https://theconversation.com/apres-le-mediator-la-depakine-65487">fameuse dépakine</a>, un anti-épileptique dont les conséquences néfastes sur le fœtus sont maintenant bien démontrées), ou encore la prématurité, l’obésité ou le diabète maternel.</p>
<p>Parmi les hypothèses récentes figurent l’exposition prénatale aux antidépresseurs administrés à la femme enceinte, l’exposition prénatale aux organophosphates (pesticides), l’exposition à la pollution atmosphérique, ou encore les perturbateurs endocriniens. Pour ces différentes hypothèses, des données publiées récemment suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien, mais toutes les études ne concordent pas. Ces résultats demandent donc à être plus largement confirmés par des études indépendantes avant d’être définitivement validés.</p>
<h2>L’implication controversée des perturbateurs endocriniens</h2>
<p>Le rôle éventuel des perturbateurs endocriniens, par exemple, a été examiné dans deux cohortes d’enfants suivis depuis la gestation. Sur les deux études, une seule a suggéré un lien. Cette question a également été analysée dans trois études comparant des enfants autistes avec des enfants non autistes. Sur les trois, deux ont suggéré un lien. Toutes ces études portent sur des effectifs faibles et présentent diverses limites. L’étude ayant la meilleure qualité méthodologique et le plus grand effectif ne trouve aucun lien entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et les symptômes autistiques. C’est dire que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27567353">résultats actuels sont loin d’être clairs</a>.</p>
<p>Sur la base de ces études, on constate que, même s’il y avait un lien de causalité entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens et l’autisme, celui-ci ne pourrait être que faible et sans portée sanitaire majeure. Par exemple, une augmentation de 20 % du risque d’autisme, si elle était avérée, ferait passer ce risque de 1 % par naissance à 1,2 %. Une telle augmentation ne serait pas négligeable, mais ne justifierait pas de paniquer.</p>
<p>Par ailleurs, divers facteurs environnementaux qui ont pu être évoqués n’ont jamais pu être prouvés ou ont même été réfutés. Cela inclut notamment les hypothèses psychanalytiques concernant l’attitude des parents, la dépression maternelle, le gluten, la caséine, les infections microbiennes, et bien d’autres, parmi lesquels les vaccins.</p>
<p>La recherche des causes de l’autisme n’est évidemment pas achevée. Il est fort possible que d’autres causes soient identifiées dans le futur, ou que de nouvelles données conduisent à réévaluer le rôle de certains facteurs connus.</p>
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<p><em>Cet article est une version actualisée <a href="http://www.scilogs.fr/ramus-meninges/le-point-sur-lheritabilite-de-lautisme/">d’un post du blog de Franck Ramus</a>, Ramus méninges.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78384/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Ramus ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aucune étude scientifique ne permet d'incriminer les vaccins dans la survenue de l'autisme. Par contre les travaux récents montrent que les facteurs génétiques comptent pour 60 % au moins.Franck Ramus, Directeur de recherches CNRS, professeur attaché, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/797752017-07-16T22:10:47Z2017-07-16T22:10:47ZIl y a 300 ans, un navigateur breton apportait une étrange maladie en Afrique du Sud<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/177743/original/file-20170711-14468-bnvnu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le port et la rade de Lorient, aquarelle anonyme, vers 1800. Parti de Lorient il y a trois siècles, François Renier Duminy a transmis à sa descendance en Afrique du Sud une affection héréditaire de la peau.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/asset_images/177743/edit?content_id=79775">Musée de la Compagnie des Indes</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres: « Les Origines », qui se tiendra le 8 juin 2018 à l'ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l'événement</a>.</em></p>
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<p><a href="http://www.orpha.net/consor/cgi-bin/OC_Exp.php?lng=FR&Expert=50943">L’érythème kératolytique hivernal</a> (<em>Keratolytic winter erythema</em>, en anglais) est une maladie génétique de la peau qui affecte la <a href="http://www.clinicaladvisor.com/dermatology/erythrokeratolysis-heimalis-keratolytic-winter-erythema-oudtshoorn-disease/article/595007/">paume des mains et la plante des pieds</a>. En Afrique du Sud, on l’appelle aussi, plus familièrement, la <a href="http://www.samj.org.za/index.php/samj/article/view/7253/5697">maladie d’Oudtshoorn</a>, du nom de la ville rurale du Cap occidental où vivaient la majorité des individus qui en souffraient lorsqu’elle a été décrite pour la première fois. Des travaux scientifiques nous apprennent que cette affection, très rare en France, a pourtant été introduite il y a environ trois siècles en Afrique du Sud… par un navigateur breton.</p>
<p>La maladie n’affecte pas le corps entier mais se manifeste par des rougeurs suivies de la perte d’épais morceaux de peau sur les paumes et la plante des pieds.</p>
<p>Il n’existe pas de traitement efficace. Si la maladie n’a pas de graves conséquences sur la santé, elle peut créer un inconfort social. Elle peut également se révéler problématique dans l’exercice de certaines professions. Sa sévérité varie selon les cas, entraînant le plus souvent des cycles récurrents de rougeurs et de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Desquamation">desquamation</a>, c’est-à-dire une perte des couches superficielles de l’épiderme.</p>
<h2>Un Afrikaner touché sur 7 200</h2>
<p>Une étude menée au milieu des années 1980 suggérait qu’en Afrique du Sud, un Afrikaner (groupe ethnique des Sud-Africains blancs descendants des Européens) sur 7 200 souffrait d’érythème kératolytique hivernal (EKH). Mais il est probable que la prévalence soit inégale à travers le pays. La maladie affecterait également une personne sur 90 000 au sein de la population métisse en Afrique du Sud.</p>
<p>Des cas d’EKH ont également été décrits dans des familles allemandes et norvégiennes. Le rude climat sud-africain pourrait avoir exacerbé les symptômes de la maladie, et donc rendu son diagnostic plus évident dans ce pays. Plusieurs dermatologues à travers le monde ont également relevé des cas au sein de la diaspora sud-africaine, au Royaume-Uni et au Canada notamment.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177127/original/file-20170706-14401-1x9xo0x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il n’existe, pour le moment, pas de traitement contre l’EKH et ses effets sur la peau.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.theconversation.com/files/168728/width926/file-20170510-28075-1d2qucl.jpg">Supplied</a></span>
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<p>Les recherches que nous avons menées sur la maladie nous ont permis de faire d’<a href="https://www.wits.ac.za/news/latest-news/research-news/2017/2017-05/scientists-find-genetic-mutation-responsible-for-rare-skin-disease-in-afrikaners.html">importantes découvertes</a> qui pourraient aider à un meilleur diagnostic. Ces progrès pourraient, à leur tour, permettre d’évaluer avec précision la prévalence de l’EKH et ouvrir la porte à la recherche d’un éventuel traitement.</p>
<p>Nous pensons également que nos découvertes pourraient aider à comprendre en quoi le gène sur lequel nous avons identifié une mutation particulière pourrait jouer un rôle dans <a href="http://www.therapeutique-dermatologique.org/spip.php?page=article&id_article=1172#paragraphe-2">d’autres maladies de la peau ou problèmes de desquamation</a>.</p>
<h2>Les enseignements d’une étude généalogique sur les familles concernées</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/177128/original/file-20170706-10491-1lah62j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’EKH a une chance sur deux de se manifester chez un enfant dont l’un des parents est touché par la maladie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/-f7bKsvOgwU">Bonnie Kittle/Unsplash</a></span>
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<p>L’EKH a été décrit pour la première fois dans les années 1970 par George Findlay, un dermatologue sud-africain de l’université du Witwatersrand à Johannesburg, qui a reçu de nombreux patients en consultation ainsi que leurs familles. George Findlay a montré que si un parent était touché par l’EKH, la maladie avait 50 % de chances de se manifester chez l’enfant. Ce qui indiquait que cette maladie génétique relevait du mode de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transmission_autosomique_dominante">transmission autosomique dominante</a>.</p>
<p>C’est un autre dermatologue, Peter Hull, qui a découvert les origines, plutôt surprenantes, de la maladie pour l’Afrique du Sud. Au début des années 1980, il décide de mener une étude généalogique. Celle-ci le fait remonter jusqu’à un navigateur français, le capitaine François Renier Duminy, qui s’était installé dans le pays à la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle. Dans ses recherches, le médecin est allé jusqu’à rendre visite aux familles touchées par la maladie, pour mener ensuite une enquête approfondie sur leur ascendance.</p>
<p>Toutes les familles auxquelles le dermatologue s’est intéressé étaient liées à François Renier Duminy. Né à Lorient (Morbihan) en 1747 de parents inconnus, celui-ci avait été recueilli, peu après sa naissance, par la famille d’Antoine Lebre Duminy. Ce marin avait été nommé quelques années plus tard commandant de la citadelle de Port-Louis, gardienne de l’entrée du port de Lorient. Le fils adoptif était devenu membre de la Compagnie française des Indes orientales, entreprise de négoce colonial <a href="http://musee.lorient.fr/musee/les-compagnies-des-indes/lorient-et-la-compagnie-des-indes/">basée à Lorient</a>. Puis il avait quitté cette société pour poursuivre ses activités commerciales de façon indépendante.</p>
<h2>L’installation de François Renier Duminy au cap de Bonne-Espérance</h2>
<p>C’est dans ce cadre que François Renier Duminy a navigué jusqu’au cap de Bonne-Espérance, au sud de l’actuelle Afrique du Sud, et décidé de s’y installer. Les recherches de Peter Hull ont montré que l’EKH s’est répandue à travers la descendance du capitaine breton. Il a transmis la maladie à certains, au moins, de ses six enfants, nés en Afrique du Sud de son mariage avec Johanna Margaretha Nötlingh – sauf un, illégitime. Tous les Sud-Africains atteints d’EKH peuvent remonter, dans leur généalogie, jusqu’à Renier Duminy ou sa descendance.</p>
<p>La forte présence de la maladie en Afrique du Sud est la conséquence de ce qui, en génétique, porte le nom « d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_fondateur">effet fondateur</a> » : lorsqu’une population nouvelle s’établit à partir d’un très petit nombre d’individus, ceux-ci contribuent pour une large part au patrimoine génétique commun. Leurs gènes sont ensuite surreprésentés au sein de la population actuelle, ici les Afrikaners. Ce phénomène explique donc que l’EKH soit plus répandue en Afrique du Sud que partout ailleurs dans le monde.</p>
<p>Il nous a fallu 32 années pour identifier la mutation génétique à l’origine de la maladie. Mais ce n’est que grâce à notre toute dernière découverte que nous avons enfin compris pourquoi nous avons eu toutes les peines du monde à la trouver.</p>
<p>Il y a 20 ans, nous avions mené une <a href="http://www.cell.com/ajhg/pdf/S0002-9297%2807%2964063-4.pdf">étude génétique</a> sur la population atteinte de l’érythème kératolytique hivernal. Nous avions alors repéré la région dans laquelle se trouvait la mutation : le bras court du chromosome 8. Pendant les années qui ont suivi, nous avons analysé les gènes de cette région. Mais impossible de savoir lequel était à l’origine de la maladie.</p>
<h2>Une avancée majeure grâce au décryptage du génome humain</h2>
<p>Grâce au décryptage du génome humain et aux technologies de la génomique, nous avons pu aller plus loin et analyser la région identifiée du chromosome 8 dans sa totalité, y compris des parties qui ne comprenaient pas de gènes.</p>
<p>Nous avons d’abord mené une analyse conventionnelle en nous concentrant sur les gènes, sans résultat. C’est lorsque nous avons regardé les zones intergéniques que nous avons obtenu un début de réponse sur les origines de l’EKH. Une large région entre les gènes était en fait dupliquée, c’est-à-dire présente en deux exemplaires. Cette séquence dupliquée pouvait être notre explication, avons-nous alors pensé.</p>
<p>Au moment même où nous menions ce travail, un chercheur norvégien de l'université de Bergen a découvert une autre mutation dans la même région du chromosome. Il y avait là aussi une section dupliquée, qui se chevauchait avec la nôtre.</p>
<p>Il devenait alors possible, en joignant nos forces, de consolider nos travaux et d’essayer de comprendre comment des mutations chez des individus de deux familles différentes pouvaient causer la même maladie. Nous avons alors prélevé et analysé les fragments de peau de quelques personnes atteintes d’EKH, ainsi que de volontaires qui ne l’étaient pas, afin d’identifier le gène qui subissait l’influence de la mutation présente dans la région intergénique. Nous avons ainsi testé trois gènes très proches de la localisation de la mutation.</p>
<p>Nous avons constaté que l’un de ces trois gènes, la cathépsine B, produisait cette protéine en trop grande quantité chez les patients atteints d’EKH, comme expliqué dans notre article <a href="http://www.cell.com/ajhg/abstract/S0002-9297(17)30144-1">publié dans la revue Cell au mois de mai</a>. C’est cette surproduction qui entraînait la desquamation.</p>
<h2>Une découverte qui permet un diagnostic simple de la maladie</h2>
<p>Cette découverte est importante pour deux raisons. Tout d’abord, elle pourrait aider les scientifiques à comprendre l’origine d’autres maladies de la peau ou de problèmes de desquamation. Il n’est pas impossible que ce même gène y soit pour quelque chose.</p>
<p>Ensuite, elle facilitera le diagnostic de la maladie par les dermatologues, puisqu’un simple test ADN permet d’identifier la mutation.</p>
<p>De nombreuses pièces du puzzle, néanmoins, restent encore à assembler. L’une d’entre elles, par exemple, consistera à expliquer pourquoi la maladie apparaît et disparaît chez certaines personnes. Une autre, à comprendre pourquoi les symptômes de la maladie n’affectent que la paume des mains et la plante des pieds.</p>
<p>Pour les scientifiques, la prochaine étape sera de mettre en place des cultures de cellules de peau, afin de connaître l’élément déclencheur de la maladie. Plusieurs indices laissent à penser que ses effets seraient multipliés en cas de stress ou d’infection.</p>
<p>L’objectif ultime sera de parvenir à un traitement. Mais d’ici à ce que nos découvertes débouchent sur un médicament pour les personnes atteintes d’érythème kératolytique hivernal, la route est encore longue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michèle Ramsay a reçu des financements de NRF, SA MRC, NHLS RT et NIH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thandiswa Ngcungcu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’érythème kératolytique hivernal, maladie de peau affectant les mains et les pieds, est plus répandue en Afrique du Sud qu’ailleurs. Les personnes touchées descendent toutes d’un marin français.Michèle Ramsay, Director of the Sydney Brenner Institute for Molecular Bioscience, Professor in the Division of Human Genetics , University of the WitwatersrandThandiswa Ngcungcu, PhD candidate in the Division of Human Genetics, Faculty of Health Sciences, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/771172017-05-17T20:23:28Z2017-05-17T20:23:28ZLes sept questions à se poser sur les tests pour la trisomie 21 quand on est enceinte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/169617/original/file-20170516-11929-1auwvn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un nouvel examen vient d'être recommandé par la Haute autorité de santé pour dépister la trisomie 21 chez le fœtus.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/search/pregnant?photo=ux53SGpRAHU">Freestocks/Unsplash</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
<hr>
<p>Il est à la fois plus sûr, et plus compliqué, d’être une femme enceinte aujourd’hui. Les progrès de la médecine permettent de détecter davantage d’anomalies chez le fœtus, ce qui ouvre des possibilités nouvelles pour intervenir dès la naissance ou décider de ne pas poursuivre la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/grossesse-32160">grossesse</a>. Mais ces avancées obligent les couples à faire des choix d’autant plus difficiles que les tests comportent une marge importante d’incertitude. Le dépistage prénatal de la trisomie 21, en particulier, suscite des interrogations complexes.</p>
<p>La Haute autorité de santé (HAS) a en effet recommandé, le 17 mai, l’<a href="http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2768510/fr/place-des-tests-adn-libre-circulant-dans-le-sang-maternel-dans-le-depistage-de-la-trisomie-21-foetale">adoption d’une nouvelle technique de dépistage de cette anomalie chromosomique</a>, responsable d’un retard cognitif. Ce test analysant l’ADN libre du fœtus circulant dans le sang de la mère a d’ailleurs été inscrit sur la liste officielle des examens de diagnostic prénatal par un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000034602525&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000034600547">décret daté du 5 mai</a> paru au Journal officiel. Et toutes les maternités de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) le <a href="http://www.aphp.fr/contenu/ouverture-de-la-1re-plateforme-en-france-de-depistage-automatise-des-aneuploidies-foetales">proposent</a> déjà gratuitement depuis le 2 mai.</p>
<p>L’information destinée à éclairer les couples sur ce qu’ils peuvent attendre en souscrivant à l’un des trois tests de dépistage existants est aujourd’hui insuffisante, comme le regrette le <a href="http://ciane.net/2017/05/8-9-juin-2017-conference-sur-le-diagnostic-prenatal-recherche-ciane-cermes3/">Collectif interassociatif autour de la naissance</a> (Ciane), représentant des usagers. À leur intention, voici sept questions qu’il est utile de se poser pour y voir plus clair, et les réponses qu’on peut y apporter au vu des connaissances actuelles.</p>
<p>La question initiale à se poser est celle-ci : <strong>est-ce que j’accepterais, ou non, un enfant avec une trisomie 21 ?</strong></p>
<p>Il est judicieux d’y réfléchir avant de se rendre à la première consultation, le dépistage pour cette anomalie étant proposé en tout début de grossesse. En général, le médecin ou la sage-femme laisse peu de temps au couple pour réfléchir car le créneau prévu en France pour cette consultation n’est que de 30 minutes. D’autres pays européens <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01493101">ont choisi d’y consacrer une heure</a>, au vu de la multitude de sujets à aborder ce jour là.</p>
<p>Personne ne peut répondre à votre place à cette question. Le degré de handicap mental associé à la trisomie 21 est variable, et ne peut être prédit par aucun test prénatal. Certains adultes ayant cette anomalie chromosomique ont une existence quasi-autonome, d’autres non. Des associations de parents d’enfants avec trisomie 21 apportent des témoignages sur leurs sites, par exemple <a href="http://www.trisomie21-france.org/">Trisomie 21 France</a> ou <a href="http://www.lesamisdeleonore.com/">Les amis d’Éléonore</a>. La position de chacun, qui peut dépendre d’une vision personnelle de l’existence ou de valeurs religieuses, est respectable.</p>
<p>C’est aussi le moment de vous interroger vis-à-vis de l’interruption de grossesse. Si vous écartez la possibilité d’une telle intervention, il est a priori inutile de faire les tests pour dépister la trisomie 21 car il n’existe pas de traitement pour cette anomalie – l’avortement est la seule option. Certains experts recommandent néanmoins aux couples excluant l’avortement de faire les tests malgré tout, dans l’idée de se préparer psychologiquement si l’enfant à naître devait être porteur de l’anomalie. Dans le cas où celle-ci n’est découverte qu’à la naissance, certains hôpitaux proposent d’abandonner l’enfant en vue d’une adoption.</p>
<p>Si vous souhaitez ne pas faire ces tests de dépistage, il faut envisager une deuxième question : <strong>comment le médecin va-t-il prendre ma décision ?</strong></p>
<p>En principe, le praticien ne doit pas la discuter car si lui a l'obligation de proposer ces tests, le dépistage n'est pas obligatoire pour la femme enceinte, ainsi que le précise la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024323102">loi de bioéthique de 2011</a>. D’ailleurs, les tests ne peuvent être réalisés que si elle a signé au préalable le formulaire de consentement. Mais en pratique, certains praticiens sont surpris par un refus et demandent à la femme enceinte de justifier son attitude, comme montré <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01493097">dans notre étude publiée en 2014</a>. Par ailleurs, l’un des tests se pratique au cours de l’échographie du premier trimestre, et certains praticiens le réalisent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01493095">sans demander au préalable à la femme si elle y consent</a>.</p>
<p>Si vous décidez de faire ce dépistage, la situation est bien évidemment différente. Et la question à se poser est celle-ci : <strong>quels tests me seront proposés ?</strong></p>
<p>La procédure standard, en France, a consisté jusqu’ici à faire un dépistage dit « combiné ». Il comprend une analyse de sang, appelée marqueurs sériques, pour doser des taux d’hormones dans le sang maternel. On y ajoute, lors de l’échographie du premier trimestre de la grossesse, une mesure de l’épaisseur de la nuque du fœtus. La combinaison de ces deux résultats avec l’âge de la femme enceinte (un âge plus élevé étant un facteur de risque) permet de calculer un taux, appelé risque de trisomie 21 fœtale.</p>
<p>Quand ce risque est jugé élevé, le praticien propose de faire un test diagnostique, le seul à pouvoir déterminer avec certitude si le fœtus est porteur d’une trisomie 21. Cela consiste à étudier les chromosomes du fœtus (l’analyse est appelée caryotype fœtal) à partir d’un prélèvement du liquide amniotique appelé <a href="http://www.ameli-sante.fr/comment-se-deroule-une-amniocentesenbsp.html">amniocentèse</a>) ou d’un prélèvement de tissus du placenta appelé choriocentèse. L’amniocentèse est réalisée à l’aide d’une longue aiguille piquant dans le ventre à travers la peau ; la choriocentèse, de la même façon ou par voie vaginale. Dans un tout petit nombre de cas, ces gestes déclenchent une fausse-couche dans les jours qui suivent. Si ce risque est très faible, la conséquence est néanmoins dramatique, raison pour laquelle on cherche au maximum à éviter un tel examen.</p>
<p><a href="http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2017-05/dir46/questions_-_reponses_trisomie_21.pdf">Le nouveau test recommandé par la HAS</a> consiste à vérifier la présence d’un chromosome 21 de trop chez le fœtus en analysant son ADN présent dans le sang maternel. Il est dit « non invasif » car il est réalisé à partir d’une simple prise de sang chez la femme enceinte. L’intérêt de ce test est qu’un résultat négatif élimine presque totalement le risque de trisomie, ce qui évite de procéder au test diagnostique. Par contre, en cas de résultat indiquant un risque jugé élevé, ce nouveau test doit être confirmé par le test diagnostique, tout comme avec le dépistage « combiné » classique. Car il comporte, lui aussi, une marge d’erreur.</p>
<p><strong>Quels sont, alors, les tests de dépistage les plus performants parmi les trois disponibles ?</strong></p>
<p>Le nouveau test non invasif est <a href="http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2572426/fr/les-performances-des-tests-de-depistage-de-la-trisomie-21-foetale-par-analyse-de-l-adn-libre-circulant">celui qui génère le moins d’erreurs dans le dépistage la trisomie 21</a>. Le test des marqueurs sériques annonce souvent des résultats dits faux-positifs (annonce d’un risque élevé, alors que le fœtus n’est pas porteur de trisomie 21) et parfois des résultats faux-négatifs (annonce d’un risque faible, alors que le fœtus est porteur). La mesure de la nuque du fœtus est plus performante que les marqueurs sériques, et moins que le test non invasif.</p>
<p><strong>Est-ce que je pourrai faire seulement le test non invasif ?</strong></p>
<p>La décision appartient au ministère de la Santé, mais la réponse devrait être non. Ce n’est pas la procédure recommandée par les associations de professionnels de la santé que sont l’<a href="http://www.eaclf.org/docs/recommandation-ACLF_DPNI-V2.pdf">Association des cytogénéticiens de langue française</a> (ACLF) et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), à travers <a href="http://www.cngof.fr/patientes/presse/474-communiques-du-cngof">son communiqué du 17 juin 2016</a>. Il faut savoir que le test non invasif est très coûteux. Il est donc proposé, pour l’instant, seulement aux femmes ayant passé les deux tests de dépistage classiques (marqueurs sériques et mesure de la nuque) et obtenu un résultat avec un risque jugé élevé.</p>
<p><strong>À partir de quel chiffre mon résultat au dépistage combiné est-il jugé à risque élevé ?</strong></p>
<p>En France, dans la procédure standard du dépistage combiné, on considère que le risque est élevé s’il est supérieur à 1/250. Par exemple s’il est de 1/240, ou de 1/50. Le taux 1/250 signifie que parmi 250 femmes ayant ce résultat, <a href="https://www.aurore-perinat.org/doc/File/ANNEE%202014/BrochureT21_JUIN%202014_VDEF(1).pdf">seule une attend un enfant avec une trisomie 21</a>. Le seuil retenu varie selon les pays, comme montré <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01493101">dans notre étude comparative déjà citée</a>. Les Pays-Bas ont adopté un seuil plus restrictif, 1/200, retenant donc moins de femmes dans la catégorie dite à risque élevé. En Grande-Bretagne, le chiffre est de 1/150, retenant moins de femmes encore.</p>
<p>Ces derniers mois, dans certains hôpitaux ou cliniques en France, par exemple ceux de l’AP-HP, des praticiens ont introduit le nouveau test non invasif et adopté simultanément un seuil moins restrictif pour interpréter le résultat du dépistage combiné. Ils ont retenu le chiffre de 1/1000, un <a href="http://www.cngof.fr/grossesse/194-depistage-prenatal-de-la-trisomie-21">taux qui était précédemment considéré comme à risque faible</a>. Cela place un plus grand nombre de femmes dans la catégorie à risque élevé, auxquelles est proposé le nouveau test non invasif.</p>
<p>L’avantage de ce changement de seuil est de minimiser le risque de passer, sans le vouloir, à côté d’un cas de trisomie 21. Son inconvénient est que l’annonce d’un résultat de risque élevé <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12611-012-0188-2">est souvent source d’un stress intense pour la femme enceinte</a>. Elle peut susciter une grande anxiété, laquelle persiste parfois après un résultat de test diagnostique rassurant, et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01518831/document">même après la naissance d’un enfant normal</a>. Cette anxiété peut engendrer des dépressions et perturber la relation de la mère au nouveau-né.</p>
<p><strong>Combien ces trois tests coûtent-ils, pour les couples ?</strong></p>
<p>Les marqueurs sériques et l’échographie sont remboursés à 100 % par l’assurance-maladie. Ce n’est pas le cas, pour le moment, du test non invasif. Cela devrait évoluer, si les recommandations de la HAS sont entérinées par le ministère de la Santé et débouchent sur sa prise en charge par l’assurance-maladie. Le test non invasif est facturé actuellement environ 400 euros par des entreprises d’analyses biomédicales. Les hôpitaux de l’Assistance publique de Paris le proposent gratuitement.</p>
<p>Ainsi, les recommandations de la HAS sont loin d’être anodines pour les 800 000 femmes commençant une grossesse chaque année. En abaissant le seuil définissant la catégorie de femmes à risque élevé de trisomie 21 fœtal, ce sont 30 000 femmes enceintes de plus qui vont se voir annoncée l’éventualité d’une anomalie et proposée l’option d’un test diagnostique, comme indiqué dans le rapport de la HAS. Un tel dispositif peut être considéré comme une avancée du point de vue biomédical, car il augmente la capacité à détecter par dépistage les fœtus atteints de trisomie 21. Cependant, il comporte des risques faibles mais pas négligeables pour autant, comme celui de l’anxiété et de fausse-couche pour les femmes nouvellement incluses dans la catégorie de risque élevé.</p>
<p>Les couples doivent être mieux informés des bénéfices et des risques liés aux différents tests disponibles, et conserver à chaque étape le choix de les demander ou non. Le pire serait sans doute que les couples en attente d’un enfant, sous prétexte que le sujet du dépistage est devenu trop technique, s’en remettent entièrement à l’avis des experts et du corps médical sur des questions engageant leur futur en tant que parents.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Vassy est membre du groupe de travail qui a rédigé les recommandations de la Haute autorité de santé sur la "Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 foetale". Elle ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article. Elle a bénéficié de financement de l'Agence de la Biomédecine et de l'Agence Nationale de la Recherche pour étudier les enjeux sociaux du dépistage prénatal de la trisomie 21 en Europe.</span></em></p>La Haute autorité de santé vient de recommander l’adoption d’un nouvel examen, plus fiable, pour dépister cette anomalie génétique chez le fœtus. Quels en sont les bénéfices, et les risques ?Carine Vassy, Maître de conférences en sociologie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723832017-04-26T21:58:08Z2017-04-26T21:58:08ZLa Russie, ce pays où la gestation pour autrui est légitime<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164514/original/image-20170407-29399-yi66c7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux femmes en conversation dans la rue, à Moscou. En Russie, la maternité de substitution est autorisée et suscite peu le débat. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dmitryzhkov/30284412254/in/album-72157674964518821/">Dmitry Ryzhkov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La gestation pour autrui (GPA) fait partie des sujets majeurs qui seront discutés lors les <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2018/01/06/bioethique-des-etats-generaux-pour-ouvrir-le-debat-le-plus-largement-possible_5238174_3224.html">États généraux de la bioéthique</a>, à partir du 18 janvier. Cette vaste consultation des citoyens précède la révision des lois de bioéthique prévue pour 2019. En France, la GPA est actuellement interdite. </p>
<p>Souvent désignée sous le nom de « mères porteuses », cette technique consiste, pour la gestatrice, à porter un embryon formé par les gamètes d'un couple, puis à remettre l'enfant à la naissance à ces parents d'intention.</p>
<p>Le <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr">Comité consultatif national d’éthique</a> (CCNE), avait rendu le 27 juin 2017 <a href="http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/avis-du-ccne-du-15-juin-2017-sur-les-demandes-societales-de-recours-lassistance#.Wl8Lq5OdUWp">un avis très attendu</a> dans lequel il rejetait la légalisation de la GPA. Un peu plus tôt, son président, Jean‑François Delfraissy, avait posé les termes du débat <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-27-janvier-2017">sur France Inter</a>. D’un côté, avait-il déclaré, « il y a un besoin sociétal absolument indiscutable pour un certain nombre de couples d’avoir une grossesse portée par autrui ». Et de l’autre, « des jeunes femmes (…) sont vendues pour ensuite devenir des porteuses de grossesses (…) dans des entreprises à but mercantile ».</p>
<h2>La Russie, un des pays les plus libéraux</h2>
<p>Pour éclairer cette question sensible, il est intéressant de s’extraire de sa propre culture et de regarder comment les mères porteuses sont perçues dans d’autres pays, selon leur histoire, leur sociologie et leurs traditions. Le cas de la Russie, rarement abordé, est intéressant à plus d’un titre. Le premier enfant né d’une maternité de substitution y a vu le jour en 1995. La technique y est autorisée, ce pays étant généralement rangé dans la catégorie des plus libéraux en la matière. Cependant les couples étrangers sont beaucoup moins nombreux à se rendre en Russie pour en bénéficier que dans le pays voisin, l’Ukraine, en raison de dispositions légales qui la rendent plus hasardeuse.</p>
<p>Pour un État, le <a href="https://assets.hcch.net/docs/b4114840-8e21-4f34-b054-43fe4c01ab32.pdf">choix de prohiber ou d’autoriser la pratique des mères porteuses</a> dépend largement de la conception que celui-ci se fait de la procréation, de la filiation et de la parenté. En Russie, la GPA est considérée comme l’une des mesures susceptibles d’augmenter le taux de natalité face à une situation démographique préoccupante. C’est aussi une manière jugée légitime de résoudre un problème de fertilité. De ce fait, le débat se place moins sur le plan moral que juridique.</p>
<p>La technique est autorisée mais son encadrement comporte des lacunes. Ainsi, une mère porteuse peut finalement décider de garder l’enfant, sans recours possible des parents intentionnels. Inversement, la gestatrice n’est pas protégée si les parents d’intention refusent d’accueillir l’enfant, par exemple si celui-ci naît handicapé.</p>
<h2>Des discussions en cours à l’assemblée nationale russe</h2>
<p>Aussi les discussions à la Douma (l’équivalent russe de l’Assemblée nationale) portent-elles surtout sur la nécessité d’instituer un cadre légal détaillé qui protégerait toutes les parties au contrat de GPA, c’est-à-dire la mère porteuse, les parents intentionnels mais aussi l’enfant.</p>
<p>La loi fédérale en vigueur sur les techniques de procréation médicale remonte à 1993, à l’époque de l’URSS. Cette année-là, un chapitre intitulé « l’activité médicale lors de la planification de la famille et d’encadrement de la capacité de procréer de l’homme » a été introduit dans la législation relative à « la protection de la santé des citoyens ». Des précisions ont ensuite été apportées par deux ordonnances du ministère de la Santé en 2003 puis en 2012.</p>
<p>Les conditions d’accès à ces techniques sont comparables à celles existant en France. Selon l’ordonnance de 2012, les actes ne peuvent viser un autre but que celui de réparer les conséquences d’un dysfonctionnement pathologique à l’origine de la stérilité, ou d’éviter la transmission d’une maladie génétique.</p>
<h2>La procréation assistée, autorisée aux femmes célibataires</h2>
<p>Le recours à ces techniques est possible pour les couples, mariés ou non, composés d’une femme et d’un homme et, contrairement à la France, aux femmes célibataires. Dans ses différents textes, le législateur utilise le terme « époux », n’ouvrant ainsi l’accès expressément qu’aux couples mariés hétérosexuels. Mais contrairement à la France, l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels n’est pas débattue.</p>
<p>C’est la jurisprudence qui s’est prononcée sur l’accès à la gestation pour autrui pour un ou une célibataire. Dans un premier temps, ce droit a été reconnu à une femme célibataire, en 2009. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que conformément à la loi fédérale de 1993, une femme célibataire a le droit de se réaliser en tant que mère au même titre qu’une femme mariée.</p>
<p>Par la suite, la jurisprudence a reconnu le même droit à un homme célibataire. Ce même accès aux techniques de procréation médicale pour les hommes et pour les femmes a été déduit du principe d’égalité entre la femme et l’homme posé par la Constitution de la Fédération de Russie.</p>
<h2>Une rémunération complémentaire occulte pour la gestatrice</h2>
<p>En Russie, la gestatrice n’est, officiellement, pas rémunérée. Seuls les frais médicaux liés à sa grossesse et ceux du quotidien durant cette période peuvent être prévus par le contrat. Une compensation pour la perte de salaire liée à l’arrêt du travail peut s’y ajouter. En général <a href="http://www.courrierinternational.com/article/2010/04/29/12-500-euros-le-bebe">il existe une rémunération complémentaire occulte</a>, dont il est impossible de solliciter le remboursement devant la justice en cas de non-exécution du contrat par la gestatrice.</p>
<p>Selon l’article « Les mères porteuses » de la revue <em>Ogonyok N4</em> du 1<sup>er</sup> février 2010, la rémunération variait en 2009 entre 15 000 (13 700 euros) et 20 000 dollars (18 300 euros), voire plus pour une gestatrice correspondant à certaines exigences de niveau d’étude.</p>
<p>« Mater semper certa est » disait, en latin, le droit romain : l’identité de la mère est toujours certaine. Cette règle s’applique aussi dans le droit russe. À la naissance, la mère est celle qui met l’enfant au monde, autrement dit la mère porteuse. Le droit russe fait ainsi primer la réalité physique sur la génétique.</p>
<h2>La mère porteuse doit donner son accord à la naissance</h2>
<p>Pour que la filiation de l’enfant avec les parents génétiques (les parents d’intention) puisse être établie, ces derniers doivent obtenir l’accord explicite de la mère porteuse après la naissance de l’enfant. Le Conseil constitutionnel russe a en effet affirmé la constitutionnalité du principe selon lequel les parents d’intention ne peuvent pas figurer dans l’acte de naissance de l’enfant en qualité de parents sans l’accord de la mère porteuse.</p>
<p>Une fois obtenu l’accord de la gestatrice, la filiation est établie au profit des parents d’intention et la gestatrice ne peut plus revenir sur sa décision. Aucun lien de filiation n’est maintenu à son égard ; le lien de filiation et les effets qui en découlent sont intégralement transférés au couple commanditaire. Le nom de la mère porteuse n’apparaît pas sur l’acte de naissance de l’enfant.</p>
<p>Du fait que la mère porteuse est la mère légale de l’enfant à sa naissance, elle peut décider de le garder. Sans recours possible pour la mère d’intention. La mère porteuse ne dispose pas de cette prérogative en Ukraine, par exemple, où ce sont les termes du contrat qui priment.</p>
<p>Ce pouvoir donné à la mère porteuse en Russie fait débat. Une partie des juristes se prononce en faveur de la suppression de la règle « Mater semper certa est », au motif qu’elle vide la convention de maternité pour autrui de son sens. Une telle évolution irait dans le sens du mécanisme juridique existant aux États-Unis pour la GPA. D’autres juristes veulent maintenir cette règle, estimant qu’elle évite de faire du corps de la femme un objet susceptible de transactions commerciales.</p>
<h2>La mère porteuse doit parfois élever l’enfant sans l’avoir souhaité</h2>
<p>La législation russe actuelle pose un deuxième problème. Il arrive en effet que les parents d’intention refusent d’établir la filiation avec l’enfant. Si le couple s’est séparé entre temps, par exemple. Ou bien si l’enfant naît handicapé. Dans ce cas, la gestatrice devient la mère légale de l’enfant dont elle a accouché et doit endosser la charge d’élever un enfant qu’elle n’a pas souhaité.</p>
<p>Un projet de loi avait été déposé à la Douma le 19 juin 2016 dans l’idée de remédier à ces deux difficultés. Le texte supprimait l’obligation d’obtenir l’accord de la gestatrice pour la transcription des parents d’intention sur le registre d’état civil en qualité de parents de l’enfant. Il prévoyait également, en cas d’abandon de l’enfant par les parents d’intention et par la gestatrice, de procéder automatiquement à l’inscription des parents d’intention dans l’acte de naissance de l’enfant. Mais ce projet a été rejeté, le 13 avril 2017, par le Comité de la famille, de la femme et de l’enfant de la Douma.</p>
<p>Un autre projet de loi visant une interdiction absolue de la GPA tant qu’il n’existe pas un encadrement législatif garantissant une protection des droits et des intérêts de la gestatrice, de <a href="http://website-pace.net/documents/19855/2463558/20160921-SurrogacyRights-FR.pdf/1b33ac68-47d2-4534-a21d-11250cc9bd72">l’enfant</a> et des parents d’intention, a été déposé à la Douma le 27 mars 2017. La première lecture de ce projet de loi à la Douma était prévue le 10 janvier 2018, mais a été reportée à une date ultérieure.</p>
<p>Lors d'une réunion au mois de juillet 2017, le Comité de la famille, de la femme et de l’enfant de la Douma n’a pas approuvé l'initiative d’interdiction de la GPA. Le ministère de la Santé a adopté la même position. « Le problème d’infertilité masculin et féminin est majeur en Russie, a affirmé Oleg Philippov, chef-adjoint du Bureau de l’aide aux enfants et à la procréation du ministère de la Santé. L’interdiction de la GPA ne ferait qu’aggraver la situation. Mais il faut moderniser la législation ».</p>
<p>Ainsi, dans ce pays où la GPA – qui existe depuis plus de vingt ans – n’est pas fondamentalement remise en question, la manière de la pratiquer suscite encore des débats, pas si différents de ceux qui se tiennent en France ou ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72383/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alla Dyuka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Russie, la question d’interdire la maternité de substitution se pose à nouveau. Mais les vrais débats concernent les garanties offertes à la mère porteuse et aux parents d’intention.Alla Dyuka, Juriste en droit international de la famille, doctorante, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/720672017-03-23T21:07:10Z2017-03-23T21:07:10ZLa cirrhose n’est pas irréversible<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155947/original/image-20170207-4240-1pz5bjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C25%2C5640%2C3196&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quand la cause de la destruction du foie disparait avec, par exemple l'arrêt de l'alcool, cet organe peut revenir à son état normal. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/romanboed/14116945164/in/photolist-nvt2Yh-ef2Po9-6gbjK1-74J9AZ-6gbjxh-e11HP6-fuKWmf-bvmf6w-xTBLn-9Djqd1-frzaTG-cm6JAC-nW3CGt-5aK1EN-zqwdE-6rKF7J-7hrpa8-JVkQa-8knxwW-PUs9LC-74sfwS-6mzNTE-9VEdm1-6jzJqj-8FG8a5-6eHJ9A-5xJ3Ez-bJg2wK-bvmf8h-7McUE9-iEizch-fUdsdt-aSSEgx-dYqeeG-dbiSE2-5XFK2-6mzNWs-6bQX2J-4KDAK5-4KDza7-6oW3GV-7hmUoZ-4Kzirk-97kW9R-4KDBMC-4KDzn9-4KDA5Y-4KziWc-6mzNZ3-4KDBcA">Roman Boed/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La cirrhose reste, dans l’imaginaire collectif, un mal honteux et surtout fatal. <a href="http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/04/14/24863-cirrhose-est-elle-encore-maladie-honteuse">Associée à l’image d’un homme fini</a>, elle symbolise dans l’esprit de beaucoup le stade ultime de l’alcoolisme. Or l’idée que cette dégradation du foie aurait un caractère définitif est en décalage avec les faits scientifiquement établis. La cirrhose n’est plus, aujourd’hui, irréversible. Au moins pour une partie des 700 000 cas de cirrhose recensés <a href="http://www.inserm.fr/index.php/thematiques/physiopathologie-metabolisme-nutrition/dossiers-d-information/cirrhose">par l’Inserm</a> en France.</p>
<p>Lorsque la cause a pu être correctement traitée, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28060241">cirrhose peut en effet disparaître</a>. J’expose ici les circonstances dans lesquelles cela s’est déjà produit, alors que les Journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive se tiennent à Paris jusqu’au 25 mars.</p>
<p><a href="http://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/anatomie-foie.html">Le foie</a> est un organe unique car capable de « régénération », comme l’illustre le mythe de Prométhée enchaîné – dont le foie, dévoré le jour par un aigle, repoussait chaque nuit. Si l’on retire une partie du foie, de nouvelles cellules sont fabriquées, lui permettant de retrouver sa taille initiale.</p>
<p>Une autre particularité de cet organe est sa capacité à retrouver sa souplesse et sa fonctionnalité initiales, après avoir été « malmené » par l’exposition à un agent pathogène, par exemple un virus. Tout organe agressé fabrique, en réponse à l’inflammation locale, de la fibrose – une sorte de cicatrice constituée notamment de différents collagènes. En cas d’hépatite aiguë, la cicatrice produite est mince, puis rapidement « remodelée », c’est-à-dire qu’elle s’efface sous l’effet des enzymes locales. Le foie retrouve alors son intégrité.</p>
<h2>Une anatomie anarchique du foie</h2>
<p>Dans les maladies hépatiques chroniques, par contre, l’exposition à l’agent pathogène – par exemple l’alcool – persiste dans le temps. Il se produit de l’inflammation et de la nécrose (mort cellulaire), ce qu’on nomme « activité nécrotico-inflammatoire ». Les capacités du foie à se remodeler peuvent alors être dépassées.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/155943/original/image-20170207-30931-ftm27.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Foie normal, et au stade de la cirrhose (image de synthèse).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?title=Special:Search&search=liver+cirrhosis&fulltext=1&ns0=1&ns6=1&ns14=1&searchToken=emwbuumel75vy0p5wfb7h6tsj#/media/File:Liver_Cirrhosis.png">BruceBlaus/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En conséquence, la fibrose progresse et la structure harmonieuse du foie est rompue par des « nodules de régénération », amas de cellules hépatiques entourés de tissu cicatriciel. Cette anatomie anarchique est <a href="http://www.centre-hepato-biliaire.org/maladies-foie/cirrhose.html">ce qui définit la cirrhose</a>. Le foie devient dur, sa surface, irrégulière, et ses fonctions sont perturbées. Devenu fibreux et granuleux, il est moins capable de récupérer les nutriments absorbés par les intestins pour les transformer en protéines, graisses, sucres ou énergie, d’éliminer les substances toxiques pour l’organisme, de produire de la bile.</p>
<h2>Des guérisons dans l’hépatite C ont changé la donne</h2>
<p>Longtemps, ces dégâts ont été considérés comme irréversibles. Mais l’arrivée de médicaments <a href="http://www.medecine.parisdescartes.fr/?p=27914">efficaces contre l’hépatite C</a> a changé la donne. Ces vingt dernières années, des progrès thérapeutiques majeurs ont en effet permis <a href="https://theconversation.com/hepatite-c-jose-prononcer-le-mot-guerison-65810">d’obtenir des guérisons chez des malades chroniques</a>. L’un des examens qui permet de vérifier le bon état de leur foie consiste en une biopsie, c’est-à-dire le prélèvement d’un fragment de cet organe, généralement à l’aide d’une aiguille piquant à travers la peau. Or des biopsies ont montré, à la grande surprise des médecins, que du tissu sain – ou presque – pouvait prendre la place de la fibrose, mais aussi de la cirrhose. Cela est attesté chez 14 des 113 patients inclus dans l’étude coordonnée par un chercheur de l’hôpital Necker à Paris, et <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16997354">publiée en 2006</a>.</p>
<p>Ainsi, chez <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18794559">certains patients guéris de leur infection virale C</a>, il est possible au cours du temps de constater une réversibilité de la cirrhose. Et ceci est vrai aussi pour des personnes infectées par le virus de l’hépatite B, comme le montre une autre étude menée à l’hôpital Beaujon (Clichy, Hauts-de-Seine), <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23234725">publiée en 2013 dans la revue de référence The Lancet</a>. </p>
<p>Si on dispose aujourd’hui de suffisamment de preuves tangibles de cette régression, l’absence de données issues d’études contrôlées ne permet pas d’affirmer dans quelle proportion elle survient. On peut toutefois considérer que 15 à 30 % des patients touchés par une hépatite C connaissent une réversibilité de leur cirrhose à l’échéance de trois ans, et environ 70 % des patients touchés par l’hépatite B au bout de cinq ans.</p>
<p>La condition nécessaire, mais pas toujours suffisante, est que l’infection reste sous contrôle, c’est-à-dire que le virus ne soit plus détectable dans l’organisme par les méthodes d’analyse usuelles.</p>
<h2>Des preuves de la disparition de la cirrhose</h2>
<p>Il a été objecté que des fragments de foie prélevés par biopsie pouvaient ne pas être représentatifs de l’état du foie dans son ensemble. Les équipes médicales auraient pu avoir « bonne pioche », en quelque sorte, en tombant sur une partie préservée de l’organe. Cela peut en effet être discuté.</p>
<p>Cependant, de meilleures preuves de la disparition de la cirrhose ont été apportées par l’examen de foies complets. L’occasion ne s’est présentée que très rarement, dans des cas où le patient recevait une greffe de cet organe. Dans une étude rétrospective que j’ai publiée en 2004, j’expose <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14745732">trois cas où les médecins ont découvert que le foie était en bon état</a> … au cours de l’intervention. Le remplacement de l’organe a néanmoins été chaque fois mené à son terme, car chez ces patients bénéficiant d’une double transplantation rein et foie, la greffe du foie réduit les risques de rejet de la greffe rénale.</p>
<p>Contrairement au dogme qui prévaut dans les esprits, la cirrhose est donc, sous certaines conditions, une maladie réversible. Et cela, quelle que soit la cause de la cirrhose. Il peut s’agir d’une consommation trop élevée d’alcool ; d’une infection par le virus de l’hépatite B ou C ; d’un syndrome métabolique lié à l’obésité ou au diabète (on l’appelle aussi <a href="http://www.ouest-france.fr/sante/obesite-la-nash-maladie-du-foie-gras-humain-progresse-4773499">maladie du « foie gras »</a> ou Nash, <em>non-alcoholic fatty liver disease</em>, en anglais) ; d’une maladie auto-immune, comme l’hépatite auto-immune ; d’une hémochromatose, maladie héréditaire entraînant une surcharge du foie en fer ; d’une maladie de Wilson, autre maladie héréditaire entraînant une surcharge en cuivre.</p>
<h1>Contrôler la cause de la cirrhose</h1>
<p>Pour que la cirrhose puisse régresser, il faut qu’une première condition soit respectée : la cause de la dégradation du foie doit être sous contrôle. Ainsi, dans la cirrhose alcoolique, il faut obtenir au préalable l’arrêt de l’alcool ; dans l’hépatite C, une guérison virale ; dans l’hépatite B ou l’hépatite auto-immune, une extinction de l’activité du virus ; dans l’hémochromatose, une diminution du niveau en fer (déplétion martiale) ; et dans le « foie gras », un contrôle du syndrome métabolique.</p>
<p>Deuxième condition, la personne ne doit pas présenter un autre facteur de risque pour le foie, ce qu’on appelle une « comorbidité hépatique ». Pour prendre un exemple, une personne guérie de son hépatite C n’en verra pas les bénéfices au niveau de son foie, si elle continue à consommer de l’alcool en quantité excessive. Et pas plus en cas de surpoids, ou de diabète. Le problème se pose aussi en cas d’infection simultanée avec le VIH – possiblement en raison de la toxicité pour le foie des antirétroviraux d’ancienne génération.</p>
<p>Enfin, la cirrhose ne doit pas se doubler de complications. Avec des problèmes comme une augmentation de la pression dans la veine porte qui irrigue le foie, ou une insuffisance hépatique entraînant des hémorragies digestives ou une ascite (accumulation de liquide dans l’abdomen), la dégradation du foie atteint probablement un point de non-retour, au-delà duquel l’organe malade devra être remplacé par une transplantation. </p>
<p>En résumé, seules les cirrhoses « jeunes » – c’est à dire n’ayant pas présenté de complication, avec une fibrose sous forme de mailles facilement remodelables – sont aujourd’hui considérées comme réversibles.</p>
<p>Lorsqu’elle se produit, la réversion de la cirrhose permet de réduire le risque de sa principale complication, le cancer du foie.</p>
<h1>Des médicaments en test</h1>
<p>Actuellement, de nombreuses molécules destinées à inverser le processus de la fibrose sont en test dans les firmes pharmaceutiques. Aucune n’a encore clairement montré son efficacité sur le remodelage de la fibrose, ni sur la réversibilité de la cirrhose. Cependant des essais sont toujours en cours. Ces médicaments, s’ils voient le jour, pourraient être combinés avec le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/8778196">traitement de la maladie à l’origine de la cirrhose</a> pour favoriser la remise en état du foie.</p>
<p>Dans tous les cas, le progrès médical devrait autoriser les médecins à mieux prédire quelles sont les cirrhoses susceptibles de régresser. Et permettre à davantage de patients, dans les prochaines années, de retrouver un foie normal.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stanislas Pol a reçu des financements, en tant qu'orateur, de BMS, Boehringer Ingelheim, Janssen, Gilead, MSD, Abbvie. Au titre de bourses de recherche : Gilead, Abbvie, MSD. Au titre de membre du board : BMS, Boehringer Ingelheim, Janssen, Gilead, MSD, Abbvie.
</span></em></p>En vingt ans, les preuves d’un retour possible du foie à la normale se sont accumulées. Au point que les chercheurs ne se demandent plus si la cirrhose est réversible, mais sous quelles conditions.Stanislas Pol, Hépatologue, Institut Pasteur, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.