tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/reforme-du-college-28086/articlesreforme du collège – The Conversation2023-09-03T14:24:30Ztag:theconversation.com,2011:article/2120402023-09-03T14:24:30Z2023-09-03T14:24:30ZL’école, en panne de projet politique ?<p>La France aime débattre de l’école. L’institution scolaire s’y est historiquement construite parallèlement à la démocratie et son pilotage soulève des enjeux aussi essentiels que le savoir, l’autorité ou la justice.</p>
<p>Il est sain que ces problèmes fassent l’objet d’un actif débat public. Pour conduire une politique éducative, la discussion des projets doit entraîner l’adhésion d’un nombre suffisant de citoyens et offrir aux enseignants un horizon qui donne sens à leur action quotidienne. Pour pratiquer ce métier, mieux vaut croire en effet à ce qu’on fait et savoir pourquoi on le fait : c’est là, une fois encore, affaire de politique.</p>
<p>À l’heure où <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/la-republique-en-marche/gabriel-attal-l-ascension-de-l-eleve-modele-du-gouvernement_6019613.html">un nouveau ministre</a> prend ses fonctions, il n’est pas inutile de se demander dans quelle tradition politique il pourrait inscrire son action, et dans quelle mesure le débat public des dernières décennies est parvenu à dessiner des cultures politiques suffisamment stables, identifiables et adaptées aux cadres ordinaires du débat politique institutionnel, notamment à la division droite/gauche.</p>
<p>Pour ce faire, on s’appuiera sur une étude systématique de la <a href="https://www.theses.fr/2014PA040048">façon dont la presse d’information générale a, depuis les années 1960, relayé les débats éducatifs</a> afin d’identifier, à côté des textes officiels produits par les organisations politiques, ce qui résiste au filtre médiatique et se diffuse au-delà des cercles de spécialistes, avec une chance sérieuse de constituer une culture politique. Ce que montre cette étude, c’est qu’il est très difficile de cerner, dans les nombreuses controverses qui ont marqué l’histoire récente des débats éducatifs, des orientations claires et durables.</p>
<h2>Esquive et confusion à gauche</h2>
<p>La gauche, pour sa part, sait se référer à des symboles forts. Ses organisations invoquent très souvent le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Langevin-Wallon">plan Langevin-Wallon de 1947</a>, qui a imaginé à la Libération l’école de la société nouvelle qu’on voulait alors construire. Mais sa mention dans la presse ne dit jamais rien de son contenu. Jean-Pierre Chevènement s’en réclame même à plusieurs reprises à partir de 1984 pour défendre ce qu’il appelle « l’élitisme républicain », sans que personne ne lui signale que <a href="https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/250723/chevenement-l-ecole-alsacienne-et-l-elitisme-dit-republicain">l’illustre texte défend en fait le contraire</a>.</p>
<p>Tout au long des années 1970, la gauche s’est efforcée de s’inscrire dans le sillage d’un autre symbole : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mai-68-24373">Mai-68</a>. Mais c’est en subordonnant à chaque fois, dans ses prises de position médiatisées, les enjeux éducatifs à des préalables plus généraux comme « l’instauration d’une société socialiste » (<a href="https://maitron.fr/spip.php?article88437">Charles Josselin</a>, 1973) et la nécessité du « Programme commun de gouvernement ». La communication des syndicats et des partis de gouvernements mettait en fait en scène leur unité dans une opposition systématique au pouvoir. C’est ainsi qu’ils ont bruyamment porté dans la presse, entre 1975 et 1977, leur « union sacrée contre la <a href="https://www.cahiers-pedagogiques.com/le-debat-sur-le-college-bien-trop-politicien-pour-etre-politique/">réforme Haby</a> », sans jamais aborder la question du « collège unique » comme un débat prioritaire.</p>
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<a href="https://theconversation.com/a-leducation-nationale-larrivee-dun-nouveau-ministre-peut-elle-vraiment-changer-lecole-183667">À l’Éducation nationale, l’arrivée d’un nouveau ministre peut-elle vraiment changer l’école ?</a>
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<p>Présente au pouvoir à partir de 1981, la gauche unie (derrière un Parti socialiste bientôt hégémonique) a abondamment communiqué sur la « priorité à l’éducation », en faisant le premier budget de l’État, mais n’a pas eu beaucoup d’occasions de défendre ses choix concrets les plus forts devant les médias.</p>
<p>Des réformes aussi importantes que les zones d’éducation prioritaire (ZEP), qui relèvent d’un principe, nouveau, de discrimination positive, le <a href="https://theconversation.com/le-lycee-professionnel-enfin-sujet-de-debats-180808">baccalauréat professionnel</a>, mis en place à partir de 1985 en vue de mener « 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat » ou le fait de <a href="https://www.education.gouv.fr/loi-d-orientation-sur-l-education-ndeg89-486-du-10-juillet-1989-3779">mettre l’élève « au centre du système »</a>, ont été peu remarquées par les médias, cette discrétion permettant d’ailleurs au pouvoir d’éviter les controverses porteuses de divisions internes.</p>
<p>Entre 1997 et 2017, Claude Allègre (ministre de 1997 à 2000) ou Vincent Peillon (de 2012 à 2014) ont tenté d’ouvrir des débats de fond, mais la visibilité médiatique de <a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2007-2-page-231.htm">l’agressivité du premier a éclipsé ses projets de réforme</a> tandis que la très forte opposition suscitée par la réforme des rythmes scolaires du second a masqué <a href="https://www.vousnousils.fr/wp-content/uploads/2016/01/Refondation.pdf">son travail de « Refondation »</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">En 1999, le ministre Claude Allègre présente son projet de réforme de l’école primaire.</span></figcaption>
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<p>En fait, les échanges d’idées les plus nourris ont été porteurs de divisions plus qu’ils n’ont contribué à fédérer la gauche autour d’une culture commune. Des ministres Alain Savary à Najat Vallaud-Belkacem, en passant par Lionel Jospin ou Claude Allègre, ceux-ci ont porté sur des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/13/reforme-du-college-ce-qui-est-vrai-ce-qui-est-faux_4633220_4355770.html">projets de réforme</a> favorables aux méthodes pédagogiques alternatives, censées favoriser la prise en charge de publics scolaires devenus plus hétérogènes, grâce au travail en équipe des professeurs et au recours à des techniques plus individualisées.</p>
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<a href="https://theconversation.com/les-grands-defis-de-lecole-francaise-186658">Les grands défis de l’école française</a>
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<p>Or, bien que soutenues par les mouvements pédagogiques, ces réformes ont été perçues par la base enseignante et ses syndicats majoritaires (électorat clé pour la gauche) comme des injonctions brutales méprisant les difficultés qu’ils rencontraient au quotidien. Les grèves, manifestations et polémiques qui ont suivi ont généralement mené à une <a href="https://www.fayard.fr/comment-la-gauche-perdu-lecole-9782012355873">politique de concessions et/ou à une défaite électorale</a>.</p>
<p>Ces divisions sont d’autant plus profondes qu’à chaque épisode de conflit, l’encadrement idéologique de l’opposition aux réformes, dans la presse et l’édition, a été assuré par un discours créant un clivage supplémentaire. Reformulant des anathèmes récurrents, des personnalités généralement issues du monde universitaire ou médiatique ont su séduire durablement aussi bien à gauche qu’à droite en <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/09/05/critiquer-najat-vallaud-belkacem-au-nom-de-l-egalite_4637059_3232.html">dénonçant dans les réformes la marque du « pédagogisme »</a>, idéologie peu définie <a href="https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2006-4-page-81.htm">qui serait à leur avis responsable des problèmes de l’École</a>. Lorsqu’en 1984, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre socialiste, reprend à son compte ce discours « antipédagogiste » à tonalité conservatrice, il donne naissance à un courant dit « républicain » qui a connu depuis une importante postérité, tout en brouillant un peu plus les pistes à gauche.</p>
<h2>Schizophrénie et velléités à droite</h2>
<p>La confusion idéologique n’est pas moins grande dans l’expression publique de la droite, écartelée dès les années 1970 entre deux priorités contradictoires. Assumant alors les responsabilités du pouvoir, les ministres successifs ont accepté de répondre aux aspirations à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Faure">libéralisation du rapport pédagogique</a> et de parachever la politique de massification du second degré à l’œuvre depuis 1959 à travers <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/38483-le-debat-sur-le-college-unique">l’institution du collège unique</a> en 1975. Dans le même temps, les réseaux conservateurs, des colonnes du Figaro au SNALC, en passant par l’UNI ou le Club de l’Horloge, <a href="https://www.puf.com/content/Changer_l%C3%A9cole_ou_la_sauver">s’indignaient de cette politique de concessions</a>.</p>
<p>Au-delà de la défense de l’école « libre », victorieuse en 1984, la droite des années 1980 s’est approprié certains marqueurs idéologiques portés par la dynamique antipédagogiste. Pourtant, lors de leur passage au pouvoir, ses principales personnalités n’ont pu mettre en œuvre la suppression du collège unique, la fermeture des IUFM (<a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1993/07/03/devant-la-commission-des-affaires-culturelles-de-l-assemblee-nationale-francois-fillon-presente-un-requisitoire-contre-les-iufm_4417667_1819218.html">« institutions pernicieuses aux mains de médiocres ou d’illuminés »</a>, selon François Fillon) ou l’abandon du principe selon lequel l’élève devrait être « au centre du système », sur lesquels ils avaient abondamment communiqué. Se construisant dans l’opposition sur le mode polémique, la culture conservatrice s’est une fois encore heurtée aux faits.</p>
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<figcaption><span class="caption">Manifestation contre le projet de loi Savary, en 1984.</span></figcaption>
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<p>L’option libérale a davantage donné lieu à des réalisations concrètes. La décentralisation, pensée avant tout comme une responsabilisation des cadres intermédiaires (particulièrement des chefs d’établissement), a ainsi été un souci prioritaire de Luc Ferry comme de Jean-Michel Blanquer, et se manifeste jusque dans le « Pacte » promu à la rentrée 2023 par Emmanuel Macron.</p>
<p>Mais elle offre peu de prises au monde conservateur pour se distinguer de la gauche, qui s’est longtemps réclamée de valeurs décentralisatrices et qui, dans les années 1980, s’est parfaitement approprié l’idée selon laquelle l’École devait s’adapter aux besoins des entreprises : c’était une autre priorité de la communication de Jean-Pierre Chevènement.</p>
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<a href="https://theconversation.com/jean-michel-blanquer-un-ministre-a-la-longevite-republicaine-ou-bonapartiste-167672">Jean‑Michel Blanquer, un ministre à la longévité républicaine ou bonapartiste ?</a>
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<p>Il faut en fait attendre 2007 pour que la droite adopte sur l’éducation une communication donnant la priorité à la construction d’une identité véritablement conservatrice. Nicolas Sarkozy est alors le premier candidat au deuxième tour de l’élection présidentielle à accorder une place importante à l’école dans sa campagne, et ce en mettant en avant la question de la discipline et de l’autorité. Dès lors, l’École devient un terrain privilégié pour la refondation idéologique d’une droite qui doit, sur l’autre bord, se mesurer à une extrême droite en pleine ascension.</p>
<p>Dans l’opposition depuis 2012, les parlementaires Les Républicains, à l’instar de ceux du Rassemblement national, et suivis à l’occasion par Jean-Michel Blanquer, saisissent toutes les occasions de manier des marqueurs idéologiques, positifs, comme <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">l’uniforme</a> ou le lever de drapeau, ou négatifs, comme l’écriture inclusive, le « wokisme » ou les tenues religieuses.</p>
<h2>Une réflexion politique nécessaire à l’engagement éducatif</h2>
<p>Il n’est pas certain que ce travail, essentiellement symbolique, suffise à construire une culture partagée à droite. À gauche, les forces désormais appelées à jouer un rôle moteur, des écologistes à la France Insoumise, ont rarement l’occasion de s’exprimer sur les questions éducatives, de sorte que les perspectives risquent aussi d’y demeurer floues. Encore peu fondées factuellement, les nouvelles oppositions, imaginées par le pouvoir actuel, entre « progressisme » et « populisme » ou entre « arc républicain » et « extrêmes », manquent de contenu.</p>
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<p>Historiquement, la question du statut de l’école privée est en fait le seul point qui soit parvenu à unifier durablement des camps et à susciter des oppositions claires, porteuses de véritables identités politiques. Mais depuis que les <a href="https://www.fabert.com/editions-fabert/la-liberte-sous-contrat-une-histoire-de-l-enseignement-prive.3084.produit.html">manifestations monstres de 1984 et de 1994 ont convaincu les uns et les autres de ne plus toucher au statu quo</a>, celles-ci ont perdu de leur consistance.</p>
<p>Or l’école a besoin de politique. On ne redonnera pas aux jeunes l’envie de s’engager dans les métiers de l’éducation sans leur permettre d’inscrire cet engagement dans un projet qui le dépasse. On ne mobilisera pas les enseignants pour une réforme, si nécessaire soit-elle, sans que celle-ci soit sous-tendue par une vision. C’est là affaire de travail programmatique et de mise en débat, d’activation d’un imaginaire et de mise en scène de clivages clairs et durables. Et sur ce point, tout reste à faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Forestier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Bac, calendrier, uniforme, évaluations… Les sujets autour de l’école font régulièrement l’actualité. Mais au-delà des polémiques, des projets politiques se dessinent-ils vraiment ?Yann Forestier, Chercheur associé au Centre Amiénois de Recherche en Education et Formation (CAREF). Professeur agrégé d'histoire, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1973542023-01-16T18:18:42Z2023-01-16T18:18:42ZAu collège et au lycée, les cours de latin sont-ils en voie de disparition ?<p>Ces derniers temps, l’attention s’est focalisée sur la <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-les-maths-en-france-175718">place des mathématiques</a> dans le cadre de la réforme du lycée et des baccalauréats généraux. <a href="https://www.lesechos.fr/2015/05/reforme-du-college-le-nouvel-enseignement-du-latin-et-le-grec-reste-un-point-de-blocage-fort-261569">La place de l’enseignement du latin</a>, et plus généralement des humanités classiques, qui avait dans le passé plusieurs fois défrayé la chronique, est passée au second plan. Et pourtant, cela bouge encore et peut donner sens aux évolutions en cours, car la place des humanités classiques dans l’enseignement secondaire a été un grand marqueur culturel et social. Et ce n’est sans doute pas fini.</p>
<p>Au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, dans l’enseignement secondaire classique (le seul secondaire qui existe alors, réservé de fait à moins de 2 % des garçons, de milieux socioculturels privilégiés), un lycéen, en suivant un cursus complet de la sixième à la terminale, passe 40 % de son temps en latin et grec (deux fois plus en latin qu’en grec), 13 % en français, 11 % en histoire-géographie, 11 % en mathématiques et en sciences, 8 % en langue vivante.</p>
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<a href="https://theconversation.com/maths-a-lecole-dou-vient-le-probleme-191691">Maths à l’école : d’où vient le problème ?</a>
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<p>Des moments cruciaux jalonnent le <a href="https://journals.openedition.org/anabases/5652">recul progressif et plus que séculaire du latin</a> dans les cursus du secondaire. En 1880, Jules Ferry reporte le début de l’apprentissage du latin à la classe de sixième, alors qu’auparavant son enseignement commençait deux ans plus tôt, dès les classes élémentaires des lycées et collèges. La réforme de 1902 institue « la diversification de la culture secondaire normale ». Après un premier cycle classique (où le grec est introduit à titre facultatif en quatrième et troisième), trois sections se distinguent en seconde : une section latin-grec (A), une section latin-langues (B), une section latin-sciences (C) ; mais il existe désormais en outre une section moderne dite langue-sciences (D) qui succède, elle, à un premier cycle sans latin.</p>
<p>Mais le coup de grâce pour beaucoup des tenants des humanités classiques, c’est la décision du ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure de reporter en quatrième le début de l’apprentissage du latin à partir de la rentrée scolaire de 1968.</p>
<h2>Interroger les civilisations antiques</h2>
<p>Même si le <a href="https://bibliotheques.paris.fr/Default/doc/SYRACUSE/764015">cursus et la place du latin</a> ont été plusieurs fois sensiblement modifiés, son enseignement est loin d’avoir disparu, bien au contraire à certains égards sur le plan quantitatif. À la rentrée 1971, la proportion d’élèves de quatrième générale qui étudient le latin est de 20 %. Le taux de latinistes va croître, lentement mais sûrement, pendant une vingtaine d’années, et atteindre 29 % à la rentrée 1990. À partir de la dernière décennie du XX<sup>e</sup> siècle, on entre dans une ère de déclin lent mais le plus souvent continu. Le taux passe de 29 % en 1990 à 22 % en 2000. Et l’on en est à 13,6 % en 2021.</p>
<p>Entre-temps, François Bayrou, un ancien professeur de lettres classiques qui devient ministre de l’Éducation nationale en avril 1993, a décidé qu’à partir de la rentrée 1996, les élèves pourront choisir une option latin dès leur entrée en cinquième. Les Instructions officielles qui définissent les programmes de cette réforme Bayrou indiquent que « notre civilisation et notre langue héritent des cultures et des langues de l’Antiquité ; l’apprentissage des langues anciennes a donc pour but de retrouver, d’interroger et d’interpréter dans les textes les langues et les civilisations antiques pour mieux comprendre et mieux maîtriser les nôtres dans leurs différences et leurs continuités ». Il y a là une inflexion certaine de la finalité attribuée à l’enseignement du latin, et plus généralement à ce que l’on appelait les humanités classiques.</p>
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<p>Au début du XIX<sup>e</sup> siècle, c’est Napoléon I<sup>e</sup> qui avait réintroduit la dominance de l’enseignement classique pour l’élite masculine après l’expérience des Écoles centrales (de type « encyclopédique ») créées durant la Révolution française. Il s’agissait avant tout de donner de bons modèles éducatifs, d’avoir de « bonnes fréquentations » (attestées et sélectionnées par le temps), bien plus que des connaissances au sens factuel et/ou langagier. On recourt à une Antiquité de morceaux choisis (les « selectae ») que l’on fréquente assidûment par le biais de longs exercices de traduction. La pédagogie du modèle et des « trésors littéraires » règne en maître. Et ce ne sont nullement la maîtrise et la bonne compréhension du français qui sont alors visées.</p>
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<a href="https://theconversation.com/humanites-dans-le-texte-les-anciens-eclairent-les-debats-contemporains-129840">Humanités dans le texte : les Anciens éclairent les débats contemporains</a>
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<p>Au début de la III<sup>e</sup> République se met en place une première inflexion importante (qui n’est pas sans rapport avec le mot d’ordre qui apparait aussi à ce moment-là dans l’enseignement primaire : <a href="https://theconversation.com/apprendre-a-apprendre-mot-dordre-sulfureux-ou-banal-103714">« apprendre à apprendre »</a>). On peut citer en particulier à ce sujet l’un des grands idéologues de l’École républicaine, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Br%C3%A9al">Michel Bréal</a> : « le profit inestimable qui réside dans l’étude d’une langue morte, c’est qu’elle dépayse l’esprit et l’oblige à entrer dans une autre manière de penser et de parler. Chaque construction, chaque règle grammaticale qui s’éloigne de l’usage de notre langue, doit être pour l’élève une occasion de réfléchir ».</p>
<p>La vraie question n’est pas la maîtrise effective du latin (ou du grec) par les bacheliers, mais de s’assurer qu’ils ont exercé leur intelligence et progressé dans la démarche méthodique. Ce qui compte, ce n’est pas le résultat en termes de connaissances (savoir le latin, du latin), mais le parcours (le bon chemin, « methodos » en grec). Et cette conception débouchera finalement sur une formule promise à un grand succès, celle attribuée à <a href="https://citations.ouest-france.fr/citation-edouard-herriot/culture-demeure-homme-lorsqu-oublie-10681.html">Édouard Herriot</a> dans l’entre-deux – guerres : « la culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié », et à l’affirmation concomitante qu’« il n’y a nul besoin de connaître le latin : il suffit de l’avoir appris ».</p>
<h2>Disparités socioculturelles</h2>
<p>Où en est-on maintenant ? Dans une interview parue le 29 septembre 2018 dans le JDD, l’ancien ministre de l’Éducation nationale <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/blanquer-le-latin-et-le-grec-seront-les-deux-seules-options-qui-rapporteront-des-points-bonus-dans-le-nouveau-bac-3767249">Jean-Michel Blanquer</a> avait affirmé que « ce qui se joue avec les langues anciennes, c’est notre capacité à avoir des racines et des ailes. Le latin et le grec sont la sève de notre langue. Nous devons les cultiver, et les considérer non pas comme des langues mortes, mais comme l’essence vitale de notre langue. »</p>
<p>Pour ce qui concerne le second cycle du second degré, l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000038052412">arrêté publié au Journal officiel du 25 janvier 2019</a> indique que « les points excédant 10 sur 20 de l’évaluation des résultats de l’élève au cours du cycle terminal pour chaque enseignement optionnel <a href="https://eduscol.education.fr/2365/langues-et-cultures-de-l-antiquite">« Langues vivantes et culture de l’Antiquité »</a>, retenus et multipliés par un coefficient 3, s’ajoutent à la somme des points obtenus à l’examen ».</p>
<p>Cet arrêté est la conséquence d’une promesse faite par le ministre Jean-Michel Blanquer lors de son interview dans le JDD du 29 septembre 2018 : « le latin et le grec seront pris en compte dans la note de contrôle continu et seront, en plus, les deux seules options qui rapporteront des points bonus dans le nouveau baccalauréat ». Promesse assortie d’une justification quelque peu étonnante, l’ancien ministre ayant ajouté que ce serait « un élément de justice sociale et d’intégration »</p>
<p><a href="https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2021-308228">Les statistiques ministérielles</a> montrent en effet que le choix du latin est fortement lié à l’origine socioculturelle. Dans le second cycle, 4,5 % des élèves de l’enseignement général et technologique de milieux très favorisés choisissent le latin, contre 2,4 % des élèves venant d’un milieu moyennement défavorisé et 1,7 % des défavorisés. Cette disparité selon l’origine socioculturelle existe dès le collège où le latin est choisi par 24 % des élèves très favorisés contre 12,8 % des élèves moyennement favorisés et 9,4 % des défavorisés.</p>
<p>En dépit de ces disparités socioculturelles, on peut noter que le pourcentage d’une classe d’âge bénéficiant d’un enseignement du latin est beaucoup plus élevé actuellement que durant tout le XIX<sup>e</sup> siècle (où c’était le cas de moins de 2 % des garçons, quasiment tous par ailleurs de catégories socioculturelles privilégiées). Il y a certes une lente mais continue <a href="https://www.radioclassique.fr/culture/education-le-latin-et-el-grec-menaces-de-disparition/">décrue des effectifs</a> depuis la dernière décennie du XX<sup>e</sup> siècle, mais on est encore loin d’une quasi-disparition de la place du latin (même si son importance dans les cursus d’enseignement s’est amoindrie). In fine, on retiendra que les finalités de son enseignement ont varié de façon importante au cours de sa longue histoire, la dernière mouture des <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/19/Special1/MENE1901579A.htm">programmes scolaires</a> se situant pour l’essentiel davantage dans la mouvance de l’inflexion datant du ministère Bayrou que dans celles mises en avant à partir du Premier Empire ou de la III<sup>e</sup> République :</p>
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<p>« Les programmes sont fondés sur une pratique renouvelée de la traduction […]. Cet exercice dépasse le cadre traditionnel de la version et conduit à développer des pratiques de traduction contextualisée […]. Il importe, dans les évaluations, de donner pleinement leur part à des questions portant sur la compréhension et l’interprétation des textes antiques, modernes et contemporains proposés en confrontation. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/197354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la place du latin s’est amoindrie, le pourcentage d’une classe d’âge bénéficiant de cet enseignement est en fait beaucoup plus élevé actuellement qu’au XIXᵉ siècle.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1724142021-12-02T19:17:56Z2021-12-02T19:17:56Z« Le numérique et nous » : La maison comme nouveau monde<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/619d2c09f76ca100131aed94" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Comment définir et mieux comprendre les rapports que nous entretenons avec le numérique et ses outils ? Quelles interactions avons-nous vraiment avec notre téléphone et nos tablettes ? Dans une série de quatre podcasts intitulée « Le numérique et nous » réalisé avec le Collège des Bernardins nous allons essayer de mieux définir les lies qui nous rattachent au numérique dans notre vie quotidienne.</em></p>
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<p>Dans ce premier épisode sur la notion de maison, nous examinons notamment la façon dont le confinement a changé nos vies. Le monde s’est considérablement rétréci avec la pandémie. La maison est devenue monde avec pour environnement principal un environnement numérique désormais indispensable à notre quotidien.</p>
<p>Le numérique peut-il changer la façon dont nous entrevoyons notre maison et notre monde ? Le numérique est-il notre prochaine maison ?</p>
<p>Afin de répondre à ces questions, nous recevons Gemma Serrano, docteure en théologie et codirectrice du département Humanisme et numérique du Collège des Bernardins.</p>
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<p><em>Pour aller plus loin, ne manquez pas la journée étude <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/journee-detude-dieux-et-numeriques">Dieu(x) et numérique</a>.</em></p>
<p><em>Crédits, conception, Fabrice Rousselot et Sonia Zannad. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172414/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec la pandémie et confinement, la maison s’est placée au centre de notre environnement numérique.Gemma Serrano, Professeur de théologie à la la Faculté Notre-Dame, co-directrice du séminaire de recherche Ecole et république du Collège des Bernardins, Collège des BernardinsFabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1105852019-01-28T20:38:29Z2019-01-28T20:38:29ZRéforme du lycée : un avantage singulier pour les langues et cultures antiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/255786/original/file-20190128-39344-5etkj4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C4%2C997%2C618&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D'après les dispositions prises par la réforme du lycée, l'option "latin" pourra toujours rapporter des points bonus au bac. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans la version initiale de la réforme du lycée, toutes les « options » choisies en terminale, comme l’éducation musicale, les arts plastiques, le latin ou le grec, perdaient le bénéfice des points bonus qu’elles rapportaient jusque-là au baccalauréat, et leur évaluation était intégrée au contrôle continu.</p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038052412&dateTexte=&categorieLien=id">Un arrêté</a> publié au Journal Officiel le 25 janvier 2019 vient pourtant de donner un avantage singulier aux « langues et cultures antiques » :</p>
<blockquote>
<p>« Les points excédant 10 sur 20 de l’évaluation des résultats de l’élève au cours du cycle terminal pour chaque enseignement optionnel “Langues et cultures de l’Antiquité”, retenus et multipliés par un coefficient 3, s’ajoutent à la somme des points obtenus par le candidat à l’examen. »</p>
</blockquote>
<p>Cette exception avait été annoncée le 29 septembre 2018 par Jean‑Michel Blanquer dans une <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/Education/blanquer-le-latin-et-le-grec-seront-les-deux-seules-options-qui-rapporteront-des-points-bonus-dans-le-nouveau-bac-3767249">interview</a> au <em>Journal du dimanche</em>. Le ministre de l’Éducation nationale avait justifié cela d’une façon pour le moins étonnante en y voyant « un élément de justice sociale et d’intégration ». Un argument (fondé) ?</p>
<h2>Un choix orienté socialement</h2>
<p>Selon une <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/10/3/depp-ni-2015-37-latin-au-college_490103.pdf">note</a> de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance parue en 2015 et donnant les résultats d’une étude menée par la DEPP qui a suivi un panel de 35 000 élèves entrés en classe de sixième en 2007, l’étude du latin concerne 44 % des enfants d’enseignants et 39 % des enfants de cadres mais seulement 15 % des enfants d’ouvriers.</p>
<p>Ensuite près de 20 % des élèves qui avaient commencé le latin en cinquième l’ont abandonné en classe de quatrième. Un autre pic d’abandon intervient en classe de seconde, et le nombre de latinistes en terminale se situe à moins de 5 %. In fine, un enfant d’ouvrier non-latiniste n’a que 5 % de chances d’être en terminale scientifique, contre une probabilité de 50 % pour un enfant latiniste de cadre ou d’enseignant. Parmi les lycéens candidats à l’un des baccalauréats généraux en 2014, ceux qui ont continué le latin sont ceux qui obtiennent le plus souvent des mentions « bien » ou « très bien ».</p>
<p>À vrai dire, l’exception accordée dans la prise en compte des points au bac relèverait plutôt d’un certain « bricolage » pour tenter d’enrayer (un peu) le processus en « peau de chagrin » qui affecte depuis longtemps les lettres classiques.</p>
<p>Dans un passé qui paraît maintenant très lointain, le latin (et le grec) étaient incontournables et centraux. Au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, dans l’enseignement secondaire classique (le seul secondaire qui existe alors, réservé de fait à moins de 1 % des garçons), un lycéen, en suivant un cursus complet de la sixième à la terminale, passe 40 % de son temps en latin et grec (deux fois plus en latin qu’en grec), 13 % en français, 11 % en histoire-géographie, 11 % en mathématiques et en sciences, 8 % en langue vivante.</p>
<h2>Un recul dans les programmes</h2>
<p>Des moments cruciaux ont jalonné le <a href="https://journals.openedition.org/anabases/5652">recul progressif</a> (et plus que séculaire) du latin dans les cursus du secondaire. On peut en rappeler quelques-uns. En 1880, Jules Ferry reporte le début de l’apprentissage du latin à la classe de sixième, alors qu’auparavant son enseignement commençait deux ans plus tôt, dès les classes élémentaires des lycées et collèges.</p>
<p>La réforme de 1902 (sous un gouvernement de « gauche républicaine ») institue « la diversification de la culture secondaire normale ». Après un premier cycle classique (où le grec est introduit à titre facultatif en quatrième et troisième), trois sections se distinguent en seconde : une section latin-grec (A), une section latin-langues (B), une section latin-sciences (C) ; mais il existe désormais en outre une section moderne dite langue-sciences (D) qui succède, elle, à un premier cycle sans latin.</p>
<p>Léon Bérard (ministre de l’Instruction publique dans un gouvernement issu de la Chambre de droite « bleu horizon »), supprime cette section moderne par le décret du 3 mai 1923. Mais elle est immédiatement rétablie à la suite de la victoire du « bloc des gauches » aux élections législatives de 1924.</p>
<p>Mais le coup final – le coup de grâce pour beaucoup de tenants des humanités classiques – c’est la décision du ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure de reporter en classe de quatrième le début de l’apprentissage du latin à partir de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/la-fin-du-latin-en-6eme-un-debat-de-1968_1775519.html">rentrée 1968</a>. En juin 1969, Georges Pompidou (un agrégé de lettres classiques) est élu Président de la République. Il écarte Edgar Faure et il nomme Olivier Guichard à la tête du ministère de l’Éducation nationale. Beaucoup croient que les mesures décidées par Edgar Faure vont être reportées.</p>
<p>Mais quelques jours seulement après sa nomination, Olivier Guichard crée la surprise :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai repris en le modifiant et en le complétant un arrêté qui avait été signé par M. Edgar Faure. Une augmentation de l’horaire de français de la classe de cinquième permettra de donner à tous les élèves une initiation au latin, notamment par le biais de l’étymologie. Je suis assuré que cette mesure est plus favorable aux options de latin en quatrième que l’étude du latin sous forme pure et simple d’option en classe de cinquième. »</p>
</blockquote>
<h2>Une culture latiniste « extensive »</h2>
<p><a href="https://www.lexpress.fr/informations/bayrou-explique-sa-reforme_598015.html">François Bayrou</a>, un ancien professeur de lettres classiques qui devient ministre de l’Éducation nationale en avril 1993, décide qu’à partir de la rentrée 1996, les élèves pourront choisir une option latin dès leur entrée en cinquième. Les instructions officielles qui définissent les programmes de cette réforme indiquent que</p>
<blockquote>
<p>« notre civilisation et notre langue héritent des cultures et des langues de l’Antiquité ; l’apprentissage des langues anciennes a donc pour but de retrouver, d’interroger et d’interpréter dans les textes les langues et les civilisations antiques pour mieux comprendre et mieux maîtriser les nôtres dans leurs différences et leurs continuités ».</p>
</blockquote>
<p>Le pourcentage d’élèves qui étudient le latin est d’environ 22 % en cinquième, 16 % en troisième, 6 % en seconde, 4,5 % en terminale tout au long de ce début du XXI<sup>e</sup> siècle (avec un pourcentage de variation n’excédant pas 1 %). On est passé d’une culture latiniste intensive au XIX<sup>e</sup> siècle à une culture latiniste extensive au XXI<sup>e</sup> siècle. Le nombre de latinistes n’a jamais été aussi important (en raison notamment du passage de tous au collège et de la massification du second cycle du secondaire), mais le rôle relatif du latin (et du grec) n’a cessé de diminuer.</p>
<p><a href="https://www.lexpress.fr/education/reforme-du-college-vallaud-belkacem-reconnait-des-defauts_1680200.html">La réforme du collège</a> menée en 2015 par Najat Vallaud-Belkacem a été à cet égard le dernier avatar de ce long processus (mais non des moindres). Et l’on n’est guère revenu réellement dessus sous le ministère de Jean‑Michel Blanquer. D’où cette « exception singulière » pour le latin et le grec qui peut sans doute être prise en quelque sorte pour un « palliatif »- plus que pour une mesure de « justice sociale et d’intégration »…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110585/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les options choisies en terminale pouvaient jusqu’ici rapporter des points au bac. Un avantage sur lequel la prochaine réforme du lycéen tourne la page. Sauf dans le cas du latin et du grec.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/942662018-04-03T20:43:04Z2018-04-03T20:43:04ZPsychologie et neurosciences cognitives au service des apprentissages au collège<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213024/original/file-20180403-189807-vetr1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour ne plus être perdu face au travail personnel au collège. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/9o8YdYGTT64">Redd Angelo/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article décrit l’un des projets primés en <a href="http://www.education.gouv.fr/cid56374/journee-de-l-innovation.html">2017 lors des journées de l’innovation</a> (Prix des pratiques favorisant l’évaluation pour les apprentissages), en avant-première de la Journée nationale de l’Innovation 2018</em>.</p>
<hr>
<p>Dans le cadre de la loi sur la refondation de l’École et de la mise en place de la réforme du collège, nous avons décidé <a href="https://www.ouest-france.fr/normandie/lessay-50430/au-college-de-lessay-les-neurosciences-pour-aider-memoriser-4447823">au collège de Lessay (académie de Caen)</a> d’appuyer le travail d’accompagnement personnalisé (AP) sur la psychologie et les sciences cognitives. Cette action s’inscrit dans une <a href="https://pod.ac-caen.fr/video/0635-cardie-caen-psychologie-et-neurosciences-cognitives-au-service-des-apprentissages-clg-g-desdevises-du-dezert-lessay-50/">refonte globale du fonctionnement de l’établissement</a>.</p>
<p>Les créneaux d’AP permettent de traiter des questions de l’attention, de la mémorisation, des modalités d’élaboration des stratégies de résolution, des aspects méthodologiques et <a href="https://bit.ly/1HATswC">métacognitifs</a> des apprentissages en lien avec le fonctionnement cérébral. Elles peuvent également contribuer à comprendre et connaître les processus en jeu sur le plan cérébral dans ces différentes tâches, tenter d’en identifier les éléments qui pourraient les perturber et de construire des solutions adaptées.</p>
<p>L’AP est ainsi le lieu pour amener les élèves à prendre conscience du fonctionnement de leur cerveau, organe des apprentissages, de la manière dont il apprend, comprend, se trompe, se remodèle et développe ses capacités. L’AP est également le lieu de réalisation d’une partie du travail personnel, adossé ainsi au travail disciplinaire, tout en réexploitant les découvertes des sciences cognitives.</p>
<h2>Le travail personnel : constat à l’origine de l’action</h2>
<p>Une part importante des élèves n’effectue pas le travail personnel demandé par les enseignants. Les raisons en sont multiples :</p>
<ul>
<li><p>manque d’appétence pour la chose scolaire,</p></li>
<li><p>forte concurrence des « sirènes » numériques et télévisuelles,</p></li>
<li><p>faible accompagnement scolaire d’une partie des parents,</p></li>
<li><p>manque d’autonomie pour faire et surtout, manque de méthodes pour apprendre et réaliser les travaux demandés.</p></li>
</ul>
<p>Ce déficit de travail personnel des élèves a des effets notables sur leurs apprentissages, leurs résultats, leur orientation et sur le déroulement des cours et le climat de classe.</p>
<p>Par ailleurs, au fil de l’histoire de l’École, la réalisation du travail personnel des élèves a connu un glissement progressif de l’intérieur des murs de celle-ci vers l’extérieur, laissant alors l’élève le plus souvent livré à lui-même pour l’accomplir. Pour autant, la nature du travail demandé n’a pas nécessairement été réinterrogée pour tenir compte de ce que l’élève est – ou n’est pas – en mesure de faire sans un accompagnement expert non seulement dans telle ou telle discipline, mais plus encore dans le fait d’apprendre.</p>
<h2>Des objectifs pour les élèves et les enseignants</h2>
<p>Du point de vue des élèves, l’action vise à une meilleure compréhension de leurs modes de fonctionnement pour apprendre et des raisons pour lesquelles ils échouent parfois, une réduction des modes de fonctionnement fatalistes (« je suis nul », « j’ai jamais su faire », « j’ai pas de mémoire », etc.). Elle vise aussi à ce que le travail scolaire soit mieux réalisé, associé à une meilleure compréhension des cours, une amélioration de l’estime de soi et de l’appétence scolaire.</p>
<p>Du point de vue des enseignants, nous escomptons une meilleure compréhension des modes de fonctionnement des élèves pour apprendre et des raisons pour lesquelles ils échouent parfois, la mise en place de stratégies de remédiation adaptées, une modification du regard porté sur les difficultés des élèves et un développement de la posture d’expertise en apprentissages, ainsi qu’une réflexion sur la nature des travaux demandés aux élèves et sur les connaissances méthodologiques et métacognitives à leur fournir pour les mettre en situation de réaliser efficacement ces travaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212798/original/file-20180402-189824-1toh6eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La première année (2016-2017), tous les élèves du collège ont été concernés, soit 300 élèves répartis dans trois classes sur chacun des quatre niveaux de la 6<sup>e</sup> à la 3<sup>e</sup>, dont 13 élèves inscrits en ULIS. À partir de 2017-2018, seuls les élèves de 6<sup>e</sup> sont concernés mais leur formation aux contenus des neurosciences cognitives s’étalera sur deux années.</p>
<h2>Une mise en œuvre à plusieurs dimensions</h2>
<p>Dans le cadre de la réforme du collège, l’établissement a fait le choix de modifier la structure horaire du collège afin de faire travailler les élèves le mieux et le plus possible.</p>
<p>Au lieu de faire 26 cours de 55 minutes (déplacements des élèves inclus), nous avons choisi de faire 32 cours de 45 minutes (déplacements des élèves non inclus). Cette organisation a permis de mettre en place un créneau d’accompagnement personnalisé quatre jours par semaine (un créneau par jour) favorisant ainsi la réalisation du travail personnel avec l’encadrement des professeurs et des assistants d’éducation et a réduit le nombre d’heures de permanence où l’élève est seul en autonomie. Concrètement :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212799/original/file-20180402-189801-1b96hzv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les liens avec la recherche</h2>
<p>L’action s’effectue en <a href="http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche12585.pdf">partenariat avec trois chercheurs</a> universitaires membres du Laboratoire de Psychologie Caen Normandie : <a href="https://bit.ly/2H34f9g">Céline Lanoë</a> <a href="https://bit.ly/2H34f9g">Céline Lanoë</a> (Maitre de Conférences en Psychologie du Développement à l’ESPE de l’Académie de Caen de l’Université Caen Normandie), <a href="https://bit.ly/2EaV1o9">Amélie Lubin</a> (Maitre de Conférences en Psychologie du Développement à l’Université Paris Descartes) et <a href="http://www.unicaen.fr/recherche/mrsh/pagePerso/519169">Sandrine Rossi</a> (Maitre de Conférences en Psychologie Cognitive, Habilitée à Diriger des Recherches, à l’Université Caen Normandie).</p>
<p>Leurs travaux portent sur les processus permettant le contrôle cognitif des pensées et des comportements, notamment à l’œuvre dans les apprentissages scolaires. Ils font le lien entre le monde de la recherche et celui de l’éducation en soulignant l’importance de faire prendre conscience à tous les élèves, et à tous les âges, des outils cognitifs dont ils disposent pour mieux apprendre (<a href="https://www.researchgate.net/publication/304892962_Decouvrir_son_cerveau_pour_mieux_apprendre">Lanoë, Lubin & Rossi, 2016</a> ; <a href="https://bit.ly/2EcnVEw">Lanoë, Rossi, Froment & Lubin, 2015</a>).</p>
<p>Ces chercheurs ont notamment piloté pendant plusieurs années des animations pédagogiques dans le 1<sup>er</sup> degré, au cours desquelles ont collaboré des chercheurs, des professeurs des écoles, des conseillers pédagogiques et des inspecteurs de l’Éducation nationale, afin de travailler à l’adaptation d’une méthodologie de laboratoire vers la classe (<a href="https://bit.ly/2pXzOdo">Lubin, Lanoë, Pineau et Rossi, 2012</a> ; Rossi, Lubin, Lanoë et Pineau, 2012). Un ouvrage a été publié sur ce sujet aux Éditions Canopé <a href="https://www.reseau-canope.fr/notice/decouvrir-le-cerveau-a-lecole.html">« Découvrir le cerveau à l’école : les sciences cognitives au service des apprentissages »</a> (Rossi, Lubin et Lanoë, 2017) qui propose aux enseignants du 1<sup>er</sup> degré des séquences pédagogiques sensibilisant les élèves à l’existence de leur cerveau et à son rôle dans les apprentissages scolaires.</p>
<p>Sollicités par le chef d’établissement du collège de Lessay, ces chercheurs ont réalisé une formation intitulée « Psychologie et Neurosciences Cognitives au service des apprentissages » vers l’ensemble de l’équipe (trois jours en juin 2016). Depuis, les chercheurs accompagnent scientifiquement l’équipe pédagogique sur le contenu des séances d’AP « découverte de soi » (relecture hebdomadaire du contenu, diffusion de supports vidéo, supports imagés, etc.).</p>
<p>Le soutien des trois chercheurs universitaires est un point d’appui incontournable du projet, tant par le biais de la formation prodiguée aux personnels que dans le suivi des actions et outils de travail mis en place. Ce suivi permet notamment de veiller à ne s’appuyer que sur des données scientifiquement validées. En effet, Internet et les articles de vulgarisation scientifique véhiculent bon nombre de croyances erronées (neuromythes) ou d’approximations.</p>
<p>Enfin, l’apprendre à apprendre reste un slogan tant qu’il n’est pas validé par une expérimentation structurée. Dans cet objectif, l’équipe scientifique à laquelle s’est ajouté <a href="http://www.theses.fr/s185235">Pauline Allix</a> (doctorante) réalise à partir de cette année et pour une durée de 3 ans une évaluation comparée de la cohorte d’élèves de 6<sup>e</sup>.</p>
<p>Des évaluations sont réalisées auprès des élèves et des parents en pré-test et en post-test. Celles-ci portent sur leurs compétences en lecture et en mathématiques, leurs conceptions de l’intelligence et du fonctionnement du cerveau, leurs croyances dans les <a href="https://bit.ly/2H6IkxG">neuromythes</a> et leur perception d’eux-mêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le collège Georges Desdevises du Dézert a reçu des financements de la Fondation de France dans le cadre de ce projet. </span></em></p>Un projet du collège de Lessay (académie de Caen) qui utilise les résultats de la recherche pour appuyer l’accompagnement personnalisé des élèves.Vincent Pesnel, Proviseur, lycée Sivard de Beaulieu, Carentan, Ministère de l'Éducation nationaleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852332017-10-12T19:07:21Z2017-10-12T19:07:21ZDébats sur l’école… halte au feu !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189427/original/file-20171009-6971-1tsvb1y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C23%2C3880%2C2311&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Attention école !</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/zigazou76/4205367075/">Frédéric Bisson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Triste nouvelle pour l’École. Depuis l’arrivée de Monsieur Blanquer à la tête du ministère de l’Éducation, et alors qu’avait été annoncée la mise en œuvre d’une « démarche moderne », fondée sur la science, l’expérience et l’évaluation (<a href="http://bit.ly/2g5dSeA">discours d'investiture du 17 mai</a>), la guerre idéologique paraît repartir de plus belle (<a href="http://lemde.fr/2yeHe1n"><em>Le Monde</em> du 1ᵉʳ octobre 2017</a>).</p>
<p>Après un quinquennat Hollande s’étant traduit, sur le plan éducatif, par « cinq années de défilés, de bruit médiatique, d’attaques <em>ad personam</em> » (<a href="http://abonnes.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/05/12/hollande-et-l-education-la-valse-des-ministres-des-reformes-et-des-polemiques_5126797_4854003.html"><em>Le Monde</em> du 13 mai 2017</a>), on était en droit d’espérer toute autre chose qu’une réactivation des guérillas dans lesquelles la France se complaît quand il s’agit de débattre de l’École, et, éventuellement, de la réformer. C’est pourquoi il nous paraît urgent de crier « halte au feu », tant cette guerre idéologique est puérile, mystificatrice, et vaine.</p>
<h2>Une guerre idéologique puérile</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que, s’agissant de l’École, une guerre idéologique est puérile ? Ce n’est pas parce qu’il est question d’enfants qu’il faut se comporter comme des enfants. Des enfants qui se gargarisent de mots ronflants, lesquels prennent très vite valeur d’injure, que l’on s’envoie à la tête, comme dans une cour de récréation. « Pédagogiste », « égalitariste », « laxiste », d’un côté ; « passéiste », « conservateur », « élitariste », de l’autre. Des mots, que l’on choisit, ou forge, à dessein, pour blesser ceux que l’on se donne comme ennemis, introduisant ainsi une fracture aussi artificielle qu’inutile dans les rangs des éducateurs.</p>
<p>Pour les hommes politiques, ces mots sont autant de signes que l’on adresse à son électorat, à qui l’on veut plaire ; ou au grand public, que l’on souhaite séduire, quitte à le conforter dans ses préjugés, et ses rancœurs. Dans le combat, ils font fonction du chiffon rouge que l’on agite pour exciter « les gens ». Même si on ne voit pas très bien à quelle réalité ils correspondent (« Méthode globale » ? « Prédicat » ?), l’effet est assuré : l’école est très vite reprise par une fièvre (ex. : fièvre des rythmes scolaires ; fièvre de l’évaluation) qui, pour elle, n’augure rien de bon.</p>
<p>On peut (pour plaire aux enfants ?), pousser la perversion jusqu’à transformer le « débat » en enquête policière, en invitant, par exemple, à partir sur la piste des assassins de l’école. Tristes jeux de foire où, comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yYRxsG5txNc">dans la chanson de Béart</a> : </p>
<blockquote>
<p>Les petits gars<br>
Cassent des pipes<br>
Et s’y étripent<br>
Pour du nougat.</p>
</blockquote>
<p>Un ministre ne devrait-il pas éviter de se jeter dans une telle foire d’empoigne ?</p>
<h2>Une guerre idéologique mystificatrice</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que la guerre idéologique est mystificatrice ? En occupant les esprits avec des polémiques qui, par nature, restent à la surface des choses, sans jamais entrer dans la réalité des faits et des pratiques, elle les détourne de ce qui fait vraiment problème, comme, par exemple, le poids des déterminants socio-économiques dans la réussite scolaire. La France est l’un des pays où l’origine sociale pèse le plus lourdement sur cette réussite. Est-il possible, et comment, d’améliorer cette situation ? Voilà une question qui devrait hanter les esprits des penseurs comme des acteurs de l’éducation.</p>
<p>On ne peut pas laisser croire qu’il suffirait de « s’occuper » (comme le dirait Trump) des « assassins » de l’école pour redonner à celle-ci le lustre et l’efficacité d’antan. Ce n’est pas en éradiquant le « pédagogisme » que l’on fera disparaître les ségrégations scolaires. Il faudrait consacrer ses forces à analyser les causalités en jeu, pour identifier, à partir de là, des pistes pour une action ayant quelque chance d’être efficace.</p>
<p>Par exemple, si l’appartenance sociale est le premier déterminant de la valeur scolaire d’un élève, ne conviendrait-il pas d’abord, et avant tout, d’augmenter la mixité sociale ? Ce qui exigerait des mesures à la fois scolaires, et extra-scolaires, car ni l’École ne peut tout, ni elle est indépendante du milieu social qui l’entoure. Ainsi, des mesures « volontaristes » de restructuration de la carte scolaire, ou d’instauration de quotas, pourraient être d’autant plus efficaces qu’elles s’inscriraient dans une politique de remodelage territorial et urbain. Un ministre ne devrait-il pas s’attacher en priorité à cerner tous les tenants et les aboutissants de la question scolaire, pour pouvoir mettre en synergie les vecteurs possibles de progression ?</p>
<h2>Une guerre idéologique fondamentalement vaine</h2>
<p>Comment pourrait-on ne pas voir que la guerre idéologique est vaine ? L’action éducative a besoin à la fois d’un temps long, et d’une conduite éclairée. Si elle peut se conclure par la victoire d’un clan, la guerre idéologique ne peut pas déboucher sur des solutions pertinentes et pérennes aux problèmes rencontrés par l’action éducative. Pour la bonne raison que sa logique propre, lui faisant ignorer les vrais problèmes, ne la met pas en position de les résoudre !</p>
<p>Toute l’histoire des réformes scolaires le montre. Une réforme n’a pour raison d’être que d’améliorer une situation, en apportant des réponses à un problème dûment diagnostiqué. Pour qu’une réforme réussisse, il faudrait ne jamais perdre de vue ce qui peut lui donner son sens, et en constituer le cœur : le lien entre un diagnostic, qui soit le plus possible partagé, et un traitement, qui soit le plus possible cohérent. Seul un tel lien peut donner sa pertinence à la gestion politique des problèmes éducatifs.</p>
<p>L’urgence est donc d’établir des diagnostics réfléchis, pour rechercher, à partir de là, des solutions intelligentes. De s’entendre sur un « bien commun », en prenant en compte prioritairement les intérêts des premiers concernés, c’est-à-dire des élèves. De substituer à une logique de suppression/restauration, qui installe dans un climat de guerre permanente, une logique de diagnostic/traitement, qui seule peut conduire à identifier, puis à mener, les combats dont l’École a vraiment besoin. Un ministre ne devrait-il pas avant tout s’attacher à relever les vrais défis ?</p>
<p>Mais cela soulève alors une question de légitimité. Car à qui, finalement, appartient-il de crier « halte au feu », pour rappeler les règles devant présider à un traitement sain des problèmes d’éducation, sinon, d’abord, au ministre lui-même ? Encore faudrait-il pour cela qu’il possédât, entre autres, les qualités qu’il exige du futur président du Conseil supérieur des programmes : être une personne « ouverte », et « sereine » ! Ne revient-il pas au ministre de donner l’exemple ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi la guerre idéologique autour de l’école est puérile, mystificatrice, et vaine.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/842202017-09-18T12:28:10Z2017-09-18T12:28:10ZPodcast : Réformer ou transformer l’éducation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186371/original/file-20170918-8245-18xtpy0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">IMG</span> </figcaption></figure><p>Faut-il réformer – encore – le système éducatif français ? Le transformer ? Ou en changer ? Faut-il continuer de réformer par injonctions venant du haut ? Ou faire confiance au « terrain », aux enseignants, aux chercheurs ? Trois parties dans cette émission :</p>
<ul>
<li><p>Réformer, transformer ? Comment faire et par quoi commencer ? Séquence lancée par <strong>Béatrice Mabilon-Bonfils</strong>.</p></li>
<li><p>Innover en éducation, pour quelles finalités et comment ? Séquence lancée par <strong>Philippe Watrelot</strong>.</p></li>
<li><p>Qu’en pensent les enseignants ? Comment mieux les impliquer ? Séquence lancée par <strong>Laurent Frajerman</strong>.</p></li>
</ul>
<hr>
<p><em>Animation : <strong>Yves Bongarçon (Moustic the Audio Agency)</strong> et Didier Pourquery (The Conversation France). Réalisation : <strong>Joseph Carabalona (Moustic the Audio Agency)</strong>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Watrelot a été Président du Conseil National de l’Innovation pour la réussite éducative (CNIRÉ) en 2016-2017</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Beatrice Mabilon-Bonfils ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À chaque quinquennat ses réformes pour un système éducatif encore trop inégalitaire. Innovations, transformations, pragmatisme : paroles d'experts sur ces thèmes qui divisent régulièrement le pays.Beatrice Mabilon-Bonfils, -Sociologue, Directrice du laboratoire BONHEURS - Université de Cergy-Pontoise, Auteurs historiques The Conversation FranceLaurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonnePhilippe Watrelot, professeur agrégé de Sciences économiques et sociales Professeur en temps partagé, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/800842017-06-27T18:13:25Z2017-06-27T18:13:25ZLes professeurs français sont-ils prêts à être « managés » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175655/original/file-20170626-29082-1388dj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En salle des profs…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pgautier/284807009/in/photolist-p68Cc-raHcF">Phyllis Buchanan/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les professeurs sont-ils prêts à une autonomie managériale ? Ce serait une rupture profonde dans l’histoire d’un corps qui a fait le choix au XX<sup>e</sup> siècle de la tutelle lointaine du ministère contre celle des notables locaux. La sursyndicalisation enseignante s’explique aussi par un souci de protection, les <a href="http://bit.ly/2rT4ZVX">liens collectifs étant au service des individus</a>. </p>
<p>Aujourd’hui encore, Colin, 50 ans, professeur de mathématiques en collège, explique ainsi son adhésion au SNES-FSU : « les chefs d’établissement sont le corps le plus syndiqué. Et donc je me dis : il faut être à armes égales. » De leur côté, ces chefs « se retrouvent en situation de porte-à-faux, tiraillés entre les consignes de la hiérarchie et les réactions plus ou moins hostiles des enseignants », les tensions avec les professeurs représentent les <a href="http://bit.ly/2s8F4Od">deux tiers des difficultés évoquées</a>.</p>
<h2>Un métier solitaire ?</h2>
<p>La culture professionnelle des enseignants s’est construite sur un travail individuel, or le renforcement de l’autonomie des établissements impliquerait de <a href="http://bit.ly/2u8gREv">travailler en équipe</a>. Pour l’accepter il faudrait que « la solitude dans le travail » leur pèse. Or, quand on leur demande de hiérarchiser les sources de stress, celle-ci arrive en dernier, avec 2 % de premier choix et 9 % en choix cumulé ex aequo avec « les relations avec les collègues » (sondage Opinionway, 2012).</p>
<p>Les enseignants seraient-ils si individualistes que la présence de collègues leur pose autant de soucis que leur absence ? Ils ne sont que 11 % à dire « qu’il s’agit d’un métier où l’on est trop seul » (liste avec 3 réponses possibles, Opinionway, 2014).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=377&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175592/original/file-20170626-326-1htw5zx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondage Opnionway Ugict CGT, 2012, 605 enseignants.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, si on ne demande plus de hiérarchiser, mais de donner son sentiment sur une affirmation (figure 1), 63 % des professeurs déclarent qu’ils se sentent parfois isolés dans l’exercice de leur métier. Le chiffre témoigne d’une vraie problématique, mais cette affirmation est la plus discutée, confirmant le sentiment que les enseignants aimeraient renforcer leur sociabilité professionnelle, sans en faire une priorité.</p>
<p>Lorsqu’on examine la question sous un autre angle, le travail en équipe, leurs réponses sont très différentes. « Les enseignants de disciplines différentes doivent-ils coordonner davantage le contenu de leur enseignement au sein d’une même classe » ? Dès 1973, 70 % des professeurs jugent cela très souhaitable et 25 % plutôt souhaitable (IFOP). Un sondage SOFRES montrait aussi en 1998 que seulement 6 % des professeurs s’opposaient à une augmentation du travail en équipe et 14 % à une hausse de leur implication dans la politique de l’établissement.</p>
<p>Ce consensus me semble théorique, la coopération entre enseignants bénéficie d’une image valorisante, mais la mise en œuvre reste épineuse. Ainsi, pour Ricardo, jeune professeur stagiaire de mathématiques, non syndiqué :</p>
<blockquote>
<p>« – Evidemment, il faut travailler en équipe.<br>
– Et là, pour votre première année, vous travaillez en équipe ?<br>
– Voilà. Un petit peu. »</p>
</blockquote>
<p>Mickaël, <a href="http://bit.ly/2tMDf6R">professeur déjà cité</a>, est attaché au principe du travail collégial, mais confronté aux réticences des collègues :</p>
<blockquote>
<p>« En début d’année, on dit : il faut travailler ensemble etc. Mais dans le quotidien quand ta porte est fermée, tu te retrouves face à tes gamins. Et c’est avec eux que tu bosses. Donc voilà. Je bosse plus avec mes élèves qu’avec les collègues. »</p>
</blockquote>
<p>Vouloir changer dans un sens très collectif le référentiel du métier enseignant se heurte à un écueil : l’individualisme est une propriété adaptée à la réalité de leur travail, dont le moment cardinal s’exerce solitairement face à un groupe d’élève. Pourquoi une personnalité ayant besoin de liens forts et permanents avec ses collègues choisirait-elle ce métier, mal payé de surcroît ?</p>
<h2>Une hiérarchie de proximité particulière</h2>
<p>Quelle que soit la forme d’autonomie retenue, se pose la question du rapport entre les enseignants et leurs hiérarchies de proximité. En 2008, dans un questionnaire du SGEN-CFDT pour les professeurs de collège (2/3 de non-syndiqués parmi les répondants), plus de 70 % se disaient satisfaits ou très satisfaits des <a href="http://bit.ly/2tMrc9w">relations qu’ils entretiennent avec leur direction</a>.</p>
<p>Dans un sondage, le lien avec le chef d’établissement (CE) est placé en dernier dans une liste de domaines à traiter en priorité, avec 3 % en premier choix, et 5 % seulement en second (CSA, 2013). Cette confiance globale exprimée par les professeurs relève d’une attitude d’anciens bons élèves. Disciplinés, ils ne reprochent aux directions que leur rôle dans l’augmentation de la charge de travail (avis de 60 % des professeurs, CSA, 2014).</p>
<p>La majeure partie des professeurs ne jalouse pas leurs fonctions, qui ne sont pas totalement celles d’un n+1 classique. Dans la division du travail éducatif, les CE s’occupent de tâches peu attrayantes aux yeux des professeurs : l’administration, la représentation à l’extérieur, sans oublier un emploi du temps surchargé.</p>
<p>L’exemple de leurs collègues de l’enseignement supérieur, assez proches de l’autonomie autogestionnaire, ne semble pas les inspirer. La perspective de carrière la plus intéressante se trouve pour eux dans la mutation dans un établissement prestigieux ou l’enseignement post baccalauréat. Ils voient donc positivement leur hiérarchie de proximité, pour les mêmes raisons qui leur font refuser son intervention sur les pratiques pédagogiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175601/original/file-20170626-32751-as0hl0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de l’Éducation : bilan social 2015 des personnels de direction, DGRH et Repères et références statistiques,2014-2015, DEPP</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les CE ne représentent pas une image fidèle du corps enseignant du second degré. Les agrégés sont sous-représentés, les professeurs mono disciplinaires constituent seulement un tiers des personnels de direction recrutés en 2015, dont des professeurs d’EPS surreprésentés. Les plus nombreux sont les professeurs de lycée professionnels, bivalents. Cette situation renforce une certaine incompatibilité entre la forte culture disciplinaire des professeurs et le rôle pédagogique des personnels de direction.</p>
<h2>L’acquiescement à un certain rôle pédagogique du chef d’établissement</h2>
<p>Le référentiel officiel des personnels de direction stipule qu’ils sont habilités « à conduire une politique pédagogique et éducative au service de la réussite des élèves ». Mais <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rse/2013-v39-n3-rse01495/1026308ar/">85 % d’entre eux</a> disent rencontrer des « obstacles » pour assumer effectivement ce rôle.</p>
<p>Pourtant, les enseignants ne considèrent pas, à 83 %, que ceux-ci « interviennent trop dans le domaine pédagogique » au détriment de leur liberté (sondage CSA, 2014). Ce chiffre massif relativise l’antagonisme entre CE et enseignants. Il témoigne de deux réalités complémentaires : d’un côté, une minorité d’enseignants désire un rôle pédagogique plus actif des CE (chez les sympathisants du SGEN CFDT, le chiffre est supérieur de 8 points), de l’autre, de nombreux professeurs se satisfont d’une situation qui n’a pas ou peu changée, sur la base d’un constat pragmatique.</p>
<p>De quel rôle pédagogique parle-t-on ? Les professeurs continuent de considérer la classe comme un espace réservé. Ils n’accordent pas de crédit aux CE pour juger leurs méthodes pédagogiques. Ainsi Noémie, jeune professeure d’anglais, syndiquée, critique « l’individualisme » de ces collègues tout en expliquant : « Ma ligne de conduite, c’est faire mon cours comme j’ai l’intention de le faire. Noter comme j’ai l’intention de le faire. »</p>
<p>Pour obtenir l’adhésion de personnels dotés d’un statut protégé et de fortes capacités réflexives, « la seule possibilité est de leur faire valoir l’intérêt qu’ils peuvent trouver à intégrer les projets dans lesquels on veut les enrôler ». Les CE « doivent à la fois s’employer à fabriquer du sens pour eux-mêmes <a href="http://rechercheformation.revues.org/2373">(sensemaking) et à faire partager ce sens (sensegiving) »</a>. Confrontés à la difficulté d’enseigner, certains enseignants <a href="http://rfp.revues.org/4843">souhaitent une aide de l’institution dans leur travail</a>, un accompagnement. Tout dépend alors de la capacité du chef à répondre cette demande, d’autant qu’il ne reste que quelques années dans l’établissement qu’il doit incarner. Globalement, il est attendu sur l’animation et l’organisation pédagogique (les projets, l’interface avec les parents et l’extérieur de l’établissement, la création d’un cadre institutionnel sécurisant…). Ceci explique que les professeurs soient favorables à 74 % au conseil pédagogique, tout en rejetant sa désignation par la direction à 72 % (CSA 2014).</p>
<h2>Le rejet du pouvoir du chef</h2>
<p>Les promoteurs de l’autonomie managériale s’appuient sur le modèle de l’entreprise, qui légitime le souhait de nombreux CE de pouvoir recruter leurs collaborateurs. Justement, ce type de relation professionnelle est rejeté par les professeurs. 76 % d’entre eux ont une bonne opinion de l’entreprise (Opinionway 2013), mais pas du management qui y prévaut :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175605/original/file-20170626-32760-vvfv8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 3.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondage OpinionWay pour Le Réseau, 2013</span></span>
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</figure>
<p>L’influence des valeurs entrepreneuriales dans l’encadrement ne doit pas être exagérée. Sur les 10 CE interviewés dans l’enquête Militens, aucun ne se revendique manager, tous affichent une conception participative. L’un d’entre eux, principal de collège, ancien professeur d’EPS, se voit « comme un animateur de la communauté scolaire. » Le principal reproche qui peut provoquer un conflit avec leur équipe enseignante est d’ailleurs l’autoritarisme. Les professeurs rejettent vigoureusement l’idée d’un recrutement local, qui à sondage identique, recueille 10 points de moins que celle d’autonomie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/175608/original/file-20170626-12696-yy6xe1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 4.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondages IFOP</span></span>
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</figure>
<p>Les enseignants sont divisés. Une majorité rejette l’autonomie sous toutes ses formes. Ainsi, les femmes s’avèrent systématiquement plus hostiles que les hommes à la hiérarchie : ce besoin de protection reflète-t-il des discriminations ? Un bon quart des professeurs est favorable au principe d’autonomie managériale. Ce groupe est composé de non-syndiqués ou de proches du SGEN CFDT, de professeurs plus à droite que le reste du corps. </p>
<p>Certains peuvent rechercher une ascension sociale en profitant des opportunités qu’offre une strate intermédiaire en cours de création (coordinateurs de niveau, membres du conseil pédagogique, responsables de missions diverses). D’autres enseignants fluctuent entre ces deux groupes mobilisés, ils sont favorables à une autogestion de l’établissement si celle-ci s’avère crédible, ou basculent dans le rejet global lors des offensives managériales (sous Nicolas Sarkozy). Ne pas en tenir compte, se lancer dans une politique de rupture sur l’autonomie serait donc prendre le risque d’un conflit majeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80084/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p>Les professeurs ont une conception particulière du travail en équipe et du rapport à la hiérarchie. La voie est étroite pour celle-ci si elle veut influer leur pédagogie.Laurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/792542017-06-12T20:13:22Z2017-06-12T20:13:22ZMonsieur Blanquer et les collèges : la rançon de Pénélope ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/173282/original/file-20170611-4800-169k1t9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C54%2C1092%2C720&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Le nouveau ministre Jean-Michel Blanquer (ici en 2012 Directeur Général de l’Enseignement Scolaire au ministère de l’Éducation nationale), veut-il détricoter la réforme du collège ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mysciencework/6983205821/in/photolist-bD5KNn">PhotonQuantique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://lemde.fr/2sgMTOi">nouveau ministre</a> de l’Éducation nationale cèderait-il à la <a href="http://bit.ly/2rGdAvO">tentation du « détricotage »</a> ? Il semble avoir entrepris de vider de leur substance les deux grandes réformes lancées sous le quinquennat de François Hollande, dont celle touchant le collège. Or, une réforme n’est jamais qu’une tentative pour améliorer un état de choses. L’important est d’identifier les problèmes à résoudre, et les voies permettant éventuellement de le faire. Puisse le ministre s’investir dans cette tâche, au lieu de se contenter de parodier Pénélope.</p>
<h2>Le contexte : triste pérennité d’une situation insatisfaisante</h2>
<p>Afin de pouvoir dépasser le niveau des réactions épidermiques, simplement passionnelles, ou idéologiques, il est salutaire de rappeler le contexte et les enjeux de la réforme des collèges. Il ne faut pas perdre de vue que le collège a été assez unanimement considéré comme le « maillon faible » du système éducatif, dont il a concentré les crises. Depuis 1959, date de la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, l’opinion publique, les médias, et les politiques, ont associé volontiers les mots de collège et d’échec. </p>
<p>Or, aucune des <a href="http://bit.ly/2sQhx1c">réformes entreprises pour y remédier</a> n’a vraiment donné satisfaction. Ni les « collèges d’enseignement secondaire » de la <a href="http://bit.ly/2t8QUE5">réforme Fouchet (1963)</a>, ni le « <a href="http://bit.ly/2rOxoix">Collège unique</a> » créé par René Haby (1975/1977), ni le projet de « <a href="http://bit.ly/2t8Ngu1">collège démocratique</a> » proposé par Louis Legrand (1983), ni le « <a href="http://bit.ly/2rZrgm5">collège de l’an 2000</a> » préconisé par François Dubet, ni la nouvelle « réforme du collège » mise en chantier par <a href="http://bit.ly/2rOAZ04">Jack Lang en 2002</a>, ne sont parvenus à transformer durablement la situation ; voire, simplement, à entrer dans les faits !</p>
<p>Il faut en prendre acte : l’histoire de la réforme du collège n’est qu’une longue histoire de réformes plus ou moins avortées. Jusqu’à ce que le gouvernement socialiste ne décide (à notre avis : courageusement), au printemps 2015, de rouvrir « <a href="http://lemde.fr/2saLrj3">le dossier miné du Collège</a> ».</p>
<h2>Najat et Junie : même combat ?</h2>
<p>La réforme proposée par <a href="http://lemde.fr/1PuMP6n">la ministre Vallaud-Belkacem</a>, et adoptée à une large majorité (51 pour, 25 contre, une abstention) par le Conseil Supérieur de l’Éducation (CSE) en avril 2015, mérite-t-elle qu’on se batte pour elle ? Telle la Junie de Britannicus, elle ne nous semble mériter ni excès d’honneur, ni indignité. </p>
<p>Ses motivations étaient, pour le moins, très louables. La volonté de concilier l’unité d’un cadre avec la pluralité des pratiques (faire que le collège unique ne soit plus un collège uniforme, en donnant des marges de manœuvre aux équipes de terrain). L’espoir de trouver des remèdes aux principaux maux dénoncés à l’envi depuis des décennies (ennui des élèves, aggravation de leurs difficultés : résultats décevants des collégiens de 15 ans mis en évidence par l’enquête PISA). </p>
<p>Le souci de tenir compte des spécificités et des besoins des différents élèves. Le souhait, moins de lutter contre l’élitisme, que de favoriser une plus grande réussite pour tous. Diversifier les enseignements, afin de mieux répondre aux besoins des élèves, tout en sauvegardant l’unicité du cadre national : de telles intentions ne sont-elles pas toujours d’actualité?</p>
<p>Les dispositifs introduits avaient le double mérite de concrétiser des idées claires, et d’avoir déjà été mis à l’essai sur le terrain. L’idée de donner du sens aux apprentissages, et de mieux renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux, en faisant concourir plusieurs disciplines à cette fin, dans le cadre d’<a href="http://bit.ly/2rOEfs7">enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)</a>. L’idée de valoriser l’enseignement des langues en avançant d’un an l’apprentissage d’une deuxième langue vivante. Enfin, l’idée de favoriser la réussite de chacun en instaurant un accompagnement personnalisé pour tous. </p>
<h2>De la résistance au détricotage</h2>
<p>Mais alors, pourquoi cette réforme a-t-elle été autant combattue ? On pourrait avancer l’hypothèse qu’elle a été perçue (avec souvent beaucoup d’arrières pensées, et une bonne dose de mauvaise foi), pour une réforme mortifère, conduite en quelque sorte « à la faux ». Une réforme qui supprimait, plus qu’elle ne construisait. </p>
<p>Ainsi on lui a reproché de mener tout droit vers un « collège allégé », avec une diminution des horaires consacrés aux disciplines traditionnelles, la suppression des classes bilangues et des sections européennes, et la disparition programmée du latin et du grec (langues ne bénéficiant plus de financement spécifique). De plus, la perspective de l’interdisciplinarité a fait redouter aux professeurs une perte de leur identité, dans un renoncement jugé coupable à l’excellence disciplinaire. Beaucoup d’enseignants n’ont été sensibles qu’à ce qu’ils perdaient ou avaient peur de perdre, sans voir ce que les élèves pouvaient gagner.</p>
<p>« Choqué » par la suppression « stupide » de dispositifs qui «marchaient bien », le nouveau ministre s’est lancé sans attendre dans un travail de restauration. <a href="http://bit.ly/2retzEw">L’arrêté, soumis au CSE le 8 juin</a>, et applicable dès la rentrée, propose le rétablissement des classes bilangues, et du latin et du grec (sous la forme d’une option renforcée). </p>
<p>Mais aussi la fin de l’obligation des EPI, et la disparition du cadre national de l’accompagnement personnalisé. Autrement dit : d’une main on rétablit (ce que « les autres » avaient supprimé) ; de l’autre on supprime (ce qu’ils avaient fait). Faudrait-il conclure : à faucheur, faucheur et demi ?</p>
<h2>L’urgence est à un changement de logique</h2>
<p>On peut accorder que les suppressions faites par la réforme Vallaud-Belkacem étaient maladroites. Mais peut-on effacer des <a href="http://bit.ly/2reJR02">pertes par de nouvelles pertes</a> ? Restaurer le statu quo ante en fauchant ce qu’une équipe précédente avait implanté est-il ce qu’il y a de plus urgent et de plus intelligent à faire ? Est-ce en se contentant de rétablir ce qui avait été supprimé, et de supprimer ce qui avait été instauré, que l’on pourra faire évoluer favorablement la situation ?</p>
<p>Procéder ainsi, c’est conforter ce qui constitue une difficulté majeure pour toute réforme : sa prise en otage dans les querelles politiciennes. Alors qu’une réforme n’a pour raison d’être que d’améliorer une situation en apportant des réponses à un problème dûment diagnostiqué. L’urgence est de revenir au diagnostic (qu’est-ce qui fait problème dans le collège aujourd’hui ?), pour rechercher, à partir de là, des solutions intelligentes. De s’entendre sur un « bien commun », en prenant en compte prioritairement les intérêts des premiers concernés, à savoir les élèves.</p>
<p>Plus encore que de temps long, l’action éducative a besoin d’une conduite éclairée. Il faudrait toujours rendre visible, et garder pour boussole à tout moment (surtout dans les moments de fièvre éruptive !), le lien entre un diagnostic, si possible partagé, et un traitement, lien qui seul peut donner sa pertinence à la réforme. </p>
<p>Le plus important serait donc de passer d’une logique de suppression/restauration à une logique de diagnostic/traitement. En évitant ainsi de succomber au penchant si français pour les guerres de religion, (entre par exemple « collège de l’exigence », et « collège démocratique »). Faute de quoi ce que l’on passera son temps à tricoter et à détricoter risque de n’être que le linceul du collège où tous les élèves pourraient enfin réussir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79254/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le ministre de l’Éducation nationale revient sur la réforme du collège lancée par la ministre précédente. Pourtant, l’urgence est de revenir au diagnostic pour rechercher des solutions intelligentes.Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/779182017-06-08T20:39:27Z2017-06-08T20:39:27ZQuelle autonomie pour les établissements scolaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/172725/original/file-20170607-11301-167x9cn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Collège Gustave Monod à Vitry-Sur-Seine.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.vitry94.fr/agenda/fiche/du-nouveau-dans-les-colleges-vitriots/?cHash=8fda2a2cd474f434dc3615bb84887610">Vitry-Sur-Seine</a></span></figcaption></figure><p>Après des années de mobilisation, la réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem <a href="http://bit.ly/2r5cnfN">va être sérieusement estompée par le nouveau ministre de l’Éducation nationale</a>, Jean‑Michel Blanquer. Or, ce gage accordé aux enseignants l’est en augmentant encore l’autonomie des établissements, pourtant l’un des moteurs de ladite réforme. Sont définis localement 20 % des horaires au collège et le quart au lycée, depuis la <a href="http://bit.ly/2qVRjJt">réforme Chatel</a>. La longue marche vers l’autonomie, enclenchée en 1986, lorsque les établissements du second degré furent dotés de la personnalité morale et juridique, devrait donc se poursuivre.</p>
<p>Comment expliquer ce consensus entre les ministres qui se succèdent, alors qu’ils témoignent par ailleurs d’une réelle hostilité entre eux ? Mis à part l’aspect attractif de la notion d’autonomie, il importe de la définir plus précisément, pour ne pas se laisser piéger par sa polysémie.</p>
<h2>Un principe populaire… et contesté</h2>
<p>L’autonomie s’inscrit dans un mouvement de fond, prôné autant à gauche qu’à droite, la décentralisation. Le renvoi au local s’observe dans toutes les politiques publiques. Ses partisans considèrent qu’il favorise la souplesse, la capacité d’adaptation, une réponse plus efficace aux besoins. Certains cherchent à lui donner une coloration libérale.</p>
<p>Dès 1987, René Monory, ministre de centre droit de l’éducation nationale compare les chefs d’établissement <a href="http://lemde.fr/2sCJ1qW">à des chefs d’entreprise</a>. Lors de la passation de pouvoir, le nouveau ministre Jean‑Michel Blanquer a assuré vouloir donner <a href="http://bit.ly/2rKLlfs">« la liberté aux acteurs et du pouvoir à nos professeurs, chefs d’établissements et à l’ensemble des acteurs de l’Éducation nationale »</a>. À ce stade, impossible de savoir s’il pense surtout à une liberté pour les dirigeants du système ou pour l’enseignant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/172706/original/file-20170607-11311-g9sxju.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avec l’aimable autorisation de Faujour.</span>
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</figure>
<p>Les <a href="http://bit.ly/2sS3VSd">détracteurs de l’autonomie</a> l’accusent de renforcer les logiques ségrégatives, l’introduction de la concurrence aboutissant à un marché scolaire au détriment du service public. Le titre d’un livre de Christian Laval est évocateur : <a href="http://bit.ly/2qWb6Is">« L’école n’est pas une entreprise »</a>. La mise en cause du cadre national est reliée à la volonté du patronat de casser les conventions collectives, fondées sur les diplômes. La culture étatiste des professeurs s’est manifestée vigoureusement en 2003, lorsqu’ils obtiennent le retrait de l’aspect scolaire de la décentralisation impulsée par Jean‑Pierre Raffarin, seul point à avoir été contesté.</p>
<h2>Dans quel but ?</h2>
<p>Qu’attend-on vraiment d’une décentralisation de la gestion des professeurs ? Une première réponse, budgétaire, est l’imposition de tâches non rémunérées (réunions, conception des examens…). Par exemple, le développement du contrôle en cours de formation permet des économies en l’absence de rémunération supplémentaire des professeurs, qui ne peuvent effectuer entièrement ce travail sur le temps de classe.</p>
<p>L’autonomie, promesse de liberté, constitue pourtant une arme contre la liberté pédagogique, pour imposer une autre façon de concevoir l’enseignement. La norme professionnelle traditionnelle est centrée sur le diplôme, la transmission du savoir disciplinaire, un travail solitaire, artisanal.</p>
<p>L’État fixe un cadre, des objectifs (les programmes) et les professeurs sont quasiment libres de trouver les voies d’y parvenir. La norme émergente est centrée sur les compétences, les exigences organisationnelles, le travail collectif et pluridisciplinaire. En général, les <a href="http://bit.ly/2rAA0QV">objectifs du changement sont simultanément pédagogiques et économiques</a> : ainsi, la pression pour une notation bienveillante correspond au souci de l’estime de soi des élèves en difficulté, mais aussi au besoin de fluidifier les flux d’élèves et d’économiser sur les redoublements.</p>
<p>La formation professionnelle, avec la création des IUFM (aujourd’hui ESPE) ayant échoué à impulser cette mutation, elle est désormais dévolue au chef d’établissement. L’idée d’une redéfinition du métier d’enseignant réunit des acteurs variés, qui croient à un métier ouvert sur l’extérieur, connecté aux résultats de la science, ancré dans une démarche de projet. Mais cet accord reste partiel. De fortes divergences s’expriment sur le contenu des pratiques enseignantes qu’il s’agit d’imposer. Une version conservatrice insiste sur les savoirs fondamentaux, les sciences cognitives, l’esprit d’entreprise. La version réformatrice promeut la pédagogie de projet, l’apport des sciences de l’éducation, la construction des savoirs avec les élèves. On aura reconnu l’opposition entre Jean‑Michel Blanquer et Najat Vallaud-Belkacem.</p>
<h2>Derrière la liberté, des enjeux de pouvoir</h2>
<p>La question du pouvoir et de la régulation du système est fondamentale. Parle-t-on d’une déconcentration, d’un passage de relais du ministère vers les hiérarchies intermédiaires, dans une logique managériale, ou d’une autonomie des équipes éducatives dans une logique autogestionnaire ?</p>
<p>Importé de l’entreprise privée, le nouveau management public délègue la gestion au niveau hiérarchique le plus bas, sur la base d’un contrat, l’efficience étant contrôlée par des indicateurs chiffrés (par exemple le taux de réussite au baccalauréat). Dans le cas des enseignants, l’autonomie est le nom de code d’un agenda caché, la tutelle des chefs d’établissement, mécontents de gérer des fonctionnaires encore protégés par leur statut national.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/172680/original/file-20170607-11330-10oocod.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Madame le proviseur », série française…</span>
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<p>Si les chefs d’établissement réclament le pouvoir de recruter les enseignants, comme des chefs d’entreprise, la comparaison s’arrête là : pas question d’écarter les managers incompétents. Cette petite minorité est inamovible, même si elle perturbe la relation entre enseignants et personnels de direction. Pire, ceux qui sèment le trouble dans leur établissement peuvent monnayer leur mutation contre une promotion, dans une sorte de carrière déviante.</p>
<p>Pourtant, l’administration de l’éducation nationale reste centralisée et garde <a href="https://pmp.revues.org/4406">des moyens de pression importants sur les personnels de direction</a>, comme en témoigne leur lettre de mission secrète. Ce paradoxe s’explique par la cogestion entre leur puissant syndicat, le <a href="http://www.snpden.net/">SNPDEN UNSA</a>, qui protège les personnels, et l’administration, qui obtient le respect de ses objectifs prioritaires.</p>
<p>L’autonomie des équipes éducatives est souvent confondue avec la liberté pédagogique, alors qu’elle la restreint au bénéfice d’un travail collectif. Elle suppose une envie partagée des professeurs de s’investir dans un travail en équipe durable et de se constituer en pouvoir propre au sein de l’établissement. Elle implique d’alléger les pouvoirs du chef d’établissement : nomination du conseil pédagogique, des coordinateurs, responsabilité devant le conseil d’administration, dont il ne serait plus le président élu.</p>
<p>On peut douter de la crédibilité de ce projet d’autonomie coopérative. Rares sont les <a href="http://bit.ly/2rKZvgR">établissements mobilisés</a>, dans lesquels existent des collectifs enseignants motivés, capables de discuter les choix généraux. Nous vivons plutôt une période de repli du monde enseignant. Beaucoup d’initiatives concrètes sont prises, mais sans vision globale. Peu de syndicalistes disputent le terrain de la gestion de l’établissement, ils préfèrent se placer sur <a href="http://rfp.revues.org/459">celui de l’autoritarisme</a>.</p>
<h2>Carte des positions sur la gestion des établissements scolaires</h2>
<p>Pour clarifier le débat sur l’autonomie des établissements scolaires, il faut distinguer deux registres : la gestion des ressources humaines et le lieu d’organisation de l’enseignement. Le croisement de ses axes forme une <a href="https://rfp.revues.org/1248">carte qui permet de visualiser</a> les combinaisons possibles d’argumentation sur la gestion des établissements. J’y ai placé quelques acteurs du débat, au risque de schématiser leurs positions. Des acteurs opposés sur le contenu pédagogique peuvent figurer dans le même cadran, du fait du socle commun à tous ceux qui veulent redéfinir le métier enseignant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/172571/original/file-20170606-3698-1ocvpp4.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Chaque cadran correspond à une conception idéal typique. Les conceptions <em>autogestionnaires</em> et <em>bureaucratiques</em> (au sens weberien d’une administration s’appuyant sur des règles impersonnelles) étaient à l’honneur dans les années 1960-1970, du temps du ministère centralisateur. J’ai nommé <a href="http://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1987_num_28_2_2410"><em>corporatiste</em></a> une conception dans laquelle la régulation des relations professionnelles s’opère par la négociation entre le syndicalisme et l’État central.</p>
<p>Plusieurs acteurs du débat se situent dans une zone de dilemme. Si le <a href="http://www.sgen-cfdt.fr/actu/autonomie-de-quoi-parle-t-on/">Sgen-CFDT</a> prône l’autonomie des équipes, il a néanmoins été le <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/03/08/second-projet-de-reforme-et-nouveau-refus-des-syndicats-sur-l-evaluation-des-enseignants_1654271_3224.html">seul syndicat à ne pas s’opposer au projet de Luc Chatel</a> de confier l’évaluation des enseignants au chef d’établissement. Il se place donc avec le <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/05/20052016Article635993256223012388.aspx">bloc réformateur, en tension entre sa conception <em>autogestionnaire</em></a> et la défense de ses conceptions pédagogiques au moyen de l’injonction <em>managériale</em>. Le syndicat majoritaire, le SNES-FSU, se situe dans une autre tension, entre promotion du travail en équipe autonome (conception <em>autogestionnaire</em>) et souci de protection des enseignants par des règles nationales (conception <em>corporatiste</em>).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77918/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p>Analyse et clarification du débat sur l’autonomie scolaire.Laurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759562017-04-12T18:55:57Z2017-04-12T18:55:57ZÉducation : bilan du quinquennat et enjeux pour demain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164956/original/image-20170411-26706-1eq4shu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3642%2C2441&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">110 rue de Grenelle à Paris, le ministère de l'Education nationale, (hôtel de Rochechouart, construit en 1776 par Mathurin Cherpitel, remanié à partir de 1839 par Alphonse de Gisors pour le ministère).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/3986728681/in/photolist-75i2xp-hHzkmb-dirqHM-75mTPY-bz7ZPB-6uXLWZ-B7gsfG-GMybPC-B6aYxY-GPHPCg-GMybSo-GFtLjW-AbrFwh-HXXznC-JMse7e-Jtw5UG-JUo4Yp-HXXnHf-Auwote-QDuMz7-R7faqZ-Q45bjR-QJr23A-RiLu8B-RffSfm-Q6GwLb-bmd92f-bmcWXY-bz7XdP-bmd4Rm-GPHPBK-Pcpxk1-Q6DaVj-AbzYDg-Q4fxj5-MCxcCX-N5Lce3-LvWYSQ-LuSH4K-B9tCUk-AuvbdK-Qbh1Kd-AbqYRj-Q1ETdb-Auw6pp-PH5uMK-B9tdWa-B8u8Q6-AbrWeo-B6aGCb">Patrick Janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Quand on ne fait pas de communication c’est rare qu’on la fasse pour vous », c’est ce que déclarait François Hollande lors des <a href="http://bit.ly/2oRV2du">Journées de la Refondation le 2 mai 2016</a>. Et il ajoutait, toujours sur le ton de la plaisanterie : « si on attend que les compliments, on est pas toujours satisfait, si on attend les critiques, on peut avoir son lot… ». C’était il y a longtemps, très longtemps, en 2016…</p>
<p>Depuis François Hollande a renoncé à être candidat. Et la refondation de l’École semble bien loin dans la <a href="http://bit.ly/2p4YJto">campagne présidentielle</a>. Peu de candidats en tiennent compte, or le bilan devrait pourtant en être fait. On peut aussi se demander si les promesses des candidats sont à la hauteur des enjeux pour l’école de demain.</p>
<h2>Les mots de la refondation</h2>
<p>« Refondation », le terme choisi par Vincent Peillon était habile. Il permettait à la fois de rassurer puisqu’il renvoyait à un passé glorifié et d’envoyer aussi un signal à ceux qui pensent que l’École doit évoluer et s’adapter. Mais si le terme était porteur de beaucoup d’espérances, il a aussi généré des déceptions devant les compromis et le manque de lisibilité des réformes.</p>
<p>Car il a manqué un slogan à cette refondation. La finalité de tout cet ensemble de dispositifs décrits dans la loi de 2013 n’apparaissait pas assez clairement. Si la loi d’orientation de 89 se résume à « l’élève au centre du système » et celle de 2005 au socle commun, il n’y a pas le même mot d’ordre pour la refondation. À tel point que les journées de la refondation le reconnaissaient implicitement tout comme le 1<sup>er</sup> rapport du comité de suivi de la refondation : il y a eu un manque de lisibilité des réformes alors que la lutte contre les inégalités aurait pu être ce mot d’ordre mobilisateur.</p>
<p>On notera aussi que les créations de postes absorbées par une forte démographie non anticipée, par la reconstruction de la formation initiale et d’un vivier de remplaçants ont été, elles aussi, peu visibles pour les enseignants comme dans l’opinion.</p>
<h2>Les maux des réformes</h2>
<p>Après la grandiloquence des premiers mois, on est passé assez vite de la refondation aux « réformes »…</p>
<p>Or, le terme est ambigu et génère pas mal de difficultés. Il y a évidemment la crainte du changement. Mais il serait trop facile de voir les mouvements sociaux qui ont accompagné les principales réformes comme relevant uniquement de la « résistance au changement ». Il y a aussi l’idée implicite mais très vivement ressentie que tout ce qui précède peut être « mis à la réforme ».</p>
<p>Avec des enseignants qui mettent beaucoup d’eux-mêmes dans leur travail, il y a une tendance à prendre comme une critique de son propre travail ce qui se situe au niveau de l’ensemble du système. Or on peut pourtant faire son métier du mieux que l’on peut dans un système qui dysfonctionne…</p>
<p>La réforme est aussi une décision prise d’en haut par un pouvoir politique et appliquée ensuite par une technostructure. Cela se heurte à une culture antihiérarchique des enseignants et des pratiques de management qui restent bureaucratiques dans l’encadrement.</p>
<h2>La concordance des temps</h2>
<p>La gestion du temps a été un des problèmes de ce quinquennat. Pour l’éducation, il y a eu d’abord du retard à l’allumage. La loi sur la refondation dont Vincent Peillon prévoyait le vote en décembre 2012, n’a été publiée au JO que le 8 juillet 2013. La période d’« état de grâce » a été occupée par des discussions et concertations qui, au final, n’ont abouti qu’à faire ressurgir les tensions qui avaient été mises de côté au moment des présidentielles et législatives.</p>
<p>Le problème du temps s’est posé aussi avec la réforme des rythmes. Celle-ci semblait acquise puisque sous le précédent ministre (Chatel) une large commission avait conclu à sa nécessité. Ensuite, l’attentisme a abouti au télescopage avec les élections municipales et les enjeux syndicaux. Autre retard : celui de l’élaboration des programmes avec la mise en place laborieuse du <a href="http://bit.ly/2opKS2x">Conseil supérieur des programmes</a> et la démission de son premier président. Enfin, la plus belle illustration est donnée par la conjonction de la réforme des programmes et du collège et en plus pour tous les niveaux, une année avant la fin du quinquennat. On y trouve la conjonction du retard et de la précipitation. D’une manière générale, les retards pris dans l’application de la loi ont accentué l’absence de lisibilité.</p>
<p>Mais, plus que tout, tout cela nous rappelle que le temps de l’éducation n’est pas celui du politique. Ministre de l’éducation n’est pas le poste plus facile, car il est difficile de voir les effets de son action. Les enfants qui sont rentrés au cours préparatoire en 2012 seront évalués dans l’année 2021 par le système PISA. Pas facile pour un personnel politique et des Français qui veulent des résultats immédiats…</p>
<h2>De haut en bas</h2>
<p>Et si la refondation était la dernière réforme de ce genre ? Car la question qui est posée par la refondation est aussi celle de la <a href="http://www.alternatives-economiques.fr/soci%C3%A9t%C3%A9/philippe-watrelot/changer-lecole-avec-les-enseignants-201510281627-00002430.html">méthode utilisée pour la conduite du changement</a>.</p>
<p>Dans notre pays centralisé et bureaucratique, nous fonctionnons toujours avec l’illusion d’une décision prise d’en haut et qui descendrait impeccablement jusque dans chaque salle de classe.</p>
<p>La réforme du Collège a combiné cette illusion avec l’autoritarisme. Le fait de publier le décret le lendemain d’une manifestation a été un handicap certain pour la suite.</p>
<p>Le paradoxe de cette réforme est qu’elle a donc été vécue comme l’expression d’une « prescription verticale » qui s’impose à tous alors que son enjeu était de redonner du pouvoir aux équipes dans les établissements.</p>
<p>Or, on le sait bien, beaucoup de changements se font « à bas bruit », loin du tintamarre des annonces ministérielles et des déclarations syndicales. L’enjeu pour l’avenir sera de (re)donner du pouvoir d’agir aux enseignants dans un cadre aux objectifs clairs.</p>
<h2>Quels enjeux pour demain ?</h2>
<p>Cette question de la gouvernance de l’Éducation nationale est peu abordée. Elle est pourtant essentielle. Car c’est toute la question de la conduite du changement et de la confiance envers les acteurs du système qui est posée.</p>
<p>Dans la campagne on s’est focalisé sur le mot très ambigu d’« autonomie ». Derrière beaucoup y voient la remise en cause de l’égalité républicaine et dénoncent tout ce qui pourrait accroître le pouvoir du chef d’établissement comme une « caporalisation » insupportable, une dérive managériale et une mise en concurrence</p>
<p>Toutefois on voit bien aussi que le système éducatif est trop bureaucratique. Ce système génère ses effets pervers : force d’inertie, faible adaptabilité aux situations locales, lourdeur des contrôles… Il contribue aussi à l’infantilisation et la déresponsabilisation des acteurs…</p>
<p>L’École gagnerait à être plus efficace. C’est un chantier difficile car il faut naviguer entre deux écueils, celui du conservatisme sclérosant et celui d’un libéralisme destructeur.</p>
<p>Le service public d’éducation est-il mortel ? Cette question pouvait paraître saugrenue il y a quelques années. Elle ne l’est plus. Le développement des écoles privées hors-contrat et le rôle croissant des fondations, l’idée du chèque-éducation, tout cela nous montre que ce qu’on croyait immuable peut demain être remis en question. Il faut bien sûr s’inquiéter et dénoncer la marchandisation de l’École. Mais on doit aussi comprendre que tout cela prospère sur la difficulté de l’École à s’adapter et à tenir ses promesses.</p>
<p>Pour rendre l’école plus juste, on ne peut pas se contenter de rafistolages sur un grand corps malade. Changer le pansement ou penser le changement ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Watrelot a été nommé Président du Conseil National de l’Innovation pour la réussite éducative (CNIRÉ) à partir de septembre 2016.</span></em></p>Retour sur cinq ans de politique de l’éducation en cinq mots : refondation, réformes, retards, rythmes… et gouvernance.Philippe Watrelot, professeur agrégé de Sciences économiques et sociales Professeur en temps partagé, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/603932016-06-06T04:47:48Z2016-06-06T04:47:48ZSisyphe à l’assaut du collège<p>Décidément, la question du collège est bien, en France, une question sensible. Depuis la prolongation de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (1959), l’opinion publique et les médias ont associé volontiers les mots de collège et d’échec.</p>
<p>Le caractère ségrégatif des « collèges d’enseignement secondaire » (réforme Fouchet, 1963), avec leurs filières, ayant été abondamment dénoncé, René Haby tenta d’égaliser les chances (« les mêmes chances dans tous les cartables ») par la création du « Collège unique » (1975/1977).</p>
<p>Mais ce collège unique n’a pu longtemps cacher sa dimension illusoire, tandis qu’il était durement attaqué. On l’accusa d’être à l’origine d’une « génération sacrifiée », et de multiplier comme des petits pains les « futurs illettrés » (<em>Le Monde</em> du 21/10/1980). C’est pourquoi on entreprit à plusieurs reprises de le réformer.</p>
<h2>Une longue histoire de réformes avortées</h2>
<p>En 1983, Louis Legrand, dans son rapport intitulé « Pour un collège démocratique », proposa un projet jugé « révolutionnaire ». Suppression du redoublement, répartition des élèves dans des ensembles hétérogènes de petite taille, séquences de 50 minutes, interdisciplinarité, tutorat, création d’équipes éducatives : c’en était trop pour beaucoup, en particulier pour des enseignants ayant peur de devoir « payer la facture ». La « rénovation des collèges » ne laissa guère de traces.</p>
<p>Mais le collège n’en demeurait pas moins le « maillon faible » du système éducatif, dont il concentrait les crises. Cependant sa réforme reste en jachère à la fin des années 90, en se perdant dans de modestes et superficiels changements de structure. François Dubet travaille, en 99, sur « Le collège de l’an 2000 ». À la rentrée 99, Ségolène Royal préconise des mesures de « rénovation » (bis) : travaux croisés (pour favoriser le travail interdisciplinaire), enseignement de nouvelles technologies appliquées, ateliers-lecture, tutorat, aide individualisée.</p>
<p>Ces mesures ne mobilisent que peu les enseignants, et Jack Lang, en 2000, révise à la baisse cette « réforme ». Le même ministre met en chantier cependant, pour la rentrée 2002, une nouvelle « réforme du collège », avec une nouvelle sixième, des itinéraires de découverte, un cahier des exigences du collégien, et un nouveau brevet.</p>
<p>En 2003, un débat s’organise sur l’avenir du collège unique, dont le principe est assoupli en 2004 par une réforme de la classe de troisième (module de découverte professionnelle). Puis plus rien ne bouge guère, jusqu’à ce que le gouvernement ne décide (courageusement), au printemps 2015, de rouvrir « le dossier miné du Collège » (<em>Le Monde</em> du 11/03/2015).</p>
<h2>2015 : un projet de réforme pragmatique et cohérent</h2>
<p>La réforme proposée par la ministre Vallaud-Belkacem repose sur de très louables intentions : sa volonté de faire que le collège unique ne soit plus un collège uniforme (selon une formule proposée dès 2000 par Jean-Luc Mélenchon !).</p>
<p>Son espoir de trouver des remèdes aux principaux maux dénoncés unanimement depuis des décennies (collège « en panne », « dans le brouillard », « à la dérive »). Il s’agit de diversifier les enseignements, afin de mieux répondre aux besoins des élèves, tout en sauvegardant l’unicité du cadre national. Le contexte ne paraît pas défavorable, car le fonctionnement actuel ne satisfait personne, et l’enquête internationale PISA a mis en évidence les résultats décevants de nos collégiens de 15 ans.</p>
<p>Par ailleurs, dans un souci de cohérence, une révision des programmes et du socle commun doit aller de pair avec la réforme. Les mesures concrètement proposées ont souvent déjà été mises à l’essai sur le terrain. Elles n’ont rien qui soit susceptible de provoquer un rejet a priori.</p>
<p>Des EPI (Enseignements pratiques interdisciplinaires), modules d’enseignement complémentaire, pratiques et interdisciplinaires, pour dynamiser les apprentissages et leur donner du sens. Une deuxième langue vivante dès la cinquième, pour renforcer un domaine d’apprentissage où les français ne brillent pas. Un accompagnement personnalisé pour tous, pour favoriser la réussite de chacun. Cette réforme est adoptée le 10/04/2015 par le Conseil supérieur de l’éducation (CSE), à une large majorité (51 pour, 25 contre, une abstention).</p>
<h2>Turbantibus aequora ventis : un projet pris dans la tourmente des réformes</h2>
<p>Et pourtant, très vite, les choses tournent mal. La réforme fait des remous. Des crispations se font sentir. Des syndicats montent au créneau. On craint une diminution des horaires dans les disciplines traditionnelles. La perspective de l’interdisciplinarité fait redouter à beaucoup d’enseignants une perte de leur identité, dans un renoncement coupable à l’excellence disciplinaire.</p>
<p>On refuse la remise en cause du schéma classique : une discipline, un cours, une heure. On dénonce un « collège allégé », qui serait marqué par des disparitions (du latin et du grec), ou des suppressions (des classes « bilangues »). Des polémiques naissent sur la diminution (ou l’augmentation ?) prévisibles du nombre de postes, et du nombre d’heures d’enseignement.</p>
<p>On crie à « l’égalitarisme aveugle et cynique ». Une contestation tous azimuts se manifeste, comme à propos de la réforme des rythmes scolaires. Des politiques s’emparent de l’affaire : tollé à droite qui dénonce –rien que ça- un « naufrage de la nation ». Un ancien Président de la République parle de « combat effréné pour la médiocrité ». De multiples recours sont déposés contre le texte gouvernemental…recours qui viennent, pour l’essentiel, d’être rejetés par le Conseil d’État ! On peut observer à ce propos que les deux seules dispositions annulées étaient paradoxalement les moins conflictuelles, et manifestaient un bon sens qui aurait dû faire l’unanimité, puisqu’elles fixaient une amplitude journalière maximale de travail, et une pause méridienne d’une durée minimale.</p>
<h2>L’impossibilité de réformer : un mal français ?</h2>
<p>Comment expliquer ce tohu-bohu et cette révolte ? Y a-t-il une fatalité de l’échec des réformes éducatives en France ? Les peurs auront-elles toujours raison de la raison ?</p>
<p>De grandes lignes de fracture traversent l’histoire des réformes. Fractures entre syndicats, conservateurs (partisans, bien qu’ils proclament le contraire, de l’immobilisme) vs réformistes. Fracture entre ceux qui se crispent sur la défense des enseignements disciplinaires, et hurlent contre les « pédagogistes », et ceux qui croient en l’utilité d’une rénovation pédagogique s’inspirant des innovations créatives du terrain. Fracture entre ceux qui prônent une école de l’exigence et de l’excellence, et ceux qui rêvent d’une école de la réussite, attentive aux plus faibles et aux plus nombreux.</p>
<p>Mais, au-delà des soubresauts immanquablement provoqués par les rencontres et les chocs entre ces lignes de fracture, deux raisons n’incitent guère à l’optimisme. L’une est propre aux mentalités et aux comportements des Français d’aujourd’hui. L’autre tient à l’existence d’une contradiction interne au collège unique.</p>
<p>Tout d’abord, l’histoire du présent quinquennat manifeste une propension des Français à se dresser contre toute réforme qui les toucherait un tant soit peu dans leurs intérêts personnels ou, pire, de corporation. On voudrait bien du changement pour maintenant, mais à condition qu’il soit indolore, et ne touche que les autres. À quoi on peut ajouter, aujourd’hui, le refus a priori et dévastateur de toute réforme proposée par une gauche honnie et chargée de tous les péchés du monde, la « gauche de gouvernement ».</p>
<p>Ensuite, et plus spécifiquement pour ce qui concerne la réforme des collèges, le fait que, depuis la création du collège unique, une ambiguïté fondamentale pèse sur celui-ci : doit-il être, dans le prolongement de l’école élémentaire, le dernier maillon d’une école fondamentale ; ou bien la préparation et la préfiguration du Lycée ? A-t-il pour mission essentielle d’accueillir et d’accompagner tous les élèves jusqu’à seize ans ; ou de fonctionner comme une antichambre du lycée, en orientant, triant et sélectionnant ? Tant que l’on n’aura pas affronté, ouvertement, cette question, on peut se préparer à affronter, encore, de nombreuses tempêtes. Car, comme l’écrivait Alain, le printemps aura toujours le même hiver à vaincre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/60393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire du collège en France est une longue histoire de réformes avortées. Celle engagée par la ministre de l’Éducation, qui repose sur de louables intentions, provoque aussi la controverse.Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l'education), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.