tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/scolarite-20237/articlesscolarité – The Conversation2022-03-04T14:50:29Ztag:theconversation.com,2011:article/1784692022-03-04T14:50:29Z2022-03-04T14:50:29ZRéfugiés ukrainiens : l’urgence de scolariser les jeunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450069/original/file-20220304-25-1ulsonp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2914%2C1979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme et un enfant quittent Sievierodonetsk, dans la région de Luhansk, dans l'est de l'Ukraine, le 24 février 2022. Plus d'un million de personnes ont fui l'Ukraine pour se réfugier dans les pays limitrophes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Vadim Ghirda)</span></span></figcaption></figure><p>À la suite de l’offensive militaire en Ukraine, <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-03-02/plus-d-un-million-de-refugies-ukrainiens.php">près d’un million de civils ont trouvé refuge dans les pays voisins</a>, majoritairement des femmes et des enfants.</p>
<p>De nombreux autres sont en mouvement. <a href="http://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine">L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) estime que 4 millions de personnes pourraient fuir l’Ukraine dans les semaines à venir</a>. À l’heure actuelle, environ 7 millions ont été forcées de se déplacer à l’intérieur du pays. Selon les premières estimations, la <a href="https://www.educationcannotwait.org/statement-education-cannot-wait-director-yasmine-sherif-calls-for-the-protection-of-children-and-adolescents-schools-and-school-personnel-in-the-face-of-the-escalating-crisis-in-ukraine/">crise menacerait directement la vie et le bien-être d’environ 7,5 millions d’enfants et d’adolescents</a> à travers le pays.</p>
<p>Parmi les nombreuses menaces à leur bien-être, nous pouvons nous attendre à de <a href="https://www.educationcannotwait.org/statement-education-cannot-wait-director-yasmine-sherif-calls-for-the-protection-of-children-and-adolescents-schools-and-school-personnel-in-the-face-of-the-escalating-crisis-in-ukraine/">profondes perturbations de leur parcours éducatif</a>. <a href="https://inee.org/fr/events/evenement-de-lancement-de-la-campagne-proteger-leducation-dans-les-situations-durgence">Il est nécessaire de rappeler que l’accès à une éducation est un droit fondamental</a>.</p>
<p>Spécialiste de l’éducation en situation d’urgence, mes recherches et ceux de mes collègues portent sur les initiatives d’éducation dans les camps de réfugiés, la protection de l’enfance à travers les apprentissages socio-émotionnels et l’éducation sous les groupes armés.</p>
<h2>Éducation et soutien social</h2>
<p>Selon les rapports préliminaires, les observations sur le terrain et la dynamique des déplacements, il est fort probable que la proportion d’enfants et d’adolescents en âge scolaire soit d’au moins 50 % chez les personnes réfugiées, <a href="https://www.reuters.com/article/ukraine-crise-frontire-idFRL8N2V53M5">comme c’est le cas en Pologne</a>, actuellement leur principale destination.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="petit garçon assis sur une valise poussée par sa mère, jeune garçon qui marche à côté d’eux" src="https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449885/original/file-20220303-2262-nnzzek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des réfugiés ukrainiens arrivent à Medyka, en Pologne, le 3 mars. Les enfants doivent être scolarisés le plus rapidement possible afin de retrouver un semblant de normalité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Visar Kryeziu)</span></span>
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<p>Dans les dernières années, l’éducation en situation d’urgence a connu un développement considérable comme moyen de protection, mais aussi comme action humanitaire. Les recherches qui en découlent nous permettent aujourd’hui d’entrevoir avec lucidité les conséquences du conflit en Ukraine sur l’éducation des jeunes déplacés et réfugiés.</p>
<p>Pour mettre sur pied un système éducatif d’urgence dans un contexte de conflit armé, plusieurs éléments doivent être planifiés avec précaution : le bien-être des enseignantes et des enfants, une éducation sensible aux conflits, et un soutien psychosocial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-dans-les-camps-de-refugies-vers-la-catastrophe-humanitaire-135483">Covid-19 dans les camps de réfugiés : vers la catastrophe humanitaire</a>
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<h2>Des ressources provenant des réfugiés</h2>
<p>Dans un contexte linguistique où les réfugiés ne parlent pas la langue du pays d’accueil, l’une des premières étapes est d’identifier les enseignantes parmi la communauté réfugiée. Le meilleur moyen d’y arriver rapidement et efficacement est de le faire lors du processus d’enregistrement et d’identification.</p>
<p>Ces données servent d’abord d’outil de protection des personnes réfugiées. Elles permettent aussi de planifier les programmes, notamment pour le logement, la nourriture, l’eau et les équipements sanitaires. Cependant, nous avons trop souvent considéré ce processus seulement de façon unidirectionnelle, soit uniquement dans la direction des fournisseurs d’assistance vers les bénéficiaires. Or, les communautés de personnes réfugiées font toujours preuve de résilience et représentent elles-mêmes des ressources pour répondre à la crise.</p>
<p><a href="https://www.france24.com/en/live-news/20220225-ukrainian-refugees-camp-out-at-polish-train-station">Le fait que les réfugiés adultes soient très majoritairement des femmes</a> - les hommes âgés entre 16 ans et 60 ans ne peuvent quitter l’Ukraine — nous laisse croire que des milliers d’enseignantes se retrouvent parmi eux. Une fois identifiées, elles seront en mesure de soutenir leur propre communauté dans la provision de services éducatifs d’urgence.</p>
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<img alt="adultes et enfants sur un quai dans une gare de train" src="https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=392&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450068/original/file-20220304-15-1txm5ug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des femmes et des enfants débarquent d’un train en provenance de l’Ukraine à la gare de Przemysl, en Pologne, le 3 mars 2022. Plus d’un million de personnes ont fui l’Ukraine à la suite de l’invasion de la Russie, dans le cadre de l’exode de réfugiés le plus rapide de ce siècle, ont déclaré les Nations unies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP/Markus Schreiber)</span></span>
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<p>Outre les enseignants, il est primordial de recenser lors du processus d’enregistrement et d’identification les psychologues et les travailleuses sociales. Cette synergie permettra d’accélérer la mise en place d’une réponse éducative d’urgence plus adaptée. De là, il faut penser à la planification du système éducatif. Il s’agit d’un processus technique, politique et participatif qui doit être dirigé impérativement par le gouvernement du pays d’accueil avec l’assistance du réseau onusien et des <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-non-gouvernementale-ong">ONGI</a> compétentes.</p>
<p>Pour ce faire, des modèles de projection et de simulation devront être utilisés pour déterminer les ressources matérielles et humaines disponibles et nécessaires à la mise en œuvre d’un plan. Ensuite, le financement adéquat devra être déterminé en fonction des objectifs du plan et des ressources nécessaires et disponibles. Outre le curriculum, les bâtiments, le matériel scolaire et autres, les enseignantes doivent rester la priorité. Tant et aussi longtemps qu’il y a une enseignante, l’école peut exister pour les élèves, même sans livres ni bâtiment.</p>
<h2>Le bien-être des enseignantes</h2>
<p>Si les approches sont souvent centrées sur les besoins des élèves, le bien-être des enseignantes est en effet d’une importance vitale. À elles seules, ces personnes représentent l’école dans son entièreté.</p>
<p>Les enseignantes travailleront dans un environnement éducatif complexe, et ce, avec un soutien minimal. Elles assumeront une multitude de rôles et de responsabilités non traditionnelles pour répondre aux divers besoins des élèves et de la communauté. Elles devront composer avec la réalité des déplacements qui résultent d’un conflit armé. Ces déplacements produisent souvent des tensions au sein d’une communauté. De plus, les élèves subissent un stress important, ont potentiellement été témoins d’évènements traumatiques et sont habités par un sentiment d’insécurité. <a href="https://theconversation.com/attentat-de-la-mosquee-de-quebec-5-ans-plus-tard-comment-les-traumas-affectent-les-enfants-et-les-ados-174081">Tous ces élèments perturbent l’apprentissage et peuvent même entraver le développement cognitif</a>.</p>
<p>Dans les dernières années, la communauté œuvrant dans le domaine de l’éducation en situation d’urgence a favorisé l’inclusion des élèves réfugiés dans les systèmes éducatifs nationaux des pays d’accueils. Dans le cas particulier de l’Ukraine, il semblerait que cela ne soit pas la meilleure solution afin de répondre rapidement et adéquatement aux besoins des élèves. En effet, il faut absolument profiter d’une situation rare, c’est-à-dire celle où il y a un nombre important d’enseignantes formées parmi la communauté de personnes réfugiées pour mettre en place un système éducatif d’urgence employant la langue d’instruction d’origine des élèves.</p>
<h2>Éducation sensible aux conflits</h2>
<p>Il faut inclure une <a href="https://inee.org/fr/recueils/pack-de-linee-sur-leducation-sensible-aux-questions-de-conflit">éducation sensible aux conflits</a>. Cet outil, créé par le Réseau Inter-agences pour l'Éducation en Situations d'Urgence (INEE), composé de membres à travers le monde qui travaillent dans un cadre humanitaire et de développement, conçoit et diffuse des programmes éducatifs qui tiennent compte du contexte de conflits. Un système éducatif d’urgence ne doit pas se concentrer uniquement sur les solutions académiques ou techniques. Cela ne suffira pas à relever les défis et répondre aux réels besoins des élèves.</p>
<p>Il y a même un risque que l’éducation contribue à augmenter les tensions. Par exemple, des enseignantes frustrées par le conflit pourraient tenir des discours haineux en classe. Il est crucial que l’éducation contribue plutôt à minimiser les impacts négatifs tout en maximisant les impacts positifs d’une éducation en situation d’urgence. Un des moyens pour y arriver est d’offrir à travers la relation pédagogique un soutien psychosocial.</p>
<h2>Soutien psychosocial et apprentissage</h2>
<p>Dans les situations d’urgence, l’éducation est un facteur majeur dans la protection psychologique et physique des élèves.</p>
<p>En effet, elle peut offrir aux élèves un environnement sûr et stable à travers la crise et ainsi contribuer à restaurer un sentiment de normalité, de dignité et d’espoir. Pour ce faire, il faut proposer des activités de soutien qui aident à développer les compétences cognitives, sociales et émotionnelles des enfants et des adolescents. Il faut créer des routines stables, utiliser le jeu, favoriser le développement de relations d’amitié et l’espoir dans le discours, réduire le stress par une meilleure gestion de celui-ci, encourager l’expression de soi et promouvoir un comportement collaboratif.</p>
<p>Le bien-être psychosocial est un précurseur important de l’apprentissage et est essentiel à la réussite scolaire.</p>
<p>Les gouvernements, le UNHCR et plusieurs ONG internationales sont déjà à mettre en place une réponse face à la crise. D’ailleurs, le gouvernement polonais a annoncé que la télévision publique commencerait à diffuser en continu des programmes pour les enfants ukrainiens et qu’elle travaillait sur le doublage en ukrainien d’émissions polonaises pour enfants. Espérons que la réponse éducative puisse s’organiser de manière à permettre aux enfants et aux adolescents de retrouver une certaine forme de normalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178469/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nombreux enfants et adolescents ukrainiens ont trouvé refuge dans les pays voisins. Il faut mettre rapidement sur pied un système éducatif afin qu’ils retrouvent une certaine forme de normalité.Olivier Arvisais, Professeur, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Diane Alalouf-Hall, Doctorante en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)François Audet, Professor, School of Management Sciences, Université du Québec à Montréal (UQAM)Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Yannick Hémond, Projersseur en résilience, risques et catastrophes, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751062022-01-20T18:49:44Z2022-01-20T18:49:44Z« Le pour et le contre » : Faut-il augmenter les droits d’inscription à l’université ?<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/61e52e383e10f8001302cc1f" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><em>Dans « Le pour et le contre », Julien Pillot (Inseec) dresse l’inventaire, non exhaustif, des arguments favorables et défavorables que donne la recherche académique sur une question de notre temps. Une boîte à outils qui vous aidera à vous positionner face aux grands sujets de société, à quelques semaines de l’élection présidentielle.</em></p>
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<p>Jeudi 13 janvier, en clôture du congrès de la Conférence des présidents d’universités, le président de la République Emmanuel Macron s’est prononcé en faveur de l’augmentation du montant des <a href="https://www.la-croix.com/France/Emmanuel-Macron-envisage-fin-gratuite-luniversite-2022-01-14-1201194962">droits d’inscription à l’université</a>. Voilà un sujet qui peut être qualifié de serpent de mer qui rattrape chaque gouvernement ou presque depuis plus de 20 ans. Il faut dire que c’est un sujet sensible sur le plan politique, tant il touche à la fois des questions de définition du périmètre du service public et de son financement, mais aussi d’égalité des chances.</p>
<p>Dans ce troisième épisode de notre série <em>Le pour et le contre</em>, Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l’Inseec Business School, détaille ce que dit la recherche de cette question. À vous de vous faire votre opinion.</p>
<p><strong>À écouter aussi</strong> <br>
<a href="https://theconversation.com/qatar-2022-jo-2024-faut-il-continuer-a-organiser-des-mega-evenements-sportifs-174346">Episode #1 - Faut-il continuer à organiser des méga-événements sportifs ?</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-mener-une-politique-de-ruissellement-des-richesses-174710">Episode #2 - Faut-il mener une politique de « ruissellement » des richesses ?</a> <br></p>
<h2>Références citées dans le podcast</h2>
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<li><p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/313089/the-fourth-revolution-by-john-micklethwait-and-adrian-wooldridge/">« The Fourth Revolution : The global race to reinvent the State »</a>, John Micklethwait et Adrian Wooldridge (2015).</p></li>
<li><p><a href="https://www.cairn.info/propositions-d-une-chercheuse-pour-l-universite--9782724625103-page-73.htm">« Augmenter le prix des études en le régulant »</a>, Christine Musselin (2019).</p></li>
<li><p><a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/245oodjq039dtrlsojteli5g0l/resources/2016-04-revue-eco-les-prets-a-remboursement-allegre.pdf">« Les prêts à remboursement contingent dans le supérieur : plus redistributifs que l’impôt ? »</a>, Guillaume Allègre et Xavier Timbeau (2016).</p></li>
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<p><em>Crédits, conception, Julien Pillot et Thibault Lieurade. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Conseil Constitutionnel a encore réaffirmé récemment le principe de gratuité de l’enseignement supérieur, mais de nombreux arguments plaident pour un relèvement des frais de scolarité.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1631032021-06-24T17:24:07Z2021-06-24T17:24:07ZL’orientation universitaire, l’autre vecteur des inégalités salariales femmes-hommes<p>Bien que plus diplômées que les hommes, les femmes restent globalement moins bien rémunérées que leurs homologues masculins, et ce dès l’entrée dans la vie active. En 2017, les femmes issues de l’enseignement supérieur gagnent en moyenne <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?datasetcode=EAG_EARNINGS">70 % de la rémunération des hommes</a> dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).</p>
<p>À ce sujet, la plupart des recherches se concentrent à juste titre sur les problématiques de carrière, de quotité de travail ou encore de parentalité. Récemment, une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4514861">étude de l’Insee</a> montrait que 68 % de l’écart de salaire en équivalent temps plein s’explique par le fait les femmes et les hommes occupent rarement les mêmes postes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=801&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407421/original/file-20210621-35715-1dpb4zm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Or, l’exercice de métiers différents (on parle parfois de « ségrégation occupationnelle ») ne semble pas le fruit du hasard et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0927537199000093">découle notamment des filières de formation suivies</a>. Or, celles-ci apparaissent fortement différenciées selon le genre et s’avèrent rarement mixtes. Ainsi, la part de femmes parmi les nouvelles personnes inscrites en cycle licence n’est-il en moyenne que de 30 % en STEM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques) quand il est de 77 % en <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/education/regards-sur-l-education-2019_6bcf6dc9-fr">santé et protection sociale</a>.</p>
<p>En exploitant une vaste base de données publiques françaises, nos recherches mettent en évidence l’importance des choix d’études pour expliquer les différences observées sur le marché du travail.</p>
<h2>Faute de données…</h2>
<p>Dès 1984, les chercheurs américains <a href="https://www.jstor.org/stable/145880">Thomas Daymont et Paul Andrisani</a> proposaient ainsi d’intégrer les choix de spécialité dans les équations d’analyse des écarts salariaux entre femmes et hommes aux États-Unis. La chose ne s’avère cependant pas si aisée…</p>
<p>Les étudiantes et étudiants se spécialisent en effet progressivement durant leurs études au sein de chaque discipline, lesquelles présentent des masters comptant parfois des milliers d’intitulés. Entre droit social, droit des affaires ou droit criminel, les cursus restent par exemple très différents. La plupart des enquêtes quantitatives relatives à l’emploi et aux salaires ne s’intéressent, en outre, qu’au niveau du dernier diplôme et non à la spécialité.</p>
<p>Faute de données, cet appariement entre spécialité professionnelle et métier reste par conséquent peu étudié. Chaque année, néanmoins, plusieurs dizaines de milliers de diplômés et diplômées de master se voient interroger sur leur insertion professionnelle par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Ce sont ces données que nos travaux ont souhaité exploiter.</p>
<h2>En apparence mixte</h2>
<p>Il apparaît que la ségrégation genrée des formations limite le champ des possibles des étudiantes et étudiants et qu’elle participe surtout à entretenir les inégalités de salaire. Cela vaut dès l’insertion professionnelle. <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02136564/">Trois après la fin des études</a>, les femmes diplômées rencontrent plus de difficultés. Leur salaire moyen est plus faible, elles sont plus souvent en contrat court, à temps partiel et occupent moins souvent des emplois de catégorie cadre.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/407404/original/file-20210621-34789-1cx3hbp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La féminisation des filières apparaît corrélée aux niveaux de salaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MENESR-DGESIP-SIES ; données, enquête insertion professionnelle des personnes diplômées de master en 2013, 30 mois après la sortie</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une hiérarchie salariale se dessine selon que les spécialités apparaissent plus ou moins féminisées. Le salaire médian dans les spécialités à prédominance masculine demeure supérieur au groupe mixte, lui-même supérieur au groupe à prédominance féminine. La moitié des femmes issues de spécialités masculinisées perçoivent plus de 2 000 euros par mois contre seulement un quart parmi celles des spécialités féminisées.</p>
<p>La structuration des disciplines académiques reste par ailleurs plus complexe qu’il n’y paraît. Par exemple, les sciences de gestion, une discipline en apparence mixte selon le genre, masquent des écarts de salaire conséquent. Près de 640 euros mensuels séparent en moyenne les personnes diplômées de la spécialité en ressources humaines (très féminisée) et celles et ceux de finance (très masculinisée).</p>
<h2>Deux volets de politiques publiques</h2>
<p>À elle seule, la spécialité de master explique par ailleurs deux tiers des différences entre les sexes pour l’accès à un emploi à temps plein et plus d’un tiers des écarts d’accès aux emplois les plus prestigieux. Les étudiantes sont majoritaires parmi les spécialités donnant accès à des métiers du secteur public, associatif et social où les conditions d’emploi semblent plus dégradées.</p>
<p>Quelles conséquences faut-il tirer en termes de politiques publiques ? Pour résorber les inégalités de salaire, il est possible d’agir sur deux volets. L’action peut porter directement sur le marché du travail et les propositions de <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2014-2-page-121.htm">revalorisation des métiers féminisées</a> apparaissent alors pertinentes. Elle peut aussi se diriger vers le système scolaire et universitaire, un sujet qui constitue un enjeu fort pour les établissements et les formations.</p>
<p>Des recherches innovantes proposent sur ce point des pistes d’action basées notamment sur la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.20140783">méthode des quotas</a> ou encore sur le <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01713068/">rôle des modèles</a>. Les travaux que nous poursuivons avec <a href="https://theconversation.com/profiles/anne-boring-222052">Anne Boring</a>, économiste à Sciences Po, visent à documenter comment se forment les trajectoires des choix d’études des étudiantes et des étudiants. Notre objectif est désormais de reconstituer l’ensemble du parcours universitaire afin de comprendre au niveau le plus fin les étapes de la composition sexuée des spécialités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis-Alexandre Erb ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des données ministérielles montrent que certaines spécialités choisies au niveau master présentent des taux de féminisation élevés mais aussi des niveaux de rémunération faibles une fois en emploi.Louis-Alexandre Erb, Doctorant en économie des inégalités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1615302021-06-22T19:15:57Z2021-06-22T19:15:57Z« Dyslexique », « hyperactif », « HPI »… Ces diagnostics qui se multiplient en milieu scolaire<p>« Dyslexique », « précoce », « troubles de l’attention » : nous avons tous déjà entendu au moins un de ces termes, le plus souvent pour qualifier un enfant rencontrant des difficultés dans le cadre scolaire.</p>
<p>Ces « diagnostics scolaires » sont décrits, explorés et soutenus par des chercheurs et praticiens de différentes disciplines (psychologie, neuropsychologie, psychiatrie, etc.) et bénéficient d’une variété de prises en charge à visée rééducative (psychomotricité, orthophonie, ergothérapie, etc.).</p>
<p>Au sein même du champ scientifique, ces diagnostics ne font pas consensus : <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/le-bonheur-des-enfants-sur-ordonnance--9782749264363-page-133.htm">l’approche principalement neurologique</a> du TDAH (trouble du déficit de l’attention/Hyperactivité) y est <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-journal-francais-de-psychiatrie-2016-2-page-113.htm">critiquée</a>, les effets et les limites des diagnostics de <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/approche-clinique-des-troubles-instrumentaux--9782100706488-page-167.htm">troubles dys-</a> et de <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/la-petite-noblesse-de-l-intelligence--9782707173072.htm">HPI</a> (haut potentiel intellectuel) y sont interrogés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/il-narrete-pas-de-bouger-il-est-toujours-dans-la-lune-et-si-mon-enfant-presentait-un-trouble-de-lattention-161217">Il n’arrête pas de bouger, il est toujours dans la lune… Et si mon enfant présentait un trouble de l’attention ?</a>
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<p>Les troubles dys – ainsi que le TDAH sont considérés comme étant des troubles du neurodéveloppement, et font l’objet de <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3161334/fr/troubles-du-neurodeveloppement-reperage-et-orientation-des-enfants-a-risque">recommandations</a> par la Haute Autorité de Santé. Les politiques publiques insistent sur la nécessité d’un repérage précoce, puis de la mise en place de <a href="https://handicap.gouv.fr/autisme-et-troubles-du-neuro-developpement/article/la-strategie-nationale">remédiations</a> et rééducations pour ce type de troubles.</p>
<h2>Un quadrillage de dispositifs</h2>
<p>Malgré l’absence de consensus scientifique, le haut potentiel ainsi que les troubles dys – figurent dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038902165/">Code de l’éducation</a>, ouvrant le droit à des aménagements des contenus et du rythme d’enseignement, ainsi qu’à des adaptations des examens terminaux pour les élèves diagnostiqués.</p>
<p>Ainsi, si ces troubles ne donnent pas systématiquement lieu à la reconnaissance d’un handicap, différentes formes de projets individualisés sont tout de même <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/16/Hebdo30/MENE%201612034C.htm">proposés dans le cadre scolaire</a>. Ces différents dispositifs révèlent l’impact réel qu’ont ces diagnostics – qui concernent environ <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/troubles-specifiques-apprentissages">5 % de la population d’âge scolaire</a> – sur le parcours des élèves concernés.</p>
<p>Cette <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-administration-et-education-2018-1-page-51.htm">médicalisation</a> des difficultés scolaires est paradoxale : en effet, tendre vers la <a href="https://www.education.gouv.fr/rentree-2019-une-annee-scolaire-sous-le-signe-de-la-reussite-12080">réussite de tous les élèves</a> passerait par un étiquetage de plus en plus exhaustif des difficultés rencontrées par chacun.</p>
<p>On peut difficilement critiquer un discours visant à aider les enfants en difficulté au nom de plus d’égalité, avec pour objectif de soutenir leur accroche à l’école et aux apprentissages. Cependant, il existe bien un paradoxe fort entre la volonté de faire réussir chaque élève et, en même temps, le découpage de plus en plus fin des catégories que l’on va attribuer à ces élèves.</p>
<p>Ce découpage va de pair avec un quadrillage de dispositifs de plus en plus serré : repérages précoces, prises en charge, adaptations pédagogiques allant jusqu’à l’adaptation des examens terminaux. Ces catégories ne sont donc pas sans effet sur ces élèves et les adultes qui les accompagnent.</p>
<h2>Un dépistage accru</h2>
<p>Quarante-sept acteurs de l’éducation et du soin <a href="http://www.theses.fr/s208755">nous ont répondu</a> sur la définition qu’ils en donnent, et leur manière de faire avec, dans leur exercice quotidien.</p>
<p>Cet échantillon comprend des enseignants en milieu ordinaire ou spécialisé, des inspecteurs de l’éducation nationale, des médecins et des psychologues scolaires, ainsi que diverses professions impliquées auprès des enfants et adolescents en difficulté scolaire – AESH, éducateurs, infirmiers.</p>
<p>Ces personnes exercent dans différents établissements (école élémentaire, collège, centre d’information et d’orientation, hôpital de jour) qui se répartissent entre secteurs rural, semi-urbain et urbain, ainsi qu’entre réseau d’éducation prioritaire (REP) et milieu plus favorisé.</p>
<p>L’analyse qualitative de ces discours permet de révéler les représentations qui traversent le monde social : explorons ce que cette catégorisation produit comme effets, dans le réel des pratiques. Tous les acteurs s’accordent sur la forte augmentation de ces troubles comme explication aux difficultés scolaires, depuis une vingtaine d’années, accompagnée d’un dépistage accru et de plus en plus précoce.</p>
<p>Une enseignante souligne que « dès qu’il y a une difficulté on cherche un trouble », résumant l’idée aujourd’hui dominante qu’une certaine part des enfants relève de troubles (diagnostiqués ou non) depuis le début des années 2000.</p>
<h2>Dépossession pédagogique ?</h2>
<p>Nos entretiens ont mis en lumière des manières très disparates de repérer ces « troubles » dans les classes, avec par exemple une forme de « diagnostic autonome » de la part de certains enseignants, sans consultation médicale, et parfois même sans bilan orthophonique.</p>
<p>Une psychologue tente d’expliquer cette tendance :</p>
<blockquote>
<p>« Ça passe rapidement dans le langage courant, et quand par exemple un élève va juste inverser deux lettres […] les enseignants, ou les parents vont avoir tendance à dire : c’est peut-être une dyslexie. »</p>
</blockquote>
<p>Selon un inspecteur de l’éducation nationale, une part conséquente d’enfants sont envisagés comme étant porteurs de troubles dys – au sein de l’école, sans même avoir rencontré de médecin pour objectiver ce diagnostic.</p>
<p>Cette tendance à la désignation spontanée d’un enfant comme dyslexique, ou encore hyperactif va de pair avec un effet de dépossession pédagogique : la majorité des enseignants ont le sentiment de manquer de formation face à ces troubles spécifiques.</p>
<p>Ils cherchent pour la plupart à se former de manière autonome, et fabriquent ou financent eux-mêmes du matériel adapté aux enfants qu’ils accueillent dans leur classe. Ces constatations pourraient rester anecdotiques si ces troubles n’étaient pas décrits – par la littérature scientifique – comme « durables », notion que s’approprie une principale de collège REP : « C’est pas curable, la dyslexie, c’est vraiment un cheminement neurologique qui est différent », partageant avec la majorité des enquêtés l’idée que tant que l’enfant sera en apprentissage, il nécessitera compensations et rééducations.</p>
<h2>Une individualisation des parcours ?</h2>
<p>Sans prétendre résumer les multiples questions soulevées par ces « troubles des apprentissages », nos résultats interrogent l’intérêt que peuvent avoir les politiques publiques à systématiser le repérage de ces troubles au sein de l’école, et proposer une variété d’aménagements et d’orientations en regard.</p>
<p>Ce repérage précoce massifié peut en effet être mis en regard du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029779752/">caractère exceptionnel du redoublement</a> depuis 2014, mais aussi des effectifs élevés dans chaque classe dès l’école élémentaire.</p>
<p>Les acteurs soulignent que l’individualisation pédagogique est ainsi rendue très difficile, alors même qu’elle est – avant toute mise en place d’un quelconque dispositif d’adaptation – la base du métier d’enseignant.</p>
<p>Le fait de reconnaître un enfant comme porteur de tel ou tel trouble produit déjà un effet, connu sous le nom d’étiquetage, selon la célèbre théorie de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Howard_Becker">Becker</a>, qui met en garde contre de potentiels <a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/outsiders--9791022610452.htm">effets de mise en conformité</a> avec l’étiquette apposée.</p>
<p>L’enfant désigné dysgraphique ou hyperactif pourrait bien avoir du mal à se dégager de cette désignation, puisqu’il bénéficiera de prises en charge spécifiques, d’interactions pédagogiques et d’adaptation des enseignements qui marqueront incessamment l’existence de son « trouble », y compris au sein de l’école et de sa famille.</p>
<p>Il ne s’agit donc pas uniquement de controverses scientifiques ou éducatives, mais bien d’un phénomène de catégorisation ayant des implications et des effets dans la scolarité des enfants et des adolescents d’aujourd’hui.</p>
<p>La multiplication des diagnostics de plus en plus précoces conditionne l’accès aux savoirs des jeunes concernés, dans le contexte d’une école permettant de moins en moins l’individualisation spontanée du rythme d’apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161530/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Charazas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si son objectif est d’apporter l’aide la plus adéquate possible aux élèves, le repérage de plus en plus précoce des difficultés scolaires peut conduire à un étiquetage des enfants qui pose question.Cécile Charazas, Attachée temporaire enseignement-recherche, doctorante en Sciences de l’éducation, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1268652020-03-08T16:55:56Z2020-03-08T16:55:56ZEn zone d’éducation prioritaire, ces excellents élèves qu’il ne faut pas oublier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318728/original/file-20200304-66106-1mjd1r9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1000%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">college eleves shutterstock</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/group-college-students-collaborating-on-project-763473283">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Lorsqu’il est question des zones d’éducation Prioritaire (<a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/education/zep/video-les-zep-deviennent-des-rep_775557.html">ZEP</a>, devenues <a href="https://www.education.gouv.fr/l-education-prioritaire-3140">REP</a> ou réseaux d’éducation prioritaire en 2015), la littérature scientifique, ou même les médias, traitent abondamment des nombreuses problématiques présentes dans les établissements scolaires de ces territoires.</p>
<p>Dans ces publications, il est souvent question de <a href="https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_2004_num_146_1_3101">difficulté</a>, d’échec, de décrochage scolaire mais également de problèmes de discipline et de violence. Sans nier la réalité de ces constats, on peut noter que les écrits traitant de la réussite dans ces écoles sont très rares. Pourtant, dans ces écoles et ces collèges, l’excellence scolaire est aussi une réalité qui mérite d’être considérée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dRkId5nvgks?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les réseaux d’éducation prioritaire. Explications par La Voix du Nord.</span></figcaption>
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<h2>Excellence avérée</h2>
<p><a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4947">Notre travail</a> est né d’une expérience de terrain. Enseignante nouvellement titularisée dans une école élémentaire classée Zone d’Éducation Prioritaire, en « zone violence », j’ai, dès mon entrée dans ce métier, été confrontée à la très grande diversité des élèves, avec des niveaux s’échelonnant de la très grande difficulté à la très grande réussite scolaire. Ainsi, je devais faire classe à 25 élèves aux acquis et besoins extrêmement différents.</p>
<p>Là où j’avais la sensation d’être armée pour soutenir les élèves en difficulté, je me suis retrouvée paradoxalement démunie pour gérer l’excellence de certains de leurs camarades. Ce constat a été le point de départ d’une longue enquête pour prendre de la distance avec ma pratique et questionner les enseignants de France sur leur manière de travailler avec les élèves en grande réussite en éducation prioritaire.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318898/original/file-20200305-106568-1rfipnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Presses universitaires de Rennes</span></span>
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<p><a href="http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4947">L’enquête</a> réalisée a récolté 2500 réponses, venues d’enseignants de toute la France (métropolitaine et Dom-Tom) travaillant en éducation prioritaire en école élémentaire. Le questionnaire les interrogeait sur plusieurs thématiques : leur gestion de la grande difficulté scolaire, de l’hétérogénéité des niveaux, de l’excellence, mais aussi leur gestion des problèmes de discipline ou leur <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01458125">rapport aux familles</a>.</p>
<p>Le premier résultat frappant est que 58,3 % des enseignants déclarent avoir, l’année de passation du questionnaire, au moins un élève en grande réussite scolaire dans leur classe. Cette proportion monte à 73,8 % disant en avoir eu au moins un depuis qu’ils sont dans leur établissement. En moyenne, les enseignants déclarent avoir 2 élèves de ce profil par an.</p>
<p>Face au nombre important de professionnels ayant participé au questionnaire, nous pouvons affirmer une présence réelle et importante d’élèves de bon niveau dans les établissements rattachés aux réseaux d’éducation prioritaire en France.</p>
<h2>Difficultés d’évaluation</h2>
<p>Les professeurs expriment une réelle difficulté à évaluer la grande réussite scolaire. Même s’ils arrivent à généraliser certains critères, comme un comportement calme et sérieux, une attitude positive, proche des attentes de l’école, et une conformité aux habitus scolaires, ils ont souvent besoin d’appuyer leurs explications sur de nombreux contre-exemples, notant que ces élèves peuvent également être agités, perturbateurs, ne respectant pas les règles de la classe.</p>
<p>Notre travail a mis en avant l’incapacité pour les enseignants de formuler une définition claire et consensuelle de l’excellence scolaire, ce qui les amène à exprimer des difficultés à mettre en place certains dispositifs à destination de ces élèves, qu’ils n’arrivent pas toujours à cibler.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-il-toujours-souhaitable-de-mettre-son-enfant-dans-une-bonne-classe-132630">Est-il toujours souhaitable de mettre son enfant dans une « bonne » classe ?</a>
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<p>Dans ce débat, l’idée d’une relativité de la notion de réussite est à prendre en compte. Les enseignants fixent eux-mêmes une barre symbolique sur une échelle de niveau à partir de laquelle l’élève est considéré en grande réussite scolaire. Chaque enseignant ne positionne pas la barre au même endroit.</p>
<p>De plus, la question récurrente du « contexte REP » dans l’évaluation est convoquée pour interroger le risque de surévaluer un élève au regard du niveau moyen de la classe, nettement inférieur au niveau moyen national.</p>
<h2>Hétérogénéité de niveau à gérer</h2>
<p>Le quotidien des enseignants en réseau d’éducation prioritaire a été étudié à travers leurs déclarations autour de trois thématiques :</p>
<ul>
<li><p>l’hétérogénéité du niveau des élèves</p></li>
<li><p>la grande difficulté scolaire</p></li>
<li><p>les problèmes de discipline.</p></li>
</ul>
<p>Ces trois thématiques apparaissent plus problématiques en réseau d’éducation prioritaire que dans les classes hors REP. C’est également en REP que les enseignants reconnaissent avoir plus de problèmes à finir le programme scolaire.</p>
<p>Selon les répondants, les élèves en grande réussite pâtissent du milieu scolaire dans lequel ils évoluent. Les enseignants disent fixer la difficulté de l’apprentissage et le rythme de l’avancée du savoir majoritairement sur ceux qui ont des difficultés, au détriment de ceux qui réussissent. Ils reconnaissent être accaparés par la grande difficulté scolaire, nécessitant beaucoup d’étayage de leur part, ce qui les empêche de s’occuper autant qu’ils le voudraient des meilleurs élèves, que l’on qualifiera « d’oubliés des enseignants ».</p>
<p>Même si les professionnels ont du mal à s’exprimer sur l’avenir scolaire de ces apprenants, une partie de la littérature n’est pas optimiste sur le sujet, relatant un <a href="https://www.leslibraires.fr/livre/483316-l-ecole-en-france-crises-pratiques-perspectiv--jean-pierre-terrail-la-dispute-snedit">nombre important</a> d’élèves de milieux défavorisés ne réussissant pas à obtenir leur baccalauréat général sans redoublement. D’autres études, <a href="https://journals.openedition.org/lectures/8398">comme celle</a> de Benjamin Castets-Fontaine, montrent au contraire que ce n’est pas le cas de tous, avec l’intégration de certains élèves issus de milieux défavorisés dans de grandes écoles françaises.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yXjEQekB55w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Cordées de la réussite : des lycéens d’éducation prioritaire découvrent les classes prépas (France 3 Nouvelle-Aquitaine).</span></figcaption>
</figure>
<p>Malgré tous ces freins, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01617194">enseignants</a> mettent en place de nombreux dispositifs pour accompagner ces élèves : des activités décrochées, des situations d’inclusion dans la classe supérieure ou encore la proposition d’un passage anticipé quand ces ajustements ne suffisent plus. Ils instaurent également une relation différente avec les élèves en grande réussite, plus exigeante qu’avec le reste de la classe, les responsabilisent davantage et développent une relation de connivence face à certaines situations.</p>
<h2>Questionnement professionnel</h2>
<p>Mais les enseignants sont nombreux à se plaindre de la difficulté à proposer ces adaptations pour répondre aux besoins de chacun. Selon eux, la tâche est lourde, difficile et chronophage. Ils interrogent la question du coût et de la rentabilité de la mise en place de certaines différenciations face au nombre d’élèves en grande réussite dans la classe.</p>
<p>Les enseignants se disent frustrés, culpabilisent, et ont un sentiment d’échec professionnel. Ils reconnaissent que cette différenciation des activités fait partie de leur métier, mais ils n’arrivent pas à la mettre en place, pour tous et à chaque fois, comme ils le souhaiteraient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseigner-une-activite-creative-116857">Enseigner, une activité créative ?</a>
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<hr>
<p>A l’heure où le terme d’inclusion évolue pour ne plus prendre en compte uniquement les élèves en situation de handicap mais tout élève à besoin éducatif particulier (dont les élèves issus de milieux défavorisés), les enseignants doivent s’adapter à tous ces profils très variés.</p>
<p>Le risque pour ces professionnels est de partir de représentations erronées pouvant nuire à leur quotidien dans la classe avec ces profils spécifiques. Il leur faut surmonter les idées reçues et arriver à mettre en place une personnalisation des enseignements, sans tomber dans l’individualisation. Un exercice qui n’est pas évident et mérite accompagnement et partages de bonnes pratiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Hache ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En matière d’éducation prioritaire, les médias et la recherche se focalisent souvent sur les difficultés des élèves. Cela ne doit pas occulter des situations de grande réussite scolaire.Caroline Hache, Maître de conférences, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1223482019-08-30T15:01:52Z2019-08-30T15:01:52ZVoici pourquoi il faut réintroduire l’écriture cursive à l’école<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/290326/original/file-20190830-165981-bb1r7v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C’est un choc pour les vieilles générations de s’apercevoir que certains jeunes sont incapables de lire une note écrite à la main.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’enseignement de l’écriture cursive – en lettres attachées - <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2167/le722.0">n’est plus à la mode dans de nombreux programmes scolaires</a>. Les anciennes générations sont parfois choquées par <a href="https://www.capebretonpost.com/living/some-provinces-dont-teach-handwriting-in-schools-but-is-it-necessary-240157/">l’incapacité de certains jeunes de signer un document officiel ou même de lire une note manuscrite</a>.</p>
<p>Certaines provinces canadiennes observent un déclin de l’enseignement et de l’apprentissage de l’écriture cursive. En Ontario, par exemple, <a href="https://www.todaysparent.com/family/cursive-writing-in-schools/">cet enseignement n’est plus obligatoire, quoique les enseignants soient libres de l’inclure</a>.</p>
<p>Cela reflète une tendance lourde, qui consiste à privilégier la communication plutôt que de <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Fa0012656">se concentrer sur l’enseignement et l’évaluation de l’écriture à la main en tant que telle</a>.</p>
<p>De la maternelle à la neuvième année scolaire, le curriculum en Alberta stipule que les étudiants y apprennent à « écouter, parler, lire et écrire ». Il envisage également des résultats qui requièrent l’écriture, comme la capacité d’établir des liens entre des idées. Mais le curriculum n’impose pas <a href="https://education.alberta.ca/media/160360/ela-pos-k-9.pdf">d’évaluation des capacités d’écriture</a>. Bien que la nouvelle ébauche du curriculum albertain de 2018 fasse mention de l’écriture cursive, <a href="https://new.learnalberta.ca/?x=3C4F9E94">elle n'est pas identifiée comme une compétence.</a></p>
<p>Au Québec, la majorité des élèves de l’école primaire <a href="http://www1.education.gouv.qc.ca/sections/prprs/index.asp?page=fiche&id=306">apprennent actuellement l’écriture script en 1re année et l’écriture cursive en 2e année</a>. </p>
<p>Au-delà de la nostalgie pour l’âge pré-numérique, il y a de bonnes raisons de réintroduire l’écriture cursive à l’école. Ayant mené, avec d’autres experts, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0162353217701201">des études sur la corrélation entre écriture et littératie</a>, j’ai découvert que le fait de développer sa maîtrise de l’écriture manuscrite, de façon à ce qu’elle devienne automatique, joue un rôle important dans la littératie. L’écriture, c’est également un élégant témoignage de l’aptitude humaine pour la littérature écrite, et un symbole inspirant de la force unique de la parole.</p>
<h2>Est-ce trop difficile?</h2>
<p>Dans notre monde de culture numérique, certains pourraient croire que l’apprentissage de l’écriture <a href="https://theconversation.com/teaching-cursive-handwriting-is-an-outdated-waste-of-time-35368">est sans intérêt et gaspille un temps d’apprentissage précieux</a>. Mais frapper la touche « d » sur un clavier <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877042814022472?via%3Dihub">ne relève pas du même processus mental que de la coucher sur papier</a>. Taper sur un clavier peut attendre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288237/original/file-20190815-136180-1qlbb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Écrire n’est difficile que ce si n’est pas automatique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Pour certains, l’écriture cursive semble être démodée et faire partie d’un certain nombre de polices d’écriture désuètes et trop dures à maîtriser, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/19411243.2012.744651">avec ses pleins et déliés difficiles pour les muscles des petites mains ainsi que pour la mémoire visuelle</a>.</p>
<p>Mais écrire n’est difficile que si ce n’est pas automatique, et par conséquent inscrit dans la mémoire à long terme. Les recherches en cours en neuroscience soulignent <a href="https://link.springer.com/article/10.1023%2FB%3ATRUC.0000021806.17516.d0">l’importance du développement de compétences automatiques, ce que les psychologues en éducation appellent le la charge cognitive</a>.</p>
<p>Ce que nous avons <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-08648-003">appris du domaine des sports</a> et des arts du spectacle souligne l’importance d’acquérir des connexions neuronales qui permettent la fluidité du mouvement. C’est la même chose avec la lecture et l’écriture : ce <a href="https://www.edubloxsa.co.za/automaticity-important-reading-learning">qui nous permet de libérer notre créativité ou d’interpréter les éléments d’une histoire est lié à notre capacité d’écrire de manière automatique</a>.</p>
<h2>Le manque de maîtrise</h2>
<p>C’est à partir de la 4ème année du primaire que les exigences cognitives s’accélèrent brusquement : les élèves doivent « livrer » vite et mieux. Or, ceux qui sont capables d’écrire couramment ont une plus grande capacité de mémoire qui leur permet de planifier, d’organiser, de réviser et de récupérer un vocabulaire sophistiqué.</p>
<p>Mes collègues et moi avons réalisé une étude auprès de 250 élèves de quatrième année dans une école en Alberta. Nous avons constaté que seulement <a href="https://doi.org/10.1080/10573569.2018.1499160">près de la moitié avaient atteint le niveau requis d'apprentissage en écriture.</a></p>
<p>Leur capacité d’écriture était insuffisante pour communiquer la complexité du vocabulaire et des idées à laquelle on s’attend d’élèves de quatrième année. La plupart des élèves disposaient d’un vocabulaire à l’oral qu’ils étaient incapables de transférer sur une page. Leur inaptitude à atteindre le niveau d’expression requis à ce stade de leur scolarité est associé à un phénomène que les chercheurs nomment le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00131720802539648">« marasme de quatrième année »</a>, une baisse des résultats dont les élèves risquent de ne pas se remettre.</p>
<h2>Améliorer les résultats de littératie</h2>
<p>Les écoles peuvent faire mieux, en commençant tôt. Il ne s’agit pas seulement d’enseigner l’écriture cursive, mais aussi de mettre plus d’accent sur toutes les écritures imprimées, l’épellation et le développement de la dextérité. Cette approche est essentielle pour établir les bases de la littératie entre la maternelle et la troisième année.</p>
<p>Si l’on souhaite atteindre de meilleurs résultats académiques en quatrième année, il faut, sur la base de ces compétences acquises plus tôt, enseigner aux jeunes élèves à attacher leurs lettres de façon à obtenir une écriture lisible et fluide.</p>
<p>Steven Graham, un expert de l’éducation spécialisée, de la littératie et de l’écriture à l’université de l’État de l’Arizona, suggère de commencer par enseigner <a href="https://www.aft.org/sites/default/files/periodicals/graham.pdf">l’écriture manuscrite traditionnelle</a> pour ensuite passer à ce qu’il appelle <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00220679809597556">l’écriture mixte principalement manuscrite</a>, où l’élève apprend à écrire avec un trait continu.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=894&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288829/original/file-20190820-170941-1m7c6dg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1123&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un exemple de la transition vers l’écriture cursive.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Sibylle Hurschler Lichtsteiner)</span></span>
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<p>De même, l’experte en alphabétisation précoce <a href="https://www.researchgate.net/profile/Sibylle_Hurschler_Lichtsteiner">Sibylle Hurschler Lichtsteiner</a> donne l’exemple d’une transition entre <a href="https://www.is1401eln.eu/fotos/editor2/hurschler_lichtsteiner_et_al.pdf">lettres manuscrites et lettres attachées</a>. C’est une évolution naturelle, avec un soutien académique, du style initial d’écriture des enfants de 2ème et 3ème année du primaire. Une fois que les jeunes enfants ont intériorisé mentalement ces formes de lettres, ils peuvent, avec un peu de pratique, généraliser et reconnaître divers types d’écriture cursive.</p>
<h2>Le pouvoir du crayon</h2>
<p>Il existe des témoignages sur le pouvoir de l’écriture cursive. Le film <em>Saving Private Ryan</em> (<em>Il faut sauver le soldat Ryan</em>) a rendu célèbre l’histoire de <a href="https://www.lincolncollection.org/collection/creator-author/item/?cs=B&creator=Berry+Brothers%2C+Ltd.&item=56750">la lettre à Mme Bixby</a> écrite à la mère de garçons tués durant la Guerre de Sécession. Bien que les historiens ne s’entendent pas à savoir qui est l’auteur de cette missive, le président américain Abraham Lincoln ou <a href="https://www.americanheritage.com/trouble-bixby-letter">l’un des membres de son entourage</a>, l’intérêt soutenu qu’elle a suscité au fil des ans témoigne de l’importance de l’écrit manuscrit, qui permet d’exprimer sa personnalité et son attention tout en frappant l’imaginaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=478&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288820/original/file-20190820-170906-f4asfc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=601&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Copie officielle de la lettre que l’on croit écrite par Abraham Lincoln à une mère endeuillée, lettre contenue dans les archives du Hall of State Fair Park à Dallas au Texas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Tony Gutierrez)</span></span>
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<p>De nos jours, c’est la plus jeune lauréate jamais récompensée par le prix Nobel, Malala Yousafzai, qui nous le rappelle :</p>
<blockquote>
<p>“Un enfant, un enseignant, un livre et un crayon peuvent changer le monde.” </p>
</blockquote>
<p>Si la reconnaissance mondiale de Yousafzai est d’abord le fruit de son blogue, c’est dans son livre <em>Le crayon magique de Malala</em> qu’elle établit une connexion entre l’élégance et la qualité de l’écriture d’un enfant et sa puissance d’agir.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=662&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/288210/original/file-20190815-136217-6l1am2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=832&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Le crayon magique de Malala</em> par Malala Yousafzai.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Brown Books for Young Readers)</span></span>
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<p>L’écriture de Yousafzai est désormais symbolique de son plaidoyer. Elle démontre la force de l’apprentissage de l’écrit, sa relation profonde à l’identité humaine, et son pouvoir de rappeler au monde la puissance d’agir pour le bien. Bien avant elle, c’est la jeune <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/how-anne-franks-diary-changed-the-world-180957215/">Anne Frank qui en a fait de même dans son journal</a>.</p>
<p>Nous handicapons nos enfants en faisant abstraction du savoir de ceux qui nous ont précédés. Ceux qui apprennent à épeler et à écrire de manière lisible et fluide seront mieux outillés pour s’exprimer avec confiance et surmonter les petits irritants, comme la perte de courant d’un objet numérique.</p>
<p>Il est grand temps de remettre l’écriture cursive au curriculum à travers le Canada.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122348/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hetty Roessingh reçoit une subvention de l'Alberta Teachers' Association (subvention AACES) et du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p>Développer sa maîtrise de l’écriture manuscrite, de façon à ce qu’elle devienne automatique, joue un rôle important dans la littératie.Hetty Roessingh, Professor, Werklund School of Education, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1162472019-05-30T21:27:24Z2019-05-30T21:27:24ZPourquoi faut-il relier migration et éducation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271763/original/file-20190430-136781-1175h15.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C3000%2C1742&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Université de l’Illinois à Springfield (2014)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/illinoisspringfield/14215233055/in/photolist-nE9Mx6-UcuQui-27UB1uP-814DQg-UK9Xu2-eo5nRz-bUHdka-eoZXBg-KdL1DE-irXPUC-nH5ZgL-c31nBJ-25RtfjH-UzhDkg-JZEc7o-25Rtg2p-JZyb4d-WTh8g8-25sy5me-6zFFwt-28fHmo1-2mQ1T-29dkLP3-9ThcZr-28fHnBJ-UzhNZr-M8iHQA-M9NNK1-UsAdkY-28fHmBC-UwcVWe-28fHo5Y-TBL2Xq-WFrjPi-WFrgRK-25RtfaK-UNGz1j-8152uz-epWbNf-24zhw9Q-M9NS45-JZAbHA-M8iKes-TstmHj-27T7cHz-Q3YJfq-JF1Zfi-27fSZd3-ekahU1-27UBre8">www.flickr.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans les récents débats sur les <a href="https://theconversation.com/debat-hausse-des-frais-de-scolarite-pour-les-etudiants-etrangers-le-choix-de-lattractivite-contre-luniversalisme-108574">frais de scolarité des étudiants étrangers en France</a>, les <a href="https://theconversation.com/le-pacte-mondial-pour-les-migrations-des-polemiques-et-des-avancees-108350">pactes Mondiaux sur les migrants et les réfugiés</a> ou encore les discussions sur la <a href="https://theconversation.com/diaspora-et-mobilite-enrichir-la-recherche-africaine-110308">fuite des cerveaux</a>, la relation entre migration et éducation est centrale, mais insuffisamment réfléchie.</p>
<p><a href="https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers">Les dernières recherches sur la question</a> montrent à quel point les liens sont complexes, mais pourtant cruciaux pour mieux relier politiques migratoires et politiques éducatives.</p>
<h2>Des migrants au niveau d’éducation de plus en plus élevé</h2>
<p>Si la migration internationale mondiale n’a que <a href="https://migrationdataportal.org/themes/international-migrant-stocks">très modestement augmenté</a> au cours des dernières décennies par rapport à la population, le niveau éducatif des migrants des pays en développement vers les pays développés s’est lui <a href="https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers">considérablement amélioré</a>. Celui-ci est ainsi maintenant très proche du niveau moyen dans le pays d’accueil.</p>
<p><em>Part des migrants ayant un niveau d’éducation tertiaire dans 20 pays de l’OCDE, par région d’origine</em></p>
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<span class="caption">B. Nilsson, « Education and migration : insights for policymakers », AFD Research Papers Series, No. 2019-88, January 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers</span></span>
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<p>Entre pays en développement, la même sélectivité éducative peut être observée avec des taux d’émigration des diplômés du supérieur largement supérieurs aux taux d’émigration du reste de la population.</p>
<p><em>Part de la population ayant un niveau supérieur, sélection de pays africains, population résidente et population migrante dans un autre pays africain</em></p>
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<span class="caption">B. Nilsson, « Education and migration : insights for policymakers », AFD Research Papers Series, No. 2019-88, January 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers</span></span>
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<h2>Quels sont les effets de l’éducation sur la migration ?</h2>
<p>Les effets de l’éducation sur la propension à la mobilité sont très visibles. Comparés aux diplômés du primaire, les <a href="https://fr.unesco.org/gem-report/node/1878">diplômés de l’enseignement supérieur ont ainsi près de deux fois plus tendance à connaître une mobilité à l’intérieur de leur pays et cinq fois plus une mobilité internationale</a>.</p>
<p>Cette situation est expliquée par des incitations à la migration propres aux diplômés : de <a href="https://www.nber.org/chapters/c6663.pdf">meilleurs rendements éducatifs</a> (certains pays valorisant mieux les compétences), un coût relatif moindre à la migration (les diplômés ayant une épargne plus importante et plus mobile), un meilleur accès à l’information, ou encore des préférences différentes.</p>
<p><a href="https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers">La sélectivité éducative des politiques migratoires est un autre facteur explicatif important</a>. Ainsi dans un certain nombre de pays d’accueil (par exemple au Canada et en Australie), l’admissibilité des immigrants est basé sur un <a href="https://www.bbc.com/news/uk-politics-29594642">système à point</a> dans lequel le niveau d’éducation joue un rôle central.</p>
<p>À l’inverse, la migration peut également être vue comme un moyen d’acquérir un meilleur niveau d’éducation comme c’est le cas pour les étudiants internationaux. L’éducation devient alors une motivation à la mobilité internationale. Le nombre d’étudiants en mobilité internationale est ainsi passé de 1,2 million en 1990 à 5 millions en 2014 avec une participation en <a href="http://download.ei-ie.org/Docs/WebDepot/EaG2016_EN.pdf">forte hausse accrue d’étudiants asiatiques et d’Amérique latine</a>.</p>
<h2>Quels sont les effets de la migration sur l’éducation ?</h2>
<p>En lien avec cette sélectivité éducative des migrants, la question centrale se situe au niveau de l’effet net entre les aspects négatifs (<em>brain drain</em>) et les effets positifs (<em>brain gain</em>) qui dépend alors de l’activité économique, des dépenses publiques, des taxes perçues et des incitations à investir dans l’éducation.</p>
<p>Les travaux récents suggèrent que cette émigration peut apporter un bénéfice net au pays d’origine, notamment <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304387897000217">si elle crée une demande d’éducation chez les individus se voyant potentiellement migrer à l’avenir</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers">transferts de fonds des diasporas mais aussi le retour</a> peuvent également impacter positivement la situation éducative des pays d’origine. Au Salvador, il a ainsi été estimé que pour chaque dollar reçu en remises de fonds, les dépenses d’éducation <a href="https://www.nber.org/papers/w20262.pdf">ont augmenté de 3,72 dollars</a>. La migration de retour des diplômés, qui ont accumulé du capital et des compétences à réinvestir, peut aussi améliorer le capital humain des pays d’origine.</p>
<p>Avec des effets positifs ou négatifs selon les lieux de mobilité, des transferts de normes éducatives peuvent également être observés. Ainsi une <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jcecon/v46y2018i4p1006-1029.html">étude sur la Jordanie</a> montre que les filles dont les pères avaient migré dans des pays plus conservateurs sur le rôle des femmes (dans les pays du Golfe par exemple) ont une plus forte probabilité d’abandonner l’école.</p>
<p>L’absence d’un, voire des deux parents, peut également impacter négativement la situation des enfants restés au pays via un suivi éducatif plus faible ou une charge de travail plus importante des enfants au sein du ménage. En <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-9914.2010.00504.x">Albanie</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1043951X14000923">Chine</a>, où la migration temporaire est très importante, on observe un effet négatif sur la scolarisation des enfants. Un effet inverse à toutefois été trouvé notamment au <a href="https://www.nber.org/papers/w22049.pdf">Malawi</a> et en <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/5770">Nouvelle-Zélande</a>.</p>
<p>La migration impacte également les systèmes éducatifs au travers du nombre d’enfants à intégrer dans les systèmes nationaux. Ainsi dans la majorité des pays de l’OCDE il y a au moins un <a href="https://fr.unesco.org/gem-report/node/187">élève sur cinq âgé de 15 ans qui est un immigrant de première ou deuxième génération</a>.</p>
<p><em>Répartition des élèves âgés de 15 ans en fonction de leur origine, 2015</em></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=340&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271744/original/file-20190430-136784-pqdgjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=427&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Unesco, « Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2019 : Migration, déplacement et éducation : bâtir des ponts, pas des murs ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">https://fr.unesco.org/gem-report/node/1878</span></span>
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</figure>
<p>Des pays comme le <a href="https://fr.unesco.org/gem-report/node/187">Liban ou l’Éthiopie voient aussi leur système éducatif mis sous pression</a> par l’arrivée massive d’enfants réfugiés à prendre en charge.</p>
<p>Dans le cas d’une arrivée significative de migrants dans un système éducatif et si les dépenses publiques ne sont pas augmentées en conséquence, il est possible d’observer une certaine congestion dans les classes et donc une baisse de la qualité.</p>
<p><a href="https://fr.unesco.org/gem-report/node/187">L’intégration éducative des enfants de migrants est alors un enjeu important</a>, la prise en compte des coûts d’adaptation (à une nouvelle langue, à un nouveau système éducatif), l’accès à l’information et les diverses discriminations sont alors déterminants.</p>
<p>Selon leur âge d’arrivée dans le pays, la langue parlée à la maison et le niveau éducatif des parents, ces deuxièmes générations de migrants peuvent parfois avoir un niveau éducatif inférieur à celui des natifs du pays.</p>
<p>Toutefois en contrôlant par la situation socio-économique, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/imre.12107">il ne semble plus y avoir d’écart</a>.</p>
<p>Ainsi, des études menées au <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-0297.2009.02271.x">Royaume-Uni</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0927537115000305">Autriche</a> ne trouvent aucun effet sur les élèves natifs, alors qu’on peut observer un léger effet négatif sur les élèves issus de la migration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271765/original/file-20190430-136807-gncdva.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des enfants dans une salle de classe du camp de réfugiés de Za’atri, qui accueille des dizaines de milliers de Syriens déplacés par le conflit, près de Mafraq, en Jordanie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nations unies</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>A la suite de la scolarisation d’enfants de migrants dans l’enseignement public, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00168-012-0514-4">augmentation des inscriptions des populations natives dans l’enseignement privé est parfois observée</a>. Ces effets s’observent toutefois seulement si l’afflux de migrant et très important et très concentré dans de petites municipalités.</p>
<h2>Comment mieux relier politiques migratoires et politiques éducatives ?</h2>
<p>Alors que l’éducation et la migration sont étroitement liées, ces deux sujets sont la plupart du temps pensés de manière indépendante.</p>
<p>La multiplicité des canaux d’influence, associée à la grande variabilité des situations selon les pays et individus, démontrent pourtant qu’il est nécessaire de beaucoup mieux intégrer les stratégies éducatives et les stratégies migratoires des pays tant pour les migrants, que pour les populations des pays d’accueil et de celles restées <a href="https://www.afd.fr/en/education-and-migration-insights-policymakers">dans les pays d’origine</a>.</p>
<p>Au niveau des politiques éducatives, les principes centraux sont alors de mieux reconnaître, protéger et inclure les enfants en situation de migration, de reconnaître leurs qualifications, mais aussi mieux de former les enseignants et de piloter l’<a href="https://fr.unesco.org/gem-report/node/187">offre éducative pour répondre à cette problématique spécifique</a>.</p>
<p>Cette éducation inclusive peut alors être vue comme un « outil de gestion des migrations » et nécessiterait une répartition équilibrée des migrants au sein des établissements éducatifs.</p>
<p>Du côté des politiques migratoires dans les pays d’origine, les politiques destinées à réduire la mobilité des diplômés des supérieurs (quotas, mesure coercitive, subventionnement des salaires) ont démontré <a href="https://www.cgdev.org/publication/case-against-taxes-and-quotas-high-skill-emigration-working-paper-363">des résultats assez mitigés</a>.</p>
<p>En revanche, les incitations au retour des migrants qualifiés de certains pays comme la Chine, l’Inde ou la Corée du Sud (acquisition simplifiée de double nationalité, incitations fiscales, facilité d’investissement et d’acquisition de droits de propriété) ont démontré des <a href="https://cmsny.org/publications/2018smsc-smc-return-migration">résultats prometteurs</a>.</p>
<p>Dans les pays d’accueil, si certaines politiques sélectives de visa peuvent avoir des conséquences sur la « bataille des talents », c’est-à-dire la capacité des états à attirer certaines catégories de migrants, les politiques migratoires semblent n’avoir qu’un impact limité sur les flux migratoires.</p>
<p>Finalement <a href="http://www.oecd.org/migration/mig/migration-policy-debate-15.pdf">des innovations de type « Skill mobility partnership »</a>, un processus par lequel les pays de destination contribuent à l’acquisition de compétences par les migrants potentiels dans les pays d’origine, pourrait être une façon de mieux mettre en lien, via des contrats, des pays ayant de la main-d’œuvre à former en interne et des pays en pénurie de ces compétences.</p>
<p>En assurant un emploi dans le pays d’accueil et en rémunérant la formation là où elle est la moins coûteuse, ce genre de contrat pourrait participer à la construction d’une offre éducative de qualité dans les pays d’origine et créer des incitations à investir dans l’éducation. De plus, il est montré qu’une partie de cette main-d’œuvre formée à des standards internationaux pour l’expatriation reste en fait dans le pays d’origine et participe donc à son développement humain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116247/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les liens entre migration et éducation sont multiples, mais négligés, il est essentiel de mieux relier les politiques migratoires et les politiques éducatives.Rohen d’Aiglepierre, PhD, chargé de recherche « Développement Humain » / "Human Development" reseacher, Agence française de développement (AFD)Anda David, Chargée de recherche, Agence française de développement (AFD)Björn Nilsson, Development economist, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1160012019-04-28T20:11:25Z2019-04-28T20:11:25ZL’école et « le sentiment d’appartenance à l’Union européenne »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/271009/original/file-20190425-121258-187pjcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C8%2C997%2C580&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A l'horizon 2024, la moitié d’une classe d’âge devra avoir passé au moins six mois dans un autre pays européen, selon les objectifs fixés par le ministère de l'Education.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En proposant la création d’un « espace éducatif européen » juste après la signature du traité de Maastricht, la Commission européenne – suivie par les ministres et le Parlement européen – a choisi dès 1994 de privilégier toutes les initiatives, linguistiques et culturelles, qui, de l’école à l’université, « contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance à l’Union européenne » selon les propres termes d’<a href="https://www.persee.fr/doc/refor_0988-1824_1995_num_18_1_1255">Antonio Ruberti</a>, alors commissaire européen à l’Éducation et à la Formation, dans <em>Le Monde</em> du 23 juin 1994.</p>
<p>Le décret d’application du 11 juillet 2006 de la loi d’orientation (dite loi Fillon) relatif au socle commun de connaissances et de compétences relaie ce cap, indiquant – quant aux « compétences sociales et civiques » – qu’il s’agit aussi de « développer le sentiment d’appartenance à son pays, à l’Union européenne, dans le respect dû à la diversité des choix de chacun et de ses options personnelles ».</p>
<p>Idem pour la loi d’orientation qui a suivi, celle de juillet 2013. Portée par Vincent Peillon, elle dispose que :</p>
<blockquote>
<p>« L’Ecole doit favoriser l’intégration des futurs citoyens français dans l’espace politique de l’Union européenne […]. Elle assure conjointement avec la famille l’éducation morale et civique qui comprend, pour permettre l’exercice de la citoyenneté, l’apprentissage des valeurs et symboles de la République et de l’Union européenne ».</p>
</blockquote>
<h2>Les programmes de 2015</h2>
<p>Qu’en est-il des programmes scolaires de l’école obligatoire, parus en 2015 ? En quatrième, dans le programme d’histoire, l’un des libellés des trois grands thèmes à étudier comprend l’Europe (« L’Europe et le monde au XIX<sup>e</sup> siècle »), deux des huit questions à traiter durant l’année y sont liées : « L’Europe des Lumières » et « L’Europe et la révolution industrielle ».</p>
<p>En troisième, toujours en histoire, l’un des libellés des trois grands thèmes porte à nouveau sur l’Europe – « L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945) » – et l’une des neuf questions à traiter durant l’année la concerne directement : « Affirmation et mise en œuvre du projet européen ».</p>
<p>En géographie, en cette dernière année de collège, l’un des trois principaux sujets, « La France et L’Union européenne », se décline en deux questions (sur les sept à traiter durant l’année) : « La France et l’Europe dans le monde », « L’Union européenne, un nouveau territoire de référence et d’appartenance ». À propos de ce sujet, il est précisé que :</p>
<blockquote>
<p>« L’analyse géographique permet d’aborder l’Union européenne dans une perspective de construction et de politiques territoriales. Cette étude est complémentaire de celle menée au thème 2 d’histoire (« Affirmation et mise en œuvre du projet européen ») pour cette même classe de troisième. On présente les caractéristiques du territoire de l’UE en insistant sur la position du territoire français dans cette géographie européenne et le potentiel que l’UE représente pour notre pays. »</p>
</blockquote>
<h2>Une construction en cours</h2>
<p>Mettre ces programmes en œuvre selon l’orientation définie dès 2006, à savoir en développant « le sentiment d’appartenance à l’Europe », ne va pas de soi. C’est ce que reconnaissait implicitement le texte même du décret d’application de la loi d’orientation, précisant : « dans le respect dû à la diversité des choix de chacun et de ses options personnelles ».</p>
<p>Comme le soulignait dès 2009 Dominique Rolin (qui avait été le secrétaire général de feu le Conseil national des programmes) dans <em>L’Ecole des parents</em>, en février 2009,</p>
<blockquote>
<p>« L’Europe n’est pas un savoir scientifique ; et en plus sa construction n’est pas achevée. Ainsi, au lieu de pouvoir s’appuyer sur un corpus scientifique pour construire leurs cours, les enseignants sont amenés à intégrer leurs positions personnelles, avec toutes les conséquences en termes de pluralité que cela entraîne. »</p>
</blockquote>
<p>L’Europe « n’est pas le seul sujet d’enseignement qui confronte les professeurs à ce type de difficultés, ajoute Dominique Rolin : par exemple la sécurité routière, l’éducation à la santé ou à la sexualité sont du même ordre ; elles se réfèrent également à des choix de société et non à des savoirs universitaires établis ».</p>
<h2>Séjours scolaires</h2>
<p>Toujours est-il que les ministres de l’Education nationale sont régulièrement interpellés par des parlementaires à ce sujet, en particulier lorsque les élections européennes se rapprochent. Il y a un an, lors des questions au gouvernement du 16 mai 2018 à l’Assemblée nationale, Marguerite Deprez-Audebert, députée Modem du Pas-de-Calais, a ainsi interpellé le ministre de l’Education nationale Jean‑Michel Blanquer sur la façon « de donner envie d’Europe à notre jeunesse » en faisant valoir que 73 % des 18-35 ans n’ont pas voté en 2014.</p>
<p>En réponse, le ministre de l’Éducation nationale a affirmé qu’il était « tout à fait primordial d’ancrer l’idée européenne chez les jeunes, en leur faisant bien comprendre qu’il y va de leur avenir » et qu’une telle action de sensibilisation fait partie intégrante de la « stratégie » qu’il a élaborée avec le Chef de l’État dont l’objectif est le suivant :</p>
<blockquote>
<p>« À l’horizon 2024, chaque étudiant devra parler deux langues européennes en plus de la sienne ; et la moitié d’une classe d’âge devra avoir passé au moins six mois dans un autre pays européen que le sien. »</p>
</blockquote>
<p>Jean‑Michel Blanquer précise même qu’il faut « favoriser la mobilité en soutenant les associations qui le font » et en fixant des objectifs « au sein même de l’Education nationale », à l’instar de celui qu’il a décidé pour l’année scolaire 2018-2019 : 12 % des élèves du second degré, soit 700 000 élèves, devront avoir effectué un séjour à l’étranger ». Pari tenu ? On ne sait.</p>
<h2>Arts et histoire</h2>
<p>Le ministre de l’Education nationale a enfin ajouté que dans sa l <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/03_-_Mars/52/5/Transcription-saisine-CSP-lycee-28-2-18_923525.pdf">ettre de saisine</a> du Conseil supérieur des programmes de mars 2018, il avait demandé que soient établis des contenus « qui contribueront à la formation intellectuelle et civique des jeunes générations et leur donneront les clés pour comprendre le monde dans lequel ils vivent », en soutenant qu’il s’agissait d’« assurer la transmission de contenus académiques et disciplinaires solides, ouverts sur l’Europe, et pleinement ancrés dans les enjeux mondiaux de notre temps ». Soit. Mais en l’occurrence, cela relève du lycée, donc pas de la scolarité obligatoire qui s’adresse à tout le monde. Rien n’est simple.</p>
<p>D’autres voies sont sans doute possibles. Certains mettent l’accent sur le pouvoir « rassembleur » de certaines entrées culturelles de l’histoire de l’Europe : le roman et le gothique, la Renaissance et les Lumières, le romantisme, sans compter l’art nouveau, le cubisme et l’expressionnisme, le surréalisme, l’art déco…</p>
<p>Et l’on a même vu l’historien François Lebrun (membre lui aussi de feu le « Conseil national des programmes ») évoquer dans la très sérieuse revue <em>Le Débat</em> de novembre 1995 la possibilité d’un « Tour de l’Europe par deux enfants » qui pourrait jouer un rôle analogue à celui qu’avait joué le manuel de lecture courante <em>Le Tour de la France par deux enfants</em> pour affermir et faire connaître la « patrie » France sous la III<sup>e</sup> République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Europe, un horizon abstrait pour les jeunes ? C’est en tout cas une réalité bien ancrée dans les programmes scolaires d’histoire et géographie.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/955452018-07-11T23:34:27Z2018-07-11T23:34:27Z« Chacun son rythme » : la maternelle version allemande<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226696/original/file-20180709-122265-1lk6y5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C27%2C4542%2C3019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une fois terminés les rituels du matin, les jeunes inscrits des "jardins d'enfants" sont libres de choisir leur activité. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock.com</span></span></figcaption></figure><p>Si les programmes enseignés varient d’un pays à l’autre, tout système scolaire s’articule autour de deux objectifs principaux : d’une part, transmettre des savoirs aux élèves, dans de multiples champs, des arts aux sciences, et, d’autre part, les aider à grandir et à « vivre ensemble ». En ce qui concerne l’accueil des plus jeunes, la <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-4-page-46.htm">grande différence de l’école allemande avec sa voisine d’outre-Rhin</a> consiste à mettre l’accent sur la socialisation et le bien-être de l’enfant plus que sur les <a href="http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940">compétences à acquérir</a>. Cet écart apparaît dans la dénomination même des établissements. Ainsi, si les jeunes Français rejoignent dès leurs trois ans une « école » au sens propre du terme, les <a href="http://www.leparisien.fr/societe/l-allemagne-invente-la-maternelle-a-la-carte-08-09-2008-205969.php">Allemands de trois à six ans fréquentent des <em>Kindergarten</em></a>, ou « jardins d’enfants ». Et leurs journées suivent des emplois du temps beaucoup moins cadrés.</p>
<p>Alors que les horaires sont assez stricts en France, et que chaque famille est tenue de les respecter pour ne pas perturber la classe, en Allemagne, les parents sont libres d’amener leurs enfants chaque matin plus ou moins à l’heure qu’ils souhaitent, sachant que le petit déjeuner a lieu vers 9h. En effet, dans l’Hexagone, si la collation matinale a été remise en question face aux enjeux d’équilibre alimentaire – et n’est désormais <a href="http://www.education.gouv.fr/cid115024/education-nutritionnelle.html">« ni systématique, ni obligatoire », comme le précise l’Éducation nationale</a> – elle reste un rituel important outre-Rhin.</p>
<h2>Libre choix d’activités</h2>
<p>Le petit déjeuner se veut un moment de convivialité et de découvertes. D’abord, les volontaires s’organisent pour aller en cuisine et apporter dans la salle de classe les corbeilles de pain, la confiture, la charcuterie, le lait ou encore les couverts. Lorsque tout est mis en place, chacun s’installe autour de la table et l’enseignante fait passer le pain. Une fois qu’il s’est servi, le premier élève transmet la corbeille à son voisin ou à sa voisine en citant son prénom – « pour Anika » (zu Anika), par exemple – et ainsi de suite jusqu’au dernier plat. Au fur et à mesure, la responsable du groupe va aussi expliquer comment la boulangère cuit le pain, parler des ingrédients utilisés pour faire la confiture ou encore commenter leur goût, du sucré au salé.</p>
<p>S’instaurent aussi de petits échanges, à partir de jeux et devinettes, tandis que les enfants partagent les fruits qu’ils ont eux-mêmes amenés le matin. À la fin du repas, les enfants qui le souhaitent aident à débarrasser, pendant que les autres nettoient la table. Ensuite vient l’heure de la toilette, et enfin débutent les activités, avec, comme pour l’accueil du matin, un leitmotiv : « à chacun son rythme ». De même, après le petit déjeuner et sans avoir une autorisation à demander, les enfants vont jouer dans la salle qui les intéresse. En général il y a une salle de jeux et de repos avec des déguisements, des poupées et des poussettes, des matelas, etc. Il y a aussi une salle de gym et une salle de musique.</p>
<p>L’espace est assez ouvert, les enfants peuvent déplacer leurs poupées dans la salle de gym, transporter les matelas et les poser sous le piano, rouler en patinette au milieu des couloirs, ou encore aller dans la cuisine se servir de l’eau lorsqu’ils ont soif. Tout cela est normal, les seules règles, ce sont le confort et l’hygiène. C’est pour cela que tous portent des chaussons ou restent en chaussettes. Ils peuvent aussi s’installer dans les autres classes et faire différentes activités.</p>
<h2>Mettre les élèves à l’aise</h2>
<p>En France chaque enfant doit rester dans sa classe, et les groupes sont organisés par niveau, de <a href="http://eduscol.education.fr/cid103171/ecole-maternelle.html">la petite à la grande section</a>. En Allemagne, jusqu’à six ans, les élèves ont eux aussi une classe attitrée mais, selon les activités qu’ils veulent suivre, ils peuvent se joindre à un autre groupe. Dans certains jardins d’enfants, les enfants ne sont pas répartis par âge et l’on peut très bien retrouver des enfants de trois ans ou de sept ans dans la même classe.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=lJPrI1pThcc">En élémentaire (ou Grundschule)</a>, le mot d’ordre est toujours de privilégier le confort des enfants. Dès l’entrée, le sol de certaines écoles est même complètement recouvert de tapis. L’accueil se fait dans le hall, où les enfants peuvent s’asseoir à côté des aquariums qui y sont disposés, échanger et se mettre dans de bonnes conditions, en écoutant de la musique. Pour aller en classe, ils mettent leurs chaussons. Les cours sont dispensés uniquement le matin, tous les enfants déjeunent à l’école et rentrent chez eux vers 13h00.</p>
<p>Si les parents le souhaitent, il peuvent inscrire leurs enfants l’après-midi, où les activités proposées sont purement récréatives. Certaines écoles en proposent trois différentes après le déjeuner, de la sieste aux jeux en passant par le dessin. Quelques écoles incluent l’apprentissage d’un instrument dans le programme scolaire, une fois par semaine. Ce sont des étudiants du conservatoire qui dispensent cet enseignement. L’enfant découvre puis choisit son instrument – violon, clavier, flûte ou batterie – qu’il peut amener chez lui pour s’entraîner tout au long de l’année.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yelly Hernandez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que vient de se clore le congrès de l’Association des enseignants de maternelle (AGEEM), dédié cette année au jeu, regard sur un autre système éducatif, qui mise sur l’autonomie de l’enfant.Yelly Hernandez, Docteur en Sciences du Langage, Laboratoire MoDyCo, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/976542018-06-25T20:51:13Z2018-06-25T20:51:13ZPays en crise et éducation : quels rôles pour l’aide internationale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223008/original/file-20180613-32316-1ee4z55.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des agents des Nations Unies organisant des sensibilisations à l'éducation sexuelle dans une école de Bangui.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/un_photo/37643827780/in/photolist-2MiuYU-4NH1tq-4NCN2B-4RDrcE-4NCQmM-iYzAki-ZEUnhh-Zmsszf-iYAsUq-6gXAJ7-dLx6jh-iYAsDA-Zmssvs-iYyjSP-4RDvEw-PpCtM-2CzyWB-Pp3k3-PpCKM-Ps2cv-8FszJu-iYCdAU-Zmssyo-ZEUnfo-ZEUnky-ZmsstJ-ZmsszW-ZmssD3-38o1Uz-6gYAwU-2cBiMi-2iP6MN-fnv2go-38nYEX-38nWar-6gUnRK-6gYzm9-6gUsq8-6gTnRi-6gUqXV-JcSg5J-r6Nrzo-eRo7G8-qPVekp-oL8F1m-8FszV9-J6XUzq-LeQ3HQ-JfShz8-J6XUh1">UN Police (UNPOL) </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Plus de la moitié des enfants non-scolarisés dans le monde vivent dans des pays touchés <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0023/002324/232433f.pdf">par des crises</a>. Rien que pour les situations de conflits, l’UNICEF estime que plus de <a href="https://news.un.org/fr/story/2017/04/356282-plus-de-25-millions-denfants-non-scolarises-en-raison-des-conflits-selon">25 millions d’enfants dans 22 pays affectés par les conflits sont hors des écoles</a>. Au-delà des situations de violence, beaucoup d’autres types de crises, qu’elles soient économiques, politiques, sociales ou encore naturelles peuvent fortement <a href="https://www.odi.org/publications/9278-investment-education-emergencies">impacter l’accès, la qualité et l’équité des systèmes éducatifs</a>. Dans ce jeu d’interactions entre crises et éducation, l’évolution des montants d’aide internationale et le comportement des acteurs internationaux du développement jouent un rôle important qu’il convient de <a href="https://www.afd.fr/en/macroeconomic-crisis-primary-education-and-aid-effectiveness">mieux comprendre</a>.</p>
<h2>Quel impact des crises sur l’éducation ?</h2>
<p><a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/media/57a08b1740f0b64974000970/60828_Youth-Evidence-Review-Final.pdf">La stabilité macroéconomique des pays apparaît comme l’un des déterminants les plus importants de l’accumulation du capital humain</a>. Au-delà de l’incapacité des enfants de se rendre à l’école et de l’interruption complète des systèmes éducatifs, la simple contraction de l’activité économique et des dépenses publiques peut avoir un impact dévastateur sur l’éducation à travers l’augmentation des coûts et la baisse du revenu des ménages et des rendements attendus de l’éducation. Si pour certaines crises économiques, un effet positif sur la scolarisation a été observé via le coût d’opportunité (les adultes nouvellement sans emploi reprennent une partie des activités économiques des enfants qui ont donc plus de temps pour être scolarisés), la <a href="https://www.afd.fr/en/macroeconomic-crisis-primary-education-and-aid-effectiveness">plupart des résultats internationaux montrent un effet très négatif des crises sur l’accès, la qualité et l’équité</a>, en particulier pour les ménages les plus pauvres et les filles. <a href="http://www.oecd.org/publications/states-of-fragility-2015-9789264227699-en.htm">Les pays qui accusent le plus de retard en matière de réduction de la pauvreté ou d’éducation sont ainsi les plus confrontés aux crises</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223018/original/file-20180613-32347-53nlc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manar, 11 ans, et ses amis dans leur école endommagée à Gaza.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Oxfam International</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, l’éducation peut avoir un rôle de stabilisateur, ou au contraire d’instabilité. <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001913/191341e.pdf">Lorsqu’elle est inéquitable, perçue comme inadaptée à la demande par certains groupes ou qu’elle transmet des messages susceptibles de nourrir la violence, l’éducation peut être un des déterminants d’une prochaine crise</a>.</p>
<h2>Quel impact des crises sur l’aide internationale ?</h2>
<p>Du côté des pays du nord, les études montrent qu’une crise dans un pays donateur réduit significativement le volume de son aide offerte à l’international. Du côté des pays du sud, les recherches montrent que les flux d’aide sont plutôt pro-cycliques par rapport aux cycles économiques et politiques dans les pays bénéficiaires. Tout comme les dépenses publiques d’éducation, l’<a href="https://www.afd.fr/en/macroeconomic-crisis-primary-education-and-aid-effectiveness">aide à l’éducation est souvent réduite en cas de crises politiques et de conflits.</a> Simplement formulé, cela signifie que l’aide internationale à tendance à diminuer voire à s’arrêter lors de chocs négatifs dans le pays, ce qui pourrait avoir comme effet d’aggraver encore l’impact de la crise. Ainsi, l’<a href="https://fr.unesco.org/gem-report/aid-education-stagnating-and-not-going-countries-most-need">aide à l’éducation ne va pas dans les pays en ayant le plus besoin et ne compense pas les effets des crises</a>. En outre, la part des financements humanitaires dédiée à l’éducation en réponse aux crises reste très faible.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224179/original/file-20180621-137746-1b4ivme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">République centrafricaine :Les familles séjournant dans l’école sont Peulh, ils sont marginalisés et ont été récemment victimes d’attaques brutales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UNHCR</span></span>
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</figure>
<h2>Quel impact de l’aide sur l’éducation dans les pays en crise ?</h2>
<p>La littérature spécifique sur l’efficacité de l’aide à l’éducation démontre un impact positif et significatif de l’aide sur l’éducation particulièrement pour le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S027277571300126X">cycle primaire</a>. S’il existe des <a href="http://cgdev.org.488elwb02.blackmesh.com/sites/default/files/CGD-Policy-Paper-49-Glennie-Sumner-When-Does-Foreign-Aid-Work_0.pdf">preuves solides de l’efficacité de l’aide à l’éducation</a>, la question cruciale maintenant est de mieux comprendre quand cette aide internationale fonctionne et quand elle ne fonctionne pas, les situations de crises apparaissant alors comme une problématique clé.</p>
<p><a href="https://www.afd.fr/en/macroeconomic-crisis-primary-education-and-aid-effectiveness">Des travaux récents montrent que l’aide à l’éducation reste efficace, voire peut même être plus efficace, lors d’épisodes de crise dans les pays</a> et ceci même si la capacité d’absorption de l’aide est plus faible. Cette aide à l’éducation pendant les épisodes de crise tend même à être particulièrement déterminantes pour l’éducation des enfants les plus vulnérables et notamment les filles.</p>
<h2>Quelles articulations entre interventions humanitaires et actions de développement ?</h2>
<p>Pendant une crise, le travail de long terme de développement des institutions éducatives est souvent interrompu et remplacé par des interventions d’urgence dont l’objectif est d’assurer la continuité éducative et la protection des enfants. Au Mali les acteurs de la société civile ont ainsi déployé des classes passerelles, permettant à des milliers d’enfants d’accéder à des programmes d’apprentissages accélérés. L’efficacité des actions en situation d’urgence se heurtent toutefois aux fragilités structurelles des systèmes. Comment intégrer les élèves maliens ayant bénéficié des cours de rattrapage dans un système éducatif formel où seul 30 % des élèves achèvent le primaire et 37 % des enseignants ont bénéficié de formations initiales, et alors que plus de 700 écoles sont encore fermées ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wtBrrXLU7lI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Rentrée scolaire post conflit au Mali, http://www.web-edu.tv/index.php/2016/08/31/rentree-scolaire-post-conflit-au-mali/.</span></figcaption>
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<p>Les phases de crise et de reconstruction ne se succèdent pas de façon linéaire et l’aide humanitaire, censée être une réponse de court terme à un choc, se trouve mobilisée sur le temps long, empiétant sur la temporalité du développement. Face à ces enjeux, des plans intégrant actions de court terme avec des réponses plus structurantes sont conçus notamment au Liban et en Ethiopie pour améliorer l’intégration des réfugiés tout en renforçant le système éducatif. Certaines <a href="http://www.ineesite.org/en/lit-review-what-works-in-ei">innovations pédagogiques et pratiques inclusives développées par les humanitaires</a>, telles que le suivi des écoles par les communautés, ou le renforcement des acteurs décentralisés, pourraient aussi être plus largement passées à l’échelle par les acteurs du développement pour renforcer la bonne gouvernance des systèmes éducatifs et maximiser les effets de l’éducation en prévention aux crises.</p>
<h2>Comment construire des systèmes éducatifs plus résilients ?</h2>
<p>L’allongement de la durée des crises et leurs impacts sur les trajectoires de développement obligent les acteurs de l’aide internationale à trouver de <a href="http://www.oecd.org/development/humanitarian-donors/docs/COHERENCE-OECD-Guideline.pdf">nouvelles façons de travailler</a>. Il importe alors de <a href="http://education4resilience.iiep.unesco.org/fr/node/957">construire des systèmes éducatifs résilients et sensibles aux enjeux des crises</a> en veillant à une bonne gestion centrale et locale, et une intégration du <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0019/001913/191341e.pdf">soutien à la paix et à la cohésion sociale</a>. <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/28337">Construire la paix et la stabilité passe par une éducation équitable et de qualité</a>.</p>
<p>Lors d’épisodes de crise, l’équilibre voire la qualité de la gestion budgétaire devient une contrainte centrale et l’aide devrait réagir plus rapidement afin de sécuriser les dépenses sociales prioritaires. La stabilité, la prévisibilité et le ciblage des financements sont donc clés. Les financements de l’aide aux systèmes éducatifs devraient non seulement être flexibles et rapides pour répondre à des besoins d’urgence, mais aussi mieux ciblés vers le renforcement ou la remise en service de services éducatifs des pays les plus en retard. Comme rappelé dans le <a href="https://g7.gc.ca/en/official-documents/charlevoix-declaration-quality-education-girls-adolescent-girls-women-developing-countries/">récent communiqué du G7 en faveur d’une éducation de qualité des filles et des femmes</a>, une meilleure coordination entre financements humanitaires et de développement est essentielle. Pour rendre ce dialogue effectif, il n’est pas forcément nécessaire d’inventer de nouveaux mécanismes ou de nouveaux concepts. L’enjeu est bien d’assurer une concertation accrue dans les pays concernés, avec les autorités nationales, les acteurs de la société civile, les différents bailleurs et intervenants, pour mieux comprendre et articuler les liens entre éducation, crise et actions internationales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97654/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Nirrengarten est membre de l'INEE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rohen d’Aiglepierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que c’est dans les pays subissant des crises que se situe la majorité des enfants hors des écoles, l’aide internationale se doit de réinterroger ses modalités d’actions.Rohen d’Aiglepierre, PhD, chargé de recherche « Développement Humain » / "Human Development" reseacher, Agence française de développement (AFD)Audrey Nirrengarten, Responsable Equipe Projet, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/974032018-06-10T20:39:05Z2018-06-10T20:39:05ZTa chaise n’est pas « la » chaise… ou comment aider les enfants autistes Asperger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221202/original/file-20180531-69508-ki3sja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C448%2C5760%2C3224&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Là où vous voyez deux chaises, un enfant autiste Asperger peut n'en voir qu'une seule. « La » chaise est celle des deux qu'on lui a désigné la première sous ce nom.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/eH_pOtZBotE">Travis Grossen/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Des enfants autistes, on ne connaît bien souvent que les comportements extrêmes. Leurs crises de colère, par exemple. Ou bien leur capacité à faire tourner sans fin les roues de la petite voiture qu’ils tiennent dans leur main ! On sait moins ce qui se passe dans leur tête.</p>
<p>Les personnes touchées par un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/autisme-36948">trouble du spectre autistique</a> (TSA) éprouvent des difficultés à comprendre et gérer leurs émotions, souvent intenses. Elles peuvent également se retrouver en échec dans leurs relations avec les autres. Selon mon expérience au sein d’une équipe pluridisciplinaire dédiée aux « habiletés sociales », au centre hospitalier Saint-Jean de Dieu à Lyon, ces difficultés peuvent être surmontées.</p>
<p>Dans ce cadre, je pratique la thérapie « brève et stratégique » en suivant rigoureusement les prémisses théoriques de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Palo_Alto">école de Palo Alto</a>. Ce courant a été fondé dans la ville de Californie du même nom pendant les années 1950 par l’<a href="http://spiralconnect.univ-lyon1.fr/spiral-files/download?mode=inline&data=2161278">anthropologue et psychologue américain Gregory Bateson</a>. Il propose de changer les relations que la personne entretient avec les autres, et pas la personne elle-même. « On ne soigne pas les personnes mais les relations » affirmait Paul Watzlawick, l’un <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/changements-paul-watzlawick/9782757841891">des penseurs et thérapeutes de l’école de Palo Alto</a>.</p>
<p>Ce courant s’est développé en France depuis 10 ans à l’initiative d’Emmanuelle Piquet, fondatrice des centres <a href="http://a180degres.com/">Chagrin scolaire</a>. Ce réseau, dont je fais partie, s’est fait connaître au départ par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iMGLy-juSxw">son approche originale du harcèlement scolaire</a>, visant à donner à l’enfant harcelé les moyens de se défendre lui-même. Mais ses possibilités d’application, bien plus larges comme exposé dans mon livre <a href="https://www.enrickb-editions.com/medecine-sans-souffrance-ajoutee"><em>Médecine sans souffrance ajoutée</em></a> (Enrick B Editions), m’ont amenée à intervenir auprès d’enfants avec un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_d%27Asperger">syndrome d’Asperger</a>, une forme <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/autisme">d’autisme</a> sans déficience intellectuelle.</p>
<h2>Une chaise n’est pas « La » chaise</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221211/original/file-20180531-69521-15eucbg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ma chaise, celle que j’utilise habituellement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/56tCOHi5OzA">Christopher Burns/Unsplash</a></span>
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<p>Je vais vous parler de deux enfants autistes Asperger. Mais d’abord, je vais vous parler d’une chaise. Pas des chaises en général, de « la » chaise. Celle que j’ai dans mon cabinet. Pour certains enfants avec un syndrome d’Asperger, ma chaise est une chaise car elle a une assise et un dossier monoblocs blancs et aussi des pieds en bois qui partent en oblique.</p>
<p>Si on en prend une autre, avec une structure en métal et une assise en cuir, pour moi, pour vous, pour nous, c’est toujours une chaise. Pas pour Antoine (les prénoms ont été changés dans cet article), 10 ans, qui a un diagnostic d’autisme Asperger. Pour lui, cette chose est noire, brillante et froide. Cela n’a rien à voir avec « la » chaise, la mienne. Antoine a raison sur ce point.</p>
<p>Dans l’histoire qui va suivre, je vais vous raconter comment Antoine a piqué une énorme crise de colère quand quelqu’un a insisté pour qu’il amène « la chaise ». Quoi de plus logique, qu’Antoine n’obtempère pas quand on lui demande d’amener « la chaise », qui n’en est pas une ? Quelle sublime illustration du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Constructivisme_(%C3%A9pist%C3%A9mologie)">constructivisme</a>, cette théorie fondamentale dans l’école de Palo Alto, qui nous rappelle que la réalité n’existe pas ! Chacun, en effet, construit sa propre perception du monde.</p>
<p>Et quelle sublime illustration du constructivisme que la manière dont Antoine appréhende le monde ! À l’inverse de nous, Antoine se focalise d’abord sur les détails d’un objet ou d’une situation, pour ensuite les assembler et arriver à un tout auquel il donne un sens. Un fonctionnement atypique qu’on appelle la <a href="https://fr.wikiversity.org/wiki/Autisme_Autres_caracteristiques_de_la_pensee_autistique_hors_classifications">« pensée en détail »</a>.</p>
<p>L’hypersélectivité dans le traitement des informations qu’il reçoit a des côtés très poétiques. Elle est aussi très énervante pour lui, comme pour son entourage et les autres soi-disant « neurotypiques ». Certains enfants Asperger, en effet, ne parviennent pas à faire les généralisations et abstractions qui nous amènent à considérer toutes les chaises comme des chaises. À noter que, d’un autre point de vue, ces généralisations peuvent aussi être considérées comme des imprécisions grossières…</p>
<h2>La girafe et le léopard ont le même motif de pelage</h2>
<p>Antoine a été diagnostiqué Asperger il y a deux ans, grâce à une maîtresse qui a repéré des aptitudes hors du commun, une manière unique de se passionner pour les trains, les avions et d’être un véritable expert… tout en étant incapable de distinguer une girafe d’un léopard (oui, ils ont le même motif de pelage). Enfin on a cessé de le prendre pour un débile et il ne s’est plus fait disputer à l’école.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Pelage d’une girafe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/lGOJhTAnNMs">Howard Malone/Unsplash</a></span>
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<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Un léopard.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Zg6qaLi1qo0">Pawan Sharma/Unsplash</a></span>
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<p>Le diagnostic, qui a immédiatement soulagé la famille, s’est avéré franchement bénéfique dans le temps. La mise en place d’un suivi et de séances de groupe pour Antoine, pris en charge à l’hôpital, a beaucoup aidé ses parents. Antoine a aussi appris des choses qu’il n’aurait pas pu apprendre ailleurs.</p>
<p>Sa mère, que je suis depuis plusieurs séances, me décrit une scène terrible qui a eu lieu la semaine passée.</p>
<p>Antoine est dans le salon de Valérie, la meilleure amie de sa mère. Les autres enfants jouent dehors et Antoine ne veut pas les rejoindre. « Il fait froid et ils ne sont pas amusants », dit-il. Il est dans sa bulle et « fait des lignes ». « Faire des lignes », pour Antoine, c’est suivre des yeux des lignes imaginaires ou réelles, comme un bercement rassurant.</p>
<h2>Antoine, planté debout avec ce drôle de mouvement des yeux</h2>
<p>Valérie, gênée une fois de plus par le comportement d’Antoine, planté debout avec ce drôle de mouvement des yeux, l’envoie chercher la chaise un peu plus loin. Elle la désigne du doigt, il ne comprend pas. Elle réitère sa demande en haussant le ton : « Antoine, la chaise ! » une fois puis deux. Là c’en est trop pour lui : il se met à taper des pieds en hurlant : « Quelle chaise ? Y’a pas <em>la</em> chaise ici ! »</p>
<p>Ensuite il se jette par terre. Valérie tente alors de le calmer :</p>
<blockquote>
<p>« – Calme-toi, pardon, je voulais dire la chaise là.</p>
<p>– Ce n’est pas LA chaise.</p>
<p>– Calme-toi Antoine, c’est rien, c’est ridicule ».</p>
</blockquote>
<p>Antoine se tape alors la tête contre le sol. Sa mère, miracle de patience, devine qu’agir comme le fait son amie est bien une tentative de solution face à la crise d’Antoine, mais que celle-ci est inopérante et même aggravante. Plus Valérie essaie de le calmer, moins il se calme. Alors sa mère s’assoit à côté de lui et dit : « Antoine, c’est tout à fait juste, ce n’est pas <em>la</em> chaise et tu as de bonnes raisons d’être en colère. Vas-y chéri, tu peux crier, c’est très énervant. »</p>
<p>Après deux coups de tête au sol encore, quelques râles, un geste de la maman à l’attention de Valérie pour qu’elle s’éloigne, Antoine se calme enfin. On lui a reconnu le droit de ressentir ce qu’il ressent.</p>
<p>L’attitude de cette maman est ce que nous appelons, dans notre approche, un « 180 degrés ». Parfois, ce qu’on a fait une fois, dix fois, cent fois, pour venir à bout d’un problème ne fonctionne pas, voire même le renforce. Faire alors un virage à 180°, à l’exact inverse de ce qu’on a déjà essayé, permet bien souvent de le résoudre. La maman d’Antoine est ici tout à fait au clair avec ses intentions : elle cherche à l’accompagner dans son émotion, pas à le stopper comme Valérie a tenté de le faire – même si elle a terriblement peur qu’il se blesse.</p>
<p>Elle apprend chaque jour. Nous apprenons chaque jour, toutes les deux et nous repérons les situations particulières qui peuvent déclencher des crises. Grâce à l’utilisation du modèle de Palo Alto, celles-ci durent désormais bien moins longtemps.</p>
<h2>Evan et son « meilleur ami »</h2>
<p>Evan aussi est un enfant autiste Asperger. Il a 12 ans, il m’explique qu’il a un copain, Téo, repéré comme ami potentiel depuis qu’Evan est arrivé dans cette nouvelle école internationale, à Lyon.</p>
<p>Téo l’appelle même « mon meilleur ami », il le dit en riant. Je crois qu’Evan ne comprend pas que Téo est ironique.</p>
<p>La semaine dernière, Téo lui a mis une gifle. Téo lui a présenté ses excuses mais Evan ne souhaite pas les accepter. « Stepl, ça se fait pas », me dit-il à propos du geste de Téo. Evan raconte qu’il ne sait pas pourquoi il a reçu cette gifle.</p>
<blockquote>
<p>« – J’ai simplement dit à tous de se taire car la prof parlait. C’est une simple affaire de respect je trouve.</p>
<p>– Oui, toi tu connais parfaitement les règles et tu tiens à ce qu’elles soient respectées, c’est tout à ton honneur. Un peu comme une élégante pivoine blanche qui pousserait bien droit dans un jardin alors qu’eux sont de vilaines mauvaises herbes sans couleur.</p>
<p>– Heu… Plutôt, je suis un “petit pois au milieu des lentilles” j’ai l’impression.</p>
<p>– Ah oui, oui ! Tu es brillant, très vert, plein de vie et d’idées spéciales. Eux sont secs, petits et presque marrons, très moches finalement ».</p>
</blockquote>
<p>Je lui dis alors : le problème c’est que dès qu’ils te voient aussi vert et brillant, ils t’en veulent. Et eux n’ont pas le niveau de respect que tu as des règles, alors quand tu les rappelles, tu passes pour un gros pénible.</p>
<blockquote>
<p>« – J’ai peur qu’on n’ait pas 10 000 choix, Evan.</p>
<p>– Non, 10 000 cela ferait beaucoup [il prend tout au pied de la lettre !].</p>
<p>– Il va falloir que tu fasses semblant d’être moche et marron comme eux. Comme, tu vois, dans Indiana Jones, le moment où il est interrogé par les Allemands qui lui demandent où est le médaillon ?</p>
<p>– Oui ».</p>
</blockquote>
<p>Pour une raison qui m’échappe cet enfant connaissait le film Indiana Jones et ne m’a pas traitée de vieille, comme quoi il était vraiment particulier…</p>
<blockquote>
<p>« – Et bien, Indiana Jones dit, je n’ai pas le médaillon ! Il est en sécurité avec mon secrétaire particulier, Marcus Brody. Il a déjà disparu, brouillé les pistes. Il parle plusieurs langues et s’est mêlé à la foule, vous ne le retrouverez jamais ! On voit alors à l’écran le fameux Brody, sur le dos d’un âne, un mouchoir en guise de protection solaire sur la tête, il râle au milieu d’un marché. On n’entend et on ne voit que lui ! Tu te souviens de cette scène ?</p>
<p>– Oui, oui très bien.</p>
<p>– Je veux que tu fasses ce que dit Indiana Jones de Brody, mais en réussi. Que tu parviennes à te mêler à la foule, qu’on ne te repère plus. Que tu assombrisses ta peau de petit pois pour te mêler aux lentilles. Donc plus de remarques, de conseils, de rappels à la règle : tu les laisses dans leur bêtise, OK ?</p>
<p>– D’accord ».</p>
</blockquote>
<h2>Evan ne s’est plus fait embêter</h2>
<p>La séance suivante, Evan me dit qu’il ne s’est plus fait embêter ni frapper à l’école. Sauf une fois où quelqu’un lui a dit : « Ta gueule ». Il ajoute qu’en même temps il disait à un garçon de sa classe qu’on ne doit pas doubler au self… « J’avais un peu oublié Brody, là ! », reconnaît-il en riant.</p>
<p>En troisième séance, je comprends qu’il a réussi pour de bon à endosser parfois la peau des lentilles, et qu’il connaît les conséquences quand il ne le fait pas.</p>
<p>Il me parle cependant d’autre chose. Un certain Mathieu, dès qu’il passe près de lui à la récré, avec ses copains, le titille avec son doigt sur son épaule. Evan est au supplice. Ce serait énervant pour n’importe qui mais lui, en plus, il déteste qu’on le touche alors c’est carrément insupportable. La plupart du temps Evan repousse le doigt, excédé (les autres se marrent). Ou alors il essaie de changer de trajectoire quand il voit arriver Mathieu et sa bande.</p>
<p>Je lui propose donc de faire un 180 degrés en n’évitant plus du tout Mathieu. Lorsque Mathieu posera son doigt sur son épaule, je suggère à Evan de dire : « Oh mais qu’est-ce qu’il t’arrive toi ? T’adores me toucher ou quoi ? » Le tout accompagné d’un large et faux sourire… Evan adore et repart ce jour-là, amusé (ce qui n’arrive vraiment pas souvent).</p>
<p>Je revois Evan la séance suivante et il m’annonce que Mathieu et les autres ont arrêté. Il ne comprend pas pourquoi. Il n’a pourtant pas décoché sa « flèche », c’est-à-dire la riposte verbale que nous avions conçue. Il dit : « En plus c’était super pas facile de leur sourire, à eux… »</p>
<p>Je lui explique alors que la flèche il l’a lancée d’une certaine manière, à distance. Il n’a pas eu besoin de prononcer la moindre phrase car les autres, en voyant son attitude, se sont dit : quelque chose a changé, Evan ne semble plus prêt à se fâcher. Il sourit, on n’y va pas.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221219/original/file-20180531-69501-ywv3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">C’est précisément quand il fait celui qui s’énerve qu’on l’embête (photo d’illustration).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/eOo5SKU3cK4">Adria Crehuet Cano/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Dire aux autres ce qu’il pense, ou ne rien dire</h2>
<p>En quatre ou cinq séances, nous étions venus à bout, à nous deux, de tous ses problèmes relationnels du moment à l’école. Je crois qu’il a compris pour toujours qu’il a le choix entre dire aux autres ce qu’il pense de leurs actes et prendre alors le risque de se faire maltraiter, ou ne rien dire. Il a compris, aussi, que c’est précisément quand il fait celui qui s’énerve qu’on l’embête.</p>
<p>Ainsi, l’aspect constructiviste, donc non normatif du modèle de Palo Alto, nous permet d’accéder au monde tout particulier des perceptions de certains enfants avec un syndrome d’Asperger et de mieux les comprendre.</p>
<p>Enfin, lorsqu’un enfant souffre d’une situation avec ses pairs, il y a toujours une logique expliquant les interactions entre lui et les autres. En prenant la peine d’y réfléchir, avec patience et créativité, on peut toujours trouver un moyen de modifier cette interaction pour faire cesser la souffrance, enfant Asperger ou non.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inspire de l’intervention « Syndrome d’Asperger, et alors ? » que fera l’auteur, Nathalie Goujon, le <a href="http://10ans.chagrin-scolaire.com/">18 juin au théâtre Antoine à Paris</a> pour les dix ans de recherche et de pratique clinique du réseau de thérapeutes Chagrin scolaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97403/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Goujon est membre du réseau A 180° - Chagrin scolaire, responsable du centre de Lyon.</span></em></p>Les enfants avec un syndrome d’Asperger peuvent surmonter leurs difficultés de relation avec les autres. Des thérapeutes les guident, en tenant compte de leur façon particulière de voir le monde.Nathalie Goujon, Psychopraticienne, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972042018-05-27T19:49:57Z2018-05-27T19:49:57ZBac, brevet, examens : comment éviter la panique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220331/original/file-20180524-117628-14dcjn1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5440%2C3357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La période qui précède les oraux peut se révéler particulièrement stressante pour les adolescents. Plusieurs méthodes permettent de diminuer l'anxiété. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/4WnlU07YZ98">David Kennedy/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>De nombreux adolescents se découvrent soudainement en état de panique à l’approche des premiers examens. Le compte à rebours a en effet commencé pour les <a href="http://www.education.gouv.fr/pid37441/brevet-baccalaureat-cap-et-bep-les-dates-des-examens-2018.html">épreuves</a> du brevet des collèges, du CAP, du BEP et en particulier du baccalauréat, dont les épreuves écrites commencent le 18 juin. </p>
<p>Cette réaction peut se produire chez n’importe quel élève, qu’il soit ou non de nature anxieuse. Cela ne dépend pas, non plus, de son bon ou mauvais niveau scolaire. C’est le cas surtout avec la toute première épreuve orale. Elle impressionne par son caractère solennel et le peu d’expérience qu’en ont les jeunes, en France, dans leur parcours scolaire.</p>
<p>L’état de panique correspond en général à un mélange d’<a href="http://pelissolo.over-blog.com/2016/08/phobies-sociales-l-enfer-c-est-les-autres.html">anxiété sociale</a> (la crainte du regard d’autrui, avec peur de perdre ses moyens et d’être ridiculisé) et d’anxiété de performance (la peur d’échouer). Elle peut s’exprimer par tous les degrés du stress, léger et même stimulant chez les moins sensibles, ou plus fort voire paralysant sur le moment chez les plus fragiles. Car un examen est un événement suffisamment déstabilisant pour que des jeunes que l’on ne considérait pas comme anxieux ou qui parvenaient à prendre sur eux jusque-là développent soudainement des symptômes parfois invalidants – à la grande surprise de leurs parents.</p>
<h2>Une boule dans le ventre, des palpitations, des bouffées de chaleur</h2>
<p>Cette anxiété s’installe parfois bien avant la date de l’examen. Mais le plus souvent, elle survient dans les heures précédant l’épreuve, avec une peur croissante et des signes de tension nerveuse comme une boule dans la gorge ou le ventre, des palpitations, des bouffées de chaleur, l’envie d’aller aux toilettes, etc. Comme le trac banal, ces signes restent habituellement supportables et s’atténuent assez rapidement une fois l’action engagée. Ils deviennent problématiques quand ils sont très intenses et persistants, et peuvent ainsi perturber la prestation du fait des conséquences physiques (tremblements, bégaiement, douleurs, etc.) ou intellectuelles (incapacité à se concentrer et à retrouver ses idées) de ce trouble émotionnel.</p>
<p>La gêne s’accentue quand l’anxiété apparaît plusieurs jours avant l’épreuve, voire plus, avec des angoisses récurrentes, des somatisations diverses, des insomnies et des troubles de l’attention perturbant les révisions et le repos pourtant essentiels à cette période.</p>
<p>Le principal risque lié à cette anxiété des examens est l’éventualité d’un renoncement, quelques jours avant ou sur le moment même, du fait de l’intensité de la peur et de son caractère insupportable qui s’accompagne de la certitude (erronée) d’un échec assuré.</p>
<h2>Des exercices de préparation mentale, l’entraînement à la prise de parole</h2>
<p>Comment éviter tout cela ? Si les signes sont repérés suffisamment tôt, parce que l’adolescent en parle de lui-même ou parce que son entourage s’en rend compte, la meilleure solution est d’effectuer une préparation spécifique un peu à l’avance. Il s’agit surtout d’apprendre à gérer son stress et son anxiété, et pour cela des exercices de relaxation, de méditation et de préparation mentale peuvent être très efficaces, avec des <a href="https://www.symbiofi.com/fr/exercices-de-relaxation">outils</a> à utiliser seul ou en consultant un thérapeute, pratiquant notamment les <a href="http://www.aftcc.org/les-therapies-comportementales-et-cognitives">thérapies comportementales et cognitives</a>.</p>
<p>L’entraînement à la <a href="https://theconversation.com/parler-en-public-les-dix-commandements-contre-le-trac-86072%3Futm_source=twitter%26utm_medium=twitterbutton">prise de parole en public</a>, par des jeux de rôle et des simulations, fait partie des ingrédients très utiles de cette préparation, en plus des révisions bien sûr !</p>
<p>Si les symptômes sont découverts ou s’expriment très tardivement, quelques jours ou quelques heures avant les épreuves, voici quelques conseils pouvant aider à surmonter l’anxiété voire la panique de l’examen.</p>
<h2>Une anxiété proportionnelle aux conséquences redoutées en cas d’échec</h2>
<p>Tout d’abord, les aspects purement psychologiques peuvent avoir une influence décisive, car il suffit souvent de peu de choses pour passer d’un mode de relative sérénité à un mode de panique totale en fonction de la manière dont on perçoit les enjeux de la situation. Le chemin dans l’autre sens peut aussi se faire aussi vite si on trouve les bons leviers.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/220330/original/file-20180524-51141-957pef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’anxiété peut se manifester juste avant l’épreuve, ou dans les jours qui précèdent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/ViEBSoZH6M4">Chris Liverani/Unsplash</a></span>
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<p>L’anxiété, anticipatoire ou immédiate, est proportionnelle au décalage perçu par le jeune entre ses capacités et la difficulté de la tâche, mais elle est aussi proportionnelle aux conséquences redoutées en cas d’échec. Cette appréciation est éminemment subjective et très sensible au climat émotionnel du moment, qui peut perturber grandement la perception de la réalité et le sentiment de maîtrise de soi et de la situation. Le mécanisme principal de la panique est une spirale s’auto-aggravant : plus je stresse, plus je me sens vulnérable, et donc plus je stresse.</p>
<p>Pour combattre ces idées catastrophistes, le rôle des parents est souvent crucial, même chez des grands adolescents presque adultes. Ils restent en effet très sensibles au rôle rassurant de la mère ou du père (ou d’autres personnes proches de confiance), qui doivent leur rappeler qu’ils ont des capacités, qu’ils ont travaillé pour préparer leurs examens, que la situation est certes intimidante mais qu’ils ont déjà réussi des interrogations orales ou des épreuves du même type. Et, surtout, que la réussite à un examen se joue rarement en tout ou rien, que la note peut être modulée par de nombreux paramètres et, qu’au pire, il existe très souvent des solutions de rattrapage.</p>
<p>Bref, une mauvaise prestation n’est pas un arrêt de mort, et surtout l’affection et l’estime des parents n’en sera en rien remise en cause – ce qui peut être une crainte, dite ou non dite, des adolescents. D’ailleurs, le témoignage des propres souvenirs de stress du père ou de la mère dans la même situation peut avoir un effet très encourageant. On peut dire, aussi, qu’il est normal d’être intimidé dans ce type de situation, et que les enseignants voient plutôt l’émotivité comme un signe d’implication et de sérieux, mieux perçu que le comportement trop affirmé voire désinvolte de certains candidats.</p>
<h2>Visualiser la scène en se focalisant sur les éléments du décor</h2>
<p>D’autres éléments peuvent aider, s’il reste un peu de temps avant l’épreuve : une activité physique qui permet de se défouler puis ensuite de bien dormir, une séance de cinéma ou un autre loisir dans les goûts de l’adolescent, s’entraîner à respirer calmement et plutôt avec le ventre, en se concentrant quelques minutes sur son souffle et sur rien d’autre. On peut aussi conseiller au jeune de visualiser très concrètement la scène qu’il anticipe en se focalisant sur les éléments très concrets du décor, des personnes présentes et du travail à effectuer, et tout cela en se « forçant » à être optimiste et à penser que tout se passera très bien.</p>
<p>C’est une petite méthode Coué qui peut créer un auto-conditionnement favorable et éviter une focalisation négative injustifiée. Ces conseils pourront être appliqué lors de la passation, et surtout dans la phase d’attente qui est souvent la plus anxiogène. On peut recommander également d’échanger avec les autres candidats présents, notamment pour réaliser qu’ils sont probablement tous dans le même état d’esprit, et parfois encore plus stressés eux-mêmes !</p>
<p>La question de la prise de médicament est souvent posée par les parents, pour dormir la veille de l’examen ou pour affronter l’épreuve le moment venu. Il s’agit vraiment d’un dernier recours, car cette solution est artificielle et comporte quelques risques. S’en tenir à des produits naturels comme une bonne tisane ou un lait chaud est bien sûr préférable, et cela peut bien fonctionner par un effet de réassurance.</p>
<h2>Une toute première utilisation d’anxiolytique paraît un peu risquée</h2>
<p>Les <a href="http://www.psycom.org/Medicaments-psychotropes/Medicaments-psychotropes/Anxiolytiques">médicaments anxiolytiques</a> comportent toujours un risque de sédation (somnolence) et de troubles de l’attention, qui peuvent être délétères pour une tache intellectuelle – même si c’est rare à de petites doses. Il est difficile de prévoir la sensibilité de chaque personne, aussi une toute première utilisation lors d’une situation d’examen paraît un peu risquée.</p>
<p>Cependant, c’est parfois la seule solution pour « passer le cap » dans de bonnes conditions, donc il arrive qu’une prescription se justifie. Celle-ci doit toujours être effectuée par un médecin, qui vérifie notamment l’absence de contre-indication et qui peut personnaliser la posologie. Un tel rendez-vous demande d’être anticipé par rapport aux dates des examens. Une règle, en tout cas : ne jamais donner un médicament anxiolytique sans avis médical sous prétexte qu’on en a chez soi, et ne pas en reprendre ensuite régulièrement en dehors d’un suivi.</p>
<p>S’il y avait un message à retenir, ce serait… pas de panique ! La grande majorité des situations de ce type se terminent bien, avec de bons résultats aux examens, ne serait-ce parce que l’anxiété de performance s’accompagne le plus souvent d’une forte motivation et d’une bonne implication dans le travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97204/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Pelissolo a reçu ces trois dernières années des financements (rémunérations pour des travaux de recherche ou de formation, ou invitations à des réunions scientifiques) des laboratoires pharmaceutiques Biocodex, Otsuka et Janssen-Cilag.</span></em></p>A l’approche des épreuves du mois de juin, n’importe quel adolescent peut se retrouver en état de panique. Des mesures simples permettent de ne pas se laisser déborder par l’anxiété.Antoine Pelissolo, Professeur de psychiatrie, Inserm, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/962262018-05-09T19:42:31Z2018-05-09T19:42:31ZÉcole : les parents des milieux populaires démissionnent-ils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/217942/original/file-20180507-46335-tbxy66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C246%2C2056%2C1221&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Où sont les parents ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luschei/1627979622/in/photolist-3tRPCb-3U62K-dNjh4k-mne9Ue-5F4ot4-fKkMEw-7EqCE5-XN9Qb-Rej58-g1KHa3-6ZRh7k-a8PPFo-rLsgXt-dRQeGa-UviGym-c1ke9d-qbsF4N-5F3Abz-VawNNd-oozoCL-2ijW9g-9p89Za-WAAALJ-71xHcV-mD5DNj-mHBQ5-ba6NA8-b8oQhT-oFEhLB-aE1kws-5Wef9o-n1EWWU-8aYG72-axuqC6-hPWM7w-cYX61m-ehmy7i-qUXL1C-2aCyg-dNpRCw-c1keFy-bnBwCN-eM3NAU-8X7fY4-n1Egt5-orZw3y-cD2Ut-fNQWCh-7TNS1H-n1ENkL">Paw Paw/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié en partenariat avec la revue <a href="http://www.techedulab.org/index.php/2018/01/25/magazine-de-leducation-n3-jan2018/">« Le magazine de l’Éducation »</a> du laboratoire <a href="https://www.u-cergy.fr/fr/laboratoires/ema/recherche/ema-techedulab/le-magazine-de-l-education.html">EMA-TechEduLab</a> de l’Université de Cergy-Pontoise.</em></p>
<hr>
<p>Le discours <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01731477">sur la démission des parents</a> peut servir à l’école à externaliser sa responsabilité dans les difficultés des élèves. Ce n’est pas ce que font tous les enseignants, mais l’institution doit se protéger de l’accusation de faillir à sa mission – apprendre à tous les élèves et les faire réussir, quel que soit leur milieu social.</p>
<p>Or ce sont encore les enfants des milieux populaires qui échouent massivement à l’école. Dans une société démocratique et égalitaire, c’est difficilement acceptable, d’où cette réaction de l’école de remettre la faute sur les familles.</p>
<h2>Se méfier des discours simplistes</h2>
<p>Pourquoi cette explication par la <a href="https://journals.openedition.org/sejed/3133?lang=en">démission des parents</a> apparaît si évidente ? Parce que c’est un discours simpliste, qui simplifie des choses compliquées pour chacun, parfois douloureuses. Il n’y a pas un parent aujourd’hui qui pourrait se vanter de ne pas connaître des problèmes d’éducation avec ses enfants.</p>
<p>Déjà Freud parlait d’éduquer <a href="https://journals.openedition.org/leportique/271">comme d’un métier impossible</a>, mais un siècle plus tard, il faut inventer une relation éducative avec un enfant sujet de droits, un enfant familier des technologies de l’information, un enfant choyé par l’industrie de la consommation.</p>
<p>Ce discours qu’il existe des parents qui démissionnent, cela vient rassurer chacun en se disant qu’il est du bon côté de la barrière, celle des parents qui ne laissent pas tomber. Encourager cela, c’est activer la rivalité entre parents, alors que tous sont confrontés au même défi ! Au même défi mais ni avec les mêmes problèmes ni avec les mêmes armes.</p>
<p>C’est une chose d’être confronté à la difficulté scolaire d’un enfant, à son découragement, à sa souffrance, c’en est une autre de le vivre avec des difficultés financières et des ressources scolaires bien moins importantes. Tout comme le divorce n’est pas vécu de manière égale selon les milieux sociaux, la difficulté scolaire met les parents dans des situations très différentes.</p>
<p>Et aujourd’hui, le discours de la démission des parents est très peu remis en cause, car nous vivons dans une période où la responsabilité individuelle est devenue la rhétorique suprême. Enfant en échec, parent responsable.</p>
<h2>Éviter de juger les parents</h2>
<p>Comment faire, du côté des enseignants, pour éviter ce jugement de « parent démissionnaire », alors qu’on a le sentiment d’avoir devant soi les indices concordants ? Des parents qui ne signent pas le carnet, qui ne répondent pas aux convocations, qui ne vérifient pas le cartable des petits et qui ne se soucient pas de savoir si le travail des plus grands est fait, des parents qui ne participent à aucune activité proposée par l’école…</p>
<p>Avant de poser une étiquette, il s’agit de vérifier ce que les parents ont à dire, d’écouter leur point de vue sur la situation scolaire de l’enfant, de partager son souci de professionnel et d’envisager ce qu’il serait possible de faire ensemble pour l’enfant. Cela signifie prendre le temps d’un échange, faire en sorte qu’il ne mette pas le parent en position d’accusé, faire l’hypothèse que même le parent qui a connu un parcours scolaire difficile est en capacité d’aider son enfant.</p>
<p>Cela s’apprend, certains enseignants le font très bien, on peut réfléchir entre collègues pour dépasser les discours répétitifs et peu aidants sur les parents démissionnaires.</p>
<p>Avec mon équipe, nous avons mené une recherche-action sur les <a href="https://journals.openedition.org/lectures/23650">relations école-familles</a> en milieu populaire qui montre qu’il est possible d’aller vers un entretien plus collaboratif. Les enseignants ne sont pas du tout hostiles à cette réflexion, ils sont juste pris dans une institution qui leur lance des mots d’ordre sans leur donner le temps de les investir au travers d’un travail collectif, et parfois aussi face à des discours sociologiques qui les accusent et ne leur donnent pas les moyens de se penser comme des acteurs avec une vraie marge de manœuvre.</p>
<hr>
<p><em>Jean‑Paul Payet Professeur de sociologie de l’éducation, Université de Genève. Dernier ouvrage : <a href="https://www.unige.ch/fapse/publications/ecole-familles/">École et familles. Une approche sociologique</a>, de Boeck, 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Payet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le discours sur la démission des parents des familles les plus démunies concernant l’école est récurrent malgré les démentis des recherches sur le rapport de ces familles à la scolarisation.Jean-Paul Payet, Professeur de sociologie de l’éducation, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/941482018-03-29T20:01:13Z2018-03-29T20:01:13ZQuels enjeux pour l’école maternelle obligatoire à 3 ans ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212522/original/file-20180328-109185-112uv22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C71%2C2803%2C1842&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'avancement de l'obligation scolaire à l'âge de 3 ans va-t-il redéfinir les liens entre maternelle et primaire ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/valdajol/24651853028/in/photolist-Dypc3L-ZkQHjx-GKDy8e-effPPm-efexUo-efa4HF-wP8ZzX-qjipRn-RKp2KY-21Droah-DypEab-ef8Evn-ef8Cue-qAK8Qx-21GgQuT-qjc9MY-SpSrEy-ZAZZvw-DyqeJ5-GKE9cM-21DrbFq-21BiEXs-21GgeSg-21Bi3fE-GKEktp-21GgAHV-qysYzU-21Drqbb-GKDKEc-QzbcE2-VmXiuj-tDWJjq-sHqbvR-LeCLgK-Vn2HkC-W3TzFS-DypmUu-VpFskt-VpDkyM-tBV6K1-risP9d-qjbs7s-qysZbd-qjc9Eo-qjk7a4-qr2fPk-7Qx8TY-4nHCHG-4nDxdv-4nDufr">Val d'Ajol/Flick</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« J’ai décidé de rendre obligatoire l’école maternelle, et ainsi d’abaisser de 6 à 3 ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019 » : voilà ce que le chef de l’État a <a href="https://bit.ly/2Gks3UM">déclaré le 27 mars 2018</a>. Une mesure qui se trouvera « au cœur d'un projet de loi débattu au cours de l'année 2018-2019 », a confirmé le ministère de l'Education nationale <a href="http://www.education.gouv.fr/cid133383/ensemble-pour-l-ecole-de-la-confiance-annee-scolaire-2018-2019.html">lors de sa conférence de rentrée</a>.</p>
<p>Cette annonce place la France parmi les <a href="https://bit.ly/2E5eo1U">pays européens</a> ayant la scolarité obligatoire à temps complet la plus longue avec certains Länder allemands, la Hongrie, la République yougoslave de Macédoine, les Pays-Bas. Ajoutons que seule la Hongrie fait débuter la scolarité obligatoire à 3 ans.</p>
<p>L’accueil de ce projet d’extension a porté, soit <a href="https://lemde.fr/2E4sUqW">sur la réalité du changement ainsi introduit</a>, <a href="https://bit.ly/2GlyeMw">soit sur ses conséquences en termes de moyens, son effet concernant la scolarisation des enfants de deux ans ou le financement du privé</a>. Cependant, tous les effets et les enjeux de cette annonce, si elle était réellement mise en œuvre, n’ont peut-être pas été réellement envisagés dans les différents commentaires auxquels elle a donné lieu.</p>
<h2>Une annonce à plusieurs effets</h2>
<p>Concernant le fait que l’avancement de l’obligation scolaire vient sanctionner une <a href="https://lemde.fr/2E4sUqW">pratique établie d’une fréquentation générale de l’école maternelle</a>, ce qui est nouveau est d’une part que le projet actuel concerne une augmentation en amont, et non en aval, ce qui peut changer certaines choses, et notamment concernant l’école élémentaire et, d’autre part, qu’elle concerne trois années, soit plus que les précédentes augmentations à un moment de développement très important de l’enfant.</p>
<p>En effet, du fait de l’avancement de l’obligation scolaire, <strong>l’école élémentaire devient à tous points de vue une école intermédiaire</strong> et non plus un commencement, notamment pour les apprentissages fondamentaux.</p>
<p>Le CP est jusqu’à présent le lieu de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture parce qu’il est le premier niveau de l’école obligatoire et que, théoriquement, on ne saurait supposer cet apprentissage acquis, même s’il est anticipé. Ainsi les <a href="https://bit.ly/1xkvwfR">programmes actuels de l’école maternelle</a> précisent « qu’il n’y a pas de pré‐lecture à l’école maternelle » mais une découverte du « principe alphabétique » sans « apprentissage systématique ».</p>
<p>Comment cet apprentissage se négociera-t-il désormais ? N’y aura-t-il pas une tentation de l’avancer en deçà de l’école élémentaire en faisant fond sur le fait que tous les enfants désormais y sont allés ou auraient reçu l’instruction équivalente ?</p>
<p>Devra-t-on anticiper pour les enfants lecteurs, le passage au CP, ou au contraire dire – dans l’esprit de la définition des cycles d’apprentissages de 1991 et du rôle particulier de la grande section où pouvaient débuter les apprentissages fondamentaux – que l’apprentissage de la lecture pourra commencer dès la grande section ?</p>
<h2>Des questions sur les premières années d’écoles</h2>
<p>La non-obligation de l’école maternelle et l’obligation de l’école élémentaire était un des derniers vestiges d’une hétérogénéité des deux structures. Le passage à l’obligation à 3 ans n’impliquera-t-il de penser désormais celles-ci comme un seul bloc ? Ne peut-elle pas conduire à se poser à plus grande échelle l’idée de classes multiniveaux entre Grande section et cours préparatoire ? Ce dernier d’ailleurs peut-il, dans le nouveau contexte ainsi créé, être encore appelé et pensé ainsi ?</p>
<p>Que peut-on attendre de ce nouveau lien ? Conduira-t-il à repenser l’école élémentaire pour l’ouvrir aux pratiques de la maternelle ou au contraire amènera-t-il une élémentarisation accrue de l’école élémentaire ? Est-on dans un mouvement analogue à celui qu’avait entraîné le double mouvement de la hausse à 16 ans de la scolarité obligatoire et de l’unification des structures de l’école moyenne et qui a été de tendre à faire du collège un petit lycée ?</p>
<p>De plus – mais il semble que ce soit une des incidences déjà prévues par les réflexions de l’actuel gouvernement – les crèches ne seront-elles pas amenées, soit à devenir de façon explicite des prématernelles ou bien des lieux d’instruction obligatoire alternatifs comme cela se fait pour certains pays étrangers ?</p>
<h2>L’école et les familles : trois éléments à préciser</h2>
<p>L’extension de l’obligation scolaire à la maternelle a également ceci d’inédit par rapport aux obligations antérieures – y compris, dans une certaine mesure, celle proposée par la <a href="https://bit.ly/2GCdLSN">loi de 1882</a> – qu’elle se positionne, non plus par rapport à une entrée dans le monde du travail, mais plus par rapport à l’éducation et à la vie familiales. Sur ce point, on peut rappeler que l’obligation actuellement définie par l’<a href="https://bit.ly/2IaDeji">article L131-1 du Code de l’éducation</a> pour les enfants des deux sexes est une obligation d’instruction et non une obligation de fréquentation de l’école.</p>
<p>Le Président de la République reprend d’ailleurs cette formule même s’il parle en même temps de rendre obligatoire l’école maternelle. Néanmoins, en prenant au sens strict l’obligation d’instruction, celle-ci pourrait être donnée dans les familles, ce qui engendre un certain nombre de questions.</p>
<p>La définition d’une obligation scolaire devra également s’accompagner de trois autres éléments.</p>
<ul>
<li><p><strong>La définition des contenus de cette scolarité obligatoire</strong>, qui, pour ce qui concerne la scolarité de 6 à 16 ans, est faite en référence au socle commun de connaissance, de compétences du de culture (Code de l’éducation, article D131-11) devra être précisé pour l’école maternelle aussi bien dans son contenu que dans ses formes, l’éducation étant ici moins formalisée et reposant plus sur les interactions ;</p></li>
<li><p><strong>La définition des obligations de fréquentation et d’assiduité</strong>, qui, pour l’école maternelle pose des problèmes particuliers, celle-ci étant liée aux besoins physiologiques de l’enfant. <a href="https://bit.ly/2GoOsAc">La circulaire définissant les éléments du règlement type départemental</a> parle de l’exigence d’une « fréquentation régulière » ce qui n’est pas tout à fait l’obligation scolaire qui exige l’assiduité ;</p></li>
<li><p><strong>Les sanctions relatives au défaut d’instruction ou d’assiduité</strong> qui devront être signalés par les instances compétentes, dont les écoles maternelles. S’appliqueront-elles de la même manière pour les absences à l’école maternelle que pour les autres absences ou d’autres formules sont-elles possibles ?</p></li>
</ul>
<p>On pourra dire que l’ensemble de ces questions n’en sont pas vraiment puisque cette annonce, venant sanctionner le fait établi de la fréquentation en école maternelle, ne changerait pas fondamentalement les pratiques mais en rendrait plus nécessaire le perfectionnement.</p>
<p>Cependant, au-delà des indispensables questionnements de moyens, de formation et de financement, la possibilité de les formuler tenait à mettre en évidence les enjeux de ce projet d’obligation quant au regard sur le sens même du premier degré dans son ensemble, des apprentissages qui s’y déroulent et sur le rapport de l’enfance et de la famille à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94148/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Husson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le ministère de l'Education nationale veut avancer l'âge de l'instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans , à partir de la rentrée 2019. Mesure symbolique ou vrai changement à l'horizon ?Laurent Husson, Maître de Conférences en philosophie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/918522018-03-15T20:09:35Z2018-03-15T20:09:35ZParlons d’autre chose que de leurs notes avec nos ados<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210147/original/file-20180313-30961-1qgzolw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C329%2C5000%2C2582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes Français trouvent qu'il n'est pas facile pour eux de parler des choses qui les préoccupent vraiment avec leurs parents, selon une enquête internationale. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/communication-adult-mother-teenage-girl-background-1042793038?src=FwXEPCuKQSbK4N_iHUJL7A-1-1">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les adolescents français trouvent qu’il n’est pas facile de parler des sujets importants avec leurs parents. C’est un des résultats méconnus – et pourtant récurrent – de l’<a href="http://inpes.santepubliquefrance.fr/etudes/enquete-cours/scolaire-jeunes.asp">enquête internationale menée sur les comportements des jeunes vis-à-vis de la santé</a> régulièrement renouvelée depuis près de trente ans, sous l’impulsion de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).</p>
<p>Dans la continuité du rapport que nous avons remis récemment à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), <a href="http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/9782111454903/index.shtml">« Accompagner les parents dans leur travail éducatif et de soin »</a> (publié à la documentation française), nous analysons ici plus en détail la communication entre les parents et leurs adolescents en France.</p>
<p>Dans la dernière vague de l’enquête, réalisée en 2014, la France était le pays le plus mal classé quant au dialogue entre les adolescents et leurs parents, parmi les 42 pays ou régions du monde étudiés. L’explication pourrait bien tenir à un décalage plus grand qu’ailleurs entre les préoccupations des uns et des autres, avec des parents obnubilés par la performance à l’école. Et des ados, peut-être désireux d’aborder d’autres questions. Une réflexion de circonstance, tandis que la pression monte à l'approche du brevet pour les collégiens et du baccalauréat pour les lycéens. </p>
<h2>« Est-il facile pour toi de parler des choses qui te préoccupent vraiment ? »</h2>
<p>À peu près tous les quatre ans, l’OMS diligente son <a href="http://www.hbsc.org/">enquête sur les comportements de santé des jeunes d’âge scolaire</a> (« Health Behaviour in School-aged Children », ou HBSC). Celle-ci porte sur un minimum de 1 500 élèves par groupe d’âge dans chacun des pays étudiés. Elle constitue un instrument précieux non seulement pour observer les évolutions, mais surtout pour comparer la situation dans différents pays. Pour la France, inclus dans le dispositif au début des années 1990, les chercheurs disposent de six vagues d’enquête.</p>
<p>Une des questions posées à l’échantillon de garçons et filles à 11, 13 et 15 ans est formulée ainsi : « Est-il facile pour toi de parler des choses qui te préoccupent vraiment (des choses importantes, graves…) avec les personnes suivantes : père/beau-père ; mère/belle-mère ? » Les réponses s’échelonnent de très facile, facile, difficile à très difficile.</p>
<p>Dans la dernière édition, les jeunes Français sont proportionnellement les moins nombreux à estimer pouvoir parler (facilement ou très facilement) des sujets importants à leurs yeux avec leurs parents. Quels que soient l’âge, ou encore l’interlocuteur (le père ou la mère) de ces adolescent·e·s, la France se trouve invariablement… en dernière position du classement.</p>
<h2>Seulement 33 % des garçons estiment pouvoir parler facilement avec leur père des sujets qui les préoccupent</h2>
<p>À 15 ans, par exemple, seulement 33 % des garçons estiment pouvoir parler avec leur père de ce qui les préoccupe, quand le pourcentage est de 71 % en Islande ou 64 % en Suède. Les filles estiment communiquer un peu plus facilement avec leurs pères (56 %), même si l’écart est encore une fois important en comparaison avec un pays comme l’Islande (83 %).</p>
<p>Comment expliquer cette position de la France ? Les réponses ne figurent pas dans les publications scientifiques disponibles, aussi plusieurs pistes méritent d’être explorées. Cette moindre communication entre parents et adolescents serait-elle liée à un plus faible investissement des parents auprès de leurs enfants, ou à une moindre disponibilité ? Pourrait-il s’agir d’une volonté de ces jeunes de ne pas inquiéter leurs parents en gardant le silence sur leurs préoccupations ?</p>
<p>Et si, à l’origine de cette moindre communication, on trouvait le sujet épineux, en France, de l’école ? L’enquête HBSC fournit quelques indices dans ce sens, corroborés par d’autres enquêtes.</p>
<h2>Davantage d’heures passées au collège en France</h2>
<p>La France, déjà, se distingue de nombreux autres pays par le temps important passé par les jeunes au collège. Ainsi, les Français de 12 à 14 ans passent en moyenne 978 heures par an dans le système scolaire, alors que la moyenne est de 872 pour l’Union européenne, <a href="http://inpes.santepubliquefrance.fr/70000/dp/12/dp120904.pdf">selon l’OCDE citée par Santé publique France</a>. À 15 ans, le chiffre grimpe à 1 048 heures, contre 886 heures en moyenne dans l’Union – soit 18 % de plus. Mais que produit ce long temps scolaire ? Un meilleur rapport des jeunes à l’école ? Une meilleure performance globale ? Ce n’est pas vraiment ce que montre l’enquête HBSC.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/210141/original/file-20180313-30994-9iumbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les adolescents français passent davantage d’heures au collège que la moyenne des élèves européens. Pourtant quand on leur demande d’estimer leur performance scolaire, ils se jugent plus sévèrement que la moyenne observée dans les pays européens.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/AZvGpBp925o">Wadi Lissa/Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>Les adolescents y sont interrogés sur le fait qu’ils aiment ou non l’école. Parmi les pays où ils disent le plus fréquemment l’aimer, c’est à nouveau l’Islande qu’on retrouve dans le haut du classement. Ce pays se range également parmi ceux où les élèves auto-évaluent très positivement leur performance scolaire.</p>
<p>La France est dans une position plus mitigée. Les jeunes se situent au niveau de la moyenne des pays sur le fait d’aimer l’école. Par contre, ils se trouvent à un niveau nettement inférieur à la moyenne sur l’évaluation de leur propre performance scolaire.</p>
<h2>La qualité des relations parents enfants, importante pour la réussite scolaire</h2>
<p>La performance scolaire est clairement au cœur des préoccupations des adultes dans notre pays. Ainsi, chaque édition de l’<a href="http://www.oecd.org/pisa/aboutpisa/pisa-en-francais.htm">enquête PISA</a>, qui classe les pays par niveau de réussite scolaire de leurs élèves, provoque en France <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/12/06/01016-20161206ARTFIG00098-classement-pisa-les-eleves-francais-toujours-mediocres.php">des réactions passionnées</a>. Elle suscite les commentaires des pouvoirs publics, mais aussi des professionnels de l’éducation et des associations de parents d’élèves.</p>
<p>Cette intense pression qui s’exerce à l’échelle de la nation sur les résultats scolaires des jeunes Français n’est visiblement pas sans effet sur les familles. Elle pourrait même influencer, négativement, la qualité du dialogue entre parents et adolescents. On en arriverait à ce paradoxe que plus les parents se focalisent, dans les échanges, sur l’école, moins le dialogue est riche et… plus les performances scolaires des adolescents s’en ressentent.</p>
<p>De nombreuses recherches insistent sur l’importance de la qualité des échanges entre parents et enfants pour la réussite scolaire de ces derniers. Cet effet relationnel semble d’ailleurs plus important que celui du seul dialogue entre les parents et l’école.</p>
<h2>Un fort investissement des parents en temps et en argent</h2>
<p>Dimitra Hartas, professeur en sciences de l’éducation de l’Université de Warwick (Royaume-Uni) a étudié cette question à partir des données de l’enquête PISA. <a href="https://www.researchgate.net/publication/287965637_Patterns_of_Parental_Involvement_in_Selected_OECD_Countries_Cross-National_Analyses_of_PISA">Ses analyses</a> remettent en question le modèle de parentalité intensive ou <em>intense parenting</em>, au sens d’un investissement important en temps et en argent destiné à augmenter les performances et capacités des enfants, en particulier au plan scolaire.</p>
<p>Certes, depuis les années 1970, des progrès ont été obtenus dans les apprentissages des enfants du fait de l’augmentation du temps parental, et aussi de la réduction de l’écart entre le temps qu’y consacre le père et celui qu’y consacre la mère – sachant que cet investissement parental a lieu dans tous les milieux sociaux.</p>
<p>Mais la chercheuse révèle des éléments qui pourraient éclairer la question du mauvais classement de la France sur le dialogue entre parents et adolescents. Ainsi, lorsque l’intensification de l’investissement parental porte sur la dimension scolaire, il a des effets modestes sur le plan des apprentissages. Autrement dit, les gains en terme de performances scolaires des enfants sont loin d’être proportionnels. Par ailleurs, cet investissement peut, contrairement à ce qui serait attendu, ne pas générer l’estime de soi, la confiance, la capacité d’agir, les compétences sociales et la maturité émotionnelle.</p>
<p>Dimitra Hartas insiste en revanche sur le fait que la conversation entre les parents et leurs adolescents sur d’autres sujets que la scolarité peut renforcer bien davantage leurs apprentissages.</p>
<h2>L'aider à un exercice de maths, ou à découvrir le monde ?</h2>
<p>Ainsi, l’enjeu, pour les parents, serait moins dans l’aide aux devoirs que dans le fait d’accompagner les jeunes dans leur découverte du monde, de les aider à se forger un point de vue propre sur la société. Donner un coup de main à son enfant pour finir un exercice de maths pourrait se révéler moins crucial que de parler avec lui de l’actualité, de cinéma, de musique, de littérature, de politique, de l’amitié, de l’amour, de la sexualité, etc.</p>
<p>On peut de ce point de vue se demander si les parents, en France, ne seraient pas trop centrés, dans les échanges avec leurs adolescents, sur les apprentissages et la performance à l’école. Ils étendraient et renforceraient en quelque sorte à la maison les tensions et inquiétudes liées à l’école, au lieu d’offrir un recours possible pour s’ouvrir à d’autres horizons.</p>
<p>Cette culture où la performance à l’école est le pivot de l’interaction entre le parent et son enfant pourrait expliquer à la fois un moindre dialogue – du point de vue de l’enfant – et une moindre performance dans ses apprentissages. En prendre conscience, c’est un premier pas, déjà, pour s’en extraire et ouvrir sur d’autres sujets de conversation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La chaire CNAF – EHESP « Enfance, bien-être, parentalité » dont Claude Martin est titulaire reçoit des financements de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). </span></em></p>Les jeunes trouvent qu’il est difficile de parler des sujets qui les préoccupent avec leurs parents. La scolarité prendrait-elle trop d'importance, et plus encore à l'approche du brevet et du bac ?Claude Martin, Sociologue, titulaire de la chaire de recherche Enfance, bien-être, parentalité, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/839042017-09-17T20:23:03Z2017-09-17T20:23:03ZRythmes scolaires : et les élèves, dans tout ça ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/186184/original/file-20170915-8071-ncl40t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1713%2C1061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et les enfants ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jblndl/328432553/in/photolist-v2iye-8G45is-Frp79-Syhh2L-dVeG5w-8G42tA-8zjCvR-99pcQi-9AHFmn-W8jrvu-3goMH8-43F657-6Ph1SB-9VLQJc-8FZJpg-dYdeir-nosRMR-7io1Pf-oWvPJ-7nXk7K-9eHr8S-9eE1in-7iiSmP-7nXkb2-5umDuc-69L3Tq-bwZyBA-pq67uS-9qL9Mp-bznA3W-EnMDTZ-5r9vdY-8G45Ry-5DK4f4-7ccdNB-8FZHdB-7inMi5-7iiVeX-8FZUtv-7inQad-fbHjBK-7iiWgx-7iiQTc-7iiXNH-VrmWJQ-dyjMMM-58e5bM-7iiRhi-7nXkrR-7iiT5i/">Môsieur J./Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Pour le Président de la République, la France n’est pas réformable. Les « rythmes scolaires » n’en sont-ils pas un témoignage ? L’histoire de cette réforme est de nature à nous éclairer sur une des raisons profondes de l’échec de tant de tentatives de réforme, dans le champ éducatif : la difficulté à faire prévaloir l’intérêt des élèves.</p>
<h2>L’étrange destin de la réforme Peillon</h2>
<p>Pour bien saisir les enjeux du « moment » actuel, (que nous désignerons comme « moment Blanquer » : printemps/été 2017), il faut se remettre dans la perspective du premier moment de la réforme (moment Peillon/Hamon, 2012-2014). L’un des aspects les plus frappants de ce premier grand moment est en effet que l’on soit passé, en quelques mois, d’un consensus quasi unanime, à une contestation quasi généralisée.</p>
<p>Le consensus (<a href="http://bit.ly/2weSgTK">sondage Harris Interactive publié le 23 août 2012</a> : 72 % des Français sont favorables au passage à la semaine de 4,5 jours) pouvait s’expliquer. Des données scientifiques, produites par la chronobiologie, avaient conduit l’Académie de médecine à conclure (<a href="http://bit.ly/2fnsDpw">« avis » du 15/01/2010</a>) que la semaine de quatre jours était un « contresens biologique pour l’enfant » ! Et on avait pris conscience, sous l’impulsion d’<a href="http://bit.ly/2h6g2Hk">Antoine Prost</a>, de la nécessité de redresser la courbe du raccourcissement sensible et continu de la durée de présence obligatoire en classe dans l’enseignement primaire (de 1894 à 2008, on était passé de 1338 à 840 heures annuelles, et de 223 à 140 jours de classe).</p>
<p>La mise en œuvre de la réforme suscitera pourtant de très importantes résistances. Celles-ci, fondées pour l’essentiel sur des craintes, des rancœurs, et des considérations idéologiques, prenaient parti de réelles difficultés de mise en œuvre pour rejeter en bloc ce dont on saluait peu de temps auparavant le bien-fondé, et la nécessité. Après deux années de fortes turbulences, marquées par des grèves et des manifestations, la réforme survécut tant bien que mal, mais au prix d’importantes concessions (dont le <a href="http://bit.ly/2jvtadu">décret Hamon</a>, qui autorise le regroupement des activités périscolaires sur un seul après-midi). Mais le retour au calme, dans une ambiance teintée d’amertume et de désenchantement, n’était que précaire. Le moment Blanquer va venir révéler la fragilité de cette survie.</p>
<h2>De la vie et de la mort des réformes</h2>
<p>Est-ce le destin de toute réforme éducative que de passer du consensus au rejet ? L’analyse de la tragi-comédie qu’a constitué le moment 2012–2014 peut en tout cas permettre de dégager, comme a contrario, quelques conditions de possibilité d’une réforme éducative.</p>
<p>Tout d’abord, il est important de noter que pratiquement personne n’a remis en cause le bien-fondé du cœur même de la réforme : revenir à une semaine de 4,5 jours pour mieux respecter les rythmes d’apprentissage propres aux élèves. Ce que l’on refuse, ce n’est pas le contenu de la réforme, mais ce qui vient perturber un « ordre » établi, sans gain visible pour la catégorie d’acteurs sociaux à laquelle on appartient. Chacun rêve d’une réforme qui, pour lui, serait à la fois indolore et « gagnante »…</p>
<p>La réforme devra donc vaincre bien des égoïsmes pour imposer la prise en compte de ce qui est (en tout cas : devrait être !) en son cœur : l’intérêt des élèves. Une étude des reproches adressés à la réforme par les différents groupes d’acteurs en cause (Hadji, 2017) nous a permis d’identifier plus spécifiquement six « zones problématiques », où se jouent six défis. On peut considérer que chacun d’entre eux définit une condition de possibilité de la réussite de la réforme.</p>
<p>L’actuel, et second grand « moment », de la réforme, nous semble alors souligner l’importance de deux de ces défis, à savoir : ne jamais perdre de vue ce qui donne son sens à la réforme, et en constitue le cœur, d’une part ; être capable de dépasser ses intérêts égoïstes, d’autre part. En effet, cette nouvelle poussée dans « la fièvre des rythmes » (<em>Le Monde</em> du 7 juillet 2017) est une parfaite illustration de ce qui constitue une constante dans la chaotique histoire des réformes éducatives en France : l’insuffisante prise en compte, par les différents acteurs sociaux, de l’intérêt fondamental des élèves.</p>
<h2>La réforme prise au piège des intérêts particuliers (ou : la bande des quatre dans ses œuvres)</h2>
<p>Depuis que le <a href="http://bit.ly/2fo810r">décret Blanquer du 27 juin</a> en a donné la possibilité, on constate une progression impressionnante du choix du retour à la semaine de 4 jours (31,8 % des écoles, représentant 28,7 % des écoliers, au 18 juillet 2017). Les acquis de la chronobiologie seraient-ils devenus caducs ? Les connaissances produites sur l’importance du temps scolaire et le nombre de jours d’école, obsolètes ? Certainement pas. Mais les acteurs qui s’investissent dans le débat ont en tête de toutes autres considérations. À savoir, les intérêts immédiats des institutions ou des groupes qu’ils représentent, ou auxquels ils appartiennent.</p>
<p>Le ministre, plongé dans son temps politique, agit en ayant principalement en tête le « coût » et l’intérêt politiques de ses décisions, avec la tentation de défaire ce qu’ont fait ses prédécesseurs, pour bien marquer l’entrée dans les temps nouveaux. Ce qui le conduit à ignorer le vote du Conseil supérieur de l’éducation (rejet le 8 juin, par 35 voix contre 21, du projet de décret autorisant le retour à la semaine de 4 jours). À œuvrer ainsi à la démolition de l’existant sans attendre que l’expérimentation et l’évaluation, dont par ailleurs il vante les mérites, aient eu le temps de produire leurs enseignements. Et à contraindre les écoles et les municipalités à faire des choix dans la précipitation d’une fin d’année scolaire.</p>
<p>Les parents d’élèves privilégient leurs propres soucis. Pour eux, l’école sert, entre autres, à garder leurs enfants pendant qu’ils travaillent. Ils sont donc d’abord attentifs à ce qui les arrange, et ne voient pas d’inconvénient majeur à la perte d’une matinée de classe (où l’efficacité des apprentissages est plus grande), pourvu que des activités soient proposées le mercredi matin pour compenser.</p>
<p>Les enseignants, et leurs syndicats, succombent (comme toujours ?) à la tentation de penser d’abord à leurs conditions de travail. Un enseignant interrogé par <a href="http://lemde.fr/2tYGP15"><em>Le Monde</em> (du 7 juillet 2017)</a> confesse « qu’avoir son mercredi pour soi, c’est confortable ». Faut-il alors s’étonner que, selon une consultation syndicale conduite en juin, 75 % des professeurs des écoles ayant répondu se déclarent en faveur de la semaine de 4 jours (<em>Le Monde</em> des 25/26 juin 2017) ?</p>
<p>Les maires, enfin, ont d’abord une vision comptable du problème. Dans une période de restriction budgétaire, marquée par la baisse des dotations de l’État, ils privilégient en quelque sorte « naturellement » la recherche du moindre coût. Ce qui les conduit à faire des « choix économiques », « sur le dos des enfants », comme l’exprime la responsable départementale de la FCPE dans l’Aude (<a href="http://bit.ly/2jtZwVU"><em>Le Midi Libre</em> du 20 juillet 2017</a>).</p>
<h2>À qui appartient-il alors de définir l’intérêt des élèves ?</h2>
<p>Bien sûr, les intérêts de chaque partie prenante méritent d’être pris en compte. En particulier, on peut comprendre que les enseignants soient soucieux de leurs conditions de travail. Toutes les préoccupations ont leur niveau de légitimité. Mais, si le problème à résoudre est de trouver les rythmes les plus favorables aux apprentissages scolaires, les intérêts particuliers doivent passer au second plan, pour s’effacer devant l’intérêt des élèves qui apprennent.</p>
<p>Ce qui soulève une dernière question : qui peut, en dehors des élèves eux-mêmes, que leur âge ne place pas en situation de dire seuls ce qui est bon pour eux, parler légitimement au nom des élèves ? La réponse nous paraît simple : les scientifiques, pour la description des processus d’ordre chronobiologique ; les pédagogues, pour la recherche de « bonnes pratiques » à mettre en œuvre ; le législateur, pour la détermination des finalités de l’action éducative collective. Puissions-nous être d’abord à l’écoute des voix en provenance de ces trois champs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire de cette réforme éclaire une des raisons profondes de l’échec de tant de tentatives de réforme, dans le champ éducatif : la difficulté à faire prévaloir l’intérêt des élèves.Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/839032017-09-14T20:34:47Z2017-09-14T20:34:47ZIl est inutile de vouloir réformer le système éducatif en France, il faut en changer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185689/original/file-20170912-19534-wllgb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rentrée des classes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/petit_louis/21491251905/in/photolist-yK7hrX-fp7sYC-yGHwiL-4G6uFm-Ww3v7n-x1ewWk-Jxn67V-Vu7LRx-dQsNSs-JukKBo-Juk5jA-W8kboU-QtzGpi-W8ko9Y-s3E9W7-s5PdD3-WE36cL-WE2RZy-MWXu9m-Vd2KfU-VrtSKd-N1fC9-WHz1VD-WE3azJ-WHBzxD-JXDvTt-C5xgLa-SyoZeZ-Vrt6om-WsAouW-Vu5L82-Vuc9Ha-VrnudS-WvYoWp-WE3CUU-WfrWUE-BCpApE-wP2ufs-WHBkLv-Vu72GM-WE3A5A-RZJyXE-W8jyHW-VrnHrq-N1fro-WsGvZ3-WHA98x-vH6pSn-uKRZzH-VrsUwG">Petit Louis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Cinquième puissance économique du monde, la France voit son système éducatif classé 27<sup>e</sup> dans le <a href="http://bit.ly/2wmjIua">classement des Bernardins</a>, qui <a href="http://bit.ly/2dcgOih">mesure la qualité des systèmes</a> éducatifs des pays de l’OCDE, tandis que <a href="http://bit.ly/2g80sbC">selon PISA</a> l’école française est l’une des plus inéquitables. Notre système est à bout de souffle et irréformable. Il faut en changer pour revenir dans les toutes premières places mondiales d’ici 10 ans. Comment faire ?</p>
<h2>Un exemple : la Finlande</h2>
<p>En 1950, un pays européen avait un double système éducatif : l’un, destiné principalement à la population rurale, qui durait seulement six ans, et l’autre réservé à ceux vivant dans les villes et les grandes municipalités, qui leur donnait accès à une éducation secondaire de deux à trois ans pour se diriger ensuite soit vers des études professionnelles, soit vers des <em>grammar schools</em> (cinq ans) ouvrant la porte de l’université.</p>
<p>Le système éducatif était donc inégalitaire, et fortement ségrégé suivant l’origine sociale des jeunes. La situation devint encore insoutenable avec la montée de la mondialisation et de l’urbanisation.</p>
<p>La décision fut prise d’envisager la création d’un système éducatif unique. Dans la tradition de ce pays, de longues consultations prirent place, des commissions furent créées, des études de cas (plusieurs centaines) furent lancées, cela pendant 18 ans. C’est en effet seulement en 1968 qu’enfin la loi créant l’école unique et obligatoire de 7 à 16 ans fut votée. Et encore, faudra-t-il encore attendre neuf ans, jusqu’en 1977, pour qu’elle soit complètement mise en œuvre : elle entra, en effet, en vigueur en 1972 et fut d’abord expérimentée dans le nord du pays, la partie la moins peuplée, avant de progressivement être appliquée dans le reste du pays et dans les grandes villes situées dans le sud. En l’an 2000, les premiers résultats de PISA paraissaient et ce pays arrivait à la première place du classement. C’était la <a href="http://bit.ly/2y2OBWs">Finlande</a>.</p>
<h2>L’état de la France</h2>
<p>Quelles leçons peut-on en tirer pour la France ? Dans notre pays, comme autrefois en Finlande, il existe deux systèmes éducatifs : l’un qui fonctionne assez bien pour les classes supérieures et moyennes, et l’autre qui donne de mauvais résultats pour les autres classes ; il y a évidemment des exceptions selon son lieu de résidence et en conséquence l’établissement scolaire auquel on a accès.</p>
<p>Mais les études internationales, <a href="http://bit.ly/2wUKcXZ">comme PISA</a>, montrent que, si l’on est d’origine modeste, on a beaucoup moins de chances que dans les autres pays de l’OCDE de réussir à l’école et beaucoup plus de décrocher du système scolaire avant la fin de sa scolarité obligatoire. L’explication qui est donnée est qu’en France l’impact du milieu social sur les performances des élèves d’origine modeste (le fameux déterminisme social) est moins bien compensé par l’école que dans les autres pays.</p>
<p>En d’autres mots, l’école <a href="http://bit.ly/2mdnxxy">ne corrige pas les inégalités</a> sociales, elle les perpétue (quand elle ne les aggrave pas). La République, qui doit œuvrer également pour tous, manque donc à ses devoirs et l’école républicaine, qui doit assurer l’égalité des chances, est un mythe.</p>
<h2>Un nouveau système pour la France</h2>
<p>En conséquence de quoi, comme l’a fait la Finlande, plutôt que de tenter de réparer les dysfonctionnements du système actuel – ce que l’on a fait sans grand succès depuis 35 ans (les premières mesures d’éducation prioritaire ont été prises en 1981) – il convient plutôt de créer un nouveau système.</p>
<p>De même, en s’inspirant de la Finlande, on veillera d’organiser la gouvernance générale de ce projet en respectant les cinq règles suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Établir des objectifs clairs avec une date butoir précise ;</p></li>
<li><p>Mettre au point une série de mesures précisant le rôle des différents acteurs de l’éducation et fixant un calendrier de mise en œuvre pour chacune ;</p></li>
<li><p>Mobiliser tous les moyens nécessaires (financiers, physiques, administratifs, juridiques, humains) ;</p></li>
<li><p>Faire participer tous les acteurs de l’éducation dès le début à l’élaboration du projet afin de garantir leur appropriation et partant leur soutien au projet ;</p></li>
<li><p>Tester la mise en place du projet dans une ou deux régions afin qu’il soit évalué puis éventuellement généralisé dans l’ensemble du pays.</p></li>
</ul>
<p>Le projet similaire à celle de la Finlande qu’il faut donc mener consiste à créer un système éducatif unique permettant à tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale, d’être en situation de réussir en classe (étant entendu que le système ne pouvant pas compenser l’inégalité de talents, il y aura toujours parmi les élèves des résultats inégaux). Toutes les mesures formant la réforme doivent avoir pour objectif de réduire les inégalités sociales qui handicapent l’apprentissage des élèves et de réduire les inégalités scolaires.</p>
<h2>Quelles mesures mettre en place ?</h2>
<p>En s’inspirant des systèmes éducatifs qui sont les plus équitables et qui permettent aux élèves d’avoir les meilleurs résultats, le nouveau système devrait prendre forme grâce aux mesures suivantes (Ce projet est expliqué en détail dans l’ouvrage <a href="http://bit.ly/2y2bF7C"><em>Réconcilier la République et son école</em></a>) :</p>
<ul>
<li><p>Une décentralisation vers les régions de l’ensemble de la politique de l’éducation (la formation des enseignants et les programmes restant nationaux) ;</p></li>
<li><p>Une plus grande autonomie de l’ensemble des établissements (les écoles acquérant le statut d’établissements publics), et un leadership partagé ;</p></li>
<li><p>La mise en place d’une gestion générale par objectifs tant au niveau national, que régional, que des établissements ;</p></li>
<li><p>La suppression du corps des enseignants, la révision de leurs statuts, la suppression des concours de recrutement ;</p></li>
<li><p>Un fort renforcement de la formation professionnelle initiale et continue des enseignants mettant l’accent sur l’acquisition de l’ensemble des méthodes pédagogiques, des formations concernant la pédopsychologie, la psychologie sociale, les neurosciences, la gestion de classes difficiles, les compétences génériques et notamment l’innovation, l’interdisciplinarité, le travail en équipe, le tutorat et le coaching, l’usage du numérique, et le goût pour les enseignants pour la recherche.</p></li>
<li><p>Des programmes moins encyclopédiques, plus interdisciplinaires, laissant leur place aux compétences y compris les compétences génériques et sociales, recourant à des pédagogies plus inductives et plus différenciées, sans oublier le numérique pour développer l’apprentissage personnalisé, l’auto-apprentissage, la recherche documentaire, le travail en groupe.</p></li>
<li><p>Un plan Marshall pour lutter contre les inégalités, l’échec et l’abandon scolaires, recourant là aussi au numérique.</p></li>
<li><p>Le développement de relations plus coopératives et constructives entre l’école et les parents.</p></li>
</ul>
<p>La France est le pays du Siècle des lumières qui a fait savoir que l’homme ne devait plus vivre sous tutelle, quelle qu’elle soit, mais décider de lui même à partir de son propre jugement. Le fort centralisme et le système hiérarchique pyramidale, qui caractérisent notre système éducatif, étouffent les initiatives et incitent à l’individualisation alors qu’il faudrait davantage de travail collectif, de coopération, d’entraide et d’innovations.</p>
<hr>
<p><em>Bernard Hugonnier, co-directeur du séminaire <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/recherche/ecole-et-republique">Ecole et République</a> du Collège des Bernardins, a co-dirigé avec Gemma Serrano un ouvrage issus des réflexions du séminaire, <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/publications/reconcilier-la-republique-et-son-ecole">« Réconcilier la République et son école »</a> (Editions du Cerf, Paris, septembre 2017).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Hugonnier est membre du Parti socialiste ; Ancien co-directeur de séminaire au Collège des Bernardins ; membre de l'Association européenne de l'éducation.
</span></em></p>Notre système est à bout de souffle et irréformable. Il faut en changer pour revenir dans les toutes premières places mondiales d’ici 10 ans. Comment faire ?Bernard Hugonnier, Professeur en sciences de l'éducation, Institut Catholique de Paris, Co-directeur du séminaire de recherche Ecole et république, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/831882017-09-05T19:41:13Z2017-09-05T19:41:13ZDeux classes en une !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184570/original/file-20170904-9753-1hvdxy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Séance d'écriture</span> <span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est le fruit des observations réalisées par Delphine Eastes « co-auteure » de l'article, et mère d’une petite fille scolarisée en Nouvelle-Zélande.</em></p>
<hr>
<p>Rentrée des classes 2017 en Nouvelle-Zélande dans une petite école de l’île du Nord. À la faveur des vacances scolaires, deux enseignantes ont décidé de rassembler leurs classes de CP et de CE1 dans le même espace, en supprimant la paroi amovible qui les séparait : au lieu de gérer chacune une classe de 15-20 élèves, elles enseigneront désormais ensemble aux à 35 élèves de 5 à 7 ans. Résultat de cette cohabitation : des avantages pédagogiques et pratiques inattendus, inspirés par une conception révolutionnaire de l’enseignement primaire.</p>
<h2>Les deux premières heures de la journée sont consacrées au jeu et à la lecture</h2>
<p>En Nouvelle-Zélande on commence l’école le jour de ses 5 ans. La classe passe ainsi d’une vingtaine d’élèves à la rentrée à 35-40 à la fin de l’année. L’école a lieu cinq heures par jour, cinq jours par semaine. Chaque jour, les deux premières heures sont consacrées au jeu et à la lecture.</p>
<p>Des activités totalement libres (sans supervision ni directives) sont mises à disposition, aussi bien autour de tables hexagonales qu’au sol ou dans des petits espaces séparés : jeux de construction, de simulation, bricolage, collage, peinture, écriture, jeux éducatifs divers, jeux de société… Les enfants évoluent librement d’une activité à l’autre, développant des capacités de négociation, de partage, d’entraide et de coopération au travers d’interactions constantes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184571/original/file-20170904-9770-1tmt7n4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jeu libre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>Durant ces deux premières périodes, chaque enfant est alternativement appelé par une maîtresse pour une courte séance de lecture en tête à tête, adaptée au niveau de l’enfant puisqu’individualisée. Ils quittent leur activité sans rechigner, ayant la possibilité d’y laisser un panneau « Regarde mais ne touche pas » qui leur permettra de retrouver celle-ci dans l’état où ils l’ont laissée.</p>
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<span class="caption">Séance de lecture individualisée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>S’en suit une récréation de vingt minutes pendant laquelle les enfants mangent et jouent aussi bien en classe qu’au-dehors. Cela se fait, de manière inattendue, sans supervision nécessaire car dans la continuité de leurs jeux précédents. Quelle surprise de quitter la classe pour aller prendre un café et de la retrouver un quart d’heure plus tard exactement dans le même état, les enfants encore plongés dans leurs jeux !</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Pendant la récréation, jeu portant l’avertissement : « Regarde mais ne touche pas ! ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<h2>Les mauvais choix de l’élève, non l’élève lui-même, sont publiquement réprouvés</h2>
<p>Seules quelques règles précises régissent le quotidien des élèves, qui sont essentiellement des règles de vie en communauté. L’autodiscipline et l’autonomie sont encouragées. Ne pas avoir à garder les enfants immobiles et attentifs pendant de longues périodes permet de se concentrer sur des règles plus universelles, établissant une ambiance positive, dont les enfants peuvent concevoir l’intérêt. Dans de très rares cas, un enfant montrant un comportement irrespectueux vis-à-vis des autres ou avec le matériel, et qui ne peut être redirigé vers une activité qui le calme, devra s’asseoir quelques minutes sur un des carrés de couleur qui décorent la moquette. Ce sont les choix de l’élève, non l’élève lui-même, qui sont publiquement réprouvés.</p>
<p>Après la récréation, ce sont les enfants qui rangent la classe. L’heure suivante est consacrée à l’écriture. Une maîtresse écrit, devant les enfants rassemblés et avec leur aide, une histoire courte sur un sujet qui les concerne ce jour-là. Elle corrige ensuite les fautes d’orthographe qu’elle s’est docilement laissée dicter, encouragée par les enfants qui la créditent d’un « C’était un mot difficile » ou d’un « Bon travail ! ».</p>
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<span class="caption">Écrire avec la maîtresse, c’est plus rigolo !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>Ceux-ci sont alors sollicités pour aller écrire leur propre histoire, plus personnelle ou inspirée de celle écrite ensemble. Ils écrivent où ils le souhaitent, en groupe ou isolés, à une table ou par terre. Les nouveaux arrivants (5 ans) ne barbouillent que des lignes indistinctes, additionnées de quelques lettres connues. Les plus âgés (6 ans et plus) écrivent de plus longues histoires. Ceux qui ont fini peuvent aller voir une maîtresse pour lui lire leur histoire et faire corriger leurs erreurs. Ils sont ensuite libres de s’occuper dans la classe.</p>
<h2>Le temps maximum passé à écouter la maîtresse est de quinze minutes par jour</h2>
<p>Sur le même modèle, la quatrième heure est réservée au calcul. Elle débute avec une séquence où toute la classe chante et danse devant le grand écran où sont projetées des vidéos mathématiques dansantes. La majeure partie de l’heure est réservée à des jeux de calcul autonomes, en tête à tête avec une maîtresse ou en petits groupes.</p>
<p>Après une pause déjeuner d’une heure, la dernière heure est consacrée aux sciences, aux arts ou à des projets basés sur les intérêts actuels des enfants : insectes, dinosaures, cabanes…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/X1grGSqT10M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des vidéos ludiques pour se familiariser avec les nombres.</span></figcaption>
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<p>L’agencement spatial de la classe est celui d’un lieu de vie en commun plutôt que de type cours frontal. Sur une journée, en effet, le temps passé en groupe à écouter la maîtresse est réduit à une quinzaine de minutes au total, pendant lesquelles les enfants sont simplement assis sur la moquette.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Un agencement de classe très convivial.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<h2>« Que des avantages ! »</h2>
<p>Pour l’ensemble des enfants, cette solution est idéale car elle facilite leur transition progressive depuis les structures de la petite enfance. Ils développent une autonomie et des aptitudes sociales qui leur serviront toute leur vie, apprennent en jouant et bénéficient d’un enseignement individualisé adapté à leur niveau. Ils choisissent la maîtresse avec laquelle ils se sentent le plus à l’aise, ce qui peut changer en cours d’année. Il y a bien sûr des objectifs d’apprentissage à atteindre. La pratique individualisée permet de s’assurer, au minimum, que chaque élève progresse, et ce au maximum de son potentiel.</p>
<p>Ces modalités d’enseignement sont par ailleurs particulièrement adaptées aux élèves défavorisés aussi bien que souffrant de déficits d’attention, les pédagogies associées étant à la fois plus libres, plus individualisées et plus ludiques que les traditionnels cours magistraux en classes hermétiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Un enseignement ciblé sur les besoins de l’enfant ; ici, programme d’apprentissage de la lecture sur tablette tactile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>Au-delà des avantages de ce mode de fonctionnement pour les élèves, les enseignantes montrent un enthousiasme débordant pour la méthode. La présence d’un autre adulte rend le métier moins solitaire. Leur complémentarité semble avoir un effet supérieur à la somme de leurs créativités respectives, les points forts de l’une peuvent compenser les points faibles de l’autre, les préférences de chacune peuvent être privilégiées sans que cela se fasse au détriment des enfants. Les jours où la motivation de l’une est en baisse, l’autre enseignante peut prendre le dessus. De même, lorsqu’une enseignante entre dans une impasse avec un élève, l’autre peut prendre le relais avec un œil neuf. Plus de plaisir, plus de dynamisme et une vision plus objective des enfants, avec un partage du travail et des responsabilités.</p>
<p>Le prix d’un tel travail en commun suppose certes une forte volonté de partage de la part des enseignantes, une communication fluide, une grande flexibilité et un équilibre de personnalités. Mais les bénéfices vont bien au-delà des quelques concessions que cela suppose. L’une d’elles s’exclame « C’est la première fois en 20 ans d’enseignement que j’adore vraiment mon métier ! ».</p>
<h2>Interactions sociales et sentiment d’appartenance</h2>
<p>L’impact positif d’une interaction entre élèves d’âges différents, avec l’enfant plus âgé qui gagne en confiance en soi et le plus jeune qui est plus réceptif à l’apprentissage, <a href="http://www.cnt-f.org/nautreecole/?Une-ecole-trop-efficace-Entretien">n’est plus à démontrer</a>. Les « grands » de l’école primaire emmènent les « petits » à la bibliothèque pour leur lire des livres. Les élèves de CE2/CM1 sont encouragés à venir lire leurs propres histoires aux CP/CE1.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184576/original/file-20170904-9760-1oxj4uz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une « grande » du CM1 vient lire sa rédaction devant le reste de la classe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>L’organisation de la classe et des journées est telle qu’il est possible aux élèves de participer à des activités ponctuelles en dehors de la classe sans effet sur leur apprentissage de la lecture et du calcul. Ainsi, certains enfants font partie du groupe de Kapa Haka de l’école (chants et danses maoris) qui regroupe tous les âges. Ils peuvent aussi s’absenter pour des répétitions s’ils font partie d’un spectacle de l’école ou d’un ensemble musical.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184769/original/file-20170905-13726-15jbij9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répétition du haka en vue de l’assemblée de l’école.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>Les projets multidisciplinaires et multi-âges sont ainsi nombreux, la plupart étant entièrement gérés par les élèves eux-mêmes puisqu’il est possible de puiser dans le large réservoir de compétences qu’offre cette école dont les niveaux s’échelonnent du primaire à la fin du lycée. Un spectacle pourra par exemple être écrit par une classe, les décors créés par une autre, la musique jouée par l’orchestre classique, les costumes créés et les sons et lumières gérés par des élèves individuellement… Avec une supervision des adultes réduite essentiellement à l’enseignement dramatique et à l’organisation des répétitions.</p>
<p>Cela engendre une camaraderie entre les élèves toutes classes confondues et un fort sentiment d’appartenance qui semble être un rempart efficace contre le harcèlement scolaire.</p>
<h2>Uniformes et pyjamas</h2>
<p>Ce qui frappe surtout les esprits, lorsque l’on observe cette école d’un œil français, c’est le contraste entre innovation et tradition : audace pédagogique et ouverture d’esprit d’une part, discipline (individuelle et de groupe) et respect (de ses pairs, des enseignants et de l’héritage maori) d’autre part.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184581/original/file-20170904-9753-e6qwi6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Uniforme et jeux au sol, une école des contrastes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>En effet, tout l’enseignement s’articule autour de sept valeurs : Honnêteté, Générosité, Considération pour les autres, Compassion, Obéissance, Respect et Sens du devoir. Il y a une tolérance zéro du harcèlement. On apprend les conséquences de ses actes et la prise de décision rationnelle. La discipline reste cependant non répressive, positive et constructive, parfois festive. On trouve par exemple un équilibre étrange entre le port de l’uniforme au quotidien et des journées à thème sans uniforme, où tous, enseignants inclus, sont encouragés à venir à l’école avec des coiffures délirantes, habillés de leurs pyjamas ou déguisés en hippies.</p>
<h2>Former de jeunes adultes qui savent qui ils sont</h2>
<p>La devise de l’école dicte d’« Être le meilleur possible » et celle-ci est prise au mot, par les élèves comme par le personnel de l’école. Toutes les disciplines sont reconnues et chaque élève est encouragé-e à atteindre son potentiel dans tous les domaines, y compris dans les activités comme le sport ou la création musicale. Il y a ainsi une reconnaissance de l’individualité de chacun tant en terme de capacités que de préférences.</p>
<p>Les succès personnels et communs sont célébrés par tous lors des assemblées d’école. Les élèves qui réussissent deviennent des leaders dans leur domaine, considérés avec respect par leurs pairs comme l’exemple à suivre. Les erreurs sont appréciées comme des opportunités de progrès.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184578/original/file-20170904-9760-12vyc3s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Remise des récompenses lors de l’assemblée d’école.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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<p>Ainsi l’école a pour objectif non de remplir des cerveaux de manière uniforme mais de former des jeunes adultes qui savent qui ils sont, qui sont membres de leur communauté à part entière et qui peuvent rejoindre les établissements d’études supérieures pour lesquelles ils ont les capacités et l’aspiration. Cette approche holistique, qui cherche à créer des individus complets et à former des caractères, n’empêche pas cette école rurale d’obtenir des résultats académiques <a href="http://www.thehits.co.nz/news/2016-ncea-pass-rates-how-does-your-childs-school-rank/">parmi les plus élevés du pays</a>.</p>
<h2>Un modèle applicable à la France ?</h2>
<p>Toutes ces particularités, issues à la fois de l’influence du modèle anglo-saxon et d’un esprit pionnier très ancré en Nouvelle-Zélande, ne sont évidemment pas transposables directement à tous les systèmes scolaires occidentaux, notamment lorsque ces derniers présentent des freins culturels et institutionnels tels que des fortes traditions de transmission verticale ou une absence de latitude laissée aux établissements, voire aux enseignants eux-mêmes. Dans la recherche de solutions à des problèmes existants, de telles initiatives peuvent toutefois constituer de belles sources d’inspiration, au moins localement.</p>
<p>Mais ne nous y trompons pas : il ne suffit pas de supprimer une cloison et de rassembler deux classes et leurs enseignantes pour résoudre à la fois les problèmes d’apprentissage et d’intégration. Car on l’aura compris, c’est surtout une certaine manière de considérer l’éducation des jeunes Néo-Zélandais qui aura conduit deux enseignantes à abolir les traditionnelles frontières de leur profession, pour offrir à leurs élèves de telles possibilités d’épanouissement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184582/original/file-20170904-9725-y5y172.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Delphine Eastes</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/83188/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Richard-Emmanuel Eastes est membre-fondateur du groupe Traces, groupe de réflexion et d'action sur la science, sa communication et son rapport à la société. Il est également consultant académique auprès de la société SEGALLIS (Suisse).</span></em></p>Face au défi d’ouvrir 2 000 classes de CP supplémentaires en réseaux d’éducation prioritaire à la rentrée, une école rurale de Nouvelle-Zélande pourrait bien inspirer des solutions originales.Richard-Emmanuel Eastes, Chercheur associé au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel (Suisse) - Chercheur associé au Laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences, Université de GenèveLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/807332017-07-23T20:25:20Z2017-07-23T20:25:20ZEnseignants-chercheurs en médecine générale : « L’obligation vaccinale est une mauvaise solution »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/178863/original/file-20170719-13545-13nmma7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vaccination d'un nourrisson (photo d'illustration). </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/doctor-vaccinating-baby-455879764?src=HMJ6b4K_JZk2I-rXV5UhAQ-1-8">De Africa studio/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le premier ministre a annoncé, le 4 juillet, son intention de rendre obligatoire onze vaccins pour la petite enfance - trois d’entre eux l’étant déjà. Il a ainsi entériné les propositions émises par la ministre de la Santé. Un texte de loi <a href="http://sante.lefigaro.fr/article/onze-vaccins-obligatoires-la-loi-examinee-a-la-fin-de-l-annee">doit être présenté dans ce sens devant le Parlement à la fin de l’année</a>. </p>
<p>Les universitaires de médecine générale, par la voix du <a href="https://www.cnge.fr/">Collège national des généralistes enseignants</a> (CNGE) regroupant 8 500 médecins enseignants et maîtres de stage, prennent position contre cet élargissement de l’obligation vaccinale. <a href="https://www.cnge.fr/conseil_scientifique/productions_du_conseil_scientifique/comment_ameliorer_la_couverture_vaccinale_concerta/">Avec le conseil scientifique du CNGE</a>, nous estimons qu’il s’agit d’une mauvaise solution, inapte à régler le problème de l’insuffisance de la couverture vaccinale en France. </p>
<p>En effet, l’obligation, qui peut être perçue par les citoyens comme une réaction autoritariste, risque d’être contre-productive. Cette stratégie est de nature à renforcer la défiance d’une partie de la population, en plus d’apparaître décalée par rapport aux évolutions sociétales allant dans le sens d’une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GamcW2Ym4oA">plus grande autonomie des patients</a>. </p>
<h2>BCG facultatif, pas de recrudescence des tuberculoses</h2>
<p>Aucun élément scientifique ne plaide en faveur d’une efficacité de l’obligation. D’autres pays européens comparables à la France ont, sans cette contrainte, des taux de couverture vaccinale équivalents ou supérieurs. Quant à l’option inverse, une levée totale de l’obligation, elle ne semble pas comporter de risque particulier. Il existe un précédent encourageant en France avec le vaccin contre la tuberculose, le BCG, rendu facultatif en 2007. Ce changement ne s’est pas accompagné d’une recrudescence des tuberculoses graves chez l’enfant.</p>
<p>Historiquement, la vaccination a permis des succès considérables. On peut lui attribuer l’éradication de la variole dans le monde, la quasi disparition de la poliomyélite, la régression spectaculaire du tétanos, de la diphtérie mais aussi de la rougeole et de la coqueluche, maladies infectieuses aux bilans autrefois effrayants en termes de morbidité et de mortalité. </p>
<p>La vaccination bénéficie d’une aura considérable dans le corps médical en France, pays de Louis Pasteur. Les médecins généralistes sont attachés <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4563133/">de manière ultra majoritaire</a> aux <a href="http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/publications/etudes-et-resultats/article/vaccinations-attitudes-et-pratiques-des-medecins-generalistes">vaccinations recommandées et au respect du calendrier vaccinal</a>. Quant aux patients, ils <a href="http://fulltext.bdsp.ehesp.fr/Sfsp/SantePublique/2012/6/547_560.pdf">accordent une grande confiance à leurs médecins traitants</a>. Un contexte plutôt favorable, <em>a priori</em>, à une bonne couverture vaccinale.</p>
<h2>Le vaccin contre l’hépatite B accusé, à tort, d’effets indésirables graves</h2>
<p>Cependant, une partie de la population manifeste depuis plusieurs années une défiance vis-à-vis des vaccins. Ce sentiment complexe trouve ses racines dans des phénomènes d’origines variées. Il y a d’abord l’héritage de la campagne de vaccination systématique contre l’hépatite B en milieu scolaire menée de 1994 à 1997. Abandonnée après de longues polémiques sur son innocuité, elle s’est soldée par un doute durable vis à vis de ce vaccin accusé, à tort, d’une pléiade d’effets indésirables graves.</p>
<p>Ensuite, les principes vaccinaux en vigueur sont difficilement compréhensibles car déconnectés de l’utilité réelle de chacun des vaccins. Les trois vaccins « historiques », contre le tétanos, la polio et la diphtérie, sont obligatoires. Les autres, plus récents, sont seulement recommandés alors qu’ils sont les plus importants durant la petite enfance. Il s’agit des vaccins anti pneumocoque, hémophilus, coqueluche, méningocoque et rougeole.</p>
<p>La campagne de vaccination contre la grippe H1N1, en 2009 et 2010, est venue elle aussi alimenter la défiance. Anxiogène et inadaptée, cette opération a déconsidéré la parole d’institutions qui avaient surestimé la gravité de l’épidémie. Enfin, la révélation de liens d’intérêts entre certains promoteurs de la vaccination et les industriels du secteur, par exemple <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/09/papillomavirus-les-autorites-europeennes-dans-la-tourmente_5046054_3244.html">pour le vaccin contre le papillomavirus, responsable de cancers du col de l’utérus</a>, est venue aggraver la défiance.</p>
<h2>La France, la plus méfiante parmi 67 pays</h2>
<p>Les mouvements anti vaccinaux se sont nourris des erreurs précédemment citées, faisant basculer dans le doute une part croissante de la population au cours des quinze dernières années. Aujourd’hui, la France est le pays où le doute sur la vaccination est le plus important au monde, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27658738">selon l’étude portant sur 67 pays publiée en 2016</a>. </p>
<p>Cette situation aboutit à une couverture vaccinale que les autorités sanitaires estiment insuffisante. Pour obtenir un effet protecteur généralisé à l’échelle d’un pays, l’objectif - validé par la communauté scientifique - est de vacciner plus de 95 % de la population cible.</p>
<p>Examinons les chiffres les plus récents, <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Couverture-vaccinale/Donnees/Synthese-des-couvertures-vaccinales-chez-l-enfant-de-2-ans">ceux de 2015</a>. En France, ils sont de 98,9 % pour la primovaccination obligatoire anti tétanos, diphtérie, polio et de 96,7 % pour le rappel. Ils sont équivalents pour la coqueluche, 98,6 % et 96,3 %. Ils sont moins importants pour le vaccin anti pneumocoque, avec une population vaccinée à 91,4 %, et à 90,5 % pour le vaccin anti rougeole/rubéole/oreillons. Mais ces vaccins sont plus récents et leur taux de couverture croît d’année en année en dépit du contexte difficile énoncé plus haut - même si cette croissance est maintenant très lente. </p>
<p>La dramatisation autour de l’enjeu d’une couverture supérieure à 95 % de la population peut sembler surprenante. Le premier ministre a évoqué, dans son discours de politique générale, la situation de la rougeole, considérant celle-ci comme inadmissible. Il faut préciser que l’épidémie de rougeole a été à l’origine ces dix dernières années, en moyenne, <a href="http://invs.santepubliquefrance.fr/Dossiers-thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Rougeole/Points-d-actualites/Archives/Epidemie-de-rougeole-en-France.-Actualisation-des-donnees-de-surveillance-au-12-avril-2017">d’un cas de décès par an sur toute la France</a>. De plus, la majorité des victimes étaient des enfants souffrant déjà d’un déficit immunitaire contre indiquant de fait cette vaccination - qui, par ailleurs, ne protège pas parfaitement les enfants vaccinés.</p>
<h2>Un rapport bénéfices risques favorable pour l’ensemble des vaccins de la petite enfance</h2>
<p>Les vaccins conseillés dans la petite enfance ont tous un rapport favorable entre leurs bénéfices et leurs inconvénients, même si celui-ci s’avère plus ou moins élevé selon le vaccin. Les données actuelles de la science plaident clairement pour l’utilisation de l’ensemble d’entre eux. Ils permettent d’éviter des évolutions plus sévères, plus ou moins fréquentes selon les maladies ciblées, ou la ré-émergence de maladies gravissimes disparues en France. Ainsi, notre prise de position contre l’obligation vaccinale ne tient pas à un jugement négatif sur le fond (l’utilité des vaccins) mais sur la méthode (la coercition).</p>
<p>Le premier ministre, donc, a déclaré vouloir rendre obligatoire onze vaccins pour les enfants de moins de deux ans. Sa proposition s’appuie sur <a href="http://concertation-vaccination.fr/rapport-du-comite-dorientation/">l’avis du Comité d’orientation</a> chargé de rédiger la synthèse de la concertation citoyenne qui s’est tenue sur la vaccination l’an dernier. A ce stade, il paraît utile de rappeler que ce n’est pas l’extension de l’obligation vaccinale mais au contraire, sa levée qui avait été privilégiée par le jury réunissant des professionnels de santé et par la moitié du jury des citoyens, comme indiqué dans le rapport. </p>
<p>Mais pourquoi donc, au fond, les citoyens acceptent-ils les vaccinations ? Pour deux raisons principales, selon une synthèse internationale récente : parce que celles-ci figurent dans les recommandations officielles, et parce qu’elles leur sont conseillées par un professionnel de santé. C’est donc la confiance des citoyens envers les autorités de santé qu’il faut se préoccuper de rétablir. On manque d’une politique publique d’ensemble en faveur des vaccinations, en particulier d’une campagne d’information et d’incitation pour les vaccins de la petite enfance. Les médecins se retrouvent en effet bien seuls au moment de les proposer aux parents… C’est une explication, pour partie, à la faible couverture des vaccins recommandés ces dernières années, comme le vaccin anti méningocoque C. </p>
<h2>Rétablir la confiance par la contrainte ?</h2>
<p>La ministre de la Santé manifeste maintenant la volonté de promouvoir la vaccination et nous saluons cet engagement. Cependant, il est pour le moins paradoxal de prétendre rétablir la confiance de la population par la contrainte. D’autant que le citoyen a pris au fil des ans une place croissante dans la gestion de sa propre santé, encouragé par le principe d’autonomie inscrit dans la loi de 2002 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015&categorieLien=id">relative aux droits des patients</a>. La décision partagée entre médecin et patient, comme la démarche de soins centrée sur le patient, sont maintenant largement promues dans la littérature scientifique et <a href="https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-10/synthese_avec_schema.pdf">par la Haute autorité de santé</a> (HAS).</p>
<p>Une exception à ces principes gravés dans la loi pourrait toutefois se justifier s’il existait une crise sanitaire ou un risque épidémiologique important. Ce qui n’est pas le cas. D’autres situations sanitaires pourtant bien plus dangereuses n’entraînent pas, et ce à juste titre, une posture aussi autoritaire que l’obligation vaccinale. Un exemple ? Plus de 25 000 personnes en France sont porteuses du virus du SIDA sans le savoir. Elles peuvent donc éventuellement contaminer d’autres personnes, notamment par voie sexuelle. Pourtant, les autorités sanitaires n’envisagent pas de mettre en place un dépistage obligatoire du VIH pour toute la population, ni une injonction de soins pour les personnes concernées. </p>
<p>Un autre exemple ? Près de 80 000 morts par an sont liés au tabagisme, avec une nocivité reconnue pour l’entourage des fumeurs notamment les jeunes enfants. Là non plus, l’urgence n’a pas conduit les autorités à imposer l’arrêt définitif et généralisé de la consommation de tabac. On le comprend, car de telles mesures seraient synonymes de la fin du libre arbitre des citoyens. Elles seraient considérées, avec raison, comme une dérive répressive sous couvert de santé publique. </p>
<h2>La mort subite, l’autisme, les allergies risquent d’être attribués aux vaccins</h2>
<p>Les effets contre-productifs d’un élargissement de l’obligation vaccinale sont prévisibles. Les maladies et les accidents qui surviennent ou se révèlent habituellement entre 0 et 2 ans, par exemple la mort subite, l’autisme, les allergies ou les maladie rares, risquent d’être attribués aux vaccins. Et quand une affaire sera portée en justice, au niveau français ou au niveau européen, la jurisprudence permet de prédire que l’Etat (toujours solvable) <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/07/12/vaccin-contre-l-hepatite-b-et-sclerose-en-plaques-non-la-justice-europeenne-n-a-pas-reconnu-le-lien_5159670_4355770.html">sera condamné</a> en dépit de l’absence de lien de cause à effet, induisant toujours plus de confusion dans l’esprit des citoyens. </p>
<p>Aux yeux des médecins généralistes universitaires, il paraît logique de lever l’obligation vaccinale pour mettre fin à un héritage historique qui n’a plus de légitimité. La vaccination entrerait ainsi dans le droit commun de la santé. La vaccination étant une priorité de santé publique, il serait souhaitable d’organiser une grande campagne d’information associée à une formation des professionnels de santé. Mesures qui ont montré, avec les antibiotiques en 2012, qu’elles pouvaient induire un réel changement de comportement. Il nous semble que cette voie est celle de la raison et du progrès.</p>
<p>L’obligation ne peut que renforcer les postures anti vaccination. L’annonce des intentions du gouvernement entraîne déjà réactions et pétitions de mouvements anti vaccins qui profitent de cette erreur tactique pour donner plus d’importance à leurs croisades idéologiques. Demain, si l’obligation doit entrer en vigueur, certains parents chercheront à la contourner par tous les moyens. Les médecins de premier recours, bien souvent des généralistes, seront mis en position difficile avec des demandes de certificats de contre-indication ou de mention de vaccinations dans les carnets de santé alors que celles-ci n’ont pas été réalisées. </p>
<h2>Des familles préféreront sortir leur progéniture du système scolaire classique</h2>
<p>Les directeurs d’établissement scolaires se trouveront eux aussi sous la pression de parents demandant des exemption de vaccination pour que leurs enfants puissent être inscrits à l’école. Certaines familles préféreront sortir leur progéniture du système scolaire classique pour échapper à l’obligation vaccinale. Est-ce que cette obligation dont les bénéfices sont, au mieux, hypothétiques vaut vraiment tous ces risques ?</p>
<p>Obtenir une bonne couverture vaccinale est un objectif important. Il mérite mieux que l’affrontement annoncé d’une vision dirigiste et paternaliste de la santé avec les thèses complotistes anti vaccinales. Dans une vision éthique et progressiste, l’information délivrée par les tutelles et les professionnels devrait être cohérente. Elle devrait s’appuyer sur une évaluation scientifique indépendante des bénéfices et risques de chaque vaccin, qui reste à produire. C’est à cette condition que nous pourrons, ensemble, convaincre l’immense majorité des citoyens du bien fondé d’une politique vaccinale protectrice de la santé de chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Rendre 11 vaccins obligatoires chez l'enfant n'est pas un moyen efficace d'augmenter la couverture vaccinale en France. D'autres mesures permettraient de l'obtenir en restaurant la confiance.Vincent Renard, Professeur de médecine générale, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Olivier Saint Lary, Maître de conférences en médecine générale, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/768712017-05-31T20:59:36Z2017-05-31T20:59:36ZLe numérique peut-il réinventer l’éducation de base en Afrique ?<p><em><a href="http://ideas4development.org/author/erwan-le-quentrec/">Erwan Lequentrec</a> (Orange Labs) et <a href="http://www.unesco.org/new/en/unesco/themes/icts/m4ed/unesco-mobile-learning-week/panellists/francesc-pedro/">Francesc Pedró</a> (Unesco) sont co-auteurs de cet article.</em></p>
<hr>
<p>Si les efforts des pays africains ont permis d’améliorer grandement l’accès à l’éducation de base, le retard initial et la très forte croissance démographique font que l’Afrique subsaharienne compte encore <a href="http://fr.unesco.org/gem-report/report/2015/%C3%A9ducation-pour-tous-2000-2015-progr%C3%A8s-et-enjeux#sthash.4HEzFJcS.dpbs">29,6 millions d’enfants non-scolarisés</a> en âge d’être au primaire et 21,1 millions en âge de l’être au secondaire. À ces difficultés encore importantes d’accès et de rétention se rajoutent les très fortes inquiétudes concernant l’<a href="http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/PUBLICATIONS/RECHERCHE/Scientifiques/Papiers%20de%20recherche/31-papiers-recherche.pdf">équité et la qualité des enseignements</a> dispensés aux élèves.</p>
<p>La révolution numérique en cours dans la région entraîne un foisonnement d’expérimentations intégrant les technologies de l’information et de la communication en éducation (TICE) dans les classes comme hors des classes. <a href="http://www.afd.fr/webdav/shared/PUBLICATIONS/THEMATIQUES/savoirscommuns/17-Savoirs-communs-VF.pdf">Une étude</a> pilotée par l’Agence française de développement (AFD), l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), Orange et l’Unesco permet de faire le point sur le sujet.</p>
<h2>L’irrésistible révolution numérique</h2>
<p>L’accès aux moyens de communication fait aujourd’hui partie intégrante du quotidien de la grande majorité des Africains. La baisse du prix des terminaux mobile et du coût des communications a fait passer le taux de pénétration de la téléphonie mobile de <a href="http://www.gsma.com/iot/wp-content/uploads/2012/04/gsmamckinseytransforminglearningthroughmeducation.pdf">5 % en 2003 à 73 % en 2014</a>. </p>
<p>Le continent africain compte aujourd’hui <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/publications/mis2013/MIS2013_without_Annex_4.pdf">650 millions de détenteurs de téléphone portable</a> (soit plus que les États-Unis et l’Europe réunis) et les réseaux mobiles 3G y sont en très forte expansion. Grâce aux câbles sous-marins reliant l’Afrique à la fibre optique et aux plans récents de connexion satellitaire, les coûts sont en baisse et les zones rurales vont bientôt pouvoir être atteintes.</p>
<p>Si avec <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/publications/mis2013/MIS2013_without_Annex_4.pdf">11 % des ménages connectés</a>, le taux d’accès à l’Internet câblé reste encore faible, l’accès à l’Internet mobile permet déjà à la région de rattraper son retard ; le taux de pénétration du <em>smartphone</em> devrait y atteindre les <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/publications/mis2013/MIS2013_without_Annex_4.pdf">20 % en 2017</a>. Cette rapide diffusion de services Internet sur mobile contribue déjà au développement économique et social de la région, notamment à travers d’activités ciblant l’inclusion financière, la santé ou encore la productivité des agriculteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"866907185275654144"}"></div></p>
<p>La téléphonie mobile offre des opportunités importantes dans le domaine éducatif. Étant donné sa large disponibilité dans la population et les fonctions des téléphones mobiles (échange voix, SMS) et des <em>smartphones</em> (lecteur de textes et documents, mp3, image et vidéo), les potentialités d’utilisations éducatives sont très importantes pour améliorer l’accès et la qualité des services éducatifs.</p>
<p>Le m-learning (ou m-éducation) – soit les services éducatifs via un appareil mobile connecté – constitue le principal levier de la dynamique des TICE pour mettre à disposition des contenus que ce soit pour les apprentissages (formation des enseignants, pédagogie centrée sur les apprenants, évaluations) ou encore pallier le manque de données pour la gestion du système éducatif.</p>
<h2>Des nouvelles technologies pour apprendre</h2>
<p>Les technologies de communication de masse ont été utilisées comme un premier vecteur éducatif dès la fin des années 1960.</p>
<p>Des pays comme la Côte d’Ivoire, le Niger et le Sénégal ont ainsi développé de grands programmes nationaux qui ont utilisé la radio (radios scolaires) puis la télévision (télévision éducative) pour faire la promotion de l’éducation de base, améliorer la formation des maîtres, voire enseigner directement aux enfants. Si ces programmes ont permis de toucher un très grand nombre d’individus pour un coût au départ assez faible, les résultats en termes de performances scolaires restent <a href="http://www.afd.fr/webdav/shared/PUBLICATIONS/THEMATIQUES/savoirscommuns/17-Savoirs-communs-VF.pdf">difficiles à évaluer</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/167563/original/file-20170502-17281-bv5u1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Le numérique au service de l’éducation en Afrique.</span></span>
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<p>La distribution massive de matériel informatique a ensuite pris le relais à partir des années 1990. Beaucoup de programmes nationaux et internationaux se sont alors concentrés sur l’équipement des écoles en matériels informatiques (laboratoires informatiques) pour permettre la formation à l’informatique et offrir de nouveaux supports éducatifs via des logiciels et des CD-ROM éducatifs. Les usages étaient alors principalement centrés sur l’école, mais les expérimentations ont toutefois été souvent lancées sans objectifs pédagogiques clairs et cadre d’action fixé par l’État.</p>
<p>L’apparition des ordinateurs individuels dans les années 2000 a permis d’individualiser progressivement l’informatique scolaire. Ainsi, le projet américain « One laptop per child » (OLPC), lancé dans plusieurs pays africains en 2005, visait à équiper à bas coût les écoles en ordinateurs portables. Près de <a href="http://one.laptop.org/">2 millions d’éducateurs et d’élèves</a> sont aujourd’hui impliqués dans ce programme à travers le monde et plus de 2,4 millions d’ordinateurs (au prix d’environ 200 dollars l’unité incluant une plateforme pédagogique libre) ont été délivrés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/171332/original/file-20170529-25241-173eni5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’opération « One laptop per child » équipe depuis 2005 des milliers d’écoliers africains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/olpc/3031357749/in/photolist-87pDRt-6heLu2-8o8uTh-8o8uus-8o8sYb-8o5jgF-8cy88S-8o8jjE-8o59m4-8iMuLG-5BSv3D-8o8iEw-5BSv3H-5BSv3M">One laptop per child/Flickr</a></span>
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<p><a href="http://repec.iza.org/dp6401.pdf">Les évaluations</a> sur le sujet montrent toutefois que l’usage des ordinateurs fixes ou portables dans le cadre de la classe n’a que peu d’effets sur les performances académiques de l’élève, mais peut impacter positivement certaines capacités cognitives si les élèves peuvent utiliser leurs ordinateurs à la maison le soir.</p>
<h2>Des contenus et des usages</h2>
<p>Depuis 2010, la diffusion à grande échelle de technologie mobile de communication transforme les pratiques avec un accès facilité à des ressources éducatives tant à l’école que dans l’environnement extrascolaire. L’arrivée des <em>smartphones</em> et tablettes <a href="https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/Documents/publications/mis2013/MIS2013_without_Annex_4.pdf">à bas coûts et à faible consommation d’énergie</a> permet de faire progressivement sortir les TICE du cadre scolaire.</p>
<p>D’une approche centrée sur l’outil, on passe à une approche sur le contenu et sur l’usage. Ces outils nomades (tablettes en particulier) offrent notamment des opportunités importantes pour faire face à la pénurie de manuels scolaires et de livres. Ainsi la distribution de liseuses (de type Kindle) à 600 000 enfants dans neuf pays d’Afrique a démontré un impact important sur la lecture et sur les résultats des enfants aux tests éducatifs. L’envoi de SMS contenant de <a href="https://www.ifadem.org/fr/pays/madagascar/dispositif-de-formation">courtes leçons, des QCM ou des enregistrements audio</a> ont également montré des effets importants sur les enseignants de même que les MOOC (les <em>massive open online courses</em>) adaptés aux besoins et capacités des pays africains.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"864088982262513664"}"></div></p>
<p>L’hybridation des modèles pédagogiques et des outils élargit aujourd’hui les potentialités des TICE dans le cadre éducatif. Certaines technologies, perçues comme désuètes connaissent aujourd’hui un certain renouveau, grâce à la combinaison de différents médias au service d’un même projet.</p>
<p>Des cours peuvent ainsi être offerts sur différents médias combinés. Peu cher et avec des audiences considérables, les radios éducatives et les émissions de télévision éducatives associées à Internet et à la téléphonie mobile donnent des résultats prometteurs. Le programme <em>cross media</em> d’apprentissage de l’anglais BBC Janala, au Bangladesh, constitue notamment un <a href="http://www.bbc.co.uk/mediaaction/where-we-work/asia/bangladesh/bbc-janala">exemple emblématique</a> de coopérations entre des acteurs très divers.</p>
<p>La diversité des outils multimédia multiplie les possibilités pédagogiques avec les élèves comme avec les apprenants en général. Pour autant, l’intégration des TICE ne dépend pas tant des avancées technologiques que de l’appropriation pédagogique de ces technologies par les usagers.</p>
<h2>À quoi tient la réussite ?</h2>
<p>Si la grande majorité des pays africains exprime un intérêt pour les TICE, un ensemble de conditions doivent être réunies pour garantir un déploiement efficace et équitable de ces technologies dans le paysage éducatif.</p>
<p>Pour que les TICE puissent être un véritable levier de développement en Afrique, il apparaît ainsi nécessaire de répondre aux contraintes technico-économiques, de répondre aux besoins des utilisateurs et de renforcer leurs capacités ; de trouver des modèles de financement soutenables et de faciliter une collaboration multi-acteurs efficace et pérenne.</p>
<p>Les TICE en général et le mobile-learning en particulier offrent un accès à des ressources pédagogiques à bas prix, une plus-value par rapport à l’enseignement traditionnel et une solution complémentaire à la formation des maîtres.</p>
<p>Un potentiel immense existe pour toucher les exclus des systèmes éducatifs et améliorer la qualité des savoirs et compétences transmis. La baisse spectaculaire des coûts et l’hybridation des modèles pédagogiques et des outils offrent de nouvelles possibilités.</p>
<p>Si le temps de l’innovation par les expérimentations n’est jamais terminé, il est temps de mettre en place les mécanismes et stratégies qui permettent un changement d’échelle, notamment grâce à la création de coalitions d’acteurs. Les TICE ne régleront pas tous les problèmes de l’éducation en Afrique mais peuvent participer à modifier en profondeur le paradigme actuel des systèmes d’acquisition des compétences.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’appuie sur le n°17 de la publication Savoirs Communs, <a href="http://www.afd.fr/webdav/shared/PUBLICATIONS/THEMATIQUES/savoirscommuns/17-Savoirs-communs-VF.pdf">« Le numérique au service de l’éducation en Afrique »</a>, rédigé par David Ménascé et Flore Clément.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les technologies de l’information et de la communication en éducation (TICE) offrent de nouvelles possibilités pour améliorer l’éducation de base en Afrique.Rohen d’Aiglepierre, PhD, chargé de recherche « Développement Humain » / "Human Development" reseacher, Agence française de développement (AFD)Amélie Aubert, Chef de projet « Éducation, formation, emploi », Agence française de développement (AFD)Pierre-Jean Loiret, Responsable du numérique éducatif, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723332017-02-08T21:15:25Z2017-02-08T21:15:25ZAdolescents : et s’il était temps de les lâcher ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/155715/original/image-20170206-18532-nvl1x6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La léthargie de certains adolescents pourrait s'expliquer par une prise en charge excessive de la part des parents. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sneakerphotography/3352493425/in/photolist-67fpuM-9UkCtk-dk5sCJ-eYZnSD-5HoEAi-UuPZn-fzWLLe-53tdGv-8BpkYe-fieKXP-bDPxvX-fsCj1Y-5HoFzv-asteiB-kU6Szg-3kiz1R-cfpzAj-51feHe-m28mYi-hika9B-d7nB2o-j556eV-HPKPYL-nZED7o-EeNQe-oFiCWH-6FRRng-oaGsvT-e5kjPw-59vjVQ-asvQnw-fK3CaZ-eowyMg-oJjsYX-9kCRpa-9kCVtB-8Bc9xP-jZNMCR-bBNaab-nZte42-dYuRFB-ejPY2d-aApq2s-oK1iUi-32oBv2-gSkSkW-bvdjyp-dC7AwC-9cCBzy-hYtH7W">Kick Photo/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Jusqu’où les parents devraient-ils s’investir dans la scolarité, les activités et l’épanouissement de leurs enfants ? De nombreux psychologues et sociologues dénoncent ces derniers temps le trop plein d’attention déployé par les « parents hélicoptères », ainsi désignés car ils restent en position stationnaire au-dessus de leur progéniture, à l’affût du moindre de leurs besoins. </p>
<p>La question se pose avec d’autant plus d’acuité à l’adolescence, période de l’apprentissage supposé de l’autonomie. Les <a href="http://www.semaine-sante-mentale.fr/">Semaines d’information sur la santé mentale</a> (SISM), qui débutent le 12 mars, sont consacrées cette année au thème « parentalité et enfance ». L'occasion de se pencher sur la juste distance à trouver lorsque l'on est parent d'un adolescent ou d'une adolescente. Car en lui consacrant beaucoup de temps et d'énergie, le risque existe de provoquer précisément l'inverse de l'effet escompté : sa démobilisation. </p>
<p>Notre équipe de thérapeutes s’est fait connaître par <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iMGLy-juSxw">son approche originale du harcèlement scolaire</a>, visant à donner à l’enfant harcelé les moyens de se défendre lui-même. Depuis 2016, cette façon inédite d’aborder les situations de souffrance scolaire fait l’objet <a href="http://www.u-bourgogne-formation.fr/-Traiter-les-souffrances-en-milieu,3521-.html">d’un enseignement à l’université de Bourgogne</a>. Nous nous appuyons sur les travaux du <a href="http://mri.org/">Mental research institute (MRI)</a>, à Palo Alto (Etats-Unis), héritier de « l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Palo_Alto">école de Palo Alto</a> », un courant fondé dans les années 1950 <a href="http://spiralconnect.univ-lyon1.fr/spiral-files/download?mode=inline&data=2161278">par le psychologue américain Gregory Bateson</a>.</p>
<p>Chaque année, dans notre réseau Chagrin scolaire, nous recevons en consultation quelque 500 enfants et adolescents, ainsi que leurs parents, pour dénouer les problèmes fréquents de relations avec l’école. Et bon nombre viennent chercher de l’aide, non pas pour une phobie scolaire, mais plutôt l’inverse, ce que nous pourrions qualifier d’apathie scolaire.</p>
<h2>La dernière ligne droite avant l’émancipation</h2>
<p>Nous entendons souvent des pères et des mères confier leurs inquiétudes quant à la léthargie académique de leur rejeton, son inconscience face à son avenir professionnel et les conséquences dramatiques auxquelles ces défauts préoccupants ne manqueront pas de l’exposer dans un futur proche.</p>
<p>D’une façon stratégique, pour ne pas les heurter dans leur volonté de faire pour le mieux, nous tentons de les amener à faire assumer les conséquences de cette inaction scolaire à leur adolescent lui-même, pour mettre en place un contexte qui le responsabilise. Avec cette idée qu’en faisant ou voulant à sa place, ils lui interdisent de prendre l’élan essentiel lors de cette dernière ligne droite que représente l’adolescence, avant la falaise qui se présentera devant lui – l’émancipation.</p>
<p>C’est ce que j’ai tenté de faire avec la maman de Léopold, 15 ans, en lui proposant de ne plus jamais insister lorsque ce dernier montrerait des signes de déconcentration pendant les devoirs, le soir. Et même d’inviter Léopold à aller plutôt jouer aux jeux vidéos au premier de ces signes, pour observer ce que cela générerait comme comportement chez son fils. Et ce pendant une semaine afin, ai-je prétendu, d’affiner mon diagnostic quant à un éventuel TDAH, le nom que les psychologues donnent à l’hyperactivité et ses troubles de la concentration. Un prétexte, en réalité, pour faire vivre à cette maman préoccupée l’expérience émotionnelle de la responsabilisation et de ses bienfaits.</p>
<h2>« Il regardait en l’air en bâillant »</h2>
<p>Cette maman revient en consultation une semaine plus tard.<br><br>
- « J’ai réussi, me dit-elle, et pourtant… Le premier jour, Léopold est parti jouer lorsque je lui ai dit que son cerveau était en train de fumer et qu’il valait mieux qu’on arrête, vu qu’il regardait en l’air en bâillant au lieu de lire les consignes de son DM [devoir à la maison]. Le deuxième jour, idem. J’aime autant vous dire que je trouvais l’exercice difficile. Deux jours sans aucun travail scolaire…<br><br>
- J’imagine, Madame.<br><br>
- Et puis le troisième jour, il s’est déconcentré pareil, mais seulement au bout de dix minutes, ce qui est une sorte de record mondial le concernant, il a eu le temps de faire un exercice d’anglais. Puis il est allé jouer quand je lui ai proposé, vu son agitation. Et le quatrième jour, grandiose : il est resté environ dix minutes à son bureau avant que je lui dise d’aller jouer parce qu’il s’agitait ; il est parti ; et revenu au bout de cinq minutes en disant : “Allez, si on s’y met sérieusement, on n’en a pas pour longtemps.” Je me suis retenue pour ne pas rire, c’est exactement ce que je lui disais à chaque fois, avant qu’on mette l’observation en place avec vous. Il a tenu une demi-heure, jusqu’au dernier exercice qui consistait à légender une carte ; là, il en avait trop marre, il a commencé à gratter le livre avec son cutter. J’ai dit : “Stop, tu es vraiment trop fatigué, Léop, regarde, ton corps le dit, va jouer.”<br><br>
- Vous avez vraiment été remarquable, Madame.<br><br>
- Oui, je sais, se rengorge-t-elle, attendez, vous allez voir le bouquet final. Le soir même, à 22 heures, il arrive en pyjama et dit : “Maman, s’il te plaît, aide-moi pour la carte, j’y arrive pas, je comprends pas ce que ça veut dire légender, c’est sans doute à cause de mon TDAH…”. Et là je dis “Chéri, je suis très fatiguée et franchement, ce n’est plus l’heure des devoirs, je trouve que tu as bien travaillé aujourd’hui ; tant pis, tu auras un zéro en géographie, ce n’est pas la fin du monde.” Et là, il s’est littéralement déchaîné, j’avais rarement vu ça. Il m’a dit que j’étais la pire mère du monde, qu’il le raconterait à tout le monde, qu’il allait contacter un avocat, Enfance et Partage et pour ça aller voir l’assistante sociale du collège le lendemain à la première heure.<br> <br>
- Waouh, la puissance de cet enfant ! Je suis impressionnée !<br><br>
- Mais j’ai tenu. Franchement, c’était vraiment difficile. Et… une heure plus tard, il est venu me voir, sa carte à la main. Il m’a demandé d’un air revêche si je voulais bien regarder. Là, c’était trop dur de dire non, alors j’ai regardé en râlant un peu. C’était franchement pas trop mal. Je lui ai dit, il avait l’air fier de lui. J’étais perturbée, parce que je me suis dit : “je ne le pensais pas capable de faire ça.” C’est dur quand même, penser ça de son fils, à tort !<br> <br>
- Alors, votre diagnostic sur son TDAH ?<br><br>
- J’ai comme l’impression que son TDAH est assez réactionnel. C’est à dire que la responsabilisation l’atténue, non ? Mais pour en être sûres à 100 %, il faudrait que nous continuions sur cette voie-là. »</p>
<h2>« Tu n’es pas capable », lui dit-on en substance</h2>
<p>La prise en charge de l’adolescent par ses parents (ce qui consiste à faire à sa place ce qu’il devrait être capable d’assumer, par exemple sa scolarité), lui envoie deux messages implicites : le premier, c’est qu’on l’aime, c’est pour cela qu’on est inquiet pour lui ; le deuxième, c’est qu’on l’estime tellement incapable – scolairement, en l’espèce – qu’il nous semble essentiel de faire les choses à sa place. En dépit de la qualité du premier message, le deuxième message qui est très confortable pour l’adolescent à court terme (il est donc générateur de cette fameuse paresse que paradoxalement on lui reproche) est en fait assez destructeur de sa confiance en lui. « Tu n’es pas capable » lui dit-on en substance.</p>
<p>Notre approche, fondée sur la <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/traiter-les-cas-difficiles-les-reussites-de-la-therapie-breve-richard-fisch/9782020606714">thérapie dite « brève et stratégique »</a> née de l’école de Palo Alto, nous amènent, nous thérapeutes, à nous poser la question suivante : est ce que ce ne seraient pas précisément toutes ces modalités de prise en charge qui génèrent la léthargie chez cet adolescent ?</p>
<p>Ainsi, au lieu de percevoir le problème de façon linéaire – c’est parce que Léopold ne fait rien qu’on est obligé de le prendre en charge – nous le regardons alors de façon circulaire. Il ne travaille pas. Donc ses parents le prennent en charge. Il se démobilise encore plus puisque il est pris en charge (et qu’en quelque sorte on se mobilise à sa place). Cette démobilisation accrue inquiète les parents qui donc le prennent encore plus en charge. Il se démobilise un peu plus. Et les parents intensifient encore la prise en charge à la culotte et ainsi de suite.</p>
<p>La démobilisation qui désole les parents et leur semble incompréhensible – en dehors d’une mauvaise volonté ou d’un problème psychique de la part de leur fils – devient, dans cette perspective circulaire, une réponse logique à une prise en charge excessive.</p>
<h2>La promesse de récompense, ou de sanction</h2>
<p>Ce changement de perspective est l’apport de Gregory Bateson, le fondateur de l’école de Palo Alto, que son collègue Paul Watzlavick désigne comme « mutation méthodologique fondamentale » dans son livre <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/les-cheveux-du-baron-de-m-nchhausen-psychotherapie-et-realite-paul-watzlawick/9782020127103">Les cheveux du Baron de Münchhausen</a> (Seuil).</p>
<p>Cette prise en charge excessive peut revêtir plusieurs formes, le parent d’adolescent inquiet étant très créatif pour la mettre en œuvre. Il y a la stimulation affectueuse et souriante : « Allez, chéri, c’est l’heure de se mettre aux devoirs, la la la la lère ! » Il y a aussi la promesse de récompense, ou de sanction, tenues ou pas.<br><br>
- « On avait dit 11 de moyenne pour le smartphone…<br> <br>
- Papa, c’est abuser, j’ai 10,78 !<br><br>
- Bon, d’accord ».<br></p>
<p>Il y a aussi les noms d’oiseaux, les cours particuliers imposés, les discours fleuves sur la crise économique et tout autre subterfuge qui consistera à prendre à son propre compte de parent, la motivation scolaire qui devrait pourtant être celle de l’adolescent.</p>
<h2>Un résultat précisément inverse de celui qui était souhaité</h2>
<p>Toutes ces manoeuvres constituent ce que les psychologues de l’école de Palo Alto appellent les « tentatives de régulation ». Elles sont mises en place pour résoudre un problème ou apaiser une souffrance et elles provoquent très précisément l’inverse de ce qui était souhaité. Ce mode d’interaction infructueux est précisément décrit dans l’article <em>Thérapie courte, résolution d’un problème circonscrit</em>, signé de quatre chercheurs de cette école et repris dans la somme collective des travaux menés de 1965 à 1974, <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/sur-l-interaction-paul-watzlawick/9782020631792">Sur l’interaction</a> (Seuil).</p>
<p>C’est sur ce concept fondateur que nous nous appuyons pour proposer à des patients chaque fois particuliers (enfants, adolescents mais aussi adultes), pour des problèmes tous différents (la phobie scolaire, le harcèlement au travail) un nouveau comportement, à 180° de ceux qui maintiennent le problème pour lequel ils sont venus chercher de l'aide. Avec cette idée, que cessant d’être alimenté par ces tentatives de régulation, le problème diminuera et la souffrance s’apaisera. Ce fut le cas avec la maman de Léopold, pour laquelle le virage à 180° a consisté à passer de la prise en charge à la responsabilisation d’un garçon par ailleurs… tout à fait représentatif de sa génération.</p>
<hr>
<p><em>Emmanuelle Piquet a publié en 2017 aux Editions Payot <a href="http://www.payot-rivages.net/livre_Mon-ado-ma-bataille-Emmanuelle-PIQUET_ean13_9782228916998.html">Mon ado, ma bataille,
comment apaiser la relation avec nos adolescents</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72333/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Piquet détient des parts dans la société Emmanuelle Piquet Conseil, détentrice de la marque Chagrin Scolaire, spécialisée dans l'apaisement des souffrances en milieu scolaire et péri-scolaire.</span></em></p>Les parents consacrent-ils trop de temps à soutenir les adolescents dans leur scolarité ? Réponses, à l'occasion des Semaines d'information sur la santé mentale, sur le thème de la parentalité.Emmanuelle Piquet, Psychopraticienne, intervenante à l'Ecole supérieure du professorat et de l’éducation, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/685202017-01-15T21:43:08Z2017-01-15T21:43:08ZAu Pérou, pauvreté et exclusion interdisent aux populations indigènes d’aspirer à mieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151062/original/image-20161220-26729-z7fe5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le chemin de l’école. </span> <span class="attribution"><span class="source">Vincent Gouëset/IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le thème des inégalités a connu ces dernières années un intérêt grandissant, comme en atteste le succès des ouvrages de Thomas Piketty ou d’Angus Deaton publiés en 2013.</p>
<p>C’est également le thème central du troisième <a href="http://en.unesco.org/wssr2016">« Rapport mondial des sciences sociales »</a> publié en septembre 2016, un document qui adopte une approche holistique des inégalités, dépassant l’analyse unidimensionnelle des inégalités de revenu. Notre équipe de chercheurs a contribué à ces travaux, en analysant un aspect particulier du phénomène d’exclusion touchant les populations indigènes au Pérou.</p>
<p>Nous avons en effet examiné la manière dont les aspirations contribuent à la persistance d’inégalités entre ethnies.</p>
<h2>Des aspirations modestes</h2>
<p>Suite à l’adoption par l’ONU de la Déclaration des droits des peuples autochtones en 2007 et à la première Conférence mondiale sur les peuples autochtones en 2014, la communauté internationale a fait preuve d’un engagement fort quant à la garantie des droits des peuples indigènes et de leur bien-être.</p>
<p>En dépit de ces progrès, les <a href="http://www.palgrave.com/us/book/9781403999382">données récentes</a> montrent que les peuples indigènes sont parmi les plus défavorisés à travers le monde et en Amérique latine tout particulièrement.</p>
<p>Cependant, on connaît mal les mécanismes en cause dans la persistance de ces inégalités. En s’appuyant sur les enquêtes <a href="http://www.younglives.org.uk/">Young Lives</a>, notre travail montre que les aspirations des enfants indigènes sont plus modestes que celles de leurs pairs non indigènes ; il s’agit là d’un des canaux de la persistance des inégalités ethniques, exacerbant l’effet du milieu socio-économique sur la réussite scolaire.</p>
<h2>Une forte inégalité entre ethnies</h2>
<p>Le Pérou a la plus grande proportion de population indigène d’Amérique latine, après la Bolivie, l’Équateur, le Guatemala et le Mexique. Cette pluralité de cultures et de langues est associée à de fortes différences en termes de revenus et d’opportunités économiques.</p>
<p>En dépit d’une baisse globale de la pauvreté, l’écart entre les populations indigènes et non indigènes demeure aussi important qu’il y a dix ans. L’<a href="http://censos.inei.gob.pe/cpv2007/tabulados/#">accès à l’éducation est plus faible</a> dans la population indigène, avec seulement 10,2 % d’entre eux poursuivant des études supérieures contre 25,6 % des non indigènes.</p>
<p>Les opportunités sur le marché du travail sont encore plus limitées, avec une surreprésentation dans le secteur agricole – et ce même dans les zones rurales – et dans les emplois non qualifiés. À eux deux, ces secteurs représentent deux tiers des emplois pour la population indigène contre seulement un tiers pour les non-indigènes.</p>
<p>Quels sont les canaux de persistance de ces inégalités ?</p>
<h2>L’intériorisation de la discrimination</h2>
<p>L’aspiration est le désir ou l’ambition d’accomplir quelque chose. Ce concept suggère qu’on doit accomplir un effort pour atteindre le but souhaité. Ainsi, il est probable que les aspirations déterminent le niveau d’effort mis en œuvre pour réussir ses études. Si les aspirations des indigènes sont modestes, il est possible qu’ils sous-investissent l’éducation.</p>
<p>Une première explication aux faibles aspirations des indigènes serait que les indigènes ont intériorisé les valeurs discriminatoires véhiculées par l’élite créole – ce terme renvoyant aux personnes d’origine espagnole nées en Amérique. Les catégories raciales utilisées pendant l’époque coloniale, où les Blancs dominaient les indigènes, étaient porteuses de stigmatisation et de stéréotypes.</p>
<p>Du point de vue de la sociologie cognitive, les stéréotypes, une fois activés, peuvent <a href="http://www.sscnet.ucla.edu/soc/faculty/brubaker/Publications/24_Ethnicity_as_Cognition.pdf">influencer la perception</a> et le jugement sans que le sujet percevant en ait aucunement conscience. Ils peuvent affecter la prise de décision des indigènes qui adaptent ainsi leur comportement aux attentes intégrées dans les stéréotypes.</p>
<p>Les enfants indigènes auraient ainsi des attentes plus modestes que les autres enfants du même milieu socio-économique, car la discrimination intériorisée affecte de manière négative leur estime de soi et leur perception des opportunités s’offrant à eux sur le marché du travail, ce qui les incite à sous-investir dans leurs études. C’est ce que nous avons appelé l’hypothèse du « canal interne ».</p>
<h2>L’adaptation à un milieu défavorisé</h2>
<p>La seconde explication est liée au fait que les indigènes font face à un contexte socio-économique plus défavorisé. Ils vivent notamment plus souvent dans la pauvreté ou en milieu rural.</p>
<p>Ces « contraintes externes » sont dues en grande partie à l’<a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/P%C3%A9rou_histoire/187048">époque coloniale (1514-1821)</a> avec ses pratiques discriminatoires et ses institutions extractives développées au Pérou par les Espagnols. Ces dernières ont permis de concentrer dans les mains d’une élite restreinte pouvoir, propriété foncière et accès à l’éducation. La population indigène s’est trouvée confinée aux segments les plus pauvres de la société, avec un accès limité aux études et aux autres opportunités permettant de développer son capital humain ; cela a constitué un frein à son entrée dans le secteur moderne et à sa participation politique.</p>
<p>Ces contraintes externes seraient le principal déterminant de faibles aspirations, puisqu’elles restreignent l’accès à l’information et aux opportunités d’investir dans l’avenir. Il est, par exemple, plus probable que les enfants indigènes vivent dans des zones reculées où les informations sur les opportunités professionnelles et l’accès à une éducation de qualité sont limitées.</p>
<p>Il se peut également que leurs parents, eux-mêmes pauvres, les soutiennent moins dans leurs études et qu’ainsi les enfants n’espèrent plus atteindre un niveau d’études avancé et avoir accès à une profession prestigieuse, choses impossibles sans soutien familial. De plus, ils grandissent souvent dans des quartiers pauvres ; il est plus probable que les pairs qu’ils voient dans leur « fenêtre d’aspirations » aient un métier associé à un faible statut socio-économique.</p>
<p>C’est l’hypothèse du « canal externe » : un enfant indigène n’aspire pas à devenir médecin, car il sait qu’il est peu probable qu’il puisse poursuivre ses études, en partie parce que ses parents n’auront pas les moyens de les financer. Selon celle du canal interne, il n’aspire pas à devenir médecin car il pense qu’un médecin est forcément « blanc » ou qu’il n’est pas assez intelligent pour réussir des études de médecine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le projet Young Lives au Pérou (Young Lives, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Enseignant plutôt que médecin</h2>
<p>Nous avons comparé les aspirations professionnelles des indigènes et des non indigènes au Pérou pour étudier la pertinence respective des hypothèses du canal interne et du canal externe dans le contexte de ce pays (tout en admettant qu’elles ne soient pas incompatibles). Nous utilisons pour ce faire les données très riches <a href="http://www.younglives.org.uk/content/peru">des enquêtes Young Lives</a> : 678 enfants, ainsi que la personne s’occupant principalement d’eux, ont été interrogés à trois reprises de 2002 à 2009, à l’âge de 8, 12 et 15 ans.</p>
<p>Notre analyse montre qu’à l’âge de 8 et 12 ans, les enfants indigènes aspirent en moyenne à des professions associées à un plus faible statut socio-économique que les non indigènes. Par exemple, la profession la plus attirante à l’âge de 8 ans est celle d’enseignant pour les indigènes (41 %), tandis que le plus souvent les non indigènes voudraient devenir médecin (31 %).</p>
<p>Néanmoins, les aspirations des enfants indigènes sont très semblables à celles des non indigènes lorsqu’ils viennent du même milieu socio-économique. Ce résultat semble contredire l’hypothèse du canal interne. Se trouver en bas de la stratification socio-économique affecte de la même manière les aspirations des enfants indigènes et non indigènes. Ainsi, il apparaît que la discrimination ethnique n’est pas significative dans le développement des aspirations de nos jours. Néanmoins, sur le long terme, elle a façonné la stratification socio-économique, principal indicateur semble-t-il des aspirations professionnelles des enfants.</p>
<h2>L’impact des aspirations sur la réussite scolaire</h2>
<p>Nous avons également montré que des aspirations ambitieuses à l’âge de 12 ans ont un impact positif sur les progrès dans la maîtrise de l’espagnol, langue officielle dans l’éducation, pour les enfants de 12 à 15 ans.</p>
<p>D’après nos estimations, plus les aspirations des enfants sont modestes, plus leurs progrès linguistiques sont limités. L’échec des aspirations est donc un canal supplémentaire expliquant la persistance des inégalités entre ethnies, ce qui renforce l’effet du milieu socio-économique sur la réussite scolaire. En effet, le milieu socio-économique des enfants indigènes affecte directement leur apprentissage à l’école, <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/2678615.pdf">comme largement démontré dans la littérature</a>, mais il a aussi un effet indirect, car il façonne les aspirations dont dépendent leurs efforts scolaires.</p>
<p>Il est probable, par conséquent, que les politiques visant à atténuer les contraintes externes auxquelles la population indigène est confrontée rendent ses aspirations plus ambitieuses. Elles pourraient avoir un effet incitatif sur les efforts que les enfants font afin d’améliorer leur statut socio-économique, en plus d’un effet direct sur leur réussite scolaire. En d’autres termes, l’impact sur les aspirations pourrait avoir un effet multiplicateur sur les politiques visant à rompre le cercle vicieux de la pauvreté pour la population indigène en nivelant le terrain de jeu.</p>
<p>Les politiques agissant directement sur les aspirations des enfants de milieux défavorisés, dont les enfants indigènes, pourraient également contribuer à la réduction des inégalités en matière d’éducation. Une perception accrue des opportunités pourrait affecter positivement la réussite scolaire des enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laure Pasquier-Doumer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enfants de milieux défavorisés ont des aspirations très limitées, ce qui ne manque pas de peser lourdement sur leur réussite scolaire. Décryptage de cette réalité avec l’exemple péruvien.Laure Pasquier-Doumer, Économiste du développement, chercheuse au DIAL, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/704432016-12-18T21:22:53Z2016-12-18T21:22:53ZComment les enquêtes PISA sont devenues incontournables<p><a href="https://theconversation.com/comment-lire-la-prochaine-enquete-pisa-69430">Dans un récent article</a> paru sur The Conversation et consacré au classement PISA, Marie Duru-Bellat a exprimé un certain nombre de critiques et de mises en garde contre des interprétations et généralisations hâtives dont chercheurs et commentateurs devraient se garder. Je partage ces critiques et je n’ai rien à ajouter à cet égard.</p>
<p>Mon propos est ici d’offrir un regard complémentaire pour valoriser ce que sont l’intérêt et le potentiel de ces données dans l’aide à la décision et à l’action publique, en livrant ici une sorte de plaidoyer pour <a href="http://www.oecd.org/pisa/pisa-2015-results-in-focus-FR.pdf">cette enquête internationale</a>.</p>
<h2>Un avant et un après PISA</h2>
<p>Pourquoi prête-t-on aujourd’hui une attention particulière aux résultats de PISA ?</p>
<p>En premier lieu parce que PISA a changé notre façon de comparer les différents systèmes éducatifs nationaux. Avant PISA, l’accent était surtout mis sur les dimensions quantitatives de la participation scolaire : nombre d’étudiants diplômés du secondaire, nombre d’inscrits à l’université, etc.</p>
<p>Désormais, l’accent est mis davantage sur les compétences acquises durant le parcours éducatif. Certes, avant la mise en place de PISA il existait des études internationales sur les apprentissages, comme <a href="http://www.education.gouv.fr/cid66526/pirls-2011-des-resultats-qui-confirment-l-urgence-de-la-refondation-de-l-ecole.html">PIRLS</a> et <a href="http://www.education.gouv.fr/cid110041/mathematiques-et-sciences-resultats-de-l-etude-timss-2015.html">TIMSS</a>, mais elles étaient largement ignorées des décideurs politiques, et restaient pour la plupart confinées au monde académique.</p>
<p>Lorsque les données de PISA ont été publiées la première fois en <a href="http://www.oecd.org/edu/school/programmeforinternationalstudentassessmentpisa/33693784.pdf">2000</a>, les responsables politiques de certains pays, comme la France ou l’Italie, ont essayé d’ignorer les résultats plutôt décevants de PISA, avant de se faire manifestement déborder par l’impact médiatique et scientifique de l’enquête : la question des acquis des élèves entre alors de force dans le débat public.</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation des études internationales TIMSS et PIRLS (2016).</span></figcaption>
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<h2>Des résultats transparents et réguliers</h2>
<p>Avec la publication de PISA, les vues stéréotypées et auto-référentielles portées par les décideurs nationaux, vantant les vertus supposées de leurs systèmes éducatifs respectifs, sont devenues caduques. <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1137">François Dubet</a> le souligne, à propos de la rhétorique sur le système éducatif français :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis la publicité des enquêtes PISA, il est devenu difficile d’affirmer que nous avons la meilleure école du monde ».</p>
</blockquote>
<p>En effet, l’un de résultats les plus remarquables de l’étude PISA pour la France, confirmé dans la dernière livraison de 2016, est que les <a href="http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/12/03/classement-pisa-la-france-championne-des-inegalites-scolaires_3524389_1473688.html">inégalités sociales</a> de réussite des élèves augmentent depuis au moins une décennie, la France figurant parmi les pays occidentaux les plus inégaux s’agissant de l’influence du milieu social sur les compétences acquises.</p>
<p>Une deuxième grande vertu des données fournies par PISA est leur fréquence régulière, permettant un suivi des problèmes émergents ou des progrès enregistrés par les différents systèmes scolaires, de manière comparative. Le fait, par exemple, que les inégalités aient augmenté en France alors qu’elles sont stables ou même en baisse dans de nombreux autres pays occidentaux, modifie nettement la façon dont nous devons appréhender ce phénomène.</p>
<h2>Une exceptionnelle source d’informations</h2>
<p>Bien que les médias généralistes se concentrent presque exclusivement sur les classements internationaux du niveau moyen des élèves, ces classements n’occupent que peu de pages dans le volumineux rapport final. Bien plus de données portent sur les facteurs déterminants des apprentissages des élèves.</p>
<p>Grâce au degré élevé de comparabilité des données PISA, cette enquête est pour le sociologue une exceptionnelle source d’information sur les inégalités sociales dans l’éducation. Quels sont les pays affichant les inégalités les plus fortes entre élèves autochtones et ceux d’origine immigrée ? Quels pays ont-ils le plus progressé dans l’égalité entre garçon et filles pour l’acquisition des compétences mathématiques ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions souvent ignorées par les journalistes mais qui peuvent utilement être exploitées par les chercheurs comme les décideurs politiques grâce aux rapports PISA.</p>
<h2>Pas un mode d’emploi</h2>
<p>Comme l’a noté Marie Duru-Bellat, nous devons être particulièrement prudents lorsqu’il s’agit de tirer de ces données descriptives des inférences causales quant aux caractéristiques spécifiques des systèmes éducatifs qui favoriseraient ou inhiberaient les performances des élèves et les inégalités sociales qui y sont liées.</p>
<p>Le potentiel de PISA consiste plutôt à fournir un instrument de suivi robuste et descriptif de la réussite des élèves dans les pays de l’OCDE plutôt que de suggérer des prescriptions politiques prêtes à l’emploi. Il convient de noter, de notre point de vue, que l’OCDE tend plutôt à largement surestimer le potentiel de PISA à cet égard.</p>
<h2>Une approche contextuelle de la réussite scolaire</h2>
<p>Mais l’intérêt descriptif de ces données ne s’arrête pas aux apprentissages des élèves.</p>
<p>L’étude interroge par questionnaire les étudiants, les personnels enseignants des écoles, mais aussi les parents d’élèves. Ceci permet d’analyser de manière comparative entre pays, et sur la durée, les déterminants contextuels de la réussite scolaire ; la relation entre les ressources des écoles et les résultats de leurs élèves, de mesurer l’influence des ressources culturelles et sociales des familles, ainsi que de nombreux autres phénomènes.</p>
<p>On pourrait ici citer l’<a href="https://www.oecd.org/pisa/pisaproducts/pisainfocus/PISA-in-Focus-n35-(fra)-Final.pdf">absentéisme par exemple</a> : dans quels pays est-il le plus faible, et à l’inverse quelles causes peuvent être invoquées dans les pays moins performants ? Les relations entre élèves et enseignants s’améliorent-elles d’une enquête sur l’autre ou au contraire peut-on voir une détérioration du climat dans les classes ? Dans quels pays l’implication des parents dans la vie scolaire est-elle la plus importante ? PISA nous en apprend beaucoup sur le fonctionnement concret des systèmes éducatifs nationaux.</p>
<h2>Des résultats accessibles par tous</h2>
<p>La plupart des données et des rapports <a href="http://www.compareyourcountry.org/pisa/country/fra?lg=fr">sont disponibles gratuitement en ligne</a>, ils sont facilement compréhensibles, même pour des non experts, et proposent de bons résumés si l’on veut n’en faire qu’une lecture rapide.</p>
<p>Notre suggestion serait donc de pousser la curiosité jusqu’à consulter le site dédié de l’OCDE au détriment des commentaires ou articles sensationnels trop focalisant. En dehors du risque de contresens ou de mauvais usages, PISA contribue grandement à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes dans le domaine de l’éducation.</p>
<p>En dessinant les tendances dans le temps et dans l’espace, ces données sur les acquis et les connaissances des élèves, les pratiques pédagogiques, les stratégies d’apprentissage, les inégalités scolaires ou les relations enseignants-enseignés, permettent d’établir un diagnostic des forces et faiblesses de chaque système éducatif et par là-même de formuler un ensemble de priorités politiques basées sur des données de grande qualité.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Bernard Corminbœuf (OSC).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70443/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carlo Barone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête internationale menée tous les trois ans par l’OCDE sur les acquis des élèves de 15 ans est une mine d’informations, sociologiques notamment.Carlo Barone, Professeur des universités à Sciences Po, rattaché à l’OSC et au LIEPP, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/701102016-12-14T21:33:02Z2016-12-14T21:33:02ZOrganiser l’école : et si l’on prenait exemple sur le Canada ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149725/original/image-20161212-26039-q7fsft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-429939034/stock-photo-international-and-global-business-concept-with-world-flags-on-scattered-pin-badges-background-3d-illustration.html?language=fr&src=SMXa9fUQeKKNLxvSJNuzew-4-59">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En France, les débats sur l’efficacité du système scolaire se cristallisent autour de l’autonomie du chef d’établissement. Une focalisation qui conduit à ignorer de nombreuses questions de management. Une analyse détaillée de certains aspects de l’organisation du système scolaire canadien – dont les <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/12/06/pisa-au-canada-une-education-tres-efficace-et-equitable_1533402">bonnes performances</a> ont été saluées par la dernière enquête PISA – fait ressortir des éléments bien plus riches.</p>
<p>Au Canada, le chef d’établissement est, en effet, plus autonome que son homologue français. Mais ceci est vrai dans bien d’autres pays ayant des performances éducatives moins bonnes, comme les États-Unis par exemple. On ne saurait donc trouver dans la seule autonomie des chefs d’établissements, l’explication de la bonne performance du Canada.</p>
<h2>Le professeur, maillon d’une très longue chaîne</h2>
<p>Il y a bien ici un « elephant in the room », une évidence si forte qu’elle est généralement invisible et absente des débats : un système éducatif est une organisation complexe dont la classe et l’établissement d’enseignement ne sont que la partie émergée.</p>
<p>Ce n’est pas le professeur qui éduque, seul et dans un face à face obscur, une trentaine de jeunes. Ni même une équipe d’enseignants dans un établissement isolé, sous la seule houlette d’un directeur ou d’une directrice. C’est toute une organisation – dont la maille et la qualité varient considérablement d’un pays à l’autre – qui éduque l’ensemble des jeunes à l’intérieur du périmètre qu’elle recouvre.</p>
<p>Au Canada, les écoles relèvent d’une organisation pleine et entière, le « conseil scolaire » (<em>school board</em>) qui regroupe plusieurs écoles, collèges et lycées d’un ensemble géographique donné ; une sorte de circonscription scolaire canadienne opérant sous le niveau de la province.</p>
<h2>Les conseils scolaires canadiens</h2>
<p>Prenons comme exemple l’un des huit conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse (une province canadienne qui compte environ un million d’habitants). À sa tête se trouve un conseil d’administration élu, formé de personnalités extérieures, mais également un directeur général reportant à la fois à ce conseil d’administration et au ministère de l’Éducation de la province. Les huit conseils scolaires de Nouvelle-Écosse, gérant entre 500 (pour les plus petits) et 5 000 (pour le plus grand, celui de l’agglomération de la capitale Halifax) enseignants – selon une personne travaillant dans l’un de ces conseils et interrogée à ce sujet en novembre 2016.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La province canadienne de la Nouvelle-Écosse (en rouge, cliquez sur l’image pour l’agrandir).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/maps/place/Nouvelle-%C3%89cosse,+Canada/@44.2530669,-97.887402,4z/data=!4m5!3m4!1s0x4b591298de18cf45:0x102581ef8cf0940!8m2!3d44.6819866!4d-63.744311">Google</a></span>
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<p>Les responsables d’établissements eux-mêmes recrutent, évaluent, organisent le soutien et la formation, recadrent et, dans de très rares cas, exercent un réel pouvoir de sanction. Ils font tout ceci en lien avec la direction des ressources humaines du conseil scolaire, et pas de façon isolée. Dans les plus grands établissements, comptant environ 1 500 élèves (par exemple dans un des lycées d’Halifax, la capitale), on peut compter jusqu’à 150 enseignants ; le principal est assisté de trois adjoints.</p>
<p>L’évaluation de l’enseignant ne consiste pas en une note, mais en la construction d’un projet sur ses propres points à améliorer, partant non d’un jugement extérieur mais faisant appel à sa propre formulation, en concertation avec son chef d’établissement et la direction des ressources humaines du conseil scolaire. Le but est formatif (aide au développement) et non sommatif (sanction débouchant ou non sur un échelon indiciaire car la grille salariale ne prend pas en compte cette évaluation).</p>
<h2>L’accent mis sur le soutien</h2>
<p>S’intéresser à l’organisation, c’est aussi regarder à la loupe les autres activités dites de soutien organisationnel, c’est-à-dire de soutien aux enseignants et aux élèves.</p>
<p>En France, ce sont les <a href="http://www.education.gouv.fr/cid24444/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased.html">RASED</a>, institués en 1990 et rattachés aux circonscriptions scolaires, qui constituent l’essentiel des moyens mis à disposition des enseignants (du seul primaire) pour soutenir les élèves en difficultés. Leurs effectifs ont fondu d’un tiers entre 2008 et 2012. L’ordre de grandeur actuel est d’environ 2,5 RASED pour 100 enseignants dans le primaire. Au plus haut de leurs effectifs, en 2008, ce ratio était d’environ <a href="https://www.senat.fr/rap/r12-737/r12-7371.pdf">4 RASED pour 100 enseignants</a> du primaire. Ces moyens sont sans commune mesure avec ceux mis en place au Canada.</p>
<p>Revenons à l’exemple du conseil scolaire, un des huit que compte la Nouvelle-Écosse. Il affiche environ 5 000 élèves dans une vingtaine d’établissements encadrés par 550 enseignants environ.</p>
<p>Il y a environ « 20 mentors pédagogiques » à temps plein ou partiel (selon la taille de l’établissement), soit un pour chaque établissement scolaire. Le mentor pédagogique aide les enseignants à améliorer leur pédagogie, indépendamment de la discipline. Ces mentors constituent la partie émergée de l’iceberg des métiers de soutien, car forcément visibles dans toutes les écoles du conseil scolaire.</p>
<p>Quarante « enseignants ressources » tournant entre les différents établissements aident à mettre en place des plans de progrès individualisés pour chaque élève qui rencontre des problèmes de progression ; ces derniers peuvent être liés à des difficultés de comportement ou cognitives.</p>
<p>Environ 100 « aides-enseignants » accompagnent, parfois tous les jours, à temps plein et de façon individuelle, les élèves présentant les difficultés les plus importantes ; ces difficultés peuvent concerner un comportement difficile et/ou à un handicap moteur ou psychique.</p>
<p>Six « mentors spécialisés » en mathématiques et en maîtrise de la langue sont à la disposition des enseignants de ces disciplines dans tout le conseil scolaire, en lien avec le plan d’action éducation de la province de Nouvelle-Écosse qui met un accent particulier sur ces deux domaines de compétences dans lesquels la Province souhaite progresser. Douze « conseillers d’éducation » sont également à la disposition des 5 000 élèves, soit 1 pour 400 élèves, y compris du primaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les résultats de l’enquête PISA (OECD, 2016).</span></figcaption>
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<p>En France, un conseiller (ici d’orientation, pour le collège seul) <a href="http://rue89.nouvelobs.com/2013/07/01/cher-gamin-desoriente-nattends-rien-conseiller-dorientation-243843">couvre a minima 1 000 élèves</a>. Du côté du conseil scolaire canadien, on compte également cinq orthophonistes. Enfin, quatre psychologues scolaires permettent de traiter les cas les plus difficiles.</p>
<p>En prenant en compte l’ensemble des moyens de soutien aux enseignants et aux élèves, on arrive à un total d’environ 30 personnels de soutien pour 100 enseignants, tant au primaire qu’au secondaire. On est bien loin du rapport de 2,5 RASED pour 100 enseignants (du seul primaire) en vigueur en France ; sans compter que ce type d’assistance fait cruellement défaut dans le secondaire.</p>
<h2>Un suivi grâce à la formation continue</h2>
<p>Le soutien, c’est enfin la formation continue : soit, au Canada, un socle de cinq jours par an destinés à tous les enseignants ; et un budget supplémentaire dédié aux demandes individuelles des enseignants, faisant qu’environ 25 % d’entre eux suivent un, deux ou trois jours de formation supplémentaires chaque année, sur des sujets spécifiques liés à leurs demandes individuelles, selon un responsable au sein du département de l’éducation de Nouvelle-Écosse interrogé en novembre 2016.</p>
<p>Les actions de formation prennent des formes multiples et incluent des « jumelages » permettant à un enseignant d’observer un collègue ayant une expertise pédagogique spécifique reconnue (par exemple, la maîtrise de comportements agressifs ou celle des nouvelles technologies) pendant une journée, afin d’enrichir sa propre pratique. Par contraste, en France, la formation continue des enseignants du secondaire était en moyenne de <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/15/7/2013-009_263157.pdf">1,8 jour par enseignant</a> à la fin de la décennie 2000.</p>
<p>La puissance d’un système éducatif ne repose donc pas seulement sur des enseignants de qualité gérés de façon autonome par un responsable d’établissement, mais sur un ensemble de mesures de soutien, tant aux enseignants qu’aux enfants et adolescents ; cela suppose une organisation regroupant plusieurs établissements, des pratiques d’évaluation constructive, des actions de formation diversifiées ainsi que des personnels de soutien exerçant des métiers reconnus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Klarsfeld ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une semaine après la publication du dernier classement PISA, les débats passionnés sur l’éducation se poursuivent. L’occasion d’établir une comparaison intéressante entre la France et le Canada.Alain Klarsfeld, Professeur de gestion des ressources humaines, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/698602016-12-06T05:26:50Z2016-12-06T05:26:50ZSachons faire bon usage du classement PISA<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/148620/original/image-20161205-19399-1ygfbco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que peuvent faire les élèves avec ce qu’ils ont appris ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/522713917?src=&id=522713917&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Sur The Conversation, Marie Duru-Bellat a consacré une <a href="https://theconversation.com/comment-lire-la-prochaine-enquete-pisa-69430">analyse très pertinente</a> aux problèmes de « lecture » des résultats des enquêtes PISA. Un lecteur a cru y déceler une « hâte » suspecte à « désamorcer » les résultats annoncés ce mardi 6 décembre 2016.</p>
<p>Cette hâte manifesterait la crainte de la vérité, et le désir de cacher le fait « qu’en France on ne sait plus enseigner ». Marie Duru-Bellat dénonçait un risque de « dérapage » dans une interprétation précipitée. Monsieur Jeanneret dénonce un risque d’affadissement, voire de déni, des résultats eux-mêmes. Ces deux risques sont-ils réels ? Qu’y a-t-il le plus à craindre ?</p>
<h2>Des données pleines d’enseignement</h2>
<p>Il est clair que la politique de l’autruche est condamnable. Quels qu’ils soient, bons ou mauvais, il n’est pas possible d’ignorer superbement les résultats d’une enquête telle que PISA. Certes, celle-ci souffre de quelques imperfections, que Marie-Duru-Bellat rappelle à juste titre, et qui avaient déjà été pointées, entre autres, par <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/11/un-palmares-mediatise-mais-discutable_4332540_3232.html">Julien Grenet dans <em>Le Monde</em> en 2013</a>.</p>
<p>On peut retenir l’existence de biais culturels (familiarité avec le type d’exercices et de questions) ; l’importance des marges d’erreur inhérentes à une enquête portant sur des échantillons ; et enfin le fait que tous les jeunes de 15 ans ne sont pas concernés, alors que les situations scolaires des jeunes touchés varient selon les pays.</p>
<p>Cela fragilise le palmarès, mais n’enlève rien à la richesse des données recueillies, ni à l’intérêt de la périodicité régulière du recueil d’informations, qui rend possible le constat d’évolutions.</p>
<p>À cet égard, il faut bien reconnaître que, de <a href="http://www.oecd.org/pisa/data/">2000 à 2012</a>, la courbe (descendante) des résultats des jeunes Français ne s’est pas inversée, bien au contraire ! Tous les 3 ans, on peut faire le même, et très préoccupant, constat : la France décroche, et s’enfonce, tandis que les inégalités scolaires s’accroissent. Refuser de voir cette réalité constituerait bien un inadmissible déni, pouvant faire suspecter que l’on veut cacher quelque chose. Par exemple, sa part de responsabilité dans les mauvais résultats…</p>
<h2>Comparaison n’est pas raison</h2>
<p>Que peuvent faire d’utile ceux qui voudraient dépasser le stade des lamentations ?</p>
<p>Deux voies, complémentaires, se présentent : essayer de comprendre comment on en est arrivé là (repérage et analyse des erreurs commises) ; identifier d’éventuels facteurs d’amélioration. La première voie conduit à approfondir l’analyse de la situation française, pour voir ce qui « cloche » ; la seconde, à rechercher ce qui marche ailleurs, dans les pays les mieux classés. Dans les deux cas, il faudrait pouvoir établir des relations de causalité.</p>
<p>Dans le second cas, par exemple, comme Marie Duru-Bellat l’a souligné, il est vain de vouloir emprunter des éléments isolés, qui perdent de leur sens hors de leur contexte. Car il faudrait tenir compte de la globalité et de la complexité des situations.</p>
<p>De plus, les pays obtenant les meilleurs résultats (exemples, la Corée du Sud et la Finlande en 2009), peuvent avoir des « politiques éducatives » très différentes, voire opposées (pression et sélection d’un côté, patient accompagnement de tous de l’autre). Que choisir : régime sévère et rythme d’enfer, ou bien vision positive et responsabilisation de l’élève ? Et quand Shanghaï prend la tête en 2012, faut-il vouloir transformer les écoliers français en bourreaux de travail, et les soumettre à une <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/12/11/ubuesque-docilite-chinoise_4332542_3232.html">« ubuesque docilité »</a> de type chinois ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Comment fonctionne l’enquête PISA ? (OCDE, 2016).</span></figcaption>
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<h2>La tentation du patchwork</h2>
<p>Ce qui est à craindre est donc bien, ici, la précipitation naïve qui conduirait à faire son marché en piochant dans le magasin universel de ce qui semble avoir réussi, comme si toutes les pratiques étaient interchangeables. Une mise en garde contre le risque d’une recherche superficielle et précipitée de pratiques efficaces était salutaire.</p>
<p>Emprunter la première voie place devant le même problème. Il faudrait pouvoir repérer, sinon, dans l’idéal, des réseaux, du moins quelques lignes indiscutables, de causalité. Une première étape sera la mise en évidence de corrélations entre deux variables. Par exemple, les résultats des élèves, et : leur origine socio-économique ; l’implication des parents ; le type de logement occupé par la famille ; la durée de la journée d’école ; le niveau des dépenses consacrées à l’éducation ; la qualité des enseignants ; la durée et le niveau de leur formation.</p>
<p>Mais, pour que la corrélation prenne du sens, il faudrait la situer dans un contexte politique et social concret. En observant, par exemple, que le salaire des enseignants est en recul, en France, depuis 1995. Ou que leur formation a été supprimée sous le quinquennat Sarkozy !</p>
<p>Mais, pour intéressante qu’elle soit, la recherche de corrélations n’est qu’un premier pas, très insuffisant, vers l’imputation causale. Car d’une part elle ne relie le plus souvent que deux variables seulement. Et, d’autre part, elle n’est nullement gage de causalité.</p>
<p>Une troisième variable, ou (plus vraisemblablement) un réseau de variables, peuvent être à l’œuvre derrière la corrélation mise en évidence. Ce qui est à craindre à ce stade est donc la croyance selon laquelle une variable reliée par corrélation à une autre est ipso facto cause de cette autre. Et de conclure trop vite (autre précipitation coupable) que l’on a trouvé la cause de ce qui cloche.</p>
<h2>Relier le transversal et le longitudinal</h2>
<p>La recherche des causes exigerait une identification des dynamiques éducatives à l’œuvre dans la durée. Il faudrait pour cela, comme l’écrit Duru-Bellat, pouvoir relier le transversal – les résultats d’une enquête – et le longitudinal – des séquences temporelles entre les variables. Ce qui est d’autant plus grave que cette recherche s’effectue le plus souvent en tenant pour causes possibles des réalités aussi larges que floues, comme l’école, les « politiques éducatives », le « savoir enseigner (« on ne sait plus enseigner…), voire l’action (à coup sûr néfaste) des « pédagogistes ».</p>
<p>Ce que l’on peut redouter le plus est donc bien finalement que l’on tombe dans une lecture partisane des résultats de l’enquête. Ce risque devient majeur quand l’on veut interpréter les données produites en recherchant des causes dans l’axe d’un questionnement sur les responsabilités. C’est alors la porte ouverte à tous les raccourcis, et à toutes les interprétations sauvages, dans des grilles de lecture imprégnées d’idéologie.</p>
<p>Personne n’est à l’abri. Ni, certes, ceux qui voudraient gommer leur part de responsabilité. Ni, plus encore, ceux qui verraient là une occasion de terrasser leurs ennemis intimes. Comme, par exemple, ceux qui entonneront à pleins poumons le petit air que fredonnent déjà les pourfendeurs des « assassins » de l’école (qui, soyons-en sûrs, se sentiront revigorés par les résultats de l’enquête PISA) :</p>
<blockquote>
<p>« Si ça ne va pas mieux<br>
C’est la faute à Meirieu<br>
Si l’on tend vers zéro<br>
C’t’à cause des pédagos ! »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/69860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les résultats de la nouvelle enquête PISA, menée tous les trois ans par l’OCDE pour évaluer les acquis des élèves de 15 ans, viennent de paraître ce mardi. Tentons de les lire avec sang-froid !Charles Hadji, Professeur émérite (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.