tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/sentinelle-25693/articlesSentinelle – The Conversation2019-03-27T21:29:42Ztag:theconversation.com,2011:article/1143162019-03-27T21:29:42Z2019-03-27T21:29:42ZArmées : quand la communication politique abîme le moral des troupes (et celui des Français)<p>Ainsi donc la question militaire aura fait irruption dans l’histoire du traitement médiatique du mouvement des « Gilets jaunes ». Si la parenthèse semble close alors que ces lignes sont écrites, elle mérite analyse, car elle n’est pas sans conséquence.</p>
<h2>Les effets délétères d’une annonce</h2>
<p>Au départ de l’histoire se trouve une déclaration de Benjamin Grivaux, à la sortie du conseil des ministres du mercredi 20 mars. Dans un contexte de forte polémique sur le maintien de l’ordre, il décrit les différents pans du dispositif prévu pour la 19<sup>e</sup> journée de manifestation et termine en annonçant « la mobilisation renforcée du dispositif Sentinelle pour sécuriser les points fixes et statiques, conformément à la mission du dispositif Sentinelle. »</p>
<p>Les termes « conformément à la mission du dispositif » renvoient au fait que les militaires sont bien mobilisés pour faire face à d’éventuelles attaques terroristes. Du côté de l’état-major des armées, il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. Le gouvernement a assuré qu’il n’y en avait pas eu de son côté non plus, et on ne demande qu’à le croire. Et pourtant, <a href="https://theconversation.com/operation-sentinelle-cette-histoire-piegee-que-lon-raconte-aux-francais-61471">depuis que Sentinelle a été déployée en janvier 2015</a>, jamais cette opération n’aura été l’objet d’une telle tension médiatique en dehors d’un moment d’attaque terroriste.</p>
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<p>Cette annonce contient en fait les effets délétères qu’elle va produire. Benjamin Grivaux, en ne se donnant pas la peine de préciser que les militaires ne seront là que pour faire face à d’éventuelles attaques terroristes, ouvre la porte à de bien trop nombreuses interprétations.</p>
<p>Plus encore, le choix même de communiquer sur les modalités de l’emploi de Sentinelle dans ce contexte particulier prête à confusion : depuis 2015, l’opération a été déployée dans discontinuer, y compris lors de journées de manifestations lors desquelles survinrent <a href="http://www.opex360.com/2016/05/18/le-sang-froid-des-militaires-face-des-casseurs/">des face-à-face tendus</a>.</p>
<p>Aucun gouvernement, cependant, dans une situation de très forte attention médiatique sur la question des dispositifs de sécurité, n’avait communiqué en liant aussi nettement l’opération à des annonces concernant le maintien de l’ordre.</p>
<h2>Trois jours de chaos informationnel</h2>
<p>Cette innovation de communication dans ce contexte particulier ne pouvait manquer de susciter une focalisation médiatique très forte, articulée autour de l’hypothèse que les militaires de Sentinelle se trouvent, à un moment ou à un autre, face à des manifestants.</p>
<p>Cette hypothèse était alors d’autant plus envisageable que les premières informations qui ont filtré le même mercredi faisaient état d’un déploiement statique des militaires <a href="https://www.cnews.fr/videos/france/2019-03-20/mobilisation-du-dispositif-sentinelle-quel-role-pour-les-militaires-823070">autour de lieux de pouvoir (l’Élysée ou l’Assemblée nationale)</a> déjà choisis par le passé comme cibles réelles ou symboliques par certains manifestants. Ce dispositif correspondait, en outre, à une demande formulée par certains syndicats de police après les très chaotiques journées de mobilisation du mois de décembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1069312064513028096"}"></div></p>
<p>S’ensuivent alors en toute logique <a href="http://www.guerres-influences.com/sentinelle-et-les-gilets-jaunes-dangereuse-surenchere-de-bullshit%EF%BB%BF/">trois jours de chaos informationnel</a> et de <a href="https://www.rtl.fr/actu/politique/les-actualites-de-18h-melenchon-demande-aux-militaires-de-sentinelle-de-ne-pas-tirer-7797270938">surenchères dramatisantes</a>.</p>
<p>Un certain « camp de l’ordre » imagine déjà, avec enthousiasme, des militaires faisant face aux manifestants tandis que, dans l’autre camp, quelques meneurs instrumentalisent à leur tour l’information équivoque pour mobiliser leurs troupes. Très légitimement, les militaires de l’opération Sentinelle peuvent avoir la sensation de servir de renforts aux forces de police dans un rôle qui n’est pas le leur et d’être désignés <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/oui-malheureusement-il-risque-d-y-avoir-des-morts-les-militaires-tres-alarmistes-sur-leur-implication-dans-les-prochaines-mobilisations-des-gilets-jaunes_3244015.html">comme des cibles symboliques majeures aux manifestants qui souhaiteraient en découdre avec l’autorité de l’État</a>.</p>
<p>La tension n’a commencé à redescendre que lorsque la ministre des Armées s’est fendue d’un tweet visant à mettre fin à de « faux débats » (en grande partie déclenchés par son propre gouvernement) et affirmant sans ambiguïté que les militaires ne seraient pas déployés aux alentours des zones de manifestation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1109064814964473857"}"></div></p>
<p>À l’arrivée, samedi, pas un treillis n’est finalement apparu sur une image télévisée ; pas un journaliste n’a eu à rendre compte d’un face-à-face fortuit et dangereux entre manifestants et militaires.</p>
<h2>Le mal est fait</h2>
<p>Et pourtant, malgré cette paisible et heureuse issue, le mal est fait. Comme à chaque fois que le politique sort sa carte kaki sans réellement réfléchir à l’usage qu’il en fait.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/oui-malheureusement-il-risque-d-y-avoir-des-morts-les-militaires-tres-alarmistes-sur-leur-implication-dans-les-prochaines-mobilisations-des-gilets-jaunes_3244015.html">Un militaire de l’opération Sentinelle</a> interviewé par des journalistes de France Info a déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« L’armée, au niveau du gouvernement, ça reste le petit joker. On le sort quand on en a besoin. »</p>
</blockquote>
<p>Sentinelle est une <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/focus-strategique/sentinelle-egaree-larmee-de-terre-face-terrorisme">opération particulière</a>, structurellement porteuse de toutes les ambiguïtés politiques que l’on voit surgir une à une depuis les attentats de 2015. D’autres, en des gouvernements différents, en ont joué de manière équivoque, le plus souvent à des fins de communication. Avec cette séquence, un nouveau cap a été franchi.</p>
<p>Le recul manque encore, mais pendant trois jours des Français ont pu envisager que leurs soldats, engagés pour les défendre contre des ennemis extérieurs, pourraient tirer sur leurs concitoyens. Bien sûr, certains ont joué avec les interprétations les plus folles des annonces gouvernementales, colportées de réseau social en titres de presse fracassants. Cependant, ce sont aussi beaucoup d’honnêtes citoyens, simplement peu au fait des réalités militaires (ils constituent l’essentiel de la population, dans toutes les catégories de la société), dont l’esprit a été traversé par cette hypothèse.</p>
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<p>On peut espérer que la force du réel et du déroulement de cette journée du 23 mars aient effacé chez la plupart cette désagréable idée. Chez d’autres cependant, elle demeurera sans doute ancrée.</p>
<h2>Confusion autour du service national obligatoire</h2>
<p>Moins dramatiquement, mais plus insidieusement, ce type de séquence produit les mêmes effets que ceux provoqués, il y a maintenant trois ans, <a href="https://theconversation.com/le-service-militaire-objet-de-fantasmes-politiques-75503">par l’annonce fracassante du candidat Emmanuel Macron</a> de rétablir un service national obligatoire qualifié de « militaire », alors qu’il ne devait avoir aucune finalité militaire.</p>
<p>Depuis, les débats qui accompagnent la mise en œuvre de cette étonnante promesse de campagne ne cessent d’alimenter la confusion, alors que les armées – bien que non-pilotes du dispositif – sont sollicitées dans un processus pour une part improvisée. Aucune ligne budgétaire, par exemple, n’est prévue pour qu’ils forment les encadrants des phases de préfiguration qui débuteront en juin.</p>
<p>Les militaires sont là, on les utilise. On brouille aux yeux de leurs concitoyens la fonction qu’ils occupent à leur service. On réduit la <a href="https://theconversation.com/armee-nation-ces-morts-privees-de-sens-104458">finalité combattante de leur engagement</a>, à la fois prosaïque et tragique, à une fonction parmi d’autres, piochée dans un catalogue au gré des circonstances.</p>
<p>Pour les armées, et l’armée de Terre en particulier, la plus concernée en ces deux occasions, les conséquences de ce brouillage sont très concrètes. Si elles recrutent plus facilement que leurs voisines britanniques, elles doivent cependant maintenir un effort constant pour parvenir à attirer un nombre suffisant de candidats (avec 1,7 candidat par poste en 2016 pour l’armée de Terre).</p>
<p>Plus grand encore est le défi de la fidélisation : une armée qui perd trop vite ses jeunes soldats et ses cadres est moins efficace et moins solide, parce que les expériences se perdent et doivent en permanence être reconstituées. Or, là encore, le compte n’y est pas. Avec des contrats qui durent en moyenne 4,5 ans dans l’armée de Terre, l’objectif de 6,5 ans fixé au moment de la professionnalisation n’est toujours pas atteint <a href="https://www.defense.gouv.fr/portail/vous-et-la-defense/evaluation-de-la-condition-militaire/hcecm/publications/les-rapports-thematiques/11e-rapport-septembre-2017">(<em>La fonction militaire dans la société</em>, HCECM, 11ᵉ rapport, septembre 2017)</a>.</p>
<h2>Un contraste immense</h2>
<p>Bien des raisons expliquent cette difficulté de fidélisation, mais parmi elles la question de la reconnaissance que les militaires trouvent dans les yeux de leurs concitoyens et de leurs responsables politiques n’est pas négligeable. Seulement 43 % des soldats de l’armée de Terre pensent ainsi que les armées sont reconnues à leur juste valeur et <a href="https://www.defense.gouv.fr/portail/vous-et-la-defense/evaluation-de-la-condition-militaire/hcecm/publications/les-rapports-thematiques/11e-rapport-septembre-2017">34 % qu’elles sont bien connues</a>.</p>
<p>Ce gouvernement est celui du tournant budgétaire, avec une loi de programmation militaire annoncée comme celle de toutes les promesses. Reçue avec lucidité mais espérance par les militaires, elle n’a guère de sens si l’engagement de ceux à qui elle est destinée n’est pas reconnu dans ses ressorts profonds par ceux qui promettent. Elle n’a guère de sens non plus si les Français ne peuvent juger de l’utilité de ces moyens alloués qu’à l’aune de débats mal posés, de communication ratée et d’image volontairement ou involontairement brouillée.</p>
<p>Il n’y a rien de nouveau à ce qu’un exécutif bégaie dans l’usage de sa relation avec le fait militaire, loin de là. Les responsables politiques d’aujourd’hui sont aussi les héritiers de longues décennies de confusion et de difficulté à assumer le fait que les armées ont pour finalité l’efficacité dans l’acte combattant, finalité qui ordonne toute leur vie.</p>
<p>Cependant, plus les décennies s’écoulent, plus le contraste apparaît immense entre les postures de chefs de guerre que prennent désormais certains responsables politiques et les usages réels qu’ils font ou envisagent de faire des hommes et des femmes qui acceptent d’endosser l’uniforme.</p>
<p>Les annonces hasardeuses ploient heureusement, parfois, sous le feu des polémiques qu’elles provoquent, mais la trace, à chaque fois, marque durablement les esprits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114316/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Chéron a reçu des financements de l'IRSEM (Institut de recherches stratégiques de l'Ecole militaire)</span></em></p>Pas un treillis n’est apparu sur une image télévisée ; pas un journaliste n’a eu à rendre compte d’un face-à-face fortuit et dangereux entre manifestants et militaires. Pourtant, le mal est fait.Bénédicte Chéron, Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE (Sorbonne Université), chercher associé à l'IESD (Lyon 3), Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/844012017-09-25T20:01:07Z2017-09-25T20:01:07ZLe malaise des armées, objet médiatique permanent<p>« Blues du soldat », « malaise des armées » : ces mots ont envahi le traitement médiatique de l’actualité militaire, y compris celui des opérations extérieures ou intérieures alors que, dans le même temps, 88 % des Français disent avoir une <a href="http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/les-chiffres-cles-des-sondages-de-la-defense-juillet-2017">bonne image des armées</a>.</p>
<p>Ce paradoxe n’est qu’apparent, et personne n’est dupe : on peut tout à la fois être aimé et se sentir incompris. Le moral des troupes n’est une préoccupation nouvelle ni pour les chefs militaires, ni pour les autorités politiques. Ce qui mérite analyse, en revanche, c’est la continuité de la présence médiatique de cette question depuis 2008.</p>
<h2>2008, année charnière</h2>
<p>L’année est alors chargée en actualité militaire : la réforme de la carte militaire provoque la fermeture de nombreuses casernes ; les discussions préparatoires du nouveau Livre blanc sont ponctuées de multiples polémiques médiatiques sur la place des armées au sein de la nation et la cohérence des orientations stratégiques qui se dessinent. <a href="http://secretdefense.blogs.liberation.fr/2008/06/29/drame-au-3me-rp/">Le 26 juin 2008, à Carcassonne</a>, des militaires du 3<sup>e</sup> RPIMa utilisent des balles réelles au lieu des munitions à blanc lors d’une démonstration publique. Le bilan est lourd : un militaire et quinze civils sont blessés, et parmi eux quatre enfants. Le Président Nicolas Sarkozy traitent les militaires d’« amateurs » et le <a href="http://www.dailymotion.com/video/x5zoea">chef d’état-major de l’armée de terre démissionne</a>.</p>
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<p>Enfin, le 18 août, 10 militaires français sont tués lors de l’embuscade d’Uzbin, en Afghanistan, et 21 autres blessés. L’emblématique émission « C dans l’air » ne consacre pas moins de six éditions aux sujets militaires lors du printemps et de l’été 2008. Jamais, depuis, cette densité et cette fréquence ne se sont répétées.</p>
<p>Après l’embuscade d’Uzbin, les journalistes se penchent, nombreux, sur l’état des équipements et des matériels militaires. Ils racontent, avec un pathos parfois excessif, l’histoire d’une armée paupérisée. Les magazines d’enquête et de reportage abondent sur le sujet. L’année 2008 apparaît bien comme celle du surgissement médiatique d’un malaise qui couvait.</p>
<h2>Le catalyseur Sentinelle</h2>
<p>Depuis, le dossier est demeuré ouvert en permanence et, à intervalles réguliers, les journalistes y puisent sujets de reportage et motifs d’enquête. Pas une opération qui n’échappe aux articles <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/l-incroyable-audition-testament-du-general-pierre-de-villiers-746438.html">sur les moyens insuffisants qui lui sont alloués</a>. Or, ils sont systématiquement au-dessous du niveau qu’exigeraient les ambitions politiques affichées. Lorsqu’à cette paupérisation, s’ajoutent les interrogations manifestes des hommes eux-mêmes sur le sens de certaines missions accomplies dans des contextes particulièrement éprouvants physiquement et moralement, le malaise revient inévitablement sur le devant de la scène.</p>
<p>Les opérations d’interposition et de rétablissement de la paix sont sans doute les plus emblématiques, tant le récit médiatique qui en est fait tourne systématiquement à celui d’une impuissance face à l’ampleur du chaos. <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/centrafrique/centrafrique-quel-bilan-pour-l-operation-francaise-sangaris-4587088">La dernière en date, Sangaris, en République centrafricaine</a>, n’y a pas échappé.</p>
<p>Alors que les chercheurs ne peuvent que réunir des faisceaux d’indices sur la réalité de ce malaise (il est légitime que les états-majors ne communiquent pas vers l’extérieur sur cette question sensible et ce « malaise » est lui-même si compliqué à définir que quelques chiffres ne suffiraient pas à venir le mesurer), cette omniprésence médiatique est en elle-même un symptôme qui aurait dû préoccuper davantage les responsables politiques, et certains grands chefs militaires qui n’ont pas toujours voulu en prendre la mesure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187007/original/file-20170921-8218-13u79e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gare de Lyon, à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4a/Marsouin-IMG_5083.jpg/640px-Marsouin-IMG_5083.jpg">Rama/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans ce contexte en effet, l’<a href="https://theconversation.com/operation-sentinelle-cette-histoire-piegee-que-lon-raconte-aux-francais-61471">opération Sentinelle</a> a joué un rôle de catalyseur : du fait de son format massif et de sa proximité géographique, elle a rendu le malaise des armées plus visible et palpable encore, sans en être la cause première. Il est illusoire de penser que le sujet n’affleurera plus dans les médias par l’effet <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/defense/parly-confirme-la-forte-hausse-du-budget-de-l-armee-entre-2019-et-2022_498732">des seules annonces budgétaires</a> (conséquentes mais à relativiser au regard du retard accumulé et des promesses de campagnes, jamais tenues) et des mesures subtiles imaginées pour faire évoluer les opérations en cours, et en particulier l’<a href="http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2017/09/14/sentinelle-redeploye-mais-pas-reduit-18509.html">opération Sentinelle</a>.</p>
<p>Tout cela peut certes relâcher la pression qui pèse sur les épaules des militaires et leur offrir quelques respirations, permettre à l’état-major de retrouver les marges de manœuvre perdues depuis janvier 2015. À moyen terme, cependant, il y a fort à parier que si les causes profondes de cette permanence médiatique du « malaise » ne sont ni analysées ni reconnues, rien ne changera vraiment.</p>
<h2>Crise d’identité</h2>
<p>Ce qui est apparu au grand jour en 2008 couvait depuis de nombreuses années. Au début des années 1970, les médias français, et la télévision en particulier, évoquent déjà ce fameux « malaise », comme l’a raconté <a href="https://books.google.fr/books/about/Grande_muette_petit_%C3%A9cran.html?id=FXobAQAAIAAJ&redir_esc=y">Bernard Paqueteau</a> dans un livre oublié (<em>Grande Muette, petit écran</em>, Fondation pour les études de la défense nationale, 1986). Bien sûr, planent les souvenirs des blessures mal refermées des guerres d’Indochine et d’Algérie, dans le contexte des luttes, notamment antimilitaristes, des années 1970. Mais de cela, les militaires ne parlent pas ouvertement. En revanche, les analystes pointent du doigt l’évolution du modèle de défense qui accompagne le développement de la dissuasion nucléaire : les forces dites conventionnelles se sentent dépassées et délaissées.</p>
<p>En filigrane, se pose aussi la question de l’évolution du service national et d’un tiraillement croissant, chez certains officiers, entre leur rôle social et leur rôle opérationnel, de plus en plus déconnectés, les appelés ayant de moins en moins vocation à servir leur pays par les armes. Si la première cause d’inquiétude s’efface dans les années 1980, la seconde, elle, ne fait que grandir : les jeunes Français sont de moins en moins nombreux à faire leur service militaire et ne partent plus en opération extérieure.</p>
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<h2>Le sens de l’engagement militaire</h2>
<p>La professionnalisation des armées, annoncée en 1996, aurait pu apporter une réponse à cette crise d’identité déjà ancienne. Elle ne l’a pas fait parce que le récit offert au grand public n’a pas rendu justice <a href="https://theconversation.com/rendre-aux-armees-leur-vraie-place-80840">au sens profond de l’engagement militaire</a>. Elle aurait pu rendre aux armées une identité épique aux yeux des Français mais c’est en fait une banalisation accrue de l’image des militaires qui s’est déployée au tournant du siècle : au début des années 2000, à la télévision française, on parle autant des sujets sociétaux dont les armées affirment se saisir (la féminisation et l’intégration des jeunes Français en difficulté sociale et d’intégration, pour l’essentiel) que des opérations extérieures. Lorsque ces dernières sont montrées dans des reportages, les militaires n’y combattent que très rarement. Ils sont, en revanche, d’excellents agents humanitaires et logisticiens.</p>
<p>Les communicants qui œuvrent au recrutement racontent au fil des campagnes, jusqu’après 2008, l’histoire d’une armée qui permet avant tout d’obtenir des qualifications recyclables dans le civil et de mener la même vie que n’importe quel autre employé d’une grande institution publique ou privée. L’acte combattant n’a qu’une place marginale dans ce récit global. C’était déjà le cas avant la professionnalisation. Rien n’a vraiment changé après.</p>
<p>Cela explique, en partie, que se soient multipliés depuis 2015 les débats mal posés sur un éventuel <a href="https://theconversation.com/le-service-militaire-objet-de-fantasmes-politiques-75503">retour du service national obligatoire</a>. Ils sont des révélateurs parmi tant d’autres de la perte de compréhension du sens de l’engagement militaire : ceux qui aimeraient voir les armées jouer massivement un rôle socio-éducatif ne lient jamais cette question aux réflexions stratégiques en cours. Rien ne vient laisser espérer que les discussions sur la mise en œuvre des projets du président de la République en la matière n’établissent davantage cette relation qui, pourtant, est le fondement de tout débat valable sur le sujet.</p>
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<span class="caption">L’armée de terre en campagne, à Strasbourg (en 2010).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:V%C3%A9hicule_Blind%C3%A9_L%C3%A9ger_Arm%C3%A9e_de_Terre_Strasbourg-2010-02.jpg">Kevib-n B./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces distorsions entre l’identité narrative qui se construit jour après jour par le récit politico-médiatique et la réalité des sacrifices demandés à ceux qui s’engagent, dont le métier est d’abord d’œuvrer collectivement à l’efficacité au combat de leurs armées, est une racine ancienne du malaise dont on parle tant. Les saignées budgétaires sont venues se conjuguer avec cette cause profonde et rendre manifeste le manque de compréhension dont souffraient les armées au sein de la société.</p>
<h2>Pitié et compassion</h2>
<p>Des lignes ont bougé depuis l’opération Serval, au Mali, puis après janvier 2015. Les complexes à assumer la vocation combattante des armées s’effacent progressivement. Ces changements perceptibles ne peuvent, cependant, suffire à effacer les décennies lors desquelles le malaise a couvé sans vraiment être perçu et alors qu’il est entretenu par les <a href="http://www.lemonde.fr/politique/article/2017/07/20/la-demission-du-general-pierre-de-villier-suscite-une-onde-de-choc_5162896_823448.html">crises régulières de la relation entre politiques et militaires</a> autant que par la surchauffe qu’a provoquée l’opération Sentinelle.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’un corporatisme revendicateur de plus dont on pourrait effacer les manifestations par quelques primes et quelques congés de plus. La question du malaise des armées, qui prend des formes différentes au fil des décennies mais soulève toujours la question du regard porté par la société sur ceux qui la servent par les armes, appartient désormais au temps long de l’histoire. Ce n’est qu’au prix de la restauration d’une identité cohérente, claire et assumée – à tous égards, y compris sur le plan budgétaire – au sein de la nation qu’elle sortira du champ médiatique quotidien.</p>
<p>L’enjeu n’est pas mince. Derrière cette question, en effet, se cache une préoccupation qui intéresse la nation tout entière : peut-on gagner des guerres avec une armée qui finit par inspirer, de manière aussi récurrente et permanente, autant de pitié et de compassion ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Chéron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on gagner des guerres avec une armée qui finit par inspirer – de manière aussi récurrente et permanente – autant de pitié et de compassion ?Bénédicte Chéron, Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/614712016-06-28T20:53:01Z2016-06-28T20:53:01ZOpération Sentinelle, cette histoire piégée que l’on raconte aux Français<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/128347/original/image-20160627-28349-18b48cf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sentinelle, une opération dont les modalités et l'utilité sont de plus en plus contestées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://rpdefense.over-blog.com/tag/vigipirate/">EMA/DR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nous continuons de voir des militaires massivement présents dans les rues des villes de France, et pourtant tout a été dit sur les défauts intrinsèques de l’opération Sentinelle, sur son inefficacité au regard des objectifs affichés et sur le poids qu’elle fait peser sur des armées qui souffrent lourdement des coupes budgétaires opérées depuis des années. Des experts reconnus comme <a href="http://lavoiedelepee.blogspot.fr/2016/06/a-partir-de-quel-montant-accepte-t-on.html">Michel Goya</a> et <a href="http://mars-attaque.blogspot.fr/2016/05/mettons-fin-loperation-sentinelle.html">Florent de Saint-Victor</a> ont pointé les bonnes raisons qu’il y aurait à mettre fin à cette opération. Une <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/etudes-de-lifri/focus-strategique/sentinelle-egaree-larmee-de-terre-face-terrorisme">étude très complète d’Elie Tenenbaum</a> a également été publiée par l’IFRI (Institut français des relations internationales) sous le titre « La Sentinelle égarée ? L’armée de terre face au terrorisme. »</p>
<p>Tout a été dit… mais visiblement sans beaucoup émouvoir, pour l’instant, ceux qui décident. Des aménagements sont envisagés, sans que les fondements mêmes de cette opération ne soient remis en cause. Le débat sur le passage des gardes statiques à des patrouilles plus mobiles, s’il n’est pas inutile, est à ce titre bien commode pour éviter de se saisir des questions de fond.</p>
<h2>Un effet visuel massif</h2>
<p>Alors, élargissons encore l’analyse des enjeux de cette opération intérieure. On se félicite, dans certains milieux, de la capacité de l’opération Sentinelle à renforcer le lien armée-nation. Les arguments ne manquent pas : les Français ne voyaient auparavant des missions remplies par les soldats sur des terres lointaines que ce que les médias pouvaient en raconter ; désormais ils les voient en action, de leurs propres yeux, au pied de leurs immeubles. Les Français ont peur du terrorisme ; ceux que l’on envoie pour les rassurer, devant leurs terrasses de café, sont en <a href="https://theconversation.com/larmee-de-terre-a-besoin-de-vous-56079">kaki</a>.</p>
<p>C’était déjà le cas avec Vigipirate, mais l’effet visuel est désormais massif. Et il ne s’agit pas de secourir les populations lors d’une catastrophe naturelle mais bien de faire la guerre. La <a href="http://www.liberation.fr/video/2016/03/23/manuel-valls-et-la-rhetorique-de-la-guerre-contre-le-terrorisme_1441509">guerre ?</a> Pas dans les rues de France, bien sûr, mais le fameux continuum entre les opérations extérieures menées dans la bande sahélo-saharienne (opération Barkhane) ou au Moyen-Orient (opération Chammal) et l’opération Sentinelle est régulièrement affirmé. Alors ces patrouilles, dans nos rues, sont bien un des piliers des entêtants discours sur « la guerre contre le terrorisme. »</p>
<p>Hélas, cette histoire là ne peut pas durer, quand bien même l’on en ressasse encore des bribes à intervalles réguliers. Le premier coup de boutoir a été porté par les faits eux-mêmes, cruels et que nul ne peut ignorer puisqu’ils se sont déroulés en bas de chez nous, <a href="http://lci.tf1.fr/france/faits-divers/info-tf1-attentats-du-13-novembre-le-juge-demande-des-explications-8755809.html">dans des rues de Paris et au Bataclan</a>, non loin duquel patrouillaient des militaires réduits à des postures de vigiles inutiles face au drame qui se jouait. Les Français, d’ailleurs, n’ont pas été dupes : en décembre 2015, ils étaient 78 % à approuver l’opération Sentinelle, mais seulement 50 % à la juger efficace, selon le baromètre IFOP pour le ministère de la Défense. Un sur deux…</p>
<h2>À l’honneur, l’arrestation d’un clown pick-pocket</h2>
<p>Cette histoire est aussi mise à mal par l’institution elle-même, piégée par les contradictions d’une situation difficilement tenable : l’opération use les militaires qui passent désormais, sur une année, près de 50 % de leur temps en opération intérieure et 15 % en opérations extérieures (contre 5 % en opération intérieure et 15 % en opérations extérieures avant 2015) comme l’a très utilement rappelé le <a href="http://defense.blogs.lavoixdunord.fr/archive/2016/05/24/recrutement-14663.html">général Sainte-Claire Deville</a>, commandant des forces terrestres, il y a quelques semaines.</p>
<p>Alors il faut valoriser ces soldats qui s’épuisent à une tâche bien ingrate. <a href="https://www.facebook.com/armee2terre/?fref=ts">Sur la page Facebook de l’armée de terre</a>, il existe une rubrique « A l’honneur ». A elle toute seule, elle vient prouver à quel point cette opération, loin de renforcer le lien armée-nation, lui nuit à moyen et long terme. Les militaires de l’opération Sentinelle y occupent une place de choix. Parce qu’ils auraient empêché un attentat ou déjoué un acte terroriste ? Non. Parce que, par leur présence quotidienne dans les rues de France, ils jouent le rôle d’auxiliaire de police de proximité et de secouriste de première urgence. En juillet 2015, l’armée de terre met ainsi à l’honneur trois soldats du 3e régiment du génie de Charleville-Mézière qui « ont participé à une <a href="https://www.facebook.com/3eregimentdugenie/posts/1642623739308784">arrestation en flagrant délit d’un clown pickpocket</a> qui agressait un couple de touristes sous l’Arc de triomphe. »</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128354/original/image-20160627-28354-1gdluqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Du kaki dans les rues de France, une présence rassurante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://images.google.fr/imgres?imgurl=http://img.over-blog-kiwi.com/0/54/74/56/20160121/ob_95509d_1-operation-sentinelle-patrouille-avec.jpg&imgrefurl=http://rpdefense.over-blog.com/tag/vigipirate/&h=640&w=990&tbnid=lONl55zAUAs8zM:&tbnh=90&tbnw=139&docid=GaoDSWOkdwIPRM&usg=__fnj2Vg6BFKGUEbKqn4LudWYFmUI=&sa=X&ved=0ahUKEwif0rXXucjNAhXKtxQKHSsnCX0Q9QEIPTAI">EMA/DR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le 22 juin 2016, le <a href="http://www.defense-lyon.fr/mise-a-lhonneur/">site Internet de la zone de défense Sud-Est</a> met aussi à l’honneur deux militaires de l’opération Sentinelle qui « ont fait preuve de vigilance et de bon sens lors d’une séance de sport programmée ». Le texte, emblématique, mérite d’être reproduit en entier :</p>
<blockquote>
<p>« Alors qu’ils étaient partis nager à la piscine municipale quai Claude Bernard dans le 7e arrondissement de Lyon en utilisant des vélos mis à la disposition par le GSBdD (Groupement de soutien de base de défense, ndlr) de Lyon Mont Verdun, les militaires se sont aperçus qu’un des deux vélos avait été dérobé. Patients, ils ont alors attendu que les voleurs reviennent récupérer le deuxième vélo et ont ainsi pu interpeller les deux voleurs grâce à un système de surveillance autour de la piscine. Ces deux voleurs ont pu être pris en charge par la police nationale, appelée entre temps. Ils étaient en possession d’une pince coupante. Grâce à leur sang-froid et vigilance, les deux militaires ont pu ramener les deux vélos de la base de défense à leur propriétaire. »</p>
</blockquote>
<p>Passons pudiquement sur les très nombreuses mises à l’honneur pour des premiers secours apportés aux vieilles dames qui font des malaises ou aux imprudents conducteurs de scooter…</p>
<h2>Une petite bombe à retardement</h2>
<p>Évidemment, il est heureux que les militaires français soient de bons professionnels, capables de mettre en pratique un savoir-faire de qualité en toute circonstance au service de leurs concitoyens en danger. Des vies ont parfois été sauvées, et il faut s’en réjouir. Mais l’histoire, une fois de plus, est bancale. D’abord parce que la confusion entre le rôle des armées et celui des forces de police est un piège aux conséquences potentiellement tragiques – ce que l’histoire a largement démontré. Ensuite car ces mises à l’honneur pour des actes de police quotidienne et de premiers secours sont en proportion bien plus nombreuses que celles des faits d’armes par lesquels des soldats s’illustrent lors des opérations extérieures.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/128364/original/image-20160627-28379-1m53q7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militaires transformés en police de proximité ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marquages_Mission_Vigipirate_Op%C3%A9ration_Sentinelle_-_mardi_matin_26_avril_2016_-_02.jpg">Neil Dewhurst/Wikimedias</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il faut chercher, bien chercher, pour trouver les mises à l’honneur de militaires qui se seraient bien battus. Elles existent, mais elles sont rares. Or, le métier du militaire, c’est de faire la guerre. Mettre hors d’état de nuire les clowns pickpockets ou faire des massages cardiaques aux passants à la santé fragile relève d’un civisme très louable de la part d’hommes qui ont toutes les compétences pour le faire sans dérapage regrettable, mais pas de la fonction première des armées.</p>
<p>Alors Sentinelle, contrairement à ce qu’on aime raconter ici et là, n’est pas une opération qui vient renforcer le lien armée-nation. Elle est un trompe l’œil de court terme qui donne l’illusion que les Français sont désormais plus proches de leurs soldats. Tout ce qui induit en erreur sur le rôle réel du militaire nuit, à moyen et long terme, à une relation bien comprise entre une société et son armée.</p>
<p>C’est précisément parce qu’on a raconté pendant des décennies l’histoire de soldats devenus éducateurs, techniciens hors-pair, assistants sociaux ou soldats de la paix qui ne tireraient jamais un coup de feu que l’<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-27-janvier-2016">embuscade d’Uzbin</a> a été un choc national lorsque dix militaires français sont tombés face aux Talibans, en Afghanistan, en août 2008. Pendant des semaines, il fallu réexpliquer que la guerre tuait, que de jeunes hommes qui portaient l’uniforme français pouvaient donner la mort et la recevoir parce que c’était leur métier.</p>
<p>On croyait que la leçon avait été comprise. Elle ne l’a visiblement pas été par tous. Et le grand écart entre les discours guerriers dont on nous abreuve au plus haut niveau de l’État et cette histoire de Sentinelle qu’on nous raconte jour après jour est une petite bombe à retardement pour ce lien armée-nation, dont tout le monde se gargarise sans jamais se donner la peine d’y réfléchir vraiment.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Chéron a reçu des financements du CEHD pour sa thèse entre 2006 et 2009 et de l'IRSEM pour son post-doctorat en 2011 et 2012.</span></em></p>Alors que l'efficacité de l'opération Sentinelle est de plus en plus débattue, certains continuent d'affirmer qu'elle a au moins le mérite de renforcer le lien armée-nation. À tort.Bénédicte Chéron, Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/560792016-03-10T11:46:28Z2016-03-10T11:46:28ZL’armée de terre a besoin de vous !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/114624/original/image-20160310-26268-16cl7ec.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1151%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’armée de Terre a besoin de 15 000 nouvelles recrues.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr/">Ministère de la Défense</a></span></figcaption></figure><p>« Votre volonté. Notre fierté ». Ainsi s’affiche la <a href="https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr/">nouvelle campagne de l’armée de terre</a>, lancée ce jeudi 10 mars pour recruter 15 000 soldats. La fierté d’être soldat et de servir la nation est mise à l’honneur, avec des visuels qui relient très directement l’engagement sous les drapeaux et la vie opérationnelle : les opérations extérieures en Centrafrique ou dans la bande sahélo-saharienne sont explicitement citées sur les visuels.</p>
<p>Mais l’autre grande star de la campagne, c’est l’opération Sentinelle. Trois spots doivent être diffusés à la télévision : l’un insiste sur la valeur de fraternité que partagent ceux qui servent sous l’uniforme, un autre valorise l’engagement dans l’ensemble des opérations extérieures et un troisième est uniquement axé sur… l’opération intérieure en cours : Sentinelle (dans ses modalités actuelles, dont on sait que l’efficacité est <a href="http://www.franceinfo.fr/actu/education/article/l-operation-sentinelle-vue-par-des-soldats-des-pieces-insalubres-des-insultes-757553">largement débattue dans les milieux de la Défense</a>). L’armée de terre l’annonce : en 2016, 1O 000 hommes seront engagés à l’extérieur, 11 000 à l’intérieur. Le rapport numérique est frappant. La campagne s’inscrit dans le contexte <a href="https://theconversation.com/apres-les-attentats-de-paris-la-puissance-publique-mise-a-lepreuve-50706">des attentats de 2015</a> qui a joué très directement sur la décision de revoir à la hausse les objectifs de recrutement. </p>
<h2>Les « 400 métiers »</h2>
<p>Or, si les armées se réjouissent de ce léger mieux dans les coupes sèches de moyens qu’elles subissent depuis des années, elles savent aussi à quel point il est difficile de recruter massivement, et dans un temps court, des jeunes gens capables de répondre aux exigences de la vie militaire. Elle l’a déjà expérimenté… i<a href="http://www.defense.gouv.fr/actualites/la-reforme/recrutement-et-publicite-l-armee-de-terre-en-campagne2">l y a vingt ans</a>. En 1996 en effet, la professionnalisation des armées est annoncée. Il faut recruter, vite et bien, pour compenser, dans les nouveaux formats de chacune des trois armées, le vide causé par la suspension du service militaire. À l’époque, la campagne est axée sur les « 400 métiers ». Les visuels insistent d’abord sur la formation professionnelle que peuvent recevoir les jeunes recrues. L’uniforme n’est qu’un élément d’habillage.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/114608/original/image-20160310-26248-1sw5gda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La campagne de l’armée de Terre version 1996.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de la Défense</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le reproche a longtemps été fait à cette campagne et à celles qui l’ont immédiatement suivie d’avoir contribué à banaliser la fonction militaire et à en effacer la spécificité combattante. Mais il fallait séduire, se plier aux désirs d’une jeunesse confrontée au chômage de masse. Il fallait aussi, très concrètement, trouver des hommes pour occuper les postes laissés vacants. Avec l’engagement en Afghanistan, en particulier à partir de 2008, les réalités opérationnelles sont peu à peu revenues au premier plan. La jeune recrue qui se présenterait dans un centre de recrutement allait d’abord apprendre à tenir une arme et à s’en servir pour se battre ; on n’en faisait plus mystère même si tout cela était présenté sous les lumières les plus attirantes, puisque l’exercice l’exige.</p>
<h2>Images de kaki</h2>
<p>En 2016, il faut à nouveau recruter, vite et bien. Mais cette fois-ci, ce ne sont plus 400 métiers qui sont proposés. L’armée de terre n’en offre qu’un : celui de soldat, qui se décline en 100 spécialités. Il ne s’agit pas seulement d’une évolution formelle et sémantique, mais bien d’une évolution de fond, alors que les Français ont peu à peu redécouvert, dans la douleur et la peine, les réalités de la guerre, de l’<a href="http://www.franceinter.fr/emission-affaires-sensibles-avoir-20-ans-en-afghanistan-l-embuscade-d-uzbin-en-aout-2008">embuscade d’Uzbin</a>, en Afghanistan en 2008, qui causa la mort de 10 soldats français, aux attentats des rues de Paris en 2015.</p>
<p>Le parcours du météorologue est mis en avant dans la communication, mais aussi celui du combattant de char. Les visages des visuels et les silhouettes des spots télévisés sont ceux de vrais militaires, qui mènent des opérations bien réelles. Fini, le recours aux acteurs professionnels, comme cela avait été le cas dans la campagne de 2007. Terminé, les photos posées et les fausses manœuvres reconstituées devant la caméra. Les photos ont été puisées dans le <a href="http://www.thomasgoisque-photo.com">catalogue de Thomas Goisque</a>, un habitué des terrains de conflit et qui a suivi les militaires français à de nombreuses reprises. Les spots télévisés ont été construits à partir d’images tournées en immersion dans des unités.</p>
<p>Ces éléments de coulisse, les communicants de la Défense les diffusent (et cet article lui-même s’en fait, d’une certaine manière, le relais). Les Français attentifs auront donc en tête, en voyant ces images, tous ces indices qui renforcent la véracité d’un récit. Si cela a des conséquences en termes de recrutement, cela en aura aussi, bien plus largement, sur les représentations des armées que se construisent tous les citoyens. À chaque campagne de ce type, ce sont des images et des histoires qui s’impriment dans les esprits.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/114625/original/image-20160310-26268-3k4dt7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">97 métiers proposés, contre 400 il y a vingt ans.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.recrutement.terre.defense.gouv.fr/">Ministère de la Défense</a></span>
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<p>Avec celle-ci, l’opération Sentinelle, qui avait déjà envahi massivement les écrans et les pages des journaux au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, gagne encore en visibilité. Cette campagne vient à son tour relayer ces images de kaki dans les rues de France. La guerre, avant, c’était là-bas. Loin. Très loin. Trop loin, même semblaient parfois dire les Français sondés sur les opérations extérieures. Avant, lorsque le kaki s’affichait massivement chez nous, c’était pour secourir les populations lors d’une catastrophe naturelle.</p>
<p>Les attentats ont relocalisé les treillis de l’armée de terre sur le territoire national, dans une mission dont la continuité avec les guerres menées au loin est clairement affirmée. Ceux qui s’engageront le feront aussi pour cela.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/56079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Chéron a reçu des financements de l'IRSEM pour son post-doctorat en 2011 et 2012 et une bourse du CEHD entre 2006 et 2009 pour sa thèse.. </span></em></p>À chaque campagne de recrutement, des images et des histoires qui s’impriment dans les esprits. Cette fois, après les attentats de 2015, c’est le métier des armes qui est mis en avant.Bénédicte Chéron, Historienne, chercheur-partenaire au SIRICE, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.