tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/soins-palliatifs-35191/articlessoins palliatifs – The Conversation2023-12-11T16:34:17Ztag:theconversation.com,2011:article/2143482023-12-11T16:34:17Z2023-12-11T16:34:17ZCombien de temps vivra un être cher ? La réponse est difficile à entendre, mais ne pas savoir est encore pire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550115/original/file-20230922-27-gg4746.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=201%2C70%2C6508%2C4054&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Même pour un professionnel de la santé expérimenté, estimer l'espérance de vie d'un patient atteint d'une maladie grave est un défi.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il est difficile pour les personnes atteintes d’une maladie qui limite l’espérance de vie de planifier leur avenir. Les cliniciens, en fonction de leur expérience, peuvent donner une estimation générale du temps qu’il reste à vivre à une personne — de quelques jours à quelques semaines, de quelques semaines à quelques mois, ou de quelques mois à quelques années. </p>
<p>Cependant, les patients et leurs partenaires de soins souhaitent souvent obtenir une estimation plus précise pour pouvoir prendre les dispositions et les décisions nécessaires en matière de soins.</p>
<p>Une prédiction précise de l’espérance de vie peut devancer la tenue de discussions sur les préférences et les souhaits en fin de vie, ainsi que la mise en place des soins palliatifs.</p>
<p>Mais même pour un clinicien expérimenté, <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0161407">il peut être difficile d’estimer l’espérance de vie</a> d’un <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.320.7233.469">patient atteint d’une maladie grave</a>. Cette évaluation doit reposer non seulement sur de grandes quantités de données, mais aussi sur une compréhension de la relation entre l’état de santé de base du patient, la complexité de ses problèmes de santé et la façon dont il réagit au traitement ou évolue sous celui-ci. </p>
<p>Voilà où les algorithmes prédictifs peuvent être utiles.</p>
<h2>Un outil pour avoir des discussions et planifier en temps opportun</h2>
<p><a href="https://www.projectbiglife.ca/respect-elder-life">RESPECT (Risk Evaluation for Support : Predictions for Elder life in their Communities Tool) est un outil de communication sur les risques</a> qui est alimenté par des algorithmes de prédiction estimant l’espérance de vie d’une personne — c’est-à-dire combien de temps cette dernière vivra. Cet outil a été mis au point par l’équipe de recherche du projet Big Life, et validé <a href="https://doi.org/10.1503/cmaj.200022">au moyen des données de soins de santé recueillies sur près d’un million d’aînés ayant reçu des soins à domicile et en milieu communautaire</a>, ou dans une maison de soins en Ontario.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/539710931" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">RESPECT a pour but d’aider les gens à planifier leurs soins palliatifs et leurs soins de fin de vie.</span></figcaption>
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<p>RESPECT a été conçu en tenant compte des besoins des patients en matière d’information et dans l’intention de donner aux patients et à leurs partenaires de soins les moyens d’agir. En leur fournissant des données sur l’espérance de vie et les expériences d’autres personnes ayant connu un parcours semblable, cet outil peut aider les patients à comprendre la trajectoire de leur maladie, à devancer les discussions concernant leurs préférences et leurs souhaits, et à demander le soutien dont ils ont besoin. </p>
<h2>Un outil pour les patients, les partenaires de soins et les cliniciens</h2>
<p><a href="https://www.projectbiglife.ca/respect-elder-life">RESPECT</a> a été lancé publiquement sur ProjectBigLife.ca en juillet 2021. <a href="https://www.projectbiglife.ca/">Ce site web</a> présente plusieurs calculateurs santé mis au point par l’équipe de recherche pour traduire les données probantes en outils susceptibles d’aider les Canadiens à réfléchir à leur santé et à planifier leurs soins.</p>
<p>Les gens doivent répondre à 17 questions sur leur santé et leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes. RESPECT utilise ensuite les réponses fournies pour leur donner une estimation de leur espérance de vie, et ce, sur la base de renseignements recueillis sur des personnes présentant des caractéristiques semblables aux leurs. Les aînés peuvent utiliser le calculateur pour mieux comprendre leur déclin. Il en va de même pour leurs partenaires de soins et les professionnels de la santé qui ne peuvent prédire avec certitude l’espérance de vie d’une personne atteinte d’une maladie grave.</p>
<p>En plus de donner une estimation de l’espérance de vie, RESPECT fournit des mesures du déclin fonctionnel — par exemple, si le patient est capable de se déplacer dans sa maison et de se livrer aux activités de la vie quotidienne, comme se laver et cuisiner, sans aucune aide.</p>
<p>Un patient peut utiliser ces renseignements pour discuter de ses besoins en matière de soins avec ses partenaires de soins et ses fournisseurs de soins de santé. De même, les fournisseurs de soins de santé peuvent utiliser cet outil pour discuter avec leurs patients de ce à quoi ils peuvent s’attendre en fin de vie, et prévoir les mesures de soutien appropriées.</p>
<p>RESPECT est également utilisé activement dans les maisons de retraite et les foyers de soins de l’Ontario. De nombreux résidents de ces établissements ont une espérance de vie inférieure à deux ans. Lorsque les discussions sur les objectifs et les souhaits des aînés au regard du chemin qu’il leur reste à parcourir ont lieu en temps opportun, l’équipe de soins peut offrir aux personnes dont elle s’occupe la meilleure qualité de vie et de soins possible.</p>
<h2>Infrastructure durable</h2>
<p>L’un des objectifs de RESPECT est de fournir une infrastructure durable pour l’étude, l’apprentissage et l’amélioration de la façon dont nous utilisons les algorithmes prédictifs dans la prestation des soins de fin de vie.</p>
<p>Malgré les avantages qui sont observés dans le cadre des premières utilisations de RESPECT, de nombreuses questions subsistent en ce qui concerne le meilleur moment pour l’utiliser et la meilleure manière de le faire. Par exemple, une faible capacité de calcul — c’est-à-dire la compréhension des chiffres, des mathématiques et des statistiques — pourrait entraîner une mauvaise interprétation de l’estimation fournie par RESPECT. Bien que les ressources à l’appui de RESPECT aient été élaborées en collaboration avec les patients et leurs partenaires de soins, davantage de recherches sont encore nécessaires pour réduire ces inconvénients potentiels.</p>
<p>Pour assurer l’optimisation des avantages qui peuvent être tirés des algorithmes de prédiction tels que RESPECT, les épidémiologistes cliniques Douglas Manuel et Justin Presseau, ainsi que les co-auteurs du présent article, ont créé le système de santé apprenant RESPECT — un réseau de partenaires de soins, de chercheurs et de professionnels de la santé qui collaborent pour surmonter ces défis. Nous combinons la recherche et la pratique pour étudier et améliorer durablement les soins et l’expérience de fin de vie grâce à des algorithmes prédictifs.</p>
<h2>Prendre conscience de la situation n’est que le début</h2>
<p>Seulement <a href="https://www.cihi.ca/sites/default/files/document/access-to-palliative-care-in-canada-2023-report-fr.pdf">58 % des gens qui meurent au Canada</a> reçoivent une forme de soins palliatifs avant de mourir. Peu de personnes (13 %) ont la possibilité de mourir chez elles, avec le soutien d’une équipe de soins palliatifs à domicile.</p>
<p>Grâce à l’amélioration de notre compréhension de la fragilité et du déclin, RESPECT pourrait aider les cliniciens, les patients et leurs partenaires de soins à se préparer à un mauvais pronostic, et à élaborer un plan personnalisé en matière de soins.</p>
<p>Cependant, pour améliorer la prestation des soins de fin de vie au Canada et permettre aux Canadiens de mourir dans la dignité, il faut investir davantage dans notre système officiel de soins de santé pour répondre aux besoins des personnes en fin de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214348/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lysanne Lessard reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour des recherches liées au système d'apprentissage en santé RESPECT. Elle est membre de l'Institut de recherche LIFE de l'Université d'Ottawa.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amy T. Hsu reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour la recherche liée au calculateur RESPECT.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peter Tanuseputro reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour la recherche liée au calculateur RESPECT.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sampath Bemgal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une prédiction précise de l’espérance de vie peut devancer la tenue de discussions sur les préférences et les souhaits de fin de vie, ainsi que la mise en place des soins palliatifs.Lysanne Lessard, Associate Professor, Telfer School of Management, L’Université d’Ottawa/University of OttawaAmy T. Hsu, Brain and Mind-Bruyère Research Institute Chair in Primary Health Care in Dementia, L’Université d’Ottawa/University of OttawaPeter Tanuseputro, Associate Professor, Division of Palliative Care, Department of Medicine, L’Université d’Ottawa/University of OttawaSampath Bemgal, Assistant Professor, Information Systems, University of New BrunswickLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1994272023-02-19T17:03:48Z2023-02-19T17:03:48ZLa clause de conscience chez les professionnels de santé : quelle application pour la fin de vie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C21%2C2385%2C1573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour le personnel soignant, contribuer à donner la mort volontairement peut être éthiquement compliqué.</span> <span class="attribution"><span class="source">David Werbrouck/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de la fin de vie est un débat qui revient régulièrement en France, et d’autant plus vivement ces derniers mois du fait de la mise en place d’une <a href="https://conventioncitoyennesurlafindevie.lecese.fr/">convention citoyenne</a> sur le sujet. Inscrite dans un débat national, cette dernière permettra aux 185 citoyennes et citoyens tirés au sort d’échanger « afin d’esquisser des perspectives nouvelles et des consensus sur le sujet de la fin de vie ». Les travaux produits seront rendus publics en mars 2023.</p>
<p>L’évolution possible de la législation dans ce domaine sensible a amené François Arnault, président du Conseil national de l’Ordre des médecins, à déclarer en septembre 2022 que, <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/ethique/aide-active-mourir-le-medecin-accompagnateur-surement-effecteur-ce-nest-pas-son-role-selon-le">si le pays ouvrait la possibilité d’une aide active à mourir, les médecins devraient pouvoir bénéficier d’une « clause de conscience »</a>.</p>
<p>Connue chez les médecins et autres professionnels de santé, la clause de conscience existe aussi dans d’autres professions – notamment les journalistes. Sa création a même été un temps évoquée pour les maires, mais n’a jamais abouti.</p>
<p>Mais de quoi s’agit-il concrètement en ce qui concerne les professionnels de santé ? À qui et, surtout, à quels actes s’applique-t-elle déjà ? Et quels usages pourraient en être fait demain ? Il est important de connaître ce que dit la loi, et ce qui existe déjà dans des pays ayant déjà légiféré sur ce sujet.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>« Controverses » est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches.</em></p>
<hr>
<h2>Clause de conscience : de quoi parle-t-on ?</h2>
<p>Pour reprendre la définition donnée par <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/bulletin/2013-03/MEDECINS-28.pdf#page=10">Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie de l’Ordre des médecins</a>, dans son rapport « Clause de conscience du médecin », elle est :</p>
<blockquote>
<p>« Pour le médecin, le droit de refuser la réalisation d’un acte médical pourtant autorisé par la loi mais qu’il estimerait contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. »</p>
</blockquote>
<p>De ce fait, elle peut être considérée par certains comme un frein à l’accès à des actes donnés. Pour les professionnels de santé, elle est vue par contre vue comme un outil permettant la préservation de leur liberté de conscience.</p>
<ul>
<li><strong>Quels actes sont concernés ?</strong></li>
</ul>
<p>Si l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006912913">article R4127-47 du Code de la santé publique</a> pouvait s’apparenter à une clause de conscience « générale », nous précisons ici les clauses de conscience dites « spécifiques », portant sur des actes médicaux précis.</p>
<p>La première clause de conscience spécifique a été mise en place en 1975 par la loi Veil consacrant le Droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), dorénavant inscrite à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000021939947/2013-01-27/">l’article L2212-8 du Code de la santé publique</a>.</p>
<p>Ce modèle a ensuite été élargi à d’autres actes, comme la stérilisation à visée contraceptive comme l’indique l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006687388">article L2123-1 du Code de la santé publique</a>. Depuis la loi bioéthique de 2011, une clause de conscience spécifique est inscrite à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000024324868">article L2151-7-1 de ce même Code</a> concernant la recherche sur les embryons humains.</p>
<ul>
<li><strong>Quels professionnels peuvent l’invoquer ?</strong></li>
</ul>
<p>Les médecins sont évidemment les premiers concernés par la clause de conscience. Néanmoins, la loi étend son application dans le cadre du refus de pratiquer une IVG ou de concourir à l’exercice de cet acte : elle peut s’appliquer aux infirmiers, sages-femmes ou encore aux différents auxiliaires médicaux.</p>
<p>De même, l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000033865551">L2212-8 du Code de la santé publique</a> dispose qu’un établissement de santé privé habilité à assurer le service public hospitalier peut refuser que des interruptions volontaires de grossesses soient pratiquées dans ses locaux. Cela n’est toutefois possible que si « d’autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux ».</p>
<h2>Vers une nouvelle clause de conscience spécifique ?</h2>
<p>Si la France n’autorise pour l’instant ni l’assistance au suicide ni l’euthanasie, elle possède un cadre juridique permettant de procéder à une sédation profonde et continue dans des cas bien précis, prévus par la loi.</p>
<blockquote>
<p>« À la demande du patient d’éviter toute souffrance et de ne pas subir d’obstination déraisonnable, une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie, est mise en œuvre dans les cas suivants :</p>
<p>– Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements,</p>
<p>– Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable,</p>
<p>– Lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l’obstination déraisonnable mentionnée à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031971164">article L. 1110-5-1</a>, dans le cas où le médecin arrête un traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie. » (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031971172">Article L1110-5-2 du Code de la santé publique</a>)</p>
</blockquote>
<p>La loi Claeys-Léonneti de 2016 a ainsi posé le cadre légal de la fin de vie que nous connaissons actuellement. Il est important de noter que le Conseil national de l’ordre des médecins n’a pas souhaité la mise en place d’une clause de conscience pour cette sédation profonde et continue : <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/archives/fin-de-vie-lordre-des-medecins-nestime-pas-necessaire-une-clause-de-conscience-specifique">« Grâce à l’équilibre trouvé du texte, une clause de conscience spécifique n’est pas nécessaire »</a>.</p>
<p>Si la législation sur la fin de vie venait à s’assouplir, avec la possibilité de la mise en place d’une aide active à mourir, cet équilibre serait <em>de facto</em> affecté. La question d’une nouvelle clause de conscience spécifique, similaire à ce qui a été mis en place pour l’IVG, la stérilisation à visée contraceptive ou la recherche sur les embryons humains, pourrait de ce fait être soulevée pour les professionnels de santé.</p>
<p>C’est en tout cas ce que souhaite le Conseil national de l’Ordre des médecins.</p>
<p>Dans <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20139%20Enjeux%20%C3%A9thiques%20relatifs%20aux%20situations%20de%20fin%20de%20vie%20-%20autonomie%20et%20solidarit%C3%A9.pdf">son avis 139 rendu public le 13 septembre 2022, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE)</a> émet plusieurs recommandations, dont une sur la clause de conscience des personnes susceptibles de concourir à la pratique d’une euthanasie ou d’une assistance au suicide. Ce rapport met ainsi en avant le fait que :</p>
<blockquote>
<p>« Toute évolution juridique dans le sens d’une dépénalisation de l’assistance au suicide devrait être accompagnée de l’institution d’une clause de conscience, accompagnée d’une obligation de référer le patient à un praticien susceptible de réaliser l’intervention. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue d’en dessous de pas désincarnés (en noir et blanc)" src="https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510416/original/file-20230215-24-7c169n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le chemin législatif vers l’aide active à mourir pourrait s’accompagner de la création d’une clause de conscience spécifique pour le personnel soignant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dominic Brügger/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment nos voisins ont-ils traité les actes concernés ?</h2>
<p>L’aide active à mourir recouvre deux types d’actes principaux : l’euthanasie (légale en Belgique, aux Pays-Bas ou encore au Luxembourg) et l’assistance au suicide ou suicide assisté (autorisée dans dix États états-uniens, en Suisse, en Autriche ou en Nouvelle-Zélande). Selon les pays, le principe de la clause s’exprime différemment.</p>
<ul>
<li><strong>L’euthanasie</strong> est définie comme suit dans <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_121_0.pdf">l’avis 121 du CCNE</a> :</li>
</ul>
<blockquote>
<p>« Un acte destiné à mettre délibérément fin à la vie d’une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, à sa demande, afin de faire cesser une situation qu’elle juge insupportable. »</p>
</blockquote>
<p>La législation belge dispose d’une clause de conscience sur cette pratique. La loi belge du 28 mai 2002 prévoit en effet « qu’aucun médecin n’est tenu de pratiquer une euthanasie ». Néanmoins, celui-ci est tenu de communiquer le dossier médical du patient et de le rediriger vers un autre praticien.</p>
<ul>
<li><strong>Le suicide assisté, ou assistance au suicide</strong>, qui consiste à « donner les moyens à une personne de se suicider elle-même » (<a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2021-02/avis_121_0.pdf">avis 121 du CCNE précité</a>).</li>
</ul>
<p>En Suisse, le rôle des associations est prépondérant. Ces dernières accompagnent les personnes dans ce processus même si, depuis 2012, les établissements de soins et médico-sociaux de certains cantons peuvent y concourir si un patient en fait la demande. La prescription se fait par un médecin, mais le geste létal est le fait de la personne ayant demandé le suicide.</p>
<p>Concernant la clause de conscience, Sandra Merkhi, directrice de soins aux hôpitaux de Genève, rappelle que son établissement a « décidé dès le début de ne pas obliger ses (nos) collaborateurs, médecins également, d’accompagner jusqu’au dernier moment ce suicide assisté <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/euthanasie/projet-de-loi-sur-la-fin-de-vie-le-gouvernement-etudie-ce-qui-se-pratique-a-l-etranger_5626625.html">si ça allait à l’encontre de leurs valeurs »</a>.</p>
<p>Selon les cantons, il existe donc un équivalent de la clause de conscience. Cependant, trois cantons « imposent aux hôpitaux ou établissements médico-sociaux de permettre l’assistance au suicide pour les patients souffrant de maladies graves et incurables », comme le relève l’<a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2022-09/Avis%20139%20Enjeux%20%C3%A9thiques%20relatifs%20aux%20situations%20de%20fin%20de%20vie%20-%20autonomie%20et%20solidarit%C3%A9.pdf">avis 139 du CCNE précité</a>.</p>
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<h2>L’avis des soignants français</h2>
<p>Afin de connaître l’opinion des principaux concernés du côté des soignants et personnes pouvant concourir à un acte d’aide active à mourir, un <a href="https://www.sfap.org/system/files/opinionway_pour_sfap-_perception_de_levolution_de_la_legislation_au_sujet_de_la_fin_de_vie_-_octobre_2022.pdf">sondage OpinionWay pour la Société française d’accompagnement palliatif (SFAP) a été publié en septembre dernier</a>. Il a été mené auprès de 1335 personnes exerçant en soins palliatifs, dont 326 bénévoles.</p>
<p>Pour rappel, la loi prévoit que « les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». La SFAP est une association regroupant un grand nombre d’acteurs français du mouvement d’accompagnement palliatif.</p>
<p>Les résultats sont très marqués : si 15 % des acteurs de soins sont favorables à l’évolution de la législation vers l’instauration d’une mort intentionnellement provoquée, 85 % ne le sont pas ou pas du tout. De plus, deux tiers des acteurs de soins répondants déclarent qu’ils pourraient utiliser leur clause de conscience ou quitter leur poste actuel si l’euthanasie venait à être légalisée.</p>
<p>Ces données, comme les interventions de l’Ordre des médecins, mettent en avant un véritable enjeu relatif à l’évolution de la législation sur la fin de vie : une nouvelle loi ne semblerait donc pas pouvoir se faire sans la mise en place d’une clause de conscience spécifique.</p>
<p>La mort est un sujet tabou, d’autant plus quand elle est provoquée. La prochaine législation sur le sujet, si elle venait bousculer l’exercice de la pratique médicale, pourrait donc voir naître une nouvelle clause de conscience pour le personnel médical afin que celui-ci l’accepte. Ce pourrait être une nécessité pour garantir en parallèle un accès aux procédures d’aide active à mourir pour les patients qui en feraient la demande.</p>
<hr>
<h2>À découvrir aussi</h2>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/comment-la-question-de-la-grande-vieillesse-bouscule-le-debat-sur-la-fin-de-vie-198000"><em>Comment la question de la grande vieillesse bouscule le débat sur la fin de vie</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/euthanasie-comprendre-les-positions-des-candidats-a-la-presidentielle-71655"><em>Euthanasie : comprendre les positions des candidats à la présidentielle</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-dirige-t-on-vers-une-legalisation-de-leuthanasie-en-france-190414"><em>Pourquoi se dirige-t-on vers une légalisation de l’euthanasie en France</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/debat-francais-sur-leuthanasie-lecons-dallemagne-du-portugal-et-despagne-158170"><em>Débat français sur l’euthanasie : leçons d’Allemagne, du Portugal et d’Epagne</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/199427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Drouillard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le débat sur la fin de vie, ceux qui seraient amenés à mettre en œuvre l'aide active à mourir ne doivent pas être oubliés. Une clause de conscience spécifique pourrait-elle être instaurée ?Marie Drouillard, Doctorante en Droit de la santé, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1259652019-11-01T14:54:01Z2019-11-01T14:54:01ZIl faut savoir parler de la mort, avant de finir sa vie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299880/original/file-20191101-88403-n7943u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les résidences de soins de longue durée, 84% de ceux qui ont reçu de la documentation sur les choix à faire en fin de vie se sont sentis encouragés à en parler avec leurs familles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>J’aimerais vous raconter une histoire que nous ne connaissons hélas que trop bien. C’est celle de Laura dans une institution de soins de longue durée. Elle souffrait d’affections chroniques, et a contracté une infection qui ne se soignait pas.</p>
<p>Sa santé s’est détériorée pendant des mois, mais personne ne lui a demandé son avis pour ses soins de fin de vie. Sans connaissances préalables, elle s’est retrouvée à l'hôpital pour y subir une batterie de tests stressants. L’histoire se termine par la mort de Laura à l'hôpital, seule et terrifiée. Sa famille ainsi que l’équipe de soins qui s’est occupée d’elle pendant toute une année en sont complètement traumatisés.</p>
<p>C’est bien évident: nous mourrons tous. Discuter de nos soins à venir, de ce qui nous importe – ce qu’on nomme <a href="https://www.bmj.com/content/340/bmj.c1345">la planification préalable des soins</a>- procure différents bienfaits.</p>
<p>De fait, la recherche a prouvé que <a href="https://academic.oup.com/intqhc/article/28/4/456/2594949">près d’un tiers des patients âgés et gravement malades reçoivent des soins invasifs en fin de vie sans avoir été consultés</a>, car personne ne leur a parlé de ce qu’ils désireraient comme soins futurs. C’est une réalité, même dans les institutions de soins de longue durée où l’espérance de vie moyenne est inférieure à deux ans.</p>
<h2>La documentation permet d’initier une conversation</h2>
<p>Comment faire évoluer ces statistiques et fournir à nos aînés les soins qu’ils désirent - et qu’ils méritent? Mon équipe de chercheurs a tenté de répondre à cette question au cours des six dernières années.</p>
<p>Nous avons récemment conçu <a href="https://www.acsp.net/projets-et-la-d%C3%A9fense-des-droits/projets/l%E2%80%99approche-palliative-en-centre-d%E2%80%99h%C3%A9bergement-de-soins-de-longue-dur%C3%A9e.aspx">une série de dépliants</a> et les avons distribués dans des foyers de soins de longue durée afin de démarrer la conversation.</p>
<p>Chaque dépliant cible une condition spécifique (par exemple, la sénilité), et contient de l’information sur les restrictions auxquelles on peut s’attendre pour chaque maladie, ainsi que des conseils pour discuter de ses désirs futurs.</p>
<p>Selon notre étude, 84 pour cent des résidents et de leurs proches ayant reçu un dépliant se sont sentis encouragés à envisager leurs soins à venir, et 70 pour cent se sont sentis mieux équipés pour en discuter.</p>
<h2>Planifier un décès procure un grand soulagement</h2>
<p>Par contre, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/2333721417747323">passer de la parole aux actes</a> est une autre histoire. Les familles s’inquiètent d’aborder le sujet car elles craignent de détruire l’espoir du malade. Et inversement, les résidents pensent qu’il leur faut protéger leurs familles pour qu’ils ne songent pas à leur mort.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298607/original/file-20191024-170481-mjyf1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Il est essentiel que le personnel des établissements de soins encourage une conversation sur la fin de vie avec les patients et leurs familles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Et bien des membres du personnel nous ont indiqué <a href="https://www.jamda.com/article/S1525-8610(18)30641-8/fulltext">qu'ils ne se sentaient pas formés pour entreprendre de telles conversations</a>. En fait, ce n’est que 21 pour cent d’entre eux qui ont distribué des dépliants, préférant laisser aux familles et résidents le soin de se servir dans un présentoir.</p>
<p>Mais il a été très encourageant de noter que 56 pour cent des résidents et de leurs familles qui ont décidé d’en discuter après avoir consulté la documentation ont exprimé un grand soulagement. Une réponse de famille typique: « Ça m’est plus facile maintenant que je n’ai plus besoin de deviner…»</p>
<h2>La mort, ce tabou pour tous</h2>
<p>La problématique ne se limite pas aux établissements de soins de longue durée. <a href="https://www.planificationprealable.ca/acp-news/linitiative-parlons-en-sur-la-planification-prealable-des-soins-publie-les-resultats-du-nouveau-sondage-national-2019/">Car si 93 pour cent des Canadiens sondés récemment pensent qu’il est important de communiquer ses volontés pour les soins de longue durée</a>, 36 pour cent d’entre eux seulement l’ont fait.</p>
<p>Cela peut sembler choquant. Mais selon l’Organisation mondiale de la santé,<a href="http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0017/143153/e95052.pdf">c’est encore pire dans la plupart des pays d’Europe</a>.</p>
<p>La mort et la fin de vie sont manifestement <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28062339">des tabous dans le monde entier</a>.</p>
<p>Des sources d’information telles que nos dépliants sont une très bonne première étape pour permettre à toutes les parties prenantes de clarifier ce qu’il faut envisager et discuter. Mais comme les membres d’une famille ont tendance à se protéger entre eux, il faut que le personnel s’implique davantage dans ces conversations.</p>
<h2>Il faut former le personnel des institutions de soins</h2>
<p>Il faut donc <a href="https://bmcpalliatcare.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12904-017-0207-y">préciser le rôle de chacun et procurer la formation nécessaire au personnel de soutien</a>, tout particulièrement à ceux qui bâtissent des liens étroits avec les résidents.</p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/mesures-destinees-aines.html">La population vieillit</a>. Et grâce aux progrès technologiques, nous sommes de plus en plus nombreux à vivre en souffrant d’une santé fragile et de maladies chroniques. Il nous faut trouver le moyen de communiquer ce qui nous importe, afin de pouvoir bénéficier des soins qui soient bons pour nous.</p>
<p>Voici une autre histoire, celle de Sam, résident dans un foyer de soins, et victime d’une infection insensible aux antibiotiques.</p>
<p>Sam souffrait depuis un certain temps de plusieurs maladies chroniques, et sa famille savait que ses infections fréquentes pouvaient être un signe avant-coureur d’une mort prochaine. Sa famille savait également que Sam désirait mourir en maison de soins de longue durée et non pas à l'hôpital: ils en avaient parlé alors qu’il était encore en meilleure santé et en état de communiquer ses attentes.</p>
<p>Sam est mort dignement et en paix, et peut-être encore plus important, dans le respect de ses propres volontés.</p>
<p>[ <em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125965/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tamara Sussman reçoit du financement du Réseau canadien sur la fragilité et des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p>Les personnes gravement malades et leurs familles veulent souvent se protéger mutuellement des pensées de mort. La conversation sur les choix de fin de vie est cependant essentielle à une bonne mort.Tamara Sussman, Associate Professor, School of Social Work, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185172019-06-18T20:51:17Z2019-06-18T20:51:17ZSoins palliatifs : 20 ans après le texte fondateur, un bilan insuffisant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280032/original/file-20190618-118522-1wl3gpg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C5997%2C4016&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment accompagner et soulager correctement les personnes en fin de vie ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?u=http%3A%2F%2Fdownload.shutterstock.com%2Fgatekeeper%2FW3siZSI6MTU2MDg5NDYxNywiYyI6Il9waG90b19zZXNzaW9uX2lkIiwiZGMiOiJpZGxfMTE2MDA2MzE4NSIsImsiOiJwaG90by8xMTYwMDYzMTg1L2h1Z2UuanBnIiwibSI6MSwiZCI6InNodXR0ZXJzdG9jay1tZWRpYSJ9LCJUMHV6ZFFnV202MU4xdWVVcWVoT3VSMjVscEkiXQ%2Fshutterstock_1160063185.jpg&pi=33421636&m=1160063185&src=VB57vijEgRgenGrBe8Z4hw-1-25">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La loi visant à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000212121&categorieLien=id">garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs</a> a eu 20 ans le 9 juin 2019 . Important à bien des égards, ce texte fondateur a marqué la première étape d’une évolution de notre législation sur la fin de vie.</p>
<p>Pourtant, malgré son ambition, il n’a pas permis de résoudre les problèmes liés au « mal mourir », qui continuent à être dénoncés aujourd’hui. Au point que les tenants du suicide médicalement assisté ou de l’euthanasie y puisent même leurs justifications.</p>
<p>Retour sur une loi importante, mais qui est peut-être intervenue trop tôt, dans un contexte social alors encore trop peu réceptif aux enjeux de la médicalisation des situations de fin de vie.</p>
<h2>Les soins palliatifs, une introduction récente</h2>
<p>En 1986, le rapport <a href="http://www.bdsp.ehesp.fr/Base/14629/">« Soigner et accompagner jusqu’au bout »</a> marquait la première étape d’une politisation des enjeux humains et sociaux de la fin de vie. L’assistance médicalisée en fin de vie y était présentée en termes d’accompagnement des patients. Le 26 août de la même année, une <a href="http://affairesjuridiques.aphp.fr/textes/circulaire-dgs3d-du-26-aout-1986-relative-a-lorganisation-des-soins-et-a-laccompagnement-des-malades-en-phase-terminale/">circulaire</a> instituera les liens palliatifs en tant que soins visant à « répondre aux besoins spécifiques des personnes parvenues au terme de leur existence. »</p>
<p>13 ans plus tard, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000212121&categorieLien=id">loi du 9 juin 1999</a> « visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs » affirmait déjà ce qui est aujourd’hui revendiqué en termes de « droit universel à l’accès aux soins palliatifs » :</p>
<blockquote>
<p>« Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. » (Art. 1<sup>er</sup>)</p>
</blockquote>
<p>Le texte allait jusqu’à proposer, et même décrire, une pratique médicale inédite, celle des soins palliatifs :</p>
<blockquote>
<p>« Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. »</p>
</blockquote>
<p>Ce type de description est inhabituel pour un texte de loi. Un tel souci du détail témoigne de l’importance que lui ont accordée les parlementaires.</p>
<h2>Un texte en avance sur son temps</h2>
<p>Le concept de démocratie sanitaire est un héritage direct des années sida, durant lesquelles des personnes malades ont politisé des enjeux de santé publique, dans le cadre d’actions militantes, afin de faire entendre la voix des patients. Ces actions ont abouti à la reconnaissance de l’autonomie de la personne malade, et au respect de sa volonté informée (même celle-ci consiste à refuser un acte médical).</p>
<p>Tenant compte de cette conquête majeure, la loi de 1999 précise que « la personne malade peut s’opposer à toute investigation ou thérapeutique. »</p>
<p>Le texte traduit la préoccupation des auteurs d’éloigner le risque d’« obstination déraisonnable », tout en soutenant l’accompagnement des patients, considérés comme des personnes auxquelles est reconnu le droit de vivre leur vie jusqu’à son terme, dans la dignité et l’apaisement. Et ce, trois ans avant que ne soit votée la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015">loi du 4 mars 2002</a> relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.</p>
<h2>De bonnes intentions mais un constat mitigé</h2>
<p>La définition du concept de soins palliatifs visait à apporter à la technicité médicale le surplus nécessaire de réflexions et d’engagements requis dans ces situations humainement difficiles. Mais le constat tiré de leur implantation depuis les années 1980 s’avère mitigé. Comment l’expliquer ?</p>
<p>Les pouvoirs publics n’ont peut-être pas d’emblée consacré les moyens nécessaires à l’implantation des soins palliatifs dans le système hospitalier français, et au domicile. Pourtant, depuis 1999, pas moins de 4 plans nationaux ont visé au développement des soins palliatifs. À ce jour, un 5<sup>e</sup> plan est sollicité, tant les attentes ne sont pas satisfaites pour parvenir à un « accès universel aux soins palliatifs ».</p>
<p>En 2017, le dispositif des soins palliatifs <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_cc_2018_02_16_a_web_pages_hd.pdf#page=7">était composé de</a> 6592 lits dédiés, 157 unités, 430 équipes mobiles de soins palliatifs, 107 réseaux. Une offre insuffisante, comme le souligne le Conseil d’État dans son étude de juin 2018, appuyant sur « la nécessité de garantir l’accès aux soins palliatifs en réaction au constat ‐aujourd’hui unanime‐ de leur développement insuffisant, circonscrit à la seule fin de vie, et inégalement réparti sur le territoire. »</p>
<h2>Fallait-il faire de la médecine palliative une spécialité universitaire ?</h2>
<p>Après 1999, la compétence d’accompagnement était censée diffuser dans l’ensemble des pratiques soignantes, afin de permettre une qualité et un confort de vie en amont de la phase terminale d’une maladie. Or, depuis, une spécialité universitaire médicale, la médecine « palliative », a été créée. Elle revendique aujourd’hui une expertise dont elle s’affirme détentrice. Mais il n’est pas certain que les fondateurs du mouvement français des soins palliatifs, dans les années 1980, ambitionnaient de créer une telle spécialité.</p>
<p>Sa reconnaissance suffira-t-elle à lui conférer une légitimité et une autorité <a href="https://mastersociologie.hypotheses.org/2366">aujourd’hui discutées</a>, même <a href="https://www.planetesante.ch/Magazine/Ethique-politique-et-droit/Fin-de-vie-et-soins-palliatifs/La-mort-des-soins-palliatifs">au-delà de nos frontières</a> ? Par ailleurs, en France, la société savante d’accompagnement et de soins palliatifs (<a href="http://www.sfap.org">SFAP</a>) ne contribue pas suffisamment au débat sociétal. <a href="http://www.sfap.org/actualite/pour-la-sfap-donner-la-mort-n-est-pas-un-soin">En ce qui concerne l’euthanasie</a> par exemple, son discours est trop souvent professionnel et défensif.</p>
<p>Si on la compare aux positions plus culturelles et politiques prises par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), on constate que l’argumentation de la SFAP s’avère pauvre en ce qui concerne la contribution au débat public. Ainsi, dès 1979, le fondateur de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) considérait que</p>
<blockquote>
<p>« le droit de mourir dignement […] de droit devient un impératif évident, dès lors que la vie peut être prolongée jusqu’au dernier délabrement – et même au-delà ».</p>
</blockquote>
<p>Pendant ce temps, soignants et membres d’associations militantes s’efforcent de mettre en œuvre des solutions sur le terrain, pour faire face aux réalités contemporaines, qui ont changé en deux décennies.</p>
<h2>Un contexte médical et sociétal qui a évolué depuis 1999</h2>
<p>Nos sociétés doivent aujourd’hui relever le défi de la transition démographique. Le passage de taux de natalité et de mortalité élevés à des taux de natalité et de mortalité faibles les force à se confronter de manière inédite à la chronicité de maladies hier incurables, à la longévité, au vieillissement, pour ne pas dire au « long vieillir » et au « long mourir ».</p>
<p>Dans le cadre du suivi médicalisé de la fin de vie, parfois sur une longue durée, les soignants sont sollicités pour assumer une fonction sociale qui naguère se vivait en société, et n’était pas à ce point professionnalisée. Aux spiritualités de la mort <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-la-justice-2017-3-page-403.htm">se sont substituées les législations du mourir</a>. Il nous faut comprendre et intégrer cette mutation qui ne se limite pas, aujourd’hui à l’alternative entre soins palliatifs ou euthanasie.</p>
<p>De ce point de vue, les soins palliatifs ne semblent pas encore proposer des lignes d’action lisibles, à la hauteur des défis. Ce n’est pas tant la mort de la personne qui doit mobiliser l’attention, que les conditions d’exercice d’une présence digne, compétente et responsable dans la continuité d’un parcours de vie, parfois de longue durée, avant que ne s’impose la phase terminale de l’existence.</p>
<h2>Aboutir le processus législatif pour lever les ambiguïtés</h2>
<p>Depuis 1999, la France a expérimenté l’invention d’une législation de la fin de vie, là où précédemment la déontologie médicale imposait ses règles, voire sa morale.</p>
<p>Au cours des deux dernières décennies, les positions ont été affinées au fil des évolutions du débat de société, avivé par l’émotion et les passions suscitées par certains faits divers dont les circonstances ont été rendues publiques (destin de M. <a href="http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/08/03/01016-20180803ARTFIG00020-vincent-humbert-l-homme-qui-a-relance-le-debat-sur-la-fin-de-vie.php">Vincent Humbert</a> – dont a découlé en 2005 la loi Leonetti reconnaissant le « droit des malades en fin de vie », ou de M. Vincent Lambert, pour ne citer qu’eux. </p>
<p>Les évolutions imposées par la prise de conscience des conséquences paradoxales des conquêtes médicales sur les territoires de la vie, voire du mourir, ont été intégrées dans la loi.</p>
<p>Mais ce n’est pas encore suffisant, comme l’ont montré les controverses judiciaires découlant des décisions contradictoires relatives à la fin de vie de M. Vincent Lambert. Celles-ci ont en effet fait apparaître « un mélange des genres » qui nécessite des clarifications.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vincent-lambert-quels-enjeux-juridiques-et-ethiques-116557">Vincent Lambert : quels enjeux juridiques et éthiques ?</a>
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</p>
<hr>
<h2>Vers une dépénalisation du suicide médicalement assisté ?</h2>
<p>Nous voilà donc à la croisée des chemins. Les réponses des Français interrogés sur la <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2018/03/3938-1-study_file.pdf#page=18">question du suicide médicalement assisté et de l’euthanasie</a> dénotent une volonté que le législateur tienne compte de ces circonstances difficiles, dont l’existence révèle l’inaboutissement du processus législatif, et lève enfin les ambiguïtés.</p>
<p>Avec l’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès institué dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031970253&categorieLien=id">loi du 2 février 2016</a> « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie », qui peut être assimilée à une « euthanasie lente », les derniers interdits semblent avoir été partiellement levés. De telle sorte que semble s’imposer désormais une loi dépénalisant en France le suicide médicalement assisté ou l’euthanasie, ce qu’il convient de dénommer par euphémisme « l’assistance médicalisée active à mourir ».</p>
<p>Le défi sera désormais d’en définir les règles, et donc les limites, tout en étant capable de préserver les valeurs de sollicitude et de solidarités qui fondent nos devoirs d’humanité auprès de la personne qui meure.</p>
<p>Les soins palliatifs seront-ils en mesure d’assumer cette mutation ? Ceux qui les défendent sauront-ils se montrer inventifs d’une approche du vivre et du mourir en société ? Seront-ils capables d’un accompagnement distinct des protocoles sédatifs qui ont généré depuis 2016 tant de <a href="https://www.lemonde.fr/fin-de-vie/article/2015/10/31/marquons-les-limites-entre-sedation-profonde-et-euthanasie_4800755_1655257.html">confusions et de discrédits</a> ?</p>
<p>En définitive, il ne s’agit pas tant de légiférer sur l’euthanasie que de penser ensemble l’environnement humain et social favorable à une fin de vie digne, respectueuse des préférences et des droits de chacun, attentive à éviter les discriminations et donc inspirée des valeurs de notre démocratie.</p>
<p>Le temps est venu d’un acte politique pour conclure près de 40 années de discussions, parfois de polémiques, mais plus encore d’avancées, d’approfondissements et d’évolutions. Ces quatre décennies de maturation sociale ont mené à la possibilité d’affronter avec dignité, courage et discernement les conditions du mourir en société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Nos sociétés vieillissantes se trouvent de plus en plus souvent confrontées au « long mourir ». Or deux décennies après le premier texte de loi sur les soins palliatifs, des défis restent à relever.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/938252018-04-11T23:05:06Z2018-04-11T23:05:06ZPatients en état végétatif : où commence « l’obstination déraisonnable » dans les soins ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213555/original/file-20180406-125191-o8nwxk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C176%2C7304%2C4308&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour les personnes ne donnant pas de signe objectif de conscience, la question de la fin de vie se pose d'une manière particulière. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/closeup-doctor-holding-hand-patient-205606246?src=tUPTdobQ1Ee704VYMFMuuA-1-49">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>La fin de vie s’invite dans le débat public, tandis que la consultation en ligne des États généraux de la bioéthique reste ouverte jusqu’au 1<sup>er</sup> mai. Tout citoyen peut y poster ses propositions sur le thème <a href="https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/pages/prise-en-charge-de-la-fin-de-vie">« prise en charge de la fin de vie »</a>. Valérie Depadt, maître de conférences en droit à l’université Paris 13, a codirigé avec Karine Lefeuvre, professeure en droit privé à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), l’ouvrage Protéger les majeurs vulnérables, quels nouveaux droits pour les personnes en fin de vie ? paru récemment <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/proteger-majeurs-vulnerables-vol-3/">aux Presses de l’EHESP</a>. Elle a sollicité le témoignage de Anne-Claire de Crouy, médecin en service de rééducation post-réanimation (hôpitaux universitaires Paris-Sud Kremlin-Bicêtre), dont nous publions ici un extrait</em>.</p>
<hr>
<p>L’état d’éveil « non-répondant » ou « état végétatif » est un terme utilisé pour décrire la situation clinique de patients victimes de lésions cérébrales sévères. À l’issue de la réanimation, l’interaction de ces patients avec l’environnement est insuffisante pour établir la réalité d’une conscience, et encore moins la compréhension du langage. Ces patients n’ont pas d’autre assistance qu’une alimentation entérale simple par sonde naso-gastrique, ou directement dans l’estomac par gastrostomie. Il faut plusieurs mois pour considérer cet état comme stable et le nommer « chronique » ou « persistant ».</p>
<p>Entre l’accident et la constatation de ce handicap chronique d’une extrême gravité, le patient bénéficie donc de soins d’urgence, de réanimation, de rééducation et chaque équipe s’acharne à bien soigner, à engager en conscience les soins nécessaires sans négliger le contexte particulier de son intervention.</p>
<p>L’évolution des techniques de neuro-réanimation permet d’écourter les durées de soins sous sédation et de débuter les soins de rééducation dès la réanimation. De cette évolution sont nées les unités de Soins de rééducation post-réanimation (SRPR), au sein desquelles les médecins réanimateurs et ceux de Médecine physique et de réadaptation (MPR) travaillent en collaboration afin de développer des soins innovants.</p>
<p>Ces soins visent essentiellement le mieux-être des patients victimes de lésions neurologiques sévères cérébrales et/ou médullaires, c’est-à-dire de la moelle épinière. Dans ce contexte, les soignants des deux spécialités partagent leurs techniques et dialoguent, avec une représentation des soins très différente car liée à leur culture professionnelle. Cette dualité d’approche favorise, sans aucun doute, le débat éthique.</p>
<h2>Des patients particulièrement fragiles durant les premières heures</h2>
<p>Il est important de comprendre qu’un patient atteint d’une lésion cérébrale sévère comme un traumatisme crânien grave, un accident vasculaire cérébral (AVC) hémorragique ou ischémique (manque d’apport d’oxygène dans le cerveau), doit être pris en charge en urgence par une équipe de neuro-réanimation, capable de mettre en place des soins et une surveillance cérébrale spécifiques. C’est le seul moyen de diminuer la mortalité, mais surtout la morbidité (état de maladie) et donc le handicap lié à ces accidents. Ces patients sont particulièrement fragiles durant les premières heures qui suivent leur atteinte cérébrale aiguë. Il est donc indispensable, dès l’apparition des premiers symptômes, d’engager des soins intensifs appropriés (SAMU, pompiers…).</p>
<p>Pour une bonne prise en charge précoce, il est également indispensable de lutter contre les « prophéties auto-réalisatrices » (<em>self fulfilling prophecies</em>). En d’autres termes, on sait aujourd’hui que le fait de dire, de penser ou d’écrire qu’un patient va probablement mourir peut entraîner véritablement sa mort. Le pessimisme transmis à l’équipe ne lui permet pas de faire les soins comme si elle n’avait aucune idée préconçue.</p>
<p>Ces situations sont extrêmement courantes en neuroréanimation et ont été particulièrement étudiées dans les hématomes intracrâniens (HIC). Dans une population admise à l’hôpital pour ce type d’hématome récent, le simple fait d’informer la chaîne de soins (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, aides-soignants) qu’il ne sera pratiqué aucune réanimation en cas d’arrêt cardiaque, double la mortalité des patients comparée aux mêmes patients sans transmission d’ordre éthique, selon une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17502545">étude publiée en 2007</a>.</p>
<p>L’influence des décisions éthiques précoces sur la mortalité est telle que le simple fait d’imposer à une équipe d’attendre 5 jours pour discuter d’une telle décision, divise par 2 (de 50 à 20 %) la mortalité prédite, sans aggraver la morbidité de patients victimes des hématomes intercrâniens, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25817842">selon une étude publiée en 2015</a>. On observe un phénomène comparable dans la prise en charge dans les premières heures des patients traumatisés crâniens.</p>
<p>Il n’y a donc pas « d’obstination déraisonnable » <em>a priori</em> ; les traitements sont invasifs mais nécessaires à ce moment où le pronostic est terriblement incertain.</p>
<h2>Discuter en équipe pour ne pas tomber dans l’obstination déraisonnable</h2>
<p>Après cette première étape d’accueil et de stabilisation des fonctions vitales, le patient est admis en réanimation où la notion d’équipe est extrêmement forte. L’organisation même de la continuité des soins intensifs de jour, de nuit, week-end et jours fériés, les repos de garde, nécessitent un relais quotidien auprès du patient. Les transmissions sont faites devant toute l’équipe et chaque décision peut donc être discutée, y compris <em>a posteriori</em>. Les réanimateurs se battent donc en équipe, avec leurs collègues – neurochirurgiens, neuro-radiologues… – pour administrer ces soins le plus rationnellement possible, sans tomber dans l’obstination déraisonnable.</p>
<p>Chaque médecin tente de pondérer sa pratique en fonction de sa compétence et du plateau technique disponible, du projet de soin négocié avec le patient et sa famille, ainsi que de sa culture professionnelle. Il n’existe pas de moment précis auquel un médecin décide un acharnement thérapeutique : c’est une suite de glissements qui font interroger <em>a posteriori</em> cette notion. Dans l’après-coup, on peut observer que l’excès ou l’insuffisance de telle ou telle prise en charge a conduit à une situation de handicap regrettable ou à un décès prématuré que personne n’a choisi. En ces cas, la peur de l’échec risque de conduire à une abstention systématique coupable pour les patients les plus à risque de « mauvais résultat ».</p>
<p>Après quelques semaines de soins de réanimation, le pronostic fonctionnel se dessine et notamment le mauvais pronostic avec l’apparition d’un éveil végétatif, c’est-à-dire une alternance veille-sommeil sans autre signe objectif de conscience. Dans cette période s’ouvre, en équipe et avec les proches, la discussion concernant la Limitation des thérapeutiques actives de réanimation (LATA). Dès que possible, le médecin de médecine physique et de réadaptation (MPR) est sollicité pour mettre en place les soins nécessaires au confort du patient. Après quelques semaines, les patients qui survivent à cette période de réanimation sont transférés dans l’unité de SRPR pour améliorer les soins de confort et organiser la sortie de l’hôpital.</p>
<h2>Le nécessaire concours des proches dans l’élaboration d’un projet de vie et de soins</h2>
<p>Dans la situation habituelle d’un patient, classiquement jeune, victime d’un accident ayant entraîné une lésion cérébrale sévère, aucune directive anticipée n’a été rédigée, pas plus qu’une personne de confiance n’a été désignée.</p>
<p>Introduite dans la loi de 2002 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015&categorieLien=id">relative aux droits des malades</a>, la personne de confiance est régie par l’article L. 1111-6 du Code de la santé publique 21. La loi de 2005 <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000446240&categorieLien=id">relative aux droits des malades et à la fin de vie</a>, dite loi Leonetti, fait aussi référence en son article 5, à la personne de confiance.</p>
<p>Mais en l’absence de personne de confiance, la loi ne propose aucune hiérarchie parmi les proches auxquels le médecin se trouve confronté. L’équipe médicale va alors chercher une ou plusieurs personnes, désignées par la famille, qui peuvent témoigner de ce qu’aurait pu souhaiter le patient pour lui-même. Cette démarche est effectuée par l’équipe de réanimation dès l’admission du patient pour discuter les soins intensifs, le pronostic fonctionnel et éventuellement un arrêt des soins de réanimation.</p>
<p>Malgré le délai depuis l’accident à l’arrivée à l’unité de SRPR, c’est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12163808">avec certaines incertitudes</a> qu’on rencontrera les proches du patient. En effet, même dans une situation très sévère, le pronostic fonctionnel est en partie inconnu. Si l’on peut sans risque prédire des séquelles très graves associant des troubles neuro-moteurs et cognitifs du comportement, personne ne peut décrire la gravité précise des séquelles pour un patient précis qui sort de réanimation.</p>
<p>Ce flou, inévitable, risque d’entretenir chez les proches des croyances de récupération miracle alors que la gravité des séquelles et la perte totale d’autonomie sont, elles, diagnostiquées de façon certaine. De plus, ces types de séquelles sont mal connus du grand public et il faut parfois du temps à l’entourage pour comprendre l’ampleur des troubles et, soit imaginer pour leur proche une nouvelle façon de vivre avec ce handicap, soit refuser cette forme de vie qui peut n’apparaître que douloureuse.</p>
<h2>La demande d’arrêt des thérapeutiques actives, rare à ce stade</h2>
<p>Dans les faits, il est très rare qu’une famille demande en rééducation une limitation ou un arrêt des soins, même dans des situations de handicap extrême. À ce moment de leur histoire, la famille s’est le plus souvent centrée autour du handicap et en a accepté le poids avec fatalisme.</p>
<p>La durée d’hospitalisation en rééducation est en général de quelques mois et se prolonge par la prise en charge dans un lieu de vie médicalisé, de type institution médico-sociale. Pour éviter que ces patients en état végétatif chronique (EVC) ou état pauci-relationnel (EPR) n’attendent trop longtemps dans des services de soins tout à fait inadaptés à leur état, depuis 2002, une circulaire organise l’accueil des patients dans des unités de vie spécialement pensées pour eux.</p>
<p>Cette circulaire précise :</p>
<blockquote>
<p>« On parle d’"état végétatif chronique" lorsque cette situation perdure au-delà d’un délai variable selon la pathologie causale (3 à 6 mois pour les états végétatifs d’origine médicale, 12 à 18 mois pour les états végétatifs d’origine traumatique) avec un espoir devenu minime d’une évolution vers un retour à la conscience. »</p>
</blockquote>
<p>Les services de médecine physique et de réadaptation sont donc appelés à faire une proposition de soins adaptés. Dans un état végétatif ou pauci- relationnel, le patient ne peut pas participer volontairement aux soins de rééducation et les objectifs se résument à des soins de confort et de stimulation. Mais le corps d’une personne avec une lésion cérébrale aussi sévère nécessite beaucoup de soins, tant pour éviter des escarres et des rétractions musculo-tendineuses et articulaires potentiellement douloureuses, que pour tenter un sevrage de la canule de trachéotomie.</p>
<p>Par ailleurs, le confort nécessite qu’on organise les soins infirmiers, de kinésithérapie, d’ergothérapie, d’orthophonie, de psychomotricité, de façon à respecter l’alternance entre le jour et la nuit, entre l’activité et le repos. De plus, on installe le patient dans un fauteuil roulant manuel adapté pour qu’il puisse être sorti de sa chambre, bénéficier d’ambiances lumineuses et sonores variées. Ce type de soins demandant aux soignants un investissement important en temps et en énergie, il se produit un attachement très particulier à ce corps/patient qui est le réceptacle de toutes sortes de projections. De ce fait, il se développe souvent un lien spécifique entre la famille et les soignants, solidaires dans les soins d’hygiène et de confort, qui échappe le plus souvent au médecin.</p>
<h2>S’interroger régulièrement sur le niveau de soin raisonnable</h2>
<p>Pourtant l’équipe de rééducation qui prend en charge le patient doit régulièrement interroger, en équipe et avec les proches, le niveau de soin raisonnable compte tenu du handicap déjà constitué. Il existe en effet un risque majeur d’obstination déraisonnable. Ces patients sont à haut risque de complications thrombo-embolique, respiratoire, épileptique, infectieuse… mais leur manque d’autonomie fait que ces complications sont généralement rapidement détectées et prises en charge médicalement.</p>
<p>Il ne s’agit pas, à proprement parler, de rédiger avec les proches ce qui pourrait constituer des « directives anticipées », mais de tracer dans le dossier du patient des consignes claires qui permettront d’éviter des soins excessifs en l’absence du médecin référent du patient, notamment la nuit et le week-end. La famille doit comprendre le sens de cette limitation des soins, d’autant plus que les proches peuvent s’opposer à la limitation et/ou l’arrêt des soins pour des raisons dogmatiques, sans lien avec la réalité médicale et aucune référence à la vie qu’aurait pu souhaiter le patient pour lui-même. Il faut parfois beaucoup de temps et des entretiens répétés pour parvenir à déterminer un niveau de soins raisonnable. Classiquement, on propose de ne pas réengager des soins de réanimation et d’intensifier les soins de confort, ce qui permet le plus souvent de garder le patient dans le service qui le connaît, y compris pour des soins de fin de vie.</p>
<p>Les SRPR sont des espaces de soin hybrides qui organisent la collaboration des soignants de réanimation et de médecin physique et de réadaptation, ce qui permet de croiser des cultures professionnelles aux visées très différentes et d’enrichir le débat éthique. Nous défendons l’idée que le passage de la réanimation au SRPR des patients en état végétatif chronique et pauci-relationnel ne doit pas conduire à éluder la question du niveau de soins raisonnable dans cette situation de vie atypique. Et cela demande un effort particulier.</p>
<p>En effet, malgré la continuité dans la prise en charge, l’intention de soin change entre les deux unités. On passe de soins d’urgence et de réanimation qui permettent de sauver la vie et tentent de limiter le handicap à des soins de confort. La temporalité n’est pas la même et les soignants comme les proches trouvent un sens aux soins qu’ils apportent à cette personne totalement dépendante d’eux. Cette façon d’accueillir la vie ne doit pas nous faire oublier notre responsabilité vis-à-vis de la personne handicapée, incapable de communiquer et de faire entendre son point de vue sur les soins entrepris et poursuivis après la réanimation. Paradoxalement, en l’absence de réflexion élaborée et tracée dans le dossier de soins, le patient risque de subir des examens et des traitements abusifs.</p>
<p>Il paraît donc important, dès l’admission au SRPR, de continuer à discuter entre soignants et avec les proches sur les soins à ne pas engager pour permettre d’assumer une complication éventuellement létale dans un espace de soins respectueux du confort du patient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Depadt ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question de la fin de vie se pose d’une façon particulière pour les personnes ne donnant pas de signe objectif de conscience. Une médecin spécialisée tente de situer la limite du traitement abusif.Valérie Depadt, Maître de conférences en droit, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/874872017-11-27T20:21:50Z2017-11-27T20:21:50ZLe magnétisme, les « magnétiseurs » et la science : cherchez l’intrus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/194698/original/file-20171115-29993-1fc0eie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mains des « magnétiseurs », comme celles des autres humains, ne génèrent pas de champs magnétiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/bien-%C3%AAtre-massage-reiki-285590/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>De nos jours, la question de la perception des concepts et de la pratique scientifiques par le grand public revêt <a href="https://theconversation.com/climat-vaccins-ogm-les-francais-acceptent-la-science-quand-ca-leur-plait-75785">une importance certaine</a>. Pour un chercheur, s’intéresser à cette question est une expérience enrichissante qui pourra réserver quelques surprises. Pour ma part, ayant travaillé dans le domaine du magnétisme lors de mon doctorat, j’ai été plus d’une fois interpellé par le fait que pour certaines personnes, la première chose qu’évoque le mot <em>magnétisme</em> est la pratique des « magnétiseurs ».</p>
<h2>Vous avez dit magnétisme ?</h2>
<p>De fait, si on considère que les requêtes Google reflètent bien l’image que le grand public se fait du concept de magnétisme, il semble effectivement que la physique soit sérieusement concurrencée par ce que l’on appelle la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pseudo-science">pseudo-science</a>.</p>
<p><figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/196549/original/file-20171127-2009-1v6lqiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La moitié des requêtes Google autour du magnétisme sont liées à des notions pseudo-scientifiques, ou du moins qui n’ont rien à voir avec le magnétisme physique.</span>
</figcaption>
</figure></p>
<p>Les pages web les plus visibles regorgent de contenus qui laisseront un <em>magnéticien</em> perplexe. Du côté des médias audiovisuels publics, on trouvera également des émissions radio (ici, sur <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-29-janvier-2015">France Inter</a>) et télévisées (par exemple sur <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-samedi-30-janvier-2016_1282839.html">France 2</a> et <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/emissions/rendez-vous-info/therapies-alternatives-magnetiseur-1207365.html">France 3</a>) qui reprennent à leur compte l’appellation de « magnétiseurs » et présentent ces pratiques sous un jour favorable.</p>
<p>En dépit de son aura de mystère, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Champ_magn%C3%A9tique">champ magnétique</a> est une grandeur physique parfaitement comprise, que l’on sait créer et mesurer depuis bien longtemps. <a href="https://couleur-science.eu/?d=2014/03/20/21/17/33-lelectromagnetisme-une-manifestation-visible-de-la-relativite-restreinte">Conséquence directe de la relativité</a>, les champs magnétiques peuvent être produits par la matière aimantée ou par les courants électriques… mais certainement pas par nos mains. Ainsi, on sait de longue date que les magnétiseurs ne travaillent pas avec des champs magnétiques. Dès lors, on peut se poser la question suivante : pourquoi parle-t-on encore de « magnétiseurs » aujourd’hui ?</p>
<p>La pratique des magnétiseurs est certes étrangère au magnétisme décrit par la physique, mais c’est bien un autre « type » de magnétisme qu’ils entendent manipuler : <em>le magnétisme animal</em>. Pour comprendre ce dont il s’agit, <a href="http://www.ampere.cnrs.fr/parcourspedagogique/zoom/mythesetlegendes/mesmerisme/">il faut remonter au XVIIIᵉ siècle</a> – époque où les phénomènes électromagnétiques intriguaient profondément l’Europe – et s’intéresser à un certain Mesmer.</p>
<h2>Le magnétisme selon Mesmer</h2>
<p>Franz-Anton Mesmer était un médecin ayant étudié à Vienne, où il obtint <a href="https://books.google.fr/books/about/Fridericus_Antonius_Mesmer_de_planetarum.html?id=DtYnGwAACAAJ&redir_esc=y">son doctorat</a> intitulé <em>De l’influence des planètes sur le corps humain</em>… C’était bien un autre temps pour la médecine qui n’avait pas encore complètement intégré la méthode scientifique. Il développa par la suite une technique thérapeutique de manipulation du « fluide magnétique » (y compris sans l’aide d’aimants) en considérant la maladie comme un déséquilibre de ce fluide qui serait à l’origine de tous les mouvements de la nature. Mesmer émigre alors à Paris en 1778, où il rencontre rapidement du succès jusqu’aux plus hautes sphères de la société. Il met en place des séances collectives autour de <em>baquets</em> en bois contenant de l’eau « magnétisée », où les sujets expérimentaient des « crises magnétiques » contagieuses, associées au processus de guérison.</p>
<p>Les pratiques de Mesmer sont accueillies avec beaucoup de scepticisme par l’Académie des sciences et la Société royale de médecine qui rejettent ses sollicitations. Troublé par le phénomène Mesmer, Louis XVI ordonne en 1784 deux commissions – auxquelles participeront Antoine Lavoisier et Benjamin Franklin – pour enquêter sur ces étranges séances magnétiques. Étudiant la pratique de Deslon, disciple de Mesmer, les enquêteurs mettent en place des essais en aveugle dont les résultats s’avèrent négatifs. Ils concluent alors à l’absence de fondements du magnétisme animal, puisque « l’imagination sans magnétisme produit des convulsions… le magnétisme sans imagination ne produit rien ». Cela pourra évoquer un concept précurseur de ce qu’on appelle couramment aujourd’hui l’effet placebo, qui reste d’ailleurs souvent <a href="https://sciencepop.fr/2017/09/19/effet-placebo/">mal interprété</a>. Plus tard, suite à des conflits avec ses disciples et une réputation ternie, Mesmer quitte Paris pour retourner à Vienne.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194703/original/file-20171115-30029-1k7r9cb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un magnétiseur avec une patiente.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimédia</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui figure emblématique du charlatan, Mesmer a toutefois eu une influence considérable. Si la pratique des magnétiseurs a beaucoup évolué depuis son temps, c’est bien lui qui a contribué à diffuser le concept de magnétisme animal, ou <em>mesmérisme</em>. On parle bien d’ailleurs du <em>magnétisme</em> d’un orateur, et l’anglais a même verbalisé son nom : <em>to mesmerise</em> signifie <em>fasciner</em> ou <em>hypnotiser</em>.</p>
<h2>Des ondes guérisseuses ?</h2>
<p>Mettant de côté la question de l’efficacité de la pratique des magnétiseurs, on peut légitimement se poser des questions sur ce « magnétisme animal » qu’ils entendent manipuler. Car cette grandeur s’est avérée insaisissable : il demeure aujourd’hui indétectable pour tous nos appareils de mesure et… pour les magnétiseurs eux-mêmes ! C’est du moins ce que suggèrent les expérimentations effectuées en double-aveugle en suivant les <a href="http://www.zetetique.fr/index.php/dossiers/83-experience-magnetisme">protocoles</a> <a href="http://www.zetetique.fr/index.php/dossiers/370-protocole-magnetisme-2012">établis</a> par l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_z%C3%A9t%C3%A9tique">Observatoire Zététique</a>.</p>
<p>À ce stade, notons qu’une véritable mise en évidence d’une nouvelle force produite par le corps humain constituerait un bouleversement scientifique considérable, bien au-delà de la médecine. Étant donnés la cohérence et le succès de nos théories physiques actuelles, il convient de disposer de fortes motivations – c’est-à-dire de preuves solides de l’existence du phénomène nouveau – avant de tout remettre en cause. Face à l’absence de telles preuves, il n’y a tout simplement <a href="https://cortecs.org/materiel/rasoir-occam10/">pas de raison</a> de croire en l’existence du magnétisme animal. De fait, ce concept est complètement absent de la physique, la biologie et la médecine contemporaines, à l’instar de toutes les variantes de « force universelle » ou « vitale », comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Qi_%28spiritualit%C3%A9%29"><em>qi</em> (ou <em>chi</em>) chinois</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=908&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/194706/original/file-20171115-29990-o32cd1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">BD inspirée d’une discussion réelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fournie par l’auteur.</span></span>
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<p>La confusion dans l’esprit du public non averti est entretenue par ceux qui détournent la terminologie scientifique et parlent de <em>flux</em>, de <em>forces</em>, d’<em>ondes</em> ou d’<em>énergies</em> afin de donner une caution à leur pratique. Contrairement à l’astrologue qui malgré son approche pseudo-scientifique s’intéresse vraiment aux astres, le magnétiseur ne travaille pas avec les champs magnétiques. Que penserait-on d’un « électriseur » qui n’utiliserait même pas l’électricité ?</p>
<p>Par souci d’honnêteté intellectuelle et dans le but de favoriser la culture scientifique, on peut considérer qu’il serait souhaitable que les magnétiseurs cessent de revendiquer la notion de magnétisme. Ainsi, plusieurs appellations déjà usitées remplaceront avantageusement celle de « magnétiseur » : selon les cas, les termes de <em>guérisseur</em>, <em>rebouteux</em> ou même <em>sorcier</em> pourraient convenir.</p>
<p>Enfin, même en présence de vrais champs magnétiques, les applications thérapeutiques demeurent limitées, quoi qu’en disent les partisans de la magnétothérapie. Pour la réduction de la douleur par exemple, les champs magnétiques statiques <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17893349">ne font pas mieux</a> que le placebo.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87487/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Mathurin est créateur de l'initiative Science Pop.</span></em></p>Contrairement à ce que leur nom indique, les « magnétiseurs » ne travaillent pas avec les champs magnétiques. Analyse critique.Théo Mathurin, Doctorant en physique des matériaux et nanotechnologie, École Centrale de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/718932017-06-22T19:43:44Z2017-06-22T19:43:44ZAnorexie : quand les patientes refusent d’être soignées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175033/original/file-20170621-30161-1y4ajv5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/saline-iv-drip-bottle-provided-patient-569336002?src=4l7tDYChiYiNxTdVfL4nKw-3-47">De Beer5020/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’anorexie mentale est une maladie grave et fréquente qui concerne 1 à 3 % de la population. La majorité des personnes touchées en guérissent, à la condition de bénéficier d’une prise en charge adaptée. Cependant, parmi les troubles psychiatriques, l’anorexie reste celui <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23771148">dont la mortalité est la plus élevée</a>. Il combine restriction alimentaire volontaire, amaigrissement, déni des troubles et de leurs conséquences, et perturbation de l’image du corps.</p>
<p>Dans certains cas, cette maladie au retentissement à la fois psychiatrique et physique prend une forme si sévère que les patients – généralement des patientes – refusent d’être soignés, en dépit d’une dénutrition extrême mettant en jeu leur pronostic vital. Les soignants et les familles se trouvent alors devant un dilemme éthique et moral. Peut-on, et faut-il, hospitaliser la personne anorexique contre son gré ? L’obliger à s’alimenter ou à être nourrie par une sonde, quitte à utiliser la contrainte ? Ou alors considérer jusqu’au bout que la liberté individuelle prime, au risque de la mort ?</p>
<p>Ces questions cruciales sont au centre d’une réflexion dont nous avons présenté les prémices lors de la <a href="http://www.anorexieboulimie-afdas.fr/images/pdf/20161209programmefinal.pdf">journée de rencontres publiques</a> qui s’est tenue le 9 décembre 2016 sur le thème « Troubles des conduites alimentaires (TCA), contraintes de la maladie, contraintes des soins, quelle articulation ? » Ces échanges, organisés par l’<a href="http://www.anorexieboulimie-afdas.fr/">AFDAS TCA</a>, association regroupant des spécialistes des TCA et des patients, et la mutuelle MGEN, se poursuivent dans l’idée de proposer, à terme, des recommandations pour de meilleures pratiques.</p>
<h2>La contrainte, sujet tabou dans les troubles des conduites alimentaires</h2>
<p>La contrainte reste un sujet largement tabou dans les TCA. Elle est plus fréquemment mise en œuvre dans d’autres troubles psychiques comme la schizophrénie qui, de fait, <a href="http://www.irdes.fr/recherche/2017/questions-d-economie-de-la-sante.html#n222">suscite la majorité des décisions de soins sans consentement</a>. Aujourd’hui, notre société prône la <a href="http://www.telerama.fr/monde/l-internement-d-office-une-prison-sur-ordonnance,159313.php">défense des libertés individuelles</a>, tout en imposant des contraintes réglementaires de plus en plus lourdes. Dans ce contexte paradoxal, la question des soins sans consentement dans les TCA mérite d’être posée collectivement.</p>
<p>À l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP), nos deux services hospitaliers accueillent les formes les plus graves de ces troubles. Un partenariat s’est ainsi construit depuis plusieurs années entre l’unité de réanimation nutritionnelle de l’hôpital Raymond Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) et l’unité psychiatrique spécialisée des TCA de l’hôpital Paul Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Cette collaboration nous a amenés à réfléchir sur les réponses à apporter au refus de soins dans les TCA et à partager nos expériences, non seulement avec d’autres professionnels de santé, mais également avec l’ensemble des citoyens.</p>
<p>Difficile d’évaluer avec précision le recours actuel aux soins sans consentement en France pour les TCA. Les données les plus récentes datent de 2010 – avant les modifications de la loi intervenues en 2011 puis en 2015. Cette année-là, la contrainte a été utilisée chez 4 patients sur 1 000 hospitalisés pour cette maladie, selon le Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie. Pour certains, l’expérience <a href="http://www.leparisien.fr/societe/psychiatrie-internee-et-attachee-de-force-elle-denonce-des-traitements-inhumains-06-04-2017-6829122.php">s’est avérée traumatisante</a>. D’autres – et parfois les mêmes – considèrent avec le recul que la contrainte leur a sauvé la vie. Globalement, les personnes anorexiques s’expriment peu sur le sujet, alors qu’elles nous semblent avoir beaucoup à dire.</p>
<h2>Le ressenti des patients, celui des proches et des soignants</h2>
<p>Connaître le ressenti des proches, également, sera capital pour une réflexion approfondie sur la contrainte car ce sont eux, bien souvent, qui sont amenés à demander l’hospitalisation sans consentement. Les équipes soignantes, enfin, se trouvent en première ligne car la décision finale d’imposer, ou non, des soins leur revient. Recueillir leurs expériences peut également éclairer les débats.</p>
<p>Aussi, nous souhaitons proposer aux patients, ex-patients, proches, et soignants, un espace de témoignage et de réflexion sur la problématique des soins contraints dans les TCA. Nous avons associé le média indépendant The Conversation à cette démarche relevant des sciences participatives. À cet effet, la rédaction a créé une adresse mail que chacun peut utiliser pour faire part de son expérience personnelle et de son point de vue. Les courriels reçus (qui ne feront pas l’objet d’une réponse individuelle) nous seront transmis par la rédaction, en respectant l’anonymat de leurs auteurs. Ils seront intégrés, sous forme d’extraits ou de synthèse, à la parution d’un second article que nous consacrerons à ce sujet sur The Conversation.</p>
<p>Les personnes souhaitant apporter leur contribution peuvent écrire à : temoignage.contrainte.TCA@gmail.com</p>
<h2>Alternance de conscience et de déni de la maladie</h2>
<p>Dans l’anorexie, la conscience de la gravité de la maladie alterne souvent avec son déni, conduisant un même patient à réclamer les soins autant qu’à s’y opposer. Les femmes concernées par les formes sévères et ou <a href="http://pepite.univ-lille2.fr/notice/view/UDSL2-workflow-1289">chroniques</a>, en particulier, sont ambivalentes par rapport aux soins, demandant de l’aide puis la refusant.</p>
<p>Ce contexte conduit souvent les proches à solliciter les équipes soignantes pour les aider à mettre en place une prise en charge. C’est ce qui s’est passé pour Magali (le prénom a été changé), ancien petit rat de l’opéra, âgée aujourd’hui de 48 ans. Son témoignage a été lu lors de la journée de rencontres publiques. « Ma maladie a duré 23 ans, raconte-t-elle. Mon poids a dégringolé jusqu’à 15 kg pour 1m61, j’étais entre la vie et la mort. J’avais quitté mon emploi, j’étais revenue habiter chez mes parents. Ils ont sollicité mon hospitalisation sous contrainte, pour la deuxième fois, et cette deuxième fois a été la dernière. Les ambulanciers m’ont attrapée dans la cuisine. J’ai été sauvée, cela fait maintenant 11 ans que je suis guérie ».</p>
<p>D’autres fois, la famille ne souhaite pas ou ne parvient pas à s’impliquer. Ainsi, nous avons connaissance du cas d’une femme de 40 ans, qui avait été admise pour dénutrition sévère mais refusait toute prise en charge. Elle a donc quitté l’établissement. Trois mois plus tard, la patiente s’est trouvée hospitalisée une seconde fois, dans un état physique plus grave encore. À nouveau, elle a refusé les traitements proposés, alors même que l’engagement de son pronostic vital lui avait été clairement signifié. Aucune démarche de son entourage qui aurait pu enclencher des soins « sans consentement » n’a été mise en œuvre. La patiente est de fait rentrée chez elle, conformément à sa volonté. Elle y décédera quelques semaines plus tard.</p>
<h2>Respect de la volonté individuelle ou non-assistance à personne en danger</h2>
<p>Cette issue dramatique a suscité, au sein de nos équipes, des questionnements douloureux. Dans le contexte particulier des TCA, en effet, la notion de respect de la volonté individuelle peut se heurter à celle de la non-assistance à personne en danger. La contrainte aurait-elle dû être utilisée, bien que les proches ne se soient pas manifestés ? En effet, la loi prévoit que la contrainte peut être prescrite en l’absence de demande d’un tiers <a href="http://www.psycom.org/Espace-Presse/Sante-mentale-de-A-a-Z/Soins-sans-consentement-controles-et-recours">s’il y a « péril imminent »</a>. Là encore, on peut s’interroger. Dans cette situation de péril imminent, est-il acceptable que la mesure de soins sous contrainte repose seulement sur l’avis des médecins et la décision du juge de la liberté et de la détention ?</p>
<p>La justice fixe un cadre, mais ne donne pas de réponse pour des patients dont l’histoire est chaque fois singulière. Ainsi, le droit pour le patient de donner son consentement à un traitement médical « revêt le caractère d’une liberté fondamentale », comme l’a rappelé le Conseil d’État <a href="http://www.rajf.org/spip.php?article1192">dans une décision rendue en 2002</a>. Toutefois, les médecins n’y portent pas atteinte si, « après avoir tout mis en œuvre pour convaincre un patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de tenter de le sauver, un acte indispensable à sa survie et proportionné à son état », indique la même institution.</p>
<p>Dans <a href="http://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/publications/avis087.pdf">son avis de 2005</a> sur le refus de traitement et l’autonomie de la personne, le Comité consultatif national d’éthique a relevé que le « refus de nourriture » doit s’apprécier au regard de la capacité de jugement de la personne concernée. De son côté, la Haute Autorité de Santé (HAS) a rappelé dans <a href="http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_985715/fr/anorexie-mentale-prise-en-charge">ses recommandations sur l’anorexie élaborées en 2010</a>, que les soins contraints sont réservés à des situations où la gravité physique ou psychique impose des soins immédiats.</p>
<p>La loi de 2011, revue en 2015, est venue définir les modalités de la contrainte aux soins en psychiatrie, mettant en place une nouvelle disposition, celle de la contrainte <a href="http://www.psycom.org/Droits-en-psychiatrie/Connaitre-ses-droits/Droits-des-usagers-soignes-sans-leur-consentement#mdssc">dans le cadre d’un programme de soins ambulatoires</a>. Il s’agit d’une option qui permet de réaliser des soins sous contrainte sans que le patient soit hospitalisé à temps plein. Dans la pratique, cela permet son retour au domicile.</p>
<h2>Entre négligence et acharnement thérapeutique</h2>
<p>Dans le quotidien de nos services, nous tentons de tracer un chemin entre deux écueils : la négligence, si nous respectons le souhait du patient de ne pas s’alimenter ; et l’acharnement thérapeutique, si nous choisissons d’agir contre son gré. Il faut prendre le temps d’interroger les proches, les amis, d’analyser le contexte de vie, de prendre en compte la temporalité de la maladie dans le parcours du patient. Enfin, si celui-ci a désigné une personne de confiance, comme <a href="http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/la_personne_de_confiance.pdf">prévu par le législateur</a>, son avis sera sollicité.</p>
<p>S’il doit y avoir contrainte, il faut que celle-ci s’appuie sur une réflexion éthique raisonnable. En Europe, l’éthique médicale a beaucoup évolué ces vingt dernières années. L’épidémie de sida, notamment, a remis le patient au centre de la décision. Le respect de son autonomie s’impose et n’est plus discuté. Ce contexte devrait permettre d’aborder plus sereinement les situations où la maladie psychiatrique exerce son emprise sur l’individu et le prive, temporairement, de son autodétermination.</p>
<p>Quand la contrainte est retenue comme option thérapeutique, notre objectif en tant qu’équipe médicale n’est pas seulement que la personne reprenne du poids, mais qu’elle puisse progressivement élaborer un consentement aux soins et poursuive son traitement librement. Nous tentons de l’amener à prendre conscience de ses troubles et de leurs conséquences, et de la possibilité de résilier ceux-ci – autrement dit, d’une rémission. Nous essayons de construire avec elle une « alliance thérapeutique » à chaque étape des soins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Claude Melchior a reçu des indemnisations pour inscription à des congrès du prestataire de soins à domicile LVL Medical Paris et Nord.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Damien Ringuenet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains troubles du comportement alimentaire peuvent être sévères, au point de mettre en danger la vie des personnes touchées. Peut-on utiliser la contrainte pour obliger un patient à s’alimenter ?Jean-Claude Melchior, professeur de médecine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Damien Ringuenet, Psychiatre, responsable de l'Unité spécialisée des troubles des conduites alimentaires à l'hôpital Paul Brousse, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/716552017-03-13T20:06:58Z2017-03-13T20:06:58ZEuthanasie : comprendre les positions des candidats à la présidentielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157750/original/image-20170221-18654-191pzx6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=667%2C442%2C4485%2C2607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chambre d'hôpital. Le droit de demander la mort est un sujet peu consensuel, y compris au sein d'un même parti politique, ce qui rend le sujet délicat à aborder en période électorale. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?src=UrVwXjvyi1KzcB5oECX6GQ-1-15">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La légalisation de l’euthanasie s’invite à chaque élection présidentielle parmi les questions de société, et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/presidentielle-2017-20139">celle de 2017</a> ne fait pas exception. Le mot ne signifie pourtant rien d’autre, littéralement, que la « mort douce », en grec, celle-ci pouvant être d’origine naturelle ou provoquée. Au cours des 20 dernières années, la mobilisation des associations et la médiatisation de cas tragiques ont transformé l’euthanasie en enjeu politique.</p>
<p>L’interrogation surgit lorsque des souffrances intolérables ne peuvent être soulagées par les thérapeutiques existantes ou lorsque la qualité de vie est durablement compromise. Elle vient d’être à nouveau posée dans le cas de Marwa, l’enfant de 16 mois <a href="http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/03/08/le-conseil-d-etat-ordonne-la-poursuite-des-traitements-de-marwa-hospitalisee-a-marseille_5091373_1651302.html">hospitalisée à Marseille et plongée dans le coma</a> depuis qu’elle a contracté un virus foudroyant. Comme pour Vincent Lambert, <a href="http://www.lunion.fr/15089/article/2017-02-08/les-parents-de-vincent-lambert-recus-par-le-juge-d-instruction">hospitalisé dans un état végétatif au CHU de Reims</a> depuis 2008. On se souvient, aussi, de la situation <a href="http://www.ina.fr/video/2163683001006">du jeune polyhandicapé Vincent Humbert</a>, mort en 2003. La même question survient lorsque la fin de vie se révèle particulièrement difficile, comme pour <a href="http://www.ina.fr/video/3565933001026">Chantal Sébire</a>, cette femme atteinte d’une tumeur incurable, décédée en 2011.</p>
<p>L’analyse des positionnements des candidats à la présidentielle montre que ceux-ci rentrent difficilement dans les grands clivages habituels entre les partis, notamment l’opposition entre droite et gauche. Derrière une même posture – pour, ou contre l’euthanasie – des raisonnements très différents peuvent se cacher, reposant sur des conceptions radicalement opposées de ce qui « fait société ». Un regard historique s’impose pour éclairer cette complexité.</p>
<h2>Première proposition de loi en 1978</h2>
<p>« Tout majeur ou mineur émancipé, sain d’esprit, a la faculté de déclarer sa volonté qu’aucun moyen médical ou chirurgical autre que ceux destinés à calmer la souffrance ne soit utilisé pour prolonger artificiellement sa vie s’il est atteint d’une affection accidentelle ou pathologique incurable », écrivait en 1978 le sénateur Henri Caillavet dans sa proposition de loi relative au droit de vivre sa mort.</p>
<p>Cette toute première proposition de loi sur le sujet, déposée il y a près d’une quarantaine d’années, ne fut pas adoptée. Mais ce texte a constitué un premier pas vers l’acquisition d’un droit à disposer de son corps en fin de vie. Son argumentaire est fortement empreint d’une philosophie des droits naturels. Adressé à toute personne dotée de faculté mentale, il s’appuie sur des postulats reconnus universels que se doit de partager toute civilisation s’inscrivant dans le progrès social tel que la liberté individuelle, la conscience de soi, de son advenir, et la dignité humaine. De façon sous-jacente, c’est une conception de la société bâtie sur l’héritage des Lumières qui est invoquée.</p>
<h2>Le contrôle de son propre corps</h2>
<p>Vivre sa mort comme on l’entend est une revendication pleinement issue de ce long combat, marquée par une affirmation grandissante de l’individualisation des contrôles sur le corps. En effet, l’introduction des directives anticipées dans la loi Léonetti sur la fin de vie du 22 avril 2005 et leur renforcement dans la <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/27/fin-de-vie-ce-que-va-changer-la-nouvelle-loi-claeys-leonetti_4854266_3224.html#GAoQUxpVfdrhQQs8.99">loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016</a>, donnent à chacun l’opportunité d’organiser sa fin de vie par la désignation d’une personne de confiance si, un jour, la maladie rend impossible l’expression de la volonté. Outre l’accent placé sur le développement des soins palliatifs, le refus de l’obstination déraisonnable oblige désormais le médecin à respecter les dernières volontés du malade. Il ne doit pas non plus engager ou poursuivre des actes inutiles ou disproportionnés dont le seul effet serait de maintenir artificiellement la vie.</p>
<p>En apparence linéaire, cette évolution des mœurs mérite examen. Aborder la question politique de l’euthanasie ne peut faire l’économie des ressorts philosophiques sous-jacents aux positionnements actuels.</p>
<p>Tandis que la proposition de loi de 1978 s’adressait à l’ensemble des citoyens français, la loi Léonetti s’inscrit dans le Code de la santé publique et y introduit une nouvelle section intitulée : « Expression de la volonté des malades en fin de vie ». Il s’agit de la reconnaissance juridique d’une participation plus active de cette catégorie d’usagers du système de santé à la décision médicale. Cette catégorie est davantage précisée encore dans la loi Claeys-Léonetti qui reformule ainsi cette section : « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie ».</p>
<h2>Droit de l’individu, contre droit du patient</h2>
<p>La logique universaliste prévalait dans la proposition de loi Caillavet, qui vise en premier lieu à donner de nouveaux droits à tout individu en bonne santé. Aujourd’hui, les avancées juridiques passent par l’ajout de conditions particulières s’appliquant à certaines personnes seulement. Le patient acquiert ainsi le droit de refuser les soins et de recevoir uniquement ceux qui garantissent le meilleur apaisement possible de la souffrance, même si cela a pour conséquence d’abréger la vie.</p>
<p>L’apport le plus significatif – mais qui fut aussi le plus controversé – est le droit à une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès. Cet acquis concerne exclusivement une « catégorie » précise de patients, ceux atteints d’une affection grave et incurable présentant une souffrance réfractaire aux traitements ou dont l’arrêt peut engager le pronostic vital et conduire à des souffrances insupportables. Il inclut également les patients hors d’état d’exprimer leur volonté. Son application repose alors sur la mise en œuvre d’une procédure collégiale par l’équipe soignante.</p>
<p>On change ici de modèle de société. De l’universalité des droits de l’homme, on passe à une valorisation de la singularité de patients interpellés sous forme de catégories. Loin d’être anodin, ce glissement vers la promotion de nouveaux droits en fonction de particularismes a des retentissements dans la manière dont la question de l’euthanasie se situe par rapport à d’autres revendications sociales.</p>
<h2>Des clivages liés à la pratique religieuse</h2>
<p>Si l’opinion publique tend globalement <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/11/22/97001-20161122FILWWW00056-80-des-francais-favorables-a-l-euthanasie.php">à être plus favorable à l’euthanasie au fil des sondages</a>, les clivages observés ne sont pas tant liés aux appartenances politiques qu’à la pratique religieuse. Les catholiques pratiquants, par exemple, sont <a href="http://www.cevipof.com/fichier/p_publication/1243/publication_pdf_notetournay.1.pdf">beaucoup moins nombreux à se déclarer en faveur d’une loi autorisant l’euthanasie active</a>.</p>
<p>Du côté des partis politiques, le Front national est traditionnellement opposé à l’euthanasie, préférant mettre l’accent sur les soins palliatifs. Pour autant, l’argument invoqué n’est plus majoritairement de nature universaliste, c’est-à-dire fondé sur l’interdiction morale absolue de donner la mort ou d’inscrire cette possibilité dans le droit, comme le revendiquait jadis Jean-Marie Le Pen. Lors de la révision de la loi Léonetti en 2015, <a href="http://www.frontnational.com/2015/10/fin-de-vie-un-grand-pas-vers-lindigne-euthanasie/">Marion Maréchal Le Pen soupçonne une motivation de rentabilité économique</a> sous-jacente à une fin de vie médicalement hâtée chez les personnes les plus vulnérables.</p>
<p>Le positionnement du Front national apparaît ainsi moins tranché qu’il pouvait l’être il y a quelques années. Mais en réalité, c’est surtout la nature des arguments qui a changé, l’opposition à la montée en puissance du libéralisme économique remplaçant l’interdiction morale.</p>
<h2>Refus de la légalisation chez Les Républicains</h2>
<p>Chez Les Républicains, le refus de légaliser toute aide active à mourir et la nécessité de développer les soins palliatifs constituent la posture dominante. La construction argumentative est diamétralement opposée à celle du Front national. Tout en faisant appel à des principes moraux universels, le positionnement général apparaît plus modéré car les déclarations s’accompagnent d’une « sociologisation » des propos.</p>
<p>Ainsi en 2011, François Fillon, alors premier ministre, s’appuie sur cette logique universaliste. Il déclare que l’euthanasie n’est pas « [sa] conception du respect de la vie humaine et des valeurs qui fondent notre société ». Il nuance son positionnement en admettant <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/2011/01/24/01002-20110124ARTFIG00604-fillon-justifie-son-opposition-a-la-legalisation-de-l-euthanasie.php">ne pas avoir été confronté personnellement à l’épreuve de l’accompagnement de la fin de vie</a>, ajoutant qu’en la matière, aucune « conviction n’est indigne » et rejetant l’acharnement thérapeutique.</p>
<p>Les autres familles politiques sont généralement considérées comme faisant preuve de flexibilité morale sur la question de l’euthanasie. En réalité, cette perception fait davantage figure d’héritage culturel des partis de gauche qu’elle ne résulte du recensement réel des convictions actuelles de leurs membres. Les positionnements individuels restent en effet extrêmement imprécis et évolutifs.</p>
<h2>À gauche, pas de consensus sur l’accompagnement de la fin de vie</h2>
<p>Il n’y a d’ailleurs aucun consensus, à gauche, sur les conditions et les procédures médicales concrètes qui devraient accompagner la fin de vie. On se souvient ainsi de l’élection présidentielle de 2012. La candidature de François Hollande fut accompagnée de la promesse – non tenue – d’une assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité, face à un Nicolas Sarkozy opposé à toute évolution législative.</p>
<p>Au cours de la dernière décennie, une grande diversité des formes de l’aide à mourir s’est imposée dans le débat, allant de l’arrêt passif des traitements au geste actif de donner la mort (laisser/permettre/causer la mort) par le patient (suicide assisté) ou le médecin (euthanasie active). Il y a donc plusieurs manières de permettre une « fin de vie digne », et autant de positionnements possibles. Favorable à une euthanasie active sous certaines conditions en 2007, Ségolène Royal considère en 2011 qu’il ne faut pas la légaliser, tandis que Martine Aubry se déclare favorable tout en réclamant des précautions dans son application…</p>
<p>Emmanuel Macron, à la tête du mouvement En Marche, <a href="http://www.la-croix.com/France/Politique/Emmanuel-Macron-precipiter-pour-legiferer-questions-ethiques-2017-03-12-1200831290">revendique une société du choix dans les questions liées à l’administration du corps biologique</a>, sans vouloir légiférer. Ce qui revient, en fait, à ne pas se prononcer sur l’euthanasie.</p>
<h2>L’euthanasie vue comme défense d’une minorité</h2>
<p>Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, <a href="https://www.benoithamon2017.fr/2016/11/05/mourir-dignement-est-un-droit/">se déclare favorable à l’euthanasie active</a> et inscrit cette pratique en continuité de la défense des minorités au même titre que les lanceurs d’alerte, les femmes seules ou les couples de femmes souhaitant se lancer dans une procréation médicalement assistée. Ce positionnement rejoint celui du président de l’<a href="http://www.admd.net/">Association du droit de mourir dans la dignité</a> (ADMD), Jean-Luc Roméro, qui milite également pour la cause homosexuelle et a récemment réuni les deux causes dans un même ouvrage, <a href="http://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=500587">« Survivant : mes 30 ans avec le sida »</a> (Michalon).</p>
<p>Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, adopte une logique plus universaliste en plaidant pour une inscription durable du droit de disposer de soi dans la constitution ; <a href="http://www.la-croix.com/France/Politique/Jean-Luc-Melenchon-contre-GPA-mais-pour-PMA-suicide-assiste-2017-01-22-1200819114">il fait un lien direct avec le droit à l’avortement</a> qu’il décrit comme un droit à être maître de soi-même.</p>
<h2>Un positionnement dissonant du candidat écologiste</h2>
<p>L’engagement écologique s’est fréquemment inscrit en porte à faux avec la liberté de choisir sa mort. Prônant la transmission de la vie et s’attaquant aux perturbations « artificielles » et aux logiques utilitaires, le parti Europe écologie les verts (EELV) s’oppose à l’euthanasie conçue comme une manière d’étendre l’empire industriel de l’homme sur la nature entière. Le positionnement de son candidat Yannick Jadot en faveur de l’euthanasie comme moyen de retrouver la « maîtrise » de sa vie est assez dissonant par rapport à ses sympathisants qui y perçoivent une <a href="http://revuelimite.fr/lce-22-euthanasie-ecolo-mais-pas-trop">variante libertaire du <em>struggle for life</em> libéral</a>.</p>
<p>La cartographie des positionnements politiques sur l’euthanasie ne se superpose pas systématiquement avec celle des clivages partisans. Par exemple, on peut être fortement attaché aux institutions de la cinquième République et militer pour un droit à disposer de son corps en fin de vie comme on l’entend, sans que cela ne témoigne de quelconques dissonances cognitives.</p>
<p>Une même posture, que celle-ci soit permissive ou conservatrice, peut ainsi reposer sur des principes moraux universels (respect de la vie humaine versus liberté de disposer de son corps) ou bien s’inscrire dans une stratégie de défense active des minorités vulnérables (qu’il faut protéger de la surpuissance médicalo-industrielle, ou sur lesquelles il faut veiller en leur accordant des droits spécifiques). En fonction des personnalités politiques, la nature du débat relèvera soit de l’application de principes universels (droits de l’homme), soit de la défense des minorités (droits culturels).</p>
<h2>Sujet délicat à manier en période électorale</h2>
<p>On comprend donc que le sujet de l’euthanasie est particulièrement délicat à manier en période électorale. Il n’est pas séparable des enjeux <a href="http://www.fayard.fr/linsecurite-culturelle-9782213672199">d’insécurité culturelle</a>. Et s’accorde mal avec les logiques argumentatives classiques des partis politiques, plutôt orientées sur les enjeux socio-économiques et les problématiques de stabilité des institutions de la cinquième République. Se positionner sur cette question revient, pour un candidat, à devoir trancher entre deux modèles de société (universel versus communautaire), une question pas toujours consensuelle chez son électorat, notamment à gauche.</p>
<p>La question qui se pose à nous, en tant que citoyen(ne)s, est de savoir dans quelle mesure l’assignation de droits à des catégories spécifiques d’individus (en l’occurrence, les malades et, parmi eux, certaines catégories de malades) est compatible avec l’universalité des droits de l’homme. Certes, cette étape apparaît comme un passage obligé si l’on veut voir évoluer la société sur la question de l’euthanasie. Mais un tel différentialisme peut difficilement constituer, en France, un horizon philosophique et social.</p>
<p>Le combat des femmes pour leurs droits en fournit sans doute la meilleure démonstration. Elles ont d’abord été assimilées à une minorité insuffisamment reconnue, ce qui a justifié la réclamation du droit de vote ou de la parité. Mais n’oublions pas qu’elles ont finalement acquis ces droits parce qu’elles se sont considérées comme des citoyennes, au même titre que les hommes, dans une perspective universaliste.</p>
<p>À lire le témoignage émouvant de ce jeune chercheur décrivant le <a href="https://theconversation.com/ma-grand-mere-leuthanasie-et-moi-71587">fardeau insupportable pesant sur sa grand-mère en fin de vie</a>, on serait tenté de réclamer le droit à l’euthanasie pour une nouvelle minorité de patients. La gestion des situations individuelles ne doit toutefois pas faire oublier qu’il s’agit d’un combat universel. En la matière, le sénateur Henri Caillavet nous aurait rappelé que « si Dieu existait, il serait probablement radical ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Tournay est membre de l'Association du droit de mourir dans la dignité (ADMD)</span></em></p>La plupart des candidats à l’élection présidentielle ont maintenant pris position sur l'euthanasie. Les clivages se font moins sur l’appartenance politique que sur les modèles de société défendus.Virginie Tournay, Directrice de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/715872017-01-24T21:45:55Z2017-01-24T21:45:55ZMa grand-mère, l’euthanasie et moi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/153578/original/image-20170120-5257-gat8vd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C89%2C1914%2C1129&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un patient dans une chambre d'hôpital. 8 Français sur 10 sont favorables à la légalisation de l'euthanasie, selon un sondage de novembre 2016. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.publicdomainpictures.net/view-image.php?image=168252&picture=patient-dans-la-salle-de-l39hopital">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>J’ai lu avec émotion l’article consacré, <a href="http://www.liberation.fr/france/2017/04/11/anne-bert-celle-qui-veut-mourir-vous-salue_1562051">dans le journal <em>Libération</em></a>, à l’écrivaine Anne Bert, qui, atteinte de la <a href="http://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=quest-ce-que-la-maladie-de-charcot">maladie de Charcot</a> (maladie incurable neurodégénérative), a décidé de mener un ultime combat politique avec une dignité et une détermination exemplaire en faveur du droit de « bien mourir ». Et j’ai tout de suite pensé à ma grand-mère maternelle, récemment décédée. Elle aussi, souffrant d’une tumeur au cerveau incurable, se savait condamnée, au mois d’octobre 2016, après que le couperet de la sentence médicale soit tombé, à la suite d’une énième batterie d’examens.</p>
<p>Pendant ces mois d’attentes et de souffrances, la vie de ma grand-mère, née en Algérie française en 1932 avant de subir, avec sa famille, une émigration non désirée en métropole à l’été 1962, ressembla à celle d’une personne purgeant une longue peine après avoir été condamnée par un tribunal. Son seul horizon pendant ces mois, fut, la quasi-totalité du temps, les murs de sa chambre d’hôpital.</p>
<p>Dans l’état de santé qui fut le sien, l’hôpital constitua bel et bien un grand enfermement. Ce n’est pas la société, mais la maladie qui l’a condamnée à une peine de perpétuité incompressible. Elle n’avait même pas l’espoir d’une remise de peine : seule la mort pouvait la libérer de cette prison médicalisée.</p>
<h2>Le moyen ultime de se libérer des chaînes de la souffrance</h2>
<p>Je postule que le suicide constitue un droit inaliénable, constitutif de notre humanité. Bien entendu, le suicide, qui consiste à s’enlever la vie soi-même, constitue un acte dramatique, tragique pour la personne autant que pour ses proches. Et il n’est pas question d’en faire l’apologie.</p>
<p>Dans bien des cas, le suicide vise à soulager une souffrance physique ou psychique jugée intolérable. Quand la personne a exploré tous les moyens à sa disposition pour combattre la douleur sans parvenir à la faire taire, le suicide peut en effet lui apparaître comme une solution, comme le moyen ultime de se libérer des chaînes de la souffrance.</p>
<p>D’une certaine façon, le suicide est aussi la preuve que c’est bien nous, et personne d’autre, qui conservons la maîtrise du cours de notre existence. Nous gardons en permanence la possibilité de nous soustraire au monde si nous jugeons en souveraineté qu’à un moment donné, notre vie ne mérite plus d’être vécue en l’état. J’emploie ici le mot suicide dans son sens le plus large : l’acte peut être commis par la personne elle-même, avec l’aide d’autrui (ce qu’on appelle le suicide « assisté »), ou sans aide ; il peut aussi être commis par un tiers, à la demande de la personne (ce qu’on qualifie d’euthanasie).</p>
<h2>Quand la médecine n’offre aucune possibilité de rémission au patient</h2>
<p>Ma grand-mère m’avait confié, à plusieurs reprises, qu’elle appréhendait beaucoup les affres de la « phase terminale » de sa maladie. La fin lui était déjà connue, la médecine ne lui offrant aucune possibilité de rémission. Ma grand-mère était définitivement condamnée à la peine de la morte lente.</p>
<p>Elle m’a répété, maintes fois, que ce n’était pas une vie de ne plus pouvoir cuisiner ni pour elle, ni pour les autres, de ne plus avoir la possibilité de se rendre au cinéma, de ne plus pouvoir lire ne fut ce qu’une heure, de ne plus faire ses mots croisés et ne plus avoir l’opportunité de se promener dans l’espace public. Elle souffrait énormément de demeurer encellulée dans sa chambre d’hôpital, et de dépendre en permanence des autres pour satisfaire ses besoins physiologiques, même les plus élémentaires, en dépit de la présence et de l’amour infini que lui portait au quotidien les siens.</p>
<p>En France, l’euthanasie, définie comme l’aide active à mourir, continue à être qualifiée d’assassinat ou d’empoisonnement prémédités. Elle est théoriquement punissable de la réclusion criminelle à perpétuité. Ce n’est plus le cas dans d’autres pays européens tels que la <a href="http://www.belgium.be/fr/sante/soins_de_sante/fin_de_vie/euthanasie">Belgique</a>, le Luxembourg ou encore les <a href="http://www.francetvinfo.fr/replay-radio/c-est-comment-ailleurs/c-est-comment-ailleurs-l-euthanasie-aux-pays-bas_2015130.html">Pays-Bas</a>, qui ont changé leurs lois depuis les années 2000. Dans les faits, les tribunaux français rechignent à condamner celles et ceux qui décident, proches ou médecins, d’agir en marge de la légalité, autrement dit de désobéir à la loi au nom des principes d’humanité et d’empathie.</p>
<h2>Un non-lieu pour la mère et le médecin de Vincent Humbert</h2>
<p>Le cas de Vincent Humbert, jeune homme devenu tétraplégique, aveugle et muet à la suite d’un accident de voiture en 2000, demeure de ce point de vue emblématique. <a href="http://www.ina.fr/video/2163683001006">Après avoir demandé l’aide à mourir</a>, il est décédé en 2003, à la suite de l’intervention de son médecin et de sa mère. Ces derniers, mis en examen, ont bénéficié finalement en 2006 d’un non-lieu.</p>
<p>Bien entendu, si l’euthanasie devait être inscrite dans le droit positif français, personne ne devrait pouvoir, ni médecins, ni proches, se substituer à la volonté souveraine des personnes concernées. Les individus devront avoir le dernier mot, tandis que le corps médical et la famille auront l’obligation, du point de vue du droit, de se soumettre à leur <em>imperium</em>, c’est-à-dire le pouvoir de donner des ordres à autrui – en l’occurrence, le fait de demander à ce qu’on les aide à éteindre la lumière de leur vie.</p>
<p>Ces volontés seront exécutées par des tiers n’ayant pas de lien de parenté avec eux, c’est-à-dire le corps médical. Un médecin qui ne voudrait pas, par principe, pratiquer une euthanasie active pourra s’en dispenser en y opposant sa clause de conscience, tant que cela ne vienne pas remettre en cause l’accès égalitaire de toutes et tous à la procédure euthanasique médicalisée.</p>
<h2>Ce n’est pas à la société de déterminer ce qu’est une vie « digne »</h2>
<p>Il ne s’agit nullement, ici, de décréter ce que serait une vie « digne ». Chacun en construit sa conception subjective. Dès lors, le droit universel de mourir dans la dignité ne devra jamais déboucher sur une politique eugéniste à travers laquelle la société viendrait à décider, à partir de critères prétendument objectifs, les vies qui mériteraient de demeurer et celles devant prendre fin. Encore une fois, il n’est pas question d’aider une personne à mourir prématurément sans avoir obtenu préalablement son consentement réitéré et explicite, que ce soit par oral ou par écrit.</p>
<p>J’étais déjà sensible à la question de l’euthanasie quand les premiers symptômes de la tumeur de ma grand-mère se sont manifestés l’été dernier. Cet événement éprouvant m’a renforcé dans mes convictions. Et j’espérais que la dernière campagne présidentielle permettrait que ce sujet épineux soit inscrit à l’ordre du jour. Ce qui ne fut pas le cas malheureusement, malgré la <a href="https://anneelisa.wordpress.com/2017/01/15/euthanasie-lettre-ouverte-aux-candidats-a-lelection-presidentielle-2017/">lettre ouverte rédigée par Anne Bert</a>, dès le mois de janvier 2017, pour enjoindre les candidats à se positionner publiquement.</p>
<p>Dans le débat actuel, on trouve d’un côté les partisans du <em>statu quo</em>. La loi Leonetti de 2005 a mis fin à l’acharnement thérapeutique, sous la présidence de Jacques Chirac. Ce texte a constitué une avancée historique indéniable en légalisant le « laissez mourir » (l’absence de soins), qui couvre la majorité des cas autrefois problématiques.</p>
<p>Le gouvernement de François Hollande est allé plus loin en instaurant en janvier 2016 un <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/27/fin-de-vie-ce-que-va-changer-la-nouvelle-loi-claeys-leonetti_4854266_3224.html#GAoQUxpVfdrhQQs8.99">droit à la « sédation profonde et continue »</a>, c’est-à-dire le droit pour le malade en fin de vie de dormir et de voir sa souffrance soulagée.</p>
<h2>Un collectif pour la défense du statu quo</h2>
<p>Aux yeux de certains, ces textes sont suffisants (ce fut le cas pour les candidats à la présidentielle que furent François Fillion (Les Républicains) et Marine Le Pen (Front national)). Le collectif <a href="http://soulagermaispastuer.org/">Soulager mais pas tuer</a> créé en novembre 2014, cherche à mobiliser, quant à lui, celles et ceux qui s’opposent à toute évolution de la loi vers l’euthanasie active.</p>
<p>Les partisans de cette pratique se font entendre, eux aussi. Le candidat Benoît Hamon (Parti socialiste) <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/primaire-de-la-gauche-euthanasie-service-civique-les-cartes-blanches-des-candidats-7786832677">s’est déclaré favorable à sa légalisation</a>. Son rival, lors du deuxième tour de la primaire, Manuel Valls (Parti socialiste), affichait la même opinion. « Je pense que nous pouvons aller plus loin sur le droit à mourir dans la dignité. Mais il faut avancer par étapes, rechercher le consensus », avait-il déclaré le 9 janvier <a href="http://www.leparisien.fr/politique/moi-aussi-j-ai-change-09-01-2017-6542013.php">dans une interview au Parisien</a>.</p>
<p>D’autres personnalités politiques issues des gauches ou du mouvement des écologistes comme Jean‑Luc Mélenchon, Bertrand Delanoë, Olivier Besancenot, Cécile Duflot ou Noël Mamère avaient pris position de longue date dans le même sens. De leur côté, les citoyens qui défendent cette cause se retrouvent dans plusieurs mouvements, notamment l’<a href="http://www.admd.net/">Association pour le droit de mourir dans la dignité</a> (ADMD), dont la création remonte à 1980.</p>
<h2>Une demande sociale de plus en plus forte</h2>
<p>Le droit de mourir dignement fait l’objet d’une demande sociale de plus en plus forte. Le dernier sondage, en novembre 2016, fait état de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/11/22/97001-20161122FILWWW00056-80-des-francais-favorables-a-l-euthanasie.php">8 Français sur 10 « plutôt » ou « tout à fait » favorables à l’euthanasie</a>.</p>
<p>Des écrivains comme Noëlle Châtelet ou Dominique Fernandez, des chercheurs comme Jean Baubérot ou Hubert Reeves, des artistes comme Nathalie Baye ou Guy Bedos, se sont engagés publiquement pour que la loi change, tandis que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/LaPhaze">groupe rock français La Phaze</a> a demandé <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Ye2_OG1T2xc&list=PL92fWYKlephAe6tHqexPYahypevjwsDyv">dans sa chanson de 2009</a> que soit mis fin à ce qu’il nomme, dans une image très forte, la « peine de vie ».</p>
<p>Avec la législation en vigueur, Vincent Humbert, entièrement paralysé mais ne souffrant d’aucune maladie dégénérative ou incurable, aurait été obligé de poursuivre sa vie contre sa volonté, pendant encore plusieurs décennies peut-être. Concernant ma grand-mère, si elle vivait en Belgique, elle aurait eu la possibilité de choisir, si telle était sa volonté souveraine, le moment où elle souhaiterait partir, comme le fera très prochainement l’écrivaine Anne Bert en recourant à un acte euthanasique. Résidant en France, ma grand-mère ne pouvait qu’attendre passivement dans sa chambre la progression inexorable du mal qui l’affligeait. C’est la Camarde qui avait jusqu’au bout la maîtrise de son calendrier de vie.</p>
<p>Désormais, c’est le cri de tous les entravés (« Aidez-nous à mourir, quand nous l’aurons décidé, si nous le décidons ») qui doit être entendu par ceux qui dirigent le pays après l’élection présidentielle. Lorsque la vie finit par ressembler à une prison à ciel ouvert, lorsqu’elle n’est plus qu’un fardeau insupportable, l’euthanasie active peut permettre de libérer l’âme au lieu de la laisser se noyer dans les eaux glacées de la souffrance, et conférer ainsi à chacun, comme le chante La Phaze, la possibilité de « rester libre ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71587/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Melchior ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'écrivaine Anne Bert, atteinte de la maladie de Charcot, demande le droit de «bien mourir». Une revendication sociale qui s'exprime de plus en plus fortement.Hugo Melchior, Doctorant en histoire politique contemporaine, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.