tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/suicide-36096/articlessuicide – The Conversation2023-10-05T13:26:38Ztag:theconversation.com,2011:article/2055312023-10-05T13:26:38Z2023-10-05T13:26:38ZLa Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada : une mine d’or pour la recherche sur les maladies du cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/552342/original/file-20231005-26-rmh9lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4000%2C1508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le cerveau fascine les humains depuis toujours. </p>
<p>Mais nos connaissances scientifiques sur ces quelques 1,3 kg de substance fragile enchâssée dans la boîte crânienne ont longtemps été fragmentaires. Or, les percées techniques fulgurantes des dernières années ont inauguré en quelque sorte l’âge d’or des neurosciences moléculaires. </p>
<p>Ces percées ont aussi été permises grâce aux banques de cerveaux, qui conservent des cerveaux humains dans les meilleures conditions pour la recherche scientifique. Nous avons ici à Montréal l’une des plus importantes au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada (BCDBC), qui a été <a href="https://douglasbrainbank.ca/fr/a-propos">fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas</a>. </p>
<p>La BCDBC, qui reçoit plusieurs cerveaux chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens. Son équipe traite chaque année des dizaines de requêtes de tissus provenant de scientifiques du Québec, du Canada, et de l’étranger, préparant ainsi environ 2 000 échantillons pour la recherche. </p>
<p>Ces efforts ont permis, au cours des 40 dernières années, un nombre considérable de découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques. </p>
<p>Professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université McGill, chercheur au Centre de recherche Douglas et directeur de la BCDBC depuis 2007, je travaille en étroite collaboration avec le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/gustavo-turecki-2/">Dr Gustavo Turecki</a>, codirecteur de la BCDBC et responsable du volet consacré aux maladies psychiatriques et au suicide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="hémisphère cérébral" src="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C2%2C1535%2C1231&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552153/original/file-20231004-17-mdh992.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=596&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui reçoit plusieurs cerveaux à chaque mois, a récolté à ce jour plus de 3 600 spécimens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une petite histoire de la recherche sur le cerveau humain</h2>
<p>Ce n’est que vers la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que les scientifiques commencent à identifier les éléments microscopiques qui composent le cerveau.</p>
<p>À cette époque, on le conserve pour la première fois dans le formol, une solution qui préserve les tissus biologiques afin de pouvoir les manipuler plus facilement et de les garder à long terme. </p>
<p>Parallèlement, on développe des instruments de précision et des protocoles permettant d’examiner les caractéristiques microscopiques du tissu nerveux. </p>
<p>Jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, on se contente surtout de conserver des cerveaux de patients, prélevés à l’autopsie, dans le but d’identifier de possibles changements macroscopiques ou microscopiques en lien avec leurs symptômes neurologiques ou psychiatriques. </p>
<p>C’est notamment ce que fait le neurologue allemand Alois Alzheimer, qui analyse le cerveau d’une de ses patientes atteintes de démence. En 1906, il décrit alors, pour la première fois, les lésions microscopiques qui caractérisent la maladie portant aujourd’hui son nom. </p>
<p>Ainsi, jusqu’à la fin des années 1970, de nombreuses collections de spécimens de cerveaux conservés dans le formol se bâtissent dans des milieux hospitaliers, un peu à la façon des anciens cabinets de curiosités. </p>
<p>Vers la fin du XX<sup>e</sup> siècle, les approches expérimentales permettant l’analyse à haute résolution de cellules et de molécules au sein de tissus biologiques se multiplient. </p>
<p>Il devient alors nécessaire de recueillir et de conserver des cerveaux humains, obtenus grâce au consentement de la personne ou de sa famille, dans des conditions compatibles avec les techniques scientifiques modernes.</p>
<p>On se met à congeler l’un des hémisphères cérébraux afin, notamment, de pouvoir en mesurer les différentes composantes moléculaires. L’autre hémisphère est fixé dans le formol pour des études anatomiques macroscopiques et microscopiques.</p>
<p>C’est dans ce contexte que fut créée la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les locaux de la BCDBC" src="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552154/original/file-20231004-25-z5k7jp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada, qui fut fondée en 1980 à l’Hôpital Douglas.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>De nouvelles approches expérimentales qui portent fruit</h2>
<p>Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches. Cela inclut, il va sans dire, plusieurs équipes québécoises.</p>
<p>C’est ainsi que le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/judes-poirier-2/">Dr Judes Poirier</a>, du Centre de recherche Douglas, affilié à l’Université McGill, et son équipe ont découvert que le gène APOE4 constitue un <a href="https://doi.org/10.1016/0140-6736(93)91705-Q">facteur de risque de la maladie d’Alzheimer</a>. Plus récemment, l’équipe du <a href="https://crhmr.ciusss-estmtl.gouv.qc.ca/fr/chercheur/gilbert-bernier">Dr Gilbert Bernier</a>, professeur au Département de neurosciences de l’Université de Montréal, a découvert que les lésions caractéristiques de cette maladie sont associées à une <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-018-37444-3">expression anormale du gène BMI1</a>.</p>
<p>Du côté des maladies psychiatriques, et plus particulièrement de la dépression, des progrès importants ont été réalisés tout récemment par le <a href="https://douglas.research.mcgill.ca/fr/groupe-mcgill-detudes-sur-le-suicide/">Groupe McGill d’Études sur le Suicide</a>. </p>
<p>Ainsi, en utilisant des méthodes de pointe permettant d’isoler et d’analyser les cellules du cerveau humain, l’équipe du Dr. Turecki est parvenue à identifier précisément les types de cellules dont la fonction est affectée chez des hommes <a href="https://doi.org/10.1038/s41593-020-0621-y">ayant souffert de dépression majeure</a>, puis de découvrir que les types cellulaires en cause dans cette maladie diffèrent <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-38530-5">entre les hommes et les femmes</a>. </p>
<p>Ces approches expérimentales donnent lieu à des ensembles de données gigantesques pouvant être interrogés dans le cadre d’études subséquentes. C’est le cas, par exemple, de travaux menés dans mon laboratoire et ayant identifié des signes de changements persistants dans la neuroplasticité au sein du cortex préfrontal de personnes ayant un historique de <a href="https://doi.org/10.1038/s41380-021-01372-y">maltraitance infantile</a>. En effet, les études citées ci-dessus nous ont permis de découvrir au moins un des types cellulaires impliqués dans ce phénomène. </p>
<p>En somme, les méthodes expérimentales à notre disposition aujourd’hui permettent ni plus ni moins de « déconstruire » le cerveau en ses composantes élémentaires afin d’en comprendre les fonctions et les dysfonctions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Hémisphères cérébraux conservés dans le formol" src="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/552155/original/file-20231004-27-62uc6y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des chercheurs de pointe de nombreuses universités à travers le monde bénéficient des échantillons de la BCDBC pour faire progresser leurs recherches.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Naguib Mechawar)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Identifier, prévenir, dépister et traiter</h2>
<p>C’est grâce au travail acharné et au dévouement de toute l’équipe de la BCDBC, ainsi qu’au soutien indéfectible de tous ses partenaires, de mécènes (souvent anonymes) et d’organismes subventionnaires, et particulièrement le FRQS et son <a href="https://reseausuicide.qc.ca/fr/">Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés</a>, que cette ressource inestimable a non seulement réussi à survivre, mais à se développer et à se hisser au rang des plus importantes banques de cerveaux au monde. </p>
<p>Il est permis de croire que la BCDBC aura dans les années à venir un rôle important à jouer dans l’identification de plus en plus précise des causes biologiques des maladies du cerveau, et donc de nouvelles cibles en vue de meilleures approches de prévention, de dépistage et de traitement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205531/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naguib Mechawar a reçu des financements des IRSC, du CRSNG, de HBHL (Apogée) et du FRQS (ERA-NET NEURON et RQSHA). </span></em></p>À Montréal se trouve l’une des plus importantes banques de cerveaux au monde, la Banque de cerveaux Douglas-Bell Canada. Elle permet des découvertes sur différentes maladies neurologiques et psychiatriques.Naguib Mechawar, Neurobiologiste, Institut Douglas; Professeur titulaire, Département de psychiatrie, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062412023-06-13T13:07:43Z2023-06-13T13:07:43ZDemandes anticipées d’aide médicale à mourir : voici comment d'autres pays l'encadrent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531301/original/file-20230612-172706-a8bd44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C'est une question de mois avant que les demandes anticipées d'aide médicale à mourir soit légalisées au Québec, avec des critères bien définis. D'autres pays le permettent déjà. Comment balisent-ils cette aide? </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-32.0001">L’aide médicale à mourir</a> (AMM) présentement en vigueur au Canada est administrée à une personne apte à y consentir. Elle consiste en l’administration, par un médecin, de médicaments qui causera la mort dans les prochaines minutes.</p>
<p>Comme dans toutes interventions, le médecin a la responsabilité de s’assurer que la personne consent à ce traitement de manière libre et éclairée. Le <a href="https://educaloi.qc.ca/capsules/consentir-a-des-soins-de-sante-ou-les-refuser/#:%7E:text=Le%20consentement%20libre%20et%20%C3%A9clair%C3%A9&text=Un%20consentement%20est%20%C2%AB%20libre%20%C2%BB%20lorsqu,de%20la%20pression%20sur%20lui.">consentement</a> est considéré libre lorsqu’il est donné de plein gré, c’est-à-dire sans subir de pression d’une tierce personne. Il est considéré éclairé lorsque la personne connaît les risques et bénéfices du traitement, ainsi que ses alternatives. </p>
<p>Pour le moment, la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-32.0001">loi québécoise</a> ne permet pas de demander l’AMM de manière anticipée, par exemple à la suite d’un diagnostic de maladie d’Alzheimer qui rendra ultérieurement la personne inapte à consentir aux soins. <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/aide-medicale-a-mourir-le-projet-de-loi-sur-les-soins-de-fin-de-vie-adopte-48523">Cela changera d’ici deux ans</a>, tel qu’annoncé le 7 juin 2023 par la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger. La ministre s’accorde effectivement ce délai pour mettre sur pied le processus de demandes anticipées d’AMM. </p>
<p>Nous sommes une équipe de recherche interuniversitaire comprenant des expertes en droit, en notariat, en soins palliatifs et en santé communautaire. Nous avons toutes réalisé des recherches empiriques et théoriques sur les enjeux complexes et interdisciplinaires entourant la prise de décision médicale anticipée.</p>
<p>En vue de contribuer aux discussions concernant le processus de demandes d’AMM anticipées, l’objectif de cet article est d’explorer brièvement comment les autres juridictions ayant légalisé cette pratique, soit les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la Colombie, l’encadrent. </p>
<h2>Notaires ou médecins ?</h2>
<p>Dans le cadre de l’étude détaillée du projet du projet de loi 11, la Chambre des notaires du Québec (CNQ) a recommandé, dans un <a href="https://www.cnq.org/publications-cnq/memoire-sur-le-projet-de-loi-no-11/">mémoire</a> déposé le 15 mars 2023, que les demandes anticipées d’AMM soient formulées uniquement par acte notarié. Selon la Chambre, cette manière de procéder atteste du consentement libre et éclairé du demandeur. </p>
<p>La recommandation de la CNQ tranche avec celle émise par le <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2019/19-828-04W.pdf">Groupe d’experts indépendants sur la question de l’inaptitude et l’aide médicale à mourir</a> en 2019. Ce comité a été constitué et mandaté par le ministre de la Santé et des Services sociaux pour examiner la délicate question de l’application éventuelle de l’AMM aux personnes devenues inaptes ayant préalablement fait une demande anticipée. Tel que rapporté dans <a href="https://theconversation.com/amm-voici-pourquoi-il-serait-injustifie-de-rejeter-les-demandes-anticipees-201636"><em>La Conversation</em></a>, le groupe d’experts a conseillé que la personne apte signe un formulaire prescrit par le ministre à la suite d’une consultation avec un médecin.</p>
<h2>Pays-Bas : compétent dès 16 ans</h2>
<p>Depuis le 1<sup>er</sup> avril 2002, aux Pays-Bas, l’article 2 du <a href="https://wfrtds.org/dutch-law-on-termination-of-life-on-request-and-assisted-suicide-complete-text/"><em>Termination of Life on Request and Assisted</em></a> stipule qu’un patient âgé de 16 ans ou plus qui est apte à consentir aux soins peut rédiger une demande anticipée d’euthanasie (selon les mots employés dans ladite loi). </p>
<p>Si, à un moment ultérieur, la personne n’est plus en mesure d’exprimer sa volonté due à un état de conscience altéré ou à un coma, un médecin peut accepter la directive anticipée en tant qu’équivalent à un consentement. Le médecin doit s’assurer qu’il n’y a pas d’alternatives raisonnables à l’euthanasie. Finalement, un comité examinateur (médecin, éthicien, juriste) évalue dans chaque cas spécifique si l’euthanasie a été pratiquée conformément aux critères.</p>
<h2>Belgique : pour personnes inconscientes seulement</h2>
<p>En Belgique, la <a href="https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body.pl?language=fr&caller=summary&pub_date=02-06-22&numac=2002009590">loi du 28 mai 2002</a> relative à l’euthanasie permet à une personne apte de compléter une <a href="https://www.health.belgium.be/sites/default/files/uploads/fields/fpshealth_theme_file/formulaire_de_declaration_euthanasie.pdf">déclaration écrite</a> dans laquelle elle demande l’euthanasie de manière anticipée. Cette déclaration écrite suit un modèle prévu par la loi où sont désignés obligatoirement deux témoins et facultativement des personnes de confiance. </p>
<p>Toute personne capable d’exprimer sa volonté, qu’elle soit majeure ou mineure émancipée, peut rédiger une déclaration anticipée. L’euthanasie, demandée de manière anticipée alors que la personne était apte, ne peut être pratiquée que si la personne est dans un état d’inconscience irréversible et incapable d’exprimer sa volonté. Ainsi, les personnes souffrant de démence qui ne sont <a href="https://lop.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/2015116E">pas inconscientes ne sont pas éligibles</a>.</p>
<p>Avant de pratiquer l’euthanasie, le médecin a l’obligation de consulter un autre médecin à propos du caractère irréversible de l’état de santé du ou de la patiente, ainsi que les personnes de confiance mentionnées sur la demande s’il y a lieu.</p>
<h2>Luxembourg : personne majeure et apte</h2>
<p>Au Luxembourg, la <a href="https://sante.public.lu/dam-assets/fr/publications/e/euthanasie-assistance-suicide-questions-reponses-fr-de-pt-en/euthanasie-assistance-suicide-questions-fr.pdf">loi du 16 mars 2009</a> sur l’euthanasie et l’assistance au suicide indique que toute personne majeure et apte peut manifester en avance ses dispositions de fin de vie et les circonstances et conditions dans lesquelles elle désire recevoir une euthanasie. </p>
<p>Les demandes doivent obligatoirement être enregistrées auprès de la Commission nationale de Contrôle et d’Évaluation. Le demandeur ou la demanderesse doit désigner une personne de confiance qui fera le lien avec un médecin traitant au moment opportun. Pour pouvoir avoir recours à l’euthanasie, le patient ou la patiente doit être dans une situation d’inconscience irréversible ou souffrir d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable. Ainsi, comme en Belgique, les personnes souffrant de démence qui ne sont <a href="https://lop.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/2015116E">pas inconscientes ne sont éligibles</a>.</p>
<h2>Colombie : approbation d’un comité</h2>
<p>En Colombie, la <a href="https://www.minsalud.gov.co/Normatividad_Nuevo/Resoluci%C3%B3n%201216%20de%202015.pdf">résolution</a> reconnaît la valeur d’une demande anticipée d’euthanasie depuis 2015. </p>
<p>Lorsqu’une directive anticipée est indiquée sur un document approprié, le représentant ou la représentante de la personne visée peut faire la demande en son nom au moment jugé opportun. Malgré l’existence d’une telle directive, le représentant ou la représentante peut retirer cette demande et choisir une alternative. Dans tous les cas, avant de procéder à l’euthanasie, la demande doit être approuvée par un comité composé d’un médecin spécialisé dans la pathologie de la personne visée autre que le médecin traitant, d’un avocat et d’un psychologue clinicien ou d’un psychiatre.</p>
<h2>La juridiction diffère, mais la collaboration demeure</h2>
<p>Les lois encadrant le processus de demandes anticipées d’aide médicale à mourir diffèrent d’une juridiction à l’autre. Toutefois, dans tous les cas, la collaboration interdisciplinaire et intersectorielle est nécessaire. </p>
<p>Si Québec choisit de suivre la recommandation de la Chambre des notaires, à savoir que les demandes d’aide médicale à mourir sont complétées uniquement par leurs membres, il pourrait être judicieux que ces derniers aient, au minimum, accès à des formations spécifiques. Il faut en effet s’assurer que leur client ou cliente connaisse de façon juste et précise le traitement proposé, en occurrence l’aide médicale à mourir, ses risques et bénéfices et les alternatives.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206241/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Plaisance a reçu des financements de la Chambre des notaires du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Morin a reçu des financements de la Chambre des notaires du Québec. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Diane Tapp est membre de l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Louise Bernier et Sammy-Ann Lalonde ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La loi québécoise ne permet pas les demandes anticipées d’aide médicale à mourir. Mais cela pourrait changer rapidement. Des pays l’appliquent déjà. Comment encadrent-ils cette pratique ?Ariane Plaisance, Stagiaire post-doctorale, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Christine Morin, Professor, Université LavalDiane Tapp, Professeure titulaire, Université LavalLouise Bernier, Full Professor, Université de Sherbrooke Sammy-Ann Lalonde, Étudiante à la maîtrise en droit notarial, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2061792023-05-30T13:08:12Z2023-05-30T13:08:12ZCrise chez les jeunes filles – on doit prendre leur santé mentale au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528875/original/file-20230529-15-u5vra1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si l’on souhaite améliorer la vie des filles au Canada et ailleurs dans le monde, il faut d’abord réfléchir aux raisons pour lesquelles on a tendance à rejeter et à invalider leurs préoccupations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Un article paru dans le <em>Washington Post</em> a récemment fait état <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/17/teen-girls-mental-health-crisis/">d’une crise chez les jeunes filles aux États-Unis</a>. Dans ce pays, les filles connaissent des taux plus élevés que jamais auparavant d’agressions sexuelles, de problèmes de santé mentale et de suicides.</p>
<p>Des données recueillies en 2021 par les <a href="https://www.cdc.gov/healthyyouth/data/yrbs/pdf/YRBS_Data-Summary-Trends_Report2023_508.pdf">Centres for Disease Control</a> (CDC) montrent à quel point la situation des jeunes filles américaines est désolante. Quatorze pour cent des adolescentes aux États-Unis ont déclaré avoir été forcées à avoir des relations sexuelles, et 60 % avoir éprouvé des <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/13/teen-girls-violence-trauma-pandemic-cdc/">sentiments extrêmes de tristesse ou de désespoir</a>. Près d’un quart des filles ont envisagé et planifié un suicide.</p>
<p>Bien que ces résultats soient basés sur des données américaines, ils correspondent aux témoignages des jeunes filles canadiennes depuis une dizaine d’années. Ainsi, <a href="https://www.camh.ca/en/camh-news-and-stories/half-of-female-students-in-ontario-experience-psychological-distress-camh-study-shows">plus de la moitié des étudiantes de l’Ontario</a> ont dit souffrir d’une détresse psychologique modérée à grave. <a href="https://assaultcare.ca/services/sexual-assault-statistics/">Une fille sur quatre</a> a été victime d’abus sexuels avant l’âge de 18 ans.</p>
<p>Le suicide est la <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv.action?pid=1310039401&request_locale=fr">quatrième cause de décès</a> chez les filles de moins de 14 ans, une statistique qui est relativement stable depuis 2016.</p>
<p>La réalité difficile des jeunes filles est généralement attribuée aux mêmes facteurs : <a href="https://www.girlguides.ca/WEB/GGC/Parents/Thought_Leadership/IDG_Nationwide_Survey/GGC/Media/Thought_Leadership/IDG_Nationwide_Survey.aspx">normes de beauté irréalistes</a>, <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/matins-sans-frontieres/segments/entrevue/371849/sante-mentale-instagram-enquete-wall-street-journal">pression des médias sociaux</a>, <a href="https://www.berghahnjournals.com/view/journals/girlhood-studies/14/1/ghs140104.xml">culture du viol</a> et, plus récemment, <a href="https://www.girlguides.ca/WEB/Documents/GGC/Girl_Research/Life_During_COVID19_Report.pdf">pandémie de Covid-19</a>.</p>
<p>Dans le cadre d’entretiens menés par le <em>Washington Post</em> avec des jeunes filles, celles-ci parlent également d’une autre cause, dont on a moins conscience : lorsqu’elles s’expriment, les jeunes filles ne sont pas écoutées ou prises au sérieux.</p>
<h2>Pourquoi n’écoute-t-on pas les filles ?</h2>
<p>Je suis une ancienne intervenante sociale communautaire et j’ai travaillé avec des jeunes filles âgées de 10 à 18 ans. Ma recherche doctorale actuelle porte sur les filles âgées de 8 à 12 ans qui commencent à militer, et j’y explore les moyens par lesquels nous pouvons mieux les écouter et les soutenir lorsqu’elles nous disent ce qu’elles veulent pour leur vie et leur monde. J’ai entendu d’innombrables récits de jeunes filles qui sentaient que des adultes ne les prenaient pas au sérieux.</p>
<p>Cette réaction était souvent directement liée au fait qu’elles étaient des filles et accompagnée d’affirmations selon lesquelles elles traversent simplement une phase, ne racontent pas exactement ce qui s’est passé ou dramatisent.</p>
<p>En d’autres termes, lorsque les filles nous disent ce qui se passe dans leur vie, nous avons tendance à ne pas les croire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Deux paires de mains enserrées" src="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les adultes ont tendance à douter de la crédibilité des filles lorsqu’elles s’expriment, en raison de préjugés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Le fait de discréditer la parole d’un groupe entier en raison de préjugés liés à leur identité est ce que la philosophe Miranda Fricker appelle <a href="https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780198237907.001.0001">l’injustice épistémique</a>.</p>
<p>Les adultes ont tendance à douter de la crédibilité des filles en raison de préjugés sur elles et leur façon de vivre leur enfance, qui est perçue comme étant une période de frivolité, d’amusement et d’émotivité.</p>
<h2>Prendre les filles au sérieux</h2>
<p>Pendant longtemps, l’enfance des filles – plus particulièrement celle des filles <a href="https://nyupress.org/9780814787083/racial-innocence/">blanches, de classe moyenne et supérieure, non handicapées</a> – a été perçue comme une période d’innocence, de <a href="https://www.peterlang.com/document/1109532">frivolité</a> et d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1469540518806954">amusement</a>.</p>
<p>La construction de l’identité des jeunes filles est liée aux attentes qu’on a à leur égard comme enfant et sujet genré. On attend des filles, en tant qu’enfants, qu’elles aient toujours les <a href="https://doi.org/10.1177/0907568218811484">yeux écarquillés d’émerveillement</a> devant le monde qui les entoure. En tant que sujets genrés, les filles sont en outre stéréotypées sur des aspects typiquement associés à la féminité, tels que l’<a href="http://dx.doi.org/10.1037/a0016821">émotivité</a>. <a href="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme réconforte une jeune fille" src="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsque les filles nous racontent ce qui se passe dans leur vie, nous devons les écouter et les prendre au sérieux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Dans un monde qui <a href="https://online.ucpress.edu/collabra/article/5/1/54/113043/Rationality-is-Gendered">oppose rationalité et émotivité</a>, la première étant considérée comme plus crédible que la seconde, les filles sont discréditées en raison de la façon dont on les perçoit.</p>
<p>Lorsque des jeunes filles racontent ce qui se passe dans leur vie, notamment si elles ont été victimes d’une agression sexuelle ou si elles ont des pensées suicidaires, ces préjugés sont particulièrement dangereux.</p>
<p>Pour améliorer la vie des filles au Canada et ailleurs, il faut d’abord réfléchir de manière critique à ce qui fait en sorte que l’on a tendance à ignorer et à invalider leurs préoccupations. Remettre en question nos préjugés sur la crédibilité des filles est une première étape essentielle de ce processus.</p>
<p>Pour ce qui est de la crise que vivent les jeunes filles, celles-ci nous indiquent clairement la voie à suivre. Dans mon travail communautaire, des filles m’ont dit se sentir davantage soutenues par les adultes lorsqu’elles <a href="https://www.womenscentrecalgary.org/wp-content/uploads/2020/03/Girls-Lead-YYC-1.pdf">étaient écoutées et qu’elles avaient le sentiment d’être entendues</a>. Dans l’article du <em>Washington Post</em>, les filles ont demandé aux adultes de <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/17/teen-girls-mental-health-crisis/">« cesser de percevoir leurs préoccupations comme de la dramatisation »</a>.</p>
<p>Les filles veulent – et ont besoin – d’être écoutées et prises au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206179/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexe Bernier est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour sa recherche doctorale.</span></em></p>La santé mentale des jeunes filles est précaire. Normes de beauté irréalistes et pression des médiaux sociaux sont en cause, mais aussi, le fait qu’elles ne sont écoutées ou prises au sérieux.Alexe Bernier, PhD Candidate, Department of Social Work, McMaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048372023-05-04T14:35:17Z2023-05-04T14:35:17Z« Controverses » : Fin de vie, la sienne et celle des autres, quels enjeux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526263/original/file-20230515-19465-2cm6t6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">file bbmx i</span> </figcaption></figure><hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
<p><em>Notre première série sur la « fin de vie » s’inscrit dans les débats qui agitent en ce moment la convention citoyenne. Derrière cette expression et son éventuel prolongement législatif, des propositions – suicide assisté, euthanasie, mort choisie – mais aussi des réalités difficiles à appréhender comme celle de la souffrance morale des personnes âgées.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/faire-evoluer-les-conditions-de-la-fin-de-vie-prenons-le-temps-dy-travailler-202563">Faire évoluer les conditions de la fin de vie ? Prenons le temps d’y travailler</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Brouillard dense au dessus d'un lac" src="https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=318%2C98%2C3329%2C2109&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants paraissent avoir trouvé un accord.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f7/photo/46647089662/d6ff525dd9/">Spodzone / Visualhunt</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même si le droit à la fin de vie devenait une réalité juridique, d’autres défis à son application demeurent. Focus sur les directives anticipées : pourquoi sont-elles peu opérantes ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-penser-la-mort-en-france-200562">Comment penser la mort en France ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vision flou" src="https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C26%2C3583%2C2365&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517160/original/file-20230323-18-k6xiol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En France, pour le moment, il n'y a pas en de vision commune qui soit structurée culturellement, sur le sujet de la fin de vie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/b7et_H9nvdQ">Jr Korpa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les débats autour de l’aide active à mourir ouvrent une discussion plus large sur la mort.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-clause-de-conscience-chez-les-professionnels-de-sante-quelle-application-pour-la-fin-de-vie-199427">La clause de conscience chez les professionnels de santé : quelle application pour la fin de vie ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une silhouette floue se déplace dans une image fragmentée, en noir et blanc" src="https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C21%2C2385%2C1573&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510415/original/file-20230215-24-29tob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour le personnel soignant, contribuer à donner la mort volontairement peut être éthiquement compliqué.</span>
<span class="attribution"><span class="source">David Werbrouck/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Dans le débat sur la fin de vie, ceux qui seraient amenés à mettre en œuvre l'aide active à mourir ne doivent pas être oubliés. Une clause de conscience spécifique pourrait-elle être instaurée ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-question-de-la-grande-vieillesse-bouscule-le-debat-sur-la-fin-de-vie-198000">Comment la question de la grande vieillesse bouscule le débat sur la fin de vie</a></h2>
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<img alt="Une silhouette floue qui représente la douleur de l'absence" src="https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C3594%2C2344&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La question de la grande vieillesse et de ses conséquences sont soulèvent aujourd’hui des questions spécifiques relatifs au débat sur le suicide assisté dans notre société.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/5EnSN65bnxg">Jr Korpa/Unsplash</a></span>
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<p>Questionner l’accompagnement de la fin de la vie et non de « la fin de vie » prend toute sa place dans les débats sur le suicide assisté.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204837/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Notre première série sur la « fin de vie » s’inscrit dans les débats qui agitent en ce moment la convention citoyenne. Derrière cette expression et son éventuel prolongement législatif, des propositions – suicide assisté, euthanasie, mort choisie – mais aussi des réalités difficiles à appréhender comme celle de la souffrance morale des personnes âgées.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025632023-04-02T16:05:56Z2023-04-02T16:05:56ZFaire évoluer les conditions de la fin de vie ? Prenons le temps d’y travailler<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518721/original/file-20230331-18-bbmx2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=318%2C98%2C3329%2C2109&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants paraissent avoir trouvé un accord.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f7/photo/46647089662/d6ff525dd9/">Spodzone / Visualhunt</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://conventioncitoyennesurlafindevie.lecese.fr">convention citoyenne sur la fin de vie</a>, organisée par le Conseil économique, social et environnemental, a rendu son rapport au gouvernement après quatre mois d’échanges, de réflexions et de votes. Les citoyens et citoyennes sélectionnés étaient invités à éclairer les pouvoirs publics sur la question de l’accompagnement de la fin de vie et sont prononcés en faveur d’une aide active à mourir.</p>
<p>Ce sujet extrêmement sensible, qui renvoie chaque personne à sa propre vulnérabilité, convoque des dimensions <a href="https://theconversation.com/patients-en-etat-vegetatif-ou-commence-lobstination-deraisonnable-dans-les-soins-93825">médicales</a>, <a href="https://theconversation.com/comment-penser-la-mort-en-france-200562">sociétales</a>, <a href="https://theconversation.com/fin-de-vie-plutot-que-des-directives-anticipees-parlons-de-directives-concertees-194573">juridiques</a>, <a href="https://theconversation.com/la-clause-de-conscience-chez-les-professionnels-de-sante-quelle-application-pour-la-fin-de-vie-199427">éthiques</a>, <a href="https://theconversation.com/il-faut-savoir-parler-de-la-mort-avant-de-finir-sa-vie-125965">philosophiques</a> et, bien entendu, <a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-dirige-t-on-vers-une-legalisation-de-leuthanasie-en-france-190414">politiques</a>.</p>
<p>C’est d’ailleurs le sens de cette convention décidée en haut lieu : citoyens, citoyennes, faut-il faire évoluer la loi ?</p>
<h2>Les limites des souhaits pour la fin de vie</h2>
<p>La législation sur la fin de vie en France a su se réinventer depuis les premiers jalons posés par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000212121/">loi Kouchner de 1999</a> qui garantissait l’accès aux soins palliatifs. La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000446240/">loi Leonetti de 2005</a>, puis la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253">loi Claeys-Leonetti de 2016</a> ont ouvert des droits pour les personnes en fin de vie. Au-delà de l’arrêt des traitements, elles cadrent la désignation d’une <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32748">personne de confiance</a> et la rédaction des <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010">directives anticipées</a>, déclaration écrite qui peut être faite par toute personne majeure pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie.</p>
<p>Ces dispositions sont vues comme des moyens efficaces de lever les incertitudes liées aux conditions de la fin de vie. Au moment de leurs votes, elles ont été unanimement saluées. Pourtant, elles sont peu opérantes.</p>
<p>Une équipe de chercheurs a analysé la capacité des personnes de confiance à prendre des décisions correspondant au désir de leur proche. En se basant sur près de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/409986">20 000 paires de réponses patient-personne de confiance</a> sur des scénarios hypothétiques de fin de vie, ils sont arrivés à une conclusion préoccupante : dans un tiers des cas, la personne de confiance se trompe sur la préférence de traitement de son proche et ne prend pas la décision que celui-ci souhaiterait.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
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<p>Plus alarmant encore : ce chiffre reste le même lorsque des discussions sur ces questions ont déjà eu lieu. En effet, les personnes de confiance peuvent faire primer leurs propres valeurs sur celles de leurs proches. En l’absence de directives anticipées claires, la désignation d’une personne de confiance ne serait pas efficace dans les pratiques actuelles.</p>
<p>Or, les individus ont des difficultés à exprimer clairement leurs avis sur la fin de vie. Les personnes les plus âgées peuvent particulièrement apporter un éclairage sur ce point. Si la mort semble de plus en plus éloignée de nos vies quotidiennes, elle prend une importance particulière <a href="https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2018/09/Rapport-Fin-de-vie-des-personnes-a%CC%82ge%CC%81es.pdf">avec l’avancée en âge</a>.</p>
<p>Pourtant, demander à une personne âgée de prendre une décision sur sa fin de vie n’est pas pour autant facile, y compris lorsque la famille et les personnels soignants <a href="https://journals.openedition.org/revdh/8967">paraissent avoir trouvé un accord</a>. Elles peuvent en particulier être confrontées à des dilemmes moraux : faut-il envisager de ne pas avoir sa vie prolongée dans certaines conditions ? Est-il possible d’accepter de laisser d’autres décider pour soi s’il n’est plus possible de s’exprimer ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-question-de-la-grande-vieillesse-bouscule-le-debat-sur-la-fin-de-vie-198000">Comment la question de la grande vieillesse bouscule le débat sur la fin de vie</a>
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<p>La question est particulièrement complexe dans le cas des personnes âgées qui vivent en institution. Celles-ci peuvent se voir limitées dans l’expression de choix aussi importants que ceux qui vont définir leurs derniers moments d’existence – en raison de leur état de santé, parce que toutes leurs <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2023/01/residents-accueillis-en-ehpad-les-5-points-dalerte-de-la-defenseure">libertés ne sont pas respectées</a>, ou parce qu’on ne leur pose simplement pas la question. <a href="https://academic.oup.com/ageing/article/45/3/395s/1739764">Selon une étude menée en 2013-2014 au sein de 78 maisons de retraite en France</a>, les questions relatives à la fin de vie ont été abordées avec au maximum 21,7 % des résidents. Dans 32,8 % des cas, aucune discussion sur les questions relatives à la fin de vie n’a jamais eu lieu, que ce soit avec le résident ou avec les proches. C’est un paradoxe, si on pense que ces lieux d’hébergement sont aussi d’<a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2005-1-page-49.htm">ultimes lieux de vie</a>.</p>
<h2>Une difficile application des directives anticipées</h2>
<p>Dans une autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277953603005410">étude exploratoire</a>, des chercheurs en santé britanniques ont mis en évidence les <a href="https://theconversation.com/et-si-les-drogues-psychedeliques-pouvaient-revolutionner-votre-fin-de-vie-108374">inquiétudes</a> des personnes âgées lorsqu’il leur est demandé de penser aux soins palliatifs et à l’euthanasie (et en particulier aux conditions de leurs mises en œuvre). Ainsi, même si des directives anticipées ont été rédigées en prévision d’hypothétiques difficultés à venir, les personnes âgées ne seront pas nécessairement capables d’y adhérer lorsqu’elles seront réellement confrontées à la fin de leur existence.</p>
<p>Rédiger des directives anticipées n’est pas tout. Encore faut-il être accompagné pour choisir si elles correspondent encore à une conception existentielle qui a pu évoluer, notamment dans ces moments difficiles. Les bénéfices des directives anticipées sont limités <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0116629">par les difficultés des systèmes de santé à intégrer l’expression des choix des patients</a> dans les pratiques de soins, notamment quand l’organisation du travail est complexe, soumise à des contraintes de temps et chargées émotionnellement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-clause-de-conscience-chez-les-professionnels-de-sante-quelle-application-pour-la-fin-de-vie-199427">La clause de conscience chez les professionnels de santé : quelle application pour la fin de vie ?</a>
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<p>On le comprend : prendre en compte des directives anticipées sur les conditions de la fin de vie implique de donner une place à des échanges qui prennent en compte les choix existentiels de tous. Il est nécessaire de reconnaître une expertise aux patients, même les plus âgés <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000227015/">qui sont aptes à dire pour eux-mêmes ce qui est le plus adapté</a>. Sont également centraux les enjeux éthiques associés à des situations cliniques souvent complexes, avec des professionnels formés, qui doivent pouvoir être disponibles.</p>
<h2>Dépasser les limites actuelles ?</h2>
<p>La convention citoyenne qui vient de se terminer propose d’aller plus loin que les dispositions actuelles. À une large majorité, elle a voté pour l’introduction dans la loi de la notion d’aide active à mourir dans le cadre d’un parcours d’accompagnement et de coordination avec les soins palliatifs.</p>
<p>C’est là que le bât blesse et que se pose la question d’une réelle volonté politique de faire évoluer le cadre législatif de la fin de vie, étant donné l’état du système de santé français. Il est étonnant de constater que l’<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-sociales/missions-information/nouveaux-droits-en-faveur-des-malades-et-des-personnes-en-fin-de-vie">évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016</a> se soit déroulée en même temps que la convention citoyenne : une évaluation préalable aurait certainement été bénéfique pour la qualité des travaux de la convention.</p>
<p>La Haute autorité de santé a toutefois donné <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3151633/fr/sedation-profonde-jusqu-au-deces-une-decision-collegiale">quelques éléments de cadrage en 2020</a>.Elle précise que la loi Claeys-Leonetti n’est pas suffisamment appliquée par les professionnels de santé : une <a href="https://www.senat.fr/rap/l20-402/l20-402.html">amélioration est nécessaire</a> dans le dialogue entre les professionnels de santé et les patients, même les plus âgés. Des progrès sont également nécessaires dans l’accompagnement de ces derniers et de leurs proches.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-penser-la-mort-en-france-200562">Comment penser la mort en France ?</a>
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<p>Ensuite, les décideurs vont-ils introduire l’aide active à mourir alors que le système de soins palliatifs <a href="https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2020/10/atlas_2020.pdf">est critiqué</a> pour son aspect inégalitaire (26 départements n’ont pas d’unités de soins palliatifs) et plus largement pour un <a href="https://www.parlons-fin-de-vie.fr/wp-content/uploads/2020/10/atlas_2020.pdf">manque de moyens évidents</a> ?</p>
<p>Les pratiques actuelles, sous-dimensionnées, ne sont pas satisfaisantes et procèdent d’une tendance à penser les dispositifs sans tenir compte de la variété des expériences. Contrairement à certains présupposés, toutes les personnes en fin de vie <a href="https://bmcgeriatr.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12877-017-0648-4">ne souhaitent pas nécessairement décéder à leur domicile</a>. Les attentes sur les conditions de la fin de vie ne sont pas uniformes. Certains besoins essentiels, qui nécessitent la mise en place d’un accompagnement spécifique, peuvent être selon les situations incompatibles avec un trépas à domicile.</p>
<p>Les propositions de la convention citoyenne font face à une réalité complexe et encore mal appréhendée. Les difficultés autour des directives anticipées ne sont qu’une question parmi bien d’autres.</p>
<p>Face à ces constats, il paraît légitime de se poser la question d’une réelle volonté politique d’introduire la notion d’aide à mourir dans la loi, évolution jusqu’à présent refusée. De nombreuses questions demeurent et un état des lieux de la fin de vie préalable à la convention aurait permis de contribuer à des évolutions souhaitées. Une telle avancée demanderait de revoir en profondeur un système de santé en souffrance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202563/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Alvarez est administrateur de la SARAG (Société Auvergne Rhône Alpes de Gérontologie).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Monfort est vice-président de la Société Auvergne Rhône Alpes de Gérontologie</span></em></p>Même si le droit à la fin de vie devenait une réalité juridique, d’autres défis à son application demeurent. Focus sur les directives anticipées : pourquoi sont-elles peu opérantes ?Stéphane Alvarez, Maitre de conférences en sociologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Emmanuel Monfort, Maître de conférences en Psychologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1915432022-09-30T11:18:57Z2022-09-30T11:18:57ZVerdict France Télécom : une nouvelle « logique de l’honneur » en entreprise ?<p>Ce vendredi 30 septembre, la cour d’appel de Paris a rendu un verdict particulièrement attendu dans le procès des dirigeants de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/france-telecom-71183">France Télécom</a> pour <a href="https://theconversation.com/fr/topics/harcelement-moral-71371">harcèlement moral</a> après une vague de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/suicide-36096">suicides</a> de salariés chez l’opérateur dans les années 2000.</p>
<p>La cour <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/09/30/harcelement-moral-a-france-telecom-peine-allegee-en-appel-pour-l-ex-pdg-didier-lombard_6143819_3224.html">a réduit les peines prononcées en première instance</a>. L’ex-PDG Didier Lombard, aujourd’hui âgé de 80 ans, et l’ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès ont chacun ainsi écopé d’un an de prison avec sursis (contre une peine de prison ferme avec quatre mois de sursis en première instance), assorti de 15 000 euros d’amende. Deux autres prévenus ont également été sanctionnés moins lourdement en appel qu’à l’issue du premier procès.</p>
<p>Non seulement le verdict, mais aussi les comportements, notamment émotionnels, des principaux prévenus, en particulier de l’ex-PDG, se sont distingués de ceux observés dans le précédent procès. Et ces changements individuels pourraient en entrainer d’autres, plus systémiques, dans les entreprises françaises, comme nous allons le voir.</p>
<p>Comme cela fut observé par plusieurs journalistes, ce ne sont pas des larmes furtives, mais des <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/proces-france-telecom-decision-le-30-septembre-1771661">« sanglots » qui sonnèrent la fin des audiences de ce procès</a>. Le haut fonctionnaire et président d’entreprise Didier Lombard semblait avoir donc fendu l’armure, en dévoilant, volontairement ou non, sa part de fragilité. La figure hiératique, droite dans son costume-cravate, masquant ses émotions, s’est alors effacée, un moment, derrière le visage d’un être qui montre son désarroi face à un drame humain massif. Les ex-dirigeants, accusés de « harcèlement moral institutionnel », ont paru, enfin, clairement exprimer leur désarroi, et leur préoccupation pour les victimes parmi les employés et cadres du groupe.</p>
<p>Cette attitude observée à la fin des audiences du procès en appel tranche avec la position de la défense lors de la première audience. Celle-ci s’était ouverte avec l’image de <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/05/12/a-l-ouverture-du-proces-en-appel-de-france-telecom-des-prevenus-en-colere_6125708_3224.html">prévenus en colère</a>. Le premier jour, Didier Lombard s’était dit « profondément blessé » par les attendus du jugement » ; son bras droit, Louis-Pierre Wenès, déclara que le jugement l’a tellement rempli de colère et d’émotion » qu’« il lui a fallu des semaines pour pouvoir le lire ». Le jugement de première instance, pourtant, soulignait « les qualités humaines, d’écoute, de respect, d’échanges dont sont indiscutablement pourvus les prévenus et dont ils ont témoigné au cours de leur parcours professionnel ».</p>
<p>C’est l’un des faits marquants de ce procès d’appel : les ex-dirigeants ont exprimé leurs émotions avec beaucoup plus de liberté que pendant la première audience.</p>
<p>Mais il nous faut aussi essayer de comprendre pourquoi et comment les prévenus ont pu passer de l’expression de leur indignation face à leur situation individuelle, à l’expression appuyée de compassion devant une souffrance collective au travail. Et des implications possibles, à terme, de ce changement pour les entreprises.</p>
<h2>Des droits et devoirs liés au statut</h2>
<p>Lors du premier procès, les prévenus ont paru parfois peu ouverts. Selon le réquisitoire, « la seule chose qu’ils veulent entendre, c’est que leur action était <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/flash/proces-france-telecom-quoi-ca-sert-d-etre-chef-si-vous-n-assumez-rien#.YzVm9C8RpQI">indispensable au sauvetage de l’entreprise</a> ». L’ancien PDG soutenait ainsi que les dégâts sociaux et humains du plan qu’il avait conçu avec ses collaborateurs étaient dus à une « rupture, à un moment donné, dans la chaîne hiérarchique ». Autrement dit, il n’aurait fait que son devoir, alors que certains de ses collaborateurs y auraient failli.</p>
<p>Plus généralement, la logique de justification des dirigeants français, bien longtemps avant les faits reprochés aux anciens dirigeants de France Télécom, avait été décrite par le sociologue des organisations Philippe d’Iribarne, dans une vaste étude comparative internationale. Il l’a appelée « <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-logique-de-l-honneur-gestion-des-entreprises-et-traditions-nationales-philippe-d-iribarne/9782020107099">logique de l’honneur</a> ». Selon cette logique, les dirigeants français justifient leurs comportements par les droits et les devoirs qu’ils attribuent à leur statut.</p>
<p>Ce modèle a été utilisé pour tenter de comprendre et prévoir le comportement des cadres français dans de nombreuses recherches en sciences de gestion, dont une de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ncmr.12103">nos études académiques portant sur l’interculturalité</a>, où nous analysons les perceptions mutuelles des comportements des négociateurs latino-américains et français. Nous avons relevé dans nos entretiens et analyses que l’attitude des négociateurs français était parfois perçue par leurs interlocuteurs comme des marques d’intransigeance, voire d’« arrogance » (sic). Ce qui rejoint, à propos des ex-dirigeants de France Télécom, les mots cinglants de la procureure : « <a href="https://www.dalloz-actualite.fr/flash/proces-france-telecom-quoi-ca-sert-d-etre-chef-si-vous-n-assumez-rien#.YzVm9C8RpQI">ils ont l’exaltation de ceux qui détiennent la vérité</a> ».</p>
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<p>Les émotions, dans cette « logique de l’honneur », ne sont pas absentes, mais sont souvent retenues, contenues. Par exemple, Napoléon Bonaparte écrivait à Frédéric VI, à propos de la meurtrière campagne de Russie : <a href="https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/articles/correspondance-generale-de-napoleon-bonaparte-tome-13-le-commencement-de-la-fin-janvier-juin-1813-introduction-au-volume/">« mes pertes sont réelles, mais l’ennemi ne peut s’en attribuer l’honneur »</a>. De même, pendant le premier procès de l’opérateur, l’attitude et le comportement des prévenus, dans l’ensemble, firent transparaître peu d’empathie. Dans cette vision de la « logique de l’honneur », le dirigeant, comme l’ex-PDG de France Télécom, se doit avant tout d’être, selon l’expression utilisée jadis par un premier ministre français face à de longues grèves, « droit dans ses bottes ».</p>
<p>Suivant cette « logique de l’honneur », être accusé d’avoir négligé un devoir sonne comme un lourd reproche, qui peut libérer des émotions fortes, et des sentiments d’indignation. Ainsi s’expliquerait, comme relevé par les juges, que, même en première instance, « les prévenus […] ont même manifesté un <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/harcelement-moral-a-france-telecom-debut-du-proces-en-appel-des-anciens-dirigeants_812767.">profond sentiment d’incompréhension, voire d’injustice</a> ».</p>
<p>Cette colère n’a probablement pas été apaisée par le jugement qui suivit, qui condamna l’ancien PDG et son bras droit à des peines de prison ferme ainsi qu’à des amendes. Ce sentiment d’incompréhension explique peut-être, pourquoi, à la différence de l’entreprise jugée et – condamnée – comme personne morale (Orange – ex. France Télécom), les ex-dirigeants ont souhaité tous faire appel (seul l’un d’eux s’est par la suite désisté). Selon le mot d’un conseil d’un prévenu, son client entendait « contester le jugement rendu (en première instance) <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/harcelement-moral-a-france-telecom-debut-du-proces-en-appel-des-anciens-dirigeants_812767.">dans toutes ses composantes</a> ».</p>
<h2>Un renouvellement de la « logique de l’honneur » ?</h2>
<p>Sur le fond, pendant ce second procès, les arguments des parties en présence n’ont pas beaucoup changé par rapport au premier procès. La défense a fait valoir une approche étroite de la « logique de l’honneur » que les dirigeants voulaient sauver l’entreprise, qu’ils n’avaient pas eu l’intention de nuire aux salariés, et n’avaient pas été impliqués personnellement dans les pratiques de harcèlement. Ce qui a été d’ailleurs reconnu par le jugement de première instance.</p>
<p>De leur côté, les procureurs ont argumenté que lorsqu’il est établi que des pratiques de harcèlement découlent directement de la stratégie de l’entreprise, les auteurs de cette stratégie – à savoir les dirigeants – en demeurent responsables. Quand bien même les personnes harcelées sont séparées des dirigeants par plusieurs niveaux hiérarchiques. En effet, selon l’avocat général, la politique de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> fut fixée « en <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/harcelement-moral-a-france-telecom-des-peines-alourdies-requises-au-proces-en-appel-20220624">haut de façon quasi militaire</a> et déclinée à tous les niveaux de la hiérarchie ».</p>
<p>Ce matin, la cour d’appel a eu, sur les faits, la même lecture que les juges en première instance, qui avaient estimé que la fin (sauver l’entreprise) ne peut justifier le moyen invoqué (la création d’un climat anxiogène). Ce jugement d’appel confirme donc la nouvelle notion de « harcèlement moral institutionnel » et la possibilité de condamner une stratégie d’entreprise, et ceux qui l’ont conçue et appliquée. Comme le précédent jugement, il sonne donc comme une charge contre une vision étriquée de la « logique de l’honneur », et sous-entend qu'elle doit inclure aussi une préoccupation pour le bien-être des personnes qui travaillent dans l’entreprise.</p>
<p>Dans ce procès en appel, les marques d’empathie observées finalement chez les prévenus, qui avaient paru longtemps engoncés dans une étroite « logique de l’honneur », les ont rendus, enfin, plus proches de la base de leur ancienne organisation, et de celles et ceux qui y travaillaient. Bien sûr, nous ne savons pas dans quelle mesure l’allègement des peines en appel est lié à la perception de changements d’attitudes et de comportements émanant des prévenus pendant le second procès, en particulier de l’ancien PDG de l’entreprise.</p>
<p>Mais surtout, au terme de ce second procès, semble émerger une vision plus empathique et inclusive de la « logique de l’honneur » que celle qui anime traditionnellement les dirigeants français. Cette approche de l’honneur, certainement, est plus satisfaisante, tant pour les entreprises et les personnes dont ils ont la responsabilité, que pour la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Fosse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement au premier procès, les ex-dirigeants en poste au moment de la vague de suicides dans les années 2000 ont montré leurs émotions devant la cour d’appel.Sébastien Fosse, Professeur de comportement organisationnel et de responsabilité sociétale, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1860072022-07-03T17:09:52Z2022-07-03T17:09:52ZUne enquête nationale révèle l’état de santé mentale préoccupant des étudiants en médecine<p><a href="https://lactualite.com/sante-et-science/guerir-parfois-soulager-souvent-soigner-toujours/">« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours. »</a> Cet adage bien connu des médecins illustre la réalité de leur métier : une confrontation quotidienne à des situations difficiles, à la maladie, à l’impuissance parfois et à la mort… Et si <a href="https://www.babelio.com/livres/Balint-Le-medecin-son-malade-et-la-maladie/37106.">« le premier médicament du médecin, c’est le médecin lui-même »</a>, il peut arriver qu’il soit lui aussi touché – d’autant plus dans le contexte actuel de pénurie et de grandes tensions du système de santé.</p>
<p>Ces difficultés qui semblent systémiques affectent tout particulièrement les usagers, mais les soignants ne sont pas épargnés pour autant. Les difficultés et le sentiment d’épuisement peuvent alors être majorés, en particulier chez les étudiants et les jeunes médecins, qui se trouvent en position de devoir compenser les failles du système au côté des autres professionnels de santé.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/epuisement-depression-suicide-comment-proteger-les-etudiants-en-medecine-79720">La question de la santé mentale des étudiants en médecine</a> a été mise sur le devant de la scène avec la publication d’une méta-analyse en 2016 dans la prestigieuse revue JAMA. Cette étude a compilé les données de près de 200 publications et a estimé que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27923088/">27 % des étudiants en médecine souffraient de symptômes dépressifs et 11 % d’idées suicidaires</a>. Elle a également mis en évidence le <a href="https://www.cairn-int.info/article-E_SPUB_145_0613--alcohol-tobacco-cannabis-anxiety-and.htm">manque de données françaises sur la question</a>, puisqu’il n’y avait qu’une seule étude française, parue en 2014.</p>
<h2>Des données françaises inquiétantes</h2>
<p>En réaction, les associations d’étudiants en médecine français <a href="https://www.anemf.org/">ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France)</a>, <a href="https://www.isnar-img.com">ISNAR-IMG (Inter syndicale nationale autonome représentative des Iinternes de médecine générale)</a> et l’<a href="https://isni.fr/">ISNI (Inter syndicale nationale des internes)</a>, en lien avec l’<a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/conditions-de-travail/lisncca-devient-les-jeunes-medecins">ISNCCA (l’Inter syndicat national des chefs de clinique assistant, désormais renommé « Jeunes médecins »)</a> ont réalisé une enquête en 2017. Cette dernière a retrouvé la <a href="https://www.anemf.org/blog/2017/06/13/enquete-sante-mentale-des-jeunes-medecins-2">présence de symptômes anxieux chez 62 % des étudiants, de symptômes dépressifs chez 28 % des étudiants et des idées suicidaires chez 23 %</a>. Nécessaire, cette enquête présentait des <a href="http://theconversation.com/pourquoi-la-souffrance-psychologique-des-etudiants-est-difficile-a-apprehender-149590">limites méthodologiques que nous avons déjà discutées</a>.</p>
<p>À sa suite, les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont commandé un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/sante/article/rapport-du-dr-donata-marra-sur-la-qualite-de-vie-des-etudiants-en-sante">rapport au Dr Marra (psychiatre accompagnant des étudiants depuis plus de 15 ans à l’université Paris Sorbonne puis à l’université de Créteil)</a>, paru en 2018, et qui a conduit à la création du <a href="https://cna-sante.fr/">Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA)</a> présidé par cette spécialiste jusqu’en 2021.</p>
<p>Pour autant, la situation des étudiants et jeunes médecins continue d’être inquiétante. Ainsi une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700620301640">étude de 2019</a> a retrouvé que 93,7 % d’entre eux « ont rapporté avoir été exposés au moins une fois à des violences hospitalières et 41,7 % à du harcèlement moral. Près de 80 % des internes et jeunes chefs déclarent travailler plus de 48 heures par semaine ». Par ailleurs, le taux suicide chez les internes, estimé à partir des suicides recensés par les médias, était le <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-sante-mentale-des-etudiants-en-medecine">triple de celui de la population générale</a> du même âge (33 pour 100 000 versus 11 pour 100 000 chez les 25-34 ans). Cependant il n’existe pas de données fiables sur le sujet.</p>
<p>La pandémie a conduit à un nouveau coup de projecteur sur la situation préoccupante de la santé mentale des futurs médecins. En fragilisant un système de soin sous vives tensions, la crise sanitaire est venue relever des souffrances dans un contexte où le mal-être des étudiants en médecine semblait déjà fréquent. Le <a href="https://cna-sante.fr/alerte-et-propositions-du-28-janvier-2021">CNA, en plus de ses missions de formation, de recherche, d’animation d’un réseau national et d’accompagnement des étudiants, a alerté à plusieurs reprises les autorités</a> sur le sujet et a émis des recommandations qui n’ont pas encore été suivies.</p>
<h2>Une enquête sur la santé mentale des étudiants en médecine en 2021</h2>
<p>Dans ce contexte difficile, les associations étudiantes (ANEMF, ISNAR-IMG et ISNI) ont décidé fin 2020 de produire une nouvelle enquête sur la santé mentale des étudiants en médecine et jeunes médecins. Cette enquête a eu lieu du 17 mai au 27 juin 2021, avec le soutien de la conférence des doyens de médecine de France. Les <a href="https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/sante-mentale-des-jeunes-medecins-quelles-propositions-pour-venir-en-aide-aux-etudiants-en">résultats ont été présentés lors d’un colloque à l’Assemblée nationale en octobre 2021</a>] et ont donné lieu à une publication dans une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/inserm-03684443/">revue scientifique en mars 2022</a>.</p>
<p>Le questionnaire comportait plusieurs outils validés de la littérature scientifique permettant de mesurer la présence de symptômes dépressifs ou anxieux au moment de l’enquête, d’un épisode dépressif caractérisé dans les 12 derniers mois et la présence d’un syndrome d’épuisement professionnel (burnout).</p>
<p>Le <a href="https://spssi.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-4560.1974.tb00706.x">burnout est un syndrome décrit par le psychiatre Freundenberg en 1974</a> à propos de l’épuisement professionnel des soignants. Il a par la suite été popularisé par la psychologue Maslach qui a développé une échelle de burnout (<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/job.4030020205">Maslach Burnout Index, MBI</a>) comprenant trois sous-échelles : pour l'épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et l'accomplissement personnel). Le MBI a ensuite été adapté pour différentes populations.</p>
<p>Dans l’enquête, la <a href="https://www.dovepress.com/burnout-and-associated-factors-among-medical-students-in-a-public-univ-peer-reviewed-fulltext-article-AMEP">version étudiante du MBI</a> a été utilisée pour les deuxième et troisième années et la <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2702871">version soignante</a> pour les autres étudiants (externes et internes). La présence d’idées suicidaires sur les 12 derniers mois ainsi que l’humiliation ou des violences sexistes et sexuelles (VSS) pendant les études ont également été évaluées. Environ 12 000 étudiants ont répondu, soit 15 % de l’ensemble des étudiants en médecine de France. Les constats de cette étude sont particulièrement inquiétants.</p>
<p>Tout d’abord, en comparaison avec l’enquête de 2017, 75 % des étudiants avaient des symptômes anxieux sur les sept derniers jours (+13 %) et 39 % des symptômes dépressifs (+11 %). Ensuite, un étudiant ou jeune médecin sur quatre a souffert d’une dépression au cours de l’année et près d’un étudiant sur cinq a eu des idées suicidaires. À partir de la quatrième année, lorsque les étudiants se retrouvent immergés dans le système hospitalier, deux futurs médecins sur trois sont en burnout.</p>
<p>L’exposition à différentes formes de violences dans le milieu hospitalier interroge : un étudiant sur quatre déclare avoir été victime d’humiliation ou de harcèlement sexuel, et 4 % des futurs médecins ont subi une agression sexuelle, dans la majorité des cas à l’hôpital ! Enfin, en ce qui concerne les conditions de travail, plus de la moitié des internes déclarent travailler plus de 50h par semaine, alors même le maximum légal est de 48h.</p>
<h2>Un enjeu de santé publique</h2>
<p>La problématique étant ancienne, de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700619302738?via%3Dihub">nombreux travaux ont été consacrés aux solutions possibles</a>. Le CNA avait notamment pour but de contribuer aux modifications institutionnelles et au <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/lancement-du-centre-national-d-appui-la-qualite-de-vie-des-etudiants-en-sante-49230">développement de structures d’aide aux étudiants dans chaque faculté de médecine</a>. Il proposait des recommandations pour élaborer des mesures d’accompagnement et de prévention en matière de santé mentale des étudiants en santé.</p>
<p>Suite au contexte, le <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/suppression-du-cna-une-decision-inattendue-mais-pas-tout-a-fait-definitive.html">gouvernement a décidé de « faire évoluer » le CNA</a> en un organe sous la double tutelle de directions générales des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé dans le cadre du plan national contre les violences sexistes et sexuelles.</p>
<p>On peut d’ores et déjà interroger le glissement sémantique d’une préoccupation pour la « qualité de vie » des futurs soignants à celle de la lutte contre les « violences sexistes et sexuelles » qui, si elle est indispensable, ne constitue qu’un aspect des multiples risques psychosociaux qui menacent la qualité de vie des étudiants en santé. Et si l’<a href="http://www.ove-national.education.fr/publication/ove-infos-n43-etre-etudiant-en-2020-entre-incertitudes-et-fragilites">institutionnalisation des missions de l’ancien CNA et son élargissement de fait à l’ensemble des étudiants est louable</a>, juste et nécessaire, il n’en demeure pas moins que les étudiants en santé présentent des problématiques spécifiques en lien avec les difficultés du système de santé. </p>
<p>Les <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/suppression-du-cna-une-decision-inattendue-mais-pas-tout-a-fait-definitive.html">questions relatives à la santé mentale des soignants ne sont ainsi plus traitées</a>.</p>
<p>L’étude de 2021 retrouve un certain nombre des facteurs associés au risque de dépression en lien avec l’environnement hospitalier sur lesquels il est possible d’agir : la précarité financière, le temps de travail excessif, l’exposition à des violences notamment sexistes et sexuelles… La plupart de ces revendications ont été déjà formulées par l’ANEMF, l’ISNI et l’ISNAR-IMG.</p>
<h2>Un problème qui s’aggrave ?</h2>
<p>Au travers de ces deux enquêtes en 2017 et en 2021, la question de l’aggravation de la santé mentale des futurs médecins se pose et nous espérons que la prochaine étude nationale évaluera les actions mises en place pour améliorer le bien-être des étudiants en médecine. Néanmoins, agir n’implique pas de proposer n’importe quelle mesure sans réfléchir. Le sujet est complexe et doit prendre en compte tant les complexités du système que les spécificités des acteurs :</p>
<ul>
<li><p>Confidentialité (secret médical renforcé),</p></li>
<li><p>Tabou de la santé mentale chez les professionnels de santé,</p></li>
<li><p>Rapports de pouvoir entre enseignants et étudiants qui peuvent rendre la parole difficile,</p></li>
<li><p>Impact direct de la santé mentale des futurs soignants sur la qualité des soins,</p></li>
<li><p>Et, plus récemment encore, l’épineuse question du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/il-y-avait-de-l-argent-a-se-faire-le-business-des-surdoues_2151187.html">business autour de la prise en charge du mal-être, comme cela a été récemment décrit pour les enfants à haut potentiel</a>.</p></li>
</ul>
<p>En cela, toute action devrait faire l’objet d’une évaluation sur le long terme, afin de garantir l’efficacité de la mesure proposée et l’intérêt des étudiants.</p>
<p>Les solutions ne s’inventent pas <em>ex nihilo</em> mais émergent d’un <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/quel-hopital-en-2030">travail de réflexion en tenant compte de la globalité des problèmes</a>. Elles ne sauraient se résoudre à de simples revendications syndicales ou à des actions judiciaires légitimes. Ceux qui décident de mesures techniques ou de légiférer en réaction aux problèmes qui émergent dans l’actualité encourent parfois le risque d’être déconnectées de la complexité des situations, voire de promouvoir des actions sur quelques composantes du système. Sauf à démontrer que ces interventions ciblées sont suffisantes pour faire évoluer le système vers un état plus souhaitable, il convient d’être prudent et se rappeler de cet autre adage <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Los_Angeles_2013#R%C3%A9pliques_c%C3%A9l%C3%A8bres">« plus les choses changent, plus elles restent les mêmes »</a>.</p>
<p>Ces mesures de changement, nécessaires en l’état actuel, nécessitent des expertises multiples : psychologique, psychiatrique, technique, administrative, pédagogique, médicale et éthique et se doivent avant toute chose d’être, au service des patients, des étudiants, futurs médecins et, <em>in fine</em>, de la société.</p>
<hr>
<p><em>En complément : si vous éprouvez une souffrance psychique, vous pouvez <a href="https://3114.fr/">trouver des ressources et conseils</a> et contacter des professionnels en appelant le 3114.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariel Frajerman a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-17-CE37-003-01EPI jeune) et par l'Agence Régionale de Santé (contrat ARS 2020-10-37- FRAJERMAN) Ile de France. Il est actuellement employé par l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP). Ariel Frajerman a rédigé des rapports pour la fondation Jean Jaurès et a collaboré avec les associations d'étudiants en médecine (ANEMF, ISNAR IMG et ISNI) pour une étude scientifique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Franck Rolland a été membre du bureau national de l'ANEMF en 2018, et du bureau national de l'ISNI entre 2019 et Janvier 2022. Il a fait partie du comité de direction du CNA de 2019 à 2021.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yannick Morvan a reçu des financements de l'université Paris Nanterre, de l'Inserm, du GHU Paris Psychiatrie & Neurosciences, de la Fondation de France, de la Fondation Pierre Deniker. Yannick Morvan est ou a été membre de différentes organisations professionnelles et scientifiques de ou impliquant des psychologues (AEPU, AFTCC, AFRC, APA, APS, IdPsy, IEPA, FFPP, RESPPET, SFP). Il est également membre du collège scientifique de l’Observatoire National de la Vie Etudiante (OVE) et du comité de parrainage du congrès de l’Encéphale. Yannick Morvan est sollicité comme expert par le cabinet Ernst & Young et a collaboré avec les associations d'étudiants en médecine (ANEMF, ISNAR IMG et ISNI) pour une étude scientifique.</span></em></p>La question du mal-être étudiant fait l’actualité mais ne prend pas toujours en compte les spécificités du secteur médical. Une étude apporte enfin des données précises. Et elles sont inquiétantes.Ariel Frajerman, Md- PhD, medical psychiatrist at Hopital Kremlin-Bicêtre, InsermRolland Franck, Interne en psychiatrie, psychologue clinicien, doctorant en éthique médicale, InsermYannick Morvan, Maître de conférences en psychologie, psychologue clinicien, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1847842022-06-13T19:13:39Z2022-06-13T19:13:39ZLe lourd impact de l’épidémie de Covid sur la santé mentale des médecins libéraux en France<p>Dès le début de la pandémie de Covid-19 début 2020, des psychiatres ont alerté sur le risque d’augmentation de troubles psychiatriques. Très tôt, des études ont ainsi été réalisées chez les jeunes (<a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2784787">adolescents</a>, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2772154">étudiants</a> et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35221022/">étudiants en santé</a>), chez les soignants hospitaliers et également en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-covid-19">population générale</a>).</p>
<p>Mais, paradoxalement, peu d’études se sont intéressées aux médecins libéraux.</p>
<h2>Une souffrance qui précède la pandémie</h2>
<p>La souffrance psychologique des médecins libéraux est une problématique apparue et connue bien antérieurement à la récente pandémie. En effet, elle était déjà étudiée depuis au moins 20 ans, avec notamment les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19320224/">travaux du Dr Didier Truchot</a> et le rapport au Conseil National de l’Ordre des médecins du Dr Leopold en 20036. Avant la pandémie, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0165032718314873">prévalence du burn-out chez les médecins généralistes français était évaluée à 48 %</a> dans cette population.</p>
<p>Le burn-out des médecins est un problème de santé publique non seulement pour les médecins qui en souffrent, mais également pour leurs patients en raison des conséquences sur la qualité des soins délivrés : moins d’empathie, <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2773831">plus de risque d’erreurs médicales</a>… Ainsi, une étude sur des médecins généralistes anglais retrouvait une association entre une durée importante à réaliser des tâches administratives et un faible niveau de bien-être/haut niveau de burn-out qui était lui-même associé à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31015224/">risque plus important d’erreurs médicales</a>.</p>
<p>Une mauvaise santé mentale est aussi associée à une <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/9/2/e026048">élévation du désir d’arrêter d’exercer</a>. La souffrance psychologique des médecins pourrait donc être un facteur indirect aggravant la pénurie de professionnels.</p>
<p>En France, au 1<sup>er</sup> janvier 2021, les médecins libéraux représentaient 41,8 % des médecins actifs réguliers soit une baisse de 11 % par rapport à 2010. Cette aggravation de la pénurie de médecins libéraux a pour conséquence un accroissement de la charge de travail pour ceux qui restent. De plus, il y a un vieillissement des médecins : la <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/conseil-national-lordre/demographie-medicale">moitié ont plus de 60 ans contre seulement 30 % en 2010</a>.</p>
<p>Cela parait très inquiétant pour les années à venir, avec un taux de départ à la retraite qui sera élevé.</p>
<h2>La pandémie comme révélateur</h2>
<p>La pandémie mondiale a eu un impact sur la santé mentale des populations et a mis en lumière l’importance de ce sujet en population générale.</p>
<p>Dans un précédent article, nous avions expliqué les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-souffrance-psychologique-des-etudiants-est-difficile-a-apprehender-149590">problèmes liés aux modes de mesure et à la définition de la « Santé mentale »</a>. Dans ce nouveau texte, nous parlerons de symptômes dépressifs et anxieux, évalués par l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/351475396_Accuracy_of_the_Hospital_Anxiety_and_Depression_Scale_Depression_subscale_HADS-D_to_screen_for_major_depression_Systematic_review_and_individual_participant_data_meta-analysis">échelle HADS (hospitalisation and depression scale)</a> qui est validée en langue française et très utilisée dans le monde.</p>
<p>Nous aborderons également la question du burn-out, terme créé en 1974 pour désigner l’<a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Staff-burn-out-Freudenberger/c56e422412edc99ef1c616944d76b4b9304a35a5">épuisement professionnel des soignants</a> et depuis élargi à d’autres populations. Et nous traiterons de l’insomnie mesurée par l’index de sévérité du sommeil (ISI), une échelle de mesure reconnue et utilisée pour les études sur ce sujet dans le monde.</p>
<p>Durant la première vague, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32866409/">46,6 % des médecins travaillant dans les unités de réanimation et soins intensifs souffraient de symptômes anxieux, et 25 % de symptômes dépressifs (score HAD>7)</a> ; ils étaient <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34023323/">47,4 % et 30,8 % respectivement durant la seconde vague</a>.</p>
<p>La question de la souffrance des médecins libéraux pendant la pandémie a moins été étudiée probablement du fait que la problématique première était de trouver des lits d’aval pour les patients souffrant de symptômes sévères. Pendant la première vague, une étude retrouve <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7491419/">30,6 % de symptômes dépressifs chez des radiologues français</a> et une autre <a href="https://bmcprimcare.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12875-021-01382-3">49,6 % de sentiment d’anxiété chez des médecins généralistes</a>.</p>
<p>Notre étude a évalué la souffrance psychologique de 1992 médecins libéraux français, toutes spécialités confondues, dont <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03650486/">48 % de médecins généralistes, inscrits sur Doctolib, pendant la seconde vague (novembre 2020)</a>. 73 % des répondants avaient entre 30 et 60 ans et 25 % avaient plus de 60 ans ; 58 % étaient des femmes.</p>
<p>Nous avons repris les mêmes échelles que pour une étude réalisée sur les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31703985/">médecins hospitaliers de l’AP-HP en 2017-2018</a> : nous avons évalué la présence de symptômes anxieux et dépressifs avec la HADS (score HAD>7), la <a href="https://www.researchgate.net/publication/247511197_The_Copenhagen_Burnout_Inventory_A_new_tool_for_the_assessment_of_burnout">présence de burn-out avec la Copenhagen Burnout Inventory (CBI)</a> et l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21532953/">insomnie avec l’Insomnia Severity Index</a>.</p>
<p>Dans notre étude, 71 % des médecins souffraient de burn-out, 46 % d’insomnie, 59 % de symptômes anxieux et 27 % de symptômes dépressifs. Cette souffrance psychologique avait un impact important : au cours de la dernière année, 31 % avaient pris des psychotropes (anxiolytique, antidépresseurs, somnifères…) et 28 % avaient augmenté leur consommation d’alcool ou de tabac.</p>
<p>Les médecins généralistes déclaraient en outre souffrir significativement plus de burn-out que les autres spécialités (75 % versus 68 %) et consommer davantage de médicaments psychotropes (34 % versus 28 %).</p>
<p>Plusieurs raisons, dont certaines anciennes, mais accentuées par la pandémie, peuvent expliquer ces chiffres inquiétants : la charge de travail importante liée notamment au manque de médecins, la part croissante de la charge administrative, la souffrance des patients et de leurs proches, la peur de contracter le virus et de le transmettre à leur famille, l’absence de recommandations claires pour la prise en charge des patients face à une maladie émergente.</p>
<p>Une autre raison est le climat de violence envers les médecins. Comme l’indique une étude anglaise récente, l’<a href="https://www.bmj.com/content/377/bmj.o1333">augmentation des actes d’agression est antérieure à la pandémie</a>. En France, sur les quatre dernières années (2017-2020), l’<a href="https://www.egora.fr/actus-pro/violence/74080-medecins-agresses-pendant-le-covid-ces-chiffres-de-l-ordre-qui-sont-passes">observatoire de la sécurité des médecins recense en moyenne plus de 1000 incidents par an</a>. Plus récemment, les opposants à la vaccination ont été jusqu’à <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20210921.OBS48898/on-va-te-mettre-une-balle-ces-medecins-menaces-de-mort-par-les-antivax.html">menacer de mort des praticiens</a>.</p>
<h2>Et une opportunité de changement ?</h2>
<p>Comme le soulignait un éditorial de la revue médicale britannique</p>
<p>The <em>Lancet</em>, le Covid-19 a représenté un défi pour le bien-être des médecins, mais il peut également <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(21)00028-1/fulltext">servir d’opportunité pour une prise de conscience du problème et le développement d’actions pour y remédier</a>.</p>
<p>En effet, même s’il existe depuis 2018 un <a href="https://www.santementale.fr/2018/03/un-numero-vert-pour-les-medecins-en-difficultes/">numéro vert pour les médecins en difficulté</a> et quelques <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/burn-out-des-medecins-dieu-merci-je-n-ai-tue-personne-01-08-2018-7839981.php">unités d’hospitalisation pour les soignants en burn-out</a>, le sujet reste tabou. La culture médicale étant de souffrir en silence, avec une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33053277/">stigmatisation des médecins qui reconnaissent avoir des troubles psychologiques</a>.</p>
<p>Le site de l’ordre des médecins recense toutefois quelques <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/linstitution-ordinale/lentraide">associations régionales d’entraide pour les soignants</a> comme le <a href="https://reseau-asra.fr/le-reseau-asra/">Réseau ASRA (Aide aux Soignants Auvergne-Rhône-Alpes)</a> ou l’association MOTS (Mieux être pour mieux soigner). Mais les structures de ce type restent peu nombreuses.</p>
<p>La prise de conscience liée à la pandémie peut donc être l’occasion de briser le tabou et de développer des actions qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité : thérapies de réduction du stress, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27918798/">discussions en petits groupes</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22106247/">communautés de soutien par les pairs</a>… Conformément aux recommandations internationales, les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7267055/">psychiatres devraient être sollicités</a> pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7491607/">développer et organiser ces actions</a>.</p>
<p>Le développement de ces actions nécessite des moyens financiers, et cela n’a pas été abordé lors du Ségur de la Santé. Au niveau de l’organisation, il serait possible de s’appuyer sur les Conseils de l’ordre de médecins départementaux et sur les Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) représentatives des médecins libéraux sur tout le territoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184784/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariel Frajerman a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR-17-CE37-003-01EPI jeune) et par
l'Agence Régionale de Santé (contrat ARS 2020-10-37- FRAJERMAN) Ile de France. Il est actuellement employé par l'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP).
Ariel Frajerman a rédigé des rapports pour la fondation Jean Jaurès et a collaboré avec les associations d'étudiants en médecine (ANEMF, ISNAR IMG et ISNI) pour une étude scientifique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Costemale-Lacoste est membre du syndicat Avenir Spé / Le Bloc, et de l'URPS Auvergne Rhône-Alpes.</span></em></p>Souffrance psychologique et risques liés au burn-out chez les médecins de ville ne sont pas un phénomène nouveau. Mais le Covid l’a amplifié au point qu’il atteint désormais une ampleur inquiétante.Ariel Frajerman, Md- PhD, medical psychiatrist at Hopital Kremlin-Bicêtre, InsermJean-François Costemale-Lacoste, Psychiatre clinicien et docteur en Neurosciences spécialiste des troubles de l'humeur , chercheur (équipe "MOODS"), InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775072022-03-30T14:26:23Z2022-03-30T14:26:23ZLe deuil chez les hommes : cinq mythes à déboulonner<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449026/original/file-20220228-27-2ihugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d'un deuil, certaines réactions émotives apparaissent appropriées pour une femme alors qu’elles sont perçues comme étant inappropriées pour un homme.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les normes sociales influencent la manière dont nous composons avec les différentes situations de la vie et comment les membres de notre entourage interagissent avec nous.</p>
<p>C’est ainsi que <a href="https://scholar.utc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1465&context=mps">certaines réactions apparaissent appropriées pour une femme alors qu’elles sont perçues comme étant inappropriées pour un homme</a>. On sait par exemple que <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-06952-002">l’expression de certaines émotions « négatives » comme la peur et la tristesse</a> est découragée chez les jeunes garçons, et tolérée chez les jeunes filles, qu’on socialise à être patientes, sensibles et empathiques.</p>
<p>Lors d’un décès, l’entourage peut s’interroger sur la normalité des manifestations de chagrin selon qu’il est exprimé par une femme ou par un homme. Des préjugés existent en effet en fonction du genre. En tant que chercheurs en socio-anthropologie sur le deuil et intervenant en santé bien-être des hommes, nous essayons de comprendre le vécu derrière chaque deuil, dans ses particularités individuelles. Menant actuellement le <a href="https://www.uqac.ca/covideuil/">projet COVIDEUIL</a>, nous constatons que le vécu des répondants masculins est très éloigné des croyances populaires.</p>
<p>Voici cinq mythes que nous désirons démystifier sur le deuil des hommes.</p>
<h2>Mythe #1 : les hommes sont moins affectés par le deuil</h2>
<p>On entend souvent que les <a href="https://www.socialworktoday.com/archive/exc_0816.shtml">hommes sont moins affectés par le deuil</a>. Ce type de mythe prend racine dans <a href="http://agora.qc.ca/thematiques/mort/documents/lhomme_en_deuil">l’éducation sociale de l’homme</a>. On attend de lui qu’il soit « fort » et « solide », donc <a href="https://www.albin-michel.fr/vivre-le-deuil-au-jour-le-jour-9782226438423">« qu’il manifeste peu ou pas d’émotions en public et se montre ni trop éploré, ni trop vulnérable »</a>. La culture peut ainsi rendre difficile l’expression de leur souffrance morale. De plus, les deuils « symboliques » tels que la perte d’un emploi, la fin d’une relation amoureuse ou une importante perte financière touchent grandement les hommes, car ils se définissent souvent par ce qu’ils font et ce qu’ils ont. Ce type de deuil entraîne une grande souffrance chez les hommes, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/148324/2140451"> </a><a href="https://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/281-EpidemiologieSuicide.pdf">qui peut les conduire, plus souvent que les femmes, au suicide</a>.</p>
<h2>Mythe #2 : les hommes expriment moins leur deuil</h2>
<p>S’il est vrai que certains hommes sont moins portés à utiliser la parole pour exprimer leur deuil, <a href="https://www.fcfq.coop/chroniques/homme-deuil-231/">ils mobilisent des stratégies davantage axées sur l’agir et le mouvement</a>. En effet, les hommes sont davantage portés à vivre leur deuil à travers l’action et à <a href="https://www.fcfq.coop/chroniques/homme-deuil-231/">l’exprimer dans des contextes plus informels</a>, comme une conversation entre amis. C’est que plusieurs hommes sentent qu’ils doivent vivre dans <a href="https://promundoglobal.org/resources/man-box-study-young-man-us-uk-mexico/">ce qu’on appelle un « Man Box »</a>, un construit rigide représentant l’identité masculine. L’expression verbale du deuil peut alors être perçue comme un signe de faiblesse. Il est alors faux de dire que les hommes expriment moins leur deuil : ils l’expriment autrement – notamment par le silence – et davantage par des actions – comme la violence ou l’isolement – que par des mots.</p>
<h2>Mythe #3 : le deuil des hommes est moins long</h2>
<p>La « durée » d’un deuil ne peut être calculée précisément. En effet, chaque trajectoire ne saurait être réduite à un début et une fin clairement définis. Nous savons que le <a href="https://search.informit.org/doi/abs/10.3316/INFORMIT.339916590087229">genre peut influencer les « styles » de deuil</a>, en mobilisant par exemple des stratégies centrées sur <a href="https://www.socialworktoday.com/archive/exc_0816.shtml">« l’intuition » (émotions) ou sur « l’instrumentalisation »</a> (expression physique et cognitive), mais que la durée varie d’un individu à l’autre plutôt que d’un genre à l’autre.</p>
<p>Il existerait cependant pour les hommes une pression pour « reprendre une vie normale rapidement » qui <a href="http://madd.ca/media/docs/Les-hommes-et-le-deuil.pdf">se traduirait par un retour au travail rapide, une prise d’action pour se tenir occupé et un vécu du deuil dans le secret</a>. Il s’agit autant d’une pression sociale qu’une manière de vivre le deuil qui implique de lui donner du sens par le retour à une vie « normale ». Ces aspects pourraient laisser croire que le deuil des hommes est moins long et qu’ils auraient moins besoin de ressources que les femmes, alors que ce n’est pas le cas.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un homme, assis, se tient le menton entre les mains" src="https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449027/original/file-20220228-27-13w6czj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il y a pour les hommes une pression pour reprendre une vie normale rapidement, alors que chaque trajectoire ne saurait être réduite à un début et une fin clairement définis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Mythe #4 : les hommes ont besoin d’être seuls pour vivre leur deuil</h2>
<p>Pour certains hommes, la solitude peut être bénéfique dans le cheminement du deuil. Mais cela ne signifie pas que c’est le cas tout le temps et pour tous les hommes. En fait, les <a href="https://promundoglobal.org/wp-content/uploads/2017/03/TheManBox-Full-EN-Final-29.03.2017-POSTPRINT.v3-web.pdf">jeunes hommes sont plus enclins à rapporter qu’ils offrent du soutien à d’autres que de rapporter qu’ils sont émotionnellement vulnérables</a>. Les hommes craindraient d’aller chercher du soutien dans leur entourage, non pas parce qu’ils n’en ont pas besoin, mais parce que cette pratique ne cadre pas avec les attentes sociales liées au genre masculin.</p>
<p><a href="https://promundoglobal.org/wp-content/uploads/2017/03/TheManBox-Full-EN-Final-29.03.2017-POSTPRINT.v3-web.pdf">L’étude de Promundo</a> portant sur l’identité masculine aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Mexique révèle que lorsque les hommes demandent du soutien, ils le font le plus souvent auprès des femmes dans leur vie. Il ne serait donc pas question d’un « besoin d’être seul », mais davantage de cadrer avec la « nécessité » de ne pas perdre la face. Il s’agit même parfois d’une difficulté a percevoir son propre besoin d’aide.</p>
<h2>Mythe #5 : les hommes souffrent moins de perturbations du deuil</h2>
<p>Si l’expression des émotions fait émerger un <a href="http://madd.ca/media/docs/Les-hommes-et-le-deuil.pdf">sentiment dévalorisant pour l’homme</a>, il est possible que celui-ci décide de se renfermer sur lui-même et d’intérioriser la souffrance qu’il vit en lien avec un décès. <a href="https://www.chumontreal.qc.ca/sites/default/files/2020-02/CHUM-2020-Prevention-du-suicide-TREMBLAY.pdf">La honte, émotion forte et dominante dans un tel contexte</a>, peut renforcer l’idée qu’il vaut mieux cacher la détresse.</p>
<p>Cela rend les manifestations anxieuses et dépressives plus difficiles à discerner pour l’entourage, pouvant donner l’impression que les hommes souffrent moins de perturbations du deuil. Alors que dans la réalité, les perturbations ne sont pas forcément là où on les attend : l’irritabilité, le surmenage et l’automédication en sont des exemples. <a href="https://www.suicideinfo.ca/resource/les-hommes-et-le-suicide/#leshommes">Deux suicides sur trois en 2018 concernaient des hommes</a>, alors que les femmes sont 4 fois plus nombreuses à faire des tentatives de suicide.</p>
<p><a href="https://www.cpsquebec.ca/saviez-vous-que/">Un deuil récent peut amplifier la fragilité d’une personne</a>, en créant un déséquilibre dans sa vie. Il ne faudrait pas, en ce sens, assumer qu’un homme est moins à risque de développer des perturbations du deuil sur la seule base de son genre.</p>
<h2>Connaître le vécu des hommes pour déconstruire les mythes</h2>
<p>Les associations entre genre et deuil sont ancrées dans les représentations sociales et ne sauraient représenter l’ensemble des trajectoires de deuil de chaque homme ou femme. Comme nous l’écrivions dans un <a href="https://theconversation.com/les-etapes-du-deuil-de-kubler-ross-sont-un-mythe-il-y-a-plus-quune-facon-de-faire-son-deuil-157504">précédent article</a> sur les étapes du deuil de Kubler-Ross, chaque deuil est particulier.</p>
<p>À cet égard, nous réalisons en ce moment une importante étude sur le vécu du deuil en temps de pandémie. Or, les hommes participent peu aux études sur le deuil. Nous souhaiterions mieux connaître leur vécu et les invitons à nous le faire connaître en y participant : <a href="https://www.uqac.ca/covideuil/">covideuil.ca</a>.</p>
<p>C’est par les connaissances scientifiques que l’on peut le mieux combattre les mythes et ultimement prendre en compte l’expérience singulière des trajectoires de deuil de chacun, au-delà des idées reçues et des stéréotypes de genre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177507/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Geneviève Gauthier est auxiliaire de recherche pour le projet Covideuil et a reçu des financements de Mitacs pour réaliser la recherche Covideuil. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacques Cherblanc a reçu des financements des IRSC, du RISUQ et de Mitacs pour réaliser la recherche Covideuil. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gwenaël Granal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les attentes de la société lors d’un deuil diffèrent s’il s’agit d’un homme ou d’une femme qui le vivent. Les hommes doivent être forts, peu émotifs et ils ne doivent pas montrer leur vulnérabilité.Geneviève Gauthier, Candidate au doctorat sur mesure en sciences sociales et travailleuse sociale, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Gwenaël Granal, Intervenant Social, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jacques Cherblanc, Professeur, anthroposociologie et éthique, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751652022-01-26T19:28:41Z2022-01-26T19:28:41ZSuicide, mal-être : plongée au cœur d'un chat de prévention<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442289/original/file-20220124-21-l2lcy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=322%2C66%2C5200%2C3561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">xinlan, shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La période sanitaire éprouvante que nous traversons depuis maintenant deux ans impacte la santé psychique des jeunes. Une étude menée à l'hôpital parisien Robert-Debré, sur 830 admissions de personnes de moins de 15 ans, souligne ainsi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8498848/">«une augmentation spectaculaire de tentatives de suicide»</a> chez les enfants fin 2020 et début 2021 après le début de la pandémie de Covid-19 en France, tout comme à l'international.</p>
<p>Le dimanche 9 janvier, au 20h de TF1, le chanteur Stromae a témoigné, par son titre <em>L'enfer</em>, de sa propre expérience des <em>pensées suicidaires</em>, suite à son burn-out, au cours d'une prestation largement commentée.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YAG6nj7Sff8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Stromae interprète L'Enfer sur le plateau de TF1 le 9 janvier. Les appels au 3114, le numéro national de prévention du suicide, ont explosé depuis.</span></figcaption>
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<p>Son titre aborde finement cette thématique et s'adresse à ceux qui seraient tentés par ce geste (<em>j'en suis peu fier ; on croit parfois que c'est la seule manière de […] faire taire</em> <em>ces pensées qui nous font vivre un enfer</em>). Il apporte de la compréhension concernant ces moments difficiles : la solitude est pointée (<em>je m'sens tout seul</em>), comme phénomène largement partagé (<em>on est beaucoup […] à être tout seul</em>).</p>
<p>L'accueil favorable dans les médias, mais aussi au sein du public et du monde médical est venu valider cette libération de la parole, tout particulièrement pour les jeunes.</p>
<h2>La génération Z privilégie le chat</h2>
<p>Comment accueillir cette parole ? Des dispositifs de prévention offrent une écoute à ceux qui souhaitent évoquer leur solitude ou leurs pensées suicidaires. Ces dispositifs existent sous forme de conversation téléphonique, de mail ou encore de chat.</p>
<p>Dans cet article, il sera plus particulièrement question du chat d'accueil de SOS Amitié, que j'ai pu observer, avec d'autres collègues, en tant que chercheuse en sciences du langage et en sociolinguistique. Il a été mis en place en France dès 2005 pour recueillir spécifiquement la parole des jeunes, moins prompts à utiliser le téléphone pour confier leur mal-être.</p>
<p>De fait, le public est à 71% constitué de personnes de moins de 25 ans et de jeunes adultes (chiffres de l'Observatoire SOS Amitié 2019 et 2021). La génération Z privilégie ainsi clairement le chat (et le mail) pour communiquer. Les femmes, quant à elles, représentent les deux tiers des appelants, quel que soit le média (téléphone, mail ou chat), avant comme pendant la crise Covid (données de l'Observatoire SOS Amitié 2021).</p>
<p>Durant l'année 2020, la fréquentation du chat a bondi de plus de 32%. Par ailleurs, au téléphone, la part des moins de 25 ans a augmenté de 25% par rapport à 2019, passant de 12 à 15% (données de l'Observatoire SOS Amitié 2021).</p>
<p>Qui plus est, la formulation des pensées suicidaires sur le chat a fortement augmenté (de 14% par rapport à 2019). Une véritable détresse s'est exprimée au sein de la jeunesse : 30% des moins de 25 ans ont évoqué le suicide, en deuxième raison d'appel, après la «santé psychique» (39% par mail, 31% par chat, 28% au téléphone), d'après le 11e Observatoire SOS Amitié des souffrances psychiques (2021).</p>
<h2>Réponse pertinente au mal-être</h2>
<p>Notre équipe d'analystes de discours et d'informaticiens mène depuis quatre ans une recherche avec l'association SOS Amitié.</p>
<p>Nous avons pu constater que l'accueil proposé par les écoutants bénévoles sur le chat d'écoute se révèle une réponse pertinente au mal-être, et à celui des jeunes en particulier.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442311/original/file-20220124-25-1f9gvv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Stanislaw Mikulski, Shutterstock.</span>
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</figure>
<p>Notre recherche s'attache à comprendre le rôle des différents types de formulation dans la relation d'aide de ce dispositif. Comment permettent-ils l'expression de la souffrance, et quelle forme de souffrance permettent-ils de soulager ? L'idée étant <em>in fine</em> de repérer les éléments langagiers qui bâtissent cette relation d'aide particulière, pour participer à l'amélioration de cette prise en charge par chat par SOS Amitié.</p>
<p>Tout comme l'écoute téléphonique, le chat est un mode de communication synchrone et à distance, mais il présente une série de caractéristiques qui le rendent attractifs pour la jeune génération dans cette situation d'interaction sensible.</p>
<h2>«Faire du face-à-face à l'écrit»</h2>
<p>Tout d'abord, l'anonymat peut être conservé : non seulement, à distance, le face-à-face est évité, mais l'absence de la voix vient encore renforcer l'absence d'identification ou de révélation des émotions par l'intonation.</p>
<p>Pour autant, il permet de «faire du face-à-face à l'écrit» <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02952347/">comme le montre Michel Marcoccia</a>, et les formulations, bien qu'assez formelles, peuvent s'approcher de près des habitudes ordinaires de chat des interlocuteurs, en particulier jeunes.</p>
<p>Écrire, le plus souvent, rassure, et permet de franchir le pas : «j'hésitais à appeler donc finalement j'ai écrit», confie un utilisateur. Parfois, les appelants s'affirment incapables d'évoquer leur souffrance oralement. Certains racontent même transmettre leurs discussions écrites à leurs proches quand ils sont sur le chemin du mieux aller, afin de partager avec eux ces moments si difficiles qu'ils n'ont pas pu formuler.</p>
<p>Par ailleurs, la communication est ponctuelle : elle n'instaure pas une relation sociale à poursuivre, ce qui peut rassurer les appelants.</p>
<p>Mais les conditions de l'énonciation sont tout de même proches de celles d'une relation de proximité : on appelle de chez soi, ou d'un endroit choisi par soi, où l'on se sent en sécurité. Enfin, avoir affaire à un bénévole formé à l'écoute et non à un professionnel de la santé peut pour certains appelants banaliser la situation et les aider à davantage partager leur mal-être.</p>
<h2>Mettre à distance</h2>
<p>Il est à noter que, pour les écoutants, l'exercice peut être difficile, en l'absence de l'intonation qui apporte une grande part de l'empathie dans l'entretien téléphonique : cette mise en musique de la voix permet par exemple de venir adoucir une parole qui pourrait sonner critique : «Vous pensez que c'est une solution, mourir ?», interroge ainsi un bénévole. Les écoutants arrivent cependant à amener les appelants à exprimer leurs préoccupations et malaises.</p>
<p>Le discours de l'écoutant tisse ensemble essentiellement deux moments : un premier, appelé <em>phatique</em>, qui instaure un contact, réunit les salutations et les expressions d'empathie :</p>
<p><em>vous souhaitez en parler un peu ?</em></p>
<p><em>je comprends votre souffrance</em></p>
<p>Et un second, davantage axé sur un contenu thématique, vient solliciter des informations et explicitations, et (faire) reformuler :</p>
<p><em>j'entends au travers de vos mots que vous pensez que ce n'est pas bien, c'est cela que vous aimeriez que je comprenne ?</em></p>
<p>Cette approche accorde à la performativité de la parole, c'est-à-dire à sa capacité de réaliser des actions en les énonçant, un rôle dans l'aide à mieux vivre ses vulnérabilités, à les mettre à distance. Par exemple, en présentant à l'interlocuteur un autre point de vue, comme une parole de la sagesse populaire :</p>
<p><em>Les mots sont importants quand on a vécu des choses difficiles</em></p>
<p><em>oui vous avez sans doute raison mais le soleil peut se montrer doux, lui aussi</em></p>
<h2>Récits sensibles et intimes</h2>
<p>Sur un plan langagier, il s'agit d'un chat en somme assez inhabituel : l'échange adopte un assez haut degré de formalité qui permet de part et d'autre de maintenir une distance sociale, ce qui aide à instaurer une situation d'interaction propice à la confidence.</p>
<p>En effet, en s'adressant à quelqu'un d'inconnu, qu'on sollicite en vue de lui confier son mal-être, cette distance dans la forme vient souligner la posture non impliquée de l'interlocuteur.</p>
<p>Ainsi, le vouvoiement est majoritairement adopté ; certains écoutants demandent au jeune appelant s'il souhaite le tutoiement : il arrive en effet que l'appelant préfère être tutoyé, mais continue à vouvoyer l'écoutant. Par ailleurs, les <em>ne</em> de négation sont très largement maintenus (à 100% chez les écoutants et près de 80% chez les appelants, <em>versus</em> 10% en conversation familière, dans les chats ordinaires ou à l'oral).</p>
<p>Les rares mots grossiers sont systématiquement encadrés de guillemets ou alors on s'en excuse : <em>J'ai tout qui me «bouffe» (désolée pour le mot familier)</em>.</p>
<p>Mais les pratiques habituelles, plus familières, existent aussi. Ainsi, l'entrée dans la conversation peut se faire en abordant d'emblée la raison de sa venue (parfois même les salutations de l'appelant manquent) :</p>
<p>Écoutant : <em>Bonsoir</em></p>
<p>Appelant : <em>Bonsoir</em></p>
<p>Appelant : <em>ça ne va pas moi</em></p>
<p>Quelques smileys de la part des écoutants instaurent aussi davantage de proximité dans les échanges. Ainsi, en fin de conversation, ici en réponse à un appelant :</p>
<p>Écoutant : <em>Bonne soirée, bonne nuit</em></p>
<p>Appelant : <em>j'ai pu me dépaniquer un peu en parlant ce soir…</em></p>
<p>Appelant : <em>bon je dois y aller</em></p>
<p>Écoutant : <em>Au revoir</em></p>
<p>Appelant : ;)</p>
<p>Écoutant :-))</p>
<p>Le chat de prévention se révèle ainsi dans sa forme une réponse presque paradoxale au mal-être : il permet, par une écriture formelle et distante, de créer les conditions favorables à des confidences. Il accueille dans l'anonymat des récits sensibles et intimes, et accompagne les appelants dans leur «mise en mots».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gudrun LEDEGEN a reçu des financements de la MSHB et du GIS MARSOUIN. </span></em></p>Anonymes et formels, les chats de prévention du suicide constituent un outil efficace pour accueillir la parole de jeunes en souffrance psychique.Gudrun Ledegen, Professeure en Sciences du Langage - Sociolinguistique, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749192022-01-23T17:27:19Z2022-01-23T17:27:19ZLa lutte contre le suicide au travail nécessite bien plus que de la prévention<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441030/original/file-20220117-17-16zzjq6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=253%2C158%2C917%2C603&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Toutes les catégories socio-professionnelles, dans tout type d’organisation, sont aujourd’hui concernées par le phénomène.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.maxpixel.net/Dark-Man-Office-Work-Computer-People-Room-Laptop-2559324">Maxpixel.net</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/suicide">plus de 700 000 personnes se suicident chaque année</a> dans le monde. Surtout, le suicide est la <a href="https://www.who.int/news/item/17-06-2021-one-in-100-deaths-is-by-suicide">quatrième cause de mortalité chez les jeunes</a> entre 15 à 29 ans, après les accidents de la route, la tuberculose et la violence interpersonnelle.</p>
<p>Malgré son importance, le sujet du suicide lié au contexte professionnel reste tabou, et peu ou point abordé au sein des écoles de commerce et les facultés universitaires qui pourraient davantage (in)former les étudiants (et les enseignants) sur un risque de santé lié au travail qui demeure <a href="https://www.researchgate.net/publication/328174250_The_Changing_Nature_of_Work_Expanding_the_Focus_of_Occupational_Health_While_Not_Losing_Sight_of_Old_ProblemsPfefferJeffrey_2018_Dying_for_a_paycheck_How_modern_management_harms_employee_health_and_co">solidement documenté</a>.</p>
<p>Pourtant, les entreprises, grandes comme <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2016-3-page-79.htm">petites</a>, restent concernées. La <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/une-vague-de-suicides-est-revelatrice-d-un-grave-malaise-social_1407476.html">vague de suicides</a> qui a frappé diverses grandes entreprises privées et publiques (Renault, France Télécom, EDF, AP-HP, Police, etc.) à la fin des années 2000 l’a notamment révélé. En outre, aucune catégorie socioprofessionnelle n’est épargnée par le phénomène : ouvriers, employés, cadres, et dirigeants.</p>
<h2>Communication perçue comme un risque</h2>
<p>Pour mieux lutter contre le suicide dans le milieu professionnel, nous suggérons, sur la base d’un récent travail de recherche (à paraître), de développer la méthodologie de sciences de gestion sur ce sujet à une approche qualitative, plutôt que la vision quantitative <a href="https://www.researchgate.net/profile/Matt-Howard-3/publication/350796490_Work_and_suicide_An_interdisciplinary_systematic_literature_review/links/6082ff7c907dcf667bbd8d4b/Work-and-suicide-An-interdisciplinary-systematic-literature-review.pdf">qui prévaut</a>. Autrement dit, il s’agit d’engager une réflexion qui cherche à comprendre la totalité et le contexte de l’acte suicidaire. Dans cette optique, la responsabilité de l’entreprise doit notamment inclure les « victimes de suicides » (collègues proches et famille essentiellement).</p>
<p>Une perspective éthique suggère en effet qu’une gestion responsable des ressources humaines (RH) – et un principe d’humanité en sens large – implique un devoir moral de s’occuper également, a minima, des autres parties prenantes qui risquent d’être marquées sur une longue durée par l’évènement tragique du suicide.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441033/original/file-20220117-15-zn3jbl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les proches de la personne décédée, autres « victimes » du suicide.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.maxpixel.net/Death-Tomb-Memory-Sadness-Remember-Mourning-4442626">Maxpixel.net</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec cette approche, les étudiants et les enseignants-chercheurs pourront développer un dialogue qui promeut une intelligence émotionnelle, qui n’est pas une mesure de prévention, mais un <a href="https://dash.harvard.edu/bitstream/handle/1/4133810/Nock_Emotional_Intelligence.pdf">facteur connu de protection face au suicide</a>. Il s’agit donc d’adopter une démarche de « postvention ».</p>
<p>Insister trop ou uniquement sur la prévention peut en effet donner aux « victimes », qui n’auraient pas su reconnaître les signes avant-coureurs du passage à l’acte, une impression de culpabilité. L’entreprise ne devrait donc pas ignorer les personnes qui souffrent à cause d’un suicide d’autrui.</p>
<p>Or, toute communication organisationnelle, dans ce domaine très délicat, reste perçue comme un risque, car toute initiative d’amélioration, même toute communication avec ces victimes qui demandent des explications pourrait s’apparenter à une admission de faute a posteriori. Une chose est certaine : tout ce silence ne devrait pas s’imposer comme routine, car il fait mal aux victimes qui ont besoin de voir plus clair dans le passé pour pouvoir tourner la page.</p>
<h2>Droit à l’écoute</h2>
<p>En 2019, le brillant professeur et chirurgien Christophe Barrat s’est suicidé, en laissant derrière lui deux fils et une femme. Dans le communiqué de presse de l’hôpital qui l’employait, le suicide fut mis en relation avec les différents problèmes de santé dont il souffrait, plus qu’avec son <a href="https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/ce-nest-pas-anodin-meme-malade-de-venir-sur-son-lieu-de-travail-pour-se-jeter-par-la-fenetre">contexte professionnel</a>.</p>
<p>Cette explication n’a pas satisfait la veuve, qui <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/seine-saint-denis-apres-le-suicide-d-un-medecin-les-experts-pointent-un-climat-deletere-a-l-hopital-30-06-2020-8344857.php">demande désormais des réponses à ses deux employeurs</a>, les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé. Depuis un an, elle attend une réponse des deux ministères, bien qu’une <a href="https://www.marianne.net/suicide-du-professeur-barrat-une-enquete-preliminaire-pour-harcelement-moral-ouverte">enquête préliminaire pour harcèlement moral</a> a été ouverte entre-temps.</p>
<p>Autre cas : en mai prochain se déroulera le procès en appel des ex-dirigeants de France Télécom, condamnés fin 2019 à un an de prison, dont huit mois avec sursis, après avoir été reconnus coupables de <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/suicides-a-france-telecom-le-proces-en-appel-des-anciens-dirigeants-fixe-du-11-mai-a-debut-juillet-2022-01-12-2021-YVT4PIF7DNBWBG7PXGSSD3QUJM.php">« harcèlement moral institutionnel »</a> à l’origine de la vague de suicides qui a frappé l’opérateur il y a une dizaine d’années. Dans cette affaire emblématique, une gestion par postvention aurait peut-être pu contribuer, sinon à prévenir, au moins à limiter les conséquences des premiers cas sur le climat de l’entreprise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1126229194474651648"}"></div></p>
<p>Il faut insister sur l’effet bien connu de la <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0277953617307797">stigmatisation des familles atteintes par des actes suicidaires</a>. Celle-ci peut notamment trouver son origine dans le manque de communication entre entreprises ou institutions avec les familles d’individus fragiles, et donner ainsi lieu à des plaintes, qui en quelque sorte reprochent de n’avoir mis en place aucune « postvention ».</p>
<p>Ce fut encore le cas récent en octobre dernier après le <a href="https://www.leprogres.fr/faits-divers-justice/2021/11/25/suicide-de-la-jeune-dinah-sa-famille-porte-plainte-contre-x">suicide de la lycéenne de 14 ans</a> en Alsace. Non seulement la famille a porté plainte contre X pour dénoncer les élèves qui auraient harcelé la victime, mais également pour mettre en cause la direction du collège, qui n’aurait pas pris aucun contact avec la famille même après une précédente tentative de suicide quelques mois plus tôt…</p>
<p>Comme ces cas l’illustrent, la « postvention » commence par ne pas ignorer les victimes du suicide, qui demandent une explication sur le climat qui a contribué à pousser leurs chèr·e·s à l’acte définitif du suicide : elles ont au moins droit à l’écoute. C’est <a href="https://pepite-depot.univ-lille.fr/LIBRE/Th_Medecine/2018/2018LILUM118.pdf">nécessaire pour les aider à faire leur deuil</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabio James Petani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche suggère d’étendre la responsabilité de l’organisation à l’écoute des collègues et de la famille touchés par le drame.Fabio James Petani, Assistant Professor in geopolitics, strategy, business ethics and CSR, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1592632021-07-28T19:34:37Z2021-07-28T19:34:37ZLe suicide des personnes âgées : un impensé de la recherche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/413136/original/file-20210726-23-14kj51f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C80%2C1905%2C1141&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Par solitude, dépression ou pour d'autres raisons, de nombreuses personnes âgées décident de mettre fin à leurs jours en France, un phénomène encore peu étudié.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À la faveur de la pandémie de la Covid-19, la question du suicide a bénéficié d’un éclairage médiatique qui n’avait sans doute plus eu lieu depuis ce qui fut appelé la <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2016/07/07/20005-20160707ARTFIG00115-suicides-a-france-telecom-le-rappel-des-faits.php">« crise des suicides »</a> de France Télécom en 2009.</p>
<p>Pourtant, entre ces deux périodes, le nombre de suicides en France n’a pas connu de véritable bouleversement, oscillant autour de 9000 à 10 000 par an même si la tendance est plutôt à une baisse des taux <a href="https://drees-site-v2.cegedim.cloud/sites/default/files/2021-01/ons_2020.pdf%20p216">depuis le début des années 1990</a>.</p>
<p>Alors que les <a href="https://drees-site-v2.cegedim.cloud/sites/default/files/2021-01/ons3.pdf">suicides des jeunes</a> et les suicides <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2015-2-page-195.htm">au travail</a> sont l’objet de nombreux travaux, le suicide des personnes âgées s’avère beaucoup moins étudié.</p>
<p>Pourtant, les taux de suicide augmentent avec l’âge. Si l’on se réfère aux chiffres de l’<a href="https://drees-site-v2.cegedim.cloud/sites/default/files/2021-02/fiche1-4.pdf">observatoire national du suicide</a>, les 15-24 ans ont un taux de suicide de 5/100 000 correspondant à 373 suicides pour l’année 2014 tandis que celui des personnes âgées de 75 ans ou plus est de 35,4/100 000 (1749 suicides en 2014) et s’élève même à 83,8/100 000 pour les hommes âgés de 85 à 94 ans (458 suicides en 2014).</p>
<p>Ce constat de l’élévation des taux de suicide avec l’âge n’est pas nouveau puisque Émile Durkheim le mentionnait <a href="https://monoskop.org/images/0/01/Durkheim_%C3%89mile_Le_suicide_1897.pdf">déjà il y plus d’un siècle</a>. Dès lors, comment comprendre que ces suicides ne fassent pas l’objet d’une préoccupation à la hauteur des taux précités ?</p>
<p>Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. Tout d’abord le fait que le suicide représente une cause de mortalité mineure aux âges avancés (0,5 %) alors qu’elle est majeure chez les jeunes (16,2 % pour les 15-24 ans). Ensuite, peut être parce que la mort des jeunes, qui plus est par suicide – parangon de la mauvaise mort –, apparaît <a href="https://journals.openedition.org/sdt/20850">plus choquante</a> que celle des personnes âgées dont on se dit qu’elles ont « fait leur vie ».</p>
<h2>Définir le suicide</h2>
<p>Pour pouvoir bien analyser et interpréter un phénomène, il s’agit tout d’abord de bien le définir. Or, concernant le suicide, cela s’avère plus complexe qu’il n’y paraît. Les suicides auxquels nous venons de faire référence sont les suicides comptabilisés. Pour qu’ils le soient, il faut que la mention « suicide » soit présente sur le certificat de décès. Or, dans la <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2020-3-page-187.htm">recherche que nous avons conduite</a>, certains suicides n’ont pas été notifiés comme tel ce qui confirme que les taux (à tous âges, mais particulièrement dans l’âge avancé) sont sous-estimés.</p>
<p>Ensuite, en fonction des publications, les définitions du suicide et des tentatives de suicide diffèrent. Pour Durkheim, « on appelle suicide tout cas de mort qui résulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif, accompli par la victime elle-même et qu’elle savait devoir produire ce résultat. La tentative, c’est l’acte ainsi défini, mais arrêté avant que la mort en soi résultée »</p>
<p>Cependant, d’autres approches élargissent ces définitions par l’intermédiaire de l’idée de suicide passif. Ainsi, le « <a href="https://www.em-consulte.com/article/253286/le-syndrome-de-glissement-description-clinique-mod?">syndrome de glissement</a> » dont il a beaucoup été question en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7315950/">Ehpad</a> durant les épisodes de confinements est parfois considéré comme un suicide.</p>
<p>Certains vont plus loin dans la définition par l’intermédiaire de ce qu’ils nomment les <a href="https://www.cairn.info/le-suicide-des-personnes-agees--9782749240251.htm">équivalents suicidaires</a> (négligence grave dans l’hygiène de vie, syndrome de Münchhausen, conduites à risques, suicide assisté, euthanasie, etc.) qu’ils considèrent relever des mêmes mécanismes que le suicide.</p>
<p>Ces différences de définitions révèlent des conceptions différentes de ce que sont le suicide et les tentatives de suicide et s’avèrent sous-tendues par des paradigmes scientifiques divergents conduisant à des interprétations difficilement conciliables.</p>
<h2>Le suicide des personnes âgées est-il un suicide différent ?</h2>
<p>Si le suicide des personnes âgées est singulier du point de vue des taux de suicide, il l’est également du point de vue du ratio tentative de suicide et suicide accompli.</p>
<p>En effet, alors que les jeunes de moins de 25 ans ont un ratio de 200 tentatives pour un suicide, celui des personnes âgées de 65 ans et plus est de 4 pour un. Les hypothèses mobilisées pour expliquer ces différences sont la fragilité physiologique et l’isolement réduisant les possibilités de « secours » et une plus grande intentionnalité. Étudier le suicide des personnes âgées conduit à s’interroger sur la notion d’âge et <a href="https://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100857640">ses formes de médicalisation</a>.</p>
<p>Certains travaux considèrent l’âge (et le sexe masculin) comme un facteur de risque. Cependant, en quoi cela en fait-il une explication ou, pour le dire autrement, en quoi le fait d’être un homme âgé de plus de 85 ans permet d’expliquer une plus grande prévalence ?</p>
<p>Il est intéressant de noter que l’âge constitue une épine dans le pied de qui aurait la tentation d’appliquer de manière simpliste les deux principaux « éléments » prédictifs de suicide habituellement retenus : les tentatives de suicide et la dépression. En effet, on constate que non seulement les tentatives de suicides diminuent avec l’âge, mais qu’il en est de même pour les épisodes dépressifs caractérisés.</p>
<p>Ces éléments conduisent à considérer les suicides des personnes âgées de manière particulière. Pour la suicidologie (spécialité œuvrant à la prévention du suicide), la dépression du sujet âgé serait une dépression spécifique et plus difficile à diagnostiquer. La prévention de la dépression serait donc le premier levier de réduction du suicide et l’on pourrait formuler l’hypothèse selon laquelle, c’est cette prévention qui a conduit à la baisse des taux depuis 1990.</p>
<p>Une autre interprétation de cette baisse tendrait plutôt à considérer qu’elle s’explique par des suicides empêchés par davantage de contention médicamenteuse et physique (que nous peinons à nommer prévention) et une difficulté physiologique accrue à mettre en œuvre son suicide.</p>
<p>Ces réflexions soulèvent des enjeux scientifiques majeurs dont les investigations se trouvent parfois empêchées par des freins idéologiques et des <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2021-1-page-11.htm">formes de paniques morales</a> conduisant à s’interdire tout raisonnement visant à interroger suicide et suicide assisté (voir euthanasie) alors même que ces réflexions paraissent heuristiques ne serait-ce que pour comparer le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/07481187.2021.1926634">vécu des proches</a></p>
<p>Parmi les autres explications du suicide des âgés que l’on retrouve dans la littérature scientifique, il est fait mention de la polypathologie, de la perte d’autonomie, de l’isolement, de la solitude ou encore de l’angoisse de la mort. Ainsi, ce sont les pertes liées à l’âge qui sont mises en cause, le veuvage, l’entrée en institution, le sentiment de perte de sens qui conduirait certaines personnes au suicide. Il est enfin évoqué des « <a href="https://www.revue-interrogations.org/Se-suicider-au-grand-age-l-ultime,194">suicides par anticipation</a> » pour éviter la déchéance et un mourir qui s’éternise. Ces suicides sont ainsi interprétés comme des <a href="https://www.revue-interrogations.org/Se-suicider-au-grand-age-l-ultime,194">formes de déprises</a> ou, à l’inverse, comme une tentative de reprise en main de sa <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2021-1-page-143.htm">fin de vie</a>.</p>
<h2>Quels protocoles de recherches pour étudier le suicide ?</h2>
<p>Si les explications présentées sont davantage des hypothèses que des causes de suicide, c’est parce que la construction d’un protocole de recherche idéal s’avère difficile. En effet, la suicidologie met principalement en œuvre deux types de protocole pour analyser le suicide : l’enquête auprès des suicidants (personnes ayant fait des tentatives de suicide ou présentant un « comportement suicidaire ») et l’autopsie psychologique qui consiste à reconstituer post mortem, via des documents et témoignages de proches les raisons du suicide.</p>
<p>Évidemment, ces protocoles ne sont pas exempts de faiblesses. Dans le premier cas, on présuppose que les suicidants et les suicidés sont comparables, ce qui n’est pas démontré et l’est encore moins dans le cas des personnes âgées dont la plupart n’ont jamais fait de tentatives de suicide ni état de comportements suicidaires. Les travaux reposant sur l’autopsie psychologique qui avancent que 60 à 90 % des suicidés souffraient de troubles mentaux, présentent d’importantes limites. Si la détection de la dépression du sujet âgé est sous diagnostiquée car complexe, il est difficile de justifier qu’elle puisse être facile à diagnostiquer post mortem.</p>
<p>Les entretiens sociologiques que nous avons menés avec les proches de personnes âgées suicidées montrent surtout qu’en fonction de qui s’exprime, du cadre de l’entretien et du rapport qu’il ou elle entretenait avec son parent défunt, les motifs de suicides rapportés seront très différents. Ainsi, ces récits en apprennent moins sur les motifs et les causes de suicides que sur l’histoire familiale et la place du parent âgé dans celle-ci.</p>
<hr>
<p><em>Le projet d’étude ‘Suicidâge’, a été soutenu par la Fondation de France</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Balard est maitre de conférences en sociologie à Nancy & rédacteur en chef de Gérontologie et société. Le projet d'étude 'Suicidâge', a été soutenu par la Fondation de France.</span></em></p>Étudier le suicide des personnes âgées conduit à s’interroger sur la notion d’âge et ses formes de médicalisation.Frédéric Balard, Anthropologue, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1629652021-07-07T19:02:41Z2021-07-07T19:02:41ZPourquoi tant de suicides chez les agriculteurs ?<p><a href="https://www.ouest-france.fr/nouvelle-aquitaine/creuse/drame-dans-la-creuse-les-autopsies-appuient-la-piste-du-double-meurtre-et-d-un-suicide-7158955">Double homicide suivi d’un suicide</a> d’une même famille d’agriculteurs dans la Creuse, suicide d’un <a href="https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/rhone-le-maire-de-pusignan-retrouve-mort-a-son-domicile-la-these-du-suicide-privilegiee-7900005011">maire agriculteur dans le département du Rhône</a>, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/regionales-2021-odoul-indigne-apres-une-blague-sur-le-suicide-des-agriculteurs_fr_60b9e749e4b0169ca9736c9b">scandale lié à des déclarations politiques</a> ironisant sur la corde avec laquelle un paysan avait mis fin à ses jours… En ce début d’année 2021, l’actualité médiatique ne cesse de témoigner de situations de détresse dans le monde agricole.</p>
<p>La surreprésentation du suicide dans ce secteur était d’ailleurs l’objet du <a href="https://agriculture.gouv.fr/remise-du-rapport-sur-lidentification-et-laccompagnement-des-agriculteurs-en-difficulte-et">rapport Damaisin</a> remis au ministre de l’Agriculture le 2 décembre 2020. Il fait état de 372 suicides d’exploitants agricoles pour la seule année 2015. Cela concerne particulièrement des hommes de plus de 45 ans, travaillant dans les exploitations d’élevage consacrées à la viande bovine, un métier souvent exercé par nécessité et non par choix.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1334209723751669760"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui au nombre de 440 000, les exploitations agricoles sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717">4 fois moins nombreuses qu’il y a 40 ans</a>. Le monde paysan a connu de profonds bouleversements sur la même période et, prisonnier de multiples paradoxes, l’exploitant a de plus en plus de difficultés à exercer son métier pour différentes raisons.</p>
<iframe title="En 40 ans, le nombre d’agriculteurs exploitants en France a été divisé par 4. " aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-5ve2B" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5ve2B/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Comment expliquer cette surreprésentation des agriculteurs dans les statistiques du suicide ? À partir d’une revue de littérature, de témoignages présents sur le web, et d’échanges réalisés en juin 2020 avec une psychologue animatrice de groupes de paroles dans une mutualité santé agricole, nous avons produit une synthèse des composantes de ce mal-être structurel qui dure depuis plus de 50 ans.</p>
<h2>Souffrance et dépendance</h2>
<p>Il ressort d’abord de notre analyse qu’il existe chez les agriculteurs un <strong>sentiment de ne pas maîtriser son propre destin</strong>, verrouillé par un marché agricole faussé par des aides publiques. L’un d’entre eux confiait à la psychologue en juin 2020 :</p>
<blockquote>
<p>« Je souhaite disparaître. Ça pourra mettre fin aux problèmes. »</p>
</blockquote>
<p>Le développement du secteur s’est adossé à la mise en place d’un marché commun agricole avec la politique agricole commune (ou PAC). Cette entrée de l’agriculture dans une économie d’échanges, où il faut amortir et rentabiliser les machines, requiert très souvent d’agrandir la surface de l’exploitation. Cela engendre endettement et modification des conditions de travail.</p>
<p>Les <a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/107/les-instruments-de-la-pac-et-leurs-reformes">directives européennes en référence à la PAC</a> soutiennent, certes, l’ensemble des filières agricoles et orientent les aides en faveur de la performance à la fois économique, environnementale et sociale des territoires ruraux. Cette programmation se fonde sur un budget important.</p>
<p>Cela rend néanmoins les agriculteurs de <a href="https://chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/National/memento-agriculture-VD-version-web.pdf">plus en plus dépendants des instances européennes</a>. Dans ce contexte, les processus de précarité et de marginalisation s’installent et cela engendre des inégalités de revenus, de niveaux de vie, de statuts, de fiscalité ou bien encore de conditions de travail. La sécurité sociale des agriculteurs, la santé économique de l’exploitation ou de l’entreprise agricole, voire son insolvabilité, reste souvent la <a href="https://www.msa.fr/lfy/documents/11566/92156012/Dossier+de+presse+-+La+MSA+agit+pour+pr%C3%A9venir+le+suicide+en+agriculture">principale source de souffrance</a> des agriculteurs selon la Mutualité sociale agricole.</p>
<h2>Liasse administrative et épuisement</h2>
<p>Les aides ne vont pas d’ailleurs sans contrainte bureaucratique. Il en résulte un <strong>sentiment de harcèlement par l’administration, les assurances ou les banques</strong> qui apparaissent déconnectées de la réalité de l’activité des principaux intéressés. En juin 2020, la psychologue peut entendre :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne décroche plus le téléphone. Je ne reçois des appels que de mon banquier. »</p>
</blockquote>
<p>Des propos qui font écho à ceux que l’on peut entendre dans les médias :</p>
<blockquote>
<p>« On est sans arrêt en train d’être harcelés. Sans arrêt. Et, personne ne nous comprend. Vous pouvez vous faire hospitaliser, personne ne comprendra. » (<a href="https://m.facebook.com/TF1leJT/videos/d%C3%A9tresse-des-agriculteurs-le-t%C3%A9moignage-dun-couple-d%C3%A9leveurs-de-mayenne/192080825694514/?locale2=ca_ES">TF1, mars 2021</a>)</p>
</blockquote>
<p>Cela concerne moult procédures : obligation de déclaration, formalisation de dossiers PAC (Politique agricole commune) pour les aides, contrôles à préparer et à subir, mais aussi l’ensemble des normes à respecter dans la réalisation de la production agroalimentaire, la mise en œuvre d’un processus de traçabilité, les réformes sociales à prendre en considération et bien d’autres choses encore.</p>
<p>À cela s’ajoute, un environnement mouvant et en constante évolution pour lequel il est nécessaire de rester en veille. Alors qu’une liasse administrative peut faire basculer l’existence d’une exploitation et de la famille qui lui est liée, un phénomène météorologique pourra agir de même et s’ajouter aux difficultés de prévoyance.</p>
<p>Les agriculteurs et leur famille témoignent également d’un sentiment d’épuisement auprès de la psychologue :</p>
<blockquote>
<p>« Je ne dors plus. »</p>
<p>« Mon mari ne se sépare pas de son fusil. Je pleure en cachette. »</p>
</blockquote>
<p>Les agriculteurs interrogés dans les médias abondent dans le même sens :</p>
<blockquote>
<p>« On ne respire pas. C’est 7 jours sur 7, non-stop. » (<a href="https://m.facebook.com/TF1leJT/videos/d%C3%A9tresse-des-agriculteurs-le-t%C3%A9moignage-dun-couple-d%C3%A9leveurs-de-mayenne/192080825694514/?locale2=ca_ES">TF1, mars 2021</a>)</p>
</blockquote>
<p>Un autre témoigne également :</p>
<blockquote>
<p>« C’est une spirale qui vous entraîne […] de plus en plus fort, jusqu’au moment où pouf vous tombez, c’est fini. Et aujourd’hui, il y a toujours une fatigue, une hyper sensibilité… » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=b1pwKo13Zco">France 3 Bretagne, juin 2019</a>)</p>
</blockquote>
<p>Cet épuisement est en partie lié avec les exigences que requièrent le travail des champs et l’élevage. En effet, d’après l’Insee, les agriculteurs affichent un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717">temps de travail hebdomadaire bien supérieur</a> à celui de l’ensemble des personnes en emploi.</p>
<iframe title="Le travail agricole s’arrête plus rarement" aria-label="Graphique à barres groupées" id="datawrapper-chart-NnNCW" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NnNCW/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width : 0 ; min-width : 100 % !important ; border : none ;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>En 2019, pour leur emploi principal, les exploitants agricoles ont déclaré une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717?sommaire=5014835">durée habituelle hebdomadaire</a> de travail de 55 heures en moyenne, contre 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi. Du fait d’un nombre réduit de congés, leur <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4806717?sommaire=5014835">durée annuelle effective</a> excède plus encore celle de l’ensemble des personnes en emploi.</p>
<h2>Isolement social et géographique</h2>
<p>Dans ces conditions, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle s’avère difficile à respecter. D’autant que le travail agricole ne s’arrête pas le week-end et même parfois la nuit.</p>
<p>Ce sentiment d’épuisement semble d’ailleurs accentué par le fait que l’exploitant agricole a la perception de ne pas être rémunéré à sa juste valeur. La balance contribution/rétribution ne lui paraît pas équilibrée. Ses revenus hors aides sont en berne, en partie à cause de la guerre des prix des acteurs de la grande distribution qui a fait l’objet du <a href="https://agriculture.gouv.fr/comite-de-suivi-des-relations-commerciales-et-remise-du-rapport-de-serge-papin-sur-la-loi-egalim">rapport Papin</a>, remis le 25 mars 2021 par l’ancien dirigeant de Système U aux ministres de l’Économie et de l’Agriculture.</p>
<p>La suractivité professionnelle alimente par ailleurs un <strong>sentiment d’isolement à la fois social et géographique</strong>. La psychologue ressemble parfois au seul interlocuteur avec lequel la parole peut se libérer :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très dur la vie. Je ne peux pas parler avec ma famille, ils ne sont pas des agriculteurs. »</p>
<p>« Je travaille du matin au soir. Pas le temps pour moi. »</p>
<p>« Je ne sors plus. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres propos, entendus dans les médias, témoignent de cette détresse :</p>
<blockquote>
<p>« On essaye de demander de l’aide, et… vous êtes seuls au monde. Il n’y a plus personne qui répond présent, ou alors on vous dit de vous débrouiller. » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ojNJ1WhXZ6g">France 3 Nouvelle-Aquitaine, septembre 2019</a>)</p>
</blockquote>
<p>Alors que l’ampleur du travail offre moins de temps à consacrer à des préoccupations personnelles, l’exploitant agricole, souvent éloigné des lieux de sociabilité, ne bénéficie pas de la proximité de lieux de ressources par exemple des cabinets médicaux ou des hôpitaux, des commerces ou des lieux de loisirs.</p>
<p>Cela n’est pas sans répercussion sur la vie de famille. Dans une société de consommation voire d’hyperconsommation, ce comportement atypique peut engendrer un motif de rupture avec un conjoint (même si le <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2011-2-page-64.htm">taux de séparation est plus faible que la moyenne</a> chez les agriculteurs) et surtout avec les enfants dont les aspirations sont différentes, entraînant encore davantage l’exploitant agricole dans une spirale de l’isolement.</p>
<h2>Jugée, dénigrée, déconsidérée</h2>
<p>Ce dernier point rejoint de façon plus générale un <strong>sentiment d’agribashing</strong>, d’être systématiquement dénigré et désigné coupable en particulier des maux environnementaux. Ces divers témoignages l’illustrent parfaitement :</p>
<blockquote>
<p>« On va [attaquer l’agriculteur pour le bruit, la nuisance, le bruit des animaux, pour les odeurs. » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Aqz1AvwOgXQ">RMC, août 2020</a>)</p>
<p>« Certaines vidéos ont été prises dans des élevages, pas loin de chez nous. En fait, c’était des montages. Ça n’a jamais été vrai, mais une fois que la vidéo est passée… heu, le démenti, personne ne le voit. Et, c’est vraiment ce qui est dommage aussi. » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=sJ9dfoolfY8">CNews, janvier 2020</a>)</p>
<p>« C’est trop facile de stigmatiser notre profession au détriment de tout le reste. » (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ojNJ1WhXZ6g">France 3 Nouvelle-Aquitaine, septembre 2019</a>)</p>
</blockquote>
<p>Il est certain que ce phénomène d’étiquetage de la population agricole renforce le sentiment d’abandon ou de dévalorisation du milieu rural. À l’heure des réseaux sociaux, la profession se pense incomprise, jugée, dénigrée, déconsidérée.</p>
<p>La représentation collective de cette population de travailleurs reste stéréotypée et accompagnée de préjugés négatifs forts malgré une <a href="https://www.ifop.com/publication/le-barometre-dimage-des-agriculteurs-vague-19/">image qui semble s’améliorer auprès de la population</a>.</p>
<h2>Histoire d’héritage</h2>
<p>Le dernier élément que nous mettons en avant a trait à l’histoire du sujet et son rapport à l’exploitation. La psychologue entend :</p>
<blockquote>
<p>« Je me dis, si ça n’a pas marché, c’est de ma faute. Ça, on ne peut pas se l’enlever. »</p>
<p>« Je préfère me taire et ne pas parler de mes soucis. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres témoignages dans les médias confirment de l’existence de ce silence omniprésent :</p>
<blockquote>
<p>« Dans le système agricole, personne ne dit rien. Tout le monde garde sa misère. » (<a href="https://m.facebook.com/TF1leJT/videos/d%C3%A9tresse-des-agriculteurs-le-t%C3%A9moignage-dun-couple-d%C3%A9leveurs-de-mayenne/192080825694514/?locale2=ca_ES">TF1, mars 2021</a>)</p>
</blockquote>
<p>Les représentations du monde agricole font valoir une certaine dureté, en prise avec des <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ss/2012-v58-n1-ss0144/1010442ar/">normes masculines</a> ou de virilité. Il existe une honte, une culpabilité à dire que l’on est en difficulté. Les hommes n’arrivent pas toujours à demander de l’aide ou exprimer leur fragilité perçue comme un signe de faiblesse.</p>
<p>Le sentiment de culpabilité se trouve même décuplé lorsque nous sommes sur une affaire familiale, léguée sur plusieurs générations. Le poids de l’héritage peut amener à un véritable mutisme de la part de l’individu exploitant et le conduire même parfois à cacher l’état réel de l’affaire.</p>
<p>Rendre pérenne l’exploitation est en effet souvent <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01286013/document">perçu comme un devoir</a> par l’exploitant dont les ascendants se sont sacrifiés pour conserver et transmettre l’exploitation. Par ailleurs, l’absence de repreneur, notamment d’enfants absents ou désintéressés, peut, chez certains agriculteurs, remettre en cause le travail d’une vie, voire des générations précédentes. Le regard familial et social peut être très lourd dans un territoire où tout se sait et tout se voit.</p>
<p>Afin que le chiffre des 372 suicides ne reste pas une simple statistique, il semble ainsi nécessaire d’agir sur l’ensemble des dimensions visitées dans cet article. D’autant que de nombreux professionnels de la santé mentale expliquent que la période actuelle semble particulièrement <a href="https://www.observatoire-sante.fr/crise-sanitaire-un-impact-sur-le-taux-de-suicide/">propice à une hausse du taux de suicide</a>.</p>
<hr>
<p><em>Remerciements à Maria Lefebvre, psychologue intervenante pour la MSA en Normandie auprès d’un groupe de paroles entre 2013 et 2019</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162965/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dépendance aux aides financières, poids des normes et de l’administration mais aussi isolement et sentiment de ne pas être compris alimentent le mal-être du monde paysan.Pierre Chaudat, Maitre de Conférences HDR, IAE Clermont Auvergne - School of Management, Université Clermont Auvergne (UCA)Dany Gaillon, Directeur des Etudes, Psychologue, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Thierno Bah, Maître de Conférences en sciences de gestion, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1620642021-06-06T16:35:00Z2021-06-06T16:35:00ZSuicide des adolescents : comment prévenir le passage à l’acte ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404576/original/file-20210604-13-1nulbb8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C0%2C5184%2C3430&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un changement de caractère ou une tristesse persistante chez un adolescent doit éveiller la vigilance des parents.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/2qgxh2X-wwk">Daniil Onischenko / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>La pandémie de Covid-19 qui dure depuis maintenant près d’un an et demi n’a pas seulement affecté la santé physique : les troubles psychiques sont en forte augmentation, particulièrement chez les plus jeunes. Psychiatre pour enfants et adolescents au sein du Service de Psychiatrie pour Enfant et Adolescent des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, Julie Rolling fait le point sur leur situation et nous donne des clés pour aborder avec eux la très délicate question du suicide.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : La crise sanitaire que nous traversons a des effets importants sur la santé psychique de nombre de nos concitoyens. Qu’en est-il des plus jeunes ?</strong></p>
<p><strong>Julie Rolling :</strong> Les chiffres de Santé Publique France indiquent qu’en 2021, les épisodes dépressifs auraient augmenté de 43 % chez les 12-17 ans par rapport aux autres années et les idées suicidaires auraient progressé de 31 %. Dans ce contexte, depuis le début de l’année, les passages aux urgences pédopsychiatriques ont explosé (+80 %), avec plus de 79 % d’hospitalisation dans les suites de ces passages. </p>
<p>Incertitude sur l’avenir, perte des repères, « culpabilisation » d’être des vecteurs de contamination, angoisse liée à ladite contamination… Nous vivons une période inédite pour l’ensemble de la population, notamment pour les plus jeunes. Même si de nombreux adolescents traversent cette pandémie sans difficulté majeure, pour d’autres la pandémie a eu un impact sur le plan psychique. </p>
<p>Les mesures sanitaires qui ont été mises en place sont tout à fait nécessaires, elles ont permis de juguler la pandémie. Cependant, les confinements successifs et la distanciation sociale ont pu fragiliser certains liens sociaux. Privés de sport, de loisirs, de cours en présentiel, les jeunes ont moins d’interactions, alors que « squatter ensemble » est un mode relationnel et une activité en soi pour les adolescents. Même s’ils réinventent d’autres espaces, notamment sur les réseaux sociaux, ne plus avoir tous ces temps sociaux extrascolaires et extrafamiliaux est problématique pour eux. Ce sont des temps à l’abri du regard des adultes, des temps « d’aération et de respiration » par rapport à la pression scolaire et/ou la pression familiale. </p>
<p>Par ailleurs, les restrictions de sorties, les exigences scolaires, l’incertitude qui se prolonge, l’absence de réponses claires à leurs questionnements constituent une accumulation perturbante, dans un moment de vie où ils sont en pleine construction identitaire. </p>
<p>Enfin, d’un point de vue physiologique, la surconsommation des écrans a également un impact sur la dégradation de la santé psychique, en raison des modifications du sommeil, et notamment de la dette de sommeil qu’elle induit.</p>
<h2>TC : Quelles sont les motivations des passages à l’acte ?</h2>
<p><strong>JR :</strong> Il est toujours difficile d’identifier les raisons qui poussent à un acte suicidaire. Au-delà de l’événement déclencheur, quand un adolescent commet une tentative de suicide, l’origine de son geste est complexe et multifactoriel.</p>
<p>Une combinaison de facteurs psychologiques, sociaux et physiques peut contribuer au risque de suicide d’un individu. La crise suicidaire correspond à leur conjonction, à un instant t de vulnérabilité psychique. C’est en quelque sorte la goutte d’eau qui fait déborder le vase. </p>
<p>Il peut s’agir de l’accumulation d’événements adverses (harcèlement scolaire conjugué au divorce des parents ou au décès d’un proche par exemple) qui participera à un état de mal être pouvant se traduire par une dégradation des résultats scolaires, ce qui va induire une diminution de l’estime de soi, sur quoi peut se greffer un évènement précipitant comme une dispute dans le cercle amical, habituellement soutenant pour ce jeune… Tout à coup, cette accumulation fait que l’adolescent a l’impression que plus rien ne va dans sa vie, ce qui peut amener à un moment de fragilité qui précipite le passage à l’acte. </p>
<p>D’où l’importance de maintenir le contact avec les jeunes. En effet, les adolescents sont généralement plus impulsifs que les adultes, chez qui les tentatives de suicide sont davantage en lien avec des éléments dépressifs. Si, au moment où l’adolescent va basculer, il a la possibilité d’appeler un proche, son psy ou encore une ligne d’écoute, cela va le sauver.</p>
<p>Un point important à souligner est que lorsque nous prenons en charge des adolescents aux urgences après une tentative de suicide, la majorité d’entre eux affirme qu’ils ne voulaient pas mourir, mais souhaitaient juste que l’état de souffrance dans lequel ils étaient cesse.</p>
<h2>TC : Existe-t-il des signes avant-coureurs qui doivent alerter les parents, les proches ?</h2>
<p><strong>JR :</strong> Le suicide n’est pas une fatalité et il est important de savoir en détecter les potentiels signes avant-coureurs. On peut ainsi aider la personne qui se trouve dans une situation de détresse à entrevoir d’autres alternatives qu’un acte radical.</p>
<p>Les changements de comportement sont des indicateurs importants. S’il est normal qu’un ado passe du temps dans sa chambre, lorsque l’isolement devient beaucoup plus important qu’à l’accoutumée, il faut se poser des questions. De même s’il arrête d’écouter de la musique alors qu’il aimait cela, s’il n’a plus d’appétit alors qu’il appréciait la nourriture, s’il s’emporte rapidement alors que ce n’est pas dans son caractère habituel, etc.</p>
<p>Détecter une tristesse, l’expression d’un sentiment de fatalité (« la vie ne sert à rien »), constater des conduites à risque (scooter, pratiques sexuelles, fréquentes prises d’alcool ou de drogue…) doit aussi alerter. D’une façon générale, c’est l’accumulation des signes qui doit éveiller la vigilance des parents. Ceux-ci doivent également se faire confiance et se fier à leurs propres intuitions : ils connaissent très bien leur enfant. S’ils ont le sentiment que quelque chose ne va pas, il ne faut pas qu’ils hésitent à en parler, voire à consulter.</p>
<h2>TC : Il n’est pas toujours simple de communiquer avec les adolescents…</h2>
<p><strong>JR :</strong> Le fait d’exprimer à l’adolescent son inquiétude par rapport à son mal-être (lorsque les parents signifient à leur enfant qu’ils se font du souci, qu’ils perçoivent qu’il est préoccupé ou mal), cela peut fréquemment déjà le faire se sentir mieux. Lorsqu’il est éloigné géographiquement, ces échanges peuvent passer par le téléphone, les réseaux sociaux… La mobilisation de l’entourage est essentielle, elle change la donne de façon importante.</p>
<p>Si l’ado reste replié sur lui-même malgré tout et/ou si leurs liens avec lui sont conflictuels, les parents peuvent demander à d’autres adultes de son entourage de lui parler. Les grands-parents, les oncles ou tantes peuvent apporter un peu d’oxygène lorsque l’atmosphère familiale est tendue. En fonction des situations, d’autres adultes référents pour l’adolescent peuvent également être sollicités comme les enseignants, les éducateurs sportifs… </p>
<p>Les proches peuvent aussi lui conseiller d’appeler les lignes d’écoute telles que le <a href="https://www.filsantejeunes.com/">Fil Santé Jeunes</a>. Cependant, si l’état de détresse persiste malgré tout, il est important de consulter un professionnel de santé comme son médecin traitant ou son pédiatre, ou au besoin un pédopsychiatre.</p>
<h2>TC : Y a-t-il des phrases à éviter absolument ?</h2>
<p><strong>JR :</strong> Oui. Les injonctions péremptoires sont à bannir : « Fais un effort, reprends-toi, secoue-toi… » Cela ne sert à rien. Les personnes qui ont des idées suicidaires, qui sont dans un état dépressif ne sont justement pas en capacité d’y répondre. De la même manière il est important de bannir les provocations du type « De toute façon ce ne sont que des menaces, tu n’auras pas le courage de te suicider… ». Il ne s’agit pas d’une question de courage !</p>
<h2>TC : Que sait-on de l’influence des réseaux sociaux sur le passage à l’acte ?</h2>
<p><strong>JR :</strong> C’est du cas par cas, on ne peut pas généraliser. Les réseaux sociaux constituent aujourd’hui un mode de socialisation important pour les adolescents. Cette socialisation est essentielle pour eux, elle participe à leur équilibre.</p>
<p>L’influence des réseaux sociaux devient délétère lorsqu’ils sont utilisés pour cyberharceler, car l’interface virtuelle démultiplie l’effet d’entraînement, qui devient beaucoup plus important que dans la réalité. De plus, les traces (images, commentaires) du cyberharcèlement restent accessibles en ligne et sont visibles par tous. </p>
<p>Un autre problème concerne les sites qui font l’apologie du suicide. Il est important de parler d’échanger, de débattre avec nos adolescents des dérives de ces sites (expliquer le contexte, faire prendre conscience des objectifs des personnes qui mettent en place ces sites, etc.), que ce soit dans le cadre scolaire ou en famille, mais également de diffuser des informations justes sur la santé mentale et le suicide, à l’image de celles proposées par le <a href="https://papageno-suicide.com/professionnels-de-la-sante-quelques-precautions-a-prendre-avant-de-parler-du-suicide-en-periode-de-pandemie/">programme Papageno</a>.</p>
<p><strong>TC : Existe-t-il des prédispositions aux gestes suicidaires ? Comment les adolescents concernés réagissent-ils à la prise en charge ?</strong></p>
<p><strong>JR :</strong> Les données de la littérature nous indiquent que les antécédents familiaux de tentative de suicide ou de suicide sont des facteurs de risque de geste suicidaire. Les enfants qui ont déjà fait une tentative de suicide ont également une plus grande probabilité de passer à l’acte à nouveau, surtout dans les six premiers mois qui suivent, ce qui implique une vigilance particulière et une prise en charge adaptée. De la même manière, les antécédents de psychotraumatisme créent une vulnérabilité.</p>
<p>La majorité des ados accepte et demande une prise en charge. La durée et les modalités du suivi peuvent varier : parfois quelques séances suffisent, dans d’autres cas il faut envisager une hospitalisation. Tout dépend du type de passage à l’acte, du tableau clinique, du contexte… ce sont des prises en charge « sur mesure ».</p>
<p>Pour la majorité des jeunes suivis, la situation s’améliore. Les liens se réaménagent, des situations figées se décrispent, la parole circule à nouveau… L’adolescent s’aperçoit qu’il est entouré, que sa situation, qu’il pensait catastrophique, ne l’est peut-être pas tant que cela, il réalise les ressources qui sont les siennes… </p>
<p>Quand on ne va pas bien, on voit sa vie comme beaucoup plus sombre qu’elle ne l’est en réalité, il s’agit d’un biais cognitif. Les soins proposés après une tentative de suicide travaillent ces objectifs et la plupart des situations évoluent positivement. Certes, on constate 20 % de récidive dans la première année, mais cela veut dire que dans 80 % des cas, les choses s’améliorent.</p>
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<p><strong><em>Liens utiles</em></strong></p>
<p><em>- Le site du <a href="https://papageno-suicide.com/professionnels-de-la-sante-quelques-precautions-a-prendre-avant-de-parler-du-suicide-en-periode-de-pandemie/">Programme Papageno</a> ;</em></p>
<p><em>- Le site de Santé Publique France consacré à la question de la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2020/quelles-interventions-efficaces-pour-prevenir-le-suicide-le-dossier-de-la-sante-en-action-n-450-decembre-2019">prévention du suicide</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Rolling ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La santé psychique des jeunes s’est dégradée au cours de la pandémie, en témoigne l’augmentation des admissions aux urgences pédopsychiatriques. Comment les parents peuvent-ils aider leurs ados ?Julie Rolling, Pédopsychiatre, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566892021-04-01T14:26:56Z2021-04-01T14:26:56ZCovid-19 et pensées suicidaires: comment repérer les jeunes à risque et quoi faire pour les aider<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390212/original/file-20210317-21-csnzdz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C35%2C2991%2C1953&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les études réalisées après des catastrophes identifient certains facteurs de risque liés aux pensées suicidaires des jeunes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Comparativement aux adultes, les jeunes sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25980512/">après une catastrophe</a>, notamment des pensées suicidaires. </p>
<p>Qu’en est-il depuis le début de la pandémie de Covid-19 ?</p>
<p>Bien qu’elles demeurent rares, certaines études menées depuis le printemps 2020 indiquent une hausse des pensées et des comportements suicidaires chez les jeunes dans les états du <a href="https://pediatrics.aappublications.org/content/pediatrics/early/2020/12/15/peds.2020-029280.full.pdf">Texas</a>, du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666915321000275?via%3Dihub">Rhode Island</a> et dans <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/da.23120">l’ensemble des États-Unis</a>. Quels sont les facteurs de vulnérabilité caractérisant ces jeunes et comment les aider afin de prévenir l’irréparable ?</p>
<p>En tant que chercheuses en travail social, nous nous intéressons depuis plusieurs années aux conséquences des événements traumatiques sur la santé et le bien-être des adultes et des jeunes, ainsi qu’à leur processus de résilience. Sur la base de notre expertise, nous croyons que certaines leçons tirées des recherches menées dans le domaine des catastrophes peuvent être utiles dans le contexte de la crise sanitaire.</p>
<p>La pandémie peut être qualifiée de catastrophe en ce sens qu’elle constitue un renversement majeur et négatif d’une situation, voire du monde tel qu’on le connaissait. Une attention particulière doit donc être accordée aux jeunes pendant et après la pandémie, afin d’en limiter les effets néfastes sur leur santé mentale, à court et à plus long terme.</p>
<h2>Des jeunes déjà vulnérables</h2>
<p>Les études réalisées après des catastrophes établissent certains facteurs de risque liés aux pensées suicidaires des jeunes. Au plan personnel, le fait de présenter des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1440-1819.2007.01688.x">symptômes dépressifs ou anxieux, des manifestations de stress post-traumatique, ou encore une consommation abusive d’alcool</a> sont des facteurs de risque bien documentés. Un parcours de vie marqué par la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29510354/">violence, la négligence, des difficultés familiales</a> ou l’exposition antérieure à une catastrophe peut également contribuer à la vulnérabilité d’un jeune.</p>
<p>Plusieurs chercheurs et cliniciens s’entendent d’ailleurs pour dire que la crise sanitaire est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs40688-020-00333-6">susceptible d’aggraver les facteurs de risque associés aux pensées suicidaires chez les jeunes</a>. D’une part, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165032721001087?via%3Dihub">symptômes dépressifs et anxieux</a> ont été identifiés comme des facteurs distinguant les jeunes ayant des idées suicidaires de ceux n’ayant pas de telles pensées pendant la pandémie. L’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33172840/">isolement et la solitude</a>, ainsi que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7127630/">troubles du sommeil et la modification de l’appétit</a> sont aussi associés aux pensées suicidaires, de même que la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11920-020-01210-y">violence et les conflits familiaux</a>.</p>
<h2>Des facteurs propres à la pandémie</h2>
<p>Aux vulnérabilités individuelles et liées aux parcours de vie, s’ajoutent <a href="http://www.journal.med.tohoku.ac.jp/2081/TJ2081_03.pdf">certains facteurs spécifiques à la catastrophe elle-même</a>. À cet égard, les recherches menées à la suite d’un désastre révèlent que le fait d’avoir vécu le décès d’un proche, des blessures personnelles ou chez un être cher, de même que des dommages à sa demeure peut augmenter les pensées suicidaires chez les jeunes.</p>
<p>Dans le contexte de la pandémie, bien que les jeunes présentent moins de risques que les aînés d’être hospitalisés ou de mourir de la Covid-19, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs40688-020-00333-6">ils peuvent craindre pour leur état de santé ou celui de leurs proches</a>, ce qui peut exacerber des vulnérabilités préexistantes. Ces craintes peuvent être amplifiées par une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/da.23120">consultation accrue des médias</a>, favorisant une exposition répétée à des récits fatalistes.</p>
<h2>Un cumul d’événements stressants</h2>
<p>Outre l’exposition à la pandémie elle-même, le stress vécu par les jeunes peut être alimenté par des événements qui en découlent. Les mesures de confinement, les fermetures d’écoles, l’interruption d’activités parascolaires, les pertes financières, les changements dans les conditions de vie, ainsi que la diminution des relations sociales <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2020.551113/full">engendrent des sentiments de solitude et d’isolement</a>, susceptibles d’augmenter la présence de pensées suicidaires chez certains jeunes plus vulnérables.</p>
<p>Ainsi, la pandémie constitue un continuum d’événements stressants, qui s’enchaînent les uns après les autres. Les pertes importantes de ressources que la crise entraîne chez certains jeunes, comme la réduction des contacts avec les pairs ou la perte de soutien scolaire, risquent de diminuer leurs capacités à faire face à des menaces et des pertes de ressources subséquentes (une nouvelle période de confinement, par exemple).</p>
<h2>Favoriser la résilience</h2>
<p>En contexte de catastrophe, les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11524-010-9447-3">soutiens familial, social et scolaire peuvent diminuer les risques de pensées suicidaires chez les jeunes</a>. Certaines pistes d’actions peuvent donc guider les parents, le milieu scolaire, les services sociaux et de santé, de même que les gouvernements dans la mise en place ou le renforcement de mesures de prévention du suicide. Ces interventions visent à réduire les facteurs de risque et à accroître les facteurs de protection associés aux pensées suicidaires en période de pandémie.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/prevention-du-suicide-chez-les-ados-comment-avoir-une-conversation-sincere-avec-ses-enfants-154309">Certains conseils s’adressent aux parents</a> afin qu’ils soient attentifs aux signaux d’alerte et qu’ils engagent la conversation avec leurs jeunes sur ce qu’ils vivent.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/prevention-du-suicide-chez-les-ados-comment-avoir-une-conversation-sincere-avec-ses-enfants-154309">Prévention du suicide chez les ados : comment avoir une conversation sincère avec ses enfants</a>
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<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs40688-020-00333-6">Des formations peuvent aussi être offertes au personnel scolaire</a> afin de détecter les signes avant-coureurs des comportements suicidaires et d’établir des protocoles d’urgence.</p>
<h2>De saines habitudes et du soutien</h2>
<p>La famille et l’école peuvent encourager les jeunes à adopter de saines habitudes de vie (activité physique, habitudes de consommation, sommeil) et à s’informer auprès de sources crédibles, tout en encadrant leur exposition aux médias.</p>
<p>Des <a href="https://constellation.uqac.ca/5682/">approches novatrices et créatives</a> doivent aussi être développées afin de maintenir les contacts sociaux et de favoriser les activités de prévention auprès des jeunes.</p>
<p>L’accès à des services de dépistage et de soutien psychologique doit être facilité afin de venir en aide aux jeunes dans le besoin.</p>
<p>Enfin, les mesures gouvernementales doivent être mises en place et renforcées afin de réduire le stress financier des familles vulnérables.</p>
<p><a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30460-8/fulltext">Les répercussions d’une pandémie peuvent persister pendant plusieurs années</a>, les recherches doivent donc se poursuivre sur les facteurs de risque et de protection associés aux pensées et aux comportements suicidaires chez les jeunes, afin de <a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/covid/2994-prevenir-violence-suicide-cov">mieux les comprendre et de planifier adéquatement les services d’aide et de prévention</a>.</p>
<p>Si vous ou un de vos proches pensez au suicide, contactez dès maintenant les services d’aide au 1-866-277-3553 (Québec) et au 1-833-456-4566 (ailleurs au Canada).</p>
<p>(<em>ndlr : en France, le site du ministère de la Santé et des Solidarités <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/que-faire-et-a-qui-s-adresser-face-une-crise-suicidaire">recense les ressources disponibles</a>, tels que le numéro du <a href="https://www.filsantejeunes.com/">Fil Santé Jeunes</a> - 0 800 235 236</em>)</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156689/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes sont beaucoup moins à risque de mourir de la Covid-19, mais ils peuvent craindre pour leur santé ou celle de leurs proches, ce qui peut exacerber un état d’anxiété préexistant.Eve Pouliot, Professeure agrégée en travail social, responsable du Comité de pédagogie universitaire, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Danielle Maltais, Chair professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1536002021-03-04T19:09:24Z2021-03-04T19:09:24ZTroubles psychiatriques à l'entrée en prison : un enjeu de santé publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/387549/original/file-20210303-22-1624kl5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/G_gOhJeCpMg">Hédi Benyounes / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le début de la pandémie de Covid-19, bon nombre de chercheurs se sont inquiétés de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7205690/">l’impact de l’actuelle crise sanitaire et des périodes de confinement sur la santé mentale de la population carcérale</a>. Mais que sait-on aujourd’hui de la prévalence des troubles psychiatriques en milieu pénitentiaire ? Cette population est-elle particulièrement vulnérable, et en quoi ?</p>
<p>Sur ces questions, l’enquête que nous avons récemment menée dans plusieurs maisons d’arrêt du Nord de la France est riche d’enseignements.</p>
<h2>Des troubles psychiatriques très présents</h2>
<p>En pratique, il n’est pas simple d’évaluer la santé mentale de la population carcérale. En milieu pénitentiaire, les études épidémiologiques se heurtent en effet à de nombreux obstacles tant sur les plans logistique (contraintes liées à l’environnement carcéral, accès aux personnes détenues, etc.) que réglementaire (législation et cadre spécifique) ou méthodologique (difficultés multiples pour obtenir un échantillon « représentatif » de l’ensemble de la population carcérale). </p>
<p>Ces contraintes expliquent probablement pourquoi très peu d’enquêtes sur la santé mentale ont été conduites jusqu’alors <a href="https://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/prevalence-des-troubles-psychiatriques-en-prison.html">dans les prisons, en France notamment</a>. D’après une analyse systématique des études publiées entre 1966 et 2010 dans une vingtaine de pays incluant la France, il semble toutefois que les troubles psychiatriques soient <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/severe-mental-illness-in-33-588-prisoners-worldwide-systematic-review-and-metaregression-analysis/18239F7903DAB0571892799999C58F33">présents à des niveaux élevés en milieu pénitentiaire</a>. </p>
<p>C’est que confirme <a href="https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-244X-6-33">l’étude qui fait référence</a> dans notre pays. Publiée voilà quinze ans par l’équipe de Bruno Falissard, elle s’appuyait sur le double interrogatoire, par deux cliniciens, de quelque huit cents prisonniers sélectionnés au hasard dans vingt prisons. D’après ses résultats, 36 % des répondants présentaient un trouble psychiatrique de gravité marquée à sévère. Les diagnostics retenus par consensus entre les cliniciens étaient les troubles de l’humeur (28 % dont 24 % de dépression), les troubles anxieux (29 %), les troubles psychotiques (17 % dont 6 % de schizophrénie) et les troubles liés à l’usage de substance (19 %).</p>
<p>Les travaux que notre équipe a <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/european-psychiatry/article/mental-disorders-on-admission-to-jail-a-study-of-prevalence-and-a-comparison-with-a-community-sample-in-the-north-of-france/FC6E46A5EC433BED8B2B0FC64E6B2923">publiés au printemps dernier</a>, dans le cadre de l’étude <a href="https://www.f2rsmpsy.fr/sante-population-carcerale.html"><em>Santé mentale en population carcérale</em></a>, viennent compléter ces données. </p>
<h2>Une fréquence multipliée par trois</h2>
<p>Plutôt qu’interroger des personnes emprisonnées depuis un laps de temps variable, comme cela a été fait par le passé, nous nous sommes focalisés sur la santé mentale d’hommes et de femmes à leur arrivée en prison. Plus précisément, nous avons interrogé 653 personnes – sélectionnées au hasard dans huit maisons d’arrêt du Nord et du Pas-de-Calais – dans les 72 premières heures de leur incarcération, c’est-à-dire avant que le stress du quotidien pénitentiaire n’intervienne.</p>
<p>L’un des intérêts du protocole choisi est d’autoriser la confrontation, sur un territoire particulier, de données en population carcérale et en population générale, en s’appuyant sur la même méthodologie d’évaluation et en tenant compte de l’âge et du sexe. Cela nous nous a permis de constater la très nette surreprésentation des troubles psychiatriques, mais aussi des conduites addictives, parmi les personnes récemment incarcérées. </p>
<p>En moyenne, les troubles liés à l’usage de substances (alcool et autres substances illicites) concernent environ un arrivant sur deux, ce qui correspond à un taux huit fois supérieur à la population générale. Quant aux troubles psychiatriques, ceux que nous avons étudiés s’y révèlent en moyenne trois fois plus fréquents. </p>
<p>C’est particulièrement le cas pour le syndrome psychotique (multiplié par 3,1) et le trouble dépressif caractérisé (2,9) dont les fréquences respectives ont été mesurées à 7 et 27 % à l’entrée en détention. Le <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/ptsd-in-prison-settings-the-need-for-direct-comparisons-with-the-general-population/E9EDC78ACE92EF69AD2038EF9F25E063">trouble de stress post-traumatique</a> apparaissait quant à lui six fois plus fréquent chez les personnes admises en détention qu’en population générale. </p>
<p>L’ensemble de ces troubles augmentent la probabilité à plus ou moins long terme qu’une personne réalise un geste suicidaire. De fait, ce risque suicidaire a été identifié chez 31 % des personnes détenues interrogées. </p>
<h2>Deux troubles ou plus</h2>
<p>Si les troubles psychiatriques se révèlent très fréquents chez les personnes nouvellement incarcérées, on constate aussi qu’en règle générale, elles n’en présentent pas un seul, mais plusieurs : nous avons relevé deux troubles ou plus pour près de 42 % d’entre elles, alors qu’en population générale, ceci n’est observé que pour 10 % des enquêtés.</p>
<p>Cette co-occurrence de plusieurs troubles a, on le sait, un impact important tant <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2020.00804/full">sur la prise en charge que sur la répétition des incarcérations</a>, chez des personnes particulièrement fragilisées sur le plan socio-économique. Et alors que le ministre de la Justice a récemment lancé une nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/08/21/le-ministre-de-la-justice-lance-une-mission-d-inspection-sur-les-suicides-en-prison_6049515_3224.html">mission d’inspection sur les suicides en prison</a>, notre enquête souligne la nécessité d’une prise en charge efficiente dans les maisons d’arrêt. </p>
<p>De toute évidence, l’accès à des soins psychiatriques de qualité doit s’imposer comme l’une <a href="https://www.em-consulte.com/article/1381965/suicide-en-milieu-carceral">des mesures de prévention incontournables pour lutter</a> contre les suicides en population carcérale : le taux de suicide y est actuellement sept fois supérieur à celui observé en population générale, ce qui en fait l’une des principales préoccupations des soignants exerçant en milieu pénitentiaire.</p>
<p>Enfin, outre une réflexion sur l’accès à des soins de qualité, notre étude devrait pousser à réfléchir <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666353820300217">sur l’absence d’alternatives à l’incarcération pour les personnes diagnostiquées avec des troubles mentaux dans notre pays</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-soins-psychiatriques-dans-les-prisons-francaises-58956">Quels soins psychiatriques dans les prisons françaises ?</a>
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<p>Si notre enquête a mis en lumière des taux de prévalence très élevés pour les troubles psychiatriques et les conduites addictives chez les personnes nouvellement incarcérées dans les prisons françaises, plusieurs questions restent néanmoins en suspens. </p>
<h2>Après la prison : suivre de près l’évolution</h2>
<p>En effet, l’évolution de ces troubles au cours de la période d’incarcération demeure peu étudiée. En d’autres termes, on connaît mal l’impact de l’environnement carcéral sur la santé mentale. C’est pourquoi avec le soutien de la Direction générale de la santé, de Santé Publique France et de la <a href="https://www.f2rsmpsy.fr/">Fédération de recherches en psychiatrie et santé mentale</a>, une nouvelle étude a été lancée afin d’évaluer la fréquence des troubles psychiatriques lors de la libération. </p>
<p>Intitulée <a href="http://www.ccomssantementalelillefrance.org/?q=sant%C3%A9-en-population-carc%C3%A9rale">Santé en population carcérale sortante</a>, et menée au niveau national, cette étude vise aussi à déterminer le parcours de soins des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques, que ce soit avant, pendant ou après l’emprisonnement. </p>
<p>Les trente jours qui suivent immédiatement la sortie de prison constituent une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3519300/">période critique</a>, avec un risque important de décès par suicide ou par overdose, mais aussi de décompensation psychiatrique. Or, malheureusement, l’articulation des soins psychiatriques entre la période d’incarcération et la vie hors des murs de la prison <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666915321000159">est aujourd’hui loin d’être satisfaisante</a>. </p>
<p>Soulignons-le : la santé mentale des personnes incarcérées est souvent fragile. Il s’agit là d’un enjeu de santé publique important qui va bien au-delà de la prison puisque l’ensemble des personnes détenues seront, de facto, libérées à l’issue de leur peine d’emprisonnement. Les soins psychiatriques en milieu pénitentiaire devraient donc davantage s’articuler avec les services de soins en santé mentale en dehors des murs de la prison. Des dispositifs dits « d’interstice » pourraient être pensés, à l’instar des <a href="https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20210224-offre-de-soins-une-equipe-mobile-du-chu">équipes mobiles transitionnelles expérimentées à Lille</a>, et prochainement à Toulouse.
</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L’étude Santé mentale en population carcérale a été menée par la Fédération Régionale de Recherche en Psychiatrie et Santé Mentale des Hauts de France (F2RSM Psy) et le Centre collaborateur français de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale (CCOMS), avec le soutien financier de l’Agence Régionale de Santé (ARS) des Hauts-de-France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Thomas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En moyenne, les troubles psychiatriques sont trois fois plus fréquents chez les personnes admises en prison qu’en population générale. D'où la nécessité de soins de qualité, et d'un suivi à la sortie.Thomas Fovet, Chargé de projets de recherche au Centre national de ressources et de résilience Lille-Paris (CN2R) et Psychiatre du pôle Psychiatrie médecine légale et médecine en milieu pénitentiaire, Centre hospitalier régional universitaire de LillePierre Thomas, Centre hospitalier régional universitaire de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1543092021-02-04T20:13:11Z2021-02-04T20:13:11ZPrévention du suicide chez les ados : comment avoir une conversation sincère avec ses enfants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382612/original/file-20210204-22-1ut4ish.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">N’attendez pas que les adolescents viennent vers vous. Engagez la conversation avec eux.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« École ou pas, ça ne changera rien. »</p>
<p>« Les problèmes des jeunes sont moins gros que ceux des adultes. »</p>
<p>En tant que chercheurs qui se préoccupent de la prévention du suicide chez les jeunes, nous entendons parfois des gens exprimer ce type de sentiments à propos des jeunes pendant la pandémie. Cependant, la socialisation est une partie importante de la jeunesse. Si la Covid-19 a affecté les adultes, il est possible qu’elle affecte encore plus les enfants et les adolescents.</p>
<p>Comment expliquer à un jeune enfant pourquoi il ne peut pas jouer avec ses amis ? Comment les enfants <a href="https://theconversation.com/covid-19s-teaching-challenges-5-tips-from-pediatric-care-for-teachers-wearing-masks-144446">peuvent-ils apprendre à lire les expressions du visage lorsque les gens portent des masques</a> ? Comment voir ses copains, son petit ami ou nouer de nouvelles relations avec la distanciation sociale et des cours principalement en ligne ? Pourtant, de telles expériences sont essentielles au développement des adolescents et des jeunes adultes.</p>
<p>Cette nouvelle anxiété s’ajoute désormais à la multitude de <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jcpp.12831">problèmes de santé mentale qui touchent déjà les jeunes</a>. Bien que les <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jcpp.12831">experts soupçonnent une légère hausse du nombre de suicides</a> depuis le début de la pandémie, les statistiques de 2020 ne sont pas encore accessibles.</p>
<h2>Y a-t-il beaucoup de suicides chez les adolescents ?</h2>
<p>Le suicide est la deuxième cause de décès chez les adolescents. Chaque année au Canada, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5896524/">plus de 200 jeunes meurent par suicide</a>.</p>
<p>Bien des parents se demandent ce qu’ils doivent savoir sur le suicide chez les jeunes et ce qu’ils peuvent faire pour le prévenir. Nous pensons que, avec une meilleure compréhension du suicide et grâce au fait que les adolescents passent plus de temps à la maison, c’est l’occasion pour les parents d’engager une conversation sincère et sans risques sur le suicide avec leurs enfants.</p>
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<figcaption><span class="caption">La ligne d’écoute en prévention du suicide : apprendre à écouter » avec Dylan Gunaratne, bénévole pour la ligne de crise.| TEDxCalStateLA.</span></figcaption>
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<h2>Ce que les parents doivent savoir sur le suicide chez les adolescents</h2>
<p>Chaque vie enlevée par suicide est une vie de trop. Lorsqu’une personne se suicide, ses proches sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/sltb.12450">gravement affligés et les membres de la communauté, tels que les élèves et les enseignants, sont également éprouvés</a>.</p>
<p>Pour chaque suicide, il y a beaucoup plus d’adolescents qui pensent au suicide ou qui font une tentative de suicide. Selon notre étude, avant l’âge de 21 ans, <a href="https://pediatrics.aappublications.org/content/146/1/e20193823">environ 22 % des adolescents affirment y avoir pensé, 10 % l’avoir sérieusement envisagé et 7 % avoir fait une tentative de suicide</a>. Si les risques de décès restent faibles, les idées suicidaires ou les tentatives sont courantes.</p>
<p>Il existe un écart important entre les sexes pour les décès par suicide : environ deux ou trois garçons pour une fille. Cependant, les filles font davantage de tentatives de suicide.</p>
<p>Pourquoi le taux de suicide est-il plus élevé chez les garçons ? Premièrement, les garçons utilisent souvent des moyens plus violents, ce qui rend l’intervention médicale difficile. Deuxièmement, les stéréotypes de genre (« les garçons sont forts ») peuvent encourager les jeunes hommes à dissimuler leurs pensées intimes et les dissuader de demander de l’aide. Mais l’écart se réduit. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0706743720940565">Le taux de suicide est en hausse chez les filles et les jeunes femmes au Canada</a>.</p>
<p>Pourquoi les adolescents tentent-ils de s’ôter la vie ? Cette question troublante n’a pas de réponse claire.</p>
<p>Le suicide est un phénomène complexe, avec des <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(15)00234-2/fulltext">interactions biologiques, psychologiques et sociales</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380733/original/file-20210126-17-sbezbo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le projet « It Gets Better » incite les gens du monde entier à partager des histoires pour rappeler à la prochaine génération de jeunes LGBTQ+ que l’espoir existe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les pensées et comportements suicidaires sont étroitement liés à des <a href="https://www.merckmanuals.com/fr-ca/accueil/probl%C3%A8mes-de-sant%C3%A9-infantiles/troubles-mentaux-chez-les-enfants-et-les-adolescents/comportement-suicidaire-chez-l-enfant-et-l-adolescent">troubles mentaux comme la dépression majeure, l’anxiété, les troubles du comportement, le déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et l’alcoolisme ou la toxicomanie</a>.</p>
<p>Certains troubles de la personnalité, tels que la <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/24106">personnalité limite</a>, peuvent aussi entraîner un risque accru de suicide.</p>
<p>Nous savons également que le taux de suicide est plus élevé chez les jeunes <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jcpp.12831">Autochtones et pour ceux qui s’identifient comme lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer ou en questionnement (LGBTQ+)</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Tomorrow’s Hope, un dessin animé du gouvernement albertain sur la prévention du suicide chez les jeunes des Premières Nations.</span></figcaption>
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<p>De nombreux experts soulignent que l’utilisation accrue des médias sociaux et la cyberintimidation sont des facteurs qui alimentent la crise de santé mentale. Environ 15 % des adolescents déclarent avoir été victimes de cyberintimidation au moins une fois par an.</p>
<p>Avec la crise de la Covid-19 et la hausse du temps passé en ligne, les risques de temps d’écran excessif, de solitude et de cyberintimidation pourraient avoir augmenté, <a href="https://acamh.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jcpp.13158">ce qui engendre des effets négatifs sur la santé sociale et mentale</a>.</p>
<h2>Ce que les parents peuvent faire pour prévenir le suicide</h2>
<p>Les idées suicidaires sont souvent le signe d’une détresse psychologique. Par conséquent, elles doivent toujours être prises au sérieux.</p>
<p>Selon une étude américaine récente, <a href="https://pediatrics.aappublications.org/content/143/2/e20181771">50 % des parents ignorent que leurs adolescents, surtout les plus jeunes, pensent au suicide</a>.</p>
<p>C’est pourquoi il est important d’être présent et vigilant. Soyez particulièrement attentifs aux signaux d’alerte. N’attendez pas que les adolescents viennent vous voir. Engagez la conversation avec eux.</p>
<p>Remarquez tout signe de souffrance psychologique, d’automutilation non suicidaire, d’isolement social, d’augmentation de la consommation de drogues ou d’alcool ou de recherche de moyens pour mettre fin à ses jours sur Internet. Tout geste d’exploration du suicide ou tout signe de tentative de suicide doit être considéré comme un signal d’alarme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le vidéo du projet’It Gets Better’.</span></figcaption>
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<h2>Que faire</h2>
<p><a href="https://afsp.org/teens-and-suicide-what-parents-should-know">La Fondation américaine pour la prévention du suicide</a> recommande aux parents soucieux de poser directement la question.</p>
<p>On peut dire : « Je suis inquiet parce que j’ai remarqué que ton comportement avait changé ces derniers temps. Certains adolescents qui traversent une période difficile peuvent avoir des idées noires ou même des pensées suicidaires, est-ce que c’est ton cas ? »</p>
<p>En posant une question sur le suicide, vous montrez votre préoccupation. Cela n’augmentera pas les pensées suicidaires et ne mettra pas des idées dans la tête de votre enfant.</p>
<p>La meilleure réponse parentale consiste à valider les émotions de votre adolescent. Valider ne signifie pas être d’accord, mais reconnaître et accepter véritablement les sentiments, les pensées et les comportements.</p>
<p>Cependant, un adolescent peut ne pas avoir envie de partager ou d’exprimer sa solitude. Lorsque la communication est difficile, dites à votre adolescent que vous êtes disponible et assurez-vous qu’il a quelqu’un à qui se confier.</p>
<p>La validation peut être difficile. On encourage les parents à chercher un soutien de professionnels pour eux-mêmes et à consulter des livres qui <a href="https://www.newharbinger.com/power-validation">aident à pratiquer la validation</a>.</p>
<h2>Ne pas tarder à demander de l’aide</h2>
<p>La plupart des adolescents qui passent de l’idéation à la tentative de suicide le font au cours de la première année. Demandez de l’aide dès le début.</p>
<p>Environ la moitié des adolescents qui ont essayé de se suicider <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/abs/trajectories-of-suicide-attempts-from-early-adolescence-to-emerging-adulthood-prospective-11year-followup-of-a-canadian-cohort/7E82D4882A1FA71D50A40EC7EA04ECF9">feront une nouvelle tentative au cours de leur adolescence</a>.</p>
<p>Pour certains, le risque subsiste à l’âge adulte. Le risque de mourir par suicide est plus élevé pour ceux qui ont fait plusieurs tentatives. Restreindre l’accès aux moyens, en plaçant par exemple les médicaments dans un endroit fermé à clé, est une bonne stratégie de prévention.</p>
<p>Il est important de savoir qu’un soutien social adéquat et des soins de santé mentale professionnels peuvent changer la perception de la vie. Si le suicide peut apparaître comme une solution pour un adolescent en souffrance, ce ne l’est jamais. La guérison est toujours possible. Il faut rappeler aux adolescents qui ont des idées suicidaires qu’il n’est <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/225252/building-a-life-worth-living-by-marsha-m-linehan/">jamais trop tard pour bâtir une vie qui vaut la peine d’être vécue</a>.</p>
<p>Si les premières interventions doivent être axées sur la sécurité, le traitement à long terme doit viser à créer des facteurs de protection, tels que l’acceptation de soi, les relations de soutien et l’engagement envers des objectifs de vie positifs. En cette époque où <a href="https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/MHCC_RecoveryGuidelines_FRE_0.pdf">on met l’accent sur le rétablissement</a>, les récits de personnes qui ont survécu à l’idéation ou à des tentatives de suicide et qui sont passées de la survie à l’épanouissement peuvent être une source importante d’espoir.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Du suicide à l’espoir, comment j’ai appris à me battre », entretien TEDxAuckland avec Jazz Thornton.</span></figcaption>
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<h2>Ressources pour les parents et les adolescents</h2>
<p>Évaluer le risque suicidaire est complexe, même pour un professionnel de la santé mentale avec beaucoup d’expérience. Il n’existe pas de test sanguin ou d’examen cérébral qui puisse prédire avec précision qui fera une tentative ou qui mourra par suicide.</p>
<p>Selon l’ampleur du besoin, nous recommandons que les parents inquiets appellent une ligne d’assistance, contactent le thérapeute de leur enfant ou emmènent celui-ci au service des urgences de l’hôpital. Une visite aux urgences peut être appropriée lorsque le risque est élevé ou imminent.</p>
<p>Les services de santé mentale sont disponibles dans le secteur privé ou dans des institutions publiques telles que les écoles et les cliniques médicales. Des traitements comme la <a href="https://www.esantementale.ca/Canada/Dialectical-behaviour-therapy-DBT/index.php?m=article&ID=71580">thérapie comportementale dialectique</a>, ou la thérapie cognitivo-comportementale lorsque les parents s’impliquent, se sont avérés efficaces pour réduire le risque de suicide chez des adolescents vulnérables.</p>
<p>Même si l’on ne s’attend pas à ce que vous sachiez exactement quoi faire ou dire si votre adolescent a des pensées suicidaires, vous pouvez néanmoins lui être d’un soutien précieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154309/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Claude Geoffroy a reçu des financements de American Foundation for Suicide Prevention et des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Gifuni reçoit un financement du Fonds de Recherche du Québec - Santé (programme de formation du FRQS/MSSS pour les résidents en médecine spécialisée intéressés à poursuivre une carrière de chercheur).</span></em></p>Les experts en prévention du suicide estiment que les parents peuvent engager une conversation honnête et sûre sur le suicide avec leurs enfants.Marie-Claude Geoffroy, Assistant Professor, Department of Educational and Counselling Psychology and Canada Research Chair in Youth Suicide Prevention, McGill UniversityAnthony Gifuni, Visiting Scholar, Department of Psychology, Stanford UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544452021-02-04T18:23:11Z2021-02-04T18:23:11ZTombée entre les mailles du filet : la santé mentale des jeunes au Canada<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382530/original/file-20210204-18-42jvf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il faut réformer en profondeur les soins de santé mentale pour les jeunes afin de faire face à un niveau élevé de maladie mentale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Devin Avery)</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Le Canada est aux prises <a href="https://www.cihi.ca/fr/la-sante-mentale-des-enfants-et-des-jeunes-au-canada-infographie">avec une crise majeure de santé mentale</a> chez les jeunes, qui se traduit par des niveaux élevés de maladies mentales, de suicide, d’hospitalisations ainsi que des délais considérables quant à l’accès aux services. Ces problèmes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0706743720943820">sont aggravés par la Covid-19 et l’épidémie de surdoses d’opioïdes</a>. Au vu de la lenteur des progrès accomplis, il est essentiel de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0706743718758968">réformer de manière significative</a> les soins de santé mentale pour la jeunesse canadienne.</p>
<p>En tant que chercheures en santé mentale spécialisées dans le domaine de la prévention et de l’intervention précoce, nous reconnaissons la nécessité d’impliquer les jeunes dans les enjeux de santé mentale, et ce que nous présentons ici est non seulement notre opinion, mais également le vécu et le point de vue des jeunes sur ce sujet.</p>
<p>Notre équipe agit à titre de consultante pour des travaux de recherche sur plusieurs sites. Elle soutient le développement et le recours à des interventions en santé mentale basées sur données probantes. Cette collaboration nous permet d’identifier les défis majeurs auxquels nous faisons face en ce qui a trait à la santé mentale chez les jeunes et d’offrir des solutions novatrices ainsi que des recommandations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/anorexie-en-temps-de-pandemie-le-difficile-defi-de-soigner-a-distance-153849">Anorexie en temps de pandémie : le difficile défi de soigner à distance</a>
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<h2>Financer la prévention et l’intervention précoce</h2>
<p>Le manque chronique de financement gouvernemental en matière de santé mentale, en particulier dans le domaine préventif, représente un enjeu majeur. Le <a href="https://www.budget.gc.ca/2019/docs/plan/budget-2019-fr.pdf">budget fédéral de 2019</a> privilégie l’éducation en santé mentale, les traitements permettant de réduire les effets de la dépendance aux opioïdes, ainsi qu’une permanence téléphonique de prévention du suicide.</p>
<p>Parce que l’on peut retracer <a href="https://www.camh.ca/en/driving-change/the-crisis-is-real/mental-health-statistics">chez 70 % des adultes souffrant de problèmes de santé mentale</a> des symptômes ayant apparu à l’adolescence, il est essentiel d’investir davantage préventivement dès l’adolescence. Des programmes de prévention et d’intervention en amont fondés sur des données probantes — tels que le <a href="https://fr.preventure.ca/">PréVenture canadien</a> - permettent une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2018.00770/full">réduction d’environ 50 % des problèmes de santé mentale et des troubles liés à la toxicomanie chez les jeunes</a>. Malgré ces preuves scientifiques, le <a href="https://www.ccsa.ca/sites/default/files/2019-05/ccsa-011333-2006.pdf">financement en matière de prévention représente moins de un pour cent des coûts de l’abus de substances au Canada</a>.</p>
<p>Autre problème chronique : le coût et l’accès aux soins. Quoiqu’il existe des programmes de soutien psychologique gratuits, les <a href="https://cmha.ca/wait-times-2">listes d’attente sont notoirement longues</a>. Pour des jeunes, ces délais peuvent faire toute la différence entre soins préventifs et traitement curatif.</p>
<p>Car l’alternative privée est essentiellement inabordable. <a href="https://mps.ca/psychologist-fees/">Un coût horaire s’établissant entre 100$ à 225$</a> interdit à bien des jeunes d’y accéder, surtout pour ceux qui cherchent de l’aide sans accompagnement afin de garder l’anonymat. Offrir ces soins gratuitement permettrait de soulager la pression exercée sur le système de santé public. On pourrait faire un premier pas dans la bonne direction si le plan canadien de couverture médicale incluait <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/petition/Petition-8629/index.html">l’accès universel aux services de santé mentale</a>, surtout dans les domaines préventifs et d’intervention précoce, et ce, au moins jusqu’à l’âge de 25 ans.</p>
<h2>L’accessibilité aux services</h2>
<p>Mais nos conseillers à la jeunesse ont souligné l’importance d’aller au-delà des coûts. Ils ont énuméré : l’efficacité des services, c’est-à-dire les temps d’attente et la disponibilité de personnel qualifié, ainsi que les heures d’ouverture, le caractère inclusif du service, l’adaptation aux besoins spécifiques des jeunes comme autant d’obstacles à l’accès aux soins.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380744/original/file-20210126-19-1m69gh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les jeunes sont les laissés pour compte du système de santé mentale canadien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Adapter des programmes basés sur des données probantes — la thérapie cognitive et le soutien des pairs entre autres — à un <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2765953">environnement virtualisé</a> ouvre la voie à une nouvelle approche pour rejoindre rapidement les jeunes mal desservis. C’est tout à fait opportun compte tenu des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0706743720940562">données récentes qui confirment la détérioration de la santé mentale des jeunes</a>, ainsi que des interruptions de services dues à la pandémie.</p>
<p>Lorsque les jeunes ont accès à des professionnels en santé mentale à leur école, nos conseillers soulignent que ceux-ci tendent à se concentrer sur les problèmes académiques. Il est exact que les psychologues en milieu scolaire dévouent leur temps et leurs efforts à évaluer les résultats scolaires, les difficultés d’apprentissage et les troubles du comportement davantage que les autres problèmes de santé mentale.</p>
<p>Le ratio élèves/psychologue a également tendance à être plus élevé que celui recommandé, c’est-à-dire <a href="https://cpa.ca/docs/File/Sections/EDsection/School_Psychology_TFpaper_Aug2014_Final.pdf">1000 élèves par professionnel</a>, pour atteindre en fait de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0829573516654585">2000 à 8000 étudiants</a>. De plus, de nombreux programmes d’éducation en matière de drogues <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(09)60744-3/fulltext">semblent avoir une portée limitée</a>.</p>
<p>Afin de faire face à tout cela, il faut imposer des normes nationales pour les psychologues, portant sur le soutien clinique aux étudiants et la participation à la recherche afin d’améliorer les soins prodigués aux jeunes.</p>
<h2>Vers des nouveaux modèles de soins</h2>
<p><a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/article-abstract/2774109">Pour répondre à ce besoin de réforme</a>, de nouveaux modèles de soins plus holistiques sont à l’étude afin de prendre en compte le stade de développement de chaque personne ainsi que le degré de gravité du diagnostic porté.</p>
<p>Les services intégrés axés sur la jeunesse, tels que la <a href="https://foundrybc.ca/who-we-are/">Foundry BC</a> et <a href="https://youthhubs.ca/fr/about/">Les carrefours bien-être pour les jeunes de l’Ontario</a> (CBEJO) ont opté pour un modèle similaire à ceux de <a href="https://headspace.org.au/">l’Australia’s Headspace</a> et de l’<a href="https://accessopenminds.ca/fr/">ACCESSEsprits ouverts</a> canadien afin de fournir un accès rapide à des services de santé mentale innovants, combinant à la fois des soins en présentiel, à distance et de la sensibilisation. Ils visent également à retarder la transition vers des services pour adultes en prolongeant les soins dispensés aux jeunes adultes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380745/original/file-20210126-21-1lxz67q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des jeunes assistent à un atelier PréVenture.Certains services basés sur la recherche ouvrent la voie à des réformes en s’appuyant sur des jeunes pour développer et promouvoir une approche plus holistique des problèmes de santé mentale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">PreVenture</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Mais ces services reposent largement sur la proactivité des jeunes à s’en prémunir, et de ce fait introduisent un biais sociologique sur les jeunes desservis. Il serait donc bénéfique de coordonner ces efforts avec les établissements scolaires. Les écoles pourraient organiser des cliniques afin de rejoindre davantage de jeunes, et les cliniques spécialisées pourraient prendre le relais pour les cas que les écoles ne peuvent gérer elles-mêmes.</p>
<h2>Impliquer la jeunesse</h2>
<p>Malgré les avantages que procure la <a href="https://www.health.ny.gov/community/youth/development/docs/jphmp_s079-s087.pdf">contribution des jeunes à la recherche et à l’élaboration de services adéquats</a>, les efforts en ce sens <a href="https://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-018-3219-2">ont leurs limites</a>.</p>
<p>Nos jeunes conseillers sont quelque peu réticents lorsqu’il s’agit de débattre à visage découvert des enjeux liés à la maladie mentale car ils craignent de se voir stigmatisés, et expriment des doutes quant à l’intérêt réel des fournisseurs de service, des chercheurs et des responsables politiques. La plupart d’entre eux considèrent toutefois que sensibiliser les jeunes aux problèmes de santé mentale serait bénéfique et pourrait contribuer à l’émergence de services pertinents.</p>
<p>Alors que nous impliquons les jeunes au niveau de la recherche, CBEJO et Foundry BC les engagent dans l’élaboration et la livraison de services <a href="https://youthhubs.ca/fr/engagement/">via des comités consultatifs, du travail de sensibilisation et du soutien par les pairs</a>. <a href="https://www.camh.ca/en/camh-news-and-stories/youth-have-a-voice-in-projects-aimed-at-them">En intégrant ces différentes plates-formes au sein de leurs organisations</a> et en sollicitant l’avis des jeunes, les prestataires de services pourraient améliorer les ressources mises à la disposition de la jeunesse. Une coordination entre écoles et prestataires de service permettrait également d’explorer de nouvelles pistes afin d’impliquer davantage les jeunes.</p>
<p>La pandémie et la crise des opioïdes ont mis en relief l’urgence d’intervenir de manière plus souple en matière de santé mentale pour les jeunes. Ils méritent des soins abordables, accessibles, s’appuyant sur la science, qui sont nourris de leurs propres observations, et coordonnés et financés par les deux paliers de gouvernement.</p>
<p><em>Cet article a également été rédigé par Marion Audet, assistante de recherche en psychologie au Conrod Venture Lab, Centre de Recherche, CHU Ste-Justine. Il a également été co-écrit par le groupe consultatif des jeunes de la recherche nationale du CUSP/OPfS (dont Joseph McAndrew, Neave Allen, Hans Ang, Kyla Neville, Jackie Relihan, Laila Stewart)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154445/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ranmalie Jayasinha est affiliée au Conrod Venture Lab, Centre de Recherche, CHU Ste-Justine, qui héberge le programme PreVenture.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Conrod travaille pour l'Université de Montréal et le CHU Ste-Justine. Elle reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada pour évaluer l'impact des stratégies d'intervention précoce et ciblée sur la santé mentale des jeunes et les résultats de la consommation de substances psychoactives. Elle a également reçu des honoraires de consultation de la part d'organisations gouvernementales lorsqu'elle a donné des conseils sur la manière de développer une prévention de la toxicomanie et de l'alcoolisme fondée sur des données probantes.
</span></em></p>Les taux élevés de maladies mentales chez les jeunes montrent l’urgence de mettre en place des soins de santé mentale accessibles, abordables et soutenus par la recherche.Ranmalie Jayasinha, Postdoctoral Research Fellow, Faculty of Medicine, Université de MontréalPatricia Conrod, Professor of Psychiatry, Faculty of Medicine, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1532262021-01-27T18:31:37Z2021-01-27T18:31:37ZYukio Mishima, un écrivain obsédé par la mise en scène de sa propre mort<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379757/original/file-20210120-19-1hxtduf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C41%2C926%2C533&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'auteur japonais Yukio Mishima parle aux soldats de la Force d'autodéfense japonaise au poste de garnison militaire de Tokyo le 25 novembre 1970.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jiji Press/AFP</span></span></figcaption></figure><p>L’écrivain japonais <a href="https://books.google.com/books/about/Mishima.html?id=nUhkAAAAMAAJ">Yukio Mishima</a> a longtemps été la coqueluche de la presse internationale. <a href="https://books.google.com/books?id=61UEAAAAMBAJ&pg=PA28">En 1966, le magazine <em>Life</em></a> le qualifiait d’« écrivain prolifique » et d’« Hemingway japonais ». En août 1970, la une <a href="https://images-na.ssl-images-amazon.com/images/I/51PGGMgWsEL._SX258_BO1,204,203,200_.jpg">du <em>New York Times Magazine</em></a> le présentait comme « le symbole du renouveau japonais ».</p>
<p>Mishima était aussi acteur et réalisateur, chanteur, culturiste et fervent adepte des arts martiaux. La couverture du <em>New York Times</em> le montre ainsi en train de manier un sabre, vêtu d’une veste de <a href="https://www.collinsdictionary.com/us/dictionary/english/kendo"><em>kendo</em></a> blanche et d’un <em>hakama</em>. Moins de quatre mois plus tard, il se faisait <a href="https://www.britannica.com/topic/seppuku"><em>seppuku</em></a>, le rituel plus connu en Occident sous le nom de <em>hara-kiri</em>, qui consiste à s’ouvrir l’abdomen à l’aide d’un sabre court, avant d’être décapité au sabre long par une personne de confiance.</p>
<p>Un demi-siècle plus tard, ce geste spectaculaire et toujours aussi déconcertant continue de hanter les esprits. Il n’en est pas moins déroutant que le recueil de photographies récemment dévoilées, publié sous le titre <a href="https://www.rizzoliusa.com/book/9780847868698"><em>Yukio Mishima : The Death of a Man</em></a> en anglais et <a href="https://www.ccc-artlab.jp/news/2020/11/568/"><em>Otoko No Shi</em></a> en japonais.</p>
<p>Pris par Kishin Shinoyama, l’un des plus éminents photographes japonais depuis les années 1960, et mis en scène par Mishima dans les mois précédant son suicide, ces clichés dépeignent les multiples morts de l’auteur.</p>
<p>Le livre sur lequel je travaille aujourd’hui, <em>Le suicide orchestré dans le Japon moderne</em>, recense des dizaines d’écrivains japonais qui, à l’instar de Mishima, ont mis en scène leur suicide – depuis l’étudiant de seize ans gravant un ultime poème, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Misao_Fujimura"><em>Sentiments du haut du rocher</em></a>, dans un tronc au sommet d’une cascade du haut de laquelle il s’est jeté en 1903, jusqu’à la célébrissime <em>mangaka</em> <a href="http://luvpcefu.livedoor.blog/archives/6197542.html">Yamada Hanako</a>, qui, lors d’une conférence sur la bande dessinée en 1992, prédit sa chute depuis le toit d’un immeuble résidentiel à Tokyo.</p>
<p>Ces actes interrogent sur la manière dont chacun façonne et entretient son image, dans la vie comme dans la mort. Ils nous rappellent que les défunts laissent des traces inattendues, parfois même de leur propre initiative. Pourtant, l’énigme Mishima reste entière.</p>
<h2>Un adapte ultranationaliste du renouveau japonais</h2>
<p>Mishima a connu très tôt la renommée littéraire et publié ses premières nouvelles en 1941. Il n’était alors qu’un adolescent précoce, bientôt catapulté sous les feux de la rampe avec un roman semi-autobiographique, <a href="https://www.ndbooks.com/book/confessions-of-a-mask/"><em>Confessions d’un masque</em></a>, paru en 1949. Fortement pressenti à devenir le premier Japonais à remporter un prix Nobel de littérature, il échoua en 1968 au profit de son mentor, <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/literature/1968/kawabata/biographical/">Yasunari Kawabata</a>. Mishima, qui refusait obstinément de se laisser imposer une étiquette, écrivait aussi bien de la poésie, des pièces de théâtre <a href="http://afe.easia.columbia.edu/special/japan_1000ce_noh.htm">Nô</a> et <a href="https://globalshakespeares.mit.edu/glossary/kabuki">Kabuki</a> modernes que de la science-fiction, des polars sanglants et des essais sur la culture.</p>
<p>Il refusait de se cantonner à la littérature. Durant les années 1960, il exprima des opinions de droite de plus en plus assumées, où il défendait la restauration du pouvoir de l’empereur et de l’armée japonaise. Après la défaite de son pays à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il <a href="https://jacobinmag.com/2020/11/yukio-mishima-far-right-anniversary-death">déplora</a> que ces deux institutions aient été neutralisées par une <a href="https://www.cfr.org/japan-constitution/japans-postwar-constitution">constitution imposée par les États-Unis</a> qui faisait de l’empereur un homme de paille et privait le Japon de son droit de partir en guerre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="En uniforme militaire, Mishima observe les marcheurs." src="https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377376/original/file-20210106-21-gbgewd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=552&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yukio Mishima observe une parade du <em>Tatenokai</em> ou « société du bouclier », une milice composée de jeunes militants cofondée par l’auteur dans le but de réinstaurer les traditions ancestrales du Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/famous-japanese-novelist-yukio-mishima-committed-suicide-news-photo/515398518?adppopup=true">Bettmann/AFP</a></span>
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</figure>
<p>Le 25 novembre 1970, après des mois de préparatifs minutieux, Mishima et quatre membres de sa milice privée, la « société du bouclier », fomentèrent un coup d’État <a href="https://www.nytimes.com/1970/11/27/archives/mishimas-suicide-linked-to-plot-to-oust-the-regime.html">lors d’une prise d’otages dans le quartier général du ministère de la Défense</a>. L’écrivain prononça ensuite un discours vibrant devant les jeunes officiers, sans pour autant réussir à gagner leur respect ni leur soutien. Anticipant l’échec de son entreprise, il se suicida par <em>seppuku</em>. <a href="http://www.asahi.com/ajw/articles/13903294">Son amant présumé</a>, Masakatsu Morita, membre lui aussi de la société du bouclier, le suivit dans la mort.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=NeskvAXHfZw">Terrifié à l’idée de vieillir et de survivre à son heure de gloire</a>, Mishima mit fin à ses jours à l’âge de 45 ans. Il était alors à son apogée, tant sur le plan physique que créatif. Plus tard, on le revit dans les pages du magazine <em>Life</em>. Cette fois, il s’agissait d’une photo de sa tête décapitée, à côté de celle de Morita.</p>
<h2>Tenter d’expliquer l’inexplicable</h2>
<p>Les spéculations autour du mode opératoire choisi par Mishima sont allées bon train. À la façon d’un test de Rorschach, l’incident est soumis à une myriade d’interprétations à même d’étayer n’importe quelle théorie ou presque. Ainsi se poursuit sans fin la quête d’une raison susceptible d’expliquer un acte inexplicable.</p>
<p>Le <em>seppuku</em> a longtemps été réservé aux samouraïs, mais la caste de guerriers et leur suicide rituel <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/563658/seppuku-by-andrew-rankin/">ont été abolis</a> dans le cadre d’une politique de modernisation du pays à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>D’aucuns ont interprété le suicide de Mishima à travers le prisme culturel et politique. En revenant à une pratique rituelle anachronique depuis longtemps interdite par la loi, il cherchait à ressusciter l’esprit samouraï de sa nation, appelant le Japon à briser le joug de l’impérialisme américain et à revenir à ses traditions ancestrales.</p>
<p>Certains ont avancé que sa mort, dans d’atroces souffrances, au côté de son jeune amant, marquait le paroxysme d’une obsession macabre. <a href="https://uhpress.hawaii.edu/title/mishima-aesthetic-terrorist-an-intellectual-portrait/">D’autres l’envisagent sous un angle cérébral, philosophique</a>, citant les critiques et les essais de Mishima sur l’union d’Éros et de la mort, telle que le philosophe français Georges Bataille l’avait analysée. En parallèle, les <a href="https://books.bunshun.jp/ud/book/num/9784166604777">témoignages polémiques et sans concession</a> de ses anciens amants illustrent son engouement érotique pour le suicide mis en scène dans des jeux de rôles savamment orchestrés.</p>
<h2>La mort banalisée par accumulation</h2>
<p>Toutes ces théories éclipsent la production artistique ahurissante de Mishima à mesure que la date de son suicide approchait, car il avait parfaitement conscience que ces œuvres seraient englouties dans les répercussions de son geste.</p>
<p>Dans son essai canonique, <a href="https://www.google.com/books/edition/The_Savage_God/aGBLQAbPE7cC?hl=en&gbpv=1&dq=The+Savage+God+ALvarez"><em>Le Dieu sauvage</em></a>, relatif au rapport entre l’art et le suicide dans la société occidentale, Al Avarez souligne que cet acte, en ce qu’il est un « monde clos », se soustrait à la logique du témoin extérieur. En outre, dans le célèbre <em>Porter la main sur soi : du suicide</em>, Jean Améry, qui a survécu à Auschwitz et à la première de ses deux tentatives de suicide, juge le geste tout aussi incompréhensible pour la personne qui le commet, le rapprochant du sentiment d’être « cerné de profondes ténèbres impénétrables ».</p>
<p>Avec Mishima, cependant, ce monde est loin d’être clos. Il s’avère peut-être même trop accessible, exhibé aux yeux de tous sans le moindre signe d’apaisement, même cinquante ans plus tard. <em>La Mort d’un homme</em>, publié par Rizzoli Press en septembre dans sa version anglaise, dévoile une série de photographies prises par Shinoyama dans les semaines qui ont précédé la mort de Mishima.</p>
<p>Sur ces images, l’écrivain multiple les trépas. On le voit tantôt habillé en marin, fouetté à mort sur un bateau, tantôt en combinaison de mécanicien déboutonnée, un tournevis planté dans l’abdomen. Il se fait duelliste tout de blanc vêtu, transpercé par le fleuret de son adversaire ; gymnaste abattu d’un tir en pleine poitrine, suspendu à un anneau ; poissonnier en pagne se livrant au <em>seppuku</em> sur le sol de son échoppe jonché d’entrailles de poisson ; ou encore soldat, avec casque et pagne, pris au piège des barbelés.</p>
<p>Abrutissantes dans leur accumulation macabre, les photographies aux titres génériques et répétitifs (<em>La Mort d’un marin</em>, <em>La Mort d’un mécanicien</em>, <em>La Mort d’un gymnaste</em>, <em>Le Noyé</em>, <em>Le Pendu</em>, etc.) épuisent. Le « cadavre » de Mishima apparaît comme la seule constante, réunissant un éventail de professions et de modes opératoires. Il incarne, ô combien littéralement, les <a href="https://books.google.com/books?id=yT0iaUzDmIUC&q=return+of+the+dead#v=onepage&q=that%20rather%20terrible%20thing%20which%20is%20there%20in%20every%20photograph%3A%20the%20return%20of%20the%20dead&f=false">propos</a> de Roland Barthes selon lequel « ce qui est photographié est un spectre : il y a retour du mort ».</p>
<h2>Une mise en scène minutieuse</h2>
<p>Cette série de photographies n’illustre pourtant pas la première mort de Mishima dans son œuvre.</p>
<p>Acteur principal de son moyen métrage de 1966, <em>Yūkoku ou les rites d’amour et de mort</em>, réalisé par ses soins et adapté de sa nouvelle éponyme, Mishima pratique déjà l’éprouvant <em>seppuku</em>. Dans le film de 1960 de Yasuzō Masumura, <em>Le Gars des vents froids</em>, il joue un yakuza abattu d’un tir dans le dos. Il se donne de nouveau la mort par <em>seppuku</em> dans le rôle d’un samouraï dans le film de 1969 de Hideo Gosha, <a href="https://www.imdb.com/title/tt0200710/?ref_=nv_sr_srsg_0"><em>Hitokiri</em></a>. Alors qu’il participe à une séance photo en 1967 avec le culturiste et photographe Tamotsu Yatō, <a href="https://www.google.com/books/edition/The_Japan_Journals/kfeVYVhvnfgC?hl=en&gbpv=1&dq=Yato+Tamotsu&pg=PT99">il pose, feignant la mort, dans un paysage enneigé</a>, seulement vêtu d’un pagne, et serrant dans sa main un <em>katana</em>.</p>
<p>Toutefois, Mishima a exercé un contrôle absolu sur la conception et la réalisation de cet ultime recueil. Contrairement à ses précédents travaux de modèle, où il s’était entièrement livré – <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/gallery/2016/nov/03/yukio-mishima-erotic-portraits-eikoh-hosoe-ordeal-by-roses-in-pictures">selon ses propres termes</a> – à la « fascination de l’objectif », il a ici tout orchestré. La grande majorité des clichés ont été pris à sa demande entre début septembre et le 17 novembre 1970. Il a finalisé la <a href="https://www.stonebridge.com/catalog-2020/Persona">sélection</a> lors d’une réunion le 20 novembre 1970, cinq jours seulement avant sa mort.</p>
<p>Shinoyama déplorera plus tard le « manque total d’intérêt » du projet, et s’agacera de l’ingérence de Mishima, obsédé par la « nuance très précise de rouge » qu’il voulait donner au faux sang.</p>
<p>L’ouvrage devait à l’origine être publié immédiatement après le suicide de Mishima. Du moins était-ce la volonté de l’auteur. Mais Shinoyama s’y est opposé pendant plusieurs dizaines d’années, <a href="https://www.tokyo-sports.co.jp/entame/news/1537983/">arguant avec colère</a> en septembre 2019 qu’il avait été manipulé.</p>
<blockquote>
<p>« Seul Mishima savait. Même s’il s’agissait d’un documentaire menant à la mort, en tant que photographe, je n’étais qu’un idiot. »</p>
</blockquote>
<h2>Notre désir de préservation</h2>
<p>On ne peut nier que la volonté de Mishima à explorer la mort dans l’art, la politique et l’intimité relevait de l’obsession. Toutefois, son acte, quoiqu’extrême, présente une certaine universalité.</p>
<p>La mort – la nôtre ou celle d’autrui – contraint à s’interroger sur le souvenir laissé par les défunts, à supposer qu’ils en laissent un. On ne peut s’empêcher d’imaginer ou même de chercher à contrôler la façon dont nous marquerons les mémoires, les objets ou la vie de nos proches. Il s’agit d’un désir de préservation, voire d’immortalité.</p>
<p>Dans le cas de Mishima, ce projet d’autopréservation était prémédité. L’auteur admettait que, quand bien même l’art permettrait de survivre à travers les œuvres qui perdurent, cela n’allait pas sans poser des problèmes. Dans un essai datant d’octobre 1967, au titre provocateur de <a href="https://iss.ndl.go.jp/books/R100000002-I000001261103-00"><em>Comment vivre éternellement ?</em></a>, Mishima médite sur les difficultés rencontrées par les artistes qui s’inscrivent au cœur de leur art – soit en auteur d’une fiction autobiographique, soit en tant qu’acteur dans un film ou une pièce de théâtre – dans le but d’atteindre ce qu’il appelle « une immortalité fourbe et trompeuse ».</p>
<p>C’est cette volonté de préservation que l’on retrouve au cœur de son projet photographique. La mort n’y est pas seulement représentée, mais aussi mise en suspens, souvent littéralement, comme dans les clichés montrant Mishima suspendu, transpercé par un fleuret ennemi, ligoté par des cordes ou accroché à des anneaux de gymnastique.</p>
<p>Au sein d’une nation qualifiée de « pays du suicide », en raison du taux aujourd’hui très élevé de cet acte, étroitement lié à l’histoire du Japon, Mishima en demeure, cinquante ans plus tard, l’exemple le plus tristement célèbre.</p>
<p>Il est grand temps de laisser Mishima reposer en paix. Et ces photographies éprouvantes nous en offrent peut-être l’occasion.</p>
<p>L’ouvrage se conclut par un chapitre intitulé <em>La Mort d’un samouraï</em>, où l’on voit Mishima en tenue blanche traditionnelle, les cheveux rassemblés en chignon haut, en train de se faire <em>seppuku</em>, dans une série de six clichés qui s’achèvent en apothéose par une silhouette mouchetée de sang, prostrée dans un néant blanc.</p>
<p>Pourtant, c’est une autre image, celle qui orne la couverture, qui offre un semblant de répit : un simple plan rapproché du visage de Mishima, sans tache ni éclaboussure sanglante. L’arrière-plan plongé dans l’ombre contraste avec sa figure généreusement poudrée tendue vers la lumière. En guise de contexte, un titre : <em>Masque mortuaire</em>.</p>
<p>Le soulagement dans la mort et la mort en soulagement, enfin.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Mathilde Montier pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kirsten Cather ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les photographies récemment publiées de Yukio Mishima, prises au cours de ses dernières semaines, montrent un artiste obsédé par la mise en scène de la mort.Kirsten Cather, Associate Professor, The University of Texas at AustinLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1489762020-11-19T18:19:16Z2020-11-19T18:19:16ZCovid-19 : la détresse des étudiants universitaires est bien réelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369895/original/file-20201117-19-1hjpg3d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C35%2C7892%2C5261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les étudiants universitaires ont des taux de détresse avoisinant les 60%. Il est urgent de leur venir en aide.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Des milliers d’étudiants universitaires suivent actuellement leurs cours à distance. Ils se disent découragés, démotivés, isolés, surchargés, voire déprimés et suicidaires… Ces récits individuels reflètent-ils bien la réalité dans la plupart des universités du Québec ? C’est ce que notre groupe de recherche a voulu vérifier.</p>
<p>Au mois de mars 2020, des milliers d’étudiants et d’employés ont vu leur vie bouleversée à la suite de la fermeture temporaire des établissements universitaires québécois.</p>
<p>Les cours en présence ont fait place à différents modes d’enseignement virtuel, et ce, afin de pouvoir compléter le trimestre d’hiver. Ces solutions, qui avaient été imaginées comme temporaires se sont depuis maintenues et diversifiées dans l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur. C’est ainsi que cet automne des milliers d’étudiants amorcent ou poursuivent, le plus souvent à distance, leurs études universitaires.</p>
<p>Plusieurs témoignages d’étudiants ont fait les manchettes dans les dernières semaines, mettant en évidence leurs sentiments <a href="https://www.lapresse.ca/societe/2020-10-26/enseignement-universitaire-en-ligne/il-n-y-a-plus-de-frontiere-entre-la-vie-privee-et-les-etudes.php">d’isolement ou de surcharge</a>, leur <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2020-10-08/covid-19/que-vaudra-notre-diplome.php">démotivation ou démoralisation</a>, de même que leur <a href="https://www.latribune.ca/actualites/detresse-psychologique-cri-du-cur-de-la-communaute-etudiante--a370f1f6802c251255b40d6c04b09ef3">détresse</a>.</p>
<p>Dans cette lignée, des articles ont traité d’enjeux qui semblent accentuer cette détresse, comme les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/10/05/etudiants-du-cegep-et-de-luniversite-laisses-dans-le-flou">flous administratifs</a>, de même que <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1743970/soutien-psychologique-cegep-universite-quebec-covid19-sante-mentale">l’insuffisance des ressources académiques et psychosociales</a> déployées afin de soutenir les étudiants.</p>
<p>Notre équipe constituée de <a href="http://www.uqac.ca/impactcovid/lequipe-de-recherche/">quinze chercheurs</a> provenant des dix établissements du <a href="http://www.uquebec.ca/reseau/fr">Réseau de l’Université du Québec</a> s’intéresse depuis plusieurs mois aux conséquences de la pandémie sur la santé globale des étudiants et du personnel des universités québécoises.</p>
<p>Entre le 27 avril et le 5 juin 2020, nous avons mené une étude auprès de <a href="http://www.uqac.ca/impactcovid/sous-menu-1/">2754 étudiants et employés universitaires</a>, qui ont répondu à un questionnaire en ligne portant sur différents aspects de leur santé psychologique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369157/original/file-20201112-17-otxvkt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un échantillon de 2754 étudiants et employés universitaires ont participé à la première phase de cette étude en complétant sur une base volontaire un questionnaire en ligne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UQAC</span></span>
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<h2>Entre stress et détresse</h2>
<p>Notre étude révèle que la pandémie a été une source de <a href="https://constellation.uqac.ca/6013/">stress</a> non négligeable pour une majorité d’étudiants et d’employés universitaires. Cet événement stressant a mis à l’épreuve les capacités d’adaptation des individus, se traduisant notamment par une baisse de la qualité du sommeil et une hausse de la consommation d’alcool.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369159/original/file-20201112-21-1m9kkp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le stress et les difficultés d’adaptation qui en découlent se sont traduits par de la détresse psychologique chez 42 % des répondants à l’étude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">UQAC</span></span>
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<p>Par ailleurs, bien qu’ils ne se soient pas sentis dépassés par les enseignements proposés, 40 % des étudiants ont évoqué des enjeux de motivation et de concentration. Ce stress et les difficultés d’adaptation qui en découlent se sont traduits par de la <a href="https://constellation.uqac.ca/6013/">détresse psychologique</a> chez 42 % des personnes ayant rempli le questionnaire.</p>
<h2>Plus fragiles que les employés</h2>
<p>Les étudiants sont toutefois davantage fragilisés que les employés, avec des taux de détresse avoisinant les 60 %. Ils sont plus enclins que les employés à vivre des symptômes apparentés à la <a href="https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/sante-mentale-maladie-mentale/depression/">dépression majeure</a>, au trouble d’<a href="https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/sante-mentale-maladie-mentale/trouble-anxiete-generalisee/">anxiété généralisée</a> ou au <a href="https://cmha.ca/fr/trouble-de-stress-post-traumatique-tspt#:%7E:text=Le%20trouble%20de%20stress%20post%2Dtraumatique%20(TSPT)%20est%20une,et%20provoque%20une%20grande%20d%C3%A9tresse.">trouble de stress post-traumatique (TSPT)</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369562/original/file-20201116-17-1jo62vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plus de la moitié des étudiants qui ont répondu au sondage disent avoir des symptômes de dépression majeure.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bergeron-Leclerc, C., Maltais, D. et Blackburn, A. (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comparativement aux employés (5,8 %), les étudiants (13,4 %) sont également plus nombreux à avoir eu au moins une fois des idées suicidaires dans le mois ayant précédé notre enquête. Ce niveau de détresse rapporté par les étudiants est préoccupant, d’autant plus que ces derniers cumulent davantage de problèmes psychologiques que les employés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/369564/original/file-20201116-23-apu9m6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les étudiants cumulent davantage de problèmes psychologiques que les employés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bergeron-Leclerc, C., Maltais, D. et Blackburn, A. (2020)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un événement traumatique ?</h2>
<p>Les données amassées dans la première phase de cette étude montrent que la pandémie constitue, pour un peu plus du tiers des étudiants, un <a href="https://www.stresshumain.ca/Documents/pdf/Mammouth-Magazine/Mammouth_vol12_FR.pdf">événement potentiellement traumatique</a>.</p>
<p>Depuis plus de 25 ans, on reconnaît que des maladies ou des événements médicaux peuvent engendrer des réactions post-traumatiques. Dans le cas de la Covid-19, tant le virus et la crainte de contamination que les pertes associées à la pandémie ont pu constituer des menaces au bien-être des individus et des collectivités.</p>
<p>À propos des craintes, notre étude montre que 77 % des étudiants ont craint qu’un membre de leur famille immédiate soit contaminé, tandis que 54 % ont craint de l’être eux-mêmes. De plus, 64 % des étudiants ont dit avoir été préoccupés par leur intégrité ou leur sécurité physique et psychologique pendant le confinement. Parmi les autres craintes évoquées, la réussite sociale et l’avenir professionnel ont été soulignés par près de huit étudiants sur dix.</p>
<h2>Pas tous égaux devant la pandémie</h2>
<p>Les étudiants sont-ils tous égaux face à la pandémie ? La réponse est évidemment non. Le potentiel traumatique de la pandémie est significativement plus important chez certaines catégories d’étudiants. Les femmes présentent davantage de manifestations de TSPT que les hommes. Les <a href="https://www.capres.ca/caracteristiques-socioculturelles-de-letudiant/etudiant-en-situation-de-handicap-esh/resultats-etudiants-en-situation-de-handicap-dans-les-universites-quebecoises/">étudiants en situation de handicap</a> sont également plus touchés par ce type de manifestations que ceux n’en ayant pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-un-impact-plus-grand-chez-les-femmes-138287">Covid-19 : un impact plus grand chez les femmes</a>
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<p>De plus, la situation économique des étudiants semble avoir un impact sur l’émergence, voire l’importance, des manifestations. En effet, plus un individu a des inquiétudes face à sa capacité financière de subvenir à ses besoins, plus ses manifestations de stress post-traumatique sont importantes. Il importe en dernier lieu de spécifier que le fait d’être d’origine autochtone ou de faire partie d’une minorité visible n’a pas d’effet sur l’ampleur des manifestations de TSPT au sein de la population sondée.</p>
<h2>Une population vulnérable ?</h2>
<p>Les résultats de notre étude confirment que la détresse psychologique n’est pas le fait de quelques individus ayant pris la parole publiquement. Les résultats préliminaires de cette étude indiquent que le groupe des étudiants universitaires constitue une population vulnérable auprès de qui des actions préventives et curatives devraient être mises en place.</p>
<p>Cette vulnérabilité se présente sous différentes formes et a pour conséquence que les étudiants ayant d’importantes manifestations de TSPT ont davantage <a href="https://constellation.uqac.ca/6013/">d’idéations suicidaires</a> que leurs pairs n’en ayant pas.</p>
<p>Considérant que le soutien social et la <a href="https://constellation.uqac.ca/6062/">spiritualité</a> s’avèrent au sein de notre étude des facteurs de protection de la santé, il nous semble que ces pistes devraient être exploitées pour la consolidation des services en place au sein des communautés universitaires. Espérons que les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1748847/covid-solitude-isolement-cegep-universite">mesures gouvernementales envisagées</a> ne tarderont pas trop !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148976/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christiane Bergeron-Leclerc a reçu des financements du Centre intersectoriel en santé durable (CISD), de la Fédération québécoise des professeures et des professeurs d'université (FQPPU) et de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ariane Blackburn a reçu des financements de Mitacs. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Danielle Maltais a reçu des financements du Centre intersectoriel en santé durable (CISD) de l'UQAC, de la Fédération québécoise des professeurs et professeures d'université du Québec (FQPPU) et de l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC).</span></em></p>Les étudiants universitaires ont des taux de détresse avoisinant les 60 %. Il est urgent de leur venir en aide.Christiane Bergeron-Leclerc, Professeure de travail social , Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Ariane Blackburn, Coordonnatrice de recherche, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Danielle Maltais, Chair professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329462020-07-14T14:48:51Z2020-07-14T14:48:51ZPrévention du suicide : l’autre courbe à aplanir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341898/original/file-20200615-65956-1s29pap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C19%2C3239%2C2172&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il faut continuer à promouvoir la santé mentale, prévenir la détresse, sensibiliser les professionnels de la santé et offrir des services adaptés aux mesures de distanciation physique.</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’isolement, le manque de soutien, l’intimidation, le manque d’accès à des ressources adéquates et l’insécurité économique sont tous des facteurs fortement associés au suicide. La pandémie de Covid-19 <a href="https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/covid/2994-prevenir-violence-suicide-covid19.pdf">exacerbe certains de ces facteurs</a> et pourrait amener à moyen terme une augmentation des comportements suicidaires dans la population.</p>
<p>Cependant, il n’y a pas assez de données sur les comportements suicidaires en période de crise sanitaire pour pouvoir faire des prédictions pertinentes. Par exemple, chez les jeunes, les taux de détresse augmentent dans certains groupes vulnérables, mais les expériences d’intimidation vécues à l’école et associées à des gestes suicidaires ont diminué du fait de la fermeture des écoles.</p>
<p>Aussi, l’impact du chômage amplifié par la pandémie s’étale dans le temps, et varie en fonction des mesures de mitigation mises en place. Par exemple, une compensation salariale temporaire, comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) permet de réduire ponctuellement le stress associé à l’insécurité économique. L’urgence sanitaire a aussi créé une mobilisation pour réduire les facteurs de vulnérabilité au suicide (inégalités sociales, pauvreté, manque de ressources d’aide adaptées) <a href="https://theconversation.com/une-pandemie-qui-met-en-lumiere-les-injustices-sociales-135405">révélés au grand jour</a> par cette crise.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7236718/pdf/main.pdf">Une étude</a> réalisée par des chercheurs de l’Université de Toronto, prévoit qu’il pourrait y avoir de 418 à 2114 suicides de plus au Canada en 2020-2021 en raison de la Covid-19. Or il faut être extrêmement prudent avec ce type de modèle qui ne retient qu’un seul facteur (le taux de chômage) pour établir des projections, alors que ce taux peut varier en fonction des différentes mesures en place.</p>
<p>L’effet de la pandémie sur les comportements suicidaires est donc complexe et dépend fortement des interventions macrosystémiques mises en place par les instances fédérales, provinciales, locales et communautaires.</p>
<h2>Des facteurs prédisposants</h2>
<p>Sur le plan des caractéristiques personnelles, les éléments les plus souvent associés au risque de décès par suicide sont le <a href="https://www.inspq.qc.ca/publications/2642">fait d’être un homme</a>, de souffrir d’un trouble de l’humeur, de troubles psychotiques et de la personnalité. Les problèmes de consommation (alcool, drogues, médicaments), le fait d’avoir des traits impulsifs ou agressifs, de présenter des rigidités dans la pensée, du désespoir et du découragement ou d’avoir déjà fait une tentative de suicide sont aussi des facteurs de risque bien documentés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/controler-la-pensee-avec-des-aimants-un-traitement-prometteur-contre-la-depression-133292">Contrôler la pensée avec des aimants : un traitement prometteur contre la dépression</a>
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<p>Les idées suicidaires n’apparaissent pas spontanément chez une personne vulnérable. Certaines trajectoires de vie ou des facteurs psychosociaux entrent en jeu. Les victimes de violence familiale, d’abus, de négligence ou ayant vécu des évènements traumatiques sont plus à risque. Les personnes qui ont des parents ou des proches ayant des troubles de santé mentale importants ou des comportements suicidaires présentent aussi un risque accru.</p>
<p>Certains groupes sont également plus vulnérables, comme les <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/99-011-x/99-011-x2019001-eng.htm">autochtones</a> ou les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19359705.2015.1007417">communautés LGBTQ2+</a> en raison de leurs difficultés sociales, économiques et culturelles.</p>
<p>À ces trajectoires de vie complexes s’ajoutent des évènements déclencheurs, ponctuels ou récurrents comme une perte, une séparation ou un conflit important que l’entourage associe au suicide du fait de cette proximité temporelle. Ainsi, une perte d’emploi liée à la pandémie pourrait agir comme déclencheur chez certaines personnes vulnérables, tout comme le confinement pourrait en amener d’autres à développer des difficultés de santé mentale.</p>
<h2>Moins de suicides, plus de tentatives</h2>
<p>Au Québec, la crise actuelle survient dans un contexte où les décès par suicide ont reculé de façon continue depuis 20 ans, après avoir connu un pic de 22 par 100 000 personnes dans les années 1990. <a href="https://www.inspq.qc.ca/publications/2642">Les dernières données disponibles</a> indiquent que ce taux était de 12,4 par 100 000 en 2017 (1 045 décès), alors qu’il était de 18 par 100 000 en 2001. Les hommes présentent un taux de suicide plus élevé (17,9 par 100 000) que les femmes (6,1 par 100 000). Et ceux qui sont âgés entre 50 et 64 ans sont les plus vulnérables.</p>
<p>Toutefois, les tentatives de suicide augmentent et sont plus nombreuses chez les femmes, pour qui les [hospitalisations pour tentatives de suicide] sont passées de 34,5 par 100 000 en 2007 à 59,5 par 100 000 personnes en 2017. Chez les hommes, elles ont augmenté de 26,3 à 37,9 par 100 000 personnes pour la même période. L’augmentation la plus marquée est observée chez les jeunes filles de 15 à 19 ans.</p>
<p>Enfin, la dernière <a href="https://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/sante/etat-sante/sante-globale/sante-quebecois-2014-2015.pdf">enquête québécoise de 2014-2015</a> sur la santé de la population montre que 2,8 % des Québécois disent avoir pensé sérieusement au suicide dans l’année précédente. Ici encore, les femmes ont plus d’idées suicidaires que les hommes et ces données sont relativement stables dans le temps.</p>
<h2>La prévention : un effort collectif</h2>
<p>La prévention du suicide peut prendre diverses formes et la recherche a permis de soutenir le développement de pratiques solides et efficaces. Le Québec est en train de se doter <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1367381/programme-sante-mentale-suicide-prevenir-collectif-ministre-mccann">d’une stratégie</a> pour coordonner les efforts de différents acteurs.</p>
<p>Ces stratégies nationales permettent de responsabiliser toute la société face à la prévention du suicide, d’harmoniser les actions de prévention, d’organiser adéquatement les ressources et d’adopter des pratiques cliniques fondées sur les meilleures connaissances. Elles permettent aussi de soutenir des projets en prévention du suicide associant milieux communautaires et centres de santé et services sociaux.</p>
<p>Les milieux communautaires sont très actifs pour offrir des services adaptés aux besoins de divers groupes de personnes vulnérables. Ils offrent de l’accompagnement téléphonique, des suivis étroits auprès de personnes ayant fait une tentative de suicide, de l’accompagnement et du soutien aux familles et aux endeuillés par suicide.</p>
<p>Il existe également des <a href="https://www.aqps.info/se-former/sentinelle.html">programmes de sentinelles</a> pour aider à repérer les personnes à risque dans leurs milieux de vie, des <a href="https://suicideactionmontreal.org/nos-formations/">formations pour les intervenants</a> ainsi que des services de postvention (intervention effectuée suite à un suicide) dans des milieux touchés par un suicide.</p>
<p>Les milieux communautaires sensibilisent également la population grâce à des campagnes de communication, la <a href="https://www.aqps.info/media/documents/AQPS_traitementmediatiquesuicide.pdf">promotion de pratiques journalistiques</a> et artistiques responsables pour limiter les risques de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Werther">« contagion » à la suite de la médiatisation</a> d’un suicide, ou encore l’inclusion des enjeux associés à la prévention du suicide dans les <a href="https://collectifpreventionsuicide.com/">politiques publiques</a>.</p>
<h2>Maintenir les services en santé mentale</h2>
<p>Dans une perspective de prévention, le diagnostic et le traitement des troubles de santé mentale ainsi que l’accès à des services de soutien psychologique sont cruciaux. L’accompagnement après l’hospitalisation pour une tentative de suicide compte également parmi les bonnes pratiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341906/original/file-20200615-65942-3z038k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique du Québec, Geneviève Guilbault, à gauche, et la ministre de la Santé du Québec, Danielle McCann, ont présenté un plan d’action Covid-19 accompagné d’une enveloppe de 31 millions pour soutenir les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, le mercredi 6 mai 2020 à l’Assemblée législative de Québec.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot</span></span>
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<p>En temps de crise sanitaire, il peut être tentant de concentrer toutes les ressources à limiter contagion et soigner les personnes infectées. Il convient cependant de maintenir les services de soutien social à leur niveau maximum. Il faut continuer à promouvoir la santé mentale, prévenir la détresse, sensibiliser les professionnels de la santé et offrir des services adaptés aux mesures de distanciation physique. Le repérage et l’offre proactive d’aide aux personnes isolées et vulnérables sont des mesures préventives prometteuses.</p>
<p>Dans le contexte du déconfinement, la reprise d’activités socio-économiques adaptées aux besoins des populations est essentielle pour aplanir le risque à long terme. La recherche doit aussi se poursuivre afin de développer et valider des approches de prévention adaptées localement. Si nous agissons collectivement, l’augmentation des comportements suicidaires pourrait être moins importante que les modèles ne l’anticipent.</p>
<p>Si vous ou un de vos proches pensez au suicide, contactez dès maintenant les services d’aide au 1-866-277-3553 (Québec) et au 1-833-456-4566 (ailleurs au Canada).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132946/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Bardon a reçu des financements du conseil de recherche du canada en sciences humaines, des instituts de recherche en santé du Canada, et de divers organismes de financement de la recherche au Québec.</span></em></p>La pandémie de Covid-19 pourrait exacerber certains facteurs de risque de suicide. Il faut agir collectivement pour aplanir ces risques à moyen et à long terme.Cécile Bardon, Professeure, directrice associée du Centre de recherche et intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323742020-02-25T20:33:54Z2020-02-25T20:33:54ZÉtats-Unis : pourquoi les jeunes Noirs se suicident-ils autant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/317073/original/file-20200225-24668-10bflbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C11%2C3776%2C2138&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les jeunes Noirs sont peut-être moins susceptibles que les autres jeunes de partager leurs sentiments de solitude ou de dépression, ce qui pourrait expliquer le fait que le taux de suicide est plus élevé au sein de cette catégorie de la population.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/depressed-teenager-sitting-gateway-missing-child-1294737016">Motortion Films/Shutterstock.com</a></span></figcaption></figure><p>Aux États-Unis, le <a href="https://www.aappublications.org/news/2019/10/14/suicide101419">taux de suicide est en progression chez les jeunes Noirs</a>. En 2016, puis en 2018, les statistiques nationales ont révélé que, parmi les enfants âgés de 5 à 11 ans, la <a href="https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2015.0465">population noire comptait le plus fort taux</a> de décès par suicide. Entre 2008 et 2012, <a href="https://doi.org/10.1001/jamapediatrics.2015.0465">59 jeunes Noirs se sont donné la mort</a>, contre 54 entre 2003 et 2007.</p>
<p>En outre, l’enquête biennale sur les comportements à risque chez les jeunes, diligentée en 2015 par le Centre de prévention et de contrôle des maladies, a montré que, comparés aux jeunes Blancs non hispaniques, les lycéens noirs de sexe masculin étaient plus susceptibles d’avoir déjà fait des <a href="https://www.cdc.gov/healthyyouth/data/yrbs/pdf/2015/ss6506_updated.pdf">tentatives de suicide</a> ayant nécessité des soins médicaux.</p>
<p>Professeure de psychologie et directrice du <a href="https://www.uh.edu/class/psychology/clinical-psych/research/crrl/">laboratoire de recherche sur les rapports entre culture, risque et résilience</a> à l’Université de Houston, au Texas, j’ai récemment codirigé une étude suggérant qu’il <a href="https://doi.org/10.1097/NMD.0000000000001026">pourrait être nécessaire d’établir de nouveaux profils à risque</a> pour améliorer la prévention du suicide, en particulier chez les Afro-Américains.</p>
<h2>Sensibilisation globale aux risques de suicide</h2>
<p>Le suicide est devenu <a href="https://www.nimh.nih.gov/health/statistics/suicide.shtml">l’une des principales causes de décès</a> aux États-Unis, dans toutes les tranches d’âge mais plus particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes. C’est la seconde cause de décès chez les 10-34 ans. Les parents, les enseignants et les professionnels de santé doivent être à la fois capables d’en parler et de comprendre les risques auxquels font face les enfants vulnérables, quelle que soit leur origine ethnique. Mais ceux qui travaillent avec de jeunes Noirs doivent aussi prendre en considération certaines idées reçues sur le suicide dans la communauté afro-américaine.</p>
<p>L’un de ces mythes est né il y a près de trente ans, lorsque les universitaires Kevin Early et Ronald Akers ont conclu, à la suite de leurs entretiens avec des pasteurs afro-américains, que le <a href="https://doi.org/10.1080/01639625.1993.9967947">suicide était « un problème de Blancs »</a> et que les Noirs avaient l’habitude de faire face aux épreuves de la vie sans succomber à la tentation du suicide. C’est un mythe.</p>
<p>Au vu des propos que nous sommes nombreux à entendre au quotidien, et qui sont parfois véhiculés par les médias, ce point de vue sur le suicide dans la communauté noire a relativement peu évolué.</p>
<p>Plus important encore, les jeunes Noirs ayant un profil à risque sont encore plus difficiles à identifier que les autres. Une étude qualifie ainsi les jeunes issus des minorités ethniques en âge d’entrer à l’université, y compris les Afro-Américains, de <a href="https://doi.org/10.1037/1099-9809.6.4.374">« suicidaires cachés »</a> car moins susceptibles de révéler leurs pensées morbides. Le passage à l’acte étant hélas un phénomène bien réel qui se produit parfois à de <a href="https://www.aappublications.org/news/2019/10/14/suicide101419">manière extrêmement précoce</a>, des efforts d’envergure sont nécessaires pour s’attaquer à ce problème de santé publique.</p>
<p>Les recherches montrent que la stigmatisation des personnes souffrant de troubles psychologiques et la crainte d’être encore davantage rejetés ou ignorés <a href="https://www.nami.org/find-support/diverse-communities/african-americans">pourraient pousser les jeunes Noirs à garder pour eux leurs idées suicidaires</a>. En outre, les professionnels de la santé publique et les spécialistes de la santé mentale n’ont pas toujours conscience du fait que les facteurs de risque suicidaire ne sont pas forcément les mêmes selon les groupes ethniques.</p>
<p>Pour simplifier, une approche unique et universelle ne convient pas pour identifier les risques de suicide. Or, peu ou pas d’actions ont été entreprises pour s’attaquer à cette crise de plus en plus grave. En tant qu’Afro-Américaine et psychologue, je me sens terriblement frustrée quand des enfants perdent la vie alors qu’ils auraient pu être sauvés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310331/original/file-20200115-134777-cyzctp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les jeunes Afro-Américains doivent faire face à des défis qui sont parfois épargnés aux jeunes Blancs non hispaniques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/anxious-teenage-student-sitting-examination-school-769528084">Shutterstock</a></span>
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<h2>Les Afro-Américains ont des besoins spécifiques en matière de santé mentale</h2>
<p>La plupart des services spécialisés dans la santé mentale ne sont pas conçus pour prendre en compte les nuances culturelles et sociales. Mon équipe de recherche a démontré que les défis auxquels font face les enfants noirs, qui doivent s’adapter à un <a href="https://doi.org/10.1037/1099-9809.14.1.75">double contexte culturel</a>, pourraient augmenter leur risque de développer des tendances suicidaires.</p>
<p>Les recherches menées auprès des adultes ont montré que les femmes et les hommes noirs qui géraient leur stress de manière <a href="https://uh-ir.tdl.org/bitstream/handle/10657/2357/Walker_Religious_Coping_Style_postprint.pdf">eurocentrée ou individualiste</a> plutôt que de s’en remettre à la Providence étaient davantage susceptibles d’envisager le suicide. Ce n’était pas le cas de ceux qui utilisaient des ressources spirituelles, plus ancrées culturellement, pour supporter leurs problèmes.</p>
<p>Lorsque des différences culturelles existent, les thérapeutes doivent faire preuve d’imagination pour évaluer correctement le risque de suicide de leurs patients. Par exemple, le racisme auquel sont confrontés les Afro-Américains est un facteur de stress supplémentaire pour nombre d’entre eux. De fait, leur stress et leurs problèmes psychologiques nécessitent des approches et des solutions différentes de celles qui fonctionnent pour les Blancs.</p>
<p>Dans une autre étude publiée dans la revue <em>Comprehensive Psychiatry</em>, nous avons observé <a href="https://doi.org/10.1016/j.comppsych.2019.03.001">différents schémas de risque pour les adultes noirs</a> comparés aux adultes blancs admis en psychiatrie. Nous nous sommes penchés sur les problèmes de sommeil, fréquents chez les Afro-Américains, et sur leur rapport avec le suicide : en effet, les troubles du sommeil sont un facteur de risque sérieux mais sous-estimé dans les crises suicidaires. Il s’avère qu’un sommeil de mauvaise qualité peut aggraver une crise émotionnelle. Nos recherches montrent que la difficulté à rester éveillé pour des activités comme la conduite ou les interactions sociales, indicatrice d’un manque de sommeil, sont associées à un risque quatre fois plus élevé de crise suicidaire, comparé aux crises psychologiques non suicidaires chez les adultes noirs admis en psychiatrie.</p>
<p>Nous avons également découvert que l’expérience du racisme est <a href="https://doi.org/10.1111/sltb.12251">associée à des pensées suicidaires</a> chez les jeunes Noirs comme chez les adultes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310333/original/file-20200115-134814-jyx7ek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La présence d’un adulte qui l’aime et prend soin de lui est essentielle dans la vie d’un enfant. Il est également important de ne pas minimiser les sentiments de l’enfant en lui disant d’arrêter d’être triste ou de passer à autre chose.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/caring-worried-african-american-mother-holding-1417298627">fizkes/Shutterstock</a></span>
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<h2>Comment trouver de l’aide</h2>
<p>L’attention et la prévenance des adultes sont le premier rempart d’un enfant. S’il révèle qu’il pense à la mort, il est important de l’encourager à en dire plus sur ses pensées et de lui demander s’il sait qu’il pourrait mourir. Si un enfant a pour projet de se suicider, il faut demander <a href="https://www.psychologytoday.com/us/therapists/child-or-adolescent">l’aide d’un professionnel</a>.</p>
<p>Contacter le service de soutien psychologique en appelant une ligne d’écoute – en France, Phare enfants-parents au 01 43 46 00 62 – peut être une option pour les adolescents qui ont besoin d’aide pendant une crise.</p>
<p>Quand il s’agit de trouver un professionnel de la santé mentale, les parents ont besoin d’une vaste liste d’options, y compris des cliniques psychiatriques affiliées à des universités qui proposent des services fondés sur des données factuelles, selon un barème précis et des centres de soins agréés pour les personnes qui ne disposent pas d’une mutuelle santé. Quel que soit l’établissement choisi, un thérapeute qualifié peut très bien être d’une origine ethnique différente de celle de son patient.</p>
<p>Les parents ou tuteurs doivent être prêts à s’asseoir avec l’enfant, écouter et tenter de comprendre pleinement ce qui est le plus bouleversant quand un enfant fait face à une situation difficile et à un flot d’émotions.</p>
<p>Certains croient que ces statistiques alarmantes vont s’inverser d’elles-mêmes. Peut-être, mais en attendant, sauver ne serait-ce qu’une seule vie mérite de faire des efforts.</p>
<p>Avoir des pensées suicidaires ne signifie pas qu’un enfant ou un adolescent doit être hospitalisé. Cela veut dire qu’il ressent une profonde détresse émotionnelle et veut que cette souffrance s’arrête. Les adultes peuvent rechercher la cause du problème et le régler, ou aider l’enfant à y faire face. Des ressources en ligne comme Stopbullying.gov aux États-Unis (<a href="https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/">Non au harcèlement</a> ou <a href="https://www.phare.org/">Phare Enfants – Parents</a> en France) présentent notamment des vidéos utiles aux parents, aux enseignants et aux jeunes. Suggérer à un enfant qu’il faut arrêter d’avoir des pensées négatives ne fait qu’aggraver les choses. Un enfant qui se trouve déjà dans un état de vulnérabilité ne peut pas régler ses problèmes sans un réel soutien de la part des adultes qui veillent sur lui.</p>
<hr>
<p><em>Si vous avez des idées suicidaires, appelez Suicide Écoute au 01 45 39 40 00, ou consultez leur site, <a href="https://www.suicide-ecoute.fr/">Suicide Écoute</a>.</em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rheeda Walker ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes Afro-Américains courent un risque accru de mourir par suicide. Les explications tiennent largement au racisme, au harcèlement et à l’aliénation dont ils font l’objet.Rheeda Walker, Professor of Psychology, University of HoustonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1225562020-01-16T22:48:21Z2020-01-16T22:48:21Z« Chers touristes… cassez-vous ! » Cette contagion sociale à l’origine de la tourismophobie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309251/original/file-20200109-80148-1o14hv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C529%2C5982%2C3242&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hors de leur cadre de vie habituel, les touristes se sentent plus libres vis-à-vis de contraintes sociales. Au grand dam des habitants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/closeup-young-caucasian-man-wearing-600w-1337805359.jpg">Nito/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Chaque période de vacances semble maintenant s’accompagner de son lot <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/vous-n-etes-pas-les-bienvenus-rejet-du-tourisme-de-masse-en-europe-5192420">d’articles</a>, <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-a-moudre-dete/trop-de-touristes-tuent-le-tourisme">d’émissions</a> ou de reportages témoignant des conséquences négatives de l’afflux de touristes dans des zones urbaines ou naturelles, générant une véritable <a href="http://www.elmundo.es/sociedad/2017/08/14/598df44c46163f585c8b45b3.html">« tourismophobie »</a>.</p>
<p>Dans notre monde de réseaux sociaux et d’hyperconnectivité, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur le rôle que peuvent jouer les comportements en ligne des touristes dans le développement de ce phénomène, ainsi que sur l’influence potentielle de ces comportements en ligne sur ceux dits de la « vie réelle ».</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296319303534">Notre recherche</a> indique que ces deux types de comportements (sur Internet et dans le monde physique) sont étroitement reliés et s’influencent réciproquement à travers des mécanismes dits de contagion sociale. Ces derniers amplifient leur potentielle nocivité, mais laissent aussi la possibilité d’en corriger les effets.</p>
<h2>Des comportements dits « déviants »</h2>
<p>Le terme de « tourismophobie » renvoie à une aversion très vive qu’une population locale exprime vis-à-vis des touristes. Pareille réaction peut sembler étonnante au premier abord, le tourisme étant généralement vu comme porteur de développement économique local. Mais la multiplication de comportements touristiques jugés « déviants » peut parfois nourrir un ressentiment, quand il ne s’agit pas d’une <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2014/sep/02/mass-tourism-kill-city-barcelona">véritable haine</a> à l’égard des touristes.</p>
<p>Pas plus tard que le 12 janvier dernier, des touristes venant du Brésil, d’Argentine, de France et du Chili ont par exemple été arrêtés au Pérou pour avoir <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/machu-picchu-expulsion-de-cinq-touristes-proces-pour-un-sixieme-20200114">endommagé le site du Temple du Soleil</a> au Machu Picchu. De même, une polémique était née début 2018 au Japon après la publication d’une vidéo du YouTuber américain Logan Paul dans laquelle il se mettait en scène dans une forêt tristement réputée pour être le théâtre de nombreux suicides. Autre exemple que nous pouvons citer : en 2014, à Barcelone, le comportement de touristes italiens se promenant nus et en état d’ébriété dans la ville, avait déclenché des manifestations spontanées de la population locale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le YouTuber américain aux 20 millions d’abonnés, Logan Paul, avait fait scandale avec une vidéo montrant le corps d’une personne venant de se suicider/ABC News..</span></figcaption>
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<p>Ces comportements sont dits « déviants » car ils s’écartent de ceux généralement admis ou constatés en transgressant des normes sociales, la loi ou encore des règles fixées par des entreprises. De tels comportements sont fréquents chez les touristes qui, sortis de leur cadre de vie habituel, se sentent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S016073831100020X">plus libres vis-à-vis de contraintes sociales</a> auxquelles ils se conformeraient en temps normal. Ce faisant, ils provoquent des nuisances pour d’autres personnes respectueuses de ces normes, lois ou règles, ou dégradent des monuments ou des lieux naturels.</p>
<p>Par exemple, à Rome, la fontaine de Trévi est souvent <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2018/08/29/2858874-face-au-flot-de-touristes-la-fontaine-de-trevi-suffoque.html">prise d’assaut par des touristes</a> bravant les interdictions de baignade. Ce qui apparaît comme du mépris vis-à-vis du patrimoine historique renforce l’aigreur des habitants locaux à l’endroit de l’ensemble des touristes, auxquels les autorités imposent à tous (déviants ou non) de nouvelles règles, plus contraignantes.</p>
<p>Ces comportements sont de plus en plus souvent alimentés par le désir de se mettre en avant en ligne – ce que des travaux identifient comme un autre type de déviance, <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781315565736/chapters/10.4324/9781315565736-4">virtuelle cette fois</a>. Les multiples réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, TikTok, Snapchat, etc.) permettent en effet de partager des photos ou des vidéos « d’exploits » rares car réalisés dans des lieux prohibés ou dans des circonstances d’autant plus rocambolesques qu’elles sont interdites.</p>
<p>S’ensuit alors un véritable engrenage : les comportements déviants « réels » d’une personne alimentent ainsi ses propres comportements déviants « en ligne » (poster des contenus visant à se valoriser auprès de ses followers), qui en retour génèrent de nouveaux comportements déviants « réels ».</p>
<h2>Des comportements socialement contagieux</h2>
<p>Voyant cela, lesdits followers se retrouvent eux aussi <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-3-319-51168-9_44">incités à agir de même</a> – voire à adopter des comportements plus extravagants encore qu’ils relaieront sur leurs réseaux sociaux, rentrant dans une véritable bataille d’image et d’ego. Ce phénomène, dit de contagion sociale, intervient donc à travers des allers-retours permanents entre le « réel » et le virtuel – chaque nouveau post relayant un comportement déviant dans le monde « réel » sur les réseaux sociaux entraînant potentiellement de nouveaux comportements déviants « réels » et ainsi de suite.</p>
<p>Au moins quatre causes expliquent cette contagion sociale, que celle-ci concerne des comportements déviants ou non. Tout d’abord, le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0047287514563165">partage d’information entre les individus</a>, qui intervient ici à travers les photos et vidéos, mais aussi en observant les comportements déviants dans le « monde réel ».</p>
<p>Viennent ensuite les pressions normatives : il s’agit de la pression que ressentent des individus à se conformer à des comportements d’autres personnes dont ils recherchent l’approbation – par exemple, se rendre dans un site protégé et interdit pour faire une photo qui leur apportera des likes sur les réseaux sociaux du fait de sa rareté, de son originalité ou de sa beauté.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309252/original/file-20200109-80153-nbnyh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Rome, la Fontaine de Trevi assaillie par les touristes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/rome-italy-october-13-2019-600w-1551643112.jpg">Nito/Shutterstock</a></span>
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<p>Troisième cause : la <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1260&context=marketing_papers">pression concurrentielle</a>. Elle survient lorsqu’une personne se met dans une situation de compétition avec d’autres, rentrant dans une surenchère de comportement pour toujours « faire mieux » – ce qui en l’occurrence se traduit par l’adoption d’un comportement encore plus déviant que le comportement d’origine. Ainsi, lors d’un récent voyage en Islande, l’un des auteurs de cet article a été frappé de constater les comportements de touristes attrapant des morceaux d’iceberg toujours plus gros pour faire des photos, n’hésitant pas à se rendre dans l’eau glacée pour y casser de petits blocs de glace, revenir sur le rivage avec leur « trophée » et l’abandonner sur les galets une fois leur photo prise.</p>
<p>Enfin, la contagion sociale peut aussi survenir lorsque les avantages tirés de l’adoption d’un comportement <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1260&context=marketing_papers">s’accroissent avec le nombre d’individus adoptant ledit comportement</a>. Les touristes désireux de faire la fête se rendront ainsi bien plus dans des bars ou clubs très fréquentés, aux longues files d’attente sur les trottoirs (ce qui au passage accroîtra d’autant les niveaux de bruit et de nuisance potentielle dans le quartier).</p>
<h2>Inverser la contagion sociale</h2>
<p>En outre, notre recherche révèle l’existence d’au moins cinq amplificateurs de la contagion sociale entre le monde virtuel et le monde « réel » : la portée considérable d’Internet (facilité et liberté de l’accès au plus grand nombre) ; l’anonymat (certes de plus en plus relatif…) favorisé par Internet ; la reproductibilité de l’information, qui en permet la diffusion virale ; la longévité de l’information, accessible très longtemps après sa diffusion initiale (un comportement déviant diffusé dix ans auparavant peut donc resurgir à tout moment et se retrouver à nouveau viral), et enfin la facilité de communication, au cœur du fonctionnement des réseaux sociaux.</p>
<p>Il existe au moins deux manières de briser ce cercle vicieux de la contagion sociale des comportements déviants. Tout d’abord, les comportements déviants sont loin d’être tous volontaires. Ils peuvent résulter d’incompréhensions (par exemple, liées à la langue) ou de méconnaissance du contexte culturel ou des réglementations locales. Il est alors possible de communiquer et d’éduquer les touristes pour qu’ils adoptent des comportements alignés avec les normes locales.</p>
<p>C’est ce qu’a fait, par exemple, la municipalité d’Amsterdam à travers une <a href="https://www.theguardian.com/travel/2018/may/29/amsterdam-gets-tough-on-antisocial-behaviour-from-british-tourists-stag-parties">grande campagne de sensibilisation des touristes</a> tentés par des comportements inappropriés, comme uriner dans un canal, se promener en état d’ébriété ou encore jeter un mégot par terre.</p>
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<figcaption><span class="caption">La campagne « Enjoy & Respect campaign » à Amsterdam (I amsterdam, 2018).</span></figcaption>
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<p>Enfin, la contagion sociale peut aussi être inversée. Dans ce cas, une personne observant des comportements déviants, voire même simplement les conséquences de ces comportements, adopte un comportement inverse visant à rectifier les effets négatifs de cette déviance.</p>
<p>Par exemple, des touristes confrontés à d’autres touristes dégradant un site architectural ou naturel peuvent intervenir pour leur demander d’arrêter. Ils peuvent aussi tenter de limiter ou d’effacer les dommages réalisés, par exemple en ramassant des détritus que d’autres auraient laissé traîner, ou en postant en ligne des photos montrant les résultats désastreux de tels comportements afin de sensibiliser les futurs visiteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122556/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les réseaux sociaux tendent à encourager les comportements jugés déviants par les populations locales.Loïc Plé, DIrecteur adjoint en charge de la Pédagogie et du Développement Académique, IÉSEG School of ManagementCatherine Demangeot, Professeure associee de marketing, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1292312019-12-23T15:29:18Z2019-12-23T15:29:18ZPourquoi la condamnation de France Télécom ne changera (malheureusement) pas grand-chose<p>Le délibéré du procès France Télécom est tombé : les <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/telecom/suicides-a-france-telecom/suicides-a-france-telecom-les-ex-dirigeants-du-groupe-reconnus-coupables-de-harcelement-moral-didier-lombard-condamne-a-un-an-de-prison-dont-huit-mois-avec-sursis_3752765.html">dirigeants sont reconnus coupables de complicité de harcèlement moral, et l’entreprise elle-même a été reconnue coupable</a>. L’ancien PDG Didier Lombard est condamné à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15 000 euros d’amende. Le groupe, rebaptisé Orange en 2013, devra payer une amende de 75 000 euros, la peine maximale. De leur côté, Louis-Pierre Wenès (ex-numéro 2) et Olivier Barberot (ex-DRH) ont été tous deux condamnés à un an de prison dont huit mois avec sursis et 15 000 euros d’amende, pour avoir mis en place une politique de réduction des effectifs « jusqu’au-boutiste ».</p>
<p>C’est la première fois qu’un tribunal reconnaît cette notion de harcèlement moral institutionnalisé ou systémique, conséquence de choix stratégiques visant à créer un climat anxiogène qui a détérioré les conditions de travail des salariés. Même s’il y aura appel de la décision, ce jugement est inédit à plus d’un titre et dépasse largement les frontières du groupe de télécommunications.</p>
<h2>La reconnaissance de l’origine managériale et organisationnelle de la souffrance au travail ?</h2>
<p>Beaucoup ont vu ici le début de la reconnaissance juridique de la souffrance au travail. Pourtant, le jugement précise qu’il peut être admis que la fixation d’objectifs « puisse provoquer un certain stress ou une pression ». Ce qui est reproché à France Télécom concerne davantage les objectifs déraisonnables et non le respect des conditions de travail. La difficile (voire l’impossible) démonstration des liens de causalité entre les décisions stratégiques et les conséquences sur la santé au travail a limité ici les chefs d’accusation, par exemple celui d’homicide involontaire, qui n’a pas été retenu.</p>
<p>C’est bien là un point qui peut limiter la portée de ce procès : la souffrance au travail dans ses formes diverses est souvent la conséquence d’une combinaison de facteurs dont il est au stade actuel de connaissances impossible d’évaluer le poids respectif. L’affaire France Télécom est donc un cas d’école extrême, les suicides ne représentant que la partie émergée de l’iceberg de la souffrance au travail.</p>
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<p>Pour le dire autrement, dans toutes les organisations où la souffrance est patente mais pas forcément traduite par des situations aussi dramatiques que des suicides, et où les choix stratégiques et organisationnels qui en sont à l’origine apparaissent moins caricaturaux que ceux mis à jour lors de ce procès – primes des managers indexées sur les objectifs de départs des agents, formation des managers pour favoriser la mobilité des subordonnés, <a href="https://www.lesinrocks.com/2010/09/25/actualite/actualite/humiliation-depression-demission-loffre-triple-play-de-france-telecom/">objectifs managériaux quantifiés</a>, et quelques <a href="https://www.la-croix.com/Economie/fenetre-porte-proces-France-Telecom-PDG-reconnait-une-erreur-2019-05-20-1301023214">phrases célèbres du PDG</a> –, il sera sûrement très difficile d’établir une situation de harcèlement moral institutionnel.</p>
<p>Pourtant, la reconnaissance de l’origine organisationnelle de la souffrance au travail obligerait à la prise en compte de celle-ci de manière plus aboutie qu’actuellement. Cela aurait pour corollaire de remettre en cause les pratiques d’évaluation et de prévention actuelles, essentiellement centrées sur l’individu, et nécessiterait des approches plus globales pour mieux rendre compte de la dimension organisationnelle de la santé au travail.</p>
<h2>Est-ce la fin d’un management inhumain ?</h2>
<p>Les prévenus avaient argumenté pour leur défense que cette situation était avant tout la responsabilité de comportements individuels déviants. Mais le tribunal a retenu que les managers intermédiaires avaient eu des agissements de harcèlement subséquemment aux objectifs qui leur étaient assignés. Ils étaient « placés entre le marteau et l’enclume ». La juge citera Mona Ozouf : « L’ensauvagement des mots précède l’ensauvagement des actes. »</p>
<p>On peut lire dans cet argument une critique du management par objectifs, où finalement les (faibles) moyens laissés à la disposition des managers opérationnels pour l’atteinte de leurs objectifs seraient sous leur unique responsabilité. Le top management n’est plus seulement concerné par l’atteinte de ces objectifs opérationnels déclinés aux subordonnés, il est aujourd’hui impliqué. Les managers opérationnels en première ligne sont bien plus au fait de l’état de santé de leurs équipes et ils en sont souvent les premiers soutiens. </p>
<p>Il faudrait qu’ils soient davantage écoutés sur ces points pour infléchir les objectifs si ceux-ci s’avéraient potentiellement délétères pour la santé des salariés. C’est encore loin d’être le cas dans beaucoup d’organisations, où les objectifs restent généralement inscrits dans un processus descendant. À titre d’illustration, Orange a indexé une partie de la rémunération de ses managers sur un critère de qualité sociale – un objectif qui s’additionne aux autres. C’est donc finalement sur eux que repose la responsabilité de la santé au travail dans l’entreprise…</p>
<h2>Le grand absent des débats : l’État</h2>
<p>Le grand absent de ce procès, c’est peut-être l’État. Ceci à double titre : d’une part, l’État en tant qu’actionnaire principal, d’autre part l’État en tant que législateur-régulateur.</p>
<p>Les avocats de Didier Lombard ont à plusieurs reprises mis en cause l’État en tant qu’actionnaire pour son désengagement de l’entreprise. On pourrait lire également, entre les lignes du jugement, que les intérêts économiques et financiers ne peuvent être atteints au détriment des intérêts humains. Or, le plus souvent, les objectifs sociaux et environnementaux prennent place derrière les objectifs financiers, avec des actions qui s’apparentent davantage à de la communication externe qu’à une réelle prise en compte interne (nous avions à ce sujet parlé de <a href="http://theconversation.com/qualite-de-vie-au-travail-bienvenue-dans-lere-du-greatwashing-115241">greatwashing</a> dans un précédent article). Ce n’est pas une réelle convergence des performances économiques et sociales qui s’opère ; c’est davantage une coloration sociale de la performance économique qui se développe.</p>
<p>L’État, en tant que régulateur-législateur, tarde aujourd’hui encore à inciter ou à contraindre les organisations à prendre réellement en compte la santé psychosociale des salariés face à des pathologies clairement documentées et toujours en augmentation comme les conséquences du stress au travail ou de l’épuisement professionnel. La logique même de l’entreprise moderne, centrée sur la performance financière, empêche le management de considérer sérieusement les « externalités négatives » de l’amélioration continue des performances.</p>
<h2>Quelles conclusions tirer ?</h2>
<p>Aujourd’hui, le nombre et la part des troubles psychosociaux dans les accidents du travail est en <a href="https://www.prescrire.org/fr/3/31/57465/0/NewsDetails.aspx">constante augmentation</a>. Il paraît dès lors délicat de parler d’une époque révolue en ce qui concerne France Télécom et son management. Plus que des hommes, le procès France Télécom condamne un management borgne, focalisé sur l’intérêt unique de l’actionnaire. Il condamne également une réification par le management de l’humain, devenu simple objet qu’il faut gérer dans le processus de création de valeur. Pourtant, malgré l’ambition de ce premier jugement, il n’est pas garanti que les pratiques changent même si la communication des entreprises sur la « performance sociale », elle, est en net progrès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129231/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Vuattoux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La condamnation de plusieurs anciens responsables de France Télécom pour des faits de harcèlement moral à l’encontre de leurs employés est un pas dans la bonne direction, mais beaucoup reste à faire.Jean-Christophe Vuattoux, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261732019-12-03T17:21:58Z2019-12-03T17:21:58ZBonnes feuilles : « Avicii, Lady Gaga, Sophie Calle… que sait-on des liens entre souffrance psychique et créativité ? »<p><em>Le 20 avril 2018, le DJ Tim « Avicii » Bergling, considéré comme un <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/06/14/un-album-posthume-pour-avicii-genie-de-l-electro_5476324_4500055.html">« génie de l’électro »</a>, se donnait la mort. À la veille du concert organisé le 5 décembre pour lui rendre hommage, Jean‑Victor Blanc revient sur les liens entre créativité et troubles psychiques dans un extrait de son ouvrage <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/pop-psy/9782259279642">« Pop & psy : comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques »</a>, aux éditions Plon.</em></p>
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<p>Les liens entre processus créatif et troubles psychiques sont connus depuis l’Antiquité. Comme l’atteste la <em>punchline</em> d’Aristote : « Il n’y a point de génie sans folie. » Deux mille ans et des poussières plus tard, de nombreuses études s’efforcent de prouver de manière scientifique l’intuition du philosophe grec. Sans y parvenir vraiment…
La première difficulté consiste à circonscrire la créativité. On peut en donner une première définition : à savoir l’habileté à transformer les idées neuves et pleines d’imagination en réalité. Mais s’il s’avère que si la créativité est nécessaire aux artistes, elle est tout aussi essentielle dans les disciplines telles que les sciences, la politique ou les affaires. En outre, tous les artistes n’ont pas le même mode de fonctionnement : comment comparer un écrivain à un musicien ? Le succès n’est pas non plus forcément proportionnel à la créativité, un rapide coup d’œil aux singles les plus vendus l’atteste.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304979/original/file-20191203-66982-1v787k7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graffiti de l’artiste israélien Jonathan Kis-Lev représentant le « club des 27 », talentueux jeunes artistes décédés à 27 ans.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_27#/media/Fichier:Graffiti_Tel_Aviv,_Khayim_Ben_Atar_St_-_zoom.jpg">Psychology Forever/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour toutes ces raisons, il s’avère complexe de répondre scientifiquement à cette question : les artistes risquent-ils vraiment plus de présenter des troubles psychiques, ou est-ce un effet de loupe médiatique qui le laisse accroire ? Une étude a cependant <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/1530096">investigué les liens entre créativité, profession et succès</a> en interrogeant un millier de personnalités américaines. Il en ressort qu’exercer un métier artistique (comme musicien, écrivain, architecte ou designer) entraînerait deux fois plus de risques pour une personne de présenter un trouble psychique, et ce plus tôt dans la vie, et pendant plus longtemps que si elle exerce une autre profession (athlète, homme d’affaires, militaire, scientifique, etc.).</p>
<p>Dans le panel des troubles décrits, les troubles dépressifs sont les plus fréquents, suivis de ceux liés à la consommation d’alcool et de drogues, puis les troubles anxieux. Pourtant, il faut rappeler que la majorité des artistes, même les plus à risque (poètes, comédiens), ne présente PAS de trouble mental. Il ne s’agit donc pas de dire que tous les artistes sont malades – ni les malades systématiquement dotés de créativité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-depression-est-une-maladie-pas-un-choix-125671">Bonnes feuilles : « La dépression est une maladie, pas un choix »</a>
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<p>Sur les échelles d’évaluation de gravité des troubles, les artistes affichent des scores à mi-chemin entre les personnes indemnes et les patients atteints. Leurs symptômes seraient donc moins sévères, mais surtout ils se distingueraient par leur capacité à tirer bénéfice de la maladie en se servant de leur décalage de perception avec la réalité pour créer. Lady Gaga, et de nombreux artistes avant elle, évoque dans son documentaire <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AzO2OkoT1cI%22target=%22blank"><em>Five Foot Two</em></a> (2017) cette nécessité de sublimer sa douleur dans l’écriture de ses chansons, en veillant à ne pas se laisser submerger par elle.</p>
<p>Dans un autre registre, ce recul nécessaire face aux événements est fascinant dans l’œuvre de la plasticienne Sophie Calle. Elle utilise précisément des éléments de sa vie intime (deuils, ruptures…) comme support à la création. Lorsqu’elle évoque le processus qui l’a amenée à transformer une lettre de rupture en œuvre d’art, elle le fait avec une distance impressionnante vis-à-vis de sa souffrance. Ce recul face à la détresse, à la douleur, est souvent impossible pour une personne traversant, par exemple, un épisode dépressif.</p>
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<p><br><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23063328">L’hérédité aurait-elle son importance</a> ? C’est ce que les statistiques mettent en évidence. On trouve plus de personnes exerçant une profession artistique chez les apparentés au premier degré (parent/enfant/frère/sœur) de patients atteints de trouble bipolaire ou de schizophrénie. Enfin, la pratique d’une activité artistique peut aussi être un soin, on parle alors d’art-thérapie. À une différence notable près : le but poursuivi par les patients en art-thérapie est d’aller mieux, pas de réaliser un chef-d’œuvre. Résultat : les patients atteints de troubles psychiques ne sont pas inhibés par cette pratique et en retirent généralement une expérience positive, bénéfique pour l’estime de soi.</p>
<h2>Conditions de travail : « You want a piece of me »</h2>
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<p>« Est-ce que je suis consciente que ma vie est bizarre ?<br>
Non, pour moi, elle n’est pas bizarre, puisque c’est la<br>
seule vie que je connaisse ! Il faut bien que je m’y adapte.<br>
[…] Avant, j’étais une fille cool, mais j’ai l’impression<br>
que les paparazzis m’ont enlevé ça, genre, ma vie d’avant.<br>
J’étais une fille cool, mais je ne le suis plus du tout »<br>
(Britney Spears, « For the Record », 2008).</p>
</blockquote>
<p>Les professions artistiques attirent-elles davantage les personnes fragiles et vulnérables ? La question mérite d’être posée. On peut se demander aussi si les conditions de travail de certains artistes ne sont pas un facteur de stress, ce qui contribuerait à l’aggravation des troubles. La grande différence avec les autres milieux socioprofessionnels, c’est que le milieu artistique autorise, voire encourage l’évolution des troubles psychiques.</p>
<p>Les musiciens ont ainsi <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/la-drees/observatoire-national-du-suicide-ons/suicide-enjeuxethiques-prevention-singularites-suicide-adolescence">davantage recours aux substances psychoactives</a>, au motif que cela les aiderait à gérer leur stress et boosterait leur créativité. Le mythe « sex, drugs & rock’n’roll », toujours répandu, fait que la consommation de substances, qui aggrave la plupart des maladies mentales, est banalisée. Si une personnalité politique ou un sportif de haut niveau présente un syndrome dépressif, on peut espérer que l’entourage ne les encouragera pas à augmenter leur consommation d’alcool ou de cocaïne, sous prétexte que c’est « cool ». C’est pourtant ce qui semble arriver à beaucoup des stars de l’entertainment.</p>
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<p>Le DJ suédois Avicii l’évoquait très bien dans le documentaire <em>Avicii : True Stories</em> (2017). D’un tempérament anxieux, la jeune star confie au journaliste qui l’interviewe qu’il a besoin d’une dose d’alcool pour avoir le courage de monter chaque soir sur scène. Quelques séquences plus tard, il est hospitalisé pour une pancréatite aiguë, une affection grave due à sa consommation excessive d’alcool. Ce qui n’empêche nullement son entourage, explique-t‑il, de l’inciter à prendre des opiacés (antidouleur pouvant entraîner une dépendance, voir chapitre 10, p. 139) afin de reprendre au plus vite sa tournée. Au vu de son décès par suicide dans une chambre d’hôtel un an plus tard, à l’âge de 28 ans, ces propos font rétrospectivement froid dans le dos.</p>
<p>Les représentations culturelles des artistes eux-mêmes sur leur profession peuvent aussi avoir un effet délétère. Si les écrivains et les romanciers sont plus fréquemment atteints de troubles dépressifs, n’est-ce pas lié à l’idée romantique que le désespoir et l’isolement ne sont pas des symptômes d’une maladie nécessitant une prise en charge, mais font partie de la panoplie, folklorique, du « poète maudit » ? Le joli film d’Alex Ross Perry (2014), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lyErKmF6xdo%22target=%22blank"><em>Listen up Philip</em></a>, décrit bien cette problématique. Jason Schwartzman y campe un auteur aussi égocentré et insupportable qu’attachant. Il a une haute exigence de son métier, et s’impose pour cela une grande solitude dont on comprend bien qu’elle ne lui est pas forcément naturelle, mais qu’elle correspond aux critères et habitus de son milieu.</p>
<p>Alors que la création artistique est une pratique exigeante, qui demande un investissement nécessitant une certaine santé, la détresse psychique semble encore anormalement tolérée, voire souhaitée. C’est d’autant plus problématique que la célébrité peut être extrêmement isolante. Le film <em>Somewhere</em> (2010) de Sofia Coppola illustre de manière éloquente comment la solitude et l’ennui peuvent rendre la vie d’acteur à succès invivable.</p>
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<h2>Traitement kills the radio stars ?</h2>
<p>Si les artistes ont plus de risques de présenter une maladie psychique, il existe plusieurs écueils à leur prise en charge. D’abord, les soins psychiatriques sont vus de façon négative, dans le milieu artistique comme par le grand public. S’y ajoute la crainte que la prise en charge nuise à la création, ce qui, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28254960">pour certains traitements médicamenteux, peut être le cas</a>. Les soins ne se résument pourtant pas à des médicaments, et préférer le mal au traitement est un pari périlleux.</p>
<p>Le but d’une prise en charge est le rétablissement, la reprise d’un fonctionnement satisfaisant pour l’individu. Un traitement qui empêcherait un artiste de créer ne serait donc pas une réussite, quand bien même ce dernier ne serait plus sujet à des hallucinations ou des changements d’humeur.</p>
<p>Au-delà de ces craintes, parfois légitimes, certains <em>a priori</em> empêchent les artistes de consulter, avec parfois des conséquences dramatiques. Ainsi Mariah Carey exprimait-elle dans une interview l’angoisse que ses rendez-vous en clinique fuitent dans la presse.</p>
<p>Ce qui est une réalité, la presse people étant avide de ce type de scandale. Le supermodel Naomi Campbell en a ainsi fait les frais en 2001 : elle a été prise en photo à son insu à la sortie d’une réunion des Narcotiques anonymes et « outée » de cette façon, alors qu’elle cherchait de l’aide pour une addiction à la cocaïne dont elle parlera des années plus tard.</p>
<h2>Drogues : do they know it’s toxic ?</h2>
<p>Les vertus créatrices des substances psychoactives font l’objet de nombreuses croyances. À la fin du xixe siècle, l’absinthe, consommée par Van Gogh, Oscar Wilde et Rimbaud, puis incarnée par Kylie Minogue en fée verte dans <em>Moulin Rouge</em> (2001), a été parée de mille et une propriétés. Les poètes prônaient ses bienfaits désinhibants et hallucinogènes, propices à enflammer l’imagination. Puis ce fut le Flower Power des planantes années 1970, avec la popularisation des acides et du LSD, et le « sex, drugs & rock’n’roll » transgressif des punks, adeptes de l’héroïne, de la cocaïne et des amphétamines.</p>
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<p>Aujourd’hui, les rappeurs comme Lil Wayne ou Ludacris font l’apologie des sirops à base d’opiacés (voir chapitre 10, p. 139) (surnommés « lean » ou « purple drank »). Ici, l’usage des drogues est alors exhibé comme une marque d’intégrité, un label « street » plus que comme un signe de détresse psychique. Certes, des études suggèrent qu’une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17445281">consommation modérée et ponctuelle d’alcool peut améliorer la créativité</a>, mais cela est à bien distinguer de la souffrance engendrée par la maladie addictive. Les exemples malheureux sont légion d’artistes comme Amy Winehouse, Kurt Cobain ou Jim Morrison qui auront chanté et consommé beaucoup de produits, et en auront payé le prix par une mort prématurée.</p>
<p>[…]</p>
<p>Au vu des mécanismes d’identification dont ces icônes peuvent faire l’objet, avoir une meilleure lecture des troubles qu’ils manifestent pourrait être un précieux levier d’accès aux soins. Pour les stars de la pop, mais aussi pour ceux qui les adulent.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus :<br>
– <a href="https://www.mk2.com/evenements/culture-pop-psychiatrie">Cycle de conférences au MK2 Beaubourg à Paris</a>, « Vies d’artistes et troubles psychiques : “Whitney” ft “Amy” », le 21 mars 2020.<br>
– Blanc J.-V. (2019) <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/pop-psy/9782259279642">« Pop & psy : Comment la Pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques »</a>, éditions PLON.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126173/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Victor Blanc est l’auteur de l’ouvrage « Pop & Psy - comment la Pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques ».</span></em></p>Kurt Cobain, Amy Winehouse, Avicii… Nombre d’artistes talentueux ont mis précocement fin à leurs jours, ou sont morts de leurs addictions. Le génie est-il indissociable des troubles psychiques ?Jean-Victor Blanc, Psychiatre, praticien hospitalier, chargé de cours en faculté de médecine, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.