tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/terres-agricoles-36560/articlesterres agricoles – The Conversation2024-03-01T16:30:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2239272024-03-01T16:30:15Z2024-03-01T16:30:15ZRevoir notre vision de la nature pour réconcilier biodiversité et agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578652/original/file-20240228-24-g22th9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3986%2C2982&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Deux approches s'opposent : celle du land sparing, qui veut séparer les espace agricoles et ceux de la biodiversité, et celle du land sharing, qui vise à combiner production agricole et conservation de la biodiversité sur les mêmes territoires</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-view-car-driving-on-road-1675885519">nblx/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’instant était qualifié d’historique par Ursula von der Leyen, elle-même. En <a href="https://france.representation.ec.europa.eu/informations/declaration-de-la-presidente-von-der-leyen-au-sujet-de-laccord-de-kunming-montreal-sur-la-2022-12-19_fr">décembre 2022</a>, la présidente de la Commission européenne se félicitait de l’<a href="https://theconversation.com/accord-de-kunming-montreal-sur-la-biodiversite-pourquoi-on-peut-vraiment-douter-de-son-efficacite-197183">accord de Kunming-Montréal</a> sur la biodiversité, dont la protection, soulignait-elle, est capitale à l’heure où « la moitié du PIB mondial dépend des services écosystémiques ». Les objectifs de ce traité étaient aussi précis qu’ambitieux : la protection de 30 % des zones terrestres et marines mondiales et la restauration de 30 % des écosystèmes dégradés.</p>
<p>Un an et demi plus tard, à l’échelle européenne, le report de mesures phares (<a href="https://agriculture.gouv.fr/derogation-lobligation-de-maintenir-des-jacheres-sur-les-terres-arables-pour-la-campagne-pac-2024">4 % de terres arables en jachère</a>, <a href="https://www.vie-publique.fr/questions-reponses/291363-glyphosate-une-autorisation-renouvelee-dans-lue-jusquen-2033">interdiction du glyphosate</a>, diminution de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/mise-en-pause-du-plan-ecophyto-les-ong-vent-debout-contre-le-possible-abandon-du-nodu_6363886.html">l’usage des pesticides</a>…) semble cependant sonner le glas d’une telle ambition. De quoi nous interroger : si les enjeux de protection de la biodiversité sont colossaux, les politiques qui la concernent sont-elles condamnées à cet incessant mouvement d’avancées trop rapidement qualifiées d’historiques et de reculs ? Comment comprendre de tels rétropédalages ?</p>
<p>On explique souvent ces revirements par les limites évidentes d’un système influencé par les intérêts commerciaux et financiers, mais une autre explication est peut-être à trouver dans la vision de l’écologie qui transparaît derrière ces ambitions : celle d’un humain forcément destructeur de la biodiversité. Partant d’un tel a priori, il convient de compartimenter l’espace, d’isoler l’humain de la « Nature » remarquable (dans la <a href="https://biodiv.mnhn.fr/fr/strategie-de-lue-pour-la-biodiversite-lhorizon-2030">stratégie pour la biodiversité 2030 par exemple</a>) et de lui imposer des règles pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20231031IPR08714/loi-sur-la-restauration-de-la-nature-les-deputes-concluent-un-accord">l’empêcher de détruire les autres espaces</a>, via les lois sur la restauration de 2023 par exemple. Cette écologie, qui ignore le poids des contextes socio-écologiques comme les dimensions géographiques et territoriales des problèmes, n’a guère de chance de réussir. Voici pourquoi.</p>
<h2>La dimension spatiale n’est pas bien pensée</h2>
<p>L’objectif phare de la <a href="https://biodiversite.gouv.fr/les-objets-phares-de-la-strategie-nationale-pour-la-biodiversite-2030">stratégie biodiversité 2030</a> de l’Union européenne consiste à protéger 30 % des terres et des mers de l’Union européenne, dont le tiers en protection stricte.</p>
<p>Cet objectif répond-il à une nécessité identifiée par les scientifiques ? il est permis d’en douter. De nombreux travaux d’écologues, s’ils soulignent les résultats obtenus pour la conservation d’espèces et d’écosystèmes remarquables,constatent dans le même temps que les aires de protection ne font souvent qu’atténuer la perte de biodiversité. Elles s’avèrent en outre peu adaptées au contexte du changement climatique qui devrait entraîner un déplacement des aires de répartition des espèces et des écosystèmes. Dès lors, est-il judicieux de se focaliser sur des aires de protection alors <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1461-0248.2011.01610.x">que 60 % des espèces actuellement présentes</a> dans les aires de protection européennes ne bénéficieront plus d’un climat adapté en 2080 ?</p>
<p>Cet objectif possède en outre l’inconvénient de concentrer l’attention et les crédits sur la biodiversité remarquable alors que depuis plus de 20 ans les travaux des écologues ont montré le <a href="https://journals.openedition.org/ethnoecologie/1979#tocto2n1">rôle décisif de la biodiversité ordinaire</a> dans le maintien de l’ensemble du vivant.</p>
<p>De plus, les aires de protection restent peu connectées entre elles car entourées d’espaces longtemps délaissés par les politiques de protection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578668/original/file-20240228-9454-s5xddp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’alouette des champs fait partie de ces espèces d’oiseaux autrefois ordinaire dans les plaines agricoles qui ont perdu en moyenne un individu sur trois en quinze ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yann Brilland/Flickr</span></span>
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<p>Une telle démarche avait déjà été critiquée lors de la COP15 par <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/12/biodiversity-cop15-biodiversity-deal-a-missed-opportunity-to-protect-indigenous-peoples-rights/">nombre d’associations</a> la considérant comme une émanation de la pensée conservationniste étasunienne, reposant sur la patrimonialisation d’une nature sauvage largement fantasmée. Or l’histoire nous montre que la réalisation d’une telle vision, s’est souvent traduite par la spoliation des terres des communautés locales. Elle paraît donc aujourd’hui inadaptée à bien des situations dans lesquelles les communautés locales vivent en partie de la biodiversité et l’entretiennent avec attention.</p>
<p>Pour les espaces « ordinaires » (notamment les espaces agricoles dégradés), l’UE s’appuie sur une approche de type « land sharing » selon laquelle l’ensemble des espaces doit combiner biodiversité et production agricole : introduction de <a href="https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/150209_fiche-sie_cle49c446.pdf">surfaces d’intérêts ecologiques</a> (haies, bandes enherbées, bosquets…), diminution de 50 % des pesticides, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/bio-secteur-resilient-au-coeur-transition-alimentaire">25 % d’agriculture biologique sur l’ensemble du territoire</a>. Là encore, de nombreux travaux d’écologues et d’agronomes discutent le <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jzo.12920">bien-fondé d’une telle approche</a>.</p>
<p>Une étude récente menée <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0065250420300301">au niveau européen</a> montre que la coexistence d’espaces d’agriculture bio et conventionnelle adaptée est à privilégier et à équilibrer à l’échelle des territoires, tant en termes de productions agricoles qu’en termes de biodiversité, s’approchant ainsi plus du « land sparing » qui vise à compartimenter les espaces agricoles et les espaces réservés à la biodiversité. <a href="https://zslpublications.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/jzo.12920">Certains auteurs</a> plaident également au niveau international pour une telle approche. Le débat est ainsi loin d’être clos sur le sujet dans la communauté scientifique avec nombre de travaux avançant l’idée d’une cohabitation des deux modèles en fonction des contextes propres aux différents socio-écosystèmes.L’<a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1_0.pdf">étude de l’Inrae</a> de 2019 sur le carbone dans le sol, indicateur important pour la biodiversité et pour la transition énergétique, conclut ainsi que « La solution la plus efficace est une combinaison de bonnes pratiques aux bons endroits, où chaque région contribue en fonction de ses caractéristiques ».</p>
<p>Faut-il dès lors imposer, sur l’ensemble d’un continent européen morcelé par l’histoire et la géographie, une approche uniformisante fondée sur une démarche quantitative à base d’objectifs chiffrés, de critères, et d’indicateurs bien peu pertinents pour caractériser les dynamiques du vivant et leurs multiples déclinaisons en fonction de contextes variés ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-oiseaux-victimes-collaterales-de-lintensification-agricole-en-europe-223495">Les oiseaux, victimes collatérales de l’intensification agricole en Europe</a>
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<h2>Une approche managériale incapable de mobiliser</h2>
<p>Ouvrir le débat est d’autant plus nécessaire que la stratégie européenne en faveur de la biodiversité peine à susciter l’adhésion.</p>
<p>Ses critères et indicateurs manquent également de justifications scientifiques. Protection légale de 30 % de la superficie terrestre, protection stricte de 30 % des zones protégées ; veiller à ce que 30 % des habitats dégradés atteignent un état favorable ; réduire de moitié l’utilisation de pesticides chimiques, gérer un quart des terres agricoles en agriculture biologique ; réduire l’utilisation des engrais de 25 %… L’accumulation des chiffres n’est pas une garantie de scientificité et le flou masque mal les approximations.</p>
<p>Le chiffre de 30 % est déjà considéré par certains comme insuffisant car il ne constituerait qu’une étape vers les 50 % – le <a href="https://reporterre.net/Pour-sauver-la-vie-sauvage-il-faut-lui-reserver-la-moitie-de-la-Terre">« Half Earth » cher au biologiste américain E.O. Wilson</a>. On ignore également ce que recouvre le terme « protection stricte » : libre évolution ou gestion conservatoire ? et qu’est-ce qu’un état favorable ? Certains, comme l’UICN, parlent de « protection stricte » (Zones I et II de la nomenclature UICN), quand les autres parlent de « protection forte » sans non plus définir véritablement ce terme. Ainsi, en France, par exemple, l’OFB parle de <a href="https://www.ofb.gouv.fr/la-strategie-nationale-pour-les-aires-protegees">1,8 %</a> du territoire national en protection forte, le gouvernement de <a href="https://aides-territoires.beta.gouv.fr/aides/proteger-et-restaurer-les-espaces-naturels-4/">4,2 %</a>.</p>
<p>Faute d’avoir été discutés, ces critères et ces indicateurs apparaissent comme une norme imposée d’en haut sans véritable fondement. L’approche quantitative est vite considérée comme technocratique et mise en cause dans son application : il ne suffit pas, par exemple, de planter une haie pour accroître la biodiversité ; il faut encore la planter avec des espèces différenciées, l’entretenir, la tailler au bon moment, hors des périodes de nidification, qu’elle soit connectée à d’autres haies, bref il faut avoir envie d’entretenir la haie. La quantité ne remplace pas la qualité.</p>
<p>Une telle approche par les seuls indicateurs ne fait au final que des mécontents : les agriculteurs conventionnels qui considèrent les normes comme des handicaps et les agriculteurs engagés dans la transition qui ne bénéficient pas du soutien qu’ils attendent. La démarche top-down se solde alors soit par des reculades comme celle que nous voyons actuellement, soit par des compromis boiteux tel celui qui fut adopté pour le Parc national des forêts en France avec l’autorisation d’exploitation du bois dans la zone cœur du parc et de la chasse dans la réserve dite intégrale normalement exempte de toute activité anthropique. Un compromis entre l’état et les acteurs locaux de la chasse et de la filière-bois qui marque, selon certains juristes, une <a href="https://www.cairn.info/revue-juridique-de-l-environnement-2020-1-page-81.htm">régression du droit de l’environnement</a>.</p>
<h2>Privilégier le processus, l’engagement, le commun</h2>
<p>Tous ces débats qui traversent le monde scientifique permettent d’esquisser une autre démarche que celle adoptée par l’UE.</p>
<p>Davantage qu’un plan d’action prédéfini, c’est d’une <a href="https://library.oapen.org/handle/20.500.12657/87556">démarche réellement stratégique</a> dont l’Europe a besoin. Il faut bien évidemment développer l’agriculture écologique mais fixer un seuil de 25 % sans connaître l’état futur du marché et de la demande revient à prendre un risque considérable pour la filière agroécologique. Les épisodes récents avec la guerre en Ukraine et la crise agricole soulignent que le réel n’est que rarement conforme aux plans d’action.</p>
<p>Pour que cette stratégie soit efficace, elle se doit également de susciter l’adhésion, de favoriser les engagements en faveur du vivant. Tous les travaux de recherche fondés sur l’étude de cas pratiques soulignent combien <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006320718306700">l’adhésion des populations</a> est une condition du succès des actions entreprises. Pourquoi ne pas valoriser davantage l’agriculture de conservation et les pratiques innovantes qui, dans l’agriculture productiviste, permettent de limiter les impacts négatifs voire de protéger un compartiment essentiel de la biodiversité à savoir le sol ? Mieux cibler par ailleurs les aides aux agriculteurs engagés dans la transition, leur assurer une visibilité à long terme est également indispensable.</p>
<p>Sortir enfin d’une démarche qui individualise les choix, qui laisse les agriculteurs souvent seuls face aux difficultés pour soutenir les initiatives territoriales qui existent déjà ou qui cherchent à se développer et qui associent agriculture écologique – biodiversité – alimentation et santé. De tels dispositifs existent déjà (<a href="https://www.ofb.gouv.fr/territoires-engages-pour-la-nature">Territoires engagés pour la Nature</a>, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/territoires-energie-positive-croissance-verte">territoires à énergie positive</a>…) mais restent peu soutenus et peu reconnus. Les développer et les soutenir constituerait un levier d’action pertinent et permettrait la structuration des réseaux d’acteurs motivés.</p>
<p>La politique de l’Union européenne, dans le droit fil de la COP 15, résulte très largement d’une expertise, celle des grandes ONG, qui masque les débats et les interrogations traversant le monde scientifique. Ces débats laissent entrevoir en creux la possibilité d’une écologie humaniste qui prenne en compte les dynamiques en partie incertaines du vivant (humain compris), la diversité des contextes et des histoires et la nécessité de rassembler les énergies <a href="https://www.jstor.org/stable/26677964">pour dépasser les blocages et les verrouillages</a>. Si l’on veut bien sortir d’une approche qui fonctionne de manière indifférenciée avec des objectifs, des critères et des indicateurs, guère pertinents pour tracer les chemins du changement, peut-être pourra-t-on alors dépasser les fausses oppositions, les manipulations et les simplifications et laisser place aux vraies questions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Simon est expert au sein de "La Fabrique Ecologique"</span></em></p>Un dilemme continue d’animer la recherche sur la biodiversité. Faut-il séparer les espaces agricoles et ceux de la biodiversité, ou combiner production agricole et conservation sur les mêmes terres ?Laurent Simon, Professeur émérite en géographie de l’environnement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246852024-03-01T16:29:07Z2024-03-01T16:29:07ZCrise agricole : quels défis pour demain ?<p>Produire bio, en circuit court, en agriculture raisonnée. Et, « en même temps », accepter la concurrence de producteurs étrangers soutenus par des subventions internationales ou ne respectant pas les normes sanitaires. Produire toujours plus, mais si possible sans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> difficilement dissociables du modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-intensive-61354">production agricole intensif</a>. Respecter des réglementations plus ou moins strictes quant à leur usage, et devoir rétropédaler lorsque l’exécutif choisit de les « mettre en pause ». Nourrir la France, tout en restant invisible…</p>
<p>Les agricultrices et agriculteurs français ont marqué leur opposition à des normes et des injonctions contradictoires toujours plus nombreuses, dans un contexte où les consommateurs eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver. Retour sur les principaux points économiques, scientifiques, réglementaires ou historiques de ces colères.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agriculteurs sont en première ligne en matière d’exposition aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a></h2>
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<span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d’abord définir de quoi on parle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Usaid Egypt/Flickr, CC BY-NC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/mobilisations-agricoles-ou-en-sont-les-femmes-224106">Mobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?</a></h2>
<p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">Agriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L’agriculture de subsistance qui co-existait avec l’agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Dupré</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur les principaux points économiques, scientifiques et historiques des récentes colères agricoles.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceSarah Sermondadaz, Cheffe de rubrique environnement et énergieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205602024-01-16T16:18:26Z2024-01-16T16:18:26ZUne vraie souveraineté alimentaire pour la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567861/original/file-20240104-27-n2p29k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C13%2C4656%2C3059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/agriculture-la-fnsea-annonce-obtenir-labandon-de-la-hausse-de-taxes-sur-les-pesticides-et-leau-333bc86a-23b2-411f-af77-d4a9bcafc79c">l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau</a>. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/glyphosate/glyphosate-l-autorisation-du-glyphosate-renouvelee-pour-10-ans-par-la-commission-europeenne_6187641.html">l’autorisation du glyphosate pour 10 ans</a>. Et, six jours plus tard, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/environnement-un-jour-sombre-le-reglement-contre-les-pesticides-tue-par-la-droite-europeenne">abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030</a>.</p>
<p>Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/commission_enquete_phytosanitaires">rapport de l’Assemblée nationale</a>. En plus <a href="https://www.agra.fr/agra-presse/enquete">du lobbying habituel de la FNSEA</a> et de <a href="https://theconversation.com/comprendre-le-malaise-des-agriculteurs-127862">l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs</a> et qui rend toute réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/securite-alimentaire-51357">sécurité alimentaire</a> des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.</p>
<p>La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la <a href="https://theconversation.com/gaspillage-et-in-securite-alimentaires-les-lecons-a-tirer-de-la-crise-sanitaire-153601">crise du Covid</a> et la <a href="https://theconversation.com/envol-des-prix-insecurite-alimentaire-les-lourdes-consequences-pour-lafrique-de-la-guerre-en-ukraine-181193">guerre en Ukraine</a>, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quatre-pistes-pour-une-souverainete-alimentaire-respectueuse-de-la-sante-et-de-lenvironnement-206947">Quatre pistes pour une souveraineté alimentaire respectueuse de la santé et de l’environnement</a>
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<h2>Le mythe de la dépendance aux importations</h2>
<p>De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les <a href="https://www.franceagrimer.fr/Actualite/International/2023/Souverainete-alimentaire-un-eclairage-par-les-indicateurs-de-bilan">derniers chiffres de FranceAgrimer</a> montrent que notre « dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.</p>
<p>Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/70677/document/ETU-2023-SOUVERAINETE_ALIMENTAIRE.pdf">148 % pour le blé dur</a>, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.</p>
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<p>D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’interdépendances : la France serait le <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Les-exportations-francaises-de-ble-sont-en-passe-de-battre-un-record-historique-247861-3107024">« grenier à blé de l’Europe »</a>, il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/10/hcp_ouverture-n7-grande_puissance_agricole.pdf">« une puissance exportatrice »</a>, etc.</p>
<p>Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les exportations des surplus européens subventionnés ont <a href="https://www.euractiv.fr/section/aide-au-developpement/news/les-dommages-collateraux-de-la-pac-sur-lagriculture-des-pays-en-developpement/">détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment</a> – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.</p>
<p>Comprendre : la France est la 6<sup>e</sup> puissance exportatrice de produits agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.</p>
<h2>Voir la productivité de façon multifonctionnelle</h2>
<p>S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de productivité alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des <a href="https://theconversation.com/plan-eau-la-politique-des-petits-tuyaux-fera-t-elle-les-grandes-rivieres-203391">besoins en eau</a> pour produire les aliments, de la <a href="https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276">dépendance aux énergies fossiles</a> générée par les intrants de synthèse, de l’épuisement de la fertilité des sols lié à la monoculture intensive ou encore des <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">effets du réchauffement climatique</a> ?</p>
<p>Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du travail agricole (25 % des agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gaspillage-alimentaire-22121">gaspillage alimentaire</a> – qui avoisine les 30 % tout de même – des besoins nutritionnels et des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alimentation-21911">habitudes alimentaires</a> de la population ?</p>
<p>La productivité alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568017/original/file-20240105-25-tf6kwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les zones humides naturelles ont une certaine capacité à épurer les milieux aquatiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sandro Bisotti/Flickr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568012/original/file-20240105-23-bpwi9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La cétoine dorée, un coléoptère, est aussi un pollinisateur, au même titre que les abeilles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Raphaël Guillaumin/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>la capacité de rétention <a href="https://theconversation.com/podcast-donner-une-seconde-vie-aux-eaux-usees-208996">d’eau dans les sols</a>,</p></li>
<li><p>le renouvellement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pollinisateurs-35904">pollinisateurs</a>,</p></li>
<li><p>le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une eau potable,</p></li>
<li><p>le renouvellement de la <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">fertilité des sols</a>,</p></li>
<li><p>la régulation des <a href="https://theconversation.com/les-bioinsecticides-miracle-ou-mirage-147050">espèces nuisibles</a> aux cultures,</p></li>
<li><p>ou encore la <a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">séquestration du carbone</a> dans les sols.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-sauver-nos-systemes-alimentaires-restaurer-nos-sols-en-sequestrant-le-carbone-212820">Pour sauver nos systèmes alimentaires, restaurer nos sols en séquestrant le carbone</a>
</strong>
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</p>
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<p>Or, il est <a href="https://sfecologie.org/regard/r110-mai-2023-e-porcher-pollinisation-en-crise/">scientifiquement reconnu</a> que les indicateurs de productivité relatifs à ces services <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">baissent depuis plusieurs décennies</a>. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.</p>
<h2>La diversification pour maintenir des rendements élevés</h2>
<p>Une <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/sciadv.aba1715">revue de littérature scientifique parue en 2020</a>, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des pratiques agricoles permettent de répondre à ces objectifs de performance plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des rendements élevés.</p>
<p>Les ingrédients de cette diversification sont connus :</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568016/original/file-20240105-25-2phosz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le non-labour est l’une des clés de la diversification agricole.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lutz Blohm/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568013/original/file-20240105-25-cfxjlg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les haies permettent de limiter le ruissellement d’eau et rendent plusieurs services agrosystémiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean Balczesak/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>augmentation de la rotation des cultures et des amendements organiques,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">renoncement aux pesticides de synthèse</a> et promotion de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-biologique-26141">agriculture biologique</a> à grande échelle,</p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/en-cessant-de-labourer-les-sols-on-pourrait-reduire-limpact-de-lagriculture-sur-le-climat-de-30-160218">réduction du labour</a>,</p></li>
<li><p>diversification des semences et <a href="https://theconversation.com/retour-sur-le-combat-pour-les-semences-paysannes-en-europe-190670">recours aux variétés rustiques</a>,</p></li>
<li><p>ou encore <a href="https://theconversation.com/climat-biodiversite-le-retour-gagnant-des-arbres-champetres-174944">restauration des haies</a> et des talus pour limiter le ruissellement de l’eau de pluie.</p></li>
</ul>
<p>Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les services écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les rendements agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.</p>
<h2>Les sérieux atouts de l’agriculture biologique</h2>
<p>Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. <a href="https://theconversation.com/agriculture-pourquoi-la-bio-marque-t-elle-le-pas-en-france-207510">Se convertir au bio</a>, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.</p>
<p>C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des <a href="https://theconversation.com/les-legumineuses-bonnes-pour-notre-sante-et-celle-de-la-planete-216845">légumineuses fixatrices d’azote dans le sol</a>,utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la <a href="https://theconversation.com/agroforesterie-intrants-labour-comment-ameliorer-le-bilan-carbone-de-lagriculture-165403">restauration d’un paysage qui devient un allié</a> dans la lutte contre les aléas naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs bio.</p>
<p>C’est une question de réalisme économique. Les exploitations bio consomment en France <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/system/files/2023-04/agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">deux fois moins de fertilisant et de carburant par hectare que les exploitants conventionnels</a>, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du prix du pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.</p>
<p>Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un faux procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de <a href="https://www.ressources.terredeliens.org/les-ressources/l-etat-des-terres-agricoles-en-france-dossier-thematique-rapport-1">72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020</a>. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, <a href="https://hal.science/hal-01197118v1/file/C57Coulon.pdf">à hauteur de 1000 km<sup>2</sup> par an en moyenne</a>.</p>
<p>Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le conventionnel se réduit après quelques années seulement : de <a href="https://www.nature.com/articles/nature11069">25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite</a>. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.</p>
<h2>Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le pouvoir d’achat des consommateurs</h2>
<p>Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le revenu des agriculteurs. Il est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5434584">notoirement faible</a>. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.</p>
<p>Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1423674112">entre 22 % et 35 % plus élevés</a> que pour les agriculteurs conventionnels.</p>
<p>Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.</p>
<p>Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le travail agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio <a href="https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-consommation-bio/">nécessite plus de main-d’œuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces)</a> et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).</p>
<p>Cette question du travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.</p>
<p>Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.</p>
<p>Rien que le traitement de l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, <a href="https://aida.ineris.fr/reglementation/instruction-gouvernement-050220-relative-a-protection-ressources-eau-captages">coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État</a>. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux pesticides ne sont plus tolérables.</p>
<h2>Le bio, impensé de la politique agricole française</h2>
<p>Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.</p>
<p>L’État a promu le label Haute valeur environnementale (HVE), dont l’intérêt est très limité, <a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/doc/evaluation-performances-environnementales-certification-haute-valeur-environnementale-hve-dans">comme révélé par l’Office français de la biodiversité</a> (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle PAC, au risque de créer une <a href="https://www.biofil.fr/actualites-nationales/label-hve-le-conseil-detat-saisi-pour-tromperie/">concurrence déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio</a>, d’autant plus que les aides publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.</p>
<p>La décision récente de l’État de retirer son projet de taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, <em>de facto</em>, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/document/download/df01a3c7-c0fb-48f1-8eca-ce452ea4b8c2_en?filename=agri-market-brief-20-organic-farming-eu_en.pdf">moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels</a>.</p>
<p>Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des charges sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la transition agroécologique.</p>
<p>Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la vente directe et à des dispositifs tels que les <a href="https://theconversation.com/les-amap-leconomie-collaborative-les-pieds-sur-terre-68318">AMAP</a> qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.</p>
<p>Les agriculteurs engagés pour la transition écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la chaîne de valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.</p>
<p>Il ne s’agit pas d’une utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220560/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Harold Levrel est professeur d'économie écologique à AgroParisTech</span></em></p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.Harold Levrel, Professeur, économie de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128202023-12-20T19:54:52Z2023-12-20T19:54:52ZPour sauver nos systèmes alimentaires, restaurer nos sols en séquestrant le carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559326/original/file-20231114-27-fuboi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme frottant de la terre dans ses mains</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo de Eddie Kopp sur Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>On estime aujourd’hui que 70 % des écosystèmes terrestres (libres de glace) ont été transformés par rapport à leur état naturel, et que <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC111155">35 % des terres sont utilisées à des fins agricoles</a>. En raison de pratiques inadaptées, un cinquième (soit plus de 2 milliards d’hectares) est par ailleurs <a href="https://doi.org/10.4060/cb7654fr">désormais considéré comme dégradé</a>. Si cette détérioration se poursuit à un rythme similaire, il y aura près <a href="https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/goal-15/">d’un milliard d’hectares supplémentaires de terres dégradées d’ici à 2030</a>, ce qui équivaut au total mondial des engagements de restauration des pays.</p>
<p>Pour rappel, la Convention des Nations unies de lutte contre la désertification définit les terres comme <a href="https://www.unccd.int/resource/convention-text">« le système bioproductif terrestre qui comprend le sol, la végétation, d’autres biotes et les processus écologiques et hydrologiques qui opèrent dans le système »</a>. Elles sont ainsi considérées comme un bien public fournissant de la nourriture, de l’eau, du bois de chauffage, des plantes médicinales, régissant les cycles du carbone et de l’azote, tout en apportant aux populations sécurité, statut, identité sociale, mais également dignité.</p>
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<p>Alors que leur rôle dans les systèmes alimentaires est essentiel, la capacité des terres à soutenir la <a href="https://theconversation.com/reconcilier-engrais-mineraux-et-agroecologie-une-piste-pour-nourrir-les-populations-dafrique-de-louest-214183">production de nourriture</a> pour l’homme et les animaux d’élevage et sauvages, apparaît pourtant en danger.</p>
<h2>Révolution verte et croissance démographique</h2>
<p>La dégradation des terres est l’aboutissement d’un long processus. Il y a plus de 12 000 ans que les activités humaines (chasse, pêche, défrichement, agriculture) ont altéré les écosystèmes, détournant à leurs profits les services rendus par les terres. Cette révolution, parfois nommée « Révolution néolithique », <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.0950-0804.2005.00259.x">a façonné les sociétés et les populations</a>.</p>
<p>L’expansion agricole s’est ensuite répandue sur tous les continents, accélérant ces transformations et conduisant, dans les années 1960, à ce qui est communément appelé la <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/revolution-verte">« Révolution verte »</a>. Fondée sur les progrès scientifiques et techniques, notamment dans le domaine de la fabrication des engrais, de la sélection variétale et de la mécanisation, elle a été soutenue par une politique d’intensification agricole qui a participé à la dégradation des terres.</p>
<p>Dans le même temps, la <a href="https://theconversation.com/nourrir-11-milliards-de-personnes-cest-possible-48117">population humaine a bondi</a>. On estime que 8,5 milliards de personnes <a href="https://theconversation.com/combien-dhumains-demain-les-nouvelles-projections-de-lonu-118798">peupleront la planète d’ici à 2030</a>. Une démographie qui va de pair, inévitablement, avec l’augmentation de la consommation alimentaire. Dans la première moitié de ce siècle, il faut s’attendre à une <a href="https://www.fao.org/home/fr">progression de 70 % de la demande mondiale d’aliments</a> destinés à la consommation humaine ou animale.</p>
<h2>Le changement climatique, facteur aggravant</h2>
<p>En parallèle, les manifestations répétées des changements climatiques d’origine anthropique (sécheresses, inondations, fortes chaleurs) viennent fragiliser davantage la capacité des systèmes alimentaires à répondre aux besoins d’une population mondiale en pleine croissance.</p>
<p>Ainsi, en <a href="https://www.fao.org/faostat/en/#data">combinant des données agricoles</a> avec une base de données sur les <a href="https://emdat.be">catastrophes météorologiques extrêmes</a> en Europe, une étude a montré, en 2021, que les pertes agricoles liées à la sécheresse avaient triplé sur la période 1990-2015 <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abf004">par rapport à la période 1965-1990</a>.</p>
<p>Les sécheresses et les vagues de chaleur historiques ont réduit les rendements céréaliers européens en moyenne de 9 % et 7,3 %. Ceux des cultures non céréalières ont diminué de 3,8 % et de 3,1 % au cours de la même série d’événements. En France, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/282915777">sécheresse de 2005</a> a mené à des pertes de rendements allant de 7 à 18 % pour le blé et pouvant atteindre près de 20 % pour le maïs.</p>
<h2>À chaque sol son usage</h2>
<p>On parle de sols dégradés, mais que sont des sols « sains » ? Des chercheurs les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">ont définis</a> comme « des sols qui abritent une diversité d’organismes contribuant à sa fertilité, qui ne polluent pas leur environnement et qui sont riches en matières organiques ». Ils sont alors en mesure d’assurer l’ensemble des services qu’ils peuvent rendre aux écosystèmes (production, atténuation et adaptation au changement climatique notamment).</p>
<p>Agir sur la santé des sols pour que les systèmes alimentaires soient plus durables exige donc des solutions adaptées localement, c’est-à-dire déterminées en fonction du stock de matière organique du sol et de sa biodiversité. Autrement dit, de sa capacité à générer durablement les services écosystémiques nécessaires pour répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre leur capacité à répondre à ceux de demain.</p>
<p>Si on envisage la gestion des terres sous l’angle de leur potentiel, et non seulement de la production, il est ainsi possible de proposer des modes d’usage des terres qui tiennent aussi en compte des enjeux de biodiversité et des autres services rendus par les terres (services culturels, etc.). Il est contre-productif de vouloir, au détriment des enjeux de biodiversité par exemple, faire travailler une terre au-delà de son potentiel. Il n’y a donc pas un mode unique de gestion des terres, ce dernier dépend du contexte local.</p>
<h2>Initiatives pour améliorer la gestion des terres</h2>
<p>Pour répondre à ces dégradations des terres, de nombreux projets existent. <a href="https://agriculture.gouv.fr/animation-sequestration-du-carbone-comprendre-le-4-pour-1000-en-3-minutes">L’Initiative « 4 pour 1000</a> des sols pour la sécurité alimentaire et le climat » est l’une des plus ambitieuses et emblématiques. Cette démarche internationale fédère tous les acteurs volontaires du public et du privé (États, collectivités, entreprises, organisations professionnelles, ONG, établissements de la recherche…) afin d’apporter des solutions concrètes au défi posé par les dérèglements climatiques et la sécurité alimentaire.</p>
<p>À l’échelle des territoires, de nombreuses démarches s’attachent à définir avec les acteurs locaux des solutions de gestion durable. C’est le cas du <a href="https://dscatt.net/FR/">projet DSCATT</a>, « Dynamique de la séquestration du carbone dans les sols des systèmes agricoles tropicaux Sénégal, Zimbabwe) et tempéré France) ». Initié en 2019, il vise à explorer le potentiel de séquestration du carbone dans les sols cultivés tout en considérant le développement durable des systèmes agricoles dans un contexte de changements globaux ».</p>
<h2>Quand l’agriculture permet de piéger le carbone</h2>
<p>La séquestration du carbone exprime le stock net entre tous les flux de carbone provenant de l’atmosphère qui entrent dans le sol via la biomasse végétale et tous les flux de carbone émis depuis le sol vers l’atmosphère. <a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">Car les sols ont eux aussi la capacité de piéger le CO<sub>2</sub> de l’atmosphère</a>.</p>
<p>Connaître ce potentiel est un élément clé pour l’aide à la décision et le déploiement de pratiques adaptées à la diversité des contextes, en fonction du type d’agriculture et de la nature des sols. Le stock de carbone organique est en effet l’un des déterminants majeurs de nombreuses fonctions du sol.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">Piéger le carbone dans le sol : ce que peut l’agriculture</a>
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<p>Le projet DSCATT étudie l’impact de différents agrosystèmes (agroforesterie, agriculture de conservation, systèmes agrosylvopastoraux) : sur les stocks de carbone organique dans les couches superficielles des sols, mais également dans les couches profondes, sur lesquelles peu de données sont disponibles mais qui pourraient représenter un grand réservoir.</p>
<h2>Les bénéfices de l’agroforesterie</h2>
<p>Au Sénégal, le site étudié est situé dans le parc naturel de Sob, à 135 km à l’est de Dakar, qui jouit d’un climat de type subsahélien, avec une pluviométrie annuelle moyenne de 500 mm et une température moyenne de 29,6 ◦C.</p>
<p>Le système agroforestier étudié était composé principalement d’arbres <em>Faidherbia albida</em>, qui perdent leurs feuilles à la saison des pluies. Les cultures en dessous (arachide, mil) bénéficient donc pleinement de la lumière lors de leur croissance.</p>
<p>Elles y sont donc plus productives et apportent davantage de carbone qu’une culture installée sans arbre. Leurs racines alimentent quant à elles les couches superficielles du sol en matière organique.</p>
<p>Les arbres, de leur côté, acheminent via leurs racines plus de carbone organique dans les couches profondes du sol. L’introduction d’arbres dans les terres arables augmente ainsi le potentiel de stockage du carbone dans le sol du système, en comparaison avec un système de culture où l’arbre est absent.</p>
<p>Maintenir, par des usages des terres appropriés, des sols sains, éviter leur dégradation et les restaurer lorsque nécessaire sont des enjeux majeurs pour conserver des systèmes alimentaires durables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212820/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Chotte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dégradation des sols met à mal l’avenir de nos systèmes alimentaires. Mais des pratiques agricoles existent pour retrouver des sols sains.Jean-Luc Chotte, Directeur de recherche, président du Comité scientifique français de la désertification, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161942023-11-26T15:37:16Z2023-11-26T15:37:16ZEn France, une taxation des terres agricoles qui favorise leur artificialisation<p>Dans le cadre de l’Union européenne (UE), malgré une politique commune ancienne et qui bénéficie aujourd’hui de <a href="https://agriculture.ec.europa.eu/common-agricultural-policy/financing-cap/cap-funds_en">32 % du budget européen</a>, malgré des directives sur l’environnement ou le marché intérieur, l’agriculture ne fait pas l’objet de processus d’harmonisation fiscale. Or, les <a href="https://theconversation.com/topics/fiscalite-23513">systèmes de taxation</a>, objet de nos <a href="https://fondationbiodiversite.fr/openpdf.php?pdf=https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2022/09/FRB_Taxation_terres_agricoles_Europe">travaux récents</a>, ne sont pas sans effet sur la rentabilité de l’<a href="https://theconversation.com/topics/agriculture-20572">agriculture</a>, l’adoption de telle ou telle pratique plus ou moins respectueuse de l’environnement et l’artificialisation des terres de culture ou d’élevage.</p>
<p>Sur ce dernier point, l’UE, les gouvernements de nombreux États membres et la profession agricole sont unanimes : l’artificialisation des terres est <a href="https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/e9a42c93-0825-4fc0-8032-a5975c8df3c0">rapide</a>, particulièrement en France. C’est là un facteur d’<a href="https://www.ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf">érosion de la biodiversité</a> voire de hausse des émissions de gaz à effet de serre avec l’étalement urbain.</p>
<p>Quelle solution pour freiner le phénomène ? Des travaux universitaires suggèrent deux pistes : <a href="https://www.ccsenet.org/journal/index.php/jsd/article/view/40299">renforcer la rentabilité de l’agriculture</a> et des terres agricoles et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264837716302526">augmenter le prix des terres</a>. Or, la fiscalité influe sur ces trois facteurs. Si la taxation est trop élevée, elle peut diminuer la rentabilité de l’agriculture et donc faciliter l’urbanisation des terres agricoles. De même, le prix d’un actif correspondant en général à la somme actualisée de ses revenus futurs, si une forte taxation des terres agricoles diminue leur revenu annuel, cela tirera leur prix vers le bas et favorisera leur urbanisation.</p>
<p>En moyenne en Europe, les terres agricoles sont moins imposées que d’autres actifs, historiquement pour des raisons économiques et sociales plus qu’environnementales : soutenir la continuité de l’activité agricole et les revenus des exploitants, moderniser les exploitations. Toutefois, la France se trouve dans une situation particulière. Au sein de l’UE, elle est le pays qui taxe le plus fortement les terres agricoles.</p>
<h2>Des taxes nettement plus élevées en France que dans le reste de l’UE</h2>
<p>Outre plusieurs taxes liées au revenu (impôt sur le revenu, prélèvements sociaux, plus-values immobilières), la France applique, sur les terres agricoles, cinq taxes qui ne lui sont pas liées : la taxe foncière, la taxe pour frais de chambres d’agriculture, des droits sur les mutations à titre onéreux, des droits sur les mutations à titre gratuit et, le cas échéant, l’impôt sur la fortune immobilière.</p>
<p>La France fait partie de la moitié de pays européens qui conservent une taxe foncière indépendante du revenu sur les terres agricoles. Elle leur applique le taux marginal d’imposition le plus élevé en Europe au titre de l’impôt sur le revenu, le deuxième taux marginal le plus élevé pour les droits de mutation à titre gratuit, le quatrième taux le plus élevé pour les droits de mutation à titre onéreux et le cinquième taux le plus élevé pour les plus-values immobilières, avec des abattements très lents et la durée de taxation la plus longue. Elle est l’un des quatre seuls pays dans lesquels un impôt sur la fortune s’appliquant aux terres agricoles existe. Elle est le seul pays dans lequel cet impôt s’applique uniquement au foncier, désavantageant ainsi les terres agricoles par rapport aux valeurs mobilières ou liquidités.</p>
<p>En outre, alors que, dans plusieurs pays européens, la suppression récente de certains impôts a allégé la pression fiscale sur les terres agricoles, leur taxation a augmenté en France ces dernières années qu’il s’agisse des plus-values immobilières, des droits de mutation à titre onéreux, de l’impôt sur le revenu ou de plusieurs prélèvements sociaux.</p>
<p>Ces taxes multiples s’additionnent et leur total aboutit à une pression fiscale lourde et beaucoup plus élevée que dans les autres pays de l’UE sur les terres agricoles. Or, les propriétaires doivent les acquitter avec un revenu des terres agricoles particulièrement faible.</p>
<h2>Des loyers fortement taxés et pourtant de plus en plus bas</h2>
<p>La France se caractérise ainsi par un schéma devenu aujourd’hui contreproductif : un niveau de taxation élevé des terres agricoles et de leur revenu, une part importante de ces taxes qui est indépendante du revenu et qui ne tient pas compte du niveau très faible de ce revenu.</p>
<p>De fait, les loyers de fermage, fixés par l’État en France, y sont nettement plus faibles qu’en moyenne dans l’UE. Ils y représentent environ la moitié de ce qu’ils sont dans les pays voisins (en moyenne 140 euros par hectares en France contre 250 à 300 euros dans les pays voisins).</p>
<p>En comparant la taxation de deux personnes percevant le même revenu mais de deux sources différentes, on constate à quel point la situation des détenteurs de foncier rural est très défavorable. M. Dupont, propriétaire d’actions d’entreprises qui distribue un revenu libre et entier de 100 euros paye un impôt au taux fixe de 30 % et rien d’autre. Il lui reste 70 euros.</p>
<p>M. Durand, détenteur d’un terrain agricole, au lieu de percevoir un revenu complet de 100, ne recevra que 50 euros. Mais il payera, lui, chaque année, sur la moitié du revenu qui lui reste une taxe sur le foncier non bâti, une taxe pour chambre d’agriculture, un impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dont le taux marginal va jusqu’à 62,2 % et le cas échéant, un IFI. Bien que ne percevant que 50 % du revenu qu’il devrait percevoir, M. Durand est taxé comme s’il en avait perçu 100 %. La division par deux de son revenu, par l’État, n’est pas compensée par une taxation moindre. Au contraire, M. Durand est soumis à un taux global de taxation deux à trois fois plus élevé que M. Dupont qui, lui, perçoit 100 % de son revenu.</p>
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<p>Ce système institué à partir de 1945 avait, à l’origine, vocation à permettre aux exploitants agricoles un accès à la terre sans supporter les coûts notables de son acquisition et à soutenir le revenu de ces derniers. Il s’agissait d’inciter des non-agriculteurs à « porter » le foncier agricole pour épargner cette charge aux exploitants et leur permettre d’investir dans la modernisation de leurs exploitations. En échange, les bailleurs se contentaient d’un loyer modeste, permettant un rendement bas mais positif.</p>
<p>Le dispositif, qui a correctement fonctionné jusqu’aux années 60, a déraillé, peu à peu, à partir des années 70 pour plusieurs raisons. D’abord, les loyers de fermage, peu revalorisés, ont augmenté moins vite que l’inflation. Depuis 1950, ils <a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2013-4-page-77.htm">reculent d’environ 1,2 % à 1,3 % par an en euros constants</a>. En parallèle, la taxation des revenus du foncier rural et des terres agricoles elles-mêmes s’est nettement accrue. On a donc assisté à un effet de ciseau : baisse des revenus et augmentation de la taxation.</p>
<h2>Artificialiser, seule porte de sortie ?</h2>
<p>Une telle combinaison aboutit tendanciellement à une rentabilité après impôt nulle voire négative des terres agricoles. Entre 1999 et 2019, le rendement locatif brut des terres agricoles a <a href="https://www.safer.fr/app/uploads/2023/06/2023-PDT2022-72p-BD.pdf">diminué de près de moitié</a>.</p>
<p>En outre, le <a href="https://www.le-prix-des-terres.fr/nos-publications/">prix des terres</a> agricoles qui avait progressé entre 1953 et 1978 a régressé après. À partir de cette date, l’appréciation du prix des terres n’a plus compensé l’érosion des loyers de fermage. Aujourd’hui, le prix réel moyen de l’hectare agricole est toujours inférieur de plus d’un tiers à sa valeur de 1978.</p>
<p>Les détenteurs de terres agricoles se sont donc trouvés placés dans une situation où, du fait de l’érosion puis de la disparition du rendement locatif net, la seule porte de sortie qui leur était laissée, pour tirer un revenu positif de leur actif, était d’en changer la destination : urbanisation, installation d’infrastructures d’énergies renouvelables.</p>
<p>Le mécanisme mis en place pour soutenir le revenu des agriculteurs aboutit donc, paradoxalement, à diminuer la quantité de leur premier facteur de production : la terre. Cette évolution n’est guère conforme à l’intérêt des exploitants agricoles qui sont peu nombreux à ne pas louer une partie au moins des terres qu’ils exploitent. Près des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676823?sommaire=3696937#graphique-figure2">deux tiers</a> des terres sont louées en France, contrairement au Royaume-Uni par exemple où la majorité des exploitants sont aussi propriétaires.</p>
<p>Elle semble par ailleurs contradictoire avec la maitrise de l’artificialisation aujourd’hui inscrite dans la loi et défavorable à la biodiversité et aux politiques climatiques. Les objectifs de zéro artificialisation nette en 2050 et de diminution du rythme d’artificialisation d’ici à 2030 ne règlent nullement ce problème. Les nouvelles normes règlementaires aboutiront probablement à diminuer la vitesse d’artificialisation des terres agricoles et des espaces naturels. On peut s’en réjouir. Mais ils ne modifient en rien la situation de rentabilité négative du foncier rural. Or, on voit mal comment les pouvoirs publics pourraient obliger les détenteurs d’espaces naturels et agricoles à conserver des actifs structurellement en perte. Si la règlementation n’évolue pas pour leur permettre d’atteindre une rentabilité minimale, même faible, leur artificialisation se poursuivra de manière déguisée. On le voit déjà avec la multiplication récente des projets d’installations photovoltaïques, très consommatrices d’espace et contraires à l’essence même du zéro artificialisation nette.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216194/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Sainteny participe à plusieurs think tank travaillant sur les sujets du développement durable.</span></em></p>Le prix des terres agricoles comme les loyers fixés par l’État diminuent quand les taxes augmentent. Leurs propriétaires sont ainsi incités à artificialiser.Guillaume Sainteny, Maitre de Conférences à AgroParisTech, Membre de l’Académie d’Agriculture de France, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1778502022-03-09T19:12:38Z2022-03-09T19:12:38ZQuelle agroécologie pour le Sahel ? Rencontre avec les agropasteurs du Nord-Sénégal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450490/original/file-20220307-85970-2bl1l5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un éleveur peul vient abreuver ses bêtes à proximité d’un forage dans le Ferlo. </span> <span class="attribution"><span class="source">Raphael Belmin / Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Du 7 février au 12 mars 2022, la Dynamique pour une transition agroécologique au Sénégal (DyTAES) – réseau qui fédère l’ensemble des acteurs de l’agroécologie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest – a entrepris <a href="https://theconversation.com/au-senegal-la-grande-caravane-de-lagroecologie-reprend-la-route-176575">d’aller à la rencontre des agriculteurs et agricultrices</a> dans les différents terroirs.</p>
<p>Aujourd’hui, la caravane DyTAES explore le Nord-Sénégal, une zone aride où agriculture et élevage pastoral coexistent de plus en plus difficilement.</p>
<p>L’agroécologie pourrait-elle ouvrir de nouvelles perspectives aux acteurs de la zone ?</p>
<h2>Cap sur la zone pastorale du Ferlo</h2>
<p>Après une étape dans la <a href="https://theconversation.com/avec-la-caravane-de-lagroecologie-au-senegal-dans-la-zone-des-niayes-pour-aborder-la-gestion-de-leau-177076">zone maraîchère des Niayes</a>, direction le Nord-Est. À mesure que le convoi progresse, les champs de mil cèdent la place à des savanes sèches parsemées d’arbres chétifs.</p>
<p>Pour la quatrième étape de son périple, la DyTAES s’arrête à Linguère, au cœur du Ferlo, une région sahélienne où les pluies sont rares et incertaines. Le Ferlo est le territoire des Peuls, peuple d’éleveurs semi-nomades qui est parvenu à subsister jusqu’à nos jours grâce au pastoralisme. En saison sèche, les Peuls transhument avec leurs troupeaux sur de longues distances – parfois jusqu’au Mali et en Guinée – pour chercher de l’eau et des pâtures.</p>
<p>Autrefois en phase avec son milieu, ce mode de vie pastoral est aujourd’hui en crise dans un contexte de croissance démographique et de pression foncière : surpâturage, déboisement, brûlis et morcellement du foncier sont autant de facteurs qui déstabilisent l’écosystème du Ferlo et rendent les éleveurs de plus en plus vulnérables.</p>
<p>Ardo Sow, agent de l’ONG Enda Pronat originaire du Ferlo, pointe du doigt un paysage de savane ouverte qui s’étire au loin :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’étais enfant, cette zone était une forêt. Je suis triste en voyant ce que nos terres sont devenues. »</p>
</blockquote>
<p>Les difficultés des éleveurs transhumants sont exacerbées par le changement climatique. La diminution et l’irrégularité des pluies entraînent une réduction des ressources fourragères et un tarissement précoce des points d’eau. Les éleveurs sont ainsi contraints de faire évoluer leur stratégie, en commençant la transhumance de plus en plus tôt et en allant de plus en plus loin.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450477/original/file-20220307-126107-173v3qc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Paysage de savane sèche arborée caractéristique du Ferlo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450478/original/file-20220307-126102-16webqc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le territoire du Ferlo est jalonné de mares temporaires et de forages construits par l’État avec l’appui de l’aide internationale. Ces points d’eau sont autant de refuges et de lieux de passage qui dessinent des routes de transhumance pour le bétail. Autour des forages, les femmes peules développent de petits jardins où elles expérimentent le maraîchage et les cultures fourragères, comme ici (photo en bas à droite) dans la ferme de Awa Alassane Sow à Barkedji.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad, Thierno Sarr/Enda Pronat</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’impossible sédentarisation des éleveurs peuls</h2>
<p>Au-delà de Linguère, le bitume s’efface, laissant place à un réseau réticulaire de pistes de sable toutes semblables.</p>
<p>L’équipe locale de l’ONG AVSF qui guide le convoi semble connaître chaque recoin de ce vaste territoire. Les caravaniers s’enfoncent dans la savane en direction du village de Widou, à la rencontre d’une communauté d’éleveurs qui expérimente un mode de vie sédentaire.</p>
<p>Là-bas, depuis des décennies, de nombreux projets ont cherché en vain à sédentariser et intensifier les systèmes d’élevage : parcage, cultures fourragères, amélioration génétique du bétail… les tentatives se succèdent et les échecs s’accumulent. Et pour cause, le pastoralisme ne s’est pas installé ici par hasard.</p>
<p>C’est le déplacement du bétail au gré des pluies qui permet de maintenir des troupeaux dans des conditions climatiques changeantes. Samba Mamadou Ba, président de l’organisation d’éleveurs Adid, nous guide vers une parcelle clôturée, où les hautes herbes jaunies contrastent avec la terre nue piétinée des alentours :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons mis en défens cette zone afin de constituer une réserve de fourrage pour que le bétail puisse traverser la saison sèche. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450479/original/file-20220307-83257-1fmq3z6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cheikh Djigo, coordonnateur de l’ONG AVSF Linguère, anime la discussion entre les caravaniers et les éleveurs peuls de la commune de Widou. Ici, l’agence de coopération allemande a mené une expérimentation pilote de sédentarisation entre 1981 et 1992. Partant d’un forage central, de nouvelles parcelles étaient clôturées chaque année et attribuées à des familles d’éleveurs. Les bénéficiaires du projet s’efforcent de maintenir ce mode de vie sédentaire, mais font part de leurs difficultés à entretenir le réseau de clôtures et des tensions communautaires provoquées par cette privatisation d’une portion de territoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450480/original/file-20220307-83891-1b85a2j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : relevés de la pluviométrie et de la biomasse à Widou entre 1981 et 1992. Pendant les années de sécheresse de 83-84, les éleveurs sédentarisés ont été obligés d’utiliser des compléments alimentaires. Plus tard, la sécheresse de 1992 les a forcés à repartir en transhumance et tout le bétail est mort : les animaux n’étaient plus habitués à marcher sur de longues distances. En route avec les éleveurs de Widou. Rencontre avec un éleveur de dromadaires mauritanien qui a traversé la frontière pour passer la saison sèche dans le Ferlo. Pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs, les Peuls leur offrent un verre de Touffam, un mélange de lait, eau et sucre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad, Malick Djitte/Fongs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une vallée fertile qui irrigue le Sahel</h2>
<p>Après 160 km de pistes, la caravane DyTAES atteint la cité de Podor sur les rives du fleuve Sénégal, lieu de sa cinquième étape.</p>
<p>Coincée entre deux bras du fleuve, Podor est l’ancienne capitale du royaume de Tekrour, établi au XI<sup>e</sup> siècle, au cœur de la région historique du Fouta-Toro. Pendant la période coloniale, la ville est devenue un important comptoir commercial par lequel transitaient la gomme arabique et l’or destinés à l’export.</p>
<p>La vallée du fleuve Sénégal consiste en une bande intensément cultivée qui s’étire depuis l’océan Atlantique vers l’intérieur des terres sur 800 km, le long des frontières mauritanienne puis malienne.</p>
<p>En fin de saison des pluies, le fleuve se retire progressivement, laissant derrière lui des bancs de terre fertile imbibés d’eau. Les sols limono-argileux du Walo retiennent suffisamment d’eau pour alimenter des cultures comme le sorgho, le mil ou le maïs, souvent cultivés en association avec le niébé (une légumineuse qui enrichit les sols en azote). Les parcelles sont fertilisées naturellement par les animaux laissés en vaine pâture dans les jachères.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450474/original/file-20220307-126102-1c61m77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Marquant la frontière avec la Mauritanie, le fleuve Sénégal fait jaillir la vie au sein des terres arides surpâturées du Ferlo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
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<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Visite d’une parcelle de sorgho dans une zone de décrue près de Podor.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<p>Ce système de culture traditionnel dit « de décrue » est aujourd’hui en déclin. Depuis les années 1930, il est progressivement remplacé par une nouvelle forme d’agriculture, à la fois irriguée et intensive, qui se déploie dans de grands périmètres aménagés aussi appelés « casiers ».</p>
<p>Les infrastructures hydrauliques – barrages, pompes, réseaux de canaux – sont construites et gérées par une société étatique dont le but est la « mise en valeur de la vallée du fleuve Sénégal ». C’est dans ces casiers que des agro-industriels et des unions d’agriculteurs pratiquent la monoculture à grand renfort de fertilisants et de pesticides chimiques. Ils produisent l’essentiel du riz sénégalais, de l’oignon, de la tomate industrielle, de la canne à sucre et des cultures maraîchères d’exportation, comme la tomate cerise ou le haricot vert.</p>
<p>L’essor de cette agriculture fortement capitalisée s’accompagne de problèmes de pollution, d’une diminution de la fertilité des sols (causée par des phénomènes de salinité, d’érosion et d’acidification) et de tensions avec les autres usagers des ressources naturelles. En particulier, les éleveurs issus de la zone pastorale du Ferlo sont affectés par la réduction des parcours et des couloirs de transhumance.</p>
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<span class="caption">Zone de contact entre les casiers du Walo et les dunes arborées du Diéri.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450484/original/file-20220307-130118-r5bzgj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : la station de pompage de Guédé Chantier achemine l’eau du fleuve vers un large réseau de canaux d’irrigation. Le canal principal d’approvisionnement en eau du périmètre irrigué villageois de Guédé Chantier. Un producteur d’oignon de Guédé Chantier. Un ouvrier agricole en train de faire circuler l’eau d’irrigation dans une parcelle de monoculture d’oignon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<h2>Les femmes du fleuve ouvrent la voie de l’agroécologie</h2>
<p>En marge des zones de monoculture, les caravaniers de la DyTAES ont rencontré des groupes de femmes qui pratiquent l’agroécologie dans des jardins collectifs. Un peu partout aux abords des villages, elles ont fait naître de véritables oasis de vie et de diversité qui contrastent avec les terres desséchées du Walo.</p>
<p>On y rencontre une grande diversité de plantes, bien souvent cultivées en association afin de perturber les bioagresseurs et d’optimiser l’usage de l’eau. Légumes, aromates et plantes médicinales se mélangent dans chaque planche de culture pour former un carnaval de couleurs et de senteurs.</p>
<p>Les parcelles sont quadrillées d’arbres fruitiers ou fertilitaires qui forment une strate protectrice et nourricière au-dessus du sol. Les parcelles sont amendées avec du fumier ou du compost et les traitements phytosanitaires sont limités à l’usage de décoctions à base de plantes (par exemple neem, ail, piment). Les femmes du fleuve ont préféré l’agroécologie à l’agriculture chimique, car elles disent produire d’abord pour nourrir leur famille.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450485/original/file-20220307-109389-1mhwj12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le périmètre maraîcher agroécologique de Wouro Madiw est géré par un groupement de femmes, soutenu par l’ONG Andando. Dans la vallée du fleuve Sénégal, les « jardins de femmes » sont des lieux d’émancipation, d’entre-aide et de renforcement du lien social. Celles qui s’y engagent peuvent alimenter leur famille et apporter un précieux complément de revenu au foyer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450486/original/file-20220307-51485-r45o2g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De haut en bas, de gauche à droite : tomate, laitue, menthe, chou, piment, navet, gombo, poivrons, oignons, betteraves… À Mafré, les planches maraîchères contiennent de nombreuses associations culturales. Aissata Moussa Diack, secrétaire générale du GIE du périmètre de Wordé, où l’ONG 3D a formé et accompagné 136 femmes. Visite de la mare de Danki au village de Fondé Ass, où les populations ont mis en place une charte locale pour améliorer la gestion des ressources en poisson. Oulimata Ly et Aissata Sow, deux représentantes de l’Union des jeunes agriculteurs du Koyli Wirnd, ont porté le projet de protection des mares.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Belmin/Cirad ; Malick Djitte/Fongs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les prochaines étapes de la caravane nous conduiront dans la zone centrale du Sénégal, où les producteurs de mil et d’arachide s’emploient à protéger leurs arbres afin de reconstruire les parcs agroforestiers traditionnels.</p>
<hr>
<p><em>Jean-Michel Sene (Enda Pronat), Laure Brun Diallo (Enda Pronat), Thierno Sall (Enda Pronat), Ardo Sow (Enda Pronat), Mamadou Sow (Enda Pronat), Alice Villemin (Avsf), Cheikh Djigo (Avsf) et Malick Djitté (Fongs) sont co-autrices et co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les étapes de la caravane évoquées dans cet article ont été organisées par les membres de la DyTAES avec l’appui financier de MISEREOR, l’Union européenne, Solidaridad Internacional, Junta de Andalucia, Weltfriedensdienst, l’Agence française de développement et le Fond français pour l’environnement mondial. Raphael Belmin accompagne le développement de la DyTAES en tant que scientifique et photographe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Liesse Vermeire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Jusqu’au 12 mars 2022, la grande caravane de l’agroécologie fait le tour du Sénégal. Aujourd’hui, on s’arrête dans le Nord du pays où agriculture et élevage pastoral tentent de coexister.Raphaël Belmin, Chercheur en agronomie, photographe, accueilli à l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA, Dakar), CiradMarie-Liesse Vermeire, Chercheuse en écologie du sol, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1462282020-10-21T20:01:01Z2020-10-21T20:01:01ZComment observe-t-on la biodiversité en milieu agricole ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358093/original/file-20200915-18-1qfr64f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1198%2C736&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De gauche à droite, et de haut en bas&nbsp;: mégère (Lasiommata megera), flambé (Iphiclides podalirius), piéride du navet (Pieris napi), et cuivré commun (Lycaena phlaeas).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Laurent Palussière / D.R.</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>En France métropolitaine, la surface utilisée pour la production agricole représente environ la <a href="https://agriculture.gouv.fr/agriculture-et-foret/quelle-part-du-territoire-francais-est-occupee-par-lagriculture">moitié de la surface du territoire</a>. Les terres agricoles sont donc des milieux à ne pas négliger dans la prise en compte de la préservation de la biodiversité, d’autant qu’une part importante des espèces des climats tempérés est étroitement liée au milieu agricole.</p>
<p>L’<a href="http://observatoire-agricole-biodiversite.fr/">Observatoire agricole de la biodiversité</a> (OAB) est un programme de science participative développé en 2009 par le Museum national d’histoire naturelle (MNHN), sous l’impulsion du ministère de l’Agriculture, dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB). Il permet l’observation de la biodiversité au sein de parcelles agricoles à l’aide de quatre protocoles ciblant les vers de terre, les abeilles solitaires, les invertébrés du sol et les papillons.</p>
<h2>Rôles divers</h2>
<p>Les vers de terre ont une réelle influence sur la qualité et la fertilité des sols. On les classe en trois groupes : les épigés, qui vivent en surface et se nourrissent de matière organique ; les anéciques, qui creusent des galeries entre la surface du sol et les zones profondes et qui enfouissent la matière organique de surface ; enfin, les endogés, qui vivent en profondeur et se nourrissent de matière organique dégradée. Leur présence et leur diversité permettent de maintenir voire d’améliorer la qualité et la fertilité des sols.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358085/original/file-20200915-22-mskbjn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Osmie cornue (<em>osmia cornuta</em>), l’une des quelque 800 espèces d’abeilles solitaires présentes en France métropolitaine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Lecardonnel/DR</span></span>
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</figure>
<p>Les abeilles solitaires représentent en France environ 800 espèces différentes, alors que l’abeille domestique de nos ruches n’est qu’une espèce : <em>Apis mellifera</em>. Les abeilles solitaires jouent donc un rôle important dans la pollinisation, notamment lorsque les températures sont encore basses, au début du printemps.</p>
<p>Les papillons participent également à la pollinisation. Certains se plaisent dans des milieux variés, même les plus anthropisés, mais d’autres sont spécifiques de milieux très précis. Leur cycle de vie est parfois lié à une plante en particulier, appelée plante hôte.</p>
<p>Enfin, les invertébrés du sol regroupent un grand nombre d’animaux ayant des rôles très divers : araignées, scarabées, vers de terre, limaces, escargots, cloportes, mille-pattes, fourmis et bien d’autres !</p>
<p>Avec ces protocoles, il n’est pas toujours possible d’identifier la faune jusqu’à l’espèce. L’analyse se fait donc en partie par rapport aux fonctions des animaux, classés en 4 catégories :</p>
<ul>
<li><p>les <strong>décomposeurs</strong> (vers de terre, cloportes, fourmis, etc.) qui décomposent la matière organique et participent à la fertilité des sols ;</p></li>
<li><p>les <strong>pollinisateurs</strong> (papillons, coléoptères, etc.) qui participent à la reproduction des végétaux en transportant du pollen ;</p></li>
<li><p>les <strong>prédateurs</strong> (carabes, araignées, staphylins, perce-oreilles, etc.) qui se nourrissent d’autres espèces et participent à la régulation des ravageurs ; on peut citer l’exemple bien connu de la coccinelle qui mange des pucerons, ou celui moins connu de certains carabes qui mangent des limaces ;</p></li>
<li><p>les <strong>ravageurs</strong> (limaces, charançons, taupins, etc.) qui se nourrissent de végétaux (feuilles ou racines) et peuvent détruire des cultures, provoquant des pertes de récoltes.</p></li>
</ul>
<p>En Indre-et-Loire, ce sont une quinzaine d’agriculteurs volontaires qui participent aux suivis de l’OAB chaque année. Ils sont accompagnés par la <a href="https://sepant.fr/">Sepant</a>, l’association animatrice du réseau départemental, et épaulés par un groupe de bénévoles actifs et intéressés par ces thématiques.</p>
<p>Depuis 2019, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (<a href="http://www.inrae.fr">INRAE</a>) met également en place les protocoles de l’OAB sur deux parcelles du site de Nouzilly (37380) : une prairie conduite sans intrants chimiques et une parcelle de blé conduite en conventionnel.</p>
<h2>Nichoirs, planches et moutarde</h2>
<p>Pour le suivi des populations de vers de terre dans le cadre de l’OAB, un mélange d’eau et de moutarde est déposé sur trois zones de 1m<sup>2</sup> pour faire remonter les vers de terre. Ils sont ensuite récupérés, puis triés par groupe et comptés avant d’être relâchés. Ce protocole a été mis en place sur la prairie et a permis d’identifier 26 épigés, 10 anéciques et 10 endogés. Ce nombre était inférieur à la moyenne nationale de 2018 (62 vers de terre par parcelle en moyenne, selon le <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">bilan OAB 2018</a>)</p>
<p>Pour le suivi des abeilles solitaires dans le cadre de l’OAB, deux nichoirs sont installés sur la bordure des parcelles. Les abeilles viennent occuper les loges qui composent ces nichoirs, ce qui permet de les compter et d’estimer leur diversité grâce aux <a href="http://observatoire-agricole-biodiversite.fr/la-biodiversite-en-milieu-agricole/les-abeilles-sauvages/les-differents-opercules-observes">matériaux utilisés pour fermer les loges</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358091/original/file-20200915-18-10s791r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nichoir à abeilles disposé sur la bordure d’une parcelle d’INRAE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
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</figure>
<p>Nous avons réalisé ces relevés sur deux parcelles d’INRAE entre mai et octobre, et nous avons observé 12 à 15 loges colonisées par des abeilles sur la prairie et 14 à 28 loges colonisées sur la culture.</p>
<p>Au niveau national, <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">9 loges en moyenne</a> étaient colonisées par parcelle en 2018. Nous avons noté la présence d’osmies maçonnes (loges fermées par de la terre ou de la boue), d’<em>Osmia caerulescens</em> (loges fermées par des feuilles mâchées) et de mégachiles (loges fermées par des morceaux de feuilles).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358097/original/file-20200915-22-n2hdif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de loges fermées dans les nichoirs sur les deux parcelles d’INRAE au cours de l’année 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
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</figure>
<p>Pour le suivi des papillons dans le cadre de l’OAB, ils sont observés en vol lors de passages dans la parcelle. On estime ainsi leur quantité et la diversité des groupes. Nous avons compté et identifié les papillons sur les deux parcelles d’INRAE en juin, juillet et août 2019 et nous avons observé entre 5 et 12 individus par mois, la <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">moyenne nationale</a> étant à 14 individus en 2018.</p>
<p>Nous avons observé une diversité relativement importante avec des papillons de la famille des papilionidés (flambé et machaon), des piéridés (piéride blanche, citron, souci), des lycénidés (lycènes bleus, lycènes orangés) et des nymphalidés (mégère, myrtil, amaryllis, procris, tabac d’Espagne, tircis).</p>
<p>Pour le suivi des invertébrés terrestres dans le cadre de l’OAB, trois planches sont posées à même le sol, deux en bordure et une au centre de la parcelle. Les invertébrés du sol se réfugient sous la planche, qui offre un refuge et de l’humidité, ce qui permet de les compter et de les identifier. Nous avons placé 3 planches sur chacune des deux parcelles d’INRAE.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=356&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358095/original/file-20200915-20-164g7lr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Planche de suivi des invertébrés du sol disposée dans la bordure d’une parcelle d’INRAE.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
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</figure>
<p>D’avril à novembre, nous avons observé en moyenne 31 individus par mois sur la prairie et 29 sur la culture, la <a href="http://oab.mnhn.fr/sites/observatoire-agricole-biodiversite.fr/files/upload/attached/bilan_oab_2018.pdf">moyenne nationale</a> étant à 30 individus en 2018. Nous avons observé des prédateurs, des décomposeurs et des ravageurs, avec une diversité importante puisque nous avons relevé de 8 à 18 groupes différents.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=196&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358098/original/file-20200915-24-12a5bza.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=246&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre d’invertébrés observés sous les planches disposées sur les deux parcelles d’INRAE au cours de l’année 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ghylène Goudet/DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les deux parcelles, l’abondance et la diversité des invertébrés étaient plus importantes sur les bordures des parcelles par rapport au centre de la parcelle. Les bordures semblent donc être un réservoir important de biodiversité, qu’il faut prendre en compte dans les pratiques agricoles pour préserver la faune.</p>
<hr>
<p><em>Marion Bernard, chargée de mission agronomie, eau et environnement à la Sepant, a co-rédigé cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146228/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ghylène Goudet a reçu des financements de INRAE. </span></em></p>Vers de terre, abeilles, papillons, invertébrés… L’Observatoire agricole de la biodiversité a mis au point des techniques spécifiques pour chaque espèce.Ghylène Goudet, Ingénieur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1352442020-04-22T19:56:07Z2020-04-22T19:56:07ZLégislation foncière au Mali : un premier pas vers la sortie de crise ?<p><em>Cet article provient du travail réalisé par les auteurs dans le cadre du livre collectif <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-L___conomie_africaine_2020-9782348057465.html">« L’économie africaine 2020 »</a>, paru aux éditions La Découverte en janvier 2020.</em></p>
<hr>
<p>Les électeurs maliens ont été appelés aux urnes une nouvelle fois lors des législatives des 29 mars et 17 avril dernier. Un rendez-vous démocratique d’autant plus important que le Mali est confronté à la nécessité de reconstruire un contrat social entre l’État et les citoyens. Les réflexions sur les lois foncières entamées depuis les États généraux du foncier en 2009 sont un point de départ fondamental de ce processus.</p>
<p>Certains commentateurs expliquent les violences qui agitent l’Afrique subsaharienne <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Au-Nigeria-on-massacre-les-chretiens-le-SOS-de-Bernard-Henri-Levy-1662940">par des facteurs religieux ou communautaires</a>. Les témoignages de ce type restent partiels.</p>
<p>Comme dans de nombreux pays du continent africain, le Mali est constitué d’une mosaïque de populations. Malgré des accords de paix signés en 2015, ces groupes sociaux se déchirent au cours de crises politiques récurrentes depuis l’indépendance. Ils dessinent ainsi l’image d’un pays divisé, aux espaces alternativement contrôlés par des forces militaires étatiques, djihadistes ou communautaires. Or loin d’attribuer une origine ethnique à ces conflits, nous défendons la thèse que nombre de tensions qui parcourent le Mali sont principalement dues à la fragilisation de l’équilibre entre trois systèmes de production – l’agriculture, l’élevage et la pêche – et, par conséquent, à la pression exercée sur le foncier et sur les ressources naturelles.</p>
<p>L’examen de l’histoire des systèmes d’appropriation de la terre au Mali, de l’époque précoloniale à nos jours, est à cet égard porteur de nombreux enseignements.</p>
<h2>La légitimité des autorités coutumières dans la période précoloniale</h2>
<p>L’accès à la terre, dans les sociétés rurales précoloniales, s’effectuait au travers d’un ensemble de règles, normes et coutumes sociales mêlant droits individuels et collectifs, temporaires et permanents. La propriété individuelle exclusive, matérialisée par des « titres de propriété », est un concept hérité de la colonisation. Auparavant, les différents royaumes et empires qui se sont constitués en Afrique de l’Ouest reposaient sur ce que l’on appellerait aujourd’hui une « décentralisation » et une délégation des responsabilités depuis le sommet jusqu’aux institutions locales. À ces dernières était conférée une importante autonomie qui leur permettait de faire coexister plusieurs modes de gestion des terres. Les activités de culture sédentaires et d’élevage nomade pouvaient ainsi se dérouler de manière complémentaire. Des mécanismes de gestion et de résolution des conflits, adossés à une justice traditionnelle, permettaient d’apporter des réponses aux différends liés à l’accès à la terre et aux ressources naturelles.</p>
<p>Ces logiques coutumières variées découlaient de principes ancestraux justifiés par la spiritualité et les traditions locales. La terre nourricière, sacrée, demeure d’esprits et de puissances surnaturelles, était considérée comme inaliénable, inappropriable. Chaque village définissait ensuite individuellement les modalités concrètes d’application de ces principes, explicitement ou tacitement. C’est donc à l’échelle très locale que constituait le village que se prenaient les décisions relatives à l’accès à la terre pour les communautés concernées.</p>
<h2>L’affaiblissement des modèles précoloniaux</h2>
<p>L’arrivée des colons européens a fragilisé ces systèmes. Conformément aux conceptions occidentales, les terres ont fait l’objet d’une répartition et d’une appropriation systématiques. Les terres qui relevaient des villages sont passées sous le contrôle des cercles coloniaux, tandis que les terres considérées comme « vacantes et sans maîtres » étaient automatiquement inclues au domaine de l’État. Des droits d’usage étaient reconnus pour les populations locales. À moins que des <a href="http://www.foncier-developpement.fr/publication/appropriation-de-terres-a-grande-echelle-et-investissement-agricole-responsable/">décisions nationales</a> ne leur retirent ce droit…</p>
<p>Lorsque le pays accède à l’indépendance en 1960, le modèle étatique n’est pas remis en question par les classes politiques maliennes. Le contrôle du foncier est devenu l’un des critères de la constitution du nouvel « État-nation ». Cette notion pourtant héritière d’une philosophie européenne éloignée des traditions spirituelles et politiques d’Afrique subsaharienne consacre, jusqu’à aujourd’hui, l’État comme incarnation au niveau politique d’une communauté unique et unie dans un désir de vivre-ensemble matérialisé par le « contrat social ».</p>
<p>Conséquence de ces choix historiques complexes : l’existence de nos jours, sur les territoires, de différents registres de droits à la terre – nationaux, coutumiers, locaux – qui coexistent sans lien hiérarchique. La volonté des États à mettre en œuvre des politiques de formalisation systématique et individuelle des droits coutumiers inadaptées aux réalités locales joue un rôle dans la <a href="http://www.foncier-developpement.fr/wp-content/uploads/Note-de-synthese-20_VF.pdf%20%3Chttp://www.foncier-developpement.fr/wp-content/uploads/Note-de-synthese-20_VF.pdf">montée des conflits</a>.</p>
<p>Quelle réglementation foncière pourrait résoudre cette impasse ?</p>
<h2>Des innovations juridiques récentes qui réconcilient droits coutumiers et enjeux contemporains</h2>
<p>Dès 1986, le Mali s’est attelé à la tâche consistant à réconcilier et à faire coexister des logiques d’utilisation du foncier en apparence contradictoires. Le <a href="https://www.globalprotectioncluster.org/_assets/files/field_protection_clusters/Mali/files/HLP%20AoR/Mali_Land_Tenure_Code_1986_FR.pdf">Code domanial et foncier (Loi 86-91/AN-RM du 1ᵉʳ août 1986)</a> puis la <a href="http://www.hubrural.org/IMG/pdf/loi_d_orientation_agricole.pdf">loi d’orientation agricole (n°06-40/AN-RM) du 5 septembre 2006</a> actent officiellement la reconnaissance des droits coutumiers individuels et collectifs sur les terres non enregistrées dans le registre foncier. Cette décision est symboliquement lourde de conséquences : elle inclut formellement dans un code de lois contemporain des éléments de droit foncier d’origines écrite et orale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329524/original/file-20200421-82650-1rrlgdh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Éleveurs Peuls du Gourma, au sud de Gao, au Mali, février 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Eleveurs_Peuls.jpg">KaTeznik, Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au terme d’un long processus de consultation et de concertation dans la population malienne, qui rassemblait communautés rurales, agriculteurs, pasteurs et commissions villageoises, la <a href="http://www.hubrural.org/IMG/pdf/mali-loi-2017-01-foncier-agricole.pdf">loi sur le foncier agricole du 11 avril 2017</a> crée un nouveau cadre légal inclusif qui reconnaît différentes instances de dialogue dans les cas de litiges fonciers. En particulier, la loi reconnaît au village une légitimité comme partie prenante et décisionnaire dans le règlement des conflits, via l’instauration de commissions foncières locales qui mobilisent les us et coutumes locaux pour traiter les désaccords.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1048890359013683200"}"></div></p>
<p>Cette <a href="http://www.foncier-developpement.fr/publication/note-de-synthese-n30-mise-en-oeuvre-des-reformes-gouvernance-en-temps-de-crise-et-developpement-les-enjeux-du-foncier-agricole-et-rural-au-mali/">relégitimation des systèmes d’organisation locaux</a> permet ainsi aux conflits fonciers de trouver une première enceinte de dialogue. Cela confirme bien que ce n’est pas l’ethnie qui est à la racine des <a href="http://www.foncier-developpement.fr/publication/crise-politique-et-mouvements-migratoires-au-sud-du-mali-complexification-des-enjeux-et-des-instances-de-regulation-de-lacces-a-la-terre/">conflits contemporains</a>, mais bien plutôt le problème de coexistence de différentes légitimités dans la gestion et les modes d’accès à la terre. En ce sens, les innovations juridiques en cours au Mali créent un espoir pour de nombreuses communautés d’Afrique subsaharienne. C’est la possibilité que tous ces acteurs puissent construire ensemble, dans le dialogue et la reconnaissance de ces intérêts divergents mais non contradictoires, un régime foncier sécurisé et sécurisant.</p>
<h2>Vers de nouveaux communs fonciers au Mali</h2>
<p>Ces innovations juridiques peuvent être lues à la <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe-2016-3-page-603.htm">lumière des communs</a>, un autre cadre de gouvernance qui connaît une forte <a href="http://www.foncier-developpement.fr/publication/opportunites-defis-dune-approche-communs-de-terre-ressources-porte/">revitalisation</a> depuis quelques années, sur le continent africain et au-delà. Au sein des communs, une communauté établit des règles propres à garantir la gestion et la perpétuation d’une ressource (naturelle, comme la population halieutique d’un lac, ou immatérielle, comme une banque de données sur le trafic routier d’une ville, un code génétique, etc.) en bonne intelligence. Cette ressource n’appartient en propre à personne, mais il est dans l’intérêt de la collectivité qu’elle soit maintenue au fil des temps. Indépendamment des questions ethniques, c’est la gestion de la ressource qui est au cœur des préoccupations de la communauté.</p>
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<p>La mise en place de dialogues inclusifs autour des conflits fonciers au Mali ainsi que l’instauration de commissions foncières locales s’inscrivent donc dans une histoire qui remonte aussi bien aux traditions précoloniales qu’à des expérimentations contemporaines internationales.</p>
<p>Les communs font pleinement écho aux enjeux actuels des élections au Mali qui posent les questions de légitimité des représentations locales et de respect du principe de subsidiarité dans la mise en œuvre des politiques publiques.</p>
<p>Preuve, s’il en est, qu’il ne suffit pas de jeter un regard arrogant sur les conflits récents et d’utiliser des cadres d’analyse dépassés pour en comprendre la teneur ; l’Afrique a, une nouvelle fois, une longueur d’avance sur les apprentis politologues de l’ancien monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135244/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce n’est pas l’ethnie qui est à la racine des conflits contemporains, mais plutôt la difficile coexistence de différentes légitimités dans la gestion et les modes d’accès à la terre.Stéphanie Leyronas, Chargée de recherche sur les communs, Agence française de développement (AFD)Emeline Baudet, Chargée de recherches dans département Innovation, Recherches et Savoirs, Agence française de développement (AFD)Mathieu Boche, chef de projet agriculture et développement rural, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1340612020-04-15T17:08:33Z2020-04-15T17:08:33ZRéforme de la PAC : les enseignements de l’expérience brésilienne<p>Alors qu’une <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/reforme-de-la-pac-le-risque-d-une-politique-agricole-moins-europeenne-6577068">nouvelle réforme de la politique agricole commune</a> (PAC) se dessine, s’intéresser à d’autres réalités agricoles peut se révéler instructif.</p>
<p>À l’approche du 17 avril, journée internationale des luttes paysannes du nord comme du sud, leurs points de convergence et leurs originalités ailleurs dans le monde peuvent sinon nous guider, du moins nous aider à mieux situer les défis de la cohabitation entre petite paysannerie d’un côté, agro-industrie et urbanisation de l’autre.</p>
<p>Créée en 1962, la PAC repose encore aujourd’hui sur les principes du marché unique, de la préférence communautaire et de la solidarité financière. Les États ainsi que les acteurs du marché et de la société civile planchent présentement à une nouvelle mouture qui orientera l’action agricole de l’Union européenne jusqu’en 2027.</p>
<p>Pour l’instant, elle bénéficie largement à l’agro-industrie conventionnelle et ne laisse qu’une faible portion de son aide à l’appui d’une transition <a href="https://www.fondation-nature-homme.org/magazine/la-prochaine-reforme-de-la-politique-agricole-commune-pac-fortement-critiquee-par-des">écologique devenue socialement et écologiquement nécessaire</a>.</p>
<p>En principe, la PAC repose sur deux « piliers » : le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), qui sert essentiellement d’appui à la stabilité des marchés et dont les fonds vont principalement aux grandes entreprises, et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) qui bénéficie de <a href="https://theconversation.com/reforme-de-la-pac-le-grand-bond-en-arriere-98217">ressources nettement plus faibles</a>.</p>
<h2>L’accès à la terre en jeu</h2>
<p>Les critiques reprochent notamment à la PAC, y compris dans la nouvelle mouture qui se dessine, de <a href="https://confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=31">défavoriser l’agriculture paysanne</a>, les installations de petite taille et les petites exploitations, au profit des méga-installations. À travers l’accès à la terre pour les petits exploitants se joue la vitalité et la diversité des espaces ruraux.</p>
<p>Cet enjeu est généralisé dans le contexte d’un agrobusiness globalisé. En Amérique latine, bien avant l’industrialisation des pratiques agricoles, l’accès à la terre – extrêmement concentrée entre les mains de quelques grands propriétaires terriens – constituait une demande récurrente de la paysannerie face au <em>latifundio</em>.</p>
<p>C’est ce qui déboucha, à partir des années 1960, sur le soutien à la réforme agraire dans plusieurs pays de la région, consistant en une redistribution des terres des grands domaines vers les plus petits agriculteurs. Au Brésil, les <a href="https://cpdoc.fgv.br/producao/dossies/Jango/artigos/NaPresidenciaRepublica/A_questao_agraria_no_governo_Jango">premiers instruments légaux robustes</a> en ce sens ont vu le jour en 1964 sous le nom de « Statut de la terre ». Mais cette avancée est restée lettre morte pendant deux décennies.</p>
<h2>L’émergence du Mouvement des Sans Terre</h2>
<p>À l’issue de la dictature militaire (1964-1985), le monde paysan brésilien fonde dans la redémocratisation du pays ses espoirs de réforme.</p>
<p>C’est dans ces circonstances que le mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) voit le jour en 1984 et que le Premier plan national de réforme agraire (PNRA) est promulgué en 1985. Le résultat en est décevant, l’État <a href="https://books.openedition.org/iheal/2880">ne modifiant pas sensiblement</a> sa politique de soutien à l’agro-industrie. Malgré cela, la réforme agraire a persisté dans l’agenda politique brésilien grâce à l’action du MST et la décennie qui suivit vit environ <a href="https://scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-40141997000300004">250 000 paysans en bénéficier</a>.</p>
<p>Sa mise en place se heurte néanmoins à des forces contraires puissantes. Le 17 avril 1996, 19 paysans sans terre qui participaient à une grande marche vers Belém sont assassinés par la police militaire de l’état du Pará. L’événement, dit massacre de Eldorado do Carajás, devient non seulement un symbole des luttes paysannes dans le monde, mais la vague d’indignation qu’il soulève contribue fortement à légitimer la lutte du MST.</p>
<p>Si bien que le gouvernement brésilien, jusqu’alors plutôt rétif à la réforme, institue le Ministère extraordinaire de la politique foncière, qui devient en 1999 le Ministère du développement agraire. Celui-ci développe par la suite plusieurs actions innovatrices en faveur de l’agriculture familiale brésilienne, avant d’être supprimé par le gouvernement de Michel Temer (2016-2018).</p>
<h2>Le choix d’une orientation plus durable</h2>
<p>Au cours de ses premières années d’existence, le MST propose un modèle productiviste pour les zones reformées. Il fonde sa stratégie sur la création de coopératives de production agricoles où se déploie la division du travail inhérente à la logique industrielle. Il favorise également l’utilisation d’intrants, de pesticides, et mesure son succès par le volume produit destiné aux circuits longs de commercialisation.</p>
<p>En raison des échecs des expériences productivistes et dans une grande mesure de son adhésion au <a href="https://viacampesina.org/fr/">mouvement international de la Via Campesina</a>, le MST tend désormais à réorienter son modèle vers l’agroécologie et la souveraineté alimentaire. Dans ce contexte, l’échelle locale, les circuits courts de commercialisation, les rythmes saisonniers, la connaissance agroalimentaire traditionnelle et le bien-être des travailleurs sont aujourd’hui privilégiés.</p>
<p>La réflexion du MST autour de la durabilité a introduit de nouvelles stratégies. Une partie du mouvement s’est peu à peu rapproché du monde urbain. Une dynamique qui s’inscrit dans un contexte d’étalement de l’urbanisation, notamment dans l’état de São Paulo, où les villes s’étendent et grignotent les espaces agricoles.</p>
<h2>Le paysan mieux reconnu</h2>
<p>Vers le milieu des années 2000, on voit donc au Brésil deux tendances parallèles : au sein du MST, d’une part, s’expriment certaines insatisfactions. Elles déplorent que le productivisme fasse abstraction des impacts environnementaux qui n’affectent pas directement les rendements, mais aussi la conception d’un paysan uniquement considéré pour sa force de production, dans une perspective marxiste.</p>
<p>De plus en plus émergera une ambition de reconnaître les paysans comme des <a href="https://scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0103-20032013000400002">sujets pleins et entiers</a> et non comme de simples travailleurs automates. Cela implique de leur permettre de dégager, au-delà des moyens de subsistance, toutes les ressources nécessaires pour assurer la reproduction de leurs groupes sociaux, de leurs pratiques et valeurs.</p>
<p>D’autre part, on observe un monde urbain où des groupes citoyens sont de plus en plus demandeurs d’aliments sains, libres de produits chimiques et produits localement. Cette tendance est alimentée par l’ère Lula des années 2000, qui lance de nouveaux dispositifs d’appui à l’agriculture familiale.</p>
<p>Deux dispositifs peuvent être soulignés à cet égard : le Programme d’acquisition d’aliments (PAA) et la loi de 2009 du Programme national d’approvisionnement des cantines scolaires qui <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/14824">permettent à l’agriculture familiale</a> d’accéder aux marchés publics.</p>
<h2>L’exemple de l’assentamento Milton Santos</h2>
<p>Au croisement de ces deux tendances, une partie du MST propose la mise en place de Communes de la terre (Comunas da terra), qui misent justement sur l’agroécologie et l’établissement de familles agricoles sans terre près des centres urbains afin d’y écouler la production à travers des circuits courts alimentaires.</p>
<p>Un bon exemple est celui de l’assentamento Milton Santos, situé à environ 120 km au nord-ouest de São Paulo, dans les municipalités d’Americana et Cosmópolis. En 2005, grâce à l’intervention de l’Institut National de la Colonisation et de la Réforme agraire (INCRA), 140 familles viennent y occuper une terre publique jusque-là exploitée illégalement par une compagnie productrice de canne à sucre.</p>
<p>Les huit années suivantes sont le cadre de luttes parfois violentes qui conduisent finalement en 2013, avec l’aide de nombreux acteurs comme l’Université de São Paulo, l’Embrapa environnement, une institution de recherche agricole publique, et des syndicats urbains locaux, à l’assurance juridique pour les assentados de pouvoir légitimement résider sur ces terres et les cultiver.</p>
<p>Aujourd’hui, les 68 familles qui y demeurent toujours pratiquent l’agroécologie et axent leur gouvernance sur l’horizontalité et la recherche du consensus. Ils ont créé en 2015 une coopérative afin d’écouler leur production auprès de groupes d’achat citoyens des villes voisines.</p>
<p>La proximité à la ville recèle des opportunités mais également des défis. La ville d’Americana continue de s’étendre. La rareté des terres constructibles vient changer la façon dont les élus et les planificateurs perçoivent l’espace agricole de Milton Santos. On ignore si le nouveau plan directeur de la ville permettra à l’assentamento de déployer son modèle dans la durée.</p>
<h2>Sous Bolsonaro, la réforme agraire paralysée</h2>
<p>L’agribusiness brésilien représente un secteur économique vital pour ce pays <a href="https://fao.org/3/CA1796EN/ca1796en.pdf">troisième exportateur de denrées au monde</a>. Jouissant des faveurs du pouvoir, il est au centre de la stratégie de Bolsonaro, qui vise à orienter encore davantage la production vers les exportations. Au cours de sa campagne, il avait déjà <a href="https://noticias.uol.com.br/politica/eleicoes/2018/noticias/agencia-estado/2018/07/14/no-para-bolsonaro-defende-pm-por-massacre-em-carajas.htm">publiquement défendu</a> l’action des militaires ayant tiré sur la foule de Carájas.</p>
<p>Au pouvoir, il a nommé secrétaire des enjeux fonciers Luiz Antonio Nabhan Garcia, davantage un <a href="https://theintercept.com/2019/02/19/milicias-nabhan-garcia/">commandant de milice qu’un politicien</a>, qui milite depuis longtemps contre la réforme agraire. Celui-ci a paralysé les projets liés à la poursuite de la réforme agraire et à l’appui aux familles de petits agriculteurs.</p>
<p>Il a fallu 20 ans pour que la réforme agraire devienne un instrument dont se saisissent les mouvements sociaux brésiliens, même si elle est à nouveau bloquée par le gouvernement d’extrême droite. En Europe, la PAC en aura quant à elle bientôt 60. Il n’y a pas eu de massacre de Carájas de ce côté de l’Atlantique pour éperonner les réformes agraires. Il n’y a pas des centaines de milliers de paysans à la recherche de terres à cultiver.</p>
<p>Pour autant, ici aussi les paysans se mobilisent, épuisés autant par les <a href="https://theconversation.com/des-millions-deuros-daides-agricoles-detournes-decryptage-dun-scandale-europeen-129490">scandales de fonds détournés</a> que par les iniquités ressenties vis-à-vis de la distribution des subventions et la déliquescence des espaces ruraux. Reste à savoir quelle importance la nouvelle PAC accordera à ces mouvements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Mathieu Le Bel a reçu un financement du programme de recherche pour et sur le développement régional (PSDR4) dans le cadre du programme USUS sur le foncier agricole ainsi que de la direction des relation internationales de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture - Irstea.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paulo Eduardo Moruzzi Marques a reçu, dans le cadre de ses activités au sein de l´USP, une bourse de productivité en recherche du Conselho Nacional de Desenvolvimento Científico e Tecnológico (CNPq) et un appui de la Coordenação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (CAPES) pour réaliser en 2020 un séjour scientifique en France. </span></em></p>Alors que se dessinent les contours de la nouvelle PAC, retour sur la réforme agraire brésilienne, aujourd’hui paralysée par le gouvernement de Bolsonaro.Pierre-Mathieu Le Bel, Géographe, chercheur accueil haut niveau en développement territorial, InraePaulo Eduardo Moruzzi Marques, Enseignant-chercheur dans le domaine de la sociologie sur les questions agroalimentaires, Universidade de São Paulo (USP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1316232020-02-17T18:14:02Z2020-02-17T18:14:02ZCisjordanie : les palmiers de la discorde<p>Le <a href="https://www.whitehouse.gov/peacetoprosperity/">plan de paix</a> dévoilé par le président Trump le 28 janvier 2020 propose l’annexion de la plus grande partie de la vallée du Jourdain par Israël. Les réactions se sont surtout focalisées sur la négation du droit international qui se trouve au cœur de ce document (rappelons que l’occupation militaire israélienne de la Cisjordanie a été <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Moyen-Orient/Depuis-1947-Israel-fait-resolutions-lONU-2016-12-26-1200812984">condamnée par plusieurs résolutions des Nations unies</a>). Mais il importe également de considérer le contexte économique : si le plan de Trump est aujourd’hui envisageable, c’est en bonne partie dû à la transformation agricole que la vallée du Jourdain a connue au cours de ces dernières années.</p>
<p>Israël occupa la Cisjordanie lors de la <a href="https://www.herodote.net/5_10_juin_1967-evenement-19670605.php">guerre de 1967</a>. La Knesset adopta le 30 juillet 1980 une <a href="https://mfa.gov.il/MFA/ForeignPolicy/MFADocuments/Yearbook4/Pages/113%20Basic%20Law-%20Jerusalem-%20Knesset%20Resolution-%2030%20J.aspx">loi fondamentale</a> annexant Jérusalem sans pour autant attribuer la nationalité israélienne à ses résidents. La carte publiée par le plan de paix de Donald Trump propose l’annexion par Israël de la partie de la Cisjordanie la moins peuplée par les Palestiniens. Cette disposition permet d’annexer la terre sans incorporer une population non juive dans l’État d’Israël.</p>
<p>L’avènement de la culture de palmiers dattiers de la variété <a href="https://www.thespruceeats.com/medjool-dates-4159705">medjoul</a> joue un rôle clé dans ce processus, car cette transformation agricole vide la vallée du Jourdain de ses habitants palestiniens depuis plusieurs années. Un rappel historique s’impose pour en expliquer les raisons.</p>
<h2>L’expansion des palmiers medjoul</h2>
<p>Les grandes familles de Jérusalem, Bethléem et Naplouse avaient acheté des terres dans la vallée du Jourdain à partir de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Peu peuplée avant la <a href="http://www.slate.fr/story/89709/israel-palestine-1948">guerre de 1948</a>, la vallée connut un soudain accroissement démographique avec l’arrivée de réfugiés palestiniens suite à la guerre d’indépendance israélienne. Ils fournirent une main-d’œuvre abondante aux propriétaires dont les terres étaient irriguées par les sources Ein Sultan, Al Auja et Fassayil.</p>
<p>Après 1949, la vallée connut donc une situation où de nombreux propriétaires absents employaient une main-d’œuvre agricole qui vivait sur leurs terres. Le métayage devint rapidement la forme principale de tenure foncière. Autrement dit, le plus souvent, les agriculteurs ne possédaient pas la terre qu’ils cultivaient et sur laquelle ils vivaient. Ils partageaient les revenus des récoltes moitié-moitié avec le propriétaire de la terre, un système appelé « nos-nos » par les Palestiniens.</p>
<p>L’occupation de 1967 déclencha le départ de nombreux réfugiés vers la Jordanie, mais le métayage persista comme principale forme de tenure foncière dans la vallée du Jourdain, un phénomène distinct du reste de la Cisjordanie. Les colons israéliens qui s’installèrent dans la vallée introduisirent le palmier dattier medjoul. Cette variété de datte ne pousse que dans un climat extrêmement sec et chaud. La vallée du Jourdain lui convient à merveille. La demande globale pour cette datte charnue est si forte que son prix demeure inélastique face à l’accroissement de la production. Les agriculteurs palestiniens emboîtèrent le pas aux colons à partir de la fin des années 1990. Depuis, l’essor des palmiers dattiers continue. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2514848619876546">Nos recherches</a> ont démontré qu’en 1999, 524 hectares étaient recouverts de dattiers cultivés par les colonies et 25 hectares par des Palestiniens. En 2016, ces superficies étaient passées respectivement à 2 560 hectares et 1 584 hectares.</p>
<h2>La question de l’eau</h2>
<p>Agronomes et économistes approuvent généralement cette transformation agricole. Du côté palestinien, la moitié de la superficie cultivée en dattiers en 2016 avait préalablement constitué une étendue désertique tandis que l’autre moitié avait été cultivée surtout pour le marché local. Ces cultures, du maraîchage, des céréales et des bananes, généraient peu de devises étrangères. Les dattes medjoul, en revanche, s’exportent avec une très forte valeur ajoutée. Leur apport au PIB est incomparable avec celui des cultures précédentes. Par ailleurs, un dattier requiert peu d’eau pour son évapotranspiration, environ un tiers de ce que requiert un bananier. Les dattiers tolèrent une eau d’irrigation relativement salée. Dans un environnement aride, ils semblent a priori l’assolement idéal.</p>
<p>L’État israélien développa des infrastructures pour acheminer l’eau usée depuis la région de Jérusalem, Ma’ale Adumim et Bethléem vers une série de réservoirs et stations d’épuration disséminés le long de la vallée du Jourdain. Les colonies irriguent entièrement leurs dattiers avec cette eau usée. En revanche, les agriculteurs palestiniens, à l’exception de quelques hectares à Jéricho, irriguent leurs dattiers en puisant l’eau souterraine. L’évolution démographique de la région signifie que l’approvisionnement en eau usée augmentera à l’avenir. Par contre, l’eau souterraine est de plus en plus salée. L’incertitude concernant l’avenir de leur approvisionnement en eau constitue le plus grand risque auquel les investisseurs palestiniens font face.</p>
<h2>Les intérêts des entreprises agricoles palestiniennes</h2>
<p>Côté palestinien, l’expansion des palmiers dattiers est surtout menée par des agribusiness dont les cadres habitent Rawabi, Ramallah ou Jérusalem, loin de la vallée du Jourdain. Cette élite a souvent fait ses études dans les meilleures universités américaines et parle le langage de l’élite globalisée. Ces cadres <a href="https://journals.uair.arizona.edu/index.php/JPE/article/view/22759">réclament aux bailleurs de fonds européens</a> des projets de réutilisation des eaux usées dans la vallée du Jourdain similaires à ceux développés par Israël pour les colons.</p>
<p>Simultanément, ils comprennent que la solution la moins coûteuse et la plus fiable d’un point de vue technique serait de se connecter au réseau d’eaux usées israélien. Doit-on s’étonner si les <a href="https://www.haaretz.com/middle-east-news/.premium-in-bahrain-air-of-israeli-arab-normalization-and-a-message-to-iran-1.7410754">hommes d’affaires palestiniens étaient invités</a> par les États-Unis à la conférence tenue à Bahraïn du 25 au 27 juin 2019 ? Les États-Unis n’ont pas discuté de leur plan avec l’Autorité palestinienne mais ils ont cherché à s’allier les élites économiques palestiniennes. Leur <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2019/06/MEP-narrative-document_FINAL.pdf">projet économique</a> spécifie qu’il vise à « augmenter la capacité des agriculteurs palestiniens à déplacer leurs efforts vers des assolements de plus grande valeur et leur donner l’opportunité d’utiliser des techniques agricoles modernes ». Les <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2019/06/MEP_programsandprojects.pdf">projets prévus par ce plan</a>, comme les entrepôts frigorifiques, les réseaux d’eaux usées et les « connections critiques » sont clairement orientés pour soutenir les agribusiness palestiniennes de palmiers dattiers.</p>
<h2>Les effets négatifs de la transformation agricole</h2>
<p>Nos recherches ont démontré plusieurs effets délétères de l’avènement des palmiers dattiers. Alors qu’ils sont perçus comme un moyen de diminuer la consommation d’eau en agriculture, ils ont eu l’effet opposé. D’une part ils requièrent plus d’eau que le minimum requis pour leur évapotranspiration. Ils doivent être aspergés contre la moisissure en février par exemple. D’autre part, les palmiers plantés sur une terre auparavant non irriguée ont généré une demande en eau nouvelle. Enfin, irriguer en goutte à goutte dans une zone où il pleut très peu entraîne la salinisation du sol qui n’est jamais lessivé. À terme, ceci aboutit à rendre la terre stérile. Ceci ne gêne pas les agribusiness qui n’achètent pas leurs terres mais préfèrent les louer pour une durée de 40 ans.</p>
<p>Beaucoup plus crucial, cependant, est l’impact des dattiers sur les métayers. Les agribusiness qui introduisent les dattiers congédient les métayers. Elles embauchent des travailleurs saisonniers deux mois par année lors de la récolte. Les agribusiness clôturent leurs parcelles, empêchant ainsi l’accès à des adventices comme la <a href="https://books.google.fr/books?id=3Yt0DwAAQBAJ&pg=PT75&lpg=PT75&dq=khubbezeh+mauve">khubbezeh, une variété de mauve</a> extrêmement nourrissante qui garantit la sécurité alimentaire des pauvres. Personne ne peut plus habiter sur les terres clôturées. Auparavant, les métayers vivaient sur les terres qu’ils cultivaient. Ils étaient autosuffisants pour leur alimentation. Le passage à des travailleurs saisonniers fait donc perdre aux métayers leur sécurité alimentaire, leur sécurité d’emploi et leur sécurité d’habitation. Nos recherches ont démontré qu’entre 1999 et 2016, un minimum de 7 567 membres de familles de métayers avaient ainsi été déplacés par les palmiers dattiers, une population importante eu égard aux 51 410 habitants des deux gouvernorats où les dattiers sont cultivés. L’expansion accélérée des dattiers depuis 2016 a accru ce phénomène.</p>
<p>Chassés de leurs habitations, sans activité économique pendant dix mois de l’année, les métayers et leurs familles sont déplacés de la vallée par un processus économique de transformation agricole mené par des agribusiness palestiniennes en <a href="https://doi.org/10.1080/07900627.2019.1617679">partie soutenues par les bailleurs européens</a>. Vidée de ses habitants palestiniens, la vallée du Jourdain devient un espace propice à l’annexion par Israël qui peut ainsi intégrer la terre sans intégrer une population non juive.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Trottier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) au travers du projet De terres et d'eaux et de l'Agence Française de Développement (AFD) au travers du projet Les paracommuns de l'eau palestinienne.
</span></em></p>La vallée du Jourdain, que Donald Trump veut intégrer à Israël, connaît dernièrement, du fait de l’introduction de palmiers dattiers, une transformation qui la vide de ses habitants palestiniens.Julie Trottier, Directrice de Recherche au CNRS, spécialiste des territoires palestiniens, ART-Dev, UMR 5281, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1292482020-01-07T19:32:59Z2020-01-07T19:32:59ZÀ Madagascar, l’accaparement des terres peut prendre des formes diverses<p>En Afrique subsaharienne et à Madagascar, le phénomène d’accaparement des terres est apparu tardivement, car le droit foncier coutumier – qui reposait sur une appropriation collective de la terre – ne permettait pas les transactions privées, avant que la Banque mondiale n’impose, à partir des années 1990, des réformes foncières introduisant la propriété privée individuelle dans un monde paysan qui ignorait largement ce nouveau concept.</p>
<p>C’est sans doute à Madagascar que ce basculement a été le plus spectaculaire, puisque le groupe sud-coréen Daewoo avait entrepris en 2008 de s’y faire attribuer 1 300 000 hectares de terres cultivables. La colère paysanne avait alors abouti au renversement en mars 2009 du président de la République de l’époque, Marc Ravalomanana, et au <a href="https://agritrop.cirad.fr/556661/">retrait de Daewoo</a>.</p>
<p>Au cours des dix années qui se sont écoulées depuis, les transactions portant sur les terres agricoles malgaches n’ont jamais atteint de telles superficies, mais elles ont continué à prospérer. Pour autant, le terme anglo-saxon <em>land grabbing</em> ne semble pas s’appliquer dans la mesure où sa définition – « prise de contrôle de terres agricoles d’un pays par des investisseurs étrangers » – ne correspond pas exactement aux réalités sur lesquelles nous avons travaillé lors d’un récent séjour sur le terrain. Trois cas de figure très différents ont ainsi été étudiés.</p>
<h2>Octroi de terres riches en minéraux à une entreprise privée étrangère</h2>
<p>On sait depuis longtemps que Madagascar est riche en sables minéralisés. Le groupe canadien Rio Tinto, qui s’intéresse particulièrement à l’ilménite, avait ciblé depuis 1998 la région de Taolagnaro (Fort-Dauphin) pour y lancer une exploitation de grande ampleur. Des <a href="http://www.ejolt.org/2013/03/rio-tinto-in-madagascar-15-activists-arrested/">manifestations</a> parfois violentes avaient retardé le chantier mais tout était rentré « dans l’ordre » avec notamment la construction d’un port dédié à Ehoala.</p>
<p>Une opération similaire a donc été entreprise en 2018 dans l’arrière-pays de Toliara (Tuléar), au sud-ouest de la Grande Île, par le groupe australien Base Resources. Il souhaite exploiter l’ilménite, le zircon et le rutile, par le biais d’une société de droit malgache nommée <a href="http://toliarasands.com/fr/">Base Toliara</a> à qui a été concédée une zone de 7 000 hectares.</p>
<p>Une enquête très précise a identifié 1 020 paysans de l’ethnie masikoro détenteurs de parcelles concernés par l’emprise minière. Ceux-ci se sont <a href="https://fr.mongabay.com/2019/09/un-projet-dexploitation-miniere-a-madagascar-declenche-des-manifestations-et-divise-la-communaute/">mobilisés avec détermination</a> en avril 2019, allant jusqu’à incendier l’antenne de Base Toliara située dans le village de Ranobe, et neuf manifestants avaient été emprisonnés.</p>
<p>Lors de notre passage à Ranobe en octobre 2019, l’ambiance était encore très tendue, mais quelques symboles de l’exploitant minier étaient toujours visibles et apparemment tolérés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308266/original/file-20191228-11896-1et96s9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans le village de Ranobé, le projet « Base Toliara » sait communiquer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Bouquet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Les paysans rencontrés n’ont pas souhaité s’étendre sur la nature de leur mécontentement, évoquant simplement sans les détailler les revendications exposées par les collectifs de défense : atteintes aux cultures et à l’habitat, offenses aux tombeaux et risques sanitaires.</p>
<p>Nous sommes donc allés questionner à Tuléar un responsable de l’entreprise Base Toliara afin de connaître le point de vue de l’opérateur économique. Celui-ci nous a clairement expliqué qu’un plan d’action en cours visait à identifier les « propriétaires », à estimer le montant de l’indemnisation, et à rédiger un accord. Le responsable a insisté sur le fait qu’aucun habitat n’était touché, et qu’il n’y aurait donc aucune délocalisation, affirmant que les seules terres concernées étaient du « bush », utilisé comme pâture pour les animaux. Ses dires semblaient conformes à nos propres observations sur le terrain, car nous n’avons repéré ni villages ni cultures sur la zone minière proprement dite.</p>
<p>Il apparaît que les négociations avec les paysans masikoro sont finalement relativement avancées. Il demeure néanmoins une inquiétude : comment parviendra-t-on à restaurer les sols à l’identique dans vingt ou trente ans lorsque les opérations d’extraction seront terminées ?</p>
<p>Pour le reste, la contestation sera difficile à soutenir, sauf à imaginer qu’on souhaite figer le mode de vie et de production des populations masikoro dans une sorte de conservationnisme sanctuarisé au motif qu’il ne faut pas bousculer les équilibres ancestraux. Il sera intéressant de suivre dans les prochains mois l’évolution de ce dossier parce que l’État malgache, au motif qu’il doit réformer le code minier, a <a href="https://www.business-humanrights.org/en/node/198602">suspendu les activités de Base Toliara</a> le 6 novembre 2019.</p>
<h2>Mainmise d'un ancien ministre sur des terres fertiles</h2>
<p>À l’ouest d’Antananarivo, un ancien dignitaire du régime conteste à 300 paysans l’occupation de près de 600 hectares de terres très fertiles</p>
<p>À la périphérie nord de Soavinandriana, la petite plaine en forme de cuvette d’Ampalaha est le théâtre d’un conflit foncier d’une autre nature. Il s’agit d’un héritage mal conduit de la période coloniale.</p>
<p>En effet, avant l’indépendance de Madagascar (1960), une grande partie des riches terres volcaniques de cette région de l’Itasy étaient exploitées par des sociétés privées, et autour de Soavinandriana, c’est la culture de l’aleurite qui avait été développée pour l’exploitation de l’huile de bancoulier, très prisée à l’époque, notamment pour les moteurs.</p>
<p>À l’indépendance, ces grandes propriétés ont été remises en question, et abandonné par les colons, notamment lorsque Didier Ratsiraka (« l’Amiral rouge ») a pris le pouvoir en 1975. À ce moment-là les paysans, souvent d’anciens travailleurs agricoles des grandes sociétés huilières, ont occupé les terres mais n’ont pas conservé les bancouliers.</p>
<p>Ces terres ont alors été considérées comme « nationalisées » par le régime de Ratsiraka, puis « récupérées légalement » par certains dignitaires du régime, dont un ancien ministre, qui a fait borner l’emprise en 1988. Celui-ci n’ayant développé aucune activité agricole sur place jusqu’en 2005, les paysans – environ 300 familles – ont considéré qu’ils étaient chez eux et que ces champs étaient les leurs. Chaque année, ils exploitent du maïs selon des méthodes certes extensives, mais ils n’ont pas d’autre moyen de survie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308267/original/file-20191228-11951-1n3qzy9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans la plaine d’Ampalaha, les paysans continuent à occuper les terres contestées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Bouquet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Depuis 2005, les procès se succèdent, généralement à l’avantage du notable qui menace de niveler la plaine au bulldozer pour y planter un immense verger de litchis, mais qui pour l’heure n’est pas passé à l’acte. Plusieurs collectifs de défense encadrent les mobilisations populaires de soutien, mais force est de constater que les familles paysannes concernées ne pèsent pas lourd face à un dignitaire fort bien replacé dans le nouveau régime.</p>
<p>Depuis plusieurs années, je me rends régulièrement dans cette zone et j’ai pris l’attache de tous les acteurs (maire, député, préfet, leaders paysans, avocats, collectifs de défense, ainsi que l’ancien ministre et son fils, haut placé dans le système actuel) pour essayer de démêler le tricotage juridique qui a conduit à la présente situation. Celle-ci n’est guère favorable aux petits exploitants. Si la justice les confortait dans leur occupation des terres, leur modèle de production resterait trop extensif pour avoir un avenir. En effet, cette plaine d’Ampalaha présente une topographie parfaite pour devenir un latifundium : c’est une cuvette à peine incurvée sur laquelle des machines modernes auraient tôt fait de tout labourer d’un coup, de semer et de récolter avec une main-d’œuvre de seulement quelques hommes, et avec des rendements sensiblement plus élevés. Mais quid des 300 familles ?</p>
<p>Et si un arrangement amiable conduisait à une indemnisation, ces familles devraient également partir. Nous sommes donc en présence d’un exemple d’accaparement de terres qui semble simple à dénoncer en première lecture, puis qui se révèle sensiblement plus complexe au fur et à mesure qu’on approfondit les différents éléments du dossier. Par ailleurs, le conflit étant malgacho-malgache, il ne s’agit plus de <em>land grabbing</em>.</p>
<h2>Quand l’État cherche à réquisitionner des terres pour un grand projet urbain</h2>
<p>À proximité d’Antananarivo, l’État souhaite préempter 1 000 hectares de rizières pour y construire une ville nouvelle destinée à désengorger Antananarivo</p>
<p>Parmi les grands chantiers entrepris par le nouveau président Andry Rajoelina figure en bonne place un projet de délocalisation partielle de la capitale Antananarivo au profit d’une ville nouvelle, nommée Tana Masoandro (« Rayon de soleil »), qui serait implantée à environ quinze kilomètres au nord-ouest et en aval de l’actuelle métropole sur la rive gauche de la rivière Ikopa.</p>
<p>À l’évidence, le besoin de trouver une solution aux problèmes de circulation que connaît Tana depuis une vingtaine d’années était devenu impératif. L’idée de déconcentrer la capitale et l’ensemble de l’agglomération (qui compte 8 millions d’habitants en 2020) était déjà dans l’air dans les années 1990, car la ville souffre d’une topographie et d’un habitat qui laissent peu de place pour le percement de grandes artères.</p>
<p>L’État malgache envisage donc de réquisitionner 1 000 hectares de terres entre les communes d’Ambohidrapeto et d’Ambohitrimanjaka. Dans un premier temps, 300 hectares seront remblayés et aménagés pour recevoir plusieurs dizaines de milliers de logements, ainsi que des bâtiments administratifs où seront relocalisés la plupart des ministères. Des centres d’affaires et des hôtels seront également ouverts pour que cette ville nouvelle devienne rapidement le poumon économique de la capitale.</p>
<p>Naturellement, les détenteurs des rizières qui occupent actuellement la zone impactée se sont mobilisés et entendent faire valoir leurs droits, invoquant leur présence sur place de longue date, leur activité agricole menacée, et les tombeaux de leurs ancêtres, ce qui est tout à fait légitime. Des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/madagascar/madagascar-la-fronde-des-opposants-a-tana-masoandro-ville-nouvelle-voulue-par-le-president-rajoelina_3675071.html">manifestations</a> ont eu lieu, dont l’une fut violente et fit plusieurs blessés en octobre 2019.</p>
<p>Sur le terrain, l’observation du géographe conduit à un point de vue plus nuancé. En effet, s’il est vrai qu’un certain nombre de rizières sont actives et exploitées par ces cultivateurs dont on connaît le savoir-faire, beaucoup sont déjà asséchées et connaissent le sort de toutes les rizières proches des grandes villes : elles sont devenues des gisements d’argile pour la fabrication de briques cuites. Les briqueteries, avec leur odeur âcre, font désormais partie des paysages péri-urbains malgaches, et leur caractère informel ne simplifie par les projets d’aménagement du territoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308268/original/file-20191228-11891-14kwbo7.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Madagascar, les rizières péri-urbaines sont souvent transformées en briqueteries. Ici en périphérie d’Antananarivo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Bouquet</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Tana Masoandro illustre donc une autre forme d’accaparement des terres, déjà observée à <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-18646243">Kilamba</a> (Angola) ou à <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/22/a-ouaga-2000-c-est-marbre-colonnes-et-balustrades-a-gogo_5492260_3212.html">Ouaga 2000</a> (Burkina Faso). Les opérations de « déguerpissement » butent alors sur un droit foncier coutumier (urbain et rural) qui ne relève pas tout à fait du droit dit « moderne », dans lequel la question de la propriété privée individuelle de la terre ne se poserait pas, et où l’État disposerait d’un droit de préemption clair assorti d’indemnisations généralement convaincantes. À Tana Masoandro, nous sommes en présence d’une forme d’accaparement des terres déclenchée par l’État pour des raisons qui semblent rejoindre l’intérêt général, voire l’intérêt supérieur du pays. Mais plusieurs centaines de petits paysans, peu sécurisés au plan juridique, risquent d’en faire les frais.</p>
<h2>Peut-on accaparer des terres pour de bonnes raisons ?</h2>
<p>À Madagascar, plusieurs milliers d’hectares de terres sont donc respectivement convoités par une entreprise étrangère à côté de Tuléar, par un dignitaire du régime dans l’Itasy, et par l’État malgache à la périphérie de la capitale Antananarivo. Les trois cas de figure sont différents. À Tuléar, une société australienne veut extraire l’ilménite et – d’une certaine manière – transformer les cultivateurs locaux en salariés d’une exploitation minière. En Itasy, des paysans pratiquant une agriculture extensive et peu productive sont menacés par un projet relevant de l’agro-business, conduit par un Malgache aisé. À Antananarivo, c’est l’État qui souhaite aménager son territoire urbain dans le sens de l’intérêt public.</p>
<p>Dans les trois lieux, des manifestations de protestation ont été organisées, parfois violentes et suivies d’emprisonnements. Toutefois, ainsi qu’on a tenté de le montrer, les trois situations sont inégalement défendables. Et l’injustice la plus criante – celle qui concerne les paysans d’Ampalaha – sera sans doute la plus facilement étouffée. Rien n’a changé depuis Jean de la Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir… »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En divers lieux de Madagascar, des terres occupées par de petits paysans font l’objet de convoitise. L’étude de trois cas de figure différents met en évidence la complexité des processus à l’œuvre.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1248282019-11-21T20:51:11Z2019-11-21T20:51:11ZLa recherche participative au Sénégal, une bonne recette pour booster l’agriculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300232/original/file-20191105-88368-7m3vlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C768&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Site pilote de production locale de biofertlisants à base de champignons mycorhiziens par les producteurs à Darou Mousty (Sénégal)</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’activité agricole de la région ouest-africaine est caractérisée par une production fluctuante. Elle est souvent limitée par l’effet combiné de différents facteurs. Il s’agit, en l’occurrence, de l’insuffisance et de l’irrégularité des pluies, de la pauvreté ou salinisation des sols, des faibles niveaux d’intrants, du parasitisme, etc. D’où des défis pressants à relever en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de lutte contre la pauvreté rurale et de recherche d’une agriculture durable.</p>
<p>Pour faire face à de tels défis, la recherche recommande différentes pratiques culturales visant à accroître la productivité et à améliorer la production agricole et forestière. Parmi celles-ci figure en bonne place l’utilisation de <a href="https://www.aquaportail.com/definition-4138-organisme-symbiotique.html">micro-organismes symbiotiques</a> – en tant que <a href="http://www.biofertilisants.fr/comprendre-les-biofertilisants/biofertilisant-quest-ce-cest-ca-sert/">biofertilisants</a>. Ils vivent en association avec les plantes avec lesquelles ils développent une interaction mutuellement profitable.</p>
<h2>L’inoculation, une technique qui permet d’augmenter naturellement la productivité</h2>
<p>L’<a href="https://pfongue.org/IMG/pdf/fiche_inoculum-vf.pdf">inoculation</a> est une technique simple mais sous-exploitée au Sénégal. Elle consiste à apporter, en général au moment du semis, des champignons et/ou bactéries sélectionnés pour favoriser le développement des plantes associées. Ce procédé stabilise et améliore les rendements agricoles. En effet, il approvisionne les plantes en éléments nutritifs (azote, phosphore, minéraux) qui sont très souvent insuffisants dans les sols des régions arides et semi-arides.</p>
<p>L’inoculation est bien adaptée à l’agriculture familiale, notamment vivrière. Cela en raison de son faible coût et de sa relative facilité d’emploi. Les recherches menées au sein du <a href="http://www.lcm.ird.sn/">Laboratoire Commun en Microbiologie</a>, qui regroupe des chercheurs de l’<a href="https://senegal.ird.fr/l-ird-au-senegal/presentation">Institut de Recherche pour le Développement</a>, de l’<a href="https://www.isra.sn/">Institut sénégalais de recherches agricoles</a> et de l’<a href="https://www.ucad.sn/">Université Cheikh Anta Diop de Dakar</a>, ont été conduites en Afrique de l’Ouest, notamment, au Sénégal.</p>
<p>L’objectif est d’améliorer la connaissance des micro-organismes symbiotiques et d’exploiter pleinement leur potentiel dans les systèmes de culture.</p>
<p>En dépit des atouts de cette technologie, son usage ne s’est pas encore développé. Cela est dû notamment à la faible implication des producteurs dans les programmes de recherche appliquée. Il s’y ajoute l’indisponibilité de l’inoculum au niveau local et à un défaut de diffusion auprès des agriculteurs.</p>
<h2>Le partenariat avec les producteurs agricoles</h2>
<p>Sous l’impulsion du Laboratoire Commun de Microbiologie et du <a href="http://www.cncr.org/">Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux du Sénégal</a>, une démarche de partenariat innovante et inclusive a été initiée entre les chercheurs et les organisations de producteurs. Cette approche s’est appuyée sur des ateliers de mise à niveau mutuelle et sur un travail collaboratif dans les champs des producteurs. L’appui et le conseil des techniciens agricoles de l’<a href="http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/services/2/386">Agence nationale du conseil agricole et rural</a> et de diverses ONG ont également contribué à intégrer les résultats de la recherche dans les pratiques culturales.</p>
<p>De plus, les chercheurs et les producteurs ont mis en place un réseau de parcelles expérimentales rassemblant agriculteurs, chercheurs et conseillers agricoles. Tous ces acteurs sont en train de construire un dispositif à distance d’échanges, de renforcement des capacités et de capitalisation par le développement d’une base de données. Les premières expérimentations ont été menées cet été par les producteurs du réseau sur 14 communes afin de tester le dispositif. Un atelier de restitution regroupant les différents acteurs a permis d’identifier collectivement les actions à mener afin de renforcer et d’améliorer le fonctionnement du réseau.</p>
<p>Avec ce dispositif, les micro-organismes les mieux adaptés aux spéculations sols et zones agro-écologiques seront sélectionnés. Il sera aussi mis à profit pour tester et promouvoir d’autres innovations ou pratiques, comme la lutte biologique.</p>
<p>Cette approche constructive basée sur la collaboration des acteurs concernés est inscrite dans la durée. Celle-ci permet aujourd’hui de confirmer l’effet positif de l’inoculation sur certaines spéculations et accroît la demande d’inoculum. La réflexion collective a débouché sur une solution innovante de production délocalisée d’<a href="https://www.supagro.fr/ress-pepites/sol/co/1_4_3mycorhizes.html">inoculum mycorhizien</a> par les agriculteurs sur une unité pilote à <a href="https://www.google.com/maps/d/embed?mid=1jNqlYUTEgNZ8lU7QrF7hXd5vvJY&ie=UTF8&hl=fr&msa=0&t=h&om=1&ll=15.046967600342276%2C-16.046604000000002&spn=0.031994%2C0.020555&output=embed&s=AARTsJo4fSpBrcxvwSeW6uFTDfrJbNPS1g&z=14">Darou Mousty</a> – une localité située dans une zone de production agricole.</p>
<p>Dans ce modèle, les champignons mycorhiziens « starters » sont produits et contrôlés au Laboratoire Commun de Microbiologie de Dakar. Ils seront ensuite fournis au producteur d’inoculum qui se charge de les multiplier localement sur des racines de maïs en utilisant un procédé valorisant la coque d’arachide, un résidu agricole sur lequel les plants de maïs symbiotiques sont cultivés. La production de bio-fertilisant est enfin contrôlée avant utilisation par les agriculteurs de la zone.</p>
<p>Ce projet a démontré qu’il était possible de produire ce type de bio-fertilisant localement. La mise en place de nouvelles unités de production est prévue dès cette année.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300235/original/file-20191105-88372-klbae8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Équipe intersectorielle impliquée dans le développement du semoir « yookoutef » permettant semis et épandage du biofertilisant.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>La solution d’épandage : le semoir « yookoutef »</h2>
<p>Le deuxième frein majeur identifié collectivement est la méthode d’<a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/developpement-durable-epandage-6853/">épandage</a> du bio-fertilisant produit. L’implication d’acteurs de différents secteurs réunis a abouti au développement d’une machine adaptée dite « yookoutef ». Il s’agit d’un semoir classique intégrant une fonction de co-localisation d’inoculum et de semences (Brevet d’innovation OAPI). Elle est fabriquée par des artisans sénégalais de l’Association pour la Promotion des Artisans et Ouvriers (APRAO).</p>
<p>La machine est conçue pour réduire la pénibilité du travail agricole et promouvoir la technologie de l’inoculation. Elle a été testée pour la première fois sur de grandes surfaces cette année, d’où l’intérêt que cette innovation a suscité auprès de plusieurs organisations de producteurs.</p>
<p>Forts de ces réussites, les partenaires nourrissent une nouvelle ambition commune : la mise en place d’une filière de bio-fertilisants à base de micro-organismes symbiotiques certifiée « système participatif de garantie » (SPG). Ce sont des systèmes d’assurance qualité prenant en compte l’ensemble de la chaîne de valeur.</p>
<p>Celle-ci rassemble les producteurs agricoles, les producteurs et fournisseurs d’inoculum, les conseillers agricoles, les chercheurs, les partenaires du développement et les consommateurs. De tels systèmes permettent de placer les organisations paysannes au cœur du dispositif et favorisent une bonne appropriation locale des innovations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124828/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La région ouest-africaine connaît des défis pressants à relever en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, de lutte contre la pauvreté rurale et de recherche d’une agriculture durable.Antoine Le Quéré, Chercheur en écologie microbienne, Institut de recherche pour le développement (IRD)Tatiana Krasova Wade, Chercheur en biologie végétale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1185642019-06-27T21:20:40Z2019-06-27T21:20:40ZAfrique : les conditions de réussite de la zone de libre‑échange continentale<p>Le 30 mai 2019 <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-48476768">est entrée en vigueur la nouvelle zone de libre-échange continentale (ZLEC)</a>, l’une des plus vastes au monde si l’on raisonne en termes de nombre de pays impliqués (27 – soit plus de la moitié du continent), démographique (près de 1,2 milliard de personnes), ou d’étendue géographique.</p>
<p>Sa mise en place ne répond pas à un dogme, mais à une volonté concrète de fluidifier les échanges au cœur du continent afin d’en faire un socle pour le développement de l’Afrique. Car, sous sa forme actuelle, le commerce africain est un paradoxe. D’un côté, le continent détient l’une <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-afrique/20131221.RUE0961/l-afrique-grandeur-nature-la-carte-qui-bouscule-les-idees-recues.html">des superficies les plus étendues de la planète</a> derrière le continent asiatique (près de 30 millions de km<sup>2</sup>), et représente 16 % de la population mondiale (deux fois l’Amérique latine et trois fois l’Amérique du Nord). D’un autre côté, elle pèse moins de 5 % du commerce mondial, son commerce intérieur étant fortement balkanisé (6 % seulement du total des échanges entre pays).</p>
<p>Cette situation tient d’abord à des raisons historiques, notamment la manière dont le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264302525-6-fr.pdf?expires=1560900508&id=id&accname=guest&checksum=8E83AD6AD5F103A2176188F435420FE8">continent a été intégré dans la division internationale des échanges</a> après le XV<sup>e</sup> siècle. Depuis, les pays n’ont jamais réussi à changer leur positionnement sur les chaînes de valeur internationales (toutes les activités nécessaires à la production des biens et services, depuis leur conception, jusqu’à leur production finale). Le continent est resté un <a href="https://www.dw.com/fr/la-croissance-africaine-encore-trop-d%C3%A9pendante-de-la-chine/a-42260751">grand pourvoyeur de matières premières</a> pour les pays industrialisés – et aujourd’hui pour les pays émergents comme la Chine. Il <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/08/30/la-chute-des-matieres-premieres-un-avertissement-pour-l-afrique_5348118_3212.html">subit fréquemment les fluctuations des prix sur les marchés</a> internationaux, importe une grande partie des produits transformés et à plus forte valeur ajoutée.</p>
<p>Mécaniquement, cette asymétrie a mené les pays sur des trajectoires de balance de paiement déséquilibrés, les a enfermés dans un cercle vicieux de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/30/l-afrique-face-au-spectre-d-une-nouvelle-crise-de-dette_5278524_3234.html">crises périodiques de surendettement</a> et en a fait des pays extravertis c’est-à-dire que les économies sont sous dépendance des marchés de capitaux et du commerce extérieurs.</p>
<p>La ZLEC peut-elle constituer un point de départ pour inverser cette situation ?</p>
<h2>Ne pas dissocier le commerce des relations géopolitiques</h2>
<p>La première erreur à ne pas commettre serait de continuer à dissocier le commerce des relations géopolitiques. L’Afrique compte déjà un nombre élevé de communautés économiques régionales (14), sans que cela ait eu un effet sur le développement du commerce. Du fait d’un manque de coordination, voire de la mésentente politique entre États, et malgré la libéralisation commerciale <em>de jure</em>, les pays <a href="https://journals.openedition.org/interventionseconomiques/2815#tocto2n3">ont toujours négocié en ordre dispersé les accords commerciaux</a> avec le reste du monde.</p>
<p>Pire, entre eux-mêmes ils ont maintenu des barrières non tarifaires – ce qui a provoqué de grandes distorsions économiques et annihilé les effets positifs qu’aurait dû avoir le désarmement tarifaire. Pour donner son plein effet, la ZLEC doit être complétée, rapidement, par une harmonisation des règles d’acheminement, de conditionnement, des délais et procédures de dédouanement, la mise en place d’instance de contrôle et de règlements des litiges, etc. Tout ceci n’est pas une affaire de technocratie, mais avant tout de volonté politique. Chacun devrait penser « Afrique » et ne plus se focaliser sur les seuls intérêts nationaux.</p>
<p>À l’heure où les gouvernements d’autres continents, en Europe et en Asie par exemple, se battent pour faire valoir auprès des populations l’idée d’une identité continentale – au prix parfois d’âpres débats –, cultiver auprès des ménages, des entreprises et de tous les acteurs de terrain africains la vision d’un commerce destiné à pousser un panafricanisme vecteur de paix, de justice et de prospérité n’est pas inaccessible.</p>
<h2>Ne pas dissocier le commerce de la lutte contre la pauvreté</h2>
<p>Une seconde erreur à ne pas répéter est de dissocier le commerce de la lutte contre la pauvreté. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/understanding-poverty">L’Afrique compte le plus grand nombre de pauvres</a> sur la planète. <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/research/brief/poverty-and-shared-prosperity-2018-piecing-together-the-poverty-puzzle-frequently-asked-questions">Plus de 40 % des subsahariens vivent sous le seuil de pauvreté</a>. Les infrastructures de transport, d’énergie, d’accès à l’eau et au numérique, y font encore cruellement défaut. La pollution domestique y explique un quart des décès et <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/03/30/l-afrique-face-au-spectre-d-une-nouvelle-crise-de-dette_5278524_3234.html">raccourcit l’espérance de vie</a>. L’exposition aux particules fines est la deuxième plus élevée dans le monde à cause des émissions toxiques liées à l’utilisation domestique de la biomasse – matière organique d’origine végétale (microalgues incluses), animale, bactérienne ou fongique (champignons), utilisable comme source d’énergie.</p>
<p>Dans ce contexte, le commerce n’est pas une fin en soi, mais un moyen. L’une des faiblesses des politiques commerciales jusqu’à présent a été la lenteur de leur mise en œuvre concrète. La construction d’infrastructures routières ou de postes douaniers prend un temps considérable, les procédures sont longues à entrer en application, l’<a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-financiere-2014-4-page-165.htm?contenu=resume">accès aux financements</a> – notamment par le biais des marchés de capitaux privés – n’est pas toujours sécurisé. Cette lenteur est d’origine systémique : temps lié aux décaissements, aux travaux d’études, désaccords politiques, démotivation des acteurs sur le terrain, maintien de positions oligopolistiques, faiblesse des régulations, comportements non coopératifs entre acteurs politiques, absence de vision à long terme.</p>
<p>Tout ceci empêche la montée en gamme rapide des systèmes productifs et l’accumulation de nouveaux savoir-faire par la pratique. Des changements ne peuvent avoir lieu que s’il y a un « choc » dans la prise de conscience du caractère urgent de faire <a href="https://news.un.org/fr/story/2018/03/1009032">bondir le commerce infrarégional</a>. Car il s’agit de créer, au plus vite, de la richesse et des emplois pour absorber l’arrivée sur le marché du travail de générations de plus en plus jeunes.</p>
<h2>Prendre soin de ses terres</h2>
<p>L’Afrique peut s’inspirer de l’Asie. Par exemple, en quarante ans seulement de son implication dans le commerce international, la <a href="http://french.xinhuanet.com/2015-10/16/c_134721458.htm">Chine a sorti de la pauvreté près de 700 millions de ruraux</a> : le taux de pauvreté du pays y est passé de 97 % en 1978 à près de 3 % en 2018. L’Afrique n’y parviendra que si elle cible les segments prioritaires de son commerce intracontinental : les innovations au service de l’agriculture dans les zones rurales couplées à un investissement dans les infrastructures de base, la santé et l’éducation pour hausser les compétences humaines.</p>
<p>Par ailleurs, l’Afrique a des avantages dont elle ne tire aucun bénéfice. Richement dotée en ressources naturelles non carbonées, son rôle dans la transition vers une économie verte mondiale pourrait être une opportunité. Mais en raison des rapports de puissance géopolitiques qui lui sont défavorables, elle brade ses rares terres dans l’exportation à des pays tiers, alors qu’elle pourrait devenir un exportateur de produits finis utilisés ailleurs dans le monde dans la nouvelle économie numérique.</p>
<p>En outre, la surexploitation de certaines terres agricoles et ressources forestières met en danger la préservation de ses écosystèmes naturels. Au moment où les <a href="http://www.fao.org/worldfoodsituation/csdb/fr/">réserves mondiales en céréales ne cessent de diminuer</a> et que la sécurité alimentaire est un enjeu mondial, le continent <a href="https://www.lepoint.fr/economie/agriculture-l-afrique-peut-nourrir-toute-la-planete-14-04-2015-1921086_28.php">compte de nombreuses terres arables non exploitées</a> (d’une superficie comprise entre 200 et 250 millions d’hectares). L’Afrique pourrait ainsi devenir le grenier à grains du monde et faire de l’agriculture le fer de lance de ses exportations. Mais une partie de ces terres est achetée en masse par de nouvelles puissances émergentes.</p>
<h2>Le défi du commerce infra-africain</h2>
<p>La troisième condition de réussite de la ZLEC reposera sur la réponse à la question suivante : que peut faire le continent africain pour lui-même et par lui-même, en matière de commerce ? Le continent doit rapidement mettre fin à sa grande dépendance des importations, qu’il s’agisse de produits et services intermédiaires – intrants dans la production –, de produits manufacturés et de services en provenance de pays tiers.</p>
<p>Pour ce faire, les pays doivent encourager les créativités et les innovations locales en mettant en place <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/roi_f/roi_info_f.htm">des règles d’origine</a> pour promouvoir un minimum de contenu africain dans la valeur ajoutée des produits et des services. Cela nécessitera sans doute une renégociation des accords commerciaux que les pays ont déjà passé avec les Amériques, l’Europe et l’Asie. Les nouveaux interlocuteurs des pays tiers seront les représentants de la ZLEC, non plus ceux des pays ou des autres zones de libre-échange existantes.</p>
<p>Cela nécessitera un grand courage politique. Il occasionnera, peut-être des tensions géopolitiques, mais ce sera, sans doute, un prix à payer pour accroître le bien-être des générations présentes et futures. Sur le plan économique, la référence de l’Afrique ne peut plus être les modèles de référence hérités du XIX<sup>e</sup> siècle, ou les nouvelles théories du commerce international qui en ont hérité, mais plutôt la théorie de la croissance en <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/06/21/kaname-akamatsu-et-le-vol-d-oies-sauvages-par-pierre-jacquet_1376018_3234.html">vol d’oies sauvages de l’économiste japonais Akamatsu</a>.</p>
<p>Le commerce ne permet à une nation de s’enrichir que s’il génère une montée en gamme progressive dans les chaînes de valeur intracontinentale, que si les industries et activités naissantes ont le temps de s’aguerrir avant d’affronter la concurrence mondiale (ce qui est possible grâce à un protectionnisme provisoire). Historiquement, toutes les nations du monde ont agi de la sorte. Certains pays restent fortement protégés de la concurrence internationale, sur des secteurs qu’ils considèrent comme stratégiques. Ce sera aux Africains de définir les segments qu’ils jugent comme étant stratégiques au sein de la ZLEC.</p>
<h2>La ZLEC, un « bien commun »</h2>
<p>Le chemin pour la réussite de la ZLEC sera sans doute long, impliquant plusieurs générations et un changement d’approche du rôle de l’Afrique dans la division internationale des échanges. C’est une affaire de plusieurs générations. Le point important est que la génération actuelle des chefs d’État et de gouvernements ait ouvert une voie, tracé un chemin, donné un cap.</p>
<p>Pour le maintenir, ils devront convaincre les populations de ce que la ZLEC figure parmi les biens communs au sens où le définissait le philosophe John Rawls, c’est-à-dire un acquis que toutes les générations à venir devront défendre coûte que coûte au nom du bien-être de tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Dufrénot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sa mise en place ne répond pas à un dogme, mais à une volonté concrète de fluidifier les échanges au cœur du continent afin d’en faire un socle pour le développement de l’Afrique.Gilles Dufrénot, Economiste, Chercheur associé au CEPII et Professeur à Aix-Marseille Université, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/956632018-04-26T21:44:48Z2018-04-26T21:44:48ZL’agriculture urbaine, un modèle agricole pas comme les autres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216491/original/file-20180426-175058-14xtehd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C3533%2C1659&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ville et la campagne partageant un même espace. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jonathanvlarocca/243280738/in/photolist-nuSTu-eWzmsQ-dXXsGi-J2piRz-nwvHm-burzGH-euWHeP-3QWCKp-cxhvZA-TunQPC-JkHqkE-dBmJPD-bkWnUh-byRff6-eDkoHY-ZRPATL-9HXi7f-bxt7E8-eE3tPu-R8svVZ-cD55Rs-byRfdg-9csBbt-cD55gJ-d742K5-cxhxLb-21BjoV4-6zRvWS-YbHDts-cromD7-burzxr-cxhtQY-oT1EDt-bqetYg-pd9mve-5QVnou-SbjmjH-21yuEbZ-XYea28-drZzhZ-cxhv2j-aBYLiR-btMwK5-df56q8-Wgum5W-nf1xhJ-ai6FSz-8dXMqT-VM6Gn4-fsq7hK">Jonathan V. Larocca/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>L’agriculture connaît actuellement de <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-a-la-croisee-des-chemins-91100">profondes mutations</a>. Des formes variées se développent : <em>smart agriculture</em>, <a href="https://theconversation.com/aux-origines-de-la-permaculture-86590">permaculture</a>, agroécologie, etc. Il existe aujourd’hui une compétition idéologique entre ces formes d’agriculture, comme en témoignent nombre d’ouvrages qui proposent des voies d’amélioration de l’agriculture telle qu’elle se pratique actuellement, sans se questionner sur les fondements de ces modèles.</p>
<p>Le livre de Benoît Biteau, <a href="https://www.fayard.fr/paysan-resistant-9782213706092"><em>Paysan résistant</em></a>, prône ainsi le bien-fondé du modèle de l’agroforesterie biologique. L’ouvrage montre les bienfaits de ce type d’agriculture, tant pour des raisons économiques pour les agriculteurs, qu’écologiques pour la société. De son côté, l’ouvrage de Xavier Beulin (ancien président de la FNSEA) persiste dans un modèle conventionnel mais amélioré (ce qu’on pourrait appeler une <em>smart agriculture</em>) dans son ouvrage <a href="https://www.tallandier.com/livre-9791021019539.htm"><em>Notre agriculture est en danger, ce qu’il faut faire</em></a>. Ou encore le livre <a href="https://www.muscadier.fr/catalogue/agriculture-biologique-espoir-ou-chimere/"><em>Agriculture biologique, espoir ou chimère</em></a> présentant un débat entre deux contradicteurs, pro et antibio, qui campent chacun sur leurs positions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"967329599930687488"}"></div></p>
<h2>Des pratiques en « simple boucle »</h2>
<p>Malgré leur intérêt pour l’amélioration des pratiques agricoles, ces formes d’agriculture ne proposent en réalité qu’un apprentissage <a href="https://hbr.org/1977/09/double-loop-learning-in-organizations">« en simple boucle »</a>, c’est-à-dire un ajustement des pratiques qui améliorent la façon dont l’agriculture est mise en œuvre, sans remettre toutefois en cause les cadres de référence dans lesquels elle se développe.</p>
<p>Dès lors, la compétition entre ces diverses formes se fonde toujours sur les mêmes arguments : pour ou contre l’utilisation des produits phytosanitaires (les fameux pesticides) et ses conséquences pratiques, les rendements à l’hectare, le respect de l’environnement, etc. Les principes fondateurs ne sont eux jamais interrogés par leurs partisans, rendant le dialogue improductif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216497/original/file-20180426-175038-snev1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le modèle d’apprentissage en simple boucle et double boucle, selon Argyris et Schön (1978).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Malgré leurs divergences, ces courants de pensée reposent sur trois piliers partagés : il faudrait nécessairement de la terre pour produire des denrées agricoles ; l’agriculture se pratique « à l’horizontale », dans des champs ; enfin, l’agriculture nécessite des parcelles dédiées, séparées des parcelles d’habitation.</p>
<h2>Le nouveau modèle de l’agriculture urbaine</h2>
<p>Un modèle agricole semble toutefois mettre en œuvre ce qu’on appelle un apprentissage en « double boucle » ; c’est-à-dire une correction des erreurs passées, en réexaminant les processus de raisonnement, les manières de poser les problèmes, les valeurs sous-jacentes et les buts visés.</p>
<p>Ce modèle, c’est celui de l’agriculture urbaine. Celle-ci s’extrait en effet des fondements évoqués plus haut : utilisation nécessaire de la terre, agriculture horizontale et séparation des parcelles agricoles et d’habitation. Et, au-delà de la remise en cause de ces cadres de référence, elle intègre dans sa réflexion d’autres paramètres partagés par la communauté scientifique : la consommation de CO<sub>2</sub> lié au transport de produits agricoles ; le taux d’urbanisation sans cesse croissant ; l’appauvrissement des sols ou encore le besoin de consommer moins d’eau.</p>
<p>En combinant la remise en cause de certains facteurs et en y ajoutant d’autres, basés sur des constats empiriques, un nouveau modèle a émergé avec l’agriculture urbaine, qui propose un futur différent. Il permet de repenser la façon dont l’agriculture peut se développer aujourd’hui.</p>
<p>Ce mode d’agriculture repose également sur des formats variés : agriculture à domicile, agriculture décentralisée dans des modules destinés à la production (locaux à l’intérieur de bâtiment, containers, jardins au sol ou sur des toits, etc.), fermes verticales urbaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216473/original/file-20180426-175044-1dahwwe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sensibiliser les citadins aux problématiques de la production alimentaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/2r1F92T">artefatica/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Quel développement ?</h2>
<p>Ce modèle inédit casse les codes de l’agriculture… au point qu’une entreprise comme <a href="https://agricool.co/">Agricool</a> – qui produit des fraises dans des conteneurs urbains en n’utilisant aucun pesticide chimique – ne peut prétendre au label bio du fait qu’elle n’utilise pas de terre !</p>
<p>On voit ici que les cadres définis par les pouvoirs publics deviennent obsolètes. Ces derniers devront s’adapter aux nouvelles pratiques qui s’inventent chaque jour dans ce secteur : car le consommateur ne comprendrait pas qu’un produit de la même qualité qu’un autre, bio, ne puisse pas à terme bénéficier du même label.</p>
<p>L’agriculture urbaine n’a, bien évidemment, pas que des avantages : un coût de production actuellement au-dessus de la moyenne du marché, un fort besoin en énergie, une impossibilité d’exploiter de très grandes parcelles (bien que le rendement annuel des fraises dans 30m<sup>2</sup> des containers chez Agricool soit l’équivalent de 4 000m<sup>2</sup> en plein champ), la difficulté d’assurer l’élevage animal, etc.</p>
<p>Mais elle contribue à modifier en profondeur les cadres de référence classiques de l’agriculture moderne. Tout en ne s’interdisant pas de miser sur de nouvelles ressources, en utilisant, par exemple, des données numériques issues de capteurs pour mieux gérer la consommation d’eau.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"968504122654838785"}"></div></p>
<p>Le développement de l’agriculture urbaine ne passera pas uniquement par l’entrain d’une population de niche et le développement de startups telles qu’Agricool, <a href="http://aerofarms.com/">AeroFarms</a>, <a href="http://topager.com/">Topager</a> (réalisation de potagers sur les toits) ou <a href="https://www.toittoutvert.fr/">Toit Tout Vert</a> (qui ouvrira prochainement une ferme verticale dans Paris).</p>
<p>Elle passera aussi par l’intérêt que pourront trouver des grandes entreprises du secteur de la construction immobilière, de l’énergie ou de la gestion des données pour ce type de débouchés. C’est aussi là l’intérêt de ce nouveau modèle : développer des dispositifs qui permettent de faire se rapprocher des acteurs qui jusqu’ici se rencontraient peu, tout en reconnectant la population urbaine avec la problématique de la production alimentaire.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été réalisé à partir de l’étude menée par les <a href="http://master101.dauphine.fr/fr.html">étudiants du master 101</a> « Politique générale et stratégies des entreprises » de l’Université Paris-Dauphine dans le cadre du trophée de l’Intelligence économique qui s’est déroulé le 9 avril 2018.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lionel Garreau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En s’affranchissant des principes établis dans le secteur agricole, l’agriculture urbaine offre une authentique alternative qui connaît un succès grandissant.Lionel Garreau, Maître de conférences HDR en stratégie & organisation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/851522017-11-01T22:54:34Z2017-11-01T22:54:34ZDans le nord de l’Inde, la longue bataille contre l’accaparement des terres<p>Le samedi 22 octobre 2016, alors que des villageois du district de Kunthi prévoyaient de se rendre à Ranchi, la capitale de l’État nord-indien du Jharkhand, pour participer à des protestations, le bus qu’ils avaient loué a été bloqué par la police avant même de pouvoir rejoindre la route principale.</p>
<p>La tension monte rapidement et les forces de l’ordre ouvrent le feu : une personne est tuée sur le coup, plusieurs autres sont blessées. La nouvelle se répand dans la journée, au même moment les blocages et manifestations se multiplient dans le district.</p>
<p>Pour chercher à apaiser la situation, et alors même qu’aucune enquête n’a été ouverte (et ne le sera), le ministre en chef du Jharkhand offre 2 lakhs (environ 2 600 euros) à la famille de la victime. Cet évènement n’est pas un cas isolé. D’août à novembre 2016, les policiers de l’État ont tué pas moins de sept personnes qui manifestaient contre les modifications des <em>Chotta Nagpur Tenancy (CNT)</em> et <em>Santal Parganas Tenancy (SPT) Acts</em> proposées par le gouvernement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/192013/original/file-20171026-13311-1c8kw6d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=604&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>Des lois et des luttes</h2>
<p>Entre l’été 2016 et le printemps 2017, le Jharkhand (la « Terre des forêts », un État du nord de l’Inde) a été secoué par un important mouvement de contestations contre les amendements du gouvernement fédéral au sujet des CNT et SPT <em>Acts</em>.</p>
<p>Ces deux lois, édictées par les autorités coloniales britanniques au début du XX<sup>e</sup> siècle pour endiguer les différents mouvements de rebellions <em>adivasies</em> (les populations tribales du centre de l’Inde), empêchent le transfert de terres tribales à des individus non-tribaux. Elles limitent également la possibilité d’utiliser ces terres à des fins non agricoles, notamment industrielles et commerciales.</p>
<p>Pour comprendre l’ampleur et l’enjeu de la mobilisation actuelle, il faut la replacer dans l’histoire de ce qu’on appelle généralement le <em>Jharkhand movement</em> ; à savoir la lutte des populations tribales du centre de l’Inde pour conserver l’accès et la gestion de leurs terres.</p>
<p>Divisées en plus de 30 tribus aux langues et pratiques distinctes, <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/adivasi">ces populations</a> partagent toutefois un certain nombre de caractéristiques culturelles et sociales. Elles ont petit à petit construit leur unité dans leur résistance à l’État (d’abord colonial puis national) et à ses tentatives de s’accaparer les richesses de la région et d’établir son autorité sur ses habitants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"849499341320364032"}"></div></p>
<h2>Aux racines du « Jharkhand movement »</h2>
<p>Le <em>Jharkhand movement</em> a émergé dans la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle en réaction aux tentatives du colonisateur britannique, via ses relais locaux, de resserrer son contrôle sur ce territoire par le développement de l’impôt, l’exploitation des ressources naturelles, et le recrutement de travailleurs et travailleuses.</p>
<p>Dans la deuxième moitié du siècle, des milliers puis des dizaines de milliers <em>d’adivasis</em> migrent de façons plus ou moins contraintes pour travailler hors du plateau de Chota Nagpur (voir la carte). À travers le système d’<em>indenture</em> mis en place dans les colonies suite à l’abolition progressive de l’esclavage, les <em>adivasis</em> ont été envoyés dans les plantations de thé de l’Assam, conduits au Bengale pour participer au défrichage des Sundarbans, voire envoyés vers les îles Andaman et Nicobar.</p>
<p>On estime ainsi qu’entre 1881 et 1910, <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/025764308500100206?journalCode=siha">10 % de la population du Jharkhand</a> (et 20 % de sa population tribale) avait migré vers les plantations de thé de l’Assam et vivait en dehors de la région. Cette migration massive et structurelle, encore largement observée aujourd’hui, doit aussi beaucoup au contexte écologique particulièrement défavorable du plateau, puisque l’approvisionnement en eau <a href="http://www.jharkhand.gov.in/agriculture_about_the_dept">dépend uniquement de la mousson</a> et 92 % des terres cultivées ne sont pas irriguées.</p>
<p>À la même période, l’emprise grandissante du ministère des forêts et l’exploitation croissante des ressources de la région (les premières mines de charbon sont ouvertes à Dhanbad en 1856 et Tata inaugure sa première usine d’acier à Jamshedpur en 1906) alimentent de nouvelles tensions avec les populations locales. À ce titre, la <em>National Forest Policy</em> de 1894 est la première limitation légale posée sur l’accès aux forêts dont dépendent encore beaucoup d’habitants. Celles-ci conduisent à une série de révoltes en différents lieux de la région entre les années 1850 et 1910 qui s’opposent notamment à la collecte des impôts ou au recensement des hommes et des terres mis en place par l’administration coloniale.</p>
<p>En conséquence, les CNT et SPT <em>Acts</em> sont alors promulguées pour délimiter les terres tribales dites « ancestrales » et freiner leur accaparement : elles correspondent à une première inscription légale de ces tensions entre deux conceptions, deux approches, deux représentations et deux modes d’exploitation des ressources au Jharkhand. En dépit de leurs objectifs affichés, ces deux textes ont surtout pour conséquence de tirer un trait sur la revendication des populations sur une large part du plateau, en particulier ses forêts.</p>
<p>Ces deux textes ont également introduit un droit de propriété privée sur des terres alors gérées en communauté, collectivement ou dévolues à des fonctions rituelles. La cristallisation du mouvement autour du slogan « Jhol, Jamin, Jungle » (eau, terre, forêt), témoigne bien de la centralité dans le mouvement d’un accès et d’un contrôle des ressources naturelles dont dépendent les paysans jharkhandis pour leur survie, mais aussi pour le maintien de leurs structures sociales et de leur culture.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/190657/original/file-20171017-30381-6ihnnz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un dessin extrait des <em>Illustrated London News</em> (1856) représentant la rébellion du « Santal Hul » de 1855.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Illustrated London News</span></span>
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<h2>Un État aux richesses enfouies</h2>
<p>Le <em>Jharkhand Movement</em> va évoluer au cours du XX<sup>e</sup> siècle et finalement converger en 1938 vers le <em>Adivasi Mahasaba</em> (grand forum <em>adivasi</em>) qui réaffirme la demande du droit à l’autodétermination des populations du Jharkhand et délimite les contours du territoire revendiqué.</p>
<p>Cependant dès l’indépendance de l’Inde en 1947, le mouvement, ou plutôt son <em>leadership</em> et ses organisations, prend une tournure essentiellement électorale et institutionnelle en s’alliant avec le Parti du Congrès et en formant le <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Jharkhand_Movement.html?id=SlQ2K5e_5FYC&redir_esc=y">Jharkhand Party en 1950</a>.</p>
<p>Il s’agit alors d’obtenir un État au sein du nouvel État indien indépendant, rassemblant l’ensemble des populations tribales du centre du pays aujourd’hui dispersées entre le Bengale, le Chhattisgarh, l’Orissa, le Bihar, et le Madhya Pradesh. En dépit du triomphe électoral du parti portant l’idée d’un État autonome, le projet est mis au placard. Dans les années 1970, le mouvement se recompose avec de nombreuses organisations issues des luttes de travailleurs des mines de la région qui favorisent l’intégration de questions sociales jusqu’ici largement absentes des débats.</p>
<p>Mais lorsque l’État du Jharkhand est finalement formé en 2001 sous la houlette du Parti du Bharatiya Janata Party (BJP) – aujourd’hui au pouvoir en Inde et au Jharkhand –, il s’agit d’une version réduite, où les <em>adivasis</em> ne représentent que <a href="http://censusindia.gov.in/Tables_Published/SCST/dh_st_jharkhand.pdf">30 % de la population totale</a>, mais qui concentre <a href="https://www.ibef.org/states/jharkhand.aspxdes">plus de 30 %</a> des ressources minérales souterraines de l’Inde (uranium, charbon, bauxite, acier).</p>
<p>C’est donc bien davantage pour répondre aux intérêts des élites politiques et économiques que ce découpage a été pensé, privant les populations concernées d’une position qui leur permettrait de résister aux projets miniers qui se multiplient depuis lors.</p>
<p>Dans son récit sur les premiers moments de ce nouvel État, <a href="https://www.dukeupress.edu/in-the-shadows-of-the-state">Alpa Shah</a> explique comment le Jharkhand, aspiration centenaire des <em>avidavis</em>, s’est transformé en opportunités pour les petits propriétaires et investisseurs, ainsi que pour les entreprises et l’État, tous désireux de mettre à profit les immenses richesses enfouies de cet espace.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"893872508738314240"}"></div></p>
<h2>L’accaparement des terres s’intensifie</h2>
<p>En dépit de ces deux lois aujourd’hui en débat, les terres tribales ont été l’objet de multiples appropriations, expropriations et transferts depuis l’indépendance. Elles ont en effet été amendées plusieurs fois depuis leur création pour favoriser les intérêts privés grandissant dans la région, principalement autour des industries extractives.</p>
<p>Entre 1951 et 1995, 1 503 017 personnes ont été déplacées au Jharkhand à la suite de l’acquisition de leurs terres pour construire des mines de charbon, des usines d’acier, ou encore des barrages. 42 % des personnes ainsi expulsées sont issues de tribus répertoriées et 14 % de castes répertoriées (catégories officielles regroupant les castes les plus défavorisées), montrant encore une fois comment le « développement » du pays se fait contre les populations les plus marginalisées socialement et économiquement.</p>
<p>Si certaines expropriations sont parfois médiatisées, lorsqu’elles s’intègrent directement à un grand projet comme le projet de <a href="http://www.downtoearth.org.in/coverage/koelkaro-jharkhand-13200">barrage de Koel-Karo</a> dans le district de Kunthi, beaucoup s’opèrent illégalement et moins spectaculairement, à travers des hommes forts locaux et des prêteurs et usuriers qui profitent de l’endettement de certaines familles pour prendre leurs terres en gage. Ces procédés ne rencontrent généralement que des résistances locales et dispersées souvent réprimées violemment par des <em>goons</em>, hommes de main recrutés par les notables ou les entreprises.</p>
<p>En février 2017, le gouvernement régional a organisé un <em>Global Investors Summit</em>, visant à promouvoir le développement de l’État et y attirer les investisseurs. Durant les trois jours de ce programme, le ministre en chef a rappelé à plusieurs reprises l’existence d’une large réserve de terres destinée aux entreprises, <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/good-governance/jharkhand/Jharkhand-land-bank-portal-inaugurated/articleshow/50448318.cms">annonçant ainsi l’ouverture</a> d’un nouveau cycle d’expropriation.</p>
<h2>Diversité locale de la résistance</h2>
<p>Si la mobilisation actuelle a largement bénéficié du soutien de nombreuses organisations militantes <em>adivasies</em> implantées à Ranchi ou dans d’autres centres urbains, elle se diversifie d’une localité à l’autre, ou encore d’une tribu à l’autre.</p>
<p>La diversité des pratiques de résistance, héritières de décennie de lutte contre les gouvernements successifs, mérite qu’on s’y attarde car on peut également y voir une résistance de ces populations à leur intégration au sein de l’État moderne et sa vision du développement. Ainsi dans le district de Kunthi, situé juste au sud de Ranchi, la capitale du Jharkhand, les populations Mundarie ont une tradition encore vivante de conseils villageois (<em>Gram Panchayat</em>) au cours desquels a pu s’organiser le mouvement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/190664/original/file-20171017-30422-rtndbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une pierre placée à l’entrée d’un village indiquant que toute personne extérieure ne pourra pénétrer l’enceinte qu’après avoir obtenu l’autorisation du conseil villageois.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arthur Butel</span></span>
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<p>Certains villages ont ainsi fermé leur porte à tous les représentants du gouvernement, tandis que d’autres boycottaient les différents programmes sociaux mis en place au cours des dernières décennies à destination des plus démunis.</p>
<p>Par ces formes de résistance s’exprime la conscience que l’État qui distribue des tickets de <a href="http://archives-fig-st-die.cndp.fr/actes/actes_2004/landy/article.htm">rationnement alimentaire</a> ou du travail est le même que celui qui permet aux compagnies d’ouvrir de nouvelles mines et d’acquérir de nouvelles terres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85152/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans les hautes terres himalayennes, les mobilisations et luttes sociales contre l’accaparement des terres et des ressources naturelles existent depuis le milieu du XIXᵉ siècle.Arthur Butel, Doctorant en sociologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Mauve Létang, Doctorante en géographie au sein du laboratoire « Espaces, nature et culture », Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/739262017-03-14T22:18:36Z2017-03-14T22:18:36ZAgriculture bio : attention au fétichisme du label<p>Beaucoup d’observateurs parlent aujourd’hui d’un « changement d’échelle » de l’agriculture biologique en France. Selon l’<a href="http://www.agencebio.org/le-marche-de-la-bio-en-france">Agence bio</a>, les ventes de produits dans ce secteur ont doublé en six ans, pour atteindre sept milliards d’euros à la fin de l’année 2016. Pour certains produits, la part de marché commence à être significative : 20 % pour les œufs et 12 % pour le lait, par exemple.</p>
<p>Le dernier <a href="http://www.agencebio.org/comprendre-le-consommateur-bio">baromètre Agence bio/CSA</a> montre également l’appréciation très positive que les Français ont de l’agriculture biologique : pour 92 % des personnes interrogées, celle-ci contribue à préserver l’environnement ; pour 88 %, elle est meilleure pour la santé ; pour 75 %, elle représente une source d’emplois ; enfin 83 % estiment avoir confiance dans les produits bio.</p>
<p>L’engouement est donc réel et ce changement d’échelle s’observe <a href="http://www.agencebio.org/la-bio-en-france">à toutes les étapes des filières</a>. Depuis 2010, les surfaces agricoles biologiques françaises ont également doublé, impliquant 12 000 exploitations supplémentaires, et le nombre des transformateurs et distributeurs proposant des produits bio a augmenté de moitié.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160678/original/image-20170314-10751-xfu1a8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.agencebio.org/le-marche-de-la-bio-en-france">Agence Bio/ANDI</a></span>
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<h2>La peur du nivellement vers le bas</h2>
<p>Ces développements suscitent toutefois des sentiments contrastés parmi les personnes qui promeuvent l’agriculture biologique. Des craintes apparaissent face au développement de gammes de produits bio à bas prix dans la grande distribution ou la conversion récente de très grandes exploitations.</p>
<p>Certes, il s’agit là de leviers de croissance importants, mais ne risque-t-on pas d’adopter des pratiques contraires à l’<a href="http://www.novethic.fr/empreinte-terre/agriculture/isr-rse/au-salon-de-l-agriculture-un-bio-a-geometrie-variable-144309.html">« esprit de la bio »</a> ? D’aller vers des modes de production de plus en plus proches de l’agriculture industrielle ? Ou de voir se créer une bio <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/01/18/vers-une-agriculture-bio-a-deux-vitesses_5064854_3244.html">« à deux vitesses »</a> ?</p>
<p>Tous ces risques sont réels, mais la lecture des recherches en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01447673/document">sociologie rurale</a> invite à ne pas conclure trop vite à l’inévitable « conventionnalisation » de l’agriculture biologique.</p>
<h2>L’action du label AB</h2>
<p>De nombreux facteurs seront déterminants pour l’avenir de la bio : l’évolution de la réglementation européenne, le niveau de soutien des pouvoirs publics, la capacité des producteurs à s’organiser collectivement…</p>
<p>Parmi tous les éléments déterminants, un petit objet mérite une grande attention : le <a href="http://www.agencebio.org/la-marque-ab">label AB</a>. Ce dernier est aujourd’hui un vecteur fort de la confiance des consommateurs. Il constitue une garantie reconnue, attestant du respect de règles précises, interdisant notamment l’usage de pesticides de synthèse.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160680/original/image-20170314-10727-u1a261.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Rayon bio dans un magasin Leader Price.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/padorange/3556071323/in/photolist-6qeN7x-fTEhC">Pierre-Alain Dorange/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cette garantie est d’ailleurs d’autant plus nécessaire que le marché s’étend vers les circuits conventionnels de la grande distribution ou de l’industrie agroalimentaire. En l’absence des producteurs, présents dans la vente directe, ou d’une histoire militante, que l’on retrouve dans certains réseaux de magasins spécialisés, le label incarne à lui seul la promesse de différence de l’agriculture biologique. À lui seul, il permet au consommateur de projeter toute une série de bénéfices attachés à ses choix de consommation.</p>
<p>Mais l’action du label ne s’arrête pas là. S’il est un vecteur d’information, permettant de différencier les produits bio des produits non bio, il tend aussi à masquer la diversité des agricultures biologiques. C’est ce que j’appelle, en référence au « fétichisme de la marchandise » autrefois décrit par Karl Marx, un <a href="http://www.pressesdesmines.com/sciences-sociales/sociologie-des-systemes-alimentaires-alternatifs.html?options=cart">« fétichisme du label »</a> : l’incapacité à voir la diversité d’organisation existant derrière le seul label.</p>
<p>Le label AB ne dit, par exemple, rien de la taille des exploitations ou des conditions d’embauche des ouvriers agricoles. Il ne permet pas non plus de distinguer les démarches plus exigeantes, qui vont bien au-delà des attentes de la réglementation.</p>
<p>Par exemple, des producteurs légumiers <a href="http://ageconsearch.umn.edu/bitstream/196594/2/94-(1), %2065-92.pdf">refusent d’utiliser les semences CMS</a>, qu’ils considèrent comme des OGM, alors qu’elles sont autorisées en bio. De même, des éleveurs bovins alimentent presque exclusivement leurs bêtes avec des rations produites sur leur ferme, alors que le label n’exige que cela soit réalisé qu’à hauteur de 60 %. Sur un autre plan, des transformateurs et distributeurs établissent avec des producteurs des partenariats inspirés du commerce équitable.</p>
<p>Même si cela n’est pas systématique, beaucoup de ces démarches se soldent par des coûts de production plus élevés que ceux qui résultent d’une bio calée sur la réglementation.</p>
<h2>Se distinguer pour exister</h2>
<p>Il n’est pas difficile d’imaginer le scénario catastrophe qui pourrait découler de ce fétichisme du label.</p>
<p>La bio à deux vitesses ne serait qu’un état provisoire. Dans un marché concurrentiel, les offres les plus exigeantes seraient condamnées, en raison de leurs prix plus élevés, à être supplantées par les offres qui le sont moins. Toute la bio se ferait au minima de la réglementation, ce qui n’est pas rien, mais qui est tout de même en dessous de beaucoup de pratiques actuelles.</p>
<p>Ce risque est parfaitement connu des professionnels de la bio. Pour le contrer, ils développent toute une série de <a href="http://www.cairn.info/revue-pour-2015-3-p-89.htm">nouveaux signes distinctifs</a>, supposés agir en complément du label AB.</p>
<p>La Fédération nationale d’agriculture biologique, principal réseau d’agriculteurs bio français, s’investit depuis plusieurs années dans le développement d’une marque nommée <a href="http://www.biocoherence.fr/">« Bio Cohérence »</a>, rattachée à un cahier des charges plus exigeant que la réglementation. Des groupements de producteurs communiquent de même sur leurs modes de production spécifiques à travers leurs marques propres (par exemple <a href="http://www.biobreizh.org/">« Biobreizh »</a> pour l’Association des producteurs de fruits et légumes biologiques de Bretagne). Des entreprises agro-alimentaires ont initié la certification <a href="http://www.biopartenaire.com/">Bio Partenaires</a> pour identifier des filières bio françaises inspirées des principes du commerce équitable. Le réseau Biocoop rappelle au quotidien à ses clients, dans ses magasins ou sur son site Internet, qu’il s’engage sur une forme de bio <a href="http://www.biocoop.fr/La-bio/la-bio-selon-biocoop">« différente de ce qui se fait par ailleurs »</a> …</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/MMaomZLOczk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de l’association Biobreizh (APFLBB Biobreizh, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Une consommation réflexive</h2>
<p>Il s’agit désormais de savoir jusqu’à quel point ces signes de qualité supplémentaires permettent de contrer le fétichisme du label. Les consommateurs leur accordent-ils de la valeur ?</p>
<p>Chacun peut être tenté de considérer que tous ces ajouts ne font finalement que créer de la confusion, et de conclure à la force renouvelée du fétichisme du label. Pourtant, bien que proposant des prix généralement plus élevés que la grande distribution, le réseau de boutiques Biocoop <a href="http://www.lineaires.com/LA-DISTRIBUTION/Les-actus/La-croissance-spectaculaire-de-Biocoop-48196">se développe rapidement</a>. Pourtant, de nombreux ménages font le choix de privilégier les circuits courts pour s’approvisionner en bio.</p>
<p>Ces tendances invitent à plutôt considérer la capacité des consommateurs, au moins d’une partie d’entre eux, à faire face à des messages complexes et à engager une consommation réflexive, allant au-delà d’un achat un peu automatique de la bio pour la bio.</p>
<p>Fétichisme du label ou non ? L’avenir nous le dira. Le marché de la bio actuellement en forte croissance s’accommode finalement bien de jeux de différenciation qui l’animent. Mais l’on voit aussi les efforts répétés, et les paris sur le comportement des consommateurs, que la création de cette différenciation nécessite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73926/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronan Le Velly a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche. </span></em></p>Le label AB, conçu pour orienter le choix des consommateurs vers des produits durables, cache une grande hétérogénéité de la production bio française.Ronan Le Velly, Maître de conférences en sociologie, Montpellier SupAgroLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/740542017-03-07T20:52:10Z2017-03-07T20:52:10ZAgriculture : les programmes à trous des prétendants à l’Élysée<p>L’édition 2017 du <a href="https://www.salon-agriculture.com/">Salon de l’agriculture</a> vient de fermer ses portes. Plus de 600 000 visiteurs auront défilé cette année dans les allées de « la plus grande ferme de France » et, parmi eux, nombre d’hommes politiques.</p>
<p>Le Salon est l’occasion de prendre le pouls du monde agricole, qui affiche un bulletin de santé contrasté. Car si la France est la première agriculture de l’Union européenne, de nombreux indicateurs <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">inquiètent</a>. Près de la moitié des paysans hexagonaux gagnent, par exemple, moins de 350 euros par mois d’après la <a href="http://www.msa.fr/lfr/presse/dossier-rentree-crise-agricole">MSA</a> et 2016 aura été une année noire avec plus de 730 suicides d’agriculteurs, révélant un malaise profond de la profession.</p>
<p>Le poids de l’agriculture dans l’économie française est de moins en moins important (3,7 % du PIB contre 6 % en 1980), mais ce secteur conserve une importance économique <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/tendances/video-la-france-agricole-expliquee-en-deux-minutes_317865.html">majeure</a>, faisant vivre de nombreux territoires ruraux et conservant une <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-agriculture-et-paysage-des-liens-a-geometrie-variable-54615">forte valeur symbolique</a>. La France compte aujourd’hui 1,4 million de salariés et non-salariés travaillant dans ce secteur.</p>
<p>À l’issue du Salon, que retenir des annonces et promesses des candidats à la présidentielle pour l’agriculture et les agriculteurs français ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Salon de l’agriculture : étape obligatoire pour les politiques (CNews, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Points d’accord sur les normes, les circuits courts et la PAC</h2>
<p>La plupart des candidats s’accordent sur le trop grand nombre de <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/02/26/31003-20160226ARTFIG00356-tyrannie-des-normes-les-agriculteurs-disent-foutez-nous-la-paix.php">normes</a> dans le secteur. L’agriculture est en effet l’une des activités les plus encadrées et les plus réglementées par des normes à la fois européennes, nationales, voire locales. Ces dernières génèrent un mille-feuille réglementaire qui complique la tâche des agriculteurs, certains paysans devant passer beaucoup de temps à remplir des déclarations ou des dossiers de subventions.</p>
<p>François Fillon propose ainsi de simplifier ce système en faisant de l’<a href="https://www.fillon2017.fr/wp-content/uploads/2016/09/D10675-AGRICULTURE-12-PAGES-A4.pdf">agriculteur un entrepreneur à part entière</a>, pour éviter le « carcan des normes ». Marine Le Pen souhaite également une simplification (<a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">proposition 128 de son programme</a>) ; quant à Emmanuel Macron, il propose un <a href="http://www.lafranceagricole.fr/actualites/gestion-et-droit/presidentielle-macron-expose-son-programme-agricole-1,1,99787849.html">droit à l’erreur</a>, évitant à l’agriculteur d’être sanctionné par l’administration dès la première erreur. À gauche, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ne donnent pas d’indications à ce sujet.</p>
<p>Autre point de convergence : le soutien aux <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/crise-des-eleveurs/agriculteurs-le-circuit-court-une-solution-a-la-crise_1338065.html">circuits courts</a>, pour faciliter le contact et les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-une-question-de-positionnement-strategique-54364">échanges directs</a> entre producteurs et consommateurs, mais aussi « contourner » l’ultra-domination de la grande distribution dans les filières agricoles.</p>
<p>Marine Le Pen entend ainsi les soutenir par le biais de la commande publique ; Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron souhaitent l’imposer dans la restauration collective (scolaire notamment). Benoît Hamon l’associe quant à lui à la notion d’autonomie alimentaire.</p>
<p>Dernier point de convergence : le souhait de voir évoluer, plus ou moins drastiquement, la Politique agricole commune (PAC). Marine Le Pen veut la transformer en « Politique agricole française ». Benoît Hamon souhaite la « verdir » en réorientant une partie des sommes (400 millions d’euros) vers l’agro-écologie et l’agriculture bio. Jean-Luc Mélenchon souhaite une refonte ; enfin, François Fillon et Emmanuel Macron, souhaite plutôt l’infléchir autour de la gestion des risques pour le premier et d’un mécanisme de garantie des prix ou du chiffre d’affaires pour le second.</p>
<h2>Leurs solutions au malaise agricole</h2>
<p>Si le constat du désarroi profond des agriculteurs est largement partagé par les principaux candidats à la présidentielle, leurs solutions pour y remédier divergent.</p>
<p>Pour Marine Le Pen, il s’agit d’adopter la préférence nationale en soutenant les produits agricoles français <a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">par la commande publique</a>. Du côté de François Fillon, on insiste plutôt sur l’amélioration du pouvoir de négociation des agriculteurs en s’appuyant sur différentes propositions touchant les étapes de la filière agricole : renforcement des organisations de producteurs, encadrement des produits d’appel et des négociations avec la grande distribution, renforcement des circuits courts. Ce dernier avance également des propositions visant à renforcer la transparence des prix et des provenances. Le programme de François Fillon vise à jouer par petites touches sur les différents stades des filières agricoles.</p>
<p>Du côté d’Emmanuel Macron, on évoque le renforcement des organisations de producteurs (OP), mais également un programme d’investissement sur 5 ans. Sa proposition la plus innovante, annoncée lors du Salon, aura été de suggérer l’organisation d’un Grenelle de l’alimentation mettant aux prises les différents acteurs des filières agricoles et agro-alimentaires.</p>
<p>Benoît Hamon évoque certes les <a href="https://Twitter.com/benoithamon/status/837252616421801984/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw">problématiques de filière</a>, mais présente surtout les propositions les plus « vertes » afin de soutenir les filières agricoles : « verdir » la PAC (400 millions d’euros réservés aux agriculteurs adoptant l’agro-écologie) ; favoriser les reprises et installations bio et agro-écologiques ainsi que les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-urbaine-quest-ce-que-cest-55900">cultures maraîchères aux abords des villes</a> ; établir un plan d’investissement de 5 milliards pour soutenir les circuits courts, l’agro-écologie et l’agriculture bio.</p>
<p>Sur le plan de la santé publique, François Fillon se prononce pour la suppression du <a href="https://www.fillon2017.fr/projet/agriculture/">principe de précaution</a> en matière agricole et un soutien aux technologies agricoles telles que les OGM ou les manipulations génétiques, tandis que d’autres candidats y semblent nettement opposés comme Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen. Concernant l’agriculture biologique, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon soutiennent fortement ce secteur alors que Marine Le Pen ne l’évoque même pas.</p>
<h2>Ce qu’ils ont oublié</h2>
<p>Tous les candidats font – délibérément ? – l’impasse sur des réformes aussi essentielles que polémiques :</p>
<ul>
<li><strong>Réformer en profondeur les filières agricoles</strong> pour une meilleure répartition de la valeur. Ainsi, dans la filière lait, sur une brique vendue environ 1 euro en grande surface, seulement 27 centimes revient à l’agriculteur alors que celui-ci supporte l’essentiel des risques et des investissements. <a href="https://theconversation.com/sept-questions-pour-comprendre-la-crise-laitiere-64505">La crise laitière</a> de 2016 a montré que ce prix se situait largement en dessous des coûts de production. Il en est ainsi dans la plupart des filières agricoles.</li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">« Envoyé spécial » : éleveurs laitiers, ils produisent pour du beurre (Guillaume Cahour, 2017).</span></figcaption>
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<p>Deux raisons essentielles expliquent ce décrochage. Il y a d’une part l’indexation sur des cours mondiaux, alors que les coûts de production d’autres pays sont inférieurs. On note d’autre part un très fort déséquilibre du rapport de forces entre les différents acteurs des filières agricoles. Les industriels et la grande distribution disposent de pouvoirs de négociation bien supérieurs à ceux des producteurs, même réunis en OP ou en coopérative. Dès lors, ils peuvent « imposer » à leur guise une baisse continue des prix, fragilisant en amont des filières agricoles.</p>
<p>Sur ce point, bien peu de candidats dévoilent leur plan. Tout au plus certains (Fillon, Macron, Melenchon) évoquent le souhait de rééquilibrer les négociations et les rapports de forces entre agriculteurs, industriels et grande distribution.</p>
<ul>
<li><strong>Réguler les prix et les cours</strong>. Cette question constitue un véritable serpent de mer. La fin de la PAC et la libéralisation des marchés agricoles a exposé les agriculteurs à la volatilité des prix, alors que leurs coûts et leurs marges ne sont pas élastiques. Nombre de paysans se retrouvent en difficulté, n’ayant pas les moyens ni les outils de faire face à cette volatilité. Seuls François Fillon et Emmanuel Macron semblent faire des propositions en ce sens. Le premier évoque la question de l’intégration de la gestion des risques dans la PAC. Le second souhaite instaurer une garantie sur les prix ou le chiffre d’affaires des agriculteurs.</li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Mb0_Jx2fBzE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Intervention du député européen Michel Dantin au sujet de la volatilité des prix sur les marchés agricoles (Michel Dantin, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li>*<em>Réformer les chambres d’agricultures, le <a href="http://www.safer.fr/missions-safer.asp">SAFER</a> et les <a href="http://www.terresdeurope.net/CDOA.asp">CDOA</a> *</em>. Une large partie du monde agricole est impactée par ces trois institutions qui régulent des pans entiers de l’activité des agriculteurs. Benoît Hamon est le seul candidat à avoir pointé du doigt ces institutions, très mal connues du grand public, qui possèdent une influence déterminante dans l’activité des paysans et le devenir de leurs exploitations. Une réforme de ces institutions est pourtant nécessaire tant elles sont gangrénées par les luttes de pouvoir, notamment syndicales, et les intérêts partisans.</li>
</ul>
<h2>La financiarisation rampante de l’agriculture</h2>
<p>Un dernier point omis des candidats concerne la nécessaire limitation de la spéculation foncière et l’accaparement des terres agricoles. Un drame silencieux est en train de se jouer dans les campagnes françaises : de nombreux investisseurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kEPFmRiDdYA">français comme étrangers</a>, investissent en <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Economie-social/n/Contenus/Articles/2017/01/25/La-Touraine-menacee-par-la-speculation-fonciere-2979511">rachetant des terres agricoles</a>, non pour les exploiter mais pour seulement investir sur du foncier ou profiter de déductions fiscales. L’irruption de ces nouveaux acteurs pousse mécaniquement la valeur des terres agricoles à la hausse. De plus, les agriculteurs sont peu à peu privés des terres supplémentaires, ce qui les conduit à acheter plus de matières premières et les empêche de bénéficier des subventions conditionnées aux surfaces exploitées.</p>
<p>Il s’agit là d’une financiarisation rampante de l’agriculture. Le modèle, parfois idéalisé, de la petite exploitation familiale est clairement en voie de disparition tandis que se profile la montée en puissance d’entreprises agricoles exploitant les terres comme elles pourraient exploiter d’autres actifs financiers. Il s’agit, d’une manière plus globale, de ne pas laisser se développer une agriculture à plusieurs vitesses, laissant de côté des centaines d’exploitations n’ayant pas eu les moyens ou l’opportunité de réaliser les mutations nécessaires.</p>
<p>Bien évidemment, la liste des questions non abordées par les candidats n’est pas exhaustive, tant les chantiers agricoles sont nombreux et variés. Passé l’emballement « médiatique » du Salon de l’agriculture, il reste cependant aux futurs responsables politiques à s’atteler à construire une véritable politique agricole, respectueuse de la <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">diversité de ses modèles économiques</a> et soucieuse d’inscrire durablement l’agriculture française dans une dynamique à la fois performante et durable. Ce n’est pas le moindre des défis qui attend le (la) futur(e) président(e) de la République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p>Réforme des filières et des institutions agricoles, régulation des prix et limitation de la spéculation financière : les candidats ont pour l’instant fait l’impasse sur ces dossiers essentiels.Bertrand Valiorgue, Maître de conférences en stratégie et gouvernance des entreprises - Ecole Universitaire de Management de Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.