tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/transhumanisme-32944/articlestranshumanisme – The Conversation2023-10-26T17:55:55Ztag:theconversation.com,2011:article/2157462023-10-26T17:55:55Z2023-10-26T17:55:55ZTranshumanisme : la recherche de l’immortalité a-t-elle un sens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554589/original/file-20231018-19-ksz8s5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C74%2C4121%2C2871&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon les transhumanistes, la quête de l’immortalité passe par le développement de technologies qui prolongent la durée de vie humaine.</span> <span class="attribution"><span class="source">Teo Tarras / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’immortalité numérique est désormais à portée. Avec les prodigieuses avancées de <a href="https://theconversation.com/et-si-on-creait-des-sanctuaires-sans-ia-208501">l’Intelligence artificielle</a> (IA), nous sommes maintenant en mesure de nous fabriquer un <a href="https://www.phonandroid.com/limmortalite-grace-a-lia-est-possible-mais-pas-comme-vous-limaginez.html">avatar virtuel pour après notre mort</a>. C’est indéniablement « un petit pas pour un homme » vers une immortalité plus « aboutie ». Est-ce pour autant « un bond de géant » pour notre humanité ?</p>
<p>Savoir si la recherche de l’immortalité a un sens est un débat on ne peut plus d’actualité et particulièrement complexe, qui engage tant la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782081416499-la-mort-vladimir-jankelevitch/">philosophie</a> que <a href="https://doi.org/10.3917/gs1.151.0097">l’éthique</a>. Or c’est une question qui va s’avérer de plus en plus souvent posée au regard des progrès médicaux et technologiques inédits des dernières décennies visant à <a href="https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/graphiques-cartes/graphiques-interpretes/esperance-vie-france/">prolonger et améliorer la vie de l’homme</a>. Au regard d’arguments en sa faveur qui ne peuvent être ignorés, d’arguments « contre » qui ne peuvent non plus être passés sous silence, au cœur de ce questionnement : la condition humaine.</p>
<p>Ceci étant dit, comme le note le biologiste franco-croate <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Miroslav-Radman--722410.htm">Miroslav Radman</a> si l’on parle d’immortalité, les choses sont très relatives : « le seul candidat est la vie même qui dure déjà entre 3,5 et 4 milliards d’années. Mais, la vie n’est pas une entité, c’est un processus robuste qui génère ses produits fragiles – les organismes vivants. » L’homme est ainsi un produit « fragile » mais qui apparaîtra immortel par rapport à un ver qui ne vit que deux semaines.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/humanisme-posthumanisme-transhumanisme-de-quoi-parle-t-on-exactement-152510">Humanisme, posthumanisme, transhumanisme : de quoi parle-t-on exactement ?</a>
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<h2>L’ambition de ne plus mourir</h2>
<p>Pour autant, la quête de l’immortalité, au sens strict de ne jamais mourir est au cœur des préoccupations de certains hommes. En juin 2023, Neuralink, start-up de neurotechnologie dirigée par Elon Musk annonçait avoir reçu l’autorisation des autorités sanitaires américaines pour commencer les essais cliniques de <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20230526-neuralink-la-start-up-d-elon-musk-pourra-tester-ses-implants-c%C3%A9r%C3%A9braux-sur-des-humains">ses puces cérébrales</a> (des implants visant à améliorer les capacités cérébrales humaines et soigner certaines maladies comme celle de Parkinson) sur des humains.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Elon Musk, milliardaire patron de Neuralink et transhumaniste revendiqué." src="https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=736&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=736&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=736&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=925&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=925&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/554786/original/file-20231019-28-89az4t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=925&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Elon Musk, milliardaire patron de Neuralink et transhumaniste revendiqué.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?search=elon+musk&title=Special:MediaSearch&go=Go&type=image">Wikicommons</a></span>
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<p>Ces avancées ne peuvent que réjouir la <a href="https://theconversation.com/transhumanistes-qui-sont-ils-198453">communauté transhumaniste</a> qui revêt – selon les groupes – divers ambitions et objectifs, dont l’amélioration des capacités humaines, mais pas seulement.</p>
<p>Selon les transhumanistes, la quête de l’immortalité passe par le développement de technologies qui prolongent la durée de vie humaine de manière significative, ce grâce à des avancées médicales – les travaux de NeuroLink vont dans ce sens – la <a href="https://www.lesechos.fr/2016/04/les-organes-imprimes-ouvrent-une-nouvelle-page-de-la-medecine-205934">régénération des tissus</a> et éventuellement le transfert de conscience vers des substrats artificiels.</p>
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<h2>Des être humains sans corps ?</h2>
<p>La doctrine philosophique <a href="https://philosciences.com/vocabulaire/141-transhumanisme">transhumaniste</a> vise à « libérer l’humanité de ses limites biologiques en surmontant l’évolution naturelle. Changer l’humain serait positif, car cela pourrait signifier la libération des contraintes de la nature, comme la maladie ou la mort. »</p>
<p>Comme le souligne le sociologue français <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2017-2-page-81.htm">David Le Breton</a> certains transhumanistes ont même pour ambition de se passer définitivement de toute enveloppe corporelle et organique. Ils voient désormais l’incarnation comme un obstacle majeur à l’épanouissement de soi et, au-delà, au déploiement de la technoscience. Le corps est à leurs yeux une limite tragique qui alimente la vulnérabilité inhérente à la condition humaine. Sans le corps, pensent-ils, ils seraient immortels, imperméables à toute maladie, sans limites, étrangers au vieillissement, uniquement sous l’égide de leurs propres pensées.</p>
<p>Cette position peut être discutée. De quoi dépend l’épanouissement personnel ? Est-il vraiment indépendant du corps et des sens ? Si l’on se réfère aux théories de <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/imp/jcs/1996/00000003/00000004/718">l’énaction</a>, qui s’intéressent à la manière dont les organismes et esprits humains s’organisent eux-mêmes en interaction avec l’environnement, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1756-8765.2010.01115.x">processus cognitifs</a> sont fondamentalement enracinés dans les états corporels et dans les systèmes sensori-moteurs activés dans le cerveau.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’entreprise Re ;memory utilise la technologie de l’intelligence artificielle pour proposer aux familles endeuillées de rencontrer un avatar de leur proche décédé et lui parler.</span></figcaption>
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<p>Est-ce qu’entrer en relation avec les autres et l’extérieur, sans corps, ne changerait pas totalement notre conscience de nous-mêmes ? Les arguments en faveur de cette quête d’immortalité sont multiples et argumentés mais ils mettent de côté une partie non négligeable de notre humanité, le corps sensible.</p>
<h2>Quel sens pour la vie pour les immortels ?</h2>
<p>Pour autant des opposants à cette quête comme, <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Miroslav-Radman--722410.htm">Miroslav Radman</a>, qui se définit comme un biocrate, soit un défenseur de la biologie humaine, avance que le « rêve transhumaniste » ne relève pas du domaine du naturel, et que, si l’on suit cet « idéal », « le corps humain risque de devenir un simple « châssis » biologique pour les prothèses artificielles ».</p>
<p>D’autres problématiques verraient par ailleurs le jour : d’un point de vue plus pragmatique se pose le problème des ressources naturelles et de la surpopulation. Une surpopulation qui pourrait être gérée par la variable financière, discriminant les mortels des immortels. La question serait alors : qui peut s’offrir l’immortalité ?</p>
<p>Dans certaines traditions par exemple slaves et chinoises : un corps enjambé par un animal, particulièrement un chat ou un chien, peut devenir un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vampire">mort-vivant</a>. De même, un corps blessé et non traité au moyen d’eau bouillante peut devenir un vampire. Dans la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070228898-l-egoiste-comedie-sous-forme-de-recit-george-meredith/">littérature également</a>, l’immortalité est souvent associée à une déshumanisation à travers l’image du vampire, transmutation d’un individu ordinaire en un cadavre vivant, marginal dénué de tout sens moral, capable de transformer d’autres en monstres comme lui.</p>
<p>L’immortalité impliquerait-elle la perte de son humanité, à l’instar des morts-vivants, c’est-à-dire une déshumanisation au sens propre, biologique comme figuré, une abolition de l’éthique et de la liberté ? Si tel était le cas, vu les mœurs peu amènes des vampires tels qu’ils sont décrits dans de <a href="http://boussemaere.unblog.fr/galerie-des-vampires/">nombreuses œuvres</a>, cela signerait une abolition de l’espoir, tant la vie est faite de sensorialité, de joie, de peine, de remords, de regrets… Si un jour la formule de l’immortalité est trouvée, il faudra veiller à la manier avec sagesse, car les « hommes » qui souhaiteraient en faire usage pourraient prendre le risque de devenir des monstres sans âme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La quête de l’immortalité est au cœur des préoccupations des transhumanistes.Caroline Cuny, Professeure en psychologie, Grenoble École de Management (GEM)Yannick Chatelain, Professeur Associé. Digital I IT. GEMinsights Content Manager, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984532023-03-09T18:41:55Z2023-03-09T18:41:55ZTranshumanistes : qui sont-ils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/511921/original/file-20230223-18-laerpe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=172%2C5%2C3575%2C2149&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le transhumanisme est constitué de courants variés. Le désir de retarder indéfiniment la mort est l'un des points sur lesquels ils se rejoignent.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/EWg1-0UjeWY">Julien Tromeur / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>L’engouement autour de l’agent conversationnel <a href="https://theconversation.com/avec-chatgpt-ne-faut-il-pas-craindre-lhomme-plus-que-les-algorithmes-199527">ChatGPT</a> attise le débat sur le rôle des technologies émergentes dans l’évolution de l’humanité. Devraient-elles aider à transcender les limites humaines ? Quel <a href="https://theconversation.com/chatgpt-encore-une-revolution-anthropologique-198845">projet de société</a> cela implique-t-il ? Ces questionnements mettent une fois encore les <a href="https://www.canal-u.tv/chaines/la-forge-numerique/transhumanisme-entre-ethique-responsabilite-et-creativite">idéaux transhumanistes</a> sur le devant de la scène.</p>
<p>Ces deux dernières décennies ont en effet connu un <a href="https://www.peterlang.com/document/1069084">foisonnement éditorial</a> autour de la notion du « transhumanisme ». Or, ce terme fait encore l’objet de nombreuses incompréhensions, comme en témoignent les débats houleux qu’il suscite. L’enquête sociologique menée dans le cadre de <a href="https://theses.fr/s196370">ma thèse de doctorat</a> montre, entre autres, qu’il existe plusieurs acceptions de ce terme. La diversité des approches transhumanistes empêche de le résumer en une seule définition.</p>
<p>D’autant plus qu’il est en mouvement constant, s’appropriant percées technoscientifiques, théories philosophiques et un héritage culturel et humaniste revisité.</p>
<p>En effet, les transhumanistes reconnaissent dans l’humanisme des Lumières les germes d’une nouvelle philosophie. Celle-ci entendrait <em>augmenter</em> l’humain non seulement <a href="https://nickbostrom.com/papers/history.pdf">symboliquement, mais aussi physiquement et moralement</a>.</p>
<p>La définition du transhumanisme qui fait un semblant de consensus chez les 20 transhumanistes étudiés est celle proposée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Transhumanisme#cite_note-1">Wikipédia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer la condition humaine notamment par l’augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains. »</p>
</blockquote>
<p>Le transhumanisme n’est donc pas simplement un groupe de scientifiques travaillant sur la fabrication d’un futur technologique. Il s’agit plutôt d’un mouvement de pensée portant un certain récit sur la <a href="https://theconversation.com/convergence-technologique-lhomme-la-machine-et-la-societe-76044">convergence des technologies NBIC</a> (nanotechnologie, biotechnologie, informatique, sciences cognitives) et leur futur retentissement sur l’humanité. <a href="https://nickbostrom.com/views/transhumanist.pdf">Selon Nick Bostrom</a>, une figure importante du mouvement, le transhumanisme est :</p>
<blockquote>
<p>« une façon de penser l’avenir qui part du principe que l’espèce humaine, dans sa forme actuelle, ne représente pas la fin de notre développement, mais plutôt une phase relativement précoce ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, le transhumanisme est plus un discours, voire un nouveau « grand récit » technocentré, qu’une pratique technoscientifique bien précise.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le transhumanisme en 12 questions.</span></figcaption>
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<h2>Une diversité de représentants</h2>
<p>Le caractère pluriel du transhumanisme se nourrit aussi de la diversité de ses représentants, et vice versa. Comme nous en a fait part Marc Roux, président de l’<a href="https://transhumanistes.com">Association française transhumaniste technoprog</a> (AFT), « il y a autant de transhumanismes qu’il y a de transhumanistes ».</p>
<p>Les « transhumanistes » sont des acteurs organisés en groupes pour développer des théories, communiquer avec des interlocuteurs, publier des écrits, etc. Leurs missions principales consistent à faire connaître le transhumanisme ; s’imposer comme interlocuteurs légitimes ; promouvoir un certain type de discours sur les technologies émergentes et le futur de l’humanité.</p>
<p>Chronologiquement, les « extropiens » étaient les premiers transhumanistes organisés autour de l’Extropy Institute (1988) sous l’égide de <a href="https://www.maxmore.com/">Max More</a>, philosophe et futuriste anglais vivant aux États-Unis, où il dirige actuellement la plus grande organisation <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryonie">cryoniste</a> <a href="https://www.alcor.org/">ALCOR</a>. Il s’agit de cryoconserver des corps humains (et des cerveaux) après leur décès, dans l’espoir de les ressusciter grâce aux futures technologies de réanimation.</p>
<p>Si l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Entropie_(thermodynamique)">entropie</a> représente le désordre et l’incertitude dans un système, l’extropie (aussi appelée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9guentropie">néguentropie</a>) est un néologisme transhumaniste qui vise à produire de l’ordre et de la complexité malgré l’augmentation inévitable de l’entropie. Ainsi le <a href="https://iatranshumanisme.com/transhumanisme/transhumanistes-extropiens/">mouvement extropien</a>, première veine transhumaniste, croit en la possibilité d’augmenter l’ordre et la complexité grâce au développement des technosciences (par exemple, réduire les risques de maladies en développant des puces électroniques prévenant à l’avance de leur arrivée). L’extropie devient un emblème révolutionnaire contre les forces limitatives et désorganisatrices.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/humanisme-posthumanisme-transhumanisme-de-quoi-parle-t-on-exactement-152510">Humanisme, posthumanisme, transhumanisme : de quoi parle-t-on exactement ?</a>
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<p>Dans les <a href="http://editions-hache.com/essais/more/more1.html">« Principes Extropiens »</a>, More soutient que l’humanité est « une phase de transition dans le développement évolutionnaire de l’intelligence » et non son aboutissement. Cette mouvance a cessé toute activité à partir de 2006 en déclarant sa mission comme <a href="http://www.extropy.org/future.htm">« essentiellement accomplie »</a>, au profit d’une organisation plus globale : la World Transhumanist Association (WTA) fondée par <a href="https://nickbostrom.com">Nick Bostrom</a> et David Pearce en 1998.</p>
<p>Anciennement le principal organe du mouvement transhumaniste, la WTA a changé son nom pour <a href="https://www.humanityplus.org/">Humanity+</a> (H+), se débarrassant ainsi de la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-8519.2010.01802.x">connotation négative</a> associée au « transhumanisme ».Le nouveau nom met davantage l’accent sur l’idée d’une amélioration positive de l’humanité grâce à la technologie. <a href="https://hpluspedia.org/wiki/Humanity%2B#History">H+ a pour mission</a> de :</p>
<blockquote>
<p>« fournir une vision transhumaniste plus inclusive par rapport à d’autres visions transhumanistes antérieures comme l’Extropianisme et de mieux s’engager auprès des universitaires. »</p>
</blockquote>
<p>C’est aujourd’hui l’organe représentatif des différentes sensibilités transhumanistes à l’échelle internationale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1525136477008576513"}"></div></p>
<h2>L’avènement de la « singularité technologique »</h2>
<p>Bien que H+ ait pour objectif d’être inclusif, il existe des divergences entre les différentes perspectives transhumanistes. Les singularitariens, par exemple, sont les transhumanistes qui croient en l’avènement de la « singularité technologique », terme emprunté aux mathématiques et à l’astrophysique et qui marque une rupture entre l’avant et l’après l’avènement d’une « superintelligence », aussi appelée « intelligence artificielle générale ».</p>
<p>La notion de la « singularité technologique » a été popularisée par Ray Kurzweil, surnommé <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/04/18/google-et-les-transhumanistes_3162104_1650684.html">« pape du transhumanisme »</a>, dans son livre <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/291221/the-singularity-is-near-by-ray-kurzweil/">« The Singularity is Near »</a> (2005), la décrivant comme une explosion de l’intelligence faisant advenir un monde <a href="https://transhumanistes.com/notes-de-lecture-singularity-rising/">au-delà de l’entendement humain actuel</a> : « cet instant de l’histoire où l’accélération technologique devient si rapide que tous nos modèles prédictifs actuels deviennent caducs. »</p>
<p>L’un des crédos singularitariens est « l’exponentielle » ou « l’accélération technologique » dans lesquelles tous les espoirs sont misés pour faire sortir l’humanité de sa condition biologique. Le singularitarianisme dessine les contours d’une nouvelle humanité qui ne serait probablement plus limitée par son carcan biologique. En ce sens, le singularitarianisme est un post-humanisme.</p>
<h2>Une continuité anthropologique</h2>
<p>Plus pondérés dans leurs discours et prospections, les transhumanistes « technoprogressistes » prônent une continuité anthropologique. C’est-à-dire qu’ils sont plus favorables au maintien de certaines caractéristiques humaines, à leur amélioration progressive plutôt qu’une rupture radicale avec elles. Ils critiquent des prédictions singularitariennes et défendent les valeurs démocratiques et la justice sociale. Initialement, le terme « technoprogressisme » a été forgé par les transhumanistes français de l’AFT.</p>
<p>En 2004, le transhumaniste américain James Hughes co-fonde avec Bostrom l’<a href="https://ieet.org/"><em>Institute for Ethics and Emerging Technologies</em></a> (IEET), un think tank technoprogressiste qui considère que :</p>
<blockquote>
<p>« Le progrès technologique peut être un catalyseur du développement humain positif, à condition de veiller à ce que les technologies soient sûres et équitablement distribuées. Nous appelons cela une orientation “technoprogressive”. »</p>
</blockquote>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-transhumanisme-est-il-un-animisme-111648">Le transhumanisme est-il un animisme ?</a>
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<p>Il existe d’autres sensibilités transhumanistes comme le transhumanisme religieux représenté par la <a href="https://www.turingchurch.com/">Turing Church</a> présidée par l’italien <a href="https://giulioprisco.com/about-me-5539c2738538">Giulio Prisco</a>. Il considère qu’une compatibilité est possible entre les textes religieux et le développement technologique, puisant dans les <a href="https://doi-org.ezproxy.normandie-univ.fr/10.3917/espri.1703.0068">travaux de Teilhard de Chardin</a>, entre autres.</p>
<p>Malgré différentes approches, les transhumanistes partagent des points communs : un engouement pour la longévité ou l’amortalité, c’est-à-dire le fait de « retarder indéfiniment (mais non infiniment) la mort », selon <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/connaissance-ignorance-mystere-9782213666228">Edgar Morin</a> ; une technophilie cultivée par un imaginaire imprégné de productions science-fictionnelles ; et une conscience accrue des <a href="https://nickbostrom.com/existential/risks">risques</a> (existentiels) liés au développement technologique et aux progrès de l’intelligence artificielle, etc.</p>
<p>Enfin, le transhumanisme interpelle la société civile internationale sur les enjeux des technosciences qui permettent des possibilités de transformation radicale de l’humanité, de remise en question de notre compréhension traditionnelle de la vie, de la mort et de la nature humaine. De plus, il soulève des questions sur les implications éthiques et sociales des technosciences qui promettent de modifier le corps, inverser le vieillissement et potentiellement tutoyer la mort. Qu’on adhère à leurs idées ou non, les transhumanistes nourrissent un débat indispensable sur les enjeux technoscientifiques au XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198453/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marouane Jaouat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce que le transhumanisme ? Quels sont leurs organes institutionnels et leurs aspirations ? Quels impacts pour nos sociétés ?Marouane Jaouat, Enseignant chercheur - UFR Santé - Université de Caen Normandie, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1961762022-12-11T16:57:17Z2022-12-11T16:57:17ZComment fonctionnent l’implant Neuralink et les autres interfaces cerveau-machine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500142/original/file-20221210-25181-822mmp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C30%2C2038%2C1330&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un exemple de réseau de capteurs flexible et implantable, développés à l'université de Californie à San Diego.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jsoe/51830809443/in/album-72177720296076623/">UC San Diego Jacobs School of Engineering, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Les interfaces électriques cerveau-machine implantables promettent des avancées majeures, aussi bien pour comprendre le fonctionnement du cerveau que pour compenser ou remplacer des fonctions perdues suite à un accident ou une maladie neurodégénérative : <a href="https://www.nature.com/articles/s41551-019-0484-2">vision primaire</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-05385-7">motricité</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-33611-3">synthèse vocale</a> ou <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03506-2">écriture digitale</a>.</p>
<p>Alors que la start-up Neuralink d'Elon Musk vient d'annoncer avoir posé son premier implant cérébral sur un patient, la plupart de ces interfaces sont encore loin d’être vraiment opérationnelles en clinique mais elles représentent tout de même déjà pour certains l’espoir d’augmenter les capacités humaines, avec des applications à la fois sensorielles (vision nocturne par exemple) et fonctionnelles (augmentation des capacités mnésiques ou intellectuelles par exemple). Même si nombre de ces applications relèvent encore de la science-fiction, comme la transmission de sensation ou l’augmentation de nos performances intellectuelles, d’autres ne paraissent pas hors de portée, comme la vision dans l’infrarouge ou l’ultraviolet par exemple.</p>
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<p>Même si des <a href="https://www.reuters.com/technology/musks-neuralink-faces-federal-probe-employee-backlash-over-animal-tests-2022-12-05/">questions éthiques</a> accompagnent le développement des interfaces cerveau-machine chez Neuralink, le propos de notre article est d’expliquer leur fonctionnement technique, leurs enjeux technologiques et le contraste entre les espoirs qu’elles suscitent et ce qu’elles sont actuellement capables de réaliser.</p>
<p>En effet, les dispositifs actuels sont confrontés à de multiples verrous technologiques et conceptuels. Les contraintes techniques limitent pour l’instant leur utilisation à des cas cliniques précis, où les risques liés à l’insertion d’un implant sont contrebalancés par l’estimation d’un bénéfice immédiat ou futur pour les patients. On est ainsi très loin de pouvoir utiliser ces implants en routine clinique et dans la vie de tous les jours, et qui plus est pour des applications ludiques ou encore d’augmentation des capacités humaines.</p>
<h2>Où en sont les implants actuels, et notamment l’implant Neuralink ?</h2>
<p>Pour la partie médicale et la compréhension du cerveau, les interfaces en développement au sein de laboratoires académiques et industriels offrent déjà des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6846362">perspectives</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23428937/">intéressantes</a>. Mais peu d’outils académiques offrent à l’heure actuelle une solution complètement implantée avec autant d’électrodes et de quantité de données que celles de l’interface de Neuralink.</p>
<p>Celle-ci <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iOWFXqT5MZ4">vise</a> à <a href="https://www.jmir.org/2019/10/e16194">mettre en place une interface cerveau-machine implantable en une matinée</a>, à la fois pour le domaine médical pour des personnes parlysées, mais aussi pour permettre à tout un chacun de contrôler son smartphone, un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NhAU8p985-4">jeu vidéo</a>, ou à terme d’augmenter ses capacités humaines. Pour cela, elle vise une technologie d’implants cérébraux enregistrant un grand nombre de neurones, qui n’aurait pas d’impact esthétique et ne présenterait aucun danger.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-les-protheses-de-cerveau-quand-neurones-artificiels-et-naturels-dialoguent-141793">Vers les prothèses de cerveau : quand neurones artificiels et naturels dialoguent</a>
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<p>Si l’implant de Neuralink s’avère fonctionner de manière robuste, il pourrait permettre d’avancer vers un décodage plus précis de l’activité neuronale, la conception de neuroprothèses cliniques et la compréhension de modes de fonctionnement du cerveau inaccessibles jusqu’à présent.</p>
<h2>Comment ça marche ? De l’implant neuronal à la neuroprothèse</h2>
<p>Dans la littérature et l’actualité, on retrouve indistinctement les termes d’« interface électrique cerveau-machine », de « neuroprothèse » ou d’« implant neuronal ». Une « neuroprothèse » est un type d’interface cerveau-machine qui va permettre de suppléer ou de remplacer une fonction perdue. Tout comme le système nerveux envoie ou reçoit des informations de son environnement, les neuroprothèses vont capter de l’information de notre environnement à travers des systèmes artificiels pour la renvoyer vers le système nerveux ou bien capter l’information du système nerveux pour la renvoyer, soit vers lui-même, soit vers notre environnement à l’aide de dispositifs artificiels.</p>
<p>La neuroprothèse ou l’interface électrique cerveau-machine est constituée de plusieurs parties. En allant <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28363483/">du système neuronal vers une interface utilisable pour l’humain</a> (comme l’écran d’un ordinateur), les constituants d’une neuroprothèse sont les suivants : 1) un réseau d’électrodes mis en contact avec le tissu neuronal, 2) un système de connexion permettant de relier les électrodes à un système électronique, 3) un système de communication permettant d’envoyer des signaux vers les électrodes ou de recevoir les signaux collectés par les électrodes, 4) un système d’enregistrement des données, 5) un système de traitement et de décodage des données, 6) un système d’envoi de l’information vers un ou plusieurs effecteurs, par exemple un bras robotique. La partie implantable, l’« implant neuronal » à proprement parler, est actuellement composé des parties 1-2 ou 1-2-3.</p>
<h2>Quelles sont les limites technologiques actuelles des interfaces cerveau-machine ?</h2>
<p>L’objectif actuel est de disposer d’un implant neuronal ayant un grand nombre d'électrodes d’enregistrement ou de stimulation, dont l’efficacité se maintient sur des dizaines d’années. Si, malgré plus de trente années de recherche, cet objectif n’est pas encore atteint, c’est que de nombreux défis majeurs lui sont associés, notamment :</p>
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<li><p>La chirurgie d’implantation doit être la moins traumatisante possible et en particulier ne pas léser les microvaisseaux sanguins du cortex sous peine de déclencher une réaction inflammatoire importante.</p></li>
<li><p>L’implant doit être le plus fin possible, voire flexible, de façon à ne pas engendrer de traumatisme trop important ou de réaction de rejet dans le cerveau lors de son insertion. De plus, à terme, la gangue de protection générée par le système nerveux peut empêcher la communication entre les électrodes et les neurones.</p></li>
<li><p>Pour enregistrer ou stimuler le plus de neurones possible, il a fallu développer des méthodes de microfabrication sur microdispositifs flexibles afin d’intégrer le plus grand nombre d’électrodes possible dans un espace très réduit. Les électrodes actuelles peuvent atteindre des tailles de l’ordre de 5 à 10 micromètres.</p></li>
<li><p>De nombreux nouveaux matériaux d’électrodes ont été développés afin de détecter les très faibles champs électriques générés par les neurones ou de les stimuler, ce que des métaux classiques comme le platine ne permettaient pas. Aujourd’hui, les performances des électrodes ont été grandement améliorées notamment grâce à l’introduction de matériaux poreux.</p></li>
<li><p>L’implant doit garder l’intégrité de ses performances électriques au cours du temps, mais les technologies flexibles actuelles sont sensibles à l’eau sur le long terme, ce qui affecte la durée de vie des implants. Ce point fait partie des verrous technologiques majeurs.</p></li>
<li><p>Afin de pouvoir se déplacer normalement en dehors d’un laboratoire ou d’un hôpital, les implants doivent pouvoir communiquer et s’alimenter en énergie, sans fils. Mais les technologies actuelles de transmission radiofréquence des signaux, lorsque les électrodes sont nombreuses, engendrent une élévation locale de la température qui est nocive pour les tissus neuronaux – autre verrou technologique majeur.</p></li>
</ul>
<h2>Les pistes pour concrétiser les interfaces cerveau-machine</h2>
<p>Pour tenter de résoudre ces problèmes, l’entreprise Neuralink a par exemple conçu un réseau d’électrodes pour stimuler ou enregistrer l’activité neuronale, réparti sur plusieurs filaments de polymère flexible qui embarquent des microélectrodes. Les matériaux utilisés sont biocompatibles et des couches de carbure de silicium permettant d’assurer l’intégrité électronique des implants <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iOWFXqT5MZ4">semblent être à l’étude</a> (un <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1741-2552/aa7698">concept issu de laboratoires de recherche</a> de l’Université de Berkeley et également en cours de développement en France dans le cadre du projet SiCNeural financé par l'ANR). Enfin, chaque filament est connecté à une puce électronique qui sert à enregistrer l’activité neuronale ou générer des impulsions électriques pour la stimulation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-symphonie-des-neurones-ou-les-mathematiques-du-cerveau-188942">La symphonie des neurones ou les mathématiques du cerveau</a>
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<p>De plus, l’entreprise développe un robot autonome capable de réaliser toutes les étapes de la chirurgie d’implantation, de la trépanation à l’insertion des implants.</p>
<p>L’insertion des implants souples dans le cerveau n’est en effet pas simple et plusieurs stratégies ont été développées par différents laboratoires, comme la rigidification temporaire de l’implant à l’aide d’un polymère résorbable, l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/admi.201901775">utilisation d’un guide rigide</a> ou d’une <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/578542v1">approche robotisée ressemblant à une « machine à coudre »</a>, également développée à Berkeley, qui enfile une aiguille dans un trou situé à l’extrémité de l’implant flexible afin de pousser l’implant dans le cerveau puis de retirer uniquement l’aiguille. Cette dernière méthode est <a href="https://www.jmir.org/2019/10/e16194">reprise par Neuralink</a>, qui la combine à un système de caméras repérant les zones de la surface du cortex non ou peu vascularisées où peuvent être insérés les implants en limitant les microsaignements.</p>
<h2>Analyser et transmettre les données, sans surchauffe</h2>
<p>Quant à la problématique de l’échauffement local dû à l’analyse et la transmission sans fil des données, deux technologies avaient jusque-là été appliquées chez l’humain.</p>
<p>La première est <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23428937/">celle de la société BlackRock Neurotech</a>, qui déporte les circuits de traitement et d’envoi des signaux au-dessus de la boite crânienne. Ceci génère des problèmes d’esthétisme mais aussi des risques d’infections à cause des fils qui courent de la peau vers le cerveau.</p>
<p>La deuxième technologie est <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/6846362">celle du laboratoire CLINATEC du CEA Grenoble</a>, qui ne collecte que des signaux ne nécessitant pas une haute précision de numérisation et n’enregistre l’information que sur un maximum de 64 électrodes simultanément. Ce laboratoire a ainsi réalisé le premier implant neuronal sans fil disposant d’autant de voies, et complètement intégré sous la peau. Il est inséré en remplacement d’une partie de l’os du crâne. Neuralink propose de son côté une puce plus petite, également insérée dans l'os du crâne, traitant plus de 1000 voies mais envoyant uniquement certaines caractéristiques des signaux neuronaux, jugées importantes grâce à des algorithmes embarqués.</p>
<p>Concernant la durée de vie des implants, il faudra encore attendre un peu pour voir si la stratégie est efficace et permet d’avoir une interface stable sur plusieurs années. Une fois cette limite dépassée, il faudra certainement s’attaquer au recueil d’un nombre encore plus grand de signaux. À l’heure actuelle, on peut estimer que la technologie Neuralink <a href="https://www.jmir.org/2019/10/e16194">peut enregistrer jusqu’à environ 3000 neurones</a> avec ses 1024 électrodes : c’est impressionnant du point de vue de l’état de l’art, mais très loin d’être suffisant pour appréhender l’immensité des signaux cérébraux.</p>
<p>Conceptuellement, malgré une très bonne miniaturisation, il sera très difficile d’atteindre l’enregistrement de millions de neurones individuels avec cette technologie sans que l’implant et la connectique associée prennent une place trop importante dans le cerveau. D’autres concepts devront peut-être être imaginés pour aller au-delà de ces limites.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196176/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Clément Hébert est membre de l'INSERM. Il a reçu des financements du programme ATIP/Avenir pour développer des implants neuronaux sans fil et sans batterie </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Blaise Yvert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De l’étude du cerveau à des applications récréatives, les interfaces cerveau-machine entre développements technologiques concrets et fantasmes.Clément Hébert, Chargé de recherche implants Neuronaux, neuroprothèses, Inserm U1216 Grenoble Institut des Neurosciences, Université Grenoble Alpes (UGA)Blaise Yvert, Directeur de recherche à l'Inserm, responsable de l'équipe Neurotechnologies et Dynamique des Réseaux, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1806132022-06-01T19:25:18Z2022-06-01T19:25:18ZEnki Bilal, aux frontières de l’humain<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466637/original/file-20220601-20-e1s3o3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1917%2C893&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Affiche de la carte blanche à Enki Bilal. </span> <span class="attribution"><span class="source">Enki Bilal</span></span></figcaption></figure><p><em>Vous avez jusqu’au 13 juin pour aller découvrir la « Carte blanche à Enki Bilal » au Musée de l’Homme à Paris. L’artiste fait résonner son œuvre avec l’exposition principale du musée : « Aux frontières de l’humain ». À cette occasion, Guillaume Lecointre, chercheur en systématique et commissaire scientifique de l’exposition nous éclaire sur les liens à tisser entre ses thématiques de recherche et l’imaginaire d’Enki Bilal.</em></p>
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<h2>The Conversation : Quels sont vos principaux sujets de recherche ?</h2>
<p><strong>Guillaume Lecointre :</strong> Je fais de la recherche sur les relations de parenté entre les poissons osseux, et sur la comparaison de leurs développements embryonnaires. J’ai aussi des thèmes de recherche sur l’exportation des outils qui permettent de découvrir les parentés et l’histoire évolutive vers des champs de connaissance comme l’ethnomusicologie ou l’histoire des sciences.</p>
<p>Par exemple, nous avons comparé les idées des savants qui ont fait l’Histoire naturelle au sujet de l’arbre du vivant, cette métaphore visuelle qui exprime l’idée d’une généalogie générale des êtres vivants.</p>
<p>Nous avons pu apparenter les auteurs entre eux, et montrer que l’on peut proposer une méthode objective et répétable des « écoles de pensée » en Histoire des sciences. En utilisant les mêmes méthodes, nous avons pu montrer qu’en comparant 53 répertoires musicaux du Gabon, la musique s’hérite verticalement, c’est-à-dire généalogiquement, alors que les ethnomusicologues pensaient plutôt qu’elles diffusaient horizontalement, c’est-à-dire qu’elles s’empruntaient.</p>
<h2>T.C. : Comment avez-vous connu l’œuvre d’Enki Bilal</h2>
<p><strong>G.L. :</strong> L’œuvre, je l’ai découverte dans le journal <em>Pilote</em> lorsque j’avais onze ou douze ans. Mais le véritable choc a été la découverte de la bande dessinée « La foire aux immortels » lorsque j’étais au lycée. Cela remonte donc à loin…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466635/original/file-20220601-68733-ktw8io.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture de <em>La foire aux immortels</em> d’Enki Bilal aux éditions Casterman.</span>
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<p>Ce choc a été esthétique et politique. J’y ai trouvé l’audace d’une vision dystopique du futur à une époque où il restait tout de même pas mal d’optimiste technophile dans la science-fiction. Je n’y ai trouvé ni science ni poésie, mais du talent, une puissante imagination et une époustouflante liberté de création en dehors des sentiers battus.</p>
<h2>T.C. : Vous parlez d’une approche naturaliste de Bilal, y voyez-vous des similarités avec votre travail ?</h2>
<p><strong>G.L. :</strong> Oui, dans les univers de Bilal le monde est changeant, incertain. Comme dans les environnements naturels. Les personnages sont fragiles, et portent les traces de leur histoire. Tout comme les espèces animales et végétales qui nous entourent. Le propos de Bilal est lucide et attentif aux changements, comme doit l’être un chercheur.</p>
<p>Les scientifiques ont pour devoir d’expliquer rationnellement et collectivement le monde réel. Le monde réel se manifeste à nous par ses changements. Tout change, tout le temps, à plus ou moins long terme. Les scientifiques font d’un rapport au réel (l’expérience, au sens large du terme) l’arbitre de leurs controverses. L’expérience consiste à agir sur le réel pour qu’il réagisse, et qu’on puisse interpréter ce qui en résulte. S’il réagit, c’est qu’il est changeant. Qui dit rapport au réel dit aussi lucidité. Avoir la conscience de ce qui se passe vraiment. Ou bien tester activement les hypothèses que nous faisons sur ce qui se passe vraiment.</p>
<h2>T.C. : Enki Bilal imagine très souvent des mélanges entre l’humain et l’animal, comment cela résonne-t-il avec votre vision de scientifique ?</h2>
<p><strong>G.L. :</strong> Les personnages de Bilal sont souvent des mosaïques dotées de pièces qui renvoient à la robotique ou à l’augmentation, et des pièces qui font explicitement référence à l’animalité. S’ils ne sont pas habités de corps étrangers…</p>
<p>Nous les historiens de la nature, nous n’humanisons pas les animaux mais en revanche nous animalisons l’humain. Reconstituer l’histoire du vivant, c’est accepter de reconnaître dans notre corps telle ou telle pièce de la mosaïque que nous partageons avec d’autres espèces, et dont nous avons hérité d’une époque donnée, par exemple nous partageons avec le requin et d’autres espèces le fait d’avoir des vertèbres, ce qui remonte à 500 millions d’années ; nous partageons avec les lémuriens le fait d’avoir un pouce opposable, ce qui remonte à 65 millions d’années ; nous partageons avec le macaque le fait d’avoir un nez, ce qui remonte à 40 millions d’années.</p>
<h2>T.C. : Y a-t-il de place pour l’imaginaire dans votre travail de scientifique ?</h2>
<p><strong>G.L. :</strong> Bien entendu ! Dans le travail d’un scientifique, il y a une phase individuelle et une phase collective. La phase individuelle inclut l’exploration, l’intuition, l’imagination. La phase collective implique l’interprétation, la confrontation, le débat, la controverse, la validation. Il est possible qu’un scientifique soit dépourvu d’imagination, et dans ce cas il appliquera des méthodes standardisées à un problème encore non résolu. C’est de la science de production. S’il a de l’imagination, c’est encore mieux : ça mène à de la science innovante.</p>
<h2>T.C. : Bilal tente d’augmenter l’humain, voire de vaincre la mort, ses idées sont-elles proches de celles des milliardaires de la Silicon Valley qui œuvrent à vaincre la mort ?</h2>
<p><strong>G.L. :</strong> S’il tente de le faire, c’est bien pour montrer la vanité du projet. Sa dernière série <em>Bug</em> montre notre dépendance dérisoire au monde numérique, devenue telle que sa disparition nous force à redevenir humains, certes d’autres humains, mais humains quand même. Pour un biologiste, la mort fait partie de la vie, et les humains pris globalement continueront pour longtemps de mourir des mêmes causes déjà anciennes : maladies parasitaires, guerres. Le transhumanisme réussira peut-être à allonger la vie de quelques riches, mais la mort ne sera pas vaincue pour autant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Lecointre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Guillaume Lecointre, chercheur en systématique et commissaire scientifique de l’exposition consacrée à Enki Bilal au Musée de l’Homme, nous parle des liens entre sa discipline et l’univers de Bilal.Guillaume Lecointre, Chercheur en systématique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1823022022-05-05T12:26:26Z2022-05-05T12:26:26ZImplants cérébraux : la délicate question de la responsabilité juridique des interfaces homme-machine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/460792/original/file-20220502-11-asya95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1450%2C800&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le film _Transcendance_, de Wally Pfister, sorti en 2014, le héros mourant transfère son esprit dans un ordinateur quantique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.critikat.com/wp-content/uploads/fly-images/51650/arton7583-1450x800-c.jpg">Wally Pfister, 2014</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, Elon Musk ne cesse de faire des annonces relatives à des avancées technologiques. <a href="https://www.capital.fr/auto/tesla-elon-musk-annonce-le-lancement-de-sa-voiture-completement-autonome-pour-juillet-1395670">Voitures autonomes</a>, <a href="https://sciencepost.fr/etapes-voyage-mars-spacex/">voyages interplanétaires</a>, <a href="https://theconversation.com/elon-musk-et-neuralink-vers-une-interface-cerveau-machine-121095">interface homme-machine</a>, achat du réseau social Twitter… rien ne semble arrêter l’homme d’affaires. Aucun obstacle technique, géographique, physiologique ne lui semble infranchissable. Pourtant, ses projets pourraient, à court terme, poser de véritables difficultés du point de vue juridique.</p>
<h2>La recherche d’une fusion entre le cerveau et l’intelligence artificielle</h2>
<p>Avec Neuralink, l’un des objectifs visés par Elon Musk est de créer une <a href="https://www.latimes.com/business/technology/la-fi-tn-elon-musk-neuralink-20170421-htmlstory.html">interface entre l’humain et la machine</a>. À plus ou moins court terme, le projet porte sur le développement d’implants cérébraux pour pallier des troubles neurologiques chez les personnes souffrant de <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/intelligence-artificielle-neuralink-premiers-essais-etre-humain-commenceront-2022-apres-elon-musk-95495/">paraplégie ou de tétraplégie</a>. À long terme, il s’agirait de placer le cerveau humain en <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/le-plan-delon-musk-pour-connecter-notre-cerveau-a-un-ordinateur-1039472">symbiose avec l’intelligence artificielle</a>.</p>
<p>Ces implants ont fait l’objet de récentes annonces : ils pourraient être expérimentés chez l’humain courant 2022, si la <em>Food and Drug Administration</em> l’autorise. Rappelons que ces promesses ne sont pas inédites : elles avaient <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/le-plan-delon-musk-pour-connecter-notre-cerveau-a-un-ordinateur-1039472">déjà été faites</a> à plusieurs reprises ces dernières années. Elles s’inscrivent par ailleurs dans un <a href="https://presse.inserm.fr/des-implants-miniatures-dans-le-cerveau-pour-retablir-la-motricite-vraiment/40736/">contexte de recherche particulièrement riche</a>, qui pointe <a href="https://theconversation.com/nos-cerveaux-resteront-ils-humains-111471">certaines limites de l’utilisation de tels implants</a>.</p>
<h2>Des interrogations autour de la notion de « personnalité juridique »</h2>
<p>La quête d’une interface entre humains et machines conduit à s’interroger sur ce qui pourrait advenir d’entités qui seraient véritablement en symbiose. La dichotomie entre les personnes et les choses persiste depuis des siècles. Elle structure le droit civil : tout ce qui n’est pas une personne est considéré comme étant une chose. Les premières sont des sujets de droit, c’est-à-dire qu’elles sont titulaires de droits et d’obligations. Les secondes sont soumises à la volonté des premières.</p>
<p>Il faudrait donc déterminer dans quelle catégorie placer ces entités reposant sur la symbiose entre l’homme et la machine. Aujourd’hui déjà, il est acquis que la « personnalité juridique » n’est pas seulement l’apanage des personnes humaines : les sociétés, par exemple, disposent de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Personne_morale">personnalité morale</a>. Elles ont ainsi des droits liés à leur personnalité juridique technique.</p>
<p>Certains proposent également de mobiliser cette construction juridique qu’est la « personnalité juridique » pour protéger les animaux.</p>
<p>Cette fiction pourrait-elle à l’avenir permettre d’accorder des droits à ces interfaces homme-machine ? Si oui, il faudrait encore déterminer de quels droits elles pourraient bénéficier. Certains droits visent en effet spécifiquement l’humain qui est en chaque individu. Les accorder à des entités mi-homme mi-machine serait un non-sens. À titre d’exemple, le respect de la dignité humaine impose de préserver l’intégrité génétique des personnes humaines. Une telle protection ne serait pas envisageable dans les mêmes termes pour ces nouvelles entités.</p>
<p>De manière plus générale, certains s’inquiètent de la <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_confusion_juridique_des_personnes_et_des_choses_xavier_labbee-9782343236124-70925.html">possible confusion juridique entre personnes et choses</a>.</p>
<h2>Le corps, accessoire de la machine</h2>
<p>À l’instar de l’hybride entre l’homme et l’animal, l’hybride entre l’homme et la machine serait une sorte de chimère, c’est-à-dire, un être composé de parties disparates formant un ensemble sans unité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/implants-cerebraux-la-nature-humaine-remise-en-question-136584">Implants cérébraux : la nature humaine remise en question</a>
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<p>Une telle hybridation interroge les limites de la personnalité juridique. Si la partie technologique de l’entité intervient dans des proportions très importantes, il paraît difficilement concevable de lui attribuer la personnalité juridique dans les mêmes termes qu’à la personne humaine. Surtout, si le corps humain ne devient que le support de la machine, dirigée par l’intelligence artificielle, cette entité disposerait-elle toujours de la personnalité juridique ? Suivant la règle selon laquelle l’accessoire suit le principal, le corps, accessoire de la machine, devrait répondre au même régime : cette entité, même en disposant d’un corps humain, serait une chose, non une personne.</p>
<h2>La particularité des implants cérébraux</h2>
<p>Les implants cérébraux développés dans le cadre de Neuralink ne peuvent pas être traités comme n’importe quelle prothèse qui serait implantée dans le corps humain. Certes, le projet traite aujourd’hui de l’utilisation d’implants à des fins thérapeutiques.</p>
<p>Mais de tels implants pourraient, à l’avenir, devenir le siège de capacités cognitives nouvelles. La méfiance doit être de mise à l’heure où les voitures autonomes, déjà développées par le multimilliardaire, sont en cause dans des <a href="https://www.actuia.com/actualite/le-systeme-semi-autonome-autopilot-de-tesla-au-centre-dun-enquete-federale-suite-a-de-multiples-accidents/">accidents de la circulation induits par des dysfonctionnements de l’intelligence artificielle</a>.</p>
<p>Surtout, si les décisions ne sont pas prises de manière autonome par la personne humaine, mais plutôt supplantées par l’intervention de l’intelligence artificielle, cette dernière ne devrait-elle pas être titulaire de droits et, surtout, d’obligations ? Pourtant, dès lors qu’il ne s’agit que d’une chose, elle n’est qu’objet de droit.</p>
<h2>La crainte d’un glissement dans l’usage des implants cérébraux</h2>
<p>En somme, l’expérimentation d’implants cérébraux à des fins thérapeutiques est une chose, leur utilisation à des fins de symbiose entre l’homme et la machine en est une autre. Ces deux situations doivent être distinguées car elles ne répondent pas aux mêmes règles de droit.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/humanisme-posthumanisme-transhumanisme-de-quoi-parle-t-on-exactement-152510">Humanisme, posthumanisme, transhumanisme : de quoi parle-t-on exactement ?</a>
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<p>Dans le premier cas, les implants pourraient être regardés comme des dispositifs médicaux, expérimentables sur l’homme, à des fins d’amélioration de sa santé. Dans le second cas, il s’agirait d’opter pour une augmentation des capacités humaines et donc, de s’inscrire dans le courant transhumaniste auquel Elon Musk semble appartenir. La difficulté qui se pose donc aujourd’hui face aux projets du multimilliardaire est donc de freiner de telles velléités transhumanistes. Menées à bien, ces ambitions poseraient de sérieuses difficultés en termes d’attribution de la personnalité juridique et, par conséquent, de responsabilité s’agissant des actes qui pourraient être réalisés par ces entités mi-homme mi-machine.</p>
<h2>La multiplication des risques par l’usage des technologies</h2>
<p>Plus encore, qu’adviendrait-il en cas de biohacking de l’implant ? Déjà, la série <a href="https://www.allocine.fr/series/ficheserie_gen_cserie=24797.html"><em>Biohackers</em></a> a permis de souligner que les progrès scientifiques pouvaient conduire à des manipulations du génome <a href="https://criminogonie.hypotheses.org/216">à des fins criminelles</a>.</p>
<p>Dans le cas de l’implantation cérébrale de puces disposant d’une intelligence artificielle, le hacking pourrait être particulièrement dangereux. Certains estiment d’ailleurs qu’une <a href="https://datascientest.com/hackers-intelligence-artificielle-arme">intelligence artificielle hackée serait une arme</a>, permettant l’essor du cybercrime.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Roumeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les implants cérébraux à visée transhumaniste posent plus de questions qu’ils n’en résolvent. Éclairage juridique.Elise Roumeau, Docteur et ATER en droit privé à l'Université Clermont Auvergne - Centre Michel de l'Hospital, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1787332022-03-10T20:29:08Z2022-03-10T20:29:08ZLa menace nucléaire agitée par Poutine réactive notre conscience de la finitude<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450673/original/file-20220308-27-t5gnkz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C42%2C1278%2C868&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Avec la guerre en Ukraine, des problèmes que nous pensions surmontés depuis longtemps ont refait leur apparition.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/radioactif-attention-panneaux-1361418/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nous avons, du fait des circonstances, des plus locales aux plus vastes l’occasion de reprendre clairement conscience du fait que nous sommes mortels. Dans un contexte de crise climatique et deux ans après le début de la pandémie de Covid-19, le monde s’inquiète désormais de voir le président russe Vladimir Poutine agiter la menace de l’arme nucléaire en Ukraine et des conséquences de fin du monde qui en découleraient.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1499014218149945346"}"></div></p>
<p>Redécouvrir vraiment que nous sommes mortels pourrait sembler une catastrophe, et c’est tout le contraire. Voici pourquoi : croire que nous sommes immortels, c’est se tromper fondamentalement sur nous-mêmes.</p>
<p>Nos habitudes de faire l’autruche ont la vie dure. Nous avons cru pendant quelques décennies que nous avions dépassé les problèmes les plus importants. Nous sommes devenus hyper-consommateurs, nous parions sur les nouvelles technologies et l’« intelligence artificielle ».</p>
<p>À l’image d’Elon Musk qui promet les premières implantations de puces dans les cerveaux humains dans l’année, nous résistons difficilement aux promesses d’immortalité du transhumanisme, sans réflexion sur ce que cela signifie ou signifierait si l’on rêve à une immortalité acquise grâce aux biotechnologies, entre autres.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1489185090571628544"}"></div></p>
<p>La recherche du profit à tout crin a aussi de son côté la vie dure. Nous ne jurons que par les marchés et une économie d’entrepreneurs et de start-up. Ceci malgré une crise du climat gigantesque et les conflits de toute part, y compris en Europe… Nous sommes forts pour nous bercer d’illusions. Et nous continuons le plus souvent nos routes comme si de rien n’était.</p>
<p>Nous rêvions d’un contrôle et d’une transparence totale du réel. Jusqu’à l’ivresse. L’ivresse non plus d’un rêve d’immortalité, pis : d’une présupposition d’immortalité. Nous nous posons des problèmes d’immortels. Or nous sommes mortels, le monde tel qu’il devient nous le redit assez.</p>
<p>Mais nous nous entêtons dans ce que l’on a emmagasiné de croyances notamment depuis 1989, depuis ce moment où a pu être crédible un temps le principe « TINA », pour « There is no alternative » (il n’y a pas d’alternative). Sous-entendu, il n’y a pas d’alternative au libéralisme à tout crin, aux nouvelles technologies, à la présupposition que nos corps sont infiniment plastiques, et que l’on peut, sur tous les plans allant de la santé au sexe, en faire absolument ce que l’on veut.</p>
<h2>Idéologies d’aujourd’hui</h2>
<p>Comme le disait Jacques Brel, nous nous posons des problèmes d’immortels, alors que nous sommes mortels, et nous avons envie de l’oublier. Mais le redécouvrir a du bon, et plus encore : notre désir d’immortalité entraîne un déni de réalité des autres et de nous-mêmes. Redécouvrir que nous sommes mortels nous éveille de nouveau aux autres, et à nous-mêmes.</p>
<p>Reconnaître notre vulnérabilité et notre finitude a d’abord pour effet la redécouverte du sens de la solidarité. Cela nous ouvre à faire désormais plus attention aux autres que ce qui est de coutume. Par exemple à nos prédécesseurs, aux personnes âgées.</p>
<p>Ces dernières semaines, les cas de maltraitances dans les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), révélées dans le livre <em>Les Fossoyeurs</em> du journaliste Victor Castanet, sont venus rappeler cruellement que le sort des personnes âgées est de plus en plus massivement celui de l’isolement et de l’épuisement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ehpad-et-maltraitance-comment-sortir-de-la-crise-176045">Ehpad et maltraitance : comment sortir de la crise ?</a>
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<p>Rien qu’à observer ce que nous devenons à vivre ainsi, nous devrions avoir la lucidité d’endiguer à la racine les illusions d’immortalité qui nous taraudent, nous fascinent, nous font perdre tout sens de la réalité, de la réflexion, et du sens de nos vies.</p>
<p>Reconnaître notre finitude nous aide à nous dessiller le regard sur notre situation. En nous réapprenant l’honnêteté, le sens de la contradiction, et la complexité du monde.</p>
<p>Jusqu’ici, pris dans une ère de surconsommation, de course de plaisir en plaisir, de nouveaux produits en nouveaux produits, nous étions en pleine contradiction. Car tout en surconsommant de tout, nous étions capables de clamer que nous nous inquiétons du climat, des crises géopolitiques en cours et à venir, de l’environnement, des questions de santé publique, de la défense des libertés.</p>
<p>Bref, de toutes sortes de choses qui font les idéologies d’aujourd’hui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1500713868678639616"}"></div></p>
<p>Savoir que l’on est mortel, le savoir vraiment, est une chance : celle de saisir chaque instant tel qu’il s’offre, totalement.</p>
<p>La prise de conscience de notre mortalité est sans doute à la racine du sens même de nos vies. Nous étions en train de l’oublier plus que jamais. Du fait des illusions que favorisent les nouvelles technologies avec la kyrielle indéfinie des « mondes » virtuels qu’elles rendent possibles. Mais les mondes virtuels ne sont que virtuels. Ils ne sont pas les mondes de la vraie vie et de la vraie mort. Or jusqu’à nouvel ordre à tous égards, nous n’avons vous et moi qu’une vie qui nous soit connaissable, ici et maintenant. Et nous n’aurons toutes et tous qu’une mort.</p>
<h2>Le temps du seul essai</h2>
<p>La plus heureuse des morts est sans doute du style de celle d’un homme comme Emmanuel Kant, qui a eu le temps de prendre conscience qu’il allait mourir, et juste avant, d’éprouver et de dire : « es ist gut » (« c’est bien »). C’est bien, c’est-à-dire : j’ai vécu comme je pensais qu’il fallait tenter de vivre. J’ai à la fois fait ce que je devais tenter de faire, et véritablement vécu.</p>
<p>Le temps d’un essai. Le temps du seul essai qui nous soit donné sur cette Terre, aussi fait soit-il de multiples étapes, découvertes, tentatives. Encore faut-il pour que l’essai soit composé de véritables tentatives, vivre pleinement ces dernières. Comme si c’était à chaque fois la dernière fois. Chaque jour le dernier jour. Alors chaque jour est intensément vécu, éprouvé, accueilli, d’autant plus riche.</p>
<p>Un proverbe tibétain dit qu’il faut vivre chaque jour comme si c’était le dernier, et apprendre comme si l’on en avait pour l’éternité :</p>
<blockquote>
<p>« Apprends comme si tu devais vivre pour toujours et vis comme si tu devais mourir ce soir ».</p>
</blockquote>
<p>Nous, nous inversons les choses. Nous vivons comme si l’on savait tout. Il est grand temps que nous réapprenions que c’est « lorsque notre propre mort (nous)… dit quelque chose », que nous commençons à vivre, comme le dit le philosophe Alexandre Kojève. Nous accomplissons alors pleinement notre humanité. On vit alors chaque jour comme si c’était le dernier, en apprenant comme si cela n’allait jamais s’arrêter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/2022-ah-cueillir-le-bonheur-174299">2022 : Ah… cueillir le bonheur !</a>
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<p>Si malheureusement les circonstances actuelles, dont la situation politique, nous réveillent, on peut se dire qu’en un certain sens c’est une chance à saisir. Il y a parmi les humains, certaines et certains dont le métier est de cultiver le sens du présent ici et maintenant, qui le recréent plus intensément que quiconque : les artistes. Nous avons intérêt à nous mettre à l’écoute de ceux d’entre eux que nous aimons, si nous voulons réapprendre à vivre.</p>
<p>Pour qu’il ne soit jamais, comme le craignait Aragon, trop tard.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de conscience de notre mortalité est sans doute à la racine du sens même de nos vies. Nous étions en train de l’oublier.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1682952021-10-03T17:01:57Z2021-10-03T17:01:57ZArmes autonomes et soldats augmentés : quel impact sur les valeurs des armées ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/422392/original/file-20210921-21-1a8f1kb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1440%2C1017&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Testé durant la guerre civile syrienne, le drone terrestre Uran-9&nbsp;sera le cœur des unités de combat robotiques russes nouvellement créées. Bardé d’armements et de capteurs, il est destiné à prendre la place des hommes sur le champ de bataille.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ministère de la Défense de la Fédération de Russie</span></span></figcaption></figure><p>La Russie vient d’annoncer la <a href="https://jamestown.org/program/moscow-forming-first-robotic-military-units/">création d’une nouvelle unité de combat robotique</a> constituée de véhicules terrestres sans pilote Uran-9 qui, testés au combat en Syrie, ont affiché des <a href="https://www.businessinsider.fr/us/russias-uran-9-robot-tank-performed-horribly-in-syria-2018-7">résultats mitigés</a>. Par ailleurs, une version expérimentale, également sans pilote, du char T-14 Armata est en cours de développement ainsi que de <a href="https://airrecognition.com/index.php/archive-world-worldwide-news-air-force-aviation-aerospace-air-military-defence-industry/global-defense-security-news/2019-news-aerospace-industry-air-force/october/5544-altius-and-okhotnik-drones-to-enter-state-aviation-register.html">nouveaux drones à longue portée dénommés Okhotnik et Altius</a>.</p>
<p>Ces avancées sur les <a href="https://www.dems.defense.gouv.fr/cdem/productions/biblioveilles/systemes-darmes-letales-autonomes-sala">systèmes d’armes létales autonomes (SALA)</a> ont une forte charge de projection de puissance à l’international mais leur déploiement dans des unités de combat reste encore exceptionnel. Cependant, ces évolutions constituent l’avant-garde d’autres projets qui, connus sous le nom d’<a href="https://www.penseemiliterre.fr/le-soldat-augmente-quels-enjeux-pour-l-armee-de-terre-_114473_1013077.html">« homme augmenté »</a> (ou <em>Human enhancement technologies</em>, HET), ont pour but d’accroître les capacités des combattants.</p>
<p>À ce jour, si ces systèmes ne sont pas ou peu déployés, ils soulèvent déjà nombre d’interrogations sur ce que seront les champs de bataille du futur. Ainsi, on pense facilement à des améliorations comme les <a href="https://army-technology.com/features/us-army-exoskeletons/">exosquelettes</a>, qui relevaient encore récemment de la science-fiction mais sont aujourd’hui <a href="https://forbes.com/sites/vikrammittal/2020/08/17/military-exoskeletons-science-fiction-or-science-reality/">techniquement réalisables</a>. Encore très perfectibles et sujets de nombreuses questions, ces systèmes ne font pas l’unanimité.</p>
<h2>Des questionnements pour les SALA</h2>
<p>L’enjeu des SALA est loin d’être anecdotique. En France, ce sujet a déjà fait l’objet d’un rapport d’information de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b3248_rapport-information">l’Assemblée nationale</a> qui précédait de quelques mois celui sur <a href="https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/communique_le-comite-d-ethique-de-la-defense-publie-son-rapport-sur-l-integration-de-l-autonomie-des-systemes-d-armes-letaux">l’intégration de l’autonomie des systèmes d’armes létaux au comité d’éthique de la défense</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"622488890566438912"}"></div></p>
<p>Après que la Russie a annoncé la création de son unité de combat robotique, les États-Unis <a href="https://breakingdefense.com/2021/04/inside-russias-robot-army-rhetoric-vs-reality/">ont répliqué</a> que l’automatisation du champ de bataille exige une retenue éthique qui risquait de fait défaut à la Russie et à la Chine. Cependant, à l’instar des Occidentaux, la Russie souligne la nécessité qu’un humain conserve la maîtrise du recours à la force létale et n’envisage pas de déléguer cette décision à un quelconque système automatisé.</p>
<p>Il reste que, en dépit de ces propos rassurants, la crainte de voir la Russie changer de portage et autoriser la prise de décision hors du contrôle humain dans le temps est réelle. Cette crainte est d’autant plus forte que la nouvelle génération de drones, comme les Okhtonik et Altius, pourrait être équipée d’une IA embarquée pour la sélection, l’identification et même la destruction de cibles.</p>
<p>Une autre mutation majeure du champ de bataille, le soldat augmenté, soulève autant de questions qu’elle suscite d’inquiétudes.</p>
<h2>Et des enjeux pour les hommes augmentés</h2>
<p>Les soldats augmentés peuvent être <a href="https://finabel.org/the-bio-enhanced-soldier-in-international-law-classification-and-obligations/">définis</a> comme le résultat de l’amélioration artificielle des capacités humaines par le développement technologique à des fins de guerre. Si tous les projets qui augmentent les capacités humaines n’aboutiront pas, loin s’en faut, ils ne relèvent plus de la seule science-fiction et soulèvent de nombreuses interrogations.</p>
<p>L’une d’elles porte sur <a href="https://digital-commons.usnwc.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1695&context=ils">l’encadrement international de la technologie militaire</a>, à savoir le droit des conflits armés et les droits de l’homme. Il appartiendra au législateur de définir les droits de ces individus et leur responsabilité pour les actions qu’ils entreprennent munis de ces équipements.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=251&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=251&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=251&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=316&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=316&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/422388/original/file-20210921-15-1qkoaw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=316&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Quelle est la responsabilité exacte de Bucky Barnes pour ce qu’il fait de son bras mécanique ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">The Walt Disney Company France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En termes de R&D, ces évolutions orienteront les activités d’une recherche qui deviendra prioritaire et devra <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1440244020307866">s’adapter en fonction des besoins et des exigences futurs</a>. Dans tous les cas, ces recherches devront être particulièrement scrutées au regard des normes de l’éthique biomédicale, notamment en ce qui concerne les expérimentations sur des sujets humains déjà visées par le <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-codenuremberg-tradamiel.pdf">Code de Nuremberg</a>, la <a href="https://www.cairn.info/revue-laennec-2002-1-page-44.htm">Déclaration d’Helsinki</a> ou encore la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000508831/">loi Huriet</a> en France.</p>
<p>Ces enjeux sont tout particulièrement importants alors que plusieurs pays s’engagent résolument dans cette voie : en témoignent la mise en œuvre par le Royaume-Uni de son projet <a href="https://www.gov.uk/government/publications/advanced-research-and-invention-agency-aria-statement-of-policy-intent/advanced-research-and-invention-agency-aria-policy-statement">Advanced Research and Invention Agency</a> (Aria), le <a href="https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/communiques/communique_le-comite-d-ethique-de-la-defense-publie-son-avis-sur-le-soldat-augmente">récent rapport</a> du comité d’éthique sur le soldat augmenté, le <a href="https://www.darpa.mil/program/safe-genes">programme Safe Genes</a> de la <a href="https://www.darpa.mil/">Defense Advanced Research Projects Agency américaine</a> (DARPA) ou encore les suspicions qui <a href="https://www.nbcnews.com/politics/national-security/china-has-done-human-testing-create-biologically-enhanced-super-soldiers-n1249914">pèsent sur la Chine</a>, soupçonnée de procéder à des expérimentations humaines pour créer des soldats biologiquement améliorés.</p>
<p>Mais outre ces sujets de première importance, l’impact des améliorations neurales et physiques humaines est encore plus vaste : il porte également en lui des conséquences pour l’armée qui risque de devoir adapter ses valeurs et son identité à ces révolutions technologiques.</p>
<h2>L’identité de l’organisation et le corpus de valeurs</h2>
<p>En effet, les armées disposent d’une identité très affirmée, structurée autour de valeurs fortes concourant à rendre prévisible le comportement des militaires qui y adhèrent. Ces valeurs sécurisent l’organisation et facilitent l’exercice du commandement au point qu’il est possible de dire qu’il n’y aurait <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=W9BsFQf834wC">pas de management sans valeurs</a>.</p>
<p>De même, elles facilitent pour les hommes <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1162908820300566">l’affrontement de situations extrêmes</a> (imprévisibles, évolutives et risquées). Elles leur permettent aussi de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=nz1RT-xskeoC&oi=fnd&pg=PR7&dq=weick">réordonner le chaos ambiant et d’améliorer leur processus de prise de décision</a>.</p>
<p>Dans le cas des armées, leur corpus de valeurs pourrait être affecté par des avancées technologiques qui donneraient naissance au soldat augmenté. En effet, il sera plus délicat de valoriser le goût de l’effort quand un exosquelette permettra de soulever de lourdes charges sans effort et sans entraînement. Dans la même logique, des configurations de combat à distance faisant appel à des SALA écorneront probablement la mythologie du héros dans sa forme actuelle puisqu’il minimiserait le risque physique et la portée de l’action héroïque réalisée par les militaires.</p>
<p>Au-delà de ces quelques exemples, ces avancées technologiques, qui progressent à une vitesse exponentielle, soulèvent de très nombreuses questions, tant éthiques que bioéthiques. En outre, elles interrogent autant les législations internes que le droit international. Enfin, il semble inévitable que ces innovations impacteront l’armée en tant que structure mais aussi dans son mode de management. De fait, le déploiement de ces technologies risque d’en fragiliser l’équilibre et de la contraindre à adapter ses pratiques managériales, comme les processus de diffusion des valeurs qui façonnent son identité et participent à sécuriser le déploiement de ses stratégies sur les théâtres d’opérations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Dugoin-Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré les questions éthiques, la course à l’automatisation du combat fait rage parmi les armées du monde. Mais ces nouvelles armes pourraient bien déstabiliser les systèmes de valeurs militaires.Christine Dugoin-Clément, Analyste en géopolitique, membre associé au Laboratoire de Recherche IAE Paris - Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, chaire « normes et risques », IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1663732021-08-18T18:45:48Z2021-08-18T18:45:48Z« Un monde nouveau » : écoutez l’émission sur les fantasmes autour du cerveau amélioré<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/416770/original/file-20210818-13-1lldvfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1934%2C1373&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'artiste Neil Harbisson (ici en 2012) se définit comme cyborg : l'antenne sur son crâne lui permet de capter les couleurs sous forme de sons.</span> <span class="attribution"><span class="source">Flávia de Quadros/indicefoto.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Parviendra-t-on un jour à réparer le cerveau, grâce à des implants crâniens ou des prothèses, comme le rêve l’hétéroclite courant transhumaniste ? La recherche dans ce domaine existe, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres… L’idée même soulève toutefois déjà d’importantes questions scientifiques, éthiques et philosophiques.</p>
<p>D’un côté, certaines sociétés, comme Neuralink (de l’entrepreneur milliardaire touche-à-tout Elon Musk, transhumaniste affiché), veulent nous projeter dans un avenir où un large public aura accès à ce genre de technologies riche en promesses ludiques sinon provocantes.</p>
<p>De l’autre, laboratoires et institutions se penchent sur la recherche fondamentale, de la compréhension du cerveau aux applications médicales en passant par les moyens de faire communiquer nos cellules avec des objets…</p>
<p>Où s’arrête le réel, où commence le fantasme, que peut-on déjà faire aujourd’hui, quelles sont les difficultés… Voilà les points que nous évoquons dans le cadre de l’émission « Un monde nouveau » sur France Inter.</p>
<p>Ne manquez pas l’épisode <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/un-monde-nouveau/un-monde-nouveau-du-mercredi-18-aout-2021">ici</a>.</p>
<p>Et pour aller plus loin, retrouvez notre dossier :</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/elon-musk-le-singe-et-les-trois-cochons-une-fable-transhumaniste-164418">Elon Musk, le singe et les trois cochons : une fable transhumaniste ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Elon Musk sur la scène de présentation de résultat de sa société Neuralink" src="https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416774/original/file-20210818-25-19jnerk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=491&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Elon Musk à la présentation Neuralink d’août 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steve Jurvetson</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/vers-les-protheses-de-cerveau-quand-neurones-artificiels-et-naturels-dialoguent-141793">Vers les prothèses de cerveau : quand neurones artificiels et naturels dialoguent</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Neurone actif" src="https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416776/original/file-20210818-27-3ab4oz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comment faire communiquer nos neurones avec des objets ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">T. Ahmed, A. Buonanno, National institute of Child Health and Human Development, National Institutes of Health</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/nos-cerveaux-resteront-ils-humains-111471">Nos cerveaux resteront-ils humains ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cerveau « nébulaire »" src="https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416778/original/file-20210818-21-5pujrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Quelles seront les conséquences d’apporter des modifications à notre cerveau ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ivan</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/medecine-personnalisee-modeliser-le-cerveau-pour-mieux-soigner-146630">Médecine personnalisée : modéliser le cerveau pour mieux soigner</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416779/original/file-20210818-15-1mmhn14.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Reconstruction de neurones en 3D.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ZEISS Microscopy</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2><a href="https://theconversation.com/derriere-la-prise-de-smart-drugs-une-experimentation-sociale-sauvage-50169">Derrière la prise de « smart drugs », une expérimentation sociale sauvage</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416781/original/file-20210818-13-1aqldjd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Beaucoup tentent de détourner certains médicaments de leur usage initial pour essayer d’améliorer leurs capacités cognitives.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marco Verch</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/166373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À travers une série d’articles, nos auteurs reviennent sur les fantasmes qui entourent l’amélioration de nos capacités cognitives. On ne peut (pas) encore faire n’importe quoi avec notre cerveau.Émilie Rauscher, Journaliste rubrique Santé The Conversation, The Conversation FranceLionel Cavicchioli, Journaliste scientifique, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1611312021-07-01T20:05:30Z2021-07-01T20:05:30Z« Sexualités, un regard philosophique » : La technologie, une menace pour le « masculin » et le « féminin » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401378/original/file-20210518-3808-x8nvku.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C3%2C1270%2C762&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les nouvelles technologies ne doivent pas nous faire oublier la question du sens que l’on veut leur donner.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>« In extenso », des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
<hr>
<p>Mouvement NoGender, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, et même bébés génétiquement modifiés en Chine, voire transhumanisme… Les sexualités n’ont jamais semblé autant bouleversées qu’aujourd’hui, ni les débats aussi vifs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Phénoménologie des sexualités : la modernité et la question du sens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions L’Harmattan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le philosophe Laurent Bibard, auteur d’une <em>Phénoménologie des sexualités</em> aux Éditions L’Harmattan, l’évolution de la conception des notions de « féminin » et de « masculin » au travers de l’histoire peut permettre de mieux saisir les enjeux actuels.</p>
<p>Matrice de la vie politique ou encore économique, les sexualités, éclairées tant par les lumières de la pensée occidentale qu’orientale, doivent, selon lui, nous aider à comprendre qui nous sommes et le sens de ce que nous voulons être.</p>
<p>Et à l’avenir ? Dans ce dernier épisode, c’est l’existence même des notions de « masculin » et « féminin » qui est interrogée. Si le processus de disparition de celles-ci est en route, est-il pour autant souhaitable de le conduire à son terme ? Que penser d’ailleurs du transhumanisme ? Pour le philosophe Laurent Bibard, la question du sens, notion qui a trait à notre corps, ne doit pas être oubliée.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/60b88c63b14cc8001a5cc603?cover=true" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p><em>Conception, Thibault Lieurade. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le transhumanisme signifie-t-il la fin de la reproduction sexuée ? Quelles conséquences pour les genres ? L’essor des machines ouvre de nombreuses questions sur le devenir des sexualités.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Thibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1611262021-06-03T19:51:15Z2021-06-03T19:51:15Z« Sexualités, un regard philosophique » : le féminin et le masculin, clés de compréhension du monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401678/original/file-20210519-17-1oa7uk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C998%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous sommes tous jusqu’ici nés d’une femme, et issus d’une relation, si ce n’est hétérosexuelle, à tout le moins hétérosexuée féconde.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>« In extenso », des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
<hr>
<p>Mouvement NoGender, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, et même bébés génétiquement modifiés en Chine, voire transhumanisme… Les sexualités n’ont jamais semblé autant bouleversées qu’aujourd’hui, ni les débats aussi vifs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Phénoménologie des sexualités : la modernité et la question du sens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions L’Harmattan</span></span>
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<p>Pour le philosophe Laurent Bibard, auteur d’une <em>Phénoménologie des sexualités</em> aux Éditions L’Harmattan, l’évolution de la conception des notions de « féminin » et de « masculin » au travers de l’histoire peut permettre de mieux saisir les enjeux actuels.</p>
<p>Matrices de la vie politique ou encore économique, les sexualités, éclairées tant par les lumières de la pensée occidentale qu’orientale, doivent, selon lui, nous aider à comprendre qui nous sommes et le sens de ce que nous voulons être.</p>
<p>Quelle place pour le « féminin » et le « masculin » dans une époque marquée par la croyance dans le pouvoir de la technologie pour contrôler la nature ? Comment peuvent-elles offrir des clés d’analyse pertinentes pour comprendre notre monde ? Éléments de réponse dans ce premier épisode.</p>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="10/" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p><em>Conception, Thibault Lieurade. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La présupposition contemporaine du contrôle de la nature par les technologies a tendance à nous faire oublier que nous sommes, femmes et hommes, faits de féminin et de masculin.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Thibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1525102021-02-10T20:47:33Z2021-02-10T20:47:33ZHumanisme, posthumanisme, transhumanisme : de quoi parle-t-on exactement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/383595/original/file-20210210-19-da7l05.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C5979%2C3998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les transhumanistes comptent sur la technologie pour sortir l’être humain de sa condition.</span> </figcaption></figure><p>Le débat autour du transhumanisme s’est instauré initialement dans un véritable climat de panique morale. Les transhumanistes eux-mêmes et leurs partisans laissaient entendre qu’ils étaient porteurs de promesses inédites, mais <a href="https://www.nickbostrom.com/old/transhumanism.html">qui ne se réaliseraient qu’au prix de transgressions inouïes</a>. C’est pourquoi les réactions des commentateurs ont été le plus souvent <a href="http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=853">négatives et même virulentes</a>.</p>
<p>On a affirmé que le projet transhumaniste était dangereux, illusoire et d’ailleurs irréalisable ; qu’il n’était rien d’autre qu’une préméditation de crime contre l’humanité ou qu’une mise en condition pour la robotisation universelle ; qu’il était le symptôme d’une simplification de l’humain, réduit à son seul cerveau ; qu’il dissimulait, plutôt mal, des intérêts économiques et sociaux inavouables ; qu’il y avait plus urgent à faire, dans un monde dévasté par la misère, la guerre, les urgences environnementales et les inégalités, que de faire advenir des formes de vie futures ; et ainsi de suite.</p>
<p>Aux prophéties des uns semblaient répondre les diatribes des autres. La situation s’est toutefois décantée et apaisée. Les transhumanistes eux-mêmes ont « réduit la voilure » en se rendant compte qu’il n’était peut-être pas très intelligent de prédire l’abolition de l’humanité au profit de posthumains dotés de superpouvoirs ; quant à leurs adversaires, ils se sont donné la peine de lire un corpus plus complexe et plus subtil qu’ils le pensaient.</p>
<p>Parallèlement aux recherches sur le <em>human enhancement</em> (l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=2s6GZ5vkYmU">« augmentation »</a> de l’être humain), on a de plus en plus admis que le projet transhumaniste est de promouvoir un <em>enhancement</em> radical et des programmes de recherche universitaires ont été développés pour l’évaluer en ce sens. On peut signaler aussi des travaux d’ordre historique ou généalogique visant à retrouver des thèses et des propositions transhumanistes chez des auteurs divers : science-fiction, marge des publications scientifiques, idéologies, etc.</p>
<p>Nous en sommes maintenant à un point où il est devenu possible de présenter de façon claire un certain nombre de thèses identifiables, constituant un programme transhumaniste. Nous nous proposons de le faire en procédant de façon comparative et en interprétant le transhumanisme non seulement par son rapport à l’humanisme, mais aussi par son rapport à la technique.</p>
<h2>Transhumanisme ou post-humanisme ?</h2>
<p>En premier lieu, il faut distinguer le transhumanisme du posthumanisme, même si des rapprochements sont possibles. On pourrait croire, en effet, que le transhumanisme et le posthumanisme sont deux façons de se situer par rapport à l’humanisme hérité du passé. C’est bien le cas, mais il faut se garder d’une lecture naïve qui instaurerait une fausse symétrie. Précisons. Dans les deux cas, on a le terme « humanisme », préfixé. On pourrait alors considérer que c’est le sens du préfixe qui va faire la différence et raisonner ainsi :</p>
<ul>
<li><p>Le préfixe « post » signifie en latin « ce qui vient après ». Le posthumanisme est donc un programme visant à établir des valeurs et des normes pour ce qui vient après l’humanisme.</p></li>
<li><p>Le préfixe « trans » signifie en latin « ce qui va au-delà ». Le transhumanisme est donc un programme visant à établir des valeurs et des normes destinées à aller au-delà de l’humanisme.</p></li>
</ul>
<p>Dans ces conditions le posthumanisme serait pour l’essentiel positif : il porterait plus avant le potentiel de libération des technologies (surtout des biotechnologies) et reprendrait à son compte l’aspiration humaine immémoriale à une existence plus épanouie, plus féconde, libérée de fléaux tels que la maladie, la mort prématurée, la misère, etc. </p>
<p>Au contraire, le transhumanisme, serait un posthumanisme qui va trop loin, faute de savoir où s’arrêter : là où l’on peut légitimement attendre des techniques qu’elles viennent améliorer le sort d’une humanité laissée inchangée pour l’essentiel, même si ses capacités sont augmentées, les transhumanistes voudraient livrer l’homme à la technique, dans le cadre d’un <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/la-revolution-transhumaniste/9782259249157">projet dément d’effacement de toutes les frontières</a> (Luc Ferry). Cela revient à faire du transhumanisme une adhésion à la technique à ce point de recul critique qu’elle négligerait tout garde-fou ; et du post-humanisme une version contemporaine de l’ambition moderne par excellence : se rendre comme maître et possesseur de la nature.</p>
<p>En réalité, le posthumanisme est une posture de défiance envers les valeurs et les normes de l’humanisme des Lumières. Il se manifeste chez des auteurs qui estiment que l’être humain n’est pas un îlot de liberté et d’autonomie au sein d’un univers soumis de part en part à la causalité physique et qui soulignent (et célèbrent) par conséquent, le mélange, l’hybridation, l’entre-deux, se plaisant à pointer les illusions de ceux qui croient à des essences stables, au premier rang desquelles l’essence de l’être humain. En un mot, les posthumanistes pensent que <em>nous sommes déjà des posthumains</em> pour autant que nous n’adhérons plus à la vision du monde sous-tendue par l’<em>humanisme</em>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fyANS_VcfVc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le transhumanisme procède de façon très différente. Il estime que l’évolution darwinienne procède trop lentement et que la condition biologique des êtres humains qu’elle a mise en place <a href="https://transhumanistes.com/evolution-naturelle-ou-evolution-technologique/">est largement insatisfaisante</a>. Capacités sensorielles et intellectuelles limitées ; soumission de l’individu à des émotions mal contrôlées et potentiellement destructrices ; éventualité de la maladie et inévitabilité de la vieillesse, puis de la mort : autant de limites dont il est théoriquement possible de s’affranchir. </p>
<p>Un point essentiel est que cette libération est attendue de la technique et non des secours de la religion ou de la sagesse. Les transhumanistes pensent que <em>nous avons à devenir des posthumains</em> et que nous le deviendrons en nous défaisant de l’héritage biologique qui est celui de l’<em>humanité</em>, par la prise en main de notre propre évolution.</p>
<h2>Transhumanisme : à la recherche de précurseurs</h2>
<p>Les auteurs représentatifs du posthumanisme (<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/N._Katherine_Hayles">Kathy Hayles</a>, <a href="https://it.wikipedia.org/wiki/Roberto_Marchesini">Roberto Marchesini</a>, <a href="https://english.rice.edu/faculty/cary-wolfe">Cary Wolfe</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Donna_Haraway">Donna Haraway</a>, <a href="https://rosibraidotti.com/about/">Rosi Braidotti</a>) prétendent se défaire de l’humanisme, non pas au sens où ils le considéreraient comme une doctrine à affronter, mais au sens où il s’agit d’un mode de pensée qui a – pour l’essentiel – épuisé ses possibilités. Les auteurs représentatifs du transhumanisme (<a href="https://www.ox.ac.uk/news-and-events/find-an-expert/professor-nick-bostrom">Nick Bostrom</a>, <a href="https://www.kurzweilai.net/">Ray Kurzweil</a>, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Max_More">Max More</a>, <a href="https://www.fhi.ox.ac.uk/team/anders-sandberg/">Anders Sandberg</a>) prétendent incarner un nouvel humanisme, libéré des superstitions et des conservatismes comme celui des Lumières, mais plus conséquent et plus radical que lui. C’est pourquoi ils se cherchent, non sans une certaine naïveté, des précurseurs.</p>
<p>Le but de la manœuvre n’est pas seulement de conférer une légitimité à une entreprise qui, autrement, ne s’autoriserait que d’elle-même. Il est aussi de repérer des étapes au sein d’un seul et même processus, le présent continuant le passé et préfigurant, jusqu’à un certain point le futur. Mais jusqu’à un certain point seulement. En effet, comme il a été relevé, les transhumanistes misent énormément sur la technique : le transhumanisme est un mouvement spectaculairement technophile.</p>
<p>Les stratégies envisagées pour libérer l’humanité d’une dotation biologique insuffisante sont diverses : biologique, bionique, informatique. Elles visent à augmenter de façon radicale les performances des êtres humains en développant de façon extraordinaire les capacités qu’ils possèdent déjà et, peut-être, en leur conférant des capacités tout à fait nouvelles. Il s’agit donc d’un projet utopiste. Mais c’est précisément par ce rapport à la technique que l’utopie peut se retourner en dystopie. Il a été suggéré par <a href="https://faculty.rpi.edu/node/34596">Langdon Winner</a> que l’on pouvait interpréter le transhumanisme comme le projet de rehausser l’humanité pour la mettre à la hauteur des technologies qu’elle avait elle-même élaborées.</p>
<p>Le projet serait alors vicié en son principe par une forme très commune d’irrationalité. Ce qui était initialement un moyen est devenu, sans que personne ne l’ait voulu, une fin : les techniques devaient permettre de jouir des fruits de la terre avec moins de peine et de labeur. Elles exigent maintenant que leurs maîtres supposés se transforment de fond en comble et en permanence pour seulement continuer de les maîtriser. Les transhumanistes ne prétendent pas détenir de formule magique pour mettre fin à ce mouvement, comme dans le poème de Goethe, <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Apprenti_sorcier_(trad._Blaze)">« L’Apprenti sorcier »</a>.</p>
<p>Ils se proposent, au contraire, de l’accompagner, voire de l’accélérer tout en affirmant que la nature de l’être humain est d’aller toujours au-delà de ce qu’il a fait de lui-même. Il n’est pas du tout certain qu’ils retrouvent par là l’inspiration humaniste qu’ils estiment incarner.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans la continuité de la <a href="https://unesco.delegfrance.org/Publication-du-rapport-CNFU-MGEN-sur-l-Ethique-de-l-Intelligence-Artificielle">consultation publique sur l’intelligence artificielle et le transhumanisme</a> organisée en 2020 par la MGEN et la Commission nationale Française pour l’Unesco. Une partie des auditions menées dans le cadre de cette consultation <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=PLBTuk6hzU3FgCXKl8b4EwyfEn7975nQwU">sont visionnables en ligne</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Goffi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’est pas toujours évident de cerner le transhumanisme. Faut-il distinguer ce mouvement du post-humanisme, autre courant de pensée avec lequel il semble pourtant avoir beaucoup en commun ?Jean-Yves Goffi, Professeur, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1519412021-01-06T19:22:03Z2021-01-06T19:22:03ZLe cosmisme : une mythologie nationale russe contre le transhumanisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376642/original/file-20201225-17-hixhep.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C4%2C2822%2C1409&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tableau d'Ilia Glazounov « Russie éternelle » (Musée Glazounov, Moscou) exprime un certain nombre d'idées chères aux propagateurs contemporains du cosmisme, notamment l’alliance de la modernité soviétique et des valeurs traditionnelles de l’empire russe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ru.wikipedia.org/wiki/%D0%92%D0%B5%D1%87%D0%BD%D0%B0%D1%8F_%D0%A0%D0%BE%D1%81%D1%81%D0%B8%D1%8F#/media/%D0%A4%D0%B0%D0%B9%D0%BB:Photo_of_Ilia_Glazuov's_paint_%22Timeless_Russia%22_.jpg">Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2018/12/FAURE/59320">cosmisme</a>, un mouvement intellectuel complexe situé à la lisière de la théologie et de la prospective scientifique, né il y a près de 150 ans, a de nouveau le vent en poupe en Russie. Une partie de l’élite du pays y voit une réponse typiquement russe au transhumanisme supposément triomphant en Occident. Qu’est-ce donc que le cosmisme, et comment se diffuse-t-il aujourd’hui en Russie ?</p>
<h2>Brève histoire du cosmisme, de l’Empire à la Fédération de Russie en passant par l’URSS</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=667&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376643/original/file-20201225-17-1bf2iei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=838&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Léonid Pasternak, <em>Portrait de Nikolaï Fiodorov</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pasternak_fedorov.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
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<p>À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, le penseur russe <a href="https://blogs.univ-tlse2.fr/slavica-boutique/produit/revue-n47-le-cosmisme-russe-ii-nikolai-fiodorov/">Nikolaï Fiodorov</a> (1829-1903) défendait une conception profondément morale et chrétienne de la science. Il imaginait que l’humanité puisse utiliser le progrès technologique pour atteindre le salut universel. Les avancées scientifiques devaient servir à ressusciter les ancêtres, atteindre l’immortalité, transformer la nature humaine vers sa divinisation, enfin, conquérir et réguler le cosmos.</p>
<p>À sa suite, des scientifiques russes de renom – comme le précurseur de la cosmonautique <a href="https://fr.rbth.com/tech/2013/09/24/cinq_idees_de_constantin_tsiolkovski_qui_anticiperent_la_conquete_spatia_25781">Constantin Tsiolkovski</a> (1857-1935) ou le fondateur de la géochimie <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/vladimir-vernadski-genial-precurseur-des-ecosystemes-136018">Vladimir Vernadski</a> (1863-1945) – ont poursuivi sa vision futuriste et spirituelle du progrès technique.</p>
<p>Dans les années 1970, un groupe d’intellectuels soviétiques se passionne pour les thèses ésotériques de ces auteurs et les rassemble sous le nom de « cosmisme russe ». Hétérodoxe par rapport à l’idéologique communiste officielle, le cosmisme suscite pourtant l’intérêt d’académiciens ainsi que de membres haut placés de l’establishment politique et militaire. Ainsi du lieutenant-général Alekseï Savine, directeur de l’<a href="https://en.topwar.ru/22184-voyskovaya-chast-10003-ekstrasensy-na-strazhe-mira.html">unité secrète 10003</a> chargée des recherches sur l’utilisation militaire de phénomènes paranormaux de 1989 à 2003. Il développa, à partir de sa lecture de Vernadski, les principes d’une science du monde extraterrestre, la <a href="https://brill.com/view/book/edcoll/9789004366671/B9789004366671_012.xml">noocosmologie</a>. De même, en 1994, Vladimir Roubanov, secrétaire adjoint du Conseil de sécurité de Russie et ancien directeur du département analytique du KGB, proposait d’utiliser le cosmisme comme fondement de « l’identité nationale de la Russie ».</p>
<p>Aujourd’hui encore, le cosmisme sert de source d’inspiration aux idéologues en <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/cahier_3.pdf">quête d’une idée nationale pour la Russie post-soviétique</a>. L’héritage de la pensée cosmiste est particulièrement revendiqué par un think tank conservateur proche du pouvoir, le <a href="https://izborsk-club.ru/">Club d’Izborsk</a>, créé en 2012.</p>
<h2>Le Club d’Izborsk : le cosmisme comme idéologie nationale russe</h2>
<p>Ce groupe réunit une cinquantaine d’universitaires, journalistes, personnalités politiques, entrepreneurs, religieux ou encore ex-militaires autour d’une ligne impérialiste et anti-occidentale. Soutenu en partie par des financements provenant de l’administration présidentielle, le Club a pour objectif de définir une idéologie pour l’État russe. Dans cette optique, il conçoit la science comme un champ de bataille idéologique, au sein duquel la Russie doit opposer sa propre <a href="https://izborsk-club.ru/18825">« mythologie technocratique »</a> au modèle de développement occidental. </p>
<p>Ce dernier est grossièrement associé au « transhumanisme », concept derrière lequel les idéologues du Club d’Izborsk rangent tant les avocats explicites du transhumanisme comme Elon Musk que toute forme de pensée qui déroge à leur vision de la société traditionnelle telle que le féminisme, la mondialisation ou encore le développement durable. Si certains <a href="https://turingchurch.net/maximum-jailbreak-and-the-legacy-of-stephen-hawking-3a5773b9e6df">penseurs transhumanistes occidentaux identifient Fiodorov</a> comme le prophète de leur quête d’immortalité, le Club d’Izborsk défend au contraire le caractère spécifiquement russe du cosmisme et son lien primordial avec la <a href="https://izborsk-club.ru/15978">« mission historique »</a> du peuple russe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1294693663210000385"}"></div></p>
<p><a href="https://izborsk-club.ru/magazine_files/2020_06.pdf">Le numéro de novembre 2020 de la revue du Club d’Izborsk</a> s’attelle à démontrer l’opposition entre cosmisme et transhumanisme. Le transhumanisme est présenté comme le prolongement du progressisme évolutionniste, visant à émanciper l’individu des contraintes de la nature humaine par son hybridation avec la machine. Le cosmisme, au contraire, est décrit comme une quête eschatologique de spiritualisation de l’humanité, guidée par une interprétation littérale des promesses bibliques de résurrection. Si les auteurs du Club d’Izborsk critiquent la foi scientiste dans l’amélioration technique de l’homme, ils refusent aussi la technophobie bioconservatrice ou écologiste. Le cosmisme leur sert ainsi de fondement à une idéologie syncrétique, qu’ils intitulent <a href="https://izborsk-club.ru/16343">« traditionalisme technocratique »</a>, et qui allie modernité technologique et conservatisme religieux.</p>
<p>Cette idéologie permet de faire la synthèse des héritages de l’histoire russe en revendiquant à la fois la puissance technologique et industrielle de l’Union soviétique et les valeurs traditionnelles orthodoxes de la Russie tsariste. Plus encore, le président du Club d’Izborsk, Aleksandr Prokhanov, écrivain et rédacteur en chef du journal d’extrême droite <a href="https://www.rferl.org/a/26534846.html"><em>Zavtra</em></a>, emploie la formule <a href="https://izborsk-club.ru/magazine_files/2017_04.pdf">« cosmisme-léninisme »</a> pour soutenir que le sens profond de l’utopisme industrialiste de Lénine émanait de la « doctrine des cosmistes russes » et la prolongeait. La réinvention de l’héritage cosmiste produit ainsi un récit national unifié qui répond à la volonté du régime de Vladimir Poutine d’oblitérer les conflits mémoriels en affirmant l’« <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/17118">indivisibilité</a> » et la « <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/16752">continuité</a> » de l’histoire russe.</p>
<p>Par ailleurs, le cosmisme est promu par les membres du Club d’Izborsk comme fondement d’un <a href="https://izborsk-club.ru/magazine_files/2020_06.pdf">« nouveau projet global de développement alternatif que la Russie pourrait exprimer et proposer »</a>. Le mariage de la science moderne et du traditionalisme politique vise ici à contredire les théories occidentales classiques de la modernisation, qui prévoient que le développement économique entraîne la convergence des sociétés vers un même modèle politique de démocratie libérale. À contre-courant du libertarianisme et du cosmopolitisme qu’ils attribuent à la Silicon Valley, les idéologues du Club font l’apologie de la modernisation stalinienne, emmenée par un État autoritaire et une économie dirigiste et collectiviste.</p>
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<p>En remplacement de l’idéal déchu de la société bolchevique, le cosmisme permet de renouveler une conception impérialiste et messianiste de la finalité de la science. Les grands projets scientifiques promus par le Club (exploration spatiale et sous-marine, développement de l’Arctique, recherche sur l’amélioration des capacités humaines) ont ici partie liée avec la défense de la <a href="https://izborsk-club.ru/18825">« civilisation » russe et de sa « sécurité spirituelle »</a>. La science devient ainsi le vecteur de réalisation du « rêve russe », qui doit s’exporter et se substituer au rêve américain en opposant au transhumanisme les <a href="https://izborsk-club.ru/18514">« idéaux du cosmisme russe » et d’une « science spirituelle »</a>.</p>
<h2>Une vision de plus en plus partagée aux plus hauts échelons du pouvoir</h2>
<p>Le Club d’Izborsk est inséré dans des réseaux de pouvoir influents qui lui permettent de propager ses idées. En juillet 2019, le président du Club <a href="http://duma.gov.ru/news/45809/">Aleksandr Prokhanov était ainsi invité au Parlement</a> pour présenter son film « La Russie – nation du rêve », dans lequel il promouvait sa vision d’une mythologie nationale scientifique et spirituelle. Le Club d’Izborsk est également proche de figures clés des élites conservatrices – l’oligarque monarchiste <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/oir/konstantin-malofeev-veut-transformer-le-conseil-mondial-du-peuple-russe-en-assemblee-constituant">Konstantin Malofeev</a> ou encore Dmitri Rogozine, le directeur de l’Agence spatiale Roscosmos. Enfin, il a ses entrées au cœur du complexe militaro-industriel. Témoin de ces liens, un bombardier stratégique porteur de missiles Tupolev Tu95-MC <a href="https://izborsk-club.ru/3728">fut baptisé du nom du Club</a>, « Izborsk », en 2014.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"610804586312372225"}"></div></p>
<p>En outre, les références au cosmisme imprègnent les discours des plus hautes autorités. Valeri Zorkine, le président de la Cour constitutionnelle, <a href="https://rg.ru/2019/05/16/zorkin-priverzhennost-vernoj-filosofii-prava-pozvoliaet-tvorit-dobro.html">citait récemment</a> un fervent propagateur du cosmisme, Arseni Gulyga (1921-1996), pour inciter à élargir le sens de la destinée commune du peuple russe, inscrite dans le préambule de la Constitution, à une signification globale tournée vers le « salut universel ».</p>
<p>Le cosmisme s’érige ainsi en mythologie nationale qui répond aux deux impératifs du régime russe actuel : la course à la puissance et la définition d’un imaginaire politique alternatif à la modernité occidentale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juliette Faure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cosmisme, une théorie qui mêle foi en la science et traditionalisme religieux, sert de source d’inspiration aux idéologues russes conservateurs en quête d’une idée nationale.Juliette Faure, Doctorante en science politique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1365842020-12-27T22:39:09Z2020-12-27T22:39:09ZImplants cérébraux : la nature humaine remise en question<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/332758/original/file-20200505-83721-eh58o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Concept d'implant cérébral.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/brain-implant-concept-1103551859">metamorworks / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les implants cérébraux peuvent être définis comme des dispositifs artificiels d’<a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/interface-cerveau-machine-icm">interface</a> avec le cerveau. Ils permettent notamment de proposer des solutions de suppléance artificielle dans le cas de fonctions perdues, comme la parole. </p>
<p>Ces avancées technologiques se révèlent particulièrement intéressantes, par exemple, pour offrir des nouveaux modes de communication à des individus atteints de paralysie sévère. </p>
<p>Mais si l’aide que promet cette technologie semble précieuse, elle suscite néanmoins un questionnement éthique qu’il est essentiel de saisir, alors même que la technologie se développe.</p>
<h2>Deux approches de grande envergure</h2>
<p>Comprendre le fonctionnement du cerveau et améliorer nos capacités d’intervention pour remédier à certains de ses dysfonctionnements font partie des défis majeurs relevés par les neurosciences de ces dix dernières années. Et deux approches différentes et de grande envergure se sont concrétisées. </p>
<p>Dans la première, avant tout théorique, il s’agit de modéliser de manière réaliste le fonctionnement du cerveau grâce à des réseaux de neurones artificiels (informatiques ou électroniques) : c’est l’objectif du projet européen <em><a href="https://www.humanbrainproject.eu/en/">Human Brain Project</a></em>. Dans la seconde, pragmatique, on cherche à développer des implants cérébraux pour enregistrer et stimuler le plus grand nombre de neurones possibles : c’est le but du vaste projet américain <em><a href="https://braininitiative.nih.gov/">Brain Initiative</a></em>, ou encore du projet européen <em><a href="http://www.braincom-project.eu/">Braincom</a></em>. </p>
<p>D’ici très peu de temps, arrivera donc logiquement le moment où l’on disposera d’une part de vastes réseaux artificiels neuromimétiques, et d’autre part d’interfaces à très haute résolution permettant un couplage bidirectionnel (enregistrement et stimulation) avec des millions de neurones du cerveau. Or la fusion de ces deux mondes technologiques, prévisible, conduirait à l’émergence de vastes réseaux hybrides couplant l’activité du cerveau avec celle de réseaux artificiels. Et ce n’est pas de la pure science-fiction : des preuves de concept ont déjà été fournies par des réseaux hybrides simples, à l’instar de la technique de « dynamic clamp ». </p>
<h2>Vers des réseaux neuronaux « hybrides »</h2>
<p>Née à la fin des années 1990, <a href="http://cns.iaf.cnrs-gif.fr/files/Acad2011.pdf">la technique de dynamic clamp </a>permet de coupler un neurone artificiel à un neurone réel par le biais d’une électrode intracellulaire : l’activité de l’un modifie celle de l’autre de manière bidirectionnelle. Et à l’avenir, l’avènement d’implants intégrant un grand nombre de microélectrodes extracellulaires – et assurant chacune une liaison bidirectionnelle stable avec un neurone individuel – devrait permettre la construction de réseaux hybrides à grande échelle, y compris <em>in vivo</em> au niveau de vastes régions cérébrales. </p>
<p>Certes, ce n’est pas encore d’actualité. Mais force est de constater que la route n’est sans doute plus si longue. En effet, des <a href="https://fr.wikibooks.org/wiki/Fonctionnement_d%27un_ordinateur/Les_architectures_neuromorphiques">réseaux neuromorphiques</a> sont déjà capables d’apprendre automatiquement à reproduire l’activité d’ensembles de neurones réels enregistrés par un implant cérébral. Cela signifie que l’on dispose déjà de la technologie permettant à plusieurs neurones réels de contrôler des réseaux artificiels complexes. Et inversement, on sait aussi s’appuyer sur des réseaux artificiels pour stimuler, de manière plus ou moins précise, des neurones réels.</p>
<p>Le développement d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Implant_c%C3%A9r%C3%A9bral">implants cérébraux</a> permet ainsi d’entrevoir l’avènement d’un couplage hybride entre le cerveau et de vastes réseaux artificiels. L’optimisation de ces technologies autorisera la simulation des neurones artificiels grâce à des circuits neuromorphiques à très basse consommation énergétique, et rendra possible, à terme, l’implantation de ces technologies d’hybridation.</p>
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<figcaption><span class="caption">Audition d’Éric Fourneret lors de la consultation sur l'intelligence artificielle et le transhumanisme organisée par la MGEN et la Commission nationale Française pour l'UNESCO.</span></figcaption>
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<p>Dans ce contexte, et même si l’implantation de dispositifs artificiels dans le corps n’est pas quelque chose de nouveau, les frontières traditionnelles entre ce qui est naturel et artificiel, entre l’homme et la machine, entre le vivant et l’inanimé, deviennent plus ambiguës. Une des principales questions soulevées, si ce n’est la principale à partir de laquelle toutes les autres se posent, est alors la suivante : quelle « forme de vie » la technologie des implants cérébraux peut-elle produire ?</p>
<h2>La nature humaine en question</h2>
<p>Il n’est toutefois pas question de se laisser embarquer dans une ambition éthique réductrice ne s’attardant que sur les scénarios du pire (<a href="https://theconversation.com/la-collapsologie-a-lepreuve-de-la-realite-136727">collapsologie</a>), ou à l’inverse ne considérant que les scénarios du mieux (discours technoprophétique). On le sait, chaque nouvelle technologie est porteuse de bienfaits pour les êtres humains, tout en nécessitant souvent une transformation sociale (par exemple, pour ajuster le cadre normatif de l’action sociale). Mais elle suscite parfois de vives interrogations quant aux effets indésirables liés à son utilisation, qu’il faudrait gérer moralement, socialement et juridiquement.</p>
<p>De la même manière, le développement d’implants cérébraux nous place sur cette ligne de crête, entre bienfaits et dérives potentielles. En effet, il ne s’agit pas d’intervenir sur un organe quelconque. C’est du <a href="https://lecerveau.mcgill.ca">cerveau</a> qu’émerge notre sentiment de présence au monde, c’est-à-dire notre conscience. Et d’elle dépend notre capacité à saisir le monde et soi-même au moyen d’un même acte : de penser la frontière entre l’être humain et le monde et, simultanément, de penser l’articulation entre les deux. Or l’hybridation du cerveau avec des dispositifs électroniques possède d’autre part un potentiel d’impact sans précédent dans notre façon de nous représenter l’Homme. Et pour cause…</p>
<p>Il n’existe pas, de façon naturelle, d’êtres humains dont le fonctionnement neurophysiologique du cerveau s’organise sous l’influence de composants électroniques implantés, voire à terme, de réseaux de neurones artificiels. Aussi, cette séparation conceptuelle entre l’inné à l’Homme et les artifices acquis pourrait-elle rendre difficile la catégorisation sociale de l’individu équipé d’un implant cérébral. Ni totalement humain, ni totalement machine, il est un mélange de deux réalités différentes dont le caractère hybride pourrait produire une nouvelle unité humaine <em>dans</em> le corps biologique.</p>
<h2>L’implant cérébral, une prothèse parmi d’autres ?</h2>
<p>On pourrait objecter qu’il existe d’ores et déjà des prothèses de hanche et des pacemakers. L’implant cérébral est-il si différent de ces dispositifs artificiels qui, socialement, ne posent pas de difficulté particulière ?</p>
<p>On pourrait répondre par la négative. Si l’implant cérébral est socialement perçu comme le prolongement électronique du cerveau d’un individu, de la même manière qu’une jambe prothétique prolonge le corps, alors il n’est pas différent d’une prothèse traditionnelle – la conscientisation de la frontière entre l’Homme et le monde étant maintenue dans son fonctionnement originel. Dans ce cas, l’implant constitue une sorte de projection organique, dans l’acceptation qu’en a faite Canguilhem : ce dispositif artificiel possède un sens biologique, sa fonction consistant à compenser la défaillance d’un organe naturel.</p>
<p>Cela pourrait néanmoins poser problème. Si cette forme d’hybridation se révélait être une instance de régulation et d’organisation du rapport au monde étrangère à celle, originelle, laissant penser à une forme d’hétéronomie (telle l’expérience du cerveau dans une cuve imaginée par le philosophe Hilary Putnam en 1981), elle pourrait être considérée par la société comme une nouvelle corporéité humaine, où la conscience de quelque chose est médiée par le dispositif artificiel. En effet, si le substrat de la pensée s’anime en synergie avec des réseaux de neurones artificiels, la conscientisation de la frontière entre l’Homme et le monde s’artificialise. Or dans ce cas, l’hybridation est susceptible d’être vécue, à tort ou à raison, comme dénaturante. Et cela pourrait conduire à transformer les systèmes de normes et de règles qui encadrent les conduites au sein d’une collectivité composée d’êtres humains hybrides, et d’autres qui ne le sont pas. </p>
<p>Certes, notre contact avec le monde est de plus en plus médié par des artifices, sans aucune référence faite aux implants cérébraux – comme en témoignent les téléphones portables, ordinateurs et autres écrans à travers lesquels on entre en contact avec le réel. Mais comme nous l’avons déjà souligné, avec ces implants, la recherche s’oriente vers une technologie d’hybridation directe entre le cerveau et des réseaux de neurones artificiels. Et dans ces conditions, il importe de se pencher sérieusement sur la façon dont cette technologie peut affecter notre représentation de la « nature humaine ».</p>
<h2>Penser l’humanité de la technique et la technicité de l’humanité</h2>
<p>L’une des plus importantes caractéristiques de l’Homme est d’avoir inventé et créé des techniques et des technologies pour satisfaire ses besoins et compenser ses vulnérabilités, selon ses facultés et son intelligence, selon sa volonté et ses désirs. Il suffit qu’une chose soit, d’une certaine manière, pour être déterminée dans son développement et dans sa destination. Aussi, que l’être humain soit une espèce technicienne – particularité qu’il partage à des degrés différents, on le sait aujourd’hui, avec d’autres animaux – détermine-t-il sa destination sous la forme d’un effacement de la frontière entre nature et artifice.</p>
<p>Considérant que le monde lui offre des possibilités pour répondre à ses besoins et innover pour s’opposer aux misères de la vie, l’humanité est un entrelacement, de plus en plus serré, de la nature et de la technique. Bien qu’étant autre que la technique, elle habite le monde <em>par</em> et <em>dans</em> la technique. Et son évolution révèle une frontière entre le naturel et l’artifice beaucoup moins catégorique qu’on ne le croit : au cours du temps, elle est devenue de plus en plus poreuse. On ne peut donc pas définir la nature humaine en faisant abstraction des technologies par lesquelles l’humanité habite le monde. Voilà pourquoi, penser les implications éthiques du développement des implants cérébraux consiste à penser ces liens étroits entre l’Homme et la technique.</p>
<p>Cette réflexion, bien entendu, ne s’inscrit pas dans une démarche dogmatique qui prendrait la forme d’une collapsologie ou, à l’inverse, d’une prophétie technologique. Il est en effet du rôle de la philosophie et de l’éthique d’interroger par la seule raison les implications des nouvelles neuro-technologies, en s’en tenant aux faits et non à des scénarios de science-fiction sans fondements dans le réel. Ces faits sont fournis par les neuroscientifiques et par leurs résultats. Voilà pourquoi la séparation, encore trop marquée, entre la réflexion philosophique et les recherches technoscientifiques en cours, est embarrassante et inadéquate dans l’examen des implications éthiques des implants cérébraux. </p>
<p>Pour les étudier, il faudrait bien au contraire une interaction forte et étroite entre, d’une part, les acteurs des sciences humaines et sociales, et d’autre part, les neuro et techno-scientifiques, ingénieurs, informaticiens, biologistes et médecins. C’est ensemble qu’ils devraient poursuivre ce vieux débat à la croisée de tous les savoirs : « Qu’est-ce qu’être humain ? ». Ensemble qu’ils devraient examiner ce qui engage notre condition en tant qu’être humain, et réfléchir aux critères d’évaluation du processus technologique que représentent les implants cérébraux. On peut alors dire que c’est vers l’altérité Homme-Technologie, et non vers une dualité indépassable, qu’il faut se tourner pour mieux connaître et comprendre quels sont les enjeux du développement des implants cérébraux concernant nos représentations de la nature humaine.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’inscrit dans la continuité de la <a href="https://unesco.delegfrance.org/Publication-du-rapport-CNFU-MGEN-sur-l-Ethique-de-l-Intelligence-Artificielle">consultation publique sur l’intelligence artificielle et le transhumanisme</a> organisée en 2020 par la MGEN et la Commission nationale Française pour l’Unesco. Une partie des auditions menées dans le cadre de cette consultation <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=PLBTuk6hzU3FgCXKl8b4EwyfEn7975nQwU">sont visionnables en ligne</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136584/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Fourneret a reçu des financements de "Braincom".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>En lien avec cette réflexion, Blaise Yvert a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (Projets Neuromeddle et Brainspeak) et de l'Union Européenne (Projets Horizon 2020 Braincom et Flagship Graphene)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Hébert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les implants cérébraux sont porteurs d'espoirs s'agissant de remédier à certaines pathologies. Mais il est crucial d'interroger leurs implications sur nos représentations de la nature humaine.Éric Fourneret, Philosophe, Braintech Lab (Inserm, U205), équipe « Neurotechnologies et Dynamique des Réseaux », Université Grenoble Alpes (UGA)Blaise Yvert, Directeur de recherche à l'Inserm, responsable de l'équipe Neurotechnologies et Dynamique des Réseaux, InsermClément Hébert, Chargé de recherche implants Neuronaux, neuroprothèses, Inserm U1216 Grenoble Institut des Neurosciences, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1520322020-12-14T18:59:35Z2020-12-14T18:59:35ZSoldats augmentés, des humains comme les autres ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/374776/original/file-20201214-21-1kvtdei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C43%2C1198%2C754&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'armure d'Iron Man, nouvelle étape pour les militaires français?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/674695">pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Nous disons oui à l’armure d’Iron Man et non à l’augmentation et à la mutation génétique de Spiderman », expliquait la ministre des Armées Florence Parly <a href="https://www.defense.gouv.fr/salle-de-presse/discours/discours-de-florence-parly-ministre-des-armees-introduisant-la-table-ronde-ethique-et-soldat-augmente-au-digital-forum-innovation-defense">à propos du soldat augmenté</a>, annonçant la semaine passée que la France se préparait à déployer des <a href="https://www.franceculture.fr/sciences/soldat-augmente-le-feu-vert-du-ministere-des-armees">« soldats augmentés »</a>.</p>
<p>Les références à la science-fiction sont communes lorsque l’on traite d’augmentation humaine tant on trouve d’exemples <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2018/11/05/huit-uvres-de-science-fiction-pour-reflechir-au-transhumanisme_5378846_4408996.html">dans la littérature ou le cinéma</a>.</p>
<p>Pourtant, les pratiques visant à augmenter les capacités de l’homme sont sorties du cadre fictif et font aujourd’hui partie d’une réalité que l’éthique et le droit peinent parfois à appréhender.</p>
<p>Ici, les nouvelles technologies et techniques biomédicales ne sont pas employées pour soigner, mais pour conférer à l’homme des aptitudes qui dépassent ses capacités naturelles. Dans ce contexte, la particularité de l’activité militaire nécessite d’approfondir la réflexion relative à l’augmentation des soldats sans oublier que ces soldats sont avant tout des êtres humains.</p>
<h2>Des interrogations spécifiques à anticiper</h2>
<p>L’augmentation humaine a déjà fait l’objet de nombreux ouvrages, articles ou avis, surtout depuis le rapport américain <a href="https://biotech.law.lsu.edu/research/pbc/reports/beyondtherapy/"><em>Beyond Therapy</em> en 2003</a>. </p>
<p>En France, le premier rapport rendu par le <a href="https://www.defense.gouv.fr/portail/enjeux2/le-comite-d-ethique-de-la-defense">Comité d’éthique de la défense</a> le 18 septembre 2020 porte sur le soldat augmenté et souligne sa singularité. Celle-ci est liée à la principale mission des armées : sauvegarder les intérêts fondamentaux de la Nation. Si la collectivité prime sur l’individualité du soldat, avec toutes les conséquences éthiques que cela peut avoir en termes d’amélioration, les bénéfices pour la société ne doivent pas effacer les risques encourus par les soldats.</p>
<p>Pour faire face au durcissement des conflits et ne pas entraîner de retard de la part de l’armée française, il n’est pas possible de rejeter <em>a priori</em> les nouvelles opportunités technologiques. Il faut anticiper leurs utilisations, en tenant compte de l’intérêt que d’autres nations leur portent comme les États-Unis, la Chine ou encore la Russie.</p>
<p>Comme l’augmentation humaine plébiscitée par le <a href="https://iatranshumanisme.com/">mouvement transhumaniste</a>, celle du soldat pourrait porter sur ses capacités physiques, cognitives, perceptives, psychologiques.</p>
<p>Les risques de cette pratique seraient, eux, exacerbés dans la sphère militaire. Malgré leur diversité, certains doivent être soulignés en ce qu’ils se heurtent à des règles de droit essentielles à la protection de la personne humaine.</p>
<h2>L’interdiction de principe de l’augmentation non consentie</h2>
<p>D’abord, l’augmentation humaine doit être expérimentée avant d’être couramment réalisée. L’article 7 du Pacte international des droits civils et politiques doit donc être rappelé :</p>
<blockquote>
<p>« […] En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. »</p>
</blockquote>
<p>L’expérimentation de l’augmentation humaine doit donc faire l’objet d’un consentement libre et éclairé. Ce principe, énoncé de manière générale au sein du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000025457458/2012-05-02/">Code de la santé publique</a>, doit également être respecté pour les expérimentations réalisées sur les soldats.</p>
<p>La difficulté porte néanmoins sur le caractère libre d’un tel consentement dans le cadre militaire. Le risque ne serait-il pas que le soldat se trouve dans une situation de coercition implicite, voire explicite le conduisant à accepter l’augmentation ?</p>
<p>Il pourrait en effet accepter l’augmentation pour ne pas se distinguer des autres membres du groupe, ou parfois se la voir imposer. Les obligations des militaires et la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006540241">restriction de certains de leurs droits</a> doivent alors être conciliées avec cette exigence de consentement.</p>
<p>Différentes formes d’influences ont déjà été identifiées par le CCNE dans son avis relatif à la neuro-amélioration sur des <a href="https://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/recours-aux-techniques-biomedicales-en-vue-de-neuro-amelioration-chez-la-personne-non">personnes non malades</a>.</p>
<p>Ce rapport rendu en 2013 traite notamment de la modification des capacités cognitives, par l’usage de substances biochimiques comme la <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/le-medicament-pour-enfants-hyperactifs-detourne-pour-carburer-aux-examens_be4a4fd6-2905-11e7-a853-3e1b090249bc/">Ritaline</a> par exemple. L’exigence du consentement vaut également au-delà de l’étape expérimentale.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Hugh Jackman" src="https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374786/original/file-20201214-15-161pkop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les super-pouvoirs du héros Wolverine (ici incarné par Hugh Jackman, statue de cire) en ont fait une cible de choix pour les expérimentations et manipulations de l’armée américaine dans la fiction des X-Men.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Wolverine_(7343567212).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’article 16-3 du code civil prévoit en effet une double condition pour déroger au principe de respect de l’intégrité du corps humain, rappelée parmi les règles de déontologie des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019495573">praticiens des armées</a> : la nécessité médicale et le consentement de l’intéressé.</p>
<p>Or, si la médecine a aujourd’hui intégré quelques pratiques qui relèvent de <a href="https://theconversation.com/la-pma-pour-toutes-tempete-dans-un-verre-deau-ou-evolution-majeure-97213">l’anthropotechnie</a>, l’augmentation des capacités naturelles du soldat n’a certainement pas de finalité médicale.</p>
<p>Si elle cause une atteinte à l’intégrité du soldat, l’augmentation devra donc bénéficier d’une solide justification.</p>
<h2>L’analyse impérieuse des bénéfices et des risques de l’augmentation</h2>
<p>Une telle pratique ne peut être réalisée que si le <em>ratio</em> bénéfice/risque est favorable. Cette exigence est par exemple rappelée au sujet des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006685829/2008-01-29">recherches impliquant la personne humaine</a> dans le Code de la santé publique.</p>
<p>L’augmentation des capacités, par le recours à la technique, ne devrait être admise que si elle ne peut faire l’objet d’une alternative naturelle.</p>
<p>Par exemple, pour l’augmentation des capacités physiques, l’usage de moyens biochimiques ne saurait se substituer totalement à l’entraînement militaire. En outre, la singularité du soldat augmenté se situe également sur le plan de son retour <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037200631/">dans la société civile</a>. Le comité d’éthique de la défense prend un exemple explicite pour souligner ce qui ne doit pas être fait :</p>
<blockquote>
<p>« Un militaire dont le bras amputé aurait été remplacé par une prothèse inamovible qui serait une arme, qui ne pourrait <em>de facto</em> pas revenir à la vie civile ».</p>
</blockquote>
<p>Sans aller jusque-là, certaines modifications des fonctions psychologiques du soldat pourraient avoir des effets indésirables en dehors de l’activité militaire.</p>
<p>Pensons par exemple aux modifications du comportement visant à supprimer la peur ou l’<a href="https://academic.oup.com/scan/article/11/9/1345/2224135">empathie</a>, comme l’envisage le philosophe Jean‑Michel Besnier dans un <a href="http://www.fondapol.org/etude/le-soldat-augmente-regards-croises-sur-laugmentation-des-performances-du-soldat/">rapport des Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan</a>. D’autres risques concernent la dépendance que pourrait causer l’augmentation humaine ou l’engendrement d’un déséquilibre entre des capacités augmentées et d’autres qui ne le seraient pas.</p>
<p>Comment un soldat ayant connu l’augmentation s’adaptera-t-il à une vie civile non augmentée ? Présents pour tout individu augmenté, ces risques sont exacerbés s’agissant du soldat augmenté. La règle de principe doit donc être celle de la réversibilité des augmentations.</p>
<h2>La nécessaire protection de la nature humaine du soldat</h2>
<p>En définitive, l’augmentation du soldat présente un risque de déshumanisation, c’est-à-dire, d’altération de sa nature humaine. Si <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037200631/">« l’état militaire exige l’esprit de sacrifice »</a>, ce sacrifice ne peut conduire à nier la dignité du soldat qui est avant tout une personne humaine : il doit être traité comme une fin et non seulement comme un moyen.</p>
<p>Le soldat augmenté ne saurait devenir un <a href="https://www.lesechos.fr/2002/04/moi-kevin-48-ans-cyborg-1055587">cyborg</a> et être assimilé à une arme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Armée de cyborgs" src="https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374779/original/file-20201214-23-di6cyh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une future armée de cyborgs pour défendre la nation ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/cyborg-robot-arm%C3%A9e-de-terre-machine-5445576/">Kahll/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certaines augmentations sont aujourd’hui testées, d’autres sont envisagées, d’autres encore sont prohibées. Les augmentations extrinsèques tel <a href="https://www.tf1.fr/tf1/defile-du-14-juillet/videos/speciale-14-juillet-un-soldat-equipe-dun-exosquelette-nous-presente-cette-innovation-00444302.html">l’usage d’un exosquelette</a> qui ne serait qu’un accessoire, sont expérimentées.</p>
<p>Certaines augmentations invasives sont discutées bien qu’elles franchissent la barrière corporelle. Cela concerne par exemple les implants corporels qui permettraient la géolocalisation, les implants de caféine à libération prolongée pour masquer la fatigue, <em>etc</em>. L’augmentation humaine impliquant eugénisme et modifications génétiques demeure prohibée, en cohérence avec l’article 16-4 du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006419299/2016-03-16/">Code civil</a>.</p>
<p>Pas question donc de modifier le génome humain en recourant à l’hybridation entre espèces pour que le soldat bénéficie de la <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2018-5-page-72.html">vision nocturne</a> propre à certains animaux par exemple. Bien d’autres possibilités ne manqueront pas de voir le jour dans les prochaines années, obligeant les comités d’éthique à maintenir une vigilance accrue pour assurer la protection des soldats.</p>
<hr>
<p><em>L'autrice effectue <a href="http://www.theses.fr/s189793">sa thèse</a> sous la direction d’ Anne-Blandine Caire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elise Roumeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pratiques visant à augmenter les capacités de l’homme sont sorties du cadre fictif et font aujourd’hui partie d’une réalité que l’éthique et le droit peinent parfois à appréhender.Elise Roumeau, Doctorante & ATER en droit privé - Centre Michel de l'Hospital, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1432922020-08-11T20:12:04Z2020-08-11T20:12:04ZPodcast : À quoi rime notre course à la performance ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349124/original/file-20200723-31-1jjcvvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=58%2C83%2C5501%2C3617&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Considérer que les pilotes humains sont exclusivement sources de défaillances a conduit à des catastrophes comme celles du Boeing 737&nbsp;Max.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Hadrian / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Portés par l’essor technologique, les transhumanistes ambitionnent désormais d’atteindre une humanité « augmentée », voire immortelle. Mais pourquoi voulons-nous des machines, et jusqu’où ? Quel genre de monde souhaitons-nous pour l’avenir et nos enfants ? Avons-nous comme idéal la disparition de l’humanité ?</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/a-quoi-rime-notre-course-a-la-performance?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p>Face à ces questions, il est nécessaire de prendre du recul et de rappeler que ce ne seront jamais les machines qui seront responsables de ce que nous faisons d’elles, mais bien nous-mêmes. Des catastrophes comme le double crash du Boeing 737 Max en 2019 le rappellent par exemple bien tristement…</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em><strong>La preuve par trois</strong> : les experts de The Conversation déclinent les 3 grands aspects d’une question en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Laurent Bibard, philosophe, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité l’ESSEC, explique pourquoi <strong>le transhumanisme reste un horizon qui manque de sens</strong> en questionnant la tentation de la servitude volontaire, la dynamique qui fait notre humanité, et le sens de notre course à la performance, qui fait l’objet de ce troisième épisode</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Présupposer, comme les transhumanistes, que les humains sont inférieurs aux machines qu’ils créent pourrait aboutir à une perte de sens de ce qu’est l’humain.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1432912020-08-10T21:16:07Z2020-08-10T21:16:07ZPodcast : Comment entretenir la dynamique qui fait notre humanité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349121/original/file-20200723-21-4xmer.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C4%2C915%2C588&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le penseur de Rodin, une image en contradiction avec les promesses du transhumanisme&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">Pxhere</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’humain se caractérise par une nécessité fondamentale d’apprentissage de règles qui remplacent l’instinct ou la mémoire génétique et biologique qui nous fait défaut, mais aussi par sa capacité fondamentale à mettre en question toute évidence, quelle qu’elle soit.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/podcast-comment-entretenir-la-dynamique-qui-fait-notre-human?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/07oxwyzeBp3tQGUGQkYEbI?si=Babl7ToLRSC1ySv4nB1RNg"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-comment-entretenir-la-dynamique-qui-fait-notre/id1516230224?i=1000486711034"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>Autrement dit, l’humanité est faite de deux dynamiques totalement contradictoires qui permettent de poser correctement la question du sens du « transhumanisme », qui fragilise ce double aspect.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><strong>La preuve par trois</strong> : les experts de The Conversation déclinent les 3 grands aspects d’une question en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Laurent Bibard, philosophe, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité l’ESSEC, explique pourquoi <strong>le transhumanisme reste un horizon qui manque de sens</strong> en questionnant la tentation de la servitude volontaire, la dynamique qui fait notre humanité, ce que vous découvrirez dans ce deuxième épisode, et le sens de notre course à la performance</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le courant transhumaniste remet en question la capacité de doute qui caractérise depuis toujours l’humain.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1432902020-08-09T18:32:35Z2020-08-09T18:32:35ZPodcast : La tentation de la servitude volontaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349118/original/file-20200723-17-1wyf1lf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C116%2C5982%2C3853&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La version la plus radicale du transhumanisme est aujourd’hui portée par des entreprises comme Google.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Quietbits / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les représentants du « transhumanisme » revendiquent aujourd’hui le recours aux sciences contemporaines et aux technologies pour « augmenter » les potentialités des humains. Certains transhumanistes, que l’on retrouve notamment chez Google, affirment qu’arrivera bientôt un moment « singulier » où l’intelligence artificielle dépassera l’humaine, et où l’humanité deviendra immortelle, ou capable d’immortalité.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/podcast-la-tentation-de-la-servitude-volontaire?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2IM1h9DDvBhNWvxs5XHOqx?si=kZIKmbv8T3u-k1DD9lHeWA"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-la-tentation-de-la-servitude-volontaire/id1516230224?i=1000486711033"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>Si cela se produit effectivement, alors l’humanité pourrait être soumise pour l’éternité aux machines et entrer dans une phase de servitude volontaire. Mais est-ce que tout cela a vraiment un sens ?</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em><strong>La preuve par trois</strong> : les experts de The Conversation déclinent les 3 grands aspects d’une question en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Laurent Bibard, philosophe, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité l’ESSEC, explique pourquoi <strong>le transhumanisme reste un horizon qui manque de sens</strong> en questionnant dans ce premier épisode la tentation de la servitude volontaire, la dynamique de notre humanité, et le sens de notre course à la performance</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143290/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si l’intelligence artificielle devient un jour supérieure à la nôtre, l’humanité risque de devenir esclave des machines. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1432872020-08-07T14:59:27Z2020-08-07T14:59:27ZLa preuve par trois : Le transhumanisme, un horizon qui manque de sens<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349108/original/file-20200723-17-fao4ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C2%2C971%2C684&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que l’humain si l’on présuppose qu’il est inférieur à la technologie qu’il créer&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">Thejab / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em><strong>La preuve par trois</strong> : les experts de The Conversation déclinent les 3 grands aspects d’une question en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Laurent Bibard, philosophe, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité l’ESSEC, explique pourquoi <strong>le transhumanisme reste un horizon qui manque de sens</strong> en questionnant la tentation de la servitude volontaire, la dynamique de notre humanité, et le sens de notre course à la performance.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-la-tentation-de-la-servitude-volontaire-143290">La tentation de la servitude volontaire</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349103/original/file-20200723-27-1wpdugd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La version la plus radicale du transhumanisme est aujourd’hui portée par des entreprises comme Google.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quietbits/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’intelligence artificielle devient un jour supérieure à la nôtre, l’humanité risque de devenir esclave des machines. Est-ce vraiment ce que nous voulons ?</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2IM1h9DDvBhNWvxs5XHOqx?si=kZIKmbv8T3u-k1DD9lHeWA"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-la-tentation-de-la-servitude-volontaire/id1516230224?i=1000486711033"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-comment-entretenir-la-dynamique-qui-fait-notre-humanite-143291">Comment entretenir la dynamique qui fait notre humanité ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Le penseur de Rodin, une image en contradiction avec les promesses du transhumanisme ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pxhere</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le courant transhumaniste remet en question la capacité de doute qui caractérise depuis toujours l’humain.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/07oxwyzeBp3tQGUGQkYEbI?si=Babl7ToLRSC1ySv4nB1RNg"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-comment-entretenir-la-dynamique-qui-fait-notre/id1516230224?i=1000486711034"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-a-quoi-rime-notre-course-a-la-performance-143292">À quoi rime notre course à la performance ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/349113/original/file-20200723-21-xsny97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Considérer que les pilotes humains sont exclusivement sources de défaillances a conduit à des catastrophes comme celles du Boeing 737 Max.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hadrian/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Présupposer, comme les transhumanistes, que les humains sont inférieurs aux machines qu’ils créent pourrait aboutir à une perte de sens de ce qu’est l’humain.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/7ewrJkg6z2BVlgEY87BPWO?si=se24xCE5T2y7OhDSkk0FTg"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
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<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La tentation d’améliorer les capacités humaines avec la technologie porte le risque de notre asservissement à la machine. Démonstration en trois podcasts.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1383672020-05-13T18:56:51Z2020-05-13T18:56:51ZLe « transmachinisme » : et si les machines évoluaient indépendamment de l’homme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334062/original/file-20200511-49579-1x8w1sn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C307%2C3471%2C2184&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est peut-être plus facile de construire des machines qui nous ignorent que des machines qui nous ressemblent.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/YKW0JjP7rlU">Franck V. / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le « transmachinisme » imagine une évolution des machines et de l’industrie en général non pas pour dépasser ou transformer l’homme, mais pour permettre aux machines de mieux faire leur travail de machines. Une voie certainement plus réaliste que la <a href="https://www.24pm.com/117-definitions/518-singularite-technologique">singularité technologique</a> ou le <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/definitions/technologie-transhumanisme-16985/">transhumanisme</a>.</p>
<p>Les tenants de la singularité technologique imaginent une intelligence artificielle supérieure qui surclasserait infiniment celle de l’homme. Les transhumanistes, à l’inverse, espèrent l’avènement d’un homme augmenté physiquement et intellectuellement par la technologie.</p>
<p>Beaucoup d’attention a été portée à ces deux visions du futur. Plusieurs groupes d’élèves-ingénieurs du Pôle Léonard de Vinci examinent actuellement un autre scénario, celui où les machines évolueraient d’une manière assez indépendante des hommes, sans trop se mêler de leurs affaires. Nous l’appelons le transmachinisme.</p>
<h2>Des bulles productrices indépendantes</h2>
<p>La caractéristique la plus spectaculaire mise en avant aujourd’hui est l’autonomie, réelle ou souhaitée, des machines, en particulier celle des véhicules. Nous parlons ici des machines « mécaniques », comme celles qui font le café, ou qui envoient des hommes dans l’espace, et pas seulement des ordinateurs ou des téléphones. Poussons à l’extrême leur capacité d’autonomie, de même que les partisans de la singularité et du transhumanisme poussent à l’extrême les pouvoirs de l’intelligence désincarnée ou incarnée.</p>
<p>L’actualité nous y invite :</p>
<ul>
<li><p>Au Japon, vient de sortir une imprimante 3D de sushis : du poisson et du riz à l’entrée, des sushis sur mesure à la sortie. Hergé y avait déjà pensé en dessinant les abattoirs de Chicago dans <em>Tintin en Amérique</em> ;</p></li>
<li><p>La livraison par drones devient autorisée aux États-Unis, des avions de ligne décollent et atterrissent de manière entièrement automatique ;</p></li>
<li><p>Six camions Volvo évoluent de manière autonome dans la mine à ciel ouvert de Kristineberg en Norvège, pour charger et décharger les minerais ;</p></li>
<li><p>Toujours en Norvège, la société Kongsberg s’allie à Rolls Royce pour concevoir des navires autonomes. Mais nous reparlerons de la Norvège ;</p></li>
<li><p>Un engin voiturier autonome déplace les véhicules dans le parking de l’aéroport Saint-Exupéry de Lyon ;</p></li>
<li><p>Des betteraves connectées prototypées par l’Institut national de la recherche agronomique sont expérimentées dans les terres agricoles de Picardie.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XdOirru4uGM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une imprimante 3D de la société OpenMeals produit des sushis.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’idée vient naturellement que, mis bout à bout, tous ces sous-systèmes autonomes constitueraient des bulles productrices totalement indépendantes de l’homme. Entre la plantation d’une graine de teck dans une exploitation forestière en Asie et la livraison chez vous d’une table de jardin, tout se passerait sans aucune intervention humaine.</p>
<p>Si l’on s’imagine dans un monde transmachiniste, celui-ci concevra et produira ses propres sous-ensembles. Il les installera, les supervisera, les entretiendra, les dépannera, les recyclera. Il trouvera son énergie également de manière autonome. Il produira au passage ses propres ordinateurs, depuis les énormes engins d’extraction minière des métaux rares, jusqu’aux machines d’impression des circuits intégrés à la précision nanométrique.</p>
<p>Beaucoup d’éléments du puzzle sont déjà séparément en place : tous les grands acteurs du transport et de la restauration sont en concurrence effrénée pour nous livrer ce que l’on veut, quand on veut, où l’on veut.</p>
<p>En Chine, Starbucks, McDonald’s et des compagnies locales comme Luckin Coffee ouvrent chaque année des milliers de points de production d’où ils vous livrent n’importe où et en moins de 30 minutes pour moins de 5 dollars un bon café, et les nouveaux immeubles chinois sont équipés de réseaux d’ascenseurs dédiés à ce type de distribution. Les grands ports chargent et déchargent les conteneurs sur des quais vidés de toute présence humaine. La fabrication des puces électroniques est aujourd’hui quasi totalement automatisée.</p>
<h2>Vers une singularité du transmachinisme ?</h2>
<p>Deux évènements bouleversants se produiront si un jour ces systèmes évoluent de leur propre initiative (d’une manière qui ne nous serait largement incompréhensible) et s’ils ne nécessitent plus aucun investissement financier pour survivre et se développer (leur production serait gratuite).</p>
<p>Dans une étape intermédiaire, les machines réussiraient à comprendre le langage humain et à mettre deux idées l’une derrière l’autre. Elles sauraient relier toutes les connaissances que nous avons soigneusement accumulées, formalisées, et mises à disposition sur la toile : toutes les théories scientifiques, tous les codes de calcul, toutes les vidéos de pédagogie, tous les plans de toutes les machines conçues par l’homme.</p>
<p>Les connaissances sont déjà là, sur la toile, à la disposition de qui voudra bien les mettre bout à bout.</p>
<p>Ensuite, le système élaborerait ses propres connaissances, ses propres représentations, ses propres solutions, et sans doute il viendrait à oublier notre propre langage, sans plus se mêler de nos affaires.</p>
<p>Ces hypothèses poussées à l’extrême ne doivent pas nous étonner ou nous faire sourire plus que le transhumanisme ou la singularité technologique. Elles méritent tout autant nos interrogations sur leur possibilité ou leur impossibilité, sur leur désirabilité ou leur horreur. Elles ne font pas nécessairement appel à la notion de super intelligence en progrès exponentiel continu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1096373694149083137"}"></div></p>
<p>On peut très bien imaginer qu’un tel système deviendrait conservateur, parcimonieux, rechercherait et trouverait des points d’équilibre, et n’évoluerait que très lentement. Les transmachines incorporeraient bien sûr leur propre <a href="https://whatis.techtarget.com/fr/definition/jumeau-numerique">jumeau numérique</a> qui servira autant à assurer leur bon fonctionnement qu’à explorer leurs futures évolutions.</p>
<h2>Retour au paradis terrestre ?</h2>
<p>Le transmachinisme peut se rêver comme un retour au paradis terrestre, comme la reconstruction d’une nature généreuse où couleraient le lait et le miel, un nouvel âge d’or. L’homme, chassé du paradis pour avoir préféré l’arbre de connaissance à l’arbre de vie, ayant ensuite par nécessité, à la sueur de son front, développé un savoir et un savoir-faire qui l’a conduit là où nous sommes, l’homme donc refermerait la boucle, retournerait au jardin d’Eden, en abandonnant les connaissances techniques aux machines.</p>
<p>Par contraste, le transhumanisme évoque plutôt un second péché originel, une seconde création, une émancipation radicale de la condition humaine présente, une fuite en avant de l’intelligence. Le retour à l’Eden transmachiniste délivrerait l’homme de l’exercice d’une intelligence asservie à l’impératif d’un <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/le-transhumanisme-une-utopie-ou-un-danger-1011427">progrès sans fin</a>.</p>
<p>L’intelligence que ces transmachines devraient développer pour s’autogérer et survivre conduirait éventuellement à des modes de raisonnement et à des solutions bien différentes de notre génie mécanique et notre génie civil. C’est peut-être trop bête de vouloir singer l’homme. Quand on connaît de près l’effroyable désordre des programmes informatiques écrits par l’homme, on se prend à rêver d’architectures logicielles dont la pureté ne serait pas polluée par nos faiblesses cognitives.</p>
<p>Souhaitable ou pas, on peut penser que ce transmachinisme serait plus facile à accomplir que le transhumanisme : au fond, ce ne sont que des machines en dur qui transforment de l’énergie, de la matière ou des denrées alimentaires. On est loin de la complexité gélatineuse du vivant. Il est peut-être plus facile de construire des machines qui nous ignorent que des machines qui nous ressemblent. Et si nous nous obstinons à faire le travail des machines à leur place, comment voulez-vous qu’elles deviennent intelligentes ?</p>
<p>Finalement, le transmachinisme est un objectif plus humain et moins ambitieux que l’« homme-dieu » du transhumanisme, et la « machine-dieu » de la singularité technologique.</p>
<p>Afin de pousser plus loin la réflexion, voici quelques premières questions, d’une liste qui pourrait être longue :</p>
<ul>
<li><p>Saura-t-on fixer des limites aux transmachines si elles émergent, et pourra-t-on les faire respecter ?</p></li>
<li><p>Si l’homme, rassasié par une nature artificielle autonome et généreuse, s’affranchit du travail, que devient son intelligence, s’atrophie-t-elle, s’épanouit-elle, et vers quels horizons ?</p></li>
<li><p>L’homme peut-il rester intelligent sans travailler, sans lutter, sans adversité ? Un Homme sans nécessité ? Il est notable que les jeunes Norvégiens, dans un pays nourri à la manne pétrolière, <a href="https://www.tnp.no/norway/exclusive/2833-does-education-pay-off-in-norwayij">ne veulent plus faire d’études longues</a>, et que là-bas les médecins commencent à manquer ;</p></li>
<li><p>Qui des ingénieurs ou de ce nouvel Eden autonome colonisera Mars en premier ? Cette question s’adresse en partie à <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/2019/01/11/20005-20190111ARTFIG00358-avec-starship-elon-musk-vise-mars.php">Elon Musk</a>, président-directeur général et directeur de la technologie de la société SpaceX, qui cherche à réunir des milliards pour conquérir la planète rouge ;</p></li>
<li><p>Sommes-nous en train de passer du projet de créer un homme nouveau à celui de créer une <a href="https://gouvernance.news/2020/03/05/ia-les-exploits-des-gafam-sont-loin-des-vrais-besoins-des-entreprises/">nature nouvelle</a>, de plus en plus occupée physiquement par des capteurs, des puces de silicium, des câbles, des fibres et des émetteurs-récepteurs radio ?</p></li>
</ul>
<p>Charles Aznavour, grand expert en humanité, a dit un jour : « mon travail est <a href="http://www.leparisien.fr/culture-loisirs/charles-aznavour-je-ne-suis-pas-une-star-21-10-2009-682224.php">plus intelligent que moi</a> ». Si nous pouvons tous méditer cette citation, il nous reste à approfondir notre travail de recherche afin de dessiner le puzzle du transmachinisme, repérer les pièces existantes et identifier les chaînons manquants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Rohmer travaille pour le Pôle Léonard de Vinci. Il a reçu des financements de BPI France. Il est membre de l'Institut Fredrik Bull comme président.
</span></em></p>Dans ce scénario, toutes les étapes de la production à la distribution seraient assurées par des systèmes autogérés. Une voie plus plausible que le transhumanisme.Jean Rohmer, Docteur-Ingénieur ENSIMAG, Docteur-ès-Sciences – HDR en Informatique, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1108572019-02-20T23:41:32Z2019-02-20T23:41:32ZLes humains augmentés, sujets du bio-droit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259760/original/file-20190219-43255-9hoba5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bras bionique</span> <span class="attribution"><span class="source">Defense Advanced Research Projects Agency </span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où certains envisagent le transhumanisme comme un nouvel âge de l’humanité grâce aux technosciences, l’impression d’une absence de contrôle domine. Quelques expériences scientifiques spectaculaires, à la limite du fait-divers, confortent cette impression, témoin l’affaire des <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969">enfants génétiquement modifiés en Chine</a>. Est-ce à dire que la voie pour augmenter l’être humain est totalement libre ? Serons-nous bientôt tous des cyborgs ? Répondre d’emblée positivement reviendrait à oublier un peu vite que le droit délimite la marche du progrès et prohibe certaines pratiques. Censeur de l’hubris technoscientifique contemporaine, il érige même en infractions certains comportements contraires à l’éthique médicale.</p>
<h2>Droit de la bioéthique et bio-droit</h2>
<p>La régulation des activités biomédicales d’amélioration humaine est assurée par le droit de la bioéthique parfois appelé bio-droit. Il s’articule autour de deux principes juridiques majeurs, la liberté et la dignité, et se fonde notamment sur les lois bioéthiques adoptées en 1994 et sur des textes internationaux comme la <a href="http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13177&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html">Déclaration universelle sur le génome humain</a> ou la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_d%27Oviedo">convention d’Oviedo</a> relative aux droits de l’humain et à la biomédecine.</p>
<p>Plusieurs pratiques relevant de l’augmentation humaine font donc déjà l’objet d’un encadrement juridique à l’instar de l’assistance médicale à la procréation, du diagnostic préimplantatoire, du clonage, de l’eugénisme, des greffes, etc. En d’autres termes, même s’il n’existe pas de texte général sur l’augmentation humaine ni de modèle bioéthique global, des ressources juridiques sont d’ores et déjà à notre disposition pour régler certaines des questions soulevées par l’amélioration de l’être humain.</p>
<h2>L’homme augmenté, un justiciable parmi d’autres</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259762/original/file-20190219-43281-x4fgkq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Oscar Pistorius.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jim Thurston/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le droit de la bioéthique détermine les principes cardinaux devant être respectés en matière d’amélioration de l’humain, d’autres branches du droit traitent d’aspects plus pragmatiques dans ce domaine. Le code pénal incrimine ainsi ceux qui dépasseraient certaines limites : celui, par exemple, qui prélèverait un organe à une personne non consentante pour le greffer sur une autre. Le droit du sport traite du dopage, forme d’augmentation contraire à l’idéal sportif. Le droit des personnes, le droit des biens et le droit des obligations ont également un rôle à jouer pour déterminer le statut des prothèses et autres dispositifs d’augmentation du corps humain. S’agit-il de choses comme les autres ? Comment répare-t-on le préjudice découlant de la perte d’une prothèse ? Des juridictions ont été confrontées à la question de savoir comment traiter, lors de compétitions sportives, le porteur d’une prothèse qui pourrait l’avantager. À ce sujet, le Tribunal arbitral du sport a estimé que les analyses scientifiques ne permettaient pas de conclure que les prothèses <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Flex-Foot_Cheetah">Flex Foot Cheetah</a> d’Oscar Pistorius l’avantageaient par rapport à un athlète valide.</p>
<h2>Un droit plutôt favorable à l’amélioration individuelle</h2>
<p>L’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419297&cidTexte=LEGITEXT000006070721">article 16-3 du code civil</a> permet de porter atteinte à l’intégrité du corps humain en cas de nécessité médicale pour la personne ou dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. C’est dire que certaines augmentations individuelles sont d’ores et déjà légales. Si l’on pense en priorité aux formes réparatrices qui visent à replacer un individu malade ou blessé dans un état aussi proche que possible de son état initial, on s’aperçoit vite que les formes non réparatrices sont elles aussi admises. Le Code de la santé publique consacre ainsi des dispositions spécifiques à la chirurgie esthétique qui n’a pas à poursuivre de but thérapeutique mais peut être motivée par de simples convenances personnelles. De façon plus générale, d’autres procédés relevant plus de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthropotechnie">anthropotechnie</a> que de la médecine traditionnelle sont également légales. C’est le cas des techniques contraceptives qui ne soignent pas de pathologies mais permettent de maîtriser la reproduction.</p>
<h2>Des garde-fous face aux velléités déraisonnables d’augmentation</h2>
<p>Bien qu’il n’existe pas de statut juridique de l’humain augmenté, les juristes ne sont pas démunis pour contrôler l’anthropotechnie. Tout d’abord, la déontologie médicale semble incompatible avec un recours non maîtrisé à l’anthropotechnie. Selon le deuxième alinéa de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006912869&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20100625">article R 4127-8 du Code de la santé publique</a>, le médecin « doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins ». En outre, selon l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006912903&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20080505">article R 4127-40</a> du même code, « le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié ». Est ici mise en valeur l’obligation du médecin de ne pas prendre de risques et de limiter ses pratiques aux seuls soins, lesquels n’incluent évidemment pas les pratiques augmentatives.</p>
<p>Les droits fondamentaux et certains principes fondateurs du droit de la bioéthique, parmi lesquels l’égalité et la dignité, font ensuite obstacle à la réification des individus à laquelle l’hybridation de la chair avec la machine pourrait mener. De même, la primauté de la personne humaine énoncée par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006419319">article 16 du code civil</a>, mais aussi le respect dû au corps, son inviolabilité et sa non-patrimonialité affirmés par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=F678772848B707CB4AA0831FF3A26D8F.tplgfr29s_3?idArticle=LEGIARTI000006419293&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20190128&categorieLien=id&oldAction=&nbResultRech=">article 16-1</a>, semblent s’opposer aux tentatives trop radicales d’amélioration individuelle. En outre, si certaines formes d’anthropotechnie venaient à être assimilées à des soins, ce qui est déjà le cas de la procréation médicalement assistée et de la contraception, le principe d’égal accès aux soins et celui de non-discrimination devraient permettre de garantir l’égal accès à ces techniques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259764/original/file-20190219-43255-1o2dw7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Humain bionique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, de façon plus prospective, l’extension du principe de précaution pourrait constituer une limite sérieuse aux techniques augmentatives dangereuses. Dégagé par Hans Jonas dans son ouvrage intitulé <a href="https://www.pimido.com/philosophie-et-litterature/culture-generale-et-philosophie/commentaire-de-texte/jonas-principe-responsabilite-423889.html"><em>Le principe de responsabilité : une éthique pour la civilisation technologique</em></a>, ce principe qui consiste à s’attendre au pire est connu du droit, mais seul le Code de l’environnement le prévoit pour l’instant. Son application en droit de la santé permettrait une reformulation de la bioéthique autour de l’idée centrale de responsabilité et condamnerait les pratiques présentant des dangers.</p>
<h2>Un droit plutôt hostile à l’amélioration de l’espèce humaine</h2>
<p>Bien qu’il accepte certaines pratiques anthropotechniques à l’échelle individuelle, le droit semble plutôt défavorable à l’amélioration de l’espèce dans son ensemble. Divers indices révèlent cette position. Un premier signe est la prise en compte légale de l’intégrité de l’espèce humaine. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006419299">L’article 16-4 du code civil</a> prohibe expressément les atteintes à l’intégrité de l’espèce humaine, l’eugénisme, le clonage et les transformations des caractères génétiques visant à modifier descendance d’une personne. Le message est clair : l’espèce humaine ne doit pas être modifiée. Un deuxième indice est l’incrimination des crimes contre l’espèce humaine comme le clonage reproductif et l’eugénisme qui sont punis de trente ans de réclusion criminelle et de 7500000 euros d’amende. Un troisième indice repose sur la prise en compte émergente des générations futures à l’égard desquelles les générations actuelles auraient des responsabilités. Bien que la normativité de ce concept soit encore incertaine, il pourra peut-être servir à empêcher la modification de l’espèce humaine.</p>
<p>En définitive, on a sans doute trop tendance à oublier le rôle du droit dans l’évolution sociale. À tous ceux qui ont l’impression que notre société est dépassée par le fait biotechnologique, on peut rappeler que les juristes tentent de veiller sur les droits fondamentaux des individus et sur l’intégrité de l’espèce humaine, quitte à se transformer en éthiciens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les cyborgs sont des justiciables comme les autres. Le droit s’est emparé de l’humain augmenté pour le protéger de dérives eugénistes.Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1116482019-02-15T11:41:18Z2019-02-15T11:41:18ZLe transhumanisme est-il un animisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/258508/original/file-20190212-174870-13ba4s6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C48%2C3094%2C1641&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le transhumanisme postule que l’hybridation de l’humain et de la machine est non seulement souhaitable, mais aussi inéluctable.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/inartmedia/27419698617/in/photolist-HLZ87r-29EuhUJ-78hM4B-Vh1Yuu-29UuV6N-VkySti-WeQbbF-UXuEAQ-BhV1eN-AHtKbB-BhUVcy-VSugrn-Sdq3r-2aZeV19-XXufYz-SEu6gD-KxvQv7-XXueNi-BhUSZC-qhRCGe-21L4piL-KxvQZy-SGaDoR-AFaujZ-BkaD9D-ZEHgrC-cGnke7-BgZAXg-5BxQLm-SNbcyb-272qsAj-24VDfUQ-JTHQ6H-8mccEL-23rf1oZ-NvzNNi-XrQtKd-7Mbzwn-AFasMR-RCst51-Fyqfu6-bE7Ebq-KxvR4G-GfkajD-2bbyHcH-27qWCNr-PCy4e6-M3wziP-ZKjfUR-cGnpkW">Mark Crutch/Flickr</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Le transhumanisme, popularisé par l’ingénieur et futurologue américain <a href="https://theconversation.com/esprit-in-silico-les-vains-espoirs-de-limmortalite-50643">Ray Kurzweil</a> avec son université de la <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2017/08/13/2045-l-odyssee-de-la-singularite_5171981_4415198.html">singularité</a>, et par le professeur de cybernétique britannique <a href="http://www.kevinwarwick.com/">Kevin Warwick</a>, se présente comme un mouvement d’idées prônant la transformation, l’amélioration ou l’augmentation de l’humain par la technologie.</p>
<p>Il postule que l’hybridation de l’humain et de la technologie, du vivant avec le non-vivant, du naturel et de l’artificiel, est non seulement désirable mais aussi dans l’ordre de l’évolution : autrement dit, irréversible et pour ainsi dire fatal.</p>
<p>Certains philosophes, comme Jean‑Michel Besnier, ont aussitôt dénoncé dans cette affirmation une forme de <a href="https://hermes.hypotheses.org/1075">« régression animiste »</a> et de renoncement au pouvoir de la raison, à savoir la capacité des êtres humains de décider collectivement et librement de leur destinée. Difficile de ne pas entrevoir, en effet, derrière la revendication des mouvements transhumanistes, le spectre d’une confusion pouvant mener aux pires dérives, comme celle d’assimiler le vivant à une chose ou à une marchandise parmi d’autres.</p>
<p>Peut-on pour autant le considérer comme un « animisme », défini génériquement comme une façon de considérer que toutes les entités peuplant le monde ont une âme, ou sont, dans le langage de la tradition philosophique, des <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Par-dela-nature-et-culture">sujets à part entière</a> ?</p>
<p>Tout dépend de la définition qu’on en donne. Notre hypothèse est qu’il s’agit au contraire d’une « régression rationaliste » en tout point opposée à la pensée du monde animiste.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NE8FO3mYb4Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence TED de Ray Kurzweil. (YouTube, 2014).</span></figcaption>
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<h2>Frontières brouillées entre vivant et non-vivant</h2>
<p>Pour un certain nombre de personnes, les machines ont aujourd’hui atteint, grâce aux progrès de l’intelligence artificielle (IA), un tel niveau d’autonomie et d’initiative, qu’elles peuvent être considérées par l’humain comme des partenaires à part égal, y compris sur le plan relationnel et affectif. Les médias relaient régulièrement et non sans une certaine délectation des témoignages qui attestent de cette confusion croissante entre machine et humain, pouvant aller jusqu’à l’empathie. Mais en quoi ces faits attestent-ils d’un retour de l’animisme ?</p>
<p>La psychologue américaine <a href="https://journals.openedition.org/lectures/17697">Sherry Turkle</a>, analyse depuis des décennies nos relations aux machines informatiques et autres intelligences artificielles. Elle a notamment mis en évidence que notre « attachement » (y compris affectif) à celles-ci résultait moins d’une confusion ou d’une connexion rétablie entre vivant et non-vivant que d’un oubli progressif de ce qu’« être vivant » peut bien vouloir signifier concrètement.</p>
<p>Cet attachement a la plupart du temps pour préalable et prérequis la dégradation des relations entre vivants, leur appauvrissement en contexte, voire leur raréfaction. C’est parce que les adolescents américains suivis par Sherry Turkle ont par exemple de moins en moins l’occasion de se confronter à l’altérité des animaux dans un cadre hyper-urbanisé et artificialisé, que les simulations d’animaux fournies par l’IA leur paraissent plus vraies que « nature ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"920430787056586752"}"></div></p>
<h2>Le stade ultime de l’humanisme</h2>
<p>Cette inversion de référentiel répond à des conditions d’adaptation à un milieu dominé par l’organisation technique de l’espace et du temps. Nul animisme ici, mais une mise en conformité des comportements à ce qui tend à devenir la norme unique, celle de la rationalité technique.</p>
<p>Cette attitude s’apparente donc davantage à un déterminisme technologique, celui qui découle de l’habitude acquise de tout expliquer sur une base technique et utilitaire, à ne concevoir comme « réel » que ce que l’on peut fabriquer, à confondre les choses qui se produisent d’elles-mêmes (la nature ou <em>phusis</em> au sens premier) avec celles qui sont fabriquées ou <a href="https://www.editionsddb.fr/livre/fiche/leurre-et-malheur-du-transhumanisme-9782220095516">« se prêtent à mathématisation »</a>.</p>
<p>Ainsi la théorie du transhumain, loin de nous ramener à des formes archaïques de pensée, est au contraire l’aboutissement du projet humaniste dans toute sa splendeur, celui d’un humain mesure de toute chose, en surplomb du monde comme sur un piédestal. C’est la position de philosophes, aussi différents par ailleurs, que Dominique Lestel ou Olivier Rey. Pour <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/quoi-sert-lhomme-9782213693927">Dominique Lestel</a>, par exemple :</p>
<blockquote>
<p>« Le post-humanisme, c’est aussi cette croyance humaniste, trop humaniste, qu’un humain dépourvu de toute attache à l’animalité est encore humain : une croyance évidemment suicidaire. »</p>
</blockquote>
<h2>Désorientés par la magie du numérique</h2>
<p>Mais si l’on considère, comme le philosophe et sociologue <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/lucien-levy-bruhl/">Lucien Lévy-Bruhl</a> en 1949, que l’animisme fait au fond référence à un « état de la mentalité humaine en général », et non à un stade « primitif » de l’humanité, les expériences du monde que certains phénomènes associés aux environnements numériques dégagent, présentent en effet des similitudes frappantes.</p>
<blockquote>
<p>« Nous autres modernes – écrivait l’anthropologue <a href="https://journals.openedition.org/assr/24888">Ernesto de Martino</a> – nous partons ordinairement du présupposé que dans le magisme, comme dans notre civilisation, il y a un monde donné auquel se présente un être-là garanti : dès lors, la magie nous apparaît comme une fausse science, ou comme une technique avortée. En réalité, le problème du magisme n’est pas de connaître le monde ou de le changer, mais plutôt de garantir le monde auquel un être se rend présent. Dans la magie, le monde n’est pas encore décidé, et la présence est encore engagée dans cette œuvre de décision de soi et du monde. »</p>
</blockquote>
<p>N’est-ce pas à cette même incertitude que nous ramène l’indétermination de ce que nous désignons, faute de mieux, par « transformation numérique » ? Le brouillage des frontières de toutes sortes auquel cette transformation donne lieu fait vaciller le type d’objectivité et de solidité auquel nous étions habitués dans le monde moderne. Cela s’accompagne d’un état de désorientation qui laisse le champ libre à des attitudes que l’on croyait révolues. Mais taxer ces dernières d’obscurantistes n’apporte rien, sinon des effets de stigmatisation qui appellent à leur tour des réactions identitaires de rejet et d’exclusion. L’analogie animiste s’avère encore utile pour penser autrement et donner un autre sens à ces réactions.</p>
<h2>Réinventer des façons d’être au monde</h2>
<p>Comme le réaffirme Dominique Lestel :</p>
<blockquote>
<p>« Ce qui est en jeu n’est donc pas de retourner à l’animisme comme essaient de le faire les thuriféraires du “New Age”, mais de réinventer ce que peuvent être des formes d’animismes pour une époque comme la notre. […] En fin de compte, le nouvel animisme conteste vite les préjugés modernistes et invite à l’élargissement des engagements relationnels. »</p>
</blockquote>
<p>Dans l’expérience animiste du monde, c’est en effet l’expérience de l’inachèvement (de soi et des autres êtres), comme condition de l’ouverture au monde, qui confère l’<a href="https://journals.openedition.org/sociologies/4294">assurance d’exister</a>. Ce qui est décisif est la richesse des relations, leur multiplicité.</p>
<p>Face à un avenir promis au chaos et aux catastrophes, n’y a-t-il pas ici des formes de ré-assurance bonnes à penser ? Que cela nous désoriente et soit source d’inquiétude est une chose, mais face à l’hypothèse de plus en plus crédible « d’un monde sans l’homme », nous sommes conduits à réfléchir à d’autres façons d’être au monde ou de nous lier à lui. Il en découle d’autres expériences du monde, d’autres états de conscience que l’attitude animiste peut nous aider à déchiffrer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gérard Dubey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La philosophie qui sous-tend le transhumanisme est parfois comparée aux croyances animistes : elle semble au contraire être l’aboutissement de la rationalité technique qui façonne la pensée moderne.Gérard Dubey, Sociologue, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1114712019-02-14T21:39:02Z2019-02-14T21:39:02ZNos cerveaux resteront-ils humains ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/258089/original/file-20190210-174861-1slvj7a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Crâne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo by jesse orrico on Unsplash</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions ici un extrait du livre de Catherine Vidal, <a href="https://www.editions-lepommier.fr/nos-cerveaux-resteront-ils-humains">« Nos cerveaux resteront-ils humains »</a>, qui vient de sortir aux éditions Le Pommier.</em></p>
<hr>
<p>Super-intelligence : comment s’y prendre ? Voici les pistes à suivre…</p>
<h2>Cryogéniser son cerveau ?</h2>
<p>En attendant que se réalisent les prédictions des transhumanistes d’accéder à l’immortalité grâce à la fusion de l’esprit humain avec le monde numérique, certains ont fait le choix d’être <a href="https://theconversation.com/cryogenisation-le-champ-des-possibles-95532">« cryogénisés » après leur mort</a>. Il est conseillé de ne pas congeler le corps dans la glace, mais plutôt de le cryogéniser par vitrification en le plongeant dans l’azote liquide à -196 °C. Cette technique empêche la formation de cristaux de glace dans les cellules, ce qui endommage les tissus et compromet le succès de la décongélation…</p>
<p>De tels services sont proposés par des sociétés aux États-Unis (Cryonics Institute et Alcor Life Extension), en Russie (KrioRus) et en Australie. En France, le procédé est interdit par la loi, ce qui n’empêche pas la filiale Cryonics France d’en faire la promotion. En 2017, le 1<sup>er</sup> Congrès international sur la longévité et la cryopréservation s’est tenu en Espagne avec une centaine de participants venus de tous les coins du monde. Aux États-Unis, cryogéniser le corps entier peut coûter jusqu’à deux cent mille dollars. Mais il est aussi possible, pour un moindre coût, de ne cryogéniser que la tête (quatre-vingt mille dollars). Autant se débarrasser du corps, car c’est bien dans le cerveau que se loge l’esprit qu’il s’agit d’immortaliser par téléchargement…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=590&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/258093/original/file-20190210-174894-1h39j5v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Armoire à glace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cryonics/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Doper le cerveau grâce aux neurostimulations</h2>
<p>Les effets bénéfiques des neurotechnologies chez les patients sont un immense progrès pour la qualité de vie des personnes souffrant de handicap : implants pour compenser un déficit auditif ou visuel, captation des ondes cérébrales pour contrôler des prothèses et communiquer avec le monde extérieur chez les paralysés, électrodes intracérébrales pour empêcher les tremblements des parkinsoniens, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stimulation_magn%C3%A9tique_transcr%C3%A2nienne">stimulations transcrâniennes</a> pour les troubles psychiatriques, etc.</p>
<p>Mais qu’en est-il pour une personne en bonne santé ? Laisser croire qu’il existe une continuité entre réparation et amélioration est un leurre savamment entretenu par les transhumanistes. Les performances d’une prothèse sont bien moindres que celles d’un organe naturel. Ainsi les implants pour les sourds et les malvoyants sont-ils très loin de mimer toutes les subtilités de l’audition et de la vision, qui, dans des conditions physiologiques normales, sont encore méconnues. Pour Anne-Laure Boch, neurochirurgienne à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris, </p>
<blockquote>
<p>« l’amélioration d’une fonction pratiquée chez des personnes bien portantes implique une exigence de résultat (confort, sécurité, absence d’effets secondaires…) que n’ont pas les malades en attente d’une simple “réparation” d’un organe défaillant ».</p>
</blockquote>
<p>C’est bien là qu’achoppent les promesses d’augmentation des capacités cérébrales pour des individus sains. Dès que l’on applique des stimulations électriques au cerveau, le risque est important de créer des phénomènes de surexcitation des neurones qui produisent des ondes épileptiques. Celles-ci sont capables de se propager dans d’autres régions cérébrales et de détruire les neurones. Ces processus d’emballement de l’activité électrique des neurones restent très peu connus malgré des dizaines d’années de recherche sur l’épilepsie. Un autre effet dommageable de l’implantation intracérébrale d’électrodes et de microprocesseurs est le risque d’infection. Les actes chirurgicaux pour percer le crâne, changer les batteries, remplacer des systèmes défaillants peuvent entraîner des infections et des abcès, sans compter les risques d’hémorragie. Ces effets secondaires concernent 3 à 5 % des patients parkinsoniens porteurs d’électrodes de stimulation.</p>
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<span class="caption">Chirurgie parkinsonienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Quant aux neurostimulations transcrâniennes, qui ne touchent pas directement la matière cérébrale, ce n’est pas parce qu’elles sont non-invasives qu’elles ne sont pas dangereuses. Des interrogations majeures se posent sur leur efficacité à long terme. Peuvent-elles induire une dépendance ? Leurs effets sont-ils réversibles ? Et, surtout, comment contrôler la propagation des stimulations pour qu’elles ciblent spécifiquement une région et une fonction ? Par exemple, est-ce que l’augmentation de la vitesse de calcul mental ne va pas se faire au détriment de la capacité de lecture des mots ? Comment focaliser son attention sur une tâche donnée sans être perturbé par des pensées fugitives incontrôlables ? Certains prétendent qu’on arrivera à manipuler les souvenirs. Mais comment garder les bons et éliminer les mauvais ?</p>
<p>Cela étant, toutes ces visions futuristes de l’amélioration cérébrale se heurtent à la réalité du fonctionnement du cerveau, que les transhumanistes mettent savamment de côté. Aucune fonction n’est localisée de façon immuable dans une région spécifique en raison de la plasticité du cerveau. L’intelligence, le raisonnement, la mémoire, les émotions, l’imagination ne sont pas situés dans des zones précises du cerveau. Ces fonctions résultent de l’activité de neurones distribués dans de vastes régions. Ces réseaux de neurones interagissent entre eux et se réorganisent en permanence de façon fluctuante et non prédictible. Laisser croire que le cerveau puisse obéir durablement aux ordres d’un microprocesseur est en totale contradiction avec la plasticité cérébrale.</p>
<h2>Intelligences humaine et artificielle : quelles différences ?</h2>
<p>Intelligence artificielle, neurones formels, apprentissage virtuel, neurofeedback… tous ces termes utilisés en informatique et en robotique laissent penser qu’il existe de nombreux points communs entre structures nerveuses et structures électroniques. Ce n’est pas le cas.</p>
<p>Le cerveau ne ressemble en rien à un ordinateur, ni dans sa structure ni dans son fonctionnement. Rappelons qu’il est constitué de cent milliards de neurones et de cent milliards de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellule_gliale">cellules gliales</a>, qui sont interconnectés dans des réseaux infiniment complexes : chacune de ces cellules est reliée en moyenne à cinquante mille autres. Le nombre de points de contact entre les neurones (les synapses) est de l’ordre d’un million de milliards. Les informations qui circulent dans les réseaux neuronaux sont à la fois électriques et chimiques. Les différences de potentiels de l’influx nerveux et les molécules des neurotransmetteurs se combinent en une cascade d’interactions qui permettent de nuancer sans limites le contenu des messages échangés entre les cellules. C’est à partir de cette « symphonie cérébrale » qu’émergent la pensée, la conscience, les émotions, l’imagination…</p>
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<span class="caption">Neurones et microglies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GerryShaw/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>L’intelligence humaine se forge progressivement au cours du développement de l’enfant et de la maturation de son cerveau. Elle ne cesse d’évoluer en fonction des expériences vécues et des changements du monde environnant. Elle résonne avec le corps et avec les autres humains à travers le langage, la pensée, la culture. Nos processus cognitifs n’ont de sens que parce qu’ils sont incarnés dans un corps vivant qui désire vivre et craint de mourir.</p>
<p>Rien de tout cela dans l’intelligence artificielle des ordinateurs. La matière inerte des microprocesseurs diffère radicalement de la matière vivante du cerveau. Les puces électroniques des ordinateurs sont constituées de couches nanométriques d’atomes (en particulier le silicium), dont les variations d’états énergétiques varient entre 0 et 1 pour faire passer, ou pas, une tension électrique. Les « neurones artificiels » qui composent les microprocesseurs de dernière génération ne fonctionnent en aucun cas comme de vrais neurones. Ils traduisent en impulsions électriques les instructions des algorithmes, programmées dans la machine. En langage informatique, les algorithmes sont définis comme un ensemble de règles de calcul qui permettent de combiner un grand nombre d’informations sous la forme d’un programme exécuté par un ordinateur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/258091/original/file-20190210-174880-1tx9d12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Micropuce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Uwe Hermann/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Certains algorithmes sont conçus de telle sorte que leur comportement évolue dans le temps en fonction des données qui leur sont fournies. C’est le <a href="https://theconversation.com/vous-avez-dit-machine-learning-quand-lordinateur-apprend-a-apprendre-76049">machine learning</a>, ou « apprentissage automatique », qui est la base de l’intelligence artificielle (IA). L’apprentissage nécessite d’alimenter la machine avec des milliers d’exemples, à suivre ou à ne pas suivre, pour atteindre le but recherché. Le système est entraîné à « apprendre » au cours des essais et des erreurs commises par le logiciel pour accomplir la tâche qui lui est assignée. L’utilisation des algorithmes concerne de nombreux domaines : moteurs de recherche sur Internet, prévisions météo, régulation du trafic routier et aérien, reconnaissance des visages, etc., sans oublier le ciblage publicitaire et la prospection électorale. En 2016, le programme AlphaGo développé par Google a battu le champion sud-coréen au jeu de go. Mais peut-on parler d’une intelligence produite par la machine ? Il s’agit ni plus ni moins d’une capacité supra-humaine de stockage et de traitement statistique des données numériques. <a href="https://theconversation.com/go-une-belle-victoire-des-informaticiens-56245">La vraie intelligence est bien celle des chercheurs</a> qui ont conçu le programme informatique.</p>
<p>Si, comme le pensent les transhumanistes, il n’y a pas de frontière infranchissable entre les intelligences humaine et artificielle, une piste de recherche est de s’inspirer de la structure du cerveau humain pour fabriquer des machines « intelligentes » qui serviront de support pour télécharger la pensée. De nombreux projets de recherche de par le monde visent à concevoir des modèles mathématiques et des algorithmes capables de simuler l’activité des neurones et leurs interconnexions. C’est le cas du programme européen <a href="https://www.humanbrainproject.eu/en/">Human Brain Project</a>, lancé en 2013, qui bénéficie d’un milliard d’euros sur dix ans pour modéliser le fonctionnement du cortex cérébral grâce à la puissance de calcul d’un super-ordinateur. Les premiers résultats publiés en 2015 sont plus que modestes… Pour commencer, les chercheurs ont entrepris de simuler la structure du cortex cérébral du rat, beaucoup plus simple que le cortex humain. Ils n’ont réussi à modéliser qu’un tout petit volume de deux millimètres cubes, contenant trente mille neurones et quarante millions de synapses. La modélisation des deux cents milliards de nos cellules cérébrales, neurones et cellules gliales, et du million de milliards des synapses du cerveau humain n’est pas pour demain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=559&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/258092/original/file-20190210-174883-yn9mqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=703&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Connections neuronales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas SchultzWikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Nos cerveaux sont tous différents</h2>
<p>Et, si on y arrivait… comment transposer sur ces modèles les contenus de la pensée, de la mémoire, de la personnalité ? Encore faudrait-il localiser précisément ces fonctions pour les télécharger. Or, les réseaux de neurones qui sous-tendent les fonctions cognitives sont distribués dans de nombreuses régions du cerveau et se réorganisent en permanence en fonction des interactions avec l’environnement, des apprentissages, de l’âge, etc. Le cerveau humain se modifie perpétuellement grâce à la plasticité cérébrale ! De plus, tous les êtres humains ont des cerveaux différents, chacun le mobilise à sa façon en fonction du passé, du présent et des anticipations qui sont propres à chaque individu. Décrypter la « boîte noire » des fondements biologiques de cette diversité pour la rendre téléchargeable est une tâche d’une complexité incommensurable que seuls les prophètes du transhumanisme se prétendent capables de réaliser.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=893&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/258248/original/file-20190211-174870-yco1q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1122&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Editions Le Pommier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le cerveau humain est le résultat de millénaires d’évolution biologique qui ont permis l’émergence de la pensée. Cette connaissance semble échapper aux adeptes du transhumanisme qui, dans leur vaste majorité, sont des ingénieurs, des informaticiens et non des chercheurs en biologie ou en neurosciences. On ne s’étonnera pas que des sujets tels que la préservation de la biodiversité ou l’équilibre écologique de la planète ne soient pas leurs préoccupations majeures, ils préfèrent se déporter sur Mars et dans les stations orbitales…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111471/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Vidal est l'auteure de l'ouvrage "Nos cerveaux resteront-ils humains".</span></em></p>Le cerveau humain est le résultat de millénaires d’évolution biologique qui ont permis l’émergence de la pensée. Le considérer comme une machine est une erreur grave.Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/955322018-04-24T19:34:11Z2018-04-24T19:34:11ZCryogénisation : le champ des possibles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216158/original/file-20180424-57614-15zt4uv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C485%2C5973%2C3494&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grotte glacée en Islande.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/zzOPJR7tlK0">Adam Jang/Unsplash</a></span></figcaption></figure><h2>Au-delà de la fiction, un véritable business</h2>
<p>D’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hibernatus"><em>Hibernatus</em></a> à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ubik"><em>Ubik</em></a>, la cryogénisation ne cesse d’inspirer la fiction comme le montrent deux romans récents : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Horizon_%C3%A0_l%27envers"><em>L’Horizon à l’envers</em></a> de Marc Levy et <em>Zero K</em> de Don DeLillo. Cependant, cette technique de conservation des corps à une très basse température n’est plus l’apanage de la fiction. De temps à autre, des faits divers attirent l’attention des médias sur cette pratique encore méconnue. On pense par exemple à <a href="http://www.lemonde.fr/sante/article/2016/11/18/la-justice-britannique-donne-le-droit-a-une-adolescente-d-etre-cryogenisee_5033525_1651302.html">cette jeune fille de 14 ans</a>, morte des suites d’un cancer et dont un juge britannique a autorisé la cryogénisation onze jours avant son décès, ou à cette femme de 49 ans, première personne à avoir été cryoconservée en Chine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216160/original/file-20180424-57611-1s6pag0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche du film <em>Hibernatus</em> de Édouard Molinaro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/imgres?imgurl=https://media.senscritique.com/media/000011710649/source_big/Hibernatus.jpg&imgrefurl=https://www.senscritique.com/film/Hibernatus/423663&h=1023&w=771&tbnid=-1bwejr4rRadwM:&tbnh=186&tbnw=140&usg=__qJ8M7fM-yau8yZAr2sjI1MeszFs%3D&vet=10ahUKEwi7667yh9PaAhUB6aQKHRffC2kQ_B0IpgEwCg..i&docid=lN4r3_AIS2YFbM&itg=1&sa=X&ved=0ahUKEwi7667yh9PaAhUB6aQKHRffC2kQ_B0IpgEwCg">Sens critique</a></span>
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<p>En réalité, à l’heure où quelques centaines de personnes auraient été cryogénisées à travers le monde, ces cas ne sont plus si singuliers. Les trois entreprises les plus connues dans ce domaine, <a href="http://alcor.org/">Alcor Life Extension Foundation</a>, le <a href="http://www.cryonics.org/">Cryonics Institute</a> et <a href="http://kriorus.ru/en">KrioRus</a>, proposent différentes formules de cryopréservation allant de 28 000 à 200 000 dollars et pouvant être financées grâce à la souscription d’une assurance-vie dont le bénéficiaire désigné est l’entreprise choisie. Loin de relever du simple fantasme, la cryogénisation pénètre donc la culture contemporaine au point de devenir un véritable <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/01/06/congeler-les-morts-un-business-d-avenir_4338389_3224.html">business</a>.</p>
<h2>Vers une « Société postmortelle »</h2>
<p>Dès les années soixante, un cap est franchi dans la quête de l’immortalité grâce à la mise au point de techniques de cryopréservation des corps permettant d’arrêter le processus de <a href="http://www.pf3frontieres.com/la-legislation-relative-aux-deces/la-presentation-des-defunts/la-thanatomorphose/">thanatomorphose</a> et d’envisager une réanimation ultérieure. Considéré comme le père de la cryogénisation, Robert Ettinger, le fondateur du Cryonics Institute, popularise ces méthodes dans son ouvrage <a href="https://www.cryonics.org/images/uploads/misc/Prospect_Book.pdf"><em>The Prospect of Immortality</em></a> publié en 1962.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"906852282469376000"}"></div></p>
<p>Si l’on en croit ses défenseurs, la cryogénisation serait la voie par laquelle l’actuelle communauté des mortels deviendra la future « société postmortelle » que décrit <a href="https://www.iea-nantes.fr/fr/chercheurs/lafontaine-celine_109">Céline Lafontaine</a> et dont les transhumanistes prédisent l’avènement. Autrement dit, les revendications cryoniques renouvellent la quête d’immortalité et participent sans doute du phénomène de relégation de la mort qu’a pu décrire <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1979_num_20_2_6705">Philippe Ariès</a> en constatant que « la société a expulsé la mort ». Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que certains justiciables, s’estimant titulaires d’un droit au bonheur, commencent à revendiquer un droit à la cryogénisation, précurseur d’un droit à l’immortalité.</p>
<h2>Hibernatus au tribunal</h2>
<p>En France, la loi ne dit rien de la cryogénisation : elle ne l’autorise ni ne l’interdit. Dès lors, peut-on être cryogénisé malgré ce vide législatif ? C’est en substance la question posée au gouvernement par <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2006/qSEQ060121253.html">Jean‑Louis Masson</a>, sénateur de la Moselle, en 2006. La réponse fournie est sans ambiguïté : les seuls modes de sépulture légaux sont l’inhumation et la crémation, la cryogénisation est donc interdite. Dès lors, malgré la reconnaissance de la liberté des funérailles par la loi du 15 novembre 1887 et l’obligation de respecter les choix du défunt quant à ses funérailles prévue par l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006418594">article 433-21-1 du code pénal</a>, la cryogénisation semble impossible à mettre en œuvre en France en l’état actuel du droit.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"799583402458546177"}"></div></p>
<p>Deux décisions rendues par le Conseil d’État dans les années deux mille sont également allées dans ce sens. La première concernait la conservation du corps de leur défunte mère par un frère et sa sœur, Michel et Joëlle Leroy. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008094821">Un arrêt du Conseil d’État du 29 juillet 2002</a> a rejeté la requête par laquelle ils demandaient l’autorisation de maintenir la dépouille de leur mère dans un appareil de congélation situé au sous-sol de leur propriété à Saint-Denis de La Réunion. La seconde affaire concernait le maintien de la dépouille du <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2006/03/17/59654-la-fin-du-reve-du-docteur-hibernatus.html">Docteur Raymont Martinot</a> et de celle de son épouse dans un appareil de congélation dont s’occupait leur fils, Rémy Martinot. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008260055">Un arrêt du Conseil d’État du 6 janvier 2006</a> a rappelé que l’inhumation et la crémation sont les seuls modes de sépulture légaux.</p>
<p>Cependant, confrontée à cette même problématique, la justice britannique s’est montrée plus favorable. Peut-être est-ce dû au caractère particulièrement tragique du cas concerné, celui d’une adolescente en phase terminale qui souhaitait être cryogénisée après son décès mais dont les parents, divorcés, étaient en désaccord à ce sujet. Sa mère était favorable à la procédure cryonique mais pas son père. Or, dans sa décision du 10 novembre 2016, le juge saisi de l’affaire a indirectement accepté la cryogénisation de la jeune fille en ordonnant que sa dépouille soit confiée à sa mère. Mais tout en acceptant de résoudre le cas particulier qui lui était soumis, le juge s’est refusé à raisonner dans l’abstrait sur la légitimité de la cryogénisation. Il a d’ailleurs précisé qu’il ne statuait pas dans l’absolu sur le principe de la cryonie.</p>
<h2>Un peu de « science juridique fiction »</h2>
<p>Puisque l’on sait, grâce aux propos d’Hector dans <em>La guerre de Troie n’aura pas lieu</em> de Giraudoux, que « le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination », faisons, pour reprendre l’expression du Doyen Carbonnier, un peu de « science juridique fiction » et imaginons le régime juridique dont bénéficierait la cryogénisation si elle venait à être autorisée.</p>
<p>Morte sans l’être définitivement, la personne cryogénisée aurait vocation à être ressuscitée ; il faudrait donc créer un système permettant de protéger son corps et son patrimoine durant la suspension cryonique.</p>
<p>S’agissant des corps cryogénisés, on pourrait retoucher l’alinéa 1 de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000019983158">article 16-1-1 du code civil</a> et y intégrer une référence à la cryogénisation en le formulant comme suit : « le respect dû au corps humain ne cesse ni avec la mort ni avec la cryogénisation ». Une fois ce principe posé, il faudrait envisager les choses plus précisément en réglementant l’activité des sociétés de cryonie, pourquoi pas dans la partie réglementaire du Code général des collectivités territoriales consacrée aux opérations consécutives au décès, et en rédigeant des contrats de gardiennage dont l’objet serait d’assurer la bonne conservation des corps.</p>
<p>S’agissant du patrimoine des personnes cryogénisées, diverses solutions sont envisageables. La plus logique serait certainement d’ouvrir la succession puisque la résurrection est, en l’état actuel des choses, un simple espoir. Il suffirait alors de modifier l’actuel <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006430690">article 720</a> du code civil afin qu’il précise que « les successions s’ouvrent par la mort et par la cryogénisation, au dernier domicile du défunt ». Mais l’on pourrait refuser cette solution, sévère pour le cryogénisé, et nommer un administrateur chargé de gérer son patrimoine. Mais pour quelle durée ? Et contre quelle rémunération ? On pourrait enfin choisir d’assurer une certaine sécurité juridique et patrimoniale au cryogénisé en lui offrant la possibilité de souscrire, avec le contrat de cryogénisation, une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fiducie">fiducie</a> cryonique, nouvelle forme de fiducie qu’il conviendrait de créer sur le modèle du <em>cryonic preservation trust</em> proposé par certaines compagnies américaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Blandine Caire ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La cryogénisation n’est plus synonyme de science-fiction. Que sommes-nous capables de faire techniquement et qu’avons-nous le droit de faire ?Anne-Blandine Caire, Professeur de droit privé et de sciences criminelles - École de Droit - Université d'Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/934042018-04-09T04:13:53Z2018-04-09T04:13:53ZUn nouveau biologisme, version 3.0<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213266/original/file-20180404-189830-o4lnx5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1014%2C608&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Carte du chromosome Y humain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Human_race_genetic_map_Y_chromosome.png#/media/File:Human_race_genetic_map_Y_chromosome.png">Ephert/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2018 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a></em></p>
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<p>Le biologique est de retour : sous de multiples formes (gènes, hormones, neurones) il <a href="http://journals.openedition.org/quaderni/845">s’impose un peu partout</a> comme variable explicative de nos comportements mais aussi comme mécanisme manipulable à des fins de transformation sociale. Cette biologisation du monde et du social affirme une dynamique de progrès et mobilise un discours scientifique et apolitique. Elle s’accompagne, ce faisant, d’une marginalisation des perspectives alternatives où le contexte social, politique ou culturel a un impact conséquent si ce n’est déterminant sur les dynamiques comportementales.</p>
<p>Il est urgent de soulever le voile et d’identifier les enjeux politiques – car la posture apolitique n’est pas tenable – d’un retour du biologique. Derrière le vernis de modernité qui sublime l’argument biologique en produisant sa version 3.0, on reconnaît un vieux débat. La question est celle de l’opposition, souvent radicale, entre inné et acquis, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00664677.2017.1288602">nature et culture</a>. Le biologisme 3.0 saura-t-il échapper aux dérives qui ont entaché son prédécesseur, le biologisme du tournant du XX<sup>e</sup> siècle ? Pour ceux qui ne l’ont pas oublié le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007%2F978-94-011-3164-3_25">souvenir est amer et douloureux</a> et la question mérite d’être posée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=171&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213271/original/file-20180404-189813-1nnz3fd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=215&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’eugénisme de Galton au Royaume-Uni, XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/0/00/Galton_class_eugenics.svg/2000px-Galton_class_eugenics.svg.png">Galton class eugenics</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Pangloss ou Huxley ?</h2>
<p>Le tournant biologique s’inscrit dans une évolution plus large qui réduit, tout en le durcissant (au sens où l’on parle de « sciences dures »), le champ scientifique. Malgré la révolution post-moderne, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Positivisme">positivisme méthodologique</a> n’a jamais été aussi conquérant. Il s’impose dans l’ensemble des disciplines scientifiques et impacte même les <a href="https://www.nytimes.com/2015/02/14/opinion/digitizing-the-humanities.html">humanités</a>. L’axiome est simple : tout peut se mesurer et s’objectiver ou plutôt tout ce qui ne se mesure pas n’existe pour ainsi dire pas.</p>
<p>Cette version 3.0 du biologisme est donc hyperscientifique, fondée sur la conviction profonde que <a href="https://press.princeton.edu/titles/11218.html">« connaître c’est mesurer »</a> pour reprendre le philosophe Léon Brunschvicg. Aujourd’hui on peut « mesurer » la biologie humaine donc « comprendre » le comportement humain dans toutes ses dimensions – l’hypothèse nécessaire étant que la nature et l’inné sont les facteurs explicatifs de nos comportements comme de nos structures sociales.</p>
<p>Ainsi, la génétique est mobilisée pour expliquer l’<a href="http://www2.cnrs.fr/presse/communique/1494.htm">obésité</a>, voire l’<a href="https://www.cairn.info/biologie-de-l-homosexualite--9782804700379.htm">homosexualité</a>. La psychologie évolutionniste va encore plus loin – utilisant l’argument génétique pour justifier un <em>statu quo</em> structurel (comme la faible présence des <a href="http://www.thecrimson.com/article/2005/1/14/summers-comments-on-women-and-science/">femmes dans les cursus scientifiques</a> ou un <a href="http://www.aei.org/publication/bell-curve-20-years-later-qa-charles-murray/">différentiel de réussite sociale</a> touchant certains groupes plus que d’autres). L’<a href="http://www.ispne.net/about-ispne/">endocrino-psychologie</a> fait aussi son chemin : le dosage hormonal, nous dit-on, peut expliquer (justifier ?) l’infidélité, les violences sexuelles ou le crime. L’argument est repris dans de très sérieuses publications de recherche en management – les taux de testostérone sont utilisés par exemple pour expliquer la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1475-679X.12065">fraude comptable</a>.</p>
<p>Plus généralement, les neurosciences deviennent incontournables – elles fournissent une grille de lecture et de compréhension mais aussi des leviers toujours plus légitimes d’action et de transformation par l’utilisation stratégique de la <a href="https://www.cairn.info/revue-spirale-2012-3-page-17.htm">plasticité neuronale</a>. Ainsi, le neuro-marketing promet une action scientifique, directe, sur le cerveau du consommateur pour <a href="https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/psychologie/le-neuromarketing-dans-la-tete-du-consommateur-8094.php">générer le désir</a> et donc l’achat. Les neurosciences doivent nous permettre de mieux manager nos organisations en mobilisant les dynamiques neuronales de la motivation. Elles promettent même la recette scientifique du bonheur – en identifiant des rituels, comme une gymnastique du cerveau qui stimulerait les <a href="https://www.inc.com/melanie-curtin/science-says-doing-this-makes-you-just-as-happy-as.html">« circuits du bonheur »</a>.</p>
<p>Cette offensive s’articule étonnamment bien avec la révolution digitale et les progrès de l’intelligence artificielle. L’homme biologique est un « code » que nos outils peuvent aujourd’hui déchiffrer presque complètement (le séquençage du génome humain étant ici symbolique). Les neurosciences nous promettent la <a href="https://www.letemps.ch/sciences/comprendre-cerveau-decide">fin du mystère</a> du cerveau humain et la possibilité d’une intervention directe sur le code humain avec un objectif « d’amélioration ». Cette promesse est cohérente avec celle de la Singularité – un <a href="https://www.post-sapiens.com/index.php/la-singularite-technologique/">monde de cyborgs</a> où les humains transcendent la biologie en « s’augmentant » et les machines « s’humanisent » en allant au-delà d’une intelligence computationnelle. Mais elle peut aussi être vue comme une forme d’<a href="https://www.huffingtonpost.fr/guy-vallancien/pourquoi-il-faut-se-mefier-du-q-i-comme-unite-de-mesure-ultime_a_23260543/">eugénisme 3.0</a> où le « travail » de sélection stratégique se ferait non pas au niveau des populations mais au niveau du matériel génétique et neuronal de chaque individu.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213268/original/file-20180404-189801-1v84qx0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Hey, État, ne me marche pas sur les pieds ! », un slogan libertarien.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gadsden_flag.svg">Vikrum/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le biologisme 3.0 est aussi compatible, intellectuellement, avec la conception de la nature humaine qui sous-tend la théorie économique dominante. Un décodage complet du cerveau humain pourrait nous permettre d’identifier ces points de blocage qui expliquent que nous ne nous comportons pas comme de raisonnables <em>Homo economicus</em>. Et cette identification, couplée à des mécanismes de manipulation douce (où plasticité neuronale et <a href="http://www.bbc.com/news/business-41549753"><em>nudging</em></a> se combinent) pourrait représenter une promesse crédible d’atteindre enfin au Nirvana de l’économie néo-classique. Tout cela correspond à une vision du monde <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Libertarianisme">libertarienne</a> (très présente dans la Silicon Valley) où le seul interventionnisme acceptable cible l’humain biologique – toute forme d’ingénierie sociale étant dénoncée comme une intrusion illégitime et inefficace dans l’espace de liberté principielle de l’individu. C’est ici que se situe, intellectuellement, le <a href="https://www.ft.com/content/7a89c998-828d-11e7-94e2-c5b903247afd">transhumanisme californien</a>.</p>
<h2>Combat scientifique ou idéologique ?</h2>
<p>La construction intellectuelle qui émerge de ce rapide panorama est donc puissante. Tout d’abord par sa cohérence. La « nature » de l’homme explique son comportement et les institutions qu’il produit. Les outils à disposition vont nous permettre de la mesurer ce qui, dans cette vision du monde, veut dire la comprendre. Et en passant, nous pouvons envisager de la transformer afin de la rendre compatible avec trois projections téléologiques qui se renforcent – l’homme-code, l’homme-dieu, l’<em>Homo economicus</em>. Puissante aussi au sens du pouvoir et des ressources qui la sous-tendent. Les GAFAM et l’écologie de la Silicon Valley portent directement cet agenda. Les <a href="https://www.amazon.com/Neo-liberal-Genetics-Myths-Evolutionary-Psychology/dp/0976147521">réseaux d’influence néolibéraux</a> se reconnaissent aussi dans cette révolution. Enfin la théorie économique dominante et ses variantes disciplinaires, qui structurent toujours la formation de nos élites, s’approprient le biologisme 3.0 par le développement d’une neuro-économie et d’un <a href="https://www.psychologytoday.com/us/blog/neuromanagement/201703/neuromanagement-really">neuro-management</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/213269/original/file-20180404-189816-3z0not.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Silicon Valley.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Firmen_im_Silicon_Valley.jpg#/media/File:Firmen_im_Silicon_Valley.jpg">Samykolon/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au-delà d’affinités intellectuelles, rien de tel pour souder une coalition qu’un ennemi commun. Ici, une vision du monde qui s’inspire des lumières françaises – l’égalité entre tous les êtres humains et l’importance du contexte et de l’acquis pour comprendre l’individu comme la société. Prenons un exemple bien connu, celui du sexe et du genre. La vision biologisante inscrit le genre au cœur des marqueurs biologiques sexuels quand son alternative souligne l’impact structurant des schémas culturels (donc contextuels) dans la construction des genres et de leurs relations. On pourrait aussi évoquer les inégalités, reflets de différences innées, biologiques ou au contraire émergeant de dynamiques politiques, économiques et sociales qui peuvent (doivent) être transformées.</p>
<p>Clairement, le débat est encore plus politique que scientifique. Les champions d’une biologie 3.0 dénoncent la politique de leurs adversaires mais se drapent eux-mêmes dans une posture de modernité scientifique apolitique. La démarche est habile. L’argument de départ est celui du positivisme méthodologique ; les sciences sociales (et en particulier la sociologie) sont délégitimées car <a href="https://www.amazon.fr/Making-Social-Sciences-More-Scientific/dp/0199534667">pas assez « scientifiques »</a>. De là à en déduire qu’elles sont politiques et idéologiques il n’y a qu’un pas qui est franchi allègrement. On entend cet argument chez les neuro-scientifiques qui justifient leur intervention sur la question scolaire en arguant que la perspective culturelle n’est pas assez scientifique et donc trop politique. On l’entend aussi chez certains économistes qui défendent la pureté scientifique de l’économie en dénonçant le <a href="http://www.melchior.fr/lecture/le-negationnisme-economique">« négationnisme économique »</a> porté par une perspective culturaliste. Sur cet autel, Pierre Bourdieu semble être la <a href="https://www.cairn.info/revue-connexions-2011-1-page-111.htm">victime expiatoire parfaite</a>.</p>
<p>Cette affirmation d’a-politisme est pourtant intenable ; l’argument biologique porte une conception de la nature humaine qui est aussi une affirmation politique. Cet argument, qui plus est, s’inscrit dans la continuité d’une généalogie assez dérangeante. Le tournant darwinien dans sa <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Darwinisme_social">version spencérienne</a> est une première version du biologisme. Ses excès ont légitimé des <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhumain/comment-les-scientifiques-ont-justifie-le-racialisme">postures et mesures racialistes</a> – des dérives du colonialisme jusqu’aux horreurs nazies. On connaît moins le succès des idées spencériennes aux États-Unis au tournant du XX<sup>e</sup> siècle chez les capitaines d’industrie qui construisaient alors un capitalisme de grande entreprise. En particulier, la notion de <a href="http://prospect.org/article/two-darwinisms"><em>survival of the fittest</em></a> permettait de légitimer, en la naturalisant, l’augmentation des inégalités. Andrew Carnegie, qui de « baron voleur » devint en quelques années « philanthrope modèle » <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2007/08/13/man-with-a-plan">expliquait candidement</a> comment la découverte de Spencer avait changé sa vie : « “All is well since all grows better” became my motto, my true source of comfort. »</p>
<p>Après 1945, l’horreur nazie, la fin du colonialisme et le mouvement féministe discréditèrent l’argument biologique. Il se fit discret jusqu’à la fin des années 1970. Mais dès 1975 deux livres publiés par deux homonymes, professeurs à Harvard, annonçaient clairement le retour du biologique. Avec <em>Sociobiology</em>, le biologiste <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Edward_Osborne_Wilson">Edward O. Wilson</a> déclenchait une violente bataille des idées tout en ouvrant la voie aux travaux en psychologie évolutionniste qui ne cessent aujourd’hui de gagner en influence. Dans <em>Thinking about Crime</em>, le politiste <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/James_Q_.Wilson">James Q. Wilson</a> posait la question d’une nécessaire évolution des politiques publiques en partant du principe que la nature humaine est biologique et non-changeable. Dans la continuité, Charles Murray et Richard Herrnstein publiaient en 1994 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Bell_Curve"><em>The Bell Curve</em></a>, affirmant sans complexe qu’il existe des « différences de race insurmontables », mesurables par des écarts de QI et légitimant des inégalités sociales et économiques structurelles. La conclusion était que toute forme d’interventionnisme social et étatique était vouée à l’échec – quoi de mieux pour justifier, scientifiquement, un retrait de l’état social ?</p>
<p>En 1975, voire en 1994, ces textes déclenchaient des polémiques. Vingt ans plus tard, Murray dit toujours la même chose mais le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zeitgeist">zeitgeist</a> a changé. Son argument est relayé par un dense réseau de think tanks et l’argument biologique a retrouvé une place et une légitimité qu’il avait un temps perdues.</p>
<h2>Le bébé et l’eau du bain</h2>
<p>Le débat sur l’inné et l’acquis, la nature et la culture, est donc loin d’être clos. Et pour l’avenir de l’humanité il est sans doute souhaitable qu’il ne le soit jamais. Nous sommes aujourd’hui dans une phase du cycle où le retour du biologique est patent, mais le propos ici n’est pas de « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Certains progrès scientifiques, en médecine génétique et en neurobiologie, ont vocation à permettre des avancées thérapeutiques majeures qui sont autant de promesses de progrès. Mais l’ouverture de la « boîte biologique » est à manipuler avec précaution. Une ingénierie biologique 3.0 qui réinventerait le social et l’humain à travers la manipulation de nos données biologiques individuelles pourrait très vite dériver vers le plus effrayant du « meilleur des mondes ».</p>
<p>Il nous faut donc nous mobiliser pour défendre un débat productif et respectueux entre les champions de l’inné et les décodeurs de l’acquis et rejeter la tentation, palpable aujourd’hui, d’une forme d’impérialisme de la pensée biologisante. Le risque, si une telle mobilisation n’a pas lieu, de voir se réveiller de vieux démons est tout à fait réel et vertigineux !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Laure Salles-Djelic ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le biologisme – qui fait des gènes, hormones et neurones les clés des comportements humains – est à nouveau conquérant en ce début de XXIᵉ siècle. Le meilleur des mondes est-il devant nous ?Marie-Laure Salles-Djelic, Professeure des Universités au Centre de Sociologie des Organisations, et co-doyenne de l’Ecole du Management et de l’Innovation, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/865272017-11-22T21:35:59Z2017-11-22T21:35:59ZDébat : Entre l’incertitude et la pensée unique, le discernement face à l’arrogance numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195794/original/file-20171122-6027-qcsmaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Artificial Intelligence.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/17552860796/ce80250904/">GLAS-8 on Visual Hunt </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’incertitude comme approche de la réalité à venir doit-elle nous rendre sourds, aveugles, insensibles et passifs ? Non… ! L’accélération des <a href="https://www.wired.com/2000/04/joy-2/">processus de digitalisation, robotisation</a>, de développement de l’intelligence artificielle dans de nombreux secteurs d’activités dans le monde entier doit-elle nous accabler ? Non !</p>
<p>Devons-nous oublier que nous sommes aussi responsables de l’avenir de « notre humanité » ? Nous sommes aujourd’hui face à la volonté de <a href="http://www.minduploading.org/">suprématie et de contrôle</a> technoscientifique et social de groupes ultra-puissants au nom d’une vision unique et imposée du progrès et de l’intelligence.</p>
<p>Les enjeux auxquels nous sommes confrontés sont anthropologiques, éthiques et sociaux pour l’ensemble de l’humanité et non pour une poignée de financiers et d’élites du monde numérique…</p>
<p>Une étude menée par l’université d’Oxford en 2013 (Carl Frey et Michael Osborne) mettait en évidence la perspective de pertes d’emplois du fait des transformations technologiques estimées entre 45 et 60 % au sein de l’Union européenne. Pour la France on parle de 50 %… McKinsey en 2016 a également récemment fait une étude sur le sujet qui annonce la disparition de 45 % de l’activité humaine avec le développement de l’IA.</p>
<p>Stephen Hawking, Bill Gates et Elon Musk fondateur de Tesla et Space X pensent que l’intelligence artificielle constitue une menace pour l’humanité. Stephen Hawking déclare :</p>
<blockquote>
<p>« Réussir à créer une intelligence artificielle serait le plus grand événement dans l’histoire de l’homme, mais ce pourrait aussi être le dernier […] L’impact à court terme de l’intelligence artificielle dépend de qui la contrôle. Et, à long terme, de savoir si elle peut l’être »</p>
</blockquote>
<p>Le Pew Research Center (<a href="http://pewrsr.ch/1oCzpWE">« AI, Robotics, and the Future of Jobs »</a> par Aaron Smith et Janna Anderson), qui a interrogé 2 000 experts dans le domaine des nouvelles technologies en 2014, évoque les partis pris de ces acteurs. Les apôtres de l’automatisation/robotisation comme bénéfice pour l’humanité présentent la révolution techno-scientifique comme une nouvelle opportunité de création, en évoquant que certains métiers ne disparaîtrons pas… mais aucune précision n’est apportée sur les différentes formes de métiers en questions.</p>
<p>Nous constatons que le discours se veut rassurant et reste tout de même assez évasif, globalisant et ne donnant aucune piste véritable à valeur ajoutée sur ces potentielles opportunités pour le futur. D’autres points de vue nous alertent sur les conséquences de l’incertitude… et attirent l’attention sur le fait que la course à l’automatisation sous différentes formes de robotisation est forcément en faveur de celle-ci par rapport au travail proprement humain.</p>
<p>Une voie différente sur la disparition et la création de nouveaux métiers exprime assez bien l’absence de réflexion entre potentielles opportunités et conséquences inévitables… Enfin certains acteurs ont tout de même conscience de l’importance stratégique des choix politiques à mettre en œuvre pour éviter une disparition massive des emplois et de l’intelligence proprement humaine. Or, à ce jour peu de réflexion profonde « officielle » de ce type n’est réellement entamée par les décideurs politiques, qui suivent le mouvement global sans l’interroger.</p>
<h2>Le choix politique… et le poids de la conception du Progrès</h2>
<p>Le choix « politique » est déjà largement biaisé, voire dépassé par l’influence de ceux qui ont le pouvoir technoscientifique et financier… L’idéologie du Progrès a toujours véhiculé l’idée que demain serait meilleur qu’hier. A la représentation du progrès s’ajoute celle d’une sorte de ligne continue du temps et de l’histoire…</p>
<p>La croyance de fond : « La masse totale du genre humain marche toujours à une perfection plus grande » (Condorcet) est en œuvre.</p>
<p>Peut-on toujours parler de perfection ? Les théories du progrès impliquent une vision linéaire de l’évolution de l’humanité, et présentent le « nouveau » comme étant toujours le meilleur. La notion de progrès inclut l’idée d’un développement sans fin de la puissance humaine. Le grand homme que fut Condorcet sur bien des plans scientifique, politique, social a largement et généreusement contribué à donner du sens à l’idée de progrès de façon très enrichissante pour son époque et cependant cette vision peut conduire à un aveuglement sur notre prétendue toute puissance. Dans son ouvrage <a href="http://bit.ly/2zlmpCA">Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain</a> (1795) Condorcet écrivait :</p>
<blockquote>
<p>« La liberté, l’égalité, les bonnes lois ont pour effet nécessaire d’augmenter la prospérité publique en augmentant les moyens d’agir […] De cette prospérité naissent l’habitude de nouveaux besoins et un accroissement de population. Si donc la prospérité n’augmente point sans cesse, la société tombe dans un état de souffrance… si de nouvelles lumières ne viennent en offrir de plus puissantes, les progrès mêmes de la société deviennent les causes de sa ruine. Supposons que ces moyens soient trouvés et employés, il en résulte dans la société des combinaisons nouvelles, que ni les lois ni les institutions n’ont pu prévoir… . »</p>
</blockquote>
<p>La théorie du progrès est elle-même reliée aux théories économistes classiques du XVIII<sup>e</sup> siècle, Adam Smith, Bernard Mandeville, David Hume réhabilitent la force de l’appétit insatiable du désir humain : les besoins de l’homme, selon eux, sont toujours susceptibles d’être en croissance. Il semble être dans la nature même de l’homme de vouloir toujours plus, plus et d’agir en conséquence, en cherchant en permanence à travers toutes les époques à optimiser ses intérêts. Ainsi de très grands penseurs depuis le XVIII<sup>e</sup> siècle ont propagé l’absolue nécessité du progrès comme moteur de l’humanité… on en saura toujours plus, donc tout ira toujours mieux. Le passé s’efface toujours face au présent, le présent permet de propulser l’idée d’avenir. Le progrès est à la fois pensé d’abord comme le résultat de l’évolution, et devient aussi le principe de cette évolution…</p>
<p>Au XIX<sup>e</sup> siècle l’idée de progrès est au comble de son succès. C’est le règne de la science. Elle guide la création d’une humanité elle-même organisée de façon scientifique. Les socialistes utopistes proposent une nouvelle vision sociale. Ce point de vue sera remis en question à la suite des deux guerres mondiales et de l’apparition des totalitarismes destructeurs mis en place. L’idée de progrès doit être diffusée car porteuse de celle de civilisation. L’idée de progrès est également liée à l’idée de suprématie et correspond à l’expansion du colonialisme de l’occident.</p>
<h2>La face obscure d’une généralisation abusive</h2>
<p>En 1999 Peter Sloterdijk, Philosophe allemand a écrit un livre très provocateur : <a href="http://bit.ly/2z6HH2n">« Règles pour le parc humain »</a>. Ce livre a suscité beaucoup de réactions. Certaines très négatives et d’autres au contraire très positives. La société dite civilisée serait un parc humain dirigé par des élites qui sont les gardiens des troupeaux. Pour l’auteur l’humanisme est né de l’écriture et a été diffusé par les livres, la littérature. Les livres étant condamnés par les médias de masse à une mort programmée, l’humanisme est condamné à disparaître… L’auteur suggère que les élites doivent dresser les troupeaux par de nouvelles techniques, qu’il appelle « anthropotechniques » capables de faire une sélection d’une espèce plus apte à vivre en société, du fait que le livre, l’outil majeur de l’Humanisme, a disparu… Cette approche a le mérite de poser de manière crue la question de toute une idéologie en marche depuis un certain temps qui conduit au courant du post-humain.</p>
<p>Si l’on regarde aujourd’hui la nature des grands projets en innovation technologique, intelligence artificielle, génétique, l’engouement phénoménal pour la robotique à travers le monde on peut se poser à juste titre un certain nombre de questions.</p>
<p>Le vieux rêve d’augmenter les capacités humaines : l’intelligence, la force, la puissance a traversé l’histoire de la mythologie grecque aux nouvelles technologies. Il est aujourd’hui présent, il prend d’autres formes, beaucoup plus réelles et actives dans notre société, cyber société, ultra connectée !</p>
<p>De très grandes institutions scientifiques du type MIT (Massachusetts Institute of Technology) technologiques publiques et privées dans de grands pays : USA, Japon, Chine, Russie, France, Allemagne… sont sur de projets très lourds que l’on peut qualifier de type « transhumaniste ». Car, en effet, leur objectif est de rendre l’homme plus en intelligent et plus puissant en transformant sans cesse ses capacités cognitives, mentales, en pratiquant des extensions de sa mémoire et en éradiquant toute émotion… <a href="https://laspirale.org/texte.php?id=32">Le concept de cyborg</a> : interfaçage entre le biologique et l’humain est au cœur des débats et des projets d’un grand nombre de recherches. Beaucoup de travaux sur l’intelligence artificielle et les nanotechnologies ont en commun cet objectif de type cyborg, au-delà de cette visée, une autre intention est en voie de développement, le <em>uploading</em>. Ou téléchargement d’un fichier… il s’agit ici de cartographier les connexions neuronales d’un individu qui seront uploadées vers un ordinateur ou un robot. La conscience enregistrée pourrait être ainsi implantée dans un nouveau corps, celui d’un robot, ou dans un corps virtuel… une conscience devenue logicielle pourrait ensuite subir toutes sortes d’interventions et donc aussi d’altérations.</p>
<p>En 1997, Sasha Chilensko, un chercheur en intelligence artificielle, aujourd’hui décédé, écrivait :</p>
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<p>« Dans un véritable futur post-humain, les identités pourraient se dissoudre complétement, et le monde apparaître comme une fusion d’économie super liquide et <a href="http://project.cyberpunk.ru/idb/technology_as_extension.html">d’intelligence artificielle distribuée</a> »…</p>
</blockquote>
<p>L’idée d’un supra cerveau capable de transcender les imperfections de l’homme est présente dans beaucoup d’écrits d’auteurs qui viennent du monde de la technologie, surtout de l’informatique.</p>
<p>Marvin Minsky mort en 2016 était le co-fondateur du groupe IA du MIT est un des prestigieux leaders de cette approche transhumaniste. Vernon Vinge est à l’origine du concept de singularité technologique, Ray Kurzweil, l’inventeur des synthétiseurs, a réalisé des systèmes d’intelligence artificielle de reconnaissance de la voix et des formes est un des plus fervent porte-parole de la thèse transhumaniste.</p>
<p>Une entreprise australienne développe un casque destiné aux jeux vidéo capable de capter les intentions des joueurs et de contrôler l’action par la pensée. Les génies de la Silicon Valley inventent un avenir sans âme et sans historicité (lire l’article de Gaspard Koenig <a href="http://bit.ly/2ju8XFh">« Nous ne voulons pas être de la chair à algorithmes ! »</a> dans <em>Les Echos</em>) Ces grands cerveaux ont contribué à influencer aujourd’hui une forme de pensée et d’idéologie. Les grandes réussites des personnalités comme Bill Gates et Steve Jobs sont devenues des références incontestables et vénérées, les nouveaux dieux du XX<sup>e</sup> et XXI<sup>e</sup> siècle… en même temps ces deux derniers ont fait le choix de mettre leurs enfants dans des établissements scolaires dépourvus de toutes les nouveautés technologiques !..</p>
<p>L’ère des big data, de l’apprentissage par les systèmes informatiques de plus en plus sophistiqués nous amènent petit à petit à penser nos rapports sociaux et humains à travers des machines de plus en plus complexes qui façonnent directement ou indirectement notre propre façon de travailler, de penser, de communiquer. Nous réduisons peu à peu tout ce qui peut sembler de l’ordre du superflu, du non efficace, du non programmable, du non global…</p>
<p>La dématérialisation de tous les processus de transmission d’informations suppriment des milliers d’opportunités de communication vivante… de métiers de service. La dématérialisation devrait être pensée après des diagnostics pertinents au service de l’efficacité et de l’intelligence collaborative du travail…</p>
<p>L’entreprise format standard big data ne fait pas l’ombre d’un doute pour beaucoup d’acteurs fans des mathématiciens du MIT ou mathématiciens ou informaticiens eux-mêmes. Ce modèle d’entreprise est présenté comme le seul possible et incontournable. La supra rationalité des décisions par les données est considérée comme le modèle de performance productive et financière et ne souffre d’aucune discussion, selon <a href="https://hbr.org/2012/10/big-data-the-management-revolution">Andrew McAfee et Erik Brynjolfsson</a>. Le leader sera un analyste de données ou ne sera pas… Est-ce une ambition suffisante et si innovante ?</p>
<p>Qu’en est-il d’une approche basée sur la capacité d’initiative, les valeurs intrinsèques d’une organisation et de la mobilisation de l’intuition et de la créativité pour développer des orientations stratégiques ? Comment garder l’autonomie réelle de la pensée active ?</p>
<p>Une autre question rarement soulevée et pourtant fondamentale dans ce XXI<sup>e</sup> siècle est-celle du coût énergétique extrêmement élevé d’une société totalement dépendante de la technologie… ce qui s’illustre avec les projets de villes entièrement créées par des concepteurs et pilotées par un « cerveau » numérique central…</p>
<h2>Penser et agir autrement</h2>
<p><strong>Quelques options :</strong></p>
<ul>
<li><p>Développons les opportunités fantastiques de diversifier les formes d’intelligence, de travail et d’apprentissages sans nous faire piéger par nos virtuelles relations</p></li>
<li><p>Ouvrons l’accès à plus de connaissances réellement vécues, comprises de l’intérieur, expérimentées, partagées. Les processus digitalisés peuvent en effet permettre de créer des optimisations de flux et de temps, des opportunités d’échanges rapides et des modes de suivi intéressants. La digitalisation de l’enseignement est un outil de démocratisation de diffusion et de partage des connaissances, elle est moins un outil d’expérimentation vivante. Être informé est-ce apprendre et comprendre ? Connaître est-ce penser ?</p></li>
<li><p>L’apprentissage c’est aussi une affaire de liens sociaux qui s’élaborent en temps réel, de partage des représentations, des expériences, des émotions, d’empathie avec les autres. Réduisons vraiment nous les inégalités face au savoir grâce aux nouvelles technologies ? N’y a-t-il pas de décrochage de l’apprentissage via un MOOC ? Trouver, compiler des informations le plus vite possible est-ce développer une compréhension profonde et exhaustive ?</p></li>
<li><p>Dialoguer avec les autres via des systèmes interactifs, vidéo, réseaux sociaux, plates-formes et autres outils interactifs est-ce suffisant pour capitaliser, vivre, modéliser les expériences de chacun ? Installer des robots dans les hôpitaux et les maisons de retraite, est-ce la solution optimale pour répondre aux besoins de santé publique et rompre la solitude du 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> âge ? Certes les « progrès » en matière de technologie au service du médical sont utiles dans la mesure où il s’agit de continuer à soigner et à guérir…</p></li>
<li><p>Notre capacité à être émotionnellement en lien les uns avec les autres représente ce qui nous caractérise d’abord et avant tout en tant qu’humain.</p></li>
</ul>
<p>Peut-être pourrions-nous prendre plus de recul pour appréhender, penser les impacts nocifs déjà bien réels produits par une culture technologique aux ambitions dévorantes. <strong>Nous devons apprendre à penser autrement les changements organisationnels plutôt que de s’y soumettre sans imagination. Il faut choisir, maîtriser les transformations technologiques en leur donnant un sens, et hors des peurs et menaces</strong>.</p>
<ul>
<li><p>Laissons l’espace à l’élaboration de nouveaux liens, de nouvelles approches des rapports sociaux et économiques. Si l’innovation c’était aussi de renforcer notre capacité à rebondir ensemble collectivement et de façon plus humaine à ces enjeux sans emprunter l’unique chemin proposé par les technologies, en sachant les utiliser, les maîtriser à bon escient ? Apprenons à rester maître de nos ambitions en les interrogeant régulièrement.</p></li>
<li><p>Gardons le meilleur des innovations techniques en les contrôlant dans leurs intentions par la clarté, la justesse de nos intentions, apprenons à réguler, ralentir les temporalités plus liées à la recherche de suprématie quant à la tangibilité des orientations prises.</p></li>
</ul>
<p>Il est encore temps de faire prévaloir la diversité des formes d’intelligence « intrinsèquement humaines » et donnons à l’humanité une chance d’être à la hauteur morale des risques déjà pris… Si nous faisions aussi la promotion de nos forces intrinsèques : le respect, la bienveillance, la force de la proximité, de créer des opportunités un utilisant les technologies comme des moyens au service de fins humainement viables et identifiées préalablement, au service du vivant. Les nouveaux leaders devront renforcer leur capacité émotionnelle et intuitive et prendre du recul par rapport aux approches uniquement métriques.</p>
<p>Si on développait toutes nos formes d’intelligence relationnelle, émotionnelle, esthétique, compassionnelle autant que pragmatique, analytique, technologique et technique ?</p>
<p>La volonté affichée de vouloir survaloriser l’intelligence logique et analytique est un danger pour notre équilibre sociétal et la survie de la dimension proprement humaine de l’espèce. La « science sans conscience, ruine de l’âme » de Rabelais est profondément actuelle.</p>
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<p>« Le danger n’est pas dans les machines, sinon nous devrions faire ce rêve absurde de les détruire par la force, à la manière des iconoclastes qui, en brisant les images, se flattaient d’anéantir aussi les croyances. Le danger n’est pas dans la multiplication des machines, mais dans le nombre sans cesse croissant d’hommes habitués, dès leur enfance, à ne désirer que ce que les machines peuvent donner. » <a href="http://bit.ly/2AWwuSE">Georges Bernanos</a> (1946).</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/86527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Josée Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réflexion sur l’omniprésence et l’arrogance du discours technique et les pistes pour y résister.Marie-Josée Bernard, Professeure en Management – Leadership -- Développement humain, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.