tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/transport-routier-23711/articlestransport routier – The Conversation2024-02-02T15:38:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2225472024-02-02T15:38:58Z2024-02-02T15:38:58ZStationnement des SUV : nos voitures sont-elles devenues obèses ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572892/original/file-20240201-19-5af8iy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C1900%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les SUV sont encombrants à bien des égards.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont amenés à voter <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">« Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes »</a>. Si la proposition est adoptée, le tarif sera triplé pour ce type de voitures, qui correspond aux « véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de 1,6 tonne ou plus » et aux « véhicules électriques de 2 tonnes ou plus ».</p>
<p>Mais en fait seuls les véhicules des visiteurs sont visés et non ceux des résidents de la Capitale. N’étant pas directement concernée par la mesure (faute d'avoir une voiture), il est très probable qu’une majorité de Parisiens se prononcera pour mais que la participation sera faible, <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">comme lors de la précédente votation sur les trottinettes électriques</a>.</p>
<p>Chacun tirera du scrutin les conclusions qu’il voudra, selon que l’on considère les résultats ou le taux de participation. Une certitude toutefois : les véhicules encombrants sont bel et bien là. Pour le meilleur… et surtout pour le pire ? Tour d’horizon.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Des voitures de plus en plus lourdes</h2>
<p>Dans les années 1960, les voitures pesaient en France en moyenne 800 kg. Puis elles ont progressivement pris 450 kg de plus pour atteindre 1 250 kg ces dernières années <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">malgré les efforts déployés pour réduire leur masse</a>.</p>
<p>Cette dérive s’explique par de nombreux facteurs : montée en gamme des véhicules, normes de sécurité renforcées, design plus affirmé, habitabilité accrue, nouveaux équipements de confort, diésélisation puis électrification du parc ou encore nouvelles normes Euro de dépollution.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Or, tout alourdissement du véhicule entraîne un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les freins, les pneus et la sécurité active et passive. On a ainsi pu montrer que 100 kg d’équipements supplémentaires <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">conduisent à alourdir le véhicule de 200 kg !</a></p>
<p><iframe id="S5hg7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S5hg7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un encombrement croissant</h2>
<p>Les dimensions des voitures ont, elles aussi, tendance à croître : entre les années 1960 et la fin des années 2010, toujours selon <em>L’Argus</em>, leur longueur a augmenté de 4 %, leur hauteur de 6 % et leur largeur de 15 %, passant de 1,55 m à 1,78 m.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un véhicule SUV mal garé en Californie, en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Malingering/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Résultat, les plus gros véhicules n’entrent plus dans les garages ou les boxes un peu anciens et se retrouvent contraints de stationner dans la rue en rentrant même difficilement dans les cases dessinées au sol.</p>
<p>Jadis, on pouvait presque toujours voir au-dessus des voitures quand on était à pied ou à vélo. C’est nettement moins le cas aujourd’hui : l’horizon se referme, barré par des toits de tôle.</p>
<h2>Un danger pour autrui</h2>
<p>La sécurité routière dépend essentiellement de l’<a href="https://www.adilca.com/ENERGIE_CINETIQUE.pdf">énergie cinétique des véhicules</a>, c’est-à-dire de leur masse et de leur vitesse. Lors d’un choc, un véhicule léger et lent « ne fait pas le poids » contre un engin lourd et rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.vias.be/publications/Hoe%20verplaatsen%20we%20ons%20het%20veiligst/Comment%20se%20d%C3%A9placer%20de%20la%20mani%C3%A8re%20la%20plus%20s%C3%BBre.pdf">étude récente</a> a montré que « lorsque la masse d’un véhicule augmente de 300 kg, le risque de perdre la vie chez les occupants de voiture diminue de moitié, tandis que ce même risque augmente de respectivement 77 % pour les opposants en voiture les [personnes qui sont dans la voiture percutée par la voiture lourde] et de 28 % pour les usagers vulnérables [piétons et cyclistes] ». Comprendre : les occupants d’un SUV sont mieux protégés… au détriment des autres usagers de la route, autres automobilistes, piétons et cyclistes confondus.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-on-vraiment-plus-en-securite-dans-une-grosse-voiture-187454">Est-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Des voitures électriques plus voraces en matières premières</h2>
<p>Oui, mais la voiture électrique permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, vous dira-t-on. Aujourd’hui, la plupart des gens sont sensibilisés à l’empreinte carbone de leur véhicule – soit les émissions de gaz à effet de serre produites <a href="https://theconversation.com/et-si-lecologie-cetait-plutot-de-rouler-avec-nos-vieilles-voitures-214495">tout au long de son cycle de vie</a>.</p>
<p>De la même façon, il existe aussi une <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-matieres-un-indicateur-revelant-notre-consommation-reelle-de-matieres-premieres">empreinte matières</a>, soit toutes les ressources naturelles (énergies fossiles, minerais métalliques et non métalliques, biomasse) consommées tout au long de la chaîne de production d’une voiture, dans les mines, la métallurgie, la fabrication, le transport ou le recyclage.</p>
<p>Par rapport à la voiture thermique, la voiture électrique divise l’empreinte carbone par <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-15.htm">deux ou trois en fonction des hypothèses retenues</a>, mais elle multiplie par deux l’empreinte matières et par six les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">matériaux critiques</a> nécessaires, à cause des <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">plus grandes difficultés pour extraire et raffiner</a> ces matériaux.</p>
<p>Plus précisément, l’empreinte matières d’une voiture thermique de 1,3 t est d’environ 13 t, soit dix fois plus. Celle d’une voiture électrique de 1,5 t (poids de la Zoé) est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618333420">d’environ 30 t, soit 20 fois plus</a>, alors qu’une voiture ne transporte en moyenne que 110 kg de personnes et de charges.</p>
<p>Eh oui, avec les voitures électriques actuelles, pour transporter 1 kg, il faut 270 kg de matières : un fantastique gâchis ! C’est pourquoi, pour préserver les ressources de la planète, il sera indispensable de privilégier à l’avenir les véhicules électriques les plus légers possibles, notamment les <a href="https://www.mdpi.com/2032-6653/13/10/183">LEV (light electric vehicles)</a>, appelés aussi en France les <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1.htm">« véhicules intermédiaires »</a>, d’ailleurs <a href="https://xd.ademe.fr/">promus par l’Ademe</a> et <a href="https://invd.fr/">par certaines associations</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>L’occasion manquée des véhicules consommant deux litres au 100 km</h2>
<p>Dans le cadre des Investissements d’avenir, le programme « Véhicule 2 l/100 km » lancé par le gouvernement en 2012, avait permis à Renault et à PSA de sortir des démonstrateurs prouvant que c’était <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/renault-presente-eolab-le-prototype-au-1l100-km/">parfaitement possible</a>.</p>
<p>Ces véhicules étaient légers et aérodynamiques, mais aussi forcément moins équipés, peu puissants, et donc plutôt lents et avec de faibles capacités d’accélération. Des qualités bien peu séduisantes pour beaucoup d’automobilistes et à l’opposé de celles jusqu’ici mises en avant par les constructeurs : vitesse, vivacité, confort.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R3fuOdJZyUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eolab, le prototype de Renault conçu pour ne consommer que 1 litre/100 km.</span></figcaption>
</figure>
<p>Mais las : ces derniers ont préféré développer une offre de SUV censée mieux répondre à la demande, aux antipodes des bonnes intentions de 2012. À tel point que la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">part des SUV dans les ventes de voitures neuves s’approche aujourd’hui des 50 %</a>.</p>
<p>De nombreux organismes et ONG (comme l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">Agence internationale de l’énergie</a>, l’<a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2019/06/Communiqu%C3%A9-de-presse-Car-labelling-2019.pdf">Ademe</a> ou <a href="https://www.greenpeace.fr/lindustrie-automobile-moteur-du-dereglement-climatique/">Greenpeace</a> ont souligné l’absurdité de cette dérive puisque les SUV sont tout à la fois plus polluants, plus émetteurs de gaz à effet de serre, plus dangereux et plus chers que des berlines. Ainsi, le prix des voitures neuves s’envole et, avec un décalage de quelques années, celui des voitures d’occasion, rendant la voiture de moins en moins accessible aux revenus les plus modestes.</p>
<h2>Les constructeurs automobiles façonnent encore les imaginaires</h2>
<p>Leurs marges étant bien plus confortables, les constructeurs automobiles ont intérêt à pousser les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus gros et plus équipés. Il n’est en effet <a href="https://www.caradisiac.com/plus-gourmands-moins-performants-et-plus-chers-que-les-berlines-a-quoi-servent-les-suv-182746.htm">pas plus coûteux de construire un SUV plutôt qu’une berline</a>, mais les consommateurs l’ignorent et sont prêts à payer plus cher un véhicule plus imposant, perçu comme plus sécurisant et plus confortable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fausse campagne publicitaire pour BMW en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Merny Wernz/Twitter</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Loin de se contenter de répondre à une demande, comme ils le prétendent, les constructeurs y veillent et façonnent les imaginaires à coup d’investissements publicitaires massifs utilisant des stéréotypes éculés, comme l’ont fort bien montré le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a> puis la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-suv-ification-du-marche-automobile-des-strategies-industrielles-aux-imaginaires-de-consommation/">fondation Jean Jaurès</a>. La grosse voiture, ce serait la liberté, la distinction, l’aventure, la sécurité, la famille et même le respect de l’environnement ! Cette publicité envahissante représente <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lobsession-de-la-publicite-pour-les-suv">environ 10 % du coût total d’un SUV</a>.</p>
<p>De plus en plus conscients du problème, les pouvoirs publics ont ajouté au malus CO<sub>2</sub> un malus au poids appliqué aux véhicules neufs essence ou diesel de plus de 1,8 t au 1<sup>er</sup> janvier 2022, ce seuil ayant été abaissé à 1,6 t au 1<sup>er</sup> janvier 2024. L’initiative est louable, mais le seuil reste très élevé et ne s’applique pas aux véhicules électriques. France Stratégie – l’organisme d’expertise du gouvernement – a donc proposé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/voiture-electrique-cout">d’étendre le malus au poids à ces véhicules</a>.</p>
<p>À vrai dire, si l’on prenait toute la mesure du problème, il faudrait élargir le bonus-malus à l’ensemble de la mobilité individuelle, y compris aux véhicules intermédiaires et même au vélo et à la marche (pour ces deux modes, les recettes du malus pourraient servir à améliorer les aménagements nécessaires à leur développement) en retenant un malus poids commençant à une tonne. <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Ce que nous proposions déjà il y a quatre ans !</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des dernières décennies, nos voitures sont devenues de plus en plus lourdes et larges et posent désormais des problèmes de stationnement, notamment à Paris. Un autre futur était pourtant possible.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014152023-04-02T15:58:41Z2023-04-02T15:58:41ZUtiliser les objets connectés au réseau mobile pour optimiser le fret routier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517704/original/file-20230327-14-criepj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C1587%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fret routier a de nombreux impacts. Comment les limiter?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/liquidbass/5259595302/in/photolist-zGVchv-2aYFcq9-a7KSa8-djDg1K-Wbgbj6-urP3VQ-djDmch-djDg68-djDgDM-djDnrW-djDpfB-djDiJV-djDm74-djDeBN-2aKA3cZ-djDfPh-6M1SvX-2aKD884-drx6is-qqMEf2-UP2KLZ-2b3s2U7-2aKD7Gz-UXav5A-2kZuAAX-2iCQRn7-2jrQTQB-2hACAYr-urrqej-2gfb2f3-2gA9RcE-288UzAJ-Jdwmxq-fTo3nh-2j1Uf3a-cMhERY-8pqk2A-bGsv6p-a8N7z-21aVB4z-PXETWM-q7YZnc-QzvX9w-91LNrC-91HG2T-91HGU2-91LPxE-91HFMv-91LN2J-vVctU/">Liquid Oh, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, 90 % du transport interne des marchandises est effectué par la route et engendre <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_Rapport-Secten-2022_Transports_v1.1.pdf">plus de 9 % des émissions nationales de gaz à effet de serre</a>. Notre dépendance au secteur des transports routiers conditionne l’aménagement du territoire, les infrastructures, les réglementations, et l’action politique.</p>
<p>À cause de son impact climatique, ce secteur – et les services qu’il remplit – est appelé à se transformer. Pour cela, il faudrait comprendre finement les activités de transport routier de marchandises et leurs flux sur le territoire. Par exemple, les entrepôts et les zones logistiques sont-ils répartis et utilisés de manière optimale ? Quelles sont les priorités à établir pour réduire l’empreinte carbone de ces activités ? En optimisant et mutualisant les chargements, les parcours ? Comment favoriser les modes de transport moins polluants (train, fluvial, véhicules électriques) ? Quels effets attendre d’un changement de réglementation ? Comment dimensionner les infrastructures de demain ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des flux de camions générée grâce au suivi d’objets connectés" src="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En suivant les objets connectés dans des poids lourds, on peut reconstruire le flux de camions correspondant à l’origine Bourgogne Franche-Comté, la destination Nouvelle-Aquitaine, et transitant par la région Auvergne-Rhône-Alpes : ici, la route la plus empruntée est la route centrale européenne atlantique, une des départementales les plus accidentogènes de France. Les autoroutes bien connues (passant par Clermont-Ferrand ou Lyon) sont utilisées aussi, mais c’est secondaire pour l’origine-destination considérée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour répondre à toutes ces questions, il est utile de connaître, en temps réel, la répartition des véhicules de fret routier sur le territoire. Le problème, c’est qu’il existe peu de données concernant ce secteur, contrairement au fret aérien ou maritime : ces deux derniers sont moins morcelés, et pour des raisons de sécurité, les positions sont connues, ce que l’on peut visualiser notamment via les plates-formes <a href="https://www.flightradar24.com/">Flightradar24</a> ou <a href="https://www.marinetraffic.com/">MarineTraffic</a>.</p>
<p>Pour le fret routier en France, les rares études statistiques sont souvent annuelles et nationales (déclarations des transporteurs, collectées et mises en forme par l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277912?sommaire=4318291">Insee</a> et <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/">DataLab</a>). Elles représentent l’état du secteur mais ne donnent pas d’information du trafic en temps réel. D’autres études se font à l’échelle locale (enquête ou boucle de comptage) et sont utilisées pour mesurer le transport de marchandises dans une agglomération ou les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213624X18302748">effets de différentes mesures</a> (livraisons de nuit, autorisations de véhicules, heures de livraison, zones de stationnement).</p>
<p>Mais globalement, la quantité et la qualité des données disponibles à propos du transport routier de marchandises restent faibles par rapport à l’impact qu’a l’activité sur la société. Ceci limite l’efficacité des décisions d’investissement ou de réglementation, qui peuvent être parfois dépassées dès leur mise en œuvre à cause du <a href="https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/redaction/SPLOTT/documents/ECHO/ECHO_synthese_resultats.pdf">manque de données en temps réel</a> ou d’une <a href="http://tmv.laet.science/documents/rapports/ETMV_IdF_RF.pdf">vision trop locale</a>.</p>
<h2>Comment compter les camions 24 heures sur 24 à l’échelle d’un pays ?</h2>
<p>On peut utiliser des technologies <em>in situ</em>, par exemple des détecteurs le long de la route, et les technologies de collecte et d’analyse de « Floating Car Data », avec par exemple les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Guillaume-Leduc/publication/254424803_Road_Traffic_Data_Collection_Methods_and_Applications/links/55645c3008ae8c0cab37c8c8/Road-Traffic-Data-Collection-Methods-and-Applications.pdf">données GPS ou cellulaires</a>.</p>
<p>Les données GPS permettent une localisation et une estimation de vitesse précises et de plus en plus de véhicules en sont équipés mais elles restent assez peu accessibles (car sensibles pour les entreprises).</p>
<p>Les données cellulaires compensent leur faible précision notamment en s’appuyant sur un grand nombre de dispositifs répartis sur l’ensemble du territoire et il est possible de construire des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214367X17300224?via%3Dihub">indicateurs généraux de mobilité</a>, notamment grâce à leur volume important.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Orange, avec le projet « Flux logistiques », tente d’établir un observatoire du transport routier de marchandises, reposant sur l’analyse anonymisée de données de signalisation mobile. Le but est de fournir, en temps réel, des statistiques sur les flux de véhicules de fret routier respectueuses de la vie privée et du secret des affaires.</p>
<p>Nous exploitons les données des objets connectés au réseau Orange, par exemple des modems et applications embarqués dans des poids lourds ou des véhicules utilitaires légers (qui font partie d’une flotte d’entreprise pour la majeure partie d’entre eux), mais pas les données des smartphones.</p>
<p>Cette exploitation se fait en conformité avec le cadre réglementaire de traitement des données personnelles en France : les clients seront informés mais il n’est pas nécessaire de demander le consentement dans un cas comme celui-là, car nous anonymisons les données « à bref délai » (dans les minutes qui suivent leur collecte), <a href="https://www.cnil.fr/en/node/24869">respectant ainsi les préconisations de la CNIL</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Origines et destinations des camions dans le sud-ouest de la France, visualisées en suivant les objets connectés dans des poids lourds. On retrouve les deux principales zones d’entrées et sorties vers l’Espagne. L’échelle spatiale correspond à environ 1/8ᵉ de département et l’épaisseur des arcs en orange est proportionnelle au nombre de poids lourds effectuant l’origine-destination correspondante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Visualiser des flux de camions à partir de données du réseau mobile</h2>
<p>Nous commençons par la construction d’une base de données expérimentale, à durée de vie limitée, au sein de laquelle l’identifiant de chaque objet connecté est supprimé et remplacé par un pseudo unique. Les données que nous utilisons correspondent principalement aux localisations des différentes antennes auxquelles les objets se connectent au cours du temps.</p>
<p>À l’aide de ces données, on détermine par exemple des vitesses, des directions de déplacements, ou des routes empruntées. Pour ne conserver que les objets embarqués dans des camions, nous utilisons des <a href="http://danida.vnu.edu.vn/cpis/files/Refs/LAD/Algorithm%20AS%20136-%20A%20K-Means%20Clustering%20Algorithm.pdf">méthodes</a> de <a href="https://larevueia.fr/clustering-les-3-methodes-a-connaitre">« clustering »</a>. Puis, nous déterminons les flux de camions dans une zone géographique pendant une certaine durée (origines et destinations).</p>
<h2>Anonymiser les données</h2>
<p>Pour des questions éthiques et légales de protection de vie privée et du secret des affaires, nous appliquons de manière simultanée un algorithme d’anonymisation irréversible, basé notamment sur le <a href="https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/S0218488502001648">k-anonymat</a> et la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/11787006_1"><em>differential privacy</em></a>, ce qui garantit l’anonymat des données calculées et permet de les protéger de tout type d’attaque.</p>
<p>Cela permet de respecter les exigences du RGPD et de la <a href="https://edps.europa.eu/data-protection/data-protection/legislationen">directive européenne « Vie privée et communications électroniques » en Europe</a>, et plus particulièrement en France de leurs déclinaisons légales dans la <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-loi-informatique-et-libertes">Loi Informatique et Libertés</a> et dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070987/">Code des Postes et Télécommunications Électroniques</a>.</p>
<p>L’idée du clustering est de créer des groupes de véhicules du même type (poids lourd, véhicule utilitaire léger) ayant un comportement similaire (transport longue distance, tournées, trajet, etc.), et de publier le nombre de véhicules présents dans chaque groupe. Cela permet d’éviter de publier des données concernant un véhicule en particulier, ce qui est illégal. De plus, il est nécessaire de bruiter les statistiques calculées, de sorte à les rendre inattaquables, par exemple en modifiant légèrement le nombre de véhicules présents dans les groupes, tout en conservant le bon ordre de grandeur.</p>
<h2>Extrapoler les statistiques</h2>
<p>La dernière étape consiste à extrapoler le nombre de camions détectés sur le réseau Orange, pour obtenir une bonne approximation du nombre de camions réel. Cette dernière étape est faite à l’aide d’autres sources de données nous donnant le nombre réel de camions à certains endroits du territoire, comme des photos satellites, ou des <a href="http://trafic-routier.data.cerema.fr/siredo-donnees-disponibles-dans-une-station-de-a16.html">stations de comptage</a>. Ces sources ne sont pas accessibles en temps réel, un satellite remontant typiquement une photo par jour.</p>
<h2>Comment ces données pourraient aider à limiter les impacts du fret routier</h2>
<p>Le but de ce projet est de fournir des statistiques en temps réel pour que les acteurs du fret routier puissent améliorer le fonctionnement de ce secteur et en limiter les impacts (empreinte carbone, pollution sonore, stationnement, congestion, etc.) par des actions collectives conduisant à des véhicules mieux remplis, des trajets plus courts ou des reports modaux. Les enjeux sont considérables quand on sait qu’il existe <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Road_freight_transport_by_journey_characteristics">20 % de kilomètres à vide et des taux de remplissage de l’ordre de 65 % pour les camions en Europe</a>.</p>
<p>De telles données pourraient aider à positionner des hubs de transfert de marchandises sur des flux compatibles entre la route et le ferroviaire ou le fluvial. Les expéditeurs pourraient se servir de ce type de données pour découvrir ces potentiels et mutualiser leurs chargements.</p>
<p>Les collectivités acteurs de l’aménagement du territoire entreraient dans des boucles d’apprentissage renforcées et rapides en mesurant beaucoup plus rapidement (grâce à ces nouvelles statistiques en temps réel) l’effet d’une nouvelle réglementation sur les trajets, les temps de parcours pour les livraisons ou les places de parking en ville.</p>
<p>Dans le cadre de la transition énergétique, les travaux en cours permettront, par la connaissance du nombre des trajets, des arrêts et de leurs horaires, de quantifier les besoins énergétiques sur les principaux axes de circulation. L’identification de véhicules électriques pourrait aider à mieux positionner les bornes de recharge et le dimensionnement du réseau électrique par une connaissance plus fine de la dynamique des besoins.</p>
<p>Ces observations du trafic ouvrent aussi la voie à d’autres applications : comment, à partir de telles statistiques anonymes représentant des quantités de déplacement, modéliser les émissions de gaz à effet de serre ? Pour notre équipe, il s’agira d’établir un état de l’art critique de ces modèles, d’effectuer une première implémentation et de chercher à la valider avec des données de référence. Ces travaux sont engagés depuis le début de l’année 2023.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le laboratoire d'Orange Innovation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémy Scholler travaille pour Orange et prépare un doctorat à l'université de Franche-Comté, en collaboration avec Mines Paris. Ce projet, financé par Orange, est réalisé en partenariat avec des acteurs académiques comme l'Université de Franche-Comté et la Chaire Internet Physique des Mines de Paris ainsi qu'avec des collectivités territoriales comme la Région Ile de France et la Ville de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Eric Ballot au CGS ont reçu des financements de Commission Européenne pour des projets de recherche mais aussi de plusieurs entreprises: Géodis, GS1 France, Orange et P&G. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Couchot a reçu des financements de la Région Bourgogne Franche Comté pour étudier/proposer des méthodes permettant de renforcer la fiabilité des analyses respectueuses de la vie privée. Il a aussi reçu des financements de la société Orange pour encadrer des doctorats en contrat CIFRE dans cette société.</span></em></p>Des données en temps réel et à l’échelle du pays seraient utiles pour optimiser le fret par camion, un secteur très morcelé et moins surveillé que le fret aérien ou maritime.Rémy Scholler, Doctorant Data Science, Protection des Données Personnelles, Logistique & Étude de la mobilité, Orange Innovation, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)Eric Ballot, Professeur, chaîne logistique, Mines ParisJean-François Couchot, Professeur des Universités en Informatique, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1991612023-02-05T16:53:27Z2023-02-05T16:53:27ZExplosion d’un camion de gaz à Fillinges : comment éviter une nouvelle catastrophe ?<p>Un <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/annecy/explosion-d-un-camion-citerne-deux-jours-apres-l-accident-les-habitants-de-fillinges-sont-toujours-sous-le-choc-2699070.html">accident de poids lourd</a> a eu lieu le 20 janvier 2023 vers 8H00 dans la vallée du Giffre (Haute-Savoie) et a donné lieu à une importante explosion. Deux zones d’habitations et une dizaine de maisons ont été impactées par l’explosion. Le bilan provisoire fait état de 21 personnes impliquées dont 2 blessés sérieux hospitalisés.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/ca-aurait-pu-etre-beaucoup-plus-grave-confie-le-prefet-apres-l-explosion-d-un-camion-citerne-a-fillinges-5092206">préfecture de Haute-Savoie</a>, l’origine de l’explosion faite suite à l’incendie du véhicule tracteur du camion-citerne de gaz. Cet incendie a provoqué une surchauffe de la citerne et son explosion. Qu’est-il passé ? Peut-on éviter ce genre d’accident ?</p>
<h2>Que s’est-il passé ?</h2>
<p>Le camion qui a explosé transportait un mélange de propane et de butane appelé GPL (<a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Gaz-de-petrole-liquefie.html">gaz de pétrole liquéfié</a>). Ce mélange provient des raffineries, la composition est variable et dépend de son utilisation (réservoirs de gaz domestiques ; bouteilles de gaz, GPL carburant). Pour transporter une quantité suffisante par camion il est nécessaire de liquéfier ce gaz. En effet, sous forme gazeuse et à pression ambiante, un camion de 10 m<sup>3</sup> ne pourrait transporter que 18 kg de gaz alors que sous forme liquide il peut en transporter plus de 4 tonnes. La liquéfaction de ce gaz est obtenue par mise sous pression, typiquement de l’ordre de 7 bars à 15 °C. Les camions de GPL (qu’on peut aussi appeler propane quand il est très riche en propane) contiennent donc du gaz liquéfié et sous pression.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1616380595097010176"}"></div></p>
<p>Lorsque la température du liquide monte, par exemple sous l’effet de la chaleur lors d’un incendie, la pression monte également et peut atteindre une valeur à laquelle le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0950423094800057">réservoir ne résiste plus</a>. Il cède et libère l’énergie sous forme d’une explosion. C’est une explosion très spécifique qu’on appelle le BLEVE.</p>
<h2>Le BLEVE, une explosion spécifique</h2>
<p>Le BLEVE est un acronyme anglais qui signifie Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion (Expansion explosive de la vapeur d’un liquide en ébullition). Ce qui est fondamental dans le cas d’un BLEVE, c’est qu’il ne s’agit pas d’une explosion liée à une réaction chimique. Dans le cas des explosifs solides (TNT par exemple) ou de l’inflammation d’un gaz, c’est la combustion très rapide de la matière qui libère l’énergie sous forme d’explosion : c’est une <a href="https://www.ineris.fr/fr/risques/comment-evaluer-risque/evaluer-risque-accidentel/phenomenes-dangereux-accidentels">explosion chimique</a>. C’est ce qui se passe lorsqu’une fuite de gaz naturel dans un immeuble est enflammée et provoque une explosion.</p>
<p>Dans le cas d’un BLEVE, on parle <a href="https://www.ineris.fr/fr/omega-5-bleve-phenomenologie-modelisation-effets">d’explosion physique</a>. Il n’est pas nécessaire d’avoir une inflammation de la matière contenue dans le réservoir pour observer ce phénomène. Certaines matières comme le chlore gazeux liquéfié par exemple ne sont pas combustibles et peuvent donner lieu à un BLEVE.</p>
<p>Pour bien comprendre ce type d’explosion, il faut savoir qu’une explosion est créée par une augmentation locale et très rapide de la pression, qui se propage ensuite sous forme d’une surpression aérienne dans toutes les directions de l’espace. Cette surpression diminue progressivement avec la distance et finit en simple bruit.</p>
<p>Dans le cas d’une explosion chimique, c’est la combustion qui créée beaucoup de gaz de combustion à très haute température dans un temps tellement court que les gaz n’ont pas le temps de s’évacuer : il s’ensuit une augmentation de pression locale qui va se propager.</p>
<p>Dans le cas d’une explosion physique la pression vient le plus souvent du fait que la pression était déjà présente avant l’accident. C’est le cas de bouteilles d’air comprimé par exemple, ou tout simplement un pneu de vélo. Lorsque le confinement cède, la pression est libérée sous forme <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/OMEGA5_BLEVE_Remasteuris%C3%A9_VF-1.pdf">d’une onde de surpression aérienne</a>.</p>
<h2>Pourquoi une explosion si puissante ?</h2>
<p>Le BLEVE est une explosion physique, mais qui présente une spécificité qui explique la puissance de cette explosion. En effet, si l’on revient à l’accident de Fillinges, le propane liquide dans le réservoir était monté à une température plus élevée mais l’état liquide était maintenu car le réservoir intact permettait de monter en pression. Le propane était en équilibre avec sa vapeur.</p>
<p>Le retour d’expérience montre que la rupture du réservoir survient le plus souvent <a href="https://www.ineris.fr/sites/ineris.fr/files/contribution/Documents/OMEGA5_BLEVE_Remasteuris%C3%A9_VF-1.pdf">sur la partie supérieure</a>. En effet, le métal de la partie inférieure du réservoir est en contact avec le liquide qui a un effet de refroidissement du métal par l’intérieur, ce que la vapeur ne permet pas en partie supérieure. A partir du moment où le réservoir a cédé, la pression a chuté brutalement et le propane liquide chaud s’est retrouvé proche de la pression atmosphérique. Le liquide était alors en dehors de son équilibre thermodynamique et s’est mis à bouillir violemment pour retourner à l’état gazeux (qui est l’état stable du propane chaud et à pression atmosphérique). Cette production rapide de vapeur de propane contribue à l’augmentation de pression locale et à la surpression aérienne.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Comme l’a montré l’accident de Haute Savoie, un BLEVE entraîne d’autres effets dévastateurs. En premier une boule de feu, lorsque le contenu du réservoir est libéré est inflammable. A Fillinges, le propane s’est enflammé et a créé cette impressionnante boule de feu visible à plusieurs kilomètres. Les effets thermiques d’une boule de feu sont importants, et peuvent provoquer des brûlures et des incendies par effet domino. Mais la caractéristique la plus marquée pour un BLEVE est la propagation de fragments de réservoir à des distances très importantes. En effet, la vaporisation violente du liquide peut projeter des fragments à plus d’un kilomètre, par effet fusée, dépassant les distances d’effet de la surpression aérienne et du rayonnement thermique de la boule de feu.</p>
<p>En résumé, à Fillinges, l’incendie du véhicule tracteur a provoqué la montée en température et pression du propane liquide, qui suite à la rupture du réservoir a donné lieu à un BLEVE. A ce moment, une onde de surpression aérienne a été créée et des fragments ont été projetés. Puis, le propane libéré a été enflammé par l’incendie initial et a créé la boule de feu très visible qui s’est élevé à la verticale. Cette boule de feu n’était pas une explosion mais a eu des effets thermiques dans les environs du camion.</p>
<h2>D’autres cas d’explosions dans le passé</h2>
<p>Le BLEVE est malheureusement un accident industriel survenant avec une fréquence non négligeable. En France, des camions de GPL ont explosé à <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/explosions-bassens-quatre-pompiers-blesses-966855.html">Bassens</a> en 2016, à <a href="https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/fiche_detaillee/38714/">Port la Nouvelle</a> en 2010, à <a href="https://www.leparisien.fr/faits-divers/cinq-blesses-dans-l-explosion-d-un-camion-citerne-09-05-2007-2008015840.php">Dagneux</a> en 2007 et à <a href="https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=20031119&article=7102061&type=ar">La Roche-Bernard</a> en 2003. A l’étranger, c’est l’accident de Bologne en 2018 qui a marqué les mémoires. Dans tous ces cas, c’est un incendie préalable qui a conduit au BLEVE.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GyFwa4TTIs8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Bologne, une énorme explosion d’un camion-citerne fait au moins un mort et 68 blessés/BFM TV.</span></figcaption>
</figure>
<p>A Bologne, en plus des conséquences classiques observées à Fillinges, l’explosion du camion a également détruit le pont sur lequel il se trouvait. C’est une conséquence plutôt rare et très peu examinée par des travaux de recherche.</p>
<h2>Comment éviter un BLEVE ?</h2>
<p>Le BLEVE de propane est le cas le plus fréquent. Ce gaz étant également inflammable, le transport de ce gaz est soumis à la réglementation TMD (transport de matières dangereuses) au titre de la pression et du caractère inflammable. Cette règlementation est internationale et s’inscrit dans le <a href="https://unece.org/fr/transport/publications/accord-relatif-au-transport-international-des-marchandises-dangereuses-par">code ADR</a> (Accord relatif au transport international des marchandises Dangereuses par Route) sous l’égide de la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (UNECE).</p>
<p>Il existe deux méthodes principales pour réduire le risque qu’un BLEVE ne se produise. Il s’agit de protéger le réservoir du feu et limiter la montée en pression. Sur les sites industriels fixes de nombreux dispositifs œuvrent selon ces deux méthodes et ce risque est devenu très rare dans les pays avec une culture de sécurité poussée comme la France.</p>
<p>Le cas du transport de matières dangereuses est plus délicat, du fait du nombre d’accidents routiers, de la variété des cas et de la nécessité de tenir compte du fait que le réservoir est placé sur un camion et non dans un site industriel. Les accords ADR sont en constante amélioration et la recherche de nouveaux moyens de réduction du risque adaptable aux camions citerne est au cœur de la préoccupation de l’UNECE. Le cas de l’incendie du véhicule tracteur est un <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/trans/doc/2020/dgwp15ac1/ECE-TRANS-WP15-AC1-2020-42f.pdf">scénario très étudié actuellement</a>.</p>
<p>A titre individuel, en cas d’incendie impactant un camion-citerne contenant un gaz liquéfié, il existe un temps avant l’explosion, qui peut varier de quelques secondes à quelques dizaines de minutes et pendant lequel on peut réagir. Il faut se protéger, on peut conseiller de se mettre derrière un obstacle qui protègera des fragments et du rayonnement thermique (mais pas de la surpression aérienne) ou à défaut se coucher au sol les pieds en direction du camion et la face contre terre. Fuir ou se protéger, tout est question de distance, de temps restant et de possibilité de se protéger. En étant au sol il est possible de s’éloigner en rampant. Le temps restant avant explosion étant une inconnue, il faut donc considérer que le réservoir peut exploser à tout moment. Il faut noter que l’explosion n’est pas systématique, cela dépend de l’intensité et de la durée de l’incendie qui impacte le camion.</p>
<p>Le BLEVE est un phénomène physique très complexe de changement de phase et d’interaction fluide-structure qui donne encore lieu à de nombreux travaux de recherche, notamment pour prédire les conséquences en champs proche et réduire la violence de l’explosion. Des essais réalisés à IMT Mines Alès (Laboratoire des Sciences des Risques) sont en cours afin d’étudier le <a href="https://pdf.sciencedirectassets.com/276831/1-s2.0-S0957582019X00105/1-s2.0-S0957582019311334/am.pdf">changement de phase explosif</a> de liquides en état de surchauffe.</p>
<p>Ces travaux que je mène, permettent d’avancer sur la compréhension du mécanisme de vaporisation explosive et d’en tirer à la fois des outils de modélisation des conséquences mais aussi de tester différentes stratégies de prévention et de protection.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199161/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frederic HEYMES ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’explosion d’un camion en Haute-Savoie aurait pu être dramatique, que s’est-il passé ?Frederic HEYMES, Enseignant Chercheur en risques industriels, spécialiste en explosions et incendies, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1954662022-12-05T19:05:24Z2022-12-05T19:05:24ZBiodiversité : du Népal au Brésil, les grands prédateurs menacés par les projets routiers<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497669/original/file-20221128-26-706nkr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=69%2C52%2C1528%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi les espèces de grands prédateurs étudiées, l’ours paresseux est l’espèce la plus menacée par les projets d'infrastructures routières.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ours_lippu#/media/Fichier:Sloth_Bear_Washington_DC.JPG">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’expansion mondiale des réseaux routiers contribue fortement au déclin de la biodiversité et menace notamment la conservation des grands prédateurs, avec de nombreuses retombées liées à leur impact sur le fonctionnement des écosystèmes qu’ils occupent. Et ces effets ne se limitent pas aux collisions provoquées par les véhicules heurtant des animaux…</p>
<p>La fragmentation ou la perte de leur habitat, la réduction de la connectivité génétique causée par les barrières physiques et l’augmentation du braconnage facilitée par l’accès à l’habitat faunique représentent les plus grandes menaces routières <a href="https://doi.org/10.1002/9781118568170.ch1">pour les grands prédateurs</a>. Elles concernent en particulier les <a href="https://doi.org/10.3390/ijgi7090365">routes existantes et prévues au Népal</a>, <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1910853117">au Brésil</a> et en <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2015.10.046">Afrique</a>. Ces voies donnent également accès à la faune aux bûcherons illégaux, aux accapareurs de terres et aux trafiquants d’espèces sauvages.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-05294-9">Nous avons examiné</a> l’impact des routes sur 36 espèces de grands prédateurs en fonction de leur risque d’exposition et de leur vulnérabilité – tous les animaux considérés sont des mammifères terrestres non herbivores dont la masse corporelle moyenne est supérieure à 13 kg, ou des espèces sous ce seuil mais qui sont les principaux prédateurs de leurs écosystèmes.</p>
<h2>L’ours paresseux en première ligne</h2>
<p>Notre travail révèle la vulnérabilité particulière des grands prédateurs aux collisions avec des véhicules, en raison de leur vaste domaine vital, qui nécessite des déplacements sur les routes et de la petite taille de la population de l’espèce. Entre 1990 et 2020, 229 collisions avec des véhicules fauniques <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-05294-9">ont ainsi été documentées pour le lynx ibérique</a>.</p>
<p>Les prédateurs à grande mobilité comme les chats sauvages sont aussi très sensibles à la consanguinité génétique, les ocelots du sud du Texas souffrant d’une diversité génétique extrêmement faible en raison de développements routiers importants.</p>
<p>Parmi les dix espèces les plus à risque, huit se trouvent en Asie. Celles présentes dans les Amériques, en Afrique ou en Europe sont également affectées. L’ours paresseux est le grand prédateur de l’étude le plus à risque, suivi du tigre et du dhole.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Timothy A. Gonsalves/Wikimedia" src="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497682/original/file-20221128-19-twv0lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le dhole, ou chien sauvage d’Asie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhole#/media/Fichier:Dhole_Standing_Mudumalai_Sep22_A7C_02779.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>500 aires protégées bientôt coupées</h2>
<p>Pour aller plus loin, nous proposons une méthode reproductible pour évaluer l’impact des développements routiers. Nous l’avons appliqué aux développements envisagés dans trois régions : l’Amazonie brésilienne, le long de l’autoroute postale du Népal et sur tout le continent africain.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Sur les segments de routes à fort impact, les résultats estiment qu’environ 500 aires protégées seront coupées, mettant en péril la survie des grands prédateurs, leurs habitats et les services écosystémiques qu’ils fournissent aux communautés humaines.</p>
<p>Au Népal par exemple, au moins 5000 km d’autoroutes sont en construction et les travaux ont également commencé sur le chemin de fer est-ouest de 1000 km. S’ils sont construits, ces projets d’infrastructures traverseront les habitats de plusieurs espèces menacées.</p>
<h2>25 millions de km de routes d’ici à 2050</h2>
<p>Les infrastructures de transport actuelles, avec plus de 25 millions de kilomètres de routes à construire dans le monde d’ici à 2050 dont <a href="https://www.gtkp.com/assets/uploads/20130607-141213-7336-TransportInfrastructureInsights_FINAL_WEB.pdf">environ 90 % dans les pays en développement</a>, et l’expansion mondiale prévue des réseaux routiers, dans des régions riches en biodiversité ont et continueront de couper considérablement les connexions. L’impact sévère sur les grands prédateurs va donc s’accélérer.</p>
<p>À titre d’exemple, le <a href="https://www.maxisciences.com/route/tracer-une-route-a-travers-le-serengeti-un-projet-controverse_art10435.html">développement prévu dans le parc national du Serengeti</a> en Tanzanie devrait dévaster l’une des plus grandes migrations d’animaux au monde, provoquant un effet domino sur les populations saines de grands prédateurs.</p>
<p>Alors que le Népal a été salué ces dernières semaines comme une réussite pour le rétablissement du tigre, les développements routiers du pays diviseront les bastions de l’espèce et menaceront d’inverser les progrès incroyables réalisés pour sauver les 4 500 derniers tigres sauvages de l’extinction.</p>
<h2>Mieux. planifier le développement routier</h2>
<p>Dans ce contexte, il semble indispensable pour préserver ces espèces de mener une planification méticuleuse du développement routier qui tienne compte de la faune et soit associée à des mesures d’atténuation des menaces efficaces comme des passages à niveau, des clôtures en bordure de route servant d’entonnoirs pour la faune, l’évitement de la route en construction dans des zones protégées ou encore des remparts empêchant l’accès aux prédateurs. Le fonctionnement de nombreux écosystèmes de la planète dépend de ces grands prédateurs et détermine la santé et la survie de communautés humaines.</p>
<p>Des mesures vont petit à petit en ce sens. Les scientifiques maintiennent l’importance des comités de planification routière intégrant les voix de toutes les parties prenantes, y compris les communautés locales, les scientifiques de la conservation et les représentants du gouvernement. De même, les bailleurs de fonds du développement sont encouragés à intégrer davantage l’atténuation des menaces routières dans leurs accords de financement, en veillant à ce que l’objectif ultime d’aucune perte nette de biodiversité soit maintenu tout au long du processus de développement.</p>
<p>Si nous voulons préserver la présence de grands prédateurs sauvages, souvent emblématiques, comme les loups de l’Himalaya, les léopards nébuleux, les hyènes rayées, les léopards, les tigres, les dholes et les ours paresseux… il apparaît urgent de leur laisser de la place avant qu’il ne soit trop tard.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est le fruit d’une collaboration entre des jeunes diplômés d’un master international en écologie appliquée vivant dans différentes régions du monde et soucieux de l’impact de l’homme sur l’environnement et la biodiversité.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Freddie-Jeanne Richard a reçu des financements de la Commission européenne via le programme Erasmus Mundus Master Course - International Master in Applied Ecology (EMMC - IMAE) (FPA 2023 - 0224 /532524-1-FR-2012-1-ERA MUNDUS -EMMC)</span></em></p>La construction d’infrastructures routières, notamment dans les pays en voie de développement, a des conséquences dramatiques sur les grands prédateurs.Freddie-Jeanne Richard, Enseignante chercheuse en écologie et comportement des invertébrés, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952752022-11-30T18:11:11Z2022-11-30T18:11:11ZLe comble de l’anglo-normativité : les francophones parlant anglais à la Commission sur l’état d’urgence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498048/original/file-20221129-12-uqpybd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=54%2C0%2C7325%2C4134&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">In English Only. Malgré qu'ils soient tous les trois francophone, la directrice adjointe des opérations du SCRS, Michelle Tessier, le directeur David Vigneault et la directrice exécutive de l'Évaluation intégrée du terrorisme, Marie-Hélène Chayer, ont témoigné en anglais seulement devant la Commission Rouleau, le 21 novembre 2022, à Ottawa.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Adrian Wyld</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://commissionsurletatdurgence.ca">Commission sur l’état d’urgence</a> qui examine les fondements de la décision du gouvernement du Canada de déclarer l’état d’urgence pendant l’occupation du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convoi_de_la_libert%C3%A9">Convoi de la liberté</a>, à Ottawa, en janvier et février 2022, fait ressortir les débats sur le bilinguisme réel ou supposé du Canada.</p>
<p><a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/11/21/commission-sur-letat-durgence-le-francais-en-prend-un-coup-une-fois-de-plus">Les médias francophones</a> déplorent l’absence surprenante de français pendant les procédures de cette Commission, qui se termine cette semaine. <a href="https://www.ledevoir.com/politique/canada/772157/commission-sur-l-etat-d-urgence-trudeau-promet-de-faire-des-efforts-en-temoignant-en-francais">Le premier ministre Justin Trudeau a même dû promettre qu’il s’exprimerait en français</a> lors de son témoignage (ce qu’il a fait <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/11/25/commission-rouleau-une-dizaine-de-minutes-en-francais-pour-justin-trudeau">pendant dix minutes sur un total de cinq heures</a>).</p>
<p>Bien qu’elle ait été créée à la suite d’un décret rédigé en français et en anglais et qu’en tant qu’enquête nationale, elle soit liée par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/o-3.01/">Loi sur les langues officielles</a>, les procédures se sont déroulées presque exclusivement en anglais. En effet, sur plus de 75 témoins qui ont témoigné jusqu’à présent, un seul s’est exprimé entièrement en français.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498054/original/file-20221129-12-git4lo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le ministre Dominic LeBlanc témoigne devant la Commission sur l’état d’urgence, à Ottawa, le 22 novembre 2022. Le fier acadien a choisi de témoigner en anglais seulement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nombreux témoins francophones, y compris de nombreux francophones comme le fier acadien Dominic LeBlanc, ont choisi de témoigner en anglais. En tant que chercheur en discrimination, j’étudie les structures de pouvoir qui empêchent les groupes en quête d’égalité de faire valoir leurs droits. Cet article cherche à offrir un aperçu des raisons de l’absence de français à la Commission.</p>
<h2>Un juge bilingue</h2>
<p>À première vue, on aurait eu toutes les raisons de s’attendre à ce que la Commission d’urgence de l’ordre public soit aussi accueillante pour les deux langues officielles. Son commissaire, le juge franco-ontarien Paul Rouleau, défend depuis longtemps les droits des minorités linguistiques. Il a joué un rôle déterminant dans l’élaboration et la supervision de la mise en œuvre <a href="https://wayback.archive-it.org/16312/20210402145303/http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/bench_bar_advisory_committee/">d’initiatives pionnières en matière d’accès à la justice en Ontario</a>.</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que le juge Rouleau ait tenté de donner le ton à la Commission en faisant un discours d’ouverture bilingue, soulignant que l’instance sera accessible dans les deux langues officielles et que les témoins sont encouragés à témoigner en français ou en anglais. En fait, le décret qui a créé la Commission lui a confié le mandat de <a href="https://commissionsurletatdurgence.ca/files/documents/Order-in-Council-De%CC%81cret-2022-0392.pdf">« veiller à ce que […] les membres du public puissent, simultanément dans les deux langues officielles, communiquer avec le Commissaire et obtenir ses services »</a>.</p>
<h2>Anglonormativité</h2>
<p>Tout comme les chercheurs ont observé que la nomination de femmes à la tête d’une organisation ne suffit pas à éradiquer la discrimination fondée sur le sexe, la simple nomination d’un francophone à la présidence de la Commission ne suffit pas à contrer l’anglonormativité, cette force puissante qui empêche les francophones de se sentir à l’aise dans leur langue. Alexandre Baril, professeur et expert en théories féministes, trans et l’intersectionalité, définit ce concept comme un <a href="https://journals.msvu.ca/index.php/atlantis/article/view/4088/125-137%20PDF">« système de structures, d’institutions et de croyances qui marquent l’anglais comme la norme »</a>. Selon Baril, l’anglonormativité est la norme par laquelle les non-anglophones sont jugés, discriminés et exclus.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-lutter-contre-lassimilation-des-francophones-au-canada-il-faut-sattaquer-a-langlonormativite-173877">Pour lutter contre l’assimilation des francophones au Canada, il faut s’attaquer à l’anglonormativité</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’une des raisons pour lesquelles, malgré les efforts du juge Rouleau, tous les francophones, sauf un, ont choisi de témoigner en français est que la Commission n’est qu’une fenêtre sur d’autres mondes anglonormatifs. En effet, de nombreux francophones ont peut-être choisi de parler anglais parce qu’ils témoignaient d’événements qui se déroulaient dans leur milieu de travail, comme les services de police et la fonction publique fédérale, qui sont anglonormatifs.</p>
<p>Plusieurs rapports publiés par le Commissaire aux langues officielles <a href="https://lop.parl.ca/sites/PublicWebsite/default/fr_CA/ResearchPublications/201169F">dressent le portrait d’une fonction publique fédérale où le français est souvent marginalisé</a> et dont la culture organisationnelle est ouvertement anglonormative. Même pour les francophones les plus ardents, il peut être simplement plus facile de raconter des conversations qui se sont déroulées en anglais et de décrire dans cette langue des documents rédigés en anglais.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-malaise-francais-dans-la-fonction-publique-federale-153506">Le « malaise français » dans la fonction publique fédérale</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Servitude volontaire ou crainte de mépris ?</h2>
<p>Certains commentateurs ont montré du doigt les témoins francophones de la Commission, <a href="https://www.journaldequebec.com/2022/11/28/lart-de-secraser">engagés dans une servitude volontaire</a> en témoignant en anglais. De telles déclarations ne tiennent pas compte du mépris et de l’hostilité manifestes auxquels les participants francophones ont été confrontés et de l’impact que la francophobie peut avoir sur la décision de faire valoir ses droits de parler la langue officielle minoritaire du Canada.</p>
<p>Prenez, par exemple, Mathieu Fleury. L’ancien conseiller municipal et ardent défenseur des <a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-adoption-comme-politique-officielle-le-bilinguisme-dottawa-reste-symbolique-191464">droits des francophones à l’hôtel de ville d’Ottawa</a>, a choisi de témoigner en anglais. Lorsqu’il a exprimé sa difficulté à répondre à une question technique parce qu’elle n’était pas dans sa langue maternelle, l’avocat de Freedom Convoy s’est moqué de lui parce qu’il était francophone. « Je m’appelle Brendon », a dit l’avocat, de façon désobligeante.</p>
<p>On peut se demander quelle aurait été la réaction du public (et du barreau) si un avocat, qui a la responsabilité particulière de défendre les valeurs d’égalité protégées par les lois sur les droits de la personne, avait ridiculisé un témoin avec une déficience auditive qui s’exprimait par l’intermédiaire d’un interprète, ou un témoin qui parlait de ses convictions religieuses.</p>
<p>Justin Trudeau a également fait l’objet d’attaques brutales de certains anglophones dans les médias sociaux pour n’avoir parlé qu’une dizaine de minutes en français. On décrit le choix comme mesquin, irritant et comme un « écran de fumée pour dissuader les gens d’écouter ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1596730386901786624"}"></div></p>
<p>Il n’y avait, bien sûr, rien de malicieux dans sa décision de témoigner en français. Justin Trudeau avait le droit de s’exprimer dans la langue officielle de son choix, une langue dans laquelle il a grandi et qui est parlée par la plupart des électeurs du compté qu’il représente. En tant que plus haut représentant fédéral de notre pays, il avait aussi le devoir de travailler de façon proactive à l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498050/original/file-20221129-22-mvvnfo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau devant la Commission sur l’état d’urgence à Ottawa, le 25 novembre 2022. Il a parlé en français une dizaine de minutes sur un témoignage de plus de cinq heures.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La francophobie : le dernier préjugé acceptable ?</h2>
<p>L’hostilité à laquelle les deux francophones ont été confrontés pour leur choix de témoigner dans leur langue officielle préférée est un exemple classique de ce que les féministes appellent la double contrainte.</p>
<p>En effet, les francophones qui parlent français dans des contextes anglonormatifs sont souvent étiquetés comme étant difficiles ou se voient attribuer de mauvaises intentions. D’autre part, les francophones qui essaient d’être accommodants et de parler la langue de la majorité font face au ridicule lorsqu’ils ne sont pas capables de parler ou de comprendre au niveau d’un locuteur natif. Aucun choix fait par un francophone n’est un bon choix aux yeux d’un francophobe car ce ne sont pas les choix des francophones qu’ils déplorent, ce sont les francophones eux-mêmes.</p>
<p>Malheureusement, de telles déclarations discriminatoires à l’égard des francophones parce qu’ils parlent français sont rarement dénoncées. Pire, à travers le pays, la plupart des lois sur les droits de la personne n’offrent aux francophones aucune protection contre la discrimination fondée sur leur langue.</p>
<p>La francophobie serait-elle, comme l’a écrit Jean-Benoît Nadeau, le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/467789/le-dernier-prejuge-acceptable">dernier préjugé acceptable</a> ? Par exemple, un récent article à la une du <em>Toronto Star</em> <a href="https://www.thestar.com/business/2022/11/09/canadas-childrens-tylenol-shortage-is-getting-worse-and-bilingual-labels-are-part-of-the-problem.html">attribuait le manque de médicaments pour enfants aux exigences d’étiquetage bilingue</a>. Le titre s’est avéré être faux. Même si c’était le cas, il est décevant qu’un journal national choisisse de blâmer une minorité pour un tel problème plutôt que l’échec des gouvernements à mettre en place un système conforme aux exigences réglementaires nécessaires pour les protéger.</p>
<p>Bénéficiant d’une solide protection des droits linguistiques, les francophones sont en effet privilégiés par rapport aux autres minorités et aussi les Peuples autochtones au Canada. Cependant, il faut aussi reconnaître que cette protection unique peut aussi exposer les francophones à des formes tout aussi uniques de discrimination et de mépris.</p>
<p>Les droits devraient être une question de nivellement par le haut plutôt que par le bas. Les francophones ne devraient pas être victimes de discrimination pour avoir affirmé leur droit de parler la langue officielle de leur choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195275/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Levesque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’absence quasi complète de français lors de la Commission sur l’état d’urgence ne s’explique pas tant par un réflexe de servitude des francophones eux-mêmes que par la crainte d’être méprisés.Anne Levesque, Assistant professor, Faculty of Law, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913892022-11-22T19:25:46Z2022-11-22T19:25:46ZComment les voitures remettent des particules polluantes en suspension dans l’air en roulant<p>À l’échelle mondiale, la détérioration de la qualité de l’air est un souci majeur, car son impact sur notre qualité de vie au sens large est considérable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le coût de la pollution atmosphérique sur la santé et la mortalité dans les pays de l’Union européenne en 2010 s’élève à <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/276772/Economic-cost-health-impact-air-pollution-en.pdf">1,575 milliard de dollars</a>.</p>
<p>La pollution atmosphérique est responsable de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9105082/">nombreuses pathologies</a> plus ou moins graves comme les allergies, l’asthme, les infections pulmonaires et les maladies cardiovasculaires. Plus encore, dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, des chercheurs ont montré que l’exposition à la pollution de l’air (principalement aux PM<sub>10</sub> (particules de tailles inférieures à 10 µm), PM<sub>2,5</sub> (particules de tailles inférieures à 2,5 µm), ozone, dioxyde d’azote) est non seulement un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749120320601">facteur de comorbidité</a> du SARS-COV-2, mais aussi de sa transmission dans les environnements intérieurs.</p>
<p>Enfin, il est également reconnu que la pollution de l’air a un impact environnemental majeur sur la visibilité (brouillard), sur la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00109123">biodiversité</a> et sur le bâti (encrassement des bâtiments notamment).</p>
<h2>Les sources d’émission routières</h2>
<p>La contribution des transports routiers aux émissions de polluants atmosphériques est significative pour de nombreuses substances, qu’elles soient gazeuses ou particulaires. Les émissions liées au transport routier sont généralement classées en deux catégories : les émissions issues de l’échappement (EE) qui sont issues principalement de la combustion imparfaite du carburant et les émissions hors échappement (EHE) qui proviennent non seulement de l’usure des revêtements (route, pneus, plaquettes de frein), mais aussi des particules déposées sur les chaussées et qui peuvent être remises en suspension par les turbulences générées par la circulation des véhicules et par le vent.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Schéma de la remise en suspension des particules.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ahmed Benabed</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au cours des dernières décennies, les travaux de recherche et développement, les mesures politiques principalement axées sur les EE combinées à des réglementations de plus en plus strictes imposées aux fabricants de véhicules (normes EURO) ont entraîné une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004896970800658X">baisse</a> de la contribution en pourcentage des particules d’échappement sur les concentrations ambiantes totales des particules. Cependant, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231005010058">il a été démontré</a> que même avec zéro EE, le trafic continuera à contribuer à l’émission de particules fines et ultrafines à cause des EHE.</p>
<h2>La contribution de la remise en suspension</h2>
<p>Ces dernières années, des efforts de plus en plus importants ont été déployés par les organismes de recherche afin d’améliorer les connaissances scientifiques sur les EHE et notamment les particules issues de la remise en suspension. Les différentes études conduites dans le but d’étudier ce phénomène ont montré qu’il dépend à la fois du type de véhicule (son poids principalement), de sa vitesse et des caractéristiques du revêtement de la chaussée. Concernant la contribution de la remise en suspension, il a été montré que ces émissions <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231010002657">peuvent dépasser 50 %</a> des émissions globales dans certaines conditions.</p>
<p>Compte tenu de ces éléments, on comprend mieux la nécessité d’approfondir l’état des connaissances sur le phénomène de remise en suspension des particules associé aux passages des véhicules. En particulier, il est important de s’intéresser aux mécanismes qui influencent le détachement des particules d’une surface et ensuite à leur dispersion dans l’environnement proche du véhicule.</p>
<p>Afin de caractériser de façon efficace la remise en suspension, il est important de commencer par comprendre ses mécanismes d’émission. Cet objectif constitue un vrai défi au regard des nombreux paramètres qui influencent le phénomène et qui peuvent interagir entre eux. Physiquement, la remise en suspension de particules produite par le passage d’un véhicule est le résultat des interactions roue/sol et roue/air. Ces interactions génèrent deux principales perturbations : mécaniques (vibrations du sol, forces électrostatiques liées aux frottements entre les surfaces) et aérodynamiques (écoulements turbulents liés à la rotation de la roue).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces perturbations interagissent avec les particules initialement déposées sur la chaussée sous l’effet des forces d’adhérence. Sous l’action combinée de différents paramètres, ces particules peuvent être réentraînées de façon directe (la particule se détache de la surface du sol) ou indirecte (la particule s’attache dans un premier temps sur la surface de la roue puis se détache de cette dernière par éjection centrifuge). </p>
<p>Après leur réentrainement, les particules peuvent se redéposer sur la route, sur la structure du véhicule ou être transportées dans l’atmosphère environnante sous l’action des écoulements d’air (perturbation aérodynamique créée par la roue, par la voiture et par le vent). Une fois remises en suspension, ces PHE ont également la capacité de se disperser vers les trottoirs et/ou d’infiltrer les véhicules suiveurs et ainsi exposer les piétons et les occupants, respectivement, à des niveaux élevés de particules.</p>
<h2>Le projet CEPARER</h2>
<p>Dans ce contexte, un projet intitulé Caractérisation des émissions de particules remises en suspension par les véhicules routiers (CEPARER) est actuellement mené par une équipe de chercheurs de l’École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile (ESTACA) en partenariat avec Airparif et l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (l’UTAC). Ce projet est soutenu par l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le cadre du programme AQACIA2020 (Amélioration de la qualité de l’air : comprendre, innover, agir) lancé en 2020. </p>
<p>L’objectif du projet CEPARER est l’étude fine des mécanismes contribuant à favoriser la remise en suspension des particules, la caractérisation des modes d’émission et les facteurs principaux influençant la remise en suspension (vitesse, catégorie et poids du véhicule et type de pneumatique). Le projet qui s’étendra sur trois ans (2022-2025) sera réalisé en deux parties : une étude en laboratoire sur un banc d’essai à l’ESTACA et une étude à l’extérieur sur l’une des pistes de l’UTAC à l’autodrome de Linas-Montlhéry. Ces deux phases du projet doivent permettre d’obtenir des informations importantes sur les concentrations et granulométries des particules remises en suspension, selon le type de véhicule, sa vitesse et le type de pneu. Les facteurs favorisant ce phénomène seront également étudiés.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ahmed Benabed ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En roulant, les véhicules émettent des particules, mais en remettent également en suspension, comprendre mieux ce phénomène pourrait permettre de réduire ces pollutions.Ahmed Benabed, Enseignant-Chercheur en mécanique des fluides, ESTACALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1912242022-10-17T15:45:39Z2022-10-17T15:45:39ZVilles et livraisons : le « desserrement logistique » augmente-t-il la pollution ?<p>Ces 30 dernières années, les villes ont connu un étalement dont une des conséquences est l’éloignement des installations logistiques (plateformes de tri et entrepôts) <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1877042810010748">du cœur des villes</a>. Ce phénomène, appelé desserrement logistique, a été démontré pour la première fois sur l’aire urbaine de Paris.</p>
<p>Il en résulterait un accroissement des distances parcourues – et par extension une augmentation de la pollution émise – pour livrer des colis en ville. Cependant, les conséquences dues à l’éloignement restent aujourd’hui débattues : lorsque la situation est analysée dans son ensemble, la ville et sa périphérie, le desserrement apparaît <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966692320309777">alors comme la solution optimale</a>.</p>
<h2>Comment est répartie la demande dans l’espace</h2>
<p>Si l’on ne considère que le centre-ville, le desserrement logistique a pour effet l’augmentation des distances parcourues. Les installations logistiques sont plus loin du cœur de ville et il faut réaliser une plus grande distance pour effectuer les opérations (livraisons et expéditions). Avec pour conséquence une hausse des émissions causées par le transport de marchandises.</p>
<p>Suivant cette logique, il serait intéressant d’encourager le retour des installations logistiques <a href="https://theconversation.com/et-si-on-transformait-notre-dame-en-entrepot-geant-115942">au cœur des villes</a> afin de limiter les externalités négatives engendrées (pollution, congestion, etc.). Le raisonnement ne s’applique toutefois que lorsque le centre-ville réunit la grande majorité de la demande.</p>
<p>Si l’on considère ce dernier et la région qui l’entoure, les rapports de force changent. Dans le cas de l’Île-de-France, si la ville de Paris a une densité de population (20 544,8 habitants par km<sup>2</sup>) bien plus élevée que le reste de la région (1 010,9 habitants par km<sup>2</sup>), la population parisienne ne représente que <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6011965">18 % de la population totale de l’Île-de-France</a>.</p>
<p>Si les habitants sont un indicateur sur la <a href="https://theconversation.com/consommation-avec-la-crise-le-e-commerce-sest-installe-durablement-dans-nos-vies-140645">quantité de flux</a>, n’omettons par ailleurs pas les entreprises, et en particulier les industriels qui sont d’importants émetteurs de marchandises. Ce tissu industriel est principalement localisé en périphérie des villes comme l’illustre une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966692320309777">étude sur un transporteur</a>.</p>
<h2>Une logistique « polycentrique »</h2>
<p>Un autre élément à prendre en compte est que les transporteurs n’opèrent pas dans les grandes régions (comme l’Île-de-France) à partir d’un seul point mais possèdent plusieurs plates-formes, chacune gérant un territoire propre.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En adoptant une approche polycentrique, le territoire se retrouve ainsi divisé en sous-territoires suivant des logiques d’optimisation du transport (c’est-à-dire de minimisation de la distance parcourue par les camions). En additionnant, une demande distribuée sur l’ensemble du territoire et non pas concentrée en son centre ainsi que le choix d’une organisation polycentrique, la décision de positionner les plates-formes en périphérie semble évidente.</p>
<p>Au premier abord, il est vrai que ce choix peut ne pas être la situation optimale pour opérer les centres-villes. Il est cependant nécessaire d’évaluer l’impact vis-à-vis de l’ensemble du territoire (ici l’Île-de-France) et pas seulement le sous-territoire qu’est le centre urbain (ici Paris) afin de ne pas améliorer la situation localement au détriment de la situation globale.</p>
<h2>Accès au foncier et minimisation des coûts</h2>
<p>L’approche polycentrique possède d’autres avantages. Avec une accession au foncier de plus en plus compliquée (notamment pour de grandes parcelles dans les zones denses), cette organisation permet d’avoir recours à plusieurs plates-formes de tailles moins importantes que si l’opérateur ne travaillait qu’à partir d’une seule plate-forme (les flux sont dispatchés entre les différents centres). De plus, s’éloigner des centres urbains permet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966692314002464">l’accès à des parcelles moins chères</a>.</p>
<p>Jusque-là, seule la logistique urbaine avait été prise en compte sans considérer la périphérie de la ville ni des parcours interurbains. Or, les plates-formes sont le lien entre la longue distance et premier ou dernier kilomètres.</p>
<p>Déplacer une plate-forme au cœur d’un centre urbain signifie également déplacer ces flux de longue distance qui s’arrêtent actuellement en périphérie des villes. De ce fait, la localisation et le nombre de plates-formes répondent à une optimisation à la fois du premier et dernier kilomètre ainsi que de la longue distance dans un objectif de minimisation globale des coûts.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489135/original/file-20221011-15-msq3n7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=413&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Exemple de local en cœur de ville situé aux Pays-Bas et géré par la start-up Flink, acteur du quick commerce.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La fin des installations logistiques en ville ?</h2>
<p>La stratégie d’implantation polycentrique en périphérie n’est pas incompatible avec l’installation de micro-plateformes (ou micro hubs) au cœur des villes. Ces dernières opèrent alors telles des satellites des plates-formes de la périphérie afin de mettre en place des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/03611981221086632">livraisons à l’échelle locale</a>.</p>
<p>Elles sont d’ailleurs nécessaires pour les livraisons par vélos cargo, véhicules avec une portée <a href="https://theconversation.com/e-commerce-et-empreinte-carbone-du-dernier-kilometre-le-velo-cargo-solution-ideale-174052">beaucoup moins importante que les camions</a>. Ainsi, elles sont reliées seulement aux plates-formes de périphérie et pas directement à l’ensemble des plates-formes du réseau (à l’échelle nationale ou internationale).</p>
<p>Finalement, il est compliqué d’apporter une réponse unique à la question des conséquences du desserrement logistique en matière de pollution ou d’efficacité. D’un côté, il y a une demande en périphérie importante en stock mais moins dense (industries et une partie des particuliers) et de l’autre une demande moins forte en stock mais beaucoup plus dense (centres urbains). Pour cela, les opérateurs de transport ont mis en place des stratégies telles que le polycentrisme afin d’être en mesure de traiter cette variété de demande.</p>
<p>Il est par ailleurs essentiel de conserver des espaces logistiques au cœur des villes, notamment pour mettre en place de la cyclologistique. Ce dernier mode représente d’ailleurs une solution durable pour la décarbonation du transport de marchandises, qui constitue un enjeu primordial des prochaines décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191224/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Éloigner les entrepôts des centres-villes semble à première vue augmenter les distances parcourues, donc les émissions de GES. Les effets sont en réalité plus complexes.Antoine Robichet, Doctorant en transport de marchandises, Université Gustave EiffelPatrick Nierat, Chercheur, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1908632022-09-25T15:39:19Z2022-09-25T15:39:19ZLes autosolistes sont-ils prêts à se mettre au covoiturage pour les trajets du quotidien ?<p>Les embouteillages restent un problème majeur dans les grandes villes françaises : selon les <a href="https://inrix.com/scorecard/">données INRIX</a>, les automobilistes à Paris, Lyon, Marseille, Grenoble et Strasbourg ont respectivement perdu en moyenne 140, 102, 78, 71 et 64 heures dans les embouteillages routiers en 2021, et ce malgré l’essor du télétravail.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/se-deplacer-en-voiture-seul-plusieurs-ou-en-covoiturage-0?rubrique=60&dossier=1345">dernières données Insee</a> disponibles, 88 % des déplacements en voiture pour motif professionnel se font sans passager. On parle, dans ce cas, d’« autosolisme ». 9 % n’en transportent qu’un seul. En Île-de-France, à peine plus de <a href="https://e.infogram.com/978cf630-658f-447f-b041-f7fb959c2cd7?src=embed">7 000 trajets</a> quotidiens entre son domicile et son travail ont été répertoriés via les plates-formes dédiées par l’Institut Paris région. Les statistiques montrent une lente progression depuis mars 2021, mais les chiffres restent bien loin du pic de 20 000 atteint lors des grèves de 2019.</p>
<p>Avec tous ces sièges vides dans les automobiles, une grande capacité de transport reste inutilisée. Le covoiturage est donc souvent considéré comme une solution à moindre coût aux problèmes de congestion routière mais aussi de pollution. Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, défendait encore récemment cet outil pour progresser en termes de sobriété énergétique et de pouvoir d’achat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1553058040781447168"}"></div></p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666777">L’article 35</a> de la loi d’orientation des mobilités (dite loi LOM), votée fin 2019, visait à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementation-en-vigueur">favoriser les expérimentations</a> de voies réservées aux véhicules transportant au moins deux personnes et la plupart des villes précitées (mais aussi d’autres comme <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/3148579-20211015-nantes-voies-reservees-bus-covoiturage-vont-multiplier-grands-axes">Nantes</a> ou <a href="https://www.permismag.com/arrete-du-18-ao%C3%BBt-2022-relatif-a-lexperimentation-dune-signalisation-routiere-de-voie-reservee-a-certaines-categories-de-vehicules-sur-les-routes-departementales-1508-et-3508-sur-les-communes-de/">Annecy</a>) s’y sont employées. L’idée, que les gains de temps qu’elles offriraient car elles seraient moins bouchonnées, motive des individus aujourd’hui dans des véhicules séparés à effectuer leurs trajets ensemble.</p>
<p>À <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/controle-du-covoiturage-les-premiers-radars-en-test-sur-le-peripherique-14-03-2021-8428456.php">Paris</a>, des radars ont été posés Porte de Montreuil pour compter le nombre de passagers par véhicules sur le Boulevard Périphérique, préfigurant peut-être la mise en place d’une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/peripherique-et-si-la-voie-de-gauche-etait-reservee-au-covoiturage-17-01-2019-7990983.php">voie réservée</a> après les Jeux Olympiques et Paralympiques. À Strasbourg, la mise en place de l’autoroute de contournement par l’ouest s’est accompagnée de la mise en place de voies réservées aux covoitureurs sur l’axe historique, la A35. Neuf mois après l’inauguration, les élus se montrent <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">mitigés</a> à leur sujet.</p>
<p>Les métropoles de Lyon et Grenoble expérimentent aussi depuis 2020 des voies pour covoitureurs sur des axes majeurs, indiqués par un <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/c-est-quoi-ce-panneau-ou-un-losange-apparait-sur-la-m6-et-la-m7-aux-entrees-de-lyon_53179366.html">panneau en forme de losange</a>. C’est le cas de la M7, par exemple, à Lyon, la voie qui longe le Rhône et le traverse devant le musée des Confluences avant de rejoindre la gare Perrache et le tunnel de Fourvière. Le gain de temps y était estimé entre 5 et 15 minutes.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>C’est à la capitale des Gaules que nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0967070X21002833?via%3Dihub">travaux</a> se sont intéressés. Quelles leçons attendre de ces expérimentations ? Pourquoi des premiers retours assez <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">prudents</a> ? Le projet de recherche Covoit’Aura a pour objectif d’étudier les changements potentiels de choix de mode de transport et de comprendre dans quelles conditions les autosolistes seraient prêts à covoiturer pour leurs déplacements quotidiens. Il montre que beaucoup le sont, mais à condition de garder le volant, ce qui n’est pas sans conséquence pour les politiques publiques.</p>
<h2>Prêt à plus pour s’éviter le covoiturage</h2>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3141/2021-13">Indépendance et flexibilité</a>. Tels sont les arguments souvent avancés par les autosolistes pour expliquer leur choix de mode de transport. Les covoitureurs, eux, déclarent <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/dossiers/806-ademe-developpement-covoiturage-regulier.pdf">apprécier la sociabilité et valoriser l’écologie</a>. Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965856419305920">critère économique</a> importe également.</p>
<p>Une des mesures de première importance pour analyser le choix d’un mode de transport est ainsi la <a href="https://eprints.whiterose.ac.uk/104595/1/European%20meta%20paper%20final%20accepted%20for%20publication.pdf">valeur du temps</a>, que les économistes appellent aussi « coût d’opportunité » du temps. L’idée est de mesurer combien chacun est prêt à payer pour diminuer son temps de déplacement. D’un individu à l’autre, les réponses restent très hétérogènes, de même qu’entre les moyens de transport. Une minute dans un véhicule bondé sera, par exemple, appréciée différemment d’une minute dans un véhicule vide.</p>
<p><iframe id="8Dd1o" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8Dd1o/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous avons donc mené une enquête auprès de 1556 individus qui effectuent leurs déplacements domicile-travail seuls dans leur voiture sur l’aire urbaine de Lyon. Un questionnaire proposant diverses options de trajet, avec différents temps, différents modes, différents niveaux de fiabilité et de sécurité et différents coûts, leur a été soumis. Il comprenait également des questions sur leurs positionnements face aux enjeux d’écologie. Les individus participant à l’enquête ont été confrontés à une succession de scénarios dans lesquels ils doivent effectuer un choix parmi plusieurs modes de transport.</p>
<p>Ce sont ces choix qui nous permettent d’extraire de l’information sur leurs préférences. Il s’agissait de mesurer la valeur du temps liée au covoiturage en tant que conducteur et en tant que passager pour la comparer avec celle d’un déplacement en tant qu’autosoliste. Les résultats ont été utilisés dans différents modèles dont nous avons retenu les plus performants.</p>
<p>Un premier résultat qui a retenu notre attention est que les individus de notre échantillon, lorsqu’ils se déplacent respectivement comme conducteur et passager d’un trajet en covoiturage, sont prêts à dépenser en moyenne respectivement 30 et 28€ pour s’épargner une heure de trajet. Lorsqu’ils se déplacent en tant qu’autosoliste, ce montant moyen ne dépasse pas 20 euros. On semble ainsi prêt à payer bien plus pour s’éviter une heure de covoiturage : ces valeurs suggèrent donc une forte préférence pour une conduite seul dans son véhicule.</p>
<h2>D’où viendraient les passagers ?</h2>
<p>Néanmoins, on remarque au-delà une forte hétérogénéité entre les individus. Une analyse plus poussée nous a permis d’identifier quatre profils types parmi les conductrices et conducteurs actuels : 20 % s’avèrent réticents à abandonner l’autosolisme, 35 % pourraient basculer sur un autre mode si l’offre était disponible, 12 % seulement préféreraient utiliser les transports en commun et 32 % se disent prêts à covoiturer mais seulement sur le siège conducteur.</p>
<p>Qu’est-ce à dire du point de vue des politiques publiques ? Nos simulations suggèrent que les potentiels passagers en covoiturage semblent une ressource rare parmi les autosolistes. Or, il est peu intéressant qu’ils proviennent d’autres moyens de transport car, dans ce cas, la mise en place de la voie de covoiturage n’entraînerait pas une diminution du nombre de véhicules. Pour que le covoiturage réduise les embouteillages et la pollution, il faut qu’il induise une diminution du nombre de véhicules sur le réseau et donc que ce soient des conductrices et conducteurs actuels qui acceptent de devenir passagers.</p>
<p><iframe id="CVKGo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVKGo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette étude empirique est dite de « préférences déclarées », au sens où sont analysées des déclarations récoltées lors d’enquête, et non pas des comportements réellement observés. On parlerait alors de « préférences révélées ». Ainsi, les résultats obtenus demandent à être vérifiés par les données issues de l’expérimentation de la voie réservée menée à Lyon. Les <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/01/20211216ctt_ce_vr2m6m7_lduffy.pdf">premières évaluations</a> du dispositif produites par le CEREMA montrent une absence de report modal significatif en dépit du gain de temps permis par la voie réservée, confirmant la difficulté pour les autosolistes à devenir passager d’un covoiturage.</p>
<p>Les autorités publiques se doivent donc d’être vigilantes sur l’origine modale des passagers de covoiturage. Si des incitations, telles que des voies réservées, sont mises en place, elles devront rendre le covoiturage passager aussi attrayant que possible auprès d’actuels conductrices et conducteurs. Des études complémentaires seront alors nécessaires pour activer les leviers spécifiques aux catégories ciblées.</p>
<hr>
<p><em>Ont également contribué à ce projet de recherche Charles Raux (CNRS, LAET) et Martin Koning (Université Gustave Eiffel, SPLOTT)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190863/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Cette recherche a été financée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes (Pack ambition recherche 2018 : Projet Covoit’AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Alix le Goff a été financée par la région Auvegne Rhône Alpes (Projet Covoit'AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête.</span></em></p>La réponse est plutôt oui, mais en majorité à condition qu’ils restent conducteurs du véhicule, d’après une étude. La ressource rare semble ainsi être les passagers.Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Alix le Goff, Doctorant en économie des transports, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831602022-08-21T16:16:22Z2022-08-21T16:16:22ZSur l’île de La Réunion, difficile de se passer de sa voiture en dépit de l’urgence climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478509/original/file-20220810-18-padsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C15%2C799%2C516&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ville de Cilaos sur l'île de la Réunion. La particularité géographique et le mode de bâti fait de la voiture un outil quasi indispensable pour un grand nombre de Réunionnais.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cilaos,_Ile_de_La_R%C3%A9union_%2814233688071%29.jpg">Miwok/wikimedia </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Symbole de liberté, de richesse ou de singularité, la voiture a profondément <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0066/Temis-0066239/66239.pdf">transformé nos habitudes</a> depuis la <a href="https://www.bnsp.insee.fr/ark:/12148/bc6p07039qs.pdf">seconde moitié du XXᵉ siècle</a>. Il en est de même à la Réunion. Depuis <a href="https://www.editions-orphie.com/histoire-et-documents/69-le-grand-livre-de-l-histoire-de-la-reunion-volume-2-9791029801143.html">l’arrivée de l’automobile sur l’île</a> après la départementalisation en 1946, et d’autres technologies corollaires, les modes d’habiter traditionnels tels que le vivre ensemble ou le fait de vivre à l’extérieur, le « kartié », ont radicalement changé comme le <a href="https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1991_num_31_119_369424">montrait Eliane Wolf dans sa thèse en 1989</a>.</p>
<p>Tout comme en métropole, l’essor de la voiture se fait principalement après la Seconde Guerre mondiale : on compte alors 1200 voitures sur toute l’île, ce qui augmentera rapidement pour atteindre un parc automobile de 74 000 voitures en 1980 et 248 000 en 2000.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/martinique-comment-les-metropolitains-sont-ils-percus-186483">Martinique : comment les métropolitains sont-ils perçus ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Si longtemps cette évolution cachait un écart de près de 20 % entre le taux de motorisation des ménages réunionnais et ceux de la métropole, ceci est maintenant pratiquement rattrapé puisqu’on compte désormais 419 véhicules pour 1 000 habitants sur l’île, <a href="https://www.reunion.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/immatriculations_neuves_reunion_2018-19.pdf">se rapprochant du chiffre métropolitain</a> (494). Aujourd’hui, que ce soit pour faire le tour de l’île, des pique-niques dans la forêt ou encore aller travailler, toutes ces pratiques nécessitent un véhicule.</p>
<h2>Une sectorisation issue du modernisme</h2>
<p>Cette omniprésence de la voiture n’est pas nouvelle, mais le résultat d’un processus de sectorisation de nos villes, historiquement amorcé par le mouvement moderne dans les années 1920-30. <a href="http://www.fondationlecorbusier.fr/">Le Corbusier</a>, l’un des architectes emblématiques du modernisme, prône alors le <em>zoning</em> dont le principe est de séparer les fonctions, ne mélangeant plus par exemple espaces de travail, de loisir et de logement. Pour lier le tout, il crée des autoroutes et place ainsi la <a href="https://www.cairn.info/--9782130813477-page-23.htm">voiture au centre de nos modes de vie modernes</a>.</p>
<p>Depuis, des voix s’élèvent pour modifier cet état de fait. Ainsi l’urbaniste Jan Gehl conseille dans son livre <a href="https://journals.openedition.org/tem/290"><em>Pour des villes à échelle humaine</em> (2012)</a> de ramener « la ville à l’échelle humaine », c’est-à-dire de maximiser l’expérience des piétons et leurs rythmes (par opposition à celle de la voiture par exemple), permettre des modes de déplacements doux, favoriser les échanges et transformer la ville en espaces de vie.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Par ailleurs, si à l’origine la voiture répondait au besoin de parcourir des distances plus rapidement et revêtait d’un certain statut social, l’évolution de la société et de la démocratisation de ce moyen de transport ont clairement complexifié nos rapports à l’automobile. « Ma voiture montre mon désir, ma manière d’être moi » comme le dit le philosophe Pierre Ansay dans un <a href="https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-02165553">rapport d’étude</a> traitant de la voiture, qui expose le paradoxe de la relation avec ce moyen de transport.</p>
<h2>À La Réunion, le tout voiture par défaut</h2>
<p>Tout comme le concours d’architecture et d’urbanisme Europandom <a href="https://www.europan-europe.eu/en/publications/europandom-living-in-the-french-tropics">l’avait déjà souligné en 2000</a>, l’île de la Réunion et les autres territoires ultra-marins souffrent encore aujourd’hui d’un urbanisme majoritairement tourné vers la voiture.</p>
<p>La politique tout voiture – prônée plus par défaut que par choix – exclut le développement d’autres modes de transports plus propres tels que le bus, le tram ou les modes plus doux comme le vélo. Elle a aussi participé à l’abandon de transports qui auraient pu être revalorisés, tel le <a href="https://www.mi-aime-a-ou.com/histoire_chemin_de_fer.php">petit train</a> qui parcourrait la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yyV5_w3hWIU">route du littoral</a>, certes à petite vitesse et avec une capacité réduite de voyageurs.</p>
<p>La prédominance automobile s’explique par le contexte géographique de l’île avec deux volcans en son centre et des ravines à forte déclivité qui rendent particulièrement chère toute nouvelle infrastructure, mais aussi du fait du contexte tropical où les gens trouvent refuge contre les pluies battantes et le soleil écrasant dans le confort ventilé de leur voiture.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=810&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=810&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478534/original/file-20220810-16-pcsgdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=810&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Embouteillage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karine Dupré</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, de nombreux projets sont proposés mais ne voient pas le jour. Ainsi le « tram train » connectant le <a href="https://www.linfo.re/la-reunion/societe/hommage-a-paul-verges-le-tram-train-le-projet-de-transport-collectif-defendu-par-l-ancien-president-de-region">Nord au Sud</a> et qui aurait été le premier tram de l’île, a été définitivement abandonné en 2010 faute de soutien financier de la part de l’État français qui a préféré investir dans une nouvelle route à la place.</p>
<p>À ce jour, les seuls transports collectifs sont les bus, soumis aux aléas des embouteillages et des intempéries (routes inondées ou dangereuses du fait de la chute de pierres). Mais le réseau de bus interurbain est très limité, se résumant souvent à un bus toutes les heures et quelques arrêts éloignés des centres-ville rendant contraignant l’utilisation des transports en commun, ce qui renforce l’attachement à la voiture et participe à entretenir un fort taux de pollution sur l’île.</p>
<p>En effet, le rapport 2015 sur les indicateurs de <a href="https://www.reunion.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DEAL_ITDD_A5_16P_Vdef_cle6ba2be.pdf">développement durable à La Réunion</a> souligne que, chaque jour, environ 860 tonnes de CO<sub>2</sub> sont rejetés dans l’atmosphère pour les déplacements domicile-travail. Des <a href="https://planete.lesechos.fr/enquetes/reduire-lemission-des-gaz-a-effet-de-serre-trajectoires-enjeux-et-solutions-7163">émissions de gaz à effet de serre</a> qui contribuent un peu plus au dérèglement climatique.</p>
<h2>Le palmarès de la route la plus chère du monde</h2>
<p>Aujourd’hui, cette politique favorisant la voiture est encore visible avec la construction de nombreuses nouvelles routes comme la route des Tamarins (reliant l’Ouest au Sud) ou la Nouvelle Route du Littoral (NRL) qui est la route la <a href="https://chroniques-architecture.com/nrl-la-route-la-plus-chere-du-monde-la-reunion">plus chère du monde</a> avec un budget initial qui a depuis largement été dépassé du fait des contraintes techniques et de l’approvisionnement des matériaux de construction qui sont tous importés. Cette nouvelle route est en fait un viaduc qui ceinture la partie nord-ouest de l’île.</p>
<p>Estimé aujourd’hui à plus de 2 milliards d’euros dont près de 42 % financés <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/outre-mer/420-millions-de-letat-pour-finir-la-nouvelle-route-du-littoral-a-la-reunion-1392587">par l’État français</a>, le chantier de la NRL a souffert d’un manque de compétences et de cyclones réguliers qui ont mis à mal le calendrier initial du chantier, causant aussi des faillites et le délai d’achèvement.</p>
<p>Aujourd’hui, même si 10 km ont été achevés, la pandémie et la difficulté d’approvisionnement des matériaux empêchent encore de terminer les 2,5km restants.</p>
<h2>80 km par jour</h2>
<p>A la Réunion, nombreux sont ceux qui prennent la voiture pour travailler et parcourent jusqu’à 80 km tous les jours, créant d’énormes embouteillages aux heures de pointe ; les habitants des hauts de l’île devant rejoindre les zones économiques se situant sur le littoral. Ce découpage s’explique par le relief extrêmement accidenté de l’île qui est en fait la partie émergée de deux volcans.</p>
<p>Ce phénomène est aussi accentué par le fait que les Réunionnais entretiennent une <a href="https://www.editions-orphie.com/histoire-et-documents/69-le-grand-livre-de-l-histoire-de-la-reunion-volume-2-9791029801143.html">vraie culture autour de la voiture</a>, exhibant souvent l’ascension sociale et permettant de se différencier.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/fJa7ej3TJdA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La Réunion, bénies soient les voitures.</span></figcaption>
</figure>
<p>Également visible dans les modes d’habiter réunionnais, le logement et la relation au quartier ont complètement changé. En effet, la voiture occupe désormais une place prépondérante : ce qui était auparavant la <em>varangue</em>, (<a href="https://www.cnrtl.fr/definition/varangue//1">sorte de veranda</a>), un espace convivial où on accueillait la famille, s’est parfois transformée en garage.</p>
<p>Désormais on accède chez soi généralement par le garage modifiant ainsi la notion d’entrée dans le logement à la Réunion comme le relève le travail de Marie-Lucie Payet, étudiante de master à l’École d’Architecture de la Réunion.</p>
<h2>De la lumière au bout du tunnel ?</h2>
<p>Cependant de nouveaux projets voient le jour, tel le téléphérique urbain Papang à Saint-Denis, lancé depuis 2015 et inauguré le 15 mars 2022 pouvant accueillir jusqu’à <a href="https://www.actualites-territoires.fr/Le-Papang-telecabine-urbaine-a-Saint-Denis-de-la-Reunion">6 000 utilisateurs par jour</a>.</p>
<p>Dans le chef-lieu de l’île, le téléphérique permet de relier les bas aux hauts en à peine quinze minutes contre 25 voire 40 minutes en bus ou voiture. Le succès est tel qu’un <a href="https://www.ipreunion.com/cinor-actualite/reportage/2018/06/05/transports-par-cable-urbain-cinor-telepherique-un-2e-projet-bellepierre-la-montagne,83253.html">deuxième téléphérique</a> est prévu pour 2023, qui sera aussi connecté au réseau de transport public.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le nouveau téléphérique Papang" src="https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478536/original/file-20220810-602-2uigpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le nouveau téléphérique Papang.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Renard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les plus grandes villes, on peut aussi trouver des bornes de vélos urbains électriques et des trottinettes permettant de découvrir ou redécouvrir sa ville sous un autre angle (et avec une autre vitesse). Même si pour le moment les communes ne recensent en général qu’entre 1 et 10 stations pour les recharger, l’essor actuel démontre bien l’intérêt de la population pour ces <a href="https://www.oovango.com/la-reunion-mobilites-alternatives-a-la-voiture-individuelle/;https://www.lequotidien.re/actualites/societe/mobilite-les-trottinettes-electriques-a-lassaut-de-nos-villes/">modes de transport plus doux</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Route de bord de mer sur l’île de la Réunion" src="https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478535/original/file-20220810-590-bc4epe.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Route de bord de mer sur l’île de la Réunion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Karine Dupre</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres signes positifs existent, tels que l’apparition récente des porte-vélos sur les bus favorisant ainsi l’intermodalité, ainsi que, sur le plan financier, des incitations gouvernementales <a href="https://www.oovango.com/la-reunion-mobilites-alternatives-a-la-voiture-individuelle/">favorisant le covoiturage</a> notamment suite à la flambée des prix des carburants et des nombreux <a href="https://www.linfo.re/la-reunion/societe/hausse-des-prix-des-carburants-le-prefet-demande-aux-reunionnais-de-privilegier-les-transport-en-communs-et-le-voiturage">embouteillages</a>. Cependant, en l’absence d’aides qui concernent directement l’ensemble des transports publics (comme la mise en place de la gratuité ou de plus de bus), les retours ont été généralement négatifs.</p>
<p>Sans réelle amélioration des correspondances de bus urbains et interurbains avec des voies dédiées aux transports collectifs en site propre, il semble difficile d’opérer un changement majeur sur l’île. L’urgence climatique est un défi qu’il faut pourtant relever.</p>
<hr>
<p><em>Marie Lucie Payet, étudiante à l’ENSAM Antenne de la Réunion en Master 1 est à l’origine de cette idée d’article et a fortement contribué à cette recherche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karine Dupré ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’usage de l’automobile sur l’île de la Réunion a profondément modifié les modes de vie.Karine Dupré, Professor in Architecture, Griffith UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858922022-07-07T18:13:45Z2022-07-07T18:13:45ZComment nos voitures « gaspillent » les deux tiers de leur carburant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473030/original/file-20220707-16-eq6tjl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2995%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les moteurs thermiques peuvent être optimisés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Xbh_OGLRfUM">Alexander Popov/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>À la veille des départs en vacances et avec l’envolée des prix des carburants, il est légitime de se poser la question : nos voitures consomment-elles trop ? Même si l’Europe a décidé d’interdire la production de véhicule à moteur thermique à partir de 2035, la majorité des véhicules de tourisme en circulation en France et sur la planète fonctionne avec un moteur thermique, c’est-à-dire avec un moteur utilisant un carburant de type essence ou gas-oil.</p>
<p>Ces moteurs ont pour fonction de transformer l’énergie thermique résultant de la combustion du carburant en énergie mécanique qui servira à mettre en mouvement le véhicule. Environ <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1468087419877990">40 à 50 % de l’énergie</a> fournie par le carburant est transformée en énergie mécanique, le reste étant dissipé en chaleur. L’énergie mécanique n’est pas entièrement restituée aux roues du véhicule et près de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301679X19301446?via%3Dihub">30 % seraient perdus par frottement</a>.</p>
<p>Au final, l’énergie utilisée pour faire effectivement avancer le véhicule ne représente qu’environ 30 % de l’énergie totale fournie par le carburant. D’où viennent ces pertes ? Peut-on les réduire ? Quel gain peut-on espérer sur la consommation des véhicules ?</p>
<h2>Fonctionnement d’un moteur thermique</h2>
<p>Un moteur thermique est constitué d’une chambre de combustion dans laquelle le carburant est brûlé avec de l’air. Ceci conduit à une augmentation du volume de gaz dans la chambre de combustion qui va pousser un piston vers le bas. Ce dernier est lié à une bielle, elle-même connectée à un vilebrequin qui va transformer le mouvement vertical du piston en rotation. Cette rotation est transmise via la transmission mécanique (notamment la boîte de vitesse) aux roues du véhicule.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Constitution d’un moteur thermique : mouvement des pièces (rouge) et zones de frottement (jaune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Zephyris/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des soupapes vont s’ouvrir et se fermer pour laisser entrer l’air et le carburant et permettre aux gaz brûlés de sortir via le tuyau d’échappement. Seule une partie (40 à 50 %) de l’énergie thermique de la combustion est transformée en énergie mécanique. Le reste de cette énergie est perdue et évacuée par les gaz chauds qui sortent de l’échappement et par le radiateur qui assure le refroidissement du moteur. Une amélioration de la combustion associée à des systèmes de récupération d’énergie peut permettre d’augmenter le pourcentage d’énergie transformée et réduire la consommation de carburant de près de 30 %.</p>
<h2>Les pertes par frottement</h2>
<p>Il est maintenant utile de définir ce qu’on entend par frottement. Lorsque l’on met deux objets en contact, le frottement qui apparaît dans les zones de contact entre ces deux objets va s’opposer au glissement de l’un par rapport à l’autre. Par exemple, le frottement entre nos chaussures et le sol nous permet de nous déplacer sans glisser. Si le frottement est trop faible, par exemple lorsque le sol est verglacé, le glissement sera facilité entre nos chaussures et le sol et il devient très difficile de se déplacer en marchant. En revanche, on peut alors opter pour des patins qui vont utiliser le faible frottement avec le sol pour permettre un déplacement par glissement. Lorsque l’on fait glisser (ou frotter) deux objets l’un sur l’autre, il va donc y avoir une résistance due au frottement. Ceci conduit à une perte d’énergie sous forme de chaleur qui est perceptible lorsque l’on se frotte les mains par exemple. C’est exactement ce qui va se produire entre les éléments en mouvement dans le moteur et dans la transmission mécanique et dont nous allons évaluer l’impact.</p>
<p>La tribologie est la science qui s’intéresse aux problèmes de contact et de frottement et sur la façon de les contrôler. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40544-016-0107-9">Des études récentes</a> de tribologie, ont permis d’estimer les pertes par frottement dans les moteurs thermiques et les transmissions vers les roues du véhicule. La figure ci-dessus présente en jaune les zones de contact où se produisent les pertes par frottement dans un moteur. Les pertes les plus importantes se produisent en périphérie du piston (environ 45 % des pertes), dans les liaisons entre la bielle, le vilebrequin et le bloc moteur (environ 30 % des pertes) et autour des soupapes et de leur système d’actionnement (pour environ 10 % des pertes). Les 10 % restant correspondent à des pertes dans les accessoires du moteur. </p>
<p>L’énergie mécanique qui sort du moteur est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2015.1110862?journalCode=utrb20">à nouveau réduite</a> <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2015.1110862?journalCode=utrb20">à nouveau réduite</a> par les pertes dans la transmission mécanique notamment à cause du frottement dans les engrenages de la boîte de vitesse. L’énergie mécanique fournie par la combustion au sein du moteur thermique est finalement amputée, dans les conditions moyennes d’utilisation du véhicule, d’environ 30 % en raison de l’ensemble de ces pertes.</p>
<h2>Peut-on réduire la consommation en limitant les pertes par frottement ?</h2>
<p>Environ 30 % du carburant est donc utilisé pour vaincre le frottement entre les pièces mécaniques en mouvement. Une réduction de ces pertes laisse entrevoir un gain substantiel de la consommation. Il faut maintenant se focaliser sur les éléments en frottement pour discuter des améliorations possibles. Les pièces du moteur et de la transmission sont lubrifiées par une huile qui s’insère entre les surfaces et permet de limiter le frottement et l’usure de ces surfaces.</p>
<p>Pour réduire encore les pertes par frottement, les recherches en tribologie concernent deux axes. Le premier est l’amélioration des lubrifiants. Ces travaux visent à un meilleur contrôle de la variation des propriétés du lubrifiant telle que la viscosité avec la température. En effet, le frottement est globalement réduit lorsque la viscosité est plus faible, mais le film d’huile peut devenir trop mince et conduire aux contacts des aspérités des surfaces et à une usure plus rapide. Pour cela, le développement de nouveaux additifs ajoutés au lubrifiant qui permettent la création de couches protectrices à faible frottement sur les surfaces est aussi un sujet de recherche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les solutions utilisées pour réduire le frottement et l’usure dans les contacts mécaniques.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second volet concerne l’amélioration des surfaces elles-mêmes grâce à la réalisation de revêtements notamment à base de carbone qui assurent la protection des surfaces en contact et un plus faible frottement. Une autre façon de limiter le frottement passe par l’utilisation de surfaces texturées par un réseau de cavités dont les dimensions sont optimisées pour permettre une lubrification plus efficace.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2018.1478053?journalCode=utrb20">Des travaux</a> que nous avons récemment menés à l’Institut Pprime de Poitiers (CNRS, Université de Poitiers, ISAE Ensma) ont montré qu’il est possible de réduire le frottement de 50 % dans certains types de contact grâce à la texturation de surface.</p>
<p>Dans le cas des véhicules à moteur thermique, différentes études confirment que ces nouvelles technologies peuvent permettre à moyen terme de réduire les pertes par frottement de 50 à 60 % pour un gain en consommation de carburant de l’ordre de 15 %. Ce gain peut sembler faible, mais s’il est combiné avec une amélioration des moteurs et surtout une réduction de la taille et la masse des véhicules et par conséquent de la largeur des pneumatiques, des économies de consommation de carburant de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301679X11003501?via%3Dihub">l’ordre de 50 % sont atteignables</a>. L’accroissement du segment des SUV sur le marché automobile, montre que ce n’est malheureusement pas une voie qui a été retenue par les fabricants de véhicules automobiles ces dernières années.</p>
<p>À très court terme quelles sont les solutions pour réduire la facture ? Si on exclut l’achat d’un nouveau véhicule, l’utilisation de <a href="https://saemobilus.sae.org/content/2017-01-0882/">lubrifiants plus performants</a> peut réduire la consommation de quelques pourcents, ce qui reste faible et ne compense pas l’augmentation du prix des carburants à la pompe. De plus le choix d’un nouveau lubrifiant reste compliqué pour un particulier, car les études comparatives ne sont, pour l’heure, disponibles que dans la littérature scientifique et technique et donc réservées à un public averti.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<p>En revanche, n’oublions pas que les véhicules sont conçus pour transporter plusieurs passagers. Le covoiturage autorise, si on rapporte la consommation aux nombre de passagers, à diviser la consommation par 2, 3, 4 ou plus. Une utilisation rationnelle des véhicules reste la solution la plus efficace et la plus simple pour réduire la facture énergétique.</p>
<p>À plus long terme, la voiture électrique, qui est maintenant plébiscitée par l’Union européenne et de nombreux constructeurs, est-elle une solution plus efficace du point de vue des pertes par frottement ? La réponse est oui. Le nombre de pièces mécaniques en frottement étant très limité, ces pertes sont évaluées à moins de 5 %. Il reste cependant de nombreux verrous à lever pour en faire la solution idéale : le poids et le prix des batteries, l’extraction des matériaux nécessaires à leur fabrication et leur recyclage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noël Brunetière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si certaines pertes sont inhérentes au fonctionnement d’un moteur thermique, il serait possible de diminuer la consommation de carburant en réduisant les frottements des pièces du moteur.Noël Brunetière, Directeur de recherche, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841112022-05-31T18:52:26Z2022-05-31T18:52:26ZPauline : « Pourquoi l’essence des voitures et des avions pollue ? »<p>On obtient de l’essence en séparant les composants du pétrole dans des usines spécialisées appelées des raffineries. L’essence mélangée à de l’air est un produit inflammable et explosif qui permet de faire fonctionner un moteur de voiture ou d’avion. L’explosion est contrôlée et elle permet de mettre des pièces du moteur en mouvement pour faire bouger les roues des voitures.</p>
<p>Pour les avions, on utilise une essence spéciale appelée le kérosène qui ne gèle pas même quand il fait très froid en haute altitude.</p>
<p>Même si l’essence est dangereuse, on tombe rarement en panne et tout fonctionne en général très bien. Mais il y a un problème : la pollution de l’air. Quand on brûle de l’essence ou du kérosène, le moteur rejette du gaz carbonique (le CO<sub>2</sub> dont tu entends souvent parler) et des produits qui n’ont pas bien brûlé. Et là, ça se complique, parce que la pollution de l’air dérègle le climat avec plus de chaleur, plus de sécheresses et d’inondations, et provoque plus de maladies…</p>
<p>On sait ce qui entre dans un moteur : de l’air et de l’essence. On sait ce qui s’y passe : la combustion permet de faire avancer la voiture ou l’avion en actionnant le moteur. Mais qu’est-ce qui sort du pot d’échappement ou du réacteur ?</p>
<h2>Premier problème : le gaz carbonique (CO₂)</h2>
<p>L’oxygène de l’air (O) permet la combustion. Il se transforme alors en gaz carbonique qui associe 1 atome de carbone et 2 atomes d’oxygène (CO<sub>2</sub>). Or, le CO<sub>2</sub> est un gaz à effet de serre. Il retient la chaleur dans l’atmosphère. Plus il y en a et plus il va faire chaud sur la Terre. Et justement, sa quantité augmente à toute vitesse. On n’en a jamais trouvé autant dans l’atmosphère !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les changements de température à la surface de la Terre depuis 2 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Modifié à partir du rapport du GIEC, 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Deuxième problème : les particules qui n’ont pas brûlé</h2>
<p>Après, il y aussi les émissions d’autres molécules qu’il vaut mieux éviter de respirer. Les plus fines d’entre elles ont moins de 10 microns ; on parle alors de particules ultra-fines (PUF). 1 micron, c’est un mille fois plus petit qu’un millimètre ! Les PUF peuvent se loger au fond des poumons sans en ressortir. En plus, les molécules peuvent s’associer entre elles, par exemple avec des pollens ou des poussières contenus dans l’air que l’on respire. Tout ceci peut provoquer de nombreuses maladies… On a intérêt à habiter loin des aéroports et des routes à grande circulation.</p>
<h2>Comment supprimer la pollution par l’essence ?</h2>
<p>La meilleure solution serait de supprimer l’essence… « J’imagine des travailleurs qui bouchent des centaines de milliers de puits de pétrole et de gaz abandonnés qui ont besoin d’être nettoyés », a dit Joe Biden, le président des États-Unis d’Amérique. Oui, mais quand le fera-t-on ? La plupart des fabricants de voitures annoncent qu’ils passeront au tout électrique entre 2030 et 2050. Airbus annonce son premier avion électrique à hydrogène en 2035.</p>
<p>On peut aussi bricoler en se disant que si on a plus de forêts, alors les arbres vont attraper le CO<sub>2</sub> pour garder le carbone pour grandir et rejeter de l’oxygène. Magique ! Mais hélas, partout dans le monde on enlève des forêts. Aujourd’hui, même l’Amazonie émet plus de CO<sub>2</sub> qu’elle n’en absorbe parce qu’on remplace la forêt par des champs après l’avoir fait brûler.</p>
<p>Il y a une autre idée avec les biocarburants : on fait pousser des plantes qui sont transformées en carburant. Quand on le brûle, on rejette toujours de la pollution mais les plantes suivantes attrapent le carbone dans l’air. Et donc il y a un cycle carburant/pollution/captage de la pollution/carburant et ainsi de suite. On limite alors les dégâts. Mais problème : où trouver assez de champs alors qu’on en a besoin pour les humains et les animaux d’élevage ?</p>
<p>Fatalement, un jour il n’y aura plus de pétrole ni de gaz parce que ce sont des réserves naturelles que l’on va finir par épuiser. On en a fait, des guerres pour le pétrole et le gaz, et on continue à en faire. Alors, autant commencer tout de suite avec d’autres solutions, même si c’est compliqué et que ça va coûter cher !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les voitures électriques roulent déjà et les ingénieurs travaillent dur pour construire des avions plus propres. Il faut le faire : la pollution par l’essence est devenue un vrai danger.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809242022-04-26T19:48:50Z2022-04-26T19:48:50ZAu volant à 20 ans : la conduite, un rite initiatique et citoyen<p>Sur la route, les jeunes sont-ils les héritiers de leurs parents ? En clair, reproduisent-ils forcément les comportements qu’ils ont observés quand ils étaient enfants, depuis leurs sièges de passagers ? </p>
<p>Tiennent-ils compte des conseils qui leur sont prodigués quand ils prennent pour la première fois la route ? Par leur contenu ou leur forme, cette transmission familiale imprime sans doute en partie les attitudes des nouveaux conducteurs, leur procurant ou non le sens des limites, le souci de l’autre ou du respect des codes sociaux.</p>
<p>Cependant, l’influence parentale est loin de se donner en toute évidence. Dans l’enquête qualitative <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4833/les-jeunes-au-volant"><em>Les jeunes au volant</em></a> que nous venons de publier, la plupart des jeunes interrogés différencient la conduite de leur père et celle de leur mère, parfois en louant l’une au détriment de l’autre ou en les contestant l’une et l’autre. Certains reconnaissent avoir beaucoup appris à leurs côtés, même si les parents sont parfois perçus comme un peu dépassés et promoteurs de mauvaises habitudes.</p>
<h2>Transmissions croisées</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/les-jeunes-au-volant--9782749272085-page-17.html">La transmission n’est jamais linéaire</a> : en permanence un filtre affectif s’interpose entre les enfants et leurs parents, des identifications à l’un ou à l’autre, ou une volonté farouche de se distinguer… Le style contrasté des parents et l’ambivalence à leur égard font que le jeune se construit plutôt dans un bricolage intime où il est difficile de mêler les influences.</p>
<p>En outre, l’idée d’une transmission directe des parents vers l’enfant qui en ferait une sorte de miroir sans fin oublie que nous ne sommes pas immuables dans nos attitudes mais d’abord dans une relation spécifique à un moment particulier. Même quand le jugement sur la conduite des parents est positif et l’influence reconnue, trop de nuances, trop de variables viennent interférer.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PTi-9szYFY4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1961 : Trop jeunes pour avoir une voiture ? | Archive INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>La contradiction est banale des comportements enseignés par les parents mais contredits par leur pratique : « Fais ce que je dis mais pas ce que je fais ». Communication paradoxale qui amène le jeune à la réflexivité, à une position plus personnelle devant les situations. L’ambivalence règne et perturbe les approches trop simples qui feraient des enfants des clones de leurs parents en termes de conduite. Rouler avec les frères, les sœurs, les grands-parents, les oncles, les tantes, les amis, parfois les beaux-parents, etc., brouille également l’idée d’une influence parentale linéaire.</p>
<p>Les moniteurs jouent également un rôle important dans les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-territoriaux/sociologie-de-la-jeunesse-en-voiture">modalités de conduite</a> du jeune conducteur. Ils sont perçus comme des modèles supplantant largement les parents. Nombre de jeunes soulignent leur impact positif. Ils sont parfois l’objet de critiques, mais plutôt pour leur absence de pédagogie, d’écoute, leur rotation trop fréquente, voire leurs incivilités. D’autres jeunes se démarquent en toute conscience des modèles qu’ils ont eus sous les yeux et déclarent n’avoir aucun exemple de conduite.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trouver-un-emploi-le-garder-et-gagner-sa-vie-les-attentes-des-jeunes-des-classes-populaires-149606">Trouver un emploi, le garder et gagner sa vie : les attentes des jeunes des classes populaires</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La conduite accompagnée est plébiscitée comme un métissage équilibré entre le sérieux et la rigueur des moniteurs d’auto-école, et l’implication trop affective, souvent conflictuelle des parents. À leurs yeux, elle relativise la conduite des uns et des autres, ils voient les différences d’approches de leur père et de leur mère, première source de recul réflexif, et plus tard celles des moniteurs. Ils sont en mesure de les comparer, de s’approprier les apprentissages qui résonnent le mieux en eux.</p>
<h2>Norme sociale</h2>
<p>La conduite automobile est toujours dépendante d’un contexte précis, elle ne se donne jamais comme un bloc univoque. Au volant, le jeune n’est pas le même selon les moments du jour, les circonstances de sa vie personnelle (s’il sort d’une fête après avoir bu ou rentre chez lui après une journée de travail, etc.), la présence ou non de passagers, les routes parcourues, son degré de vigilance à ce moment…</p>
<p>L’attention scrupuleuse au code de la route et à la civilité est parfois relâchée à cause d’un souci personnel, d’une urgence, d’un agacement, etc. Elle dépend de l’affectivité du moment (détente, colère, frustration, séparation, deuil…), de l’expérience de la conduite, de la présence ou non des autres à ses côtés, de l’urgence ou de la tranquillité du déplacement, du contexte matériel de la conduite (être resté longtemps coincé dans un embouteillage, conduire sous la chaleur, etc. Il n’existe pas de conduite tout à fait routinière mais des contextes de conduite qui amènent chacun à des variations de comportements.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7F2KRrO3a4s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En Savoie, les délais pour passer le permis de conduire explosent à cause de la crise du Covid-19 (France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, juin 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Nul ne conduit éternellement de la même manière, mille données ne cessent d’interférer dans la relation à la route. L’usage du téléphone portable s’est répandu de manière fulgurante et massive chez les jeunes générations qui confessent dans leur majorité répondre au téléphone ou envoyer des SMS tout en sachant que leur conduite est dangereuse, mais l’objection est repoussée. « C’est plus fort que moi ».</p>
<p>Brevet de bonne citoyenneté, le permis est une norme sociale, validée par un examen qui mobilise un moment la presque totalité de la jeunesse. Tous souhaitent l’obtenir. Sans lui un individu reste dans un statut de mineur, il ne dispose pas de ce qui est considéré comme le droit le plus élémentaire de circuler à sa guise. Son obtention <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03245910/document">ouvre à une liberté de mouvement</a> et à celle de se mêler à la communauté. Elle revêt une valeur incontestable aux yeux des jeunes, signe statutaire renvoyant à la reconnaissance sociale d’une légitimité personnelle et d’un passage irréversible vers l’âge d’homme ou de femme.</p>
<p>Annoncé triomphalement aux membres de la famille, l’événement se fête souvent avec les proches traduisant sa valeur sociale unanime. Le permis est sans doute la dernière scansion symbolique majeure qui donne au jeune le sentiment d’avoir franchi un seuil et d’accéder à la cour des grands.</p>
<h2>Saturation urbaine</h2>
<p>Les jeunes conducteurs sont partagés sur l’usage de leur voiture et sur la liberté de circuler que leur octroie leur permis. Les jeunes ruraux roulent énormément car <a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-de-la-dependance-automobile-en-zones-peu-denses-168902">ils n’ont guère le choix</a>. Certains utilisent leur voiture, même en ville, mais ils sont minoritaires au regard de ceux qui en ont un usage mesuré et qui ne la prennent que pour certains déplacements où elle leur semble nécessaire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5Mgu2U0sk4E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">David Le Breton, <em>Les jeunes au volant</em> (Editions ERES, 2022).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour eux, le train ou les transports en commun sont plus commodes, ils évitent les soucis de stationnement, les risques d’accidents ou de tôles froissées, le coût des assurances. Quelques-uns sont même férocement critiques, et voient la voiture comme un miroir aux alouettes, suscitant nettement plus de problèmes que d’avantages et coûteuse en assurance, en essence et en entretien, sans compter ses nuisances écologiques et les embarras de conduire en ville.</p>
<p>Les jeunes Parisiens confrontés à une saturation de la circulation automobile sont réticents à passer leur permis ou à conduire. Les embouteillages, la difficulté de se garer sont d’autant plus dissuasifs que le réseau des transports en commun leur suffit le plus souvent. À leurs yeux, le coût du permis et de l’entretien d’une voiture ne se justifie pas. Cependant, certains jeunes de banlieues plus lointaines n’ont pas le choix quand il faut se rendre au travail dans un lieu mal desservi ou quand le permis de conduire est exigé pour postuler à un emploi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180924/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Le Breton a reçu pour l'étude "Les jeunes au volant" des financements de la Fondation VINCI Autoroutes. </span></em></p>Le permis de conduire est l’un des derniers rites initiatiques vers l’âge adulte. Comment les jeunes vivent-ils cet apprentissage de la route à l’heure où se redéfinit la place de la voiture ?David Le Breton, Professeur de sociologie et d'anthropoligie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1768332022-02-11T15:07:21Z2022-02-11T15:07:21ZConvoi des camionneurs : aux origines d’un mouvement en pleine dérive<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445807/original/file-20220210-19-f3uw1s.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C0%2C4764%2C3305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des camionneurs et leurs partisans bloquent l'accès menant au pont Ambassador, reliant Détroit et Windsor, mercredi 9 février 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Nathan Denette</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 28 janvier, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convoi_de_la_libert%C3%A9">convoi « de la liberté »</a> occupe la colline parlementaire à Ottawa. La manifestation s’est rapidement transformée en occupation, devant le symbole principal de la démocratie canadienne.</p>
<p>La police municipale a rapidement été dépassée par les événements. Le premier ministre ontarien, Doug Ford, se défile et le premier ministre canadien, Justin Trudeau, longe les murs. Pourtant, le discours des organisateurs laissait peu de doutes sur la possibilité que cette mobilisation se transforme en une crise majeure pour la sécurité publique.</p>
<p>Son impact économique est majeur : le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861160/pont-ambassador-windsor-ferme-manifestation-camionneurs-vaccin">mouvement bloque depuis plusieurs jours l’accès au pont Ambassador</a>, qui relie Windsor à Détroit, provoquant des pénuries de pièces dans les usines ontariennes de Ford et de Toyota et des arrêts dans la production. On parle de <a href="https://www.newsweek.com/trucker-blockade-us-canada-border-causes-over-1b-losses-daily-1678091?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1644521796">pertes d’un milliard de dollars par jour</a>.</p>
<p>L’événement qui a déclenché le mouvement a été l’annonce, en novembre 2021, par le ministre des Transports canadien, qu’une <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/nouvelles/2022/01/les-exigences-pour-les-camionneurs-qui-entreront-au-canada-seront-en-vigueur-a-partir-du-15-janvier-2022.html">preuve vaccinale</a> serait exigée pour les travailleurs du transport à partir de la mi-janvier 2022. Cette exigence s’inscrivait dans la batterie de mesures mises en place par le gouvernement fédéral dans la lutte contre la <a href="https://sante-infobase.canada.ca/covid-19/resume-epidemiologique-cas-covid-19.html">propagation rapide</a> du variant Omicron. Elle ressemble aux obligations applicables aux citoyens et non-résidents arrivant au Canada par voie aérienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des camions arborent l’unifolié, devant un policier" src="https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des camions bloquent une rue d’Ottawa, le 8 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les appuis à la vision des protestataires <a href="https://abacusdata.ca/freedom-convoy-public-reaction-february-2022/">varient significativement</a> en fonction des affiliations politiques. Elle est la plus forte chez les électeurs du Parti populaire (82 %), du Parti vert (57 %) et du Parti conservateur (46 %). Inversement, les électeurs du Parti libéral (75 %), du NPD (77 %) et du Bloc Québécois (81 %) disent avoir peu en commun avec la manière de voir des protestataires.</p>
<p>En tant que chercheurs en sociologie politique, dont nous analysons les dynamiques au Canada et en Europe de l’Ouest, nous croyons essentiel de saisir les protestations actuelles dans leur dimension politique, idéologique et sociohistorique.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ladhesion-aux-complots-et-aux-populismes-une-question-deducation-174929">L’adhésion aux complots et aux populismes, une question d’éducation ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Une mobilisation de travailleurs sans mobilisation de classe</h2>
<p>Ce mouvement dit « de camionneurs » n’en est pas exactement un. Il est loin de faire l’unanimité au sein de la profession. L’Alliance canadienne du camionnage a <a href="https://www.canada.ca/fr/transports-canada/nouvelles/2022/01/declaration-commune-des-ministresalghabra-oregan-et-qualtrough-et-du-president-de-lalliance-canadienne-du-camionnage.html">dénoncé sans équivoque l’usurpation de la représentation des camionneurs</a> par les organisateurs du convoi. On estime entre <a href="https://www.thestar.com/business/2022/01/25/trucker-convoys-4-million-in-fundraising-frozen-by-gofundme.html">85 %</a> et <a href="https://twitter.com/OmarAlghabra/status/1486791464248123393">90 %</a> le taux de vaccination chez les transporteurs, ce qui s’apparente à la moyenne canadienne.</p>
<p>Suite logique de décennies de <a href="https://readpassage.com/p/the-trucker-convoy-is-not-a-workers-revolt/">dérégulation</a> du secteur du transport, le convoi met de l’avant une conception très individualiste, voire libertarienne du travail. Ce ne sont pas les mauvaises conditions d’emploi qui sont dénoncées, mais les régulations gouvernementales portant atteinte aux libertés individuelles de petits entrepreneurs du transport.</p>
<p>Il est donc plus approprié de parler d’une « arsenalisation » d’une opposition aux mesures sanitaires, (« weaponization » : soit le fait d’outiller un mouvement politique), par des entrepreneurs politiques de la droite populiste canadienne et américaine.</p>
<h2>Qui sont les organisateurs de ce mouvement ?</h2>
<p>Les entrepreneurs politiques à l’origine du mouvement sont des figures clés de formations politiques de l’Ouest canadien. Patrick King, militant albertain complotiste, ethnonationaliste est le cofondateur du parti Wexit Canada. Depuis devenue « Maverick Party », cette formation réclame la <a href="https://theconversation.com/canadian-populism-got-shut-out-this-election-but-its-still-a-growing-movement-168133">séparation des provinces de l’Ouest du reste du Canada</a>. Tamara Lich est la coordinatrice régionale du même parti, en Alberta. B.J. Dichter, enfin, est un ancien candidat du Parti conservateur du Canada, désormais partisan du Parti Populaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Justin Trudeau" src="https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau durant une période de questions à la Chambre des communes, à Ottawa, le 10 février 2022. Il est critiqué sévèrement pour sa gestion nonchalante de la crise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861083/convoi-camionneurs-ottawa-preoccupation-ingerence-etrangere-partis-politiques">sources de financement</a> du convoi sont obscures. De nombreux dons anonymes en <a href="https://thetyee.ca/Analysis/2022/02/08/Canada-Must-Investigate-Convoy-Money/">provenance des États-Unis</a> ont transité par la plate-forme GoFundMe <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-02-04/gofundme-ne-distribuera-pas-les-millions-aux-camionneurs.php">avant que ces avoirs soient retournés aux donateurs</a>.</p>
<h2>Des racines dans la droite libertarienne de l’Ouest</h2>
<p>Le mouvement actuel est l’une des illustrations récentes de résistances régionales au Canada. Il s’inscrit dans le temps long de la politique protestataire de l’ouest. Caractérisés par une <a href="https://theconversation.com/canadian-populism-got-shut-out-this-election-but-its-still-a-growing-movement-168133">importante dimension populiste</a>, une série de « partis tiers » sont ainsi parvenus à convertir une insatisfaction collective en une accumulation de capital politique sur la scène provinciale, voire nationale. À droite de l’échiquier politique, ces formations partagent un contenu idéologique : un conservatisme social et fiscal et, chez certaines, un ancrage dans le suprémacisme anglo-saxon.</p>
<p>Comme <a href="http://www.albertausa.org/">d’autres formations</a> de l’ouest canadien avant lui, le mouvement actuel mobilise une série de références à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alt-right">l’alt-right américaine</a>, du drapeau des Confédérés, en passant par son opposition au gouvernement « central », ou l’appel à un » 6 janvier » canadien, en référence <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">à l’invasion du Capitole, à Washington, par des militants de Donald Trump</a>. Le convoi est d’ailleurs <a href="https://globalnews.ca/news/8602177/freedom-convoy-protest-us-far-right-support/">soutenu par une partie de la droite conservatrice</a> américaine, dont certains membres ont vraisemblablement <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/02/02/freedom-convoy-alberta-blockade-vaccine-mandate-protests/">participé au mouvement</a>.</p>
<h2>Quelles sont les stratégies du mouvement ?</h2>
<p>La polarisation activée par le mouvement se nourrit de trois stratégies de cadrage. Une première est conjoncturelle. Elle active la polarisation entre les partisans et des détracteurs des restrictions sanitaires mises en place par le fédéral et les provinces. Elle permet d’aller chercher les opposants aux mesures sanitaires de la première heure, <a href="https://theconversation.com/ladhesion-aux-complots-et-aux-populismes-une-question-deducation-174929">dont plusieurs s’inscrivent dans le mouvement complotiste</a>.</p>
<p>Un second cadrage est structurel. Il s’inscrit dans la dynamique fédérale canadienne. Il active le <a href="https://centre.irpp.org/research-studies/the-persistence-of-western-alienation/">sentiment d’aliénation</a> d’électeurs de l’Ouest canadien, cultivant une forme de défiance à l’égard du gouvernement fédéral, des politiques autonomistes, des projets séparatistes. Ce <a href="https://centre.irpp.org/wp-content/uploads/sites/3/2020/09/CoT-2021-Report-6-Respect-Influence-and-Fairness-in-the-Canadian-Federation.pdf">sentiment d’être ignoré</a> dans la politique nationale, spécifique à l’ouest et particulièrement aux Prairies, est différente du souverainisme québécois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Bidons d’essence jaunes" src="https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des bidons d’essence à l’arrière d’un camion stationné sur la rue Albert, à Ottawa, le 10 février. Les camionneurs disent se préparer à un long siège.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À cela s’ajoute un cadrage populiste mettant de l’avant une polarisation entre un « nous, méritants », les travailleurs (camionneurs), et un « eux, malhonnêtes et corrompus », les élites libérales du centre et une partie des travailleurs issus de l’immigration. Dans le discours des organisateurs du convoi, ce « nous » a aussi été associé à la défense d’une <a href="https://globalnews.ca/news/8543281/covid-trucker-convoy-organizers-hate/">identité blanche</a> et anglo-saxonne.</p>
<p>Lorsque l’on superpose ces trois cadrages, le Parti libéral du Canada apparaît systématiquement dans le <a href="https://theconversation.com/from-sunny-ways-to-pelted-with-stones-why-do-some-canadians-hate-justin-trudeau-167607">pôle ciblé</a>.</p>
<h2>Résonances variables</h2>
<p>L’opposition aux mesures sanitaires semble en fait former l’unique trait d’union entre les protestataires de l’Ouest et ceux du Québec. L’appui aux mesures sanitaires y est par ailleurs à son plus <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2022/01/11/lappui-aux-mesures-sanitaires-a-son-plus-bas-1">bas</a>. Mais contrairement à Ottawa, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859895/manifestation-quebec-convoi-mesures-sanitaires">il n’y a pas eu de violences et d’occupation</a> lors de la manifestation organisée le 5 février dans les rues de Québec.</p>
<p>Autrement, loin d’appuyer l’organisation de ce convoi, les politiciens québécois ont surtout lancé des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859130/veille-convoi-antimesures-quebec-politiciens">appels au calme</a>, et invité à de la fermeté dans l’application de la loi. Seul le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1858673/chef-pcq-soutient-camionneurs-mecontents">Parti conservateur du Québec</a> d’Éric Duhaime s’est distingué par son soutien aux camionneurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Manifestants arborant des drapeaux" src="https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des manifestants anti-mesures sanitaires sont dirigés par des policiers alors qu’ils se dirigent vers l’Assemblée nationale du Québec, le 5 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jacques Boissinot</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Hors du pays, le mouvement essaime, <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-02-11/la-presse-en-france/le-convoi-de-la-liberte-fonce-vers-paris.php">notamment en France</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/07/comment-le-convoi-de-la-liberte-des-camionneurs-canadiens-tente-de-s-exporter-en-france_6112700_4355770.html">soutenu par l’extrême droite</a>, ailleurs en <a href="https://www.politico.eu/article/ottawa-truckers-convoy-far-right-worldwide/">Europe</a> et <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/02/08/un-convoi-de-la-liberte-jusquen-nouvelle-zelande-1">jusqu’en Nouvelle-Zélande</a>.</p>
<p>Le convoi apparaît plutôt comme un révélateur de la capacité d’organisation et de perturbation des structures d’extrême droite, aussi minuscules soient-elles à la base : le Maverick Party (Wexit) n’avait obtenu que 35 278 voix lors de l’élection fédérale de 2021… principalement à l’ouest.</p>
<h2>Des dérives inquiétantes</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que la droite canadienne trouve des soutiens dans des mobilisations extra-parlementaires. Par le passé, des mouvements pro-pipelines avaient déjà mobilisé <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/convoy-pipeline-immigration-1.5024863">des convois</a> avec « United we Roll » ; ou à l’émulation des <a href="https://globalnews.ca/news/4770509/yellow-vest-protests-canada/">manifestations</a> de types « gilets jaune » en 2019. On a aussi vu d’autres mobilisations de « citoyens » (« energy citizen », « I <3 Oil ») soutenues dans l’ouest… par les <a href="https://cjc-online.ca/index.php/journal/article/view/3312">lobbys pétroliers</a>.</p>
<p>Certaines mouvances, présentes dans le convoi, ont recours à une rhétorique violente, allant jusqu’à une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1860092/pat-king-manifestation-camionneurs-ottawa">incitation à la violence armée</a> défiant ouvertement l’État de droit.</p>
<p>Le mouvement actuel prend racine dans certaines tendances qui ne sont pas nouvelles dans la politique canadienne, mais qui bénéficient d’un <em>momentum</em> : l’épuisement collectif doublé de l’opportunisme insouciant de plusieurs politiciens fédéraux.</p>
<p>Ce qui en fait un mouvement à surveiller, tient à l’escalade des moyens mobilisés (perturbateurs, violents), à son arsenalisation par l’alt-right <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/07/world/canada/canada-protests-right-populists.html">canadienne</a> et américaine, ainsi qu’à sa capacité d’innovation tactique (le siège et le blocage).</p>
<p>Celle-ci donne à une poignée d’individus la capacité d’engendrer des perturbations majeures au fonctionnement de l’État de droit et au travail des gouvernements élus (provinciaux et fédéral). Elles capturent le débat politique. Manifester, contester et discuter font partie d’un répertoire normal, souhaitable dans une démocratie représentative parlementaire. Mais les tactiques et stratégies actuelles ne s’inscrivent pas dans ce registre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176833/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement prend racine dans des tendances qui ne sont pas nouvelles dans la politique canadienne. Ce qui en fait un mouvement à surveiller est l’escalade des moyens (perturbateurs et violents).Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Djamila Mones, Doctorante en Sociologie | PhD Candidate in Sociology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755882022-01-26T19:27:37Z2022-01-26T19:27:37ZLa libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages<p>Le 18 décembre dernier, lorsque des passagers ont pu embarquer à Paris dans un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/paris-lyon-trenitalia-nouveau-concurrent-a-grande-vitesse-sur-le-reseau-ferroviaire-francais_4886161.html">train Trenitalia à destination de Lyon</a>, une étape symbolique dans l’ouverture à la concurrence et la fin du monopole historique de la SNCF a été franchie. Et cette actualité n’est pas seule en la matière. À l’automne, sur le réseau TER, <a href="https://www.20minutes.fr/nice/3118527-20210907-paca-ligne-ter-nice-marseille-region-choisit-autre-operateur-sncf">Transdev a devancé la SNCF</a> lors de l’appel d’offres pour l’exploitation de la liaison Nice-Marseille.</p>
<p>Plus discrètement, Railcoop prépare, elle, <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/transports/transports-ces-nouvelles-lignes-de-train-prevues-par-railcoop-dans-l-ouest-27c04db4-6c9d-11ec-9358-fadecc207d8a">l’ouverture de lignes transversales</a>. Après un Lyon-Bordeaux (via, notamment, Montluçon, Guéret et Limoges) prévu pour la fin de l’année, la coopérative a tout récemment obtenu l’autorisation d’engager, à terme, ses rames sur des Nantes-Lille avec 17 arrêts dont Caen et Rouen, des Clermont-Ferrand-Strasbourg ou même des Le Croisic-Bâle.</p>
<p>Ouvrir le rail à la concurrence reste un point de débat assez sensible, chargé de nombreuses peurs et appréhensions quant à leur effet sur les prix et la qualité du service rendu. La Commission européenne y voit, elle, un moyen de réduire les coûts et de <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0144:FIN:fr:PDF">gagner en compétitivité</a>.</p>
<p>Si la littérature académique s’est déjà penchée sur la question, certaines limites doivent encore être dépassées par les chercheurs. Lorsqu’il s’agit d’une étude d’un cas national, peut-on transférer les résultats ailleurs ? Intègre-t-on bien l’évolution de la concurrence issue des autres moyens de transport, avec notamment le fort développement du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01466110">co-voiturage</a> mais aussi de l’aérien low cost ?</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">travaux</a> se sont focalisés sur les trains grandes lignes (de type LGV ou Intercités). Ils ont ainsi tenté d’identifier les effets d’une concurrence intramodale (entre compagnies ferroviaires) et intermodale (entre le rail, et les autres moyens de transport) sur les prix et la fréquence des trains. En nous concentrant sur 90 routes entre métropoles européennes issues de sept pays, nous montrons que l’ouverture à la concurrence, si elle a un impact sur la fréquence des trains, n’engendre qu’un effet faible, voire non significatif, sur les prix, paradoxe que nous tentons de résoudre.</p>
<h2>Pas ou peu d’impact sur les prix</h2>
<p>Parmi les pays retenus pour alimenter notre base de données, on retrouve tant des pays qui font plus que la moyenne européenne en termes d’ouverture à la concurrence du train (l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni et l’Allemagne) que d’autres qui se situent en dessous (la France, la Suisse, les Pays-Bas). En raison de son modèle particulier, nous avons réalisé des calculs avec et sans le Royaume-Uni pour vérifier que les résultats ne s’en trouvaient pas biaisés.</p>
<p>Les données utilisées ont été collectées le mardi 12 décembre 2017, une journée relativement standard. Différentes variables sont mobilisées pour expliquer les fréquences ce jour-ci et les prix (exprimés en parité de pouvoir d’achat pour les rendre comparables d’un pays à l’autre). Certaines concernent le trajet (la distance entre les villes, la vitesse du train), d’autres saisissent des caractéristiques macroéconomiques (le PIB et la population des villes). On intègre également des variables qui valent 1 ou zéro selon si le trajet peut ou non être effectué en avion, en car ou en co-voiturage. Enfin, une dernière variable (fondée sur l’indice d’Herfindahl-Hirschman) capte, elle, le degré de concurrence interne au marché ferroviaire sur le sillon concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483341784633778178"}"></div></p>
<p>Pour ce qui est des prix, nos résultats montrent qu’ils s’avèrent surtout sensibles au PIB et à la distance. Toutes choses égales par ailleurs, une hausse de 1 % du PIB conduit à une hausse des prix de 0,8 %. Elle est de 0,55 % quand la distance augmente de 1 %. Il apparaît surtout que la concurrence intramodale, entre compagnies ferroviaires, n’a pas d’impact significatif.</p>
<p>Celle-ci en a toutefois un sur la fréquence : plus les acteurs sont nombreux, plus il y a de trains proposés. La concurrence de la route ou de l’aérien semble, elle, influencer davantage les prix des trains (à la baisse) que leur fréquence, avec des résultats moins robustes néanmoins.</p>
<h2>Un paradoxe ?</h2>
<p>La hausse de la fréquence des trains avec une ouverture du marché ferroviaire à la concurrence semble <a href="https://www.jstor.org/stable/20053792">théoriquement</a> logique puisque plusieurs acteurs se mettent à assurer un service auparavant proposé par un seul. On pourrait en revanche attendre des prix qu’ils diminuent significativement, l’arrivée de nouveaux concurrents poussant l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle.</p>
<p>Comment expliquer que nos résultats ne confirment pas empiriquement cette prédiction sur les prix ? Lorsque plusieurs opérateurs se partagent un sillon ferroviaire, ils ne sont généralement pas plus de deux. Le régulateur européen (IRG-Rail) ne relève d’ailleurs <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">pas plus de 25 %</a> de part de marché pour de nouveaux opérateurs sur les trajets longue distance là où le marché est le plus ouvert (Suède, Italie, Allemagne). C’est ici un modèle économique particulier de duopole qui entre en jeu.</p>
<p>Dans la majorité des cas, avec la mise en concurrence, on retrouve un opérateur historique et un nouvel arrivant. Le premier conserve, au moins dans un premier temps, un avantage sur le second. Il bénéficie de la rente issue de son monopole passé quand son rival doit encore trouver une forme de rentabilité. Le concurrent n’a donc pas vraiment intérêt à mener immédiatement une guerre par les prix et à s’attaquer à la rente de l’acteur historique. Il peut en effet lui-même en bénéficier au moment de se lancer.</p>
<p>Il faut aussi tenir compte de facteurs externes comme le prix des péages à verser au gestionnaire de l’infrastructure et le niveau de saturation de ces dernières. Il est ainsi difficile pour un nouvel arrivant de remettre en cause les anciens modèles économiques en ce qui concerne la gestion des coûts. C’est donc davantage sur la qualité de service qu’il peut faire la différence.</p>
<p>Un « big bang » sur les prix est donc peu probable au moment de libéraliser les marchés ferroviaires. La hausse du nombre de trains quotidiens que l’opération pourrait induire questionne en revanche la gestion de l’infrastructure, plus sollicitée, suggérant des besoins d’investissements nouveaux.</p>
<p>Quelques éléments nous invitent cependant à rester prudents à ce stade et motivent des recherches en cours, notamment pour mieux appréhender l’effet prix. Ceux-ci restent en effet d’une grande variabilité en raison de ce que l’on appelle le <em>yield management</em> : faire varier les prix en fonction du comportement de la demande. Autrement dit, optimiser le chiffre d’affaires en fonction du niveau de remplissage des trains. Des incertitudes persistent donc sur la capacité des modèles à le traiter correctement. Une modélisation plus poussée reposant sur des bases de données plus riches est actuellement en cours de développement. Les résultats préliminaires ne semblent pas remettre en cause nos précédents travaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrivée de nouveaux concurrents sur les grandes lignes devrait en théorie pousser l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle. La réalité semble cependant plus nuancée.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1740522022-01-09T17:12:47Z2022-01-09T17:12:47ZE-commerce et empreinte carbone du dernier kilomètre : le vélo cargo, solution idéale ?<p>En nous fondant sur les données d’un des plus gros acteurs français du transport de marchandises, <a href="https://www.researchgate.net/publication/357528729_Delivering_Paris_by_Cargo_Bikes_Ecological_Commitment_or_Economically_Feasible_The_Case_of_a_Parcel_Service_Company_-_TRB_2022">nous démontrons dans une récente étude</a> que les deux tiers de son activité à destination et en provenance de la ville de Paris pourraient être réalisés par vélo cargo.</p>
<p>Ce résultat – qui s’appuie sur une analyse économique prenant comme critère le poids des colis à transporter – offre une perspective intéressante pour le secteur du transport de marchandises, régulièrement pointé du doigt comme un émetteur majeur de gaz à effet de serre (<a href="https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/panorama-des-emissions-francaises-de-gaz-a-effet-de-serre">14 % des émissions françaises</a>). S’ajoutent à cela les nombreuses externalités négatives particulièrement importantes en ville <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2213624X16300414?via%3Dihub">(congestion, nuisance sonore, etc.)</a>.</p>
<p>Rappelons aussi que le transport routier reste aujourd’hui le principal mode de livraison en ville ; en France, 88 % du transport de marchandises <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/donnees-sur-le-transport-routier-de-marchandises-trm-en-france-et-en-europe?rubrique=&dossier=1341">est effectué par des camions</a>.</p>
<p>S’il existe plusieurs solutions de report modal pour la longue distance (ferroviaire, fluviale), la cyclologistique représente actuellement la seule solution durable pour décarboner le dernier kilomètre – le plus émetteur.</p>
<h2>L’essor du e-commerce</h2>
<p>L’enjeu de décarbonation est double en matière de transport de marchandises : il s’agit d’adapter le modèle actuel au profit de pratiques plus vertueuses (par exemple, la cyclologistique) tout en intégrant des flux en perpétuelle augmentation.</p>
<p>L’e-commerce, en particulier, occupe une part en progression dans nos modes de consommation <a href="https://www.fevad.com/wp-content/uploads/2021/08/FEVAD_CHIFFRES-CLES_complet_vdef.pdf">(+4 % des parts du commerce de détail entre 2018 et 2020)</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1122651594477252609"}"></div></p>
<p>Ceci exige un accroissement de la flotte nécessaire à la logistique urbaine, les estimations prévoyant une augmentation de 36 % des distances parcourues par les camions dans les grandes villes à travers le monde <a href="https://www.weforum.org/reports/the-future-of-the-last-mile-ecosystem">d’ici à 2030</a> si aucune mesure n’est prise. Cela induirait de nombreux effets négatifs tels qu’une forte progression de la congestion, des émissions de gaz à effet de serre, etc.</p>
<h2>Des micro-hubs au cœur des villes</h2>
<p>De ce fait, le développement de la cyclologistique doit être considéré comme une priorité. L’utilisation de vélos cargo implique néanmoins une organisation spécifique. La localisation des plates-formes de tri, généralement en périphérie des villes, ne se prête par exemple pas à ce mode de transport. Leur faible capacité de transport et leur vitesse réduite par rapport à un camion limitent également leur rayon d’action.</p>
<p>Le recours à des micro-hubs au cœur des villes, avec des vélos cargo qui opèrent en étoile à partir de ces points, semble donc indispensable. Deux contraintes à soulever néanmoins.</p>
<p>D’une part, la cyclologistique exige la transformation de locaux commerciaux, traditionnellement occupés par des magasins, pour les aménager en plates-formes logistiques. Ces nouveaux lieux non ouverts au public, également appelés <em>dark stores</em>, viennent concurrencer le tissu commercial aujourd’hui implanté au cœur des villes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1113895830489112584"}"></div></p>
<p>D’autre part, l’ajout d’une étape surnuméraire dans la chaîne logistique entraîne des surcoûts (principalement le coût du foncier) qu’il est nécessaire de compenser, par exemple grâce à une forte densité d’activités dans la zone de chalandise des micro-hubs.</p>
<p>Ainsi, certaines zones géographiques apparaissent plus propices que d’autres à la mise en place de la cyclologistique. Pour pallier ce surcoût, l’étude de l’utilisation de conteneurs ou de camions faisant office de micro-hubs est aujourd’hui à l’étude. Quand bien même ces solutions ne concurrencent pas le tissu commercial actuel, elles impliquent tout de même une emprise foncière dans l’espace public.</p>
<h2>La fin des camions en ville ?</h2>
<p>Finalement, la cyclologistique ne rime pas forcément avec la fin des camions en ville. Il est en effet nécessaire d’alimenter quotidiennement les micro-hubs qui doivent eux-mêmes être connectés aux plates-formes de tri localisées en périphérie.</p>
<p>Par ailleurs, il est actuellement impossible d’opérer des colis trop lourds (maximum 250kg) ou trop volumineux par vélo cargo – cela implique de les transporter par des camions. Les opérateurs se dirigent ainsi vers une flotte mixte.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1125762426652319745"}"></div></p>
<p>En conclusion, si la cyclologistique représente une voie à creuser pour verdir la logistique, elle pose également certains défis qui appellent à la vigilance. Entre autres, le développement de <em>dark stores</em> au cœur des villes qui risquent, à terme, de nuire au tissu commercial.</p>
<p>N’oublions pas enfin que le consommateur final est le créateur de la demande du e-commerce et des flux associés. Modifier les comportements de consommation en faveur d’une demande moins instantanée demeure l’action la plus pertinente pour réduire l’impact de la logistique sur l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si la cyclologistique représente à première vue une aubaine pour réduire l’impact carbone du e-commerce, elle pose un certain nombre de défis au sein des villes.Antoine Robichet, Doctorant en transport de marchandises, Université Gustave EiffelPatrick Nierat, Chercheur, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1692112021-10-22T16:07:37Z2021-10-22T16:07:37ZL’automobile est toujours là, et encore pour longtemps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/427556/original/file-20211020-15-orvug2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3224%2C1822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Porsches installées sur le rassemblement dominical du parking public des Moulins à Villeneuve d'Ascq, fin 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gaëtan Mougin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Peut-on se passer de voiture ? À l’heure où certains candidats à l’élection présidentielle mobilisent de nouveau cet objet du quotidien dans leurs discours (sortir de la dépendance à l’automobile, augmenter la taxe au carburant ou au contraire la baisser, favoriser l’achat de voitures d’occasion, etc., etc.), les enquêtes ethnographiques montrent à quel point l’automobile occupe encore une place de choix dans notre quotidien.</p>
<p>Et comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu’à partir du moment où l’on sort des grandes aires urbaines densifiées, elle s’impose de fait comme le moyen de transport le plus adapté. En réalité, l’automobile continuera encore longtemps à nous accompagner dans nos cheminements quotidiens et même dans nos parcours de vie ; d’autant plus qu’elle est à n’en pas douter autre chose qu’un simple moyen de transport pour certains (beaucoup ?) de nos contemporains.</p>
<p>Parce qu’on habite son automobile, qu’on lui parle, qu’on y passe des moments décisifs à jamais inscrits dans notre psyché, qu’on l’associe à des moments singuliers, il est possible, à partir d’entretiens de recherche patients, de rendre compte d’un attachement certain à cet objet épais de ce qu’on projette sur lui.</p>
<h2>Le premier espace habité pour beaucoup</h2>
<p>Cela est par exemple vrai pour les jeunes qui n’ont pas encore quitté le domicile familial, la voiture représente le <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-un_sociologue_au_volant_le_rapport_de_l_individu_a_sa_voiture_en_milieu_urbain_herve_marchal-9782360850532-43563.html">tout premier espace habité</a> qu’ils possèdent et qu’ils peuvent aménager à leur guise.</p>
<p>Elle signe une étape importante du processus qui consiste à devenir adulte, en s’aménageant des espaces et des moments qui échappent complètement à la surveillance parentale. Ce fut particulièrement le cas d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, Tony, qui vivait encore chez ses parents, et avec qui nous avons pris la route à <a href="https://hal-univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/hal-03286852/document">plusieurs reprises</a>. Son automobile disposait d’une multitude d’espaces destinés à accueillir des affaires personnelles.</p>
<p>Son coffre était compartimenté en différents espaces permettant de stocker ici des denrées alimentaires, là quelques vêtements, une petite glacière servait de bar à alcool à l’arrière gauche tandis que le siège arrière droit servait d’établi pour ses outils destinés au bricolage automobile. La boite à gants, enfin, accueillait un ensemble de petits effets très personnels suggérant que sa voiture devenait de temps à autre la scène d’activités intimes : on y trouvait notamment du tabac, des friandises et des préservatifs. Pour Tony, l’automobile est ainsi le seul espace qu’il maîtrise totalement, pour lequel il décide qui rentre ou non, et qui lui permet à la fois de voguer à son gré entre ses amis et différents lieux festifs ou de travail.</p>
<p>Si les trajets en voiture semblent relever, au premier abord, d’une ineptie en ville, il n’en reste pas moins qu’elle demeure généralement chez les plus jeunes le meilleur moyen de se déplacer au-dehors et pour de plus longs trajets. Moyen de transport populaire d’autrefois, le train devient de moins en moins accessible, notamment du fait que ses tarifs basés sur l’offre et la demande font exploser le coût de leurs trajets de début et fin de semaine.</p>
<p>Parallèlement, l’offre de covoiturage permet à la fois aux conducteurs de réduire le coût de leurs trajets et à leurs passagers d’accéder à leurs déplacements. En ce sens, le covoiturage présenté comme solution écologique participe sans aucun doute à intensifier les flux routiers voire, pour certain, des incitations à acquérir un véhicule.</p>
<h2>Une image viriliste</h2>
<p>Une fois cela dit, comment ne pas faire remarquer que le marketing automobile a réussi le tour de force de solidifier une image viriliste de cet objet technique tout en suivant le processus d’accès des <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2014-2-page-119.htm">femmes</a> à l’autonomie.</p>
<p>La voiture demeure en effet un outil privilégié de construction de l’identité masculine, notamment parce qu’elle confère aux jeunes hommes une autonomie qui devient un outil de séduction. Elle est aussi une manière de se mesurer aux autres hommes, par sa dimension socialement distinctive toujours intense, mais aussi au travers de confrontations de leur capacité à piloter.</p>
<p>L’observation des « runs », courses urbaines ayant généralement lieu la nuit, permet d’observer aussi bien des rivalités qu’une camaraderie masculine. Elle renvoie enfin aux hommes leur capacité à conduire leur famille, et ce dans toutes les <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/17327">acceptions possibles</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rrqhQbgtVfI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Publicité Audi.</span></figcaption>
</figure>
<p>D’ailleurs, soulignons dans cette veine combien les mondes de la collection et du loisir automobile révèlent particulièrement cette inclination masculine pour la passion : elle se transmet généralement de père en fils et les quelques femmes qui prennent part à ces activités ne cessent de rappeler leur spécificité d’être des « femmes dans un milieu d’hommes » (Sandrine, 45 ans, membre du Mustang Club de France) ou encore des « garçons manqués » (Sandra, 40 ans, passionnée de VW Coccinelle).</p>
<h2>L’espoir de « s’en sortir »</h2>
<p>Par ailleurs, il faut également noter que les populations les plus fragiles subissent une forte injonction à la mobilité pour l’accès à l’emploi, dans la mesure où l’acquisition d’une automobile, généralement d’occasion et à prix modeste, représente un espoir certain de « s’en sortir ». Avec la hausse des prix du foncier dans les centres urbains, les individus les moins bien dotés se trouvent bien souvent relégués dans les zones périurbaines ou rurales qui demeurent par ailleurs mal desservies par les transports collectifs.</p>
<p>En ce sens, les ménages qui ne possèdent pas d’automobile sont contraints à mettre en œuvre un ensemble de <a href="https://esprit.presse.fr/article/jacques-donzelot/la-ville-a-trois-vitesses-relegation-periurbanisation-gentrification-7903">stratégies d’accessibilité</a> ; (relocalisations résidentielles, utilisation des transports en commun, réduction spatiale des relations sociales et des accès aux services, aux commerces locaux et aux emplois…), stratégies se révèlant <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/26697">particulièrement coûteuses</a> en temps et en renoncements.</p>
<p>Être privé d’automobile peut être le privilège des franges supérieures urbaines, mais à l’autre bout du spectre, c’est vivre concrètement une dépossession matérielle propre à une <a href="https://journals.openedition.org/revss/6082">situation de déclassement social</a>. En ce sens, toute injonction à la transition écologique par l’abandon de l’automobile peut être vécue comme une écologie punitive, une violence sociale de la part des mieux dotés, volontiers renvoyés à leur centralisme parisien.</p>
<p>Il n’est d’ailleurs pas anodin de rappeler que c’est une augmentation du prix de l’essence qui a mis le feu aux poudres et a fait éclater la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/44111">crise des « gilets jaunes »</a>. Loin de tout fétichisme, l’attachement à l’automobile relève avant tout ici d’une volonté de conserver espoir et dignité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photographie prise lors du rassemblement automobile des Moulins, Villeneuve d’Ascq, un dimanche de novembre 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaëtan Mangin, blogterrain.hypotheses.org</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela étant précisé, comment ne pas rappeler qu’en France, notamment, de plus en plus se dessinent les contours d’un urbanisme dual soucieux, d’une part, de rendre la tranquillité oubliée des centres-villes en limitant le plus possible la circulation, le stationnement et la vitesse des automobiles, et d’autre part, d’aménager l’espace (aires de stationnement, rocades, autoroutes…) en fonction de l’omniprésence de l’automobile dans la vie de celles et de ceux qui ne vivent pas au sein des villes-centre et qui peuvent consacrer, pour les plus modestes d’entre eux, jusqu’à 20 % de leur budget rien que pour le carburant. Car en campagne la chose est entendue, la voiture s’impose :</p>
<blockquote>
<p>« C’est toujours trop loin. Vous savez, sept kilomètres en parcours vallonné… En règle générale je vais me déplacer à pied pour faire des courses, on rentre à la maison avec un sac à dos plein de trucs, mais ça devient dur, dur, hein… Prendre la voiture, c’est vite fait […] le vélo, c’est bien en urbain et périurbain. Mais ici, dans la cambrousse… et pis vous savez, moi j’ai… de mon domicile à ici, c’est la départementale 977, vous avez des 35 tonnes toutes les trente secondes ! » (homme, 62 ans, chômeur de longue durée)</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié dans le prolongement d’une version plus longue publiée sur Carnets de Terrain – Le blog de la revue Terrain, <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/17327">« Jouir de sa bagnole. L’automobile de collection comme soupape existentielle »</a> Gaëtan Magin effectue sa thèse sous la direction d’Hervé Marchal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Mangin est membre du LivingLab Territorial pour la Transition Sociale et Écologique hébergé par la Maison des Sciences de l'Homme de Dijon qui perçoit des financements de la part de la DREAL (ministère de la Transition écologique et solidaire et ministère de la Cohésion des territoires), du PUCA (Ministère de la Transition et Ministère de la culture) et de la Région Bourgogne Franche-Comté.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marchal a reçu des financements de Région Bourgogne-Franche-Comté. </span></em></p>Parce qu’on habite son automobile, qu’on lui parle, qu’on y passe des moments décisifs, il est possible de rendre compte d’un attachement certain à cet objet épais de ce qu’on projette sur lui.Gaëtan Mangin, Doctorant en sociologie, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)Hervé Marchal, Professeur des universités en sociologie, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1612462021-05-25T18:09:26Z2021-05-25T18:09:26ZDéveloppement de la filière hydrogène : quels usages privilégier ? Quels défis surmonter ?<p>L’hydrogène suscite de nombreux espoirs, tant chez les politiques que les industriels. En accord avec la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0301&rid=1">stratégie européenne du « Green Deal »</a>, qui voit l’hydrogène comme essentiel à la transition écologique, la France a décidé d’attribuer, dans le cadre de <a href="https://www.economie.gouv.fr/presentation-strategie-nationale-developpement-hydrogene-decarbone-france">son récent plan de relance</a>, 2 milliards d’euros à cette filière d’ici 2022, et 7 milliards d’ici à 2030.</p>
<p>Mais l’hydrogène suscite aussi des interrogations, voire de la méfiance. Pourra-t-il constituer un investissement à la hauteur des attentes ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, le dernier <a href="https://bit.ly/3fyPcWi">Baromètre du marché de l’énergie</a> a interrogé en février 2021 un panel de 144 experts sur le potentiel et l’avenir de cette filière.</p>
<h2>Mobilité et usages industriels</h2>
<p>D’après les annonces récentes des acteurs de l’hydrogène en France, de grandes initiatives pionnières émergent, dans le secteur de la mobilité principalement.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/04/08/premiere-commande-de-trains-a-hydrogene-en-france_6075972_3234.html">La SNCF a ainsi commandé 12 trains</a> (TER) à hydrogène qui devraient circuler dès 2023. D’autres projets concernent les transports en commun, à l’image de la mise en circulation de <a href="https://www.h2-mobile.fr/actus/rouen-premiers-bus-hydrogene-arriveront-2022/">11 bus à hydrogène à Rouen</a> prévue pour 2022.</p>
<p>La mobilité légère n’est pas en reste. Les <a href="https://bit.ly/3otWMFX">annonces des constructeurs</a> accompagnent celles des territoires qui souhaitent développer leur réseau de transport hydrogène ; citons le projet <a href="https://www.toyota.fr/world-of-toyota/articles-news-events/2019/taxis-hydrogene-hype">Hype</a>, avec le développement de 600 taxis à Paris ; ou encore le projet <a href="https://www.auvergnerhonealpes.fr/278-pour-une-filiere-hydrogene-d-excellence.htm">Zero Emission Valley</a> et ses stations d’approvisionnement en hydrogène en Auvergne-Rhône-Alpes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401735/original/file-20210519-12241-1bv2d23.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">144 experts (industriels, du conseil, administration ou académie) de l’énergie (20 % de spécialistes en efficacité énergétique ; 25 % en multi-énergie ; 12 % en hydrogène ; 16 % en ENR ; 8 % en mobilité ; 5 % en nucléaire ; 3 % en énergies fossiles ; 11 % autre) ont participé à au baromètre de l’énergie sur l’avenir de la filière hydrogène en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/33UKQ6J">Baromètre du marché de l’énergie -- GEM</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Priorité à la mobilité routière « lourde »</h2>
<p>Tous ces projets de mobilité, très ambitieux et médiatisés, contrastent toutefois avec l’opinion des experts interrogés dans le cadre du Baromètre.</p>
<p>En effet, seuls 10 % des experts considèrent le transport de véhicules légers comme une priorité ; et moins de 30 % pour le transport ferroviaire.</p>
<p>On note également, en ayant à l’esprit le projet d’Airbus de commercialiser des <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/avion-airbus-devoile-trois-avions-seront-propulses-hydrogene-73099/">avions propulsés à l’hydrogène</a> pour 2035, que le transport aérien ne serait une priorité que pour 12 % des experts.</p>
<p>La mobilité routière « lourde » apparaît en revanche comme un usage prioritaire à développer pour l’hydrogène : 60 % prioriseraient le transport de marchandises (camions) ; 40 % le transport de passagers (bus).</p>
<p>En dehors de la mobilité, la majorité (55 %) des experts du Baromètre s’accorde à dire que l’hydrogène doit rester un usage prioritaire pour les industries qui en consomment déjà.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401734/original/file-20210519-15-1x1hel7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Consommation d’hydrogène en France en 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">RTE</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Rappelons qu’aujourd’hui, le secteur industriel (raffinage pétrolier et ammoniac/engrais) consomme l’intégralité de l’hydrogène (carboné à 95 %).</p>
<h2>Un possible concurrent de la mobilité à batterie</h2>
<p>Comment expliquer cet écart entre les priorités des experts et les projets développés ou annoncés en France par les industriels de la mobilité ?</p>
<p>Il peut tout d’abord s’expliquer entre des usages techniquement possibles aujourd’hui et ceux souhaitables pour demain.</p>
<p>La technologie nécessaire pour faire fonctionner les véhicules légers est plus mature que celle nécessaire pour faire fonctionner les poids lourds. Toyota a ainsi déjà lancé sa <a href="https://www.flotauto.com/nouvelle-toyota-mirai-2-2-20210301.html">deuxième génération de voiture hydrogène Mirai</a>, après avoir mis en circulation en 2014 plus de 10 000 unités pour la première génération ; alors que les <a href="https://www.lemondedelenergie.com/toyota-hydrogene-usa/2020/10/06/">premiers prototypes</a> de camions avec pile à combustible voient actuellement le jour.</p>
<p>Ces résultats sont également en cohérence avec les doutes émis par les industriels concernant le potentiel de la technologie hydrogène et sa capacité à égaler la performance des véhicules électriques à batterie.</p>
<p>Elon Musk, cofondateur de Tesla, a fameusement qualifié cette technologie <a href="https://www.equilibredesenergies.org/28-04-2020-lavenement-de-lhydrogene-electrique">« d’incroyablement stupide »</a> ; quant au PDG de Volkswagen, Herbert Diess, il <a href="https://www.autonews.fr/green/dossiers/hydrogene-volkswagen-a-t-il-tort-contre-tous-les-autres-94799">est farouchement opposé à l’hydrogène</a> pour des usages en mobilité.</p>
<p>À l’opposé, General Motors, PSA, Renault ou encore BMW, prévoient de développer des monospaces, utilitaires ou SUV à hydrogène.</p>
<p>Enfin, la priorité donnée par les experts au transport routier lourd s’explique <a href="https://www.lepoint.fr/automobile/innovations/l-hydrogene-oui-mais-pour-les-poids-lourds-08-10-2020-2395433_652.php#">par l’autonomie que permet l’hydrogène</a>, notamment par rapport aux batteries électriques : la pile à combustible offre une autonomie comparable à celle d’une mécanique diesel, avec un réservoir hydrogène rempli en quelques minutes.</p>
<p>Ces caractéristiques sont donc prometteuses pour les poids lourds qui réalisent de longs trajets et pour qui il est indispensable de pouvoir proposer un temps de recharge court.</p>
<h2>Décarboner la production</h2>
<p>Lié à la question des usages à privilégier, un autre sujet (épineux) est à prendre en considération.</p>
<p>L’hydrogène étant un vecteur d’énergie, il doit être produit. Or cette production est elle-même énergivore et émettrice de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène consommé en France est ce que on appelle de l’hydrogène « gris » ; on le produit par vaporéformage du méthane (ce qui équivaut à 2 %-3 % des émissions de CO<sub>2</sub> nationales).</p>
<p>Pour devenir une filière d’avenir, il faut décarboner la production d’hydrogène.</p>
<p>Deux grandes alternatives sont possibles ; on peut tout d’abord électrifier la production d’hydrogène. L’électrolyse de l’eau permettra de produire de l’hydrogène « jaune » – à partir d’électricité nucléaire – ou de l’hydrogène « vert » – à partir d’électricité renouvelable. Il est également possible de produire de l’hydrogène « bleu », obtenu par vaporéformage du méthane, comme pour le gris, mais en captant le dioxyde de carbone.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401733/original/file-20210519-19-1fhhthv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/33UKQ6J">Baromètre du marché de l’énergie -- GEM</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>62 % des experts pensent que l’hydrogène le plus consommé en 2030 serait produit à partir électrolyse de l’eau.</p>
<p>Ceci fait écho aux observations de <a href="https://www.iea.org/reports/hydrogen">l’Agence internationale de l’énergie</a> qui observe une forte augmentation des capacités d’électrolyse dans le monde.</p>
<p>Pour une majorité d’experts, en revanche, cet hydrogène bas carbone sera produit à partir d’énergie nucléaire (opinion de 52 % des experts). En effet, seuls 10 % pensent que l’électricité proviendrait en 2030 des énergies renouvelables.</p>
<h2>Le défi de la performance technologique et des coûts de production</h2>
<p>Pour convaincre de la capacité de l’hydrogène à contribuer à la transition énergétique, de nombreux défis demeurent.</p>
<p>L’enjeu est de produire de l’hydrogène bas carbone ; à grande échelle ; et à des prix compétitifs.</p>
<p><a href="https://www.iea.org/reports/the-future-of-hydrogen">L’Agence internationale de l’énergie</a> estime que la production d’hydrogène à partir gaz naturel coûte entre 0,9 et 3,2 USD/kg ; et aujourd’hui entre 3 et 7,5 USD/kg lorsque celui-ci est produit à partir d’électricité renouvelable.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=274&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401732/original/file-20210519-15-j6ksi7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=345&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://bit.ly/33UKQ6J">Baromètre du marché de l’énergie</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Interrogés sur les obstacles au développement de l’hydrogène bas carbone en France, 60 % des experts considèrent que son coût élevé constitue un obstacle majeur.</p>
<p>Liés aux coûts, les experts estiment qu’il existe encore de nombreux obstacles technologiques. Celui perçu comme le plus important concerne le manque d’une infrastructure pour la mobilité hydrogène – considéré comme un obstacle majeur par plus de 65 % des experts.</p>
<p>Les autres obstacles majeurs mis en avant par les experts concernent notamment le coût élevé et le rendement faible des électrolyseurs et des piles à combustible, ainsi que la pénurie relative d’électricité renouvelable.</p>
<h2>Un regain de confiance</h2>
<p>Enfin, un des résultats marquants de cette édition 2021 du Baromètre repose sur le regain de confiance accordé à la molécule H2.</p>
<p>Suite à l’accident du Zeppelin en 1937, l’hydrogène a longtemps été perçu comme accidentogène. Les résultats du Baromètre indiquent cependant un changement de la perception publique de ses potentiels dangers : 88 % des experts pensent que cette image accidentogène n’est plus un obstacle majeur au développement de la filière.</p>
<p>Il semblerait que les efforts mis en place pour améliorer et communiquer sur la sécurité de l’hydrogène aient porté leurs fruits.</p>
<p>Que ce soit pour l’hydrogène jaune, vert, ou bleu, les résultats du baromètre révèlent que les défis à relever sont importants.</p>
<p>Le système énergétique européen devra faire face à deux enjeux de taille afin de permettre à la filière hydrogène de se développer : augmenter massivement les capacités de production et développer les infrastructures adéquates pour répondre à ces usages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161246/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Carine Sebi ont bénéficié de financements dans le cadre de la chaire « Energy for Society » de Grenoble École de management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les recherches d'Anne-lorène Vernay ont bénéficié de financements dans le cadre de la chaire « Energy for Society » de Grenoble École de management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Nuria Moratal ont bénéficié de financements dans le cadre de la chaire « Energy for Society » de Grenoble École de management.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Lafaille et Sébastien Houde ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Baromètre du marché de l’énergie a interrogé en février 2021 un panel de 144 experts sur le potentiel et l’avenir de la filière hydrogène.Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Anne-Lorène Vernay, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Julien Lafaille, PhD student, Energy Management, Grenoble École de Management (GEM)Nuria Moratal, Chercheuse postdoctorale affiliée à la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Sébastien Houde, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539122021-01-31T17:12:43Z2021-01-31T17:12:43ZConcessions d’autoroutes : les hausses de tarifs aux péages en question<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380424/original/file-20210125-13-1h6zywz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C911%2C616&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’article de la loi du 28&nbsp;mai 2013&nbsp;portant sur les hausses de tarifs annuelles aux péages n’a jamais obtenu la validation législative attendue.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Chris Worldwide / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« L’État pour signer un accord global et de confiance, comme le disent les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), n’a pas besoin de notre aval ».</p>
</blockquote>
<p>Devait-on voir dans cette formule issue d’un ex-sénateur, coauteur d’un rapport de 2013 sur les autoroutes concédées, un aveu d’impuissance des parlementaires pour garantir un rapport équilibré entre l’État et les SCA ? Sans avoir la prétention d’apporter ici une réponse, poser la question semble en tout cas faire sens après un <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-709-1/r19-709-1.html">rapport sénatorial</a> dédié à ce sujet et une <a href="https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2020/11/rapport_economie_des_concessions_autoroutieres_nov2020.pdf">expertise quinquennale</a> de l’Autorité de régulation des transports (ART), le tout livré au dernier trimestre 2020.</p>
<p>Le premier, au terme de plusieurs mois de travail d’une Commission d’enquête, présente une étude globale et fournie qui s’intéresse aussi bien aux questions économiques, juridiques, financières propres au secteur autoroutier concédé. Le second tente d’évaluer la rentabilité des concessions d’autoroutes tout en évoquant certains sujets périphériques aux contrats.</p>
<p>Ces analyses, auxquelles s’ajoutent des rapports antérieurs de la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-relations-entre-letat-et-les-societes-concessionnaires-dautoroutes">Cour des comptes (2013)</a> ou de l’Autorité de la concurrence <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/l-autorite-de-la-concurrence-denonce-la-rente-des-societes-d-autoroutes_AN-201409180059.html">(2014)</a>, permettent-elles d’apporter une réponse à toutes les questions propres aux concessions d’autoroutes, notamment en termes d’équilibre pour l’État et de coûts pour l’usager ? Le sujet est-il, depuis lors, frappé du sceau de « l’indiscutabilité » au point que toute analyse contradictoire mériterait finalement d’être balayée d’un revers de la main sans donner lieu à débat ?</p>
<p>Rien n’est moins sûr car, sur un certain nombre de sujets à dimension juridique et économique, les enjeux ne paraissent pas encore tout à fait maîtrisés, voire appréhendés, s’agissant de l’exécution de ces contrats d’autoroutes. Loin de remettre en cause l’ensemble des expertises publiques sur ces contrats, deux études exhaustives que nous avons menées superposent et croisent au contraire ces analyses pour mesurer les hypothèses, les conséquences et les points de vigilances. Et ils en existent.</p>
<h2>Des hausses de tarifs fragiles juridiquement</h2>
<p>Les auditions menées au Sénat au cours de l’année 2020 suffisent à s’en convaincre. Le président de l’ART, contrôlant les concessions d’autoroutes, dressait ainsi devant la Commission d’enquête le constat suivant :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe pas d’inventaire du patrimoine autoroutier concédé, même si la privatisation de 2006 l’exigeait ».</p>
</blockquote>
<p>Comment contrôler alors l’équilibre économique de ces contrats (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038884960/">prérogative</a> de l’ART et objectif poursuivi par son rapport de 2020 sur la base du Code de la voirie routière) si la base de ce calcul – les investissements, le patrimoine et donc les biens – n’est pas connu ? Le constat est étonnant quand on sait que le Conseil d’État impose normalement ces inventaires dans ce type de contrats et que les textes de la privatisation de 2006 les rendaient obligatoires, à dessein.</p>
<p>Le plus intéressant est que cette question, pourtant essentielle, n’est pas isolée. Nos travaux de recherche ont tenté de reprendre ces sujets qui paraissaient jusque-là admis et indiscutables et qui, pourtant, devraient donner lieu à débats et approfondissements.</p>
<p>La <a href="https://documentation.le04.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=12997">première étude</a> a permis de s’intéresser d’abord à une mesure symbolique s’agissant des autoroutes : l’augmentation annuelle des tarifs de péages. Ces derniers peuvent augmenter chaque année à la faveur de l’inflation et/ou de nouveaux travaux d’investissements. Ces modalités sont issues d’un décret de 1995 sur lequel prennent appui les clauses des concessions d’autoroute. Cependant, l’augmentation annuelle sur la base de l’inflation apparaît tout de même très discutable en droit.</p>
<p>La Cour des comptes, dans un rapport de juillet 2013, et l’Autorité de la concurrence, dans un avis de 2014, avaient déjà souligné en leurs temps cette fragilité juridique, sur la base d’un avis du Conseil d’État rendu en 2012 qui imposait à l’exécutif de régulariser ce mécanisme (le Code monétaire et financier ne le permettait pas pour les autoroutes). Ces expertises publiques discutaient la légalité initiale du mécanisme, confirmées en cela par un avis du Conseil d’État de 2012 dont la Cour des comptes se faisait l’écho dans son rapport de juillet 2013.</p>
<p>L’édifice paraissait donc avoir été remis d’aplomb à la faveur de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027469717">loi du 28 mai 2013</a> (bien connue pour l’écotaxe). C’est en tout cas ce qu’indiquait l’Autorité de la concurrence dans son avis de 2014. Mais est-ce vraiment le cas depuis l’entrée en vigueur de ce texte législatif ? Rien n’est moins sûr, car l’article concerné dans cette loi n’a jamais fait l’objet d’un décret d’application alors que le Code monétaire et financier le rend obligatoire. En l’absence de texte réglementaire adopté depuis 2013 que font les parties à ces contrats ? Elles s’appuient toujours sur le décret initial de 1995, alors que celui-ci était irrégulier à l’origine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1321307291921113095"}"></div></p>
<p>Certains pourraient considérer qu’<a href="https://documentation.departement06.fr/index.php?lvl=author_see&id=81535">aucun décret n’est nécessaire</a> pour fonder ce droit à augmenter chaque année les tarifs de péages sur la base de l’inflation. Une telle approche ne saurait résister à l’analyse des textes. En effet, le Code monétaire et financier et le Code de la voirie routière imposent bien un décret ; les dispositions législatives concernées le disant très clairement. On note d’ailleurs que le ministère des Transports ou l’ART le mentionne comme tel dans leurs rapports et même leur site Internet, se fondant sur le décret de 1995 !</p>
<p>À titre tout à fait accessoire, on ne manque pas de souligner que, à défaut de texte d’application de cet article 11 de la loi de 2013 (le décret de 1995 ne peut l’être car son irrégularité initiale n’a jamais été corrigée), les clauses prévues à ce sujet dans les contrats de concessions autoroutières sont réputées nulles et ne peuvent donc être appliquées. Ce point interroge : faudrait-il en conséquence corriger jusqu’à 25 ans d’augmentation annuelle de tarifs sur la base de l’inflation en révisant l’équilibre des contrats ?</p>
<h2>Un surcoût possible de 25 milliards d’euros ?</h2>
<p>Qu’en est-il par ailleurs de la seconde partie des augmentations de tarifs, fondées sur les nouveaux travaux d’investissements des sociétés ? Les auditions menées par la Commission d’enquête du Sénat nous apprennent que les sociétés concessionnaires n’apporteraient pas tous les justificatifs nécessaires pour mettre en œuvre ce mécanisme.</p>
<p>Il serait même parfois difficile de déterminer ce qui est financé dans le cadre des plans autoroutiers ou dans le cadre de ces augmentations de péages, avec le risque relevé par les autorités de contrôle de s’acquitter deux fois, au moins en partie, de ces coûts d’investissement. Ceci devrait alors avoir une conséquence en droit : ces augmentations devraient être suspendues en attendant des justifications précises afin de les corréler avec les augmentations sollicitées.</p>
<p>D’autres mécanismes de ces contrats retiennent l’attention. Il en est ainsi du protocole d’accord de 2015 qui a été conclu par l’État pour financer de nouveaux investissements. À ce sujet, la Cour des comptes nous enseigne, dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-plan-de-relance-autoroutier">référé de 2019</a>, que les augmentations de durées contractuelles, destinées à compenser les travaux supplémentaires demandés aux sociétés, estimés à 3,3 milliards en 2015, pourraient générer dans les faits 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires.</p>
<p>Le delta entre l’investissement et le chiffre d’affaires supplémentaires interroge s’il devait être confirmé. Il conduit quand même la Cour à recommander une expertise indépendante pour mesurer le risque de surcompensations qui ne seraient pas conformes au régime des aides d’État de l’Union européenne.</p>
<p>Bien entendu, le projet de protocole avait en son temps, et sur la base des justificatifs apportés par l’État, reçu un avis favorable de la Commission européenne (2014). Mais cet avis était conditionné et l’analyse ne peut être figée à cette époque.</p>
<p>Le rapport du Sénat de 2020 est à ce titre riche d’enseignements puisqu’on y apprend que, contrairement aux conditions posées initialement par la Commission européenne, aucun rapport d’étape ne lui a été transmis et aucune mesure annuelle de la rentabilité des concessions n’a été réalisée sur la période 2015-2020 (la mesure de ce point n’est finalement intervenue qu’avec le rapport 2020 de l’ART). Or, le non-respect des conditions posées par la Commission européenne vis-à-vis de cet accord laisse entrevoir des risques juridiques. Il pourrait notamment conduire à l’ouverture d’une procédure en manquement devant la Commission.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Contrairement aux conditions posées par la Commission européenne en 2014, aucune mesure annuelle de la rentabilité des concessions n’a été réalisée jusqu’à mi-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S-F/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une autre question mérite d’être soulevée s’agissant d’un mécanisme comptable et fiscal ; les dotations aux amortissements. En principe, dans une activité privée, ce mécanisme permet de déduire de la base imposable en impôt sur les sociétés les pertes de valeurs annuelles affectant le patrimoine. Mais leur utilisation dans les contrats publics, comme les concessions d’autoroutes, n’est pas aussi simple et automatique.</p>
<p>Le juge fiscal a défini plusieurs conditions cumulatives pour y avoir recours dans ces contrats. Or, leur étude montre qu’elles ne semblent pas remplies dans le cas des concessions d’autoroutes : par exemple, les dotations doivent en principe se limiter à la prise en compte à des pertes de valeurs en fin de contrat. Or, elles semblent ici comptabilisées sur la totalité du patrimoine. Les corrections nécessaires pourraient porter, à partir d’une première estimation qui mériterait d’être approfondie, sur 12 milliards d’euros.</p>
<p>Un autre sujet a retenu l’attention : les provisions pour renouvellement. Normalement, elles permettent d’acheter de nouveaux biens lorsque les précédents sont complètement amortis, en complément d’une autre ligne comptable (les comptes de renouvellement). Elles ne sont donc pas illégales. Cependant, elles doivent être contrôlées car, depuis une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000037509308/">décision</a> récente du Conseil d’État (18 octobre 2018, Polynésie c/Engie), les provisions non utilisées doivent être rétrocédées à l’État à la fin (normale ou anticipée) des contrats.</p>
<p>Estimée à 650 millions d’euros par les SCA, selon le rapport sénatorial), la lecture de certains comptes laisse cependant penser qu’une analyse complémentaire serait nécessaire car elles pourraient être supérieures à 1 milliard d’euros. Ce point n’ayant pas été expertisé (la jurisprudence reste récente) et les données semblant contradictoires, il conviendrait de mesurer précisément ces provisions.</p>
<p>À ce stade, et sans tenir compte des corrections qui seraient nécessaires sur les augmentations de tarifs aux fondements juridiques discutables, les premiers éléments d’analyses et les hypothèses formalisées dans les deux études juridiques permettent d’établir une première projection des surcoûts qui, s’ils étaient confirmés et superposés, pourraient atteindre 25 milliards d’euros (soit, à titre de comparaison, l’équivalent de 25 % du plan de relance).</p>
<p>Aussi, dans une démarche scientifique indiscutable, deux hypothèses ont été envisagées : amener les contrats à leur terme ou les résilier de manière anticipée. Ceci a permis d’identifier les points d’expertise nécessaires et les solutions à mettre en place dans chacun des cas. Le reste, le choix, appartient au politique. Contrairement à l’idée simple véhiculée ici ou là, les auteurs entendent réaffirmer qu’ils n’ont pas vocation à prendre position ou à exprimer leur avis sur cette question de l’issue de ces concessions.</p>
<h2>Une mesure « tronquée » de l’investissement</h2>
<p>La seconde étude concerne plus le volet économique des contrats d’autoroutes. Et c’est donc le rapport de l’ART qui a retenu ici l’attention. En théorie, la mesure de la rentabilité d’un tel contrat s’apprécie sur une série d’indicateurs et de ratio permettant d’apprécier le retour sur investissements ainsi que, et c’est important de le souligner, toutes les sources de rentabilité connexes (comment un opérateur déciderait d’un investissement sans prendre en compte tous les paramètres ?).</p>
<p>Certaines autorités publiques ont essayé en leur temps (Cour des comptes en 2013 ; Autorité de la concurrence en 2014) de mettre en place cette méthodologie. L’ART s’en écarte dans son rapport quinquennal (compétence établie dans le Code de la voirie routière) pour recourir à une méthode dite du taux de rentabilité interne (TRI) « tronqué ». Le changement de méthode s’expliquerait, selon l’Autorité et son rapport, par l’impossibilité de retracer toute l’exécution de ces contrats.</p>
<p>Ce constat d’incomplétude ne peut être compris qu’à la lumière de l’audition au Sénat du président de l’ART qui s’émouvait à plusieurs reprises du fait, par exemple, qu’il « n’existe pas d’inventaires du patrimoine autoroutiers ». Pourtant, l’investissement, le patrimoine et donc les biens restent la clé de voûte du calcul de cette rentabilité. Comment procéder au calcul dans ces conditions ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1331988172096622593"}"></div></p>
<p>L’indicateur paraît ainsi biaisé. Le TRI « tronqué » constitue un indicateur d’investisseur, c’est-à-dire une méthode permettant de vérifier l’opportunité ou non d’investir. Il apparaît donc discutable de l’appliquer aux autoroutes car les mises de fonds requises sont différentes, les investissements se superposent, la répartition temporelle des flux financiers est différente et même l’État a pu participer à ce financement… Par ailleurs, cet indicateur conduit à ne pas tenir compte de certaines sources de rentabilité pour l’opérateur.</p>
<p>L’ART le met quand même en œuvre et conclut que, pour les autoroutes, la rentabilité des contrats est de 7,8 % pour les concessions historiques et 6,4 % pour les concessions récentes. On demeurera donc prudent à la lecture de ces conclusions pour les raisons indiquées précédemment et de la différence significative qui peut être constatée dans d’autres analyses publiques. Si écart il y a, n’est-il pas souhaitable de recueillir les différentes expertises et de les confronter au terme d’un débat contradictoire ?</p>
<p>Ces différents éléments de réflexion montrent que les concessions d’autoroutes n’ont pas épuisé toutes les questions. D’autres sujets sont évoqués dans ces études (les frais de remise en état des biens à leur restitution, entre autres). Si la bataille des chiffres qui a eu lieu ces quinze dernières années a conduit au statu quo, le repositionnement du droit dans l’analyse pourrait permettre de renouveler les débats. Dans ces conditions, convoquons les états généraux du droit pour sauver ces contrats !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Deux études se sont intéressées à certains points de droit des concessions d’autoroutes. Il en ressort notamment que les hausses de tarifs reposent sur des mécanismes discutables juridiquement.Jean-Baptiste Vila, Maître de conférences en droit public, Université de BordeauxYann Wels, Directeur juridique SPL, enseignant vacataire, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1389712020-05-19T16:05:55Z2020-05-19T16:05:55ZCovid et baisse des émissions de CO₂ : une nouvelle étude fait le point secteur par secteur<p>Avec la pandémie, de nouveaux modes de vie – on pense notamment à la diminution drastique de l’usage des voitures – sont apparus. La distanciation sociale imposée par le Covid-19 change notre façon de vivre et de travailler.</p>
<p>Le nombre de personnes à vélo ou marchant a ainsi connu une envolée inédite. Bogota, Berlin et Vancouver ont <a href="https://www.wri.org/blog/2020/04/coronavirus-biking-critical-in-cities">élargi leurs voies cyclables</a>. <a href="http://www.leparisien.fr/paris-75/deconfinement-a-paris-anne-hidalgo-veut-faciliter-les-deplacements-a-velo-et-a-pied-04-05-2020-8310735.php">À Paris</a>, un vaste réseau de voies pour les vélos est également en cours d’élaboration.</p>
<p>Mais, une fois passée la crise, le système reviendra-t-il à la « normale » ? Et le devrait-il ?</p>
<p>C’est l’une des nombreuses questions qui émergent à l’heure où l’effet de la pandémie sur les émissions de carbone commence à se préciser.</p>
<h2>Au-delà de la pandémie</h2>
<p>Dans un article de recherche – <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-0797-x">publié ce mardi 19 mai 2020</a> dans la revue scientifique <em>Nature Climate Change</em> –, nous montrons comment le Covid-19 a affecté les émissions de CO<sub>2</sub> dans six secteurs économiques (énergie, transport routier, industries, services publics et commerces, residentiel et aviation) à l’échelle mondiale.</p>
<p>Nous avons ainsi découvert que les niveaux d’activité restreints ont entraîné une baisse maximale de 17 % des émissions mondiales quotidiennes début avril, par rapport à 2019.</p>
<p>Ces données sont précieuses à un moment où nous considérons qu’un changement structurel profond est nécessaire pour orienter l’économie mondiale vers la neutralité carbone.</p>
<p>Prenons le cas de nos rues devenues soudain si calmes avec le confinement. La chute du trafic routier est l’un des principaux moteurs de la baisse des émissions mondiales durant la pandémie. Par conséquent, si nous encourageons le vélo et le télétravail au-delà de la pandémie actuelle, nos objectifs climatiques pourraient devenir plus facilement réalisables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336075/original/file-20200519-152344-ynlr5t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Émissions fossiles quotidiennes mondiales de CO₂, en millions de tonnes. Les lignes en pointillés représentent différents scénarios futurs d’émissions fonction de l’évolution de la pandémie et des niveaux de confinement.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des données précises et variées</h2>
<p>Chaque fin d’année, nous publions le <a href="https://www.globalcarbonproject.org/index.htm">« Global Carbon Budget »</a>, un rapport annuel de référence sur les tendances mondiales et régionales du cycle du carbone. Les circonstances inédites que nous traversons nous ont incités à effectuer une analyse préliminaire.</p>
<p>Cette analyse a consisté à estimer comment la pandémie a pu influencer les émissions quotidiennes de CO<sub>2</sub> dans 69 pays – couvrant 97 % des émissions mondiales –, pour six secteurs économiques.</p>
<p>Il a fallu collecter, de façon très détaillée et variée, de nouvelles données à partir de diverses sources pendant la période de confinement. Nous avons, par exemple, examiné l’activité de transport routier et aérien à l’aide des données de trafic fournies par <a href="https://www.tomtom.com/en_gb/traffic-index/">TomTom</a>, de mobilité grâce à <a href="https://www.apple.com/covid19/mobility">Apple Maps</a> ainsi que des données relatives aux <a href="https://www.oag.com/coronavirus-airline-schedules-data">décollages d’avions</a> dans les aéroports. Nous avons aussi eu recours à des données quotidiennes portant sur les changements de consommation d’électricité ou l’activité industrielle.</p>
<p>Nous avons ensuite construit un « indice de confinement » – de 0 (pas de confinement) à 3 (confinement le plus strict) – dans chaque pays afin d’extrapoler les données disponibles au niveau mondial.</p>
<h2>Le pic pandémique</h2>
<p>Début avril 2020, au plus fort de la crise, le recul de l’activité mondiale a entraîné une baisse de 17 % des émissions quotidiennes mondiales – soit 17 millions de tonnes par jour – par rapport à la moyenne quotidienne de 2019.</p>
<p>Au cours de cette période, les émissions quotidiennes totales auront été similaires à celles observées en 2006. Le fait que le monde émette autant, dans des conditions de confinement strict, qu’il y a 14 ans, dans des conditions normales, souligne la croissance rapide de nos émissions de CO<sub>2</sub> ces dernières années.</p>
<p>Avec une part de 43 % dans la réduction globale, le trafic routier aura le plus contribué à la baisse des émissions. Parmi les autres contributeurs de poids, on trouve le secteur de la production d’énergie et celui de l’industrie (avec notamment la fabrication de produits et matériaux tels que le ciment et l’acier).</p>
<p>L’ensemble de ces trois secteurs est à l’origine de 86 % de la baisse des émissions journalières durant le confinement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336081/original/file-20200519-152338-dnmwvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ampleur de la baisse des émissions de CO₂ au niveau mondial et par secteur d’activité pendant le confinement.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le secteur de l’aviation a subi une chute quotidienne de son activité de l’ordre de 60 % au niveau mondial – la plus importante baisse de tous les secteurs que nous avons analysés –, sa contribution à la baisse globale des émissions a été relativement faible (10 %), ce secteur ne représentant que 3 % des émissions mondiales.</p>
<p>Comme la majorité des gens sont restés à la maison, nous avons logiquement constaté une légère augmentation (de l’ordre de 5 %) des émissions mondiales du secteur résidentiel.</p>
<p>En France, le confinement a entraîné une baisse des émissions quotidiennes de pointe estimée à 34 %, soit deux fois plus importante que la baisse mondiale de 17 %. Cette baisse provient principalement du secteur du transport routier.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/336080/original/file-20200519-152292-cv7od7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ampleur de la baisse des émissions de CO₂ pour la France et par secteur d’activité pendant le confinement.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les perspectives pour 2020</h2>
<p>Nous avons aussi évalué la façon dont la pandémie pourrait affecter les émissions de CO<sub>2</sub> pour le reste de 2020 – sachant que cela dépendra de l’intensité et de la durée des restrictions dans les mois à venir.</p>
<p>Si le confinement mondial généralisé se termine vers la mi-juin, nous estimons que les émissions globales de carbone en 2020 chuteront d’environ 4 % par rapport à 2019. Si certaines restrictions restent néanmoins en place pour le reste de l’année, la réduction serait d’environ 7 %. La gamme complète des baisses d’émissions est de 2 % à 13 %, si l’on considère les différents scénarios de pandémie et les incertitudes relatives aux données.</p>
<p>Plaçons ces chiffres dans le contexte du changement climatique. Selon l’Accord de Paris sur le climat et le <a href="https://www.unenvironment.org/resources/emissions-gap-report-2019">« Gap Report »</a> des Nations unies, les émissions mondiales doivent chuter de 3 et 7 % par an d’ici à 2030 pour limiter respectivement le changement climatique en dessous de 2 °C et de 1,5 °C. Avec la baisse des émissions prévue cette année suite au confinement, nous pourrions de fait atteindre cet objectif en 2020.</p>
<h2>À la croisée des chemins</h2>
<p>Stabiliser le système climatique nécessitera des modifications de nos systèmes énergétiques et économiques d’une ampleur extraordinaire – comparable à la perturbation provoquée par Covid-19. Mais comment faire pour que la baisse des émissions en 2020 impulse ces changements nécessaires et durables ?</p>
<p>L’expérience des crises économiques mondiales précédentes indique que, sauf actions concertées, les émissions finiront par <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate1332">rebondir</a> et revenir à peu près aux niveaux d’avant crise.</p>
<p>Mais ce n’est pas une fatalité : le choc du confinement nous offre une occasion de changer les structures qui sous-tendent nos systèmes énergétiques et économiques. Un tel choc pourrait nous engager sur la voie de la décarbonisation de l’économie mondiale.</p>
<p>Évoquons à nouveau toutes ces personnes qui se sont mises récemment à la marche et/ou au vélo. Les gouvernements ne devraient-ils pas se saisir de l’occasion pour encourager et soutenir ces moyens de transport à faibles émissions et les rendre permanents ? Et si nous accélérions aussi le déploiement des voitures, vélos et trottinettes électriques pour élargir les options de mobilité tout en réduisant la pollution des milieux urbains ?</p>
<p>On peut aujourd’hui se féliciter que de nombreux responsables politiques souhaitent prendre une telle direction. La région Ile-de-France s’est par exemple engagée à investir <a href="http://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/deconfinement-l-lle-de-france-investit-300-millions-d-euros-pour-la-realisation-du-rer-velo-21-04-2020-8303484.php">300 millions d’euros</a> dans un réseau de « RER vélo » de 650 km reliant Paris à sa périphérie.</p>
<p>La crise a ouvert la voie à de multiples autres changements, permettant d’évaluer quels déplacements étaient essentiels et comment la communication à distance pouvait offrir une alternative efficace.</p>
<p>Si la réduction forcée de la consommation de produits et d’énergie pendant le confinement n’offre pas d’incitation directe pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à long terme, des modes de production et consommation à <a href="https://www.nature.com/articles/s41560-018-0172-6">plus faible demande énergétique</a> peuvent être atteints, conduisant à un développement plus respectueux de l’environnement tout en préservant le bien-être individuel et l’activité économique.</p>
<p>Nous pouvons revenir rapidement à la « normale », avec des émissions de gaz à effet de serre qui continueront de suivre leur trajectoire. Mais si nous optons pour le changement, 2020 pourrait bien être le coup de pouce inattendu qui renverse à jamais la tendance mondiale des émissions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pep Canadell a reçu des financements du Australian National Environmental Science Program.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Corinne Le Quéré a reçu des financements de la Royal Society (No. RP/R1/191063) et de la Commission européenne (Horizon 2020) pour les projets VERIFY (No. 776810), CHE (No. 776186) et 4C (No. 821003). Elle préside le Haut Conseil pour le climat et est membre du UK Committee on Climate Change.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Glen Peters a reçu des financements de la Commission européenne (Horizon 2020) pour les projets PARIS REINFORCE (grant agreement No. 820846), 4C (No. 821003) et VERIFY (No. 776810).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthew William Jones a reçu des financements de la Commission européenne (Horizon 2020) for les projets VERIFY (No. 776810) and CHE (No. 776186).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Friedlingstein a reçu des financements de la Commission européenne (Horizon 2020) for le projet 4C (No. 821003).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rob Jackson a reçu des financements de la Gordon and Betty Moore Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Felix Creutzig et Yuli Shan ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De tout récents travaux du Global Carbon Project montrent dans le détail les effets de la pandémie et du confinement sur l’économie mondiale.Pep Canadell, Chief research scientist, CSIRO Oceans and Atmosphere; and Executive Director, Global Carbon Project, CSIROCorinne Le Quéré, Royal Society Research Professor, University of East AngliaFelix Creutzig, Chair Sustainability Economics of Human Settlements, Mercator Institute on Global Commons and Climate ChangeGlen Peters, Research Director, Center for International Climate and Environment Research - OsloMatthew William Jones, Senior Research Associate, University of East AngliaPierre Friedlingstein, Chair, Mathematical Modelling of Climate, University of ExeterRob Jackson, Chair, Department of Earth System Science, and Chair of the Global Carbon Project, globalcarbonproject.org, Stanford UniversityYuli Shan, Research Fellow, University of GroningenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1338522020-03-17T20:20:10Z2020-03-17T20:20:10ZCoronavirus (et autres maux) : 2020, année noire pour le tourisme mondial<p>La crise sanitaire du <a href="https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6">coronavirus</a>, décrite statistiquement en temps réel par la John Hopskin University, attaque fortement l’économie mondiale et en premier lieu <a href="https://www.veilleinfotourisme.fr/international/dossier-d-actualite-l-impact-du-coronavirus-sur-le-tourisme-dans-le-monde">l’industrie du tourisme</a>.</p>
<p>L’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) anticipe une baisse de 300 à 500 milliards de dollars des recettes touristiques en 2020, soit près d’un tiers des 1 500 milliards générés en 2019. La France pourrait abandonner jusqu’à 40 milliards d’euros par trimestre. Partout dans le monde, des millions d’emplois sont menacés dans le secteur.</p>
<p>Les compagnies aériennes subissent une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/06/coronavirus-le-secteur-du-transport-aerien-redoute-des-pertes-colossales_6032039_3234.html">chute drastique</a> de leur activité, volent à vide, mettent en place des plans d’urgence et <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2020-03-16/virus-to-bankrupt-most-airlines-by-end-of-may-consultant-says">risquent la faillite</a>. Le commissaire européen, Thierry Breton, a annoncé début mars que l’Europe avait déjà perdu au moins deux millions de nuitées dans l’hôtellerie depuis janvier.</p>
<p>Lors de son allocution télévisée du 16 mars, le président de la République Emmanuel Macron a assombri les perspectives pour le secteur en annonçant la <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/coronavirus-les-frontieres-a-l-entree-de-l-ue-et-de-schengen-fermees-des-mardi-midi-7800265497">fermeture des frontières</a> à l’entrée de l’Union européenne et de l’espace Schengen pendant 30 jours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1239633404385202176"}"></div></p>
<p>La baisse du nombre de touristes fragilise fortement les secteurs <a href="https://www.telerama.fr/monde/coronavirus-en-france,-la-culture-mise-a-larret,n6617305.php">culturel</a> et sportif, la restauration, le commerce de détail. L’annulation des grands événements de tout type, de Shanghai à Las Vegas, en passant par Genève, prive les territoires d’externalités positives.</p>
<p>Plusieurs facteurs structurels du tourisme mondial amplifient la crise.</p>
<h2>Les zones clés impactées</h2>
<p>Au départ, la crise affecte les touristes chinois qui sont les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/OXAN-GA250602/full/html">plus dépensiers au monde</a>, loin devant les Américains, avec <a href="https://www.statista.com/statistics/273127/countries-with-the-highest-expenditure-in-international-tourism/">277,6 milliards de dollars en 2018</a> dont 4,4 milliards en France.</p>
<p>Alors que le président Xi Jinping a <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/coronavirus-paris-et-sa-region-prives-de-leur-principale-manne-touristique-20200221">interdit les voyages de groupe en Chine</a> et à l’étranger fin janvier, les conséquences se font sentir au Cambodge et en Thaïlande où le tourisme représente plus de 10 % du PIB, mais aussi en Corée du Sud, au Vietnam, au Japon, en Australie, dont presque la moitié des touristes internationaux viennent de Chine, Taiwan ou Hongkong.</p>
<p>Elle s’attaque ensuite à la première destination mondiale : l’Europe. En 2018, le continent a accueilli 672 millions de touristes, la moitié des arrivées internationales dans le monde. Le tiers des touristes voyagent en Italie, France et Espagne, trois pays dans le top six des pays les plus affectés par le coronavirus, avec des destinations phare comme Venise, Florence, Paris, Milan.</p>
<p>Le troisième facteur d’amplification, plus lente à venir mais probablement plus fort, concerne le processus de décision d’achat des vacances. Cette décision reste en effet toujours <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/coronavirus-est-ce-le-bon-moment-de-reserver-vos-vacances_fr_5e6cacd7c5b6747ef11da4d6">risquée</a> en raison de la nature de service du tourisme : il n’est pas possible de l’essayer avant de l’acheter et c’est un investissement important qui nécessite recherche d’informations, comparaison des prix, des destinations.</p>
<p>Dans la crise actuelle, il y a une forte incertitude à se projeter dans une mobilité future et à dépenser et à choisir la bonne destination, l’image renvoyée par les médias des zones affectées n’incite pas au voyage. Les réservations pour l’Asie sont en chute de 50 à 65 % et celles qui concernent la France perdent 40 %. L’ensemble du secteur est entré dans une <a href="http://www.rfi.fr/fr/%C3%A9conomie/20200310-coronavirus-tourisme-mondial-quarantaine">phase de décroissance</a> avec des prévisions s’échelonnant entre moins 3 % et moins 12 % de touristes suivant les zones, d’après l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).</p>
<h2>Un secteur déjà fragilisé</h2>
<p>Bien que la crise du coronavirus ait des effets destructeurs à court terme sur l’industrie du tourisme, cet épisode pandémique, comme souvent les crises, peut aussi être considéré comme le <a href="http://www.telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_16_no_2/Telv16n2_roux-dufort.pdf">point d’arrivée d’un état de vulnérabilité</a> plutôt que le point de départ d’une période de déstabilisation.</p>
<p>Elle s’inscrit ainsi plus largement dans une remise en cause stratégique des pratiques du tourisme qui pourraient être amenées à enfin <a href="https://www.rtbf.be/info/societe/detail_coronavirus-ce-mal-qui-pourrait-bien-sauver-des-vies-et-changer-l-economie?id=10452445">changer</a>. La recherche se montre active sur le sujet et dresse le constat d’une succession de problématiques liées aux mouvements de population dans le cadre des activités de loisirs.</p>
<p>Première problématique, l’étonnante faiblesse de la <a href="http://communications.uniza.sk/index.php/communications/article/view/1540">gestion des risques</a> pour une industrie qui devrait être hautement fiable.</p>
<p>Deuxième problématique liée, la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30185-9/fulltext">globalisation virale</a>. Tout comme les touristes, les maladies passent au-dessus des frontières, parcourent des milliers de kilomètres et mettent en danger les populations les plus vulnérables. L’ironie de la crise actuelle retiendra que ce ne sont pas nécessairement les voyageurs les plus touchés, mais les hôtes les plus modestes qui en font les frais. <a href="https://www.erudit.org/en/journals/teoros/1900-v1-n1-teoros01370/1024761ar/abstract/">Le tourisme médical</a>, qui consiste à se faire soigner à l’étranger pour des raisons financières, légales, et l’immigration thérapeutique, soulèvent aussi des questions plus larges quant aux pratiques médicales des États et l’harmonisation d’un système de santé mondial.</p>
<p>Troisième problématique mise en cause, <a href="https://haroldgoodwin.info/pubs/RTP%E2%80%99WP4Overtourism01%E2%80%992017.pdf">l’<em>overtourism</em></a> (« surtourisme »), présenté par la recherche comme l’un des plus grands maux du tourisme de masse. Il se caractérise par un nombre trop important de vacanciers qui dégradent les écosystèmes, les sites, les conditions de vie des résidents, et l’expérience des visiteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1218089913431875584"}"></div></p>
<p>Il s’explique par un haut niveau d’offre de tourisme, l’augmentation des vols à bas prix (<em>low cost</em>), la désintermédiation, l’avènement de l’économie collaborative, la saisonnalité, l’augmentation du niveau de vie et donc de l’accès aux vacances, la multiplication des transports et la valorisation des destinations par le marketing, un tourisme <em>must-see sight</em> (lieux incontournables) glorifié par Instagram. La pandémie, qui l’a temporairement stoppé, est l’occasion de réfléchir à comment le réguler.</p>
<p>Enfin, une autre problématique liée du tourisme concerne la pollution liée à l’activité. L’usage unique des biens de consommation des passagers en transit ou les transports routiers sont en cause, mais <a href="https://www.tandfonline.com/doi/citedby/10.1080/09669582.2020.1730388">ce sont les émissions carbone de l’aviation civile</a> qui attire le plus l’attention. Les critiques dénonçant une élite mondiale sont véhémentes et rivalisent de termes destinés à culpabiliser les usagers.</p>
<h2>Une opportunité pour un nouveau tourisme</h2>
<p>La crise du Covid-19 pose donc en creux la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-6486.2010.00908.x">question du sens</a> d’un tourisme globalisé et invite à repenser l’industrie du tourisme <a href="https://www.criticaltourismstudies.com/">dans une approche critique</a>.</p>
<p>Plusieurs pistes de transformation sont à étudier. L’idée générale serait d’aller vers un tourisme responsable, durable et innovant socialement, qui se structure sur l’identité des territoires (non délocalisable) et qui les dynamisent tout en respectant la qualité de vie des habitants et la valeur expérientielle et mémorable du voyage. La conservation du patrimoine naturel et culturel est un des piliers d’un tourisme responsable et il permet d’améliorer sensiblement la perception des habitants du tourisme.</p>
<p>Pour éviter l’<em>overtourism</em>, la clé est la planification, de préférence en amont. <a href="https://tonywheeler.com.au/upcoming-events/">Comme l’explique Tony Wheeler</a>, le fondateur du Lonely Planet, les hauts lieux du tourisme, les musts, doivent prendre des mesures de régulation des flux comme le font déjà de nombreuses destinations, qui ont fait le choix de la <a href="https://www.lefigaro.fr/voyages/quotas-taxes-interdictions-les-mesures-de-12-destinations-contre-le-surtourisme-20190809">limitation de l’accès</a> : <a href="https://responsibletourismpartnership.org/solutions/">Barcelone</a>, Cinque Terre, Venise, Dubrovnik, Islande, etc.</p>
<p>Le développement d’un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21568316.2019.1599604">tourisme créatif</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/21568316.2019.1599604">plus inclusif</a> est à développer pour éviter une concentration des activités sur les hotspots et impliquer les habitants dans l’activité. La participation des visiteurs dans des expériences culturelles et créatives qui reflètent l’identité du territoire et impliquent une co-création des habitants et des touristes.</p>
<p>Par exemple, Nantes se positionne comme « la ville renversée par l’art » avec un <a href="https://www.levoyageanantes.fr/">voyage à Nantes</a> impliquant tous les acteurs pour valoriser un territoire créatif. En France, vous avez la possibilité de fabriquer du fromage en <a href="https://ohlavache.org/">Normandie</a>, ramasser des huîtres du <a href="https://www.gujanmestras.com/decouvrir/pescatourisme/">Bassin d’Arcachon</a>, créer votre propre parfum à <a href="https://www.connessens.com/">Grasse</a>, etc.</p>
<p>Le monde est vaste et en réalité, la plupart des lieux ne sont pas concernés par l’overtourism. Il faut donc investir et valoriser de <a href="https://www.globe-trotting.com/le-top-des-voyages-sans-touristes">nouveaux lieux</a>. Et parfois, ils ne sont pas loin. La tendance du <a href="https://theconversation.com/la-microaventure-le-voyage-en-bas-de-chez-soi-125327"><em>staycation</em></a> et du <em>slow tourism</em> s’intensifient. Les voyageurs voient le tourisme de proximité comme un bon moyen pour maximiser le temps de vacances, en évitant un transport long, impactant sur l’environnement et coûteux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1184922139012554753"}"></div></p>
<p>Les destinations sont de plus en plus nombreuses à valoriser des activités à faire près de chez soi : <a href="https://exploreparis.com/fr/">#ExploreParis</a>, <a href="https://www.loireavelo.fr/">La Loire à Vélo</a>, <a href="https://www.unairdebordeaux.fr/">Un air de Bordeaux</a>… Un bel exemple a ouvert à Paris, des nuitées en hôtels haut de gamme à moindre prix sont proposées uniquement aux locaux. <a href="https://www.staycation.co/fr/">Staycation</a> propose de renouveler l’expérience en valorisant les services et les activités proposés par l’hôtel.</p>
<p>On pourrait enfin évoquer le <a href="https://www.buhalis.com/etourism/">e-tourisme</a> en développement depuis les années 2000 explose depuis le début de la crise en Chine : accélération du <a href="https://www.researchgate.net/publication/301901740_ICT_adoption_in_heritage_organizations_Crossing_the_chasm"><em>digital heritage</em></a> comme dans les <a href="https://www.theartnewspaper.com/analysis/behind-closed-doors-how-museums-in-china-are-coping-with-coronavirus">musées en Chine</a> et les monuments, diffusion en ligne de spectacles live comme au <a href="https://www.playbill.com/article/metropolitan-opera-after-shutting-its-doors-will-offer-free-streams-from-live-in-hd-catalog">Metropolitan Opera</a>, ou même d’événements comme les <a href="https://fashionunited.fr/actualite/mode/coronavirus-la-fashion-week-milanaise-prend-soin-de-ses-clients-chinois/2020020623070">fashion weeks</a> de Milan et de Londres diffusées sur Internet en direct aux clients chinois. Les opérateurs développent des contenus digitaux de qualité pour éviter le déplacement des foules.</p>
<iframe src="https://players.brightcove.net/3281700261001/default_default/index.html?videoId=6142013355001" »="" allowfullscreen="" frameborder="0" width="100%" height="400"> </iframe>
<p>En chinois, le mot crise <em>Wei Ji</em> est composé de deux caractères qui signifient « danger » et « opportunité ». Il rappelle avec ironie l’essence de cette crise, à la fois très douloureuse et favorable à l’apprentissage. En faisant fonctionner le tourisme <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-a-l-envers/le-monde-a-l-envers-25-fevrier-2020">à l’envers</a>, la crise du coronavirus peut avoir un effet de « change maker » en bouleversant les pratiques et permettre d’accélérer la transformation d’une industrie encore très conservatrice.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des conséquences drastiques pour le secteur à court terme, la crise sanitaire constitue une opportunité d’apprentissage pour transformer les pratiques actuelles de manière plus durable.Anne Gombault, Professeure de management stratégique, directrice des programmes du MSc Arts & Creative Industries Management à Paris et de la partie française de l'Institut Franco-Chinois de Management des Arts et du Design à Shanghai, Kedge Business SchoolClaire Grellier Fouillet, International Program Coordinator - Creative Industries Research Center, Kedge Business SchoolJérémy Lemarié, Docteur en sociologie, enseignant en anglais management et éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1328992020-03-11T17:37:29Z2020-03-11T17:37:29ZOuverture du rail à la concurrence, pas vraiment efficace contre les émissions de CO₂<p>La <a href="https://www.transportenvironment.org/publications/te%E2%80%99s-vision-european-green-deal">Fédération européenne pour le transport et l’environnement</a>, qui regroupe une cinquantaine d’ONG actives dans le domaine du transport et de l’environnement en Europe, a récemment désigné les transports comme le « bad boy » climatique de l’économie européenne : c’est en effet le seul secteur à avoir augmenté ses émissions depuis 1990.</p>
<p>Dans ce contexte, les chemins de fer commencent à occuper une place importante dans les agendas politiques de nos gouvernements, le rail étant plus « vert » que la voiture et l’avion en matière d’impact relatif sur les émissions de CO<sub>2</sub>. Des mesures concrètes de soutien au développement du rail sont peu à peu mises en place, aux échelles nationales et à l’échelle européenne.</p>
<p>Parmi les dernières avancées en date, la Société nationale belge des chemins de fer belges (SNCB) a décidé en décembre 2019 de réaliser de nouveaux investissements – environ 35 milliards d’euros – afin augmenter l’offre de trains de 5 %. La compagnie ferroviaire autrichienne – Österreichische Bundesbahnen (OBB) – a de son côté mis en service un train de nuit entre Bruxelles et Vienne à partir de janvier 2020, qui fonctionne deux fois par semaine.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, le ferroviaire s’est également imposé comme un secteur stratégique au niveau européen. La Commission européenne a engagé un effort réglementaire très intense pour « revitaliser » le secteur ferroviaire européen et déplacer la demande de transport des routes et des voies aériennes vers les chemins de fer.</p>
<h2>Trente ans de libéralisation ferroviaire</h2>
<p>Depuis les années 1990, cette stratégie européenne de revitalisation a été centrée sur des politiques de libéralisation visant à établir un marché unique, efficace et compétitif des services ferroviaires dans tous les États membres de l’Union européenne (UE). L’objectif déclaré était de créer de la concurrence transfrontalière entre les fournisseurs nationaux des services de transport ferroviaire, dans l’idée de réduire les prix pour les utilisateurs finaux, à savoir les passagers et les transporteurs de marchandises.</p>
<p>Alors que le transport ferroviaire de marchandises a été complètement libéralisé depuis la fin 2007, la <a href="https://www.era.europa.eu/sites/default/files/library/docs/leaflets/4th_railway_package_what_does_it_mean_for_me_en.pdf">mise en œuvre des libéralisations dans le secteur passager s’est terminée en juin 2019</a>. Grâce à ces mesures, les chemins de fer seraient devenus plus compétitifs – et donc relativement moins chers – en attirant une nouvelle demande de transport des voies aériennes et des routes. En d’autres mots, les libéralisations auraient dû, selon le régulateur européen, contribuer au « transfert modal » vers le train.</p>
<p>Près de 30 ans après le début des libéralisations ferroviaires, une question se pose : les politiques de libéralisation ont-elles réellement contribué à ce report au sein de l’Union ?</p>
<h2>Pas d’explosion de la demande pour le train</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965856419309814?via%3Dihub">étude récente</a> indique que ces mises en concurrence ont eu un impact positif sur le transfert de la demande de transport des routes et des voies aériennes vers les chemins de fer.</p>
<p>Ce transfert s’avère toutefois très modeste puisqu’il ne s’élève qu’à 1 %. Après 30 ans de réformes, c’est un impact faible qui interroge l’efficacité des libéralisations face à la « course contre la montre » engagée par l’humanité face au changement climatique. Si elles ne suffisent pas à modifier l’équilibre entre les chemins de fer et d’autres modes de transport plus polluants, il apparaît indispensable de les soutenir par des mesures environnementales conçues dans le but de contrôler la croissance du trafic des voitures et des avions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1231973103795888128"}"></div></p>
<p>En matière de transfert modal, l’Union européenne pourrait alors envisager un « mix de politiques » où les mesures de libéralisation seraient accompagnées par des mesures environnementales au sens classique. Conformément au principe du « pollueur-payeur », le régulateur pourrait par exemple mettre au point une tarification visant à internaliser les coûts environnementaux externes liés au transport routier et aérien, établissant ainsi des conditions de concurrence équitables entre les modes.</p>
<h2>Une nouvelle impulsion avec le « Green New Deal » ?</h2>
<p>Une mesure qui irait dans ce sens-là est la directive « Eurovignette » de l’UE, qui fournit un cadre juridique pour la taxation des poids lourds. Elle consiste notamment en une redevance kilométrique – proportionnelle à la distance parcourue – à faire payer aux camions de plus de 3,5 tonnes pour l’usage du réseau routier non soumis à des péages. La directive fait actuellement l’objet de discussions au Conseil européen.</p>
<p>Dans le texte de son nouveau <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/european-green-deal-communication_en.pdf">« Green New Deal »</a>, la Commission européenne est pleinement consciente de la route qui reste à parcourir en matière de transports. Le texte énonce clairement qu’ils représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’UE et qu’une réduction de 90 % des émissions des transports d’ici à 2050 est nécessaire pour atteindre la neutralité climatique.</p>
<p>Le texte invite à donner une forte impulsion au transport multimodal. L’objectif déclaré est de déplacer une partie substantielle des 75 % du fret intérieur transporté aujourd’hui par la route vers le rail et les voies navigables. Le « Green New Deal » promet également d’ajuster au maximum le prix du transport à son impact sur l’environnement. Il invite notamment à faire cesser les exonérations fiscales et les subventions aux combustibles fossiles.</p>
<p>Le moment est venu pour de tels choix politiques. Société civile, mouvements sociaux et ONG dans toute l’Europe l’appellent de leurs vœux. Avec le récent lancement du Green Deal, l’Union apparaît volontaire à s’engager dans cette voie, bien que certains critiquent un <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/feb/07/eu-green-deal-greenwash-ursula-von-der-leyen-climate">« exercice colossal de greenwashing »</a>. Ils considèrent que le nouvel accord est largement composé de fonds remaniés provenant des fonds européens déjà existants et de promesses réchauffées pour mobiliser des capitaux du secteur privé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Giovanni Esposito ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 30 ans de réformes, la libéralisation du train en Europe n’a pas engendré un report massif des transports routier et aérien vers le ferroviaire.Giovanni Esposito, Senior researcher in Public Policy and Public Sector Organization, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1322832020-03-09T18:16:39Z2020-03-09T18:16:39ZÉcologie « positive » ou « punitive », les Français ont dépassé le clivage<p>Pour la première fois en 2019, l’environnement devient la <a href="https://www.ademe.fr/representations-sociales-changement-climatique-20-eme-vague">question de société la plus importante aux yeux des Français</a>, au même niveau que l’emploi et avant l’immigration, les impôts et taxes, les déficits publics et la dette de l’État. Ce souci grandissant se traduit par une meilleure acceptation de mesures environnementales volontaristes, autrefois jugées contraignantes.</p>
<p>Cette évolution invite aujourd’hui à dépasser la dichotomie entre mesures punitives et mesures incitatives, et ouvre un espace aux pouvoirs publics pour lutter contre le changement climatique. C’est ce que révèle la <a href="https://www.ademe.fr/barometre-francais-lenvironnement-vague-6">dernière vague des baromètres annuels publiés par l’Ademe</a> publiée le 11 février 2020.</p>
<h2>Les Français prêts à limiter l’usage de la voiture</h2>
<p>L’un des éléments les plus marquants de l’enquête est l’ouverture progressive des sondés à des dispositions visant à limiter l’usage de la voiture en cas de pic de pollution.</p>
<p>Une évolution notable sur ce sujet sensible, puisque l’adhésion concernait jusqu’alors les mesures incitatives traditionnelles, comme la gratuité des transports, le développement des réseaux de transport en commun, ou l’incitation aux déplacements à pied et à vélo. Les sondés se montraient en revanche plus réticents vis-à-vis des mesures représentant des entraves à leur liberté de circulation.</p>
<p>Les mesures incitatives sont toujours les plus plébiscitées, mais d’autres connaissent aujourd’hui une forte progression. 58 % des opinions recueillies sont favorables à la mise en place de la circulation différenciée, qui interdit à certains véhicules de rouler en cas de pic de pollution, en fonction du niveau de leur vignette Crit’Air : une hausse de 9 points par rapport à 2017.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>Plus de 5 personnes sur 10 (55 %) se montrent également en faveur de l’interdiction – toute l’année cette fois-ci – de la circulation des véhicules les plus polluants en fonction de leur vignette Crit’Air, soit 7 points de plus que deux ans plus tôt.</p>
<p>Cette tendance – croissante dans le temps – est cohérente, puisque la circulation routière constitue pour près de 7 Français sur 10 la première source de pollution de l’air préoccupante au niveau local (contre 57 % pour l’activité industrielle et 29 % pour l’agriculture).</p>
<p>D’autres dispositions volontaristes demeurent très majoritairement acceptées comme la limitation de la vitesse maximale autorisée dans les centres-villes (69 % des personnes interrogées y sont favorables) et l’obligation de livraison des marchandises en ville par des véhicules propres, même si cela pourrait se traduire par une légère augmentation des prix (67 % de réponses favorables à une telle mesure).</p>
<h2>Prêts à payer plus cher</h2>
<p>Ce volontarisme ne se limite pas à la question des transports. Désormais, les Français adhèrent de plus en plus à l’idée selon laquelle la lutte pour le climat aura un coût, et qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique.</p>
<p>En matière de production d’énergie, près des deux tiers (64 %) d’entre eux se disent prêts à augmenter leur budget énergie pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable (ENR) – en moyenne, ils sont disposés à voir progresser leur facture énergétique de presque 12 %.</p>
<p>À l’heure de la transition énergétique, le souhait d’une production locale d’énergie renouvelable, même si elle coûte un peu plus cher, bénéficie d’un soutien massif de la population (86 % des enquêtés la jugent souhaitable), et 57 % seraient prêts à participer personnellement au financement de projets locaux d’ENR en y plaçant une partie de leur argent… mais seuls 8 % d’entre eux savent si de tels projets existent dans leur région.</p>
<p>Près de 7 de nos compatriotes sur 10 seraient intéressés par l’autoproduction à domicile d’électricité photovoltaïque, même si cela devait coûter plus cher.</p>
<p>Parmi les mesures que les pouvoirs publics pourraient prendre pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, « augmenter le prix des produits de consommation qui sont acheminés par des modes de transport polluants » atteint 71 % de « très » ou « assez souhaitable » (+ 8 points depuis 2018). « Taxer davantage le transport aérien pour favoriser le transport par le train » est plébiscité par 66 % (+ 11 points) de nos concitoyens et « taxer davantage les véhicules les plus émetteurs de gaz à effet de serre » par 61 % d’entre eux.</p>
<p>La proposition « augmenter la taxe carbone » ne perd que 2 points pour s’établir à 46 % d’avis positifs contre 51 % d’avis négatifs, signe que la mesure est loin d’être rejetée par l’ensemble de la population mais qu’il reste à convaincre un peu plus de la moitié des Français.</p>
<p>Les outils de politique publique ne se limitant pas à la fiscalité, la demande d’une réglementation plus volontariste est également présente, non seulement en matière de transport, mais également en matière de rénovation des logements : plus des deux tiers (67 %) encouragent l’obligation pour les propriétaires de rénover et d’isoler les logements lors d’une vente ou d’une location.</p>
<h2>Encore inégaux face à la transition</h2>
<p>Les enquêtes de l’Ademe révèlent une adhésion croissante d’une majorité de la population à des mesures fortes, volontaristes, permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, de lutter contre la pollution de l’air et d’accompagner la transition écologique et solidaire.</p>
<p>Alors qu’il faudra modifier de façon importante nos modes de vie pour limiter le changement climatique – 52 % des Français le pensent, contre 17 % qui estiment qu’il est inévitable et 11 % seulement qui fondent leur espoir sur le progrès technique – que plus de 9 Français sur 10 (93 %) se déclarent prêts à consommer moins, la première condition qu’ils posent pour accepter des changements importants dans leurs modes de vie est que ces changements soient partagés de façon juste entre les membres de la société : l’enjeu de justice sociale dans la transition est primordial.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1070451812719837184"}"></div></p>
<p>L’adhésion majoritaire à des mesures ambitieuses ne doit en effet pas masquer la proportion non négligeable de la population s’y refusant encore. À titre d’exemple, 32 % des Français refusent de payer plus cher pour passer d’une énergie classique à une énergie renouvelable, et 51 % des habitants de communes rurales sont défavorables à l’interdiction de circulation des véhicules les plus polluants en cas de pics de pollution.</p>
<p>Les situations de dépendance, à la voiture ou au système de chauffage existant, impliquent donc de mettre en place des mesures d’accompagnement pour les individus ne disposant pas des ressources pour s’en passer ou les faire évoluer : ils ne doivent pas porter seuls la charge de la transition énergétique.</p>
<h2>Au-delà de l’écologie positive et punitive</h2>
<p>Il semble donc que l’opposition entre une « écologie positive », reposant sur l’incitation et la valorisation des bonnes pratiques, et une « écologie punitive » s’appuyant sur des mesures fiscales et réglementaires, n’a tout simplement plus lieu d’être pour nos concitoyens.</p>
<p>Face à l’urgence climatique, des politiques publiques ambitieuses sont attendues, qui relèvent de choix collectifs de société, et non pas du seul libre arbitre individuel, et ce même s’il faut pour cela en payer le prix et renoncer à des pratiques bien ancrées… pour autant que les mesures mises en œuvre le soient de façon équitable, condition <em>sine qua non</em> d’une adhésion massive à la transition écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132283/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Jolivet travaille pour l'ADEME. Il est administrateur de l'institut pour l'économie du climat (I4CE).</span></em></p>Les derniers baromètres de l’Ademe sur les Français et l’environnement révèlent une adhésion croissante à des mesures fortes en faveur d’une transition écologique et solidaire.Patrick Jolivet, Adjoint à la directrice exécutive de la prospective et de la recherche, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1248362019-11-19T14:57:11Z2019-11-19T14:57:11ZPlus de capacité routière, plus de trafic : il faut revenir à la loi fondamentale de la congestion pour mieux la combattre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/297986/original/file-20191021-56228-19fkptx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5000%2C3337&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Montréal est la deuxième ville la plus congestionnée au Canada avec un total de 145 heures perdues per capita dans le trafic à l’heure de pointe, en 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Lors d’un séjour aux États-Unis, j’ai été étonnée d’entendre un responsable de la planification des transports d’une grande métropole américaine affirmer que la congestion routière n’était pas un problème, car elle était un signe de vitalité économique.</p>
<p>Certains disaient même qu’aspirer à une absence de congestion n’est pas souhaitable, car le réseau routier est conçu pour absorber le pic de trafic à l’heure de pointe du matin. Ne pas avoir de congestion signifie donc que le réseau est en surcapacité.</p>
<p>Pourtant, les coûts environnementaux, sociaux et économiques liés à la congestion routière sont bien réels et affectent quotidiennement la santé, la qualité de vie et le portefeuille de tous les contribuables.</p>
<p>Les conséquences de la congestion routière se mesurent généralement en temps additionnel de déplacement, auquel sont associés les coûts liés à l’utilisation additionnelle des véhicules (carburant, usure et entretien).</p>
<h2>Des coûts de 4,2 milliards à Montréal</h2>
<p>Certaines études comptabilisent également les émissions de gaz à effet de serre (GES) et les conséquences des accidents supplémentaires générés par le temps additionnel passé dans le trafic. La congestion entraîne également d’autres coûts directs et indirects comme l’usure prématurée des routes et l’impact sur la santé des populations.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298156/original/file-20191022-55685-112pwlw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Circulation dense sur le pont Jacques-Cartier, à Montréal, le 18 mai 2017.</span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://inrix.com/scorecard/">Montréal serait la deuxième ville la plus congestionnée au Canada</a>, avec un total de 145 heures perdues per capita dans le trafic à l’heure de pointe, en 2018. Elle arrive après Toronto, qui occupe le premier rang des villes canadiennes (167 heures perdues). Québec occupe le neuvième rang (85 heures perdues).</p>
<h2>Hausse des émissions de GES</h2>
<p>La congestion routière accroît aussi la pollution atmosphérique produite par la combustion des énergies fossiles, ce qui a pour conséquences un accroissement des problèmes respiratoires, des décès prématurés ainsi que plusieurs types de cancers, et ce, <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/9781786359513-022/full/html">particulièrement pour les populations limitrophes, souvent défavorisées</a>.</p>
<p>Les véhicules à essence et au diesel émettent également du dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>), un puissant GES responsable du réchauffement climatique. Au Canada, l’ensemble du secteur des transports est la <a href="http://data.ec.gc.ca/data/substances/monitor/canada-s-official-greenhouse-gas-inventory/RIN_-_FR_-_Sommaire.pdf">deuxième plus importante source d’émissions de CO₂</a>, représentant 28 % des émissions totales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-canadiens-ont-les-voitures-les-plus-grosses-et-les-plus-energivores-au-monde-116862">Les Canadiens ont les voitures les plus grosses et les plus énergivores au monde</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Au Québec, le transport représente <a href="http://www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/2015/inventaire1990-2015.pdf">43 % des émissions totales de GES en 2016, dont 80 % provenaient des transports routiers</a>. Ces émissions <a href="http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1233551.pdf">ont augmenté de 52 % entre 1990 et 2016</a>.</p>
<p>Bien que les émissions de GES attribuables à la congestion routière ne soient pas systématiquement inventoriées, celles-ci servent souvent à justifier les nouveaux projets routiers. Mais pourquoi la congestion persiste-t-elle, malgré les interventions gouvernementales visant à la réduire ?</p>
<h2>Construisez des routes et ils vont conduire !</h2>
<p>La réponse des gouvernements aux problèmes de congestion a généralement été de construire de nouvelles routes ou d’élargir les routes existantes. Or cette mesure s’avère inefficace, car l’augmentation de la capacité ne fait qu’accroître l’utilisation des véhicules.</p>
<p>Les nouvelles routes engendrent une demande supplémentaire équivalente à la nouvelle capacité. Ce quasi-équilibrage naturel entre la demande et l’offre explique le fait que les voies atteignent les niveaux de congestion pré-expansion entre <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1087&context=real-estate_papers">cinq et dix ans après la construction de nouvelles voies</a>.</p>
<p>Ce qu’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Anthony_Downs">Anthony Downs</a> avait appelé « la loi fondamentale de la congestion autoroutière » en 1962 a depuis été confirmé par un grand nombre d’études scientifiques.</p>
<p>Le nouveau trafic causé par l’augmentation de la capacité routière, communément appelé la « demande induite », provient de <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1087&context=real-estate_papers">quatre sources</a> : l’augmentation du trafic commercial, le changement des habitudes de déplacement, la migration de la population, et, dans une moindre mesure, le détournement du trafic provenant d’autres voies.</p>
<h2>Une augmentation du temps de déplacement</h2>
<p>À court terme, le nouveau segment routier diminue les temps de déplacement, donc les coûts, ce qui incite les individus et les entreprises à voyager davantage, à changer d’heure de départ ou d’itinéraire, à choisir la voiture plutôt que les transports en commun, ou à déménager plus loin des lieux d’emploi.</p>
<p>Cette augmentation de la demande vient donc, à moyen terme, compenser de manière proportionnelle la nouvelle offre routière, et, du même coup, la réduction des émissions de GES qui auraient pu être associée à une diminution de la congestion.</p>
<p>Qui plus est, le réseau routier peut ne pas être utilisé à sa capacité optimale, car les usagers prennent une décision individuelle quant à l’itinéraire le plus rapide pour leur déplacement, et ce, indépendamment des choix des autres. Ces décisions peuvent ne pas correspondre à l’optimal social. Ainsi, l’ajout d’une voie de circulation peut augmenter le temps total de déplacement sur l’ensemble du réseau (et vice-versa), d’où la nécessité de coordonner les déplacements individuels.</p>
<h2>Ajouter des routes n’améliore pas l’économie</h2>
<p>Un autre argument souvent évoqué pour justifier l’augmentation de la capacité routière est celui de la création d’emploi et du développement économique. Bien que les infrastructures routières créent de l’emploi lors de leur construction, la plupart des études n’ont pas observé de lien entre l’augmentation de la capacité routière et l’activité économique. En effet, c’est plutôt un <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.558.3989&rep=rep1&type=pdf">déplacement de l’activité économique</a> à travers une même région métropolitaine qui est constaté.</p>
<p>Par exemple, les entreprises exportatrices vont être localisées le long de la nouvelle infrastructure routière, mais <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1031&context=real-estate_papers">cela n’aura pas d’effet important</a> sur la valeur totale de leur production.</p>
<h2>Augmenter le transport collectif ne suffit pas</h2>
<p>L’augmentation des transports en commun est souvent mise de l’avant comme étant la principale solution alternative à la construction de voies additionnelles ou de nouvelles routes. Cependant, conformément à la loi fondamentale de la congestion, l’espace libéré par l’utilisation des transports collectifs est, ultimement, compensé par la demande additionnelle qu’il crée. Ainsi, les transports collectifs <a href="https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1087&context=real-estate_papers">ne suffisent pas</a> à réduire la congestion.</p>
<p>En fait, si l’objectif est de faire diminuer le trafic automobile, la seule méthode efficace du côté de la gestion de l’offre est la <a href="https://nacto.org/docs/usdg/disappearing_traffic_cairns.pdf">réduction de la capacité routière</a>, car la loi de la congestion routière fonctionne également en sens inverse : on fait référence alors à la « demande réduite ». En plus de faire diminuer la demande de déplacements, le retranchement du nombre de voies et la restriction de la circulation comportent également des bénéfices sociaux, environnementaux et économiques mesurables et documentés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/298169/original/file-20191022-55701-2gsrso.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ajout de nouveaux modes de transport collectif ne réglera pas les problèmes de congestion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Mesures écofiscales</h2>
<p>D’autres mesures permettent de gérer la demande en transport. D’abord, l’imposition de mesures écofiscales, comme la taxe sur l’essence, la <a href="https://journalmetro.com/actualites/national/2395049/quebec-appelee-a-implanter-une-taxe-kilometrique-pour-lavenir-de-la-mobilite/">tarification au kilométrage</a> et la taxe sur les stationnements, peuvent contribuer à réduire l’utilisation des véhicules.</p>
<p>Ainsi, une <a href="http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1233551.pdf">étude</a> révèle qu’augmenter la taxe sur l’essence à 0,46$/L au Québec et instaurer une tarification routière de 0,15$/km dans le Grand Montréal permettrait d’atteindre le quart de la cible québécoise de la réduction des émissions des GES provenant des transports, en plus d’augmenter l’utilisation des transports collectifs de presque 40 %.</p>
<p>L’écofiscalité incite également les automobilistes à emprunter les modes de transports collectifs et actifs, pour autant que ces choix s’offrent à eux.</p>
<p>Le télétravail, les horaires variables, la gestion du stationnement et les politiques de croissance dite « intelligente », permettent aussi de réduire les distances de déplacement et la nécessité ou la volonté de les effectuer en automobile. Ces mesures ont des conséquences positives sur la santé publique, la qualité de vie urbaine, les valeurs foncières, la consommation locale, etc.</p>
<p>Les choix de planification les plus efficaces ne sont pas toujours les plus populaires. <a href="http://www.transformingurbantransport.com/strategies-and-tactics">Pour les faire accepter</a>, les décideurs doivent agir au bon moment, avoir recours à l’expertise technique, réaliser des projets pilotes, trouver des alliés, compenser les inconvénients et travailler avec les divers paliers de gouvernement.</p>
<p>Ce texte est une version abrégée d’un texte publié originalement dans la revue <a href="http://www.climatoscope.ca/">Le Climatoscope</a></p>
<p>[<em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires</em>. <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124836/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Tremblay-Racicot receives funding from le Fonds de Recherche du Québec - Société et culture and Transition Énergétique Québec.</span></em></p>Pour diminuer le trafic, la seule méthode efficace du côté de la gestion de l'offre de transports est la réduction de la capacité routière, car celle-ci a une incidence sur la demande.Fanny Tremblay-Racicot, Professeure adjointe, administration municipale et régionale, École nationale d'administration publique (ENAP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1144542019-04-04T19:49:32Z2019-04-04T19:49:32ZLe développement de la logistique urbaine automatisée ne se fera pas sans une coordination renforcée entre acteurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267310/original/file-20190403-177193-12i6g35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C25%2C941%2C535&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le géant Amazon mise sur la livraison par drones pour lesquels la réglementation reste encore floue. </span> <span class="attribution"><span class="source">Flystock/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’explosion du e-commerce fait aujourd'hui de la livraison urbaine une préoccupation majeure tant sur le plan politique (dans le rapport de force avec les GAFA) qu'environnemental (dans l’empreinte carbone du transport), social (dans la perte du lien client/commerçant et dans la congestion des centres urbains) et économique (dans la question du développement du commerce local). À plus long terme, ces enjeux vont devenir de plus en plus cruciaux puisque cette logistique dite du dernier kilomètre devrait s'automatiser avec l'essor attendu des véhicules autonomes. </p>
<p>En la matière, les grands acteurs de la livraison et de la logistique multiplient les projets de développement. FedEx vient par exemple de présenter ses <em>Sameday bots</em>, dont les tests vont commencer cette année, bien que les autorisations de circulation de ces objets ne soient pas encore prévues. De son côté, Amazon mise sur la livraison par drones. Lorsque l’on examine les brevets déposés ces dernières années, on s’aperçoit en effet que le géant du e-commerce a réfléchi à l'ensemble du processus. Le dernier brevet en date concerne la « vérification des marqueurs de drones et des zones d'atterrissage » pour guider les drones vers leurs destinations et s'assurer que la livraison a été effectuée à la bonne adresse. </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N0rt_HB7vd4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Meet the FedEx SameDay Bot » (vidéo FedEx, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Du côté des États, les initiatives se multiplient pour accompagner ce développement. Le gouvernement américain vient par exemple d’assouplir les règles dédiées aux applications de drones commerciaux. En France, le 14 mai 2018, l’État a adopté une <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/vehicules-autonomes">stratégie nationale de développement des véhicules autonomes</a>. La mise en œuvre de cette stratégie a notamment conduit au programme EVRA (<a href="https://appelsaprojets.ademe.fr/aap/EVRA2018-64">Expérimentation du véhicule routier autonome</a>) : un appel à projets qui comporte notamment un volet « fret et logistique » pour favoriser le développement de robots-livreurs en milieu urbain dense ou encore la circulation de véhicules utilitaires légers et de poids lourds sur des parcours fixes et partiellement séparés des flux de circulation. Les résultats pour cet appel à projets (porté par l’<a href="http://www.ademe.fr/">Ademe</a>) sont attendus prochainement.</p>
<h2>Quelle réglementation ?</h2>
<p>Les pouvoirs publics français sont aujourd'hui mobilisés. Si la problématique industrielle retient l'attention, l'aspect juridique est complexe à traiter, même si les négociations multilatérales ont démarré. À l'heure actuelle, l’appareil réglementaire n’est en effet pas suffisamment équipé pour instruire le dossier de circulation sur voirie de ces artefacts. Il ne permet pas aujourd'hui de trancher des questions comme les autorisations de circulation, l'impact environnemental de ces véhicules, ou encore la responsabilité en cas d'accident. </p>
<p>Autrement dit, une réponse aux enjeux passera par l'émergence d'un réseau d'acteurs, agents économiques, technologiques et étatiques qui peinent à voir le jour dans un contexte de foisonnement d'initiatives non coordonnées. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267309/original/file-20190403-177171-8tqq0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les véhicules autonomes auront-ils bientôt leurs propres voies de circulation ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chesky / Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comment faire émerger ce réseau ? Pour répondre à cette question nous proposons de reprendre le cadre d’analyse de Callon et Latour, à travers la <a href="https://www.persee.fr/doc/refor_0988-1824_1999_num_31_1_1574">Théorie de l’acteur réseau</a> et de ses différentes phases méthodologiques : la problématisation, l’intéressement, l’enrôlement, et la traduction. </p>
<p>La problématisation fait aujourd’hui l’objet d’une prise de conscience, à travers la question de la logistique urbaine, de son efficacité et d’un nécessaire changement dans les structures et les pratiques. Elle pose notamment la question du rapport aux acteurs hybrides que sont les objets autonomes de livraison, avec le passage de la technologie au service. </p>
<h2>Des « porte-paroles » à désigner</h2>
<p>L’intéressement met aux prises différents acteurs, à l’instar des industriels, l’État et les organismes gouvernementaux. Mais cette phase pose encore la question de leurs rôles et de leurs contributions au sein de la chaîne de valeur logistique et de leur mise en relation avec les (futurs) acteurs hybrides du véhicule autonome de livraison. Le lancement de l’EVRA pour le développement de systèmes autonomes dans le champ du transport de marchandises en ville est un moyen de dispositif d’intéressement offert au réseau en formation (convergence des intérêts). Mais les rôles des uns et des autres, ainsi que les « porte-paroles » qui doivent traduire la volonté de collectifs et attirer de nouveaux acteurs, restent à identifier. </p>
<p>Or, l’innovation (la « traduction » dans le modèle Callon et Latour) ne pourra se faire que si cette chaîne d'intermédiaires aboutit à un seul et ultime porte-parole, avec une mobilisation progressive des acteurs s’alliant pour rendre crédibles et indiscutables des propositions innovantes et fiables. Ceci n’est pas encore le cas aujourd’hui. Il ne semble pas y avoir d’acteurs en mesure d’exercer ce rôle de porte-parole. Même chose aux États-Unis : Amazon ou FedEx n’ont pas la légitimité pour imposer un tel discours, au même titre que les acteurs politiques et économiques locaux. En effet, si le gouvernement fédéral cherche à assouplir la réglementation concernant les drones, la ville de San Francisco vient d’<a href="https://www.zdnet.com/article/san-francisco-bans-delivery-robots-in-most-of-the-city/">interdire</a> la circulation des robots de livraisons comme celui de FedEx. </p>
<p>Mais pour agir, il conviendra certainement d’aborder les nouveaux objets autonomes comme des acteurs de service et non comme de « simples » objets technologiques, en acceptant de changer de modèles et de paradigmes. Mais qui osera le faire, et à quel prix ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les initiatives actuelles des grandes entreprises et des États ne permettent pas encore de faire émerger le grand réseau de transports autonomes qui pourrait accompagner l’essor du e-commerce.Olivier Meier, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Elizabeth Couzineau-Zegwaard, Enseignant-chercheur permanent, PPA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1133992019-03-17T20:13:57Z2019-03-17T20:13:57Z« Gilets jaunes », une crise logistique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263423/original/file-20190312-86703-jsml6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C25%2C989%2C639&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'incapacité française à penser une gestion harmonisée des flux pourrait être à l'origine de la colère.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wead/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>C’est peu dire que la crise des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> a pris de court les hommes politiques comme les analystes de la vie publique. Depuis les premières manifestations, la crise étant visible aux yeux de tous, nombreux ont été ceux qui ont cherché à analyser les causes du mouvement et à imaginer des solutions de sortie de crise. Dans ce cadre, les analystes ont majoritairement privilégié une lecture politique. Ainsi, la crise serait le résultat d’un manque de représentativité, d’une coupure entre une élite urbaine mondialisée et un peuple périphérique laissé pour compte.</p>
<p>Pour la résoudre, il conviendrait dès lors de se remettre à l’écoute du peuple, rôle dévolu au <a href="https://granddebat.fr/">grand débat</a>, afin d’apporter des réponses « concrètes » aux problèmes des gens. On ne peut que souscrire à ces arguments, et il est clair qu’une réponse politique doit être apportée. Il me semble néanmoins que cette seule lecture politique ne suffit pas et que le recours à une autre grille de lecture est nécessaire, à la fois pour comprendre la crise et chercher à en sortir par le haut.</p>
<p>Ainsi, la thèse que je souhaiterais défendre ici est que cette crise des « gilets jaunes » s’apparente au fond à une crise « logistique ». Précisément, que les racines de la crise actuelle se situent dans l’incapacité de nos gouvernements à mettre en place une véritable pensée logistique.</p>
<h2>La logistique, science d’intégration des flux</h2>
<p>Née dans le domaine <a href="https://theconversation.com/jomini-le-devin-de-napoleon-qui-inventa-la-logistique-103075">militaire au XIXᵉ siècle</a>, développée au sein des entreprises au XX<sup>e</sup>, la logistique est une pensée qui est désormais reprise par les acteurs publics. Aujourd’hui, les villes et les métropoles sont nombreuses à raisonner en termes de logistique pour maîtriser les flux urbains. Il en est de même pour les États, qui développent de véritables <a href="https://www.youtube.com/watch?v=C_JWgUyCti4">stratégies logistiques</a> pour mieux influer sur les flux mondiaux, comme le montrent Laurent Livolsi et Christelle Camman dans leur livre « La logistique, une affaire d’État ? ». La Chine, avec sa « nouvelle route de la soie », en est un exemple.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=944&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263389/original/file-20190312-86710-1auqq3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1186&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lorsque l’on adopte une perspective logistique, un point clef est que les mouvements de biens et de marchandises doivent être approchés de manière « intégrée ». Cela est loin d’être simple, car se mouvoir, c’est utiliser divers moyens de transport (bateau, camion, voiture, train, vélo, marche, etc.) ; que ces moyens relient une multiplicité de lieux (domiciles, bureaux, magasins, administrations, entrepôts, usines, gares, aéroports, etc.). Dans ce cadre, la thèse logistique est qu’afin de développer une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vEfFDd0KWiQ">gestion harmonieuse des mouvements et des flux</a>, il faut les penser globalement, en adoptant une approche par les flux visant à combiner, entre les lieux où ils stationnent, les manières de transporter les biens et les personnes.</p>
<p>Or, ce sont plutôt des approches fractionnées et isolées qui ont été privilégiées au détriment d’une approche globale des mouvements, conduisant peu à peu à entraver les mouvements de toute une partie de la population.</p>
<h2>Empilement de mesures et ministères en silos</h2>
<p>Pourquoi en est-on arrivés là ? Parce que chaque ministère a pris au fil des années des mesures qui ont eu un impact sur l’infime sous-partie des mouvements dont il avait la charge au sein de son périmètre ministériel, sans que qui que ce soit ne réfléchisse de manière transversale à l’impact global. C’est ainsi le ministère de l’Industrie qui met en place des aides au diesel pour soutenir l’industrie automobile française. Le ministère de l’Environnement qui pousse pour faire augmenter la taxation de ce même carburant dans une perspective environnementale. La SNCF, qui face à un budget limité, est dans l’obligation de fermer les lignes de train périphériques non rentables. Le ministère de la Justice et celui de la Santé, qui pour des questions de coût et de qualité, centralisent les tribunaux et des hôpitaux. Le ministère de l’Intérieur qui réduit sur les routes la vitesse à 80 km/h et renforce les contrôles techniques sur les véhicules pour des raisons de sécurité.</p>
<p>Du point de vue de chaque périmètre ministériel, ces mesures font sens… Le problème est que, prises ensemble, elles ont peu à peu mis une catégorie de Français, celle qui vit en périphérie et dispose d’un pouvoir d’achat limité, dans une situation de contrainte. Eh bien oui, avec cet empilement de mesures successives, vous qui ne vivez pas dans les grandes villes, vous allez devoir vous déplacer de plus en plus loin pour aller travailler, vous rendre à l’hôpital pour l’accouchement de votre enfant, ou tout simplement pour poster un colis. Eh bien non, pour vous déplacer, vous n’aurez d’autre choix que d’utiliser votre voiture diesel, et celle-ci va vous coûter de plus en plus cher, parce qu’elle pollue, et en plus avec elle vous devrez aller moins vite parce que c’est dangereux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=353&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263420/original/file-20190312-86713-47736n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=444&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La gestion en silos des flux a conduit à un empilement de mesures parfois contradictoires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ratchat/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce fractionnement se traduit d’ailleurs dans le fait qu’envers et contre toute logique, on ait maintenu au sein des divers gouvernements un <a href="https://www.gouvernement.fr/ministere-de-la-transition-ecologique-et-solidaire-charge-des-transports">ministère chargé uniquement des transports</a>. Alors que l’enjeu est justement d’inscrire la question du transport dans le cadre d’une approche logistique plus large ! D’ailleurs, la loi récente sur les mobilités illustre bien les difficultés qu’ont aujourd’hui les politiques à penser « logistique ». Cette loi promue par ce ministère n’aborde ainsi qu’à la marge la question des marchandises. Faut-il donc être aveugle pour oublier qu’une voiture possède un coffre, un avion des soutes, un vélo un porte-bagages, et que lorsque l’on décide d’habiter quelque part, on le fait aussi en fonction des commerces qui nous entourent ! Bref, que quand nous nous déplaçons, nous le faisons avec des marchandises, et que l’enjeu est justement à terme de mieux mutualiser ces deux flux !</p>
<h2>Ministère de l’Aménagement et de la Logistique</h2>
<p>Pour sortir de la crise des « gilets jaunes », et apporter des réponses opérationnelles, il convient que le gouvernement mette en œuvre une véritable pensée logistique à l’échelle du territoire. Pour cela, il peut s’appuyer sur deux atouts. D’abord le fait qu’enfin, après des années d’attente, une stratégie logistique nationale, <a href="https://www.economie.gouv.fr/france-logistique-2025-strategie-nationale-pour-logistique">France Logistique 2025</a>, ait été développée pendant la mandature de François Hollande. Le problème de cette stratégie est qu’elle s’est limitée à traiter de la question des marchandises, alors que les flux de biens ne peuvent être dissociés aujourd’hui des flux de personnes. Heureusement, pour intégrer cette dimension, la France dispose d’un second atout : sa tradition en matière de politique <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/amenagement-du-territoire">d’aménagement du territoire</a>. Cette tradition a conduit l’État, depuis la Seconde Guerre mondiale, à développer des politiques volontaristes visant à modeler de manière systémique l’espace français. Une telle tradition s’incarne encore aujourd’hui au sein du <a href="http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/">ministère de la Cohésion des territoires</a>, qui en plus de l’aménagement du territoire, est chargé des politiques du logement et de la ville.</p>
<p>Dans ce cadre, ma proposition serait que soit créé en fusionnant les deux ministères précités un grand ministère de l’Aménagement et de la Logistique, qui serait responsable des mouvements des hommes et des marchandises. Celui-ci aurait la main sur les transports et ses infrastructures, mais aussi sur toutes les grandes décisions d’implantation immobilières sur le sol français (hôpitaux, gares, tribunaux, logements, commerces, entrepôts, etc.). Au sein du gouvernement, il s’inscrirait dans une position transversale aux autres ministères. Sa mission serait d’imaginer comment la mobilité au sein de la France pourrait être repensée, en lien avec l’Europe au niveau global, et les régions au niveau local. L’objectif du ministère serait de permettre une meilleure fluidité des mouvements en France, dans une optique d’aménagement et de développement économique, social et écologique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263422/original/file-20190312-86703-1liyjoe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La France peut s’appuyer sur sa longue tradition de politiques d’aménagement du territoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wead/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quelle feuille de route pour ce ministère ?</h2>
<p>La première tâche de ce ministère serait sans doute de créer une véritable cartographie des flux. Il s’agirait ensuite d’élaborer sur cette base un schéma logistique national cible. Sur le plan opérationnel, l’enjeu serait de favoriser le développement d’interfaces entre les acteurs concernés par les flux, afin d’éviter que chacun prenne des décisions contre-productives du point de vue de la mobilité. Un tel ministère exigerait une montée en compétences logistiques de la part des acteurs publics. Il exigerait surtout un soutien du plus haut niveau de l’État. L’action aux interfaces est en effet difficile, et ce ministère devrait composer avec les intérêts contradictoires de multiples acteurs.</p>
<p>Si la tâche est difficile, à l’heure où nos démocraties vacillent et se referment sur leurs frontières en niant la réalité des mouvements, il est urgent d’agir. La solution à nos problèmes ne viendra pas seulement d’un renouveau de nos pratiques démocratiques. Elle passe en effet aussi par le recours à de nouvelles grilles de lectures théoriques pour remodeler le réel : la logistique, science des interfaces, apparaît de ce point de vue comme une grille incontournable pour contester la logique libérale et individualiste et permettre à nouveau de nous réunir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113399/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Rouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La gestion des flux offre une autre grille de lecture pour comprendre la situation et chercher à sortir de la crise par le haut.Aurélien Rouquet, Professeur de logistique et supply chain, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.