tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/xi-jinping-40074/articlesXi Jinping – The Conversation2024-01-30T15:22:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2216742024-01-30T15:22:15Z2024-01-30T15:22:15ZFootball : le premier échec économique de la Chine moderne<p>Le football <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/mondial-et-si-le-football-etait-une-invention-chinoise_3068889.html">aurait été inventé par les Chinois</a> : le cuju, un jeu similaire au football, aurait été créé pour la formation militaire, plusieurs siècles avant notre ère. Malgré cette histoire lointaine et, surtout, malgré ses importants efforts récents, la Chine n’est aujourd’hui guère à l’honneur dans le sport le plus populaire du monde.</p>
<p>En termes de championnat domestique, d’abord. Alors que <a href="https://theconversation.com/football-le-modele-de-la-saudi-pro-league-peut-il-simposer-214296">l’Arabie saoudite vient de faire signer plusieurs superstars planétaires pour des sommes astronomiques</a>, le championnat de la République populaire peine toujours à émerger sur la scène internationale et ses recrutements ne sont plus à la hauteur de ses ambitions.</p>
<p>En termes d’accueil de grandes compétitions, ensuite : la Chine rêve depuis longtemps d’accueillir une Coupe du monde, mais depuis qu’elle se consacre sérieusement à ce projet les organisations ont été confiées à la Russie (2018), au Qatar (2022), aux trios États-Unis/Mexique/Canada (2026), puis Maroc/Espagne/Portugal (2030) et à l’Arabie saoudite (2034).</p>
<p>En termes de résultats de sa sélection nationale, enfin : l’un des objectifs affichés par la Chine est de remporter une Coupe du monde d’ici à <a href="https://neogeopo.com/fra-archives/chine-x-futur-vers-lhegemonie-de-la-chine-en-2049-avec-10-priorites-strategiques">2049, année du centenaire de la RPC</a>. Mais le football est un domaine où les coûts d’entrée sont très élevés et Pékin l’a appris à ses dépens. Malgré les investissements colossaux consentis dans les années 2000, le bilan sportif est maigre : une seule participation à la Coupe du monde (en 2002, profitant de la qualification directe du Japon et de la Corée co-organisateurs ; la Chine perd ses trois matchs et ne marque aucun but) ; deux finales seulement en Coupe d’Asie (et une <a href="https://www.vietnam.vn/fr/bi-loai-som-o-asian-cup-2023-tuyen-trung-quoc-ngay-lap-tuc-sa-thai-hlv/">élimination piteuse dès les phases de poule cette année, avec zéro but marqué</a>) ; et un classement FIFA qui stagne entre la 70<sup>e</sup> et la 100<sup>e</sup> place depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Les seuls succès enregistrés par le football chinois l’ont été au niveau des clubs, le Guangzhou Evergrande remportant deux fois la Ligue des champions d’Asie, en 2013 et 2015, et au niveau du <a href="https://www.lequipiere.com/le-football-feminin-chinois-en-quete-de-renouveau/">football féminin</a> (neuf victoires en coupe d’Asie et finale de Coupe du monde en 1999).</p>
<p>Cet échec est surprenant pour un pays qui a réussi dans beaucoup de domaines à rattraper son retard, voire à <a href="https://theconversation.com/la-chine-est-elle-re-devenue-la-premiere-puissance-economique-mondiale-181872">dépasser les leaders mondiaux</a>. Un échec auquel Pékin ne se résigne pas : en 2021, l’agence gouvernementale en charge du sport lançait un <a href="https://www.sportstrategies.com/comment-la-chine-veut-toujours-devenir-un-geant-du-football/">nouveau plan sur 15 ans pour faire de la Chine une grande nation de football</a>. Pour la Chine comme pour d’autres pays, le football fait en effet partie aujourd’hui des enjeux géopolitiques et peut même être qualifié d’<a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2017-5-page-134.htm">élément majeur du « soft power »</a>.</p>
<h2>L’investissement massif des années 2000</h2>
<p>Après <a href="https://www.researchgate.net/publication/310037292_An_economic_history_of_Chinese_football_1994_-_2016">l’arrivée du football professionnel en 1994</a> et le lancement de la « Chinese Super League » en 2004, les années 2010 ont vu apparaître des clubs dotés de moyens considérables pour développer le football.</p>
<p>En avril 2016, un <a href="https://footpol.fr/la-chine-et-le-football-le-grand-bond-en-avant-la-geopolitique-chinoise-au-prisme-du-premier-sport-global#">« plan de développement du football à moyen et long terme (2016-2050) » est lancé</a> et le président Xi Jinping (amateur de football) déclare « en avoir assez d’être un nain footballistique alors que la Chine est un géant politique et économique ». L’idée, pour la RPC, est de ne plus accepter d’être battue sur le terrain par des pays voisins de petite taille. Le développement du football est ainsi, pour le pouvoir, un moyen d’affirmer la puissance du pays. L’investissement dans ce domaine relève donc d’une volonté politique de placer la Chine au premier rang des nations dans le sport le plus populaire sur la planète.</p>
<p>Plusieurs recrutements symboliques ont lieu : au premier sélectionneur étranger à prendre les commandes de l’équipe nationale en 1997 (l’Anglais Bon Houghton), succéderont, entre autres, des vedettes de la profession comme le Serbe Bora Milutinovic en 2000, l’Espagnol José Antonio Camacho en 2011, et l’Italien Marcello Lippi en 2016 (vainqueur de la Coupe du monde à la tête de la sélection de son pays dix ans plus tôt).</p>
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<p>Au niveau des clubs, l’année 2012-2013 est marquée par l’arrivée de stars mondiales comme l’Ivoirien Didier Drogba et du Français Nicolas Anelka au club de Shanghai Shenhua, avec des salaires d’un million d’euros par mois (un record pour l’époque).</p>
<p>En 2017-2018, c’est au tour de l’Argentin Carlos Tevez de rejoindre le même club, suivi du Brésilien Hulk au Shanghai Port FC <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/mercato-le-bresilien-hulk-rejoint-la-chine-pour-55-millions-deuros-4331206">(pour un transfert à 55 millions d’euros)</a>. Dans la plupart des cas, <a href="https://www.sofoot.com/articles/anelka-et-drogba-le-constat-dechec-du-foot-chinois-chine-chinese-super-league-mercato">l’aventure se termine mal</a> : les joueurs repartent, les supporters sont déçus et le bilan financier est désastreux.</p>
<p>En matière d’investissement, l’avancée de la Chine s’est également faite, à la même période, avec le rachat de clubs européens par des groupes privés (néanmoins liés à l’État). En 2016, le <a href="https://www.lexpress.fr/sport/le-milan-ac-officiellement-vendu-a-un-groupe-d-investisseurs-chinois_1898802.html">Milan AC est racheté pour 740 millions d’euros</a> (mais finalement, faute de paiement, le club est repris par des Américains). La même année, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/italie/football-linter-milan-rachete-70-par-le-groupe-chinois-suning-4280181">l’Inter de Milan est acheté à hauteur de 70 % par le groupe Suning</a> (pour 270 millions d’euros). En Angleterre, toujours en 2016, <a href="https://www.rtbf.be/article/west-bromwich-rachete-par-un-investisseur-chinois-9369853">West Bromwich Albion est racheté par le groupe Yunyi Guoka</a> et <a href="https://www.lepoint.fr/sport/angleterre-aston-villa-rachete-par-un-groupe-chinois-18-05-2016-2040301_26.php">Aston Villa par le groupe Recon</a>. En Espagne, c’est <a href="https://www.lindependant.fr/2015/11/03/l-espanyol-barcelone-passe-aux-mains-des-chinois,2108093.php">l’Espanyol Barcelone qui a été racheté en 2015</a> pour 64 millions d’euros.</p>
<p>Des prises de participation sont également opérées dans de grands clubs, sans en prendre le contrôle, comme <a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/le-groupe-chinois-dalian-wanda-prend-20-de-latletico-madrid-1688376">l’Atletico Madrid</a> (20 % pour 45 millions d’euros en 2015). En France, les investisseurs chinois ont également racheté des clubs, comme <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/yonne/auxerre/yonne-le-proprietaire-chinois-james-zhou-nomme-president-du-club-de-l-aj-auxerre-2085133.html">l’ AJ Auxerre</a> (en 2016 pour 7 millions d’euros « seulement »), le <a href="https://www.francebleu.fr/sports/football/fc-sochaux-le-chinois-nenking-devient-officiellement-proprietaire-du-club-1587997600">FC Sochaux</a> (en 2015 pour 7 millions d’euros également), ou des parts de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/fonds-chinois-rachete-20-parts-olympique-lyonnais-1154327.html">l’Olympique lyonnais</a> (20 % en 2016) ou de <a href="https://www.liberation.fr/sports/2016/06/11/des-investisseurs-chinois-entrent-au-capital-de-l-ogc-nice_1458809/">l’OGC Nice</a> (80 % en 2016).</p>
<p>Enfin, la Guangzhou Evergrande Football Academy de Qingyan est devenue la <a href="https://www.lefigaro.fr/le-scan-sport/2017/01/12/27001-20170112ARTFIG00210-l-academie-de-foot-chinoise-de-la-demesure-a-canton.php">plus grande académie de football au monde</a> avec 280 millions d’euros d’investissements par l’entreprise Evergrande et un partenariat avec le Real Madrid qui envoie des entraîneurs espagnols comme conseillers.</p>
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<p>Au niveau des structures, le plan de Xi JinPing prévoyait le développement d’un championnat de haut niveau avec des stades de qualité. Une ambition affichée est d’organiser une Coupe du monde (la Chine ayant déjà accueilli la Coupe du monde féminine de football en 2007). Les stades ont été construits ou agrandis avec l’implication des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Les dix plus gros entrepreneurs chinois ont tous acheté un club du championnat. Par exemple, Alibaba a pris 50 % des parts du Guangzhou Evergrande. L’État a également participé en soutenant directement des clubs (comme Shanghai Port FC). Les droits télévisuels sont passés de 7 millions de dollars en 2014-2015 à 140 millions en 2015-2016. Aujourd’hui, les stades sont là. En plus de dizaines de stades d’environ 30000 places, onze stades plus grands, d’une capacité située entre 57 000 et 80 000 places ont été construits ces 20 dernières années.</p>
<p><a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/le-football-comme-axe-majeur-du-developpement-sportif-de-la-chine-l-ambition-demesuree-d-une-nation-mineure_4450289.html">Le plan de Xi Jinping</a> prévoyait aussi de rendre le football obligatoire à l’école, de créer 50 000 académies de foot (accueillant 50 millions d’enfants) et de faire en sorte que le football représente 1 % du PIB de la Chine. Son prédécesseur, Hu Jintao, voulait passer « d’un pays de premier plan en termes d’organisations sportives à une puissance sportive de renommée mondiale ».</p>
<p>La professionnalisation a engendré une transformation des instances. Depuis 2020, l’organisation de la Chinese Super League est confiée par la Fédération chinoise de football aux clubs, dans un souci de développement commercial sur le modèle de la Premier League anglaise. Les sponsors se sont développés, avec notamment Ping An (société d’assurance), Nike, Ford, DHL, Shell, Tsingtao ou encore Tag Heuer.</p>
<h2>Le repli actuel</h2>
<p>Les investissements ont été freinés à partir de la fin des années 2010 et une nouvelle politique prônée afin de limiter le « gaspillage ». Certains grands clubs, comme Jiangsu Suning ou Tianjin Tainhai, <a href="https://lucarne-opposee.fr/index.php/actualite/afc/archives/chine/8408-chine-chinese-super-league-2021-le-monde-d-apres">mettent la clé sous la porte en 2020</a>. Le premier, racheté en 2015 par le Suning Appliance Group pour 68 millions d’euros, avait recruté à prix d’or des joueurs internationaux brésiliens (Ramires pour 30 millions d’euros et Teixeira pour 50 millions), ainsi que l’entraîneur italien Fabio Capello. Le second avait recruté le Belge Witsel pour 20 millions d’euros et le Brésilien Pato pour 18 millions d’euros.</p>
<p>Ces disparitions vont de pair avec la crise Covid qui a considérablement affaibli financièrement le football chinois. Même si le repli des investissements avait légèrement anticipé la crise sanitaire, les effets ont été catastrophiques pour la plupart des clubs.</p>
<p>Dès 2017, une <a href="https://www.letemps.ch/economie/football-chinois-somme-mettre-lordre-finances">« luxury tax » avait été imposée par le gouvernement</a> : tout club dépensant plus 6 millions d’euros d’achat d’un joueur doit payer une taxe égale à 100 % de l’indemnité de transfert (réinjectée dans le développement du football en Chine).</p>
<p>Cette mesure, accompagnée d’une surveillance accrue des finances des clubs et de leur solvabilité, a freiné ces derniers dans leur développement. La Chinese Super League a ensuite fixé de nouvelles règles avec un « salary cap » (masse salariale maximale par équipe) et un salaire maximum par joueur afin de limiter la dérive financière.</p>
<p>Les récentes <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/equipe-chine/football-lex-president-de-la-federation-chinoise-juge-pour-corruption-cced04e4-be71-11ee-8a7d-fa3ec2db0626">affaires de corruption</a> révélées au sein de la fédération chinoise de football ne font que renforcer les craintes (Chen Xuyuan, président de l’Association chinoise de football, fait l’objet d’une enquête, après l’arrestation de Li Tie, ancien entraîneur de l’ACF et Chen Yongliang, secrétaire général).</p>
<p>Aujourd’hui, le championnat chinois a une valeur marchande (prix estimé de tous les joueurs) très éloignée des plus grands championnats, avec une somme de 154 millions d’euros qui le situe à la <a href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">sixième place sur le continent asiatique</a> mais loin des européens (3,5 milliards pour la Ligue 1 en France ou 10,5 milliards pour la Premier League en Angleterre). Même le championnat des États-Unis est presque dix fois plus coté (1,3 milliard).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571860/original/file-20240129-19-kebv5p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valeur des championnats asiatiques en prix des joueurs y évoluant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/wettbewerbe/asien/wettbewerbe">Transfermarkt.de</a></span>
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<p>Concernant le nombre de spectateurs dans les stades, les deux années Covid ont faussé les statistiques et la dernière saison redonne des <a href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">chiffres un peu inférieurs à ceux des années précédentes</a> – autour de 20 000 spectateurs en moyenne par match, en stagnation depuis 2014, après une montée rapide de 2009 à 2015 (passant de 14 000 à 22 000). Ces chiffres sont à rapprocher de ceux d’un championnat majeur comme la Ligue 1, où l’on recense 24 000 spectateurs en moyenne.</p>
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<span class="caption">Nombre de spectateurs dans le championnat de République de Chine par année.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.transfermarkt.fr/chinese-super-league/besucherzahlenentwicklung/wettbewerb/CSL">Transfermakt.de</a></span>
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<h2>L’un des rares échecs internationaux de la Chine de Xi Jinping</h2>
<p>La Chine a beaucoup investi dans le football dans l’optique de gagner une place importante sur la scène internationale permettant d’asseoir sa stature de grande puissance et de développer son soft power.</p>
<p>Les résultats n’ont pas été au rendez-vous et les sommes investies n’ont pas été rentabilisées, si bien qu’aujourd’hui la Chine semble avoir reculé, pour ne pas dire renoncé. Dans ce domaine, elle est désormais largement devancée par d’autres nations asiatiques (Qatar, Arabie saoudite) dont les premiers succès seront toutefois à confirmer.</p>
<p>Cet échec d’un investissement colossal est étonnant dans le paysage économique actuel, tant les succès sont nombreux pour les projets chinois sur des domaines où la Chine partait de loin à l’échelle internationale : éolien, ferroviaire, universités, etc. La Chine semble en avoir tiré les leçons en misant davantage sur la formation (académies de football), et plus généralement en se montrant plus patiente, espérant en tirer profit plus tard avec l’éclosion de talents. Elle paraît avoir réussi à sortir suffisamment tôt de l’emballement et de la folie des grandeurs qui caractérisent les pays du Golfe et qui peuvent conduire à des pertes importantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221674/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le championnat chinois ne fait plus recette, l’équipe nationale est très faible, le pays n’a pas obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2030 qu’il convoitait…Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197602024-01-11T16:40:06Z2024-01-11T16:40:06ZCoupe d’Afrique des Nations de football : la « diplomatie des stades » chinoise sort le grand jeu<p>La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), le plus grand tournoi de football par équipes nationales d’Afrique, débutera le 13 janvier par un match entre la Guinée-Bissau et la Côte d’Ivoire, pays hôte de l’édition 2024, au stade Alassane-Ouattara d’Abidjan. Ce stade ultramoderne, également connu sous le nom de Stade olympique d’Ebimpé, a été inauguré en 2020 et figure parmi les <a href="https://footballgroundguide.com/news/afcon-stadiums-ivory-coast-afcon-2023">six enceintes retenues pour le tournoi</a>.</p>
<p>Sa construction a débuté en 2016 dès que le premier ministre de l’époque, Daniel Kablan Duncan, a donné le premier coup de pioche, entouré de plusieurs représentants de l’ambassade de Chine en Côte d’Ivoire. Le stade a été conçu par l’Institut de conception architecturale de Pékin et construit par le Beijing Construction Engineering Group, <a href="https://2017-2021.state.gov/communist-chinese-military-companies-listed-under-e-o-13959-have-more-than-1100-subsidiaries/">deux entités publiques</a> chinoises.</p>
<p>Le stade d’Abidjan n’est pas le seul site de la compétition à avoir fait l’objet d’une implication considérable de la part de la Chine. À San Pedro (sud-ouest du pays), le stade Laurent-Pokou a été construit par la China Civil Engineering Construction Corporation (là encore, propriété de l’État), tandis que la China National Building Material (dont les principaux directeurs ont des liens étroits avec le Parti communiste chinois) a été l’entrepreneur général du stade Amadou-Gon-Coulibaly à Korhogo (nord).</p>
<h2>Du Costa Rica au Cameroun</h2>
<p>L’implication de la Chine dans la CAN n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans une politique à long terme de <a href="https://www.policyforum.net/china-fuelling-african-cup-nations/">« diplomatie des stades »</a> qu’elle déploie à travers l’Afrique. Dans le cadre des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">« nouvelles routes de la soie »</a> qui vise à promouvoir le commerce est-ouest, des stades ont souvent été offerts à des nations africaines ou construits à l’aide de <a href="https://apnews.com/article/china-debt-banking-loans-financial-developing-countries-collapse-8df6f9fac3e1e758d0e6d8d5dfbd3ed6">prêts bonifiés</a> (prêts accordés à des taux d’intérêt inférieurs à ceux du marché).</p>
<p>Lorsque le Gabon a co-organisé (avec la Guinée équatoriale) la Coupe des Nations en 2012 par exemple, la Chine a participé à la construction de ses deux stades. Cinq ans plus tard, en 2017, le Gabon a de nouveau organisé le tournoi (seul cette fois), pour lequel la Chine a construit deux autres stades. Entretemps, les présidents gabonais Ali Bongo et chinois Xi Jinping se sont rencontrés pour convenir que le pays du premier deviendrait un <a href="https://thediplomat.com/2023/04/china-gabon-relations-get-an-upgrade/">partenaire de coopération global</a> du second. Aujourd’hui, le Gabon exporte aujourd’hui environ <a href="https://oec.world/en/profile/bilateral-country/gab/partner/chn">15 % de toutes ses exportations vers la Chine</a>, dont le pétrole brut et le minerai de manganèse constituent la plus grande part.</p>
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<p>Peu après le moment où la construction du stade Alassane-Ouattara démarrait, le président ivoirien du même nom rendait visite à Xi Jinping à Pékin pour finaliser les détails d’un <a href="https://www.africanews.com/2021/04/28/china-is-gabon-s-most-profitable-trading-partner-from-2009-to-2020/">partenariat stratégique de coopération</a>. La Chine aura finalement investi 1,5 milliard de dollars américains en Côte d’Ivoire entre 2018 et 2020. Aujourd’hui, la nation africaine exporte pour 700 millions de dollars de ressources naturelles et de biens vers son partenaire d’Asie de l’Est, soit sept fois plus qu’en 2016.</p>
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<p>La diplomatie chinoise des stades, que l’on observe également dans des pays allant du <a href="https://diplomatist.com/2020/11/03/chinas-stadium-diplomacy-all-that-glitters-is-not-gold/">Costa Rica</a> en Amérique latine au <a href="https://africachinareporting.com/chinese-stadia-in-cameroon-revive-football-and-smes/">Cameroun</a>, est officiellement présentée comme bilatérale et consensuelle. Certains critiques assimilent néanmoins cette politique à du <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">néocolonialisme</a>. Certes, les nations africaines obtiennent de nouvelles infrastructures sportives pour impressionner le monde, des garanties d’investissements étrangers et des destinations pour leurs exportations. Cependant, des questions subsistent quant aux <a href="https://indepthsolomons.com.sb/the-negative-impacts-of-chinas-global-stadium-diplomacy/">coûts économiques et politiques</a> de ces échanges et à l’utilité des stades une fois les événements terminés.</p>
<h2>Rivalité saoudienne</h2>
<p>Pour la Chine, les avantages sont évidents : cette « diplomatie des stades » lui permet d’étendre sa sphère d’influence en Afrique, créant souvent des <a href="http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/12/Submission2.pdf">interdépendances asymétriques</a> qui placent les nations africaines sous l’autorité du gouvernement de Pékin. Dans le même temps, l’Afrique est devenue une <a href="https://www.brookings.edu/articles/chinas-engagement-with-africa-from-natural-resources-to-human-resources/">source de matières premières</a> qui contribuent à soutenir la croissance économique de la Chine et à lui donner un avantage stratégique dans des secteurs tels que la fabrication de batteries.</p>
<p>Les nations africaines y sont désormais habituées ; après tout, le Royaume-Uni et la France, anciennes puissances coloniales, ont déjà utilisé des tactiques similaires. D’une certaine manière, ces pays restent présents ; par exemple, l’entreprise française <a href="https://totalenergies.com/fr/news/totalenergies-et-le-football-africain">TotalEnergies sponsorise la Coupe d’Afrique des Nations</a> et reste impliquée dans <a href="http://www.cadtm.org/French-fossil-imperialism-South-African-subimperialism-and-anti-imperial">d’importantes activités de prospection pétrolière</a> sur le continent. Mais la Chine doit désormais compter avec un nouveau rival plus conséquent : l’Arabie saoudite, qui s’engage également dans la diplomatie du football.</p>
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<img alt="Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro" src="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565235/original/file-20231212-15-74mwg5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue du stade Laurent Pokou à San Pedro.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Laurent_Pokou#/media/Fichier:Stade_de_San-P%C3%A9dro_(Bosson).jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La puissance du Golfe est en pleine transformation et en plein développement économique. Et l’un de ses aspects consiste à investir des <a href="https://nepf.org.au/index.php/playing-for-power-a-deep-dive-into-saudi-arabias-global-sports-ambitions/">centaines de millions de dollars dans le sport</a>. Au cœur des plans du gouvernement saoudien se trouve son intention de positionner le pays comme un centre afro-eurasien, ce qui a déjà commencé à avoir un impact sur le football. À un moment donné, en 2023, il semblait que le royaume se porterait <a href="https://nepf.org.au/index.php/saudi-arabia-china-red-sea-geopolitics-the-2030-world-cup/">candidat à l’organisation de la Coupe du Monde de football 2030</a>, aux côtés de l’Égypte et de la Grèce. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Arabie saoudite aurait offert de construire de nouveaux stades dans chacun des pays partenaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apres-le-qatar-larabie-saoudite-joue-la-carte-du-soft-power-par-le-sport-201513">Après le Qatar, l’Arabie saoudite joue la carte du « soft power » par le sport</a>
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<p>Finalement, l’Arabie saoudite a décidé de se porter seule candidate à l’organisation de l’édition 2034, bien que l’implication potentielle des nations africaines ne soit pas à négliger. En effet, pour Neom, un mégaprojet de ville nouvelle futuriste dans le nord-ouest du pays, l’Arabie saoudite prévoit une <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2022/08/saudi-arabias-neom-project-bring-huge-investments-egypt">collaboration avec l’Égypte</a>. En outre, Visit Saudi, l’office du tourisme du royaume, s’est engagé comme <a href="https://www.sportspromedia.com/news/african-football-league-visit-saudi-sponsorship-caf-visa-afc/">sponsor de la Ligue africaine de football</a>, tandis que la Fédération saoudienne de football a conclu un accord avec la Fédération mauritanienne de football.</p>
<p>Au moment où ce dernier accord a été conclu, le prince saoudien Mohammed ben Salmane a reçu un message écrit du président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz concernant le <a href="https://www.arabnews.com/node/2341281/saudi-arabia">renforcement des relations et de la coordination bilatérales</a>.</p>
<h2>Le Qatar se rapproche du Rwanda</h2>
<p>Cependant, les critiques affirment que le gouvernement de Riyad tente de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/nov/27/revealed-saudi-arabia-plan-poor-countries-oil">rendre l’Afrique « accro » au pétrole</a> pour compenser la baisse de la demande ailleurs dans le monde. D’autres assurent que, comme la Chine, le royaume a besoin d’accéder aux ressources naturelles de l’Afrique (telles que le lithium, le cobalt et le cuivre) pour mener à bien ses réformes économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729215309486415903"}"></div></p>
<p>Un autre pays du Golfe, le Qatar, a mis en place un modèle d’engagement avec l’Afrique. Après avoir gagné le droit d’organiser la Coupe du Monde de football 2022, le <a href="https://www.qatar-tribune.com/article/93860/sports/generation-amazing-launches-sports-for-development-programme-in-rwanda">Qatar a fait du Rwanda un partenaire privilégié</a> : plusieurs projets de développement du football ont été financés par le gouvernement de Doha. Parallèlement, l’entreprise publique Qatar Airways a fait une offre pour <a href="https://www.mininfra.gov.rw/updates/news-details/qatar-to-take-60-stake-in-rwandas-new-international-airport">acquérir des participations importantes dans Air Rwanda</a> et dans le nouvel aéroport international de Kigali.</p>
<p>Quand le premier match de la CAN débutera à Abidjan le 13 janvier, la concurrence diplomatique en dehors du terrain risque donc d’être tout aussi intense que la bataille sur le terrain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises publiques chinoises financent de plus en plus d’enceintes sportives à travers le continent. La Côte d’Ivoire, pays-hôte de l’édition 2024 de la CAN, ne fait pas exception.Simon Chadwick, Professor of Sport and Geopolitical Economy, SKEMA Business SchoolChris Toronyi, PhD Candidate and Lecturer, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2130312023-09-11T13:56:41Z2023-09-11T13:56:41ZVoici comment contenir la Chine et la Russie, superpuissances frappées d’allégations d’atrocités<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546710/original/file-20230831-27-66cu2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C3051%2C2018&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, en mars 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>En Afrique du Sud, lors de la dernière réunion des BRICS, un groupe de puissances économiques comprenant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, le président russe <a href="https://www.cnn.com/2023/08/20/europe/putin-brics-no-show-analysis-hnk-intl/index.html">Vladimir Poutine brillait par son absence</a>.</p>
<p>Parce que la Cour pénale internationale a émis un <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/mar/17/icc-arrest-warrant-vladimir-putin-explainer">mandat d’arrêt</a> contre lui plus tôt cette année en raison d’atrocités présumées sur des enfants ukrainiens, Moscou s’inquiétait visiblement que Poutine soit <a href="https://www.euronews.com/2023/08/21/putin-was-meant-to-be-at-a-summit-in-south-africa-this-week-why-was-he-asked-to-stay-away">arrêté</a> s’il se rendait à Johannesburg.</p>
<p>Les atrocités de masse comprennent les génocides, les crimes contre l’humanité, le nettoyage ethnique et les crimes de guerre. Parmi tous les défis du monde actuel, l’urgence de prévenir les atrocités de masse s’impose.</p>
<p>En 2023, nous faisons face à un nombre sans précédent de personnes déplacées de force, <a href="https://www.unhcr.org/refugee-statistics/insights/explainers/100-million-forcibly-displaced.html">plus de 100 millions</a>, phénomène attribuable en partie <a href="https://www.unrefugees.org/emergencies/ukraine/">à un flot</a> exacerbé par l’invasion russe en Ukraine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-ne-doit-pas-faconner-lavenir-des-droits-de-la-personne-a-lonu-137043">La Chine ne doit pas façonner l’avenir des droits de la personne à l’ONU</a>
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<h2>Stagnation du progrès</h2>
<p>Bien qu’il y ait eu des réussites en matière de réduction des violations des droits de la personne, comme l’adoption de la doctrine <a href="https://www.un.org/fr/genocideprevention/">Responsabilité de protéger</a> des Nations unies et la création de la <a href="https://www.cfr.org/backgrounder/role-international-criminal-court">Cour pénale internationale</a>, de récents événements préoccupants indiquent non seulement une stagnation du progrès, mais une régression.</p>
<p>Le fait de voir deux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, la Chine et la Russie, être accusés d’atrocités de masse est particulièrement troublant.</p>
<p>La Chine est devenue de plus en plus <a href="https://www.dw.com/en/how-are-chinas-neighbors-viewing-beijings-military-plans/a-64921927">belliqueuse et agressive</a>, menaçant ses voisins et persécutant ses minorités. Les mesures de Beijing contre sa population musulmane ouïghoure ont soulevé l’indignation mondiale, <a href="https://www.ushmm.org/genocide-prevention/countries/china/case-study/current-risks/chinese-persecution-of-the-uyghurs">à la suite d’allégations</a> de génocide, de travail forcé, de détentions de masse, de répression culturelle et de destruction de mosquées.</p>
<p>De façon similaire, l’invasion russe de l’Ukraine a soulevé de graves préoccupations en matière de violation des droits de la personne. De nombreux <a href="https://www.raoulwallenbergcentre.org/images/reports/2023-07-26-Genocide-Ukraine-Report.pdf">chercheurs et experts</a> prêtent une intention génocidaire à l’armée russe en raison du massacre de civils dans des villes ukrainiennes <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/22/video/russia-ukraine-bucha-massacre-takeaways.html">comme à Boutcha</a>, des cas généralisés de torture confirmés par les <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/06/widespread-use-torture-russian-military-ukraine-appears-deliberate-un-expert">Nations unies</a> et des <a href="https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/02/targeted-destruction-ukraines-culture-must-stop-un-experts">tentatives continues qui semblent destinées à détruire</a> la culture ukrainienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme vêtue d’une robe bleue à motifs regarde un grand mur commémoratif sur lequel sont gravés des noms d’Ukrainiens" src="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545781/original/file-20230831-8940-rglzfg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une femme dans une robe aux motifs bleus devant une murale honorant les gens tués par les troupes russes à Boutcha, en Ukraine. Boutcha a été occupée par les forces russes pendant environ un mois au début de l’invasion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jae C. Hong)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les liens entre la Chine et la Russie</h2>
<p>L’alliance émergente entre les régimes autoritaires de Chine et de Russie est très préoccupante. Le président chinois Xi Jinping, lors de son récent voyage à Moscou, <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/xi-putin-pledge-new-world-order-chinese-leader-leaves-russia-rcna76048">a dit à Poutine</a> :</p>
<blockquote>
<p>Il y a des changements qui ne sont pas arrivés depuis 100 ans. Ensemble, nous provoquons ces changements. </p>
</blockquote>
<p>L’idée d’un futur ordre mondial façonné par ces deux autocrates donne une nouvelle profondeur <a href="https://www.sparknotes.com/lit/1984/quotes/character/obrien/">à cette célèbre citation</a> du romancier anglais George Orwell : « Si vous voulez un portrait de l’avenir, imaginez une botte écrasant un visage humain, à jamais. »</p>
<p>Alors que Poutine et Xi s’efforcent de transformer l’ordre international, chaque pays doit réfléchir à la grave menace qui pèse sur les droits de la personne, les normes démocratiques et l’essence même de la <a href="https://www.un.org/en/about-us/un-charter">Charte de l’ONU</a>, particulièrement à l’égard des actes d’agression</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637828614879150082"}"></div></p>
<p>Le fait de voir de grandes puissances se comporter ainsi confirme l’effritement de l’engagement mondial à prévenir ces atrocités.</p>
<p>La situation actuelle souligne l’urgence de raviver les flammes du progrès et de veiller au maintien des normes et des institutions des droits de la personne.</p>
<p>Il incombe à la communauté internationale de réaffirmer son engagement à prévenir les atrocités de masse, peu importe le statut géopolitique et la puissance économique des coupables. Cela passera par quatre piliers.</p>
<h2>Quatre moyens de faire respecter les droits de la personne</h2>
<ol>
<li><p>La sensibilisation et l’éducation doivent être améliorées pour amplifier la voix des populations présumément ciblées par la Russie et la Chine. Les populations informées peuvent faire pression sur leur gouvernement pour faire respecter les droits de la personne et obliger les criminels à rendre des comptes. Elles peuvent également exiger que les <a href="https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/china-83-major-brands-implicated-in-report-on-forced-labour-of-ethnic-minorities-from-xinjiang-assigned-to-factories-across-provinces-includes-company-responses/">entreprises arrêtent de faire affaire</a> avec les deux pays jusqu’à ce que leurs politiques et leurs comportements changent. Moscou et Beijing font tout leur possible <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2021/06/22/technology/xinjiang-uyghurs-china-propaganda.html">pour diffuser de la propagande</a> <a href="https://press.un.org/en/2023/sc15226.doc.htm">et de la désinformation</a> à l’échelle mondiale.</p></li>
<li><p>Des initiatives diplomatiques doivent être lancées pour veiller à ce que les <a href="https://time.com/6160282/arab-world-complicit-china-repression-uighurs/">intérêts économiques</a> n’éclipsent pas la nécessité de prévenir les atrocités de masse. Les pays doivent se regrouper pour contrer les plans d’hégémonie mondiale de Moscou et de Beijing, qui sonneraient le glas des droits de la personne et de la démocratie.</p></li>
<li><p>L’importance de renforcer les mécanismes de justice est capitale. La Cour pénale internationale doit avoir le pouvoir d’enquêter et de poursuivre tous les responsables, peu importe leur statut. Cela inclut l’exploration de moyens que la Cour pourrait utiliser même lorsqu’elle fait face à des <a href="https://www.reuters.com/world/europe/icc-member-states-say-russia-putting-prosecutor-wanted-list-is-deplorable-2023-05-20/">sanctions et à des menaces</a>.</p></li>
<li><p>Les pays doivent continuer de faire respecter <a href="https://legal.un.org/repertory/art51.shtml">l’article 51</a> de la Charte de l’ONU, « le droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée » et soutenir l’Ukraine dans ses efforts pour stopper l’invasion génocidaire russe. De fausses déclarations de négociations de paix masquent <a href="https://www.newyorker.com/news/essay/the-war-in-ukraine-is-a-colonial-war">l’intention russe de recoloniser</a> l’Ukraine, ce qui se produira seulement par la violence de masse et la destruction de l’identité ukrainienne. Cela enverra également un message à Beijing que <a href="https://www.telegraph.co.uk/world-news/2023/08/19/china-helping-arm-russia-helicopters-drones-metals-xi-putin/">son soutien</a> à l’invasion russe de l’Ukraine, sans parler d’une potentielle <a href="https://www.scmp.com/news/china/military/article/3230014/mainland-china-airs-documentary-signalling-military-preparation-taiwan-attack-and-willingness">attaque chinoise</a> sur Taïwan, s’accompagnera de conséquences.</p></li>
</ol>
<p>La communauté internationale doit reconnaître que des superpuissances commettent des atrocités et que cela fait peser une menace concrète sur la paix et la sécurité dans le monde.</p>
<p>Les pays qui commettent des génocides à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières, sans oublier <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/12/08/china-detains-journalists-dangers-2021-report/">l’emprisonnement de journalistes</a>, de <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-66408444">leaders de l’opposition politique</a> et de <a href="https://www.hrw.org/russia-government-against-rights-groups-battle-chronicle">groupes de la société civile</a>, représentent un danger pour l’humanité.</p>
<p>Lorsqu’ils sont membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et qu’ils se concertent, ils représentent une menace totalitaire à prendre au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213031/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kyle Matthews a reçu des fonds du gouvernement du Canada (ministère du Patrimoine canadien) et de la Konrad Adenauer Stiftung. Il est affilié au Canadian Global Affairs Institute, au Conseil international du Canada et à la Fondation BMW.</span></em></p>Deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies – la Chine et la Russie – sont soupçonnés d’avoir perpétré de graves atrocités. Voici comment la communauté internationale doit agir.Kyle Matthews, Executive Director, The Montréal Institute for Genocide and Human Rights Studies, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096332023-08-16T18:38:39Z2023-08-16T18:38:39ZLa Chine, un médiateur au centre de l’échiquier géopolitique mondial ?<p>En mars dernier, après sept ans de rupture, l’Iran et l’Arabie saoudite ont rétabli leurs relations, à l’issue d’une <a href="https://theconversation.com/iran-arabie-saoudite-un-compromis-diplomatique-sous-legide-de-pekin-201828">médiation chinoise</a>. Pékin ne souhaite pas s’en tenir à ce succès, et poursuit son activisme diplomatique dans de nombreux autres dossiers. Au début de l’année, la RPC avait proposé <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20230228-le-document-en-12-points-de-p%C3%A9kin-pour-un-r%C3%A8glement-politique-de-la-crise-ukrainienne">« une position sur le règlement politique de la crise ukrainienne »</a> et fait savoir qu’elle espérait y « jouer un rôle constructif dans la promotion des pourparlers ». Aujourd’hui, elle aspire à jouer un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien.</p>
<p>La RPC se présente plus que jamais comme une puissance soucieuse de restaurer la paix et maintenir la stabilité. Selon l’historien <a href="https://www.thenation.com/article/world/china-ukraine-russia-peace-talks/">Alfred Mc Coy</a>, cette approche – qui séduit de plus en plus les pays du Sud – révélerait la transformation profonde des rapports de force internationaux :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis plus de 200 ans, les conférences de paix ne se contentent pas de résoudre des conflits ; elles signalent régulièrement l’arrivée au centre de la scène d’une nouvelle puissance mondiale […]. De l’entente irano-saoudienne à la visite de Macron à Pékin, nous sommes peut-être en train d’observer les premiers signes de l’évolution de la politique internationale. »</p>
</blockquote>
<p>En cherchant à relancer les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, la Chine entend occuper un vide et signaler la fin d’une ère occidentale dans laquelle les États-Unis jouaient un rôle majeur.</p>
<h2>« Courtiers en tromperie » et « honnête courtier »</h2>
<p>Si la Chine peut se positionner en tant que médiateur entre Israéliens et Palestiniens, c’est avant tout parce que ce rôle n’est plus vraiment assumé par les États-Unis. <a href="https://www.ipinst.org/2013/04/khalidi-questions-u-s-honest-broker-role-in-mideast">La plupart des analystes</a> conviennent que Washington n’a pas été un « courtier honnête ». L’historien <a href="https://www.jadaliyya.com/Details/28309">Rashid Khalidi</a>, directeur du département du Moyen-Orient à l’université Columbia, <a href="http://www.beacon.org/Brokers-of-Deceit-P1029.aspx">estime</a> que Washington n’avait jamais véritablement recherché une résolution pacifique au conflit. Selon lui, les Américains, qui n’ont cessé de donner des gages au pouvoir israélien et orienté les discussions à l’avantage de Tel-Aviv, ont hypothéqué toute perspective de règlement.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce point de vue est partagé par le chercheur américain <a href="https://blogs.lse.ac.uk/mec/2018/09/04/book-review-seth-anziskas-preventing-palestine-a-political-history-from-camp-david-to-oslo/">Seth Anziska</a> qui examine l’échec du processus de paix en retraçant, selon ses termes, « la généalogie d’un non-événement ». L’asymétrie profonde entre la partie israélienne et palestinienne, explique-t-il, a été entretenue par les administrations américaines successives. Il rappelle que Washington a apporté un soutien inconditionnel à son allié, allant jusqu’à considérer que la poursuite de la colonisation dans les territoires occupés ne constitue pas un obstacle à la conclusion d’un accord de paix.</p>
<p>Si les accords d’Oslo I et II (en 1993 et 1995) ont créé un temps l’illusion qu’ils aboutiraient à la création d’un État palestinien – jamais mentionné dans les textes –, celle-ci a fini par se dissiper. <a href="https://journals.openedition.org/remmm/9501">Les travaux universitaires les plus sérieux</a> ont démontré que le processus de paix n’était qu’un mirage. Bien qu’il ait permis la création d’un appareil d’État palestinien intégré au dispositif d’occupation, il n’a jamais eu vocation à donner naissance à un État palestinien.</p>
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<p>L’enlisement du processus de paix dans les années 1990, l’échec tonitruant du sommet de Camp David et la relance de l’Intifada en septembre 2000 ont éloigné toute perspective de solution au conflit. Durant cette période, l’implication américaine résolue aux côtés d’Israël <a href="https://www.e-ir.info/2021/12/13/israels-qualitative-military-edge-u-s-arms-transfer-policy/">a permis de maintenir la supériorité militaire qualitative</a> de Tel-Aviv, qui lui garantit une <a href="https://www.e-ir.info/2021/12/13/israels-qualitative-military-edge-u-s-arms-transfer-policy/">suprématie régionale</a>. L’engagement de Washington se matérialise par une aide financière substantielle et la fourniture d’armements qui traduisent la pérennité d’un lien organique avec son allié israélien.</p>
<p>Les tentatives de relance des pourparlers se sont systématiquement soldées par un échec en raison de l’intransigeance de la partie israélienne, qui n’a jamais consenti au moindre compromis (<a href="https://www.lepoint.fr/monde/israel-refuse-toute-limitation-a-la-colonisation-a-jerusalem-est-16-11-2014-1881557_24.php#11">refus de mettre un terme à la colonisation</a> et de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/04/03/97001-20140403FILWWW00288-israel-annule-une-liberation-de-prisonniers.php">libérer les prisonniers palestiniens</a>, <a href="https://fr.timesofisrael.com/netanyahu-a-rejete-un-plan-de-paix-regionale-en-2016-media/">rejet de la solution à deux États</a>). En dépit de cette impasse structurelle, la Chine – qui cherche à remettre en cause la prééminence mondiale des États-Unis – espère ressusciter un processus au point mort depuis 2014.</p>
<h2>La Palestine favorable à une médiation chinoise</h2>
<p>Sur ce dossier, Pékin dispose de deux atouts majeurs. D’une part, une relance de <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2002-4-page-59.htm">l’initiative arabe de paix de 2002</a> serait <a href="https://www.arabnews.com/node/2285796">vue d’un bon œil par les pays arabes</a> engagés dans la voie de la normalisation avec Israël.</p>
<p>De l’autre, la proposition chinoise de médiation rencontre un écho positif auprès des Palestiniens. <a href="https://www.arabnews.com/node/2303361/middle-east">80 % d’entre eux</a> seraient favorables à une médiation chinoise qui faciliterait les pourparlers entre les deux parties (60 % des répondants estiment que les États-Unis ne constituent pas un médiateur crédible).</p>
<p>En juin dernier, le président de l’Autorité palestinienne, reçu à Pékin, a également <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-06-18/ty-article/.premium/giving-up-on-the-u-s-palestinian-president-abbas-turns-to-china/00000188-cc4f-d01e-a3fe-deefe4e90000">appelé la Chine à faire pression sur Israël</a> pour favoriser une solution au conflit israélo-palestinien. La RPC n’a toutefois pas de leviers pour amener les Israéliens à la table des négociations.</p>
<h2>Pour Tel-Aviv, pas d’équidistance entre Pékin et Washington</h2>
<p>Pékin a développé des relations militaires et commerciales étroites avec Tel-Aviv au cours des dernières décennies. En 2017, un <a href="http://french.xinhuanet.com/2017-03/22/c_136148156.htm">partenariat global novateur</a> a été conclu pour intensifier la coopération dans tous les domaines, notamment technologique (<a href="https://www.newsweek.com/2022/08/19/china-targets-israeli-technology-quest-global-dominance-us-frets-1727108.html">sur 507 accords commerciaux bilatéraux conclus entre 2002 et 2022, 492 concernent le secteur technologique</a>). Troisième partenaire commercial d’Israël après l’UE et les États-Unis, Pékin investit dans la construction et la modernisation des infrastructures israéliennes.</p>
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<p>Pour autant, Israël reste soucieux de sécuriser les intérêts américains. En 2021, la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/les-etats-unis-inquiets-de-linfluence-croissante-de-la-chine-en-israel-sirius">Chine a implanté dans le port de Haïfa un terminal automatisé de containers</a> au grand dam de Washington – qui redoutait l’installation d’une technologie de surveillance chinoise susceptible d’espionner la Sixième Flotte américaine. En dépit des investissements colossaux chinois, c’est finalement <a href="https://www.businesstoday.in/latest/corporate/story/adani-paid-entire-12-bn-to-acquire-haifa-port-says-israels-envoy-to-india-371112-2023-02-22">l’Inde qui a pris le contrôle du plus grand port d’Israël</a>.</p>
<p>Par ailleurs, en 2022, les agences de sécurité israéliennes ont également <a href="https://mosaicmagazine.com/essay/israel-zionism/2022/09/no-israel-isnt-falling-into-chinas-orbit/">intensifié la lutte contre l’espionnage des entreprises chinoises</a> qui tentent d’obtenir l’accès aux technologies militaires israéliennes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-puissance-scientifique-et-technologique-chinoise-de-limitation-au-leadership-mondial-209768">La puissance scientifique et technologique chinoise : de l’imitation au leadership mondial</a>
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<p>Enfin, le secteur technologique israélien <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/opinion-fr/comment-la-technologie-despionnage-israelienne-penetre-au-plus-profond-de-nos-vies">s’est développé en utilisant les territoires occupés comme laboratoire d’essai</a> des nouveaux systèmes d’armes et outils de surveillance et de contrôle des populations. Le <a href="https://theconversation.com/derriere-pegasus-le-mode-demploi-dun-logiciel-espion-164742">logiciel espion Pegasus</a> exporté dans le monde en est un exemple édifiant.</p>
<p>Force est donc de constater que Pékin a peu de chance de modifier la ligne politique d’Israël. En avril dernier, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a, en outre, laissé entendre que pour Tel-Aviv, les <a href="https://www.cnbc.com/2023/04/19/benjamin-netanyahu-israel-cautions-saudi-about-iran-after-china-deal.html">États-Unis restent perçus comme le seul médiateur valable</a> :</p>
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<p>« Nous respectons la Chine, nous traitons beaucoup avec elle. Mais nous savons aussi que nous avons une alliance indispensable avec notre grand ami, les États-Unis. »</p>
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<h2>Une implication avant tout stratégique</h2>
<p>Même si les efforts diplomatiques de la Chine ne sont pas couronnés de succès, Pékin a tout de même intérêt à promouvoir la <em>Pax Sinica</em> (paix chinoise). Dans une stratégie de remise en cause de l’ordre international américain, la coopération avec les pays du Moyen-Orient revêt un intérêt crucial. Nombre d’entre eux se sont émancipés de la tutelle de Washington pour défendre leurs intérêts souverains. <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-10-26/xi-s-vow-of-world-dominance-by-2049-sends-chill-through-markets">Xi Jinping souhaite ériger la Chine au rang de première puissance mondiale en 2049</a> : cela impose de prendre la main sur des dossiers et des espaces jusque-là réservés aux États-Unis.</p>
<p>Comme le note le géopolitologue <a href="https://thediplomat.com/2022/07/the-impact-and-implications-of-chinas-growing-influence-in-the-middle-east/">Nadeem Ahmed Moonakal</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pékin croit en l’idée de la paix par le développement en renforçant les “perceptions partagées de la sécurité”. Cela diffère de la “perception traditionnelle de la sécurité” menée par l’Occident, qui se concentre sur la recherche de la sécurité par la défaite de l’ennemi et le maintien d’alliances militaires exclusives. »</p>
</blockquote>
<p>À cet égard, Pékin a resserré les liens avec les pays de la région par des initiatives diplomatiques (sommets Chine-États arabes ou Chine-Conseil de coopération des États arabes du Golfe en 2022) et des <a href="https://gjia.georgetown.edu/2023/06/02/chinas-increasing-role-in-the-middle-east-implications-for-regional-and-international-dynamics/">partenariats stratégiques et protocoles d’accord pour ses activités économiques</a>. Ils se concrétisent surtout par des projets d’investissement estampillés « <a href="https://theconversation.com/la-nouvelle-route-de-la-soie-une-strategie-dinfluence-mondiale-de-la-chine-75084">Nouvelles routes de la soie</a> » (<em>Belt and Road Initiative</em>), qui sont les principaux leviers de la politique étrangère chinoise.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-tentation-chinoise-du-liban-149677">La tentation chinoise du Liban</a>
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<p><a href="https://carnegieendowment.org/2023/06/27/china-s-rising-influence-in-middle-east-pub-90053">En approfondissant ses liens avec les pays du Moyen-Orient</a>, la Chine cherche à mettre en échec la <a href="https://cejiss.org/images/issue_articles/2019-volume-13-issue-3/08-teixera.pdf">stratégie américaine d’endiguement</a>. Par son action, elle remodèle le paysage régional. Cette nouvelle configuration devrait à terme remettre en question la prédominance des États-Unis. Ceux-ci ont de plus en plus de difficultés à s’appuyer sur les puissances régionales pour perpétuer l’ordre international américain. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après sa médiation réussie entre l’Iran et l’Arabie saoudite, la Chine souhaite s’impliquer dans le conflit israélo-palestinien. Quelle est la portée de cette dynamique diplomatique ?Lina Kennouche, Docteur en géopolitique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083332023-07-11T19:32:03Z2023-07-11T19:32:03ZÉtats-Unis / Chine : un duel feutré… pour l’instant<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/06/18/visite-d-antony-blinken-a-pekin-washington-salue-des-discussions-constructives_6178211_3210.html/">visite du secrétaire d'État Antony Blinken en Chine</a>, les 18-19 juin derniers, une première depuis celle de Mike Pompeo en 2018, visait à amorcer un «dégel diplomatique» avec Pékin et à <a href="https://www.state.gov/secretary-blinkens-trip-to-the-peoples-republic-of-china-and-the-united-kingdom/">«maintenir les canaux de communication pour gérer de manière responsable la relation entre les États-Unis et la Chine»</a>. Si toutes les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/18/affronter-la-chine-ou-lui-parler-les-etats-unis-refusent-de-choisir_6173890_3210.html">questions stratégiques régionales et globales</a> ont été <a href="https://www.state.gov/translations/french/visite-du-secretaire-detat-blinken-en-republique-populaire-de-chine/">abordées</a>, ce déplacement n'a (sans surprise) pas donné lieu à un réel dégel.</p>
<p>Pékin est aujourd'hui la <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/10/23/chine-etats-unis-une-histoire-sous-la-contrainte-ou-les-rivalites-du-temps-present/">priorité stratégique de Washington</a>, et réciproquement. Les tensions structurelles se ressentent <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/le-d%C3%A9bat/20230619-chine-etats-unis-degel-blinken-xi-jinping-rencontre-pour-apaiser-tensions">dans tous les domaines</a> (économique, militaire, technologique et diplomatique). La relation bilatérale n'a <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/l-autre-guerre-froide/">jamais été aussi mauvaise depuis la guerre froide</a>.</p>
<h2>L'interdépendance et l'hostilité</h2>
<p>La dégradation continue de la relation bilatérale est indiscutable ; et pourtant, l'année 2022 a marqué un record dans les échanges commerciaux sino-américains.</p>
<p>Près de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/pourquoi-les-etats-unis-et-la-chine-n-ont-jamais-autant-commerce-malgre-les-tensions-politiques-20230227">700 milliards de dollars ont été échangés sur cette seule année</a>, en dépit de la pandémie de Covid-19 et des tensions accrues en Asie, spécialement autour de Taïwan, et bien sûr la guerre en Ukraine en toile de fond.</p>
<p>Alors que <a href="https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2016/08/29/obamas-china-and-asia-policy-a-solid-double/">l'administration Obama recherchait la «bonne distance»</a> vis-à-vis de Pékin et optait plus largement pour la <a href="https://froggybottomblog.com/2017/10/26/retenue-strategique-et-light-footprint-un-bilan-dobama-en-chef-de-guerre/">«retenue stratégique»</a>, <a href="https://thediplomat.com/2021/01/trump-china-and-foreign-policy-as-theater/">l'administration Trump</a> a considérablement accéléré la cristallisation du rapport de force <a href="https://lelephant-larevue.fr/numero/?n=-29">dans les secteurs du commerce, des technologies, du militaire et du sécuritaire</a>. </p>
<p>L'administration Biden (qui sera peut-être le premier président à ne pas se rendre en Chine depuis la reprise des relations au début des années 1970) poursuit une politique de <a href="https://www.state.gov/the-administrations-approach-to-the-peoples-republic-of-china/">containment de la Chine</a>, pour freiner et contrer son influence toujours croissante. </p>
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<p>Comment, dans ce contexte, expliquer les échanges record enregistrés en 2022 ? </p>
<p>L'historien Niall Ferguson a montré dès 2008 dans son ouvrage <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/302900/the-ascent-of-money-by-niall-ferguson/"><em>The Ascent of Money</em></a> comment les Chinois (essentiellement les citadins) économisaient de l'argent qu'ils prêtaient aux Américains sous forme de bons du Trésor. Ces derniers étaient utilisés pour acheter les produits fabriqués en Chine. L'interdépendance n'a fait que croître avec le temps, y compris après la crise financière de 2008 d'une part, et la crise du Covid-19 d'autre part, malgré quelques réajustements <a href="https://hbr.org/2021/05/the-strategic-challenges-of-decoupling">(le fameux «découplage»)</a>. Rappelons que la Chine demeure le deuxième détenteur de la dette américaine.</p>
<p>L'interdépendance économique est devenue l'un des facteurs les plus déterminants de la relation sino-américaine. Elle s'étend progressivement à tous les domaines – industriel et financier, mais aussi stratégique. Le cas de Taïwan le montre bien : en cas de blocus du pays, les conséquences sur les chaînes d'approvisionnement <a href="https://rhg.com/research/taiwan-economic-disruptions/">auraient un impact sur le monde entier</a>. </p>
<h2>La contestation du modèle américain</h2>
<p>À y regarder de près, la relation sino-américaine est toujours plus sophistiquée, fruit de l'interdépendance que nous venons d'évoquer et d'une <a href="https://www.fbi.gov/investigate/counterintelligence/the-china-threat/chinese-talent-plans">connaissance réciproque sans cesse croissante</a>.</p>
<p>Structurellement, chaque pas de l'un est un test pour l'autre. <a href="https://foreignpolicy.com/2023/02/07/china-spy-balloon-us-national-security/">Ballon stratosphérique chinois</a> survolant le territoire étatsunien, affirmation de Blinken, depuis Pékin, que la <a href="https://kyivindependent.com/blinken-china-promises-not-to-send-weapons-to-russia/">Chine ne livrerait pas d'armes à la Russie en guerre contre l'Ukraine</a>, stations d'écoute chinoises <a href="https://www.ft.com/content/fe720f76-c07b-4308-a1cb-2e8710b2cbea">installées à Cuba</a>, <a href="https://carnegieendowment.org/2023/05/09/is-europe-aligned-on-china-pub-89710">relations avec l'UE</a>, notamment dans les arbitrages sur la 5G chinoise ou la dissociation géoéconomique vis-à-vis de la Chine, <a href="https://chinapower.csis.org/tracking-chinas-april-2023-military-exercises-around-taiwan/">incursions chinoises dans l'espace maritime et aérien de Taïwwan</a>, etc. Surtout, Pékin comme Washington observent de près les <a href="https://carnegieendowment.org/2019/01/16/relationship-under-extreme-duress-u.s.-china-relations-at-crossroads-pub-78159">fragilités et faiblesses de l'autre</a> : économie, chômage, déséquilibres sociaux.</p>
<p>D'un côté, l'administration américaine, polarisée par la guerre en Ukraine et en continu par les <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/02/U.S.-Indo-Pacific-Strategy.pdf">«affaires indopacifiques» et les complications du multilatéralisme</a>, doit <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/d%C3%A9cryptage/20230615-chine-etats-unis-le-d%C3%A9gel">faire des choix prioritaires</a> ; de l'autre, Pékin, malgré ses difficultés économiques et sociales, accorde dans sa diplomatie de plus en plus de place aux <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202206/t20220627_10710453.html">pays émergents et en développement</a>. </p>
<p>La contestation de la présence américaine en Asie-Pacifique s'est intensifiée dès les premières années du pouvoir de Xi Jinping, arrivé à la tête de la RPC en 2013. Côté américain, on a durant cette période créé ou intensifié des alliances an Indo-Pacifique, notamment à travers le <a href="https://www.jstor.org/stable/resrep35887">Quad et l'AUKUS</a>.</p>
<p>Au-delà de la région indopacifique, c'est le modèle américain en tant que tel qui fait l'objet d'une contestation élargie. Pékin est déterminé à <a href="https://asialyst.com/fr/2023/03/31/comment-chine-travaille-isoler-occident-reste-monde/">discréditer le modèle de démocratie libérale et, derrière, la puissance américaine</a>. Il s'agit, pour la RPC, de <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">modifier l'environnement international post-1945</a> (droit international, normes et standards, cognition au sens physiologique) pour le «siniser». </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/organisations-internationales-le-spectre-dune-hegemonie-chinoise-se-concretise-136706">Organisations internationales : le spectre d’une hégémonie chinoise se concrétise</a>
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<p>En somme, <a href="https://www.questionchine.net/shangri-la-2023-apres-l-echec-du-dialogue-blinken-tente-de-retablir-une-relation?artpage=2-2">derrière l'opposition entre les États-Unis et la Chine</a>, on assiste à une rivalité entre des modèles politiques et de gouvernance. La RPC poursuit une stratégie d'intoxication et d'usure à l'égard des États-Unis. On peut distinguer deux axes majeurs : <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">tisser une toile de relations asymétriques et de dépendances d'abord, puis, modifier l'environnement international post-1945</a> (droit international, normes et standards, cognition au sens physiologique) pour le «siniser» et le dominer. </p>
<h2>Impossible G2…</h2>
<p>Si dans les années 2000, <a href="https://www.brookings.edu/articles/the-united-states-and-china-a-g-2-in-the-making/">certains observateurs évoquaient une gouvernance mondiale future qui serait régie par un G2</a> sino-américain, les deux puissances incontestables «co-gérant» la planète, cette hypothèse est aujourd'hui battue en brèche par les velléités chinoises de <a href="https://www.lejdd.fr/international/le-g7-veut-se-proteger-de-toute-coercition-economique-chinoise-135925">domination et de coercition</a>.</p>
<p>La visite de Blinken a pu donner quelques très relatives avancées (surtout des points de discussion pour entretenir la relation entre les deux grands en dehors du cadre stricto stratégico-militaire), sur des sujets aussi variés que la <a href="https://time.com/6289049/blinken-us-china-climate-relationship/">coopération en matière de protection de l'environnement et le climat</a>, le trafic de <a href="https://www.lexpress.fr/monde/amerique/trafic-de-fentanyl-pourquoi-la-chine-est-pointee-du-doigt-par-les-etats-unis-X5NHRWLE25ERJFU6B6MISXOOJA/">Fentanyl</a> ou encore le sort de <a href="https://www.reuters.com/world/blinken-actively-talking-about-three-americans-detained-china-cbs-news-2023-06-20/">trois Américains emprisonnés en Chine</a>. Mais les blocages demeurent très nombreux, et majeurs : Pékin reste inflexible sur la question de Taïwan et <a href="https://www.scmp.com/news/china/military/article/3224794/why-china-still-refusing-resume-military-dialogue-us-despite-antony-blinkens-latest-appeal">refuse de rétablir un contact de haut niveau entre responsables militaires</a> chinois et américains. Sur ce dernier point, rappelons que le <a href="https://www.reuters.com/world/china/china-names-us-sanctioned-general-li-shangfu-defence-minister-2023-03-12/">général Li Shangfu, placé sur la liste des sanctions américaines</a>, a été récemment nommé ministre de la Défense…</p>
<p>La visite de quatre jours de la Secrétaire du Trésor, Janet Yellen, début juillet, <a href="https://www.scmp.com/economy/global-economy/article/3226972/us-china-economic-rivalry-not-winner-take-all-us-treasury-secretary-janet-yellen-says">n'a pas inversé la tendance</a>. Sa venue, dans un contexte de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/semi-conducteurs-yellen-se-dit-preoccupee-par-les-restrictions-de-pekin-20230707">fortes tensions, notamment sur les semi-conducteurs</a>, a surtout été l'occasion pour elle d'affirmer son souhait que les deux pays se livrent une <a href="https://www.letemps.ch/economie/a-pekin-janet-yellen-prone-une-concurrence-saine-entre-la-chine-et-les-etats-unis">«concurrence saine»</a>.</p>
<p>Remarquons également que Pékin semble dissocier de plus en plus la diplomatie publique du rôle majeur des <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3224380/my-hopes-are-american-people-chinas-xi-jinping-tells-old-friend-bill-gates">grandes firmes américaines (visites de Bill Gates, Elon Musk, etc.)</a>, perçues comme des acteurs importants des affaires internationales. La géoéconomie est un levier <a href="https://www.calmann-levy.fr/livre/le-commerce-et-la-force-9782702182307/">souvent employé par la diplomatie</a>. À ce stade, la rivalité sino-américaine est, moins qu'un affrontement classique (politico-militaire), un bras de fer où les deux parties cherchent à prendre l'ascendant <a href="https://www.uscc.gov/sites/default/files/2022-08/Bonnie_Glaser_Testimony.pdf">à travers le développement économique, l'innovation et la contestation du modèle politique de l'autre</a>.</p>
<p>Alors que l'OTAN va ouvrir un <a href="https://www.courrierinternational.com/article/defense-l-otan-va-ouvrir-a-tokyo-son-premier-bureau-de-liaison-en-asie">bureau de liaison au Japon</a>, le <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_50115.htm">sommet de Vilnius de l'Alliance (11 et 12 juillet)</a>, en écho du front ukrainien, montre qu'elle intègre de plus en plus l'éventualité de l'ouverture d'un front en Asie, – une perspective que Pékin et Washington redoutent, mais jugent l'un comme l'autre plausible…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208333/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les deux plus grandes puissances mondiales sont engagées dans un bras de fer géopolitique alors même qu'elles sont profondément interdépendantes sur le plan économique.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2028022023-04-20T14:04:01Z2023-04-20T14:04:01ZLes pays du BRICS veulent un nouvel ordre mondial. Sera-t-il multipolaire ou sino-américain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521953/original/file-20230419-16-htdkgk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva serre la main du président chinois Xi Jinping après une cérémonie de signature qui s'est tenue au Grand Hall du Peuple à Pékin, en Chine, le 14 avril 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/08/27/discours-du-president-de-la-republique-a-la-conference-des-ambassadeurs-1">discours d’ouverture de la conférence des ambassadeurs en août 2019</a>, le président français, Emmanuel Macron, a évoqué que « nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. » </p>
<p>Une hégémonie occidentale qui, selon lui, était vraisemblablement française au XVIII<sup>e</sup> siècle, par l’inspiration des Lumières, sans doute britannique au XIX<sup>e</sup> siècle grâce à la révolution industrielle, puis américaine au XX<sup>e</sup> siècle à la suite des deux guerres mondiales.</p>
<p>Mais avec l’émergence des pays du BRICS, acronyme regroupant le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, on assiste à une des plus importantes mutations des relations internationales depuis la révolution industrielle. Initialement créé en 2009 sous le nom de BRIC, un « S » a été ajouté en 2011 avec l’adhésion de l’Afrique du Sud.</p>
<p>La volonté affichée des pays du BRICS est de transformer la structure « occidentalo-centrée » de l’ordre économique mondial actuel vers un système international polycentrique ou multipolaire. </p>
<p>Sont-ils en train d’y parvenir ?</p>
<p>Senior fellow à la <a href="https://ferdi.fr/biographies/zakaria-sorgho">FERDI</a> et à <a href="https://acetforafrica.org/our-people/zakaria-sorgho/">ACET-Africa</a>, et chercheur associé au <a href="https://www.create.ulaval.ca/chercheurs/zakaria-sorgho">CREATE</a> à l’Université Laval, je m’intéresse à l’économie internationale et aux enjeux de développement. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521957/original/file-20230419-24-3bcl76.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les amis du BRICS : le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, à droite, inspecte une garde d’honneur avec le président chinois Xi Jinping lors d’une cérémonie de bienvenue tenue à l’extérieur du Grand Hall du Peuple à Pékin, Chine, le 14 avril 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Ken Ishii/Pool Photo via AP)</span></span>
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</figure>
<h2>Des pays en forte croissance</h2>
<p>Totalisant en 2022 une population de plus de 3,2 milliards d’individus, soit plus de quatre fois celle des sept pays du G7 (environ 773 millions d’habitants), le groupe des BRICS constitue un vaste marché économique.</p>
<p>Leur place dans l’économie mondiale n’a cessé de croître ces dernières décennies, au détriment de celle du G7. Ainsi, la part du produit intérieur brut (PIB) total des BRICS dans le PIB mondial, calculé en parité de pouvoir d’achat (PPA), a surpassé celle du G7 (31,02 % contre 30,95 %) et la tendance ne semble pas s’inverser. </p>
<p>Le PIB en PPA est l’indicateur approprié pour comparer des pays, car il tient compte du fait que la même quantité d’argent ne représente pas la même richesse dans des pays différents. Il élimine donc le différentiel des pouvoirs d’achat lié aux monnaies nationales, ce qui permet de comparer des pommes avec des pommes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521961/original/file-20230419-14-p2fsv6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<p>Ce résultat des pays du BRICS est particulièrement dû à la croissance économique soutenue des deux leaders asiatiques du groupe, la Chine et l’Inde, dont les parts individuelles dans le PIB (PPA) mondial sont passées respectivement de 3,29 % et 3,78 % en 1990 à 18,64 % et 7,23 % en 2022. On assiste sur la même période à un recul marqué de la contribution des deux leaders du G7 dans l’économie mondiale, les États-Unis passant de 20,38 % à 15,51 % et le Japon, de 8,56 % à 3,79 %. Les dernières prévisions de croissance économique du FMI pour la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2023/04/11/world-economic-outlook-april-2023">Chine et l’Inde en 2023 sont 5,2 % et 5,9 % respectivement, contre 1,6 % pour les États-Unis et 1,3 % pour le Japon</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521954/original/file-20230419-26-8r7yr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des milliers d’Indiens prennent un bain sacré à l’occasion du festival Ramnavi, le 30 mars 2023. L’Inde est en voie de devenir la nation la plus peuplée du monde, dépassant la Chine de 2,9 millions d’habitants d’ici à la mi-2023, avec 1 4286 milliard d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Manish Swarup)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Toutefois, les <a href="https://www.20minutes.fr/economie/4021526-20230201-croissance-dix-plus-grandes-economies-mondiales">États-Unis demeurent la première puissance économique</a>, avec un PIB de 25 billions de dollars en 2022, soit un peu plus du quart de l’économie mondiale. La Chine suit de près, avec un PIB de 18,3 billions de dollars, soit près de 20 % du total. </p>
<p>Par ailleurs, les pays du BRICS ont un niveau d’endettement en pourcentage de PIB et un ratio de dette publique par habitant beaucoup plus modérés en comparaison à ceux des pays du G7. En 2022, le montant moyen de la dette publique par habitant s’élevait à environ 72 303 $ dans les pays du G7, contre environ 5 950 $ dans les pays du BRICS.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521962/original/file-20230419-16-8j5a9e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le dollar américain mis au défi</h2>
<p>Depuis quelques années, nombreux pays et leurs multinationales, utilisant largement le dollar américain dans les transactions internationales, font face à l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extraterritorialit%C3%A9_du_droit_am%C3%A9ricain">extraterritorialité du droit américain</a>. </p>
<p>En effet, les États-Unis se servent de plus en plus du dollar comme une « arme » de diplomatie au gré de la politique étrangère de Washington. Ainsi, les États-Unis ont su globalement contraindre les autres États à respecter une loi votée en 2017 au Congrès américain <a href="https://www.dhs.gov/news/2021/02/11/countering-america-s-adversaries-through-sanctions-act-faqs">« Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act »</a>, qui renforce les sanctions déjà existantes contre l’Iran, la Corée du Nord et la Russie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521956/original/file-20230419-24-wg1vh0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les deux poids lourds du BRICS : le président russe Vladimir Poutine et son homologue chinois Xi Jinping portent un toast lors de leur dîner au Kremlin, à Moscou, le 21 mars 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pavel Byrkin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce « chantage » du dollar exaspère des pays, notamment ceux des BRICS, et les incite à mettre en œuvre des alternatives pour assurer leurs transactions commerciales hors du contrôle de Washington. Jusqu’à maintenant, malgré les fluctuations des taux de change, la place du dollar américain contre les autres monnaies de réserve est demeurée passablement stable, selon le FMI. </p>
<p>Toutefois, toujours selon le FMI, la <a href="https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2021/05/05/blog-us-dollar-share-of-global-foreign-exchange-reserves-drops-to-25-year-low">part du dollar américain dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales a chuté de 71 % en 1999 à 59 % en mai 2021, son plus bas niveau depuis 25 ans</a>, au profit d’autres devises telles que l’euro, le rouble, le yuan (ou Renminbi) ou même l’or. En décembre 2022, le billet vert a encore perdu un point de pourcentage pour s’établir à 58 % dans les avoirs officiels des banques centrales mondiales. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521963/original/file-20230419-14-i3uq23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
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<h2>Le yuan, la prochaine monnaie commune du BRICS ?</h2>
<p>La <a href="https://rightsindevelopment.org/notre-travail/la-nouvelle-banque-de-developpement-des-bric/?lang=fr">Nouvelle banque de développement (NBD) du groupe des BRICS</a>, basée à Shanghai, et inaugurée en 2015, vise à mettre fin à l’hégémonie de la devise américaine dans leurs transactions internationales. </p>
<p>Sa mission est de financer les infrastructures et le développement durable dans les marchés émergents et les pays en développement. Elle se veut une alternative au système de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), plus orientée vers les pays en développement. La volonté des membres fondateurs de la NBD est de créer une monnaie commune.</p>
<p>Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2022-06-29/guerre-en-ukraine/etats-unis-et-allies-ont-gele-330-milliards-de-dollars-russes-depuis-le-debut-du-conflit.php">plusieurs centaines de milliards de dollars</a> d’avoirs de la banque centrale russe ont été gelés par les États-Unis et leurs alliés occidentaux. Cette sanction sans précédent contre Moscou envoie un signal fort à certains dirigeants (qui seraient tentés de mal se comporter) sur les possibilités d’action de l’Occident.</p>
<p>Cela a apporté un argument aux pays du BRICS dans leur diplomatie contre l’ordre économique actuel. Depuis, plusieurs pays ont décidé d’effectuer leurs échanges commerciaux sous autres monnaies que le dollar américain, essentiellement le yuan. </p>
<p>Dans ce contexte, la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/04/15/la-visite-de-lula-en-chine-illustre-les-ambitions-et-les-limites-des-brics_6169645_3210.html">visite du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva en Chine le 14 avril</a> n’est pas passée inaperçue. Il s’est dit prêt à augmenter ses échanges avec la Chine réalisés désormais en yuan.</p>
<p>Outre le Brésil, la Chine a aussi conclu des ententes commerciales avec le Venezuela, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-la-chine-et-l-iran-annoncent-un-partenariat-strategique-global">l’Iran</a>, l’Inde et la Russie, lui permettant d’utiliser le yuan (à la place du dollar) dans ses transactions avec ces pays. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1940243/petrole-chine-arabie-saoudite-cooperation-golfe">Le président Xi Jinping a aussi participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG)</a>, soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. La Chine souhaite une entente avec les pays du CCG pour régler en yuan ses importations de pétrole et du gaz. Ce qui affaiblirait davantage le dollar américain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=320&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521955/original/file-20230419-16-qacnzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=402&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Xi Jinping a participé en décembre à un sommet avec les six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar et Oman. On le voit, sur cette photo prise le 9 décembre 2022, avec des dirigeants des pays du Golfe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Xie Huanchi/Xinhua via AP)</span></span>
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<p>Le projet des pays du BRICS est né de frustrations et d’exaspérations face à l’imposition d’un ordre international très occidentalo-centré du monde. Dans leur <a href="http://www.brics.utoronto.ca/docs/090616-leaders.html">déclaration commune du 16 juin 2009</a>, les dirigeants des BRICS souhaitent « un ordre mondial multipolaire plus démocratique et plus juste, fondé sur l’application du droit international, l’égalité, le respect mutuel, la coopération, l’action coordonnée et la prise de décision collective de tous les États ». </p>
<p>Cet idéal fédérateur des BRICS pourrait être mis à mal par des ambitions potentielles de Pékin de partager le leadership mondial avec Washington. L’Inde et la Russie n’appuieront pas une domination bicéphale sino-américaine du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202802/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Zakaria Sorgho est Senior fellow à ACET-Africa (Ghana) et du FERDI (France). </span></em></p>Les pays du BRICS souhaitent un ordre mondial multipolaire. Mais cet idéal pourrait être compromis si Pékin décide de partager le leadership mondial avec Washington.Zakaria Sorgho, Senior fellow at FERDI & ACET-Africa, and Research associate at CREATE, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2019802023-03-19T16:17:55Z2023-03-19T16:17:55ZMacron à Pékin : les Européens peuvent-ils freiner le rapprochement sino-russe ?<p>Essayer d’enfoncer un coin entre Chine et Russie à propos de l’Ukraine : tel est <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/emmanuel-macron-en-chine-le-president-francais-recu-par-le-president-chinois-xi-jinping-a-pekin-8821f3ba-d44d-11ed-b507-c1be895331af">l’objectif avoué du président français</a> pour sa visite d’État de trois jours en République populaire de Chine.</p>
<p>En effet, Emmanuel Macron, venu en compagnie de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, effectue ce déplacement à un moment critique du point de vue du positionnement stratégique de la Chine. D’un côté, le président Xi Jinping a multiplié les signes de rapprochement stratégique avec Vladimir Poutine : <a href="https://www.lexpress.fr/monde/asie/visite-de-xi-jinping-a-moscou-attention-danger-3M45Q3F7IZBIPFRMDJLB2MHBZY/">sa visite d’État à Moscou</a>, les 21-22 mars derniers peu après l’annonce de <a href="https://theconversation.com/mandat-darret-de-la-cpi-contre-vladimir-poutine-une-victoire-pour-la-justice-internationale-202536">l’émission d’un mandat d’arrêt à l’encontre de son hôte par la Cour pénale internationale</a>, a marqué les esprits ; son <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-ce-que-contient-vraiment-le-plan-de-paix-chinois-20230321">« plan de paix » pour l’Ukraine</a> est apparu comme une caution apportée à l’agenda sécuritaire russe ; et le développement des échanges commerciaux avec une <a href="https://theconversation.com/leconomie-russe-dans-la-guerre-pas-deffondrement-mais-une-erosion-notable-200101">Russie sous le coup de sanctions internationales multiformes</a> constitue une alliance objective avec l’économie russe.</p>
<p>Toutefois, Pékin hésite à se solidariser complètement avec le Kremlin : la Chine n’a pas reconnu les <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-en-ukraine-quand-la-force-tord-le-bras-au-droit-192125">annexions russes en Ukraine</a> ; elle se refuse pour le moment à livrer des armements à la Russie ; et elle évoque toujours la possibilité de <a href="https://www.dhnet.be/actu/monde/2023/04/06/guerre-en-ukaine-xi-jinping-sest-dit-pret-a-appeler-zelensky-IWBC2UQE4JCNZFJQQEUABDP26A/">mener des discussions avec les autorités de Kiev</a>.</p>
<p>Pour la diplomatie européenne en général et la diplomatie française en particulier, il est essentiel de jouer des fissures que l’on peut deviner entre Moscou et Pékin. À l’heure où les Français redoutent un soutien chinois plus marqué à l’effort de guerre russe et au moment où ils espèrent associer les autorités chinoises à une médiation, il est essentiel de mesurer les solidarités véritables et les dissensus réels au sein du « bloc » russo-chinois.</p>
<h2>Contre la relation transatlantique, un axe eurasiatique</h2>
<p>Le soutien de la RPC à la Russie est loin d’être conjoncturel. Les deux pays n’ont cessé de développer leurs échanges et leurs coopérations au cours deux dernières décennies. Après avoir, en 1994, <a href="https://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/le-developpement-des-relations-frontalieres-entre-la-chine-et-la-russie">résolu leurs différends frontaliers</a> issus de la période soviétique, ils ont conclu, dès 2001, un <a href="https://www.liberation.fr/planete/2001/07/17/signature-d-un-pacte-sino-russe-a-moscou_371731/">partenariat stratégique bilatéral</a> qui s’est matérialisé sur plusieurs plans.</p>
<p>Les échanges commerciaux ont crû de façon régulière malgré les crises économiques (2008, 2014, 2021). Ils ont même atteint en 2022 le niveau de <a href="https://asialyst.com/fr/2023/02/25/russie-pivot-asie-accelere/">190 milliards de dollars</a>, un record, et une augmentation de 30 % par rapport à 2021.</p>
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<p>La RPC est devenue dès 2010 le deuxième partenaire commercial de la Russie, derrière l’Union européenne dans son ensemble, mais devant tous les pays de l’UE pris individuellement. Fourniture d’énergie, de minerais et de matériel de défense côté russe, exportation de machines-outils, de produits pharmaceutiques et de composants électroniques côté chinois : les complémentarités se sont rapidement renforcées par <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/en-russie-la-relance-du-marche-des-changes-privilegie-le-yuan-pour-se-dedollariser-947988.html">l’instauration d’échanges financiers en roubles et yuans</a> et d’une <a href="https://www.cairn.info/economies-du-sud-toujours-conditions-neoliberales--9791039900591-page-135.htm">banque de développement</a> au sein des BRICS.</p>
<p>Le gazoduc <a href="https://www.iris-france.org/142837-%E2%80%89force-de-siberie%E2%80%89-vers-une-domination-gaziere-russe%E2%80%89/">Force de Sibérie</a>, lancé en 2014 et inauguré en 2019, relie la Sibérie au nord-est de la Chine. Elle sera bientôt renforcée par <a href="https://www.lexpress.fr/monde/force-de-siberie-2-comment-la-russie-entend-vendre-encore-plus-de-gaz-a-la-chine_2180804.html">Force de Sibérie 2</a>. Ces infrastructures donnent à la Russie un débouché alternatif à l’UE, engagée dans une stratégie de sevrage des hydrocarbures russes. Elles offrent également à la RPC un fournisseur d’énergie à bas prix au moment où les États-Unis ont repris une position de leader sur les marchés mondiaux de l’énergie.</p>
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<p>Ce partenariat est largement cimenté par la contestation de l’Occident sur la scène internationale. Bien avant l’arrivée de Xi Jiping au pouvoir en 2013 et avant la rupture de la Russie avec l’Occident en 2014, les deux anciens empires remettaient déjà en cause l’action internationale des États-Unis en particulier et des Occidentaux en général : au Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) comme partout dans le monde, les diplomaties chinoises et russes se sont mutuellement épaulées pour critiquer les interventions de l’OTAN à l’étranger (Serbie, Afghanistan), pour contester les régimes démocratiques libéraux et pour dénoncer les « doubles standards » d’un Occident qui violerait les règles qu’il entend imposer aux autres acteurs internationaux.</p>
<p>Au CSNU, le <a href="https://research.un.org/fr/docs/sc/quick">droit de veto a été abondamment utilisé</a> par la Russie (29 fois) et par la RPC (15 fois) depuis 1991 pour contrer les condamnations occidentales sur l’Ukraine, Taïwan, le Xinjiang, etc. On constate donc une « alliance défensive objective » entre puissances nucléaires membres permanents du CSNU.</p>
<p>Cet attelage anti-occidental se double d’une certaine coopération à l’échelle eurasiatique : conjointement créatrices de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) en 2001, Russie et Chine ont cherché à instaurer une véritable hégémonie conjointe en Eurasie pour lutter contre le terrorisme, le séparatisme et le crime organisé dans la région. Mais aussi pour <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LOrganisation-cooperation-Shanghai-outil-lutte-russo-chinoise-contre-limperialisme-americain-2022-09-15-1201233394">contrer l’influence des États-Unis</a> dans la région suite aux guerres d’Irak et d’Afghanistan. L’OCS rapproche lors d’exercices militaires réguliers dans toutes les dimensions (air, terre, mer, cyber) les deux puissances militaires et leurs alliés. Le soutien chinois à la Russie s’était signalé en septembre dernier par la participation de la RPC à l’exercice Vostok 2022 en Extrême-Orient.</p>
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<p>La visite de XI Jinping à Moscou confirme que la RPC est un « foul weather friend » de la Russie, autrement dit un allié même par temps de crise : en Eurasie et à l’ONU, sur le plan économique et dans les domaines militaires, le partenariat stratégique sino-russe est réel et prétend porter une vision du monde alternative (et hostile) à celle de l’Occident. De façon plus concrète, la RPC soutient discrètement l’invasion russe en refusant d’adopter des sanctions, en alimentant le complexe militaro-industriel russe et en <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/02/21/le-plan-de-paix-chinois-pour-la-guerre-russo-ukrainienne/">proposant récemment un plan de paix russo-ukrainien</a> qui met l’accent sur les garanties de sécurité pour la Russie.</p>
<h2>De la méfiance aux rivalités</h2>
<p>Européens et Américains doivent-ils donc se préparer à contrer un bloc des régimes autoritaires dont la Chine et la Russie seraient les chefs de file, avec l’Iran, la Syrie, la Corée du Nord, la Syrie ou encore les régimes d’Asie centrale ? Le risque géopolitique d’une « désoccidentalisation » du monde est réel. Mais il doit être nuancé.</p>
<p>Entre Moscou et Pékin, les sources de défiance sont réelles. La Russie redoute depuis longtemps le poids économique, démographique et militaire de la Chine, en particulier <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/face-au-trop-plein-chinois-le-grand-vide-de-la-siberie-9889570.php">dans son propre Extrême-Orient dépeuplé</a> et sous-développé. En matière de population et de PIB, le rapport est structurellement de 1 à 10 en faveur de la RPC. La tenue d’un sommet de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) à Vladivostok en 2012 répond à la volonté de Moscou de ne pas être rétrogradé au rang de faire-valoir ou de brillant second de la Chine. Et la <a href="https://www.bruxelles2.eu/2020/04/la-strategie-de-la-russie-en-arctique-une-remilitarisation-qui-coute-cher/">remilitarisation de l’Arctique par la Russie</a> a pour but de réaffirmer sa maîtrise d’une route maritime où <a href="https://theconversation.com/la-chine-a-la-conquete-des-poles-142342">Pékin affirme ses ambitions</a>, brise-glace à l’appui.</p>
<p>Quant à la Chine, elle observe une réserve évidente et constante vis-à-vis des aventures expansionnistes de la Russie : elle n’a pas reconnu l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie après la guerre russo-géorgienne de 2008. De même qu’elle n’a pas reconnu <a href="https://theconversation.com/annexions-russes-en-ukraine-la-victoire-potemkine-de-vladimir-poutine-191709">l’annexion des quatre provinces ukrainiennes prises par la Russie en septembre 2022</a>. Et son plan de paix pour l’Ukraine a pour premier point le respect de l’intégrité territoriale du pays – sans préciser si cela signifie que la Chine souhaite que la Russie abandonne le Donbass et la Crimée. Bref, sur les questions existentielles de la géopolitique russe, la RPC laisse planer l’ambiguïté, entre soutien et médiation. Le bloc présente des signes évidents d’effritement.</p>
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<p>Les rivalités entre Chine et Russie sont même ouvertes en Asie centrale, en Asie du Sud et en Afrique. De nombreuses fissures apparaissent, comme à l’époque soviétique, dès qu’il s’agit d’hégémonie régionale. Les cinq États d’Asie centrale anciennement Républiques socialistes soviétiques sont l’objet d’une rivalité presque séculaire entre les deux anciens empires. D’un côté, la Russie a nourri son influence sur place par le biais d’organisations régionales qui excluent la Chine : <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-que-lotsc-organisation-du-traite-de-securite-collective-212372">l’Organisation du Traité de Sécurité collective</a> (OTSC – 2002) sert de cadre à la coopération sécuritaire et militaire entre le « grand frère » russe et certaines de ses anciennes dépendances (hors Ouzbékistan) ; la <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/quest-ce-que-la-communaute-des-etats-independants-cei-et-a-quoi-sert-elle-212334">Communauté des États Indépendants</a> (CEI) et <a href="https://www.cairn.info/ramses-2022%E2%80%939782100822102-page-160.htm">l’Union économique eurasiatique (UEE)</a> donnent des cadres géographiquement et institutionnellement variables pour contrer le dynamisme chinois dans la zone.</p>
<p>Les « nouvelles routes de la soie » (OBOR puis BRI) lancées en 2013 étaient précisément destinées à secouer et contourner l’hégémonie russe : les investissements et les prêts massifs, la construction d’infrastructures ferroviaires et logistiques ainsi que <a href="https://novastan.org/fr/tadjikistan/une-base-militaire-chinoise-secrete-trouvee-au-tadjikistan/">l’installation d’une base militaire chinoise au Tadjikistan</a> ont suscité des craintes très fortes à Moscou. Le partenaire stratégique chinois cherche en effet délibérément à marginaliser la Russie dans la région.</p>
<p>Le dynamisme russe en Afrique (Centrafrique, Mali, Burkina Faso, etc.) et en Asie du Sud (Inde, Vietnam) ne doit pas être réduit à la contestation de l’Occident (et de la France) sur des fronts extra-européens. Il doit aussi être compris comme une volonté de peser dans le rapport de force bilatéral sino-russe.</p>
<p>Ainsi, c’est avant tout pour gêner la Chine que la Russie a milité en faveur de <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/474263/asie-quel-impact-aura-l-adhesion-de-l-inde-et-du-pakistan-a-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai">l’adhésion de l’Inde à l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS)</a>, qui s’est produite en 2016. Pour éviter d’être affaiblie, la RPC a répliqué en demandant l’adhésion de son allié pakistanais en même temps dans l’OCS. Intégrer l’Inde à l’OCS, c’est inviter le grand rival systémique de Pékin au sein d’une structure où la Chine risquait de dominer la Russie. Et, sur le plan bilatéral, <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/inde/l-inde-developpe-ses-relations-commerciales-avec-la-russie-malgre-la-guerre-en-ukraine-9584b8e2-efb7-11ec-a133-f9eee55ea51f">Moscou a développé depuis longtemps ses échanges avec Delhi</a> en matière de défense, de nucléaire et d’énergie, précisément pour ne pas dépendre uniquement de Pékin dans sa confrontation avec l’Occident. En un mot, pour Vladimir Poutine, le soutien de Xi Jinping est bienvenu, mais pourrait être gênant s’il était exclusif.</p>
<h2>Le dilemme européen</h2>
<p>La visite de Xi Jinping à Moscou rappelle à l’Occident un risque géopolitique structurant : depuis deux décennies, les deux grandes puissances nucléaires et technologiques eurasiatiques ont convergé sur tous les plans pour contester ouvertement sa vision du commerce mondial, des relations internationales ainsi que des structures dédiées à la sécurité globale et régionale.</p>
<p>Le défi est de taille, en particulier pour les Européens qui voisinent depuis toujours avec la Russie et commercent depuis longtemps avec la Chine. Mais le véritable défi est-il de les traiter comme un bloc idéologiquement homogène dans une logique de confrontation ? Ou bien n’est-il pas plutôt, comme cherche à le faire Emmanuel Macron lors de son déplacement à Pékin, de jouer des rivalités internes pour désolidariser ces puissances eurasiatiques en compétition ouverte dans au moins trois zones ? </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Russie et la Chine coopèrent étroitement et s’opposent souvent ensemble à l’Occident. Ces deux puissances ne constituent pas, pour autant, un bloc soudé face aux États-Unis et à l’UE.Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2012662023-03-15T19:58:08Z2023-03-15T19:58:08ZChine–États-Unis : gare à la fascination pour le « piège de Thucydide » !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515518/original/file-20230315-275-92kz7q.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1791%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’aigle et le dragon sont-ils voués à s’affronter ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/eagle-vs-dragon-vector-illustration-economic-1471807013">Farosofa/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Dans <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/l-autre-guerre-froide/">« L’autre Guerre Froide »</a>, qui vient de paraître aux éditions du CNRS, l’historien Pierre Grosser fait le bilan de la rivalité opposant les deux grandes puissances du XXI<sup>e</sup> siècle. Entre ambition de devenir la première puissance de la planète du côté chinois et crainte de perdre le monopole du leadership mondial du côté américain, un conflit armé est un scénario crédible selon la fameuse théorie du <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2017/10/ZAJEC/57980">« piège de Thucydide »</a>, que l’auteur analyse dans l’extrait que nous vous présentons aujourd’hui.</em></p>
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<p>Dans l’histoire, l’ascension rapide d’une nouvelle puissance, soucieuse d’abord d’avoir « une place au soleil », puis de changer les règles du jeu pour qu’elles soient plus à son avantage, inquiéterait toujours la puissance la mieux installée, qui elle-même connaît un déclin relatif. Cela provoquerait nécessairement des guerres. Aujourd’hui, les États-Unis seraient confrontés au dilemme d’accepter ou non les changements tectoniques de la hiérarchie des puissances, et donc la domination qui en résulte de la Chine en Asie, ou de choisir la guerre pour la limiter, avec le risque de s’affaiblir eux-mêmes et de faciliter ce qu’ils voulaient prévenir, une transition vers la domination chinoise.</p>
<p>Cette thèse a été popularisée par un vétéran de la science politique, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/vers-la-guerre_9782738147028.php">Graham Allison</a>, sous le terme de « piège de Thucydide », afin d’avoir un vernis d’humanités, une prétention scientifique, et des citations au rabais (comme pour la « fin de l’histoire » ou le « choc des civilisations », qui sont aussi accusées de devenir des prophéties auto-réalisatrices).</p>
<p>La comparaison avec 1914, qui est développée dans l’ouvrage, ne tient pas, tout simplement parce que la Première Guerre mondiale n’a pas été causée par la rivalité entre Berlin et Londres (je le montre plus en détail dans <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01064752/document">l’étude de l’IRSEM</a> La course aux armements navals avait été gagnée par les Britanniques dès 1912, et comptait moins que la course aux armements terrestres de l’Allemagne avec la France et la Russie. Les ennemis traditionnels de l’Allemagne étaient ces deux pays, qui étaient aussi, dans l’Empire, ceux des Britanniques, ce qui rendait possible un renversement des alliances.</p>
<p>Aujourd’hui, il faut tenir compte des tensions sino-indiennes et sino-japonaises, ces dernières étant parfois aussi comparées aux relations anglo-allemandes d’avant 1914. La proximité culturelle (et dynastique) anglo-allemande était bien plus forte qu’entre les États-Unis et la Chine. Celle-ci ne sort pas de guerres d’unification qui en auraient fait, comme l’Allemagne, un modèle militaire pour les états-majors du monde entier.</p>
<p>Non seulement la Première Guerre mondiale n’est pas due principalement à cette ascension rapide d’une nouvelle puissance, mais l’histoire regorge d’exemples où ces changements de rapports de puissance <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01402390.2018.1558056?journalCode=fjss20">ne provoquent pas de guerre</a>.</p>
<p>Ainsi, il n’y a pas eu de guerre entre les États-Unis et le Royaume-Uni, lorsque les premiers ont concurrencé le second dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. La Chine aime à rappeler cette réalité, et à se comparer aux États-Unis. Une puissance qui devient la plus riche du monde souhaiterait naturellement se réserver une sphère d’influence privilégiée, voire exclusive, en prétendant la libérer d’intrus impérialistes (les puissances européennes pour l’Amérique dans la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, les États-Unis pour l’Asie deux siècles plus tard), devenir une puissance navale pour protéger son commerce et ses intérêts, devenir une puissance diplomatique et culturelle. La Chine parviendrait même à être à la fois une puissance terrestre et une puissance navale, ce que n’ont pas réussi la France, l’Allemagne et la Russie – ni la Chine à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. La Chine de Xi Jinping connaîtrait sa « phase Theodore Roosevelt », lorsque les <a href="https://www.pur-editions.fr/product/8409/theodore-roosevelt-et-l-amerique-imperiale">États-Unis sont devenus vraiment nationalistes et impérialistes</a>, puissance industrielle et navale, avec la prétention d’être le nouveau centre du monde.</p>
<p>Malgré les inquiétudes que la Chine suscite, sa volonté de créer des bases à l’étranger et de s’assurer des points d’appui portuaires, serait « naturelle ». De même que son souci d’assurer la sécurité de ses routes d’approvisionnement de matières premières et de ses ressortissants, en déployant des policiers chinois là où les communautés chinoises sont menacées, et en ayant les capacités militaires <a href="https://www.iiss.org/publications/adelphi/2015/chinas-strong-arm-protecting-citizens-and-assets-abroad">d’intervenir pour les protéger ou les évacuer</a>.</p>
<p>L’agitation de 2022 autour d’un <a href="https://www.geo.fr/geopolitique/les-iles-salomon-sur-la-ligne-de-front-entre-la-chine-et-les-etats-unis-209057">accord de la Chine avec les îles Solomon</a> fait suite à nombre de focalisations sur des lieux (du Cambodge au golfe de Guinée ou en Namibie, en passant par les Émirats arabes unis), que convoiterait Pékin.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-cambodge-une-base-militaire-comme-outil-dinfluence-pour-pekin-196165">Au Cambodge, une base militaire comme outil d’influence pour Pékin</a>
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<p>Les dépenses militaires de la Chine augmenteraient mécaniquement avec l’augmentation du PNB, sans qu’il y ait volonté militariste. Enfin, la Chine entrerait dans une nouvelle étape, déjà parcourue par les grandes puissances précédentes, en cherchant à internationaliser sa monnaie et aussi son droit. Au-delà des simples comparaisons de PNB, elle a déjà un <a href="https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/la-chine-un-geant-a-la-conquete-du-monde-1257626">pouvoir de marché</a> (grâce à sa population nombreuse à niveau de vie croissant), elle est centrale dans les chaînes de valeur et surtout la construction navale (45 % de la production mondiale) et le transport maritime, et pèse dans l’établissement de normes technologiques. Les actions internationales de la Chine n’auraient donc rien à voir avec l’idéologie du régime, mais seraient le simple produit de « lois » de la géopolitique.</p>
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<p>De plus, le piège de Thucydide ne concernerait pas la Chine, car celle-ci ne serait pas une puissance guerrière (Xi Jinping dit que <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2021/0701/c31354-9867516.html">ce n’est pas « dans son ADN »</a>). Elle est le seul membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies, depuis la fin de la guerre froide, à <a href="https://www.cairn.info/demain-la-chine-guerre-ou-paix--9782072951619-page-73.htm">ne pas avoir utilisé la force militaire</a> et déployé ses soldats pour des guerres à l’étranger. Elle ne serait pas une puissance révisionniste, alors même que les États-Unis en sont une en s’en prenant, par ses interventions « humanitaires », à l’ordre international d’États souverains codifié en 1945.</p>
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<p>Pékin appelle les États-Unis à « maintenir le système international avec l’ONU en son cœur et le droit international comme fondement ». La Chine n’essaierait pas de constituer une alliance anti-occidentale avec les pays hostiles à la domination américaine (malgré la formalisation de groupes d’amis aux Nations unies), ni à entraîner des rebelles anti-impérialistes à travers le monde comme dans les années 1960 et 1970, <a href="https://www.fulcrum.org/concern/monographs/pv63g2033">ni à briser les alliances américaines, ni à promouvoir un ordre alternatif</a>. Non seulement elle ne minerait pas l’ordre international mais paye de plus en plus pour lui, par ses contributions au système onusien (notamment les Opérations de Maintien de la Paix).
En réalité, c’est le mélange d’optimisme et de pessimisme de la puissance montante qui a été une des causes de la Première Guerre mondiale, et pourrait être celle d’une guerre sino-américaine.</p>
<p>La <em>Weltpolitik</em> allemande était dans une impasse à partir de la fin des années 1900, car elle provoquait des réactions des grandes puissances concurrentes. Berlin se sentait donc empêchée d’obtenir sa « place au soleil », tout en prétendant avoir le meilleur système politique, la meilleure culture, le plus grand dynamisme industriel et commercial. C’est la remontée en puissance rapide de la Russie, après <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/geopolitique-et-strategie/histoire-du-monde-se-fait-en-asie_9782738148773.php">sa défaite de 1905 contre le Japon</a>, et donc le renforcement de la tenaille franco-russe qui poussa Berlin à une guerre quasi préventive, en profitant de la crise de l’été 1914.</p>
<p>La Chine aujourd’hui est persuadée de devoir retrouver sa place au Centre et au sommet qui lui serait historiquement due, mais elle subit le retour de bâton de pays petits et grands qui ne goûtent guère son arrogance, les efforts des puissances concurrentes pour ne pas lui laisser le champ libre, tandis que le crises internes de certains « clients » sont attribués à un endettement excessif à l’égard de la Chine (Sri Laka, Laos…). Les observateurs qui s’inquiétaient de l’offensive de charme chinoise dans les années 2000 se frottent les mains en constatant, avec une certaine exagération, la <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinas-poor-global-image-is-undermining-its-strategic-goals/">dégradation de l’image de la Chine</a> dans le monde depuis la fin des années 2010, à cause de son agressivité verbale et de ses pratiques coercitives.</p>
<p>La question du triomphalisme excessif de la Chine menant à une sorte de <a href="https://academic.oup.com/ia/article-abstract/94/5/1019/5092108">« surexpansion impériale »</a> est discutée depuis plusieurs années en Chine. La comparaison avec l’Allemagne est même prolongée, en regrettant que la <a href="https://www.jstor.org/stable/10.7312/iken12590.7">Chine ait abandonné une politique néo-bismarckienne</a>, de multiplication de partenariats de toutes sortes, destinée à rassurer les voisins tout en dominant le système, et à tempérer les ardeurs des États-Unis (comme de la France pour le chancelier allemand). Xi Jinping aurait eu tort de jouer à Guillaume II, dans une politique régionale et mondiale assertive, de coups diplomatiques, de faits accomplis et de guerre juridique en mer de Chine du Sud, qui auraient rendu la Chine impopulaire, parfois isolée, et en conséquence plus agressive.</p>
<p>Même le Singapourien Kishore Mahbubani, chantre du triomphe de la Chine sur un Occident déclinant, <a href="https://www.fnac.com/livre-numerique/a13730571/Kishore-Mahbubani-Has-China-Won">déplore que celle-ci n’ait pas réussi à garder davantage d’« amis » aux États-Unis</a> pour empêcher le tournant consensuel pour une politique de confrontation. Au XX<sup>e</sup>, l’Allemagne s’est avérée trop grosse pour les équilibres européens mais trop faible pour dominer l’Europe : la Chine serait trop puissante pour les équilibres asiatiques, et même mondiaux, mais ses prétentions de domination seraient vaines et contreproductives.</p>
<p>La volonté croissante de Xi d’utiliser la coercition pour atteindre les objectifs de la Chine, ainsi que la rhétorique de plus en plus agressive, pourraient même être la preuve que Pékin a conscience qu’il sera difficile de dépasser pacifiquement les États-Unis dans le long sprint à la puissance. Les condensés de pessimisme dans la marmite d’optimisme seraient dangereux, car <a href="https://www.aei.org/research-products/book/danger-zone-the-coming-conflict-with-china/">pousseraient à prendre plus de risques, à cause d’une paranoïa et d’une impatience accrues</a>. Le célèbre stratège Edward Luttwak parle même d’<a href="https://www.orfonline.org/research/understanding-the-rationale-for-toxic-decision-making-within-the-army-52826/">« autisme de grande puissance »</a>, qui serait une loi de l’histoire : le PCC, particulièrement ethnocentrique et plein de morgue, ne pourrait ou ne voudrait abandonner des politiques contreproductives et autodestructrices, malgré tous les signaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514725/original/file-20230310-18-5a1hho.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ce texte est issu de « L’autre Guerre froide », paru en mars 2023 aux éditions du CNRS. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions du CNRS</span></span>
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<p>La question est donc de savoir si Pékin choisira une sorte de fuite en avant à court terme, ou bien de rassurer les puissances qu’elle inquiète et consolidera ses fondamentaux pour reprendre sa marche en avant. Les nominations récentes sont regardées avec attention. Pour certains observateurs, Xi promeut une nouvelle génération de diplomates prêts à la compétition avec l’Occident et à l’utilisation de la coercition, favorable à l’axe sino-russe et à un leadership chinois sur le monde non-occidental, et déterminés à défendre le modèle politique chinois ; d’autres au contraire estiment que ce sont des <a href="https://thediplomat.com/2022/07/chinas-wolf-warrior-diplomacy-is-fading/">diplomates plus modérés</a> qui sont mis en avant, pour calmer les inquiétudes des pays d’accueil. Mais comment revenir en arrière lorsque, pour des raisons avant tout domestiques, Xi Jinping aurait abandonné la montée en puissance pacifique de la Chine, et <a href="https://www.amazon.com/Overreach-China-Derailed-Peaceful-Rise/dp/0190068515">serait allé trop loin dans la projection de puissance</a> et l’agressivité verbale, provoquant une sur-réaction des États-Unis, de leurs alliés, et certains pays du Sud ? Cette sur-réaction à son tour rendrait impossible tout retour en arrière, voire faciliterait une fuite en avant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Grosser ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les points de tension se multiplient entre Pékin et Washington, la transition vers un leadership chinois passera-t-elle forcément par un affrontement militaire avec les États-Unis ?Pierre Grosser, Professeur de relations internationales, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1986272023-03-12T17:13:10Z2023-03-12T17:13:10ZXi Jinping, après dix ans de pouvoir : un avenir incertain<p>Il y a dix ans, le 14 mars 2013, <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/03/14/xi-jinping-l-homme-du-reve-chinois-elu-nouveau-president-de-chine-populaire_1847515_3216.html">Xi Jinping accédait à la présidence de la République populaire de Chine</a> , en étant élu par les quelque 3 000 membres de l’Assemblée nationale populaire. Il y a cinq ans, le 17 mars 2018, il était <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/03/17/xi-jinping-reelu-a-l-unanimite-pour-un-nouveau-mandat-de-5-ans-en-chine_5272345_3216.html">reconduit à ce poste</a>, peu après avoir fait adopter un amendement supprimant toute limitation à son nombre de mandats. Il a en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/05/xi-jinping-cherche-a-renforcer-davantage-son-pouvoir-lors-de-la-session-du-parlement-chinois_6164232_3210.html">obtenu un troisième</a> lors des <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/05/14/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-1-un-regime-mutant/">« deux Assemblées »</a> (Assemblée nationale populaire et Conférence consultative du peuple chinois) de mars 2023. À cette occasion, il a nommé ou confirmé des responsables qui lui sont acquis aux postes clés de l’État.</p>
<p>Au cours de ses dix années au pouvoir, Xi Jinping, <a href="https://www.boutique-dalloz.fr/les-mots-de-xi-jinping-p.html">trois fois chef</a> (du Parti, de l’État et de l’Armée), aura dans tous les domaines renforcé son pouvoir personnel et celui du Parti. Toutefois, le président se trouve actuellement <a href="https://theconversation.com/20-congres-du-pcc-un-xi-jinping-plus-puissant-que-jamais-a-la-tete-dune-chine-fragilisee-193583">confronté à une situation particulièrement difficile</a> : trois années de pandémie, qui ont entraîné des <a href="https://theconversation.com/chine-du-confinement-a-la-rebellion-195580">manifestations inédites depuis Tian’anmen</a> et une dégradation de l’économie, les tensions accrues avec Taïwan et les <a href="https://theconversation.com/lattentisme-de-pekin-face-a-linvasion-de-lukraine-par-la-russie-178050">contrecoups de la guerre en Ukraine</a> auront des conséquences profondes.</p>
<p>Derrière l’affichage de la force se cachent des fragilités (structurelles et conjoncturelles) que le régime a toujours plus de mal à dissimuler. Plus que jamais, les logiques intérieures orientent les choix extérieurs. Les <a href="https://www.fdbda.org/2020/02/pekin-face-aux-crises-peripheriques-et-du-centre-le-tournant-conjoncturel-et-structurel-de-la-decennie-2020/">crises du centre et de la périphérie</a> ne sont toujours pas réglées. Elles demeurent des facteurs de vulnérabilité pour le régime.</p>
<h2>La Chine à l’intérieur : difficultés structurelles et conjoncturelles</h2>
<p>En ce début d’année, trois points essentiels semblent se dégager comme problématiques durables : encore et toujours la gestion de la pandémie et la démographie ; l’économie ; et le politique (à tous les niveaux de la hiérarchie, depuis le local jusqu’au Bureau politique).</p>
<p>Le 7 décembre 2022, le régime a subitement mis fin à la politique (très intrusive et draconienne) dite « Zéro Covid ». Si cette décision est liée au <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-est-a-nous/chine-la-facture-salee-de-la-politique-zero-Covid_5652041.html">coût colossal qu’a eu pour la Chine la politique « zéro Covid »</a>, sa mise en œuvre soudaine s’explique aussi par les <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221128-apr%C3%A8s-des-manifestations-d-une-ampleur-in%C3%A9dite-en-chine-la-censure-%C3%A0-l-%C5%93uvre">manifestations inédites</a> d’une population à bout de nerfs du fait des restrictions sanitaires et des mesures draconiennes.</p>
<p>Les conséquences sont immédiates : après un temps de doute (de nombreuses personnes sont restées chez elles dans les premiers jours), les Chinois, peu immunisés, ont multiplié les déplacements, notamment à l’occasion des <a href="https://www.courrierinternational.com/depeche/wuhan-des-fleurs-pour-le-nouvel-et-pour-les-morts-du-Covid.afp.com.20230121.doc.337j4b8.xml">festivités du Nouvel an chinois</a>, ce qui a <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/Covid-en-chine-l-epidemie-flambe-le-nombre-de-cas-double-tous-les-jours-selon-antoine-flahault_5555205.html">occasionné une flambée de l’épidémie</a>. L’ensemble du pays sera touché, et de nouvelles vagues de contamination vont gagner <a href="https://www.who.int/publications/m/item/weekly-epidemiological-update-on-Covid-19---25-january-2023">l’Asie, et rapidement le reste du monde</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fin-du-zero-covid-en-chine-consequences-et-risques-pour-une-population-peu-immunisee-196614">Fin du zéro Covid en Chine : conséquences et risques pour une population peu immunisée</a>
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<p>Si certains observateurs avancent que le <a href="https://fr.businessam.be/pic-infection-Covid-chine-reprise/">pic est passé dans plusieurs grandes villes</a> (notamment à Shanghai), la pandémie va durer encore de longs mois, voire plusieurs années. Mi-janvier, les autorités chinoises ont annoncé <a href="https://www.letemps.ch/monde/chine-reconnait-60-000-morts-covid19-un-mois">environ 60 000 décès du Covid en un mois</a>.</p>
<p>Selon l’institution britannique Airfinity, les chiffres seraient bien plus dramatiques : <a href="https://www.airfinity.com/articles/airfinitys-Covid-19-forecast-for-china-infections-and-deaths">il y aurait eu 700 000 décès depuis début décembre à la mi-janvier</a>.</p>
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<p>Partout dans le pays, et spécialement dans les grandes villes de l’Est et du Centre, les <a href="https://www.economist.com/1843/2023/01/05/inside-chinas-Covid-ravaged-hospitals">images d’hôpitaux saturés et manquant de médicaments sont éloquentes</a>. Plus rares sont les images similaires venant de villes de taille plus modeste et des campagnes. Ce qui ne signifie pas que la situation y soit meilleure, au contraire : c’est simplement que le niveau de couverture médicale y est moindre.</p>
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<p>Le <a href="https://www.courrierinternational.com/article/Covid-19-les-riches-chinois-se-ruent-sur-les-vaccins-a-arn-messager-disponibles-a-macao">taux de vaccination</a> est encore en dessous du seuil suffisant pour protéger la population, notamment les personnes les plus âgées. Dans ce contexte, alors que la confiance de la population chinoise dans le vaccin demeure très limitée, les autorités auront à organiser une vaccination (avec rappels) de très grande ampleur. Pendant ce temps, la Chine pourrait voir la diffusion de nouveaux variants, une perspective qui induit une incertitude non seulement pour les marchés boursiers, mais aussi <a href="https://time.com/6246001/china-south-korea-japan-Covid-travel-visa/">pour le voisinage régional, de Singapour au Japon en passant par la Corée</a>. Un signe éloquent : lors de l’ouverture des « deux Assemblées », l’ensemble des membres portaient un masque, <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3212548/china-gdp-beijing-blames-widening-us-economic-gap-high-inflation-strong-dollar?module=perpetual_scroll_2&pgtype=article&campaign=3212548">à l’exception de Xi Jinping et des membres du Comité permanent du Bureau politique</a>.</p>
<p><a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-chine-va-enregistrer-en-2022-sa-pire-croissance-economique-depuis-1976-947987.html">L’économie chinoise est affaiblie</a> par trois années de restrictions sanitaires, la dégradation de l’environnement stratégique international et le ralentissement de la demande mondiale. Elle est aux prises avec des difficultés structurelles et conjoncturelles (<a href="https://asialyst.com/fr/2023/01/21/demographie-chute-libre-croissance-berne-chine-ambitions-contrariees/">vieillissement et poursuite de la chute de la fécondité</a>, montée du chômage, qui frappe désormais <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/la-chine-face-au-spectre-du-chomage-de-masse-1413469">plus de 20 % des moins de 30 ans</a>, crise de l’immobilier, <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/face-a-une-penurie-d-energie-la-chine-mise-sur-le-charbon_AD-202209180116.html">pénuries d’énergie</a>, crise environnementale, etc.).</p>
<p>Les autorités annoncent pourtant un rebond de l’activité économique pour 2023. En cas de fort rebond <a href="https://www.coface.fr/Actualites-Publications/Actualites/Recession-inflation-Ukraine-Chine-politique-monetaire-L-annee-2023-vue-par-Jean-Christophe-Caffet-Chef-economiste-Coface">au deuxième semestre</a>, les conséquences seraient difficiles pour l’économie mondiale, notamment pour la reconstitution des stocks de gaz européens, et parce que ce rebond provoquerait une hausse des prix des produits de consommation et des matières premières, et les taux d’intérêt.</p>
<p>Parmi les enjeux majeurs à court terme, celui de la crise de l’immobilier est fondamental. Les faillites du géant de l’immobilier <a href="https://www.marianne.net/monde/asie/apres-la-crise-evergrande-pekin-vient-enfin-au-secours-de-son-secteur-immobilier"><em>Evergrande</em></a> ou du gestionnaire d’actifs <a href="https://www.letemps.ch/economie/chinois-huarong-lourdement-endette-leve-66-milliards-dollars"><em>Huarong</em></a> en témoignent. Ce secteur (l’un des moteurs du « miracle » économique chinois des années 1980 à 2010) représente <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2022/08/30/china-s-dependence-on-the-property-sector-as-an-engine-of-growth">probablement près de 30 % du PIB chinois</a>, environ 20 % des emplois et <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/05e0fbe4-fcdb-4041-94a0-420076567622/files/730ca0e9-0cf4-4478-9fdb-4341bfad6b81">75 % des actifs financiers des ménages</a>.</p>
<p>D’autre part, le <a href="https://www.reuters.com/markets/asia/china-drafts-rules-trust-firms-curb-shadow-banking-2022-12-30/"><em>shadow banking</em> (système bancaire parallèle)</a> demeure, et alimente des pratiques de corruption à toutes les échelles, malgré l’ampleur des politiques anti-corruption de Xi Jinping (aussi pour lutter contre ses adversaires).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632230982849024000"}"></div></p>
<p>Le manque de liquidités ne permet pas au Parti-État de maintenir à flot l’ensemble de ses objectifs économiques. Malgré tout, le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/12/13/la-chine-investit-1-000-milliards-de-yuans-dans-la-production-de-semi-conducteurs/">solde commercial continue d’être massif</a> (plus de 900 milliards de dollars cumulés sur l’année 2022), lié bien sûr aux marchés consolidés d’Europe, d’Amérique du Nord et de l’Asie industrialisée et développée. La demande intérieure chinoise demeure médiocre. Une <a href="https://www.ft.com/content/1795d723-d821-4a36-9bde-db8ebd644cd0">réunion importante du début d’année conduite par Xi Jinping</a> portant sur le secteur immobilier et l’assainissement des finances rappelle l’urgence à court et moyen terme pour le régime de moderniser le secteur. En outre, un effort particulier sera consacré aux nouvelles technologies, notamment dans le cadre de la <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/autorite-technicite-la-reunion-de-lassemblee-nationale-populaire-et-la-gouvernance-de-xi-jinping">refonte des institutions de l’État annoncée lors de la réunion de l’ANP</a>.</p>
<p>Enfin, au niveau politique, le dernier Congrès en date a abouti à la nomination d’un Bureau politique <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/China-s-party-congress/China-s-new-Politburo-United-only-by-loyalty-to-Xi-Jinping">inféodé à Xi Jinping</a>, dont le pouvoir semble établi pour encore de longues années. Cette mainmise induit discrètement une <a href="https://www.scmp.com/news/china/politics/article/3204776/absolute-loyalty-chinas-xi-jinping-tells-politburo-toe-party-line-under-all-circumstances">forme de mécontentement au sein du Parti</a>, qui, articulée à la contestation des mesures sanitaires par la population et le ralentissement économique, laissera sans doute une trace durable.</p>
<h2>La Chine dans le monde : nouvelles offensives</h2>
<p>L’enfermement politique dans lequel les choix de Xi Jinping ont conduit le régime impose un exercice de rééquilibrage de l’image internationale du pays. Lors du dernier sommet de Davos, le vice-premier ministre Liu He (envoyé spécial de Xi Jinping) a ainsi <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=aRjfygkP3rE">déclaré</a> « la Chine est ouverte », afin de rassurer et séduire l’Occident (surtout l’Europe) et de redorer une image écornée.</p>
<p>La <a href="https://www.asiafinancial.com/us-china-rivalry-may-spur-decoupling-of-chip-sector-bbc">rivalité stratégique sino-américaine</a> continue de structurer les relations internationales, dont Taïwan est devenue <a href="https://information.tv5monde.com/video/taiwan-pekin-deploye-71-avions-de-combat-autour-de-l-ile">l’un des points de tension essentiels</a>. Alors que des élections présidentielles auront lieu à Taïwan et aux États-Unis en 2024, le PCC ne se risquera pas sans doute pas, à court terme, à une invasion militaire, mais <a href="https://www.questionchine.net/risques-de-conflit-dans-le-detroit-de-taiwan-le-durcissement-chinois-face-a-la">cherchera à neutraliser les capacités diplomatiques de l'île</a> et intensifiera ses intimidations à son égard.</p>
<p>Incontestablement, <a href="https://www.orfonline.org/expert-speak/chinas-endgame-in-the-russia-ukraine-conflict/">l’évolution du conflit en Ukraine</a> aura un impact sur le degré de la proximité sino-russe, souvent dépeinte (à tort) comme une alliance. En réalité, la Chine et la Russie partagent une <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine%20--%209782724637908.htm">connivence tactique et stratégique contre l’Occident</a>, mais leur relation demeure très asymétrique. La guerre d’Ukraine favorise l’ascendant de Pékin sur la Russie (qu'il soutient implicitement) et lui permet de se présenter comme un « médiateur » et de <a href="https://theconversation.com/quand-la-chine-organise-un-nouvel-espace-de-vassalite-190932">raffermir ses liens avec les marges post-soviétiques</a>. Rappelons qu’ à ce jour la RPC n’a pas condamné la guerre en Ukraine et que Xi Jinping <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n177/article/pekin-et-le-conflit-ukrainien-un-opportunisme-pragmatique">n’a pas échangé avec Volodymyr Zelensky</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gGB5xBs-TDE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La première tournée africaine du nouveau ministre des Affaires étrangères Qin Gang <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3206824/chinese-foreign-minister-qin-gangs-five-nation-african-tour-show-solidarity-strategic-importance">(en Égypte, au Bénin, en Éthiopie, au Gabon et en Angola)</a>, début janvier, a reflété l’importance des partenaires non occidentaux aux yeux de la Chine. Pékin travaille à un resserrement des relations avec le continent africain, malgré la prise de conscience progressive par les pays d'Afrique du <a href="https://www.scmp.com/news/china/diplomacy/article/3206961/uganda-turns-away-belt-and-road-rail-deal-china-stalls-loans">piège de leur dette envers Pékin</a>.</p>
<p>Plus largement, la RPC souhaite <a href="https://theconversation.com/quand-la-chine-organise-un-nouvel-espace-de-vassalite-190932">entretenir un dense réseau de relations avec les pays émergents et en développement</a>, y voyant un levier contre l’Occident, en particulier à l’ONU. L’exemple récent de la signature d’un <a href="https://www.france24.com/fr/ %C3 %A9co-tech/20230110-pourquoi-la-chine-se-laisse-tenter-par-le-p %C3 %A9trole-des-taliban">contrat sur les hydrocarbures avec l’Afghanistan des talibans</a> montre combien le « vide » laissé par les Occidentaux est rapidement comblé par la puissance voisine, faisant fi du droit et des sanctions internationales en collusion avec le nouveau régime de Kaboul. Dernièrement, l’annonce depuis la Chine du <a href="https://www.letemps.ch/monde/moyenorient/liran-larabie-saoudite-se-reconcilient-pekin">rétablissement des relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite</a> marque la réussite de la diplomatie chinoise et le recul de l’Occident face à Pékin.</p>
<p>L’issue des « deux Assemblées » verra la confirmation des orientations stratégiques de Pékin. Au plan intérieur, on constate des efforts sur le budget de défense, en <a href="https://www.lefigaro.fr/international/taiwan-alarme-par-la-hausse-du-budget-de-la-defense-chinois-20230306">hausse (7,2 %)</a>, malgré le ralentissement économique, mais aussi sur les technologies et sur la <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3212269/chinas-two-sessions-7-economic-points-look-out-annual-meetings-get-under-way">stimulation du marché intérieur</a>. Sur le plan international, la séquence confirme la poursuite du soutien implicite à la Russie, de la montée des tensions avec les États-Unis et du rapprochement avec les mondes non occidentaux. Pékin veut se présenter, plus que jamais, comme l’alternative aux États-Unis. Il reste que, malgré ses déclarations, le pouvoir chinois est <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/La-Suite-des-temps/Demain-la-Chine-guerre-ou-paix">bien moins sûr de lui-même et de son avenir qu’il le laisse croire</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198627/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Au pouvoir depuis dix ans, Xi Jinping est aujourd’hui confronté à un ensemble de difficultés économiques, politiques et internationales sans précédent depuis le début de son règne.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1987062023-03-07T18:18:54Z2023-03-07T18:18:54ZLa présence économique croissante de la Chine en Amérique latine et dans les Caraïbes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509412/original/file-20230210-14-3o05sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C2854%2C1909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mauricio Macri, alors président de l’Argentine, serre la main de Xi&nbsp;Jinping en 2017 à Pékin. Ce sommet de la Belt and Road Initiative aura été un épisode important du rapprochement entre Pékin et la zone Amérique latine-Caraïbes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/chinese-president-xi-jinping-argentinas-mauricio-2240652207">Salma Bashir Motiwala/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les Caraïbes et la Chine <a href="https://www.forbes.com/sites/miltonezrati/2022/11/07/chinas-latin-america-move/">n’ont cessé de se développer</a> depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle et, plus encore, depuis le lancement par Xi Jinping, en 2013, du projet des Nouvelles routes de la soie, ou <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2018-6-page-111.htm"><em>Belt Road Initiative</em> (BRI)</a>.</p>
<p>L’objectif de ce programme gigantesque est de promouvoir les objectifs de développement chinois en internationalisant les investissements et les prêts, tout en garantissant à la RPC un accès à long terme à l’énergie et aux matières premières qu’elle importe.</p>
<p>Pour mondialiser sa politique industrielle et soutenir ses entreprises dans le monde, la Chine a mis en place une stratégie entre les banques, le ministère des Finances et le ministère du Commerce. C’est ainsi que la China National Petroleum Corporation, Huawei et de nombreuses autres multinationales chinoises se sont « mondialisées » et sont de plus en plus présentes non seulement en Asie mais aussi en Europe, en Afrique et sur le continent américain, une zone qui fut longtemps considérée comme le « pré carré » de Washington.</p>
<h2>Les échanges commerciaux</h2>
<p>Si les échanges entre la Chine et la région Amérique latine-Caraïbes (ALC) remontent aux <a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-monde-global--9782361060299-page-174.htm">galions de Manille</a> qui, à partir de 1565, circulaient entre les ports d’Acapulco et de Manille, ils se sont considérablement accélérés au cours des vingt dernières années. L’un des moments clés, à cet égard, a été le <a href="https://www.oboreurope.com/fr/premier-sommet-belt-road/">forum de la BRI tenu à Pékin en 2017</a> : à l’issue de discussions informelles entre le président Xi Jinping et le président argentin de l’époque Mauricio Macri, <a href="https://greenfdc.org/countries-of-the-belt-and-road-initiative-bri/">l’ALC est incorporée dans la sphère de la BRI</a>.</p>
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<p>Un processus formel, mis en place lors de la <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2018-2-page-134.htm">réunion de la Communauté des nations d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC)</a> en janvier 2018 à Santiago du Chili, a officalisé l’invitation de la Chine à destination des 33 pays d’ALC à participer à l’initiative BRI. Le Panama était devenu, dès 2017, le premier pays <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/26121-belt-and-road-the-new-face-of-china-in-latin-america/">à signer un protocole d’accord en ce sens</a>, malgré les objections et les critiques des États-Unis.</p>
<p>Depuis, la plupart des autres pays ont suivi. Aujourd’hui, vingt pays de la zone ont rejoint la BRI, laissant le Brésil et le Mexique comme les deux seules grandes économies de la région sans protocole d’entente officiel. En conséquence, ces dernières années, certains pays d’Amérique latine ont <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211210-le-nicaragua-rompt-avec-ta%C3%AFwan-et-reconna%C3%AEt-une-seule-chine-dirig%C3%A9e-par-p%C3%A9kin">rompu leurs liens diplomatiques avec Taïwan</a> dans le but d’attirer les investissements de Pékin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"553143452532477952"}"></div></p>
<p>La région de l’Amérique latine et des Caraïbes est une zone d’investissement attrayante en raison de son abondance en ressources naturelles et matières premières (pétrole brut, fer et cuivre) ainsi qu’en produits agricoles (soja et oléagineux). Par rapport à l’Afrique, l’Amérique latine peut également offrir un environnement d’investissement plus stable, un système judiciaire plus fiable et un grand marché pour les produits chinois.</p>
<p>Les relations commerciales avec la Chine remontent aux années 1960, lorsque l’Argentine et le Mexique vendaient du blé à la Chine qui faisait alors face à une grande famine. Dans les années 1970 et 1980, les pays d’Amérique latine et des Caraïbes avaient un excédent commercial avec la Chine. Mais la situation a profondément changé avec les mutations économiques de la Chine à la fin des années 1980 et à son adhésion à l’OMC en 2001. </p>
<p>Depuis, les relations commerciales ont été <a href="https://www.atlanticcouncil.org/in-depth-research-reports/report/latin-america-china-trade-and-investment-amid-global-tensions/">multipliées par 18 entre 2000 et 2016</a>, notamment grâce au boom des matières premières. Pendant cette période, les banques publiques chinoises comme China Development Bank (CDB) et Export-Import Bank of China (ExImBank) ont signé de <a href="https://www.bu.edu/gdp/china-lac_bulletins/">nouveaux accords avec les pays de l’ALC</a>. Les échanges avec la Chine restent toutefois pour l’instant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/18681026211047871">moins importants que ceux avec les États-Unis</a>.</p>
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<img alt="graphique des échanges commerciaux des États-Unis et de la Chine avec l’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=603&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506842/original/file-20230127-24-7x7n4h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=758&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comparaison des échanges commerciaux entre l’Amérique latine et les États-Unis avec ceux entre l’Amérique latine et la Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les investissements directs</h2>
<p>Les relations économiques croissantes entre la Chine et l’ALC ne se limitent pas au commerce. Le deuxième volet de ces relations est l’investissement direct à l’étranger (IDE).</p>
<p>Entre 2000 et 2020, les entreprises chinoises ont investi environ 160 milliards de dollars dans 480 transactions, principalement par le biais de fusions et d’acquisitions mais aussi à travers des projets nouveaux. Par exemple, China Yangtze Power International (CYPI) a récemment <a href="https://latinlawyer.com/article/china-yangtze-power-completes-us36-billion-power-buy-in-peru">acheté des parts de Sempra’s Peruvian</a>) pour 3,6 milliards de dollars.</p>
<p>Le graphique suivant montre un pic après la crise financière de 2008 en raison du retrait des investissements occidentaux dans la région et du manque de fonds d’investissement pour les gouvernements des pays locaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique montrant les investissements de la Chine en Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506843/original/file-20230127-22-d7lszf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Investissements direct de la Chine en Amérique latine en millions de dollars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les prêts</h2>
<p>Le troisième volet de cette relation concerne les prêts, qui ont débuté au début du siècle, mais qui ont également connu un pic pendant la crise.</p>
<p>Depuis 2005, les deux principales banques chinoises (la Banque de développement de Chine et la Banque d’import-export de Chine) ont accordé plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-du-cevipol-2017-3-page-3.htm">141 milliards de dollars de prêts aux pays d’Amérique latine</a> et aux entreprises publiques, soit plus que la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement ou la Banque latino-américaine de développement.</p>
<p>On observe une concentration des prêts chinois en ALC dans quatre pays : le Venezuela, l’Équateur, l’Argentine et le Brésil, qui ont reçu environ 93 % des prêts. Par ailleurs, les prêts sont concentrés dans le <a href="https://www.iss.europa.eu/sites/default/files/EUISSFiles/Brief_9_China%20in%20Latin%20America_web.pdf">secteur de l’énergie (69 %) et des infrastructures (19 %)</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique sur les politiques bancaires de la Chine selon les pays d’Amérique latine" src="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=350&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506844/original/file-20230127-20-t9s3pm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=440&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Politique bancaire de la Chine selon les pays d’Amérique latine. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphane Aymard/La Rochelle Université</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le Venezuela, premier emprunteur sur le continent, est le pays dont la dette vis-à-vis de Pékin est la plus importante. Même si la Chine n’a pas accordé de nouveaux prêts aux pays d’Amérique latine en 2020 et 2021, elle a renégocié la dette du Venezuela en 2018 et celle de l’Équateur. La dette vénézuélienne a appris à la Chine à se montrer plus prudente dans <a href="https://www.batimes.com.ar/news/economy/stephen-kaplan-china-faces-creditor-trap-in-lending-to-latin-america.phtml">l’attribution de prêts à l’Amérique latine</a>. Les prêts au Vénézuéla ont montré à Pékin que les capacités de production de pétrole d’un pays ne sont pas une garantie suffisante pour un remboursement futur.</p>
<p>Par ailleurs, le Brésil a connu une <a href="https://dialogochino.net/en/infrastructure/59714-cccc-chinese-construction-giant-comes-to-standstill-in-brazil/">croissance des échanges</a>, des investissements et des prêts, mais, on l’a dit, sans adhérer officiellement à la BRI. Malgré un récent ralentissement des investissements dû à des relations tendues avec le gouvernement Bolsonaro (il reste à voir ce qu’il en sera désormais, Lula semblant désireux de <a href="https://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Le-Bresilien-Lula-rencontrera-le-Chinois-Xi-le-28-mars-a-Pekin--43022130/">nouer un « dialogue constructif » avec Pékin</a>), des projets, comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_d%27Itaqui">méga-port à Sao Luis</a>, capable de gérer l’exportation de 10 millions de tonnes de céréales par an, le chemin de fer dans l’État de Para reliant l’extraction de minerai de fer en Amazonie aux principaux ports du Brésil et un <a href="http://www.bahiaflaneur.net/blog2/2010/09/un-pont-pour-sauver-lile-ditaparica.html">pont de 12 kilomètres entre Salvador et Itaparica</a>, qui sera le plus grand projet de construction sur l’eau en Amérique latine, se développent au Brésil. Même si le pays est le deuxième plus grand débiteur de la Chine en Amérique latine, ses entreprises, comme la compagnie pétrolière publique Petrobras, réussissent à rembourser la plupart de leurs prêts.</p>
<p>Le cas du Pérou est également particulier. Le Pérou et la Chine entretiennent des relations diplomatiques depuis plus de 50 ans. Avec le Costa Rica, il est le seul pays à avoir conclu un accord de libre-échange à la fois avec les États-Unis et avec la Chine. Les investissements de Pékin au Pérou concernent des <a href="http://fr.cctv.com/2016/11/19/VIDEAO8wdf8PGOJ10EjXbieq161119.shtml">investissements lourds dans le secteur minier</a> (15 milliards de dollars selon le ministère péruvien de l’Énergie et des Mines). On observe aussi une diversification dans d’autres secteurs tels que l’énergie, l’électricité, la pêche… Un exemple typique est le <a href="https://portsetcorridors.com/2022/amerique-du-sud-la-bataille-de-la-logistique-portuaire/">méga-port de Chancay</a>, construit par un consortium dirigé par l’entreprise publique chinoise Cosco Shipping Ports avec une participation importante de la société suisse Glencore. Le projet, dont l’investissement s’élève à 3 milliards de dollars, devrait devenir le plus important terminal commercial de la Chine en Amérique du Sud lorsqu’il sera terminé en 2024.</p>
<h2>Un partenariat qui s’intensifie</h2>
<p>Comme dans d’autres régions du monde, la Chine finance en ALC des investissements d’infrastructure, notamment dans les secteurs minier et énergétique, qui peuvent avoir des effets positifs sur la croissance économique des pays de l’ALC <strong>()</strong>. Ce système répond à la volonté de la Chine pour devenir un acteur majeur sur les marchés de l’énergie en apportant des investissements dans ces pays (les capitaux privés n’étant pas suffisants en raison de la crise financière ou des scandales liés à la corruption, comme <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/26/affaire-petrobras-retour-sur-les-trois-annees-qui-ont-marque-le-bresil_5100932_3222.html">l’opération Lava Jato au Brésil</a>, qui ont découragé les investissements étrangers).</p>
<p>La Chine mise aujourd’hui sur les nouvelles infrastructures : 5G, transmission d’électricité, train à grande vitesse, véhicules électriques, centres de données et intelligence artificielle… Des perspectives se profilent pour le développement de liens supplémentaires avec des échanges d’étudiants, du tourisme, des coopérations dans les domaines de la santé, des sciences et des technologies. Ainsi, la relation pourrait aussi devenir véritablement une stratégie gagnant-gagnant sur d’autres secteurs que les ressources.</p>
<p>Si les gouvernements des pays de l’ALC parviennent à relever les défis et à développer les opportunités qui se présentent, la relation ALC-Chine deviendra plus avantageuse pour la région ALC. Celle-ci devra toutefois prendre garde au <a href="https://www.courrierinternational.com/article/dette-la-chine-une-puissance-qui-prete-beaucoup-en-amerique-latine">« piège de la dette »</a> (la Chine détient par exemple 11 % de la dette extérieure totale de l’Équateur).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>German Zarate ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la continuité de sa politique d’investissement à l’étranger, la Chine conclut avec l’Amérique latine et les Caraïbes des partenariats économiques de plus en plus étroits.German Zarate, Professeur d'économie, State of New York University Cortland, professeur invité à La Rochelle University, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958932022-12-07T16:43:21Z2022-12-07T16:43:21ZLes jeunes intellectuels chinois et le pouvoir : 100 ans de turbulences<p>Une forêt de feuilles blanches brandies comme un défi. Quelques slogans sous forme de <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/feuilles-blanches-jeux-de-mots-memes-en-chine-les-opposants-a-la-politique-zero-Covid-se-moquent-de-la-censure_5507799.html">jeux de mots</a> ou de QR codes pour dénoncer les mesures draconiennes mises en place pour lutter contre l’épidémie de Covid en Chine. Dimanche 27 novembre 2022, plusieurs centaines d’étudiants de l’Université Tsinghua, à Pékin, ont manifesté sur leur campus. Cette université, fondée à la naissance de la République de Chine en 1911, est aussi l’une des plus prestigieuses du pays. Elle a notamment vu passer, parmi ses étudiants, l’actuel président chinois Xi Jinping.</p>
<p>Les jeunes Chinois ont été des acteurs incontournables des bouleversements politiques que le pays a connus au XX<sup>e</sup> siècle. Ils furent parfois les porte-parole de l’aspiration de la Chine à plus de démocratie, comme à l’occasion du <a href="https://www.herodote.net/4_mai_1919-evenement-19190504.php">4 Mai 1919</a> ou des événements de la place Tian an’Men en 1989. Durant la période maoïste, certains purent également apparaître comme les petites mains zélées du régime, participant aux brimades et humiliations, notamment pendant les premières années de l’implantation du régime communiste en Chine ou lors de la Révolution culturelle (1966-1971), tandis que la jeunesse étudiante était forcée de se « rééduquer » selon les préceptes communistes.</p>
<p>La jeunesse chinoise éduquée est donc celle qui a fait vaciller les deux républiques chinoises, de 1919 à nos jours. Révoltés ou manipulés, quels rapports les jeunes intellectuels chinois entretiennent-ils avec le pouvoir communiste en Chine ?</p>
<h2>Le 4 mai 1919 : les jeunes intellectuels chinois réclament la démocratie</h2>
<p>Le mouvement du 4 Mai 1919 correspond à deux phénomènes. D’une part, il est le point d’orgue du <a href="https://www.cairn.info/la-chine-au-xx-e-si%C3%A8cle--9782379240812-page-57.htm">Mouvement pour la Nouvelle culture</a>, initié en 1915 avec la parution d’une revue intitulée <em>La Nouvelle jeunesse</em>, sous-titrée en français. Son fondateur est <a href="https://maitron.fr/spip.php?article180816">Chen Duxiu</a>, doyen de l’Université de Pékin et futur fondateur du Parti communiste chinois. Il appartient à cette jeunesse chinoise éduquée formée dans les universités américaines et japonaises.</p>
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<p>En 1919, la Chine, républicaine depuis <a href="https://www.cairn.info/revue-materiaux-pour-l-histoire-de-notre-temps-2013-1-page-1.htm">1911</a>, est déchirée entre les seigneurs de la guerre et ne parvient pas à faire advenir la démocratie sur son territoire. De plus, malgré <a href="http://14-18-china.com/Guerre/La-Chine-et-la-Premiere-Guerre-Mondiale">son engagement aux côtés des alliés durant la Première Guerre mondiale</a>, elle voit la province du Shandong, <a href="https://cle.ens-lyon.fr/allemand/civilisation/histoire/le-colonialisme/qingdao-champ-d-experimentation-de-la-politique-coloniale-allemande">ancienne colonie allemande en terre chinoise</a>, être remise au Japon <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php?carticle=16724">dans le cadre du Traité de Versailles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499228/original/file-20221206-12-23w6nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation place Tiananmen le 4 mai 1919.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_4_Mai#/media/Fichier:Chinese_protestors_march_against_the_Treaty_of_Versailles_(May_4,_1919).jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Mobilisés par une <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251449456/la-republique-de-chine">constellation d’intellectuels</a> provenant de l’Université de Pékin, 3 000 étudiants pékinois se rassemblent place Tian an’Men ce 4 mai 1919, afin de dénoncer l’injustice faite à la Chine lors de la Conférence de la paix. Au-delà, ils prennent pour modèles les États-Unis, l’Allemagne ou la France et réclament l’avènement de « M. Science et M. Démocratie ». Ils critiquent également les principes confucianistes sur lesquels repose la société chinoise, comme le poids des hiérarchies sociales et familiales ou le peu de place laissé aux femmes. Ce mouvement nationaliste et culturel parti de Pékin <a href="https://www.academia.edu/39020102/May_Fourth_for_the_World">essaime dans d’autres villes chinoises</a> (Wuhan, Tianjin ou Chengdu), mais aussi à l’étranger : la diaspora chinoise se mobilise ainsi en Allemagne, en Corée, en Inde ou encore en Russie.</p>
<p>Si ce jour a longtemps été occulté par la République populaire de Chine, son centième anniversaire a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/05/04/en-chine-l-anniversaire-encombrant-du-4-mai-1919_5458229_3210.html">commémoré en 2019</a> lors d’une cérémonie visant à exalter la jeunesse et le nationalisme chinois. Entre-temps, ce mouvement culturel, considéré comme l’acte de naissance du mouvement nationaliste chinois, trouvera une nouvelle résonance soixante-dix ans plus tard, en 1989…</p>
<h2>Les étudiants sous la Chine maoïste : auxiliaires du régime ou parias soumis à la rééducation</h2>
<p>La jeunesse chinoise doit également choisir son camp durant la Chine maoïste. Durant toute la présidence de Mao Zedong (1949-1976), les jeunes Chinois semblent être écartelés : les jeunes issus des classes paysannes et ouvrières sont nombreux à devenir les auxiliaires zélés du régime tandis que les plus instruits, accusés d’être des traîtres ou « droitiers », sont envoyés dans des camps de rééducation, notamment pendant la Révolution culturelle.</p>
<p>Mao Zedong estime en effet que « c’est à la jeunesse de conduire la révolution ». Dès les premiers mois de l’administration communiste dans des villes chinoises exsangues, l’embrigadement de la jeunesse est patent. Dans une <a href="https://docnum.univ-lorraine.fr/public/DDOC_T_2021_0161_BOUCHEZ.pdf">lettre du 12 décembre 1949</a>, le missionnaire français Louis Watine, qui enseigne à l’université de Tianjin, fait part des brimades infligées aux missionnaires par les étudiants de l’Université :</p>
<blockquote>
<p>« Contre les murs, ils apposent des affiches manuscrites bourrées de mensonges, de calomnies ou de demi-vérités contre les Pères, contre l’Église. C’est effrayant de constater comment la vérité peut n’avoir aucun droit tandis que l’erreur, le mensonge se voient tout permis : ils appellent cela “Lumièreʺ, "Vérité”, “Progrès”. »</p>
</blockquote>
<p>Durant la Révolution culturelle, lancée en 1966, l’embrigadement monte encore d’un cran. Afin de punir ses adversaires, dont Deng Xiaoping, et relancer son <a href="https://www.cairn.info/histoire-de-la-societe-chinoise-1949-2009%E2%80%939782707156761-page-36.htm">charisme politique</a>, Mao Zedong encourage les jeunes écoliers et étudiants à s’enrôler au sein des « gardes rouges », <a href="https://www.babelio.com/livres/Yan-Chez-les-Yan/997522">« des petits soldats de la Révolution »</a>, armée zélée formée sur le modèle de l’Armée rouge.</p>
<p>Biberonnés au <em>Petit Livre rouge</em>, ces jeunes gens acclament Mao <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2016/07/25/chine-ao%C3%BBt-1966-un-premier-ete-rouge-sang_4974375_4415198.html">par millions sur la place Tian An’men en août 1966</a>, placardent des <em>dazibao</em>, de grandes affiches dénonçant professeurs et étudiants accusés d’être des bourgeois ou des révisionnistes. À l’Université <em>Beida</em> de Pékin, à la mi-octobre 1966, près de 3 000 étudiants ont formé <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251447971/la-republique-populaire-de-chine">92 associations de gardes rouges</a>, souvent rivales. À partir de janvier 1967, les gardes rouges échappent à tout contrôle et se livrent à des exactions contre les intellectuels chinois dans leur ensemble (enseignants, journalistes, cadres du parti, personnels des hôpitaux.)</p>
<p>Dans le même temps, 17 millions de « jeunes instruits » sont envoyés de manière autoritaire à la campagne dans le but de se faire rééduquer. Dans son roman <a href="https://www.babelio.com/livres/Sijie-Balzac-et-la-Petite-Tailleuse-chinoise/1652"><em>Balzac et la petite tailleuse chinoise</em></a> (2000), l’écrivain chinois Dai Sijie met en scène deux jeunes gens de dix-sept et dix-huit ans, à peine sortis du collège et envoyés dans un village reculé du Sichuan, province du sud-ouest de la Chine. Fils de médecins, le jeune narrateur raconte leur « résidence de rééducation sans meubles », le rude travail dans les montagnes à transporter « la merde sur le dos » et « la leçon de rééducation qui allait durer deux mois. » La Révolution culturelle s’achève en 1971. Ses violences ont causé près de 4 millions de morts.</p>
<h2>De Tian’an Men à Tsinghua : la jeunesse face au régime communiste (1989-2022)</h2>
<p>La mort de Mao Zedong en 1976 ouvre une nouvelle période dans l’histoire de la Chine. Deng Xiaoping devient alors président de la République populaire de Chine et ouvre le pays à une économie de marché.</p>
<p>Cependant, entre le 15 avril et le 4 juin 1989, soit 70 ans après le mouvement du 4 Mai, 200 000 étudiants se rassemblent à nouveau place Tian’an Men. La demande de démocratie est alors forte en Chine, et profite de plusieurs événements pour s’exprimer, dont la <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/05/16/la-visite-historique-du-numero-un-sovietique-en-chine-les-manifestations-ont-perturbe-l-arrivee-de-m-gorbatchev-a-pekin_4142459_1819218.html">visite dans le pays du réformateur soviétique Mikhaïl Gorbatchev</a>. Les étudiants, souvent fils et filles de dirigeants du Parti communiste, souhaitent commémorer le rassemblement du 4 mai 1919, et entament une grève de la faim.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BEiTtWmOSNQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1989 : place Tian’anmen, des étudiants en grève de la faim | Archive INA, 19 mai 1989.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les intellectuels, quant à eux, réclament « une cinquième modernisation, la démocratie » et pour la première fois, la presse se retourne contre le Parti communiste. Malgré la médiation du secrétaire général du PCC, Deng Xiaoping tranche dans le vif. Il décrète la loi martiale et envoie l’armée sur la place Tian’an Men dans la nuit du 3 au 4 juin 1989. Ce moment est immortalisé par la photographie d’un jeune homme dressé seul face à l’avancée des tanks. L’image, interdite en Chine, devient le symbole de la répression qui aurait fait près de <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/12/23/a-tiananmen-10-000-morts-en-une-nuit-de-cauchemar-selon-des-archives-britanniques_1618663/">10 000 morts</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1597113522583805954"}"></div></p>
<p>Trente-trois ans plus tard, et alors que les « le printemps chinois » de 1989 demeure écrasé sous le sceau du silence en Chine, les étudiants pékinois sont à nouveau à la pointe des contestation.</p>
<p>De 1919 à 2022, les points communs entre les mobilisations étudiantes sont nombreux. Les slogans brandis par la jeunesse éduquée et ouverte sur le monde provenant des grandes villes chinoises n’ont guère changé. Les jeunes intellectuels parviennent également à fédérer autour d’eux les autres classes sociales en Chine. Souvent réprimés, parfois soutenus par le pouvoir politique chinois, les étudiants ne cessent d’être des acteurs majeurs de l’histoire de la Chine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Bouchez a reçu des financements du Ministère de l'enseignement supérieur entre 2017 et 2021 dans le cadre d'un contrat doctoral. </span></em></p>En 1919 ; soixante-dix ans plus tard, lors du grand mouvement de 1989 ; et enfin en ce moment même : la jeunesse étudiante chinoise a souvent contesté le régime.Marie Bouchez, Docteure en histoire contemporaine spécialiste des relations franco-chinoises et d'histoire intellectuelle, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1955802022-11-30T17:56:57Z2022-11-30T17:56:57ZChine : du confinement à la rébellion<p>« Nous ne voulons pas de test PCR, nous voulons vivre normalement », « Xi Jinping démission ! Parti communiste démission ! Nous voulons plus de liberté ! » Ces slogans <a href="https://www.lepoint.fr/monde/xi-jinping-demission-la-protestation-contre-le-zero-Covid-grandit-en-chine-27-11-2022-2499358_24.php">résonnent depuis plusieurs jours en Chine</a>, lors de manifestations spontanées tenues aussi bien dans la capitale, Pékin, que dans d’autres grandes villes du pays (Zhengzhou, Shanghai, Shenzhen, Hangzhou, etc.) et même dans des régions reculées (Kachgar, Urumqi, Dali, etc.).</p>
<p>Le mouvement de contestation, qui a pris une ampleur sans précédent, traduit un ras-le-bol généralisé de la population chinoise, après près de <a href="https://asialyst.com/fr/2022/11/24/monde-sort-pandemie-Covid-19-sauf-chine-continue-enfoncer/">trois années de confinement et mesures drastiques</a> très intrusives.</p>
<p>Trois semaines seulement après la clôture du <a href="https://theconversation.com/20-congres-du-pcc-un-xi-jinping-plus-puissant-que-jamais-a-la-tete-dune-chine-fragilisee-193583">20ᵉ Congrès du Parti communiste chinois</a>, qui a vu Xi Jinping encore renforcer son pouvoir sur le Parti et sur la Chine, le régime, qui semble (localement) débordé, réagit par une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/repression-en-chine-la-police-deployee-en-force-pour-endiguer-les-manifestations-contre-la-politique-zero-Covid">répression qui ne cesse de s’intensifier</a>. Une situation inédite depuis Tian’anmen en 1989…</p>
<h2>Au commencement, l’incendie d’Urumqi</h2>
<p>Brandissant une <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/chine-pourquoi-la-feuille-blanche-est-elle-devenue-un-symbole-de-la-revolte-7900210607">feuille de papier blanche</a>, des dizaines de milliers de Chinois demandent aux autorités centrales d’abord l’assouplissement des mesures de restriction puis, rapidement, plus de transparence et de démocratie.</p>
<p>Le point de départ de cette vague contestataire – qui survient après des années de revendications récurrentes <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">mais clairsemées et diffuses sur l’ensemble du territoire</a> – est un <a href="https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/au-xinjiang-lincendie-qui-a-mis-le-feu-aux-poudres-20221128_F4EVQESMTVBM3BTVZ5C6YU6W3U/">incendie meurtrier</a> qui s’est produit le 24 novembre dans une tour d’habitation de la ville d’Urumqi (région autonome du Xinjiang, dans l’ouest du pays, où les Ouïghours représentent environ 40 % de la population).</p>
<p>Les secours et services d’intervention ont tardé à intervenir, d’autant que les conditions ont été rendues très difficiles par l’application des mesures locales de confinement. La ville est en effet <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20221125-Covid-19-en-chine-manifestations-%C3%A0-urumqi-pour-la-lev%C3%A9e-du-confinement">confinée depuis plus de 110 jours consécutifs</a>. L’accès à l’immeuble en flammes était obstrué par des véhicules électriques impossibles à déplacer en raison de leur immobilité depuis plus de cent jours. En plus de barricades et portes murées… Les autorités ont annoncé un bilan de <a href="https://www.chine-magazine.com/dix-morts-dans-un-incendie-au-xinjiang/">dix morts</a> ; mais selon certains témoignages, <a href="https://www-rfa-org.translate.goog/english/news/uyghur/fire-protests-11262022104721.html">il y aurait eu plusieurs dizaines de victimes</a>.</p>
<p>Ce drame a rapidement été relayé sur les réseaux sociaux chinois, en particulier <a href="https://www.chinatalk.media/p/urumqi-fire-social-media-responses"><em>WeChat</em></a>, qui fonctionne, malgré le contrôle que cherchent à exercer les autorités, comme une caisse de résonance dans l’ensemble de la Chine (le pays compte plus d’un milliard d’internautes). Rapidement, la prise de conscience des circonstances de la tragédie a conduit des milliers de personnes à exprimer ouvertement leur rejet des mesures de la politique « zéro Covid » mise en œuvre par le pouvoir.</p>
<h2>Les jeunes au premier rang</h2>
<p>Les mouvements <a href="https://www.dw.com/en/china-nationwide-protests-call-for-easing-of-Covid-curbs/a-63904684">entrent en écho les uns avec les autres</a>, des grandes métropoles de l’est du pays aux provinces du centre et jusqu’aux régions de l’ouest.</p>
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<p>La conjoncture économique et sociale a joué un rôle clé dans le déclenchement de ce mouvement. Les chiffres ne sont pas bons ; ils ont même été <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20221018-en-plein-congres-du-pcc-pekin-retarde-la-publication-des-chiffres-de-sa-croissance">censurés lors du 20ᵉ Congrès</a>. La croissance est <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/chine-la-croissance-rebondit-au-troisieme-trimestre-1872136">quasi atone</a> et la <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/chine-important-declin-de-lindustrie-sur-fond-de-crise-sanitaire-1807677">production industrielle est réduite</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1597510611080212480"}"></div></p>
<p>Les jeunes actifs n’ont plus guère de perspectives d’emplois, mis à part la fonction publique qui <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Caixin/Fresh-graduates-in-China-flock-to-government-state-firms">recrute dans des proportions sans précédent depuis plusieurs décennies</a>. Les étudiants et jeunes diplômés – que l’on décrivait encore récemment comme étant <a href="https://theconversation.com/restons-couches-ou-comment-mieux-comprendre-la-nature-du-regime-chinois-a-travers-un-mouvement-contestataire-175562">« la génération qui reste couchée »</a>, <em>tangping</em> – s’investissent aujourd’hui dans un mouvement de fond de revendications semblables à celles des années 1980, qui ont abouti aux <a href="https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1990_num_27_1_2257#xd_co_f=YTIxMzJlODAtMTQ1Zi00ZDA2LTlhOTItMDlkZGIxZDIyMzNm%7E">grandes manifestations de la place Tian’anmen</a> et (ailleurs en Chine) avant d’être écrasées dans le sang par le régime.</p>
<p>Ce sont avant tout des <a href="https://edition.cnn.com/2022/11/28/china/china-protests-Covid-political-freedom-intl-hnk-mic/index.html">hommes et des femmes de moins de 35 ans</a> que l’on retrouve aujourd’hui dans les manifestations – des gens qui, depuis des années, peinent à s’insérer sur le marché du travail et ont en plus subi, du fait de la politique « zéro Covid », de fortes perturbations dans leur vie privée et, plus largement, en termes de sociabilité et d’équilibre psychique.</p>
<p><a href="https://www.huffingtonpost.fr/international/video/en-chine-la-contestation-gagne-les-etudiants-contre-la-politique-zero-Covid_210792.html">Plusieurs dizaines de campus universitaires chinois</a> sont au cœur des mouvements, depuis la capitale avec la prestigieuse université Tsinghua jusqu’à Chongqing, Wuhan, Shanghai, ou Nankin.</p>
<p>On observe une articulation inédite entre l’espace numérique des réseaux sociaux, où les jeunes sont particulièrement présents, et l’expression du mécontentement dans l’espace public physique. Cette convergence entre les deux espaces constitue un défi réel pour les autorités qui n’avaient pas eu, jusqu’ici, à gérer les deux en résonance, sous les yeux de la population chinoise et du reste du monde. Dans les premiers jours de la contestation, le système de sécurité a été débordé par les mobilisations, notamment dans les grandes métropoles. Ce qui témoigne de l’incapacité certaine des services locaux de sécurité à prévenir et encadrer les mouvements.</p>
<p>De nombreuses barrières et murailles érigées par les pouvoirs locaux dans l’ensemble des localités confinées ont été tour à tour détruites. Des barricades sont démontées, des murs sont franchis. Autant de signes visibles et hautement symboliques du rejet du pouvoir par la population.</p>
<h2>Maintien de la politique « zéro Covid » et intensification de la répression ?</h2>
<p>Le système chinois de sécurité et de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Hongkong-security-law/Hongkong-taps-Beijing-in-high-profile-national-security-case">maintien de l’ordre est en train d’être « mis à jour »</a>. La réponse du régime, au niveau de l’État central, a été la répression et l’arrestation de toutes les personnes perçues comme (potentiellement) responsables des mouvements. En parallèle, le pouvoir cherche à accroître son degré de contrôle sur la toile chinoise et sur l’espace public.</p>
<p>La rue est de nouveau cloisonnée et murée. La « mémoire » des manifestations <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/29/en-chine-xi-jinping-confronte-au-defi-de-la-generation-z_6152072_3210.html">est effacée</a>. Des moyens militaires et paramilitaires <a href="https://www.letemps.ch/monde/joe-biden-suit-pres-manifestations-chine">sont déployés</a>.</p>
<p>Au lendemain des manifestations pacifiques rue Wulumuqi (nom d’Urumqi en mandarin) à Shanghai, les autorités locales ont ordonné la fermeture de pans entiers de la rue, ainsi que la suppression de la signalétique indiquant son nom. Le pouvoir politique reprend le contrôle presque intégral de l’espace public. Les universités sont les unes après les autres vidées de leurs étudiants, <a href="https://apnews.com/article/health-beijing-xi-jinping-shanghai-Covid-5e6340710ba8b273b3be88d8844feed0">renvoyés chez eux</a>, officiellement pour risque de contamination au Covid-19.</p>
<p>Malgré les signes de faiblesse de l’économie et l’exaspération/saturation de la population, le régime continuera de s’enfermer et d’enfermer la Chine dans la politique « zéro Covid », s’enfermant aussi soi-même dans une logique de fuite en avant qui sépare toujours plus la Chine du reste du monde.</p>
<p>Le narratif est lui aussi repris en main. Le régime a assuré à la population de <a href="https://www.cnbc.com/2022/11/29/china-says-Covid-vaccination-rates-for-seniors-has-climbed-over-the-last-two-weeks.html">nouveaux efforts collectifs de vaccination</a>, façon de resituer le Parti comme seul acteur légitime de la lutte contre le Covid.</p>
<p>Il est également intéressant de souligner que la répression est adaptée selon les contextes régionaux et sociaux. Dans les prochains jours, la répression sera probablement moins forte (plus au cas par cas) dans les régions de l’est, urbaines et industrielles, très connectées à la mondialisation, que dans les régions du centre et de l’ouest, plus éloignées des projecteurs et de l’attention internationale. L’exemple de <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/revue-de-presse-fran%C3%A7aise/20221129-%C3%A0-la-une-p%C3%A9kin-tente-de-museler-les-protestataires">Kachgar (Xinjiang)</a>, où la répression a été particulièrement sévère, en atteste.</p>
<p>Alors que le 20<sup>e</sup> Congrès, en octobre, avait été présenté comme un triomphe, le pouvoir chinois est face à une situation inédite et très anxiogène pour lui. Les demandes de démission de « Xi Jinping et du PCC » expriment d’une façon nouvelle la défiance du peuple à l’égard d’un régime en difficulté. Xi Jinping ne sera pas démis de ses fonctions, et il ne renoncera pas non plus. Il reste que la période est compliquée pour lui, sachant qu’il doit être investi de nouveau à la présidence au début du printemps prochain. La crise intervient dans un contexte marqué par les <a href="https://asialyst.com/fr/2022/10/22/chine-XXe-congres-parti-communiste-pcc-incident-hu-jintao-nouveau-comite-central/">luttes intestines au sein du PCC</a>.</p>
<p>La temporalité est désormais celle d’une fragilisation accrue dans la durée pour le Parti. Crises internes et externes, difficultés structurelles et conjoncturelles annoncent une décennie de tous les maux pour un régime qui pourrait bien être en fin de cycle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>L’exaspération généralisée de la population chinoise face à la politique « zéro Covid » a donné lieu à un mouvement de contestation d’une ampleur inédite depuis 1989.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1949772022-11-23T20:10:36Z2022-11-23T20:10:36ZG20, sommet de la rivalité sino-américaine ?<p>Réuni à Bali les <a href="https://linktr.ee/G20PresidencyofIndonesia">14-16 novembre derniers</a>, le sommet du G20 s’est déroulé sous le double signe de la guerre en Ukraine et du face-à-face sino-américain.</p>
<p>Tenu en l’absence de Vladimir Poutine, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/poutine-sera-absent-du-g20-car-son-agenda-ne-lui-permet-pas-de-s-y-rendre-20221111">officiellement pour une question d’agenda trop chargé</a>, mais en présence de Xi Jinping, peu après le <a href="https://theconversation.com/20-congres-du-pcc-un-xi-jinping-plus-puissant-que-jamais-a-la-tete-dune-chine-fragilisee-193583">XXᵉ Congrès du Parti communiste chinois</a> où il a encore renforcé son emprise sur son pays, et de Joe Biden, quelques jours après des midterms <a href="https://theconversation.com/apres-les-elections-de-mi-mandat-quattendre-de-la-presidence-biden-194464">moins négatives que prévu pour le Parti démocrate</a>, ce sommet très attendu aura été un concentré des dynamiques internationales en cours sur la planète.</p>
<h2>Le G20, un sommet des puissants</h2>
<p>Le G20, <a href="https://www.g20.org/about-the-g20/">cénacle où les États les plus puissants du système international</a> se retrouvent annuellement, est souvent décrit comme une rencontre « en vain », tant le <a href="https://esprit.presse.fr/article/guehenno-jean-marie/la-crise-du-multilateralisme-38076">multilatéralisme est aujourd’hui en difficulté</a>.</p>
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<p>Pour autant, ce moment est l’occasion pour les dirigeants d’organiser des réunions bilatérales importantes tout en participant pleinement au cadre multilatéral et d’affirmer leurs positions sur les grandes questions internationales (sécurité, changement climatique, migrations, économie et finance ou encore développement).</p>
<p>Ce forum international regroupe dix-neuf États <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/stronger-europe-world/eu-g20_fr">et l’Union européenne</a>. Les chefs d’État et de gouvernement, mais aussi les présidents des banques centrales et les ministres des Finances en composent l’agenda.</p>
<p>Il semble important de rappeler ce que représente le G20. Les pays membres pèsent <a href="https://www.oecd.org/g20/about/">80 à 85 % du PIB mondial</a>, 75 % du commerce international et 60 % de la population de la planète. La majeure partie des problématiques internationales y sont donc abordées, et des décisions majeures peuvent y être prises.</p>
<p>L’édition de 2022 aura toutefois été dominée, plus que jamais, par le tête-à-tête entre les deux plus grandes puissances actuelles, la guerre en Ukraine et le ralentissement économique mondial.</p>
<h2>Rencontre Xi-Biden : un G2 à l’intérieur du G20 ?</h2>
<p>En amont du sommet, Joe Biden et Xi Jinping <a href="https://www.lepoint.fr/monde/rencontre-xi-biden-au-g20-de-bali-l-europe-attendra-14-11-2022-2497734_24.php">se sont rencontrés pendant trois heures</a>.</p>
<p>Ce déplacement a été la deuxième visite hors de Chine de Xi Jinping depuis le début de l’épidémie de Covid-19, après <a href="https://theconversation.com/quand-la-chine-organise-un-nouvel-espace-de-vassalite-190932">sa participation au sommet de l’OCS en septembre (Ouzbékistan)</a> et la visite d’État au Kazakhstan qu’il a effectuée dans la foulée.</p>
<p>Au lendemain du 20<sup>e</sup> Congrès du PCC, qui a entériné dans la durée le pouvoir de Xi en Chine, malgré des difficultés tous azimuts (ralentissement économique fort, chômage, dettes, vieillissement, etc.), le sommet a été l’occasion pour Pékin d’affirmer l’étendue de son influence dans son environnement régional et d’y disputer le leadership américain – et cela, d’autant plus qu’il a eu lieu en Asie.</p>
<p>L’entrevue Biden-Xi aura probablement été le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/11/14/joe-biden-et-xi-jinping-prets-au-dialogue_6149791_3210.html">principal enjeu international de ce sommet</a>. Jamais encore Joe Biden n’avait rencontré Xi Jinping depuis son accession à la présidence des États-Unis début 2021. Les deux hommes ont affiché une <a href="https://www.letemps.ch/monde/g20-bali-xi-biden-oeuvrent-un-degel">forme de décontraction, malgré les tensions</a>, et assuré avoir abordé <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/11/14/readout-of-president-joe-bidens-meeting-with-president-xi-jinping-of-the-peoples-republic-of-china/">toutes les grandes questions</a> structurant les relations internationales et la relation bilatérale : péninsule coréenne et sécurité, Taïwan, Xinjiang, droits de l’homme, questions commerciales et technologiques ou encore la cybersécurité.</p>
<p>Voilà déjà des années que <a href="https://www.brookings.edu/articles/the-united-states-and-china-a-g-2-in-the-making/">certains observateurs</a> évoquent un monde régi par un « G2 », les États-Unis et la Chine sa partageant en quelque sorte le <a href="https://www.scmp.com/news/china/article/3198852/world-edge-new-cold-war-abandoned-g2-concept-china-us-ties-may-find-its-moment-sun">contrôle des affaires internationales</a>. La réalité, plus nuancée, montre que si ces deux acteurs se trouvent bien au cœur des équilibres du monde, on constate également une affirmation des émergents d’une part et l’impact majeur des réalités géoéconomiques d’autre part.</p>
<p>L’Indonésie, l’Inde, une partie du Moyen-Orient et d’autres pays encore profitent des sommets du G20 pour faire entendre leur voix, favorisant une <a href="https://theprint.in/world/india-will-give-voice-to-other-developing-countries-during-g20-presidency-pm-modi/1218539/">désoccidentalisation progressive des affaires internationales</a>. Ces « Tiers-Voix » évitent de choisir de façon définitive entre Pékin et Washington (avec difficulté), et s’efforcent de jouer leur propre partition.</p>
<p>Dans le même temps, les évolutions géoéconomiques structurent les choix tactiques et stratégiques de <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/india/india-indonesia-host-track-ii-dialogue-in-run-up-to-g20-summit-with-focus-on-voices-of-developing-countries/articleshow/95434525.cms">l’ensemble des États et des autres acteurs du système international</a>. Les tendances des marchés européen, <a href="https://www.reuters.com/world/japan-says-world-needs-unity-one-voice-saying-russia-must-pay-high-price-2022-07-08/">nord-est asiatique (Japon, Corée du Sud et Taïwan)</a> et nord-américain donnent vie à un ensemble multipolaire hétérogène.</p>
<p>Le sommet du G20 marque aussi une inflexion du triomphalisme chinois des réunions précédentes, inflexion due aux difficultés du grand projet des Nouvelles routes de la soie. La fameuse « Belt and Road Initiative » (BRI) est <a href="https://asiatimes.com/2022/11/indonesia-china-and-the-future-of-the-belt-and-road/">progressivement délaissée par le Parti</a> au bénéfice d’une nouvelle stratégie dite <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/202211/t20221116_10976578.html">« GDI – Global Development Initiative »</a></p>
<ul>
<li>aveu de faiblesse ou marque de l’échec du projet BRI dix ans après son lancement et la projection d’une « Chine première puissance mondiale en 2049 »…</li>
</ul>
<p>De l’autre côté, le concept d’Indopacifique <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/oceans-et-mondialisation/articles-scientifiques/espace-indopacifique-geopolitique">partagé par un nombre croissant d’États régionaux et extrarégionaux</a> tend à s’affirmer et à se consolider sur des sujets aussi bien diplomatiques que commerciaux. Des exercices interarmes multilatéraux (avec un tropisme naval fort) à la question de la vulnérabilité des milieux et de la biodiversité, les États asiatiques (Asie du Sud-Est, Japon, Corée du Sud, Taïwan, Inde) et occidentaux (Australie, États-Unis, Canada, UE, etc.) donnent du lustre aux formats multilatéraux <a href="https://www.mod.go.jp/en/d_act/exc/india_pacific/india_pacific-fr.html">à plusieurs échelles et dans divers domaines</a>. Une large partie des pays de l’UE, ainsi que les États-Unis et le Japon, semblent déterminés à apporter leur soutien au développement de cette immense zone, objet des attentions chinoises, lesquelles accroissent <a href="https://thediplomat.com/2022/10/will-the-bri-survive-economic-decoupling/">l’endettement de pays déjà fragiles</a>.</p>
<h2>Un multilatéralisme non occidental ?</h2>
<p>La voix d’autres États est elle aussi importante dans la recomposition régionale. Et notamment la voix de la France, <a href="http://www.newspress.fr/Communique_FR_316359_592.aspx">qui participe actuellement au sommet de l’APEC</a>. Alors que Joe Biden n’y participe pas, il y a un intérêt fort pour Paris d’y marquer sa présence en <a href="https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/10/c3852600ccbecbccb2fa05ecf147fa307a79ac17.pdf">défendant sa vision dite « Indopacifique »</a>, basée sur le multilatéralisme, le développement, la coopération et la lutte contre le réchauffement climatique.</p>
<p>Emmanuel Macron, qui se rendra en Chine en 2023, a rencontré Xi Jinping au G20 (une première depuis 2019). Il souhaite, en particulier, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/ukraine-macron-a-demande-a-xi-d-appeler-poutine-a-revenir-a-la-table-des-negociations-20221115">faire évoluer la position de Pékin sur le conflit en Ukraine</a>. Une partie des pays présents entendaient faire pression sur la Russie, notamment au sujet des questions de sécurité alimentaire. Ils auraient aimé rallier la Chine à la condamnation de la guerre. Mais même si Xi s’est déclaré opposé à l’usage de l’arme nucléaire, il n’emploie toujours pas le terme de « guerre » et <a href="https://www.atlanticcouncil.org/content-series/fastthinking/what-did-xi-and-biden-just-accomplish/">ne condamne pas ouvertement et explicitement l’action russe en Ukraine</a>. La Chine continue d’entretenir son lien diplomatico-stratégique avec Moscou, contre l’ordre international onusien.</p>
<p>La crise du multilatéralisme, le vide laissé par Poutine et son affaiblissement diplomatique encouragent le déploiement des volontés non occidentales dans la région – où <a href="https://www.courrierinternational.com/article/influences-l-union-africaine-veut-se-faire-une-place-dans-le-cenacle-du-g20">l’Union africaine, par exemple, souhaite gagner en visibilité</a>), où l’Inde, la Chine et les pays du Sud-Est asiatique alternent entre concurrence forte et interdépendance commerciale.</p>
<p>Alors que la présidence du <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/india-2023-g20-summit-more-than-200-events-pm-modi-2297152-2022-11-14">G20 revient à l’Inde pour l’année 2023</a> et <a href="https://en.mercopress.com/2021/11/03/brazil-will-host-g20-summit-in-2024">au Brésil pour l’année suivante</a>, la grande leçon de ce G20 est peut-être que, parallèlement au duel américano-chinois, l’émergence des « Tiers-voix » non occidentales se fait de plus en plus sentir…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194977/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Si le récent G20 de Bali a été l’occasion de la première rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden, il a aussi vu l’affirmation de plusieurs autres acteurs.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935832022-11-08T19:01:24Z2022-11-08T19:01:24Z20ᵉ Congrès du PCC : un Xi Jinping plus puissant que jamais à la tête d’une Chine fragilisée<p>Le <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/10/12/5-points-sur-le-20e-congres-du-parti-communiste-chinois/">20ᵉ Congrès du Parti communiste chinois (PCC)</a> s’est tenu du 16 au 22 octobre dernier. S’il a confirmé la <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782080243270-rouge-vif-l-ideal-communiste-chinois-alice-ekman/">concentration entre les mains de Xi Jinping</a> du pouvoir sur la Chine et, tout spécialement, sur le PCC et ses 96,7 millions de membres, <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/le-20e-congres-du-pcc-et-la-logique-de-xi-jinping">ce moment politique charnière</a> a aussi laissé entrevoir les fragilités d’une Chine à la fois <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/01/09/5e-plenum-14e-plan-quinquennal-et-vision-2035-la-progressive-dislocation-de-la-matrice-chine-du-reste-du-monde/">repliée sur elle-même</a> et de plus en plus agressive à l’endroit de <a href="https://www.la-croix.com/Debats/En-Chine-patriotisme-teinte-dune-agressivite-revendiquee-tient-lieu-religion-nationale-2022-10-14-1201237815">ses voisins régionaux et des démocraties libérales occidentaux</a>. Cette agressivité est-elle un aveu de faiblesse grandissante ?</p>
<h2>Un grand cérémonial discrètement contesté</h2>
<p>Au cœur de la grande parade et du décorum parfaitement codifié, aucune décision clé n’a été prise lors de ce vingtième Congrès.</p>
<p>Étaient présents <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/16/le-parti-communiste-chinois-ouvre-son-congres-pour-sacrer-a-nouveau-xi-jinping_6145987_3210.html">2 296 délégués</a>, y compris l’intégralité des membres du Comité central et du Comité permanent du Bureau politique et les hauts dignitaires du Parti, dont le <a href="https://foreignpolicy.com/2022/10/13/china-xi-jinping-succession-ccp-party-congress-elders/">doyen Song Ping, 106 ans</a>, ainsi que <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/China-s-party-congress/Retired-elders-lose-spotlight-at-China-s-Communist-Party-congress">Hu Jintao et Wen Jiabao</a>, respectivement ancien président et secrétaire général et ancien premier ministre, ou encore <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Zhang-Gaoli-immortel-chinois-accuse-viol-Peng-Shuai-2021-11-25-1201186980">Zhang Gaoli (qui a été inquiété pour le viol de la tenniswoman Peng Shuai</a>).</p>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2022-3-page-145.htm">célébration du régime triomphant</a> a entériné le <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/le-20e-congres-du-pcc-et-la-logique-de-xi-jinping">troisième mandat de cinq ans du secrétaire général du Parti</a>, Xi Jinping, qui sera également confirmé en mars 2023 à la présidence de la RPC.</p>
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<p>Tout au long de la semaine où s’est tenu le Congrès (voire plusieurs semaines en amont), la vie du pays a été <a href="https://www.leventdelachine.com/vdlc/numero-35-2022/un-XXe-congres-entre-rupture-et-continuite/">placée sous le signe de l’événement</a>. Des affiches ont été placardées partout et une vase campagne de propagande a été déployée dans l’espace public, dans les écoles, dans les entreprises, dans les universités.</p>
<p>Malgré la surveillance de masse et les efforts colossaux du Parti pour <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/097856-000-A/chine-du-confinement-a-la-surveillance/">contenir et neutraliser toute « subversion »</a>, plusieurs personnes ont réussi à installer une <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20221015-XXe-congr%C3%A8s-du-pcc-que-sait-on-de-tankman-2022-l-homme-aux-banderoles-critiquant-xi-jinping">banderole sur un pont piéton d’un échangeur dans le district de Haidian à Pékin</a>. On pouvait notamment y <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/chine-a-pekin-un-manifestant-affiche-deux-banderoles-contre-le-regime-de-xi-jinping-a-quelques-jours-du-congres-du-parti-communiste_5419639.html">lire</a> :</p>
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<p>« Nous ne voulons pas de tests Covid, nous voulons manger ; nous ne voulons pas de confinement, mais être libres ; pas de mensonge, mais la dignité. Ne plus être des esclaves, mais être des citoyens. »</p>
</blockquote>
<p>À l’étranger, (<a href="https://www.upi.com/Top_News/World-News/2022/10/17/Hongkong-protester-beaten-Chinese-consulate-Manchester/5051665994070/">Manchester</a> ou Paris), plusieurs voix se sont fait entendre, donnant un écho supplémentaire à ces demandes de l’opinion publique chinoise, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/cultures-monde/logement-education-travail-les-desillusions-de-la-classe-moyenne-6432018">trop souvent perçue comme monolithique et immuable</a>. Très rapidement, la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/cyber-espionnage-les-operations-chinoises-montent-en-puissance-contre-les-interets-francais-935969.html">toile Internet chinoise s’est refermée, les mots clés des revendications étant censurés</a>, plusieurs arrestations ont eu lieu.</p>
<h2>Les fidèles de Xi à l’honneur</h2>
<p>La personnification du pouvoir et la symbolique du « régime rouge » laissent planer une grande opacité sur la composition finale du Bureau politique. Si la règle de la « limite » d’âge des 67-68 ans <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/10/12/5-points-sur-le-20e-congres-du-parti-communiste-chinois/">engage plusieurs membres à sortir</a>, les <a href="https://asialyst.com/fr/2018/08/24/chine-xi-jinping-attaque-reseau-hu-jintao-jeunesses-communistes/">luttes intestines au sein du Parti</a> se sont accentuées des dernières années.</p>
<p>Alors qu’un <a href="https://www.jstor.org/stable/43298122">« équilibre » était de mise entre les différentes coteries du PCC</a>, il semblerait que <a href="https://asialyst.com/fr/2022/09/16/reformes-zero-Covid-xi-jinping-cherche-encore-equilibre-avant-XXe-congres-parti/">Xi Jinping impose plusieurs de ses fidèles</a> et ne laisse siéger qu’un ou deux membres issus des factions de Jiang Zemin et de La Ligue de la Jeunesse communiste. Rappelons que ces clans (La Ligue, « Bande de Shanghai », les Princes Rouges) qui, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Xi en 2012, se partageaient les postes au sein du Parti, <a href="https://asialyst.com/fr/2022/07/13/chine-xi-jinping-proche-victoire-boiteuse-20-congres-parti/">ont très largement perdu</a> de leur influence.</p>
<p>À la place, Xi Jinping a considérablement renforcé son pouvoir en s’appuyant sur la « bande du Zhejiang », province au sud de Shanghai qu’il a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/10/13/l-armee-du-zhijiang-la-bande-de-xi-jinping_5200643_3210.html">précédemment dirigée au cours de sa carrière</a>. Autant de fidèles placés dans les régions et municipalités clés et à des postes stratégiques du Parti et de l’État.</p>
<p>La veille de la clôture du Congrès et de <a href="https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/chine-contre-son-gre-lex-president-hu-jintao-escorte-hors-du-congres-du-parti-communiste-20221022_BMP5BOODRZB3DM2DOGT7KDCBWU/">l’humiliation suprême de Hu Jintao</a> (marquant de manière symbolique sous les yeux de la Chine et du monde l’éviction des factions internes opposées à Xi Jinping), la composition du Comité permanent du Bureau politique (CPBP) et du Comité central (205 membres) a été dévoilée. Ces nominations témoignent de la mainmise quasi absolue de Xi Jinping sur les plus hautes instances du PCC, donc du Parti-État.</p>
<p>Plusieurs précisions quant à cette accélération du pouvoir absolu de Xi : aucune femme au Bureau politique, une moyenne d’âge en contradiction avec les usages (dépassement de l’« âge plafond » de 67-68 ans), pas de successeurs identifiés ni identifiables et, surtout, un CPBP entièrement composé de fidèles ou de proches de Xi.</p>
<p>Wang Huning, l’idéologue, reste au CPBP et prend la tête de la propagande et du <a href="https://cset.georgetown.edu/article/how-chinas-united-front-system-works-overseas/">Front Uni</a>. Cette instance vise à rallier les personnes à la cause du Parti (influence, recrutement), mais aussi à neutraliser ce qui est perçu comme étant les opposants au régime. <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/24/chine-li-qiang-un-fidele-de-xi-jinping-futur-premier-ministre_6147093_3210.html">Li Qiang</a>, chef du Parti à Shanghai, responsable des chaotiques confinements, devient premier ministre. Cai Qi, chef du Parti à Pékin, entre au Comité permanent. Zhao Leji, « ancien immortel » (membre du CPBP et haut dignitaire du régime) demeure au Comité permanent mais prend la direction de la lutte contre la corruption. Li Xi, chef du Parti au Guangdong, prend la tête de l’inspection disciplinaire. Et Ding Xuexiang fait son entrée au Comité permanent, en tant que bras droit du président, à la tête du Bureau central du PCC.</p>
<p>Tous les six sont des proches de Xi Jinping de longue date, depuis qu’ils ont été aux responsabilités avec lui au sein du Parti ou de l’État dans les provinces du Fujian, du Zhejiang et de Shanghai. En outre, certains d’entre eux se sont connus du fait de l’amitié et de la proximité de leurs parents, issus de l’entourage de Mao et survivants de la Longue Marche (1934-1935)…</p>
<h2>Quatre orientations prioritaires</h2>
<p>Une première depuis 2002 : les mots <a href="https://www.npr.org/2022/10/16/1129277377/china-xi-jinping-communist-party-congress-speech-takeaways">« opportunités stratégiques »</a> n’ont pas été mentionnés une seule fois. Signe d’une fragilisation de l’économie chinoise et de la <a href="https://thediplomat.com/2022/10/xis-work-report-to-the-20th-party-congress-5-takeaways/">perte d’attractivité de la Chine sur le plan international</a>, le régime joue à la fois la <a href="https://thediplomat.com/2022/10/what-to-watch-for-at-the-20th-party-congress-the-work-report/">prudence et la légitimité</a> et reporte à une date ultérieure la publication des chiffres économiques du troisième trimestre.</p>
<p>Première orientation évoquée en substance tout au long du Congrès : l’économie. La croissance chinoise sera pour la deuxième année consécutive <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/congres-du-parti-communiste-chinois-six-choses-a-savoir-sur-la-chine-de-xi-jinping-1869760">faible</a>. Résultat du ralentissement économique mondial, de la guerre en Ukraine, mais aussi et surtout de <a href="https://www.letemps.ch/economie/chine-perdu-superbe-2022">« la politique éro Covid »</a>, le PIB chinois, qui <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/doubler-le-pib-chinois-d-ici-2035%20--%20voila-pourquoi-l-objectif-de-xi-jinping-est-un-pur-fantasme-chine-parti-communiste-guerre-commerciale-2035-previsions-economie-gestion-crise-pandemie-Covid-19-coronavirus-emmanuel-veron-">selon les autorités devait doubler d’ici à 2035</a>, atteste d’une forme de stagnation dont les signaux commencent à être visibles et durables.</p>
<p>Chute de la production industrielle, vieillissement de la population, <a href="https://theconversation.com/restons-couches-ou-comment-mieux-comprendre-la-nature-du-regime-chinois-a-travers-un-mouvement-contestataire-175562">perte de confiance en l’avenir de la jeunesse</a>, crise environnementale, crise immobilière insoluble et structurelle, sont autant de fragilités à la fois conjoncturelles puisque accélérées par la pandémie et <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/immobilier-cette-crise-rampante-qui-menace-la-chine-1870011">structurelles</a>, liées à la taille du pays et à la rapidité de son développement ces trente dernières années. En quelque sorte, les excès du développement et de la modernisation <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">sur fond d’euphorie et de corruption généralisée</a>.</p>
<p>Deuxième orientation : le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/face-a-xi-jinping-les-geants-de-la-tech-chinoise-dans-lincertitude-1869983">domaine de la <em>Tech</em></a>. Le Parti cherche à ordonner l’ensemble de l’innovation <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/12/en-chine-les-geants-de-la-tech-au-service-de-la-surveillance_6145391_3210.html">dans le domaine des technologies</a>. Pour cela, il a plusieurs plans, certains <a href="https://usbeketrica.com/fr/article/la-chine-locomotive-de-l-intelligence-artificielle">publics</a>, d’autres plus secrets <a href="https://www.economie.gouv.fr/igpde-editions-publications/note-reactive-chine-2018-7">dans les domaines de l’IA, du quantique, des supercalculateurs, du cyber, de l’espace</a> etc. Chaque programme a une <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/en-chine-les-semi-conducteurs-restent-un-gros-point-de-faiblesse-1869905">articulation duale (civil-militaire)</a>, afin à la fois de concurrencer les capacités américaines et de <a href="https://www.institutmontaigne.org/publications/china-trends-10-comment-lintelligence-artificielle-transformera-la-chine">renforcer le contrôle de l’État sur la société chinoise</a></p>
<p>Troisième orientation : <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/chine-xi-jinping-reste-ferme-sur-la-lutte-anti-Covid-et-determine-a-conquerir-taiwan-1869943">l’obsession de Taïwan</a>. Dès l’ouverture du Congrès, le discours de Xi Jinping a <a href="https://www.lepoint.fr/monde/xi-jinping-met-sous-pression-taiwan-16-10-2022-2493894_24.php">insisté sur Taïwan</a> distillant l’idée que Hongkong constituait un précédent en matière de « remise au pas » d’une région chinoise « trop longtemps séparée de la mère patrie ». Ces propos rappellent l’obsession de l’unité et de l’unicité de la Chine. En ce sens, Taïwan continuera de se trouver <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/110537-002-A/chine-et-usa-taiwan-au-c%C5%93ur-de-la-rivalite/">au cœur de la rivalité sino-américaine</a> et, plus largement, un <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/101349-000-A/asie-pacifique-la-nouvelle-poudriere/">dossier essentiel de l’Indopacifique</a>. Une confrontation dans le Détroit n’est pas exclue. Dès l’ouverture du Congrès, Xi, très martial, rappelait : <a href="https://www.courrierinternational.com/article/discours-au-congres-du-pcc-xi-jinping-avertit-taiwan-la-chine-ne-renoncera-jamais-a-l-usage-de-la-force">« La Chine ne renoncera jamais à l’usage de la force ».</a></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-chinois-de-ta-wan-189085">Le casse-tête chinois de Taïwan</a>
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<p>Enfin, quatrièmement, Xi Jinping a mis en avant le <a href="https://www.defensenews.com/opinion/commentary/2022/08/08/chinas-military-modernization-spurs-growth-for-state-owned-enterprises/">domaine militaire</a>. Il avait déjà <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/moderniser-discipliner-reforme-armee-chinoise-sous-xi-jinping-2017">lancé une refonte de l’Armée en 2015-2016</a> à des fins de modernisation et <a href="https://www.asafrance.fr/item/economie-la-modernisation-militaire-de-la-chine-stimule-la-croissance-des-entreprises-publiques.html">pour accroître sa légitimité personnelle au sein du Parti</a> et aux yeux de la société ; malgré les faiblesses de l’économie, les <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-tribune.php ?ctribune=1448">forces armées</a> chinoises continueront, par secteurs, d’être bien dotées.</p>
<p>La marine, le spatial, le balistique et le nucléaire, ainsi que le cyber <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2022-1-page-227.htm">seront les mieux servis</a> (en plus des programmes IA, quantique, drones, etc.). <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article-cahier.php ?carticle=235">L’évolution de la stratégie chinoise et des doctrines d’emploi</a> sera à suivre de près, notamment dans la perspective d’un affrontement sur mer, de Taïwan à la mer de Chine du Sud et, au-delà, dans le Pacifique.</p>
<p>Toutes ces orientations sont articulées à la relation conflictuelle avec les États-Unis, mais aussi à la fuite en avant accélérée du régime chinois sous la gouvernance de Xi Jinping.</p>
<h2>Vers la guerre ?</h2>
<p>Plusieurs dates majeures ont été mises en avant lors du Congrès : 2025, pic d’émission des gaz à effet de serre ; 2020-2030, une « Chine moderne » ; 2030-2049, une « Chine prospère » ; et pour 2049, une « armée de classe mondiale » et première puissance mondiale pour le centenaire de la République populaire de Chine. Ou encore 2060 et la neutralité carbone…</p>
<p>À côté de ce décorum temporel, il y a un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/10/BULARD/65155">autre agenda</a>, celui du vieillissement, de la dette, des taux de chômage qui a explosé, de la poursuite de la consommation effrénée de matière carbonée…</p>
<p>Enfin, les grands chantiers à l’instar des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/14/nouvelles-routes-de-la-soie-comment-le-chantier-du-si%C3%A8cle-de-la-chine-s-est-enlise_6145856_3210.html">« Nouvelles routes de la soie »</a> pour la géopolitique et la géoéconomie, ou du <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221015- %C3 %A0-la-veille-du-congr %C3 %A8s-du-pcc-xi-jinping-face-au-d %C3 %A9clin-du-r %C3 %AAve-chinois">« Rêve chinois »</a> pour le modèle social et de gouvernance, ont tous deux très largement perdu en crédibilité tant à l’international qu’en interne.</p>
<p>À la lecture des choix stratégiques du Parti, on constate que la rivalité avec les États-Unis est partout. Des technologies à Taïwan, en passant par la guerre en Ukraine, les prochaines années d’exercice du pouvoir de Xi Jinping ne seront pas tant celles des difficultés internes à la Chine et au Parti que celles de la cristallisation du conflit avec l’autre puissance tant redoutée et tant jalousée. Les interdépendances économiques et industrielles suffiront-elles à éviter toute confrontation directe ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Xi a encore accru son emprise sur le parti et donc sur le pays. Mais la Chine demeure fragilisée par les conséquences de sa stratégie zéro Covid et par sa confrontation avec Washington.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1931892022-10-25T17:32:30Z2022-10-25T17:32:30ZChine : Xi Jinping plus fort que jamais au sein d’un parti communiste entièrement construit autour de lui<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/491738/original/file-20221025-15-qwlmdm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4215%2C2901&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’ex-président chinois Hu Jintao quitte sous escorte la cérémonie de clôture du 20e Congrès du Parti communiste chinois, sans émouvoir son successeur, Xi Jinping. </span> <span class="attribution"><span class="source">(EPA-EFE/Mark R Cristino)</span></span></figcaption></figure><p>On avait cru, à tort, que la manière dont Xi Jinping a publiquement <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Congres-PCC-Pekin-mystere-lexpulsion-Hu-Jintao-direct-2022-10-22-1201238962">exclu son prédécesseur</a> à la présidence de la République populaire de Chine, Hu Jintao, de la cérémonie de clôture du 20<sup>e</sup> congrès du Parti communiste, ferait les manchettes toute la semaine.</p>
<p>Ce développement spectaculaire était-il dû à l’état de santé de Hu Jintao ? Ou s’agissait-il d’une purge en direct, planifiée ou décidée spontanément ? On ne le saura sans doute jamais. Mais la froideur affichée par Xi devant un Hu désespéré dépeint certainement la fin de ce à quoi Hu (et avant lui Deng Xiapoing et Jiang Zemin) était associé : leadership collectif, démocratie interne et recherche du consensus.</p>
<p>Au cours de cette <a href="https://www.ledevoir.com/monde/asie/766721/un-troisieme-mandat-historique-pour-xi-jinping">semaine de congrès</a>, la plupart des changements de personnes, de doctrine et de priorités politiques pointent dans la même direction. Après dix ans d’effort pour centraliser son pouvoir, Xi Jinping a désormais le contrôle total du Parti communiste chinois.</p>
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<p>La composition du 20<sup>e</sup> <a href="https://www.bbc.com/afrique/monde-63272858">Comité permanent du Politburo</a> (CPP), organe directeur du parti et du pays, illustre parfaitement sa domination de Xi de l’appareil politique. Outre Xi qui y siège, les six autres postes du CPP annoncés le 23 octobre appartiennent à un inconditionnel qui lui est lié politiquement et personnellement.</p>
<p>Li Qiang et Cai Qui, respectivement secrétaires du PC de Shanghai et de Pékin, ont été les exécutants de la très impopulaire <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/congres-du-pc/chine-xi-jinping-defend-sa-politique-zero-Covid-lors-du-congres-du-parti-communiste_5425291.html">politique Zéro Covid</a>. Ding Xuexiang (chef de cabinet de Xi) le sert depuis son mandat à Shanghai en 2007. Et Li Xi (secrétaire du PC du Guangdong) est l’un des plus anciens partisans et un ami de la famille. Ces quatre nouveaux membres rejoignent deux « loyalistes » du 19<sup>e</sup> CPP : Zhao Leji (secrétaire du Comité central pour l’inspection disciplinaire) et Wang Huning (principal théoricien de Xi).</p>
<p>Les sept membres du CPP sont choisis parmi les 24 qui forment le Politburo, dont la composition illustre également le contrôle renouvelé de Xi sur les élites du parti. Pour y parvenir, le PCC a également créé plusieurs précédents en ignorant ou en interprétant de manière sélective les vieilles règles et coutumes régissant la carrière des politiciens. Et, pour la première fois depuis des décennies, ce cercle rapproché ne compte <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/congres-du-pc/chine-il-n-y-a-aucune-femme-au-bureau-politique-du-parti-communiste-pour-la-premiere-fois-en-25-ans_5435227.html">aucune femme</a>.</p>
<h2>Mots d’ordre : stabilité et contrôle</h2>
<p>Au chapitre des idées maîtresses et des priorités politiques, le congrès a adopté en bloc le programme de Xi. Il l’a ensuite inscrit à la constitution du parti avant de le réélire au Secrétariat général pour la troisième fois — du jamais vu. <a href="https://www.la-croix.com/Congres-Parti-communiste-chinois-annonces-attendues-2022-10-21-1301238775">Sur le plan économique</a>, les politiques existantes sont toutes réaffirmées. La référence à la « prospérité commune » (une croissance plus équitable pour tous) et l’accent mis sur le marché intérieur (ses capacités d’innovation et d’autonomie) n’ont pas changé. Quant à la politique du Zéro Covid, aucun assouplissement n’est annoncé : l’ingérence décisive de l’État — qui s’est intensifiée — se poursuivra.</p>
<p>La vision sous-jacente est celle d’une Chine plus repliée sur elle-même, moins impliquée dans les affaires du monde, et dont les politiques s’élaboreront en conformité avec les volontés du centre du parti — Xi lui-même. Pour la première fois depuis la mort de Mao, il ne semble plus exister de contrôle institutionnel ou politique sur le pouvoir du chef suprême.</p>
<p>Mais il <a href="https://theconversation.com/china-xi-jinping-poised-for-a-third-term-with-no-plans-to-relinquish-power-any-time-soon-192560">est simpliste de comparer Xi à Mao</a>. Ce dernier se considérait au-dessus du parti, qu’il voyait comme un véhicule pour mettre en œuvre ses idées irrationnelles et régler ses comptes. Il s’entourait de courtisans qui ne savaient pas gouverner, contrairement à Xi qui s’est entourés de technocrates loyaux. Et bien sûr, Mao n’a pas hésité à jeter le PCC dans l’abîme du radicalisme lorsqu’il en a perdu le contrôle.</p>
<p>Xi a grandi à l’époque des ravages et de l’anarchie de la <a href="https://www.lesoleil.com/2016/05/14/il-y-a-50-ans-la-chine-vivait-sa-revolution-culturelle-303b618603954c425fd977ca5b8938f4">Révolution culturelle</a> décrétée par Mao, dont il est ressorti avec de profondes cicatrices (son père Xi Zhongxun a été enlevé par les Gardes rouges et sa sœur aînée Xi Heping s’est suicidée) et un dégoût pour le désordre.</p>
<p>Lorsque Xi est arrivé au pouvoir en 2012, il s’est inquiété du laxisme dans la discipline du parti et de son contrôle inefficace de la société. En dix ans, il a considérablement accru la capacité de surveillance et de répression du parti, il a purgé la plupart des cadres corrompus et déloyaux envers lui, et il a centralisé le contrôle du régime communiste.</p>
<h2>La montée en puissance du PCXi</h2>
<p>Xi centralise le pouvoir de façon très différente de Mao, car il le fait au sein du parti. Mais la manière se ressemble sur un point essentiel : la direction collective, la démocratie interne et la recherche du consensus sont sacrifiées au profit de la discipline et de la loyauté envers le leader « central ». En l’absence quasi totale de contrepouvoirs, le dirigeant n’est plus contraint par la nécessité de former des consensus. Son charisme personnel, son jugement, ses forces et ses faiblesses du leader auront donc un impact beaucoup plus important sur l’orientation future et la résilience du régime.</p>
<p>En outre, l’histoire nous apprend que plus un système est centralisé, plus la lutte pour la succession risque d’être âpre. En l’absence d’un héritier clair, il sera beaucoup plus difficile d’assurer une transition stable parmi des hauts dirigeants unis par leur seule loyauté envers Xi, alors que les conventions de jadis quant à la succession ont été abolies. Si la santé de Xi flanche ou à la première velléité de retraite, les couteaux risquent de voler bas dans son entourage pour arracher la succession.</p>
<p>Par la centralisation, Xi a transformé le PCC en une machine personnelle obsédée par le contrôle, mais au prix de saper des principes de fonctionnement qui avaient pourtant joué un rôle important dans la longévité et le succès du parti. Il reste à voir si ce nouveau « PCXi » parviendra à assurer la prospérité d’une société en évolution dynamique — ce que l’ancienne version du PCC avait su faire jusqu’à présent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193189/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Konstantinos Tsimonis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après dix ans d’effort pour centraliser son pouvoir, Xi Jinping a désormais le contrôle total du Parti communiste chinois.Konstantinos Tsimonis, Lecturer in Chinese Society, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1917502022-10-20T15:12:52Z2022-10-20T15:12:52ZL’élection brésilienne vue de Chine<p>Alors que <a href="https://www.lopinion.fr/international/le-bresil-tremble-pour-son-election-presidentielle">l’élection présidentielle brésilienne</a> va bientôt connaître son dénouement, il est utile, <a href="https://thediplomat.com/2022/09/brazils-china-heavy-election/">pour en comprendre la portée internationale</a>, d’analyser la relation toujours plus étroite que Brasilia entretient avec Pékin.</p>
<p>Depuis 2009, la Chine est, devant les États-Unis, le <a href="https://france-ameriques.org/video/la-montee-en-puissance-de-la-chine-en-amerique-latine-et-ses-implications-pour-lavenir-du-sous-continent/">premier partenaire commercial du Brésil</a>, tandis que ce dernier est le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/l-amerique-latine-nouvelle-terre-de-conquete-pour-la-chine-20220206">premier partenaire de la Chine en Amérique latine</a>.</p>
<p>Les rapports entre les deux géants, <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/09/20/le-non-alignement-nouveau-levier-de-negociation-des-brics/">tous deux membres du groupe des BRICS (avec l’Inde, la Russie et l’Afrique du Sud)</a>, illustrent parfaitement <a href="https://static.lefigaro.fr/eidos-infographies/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine/html/webINTER_202205_CL_chine_amerique_latine.html">l’asymétrie des liens</a> entre, d’une part, une Chine à la puissance économique sans cesse croissante depuis trois décennies et, d’autre part, les pays et les sociétés non occidentales, où la RPC investit largement.</p>
<h2>Des liens récents mais désormais très étroits</h2>
<p>Les relations diplomatiques entre les deux pays <a href="https://www.revueconflits.com/bresil-chine-relations-brics-michel-nazet/">sont officialisées en 1974</a>, en pleine guerre froide, au lendemain de l’admission de la Chine à l’ONU et durant la dictature militaire brésilienne.</p>
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<p>Si les relations sont très limitées depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, les années 1980 et 1990 vont changer la donne. <a href="https://www.capitmuscas.com/produit/la-chine-face-au-monde-une-puissance-resistible/">L’insertion accélérée de la Chine dans la mondialisation</a> induit une recomposition des liens politiques, commerciaux et diplomatiques. L’ascension progressive des <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/09/30/chine-amerique-latine-quand-pekin-exploite-larriere-cour-americaine/">intérêts chinois en Amérique latine</a> s’affirme avec le tournant des années 2000 et l’adhésion de Pékin à l’OMC (2001). Dès lors, la Chine intensifie son emprise sur le continent, longtemps considéré comme le pré carré des États-Unis.</p>
<p>Pékin développe <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-sud/comment-la-chine-a-fait-main-basse-sur-l-amerique-latine_2164510.html">sa stratégie latino-américaine</a> dans un triple objectif : diversifier ses sources d’approvisionnement en ressources naturelles et agricoles ; incarner un leadership non occidental en matière de développement ; et étouffer Taïwan.</p>
<p>En 2008, la Chine publie son <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ramses2020_nardon.pdf">Livre Blanc des relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes</a>. Le Brésil, plus grand pays d’Amérique latine, et dont les dimensions démographique et géographique peuvent laisser penser qu’il a les moyens d’entretenir une <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-2-page-151.htm">« relation équilibrée »</a> avec la Chine, sera au cœur des ambitions de Pékin dans la région.</p>
<p>Le partenariat bilatéral signé en 1994 a été converti en partenariat stratégique en 2004 et enfin en <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-et-la-chine-l-avenir-d-une-relation-1">« partenariat stratégique mondial » en 2012</a>. Dès le milieu des années 2000, la Chine est présente dans tous les secteurs (agriculture, transports, extraction, spatial, finance, etc.) et dépasse en tant que partenaire commercial les <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-1-page-299.htm">historiques grands partenaires du Brésil que sont les États-Unis et les pays européens)</a>.</p>
<p>La progression est d’une rapidité impressionnante et se concrétise sous les mandatures de gauche au Brésil (Lula puis Rousseff). En 2000, la Chine représente 2 % des exportations du Brésil. En 2020, ce ratio est passé à <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu">33 %, pour un volume total de 68 milliards de dollars</a>. Idem pour les importations brésiliennes en provenance de Chine : 2 % du total en 2000 et plus de 21 % en 2020, devant les États-Unis (17 %) et l’UE (19 %). Globalement, entre 2000 et 2020, le volume des échanges de marchandises <a href="https://www.areion24.news/2020/01/15/quand-la-chine-sinstalle-en-amerique-latine/">passe de 12 milliards à plus de 137 milliards de dollars</a>.</p>
<p>D’un côté, les <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/BR/commerce-exterieur-du-bresil">exportations brésiliennes</a> sont très largement dominées par des ressources naturelles et agricoles (à faible valeur ajoutée) : l’agrobusiness représente près de 40 % (soja à 35 %, viandes, etc.), les autres produits exportés se répartissent entre les minerais (25 %) et le pétrole (17 %). De l’autre, les importations brésiliennes en provenance de Chine sont très concentrées sur des <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">produits manufacturés à plus forte valeur ajoutée</a>.</p>
<h2>L’« effet Chine » au Brésil</h2>
<p>Les observateurs et analystes des relations sino-brésiliennes ont rapidement mis en évidence un <a href="https://bdtd.ibict.br/vufind/Record/USIN_f06942acacaad33c7aa11f766e24a926">« effet Chine » (<em>efeito China</em>)</a> au Brésil.</p>
<p>Plus d’une quinzaine de consortiums d’État chinois (Sinopec, ChemChina, BYD, CNOOC, COFCO, CGN, etc.) ont investi <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-1">dans la plupart des régions brésiliennes</a>, les quelques exceptions étant les zones d’Amazonas, Acre, Rondônia ou Pernambouc. Ces investissements se sont accélérés sous la mandature de <a href="https://www.reuters.com/article/china-presidente-estabilidade-brasil-idBRKCN1181B7">Michel Temer (2016-2018)</a>, sans pour autant que le Brésil, contrairement à son <a href="https://thediplomat.com/2022/02/argentina-joins-chinas-belt-and-road/">voisin argentin</a>, ne signe de mémorandum dans le cadre du projet <em>Belt and Road Initiative</em>. Lors du mandat de Jair Bolsonaro, qui démarre en 2018, les relations vont se poursuivre, notamment dans le domaine de l’exportation des matières premières, et ce, malgré la pandémie qui suscite quelques tensions entre les deux pays.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1392022018904793092"}"></div></p>
<p>Les investissements concernent surtout l’énergie (pétrole, hydroélectricité, électricité), mais aussi les <a href="https://www.futuribles.com/fr/article/le-super-port-dacu-ou-lautoroute-chine-bresil/">infrastructures de transports ou des ports</a>. Deux groupes chinois jouent un <a href="https://www.cnccef.org/wp-content/uploads/2021/03/LA-LETTRE-DE-LA-CHINE-HORS-LES-MURS-39.pdf">rôle particulièrement prégnant</a> dans ces investissements : State Grid, pour l’électricité et les réseaux (50 % des actifs au Brésil), articulée à China Telecom et China Mobile ; et Three Gorges pour les barrages (60 % des actifs au Brésil).</p>
<p>Les banques chinoises (China Development Bank, Bank of China, EximBank, ICBC) octroient des prêts colossaux (plus de 30 milliards de dollars comptabilisés en 2020) au secteur pétrolier brésilien (compagnie Petrobras) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-3">suite à la découverte de gisements offshore</a>. Très vite, les opérateurs chinois vont s’associer à Petrobras dans l’exploration et l’exploitation, ainsi que dans le soutien à la livraison d’infrastructures pétrolières.</p>
<p>Selon plusieurs études, confirmées par les industriels brésiliens, la rapidité des échanges et l’augmentation des importations chinoises du Brésil ont <a href="https://www.herodote.org/spip.php?article995">renforcé la désindustrialisation du pays</a>. À titre d’exemple, les exportations de produits manufacturés du Brésil ont diminué de moitié entre 2005 et 2021. On assiste à une <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2018-4-page-153.htm">« re-primarisation » de l’économie du géant</a> latino-américain, sur fond de <a href="https://www.cairn.info/revue-problemes-d-amerique-latine-2015-3-page-95.htm">forte dépendance à l’exportation de quelques produits agricoles et miniers</a>.</p>
<p>Si en 2004 la création de la <a href="https://www.gov.br/mre/en/contact-us/press-area/press-releases/sixth-meeting-of-the-sino-brazilian-high-level-commission-for-consultation-and-cooperation-cosban-may-23-2022">Commission sino-brésilienne de Concertation et Coopération (COSBAN)</a> a contribué à l’intensification du partenariat économique, les relations se sont élargies, depuis l’émergence des BRICS à la fin des années 2000, à de nombreux autres domaines, notamment les médias, le militaire ou encore le spatial.</p>
<p>L’influence de Pékin s’est structurée et diversifiée. On compte un peu plus d’une dizaine d’Instituts Confucius (dont le premier à l’Université de Sao Paulo) <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br%C3%A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">dispersés sur l’ensemble du territoire brésilien</a>. La promotion de l’apprentissage du mandarin et l’intensification de réseaux divers (régions, chambre de commerce, partis politiques, etc.), <a href="https://www.researchgate.net/publication/274674618_Les_defis_de_l%E2%80%99influence_de_la_Chine_sur_le_developpement_du_Bresil">jusqu’au lobbying</a> pour la promotion des échanges entre les deux pays et d’une image attractive et bonifiée de la Chine, ont marqué les deux dernières décennies. Ainsi, la diaspora chinoise au Brésil s’est accrue, <a href="https://theconversation.com/la-tranquille-penetration-chinoise-en-amerique-latine-et-cara-bes-102277">surtout dans les grandes métropoles et dans les villes portuaires</a>, tandis que des Brésiliens se sont installés en Chine, dont bon nombre sont cependant partis avec la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Enfin, dans sa stratégie internationale, le <a href="https://www.istoebresil.org/post/le-br %C3 %A9sil-dans-l-orbite-de-l-empire-du-milieu-4">groupe Huawei</a> a su diversifier ses activités et intensifier sa présence au Brésil dans divers domaines : <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/telecoms-pourquoi-le-chinois-huawei-veut-grandir-dans-les-cables-sous-marins-626277.html">câbles sous-marins</a>, équipements et infrastructures, ventes d’appareils jusqu’à la fourniture de la 5G, ce qui a provoqué des <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/5g-les-etats-unis-avertissent-le-bresil-de-consequences-s-il-choisit-huawei-20200729">pressions américaines</a>… Rappelons que les Brésiliens sont, derrière les Chinois, les seconds utilisateurs de l’application <em>TikTok</em>, qui suscite de nombreuses questions en <a href="https://restofworld.org/2022/tiktok-competitor-kwai-brazil/">matière de protection des données</a>.</p>
<h2>L’avenir d’une relation déséquilibrée</h2>
<p>Le <a href="https://veja.abril.com.br/economia/china-entra-em-desaceleracao-e-pode-prejudicar-planos-para-brasil-em-2023/">ralentissement économique chinois</a>, le rôle et <a href="https://www.letemps.ch/economie/reunis-pekin-brics-refusent-un-monde-unipolaire">l’avenir des BRICS</a>, notamment dans un contexte marqué par la <a href="https://www.estadao.com.br/internacional/os-riscos-da-neutralidade-do-brasil-leia-a-coluna-de-oliver-stuenkel/">guerre en Ukraine</a> et les <a href="https://dialogochino.net/en/trade-investment/57801-opinion-china-brazil-amazon-global-integration/">vulnérabilités (environnementales, économiques et sociales)</a> du Brésil sont autant de défis pour le prochain mandat qui commencera à partir de janvier 2023.</p>
<p><a href="https://foreignpolicy.com/2022/09/22/brazil-election-china-economy-brics-bolsonaro-lula/">Les observateurs sont divisés</a> sur l’identité du <a href="https://valor.globo.com/mundo/noticia/2022/09/04/lula-e-bolsonaro-alimentam-expectativas-sobre-china-e-acordo-ue-mercosul.ghtml">candidat préféré par Pékin</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.lapresse.ca/international/amerique-latine/2020-03-19/Covid-19-la-polemique-enfle-entre-le-bresil-et-la-chine">déclarations incendiaires de Bolsonaro</a> à l’égard de la RPC (accusations de pillage des ressources et d’emplois, puis critiques en lien avec la pandémie) n’ont pas remis en question la re-primarisation de l’économie du Brésil, et divers acteurs économiques et politiques dans les régions, notamment au Nordeste, restent fortement <a href="https://brazilian.report/opinion/2022/09/22/chinese-communist-party-congress-brazil/">dépendants à l’égard de la Chine</a>.</p>
<p>Demeure la question du poids diplomatique et des <a href="https://neofeed.com.br/blog/home/artigo-as-perspectivas-para-as-relacoes-brasil-china-em-um-mundo-mais-turbulento/">ambitions du Brésil en matière de politique étrangère</a> (<a href="https://www.lesechos.fr/monde/ameriques/le-bresil-bien-decide-a-faire-une-entree-rapide-a-locde-1397445">accession à l’OCDE</a> par exemple, ou politique africaine, lien avec l’Europe et les États-Unis, place et rang dans le sous-continent). Durant la campagne, les deux candidats n’ont que très peu évoqué les sujets internationaux, en particulier les liens avec la Chine. Mais chacun a conscience des interdépendances et des fragilités de la reprimarisation. D’un côté, Lula souhaiterait exercer une diplomatie proactive au sein des BRICS et travailler plus étroitement avec les pays émergents, de l’autre Bolsonaro sait qu’il peut compter sur l’électorat de l’agrobusiness brésilien, favorable à la Chine.</p>
<p>L’issue du second tour des élections le 30 octobre prochain ne devrait pas changer en profondeur la forte dépendance et l’asymétrie de la relation bilatérale. La prochaine présidence brésilienne, quelle qu’elle soit, devra nécessairement composer avec l’influence désormais majeure que la Chine exerce sur le Brésil.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>Quel que soit le vainqueur de la présidentielle brésilienne, il est probable que la Chine continuera de jouer un rôle majeur dans l’économie du pays, comme c’est le cas depuis maintenant vingt ans.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925392022-10-18T16:42:09Z2022-10-18T16:42:09ZAprès le XXᵉ congrès du PCC, quel leadership pour la Chine ?<p>Le XX<sup>e</sup> congrès du Parti communiste chinois (PCC) qui s’est ouvert à Pékin le 16 octobre verra, sauf improbable surprise, le président Xi Jinping reconduit dans ses fonctions pour un troisième mandat de cinq ans. Si le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/xi-jinping-le-culte-numerique-de-la-personnalite_3248239.html">culte de la personnalité</a> de l’homme fort de Pékin et le durcissement du régime observé au cours des dix dernières années ont fait l’objet de <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2020-12-page-41.htm">nombreux travaux</a> dans le monde occidental, c’est surtout le bilan de sa politique des cinq dernières années que le président chinois doit présenter à cette occasion.</p>
<p>Si l’occasion lui est offerte de glorifier devant les 2 300 membres du parti invités dans le Palais du Peuple les résultats de son <em>leadership</em> et de rappeler l’objectif de faire de la Chine la <a href="https://www.areion24.news/2018/10/03/premiere-puissance-mondiale-en-2049-la-strategie-de-la-pieuvre-chinoise-a-loeuvre/">première puissance mondiale d’ici 2049</a>, son bilan sur les cinq dernières années n’en est pas moins confronté à l’épreuve des faits, et impactera fortement les orientations politiques et économiques jusqu’au prochain Congrès, en 2027.</p>
<p>Ainsi, quels seront les « <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2008/08/06/les-habits-neufs-du-president-mao-par-francis-deron_1080766_3232.html">habits neufs du président</a> Xi » à l’issue de ce rendez-vous majeur de l’État-parti, et quelle sera sa marge de manœuvre ?</p>
<h2>Une croissance économique plombée par la pandémie de Covid-19</h2>
<p>Jamais depuis les années 1980 la Chine ne fut à ce point préoccupée par la santé de son économie.</p>
<p><a href="https://www.federalreserve.gov/PUBS/ifdp/1999/633/ifdp633.pdf">L’impact de la crise asiatique de 1997 fut limité</a>, et même après la crise financière internationale de 2008, le premier ministre de l’époque, Wen Jiabao, avait su rebondir en proposant un <a href="https://academic.oup.com/book/34664/chapter/295352459">vaste plan de réforme du modèle de croissance</a>, axé sur le développement de la consommation intérieure et d’une classe moyenne.</p>
<p>La situation actuelle est plus préoccupante, avec un <a href="https://www.worldbank.org/en/country/china/publication/china-economic-update-june-2022">taux de croissance</a> historiquement bas – il oscille selon les trimestres entre 2 et 6 % – qui n’a fait que <a href="https://www.macrotrends.net/countries/CHN/china/gdp-growth-rate">ralentir depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013</a>. La volonté de s’appuyer une fois encore sur la consommation intérieure est privilégiée, mais ce levier sera insuffisant pour retrouver les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/lexplosion-economique-de-la-chine-en-chiffres-1320132">chiffres vertigineux des années 2000</a>.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 et sa gestion en Chine, <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/zero-Covid-en-chine-la-vie-humaine-avant-leconomie">tant vantée par ses dirigeants</a> – qui mettent en avant un bilan humain très faible en comparaison à l’Europe ou aux États-Unis – et qui se traduit encore aujourd’hui par des <a href="https://theconversation.com/la-voix-davril-contestation-et-censure-dans-shangha-confinee-182734">mesures très restrictives</a>, n’a fait qu’accentuer une tendance déjà observable au cours des dernières années.</p>
<p>La mise à l’arrêt de provinces entières et les restrictions de déplacements ont fortement fait chuter la croissance, qui a certes rebondi depuis dix-huit mois après une <em>annus horribilis</em> en 2020 – comme dans le reste du monde – mais reste handicapée par l’entêtement des dirigeants dans une <a href="https://www.europe1.fr/international/en-chine-la-strategie-zero-Covid-lasse-la-population-4130661">stratégie zéro-Covid</a> que les autres principaux acteurs de l’économie internationale ont depuis longtemps abandonnée.</p>
<p>Acteur majeur de la mondialisation, la Chine souffre ainsi à la fois d’un essoufflement mondial de la croissance et de l’incapacité de son système politique à se remettre en question, au risque de délégitimer ses dirigeants. Quand la Chine affiche des taux de croissance exceptionnels et permet aux Chinois de s’enrichir, le pouvoir gagne en légitimité. Mais l’inverse est également vrai…</p>
<h2>Une politique étrangère chahutée</h2>
<p>Sous le règne de Xi Jinping, la Chine est sortie de sa discrétion en matière de politique étrangère, héritage de Deng Xiaoping, et se montre désormais décomplexée, tant dans son <a href="https://theconversation.com/organisations-internationales-le-spectre-dune-hegemonie-chinoise-se-concretise-136706">implication dans les institutions internationales</a>, sa <a href="https://theconversation.com/2001-2021-vingt-ans-de-renforcement-strategique-et-economique-pour-la-chine-167846">croissance militaire</a>, sa relation avec ses voisins ou encore sa stratégie de développement des infrastructures dans le monde, incarnée par la très coûteuse <a href="https://www.iris-france.org/103572-belt-and-road-initiative-bri-une-lecture-economique/"><em>Belt & Road Initiative</em> (BRI)</a> dont Xi Jinping s’est fait le champion.</p>
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<p>On relève cependant sur ce point un essoufflement, partiellement dû au Covid-19, mais aussi à un retour sur investissement très limité et qui fait désormais grincer les dents de nombreux Chinois, inquiets de voir des capitaux sortir du pays, là où les défis en matière de développement restent innombrables. Xi Jinping a su profiter des promesses de la BRI pour renforcer son <em>leadership</em>. Parviendra-t-il à éviter d’être désigné comme principal responsable des difficultés que son projet rencontre ?</p>
<p>La <a href="https://ecfr.eu/paris/publication/china_analysis_la_politique_de_voisinage_chinoise/">politique de voisinage de Pékin</a> est également confrontée à des défis susceptibles de remettre brutalement en cause les promesses de Xi Jinping. L’obstination de la Chine à l’égard de Taïwan se heurte à une résistance non seulement des principaux intéressés, mais aussi du Japon ou des États-Unis, et la promesse d’une réunification pacifique et inévitable, dont Xi Jinping s’est fait le garant, est chaque jour plus improbable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-chinois-de-ta-wan-189085">Le casse-tête chinois de Taïwan</a>
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<p>En mer de Chine méridionale, Pékin continue de clamer que la situation est sous contrôle et que les différends sont désormais terminés, mais c’est ignorer le positionnement du <a href="https://cqegheiulaval.com/vietnam-chine-rivalites-et-revendications-territoriales-en-mer-de-chine-meridionale/">Vietnam</a>, des <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20211118-mer-de-chine-m%C3%A9ridionale-les-philippines-demandent-%C3%A0-la-chine-de-faire-marche-arri%C3%A8re-apr%C3%A8s-des-tirs">Philippines</a>, et désormais de l’<a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20220802-l-indon%C3%A9sie-et-les-%C3%A9tats-unis-organisent-un-exercice-militaire-en-mer-de-chine-m%C3%A9ridionale">Indonésie</a>. En dix ans, la Chine n’a pas progressé sur ce terrain, et elle a perdu pied sur la question taiwanaise, là où prédécesseur de Xi Jinping, Hu Jintao, s’était montré <a href="https://www.questionchine.net/hu-jintao-choisit-la-detente-avec-taiwan-au-moins-pour-un-temps">plus pragmatique</a>, avec des résultats plus convaincants.</p>
<p>On pourrait ajouter à cette liste les effets de la guerre en Ukraine, Pékin se montrant <a href="https://www.slate.fr/story/226695/alignement-chine-guerre-russie-ukraine-poutine-xi-jinping-propagande-strategie-diplomatie">incapable de jouer les arbitres</a> entre Kiev et Moscou, contrairement à ce que Xi Jinping souhaitait, ou encore les <a href="https://www.20minutes.fr/monde/4005373-20221014-coree-nord-tire-nouveau-missile-balistique">gesticulations nord-coréennes</a> qui mettent Pékin dans l’embarras. Sous Xi Jinping, la Chine a mis en place une politique de grande puissance ; elle découvre aussi les revers d’une politique étrangère plus active.</p>
<h2>L’image de la Chine dans le monde en question</h2>
<p>Déjà perceptible lors du premier mandat de Xi, le durcissement de la diplomatie chinoise illustré par l’intransigeance de ses diplomates, qualifiés de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/30/chine-la-diplomatie-du-loup-combattant_6038290_3210.html">« loups combattants »</a>, a culminé au cours des cinq dernières années avec une critique soutenue des démocraties occidentales et un acharnement contre tous ceux qui osent pointer du doigt les zones d’ombre de ce pays. Dans le monde occidental, cette stratégie est un échec total, et a décrédibilisé le discours chinois auprès de ses partenaires.</p>
<p>Mais au-delà de la méthode, il y a aussi les faits. Le deuxième mandat de Xi Jinping fut ainsi marqué par deux dossiers de « politique intérieure » qui ont fortement terni l’image de la Chine. Les persécutions menées contre les Ouïghours du Xinjiang ont non seulement été révélées au grand jour, mais elles furent même au cœur d’un <a href="https://unric.org/fr/rapport-onu-ouighours-chine/">rapport de l’ONU</a> rendu public en août dernier. Avec ce qui s’apparente à un nettoyage ethnique, c’est tout le discours inclusif du traitement des minorités par Pékin, tout autant que son image, notamment <a href="https://www.rferl.org/a/why-are-central-asian-countries-silent-about-china-s-uyghurs-/30852452.html">auprès de ses partenaires en Asie centrale</a>, qui se trouve compromis.</p>
<p>La question de Hongkong est plus lourde de conséquences encore. Avec la <a href="https://theconversation.com/hongkong-vitrine-de-la-democratie-a-la-chinoise-au-corps-defendant-de-ses-habitants-174297">neutralisation des opposants politiques</a>, Pékin a montré son pire visage depuis le massacre de Tiananmen en 1989, et la gestion désastreuse de cette crise politique pourrait laisser des traces encore plus profondes qu’en 1989, d’autant qu’elle s’ajoute à la question taiwanaise, aux Ouïghours et plus généralement au sort de tous les opposants au pouvoir de Xi Jinping. Ce dernier n’a pas à s’en justifier lors du congrès du PCC, mais les échecs répétés de sa politique intransigeante affectent sa légitimité.</p>
<h2>Quel avenir pour la Chine de Xi Jinping ?</h2>
<p>Malgré un bilan peu élogieux, le président chinois restera en poste encore au moins cinq ans, consécutivement à un plébiscite dont les congrès du PCC ont le secret.</p>
<p>Aussi convient-il de s’interroger sur les orientations que pourrait prendre son <em>leadership</em> dans un contexte international qui a considérablement évolué depuis le congrès de 2017, puisque ces congrès en donnent souvent le la. Faut-il par exemple craindre une sorte de « poutinisation » du président chinois, plus isolé en interne comme à l’international, et tenté de faire une démonstration de puissance pour renforcer son image ? On pense évidemment à Taïwan, qui serait dès lors <a href="https://theconversation.com/les-inquietantes-lecons-de-la-guerre-dukraine-pour-lavenir-de-ta-wan-185835">l’Ukraine de la Chine</a>. C’est cependant oublier que les deux dossiers sont très différents, tant politiquement que d’un point de vue militaire, sans compter que l’échec de l’opération russe en Ukraine est un repoussoir plus qu’un exemple pour Pékin. La Chine n’a rien à gagner d’une guerre avec Taïwan, et Xi Jinping en est parfaitement conscient.</p>
<p>À l’inverse, peut-on s’attendre à un ajustement des politiques mises en place au cours des cinq dernières années, et même dix pour certaines ? Plusieurs signaux convergent en ce sens. La BRI est aujourd’hui l’objet d’un <a href="https://www.msn.com/en-xl/news/other/new-era-of-china-s-belt-and-road-initiative-will-see-less-risk-and-more-focus/ar-AA12SQbG">réexamen</a> visant à sélectionner les projets de partenariat, sans pour autant abandonner l’idée d’une stratégie globale, parce que les retombées économiques sont moins importantes que prévu, parce que les moyens de Pékin ne sont pas illimités, et parce que les résistances sont nombreuses. Pékin pourrait profiter du XX<sup>e</sup> Congrès pour annoncer un agenda de « retour à la normale » sur la question de la pandémie, et la durée de la quarantaine a déjà été très sensiblement réduite, et même annulée dans certains cas.</p>
<p>On peut compter sur l’éloquence de Xi Jinping pour annoncer fièrement que la Chine a vaincu l’épidémie de Covid-19 et qu’il est temps de tourner la page… En matière de stratégie d’influence, le troisième mandat de Xi pourrait s’inspirer de la <a href="https://www.herodote.net/L_homme_le_plus_puissant_du_monde_-synthese-556.php">présidence de Hu Jintao</a>, qui avait misé sur le <em>soft power</em> avec des résultats convaincants. Là aussi, on compte sur le talent du président chinois pour s’en faire le champion.</p>
<p>Enfin, la Chine souhaite – et doit – renouer (avec les pays occidentaux surtout, mais seulement) un lien diplomatique qui fut mis à mal ces cinq dernières années, et les loups combattants, qui ont agacé aussi bien les pays développés que les pays en développement, notamment en Asie du Sud-Est, doivent laisser place à de vrais négociateurs. Là aussi, on peut compter sur la capacité de Xi Jinping à insuffler une nouvelle orientation, dès lors qu’elle lui permettra de renforcer sa légitimité. Attention toutefois sur ce dernier point à ne pas tout confondre : la priorité de Pékin ne sera pas, durant le troisième mandat de Xi, de séduire les puissances occidentales, avec lesquelles les relations resteront difficiles (quel que soit le président chinois d’ailleurs), mais de renforcer son rôle de modèle et de partenaire aux yeux des sociétés en développement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192539/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barthélémy Courmont est membre de l'IRIS. Il a remporté des appels d'offre du Ministère des Armées</span></em></p>Le président Xi Jinping va sans doute être reconduit pour un troisième mandat de cinq ans. Et cela, même si le mandat qui s’achève n’a pas été aussi triomphal qu’espéré.Barthélémy Courmont, Directeur du master Histoire -- Relations internationales, Institut catholique de Lille (ICL)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926942022-10-18T16:41:57Z2022-10-18T16:41:57ZXXᵉ congrès du PCC : le modèle économique chinois est-il compatible avec les ambitions de puissance et de modernité ?<p>C’est devant un public acquis à sa cause que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xi-jinping-40074">Xi Jinping</a>, 69 ans, a ouvert ce dimanche 16 octobre le XX<sup>e</sup> Congrès du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parti-communiste-chinois-45164">Parti communiste chinois</a>. Briguant samedi prochain un troisième mandat à la tête du pays, ce qui ferait de lui le dirigeant le plus puissant depuis Mao, il s’adressait à quelque 2 300 délégués d’un appareil politique qui met tout en œuvre pour <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221016-chine-au-congr%C3%A8s-du-pcc-le-pr%C3%A9sident-xi-jinping-pr%C3%B4ne-l-unit%C3%A9-derri%C3%A8re-lui">montrer son unité</a>.</p>
<p>Il a souligné ses objectifs de faire de la Chine une puissance de premier plan au niveau mondial ainsi qu’un grand pays moderne. Son économie peut-elle seulement relever ce défi ?</p>
<p>La question de l’évolution du modèle de développement semble aujourd’hui cruciale pour Pékin. La politique économique actuelle est-elle soutenable ? Le régime peut-il accepter une plus faible croissance ? On constate en fait d’importantes faiblesses structurelles : ralentissement économique, contraintes démographiques, inégalités, problèmes environnementaux. Elles existaient avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir mais ses méthodes autoritaires en ont aggravé les conséquences.</p>
<p>Pour maintenir le cap d’une croissance élevée, les autorités ont, ces dernières années, fait le choix de continuer de soutenir les investissements mais souvent dans des secteurs peu productifs comme l’immobilier. Elles ne pourront cependant pas pallier éternellement une demande en berne pour des raisons tant démographiques que sociales. Le modèle économique chinois, sujet de nos <a href="https://journals.openedition.org/lectures/51163">recherches</a>, semble se trouver donc face à un impératif de réformes qu’il repousse depuis presque deux décennies.</p>
<h2>L’investissement, indispensable moteur de l’économie</h2>
<p>Repartons quelques années en arrière. À la mort de Mao en 1976, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> reste un pays très pauvre, souffrant de sous-investissement. Deng Xiaoping, leader réformiste, accède bientôt au pouvoir et lance toute une série de mesures à partir de 1978 visant à construire une « économie socialiste de marché ».</p>
<p>La stratégie d’ouverture et d’attraction des capitaux étrangers, aidée par l’abondance de main-d’œuvre bon marché, a permis de soutenir de forts taux de croissance. Ils reposent ainsi principalement sur l’investissement et le commerce extérieur, mais très peu sur la consommation des ménages qui reste à un niveau assez faible. En effet, le taux d’épargne est très élevé en raison de la faiblesse de la protection sociale et donc de la nécessité de constituer une épargne de précaution.</p>
<p><iframe id="64X9E" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/64X9E/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les investissements sont devenus de moins en moins rentables. Au début des années 2000, une réorientation semblait déjà impérative. Dès 2004, le premier ministre Wen Jabao annonce le nécessaire ré-équilibrage de la croissance afin d’améliorer l’efficacité de ces investissements et d’accroître la consommation. Si la Chine veut éviter de tomber dans « la trappe des pays à revenu intermédiaire », il faudrait augmenter les revenus des ménages, mais aussi permettre une <a href="http://faculty.econ.ucdavis.edu/faculty/woo/Woo-Articles%20from%202012/Woo.China-Middle%20Income%20Trap.JCEBS%202012.pdf">croissance plus qualitative</a> en s’appuyant sur des technologies de production d’un niveau supérieur. <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_de_la_chine-9782707192127">Peu de mesures cependant voient le jour</a>, reportées un peu plus par la crise financière de 2007.</p>
<p>Pékin a, de fait, continué d’ériger la croissance en objectif premier. L’une des particularités de l’économie de la Chine est que le taux d’évolution de la production d’une année sur l’autre n’est pas tant quelque chose de mesuré à la fin d’une année ou même une prévision anticipée, qu’un objectif à tenir, fixé par le gouvernement. Pour atteindre les cibles qu’elles se donnaient elles-mêmes, les autorités ont poursuivi leur soutien massif à l’investissement, au détriment d’une évolution du modèle économique.</p>
<h2>L’immobilier plutôt que la productivité</h2>
<p>Le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/05e0fbe4-fcdb-4041-94a0-420076567622/files/730ca0e9-0cf4-4478-9fdb-4341bfad6b81">secteur immobilier</a> a alors progressivement endossé un rôle central. L’urbanisation et la nécessité sociale d’être propriétaire pour pouvoir se marier stimulaient la demande : les gouvernements locaux en ont profité pour s’enrichir grâce aux ventes de terrains.</p>
<p>Non seulement l’activité de ce secteur permet d’atteindre le taux de croissance fixé par le gouvernement, mais il permet aussi de lisser les cycles liés à la conjoncture. Lorsqu’il y a un risque de surchauffe, la décision est prise de contraindre l’activité du secteur, via par exemple une hausse des taux d’intérêt ou en demandant un apport minimum élevé. Au contraire, tout est fait pour la soutenir lorsque la croissance faiblit.</p>
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<p>L’importance de la demande a cependant également entraîné une hausse des prix, surtout dans les plus grandes villes, ce qui a incité à la spéculation. Face aux possibilités de profits rapides, il y a alors eu un phénomène en chaîne qui a, en quelque sorte, dirigé vers ce secteur des investissements qui auraient été plus productifs ailleurs.</p>
<p>Le secteur immobilier au sens strict représente aujourd’hui 14 % du PIB, 30 % si on inclut les secteurs concernés en amont (le ciment ou l’acier par exemple) et en aval (la décoration, l’ameublement). On observe, de fait, une très forte interdépendance entre ces secteurs, ce qui les fragilise en cas de difficultés. Or, c’est précisément ce qui arrive aujourd’hui.</p>
<h2>Des menaces qui planent sur le secteur financier</h2>
<p>Cette course à la croissance et aux investissements s’est en effet faite au prix d’un fort endettement, à tel point qu’en 2020, le gouvernement a décidé de durcir la réglementation. Ont été définies <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/immobilier-cette-crise-rampante-qui-menace-la-chine-1870011">« trois lignes rouges »</a> qui limitent le niveau d’endettement des entreprises.</p>
<p>Si cette décision vise à assainir, à juste titre, un marché en surchauffe, elle a néanmoins accru les problèmes d’entreprises déjà pénalisées par la crise liée au coronavirus. Le gouvernement doit donc relâcher un peu les contraintes et retarder une fois de plus des réformes de fond.</p>
<p>Le risque de transmission de la crise à d’autres secteurs est d’autant plus important qu’une partie des emprunts s’est fait grâce au « shadow banking », cette finance de l’ombre qui, bien que plus contrôlée que par le passé, n’en demeure pas moins réelle. À la différence des grandes banques qui ont la capacité de surmonter une crise de liquidité, nombre de petites banques s’avèrent fragiles et ne résisteraient pas à un défaut des entreprises auxquelles elles ont prêté.</p>
<p>Au risque de défaut des promoteurs s’ajoute d’ailleurs le risque de boycott des acheteurs, qui ne veulent plus payer pour des appartements dont la construction se trouve souvent suspendue. La plupart des logements sont en effet vendus sur plan et l’évolution des travaux dépend de l’état des finances du promoteur.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont les gouvernements locaux qui assurent la solidité de l’ensemble et qui soutiennent le marché en achetant un très grand nombre de logements. Les autorités de la ville de Suzhou (agglomération de plus de quatre millions d’habitants située dans la province de Jiangsu au sud du pays) ont, par exemple acheté <a href="https://www.scmp.com/business/china-business/article/3195883/local-chinese-governments-snap-new-homes-bid-buoy-battered">5000 appartements</a> en septembre. Cela correspond à la moitié des appartements vendus dans le mois.</p>
<p>Pareille politique peut permettre aux promoteurs immobiliers d’honorer leurs engagements en terminant les appartements et en payant les fournisseurs, mais ce n’est qu’une solution provisoire.</p>
<h2>Une démographie pénalisante</h2>
<p>Cette crise de l’immobilier a été aggravée par la <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/briefings-de-lifri/vieille-detre-riche-chine-face-defi-de-demographie">situation démographique</a>. La population chinoise vieillit. Dès le début des années 1970, des restrictions des naissances ont été mises en place, augurant la politique de l’enfant unique décidée en 1979.</p>
<p>Des assouplissements récents ont tenté d’initier un virage avec le droit à un 2<sup>e</sup> enfant en 2015 et l’incitation à avoir un 3<sup>e</sup> enfant en 2021. Mais les tentatives du gouvernement pour relancer la natalité sont des échecs pour des raisons financières et sociales. En l’absence d’une véritable politique de redistribution et d’une hausse des salaires, avoir un enfant voire deux enfants supplémentaires s’avère trop coûteux en termes d’éducation, de santé et de logement. De plus, la société évolue et les jeunes couples se sont habitués à l’idée de n’avoir qu’un enfant et de lui offrir la meilleure éducation possible.</p>
<p>Le taux de fécondité est ainsi de <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SP.DYN.TFRT.IN?locations=CN">1,7 enfant par femme</a> alors qu’un taux de 2,1 est nécessaire au renouvellement de la population. La Chine non seulement perdra donc à l’avenir les avantages d’une population jeune en termes de dynamisme, de capacité d’innovation… mais elle devra également assumer la charge d’une population âgée. Elle connait en fait les problèmes de transition démographique des pays riches alors qu’elle ne se situe en 2020, qu’au 72<sup>e</sup> rang mondial en termes de PIB par habitant, selon les données du FMI.</p>
<p>La montée du chômage (18 % chez les 18-24 ans), ne peut en outre que pénaliser une relance de la démographie. Tous ces éléments pèsent sur la demande de nouveaux logements.</p>
<h2>Ce que le parti semble devoir concéder</h2>
<p>Trois éléments paraissent donc indispensables pour permettre une croissance chinoise plus qualitative : éviter les investissements non rentables, ceux qui ne visent qu’à soutenir artificiellement le taux de croissance ; augmenter les revenus des ménages afin de faire de la consommation intérieure le moteur de la croissance ; et poursuivre l’amélioration du niveau technologique de la production.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Or, ce dernier point se heurte à la dépendance vis-à-vis de la technologie américaine et à l’impact de l’interdiction de certaines exportations des États-Unis vers la Chine. D’une façon générale, le climat des affaires se trouve très dégradé par la brutalité et l’imprévisibilité des décisions de Xi Jinping. Le renforcement du contrôle sur le secteur du numérique ou l’interdiction de l’important secteur des entreprises donnant des cours particuliers par exemple, ont instauré une méfiance qui pourrait à l’avenir peser non seulement sur les investissements étrangers mais aussi sur la prise de risque des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Dans un contexte où l’application d’une politique zéro Covid très stricte et contraignante entraîne de nombreuses critiques de la part de la population, l’objectif du gouvernement reste d’assurer le maintien du parti communiste au pouvoir, sans que les pays étrangers puissent mettre des obstacles au développement du pays. C’est le sens du projet « Une ceinture, une route », mais aussi de l’activisme de la Chine au plan international. Sur ce point encore, après des années de discrétion de la part des dirigeants, les méthodes agressives de Xi Jinping entament la crédibilité de la Chine.</p>
<p>En résumé, les problèmes économiques ne seront surmontés que si le gouvernement et donc le parti communiste acceptent un taux de croissance plus faible et une politique de redistribution. Celle-ci, même si elle reste conforme à l’idéal communiste, n’en reste pas moins à l’état de projet incertain, les déclarations de Xi Jinping sur la prospérité commune restant très générales.</p>
<p>Le dirigeant chinois, comme ses prédécesseurs, reste profondément marqué par l’éclatement de l’URSS, attribué à un affaiblissement du Parti communiste soviétique. Tout est donc fait aujourd’hui pour que le Parti communiste chinois renforce son influence et son contrôle. La question est de savoir si cela sera à l’avenir compatible avec la poursuite du développement économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192694/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary-Françoise Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance chinoise, qui repose sur des investissements de moins en moins rentables, dépend aujourd’hui de la mise en œuvre de réformes repoussées depuis presque deux décennies.Mary-Françoise Renard, Professeur d’économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909322022-09-22T18:44:48Z2022-09-22T18:44:48ZQuand la Chine organise un nouvel espace de vassalité<p>Le sommet de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LOrganisation-cooperation-Shanghai-outil-lutte-russo-chinoise-contre-limperialisme-americain-2022-09-15-1201233394">l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS)</a> tenu à Samarcande (Ouzbékistan) les 15 et 16 septembre aura marqué les esprits pour au moins trois grandes raisons : tout d’abord, parce que chaque sommet international rassemblant plus d’une <a href="http://eng.sectsco.org/cooperation/20170110/192193.html">vingtaine d’États</a> représentant plus de 40 % de la population mondiale est un événement notable ; ensuite, parce que l’OSC prend de plus en plus la forme d’un club de puissances nucléaires non occidentales (Chine, Russie, Inde, Pakistan… et Iran) ; enfin, parce que la réunion qui vient de s’achever, organisée en plein recul de l’armée russe en Ukraine, a mis en évidence la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/dos-au-mur-poutine-rentre-les-mains-vides-de-samarcande-1788666">perte d’influence de Moscou au profit de la Chine</a> dans cet immense espace eurasiatique.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’OCS ?</h2>
<p>Précisons d’abord ce que l’OCS n’est pas : contrairement à ce que l’on entend parfois, ce n’est ni une alliance, ni une « OTAN eurasiatique », ni une sorte de « G20 bis ». Cette organisation, encore trop méconnue en Occident, est le produit de la recomposition de l’ordre international consécutive à l’implosion de l’URSS et de la <a href="https://www.sciencespo.fr/research/cogito/home/lhistoire-du-monde-se-fait-en-asie-une-autre-vision-du-XXe-si%C3%A8cle/">volonté de Pékin d’affirmer son influence</a> dans son pourtour asiatique.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une première réunion a lieu en 1996 à Shanghai, entre la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et le Kirghizistan – d’où le nom initial de <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-de-lorganisation-de-shanghai-pour-la-cooperation-pour-faire-face-aux-menaces-la-paix-et-la">« Groupe de Shanghai »</a>. Petit à petit, Pékin va institutionnaliser cette plate-forme régionale, qui devient l’OCS en 2001, intégrant au passage l’Ouzbékistan. L’Organisation va organiser annuellement des sommets consacrés aux questions sécuritaires et économiques et, ces dernières années, s’ouvrir à de nouveaux membres. Les six pays fondateurs de 2001 sont rejoints par l’Inde et le Pakistan en 2017, puis par l’Iran en 2021.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485268/original/file-20220919-24-8s33sf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Véron</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Depuis l’ère Deng Xiaoping (1978-1989), l’appareil du Parti-État met en œuvre une <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">« diplomatie multilatérale »</a> (<em>duobian waijiao</em>) qui a pour ambition première de remodeler les routes commerciales eurasiatiques au départ de la Chine en connectant l’Asie centrale, la Russie et l’Europe.</p>
<p>Plusieurs leviers institutionnels y pourvoient, et notamment l’OCS. Initiée par Pékin et Moscou afin de stabiliser et de limiter l’influence occidentale en Asie centrale, <a href="https://www.cairn.info/revue-le-courrier-des-pays-de-l-est-2006-3-page-26.htm">l’OCS est un outil diplomatique</a> pleinement investi par Pékin comme espace de dialogue et d’influence, de commerce et de coopération militaire. C’est ainsi qu’en 2017, la Chine a favorisé <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/10/l-inde-et-le-pakistan-rejoignent-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai_5141929_3216.html">l’entrée du Pakistan</a> dans l’OCS pour faire contrepoids à l’entrée de l’Inde, soutenue quant à elle par la Russie. Enfin, après plusieurs années de discussions, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-rejoignant-lalliance-russo-chinoise-lOCS-Teheran-tourne-vers-lEst-2021-09-21-1201176550">l’Iran est devenu membre en 2021</a>.</p>
<p>L’OCS, dont le siège est à Pékin, a donc évolué avec les années, mais demeure fermée à l’Occident et au Japon. Elle rassemble ainsi aujourd’hui l’ensemble des puissances nucléaires non occidentales (Israël et Corée du Nord à part).</p>
<p>La gouvernance de l’Organisation s’articule, on l’a dit, autour de réunions étatiques annuelles dans les pays membres (la <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-09/17/content_78424733.htm">prochaine</a> devrait avoir lieu en Inde), mais aussi de diverses réunions ministérielles fonctionnelles (sécurité, économie, finance, éducation, etc.). Pékin a toujours privilégié un organigramme de gouvernance chinois ou sinisant. Actuellement, le <a href="http://eng.sectsco.org/secretariat/">secrétaire général</a>, Zhang Ming, est chinois et, parmi ses adjoints, on retrouve un Kazakhstanais, Yerik Sarsebek Ashimov, et un Russe, Grigori Logvinov. Tous sont diplomates de carrière, à la fois sinophones et russophones.</p>
<h2>Xi Jinping en leader régional</h2>
<p>Le président chinois, Xi Jinping, <a href="https://thecradle.co/Article/Columns/15771">s’est rendu à Samarcande</a> pour le sommet de l’OCS 2022. Quelques jours plus tôt, il a effectué une courte <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/xi-jinping-est-arrive-au-kazakhstan-sa-premiere-visite-a-l-etranger-depuis-la-pandemie-20220914">visite d’État au Kazakhstan</a>, voisin d’importance majeure dans la politique régionale de Pékin (par ses exportations de ressources fossiles et de minerais).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chine-kazakhstan-vers-un-glacis-eurasien-152967">Chine-Kazakhstan : vers un glacis eurasien ?</a>
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<p>Ces deux visites, et spécialement celle de Samarcande, sont cruciales pour comprendre les priorités actuelles de Xi Jinping, qui n’était plus sorti de Chine depuis la fin de l’année 2019. Elles interviennent en effet dans un contexte international rendu particulièrement tendu par la guerre en Ukraine et la dégradation notable des relations entre la Chine et l’Occident ; de plus, elles se situent à la <a href="https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/202209/t20220916_10767110.html">veille du 20ᵉ Congrès du PCC</a> (16 octobre 2022).</p>
<p>À Samarcande, <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-09/17/content_78424727.htm">Xi Jinping a déclaré</a> que l’OCS devait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/17/xi-jinping-se-pose-en-chef-de-file-des-anti-occidentaux_6142044_3210.html">« renforcer la coopération et promouvoir la construction d’une communauté de destin plus étroite »</a>.</p>
<p>Pas de grandes surprises dans le déclaratif du président chinois, mais une occasion majeure de mettre en avant des éléments de langage, en amont de l’institutionnalisation de son maintien au pouvoir <em>ad vitam aeternam</em> qui doit intervenir lors du 20<sup>e</sup> Congrès. La <a href="https://www.courrierinternational.com/article/cooperation-a-samarcande-la-chine-met-en-avant-ses-liens-privilegies-avec-l-asie-centrale">presse chinoise a beaucoup insisté</a> sur la réussite de ce sommet et sur les diverses rencontres auxquelles Xi Jiping a participé, plutôt que la question bilatérale sino-russe.</p>
<p>Malgré des <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/leconomie-chinoise-envoie-de-nouveaux-signaux-inquietants-1784711">résultats économiques de moins en moins mirifiques</a> (ralentissement structurel, pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine et intensification des tensions avec les États-Unis), Pékin continue de susciter des volontés de partenariats, d’autant plus que l’influence de Moscou semble reculer nettement dans le grand espace post-soviétique.</p>
<p>Pour l’ensemble des pays de la zone (l’Inde exceptée), c’est la Chine qui est le premier partenaire économique, d’intérêt diplomatique et, de plus en plus, sécuritaire. Aussi furent évoqués les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/deux-projets-de-train-qui-pourraient-transformer-lasie-centrale-1787194">grands projets d’infrastructures et de connectivité</a> dans le cadre des « Nouvelles routes de la soie » – un projet bien à la peine, notamment du fait de l’endettement, de la corruption et du manque de liquidité des opérateurs chinois, ces derniers étant <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/nouvelle-route-de-la-soie-la-guerre-en-ukraine-transforme-la-carte-des-routes-commerciales-chine-europe-928837.html">très touchés par la guerre en Ukraine</a>. Les segments ferroviaires et routiers (Ukraine, Russie, Biélorussie) de ces nouvelles routes sont tous à l’arrêt. Les projets de désenclavement de l’Afghanistan ont également été abordés, mais avant tout via un axe à <a href="https://novastan.org/fr/ouzbekistan/la-vallee-de-ferghana-carrefour-de-lasie-centrale/">travers les pays d’Asie centrale</a> évitant la Russie…</p>
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<p>Plus généralement, le sommet a permis l’affichage du poids de la Chine dans la région. Des rencontres bilatérales successives (avec Poutine, mais aussi l’Iranien <a href="http://french.xinhuanet.com/20220916/e152617768e747fb8b127eb31299cc45/c.html">Raïssi</a>, <a href="https://www.i24news.tv/fr/actu/international/1663308293-xi-jinping-va-rencontrer-erdogan-en-ouzbekistan">Erdogan</a> et le Pakistanais <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202209/t20220917_10767389.html">Sharif</a> notamment) ont été tenues avec les dirigeants des divers pays membres, Narendra Modi à part. L’OCS permet à Pékin d’asseoir son influence régionale sans entrave majeure, l’objectif étant de devenir LA puissance de référence et <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">organiser un « pourtour de vassalité »</a> dans la zone.</p>
<h2>L’OCS face à l’Occident</h2>
<p>Exemple éclatant des dynamiques non occidentales des relations internationales, l’OCS constitue un espace singulier dans lequel des <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/06/10/l-inde-et-le-pakistan-rejoignent-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai_5141929_3216.html">puissances rivales et partenaires se retrouvent</a> afin d’établir leur feuille de route diplomatique sans en référer aux Occidentaux.</p>
<p>Attirés par le poids de Pékin dans la région, les pays de la zone souhaitent <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/dos-au-mur-poutine-rentre-les-mains-vides-de-samarcande-1788666">courtiser la deuxième puissance mondiale</a> et, en même temps, se défaire de l’influence russe. Nombreux sont les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/17/xi-jinping-se-pose-en-chef-de-file-des-anti-occidentaux_6142044_3210.html">États souhaitant intégrer l’OCS</a> sous l’un des trois statuts (membre, partenaire de dialogue ou observateur) : Arabie saoudite, Turquie, Égypte, Émirats arabes Unis, Birmanie, Maldives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1570823277932646400"}"></div></p>
<p>La présence de l’Inde montre tout l’intérêt que l’OCS recèle pour ses membres. Narendra Modi compose au sein de l’OCS à la fois avec le <a href="https://www.fmprc.gov.cn/fra/zxxx/202209/t20220917_10767389.html">rival stratégique durable chinois</a> et avec <a href="https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-2018-1-page-243.htm">l’ennemi pakistanais</a>, tout en gagnant en <a href="https://www.institutmontaigne.org/analyses/linde-et-la-russie-bilateralisme-et-multipolarite">influence en Asie centrale et au Moyen-Orient</a> et en participant <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-584/r19-5842.html">« aux schémas Indopacifiques »</a> alors que ses relations avec la Russie n’ont pas été dégradées par la guerre en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, l’OCS, sensible au contexte international immédiat, a fait du président turc <a href="https://information.tv5monde.com/info/quel-est-le-role-de-l-organisation-de-cooperation-de-shanghai-471661">Recep Tayyip Erdogan</a> (par ailleurs membre de l’OTAN…) et de son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev, deux invités attendus et visibles.</p>
<h2>Guerres et instabilités internes</h2>
<p>La guerre et l’instabilité intérieure marquent toutes deux la plupart des États présents : outre la guerre ouverte en Ukraine, on a assisté, tout récemment, à la ré-intensification des conflits entre <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/15/cessez-le-feu-respecte-entre-l-armenie-et-l-azerbaidjan-apres-deux-jours-d-affrontements_6141732_3210.html">l’Arménie et l’Azerbaïdjan</a>, et entre le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/16/affrontements-intenses-a-la-frontiere-entre-le-kirghizstan-et-le-tadjikistan_6141909_3210.html">Tadjikistan et le Kirghizstan</a>, et à une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/indignation-mouvement-de-colere-aux-funerailles-de-l-iranienne-mahsa-amini-morte-apres-son-arrestation-par-la-police-des-m-urs">révolte importante en Iran</a>…</p>
<p>Tous ces soubresauts sont le signe, d’une part, de l’affaiblissement de Moscou, traditionnel acteur d’influence du Caucase et de l’Asie centrale, et d’autre part de la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03455887/">recomposition post-impériale des ambitions des pôles régionaux de puissance</a> (Turquie, Iran, Inde, Chine, etc.). Si l’OCS est un outil d’influence de Xi Jinping, les convulsions internes (<a href="https://www.letemps.ch/monde/linde-grande-perdante-larrivee-talibans">y compris la question de l’Afghanistan et des talibans</a>) demeurent. Et n’oublions pas que les <a href="https://astanatimes.com/2022/09/pope-highlights-kazakhstans-role-in-promoting-dialogue-and-peace-during-meeting-with-president-tokayev/">États d’Asie centrale</a>, au cœur de toutes les problématiques, sont demandeurs de plus d’échanges avec l’Europe.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA.</span></em></p>La Russie est sur le recul en Asie, tandis que la Chine monte en puissance. Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai qui vient de se tenir en Ouzbékistan l’a encore confirmé.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1890852022-09-04T15:22:37Z2022-09-04T15:22:37ZLe casse-tête chinois de Taïwan<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481593/original/file-20220829-13-b5wug1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C6221%2C4119&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La République populaire estime que si elle prend le contrôle de Taïwan, ce sera une réunification. Mais l’unité des deux rives du détroit de Formose n’a été qu’une brève parenthèse dans la longue histoire de l’île…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/china-taiwan-flags-painted-on-concrete-2179593957">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La récente <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/04/taiwan-le-perilleux-voyage-de-nancy-pelosi_6137136_3232.html">visite à Taïwan de Nancy Pelosi</a>, présidente de la Chambre des Représentants américaine et troisième personnage dans la ligne protocolaire du pouvoir à Washington, a déclenché <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/la-chine-instrumentalise-la-visite-de-nancy-pelosi-pour-renforcer-son-emprise-sur-taiwan-20220803">l’ire de la Chine</a> et rapproché la planète de la perspective d’un conflit majeur, dans la région Asie-Pacifique.</p>
<p>La grave crise que cette visite a provoquée place tous ceux qui pensent que la démocratie reste le moins mauvais des systèmes politiques devant un dilemme quasi insoluble. En l’occurrence, un véritable casse-tête chinois !</p>
<p>Comment défendre efficacement la petite démocratie de Taïwan face au géant totalitaire et impérialiste qu’est la Chine ? Peut-être en insistant sur le fait que si la légitimité du droit international est du côté de Pékin, celle qui découle de l’histoire est, en revanche beaucoup plus discutable, contrairement à ce qu’<a href="https://www.mfa.gov.cn/ce/cedz/fra/zt/zgtw/TW/t144100.htm">affirme avec aplomb la propagande officielle de la République populaire</a>…</p>
<h2>Une dictature militaire pendant presque quarante ans…</h2>
<p>En cette période de déclin démocratique généralisé, Taïwan constitue une brillante exception à la règle qui mérite d’être saluée. Depuis le début de la démocratisation du pays, vers la fin des années 1980, il s’est en effet progressivement imposé comme le plus démocratique de toute l’Asie et même du monde non occidental. D’après le <a href="https://www.eiu.com/n/campaigns/democracy-index-2020/">classement annuel</a> en la matière établi par l’Economist Intelligence Unit, il a intégré en 2020 le groupe très restreint de la vingtaine de « démocraties complètes » (full democracies) que compte la planète et s’est classé au 8<sup>e</sup> rang mondial en 2021, avec un score de 8,99 (sur un maximum de 10). Cela place Taïwan juste derrière les champions habituels que sont les cinq pays du nord de l’Europe, la Nouvelle-Zélande et l’Irlande, et juste devant l’Australie et la Suisse. Le <a href="https://freedomhouse.org/countries/freedom-world/scores">classement de <em>Freedom House</em></a> est concordant, considérant Taïwan comme un pays « entièrement libre » avec un score de 94 en 2021.</p>
<p>Une telle performance est d’autant plus remarquable que la démocratie taïwanaise vient de fort loin. Après sa défaite en 1949 face au Parti communiste de Mao Zedong, le général Tchang KaÏ-chek, qui préside la République de Chine (RoC) et dirige le parti nationaliste du Kuomintang, s’est en effet <a href="https://www.herodote.net/8_decembre_1949-evenement-19491208.php">replié</a> avec ses troupes et environ 1,5 million de ses partisans sur l’île de Taïwan.</p>
<p>Le début de la guerre froide, avec le conflit en Corée et la protection bientôt étendue à Taïwan par les États-Unis, va empêcher la RPC de parachever par la conquête de l’île sa mainmise sur l’ensemble du territoire national qu’elle estime être sien. Sur cette dernière, la population se verra imposer une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/04/taiwan-deterre-les-crimes-de-la-dictature-de-tchang-kai-chek_6041742_3210.html">sévère dictature militaire</a>, une loi martiale d’airain et un régime de parti unique, le Kuomintang, qui dureront près de 40 ans, survivront à la mort de Tchang Kaï-chek en 1975 et perdureront sous l’égide de son fils Tchang Ching-kuo, pratiquement jusqu’au décès de celui-ci en 1988.</p>
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<figcaption><span class="caption">Taïwan : le président Tchang Kaï-chek prête serment pour la quatrième fois (1966).</span></figcaption>
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<p>Durant cette période, le développement économique de l’île a été spectaculaire, faisant de Taïwan l’un des quatre « petits dragons » du fameux « miracle de l’Asie orientale », avec la Corée du Sud, Hongkong et Singapour. Cela a entraîné des changements sociaux profonds, une hausse rapide du niveau d’éducation et l’émergence d’une classe moyenne entrepreneuriale qui supporte de plus en plus mal la dictature et demande un changement politique.</p>
<p>Il sera ainsi mis fin, dès 1986, au régime de parti unique dont bénéficiait le vieux Kuomintang, qui représentait surtout les intérêts des nationalistes venus de Chine continentale. La même année, Taïwan voit la création du <a href="https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2013-4-page-131.htm">Minjindang</a> ou PDP (Parti démocratique progressiste), qui porte plutôt les aspirations de la population locale originaire ou native de Taïwan et va devenir son principal rival dans un système multipartiste.</p>
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<p>En 1987, la loi martiale imposée dès 1949 sera enfin levée. En 1988, à la mort de l’héritier de la « dynastie » des Tchang, le Parlement, toujours dominé par le Kuomintang, élira à la présidence <a href="https://www.researchgate.net/publication/231978539_Lee_Teng-hui_and_the_Idea_of_Ta%C3%AFwan">Lee Teng-hui</a>, vice-président en fonction et membre dirigeant du Kuomintang, mais premier leader du pays à être né à Taïwan. Il restera en poste jusqu’en 2000 et se révélera comme l’artisan de la transition démocratique. En 1992 auront lieu les premières élections législatives libres du pays, et le <a href="https://www.liberation.fr/evenement/1996/03/23/l-ile-connait-sa-premiere-election-presidentielle-au-suffrage-universel-samedi-taiwan-s-installe-dan_165059/">suffrage universel direct</a> pour les présidentielles sera établi en 1998.</p>
<h2>… devenue une démocratie modèle</h2>
<p>La victoire du Minjindang, avec l’élection en 2000 du juriste né à Taïwan <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2004-3-page-51.htm">Chen Shui-bian</a>, mettra fin à un demi-siècle de domination absolue du Kuomintang.</p>
<p>Chen Shui-bian sera réélu en 2004 <a href="https://www.universalis.fr/evenement/16-27-mars-2004-election-presidentielle-troublee/">dans une ambiance politique encore instable et conflictuelle</a>. Mais, depuis, la démocratie s’est consolidée et s’est fermement établie à Taïwan, avec un jeu d’alternance classique au pouvoir des deux grands partis dominant la vie politique. Le Kuomintang gagnera les élections de 2008 et réoccupera le pouvoir jusqu’en 2016 sous la présidence de <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/3813">Ma Ying-jeou</a>, année où le Minjindang lui succède, alors avec la victoire de <a href="https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2015-4-page-126.htm">Tsai Ing-wen</a>, réélue en 2020 jusqu’en 2024.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1216007237258416130"}"></div></p>
<p>Bref, Taïwan est devenue en une trentaine d’années une démocratie exemplaire face à une Chine totalitaire au nationalisme exacerbé qui veut lui faire subir le <a href="https://theconversation.com/hong-kong-la-fin-du-principe-un-pays-deux-systemes-139280">sort qu’elle a réservé récemment à Hongkong</a> (dont la situation et l’histoire étaient très différentes).</p>
<p>C’est d’ailleurs la crainte d’une grande majorité de la population de l’île, qui est apparemment satisfaite du système démocratique dans lequel elle vit désormais et ne tient absolument pas à être rattachée en tant que 23<sup>e</sup> province à la Chine continentale. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle soit favorable à une indépendance formelle, mais elle adhère au minimum au statu quo actuel qui consiste à la pratiquer sans la proclamer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/explainer-the-complex-question-of-taiwanese-independence-188584">Explainer: the complex question of Taiwanese independence</a>
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<p>Cette dernière perspective reste inacceptable pour Pékin, qui tient absolument à réintégrer Taïwan avant le 100<sup>e</sup> anniversaire de la RPC en 2049 en s’appuyant sur le fait que sa légitimité à être seule et unique représentante de la Chine au regard du droit international et de la reconnaissance au sein du système de l’ONU est acquise et indiscutable.</p>
<h2>Taïwan et le monde</h2>
<p>Pourtant, en 1945, c’est tout naturellement la République de Chine (RoC) nationaliste dirigée par <a href="https://www.proquest.com/openview/b62d56b40a839de8582d0da4e80d4029/1?pq-origsite=gscholar&cbl=1818041">Tchang KaÏ-chek</a> qui a initialement occupé le siège permanent auquel le pays a droit au sein du <a href="https://www.un.org/securitycouncil/fr">Conseil de sécurité des Nations unies</a> nouvellement créé en tant que membre de l’alliance des vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Mais, dès sa victoire en 1949, la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/proclamation-de-la-republique-populaire-de-chine/">RPC de Mao Zedong</a> revendique aussi ce siège. Et comme les deux régimes adhèrent au « principe d’une seule Chine », la RoC réfugiée à Taipei rêvant de reconquérir la Chine continentale et la RPC d’annexer l’île de Taïwan, cela pose rapidement un problème à l’ensemble des pays de la communauté internationale.</p>
<p>Après l’Inde qui l’a reconnue en premier, un certain nombre de pays européens – les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suisse, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Norvège.. – jouent toutefois le réalisme et décident de reconnaître dès le début des années 1950 la RPC comme seule représentante légitime de la Chine, établissant des relations diplomatiques avec Pékin et les rompant en conséquence avec Taipei.</p>
<p>La diplomatie de la RPC développe dès lors une stratégie agressive pour pousser son avantage, amenant de nombreux autres pays à suivre le mouvement, la France du général de Gaulle <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/reconnaissance-de-la-chine-en-1964-le-poids-de-l-evidence-et-de-la-raison-de-gaulle_1770817.html">rejoignant ce club</a> en 1964.</p>
<p>Le tournant crucial se situe en octobre 1971 quand l’AG de l’ONU adopte la résolution 2758 par laquelle la RPC est reconnue comme seule représentante légitime de la Chine, avec expulsion concomitante des représentants de la RoC de Taïwan. Le Japon franchit le pas en 1972 ; puis les États-Unis, engagés dans leur politique de détente vis-à-vis de Pékin, font finalement de même en 1979.</p>
<p>Depuis lors et surtout avec la montée en puissance de la RPC, le succès époustouflant de son économie devenue la <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2007-2-page-62.htm?ref=doi">deuxième du monde</a> en quarante ans et sa capacité à financer d’énormes projets d’infrastructures dans le cadre de sa stratégie des « Routes de la soie », la dégringolade s’est poursuivie pour la RoC.</p>
<p>Aujourd’hui, il n’y a plus que 14 pays dans le monde, en majorité des micro-États insulaires, qui reconnaissent Taïwan : 4 en Océanie, 4 dans les Caraïbes, 3 en Amérique centrale, 1 en Amérique du Sud (le Paraguay), 1 en Afrique (le Swaziland devenu Eswatini depuis 2018), ainsi que le Vatican, qui sera à n’en point douter le « dernier des Mohicans ». Après le Niger, l’Afrique du Sud, le Lesotho et la Macédoine ces dernières années, le dernier pays à avoir changé de camp est le Nicaragua en 2021.</p>
<p>En revanche, 57 pays ont quand même conservé des relations « non diplomatiques » avec Taïpei, dont la plupart des grandes puissances membres du G20, avec lesquelles l’île continue d’entretenir d’importants échanges économiques, commerciaux, industriels et financiers. En dépit de cela, la légitimité de Pékin à représenter la Chine « seule et unique » sur le plan international peut difficilement être mise en doute. Il n’en va pas de même pour sa légitimité historique.</p>
<h2>L’histoire de l’île</h2>
<p>Jusqu’au milieu du XVI<sup>e</sup> siècle, l’île de Taïwan, qui n’a d’ailleurs pas encore de nom bien établi dans la tradition chinoise, est habitée par une <a href="https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/famaustro.htm">population austronésienne</a>, probablement à l’origine du peuplement d’une grande partie de l’Océanie, et est restée largement isolée, à l’écart des troubles agitant le continent.</p>
<p>Elle n’a jamais soulevé le moindre intérêt des dynasties successives qui ont dominé la Chine depuis celle des <a href="https://www.ccc-paris.org/decouverte-de-la-chine/la-dynastie-des-qin/">Qin</a> qui a réalisé, deux siècles avant notre ère, une première forme d’unité du pays.</p>
<p>En fait, paradoxe de l’histoire, l’île n’est sortie de son isolement qu’au tout début de l’expansion coloniale européenne en Extrême-Orient, quand une poignée de marins et marchands portugais « découvrent » cette terre, qu’ils vont baptiser « <a href="https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2009_num_96_362_4401_t1_0334_0000_1">Ilha Formosa</a> » ou « l’île magnifique », et y établir un premier comptoir en 1544. Ils seront supplantés en 1624 par les <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=60&post=63452">Hollandais</a>, qui vont dominer les routes maritimes du monde entier pendant tout le XVII<sup>e</sup> siècle et s’installent à Tainan, dans le sud-ouest de Formose, alors que la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/dynastie-ming-reperes-chronologiques/">dynastie des Ming</a>, au pouvoir à Pékin depuis 1368, est en plein déclin et a d’autres préoccupations avec les sécheresses, les épidémies, les famines et les révoltes qui affligent l’Empire du Milieu.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481589/original/file-20220829-8758-95ihm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=469&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rencontre entre les colons hollandais et les populations aborigènes de Taïwan circa 1635.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Dutch_pacification_campaign_on_Formosa#/media/File:Landdag.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Les choses ne vont changer qu’avec la prise de pouvoir par les Mandchous, qui fondent en 1644 la dernière dynastie impériale chinoise, celle des <a href="https://www.ccc-paris.org/decouverte-de-la-chine/la-dynastie-des-qing/">Qing</a>. La résistance contre ces envahisseurs non chinois venus du nord s’organise dans le sud du pays autour de la ville côtière de Xiamen et de la maison princière des Tang, restée fidèle aux Ming, sous la houlette d’un aventurier membre des Triades et fils d’un ancien pirate et d’une mère japonaise qui passera à la postérité sous le nom de Koxinga. Devant l’offensive mandchoue, il décide de se replier avec ses troupes sur l’île de Formose dont <a href="http://www.taiwandocuments.org/koxinga.htm">il chasse les Hollandais</a> en 1662 pour y fonder l’éphémère royaume de Tungning, qui est finalement défait en 1683 et absorbé dans l’empire des Qing.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Statue en pierre d’un guerrier à cheval" src="https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481584/original/file-20220829-18-mro91f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Statue de Koxinga à Tainan. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Statue_of_Koxinga,_Tainan.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ces derniers continuent cependant à n’avoir aucun intérêt pour cette île considérée comme l’arrière-cour lointaine de la province du Fujian, rapatrient les troupes amenées par Koxinga et interdisent même aux populations d’origine chinoise (Han) de s’y installer ! Ensuite, la Chine des Qing se ferme largement aux contacts extérieurs au XVIII<sup>e</sup> siècle et l’île de Formose reste isolée et fréquentée sporadiquement par les seuls pêcheurs de la côte du Fujian.</p>
<p>Il faut attendre le XIX<sup>e</sup> siècle pour véritablement voir le début de son peuplement progressif par des populations Han chassées des provinces côtières de l’empire par les guerres et les famines qui accompagnent le boom démographique sur le continent et accélèrent le déclin du pouvoir mandchou. Cela crée d’ailleurs de nombreux conflits avec les populations locales, que Pékin essaye de gérer comme il le peut dans une attitude relativement négligente.</p>
<p>Ce n’est finalement qu’en 1885 que l’île se voit attribuer un statut de province dotée d’un gouverneur, et devient formellement une part reconnue et constitutive de l’empire Qing sous le nom de Taïwan. Cela ne va toutefois durer que dix ans puisqu’au terme de la guerre sino-japonaise de 1894-1895, la Chine cède « à perpétuité » Taïwan et les îles Pescadores voisines au Japon par le fameux <a href="https://mjp.univ-perp.fr/traites/1895shimonoseki.htm">traité de Shimonoseki</a>.</p>
<p>L’île restera ensuite un demi-siècle, jusqu’à la défaite nippone de 1945, sous la coupe du Japon, qui y appliquera la politique de modernisation économique et sociale inaugurée sous l’ère Meiji et y aura une influence déterminante, base du succès de son développement ultérieur. Puis, en 1945, Taïwan revient, comme on l’a vu, dans le giron de la Chine nationaliste de Tchang Kaï-chek qui s’y replie en 1949 après la victoire des communistes de Mao Zedong sur le continent.</p>
<h2>Une île qui ne fut pas longtemps chinoise</h2>
<p>Si l’on résume l’histoire de Formose-Taïwan, l’île est donc restée totalement indépendante pendant des millénaires ; a été légèrement affectée par les colonisateurs portugais pendant 80 ans et hollandais pendant 20 ans ; dominée par les Mandchous de manière très superficielle pendant deux siècles et à la fin de façon plus formelle mais pendant tout juste 10 ans ; puis profondément transformée par les Japonais pendant 50 ans, avant de devenir le refuge de la RoC nationaliste depuis exactement 73 ans. La légitimité historique du pouvoir en place à Pékin à revendiquer l’appartenance au territoire national de l’île de Taïwan, qu’elle a administré directement cinq fois moins longtemps que le Japon, n’est donc ni très solide ni bien convaincante !</p>
<p>C’est donc plutôt sur cet argument qu’il faut insister pour défendre la démocratie de Taïwan et le droit de sa population à s’autodéterminer et choisir le régime politique qui lui convient. Si Pékin peut affirmer sans vergogne, <a href="https://asialyst.com/fr/2022/07/14/hong-pas-colonie-langage-nouvel-imperialisme-chine/">comme il vient juste de le faire</a>, que Hongkong n’a jamais été une colonie britannique (!), on devrait pouvoir lui opposer le fait que Taïwan n’a quasiment jamais été une possession chinoise ! Mais il faut bien avouer que cette argumentation a peu de chances de succès face à la rhétorique ultra-nationaliste de la RPC.</p>
<p>La solution de large autonomie trouvée en 1999, au moment du retour de Hongkong dans le giron chinois, connue comme la formule d’« un État deux systèmes », était bien sûr le meilleur compromis possible, mais on a vu comment il a fait long feu avec la mise au pas récente de la cité-État où le mouvement démocratique a soulevé l’ire de Pékin. Il reste peut-être aussi à encourager les pays qui sont aux premières loges et bien placés pour jouer les médiateurs, comme l’Indonésie et ses partenaires de l’<a href="https://asean.org/">Asean</a>, à faire émerger un accord acceptable pour les deux parties qui évite le conflit qu’ils craignent plus que tout dans la région Asie-Pacifique.</p>
<p>Sinon, en gardant un brin d’optimisme, on peut aussi se dire que la cause de la démocratie n’est pas perdue en Chine populaire, même si elle est pour l’instant très improbable. En effet, rien ne dure pour toujours et un retournement de conjoncture économique liée à la « démondialisation » en cours et aux problèmes d’inégalités sociales, d’environnement et de santé publique pourrait bien raviver la contestation au sein du peuple chinois apparemment endormi.</p>
<p>Mais quand il se réveillera, pour paraphraser <a href="https://savoirs.rfi.fr/fr/apprendre-enseigner/langue-francaise/reveiller">Napoléon Iᵉʳ et Alain Peyrefitte</a>, les choses pourraient radicalement changer. Après tout, ce n’est pas le traditionalisme de la société chinoise confucianiste qui empêche le pays d’évoluer vers une démocratie : sans cela, Taïwan, qui aurait plutôt eu des leçons à donner à Pékin dans ce domaine, ne serait jamais devenu le phare démocratique que l’on admire aujourd’hui !</p>
<p>C’est bien le conservatisme du Parti communiste chinois, accroché à sa position hégémonique et aux privilèges qui vont avec, ainsi que la vision ultra-nationaliste et totalitaire de Xi Xinping, qui bloquent toute évolution. Or aucun homme n’est éternel. Dans l’intervalle, il faut tenir bon sur les principes, en défendant Taïwan avec tous les arguments et moyens possibles, de manière ferme mais sans provocations inutiles, en faisant tout ce qui est possible pour éviter un conflit armé qui scellerait le rapprochement entre la Russie et la Chine et serait une catastrophe pour la région et le monde entier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189085/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Maurer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Taïwan, qui n’a en réalité que très peu appartenu à la Chine continentale dans son histoire, représente un contre-modèle démocratique que la République populaire de Chine veut absolument effacer.Jean-Luc Maurer, Professeur honoraire en études du développement, affilié au Albert Hirschman Center on Democracy, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1890742022-08-21T16:21:08Z2022-08-21T16:21:08ZTaïwan : la stratégie indo-pacifique des États-Unis à l’épreuve<p>Le 3 août dernier, la courte visite à Taïwan de Nancy Pelosi, présidente de la chambre américaine des Représentants, a déclenché une réaction belliqueuse de Pékin et un cycle d’activités militaires chinoises soutenues à proximité des côtes de l’île, instaurant ce que beaucoup d’analystes qualifient de <a href="https://foreignpolicy.com/2022/08/17/taiwan-america-china-pelosi-visit-reliance/">« nouvelle norme »</a>.</p>
<p>Dès le 4 août, Pékin a effectué des <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chine-declenche-manoeuvres-militaires-autour-lile-Ta%C3%AFwan-2022-08-04-1201227605">exercices aéromaritimes d’ampleur</a> incluant des tirs de missiles balistiques – une démonstration de force qui a rappelé aux observateurs le <a href="https://www.liberation.fr/tribune/1996/03/19/la-troisieme-crise-du-detroit-de-taiwan_165488/">scénario de 1995-1996</a>, lors de la première crise majeure dans le détroit. Les manœuvres chinoises visaient alors à protester contre la visite aux États-Unis de Lee Teng Hui, à l’époque président de l’île, puis quelques mois plus tard à empêcher sa réélection. L’épisode avait suscité l’envoi de deux porte-avions américains par l’administration Clinton. Cette fois, Joe Biden n’aura dépêché qu’un seul porte-avions, et <a href="https://www.lesoir.be/458522/article/2022-08-08/taiwan-annonce-des-exercices-de-defense-apres-ceux-de-pekin">Taïwan a organisé des entraînements de défense</a> – au demeurant programmés de longue date, selon ses responsables.</p>
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<p>La surmédiatisation et la durée des exercices chinois entretiennent depuis début août une atmosphère de <a href="https://www.tf1info.fr/international/tirs-vers-taiwan-si-la-chine-attaque-c-est-la-fin-du-monde-previent-l-ambassadeur-en-france-2228429.html">dramatisation</a> et d’incertitude qui, au-delà de la région, retient l’attention internationale en raison de la tension sino-américaine qu’elle génère. Outre les menaces militaires, la Chine a fixé un coût diplomatico-économique élevé au déplacement de Nancy Pelosi, afin de prévenir des initiatives similaires : <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/visite-de-pelosi-a-taiwan-la-chine-degaine-les-sanctions-economiques-contre-les-etats-unis-927721.html">sanctions commerciales</a>, <a href="https://www.chine-magazine.com/des-personnalites-politiques-taiwanaises-sanctionnees-par-la-chine/">interdiction de visites en Chine</a> de personnalités taiwanaises et autres, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/05/taiwan-denonce-le-passage-d-avions-et-navires-de-guerre-sur-la-ligne-mediane-du-detroit-separant-l-ile-de-la-chine_6137243_3210.html">suspension de nombreuses coopérations</a> avec les États-Unis.</p>
<p>À ce stade, plusieurs questions se posent. Le statu quo précaire prévalant autour du détroit a-t-il été rompu ? Y a-t-il un infléchissement notable et durable de la part de Pékin ? Quelles perspectives se dessinent pour Taïwan, notamment dans le cadre de la <a href="https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2022/02/U.S.-Indo-Pacific-Strategy.pdf">stratégie indo-pacifique américaine</a>, dont la tonalité anti-chinoise s’accentue ?</p>
<h2>Pourquoi l’enjeu taiwanais est vital pour Xi Jinping</h2>
<p>Entamées le 4 août pour trois jours, les manœuvres de l’Armée Populaire de Libération (APL) se sont donc poursuivies, y compris après le 15 août. Cette volonté d’entretenir la tension – tout en épuisant la défense taïwanaise puisque chacun de ces exercices met en alerte les forces de Taipei – illustre la détermination chinoise à affirmer ses droits sur l’île.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1554686698264854533"}"></div></p>
<p>La Chine soutient que son attitude est <a href="https://www.tellerreport.com/news/2022-08-08-wang-wenbin-s-response-to-china-s-continued-military-exercise--issue-a-warning-to-the-perpetrators-and-punish-the-%22taiwan-independence%22-forces.r1lfZHLC6c.html">« ferme, forte et appropriée »</a>, et vise à protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale face aux « indépendantistes taiwanais » et à ce qu’elle estime être une « provocation américaine ». Ces positions reflètent des enjeux de politique intérieure et une intransigeance particulière de Xi Jinping qui <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/08/11/china-reaction-pelosi-visit-taiwan-reunification/">rendent impossible toute résolution pacifique de la « question taiwanaise</a> ». Xi Jinping doit <a href="https://www.challenges.fr/monde/congres-du-parti-du-pcc-pourquoi-rien-nest-gagner-pour-xi-jinping_817406">soigner sa stature d’homme fort avant le 20ᵉ Congres du PCC à l’automne</a> et une session plénière de l’Assemblée nationale populaire en 2023 où il devrait briguer un troisième mandat présidentiel de cinq ans (rappelons qu’il a été élu en 2013 et réélu en 2018).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parti-communiste-chinois-une-nouvelle-ere-171864">Parti communiste chinois : une nouvelle ère ?</a>
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<p>Joseph Wu, le chef de la diplomatie de Taïwan, a dénoncé le choix chinois d’une approche hybride <a href="https://news.yahoo.com/taiwanese-foreign-minister-warns-china-043231322.html">visant à préparer une invasion de l’île</a> et mêlant exercices militaires, cyberattaques, intense campagne de désinformation et coercition économique.</p>
<p>Taïwan est d’autant plus à réduire qu’elle constitue pour Xi Jinping un contre-exemple politique dont la réussite économique, les capacités d’innovation technologique et le fonctionnement démocratique jettent une ombre sur le modèle chinois. La dénonciation des velléités d’indépendance de Taïwan et les menaces répétées à l’encontre de la présidente Tsai depuis son arrivée au pouvoir en 2016 s’apparenteraient même à un aveu de faiblesse aux yeux <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/05/avec-poutine-on-aurait-deja-frappe-taiwan-la-deception-des-ultranationalistes-chinois_6137276_3210.html">d’une opinion publique ultra-nationaliste</a>. Celle-ci ne peut que constater la résilience de Taïwan, y compris <a href="https://www.frstrategie.org/programmes/programme-taiwan-sur-securite-diplomatie/strategie-taiwan-face-pandemie-quels-enseignements-pour-pays-europeens-2021">face au Covid-19</a>, contrairement à la Chine, et ne comprend pas que l’île ne soit pas à la merci de l’APL.</p>
<h2>L’internationalisation et la quête de soutien de Taïwan</h2>
<p>La situation est cependant plus complexe qu’il n’y paraît en raison du changement de perception internationale et d’une <a href="https://www.areion24.news/2022/03/08/taiwan-une-puissance-diplomatique/">lecture nouvelle du statut de Taïwan</a>, qui a su habilement mettre en avant sa nature démocratique.</p>
<p>Nancy Pelosi, dont <a href="https://www.lopinion.fr/international/pelosi-a-taiwan-le-vieux-combat-de-madam-speaker-contre-le-parti-communiste-chinois">l’hostilité à l’égard du régime communiste chinois</a> est connue, a bien perçu cette évolution que sa visite visait entre autres, à mettre en exergue. À l’heure de la guerre d’agression russe en Ukraine, la résolution de l’île à défendre son système politico-économique et sa liberté face à un adversaire aux moyens largement supérieurs résonne différemment.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-inquietantes-lecons-de-la-guerre-dukraine-pour-lavenir-de-ta-wan-185835">Les inquiétantes leçons de la guerre d’Ukraine pour l’avenir de Taïwan</a>
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<p>Sans franchir la <a href="https://www.jstor.org/stable/48640619">ligne rouge de l’indépendance</a>, Taïwan a su, au fil des ans, se créer un relatif espace diplomatique, alors que le <a href="https://www.liberation.fr/debats/2016/01/26/stephane-corcuff-la-nation-taiwanaise-se-construit-sans-la-chine_1429066/">sentiment d’identité nationale</a> grandissait. Le nombre de visites de haut niveau à Taipei s’est multiplié : autorités américaines, parlementaires européens, sénateurs français ne craignent pas de se rendre sur l’île et d’y rencontrer sa présidente.</p>
<p>Les bureaux de représentation de Taïwan, dont le dernier a ouvert à Vilnius en 2021, s’apparentent à des ambassades. Si l’île reste exclue de l’ONU, de la Banque mondiale, de l’OMS ou du FMI, elle a pu <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=56&post=143405">intégrer l’OMC</a>. Joe Biden a avalisé cette stratégie de normalisation en invitant des représentants de l’île au <a href="https://www.la-croix.com/centaine-pays-autour-Biden-sommet-virtuel-democratie-2021-12-09-1301189297">Sommet virtuel de la démocratie de décembre 2021</a>.</p>
<p>Il serait illusoire d’opposer le « soft power » de Taïwan au « hard power » chinois. Toutefois, le démantèlement brutal de la démocratie à Hongkong et le traitement de la question ouïghoure ont altéré l’image de la Chine, et contribué à renforcer le statut moral de Taïwan. Face au Covid-19 et aux effets de la guerre en Ukraine, Taïwan a démontré son efficacité et son <a href="https://www.lesaffaires.com/blogues/francois-normand/pourquoi-taiwan-est-crucial-pour-votre-entreprise/635131">rôle moteur dans les chaînes d’approvisionnement internationales</a>. Il devient difficile aux tenants d’un discours dénonçant les autocraties et leur recours à la force, comme les États-Unis, l’Union européenne ou le G7, de <a href="https://www.auswaertiges-amt.de/fr/newsroom/-/2546638">ne pas s’engager plus activement dans un soutien</a> – diplomatique, politico-économique ou militaire – au régime de Taipei.</p>
<h2>Taïwan, bastion maritime de l’indo-pacifique américain</h2>
<p>Interrogé à plusieurs reprises sur la possibilité d’une intervention militaire pour défendre Taïwan en cas d’attaque chinoise, Joe Biden a <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/biden-promet-de-defendre-taiwan-une-declaration-qui-n-a-rien-de-surprenant-selon">répondu par l’affirmative</a>, dissipant partiellement la politique américaine d’« ambiguïté stratégique ». Celle-ci consiste à aider Taïwan à construire et à renforcer ses défenses, mais sans promettre explicitement d’agir en cas d’agression. <a href="https://www.congress.gov/bill/96th-congress/house-bill/2479">Selon le Taïwan Relations Act</a>, adopté par le Congrès en 1979, Washington est tenu de vendre des armes à Taïwan afin qu’elle puisse assurer sa défense face à la puissante APL. Pour autant, est-ce aujourd’hui suffisant ?</p>
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<p>Le recours à la force russe contre l’Ukraine fait craindre un scénario similaire en Asie, où la Chine se montre <a href="https://theconversation.com/la-chine-et-le-droit-international-de-la-mer-un-dialogue-impossible-161389">intraitable</a> sur la revendication de ses frontières maritimes. Le regain d’instabilité dans le détroit de Taïwan a donné des arguments aux partisans d’une plus grande clarté sur la nature de l’engagement américain, dont l’Australie et le Japon.</p>
<p>Ces pays, qui entretiennent des relations tendues avec Pékin, s’inquiètent de l’impact de la crise en cours sur la <a href="https://maritimeindia.org/the-us-indo-pacific-strategy-2022-an-analysis/">stratégie indopacifique que l’administration Biden</a> promeut activement dans la région et qu’ils soutiennent. Ils doutent que les États-Unis soient en position de faire face seuls à un conflit de haute intensité en Asie au vu de leur investissement en Ukraine face à la Russie.</p>
<p>Le Japon se sent particulièrement vulnérable. Les <a href="https://www.7sur7.be/monde/des-missiles-chinois-seraient-tombes-dans-les-eaux-japonaises%7Eada79d88/">cinq missiles chinois tombés dans ses eaux le 5 août</a> lui font craindre que Pékin ne vise à terme ses intérêts économiques et militaires ou les <a href="https://www.france24.com/fr/billet-retour/20190426-japon-okinawa-bases-soldats-americains-militaires-population">bases américaines à Okinawa</a>. Tokyo, déjà confronté à de fréquentes <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20130827.OBS4419/japon-iles-senkaku-nouvelle-incursion-de-navires-chinois.html">incursions navales chinoises autour des îlots Senkaku</a>, à une centaine de kilomètres de Taïwan, et <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20220324- %C3 %AEles-kouriles-la-guerre-en-ukraine-ravive-les-tensions-entre-le-japon-et-la-russie">aux prises avec la Russie</a> sur la question des territoires du Nord (îles Kouriles pour Moscou) <a href="https://www.japantimes.co.jp/news/2022/08/03/national/china-target-taiwan-drills-japan/">se sent devenir une cible potentielle de l’APL</a> dans le cadre des opérations de celle-ci autour de Taïwan.</p>
<p>La stratégie indo-pacifique des États-Unis pourrait trouver ses limites face à la détérioration de la situation dans le détroit. Cette stratégie vise en effet à contenir l’expansion régionale chinoise, notamment dans le domaine maritime, à renforcer la sécurité maritime régionale et à préserver la liberté de mouvement de l’US Navy et de ses alliés et partenaires. Or, la <a href="https://asiepacifique.fr/indo-pacifique-le-maritime-marianneperondoise/">liberté de navigation</a> et la sécurisation des grandes voies maritimes internationales, au cœur de cette stratégie, apparaissent menacées par la poussée chinoise en mer de Chine méridionale et orientale et, à terme, dans le détroit de Taïwan qui ouvre l’accès au Pacifique. Celui-ci, siège à Hawaï du commandement interarmées américain pour l’Indo-pacifique, l’<a href="https://www.pacom.mil/About-USINDOPACOM/USPACOM-Area-of-Responsibility/">USINDOPACOM</a>, et zone de déploiement de la <a href="https://www.c7f.navy.mil/">VII<sup>e</sup> flotte</a>, constitue un théâtre où les États-Unis possèdent une forte empreinte stratégique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1558604878846607360"}"></div></p>
<h2>Le QUAD et l’AUKUS face à la Chine</h2>
<p>L’ambition chinoise de s’étendre de l’océan Indien jusqu’au Pacifique océanien en y déployant son projet de Routes de la Soie (Belt and Road Initiative) explique l’investissement de l’administration Biden au sein de nouveaux mécanismes de coopération stratégique multidimentionnelle<a href="https://theconversation.com/le-quad-pilier-de-la-strategie-indo-pacifique-de-ladministration-biden-158966">comme le QUAD</a> et l’<a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">AUKUS</a>.</p>
<p>En mai dernier, les membres du QUAD (États-Unis, Japon, Australie, Inde) ont décidé de renforcer leur coopération politico-militaire et d’investir massivement dans l’innovation et les nouvelles technologies pour répondre au défi chinois. Nul doute que <a href="https://www.rfi.fr/fr/ %C3 %A9conomie/20220803-ta %C3 %AFwan-le-num %C3 %A9ro-un-des-semi-conducteurs-avertit-la-chine-qui-menace-l- %C3 %AEle">Taïwan, qui domine l’industrie des semi-conducteurs</a>, y a toute sa place. De la même façon, la construction de sous-marins nucléaires d’attaque pour l’Australie – objet du partenariat AUKUS (États-Unis, Australie, Royaume-Uni) – vise à renforcer le dispositif de dissuasion américain face aux <a href="https://www.penseemiliterre.fr/de-l-importance-des-forces-terrestres-dans-les-dispositifs-de-deni-d-acces-et-d-interdiction-de-zone-une-perspective-chinoise._241_3000457.html">capacités anti-accès de l’APL</a>.</p>
<p>Ces arrangements qui se superposent aux alliances traditionnelles que les États-Unis entretiennent en Indo-Pacifique ont vocation à <a href="https://www.defnat.com/e-RDN/vue-article.php ?carticle=22947">rééquilibrer le rapport de forces</a> et la compétition capacitaire entre les États-Unis et la Chine. Il reste à voir s’ils aboutiront rapidement à la constitution d’une coalition capable d’opérer dans le détroit de Taïwan et plus largement de maintenir la sécurité maritime et la liberté de navigation dans l’Indo-Pacifique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189074/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La récente montée des tensions entre la Chine et le duo américano-taïwanais contraint Washington à repenser sa stratégie régionale, qui vise à maintenir un équilibre de plus en plus précaire…Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858352022-06-29T22:50:40Z2022-06-29T22:50:40ZLes inquiétantes leçons de la guerre d’Ukraine pour l’avenir de Taïwan<p>Depuis le début de l’offensive russe en Ukraine, les <a href="https://www.courrierinternational.com/magazine/2022/1649-magazine">analyses et les mises en garde</a> sur le renforcement de la <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/03/04/taiwan-ukraine-russia-war-china/">menace chinoise pesant sur Taïwan</a> se sont multipliées.</p>
<p>Sans prétendre résumer l’ensemble de ces analyses, il est utile à ce stade de s’arrêter sur trois interrogations qui nourrissent la réflexion : l’impatience grandissante manifestée par Xi Jinping va-t-elle se trouver modérée ou encouragée par le « passage à l’acte » inattendu de Poutine ? Que change l’expérience ukrainienne de ces quatre derniers mois à la posture états-unienne d’« ambiguïté stratégique » ? Enfin, les nouvelles formes de « guerre asymétrique » observées lors de ce conflit sont-elles de bon augure pour la capacité de résistance de Taïwan, voire pour les chances d’un succès américain en cas de confrontation directe avec la République populaire de Chine ?</p>
<h2>Le risque de l’occurrence de la guerre</h2>
<p>Force est de constater que, gouvernement et <a href="https://information.tv5monde.com/info/guerre-en-ukraine-la-credibilite-du-renseignement-americain-sort-renforcee-448061">services de renseignements états-uniens</a> mis à part, la décision de Poutine de « passer à l’acte » a surpris les observateurs et la plupart des gouvernements étrangers, tant la balance des risques et des avantages paraissait défavorable au Kremlin. Faut-il y voir un précédent qui annoncerait une semblable initiative chinoise envers Taïwan, comme se le demandait l’éminent sinologue <a href="https://asialyst.com/fr/2022/05/28/jean-pierre-cabestan-nul-ne-sait-quelle-forme-engagement-americain-defendre-taiwan/">Jean-Pierre Cabestan</a>, pour qui :</p>
<blockquote>
<p>« Un élément assez inquiétant est le fait que, comme on le sait, nombreux étaient ceux qui refusaient de croire à une invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine. Or il a pris cette décision, de manière très verticale, sans que personne ne vienne sur son chemin. Xi Jinping aujourd’hui a quant à lui accumulé tellement de pouvoirs que l’on peut se demander s’il n’est pas dans la même situation. Gonflé par un nationalisme que l’on sait incandescent et soucieux de régler la question taïwanaise avant la génération suivante, Xi pourrait être aussi tenté de passer à l’acte, et ceci dans des délais assez brefs. »</p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/poutine-sur-lukraine-xi-jinping-sur-ta-wan-deux-discours-si-semblables-184341">Poutine sur l’Ukraine, Xi Jinping sur Taïwan : deux discours si semblables…</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Toutefois, en dépit d’un renforcement de son emprise personnelle sans précédent depuis Mao (malgré une <a href="https://thediplomat.com/2022/05/xi-jinpings-legitimacy-malaise-is-bad-news-for-cross-strait-relations/">légitimité parfois contestée</a>), Xi Jinping ne pourrait pas prendre une telle décision sans l’accord des rouages organisationnels et politiques de cet État-parti. À titre d’exemple, rappelons que les <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/asia/2001-01-01/tiananmen-papers">Tiananmen Papers</a> décrivent bien le méandre des consultations qui a conduit au choix de la stratégie répressive en juillet 1989.</p>
<p>En tout état de cause, avant d’envisager une décision aussi lourde de conséquences, la direction chinoise se doit de tirer les <a href="https://foreignpolicy.com/2022/04/19/china-invasion-ukraine-taiwan/">leçons de la guerre en Ukraine sur les plans politique et militaire</a>.</p>
<h2>Quel engagement américain ?</h2>
<p>Le soutien américain à Taïwan est réputé s’inscrire dans une politique d’<a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ambiguite-strategique-petit-guide-diplomatie-americaine-vis-vis-Ta%C3%AFwan-2022-05-24-1201216690">ambiguïté stratégique</a>, excluant tout engagement formel. Cette posture vise à exercer une double dissuasion : il s’agit de dissuader la RPC d’entreprendre une réunification par la force, mais aussi de dissuader les autorités taiwanaises d’engager un <a href="https://www.lepoint.fr/monde/tout-juste-reelue-tsai-avertit-pekin-taiwan-est-deja-un-pays-independant-15-01-2020-2357802_24.php">processus d’indépendance formel</a>, ce qui serait un casus belli avéré avec Pékin. Le souci sous-jacent est de ne pas voir se renouveler l’expérience de 1914, quand de grandes puissances ont été entraînées dans une guerre majeure par des décisions inconséquentes de leurs alliés.</p>
<p>La leçon de la guerre d’Ukraine sur ce point est elle-même ambiguë. L’expérience confirme certes que les États-Unis n’entrent pas en guerre pour un pays auquel ne les lie aucun engagement formel, ce qui ne peut manquer d’inquiéter à Taïwan. Toutefois, l’ampleur du soutien accordé par Washington à Kiev sur les plans militaire (à travers des livraisons d’armes et d’informations) et politico-économique (par l’ampleur du dispositif de sanctions) a dépassé toutes les anticipations. Dans le même temps, <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/us-taiwan-strategic-ambiguity-must-end-by-abe-shinzo-2022-04/french">suivant l’avis de nombreux observateurs</a>, le président Biden a <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/may/23/us-would-defend-taiwan-if-attacked-by-china-says-joe-biden">reformulé le 23 mai dernier l’engagement américain envers Taïwan</a> en des termes <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/may/25/biden-defend-taiwan-china-invasion">très clairs</a>, conduisant à penser que les États-Unis <a href="https://www.taiwannews.com.tw/en/news/4489405">s’impliqueraient encore plus significativement dans un conflit pour Taïwan</a> que dans la guerre en Ukraine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Washington livre des armes offensives à Kiev (TV5 Monde Info, 16 avril 2022).</span></figcaption>
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<p>La Russie a échoué à isoler l’Ukraine de son arrière stratégique européen, ce qui a permis l’acheminement d’une aide importante en matériels et approvisionnement. De quels moyens les États-Unis disposeraient-ils pour apporter leur aide à Taïwan en cas de conflit ?</p>
<p>On se souvient que, durant la guerre du Vietnam, au moins jusqu’en 1972, les États-Unis avaient <a href="https://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,843585,00.html">laissé ouvert l’accès du port d’Haiphong</a> aux navires soviétiques ravitaillant le Nord-Vietnam en armements et fournitures diverses ; on voit mal la Chine opter pour une telle attitude en cas de guerre ouverte avec Taïwan.</p>
<p>La RPC laisserait-elle l’aviation américaine renouveler l’opération <a href="https://www.dailykos.com/stories/2022/5/3/2095405/-Operation-NICKEL-GRASS-America-s-Airlift-to-Israel-During-the-1973-Yom-Kippur-War"><em>Nickel Grass</em></a> qui a permis de livrer à Israël 22 300 tonnes d’armes, munitions et équipements qui ont seules permis la victoire de l’État hébreu dans la Guerre du Kippour en 1973 ?</p>
<p>Ces questionnements soulignent une double prise de risque : pour les États-Unis, celui de passer outre à un blocus de Taïwan que la Chine mettrait probablement en œuvre dans ces circonstances ; pour Pékin, celui d’ouvrir le feu sur des navires ou avions américains, encourant ainsi la lourde responsabilité d’initier l’engagement armé entre les deux grandes puissances.</p>
<p>À côté des incertitudes tenant à l’ampleur de l’engagement américain, de quelles leçons l’expérience de la guerre en Ukraine est-elle porteuse en matière de résistance de Taïwan ?</p>
<h2>Les nouvelles formes de la guerre asymétrique, un atout pour Taïwan ?</h2>
<p>Une leçon majeure se dégage des premiers mois de la guerre : appliquée avec résolution, l’adoption des tactiques et moyens de la guerre asymétrique permet à un petit pays de résister à l’agression d’une puissance bien supérieure, pourvu qu’il <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/guerre-en-ukraine-xi-jinping-face-au-principe-de-realite-20220317_CCDNDZO4S5D4LL7RYQZJGVG5C4/">dispose de soutiens extérieurs résolus</a>. Sans surprise, <a href="https://www.politico.com/news/2022/05/19/deadly-serious-u-s-quietly-urging-taiwan-to-follow-ukraine-playbook-for-countering-china-00033792">Taïwan a été invitée à s’inspirer de l’exemple ukrainien</a>.</p>
<p>Au nombre des moyens d’une telle résistance figurent des missiles antichars et antiaériens puissants et très maniables, l’emploi généralisé de drones assurant aussi bien la surveillance du champ de bataille que des actions offensives, une bonne mobilité des forces éclairée par un système de renseignement bénéficiant de l’assistance américaine.</p>
<p>Justement, Taïwan est réputée avoir fait le constat que seule l’adoption d’une stratégie de guerre asymétrique lui offrait des perspectives de succès face à l’Armée nationale populaire. Toutefois, comme l’argumente un <a href="https://www.stimson.org/event/a-question-of-time-enhancing-taiwans-conventional-deterrence-posture/">rapport de deux universitaires américains</a>, la stratégie adoptée est loin de s’être traduite par des <a href="https://warontherocks.com/2021/11/taiwans-defense-plans-are-going-off-the-rails/">choix cohérents en matière d’armements et d’équipements</a> : les commandes de sous-marins, de destroyers, de chars ou d’avions de chasse traduisent plutôt une continuité dans des modalités traditionnelles de défense.</p>
<p>Le redéploiement vers des systèmes défensifs plus discrets et plus mobiles, <a href="https://worldnewsera.com/news/u-s-presses-taiwan-to-buy-weapons-more-suited-to-win-against-china/">demandé par les États-Unis</a> dans la perspective d’une stratégie de défense intégrée <a href="https://www.airuniversity.af.edu/JIPA/Display/Article/3019529/bold-and-unprecedented-moves-building-a-us-taiwan-defense-strategy-in-the-strai/">prônée par certains analystes</a>, n’a été qu’amorcé, de même que la réorganisation et l’<a href="https://www.leparisien.fr/international/taiwan-entraine-ses-reservistes-sur-fond-dinquietudes-liees-a-lukraine-14-03-2022-MWFZ3GAG2RDKNMUPJRZRYXKHBU.php">entraînement renforcé du corps de réservistes</a> appelés à remplir le rôle joué en Ukraine par la <a href="https://www.letelegramme.fr/monde/en-ukraine-la-defense-territoriale-est-le-dernier-rempart-face-aux-russes-17-04-2022-12991055.php">Défense territoriale</a>.</p>
<p>La guerre en Ukraine a mis en évidence l’importance de deux types d’armes : les missiles et, plus novateurs, les drones. L’effort de Taipei en matière de missiles est notable. Il reste toutefois modeste au regard des <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/apl-force-en-mutation-2016">moyens dont dispose l’APL</a> en la matière.</p>
<p>Répondre à cette asymétrie exige une concentration des efforts sur deux créneaux stratégiques : d’une part, les missiles air-sol, efficaces contre les avions ou missiles adverses, et capables de limiter l’efficacité des frappes chinoises sur les moyens de défense et de communication taiwanais ; et, d’autre part, les missiles antinavires, nécessaires en grand nombre pour dénier à la marine de l’APL la capacité d’opérer un débarquement sur les côtes de l’île. Là encore, l’annonce récente, présentée comme un succès, de <a href="https://missilethreat.csis.org/country/taiwan/">nouveaux missiles capables de frapper les bases adverses</a> en Chine continentale atteste d’une dispersion des moyens qui peut nuire à la satisfaction de ces priorités stratégiques.</p>
<p>Par leur coût limité, leur flexibilité et la discrétion de leur mise en œuvre, les drones apparaissent comme les instruments privilégiés <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/guerre-futur-ukraine-premiere-guerre-drones-99240/">d’une défense asymétrique</a>. Alors que l’investissement consenti par l’Ukraine lui a assuré une franche supériorité sur l’armée russe dans ce domaine, l’effort taiwanais, tardif et limité, restera en tout état de cause bien modeste par <a href="https://www.irsem.fr/publications-de-l-irsem/breves-strategiques/strategic-brief-no-38-2022-china-s-drone-mania.html">rapport aux moyens de l’APL</a>, qui s’appuient sur la première industrie mondiale en la matière.</p>
<p>La guerre d’Ukraine a surtout révélé l’importance de la volonté d’un peuple à se mobiliser pour défendre son indépendance et son territoire, au prix des plus grands sacrifices. Depuis des décennies que plane la menace chinoise, les observateurs ont régulièrement douté d’une volonté semblable de la population taiwanaise. Plus qu’une comparaison statique, l’expérience ukrainienne se manifestera en dynamique. Venant après la mise au pas de Hongkong, véritable enterrement des illusions sur le compromis de 1992 <a href="https://theconversation.com/hong-kong-la-fin-du-principe-un-pays-deux-systemes-139280">« un pays, deux systèmes »</a>, l’agression russe, de <a href="https://asialyst.com/fr/2022/06/18/fin-ambiguite-xi-jinping-confirme-entente-strategique-poutine-russie-chine/">plus en plus approuvée par Pékin</a>, apporte le choc nécessaire à un réveil de l’esprit de défense taiwanais.</p>
<p>Ce réveil doit se traduire par des décisions majeures en matière d’effort budgétaire global : sans doute convient-il d’augmenter la part de la Défense dans le budget, au-delà des <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/taiwan-adopte-un-budget-militaire-record-pour-repousser-une-invasion-chinoise-1413049">2 % du PIB péniblement atteints dernièrement</a>, de mieux répartir ces moyens et d’améliorer la préparation militaire d’une jeunesse appelée à alimenter les unités de réservistes.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’armée taïwanaise prépare ses troupes à une attaque de la Chine (Les Échos, 7 janvier 2022).</span></figcaption>
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<p>Cet esprit de résistance est particulièrement nécessaire pour crédibiliser le stade ultime de la défense asymétrique : la poursuite d’une action de guérilla qui contestera à une armée chinoise victorieusement débarquée la maîtrise du territoire de l’ile. Si sa crédibilité est avérée, cette perspective d’une résistance intérieure peut exercer un pouvoir dissuasif « en dernier ressort », en convainquant les autorités chinoises que même un débarquement réussi pourrait s’avérer n’être qu’une victoire à la Pyrrhus.</p>
<h2>D’une guerre locale à une conflagration générale ?</h2>
<p>L’expression de « guerre froide » entre le monde occidental et le front des autoritarismes sino-russe paraissait excessive. Nous en vivons pourtant aujourd’hui un « point chaud », comparable à la Guerre de Corée dans la précédente guerre froide. Ainsi réapparaît le risque d’un dérapage vers une conflagration généralisée, que la fermeté, voire le « jusqu’auboutisme », des parties concernées ne permet pas d’exclure complètement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-chantage-nucleaire-de-vladimir-poutine-178095">Le chantage nucléaire de Vladimir Poutine</a>
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<p>Si l’on voit mal le conflit ukrainien dégénérer à ce point, la montée des tensions qu’il révèle ne peut que renforcer l’inquiétude sur la possibilité d’une escalade, <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/china/2022-05-20/fight-over-taiwan-could-go-nuclear">y compris nucléaire</a>, que pourrait provoquer un affrontement autour de Taïwan.</p>
<p>Dans le même temps, le recours massif aux sanctions, envisagées depuis la création de la Société des Nations en 1920 comme un substitut à l’action armée, risque de montrer toutes ses limites, déjà illustrées par des expériences précédentes : l’imbrication des économies en majore le <a href="https://www.iris-france.org/165409-ukraine-russie-quand-on-impose-des-sanctions-a-un-pays-avec-lequel-on-a-des-relations-economiques-importantes-les-consequences-peuvent-etre-lourdes-pour-nos-economies-nos-entreprises-ou-n/">coût en retour, en particulier pour l’Europe</a>, au point que celle-ci doive s’accommoder d’arrangements et d’exceptions ; cette imbrication rend encore plus illusoire la gageure que constituerait la mise en œuvre contre la Chine de sanctions efficaces qui resteraient supportables pour l’économie, et donc pour l’opinion américaines.</p>
<p>La guerre en Ukraine posera bientôt la question cruciale de la valeur de la garantie américaine. Sur le plan militaire, divers <a href="https://www.reddit.com/r/CredibleDefense/comments/pzxsy4/in_multiple_war_games_the_us_has_failed_to_defend/">wargames</a> ont fait apparaître les risques pour les États-Unis d’une défaite dans un conflit avec la Chine pour la défense de Taïwan.</p>
<p>Les <em>Task forces</em> constituées autour d’un porte-avion apparaissent vulnérables à une <a href="https://nationalinterest.org/blog/reboot/closer-look-chinas-carrier-killer-missiles-195367">attaque combinée de missiles chinois</a>, de même que la <a href="https://eurasiantimes.com/chinas-guam-killer-df-26-missile-greatest-risk-for-us-in-asia-pacific/">grande base de Guam</a>, centre névralgique du déploiement aéronaval états-unien dans le Pacifique de l’Ouest. Certes efficaces contre des attaques limitées, les défenses antimissiles américaines <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14799855.2020.1769069">seraient rapidement saturées en cas d’attaque massive</a>. Sur le plan politique, dès les <a href="https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/midterms-aux-etats-unis-six-mois"><em>mid-terms</em> de novembre</a>, le consensus bipartisan qui soutient aujourd’hui l’action de Joe Biden <a href="https://theconversation.com/le-poutinisme-a-toute-epreuve-de-donald-trump-et-de-ses-partisans-180622">pourrait se trouver fragilisé</a>, pour la plus grande satisfaction du tandem d’États révisionnistes autoritaires spéculant dans la durée sur les incertitudes qui affectent la démocratie américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Hénin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La résistance acharnée que l’Ukraine oppose à la Russie pourrait ne pas suffire à dissuader la République populaire de Chine de chercher à récupérer Taïwan par la force.Pierre-Yves Hénin, Professeur émérite en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1843412022-06-12T18:44:34Z2022-06-12T18:44:34ZPoutine sur l’Ukraine, Xi Jinping sur Taïwan : deux discours si semblables…<p>La guerre engagée par la Russie pour soumettre ou démembrer l’Ukraine est venue alimenter l’inquiétude d’un prochain recours à la force par la République populaire de Chine à l’encontre de Taïwan afin de réaliser le <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n163/article/le-reve-taiwanais-de-xi-jinping">« rêve chinois de réunification nationale »</a>. Une inquiétude d’autant plus grande que, trois semaines avant l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine et Xi Jinping avaient publié une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/02/05/au-jo-de-pekin-vladimir-poutine-et-xi-jinping-affichent-un-front-commun-face-aux-etats-unis_6112423_3210.html">déclaration de totale solidarité</a> lors de la visite du président russe à Pékin. Alors, <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/685593/ukraine-et-taiwan-meme-combat">Ukraine et Taïwan, même combat</a> ?</p>
<p>La Russie et la Chine sont aujourd’hui toutes deux des États autoritaires et révisionnistes, au sens où ils entendent remettre en cause l’ordre mondial existant. Certes, la situation de Taïwan est bien différente de celle de l’Ukraine en termes de droit international, mais les discours de justification de Vladimir Poutine et Xi Jinping convergent pour l’essentiel.</p>
<p>En effet, les « narratifs » russe et chinois reposent sur deux piliers communs : d’une part, l’affirmation d’une identité nationale partagée, puis déchirée, qu’il convient de restaurer ; d’autre part, une préoccupation géostratégique causée par une présence militaire des États-Unis ou de leurs alliés potentiellement hostile dans leur étranger proche, synonyme de menace d’encerclement et de contestation de leur sphère d’influence légitime sur leur « pré carré ».</p>
<p>À ces arguments s’ajoute un autre aspect de première importance : la volonté de ces systèmes autoritaires de se protéger face au « contre-modèle » démocratique qu’incarnent à leurs frontières l’Ukraine et Taïwan.</p>
<h2>Revendication d’une identité nationale partagée : le discours russe…</h2>
<p>Comme celui de la <a href="https://theconversation.com/la-chine-ou-le-paradigme-du-national-capitalisme-autoritaire-174488">Chine</a>, le régime russe actuel peut être qualifié de <a href="https://www.iris-france.org/156883-le-national-capitalisme-autoritaire-une-menace-pour-la-democratie-3-questions-a-p-y-henin-a-insel/">national-capitalisme autoritaire</a>. Dans ce type de régime, la légitimation de l’autoritarisme mobilise en particulier un discours national identitaire.</p>
<p>Il n’est pas étonnant que cette logique figure au premier plan du narratif russe pour justifier le démembrement de l’Ukraine, objectif proclamé de son action militaire. Vladimir Poutine s’est chargé personnellement de produire ce discours dans un long document intitulé <a href="https://france.mid.ru/fr/presse/russes_ukrainiens/">« Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »</a>, dans lequel l’histoire se trouve instrumentalisée <a href="https://theconversation.com/vladimir-putin-points-to-history-to-justify-his-ukraine-invasion-regardless-of-reality-177882">à l’appui de sa politique révisionniste</a>), ce que de nombreux historiens <a href="https://theconversation.com/a-historian-corrects-misunderstandings-about-ukrainian-and-russian-history-177697">n’ont pas manqué de dénoncer</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1535198724070297601"}"></div></p>
<p>Rappelant l’histoire longue et compliquée d’une Ukraine ballottée entre les sphères d’influence russe et lituano-polonaise, Poutine affirme que le mouvement de revendication d’une identité nationale ukrainienne – d’abord culturelle et linguistique –, qui s’est particulièrement manifesté à la fin du XIX<sup>e</sup>, siècle était manipulé par le mouvement national polonais – l’étranger, déjà – qui luttait à l’époque contre <a href="https://books.openedition.org/pulm/7024?lang=fr">l’annexion de la Pologne dite « du Congrès » par l’empire russe</a>. Plus intéressante est sa <a href="https://www.bfmtv.com/international/asie/russie/vladimir-poutine-l-ukraine-a-ete-entierement-construite-et-creee-par-lenine_VN-202202210554.html">dénonciation de la politique soviétique des nationalités</a> dans le devenir de l’espace hérité de l’URSS.</p>
<p>L’agression russe n’a fait que renforcer la vision de l’Histoire partagée par la majeure partie des Ukrainiens, d’après laquelle leur identité nationale aurait été édifiée des siècles durant, en particulier dans l’opposition à l’empire autoritaire des tsars puis des autorités communistes. Toujours réprimé par le pouvoir soviétique, ce programme de réflexion historique renaît à la fin des années 1980, avec la pérestroïka, à l’initiative du Parti communiste d’Ukraine, <a href="https://www.foreignaffairs.com/reviews/capsule-review/2022-04-19/memory-crash-politics-history-and-around-ukraine-1980s-2010s">comme le rapporte un historien de Kiev qui a participé à ce renouveau</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-reactions-ukrainiennes-a-la-reecriture-de-lhistoire-par-vladimir-poutine-168136">Les réactions ukrainiennes à la réécriture de l’histoire par Vladimir Poutine</a>
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<p>On relèvera au passage que le rattachement de la Crimée à l’Ukraine par décision du Soviet suprême le 19 février 1954 – présenté à l’époque par Moscou comme un don généreux du grand frère à l’occasion du 300<sup>e</sup> anniversaire du <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2014/04/11/bogdan-pourquoi-as-tu-cede-l-ukraine-aux-russes">Traité de Pereïaslav</a>, et aujourd’hui comme une <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/67828">lubie de Khrouchtchev</a> – visait en réalité à renforcer le <a href="https://www.wilsoncenter.org/publication/why-did-russia-give-away-crimea-sixty-years-ago">poids de l’élément russe</a> dans une république où les <a href="https://euromaidanpress.com/2022/01/21/it-took-red-army-a-decade-to-subdue-western-ukraine-after-1945-russian-specialist-on-ukraine-warns-kremlin/">mouvements de contestation de l’ordre russo-soviétique</a> n’étaient pas éteints.</p>
<h2>… et son pendant chinois</h2>
<p>Le discours chinois de justification de la nécessaire « réunification » avec Taïwan revêt certes une certaine légitimité a priori en termes de droit international, puisque les États-Unis eux-mêmes ne contestent pas l’appartenance de principe de l’île à la Chine. Pour autant, cette réunification est présentée comme la dernière survivance des <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/l%E2%80%99europe-et-le-monde/l%E2%80%99europe-et-la-r%C3%A9gulation-juridique-des-relations-internationales/les-trait%C3%A9s-in%C3%A9gaux-avec-la-chine">« traités inégaux »</a> à effacer pour réaliser le « grand rêve chinois ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DRLzG9UoZNc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tout comprendre aux relations entre la Chine et Taïwan (<em>Courrier International</em>, 2021).</span></figcaption>
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<p>Certes, c’est bien par le <a href="https://mjp.univ-perp.fr/traites/1895shimonoseki.htm">Traité de Shimonoseki</a> en 1895 que le Japon s’est approprié l’ile de Taïwan. Pourtant, les différents gouvernements chinois ne revendiqueront pas le retour de Taïwan à la mère patrie avant plusieurs décennies. Jusqu’en 1942, alors que la restitution de la Mandchourie est exigée, Taïwan n’apparaît que comme un territoire qui doit être libéré de l’occupation japonaise, au même titre que la Corée et <a href="http://nam-viet-voyage.com/fr/histoire-annam-chinois-francais/">l’Annam</a>, également anciennes colonies chinoises. Rarement évoqué, ce point est bien <a href="https://journals.openedition.org/chinaperspectives/4828">documenté par l’historien états-unien Alan M. Wachman</a>. En 1937, lors de ses <a href="https://www.allenandunwin.com/browse/books/general-books/history/Red-Star-Over-China-Edgar-Snow-contributions-by-Dr-John-K-Fairbank-9781611855128">entretiens avec le journaliste Edgar Snow</a>, Mao considère que le Parti communiste doit aider les Taïwanais à lutter pour leur indépendance, position réitérée par Zhou Enlai en juillet 1941. En 1938, le président nationaliste Tchang Kaï-chek exprime la même position :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons permettre à la Corée et à Taïwan de restaurer leur indépendance, ce qui bénéficiera à la défense nationale de la République de Chine. »</p>
</blockquote>
<p>La rupture viendra d’un acteur inattendu, Franklin Delano Roosevelt. Le 14 août 1941, la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/preparatory-years">Charte de l’Atlantique</a> prévoit le retour de Taïwan à la République de Chine. Informé par ses relations états-uniennes, le Kouo-Min-Tang (le parti de Tchang Kaï-chek) intégrera ce point de vue en 1942. Dans le même temps, le Parti communiste chinois opère le même changement de posture, qu’il présente comme une initiative des communistes taïwanais.</p>
<p>Comme le remarque <a href="https://journals.openedition.org/chinaperspectives/4828">Alan Wachman</a>, cet affaiblissement de l’argument de la légitimité historique conduit à privilégier l’argument géostratégique.</p>
<h2>Les arguments géostratégiques</h2>
<p>Nous ne reprendrons pas ici la longue controverse sur la légitimité de l’élargissement de l’OTAN à d’anciennes démocraties populaires, puis aux États baltes, libérés de l’annexion soviétique voire, un jour, à la Géorgie et à l’Ukraine. En tout état de cause, cet élargissement amène aux frontières de la Fédération de Russie une coalition potentiellement opposée à ses projets révisionnistes de restauration, si besoin par la force, de la <a href="https://theconversation.com/en-ukraine-la-russie-fait-la-guerre-pour-etendre-sa-sphere-dinfluence-177077">sphère d’influence</a> héritée de l’Empire des tsars et de l’URSS. La vidéo suivante a été publiée par une diplomate chinoise, signe révélateur de l’alignement des positions de Pékin et Moscou sur cette thématique de l’encerclement :</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1503820283072888833"}"></div></p>
<p>Alliance défensive, l’OTAN ne risque pas d’engager d’action offensive contre la Russie, dont les préoccupations sur ce point sont pour le moins surfaites. Il reste que, à défaut de constituer une menace pour la Russie elle-même, l’élargissement de l’OTAN aura incontestablement limité sa capacité d’action dans des pays relevant à ses yeux de son « étranger proche » (sans toutefois l’empêcher de soutenir militairement des « républiques séparatistes » contrôlées par des minorités russophiles et russophones, de la Transnistrie à l’Abkhazie, en passant par le Donbass). Sans la présence militaire occidentale dans les pays limitrophes, on voit mal comment l’armée ukrainienne aurait pu résister avec autant d’efficacité à l’offensive russe de février 2022.</p>
<p>Employant une terminologie qui n’est pas sans rappeler le <a href="https://www.jstor.org/stable/24909770">discours allemand d’avant la Première Guerre mondiale</a>, la Russie affirme que la présence militaire occidentale vise à « encercler » son territoire. De manière similaire, l’autonomie de Taïwan sous protection états-unienne constitue, aux yeux des autorités chinoises, le point d’ancrage d’une barrière fermant les mers de Chine le long de la « <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/First_island_chain">première chaine des iles</a> ». Le manuel sur la géographie militaire du détroit de Taïwan publié en 2013 par l’Académie de défense de Pékin comporte une présentation très explicite de l’enjeu géostratégique que constitue la possession de Taïwan : le contrôle de l’île est vital pour se prémunir d’un blocus, en même temps qu’il permettrait de menacer les communications du Japon ; et il offrirait à la marine de l’Armée populaire un accès libre à l’océan Pacifique et un moyen de pression décisif sur les États de la région, rapportent les chercheurs <a href="https://digital-commons.usnwc.edu/nwc-review/vol72/iss1/10/">William Murray et Ian Easton</a>.</p>
<p>Aussi réels que soient les enjeux stratégiques et géopolitiques en cause, il nous semble qu’une dimension supplémentaire intervient dans la motivation russe et chinoise de mettre fin aux statuts respectifs de l’Ukraine et de Taïwan.</p>
<h2>L’argument politique</h2>
<p>La <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Chine-Russie-raisons-dun-rapprochement-2022-02-04-1201198606">dénonciation commune</a> des « révolutions de couleur » par Poutine et Xi Jinping attire l’attention sur le fait que ces dirigeants de régimes autoritaires voient une menace dans les démocraties situées à leur porte. La démocratie fonctionne certes mieux à <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=TWN&codeTheme=9&codeStat=EIU.DEMO.GLOBAL">Taïwan</a> qu’en <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codePays=UKR&codeStat=EIU.DEMO.GLOBAL&codeTheme=9">Ukraine</a>, mais dans les deux cas, ces petits pays, de droit ou de fait, montrent qu’ex-Soviétiques comme Chinois peuvent parfaitement vivre autrement qu’en dictature.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467584/original/file-20220607-40890-87xz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=590&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ce visuel amplement relayé par les sites officiels ukrainiens met en évidence l’alternance au pouvoir en Ukraine, qui tranche significativement avec la situation en Russie et en Biélorussie depuis plus de vingt ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Euromaidan</span></span>
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<p>Si, depuis des années, Moscou <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/03/29/ukraine-une-democratie-imparfaite-mais-precieuse_5443089_3232.html">s’attache aussi systématiquement à dénigrer la démocratie ukrainienne</a>, c’est que ce régime, par son existence même, contrarie le narratif du Kremlin. Comme le dit le journaliste <a href="https://desk-russie.eu/2022/04/01/lukraine-premier-front-du-combat.html">Jean-François Bouthors</a>, « pour Vladimir Poutine, laisser l’Ukraine avancer dans cette direction [démocratique] est impossible. Comment tenir d’un côté que c’est en raison d’une spécificité civilisationnelle russe que se justifie l’autocratie qu’il impose au pays et de l’autre que, comme il le prétend, les Ukrainiens ne se différencient pas des Russes, alors qu’eux ont opté pour la démocratie ? […] De son point de vue, le pouvoir à Moscou était effectivement menacé par l’expérience démocratique ukrainienne ».</p>
<p>Parallèlement, les universitaires Kelly Brown et Kalley Wu Tzu-Hui soulignent que Taïwan présente désormais un modèle alternatif de modernité et de démocratie dans le monde chinois ; c’est selon eux la principale raison pour laquelle Pékin a un problème avec Taïwan – « Trouble with Taïwan », expression retenue comme titre de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-asian-studies/article/abs/trouble-with-taiwan-history-the-united-states-and-a-rising-china-by-kerry-brown-and-kalley-wu-tzu-hui-london-zed-books-2019-246-pp-isbn-9781786995223-cloth/5E46A81D70BC82ECDEE4708FA6473FB8">leur ouvrage</a> publié en 2019.</p>
<p>S’il se fait discret dans la communication à destination du « Nord », cet argumentaire est <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2022/05/GRESH/64659">bien accueilli dans nombre de pays « du Sud »</a>, pour lesquels la posture russe et chinoise a le <a href="https://foreignpolicy.com/2022/05/02/ukraine-russia-war-un-vote-condemn-global-response/">mérite de rompre avec un système libéral démocratique dominé par les États-Unis</a>, prompt à sanctionner des dérives dont le front des régimes de national-capitalisme autoritaire s’accommode par nature.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Yves Hénin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les discours russe et chinois sur l’Ukraine et Taïwan ont beaucoup en commun, aussi bien sur les plans identitaire et stratégique qu’au niveau politique.Pierre-Yves Hénin, Professeur émérite en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1773962022-03-23T19:23:15Z2022-03-23T19:23:15ZChine : quels effets peut-on attendre de la nouvelle politique de trois enfants ?<p>Malgré un développement économique spectaculaire au cours des trente dernières années, la République populaire de Chine a d’importants retards à combler avant de figurer parmi les pays les plus avancés de la planète. En 2020, elle se plaçait encore au 79e rang mondial en termes de PIB par habitant et au 85e en ce qui concerne l’indice de développement humain.</p>
<p>Alors même que son économie montre des signes d’essoufflement, la Chine doit en parallèle <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-1-page-1.htm">faire face à des défis démographiques</a> propres aux pays les plus développés.</p>
<ul>
<li><p>Une fécondité très basse, passée <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2016-7-page-1.htm">sous le seuil de remplacement des générations</a> dans la première moitié des années 1990, et tombée à 1,3 enfant par femme en 2020.</p></li>
<li><p>La réduction attendue de 70 millions de la population d’âge actif (20-64 ans) entre 2020 et 2035. La part de personnes actives dans la population totale devrait passer de 65 % à 57 %.</p></li>
<li><p>Un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-5-page-56.htm">vieillissement démographique rapide</a>, la part de personnes âgées de 65 ans ou plus étant susceptible de passer de 12 % à 21 % en quinze ans.</p></li>
</ul>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/31/la-chine-autorise-les-familles-a-avoir-trois-enfants_6082175_3210.html">« politique de trois enfants »</a>, annoncée en mai 2021 après la publication des résultats préliminaires du septième recensement national de la population (2020), vise à atténuer ces tendances. En quoi consiste-t-elle précisément ? Quels résultats peut-on en attendre ?</p>
<h2>Favoriser les naissances</h2>
<p>L’<a href="http://www.gov.cn/zhengce/2021-07/20/content_5626190.htm">objectif du gouvernement chinois</a> est de parvenir à un « développement démographique équilibré sur le long terme » permettant de garantir un « développement économique durable ».</p>
<p>Le deuxième amendement de la Loi de 2002 sur la population et la planification des naissances, adopté en août 2021, prévoit diverses mesures visant à lever les obstacles à une remontée de la fécondité, devenus flagrants après <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/le-taux-de-natalite-au-plus-bas-en-chine-1379557">l’échec de la « politique de deux enfants »</a> lancée en 2015 (figure 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Remarques sur les estimations : Des incertitudes quant au niveau réel de la fécondité en Chine existent depuis les années 1990. Elles sont alimentées par les incohérences relevées entre les différentes sources et renforcées par l’opacité des méthodes employées par l’administration statistique pour ajuster l’indice synthétique de fécondité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? _Population & Sociétés_, n° 596</span></span>
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<p>En 2020, la Chine n’a enregistré que 12 millions de naissances, soit près de 3 millions de moins qu’en 2019 (14,7 millions), et le chiffre le plus bas depuis 1960 – quand elle comptait deux fois moins d’habitants qu’aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-two-child-policy-isnt-the-answer-to-its-ageing-population-problem-68234">China's two-child policy isn't the answer to its ageing population problem</a>
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<p>Ces mesures, qui s’apparentent à celles mises en place dans <a href="https://www.demogr.mpg.de/papers/working/wp-2006-010.pdf">plusieurs pays d’Europe</a>, ont pour principal objectif d’alléger les contraintes économiques et matérielles liées à l’arrivée d’un enfant dans un couple tout en favorisant l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les femmes. L’amendement de 2021 n’énonce cependant que des principes généraux, les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles mesures étant, comme cela a été le cas pour les précédentes, laissées à l’appréciation des gouvernements des provinces.</p>
<p>Le premier amendement de la loi en 2015 avait levé trois freins majeurs à une relance de la fécondité : la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vOMMPsiVZDc">limitation à un enfant</a> (ou deux voire trois dans certains cas), l’incitation à retarder le mariage et la procréation et l’obligation de pratiquer la contraception pour les couples en âge d’avoir des enfants.</p>
<p>L’amendement de 2021 marque un changement d’approche radical en jetant les bases <a href="http://www.npc.gov.cn/npc/c30834/202109/9ab0af08773c465aa91d95648df2a98a.shtml">d’une politique nataliste</a>. Il apporte deux modifications majeures : d’une part, la possibilité d’un troisième enfant offerte à tous les couples, quels que soient leur milieu de résidence (urbain ou rural) ou leur appartenance ethnique. D’autre part, un changement de langage concernant l’âge au mariage et à la naissance des enfants, qui doit désormais être « approprié ».</p>
<p>Bien qu’aucun âge seuil ne soit préconisé à ce stade, il s’agirait donc de contrer la hausse rapide de l’âge moyen des femmes au premier mariage, et donc à la naissance de leur premier enfant (tableau), afin, comprend-on, de maximiser le nombre de celles effectivement en couple aux âges les plus féconds.</p>
<p>Le caractère non obligatoire de la pratique contraceptive et le libre choix de la méthode employée, introduits par l’amendement de 2015, ont par ailleurs été réitérés. La pratique du planning familial « conformément à la loi » reste toutefois une obligation légale et des récompenses – dont la nature n’est pas spécifiée – sont prévues pour les couples qui adhèrent aux nouvelles dispositions.</p>
<p>Enfin, l’interdiction des échographies et des avortements visant à sélectionner le sexe de l’enfant à naître est maintenue. Il s’agit en effet, ainsi que le précise la décision du Comité central du Parti communiste chinois et du Conseil des Affaires d’État lors de laquelle la « politique de trois enfants » a été approuvée, de tenter de ramener le rapport de masculinité à la naissance à un niveau normal en mettant fin à l’élimination des fœtus féminins. Ce rapport, bien qu’en baisse depuis la fin des années 2000, reste en effet très déséquilibré : 111,3 garçons pour 100 filles à la naissance en 2020 (tableau), contre environ 105 attendus dans des circonstances normales.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : tableau repris de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? Population & Sociétés, n° 596. Cliquer pour zoomer.</span>
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<p>Une autre nouveauté introduite par l’amendement de 2021 vise à améliorer la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4729105/">prise en charge de la stérilité</a>. L’accélération de ce phénomène, qui concernerait désormais 15 % à 20 % des femmes et 10 % à 12 % des hommes d’âge fécond (soit près de cent millions de personnes) et régulièrement présenté comme l’une des causes de la faible fécondité, est devenue une préoccupation majeure du gouvernement. La Décision du 26 juin 2021 prévoit l’encadrement et le développement des traitements de la stérilité et de procréation médicalement assistée.</p>
<h2>Faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle</h2>
<p>L’inégale répartition des tâches entre hommes et femmes au sein de la famille et les discriminations des femmes dans le monde du travail comptent parmi les causes de la faible fécondité en Chine. C’est pourquoi l’égalité des sexes, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et la protection des femmes sur le marché du travail ont été placées au cœur de l’amendement de 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-three-child-policy-is-unlikely-to-be-welcomed-by-working-women-162047">China's three-child policy is unlikely to be welcomed by working women</a>
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<p>L’article 25 qui, en 2002, prévoyait que « les citoyens retardant leur mariage et la naissance de leur(s) enfant(s) pouvaient bénéficier d’une prolongation des congés de mariage et de maternité » stipule, depuis 2015, que cette prolongation peut bénéficier à toutes les femmes se conformant aux nouvelles dispositions. L’amendement de 2021 réitère la possibilité d’allonger le congé de maternité – sans toutefois préconiser de durée au-delà des 128 jours légaux – et prévoit la mise en place d’un congé parental destiné à encourager l’investissement des pères dans le soin de leurs enfants en bas âge.</p>
<p>Limiter l’impact d’une naissance sur les possibilités d’emploi, le salaire et la carrière des femmes est une autre préoccupation du gouvernement chinois. Il s’agit en particulier de lutter contre les discriminations des femmes à l’embauche, les inégalités de salaires à poste égal et les licenciements abusifs à la suite d’un congé de maternité, afin notamment de ne pas léser celles qui deviennent mères. Deux aspects de la loi ont été renforcés en ce sens.</p>
<ul>
<li><p>D’une part, la protection effective des femmes enceintes et des mères sur le marché du travail. L’article 26, révisé en 2015, stipule depuis 2021 que « l’État garantit les droits et intérêts des femmes en matière d’emploi et soutient celles dont la carrière est affectée par la naissance d’un enfant ».</p></li>
<li><p>D’autre part, le développement des services de garde d’enfants en bas âge tant au sein des collectivités locales qu’au sein des entreprises.</p></li>
</ul>
<p>La Décision du 26 juin stipule également que les entreprises devront en outre adapter les conditions de travail de leurs salariés afin de leur permettre de maintenir un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_Yv6-kyl1x4?wmode=transparent&start=57" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Réduire la charge financière pesant sur les familles</h2>
<p>Une autre modification majeure vise à alléger la charge financière, souvent rédhibitoire, que représente aujourd’hui l’arrivée d’un enfant pour les familles chinoises.</p>
<p>Cet allègement sera opéré d’une part en augmentant leurs revenus grâce au versement de prestations sociales aux familles qui ont des enfants « conformément à la Loi » et à la mise en place d’avantages fiscaux. Il sera opéré d’autre part en réduisant les dépenses consacrées à la prise en charge de leurs dépendants (enfants et personnes âgées).</p>
<p>Enfin, des mesures préférentielles sont également prévues concernant l’attribution d’un logement, l’accès à l’emploi pour les parents et à l’éducation pour les enfants. Ces principes généraux seront toutefois soutenus par une reformulation des politiques sociales et fiscales, destinée à favoriser les familles avec des enfants mineurs (notamment ceux âgés de moins de trois ans).</p>
<p>Un autre objectif consiste à réduire les coûts qui incombent aux parents pour la scolarité de leurs enfants. Il s’agit notamment de normaliser l’accès aux ressources éducatives en le rendant moins dépendant des capacités financières des familles. Cela passe par la réglementation des enseignements extra-scolaires – source d’importantes dépenses pour les parents qui cherchent à accroître les compétences de leurs enfants dans un <a href="http://www.lejournalinternational.info/chine-apercu-systeme-scolaire/">système éducatif</a> devenu très élitiste.</p>
<p>La Décision du 26 juin 2021 précise également qu’afin d’alléger la charge financière des familles et ainsi leur permettre de centrer davantage leurs dépenses sur leurs enfants, il s’agira de limiter leur implication financière et matérielle dans la prise en charge de leurs parents âgés. Ces mesures devraient inclure un accès prioritaire aux maisons de retraite pour les parents des couples adhérant aux nouvelles dispositions légales, de même qu’une réduction des frais médicaux et des services à la personne.</p>
<h2>Quels effets peut-on attendre ?</h2>
<p>Cette nouvelle politique, dont les modalités de mise en œuvre au niveau local restent à définir, ne sera cependant pas forcément en mesure de lever tous les obstacles à une remontée de la fécondité, révélant ainsi les limites de l’interventionnisme politique du gouvernement chinois en matière démographique.</p>
<p>Si les mesures adoptées au niveau local s’avèrent suffisamment incitatives, elles pourraient certes montrer leur efficacité concernant les arbitrages économiques et familiaux (coûts élevés de l’éducation, faible protection des femmes sur le marché du travail, sous-développement des infrastructures d’accueil pour enfants en bas âge, perspective de devoir prendre en charge ses parents âgés). Plus encore que la politique de contrôle des naissances à proprement parler, ce sont ces arbitrages qui, depuis les années 1990, ont tiré la fécondité chinoise à la baisse.</p>
<p>En revanche, la nouvelle politique n’aura guère de prise sur les aspirations individuelles des jeunes adultes, qui déterminent fortement leurs comportements de reproduction. L’allongement de la durée des études, notamment pour les femmes, une quête d’épanouissement personnel – qui passe désormais avant le souhait de fonder une famille – ou l’autonomisation vis-à-vis des parents en matière de décisions matrimoniales et familiales, sont autant de facteurs expliquant que les jeunes se marient et font des enfants de plus en plus tard. En effet, si elle reste faible en comparaison d’autres pays de la région, la part de célibataires à 30 ans a quintuplé pour les femmes entre 2000 et 2015 (passant de 2 % à 10 %) et doublé pour les hommes (passant de 10 % à 20 %).</p>
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
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<p>L’autorisation d’un troisième enfant échouera aussi à relancer significativement la fécondité à court terme, notamment parce que faire un troisième enfant suppose d’en avoir préalablement fait un premier, puis un deuxième. Or, en 2015, seule une femme d’âge fécond sur quatre avait deux enfants (figures 2 et 3). Si l’on applique ce pourcentage aux effectifs de celles recensées en 2020, cela signifie que moins de 85 millions d’entre elles seraient concernées par cette nouvelle possibilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
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<p>Bien que l’amendement de 2021 n’apporte aucune précision sur ce point, il est donc vraisemblable que les mesures incitatives devront bénéficier à toutes les naissances sans distinction de rang, pour cibler notamment les parents d’enfants uniques et les couples sans enfant.</p>
<p>En outre, il reste à craindre que le gouvernement chinois continue, comme cela a été le cas depuis les années 1970, d’user de la contrainte pour parvenir à ses objectifs en matière démographique. Cet amendement ne comporte en effet aucun signe de relâchement du contrôle susceptible d’être exercé sur les couples.</p>
<p>Enfin, les avantages accordés à ceux qui se conformeront aux nouvelles dispositions suggèrent que la stigmatisation sociale des autres pourrait perdurer, de même que les pénalités auxquelles ils pourraient être soumis à l’instar de celles appliquées dans le cadre de la politique de l’enfant unique (amendes, sanctions professionnelles ou administratives, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Attané ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après avoir longtemps cherché à limiter les naissances, le gouvernement chinois les encourage aujourd’hui avec sa nouvelle « politique de trois enfants » adoptée en 2021.Isabelle Attané, Directrice de recherche (sinologie et démographie), Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1795452022-03-23T14:27:57Z2022-03-23T14:27:57ZLes tensions sino-américaines à l’ombre de la guerre en Ukraine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453708/original/file-20220322-15-1y54env.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C0%2C4598%2C3049&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président Joe Biden a un entretien virtuel avec le président chinois Xi Jinping depuis la salle Roosevelt de la Maison Blanche à Washington, le 15 novembre 2021. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Susan Walsh)</span></span></figcaption></figure><p>Dans un récent article publié dans <a href="https://theconversation.com/invasion-russe-en-ukraine-voici-pourquoi-la-chine-pourrait-devenir-mediatrice-178567"><em>La Conversation</em></a>, j’évoquais les raisons pour lesquelles la Chine pourrait éventuellement agir comme médiatrice dans le conflit en Ukraine. J’y ajoutais que cette intervention salutaire de Pékin n’était pas imminente et qu’elle se produirait au moment où Xi Jinping jugerait qu’il y va de l’intérêt national de son pays d’agir ainsi.</p>
<p>Depuis, les <a href="https://scheerpost.com/2022/03/15/why-beijing-should-help-mediate-to-end-the-russia-ukraine-crisis/">appels pressants</a> à un <a href="https://www.ft.com/content/1e3c79e6-7d07-466b-b159-0742a8393ea7">rôle plus actif de la Chine</a> se multiplient. Spécialiste des négociations internationales, cet article poursuit deux objectifs : réévaluer la possibilité d’une intervention médiatrice de l’Empire du Milieu après près d’un mois de guerre et estimer les effets d’une telle initiative sur une réduction des tensions sino-américaines.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/invasion-russe-en-ukraine-voici-pourquoi-la-chine-pourrait-devenir-mediatrice-178567">Invasion russe en Ukraine : voici pourquoi la Chine pourrait devenir médiatrice</a>
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<h2>Deux grands pièges sur l’échiquier mondial</h2>
<p>Lors de la précédente administration américaine de Donald Trump, plusieurs analystes exprimaient des inquiétudes concernant le futur des relations économiques internationales. L’ère de coopération économique d’après-guerre risquait de s’effondrer pour laisser place à un antagonisme systémique entre les États-Unis et la Chine.</p>
<p>Cette appréhension était illustrée par <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2020-3-page-10.htm">deux grands pièges</a> qui pointaient à l’horizon des relations économiques mondiales. Jusqu’à l’invasion russe de l’Ukraine, l’attention de Joe Biden se portait surtout sur des enjeux internes. Les tensions vives entre les deux grandes puissances demeuraient inchangées.</p>
<p>Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pi%C3%A8ge_de_Thucydide">piège de Thucydide</a>, inspiré du récit que fait le grand historien grec de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_P%C3%A9loponn%C3%A8se">guerre du Péloponnèse</a> (431-411 AD), représente une situation historique où une puissance dominante entre en guerre contre une puissance émergente sous la contrainte de la peur que suscite chez la première le surgissement de la seconde. L’avertissement de Thucydide trouve son écho dans les écrits d’universitaires, dont ceux de <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/destined-war-can-america-and-china-escape-thucydidess-trap">Graham Allison</a>, selon lesquels la guerre commerciale actuelle entre Washington et Pékin est motivée par un effort désespéré des Américains pour maintenir leur primauté économique mondiale, alors que leur position hégémonique décline.</p>
<p>En contrepartie, le <a href="https://nouvelles.ulaval.ca/2020/11/16/les-pieges-de-thucydide-et-de-kindleberger-55c1e9780b0b6f6005b9a6d4742fa42f">piège de Kindleberger</a> évoque, en matière de relations internationales, un état du monde où une nouvelle puissance dominante ne parvient pas (par manque de capacité ou de volonté) à procurer les biens publics internationaux qui étaient fournis par la puissance dominante précédente.</p>
<p>Tout en attribuant la longue paix d’après-guerre au rôle joué par l’hégémonie américaine, Kindleberger nous met en garde contre les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520275850/the-world-in-depression-1929-1939">risques d’un retour à la décennie désastreuse des années 1930</a>, lorsque les États-Unis, la puissance économique et militaire la plus avancée, ne sont pas parvenus à combler le gouffre laissé par le déclin hégémonique relatif de la Grande-Bretagne.</p>
<p>Joseph S. Nye a qualifié de <a href="https://www.belfercenter.org/publication/kindleberger-trap">piège de Kindleberger</a> ce vide de leadership dans le système international. Sans ce leadership économique, qu’il soit exercé par une puissance hégémonique bienveillante ou par une coalition d’États qui partagent les mêmes visées, tous les efforts de coordination économiques et politiques des dernières décennies risquent d’être anéantis.</p>
<h2>La Chine répond coup sur coup</h2>
<p>Sous l’administration américaine précédente la <a href="https://www.piie.com/research/trade-investment/us-china-trade-war">guerre commerciale</a> entre Washington et Pékin a connu un crescendo. Donald Trump ne ménageait aucun effort pour freiner la montée en puissance de la Chine (une <a href="https://www.piie.com/blogs/trade-and-investment-policy-watch/why-biden-will-try-enforce-trumps-phase-one-trade-deal-china">politique qui a été largement maintenue par l’Administration Biden à ce jour</a>) La Chine <a href="https://www.piie.com/research/piie-charts/us-china-trade-war-tariffs-date-chart">répond coup sur coup</a> à chaque semonce de la Maison-Blanche.</p>
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<img alt="Des gens avec des caméras, devant un écran géant" src="https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453894/original/file-20220323-19-1p2htgz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un forum organisé à Pékin en avril 2019, et auquel a assisté le président chinois Xi Jinping, fait la promotion de la nouvelle route de la soie, une série d’infrastructures permettant de relier l’Asie, l’Afrique et l’Europe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andy Wong)</span></span>
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<p>Les risques liés au piège de Thucydide demeurent bien présents. À cela, s’ajoute le spectre du piège de Kindleberger. Aux cris du <a href="https://moveme.berkeley.edu/project/maga/">« Make America Great Again »</a> de Trump ou du <a href="https://www.whitehouse.gov/build-back-better/">« Build Back Better »</a> de Biden, les États-Unis semblent abandonner volontairement leur leadership économique, alors que la Chine n’est pas disposée à prendre le relais. En d’autres termes, on verra se creuser un immense vide susceptible d’entraîner l’économie mondiale vers le désordre et la confusion si les Américains <a href="https://amchamfrance.org/publication/chine-etats-unis-le-grand-decouplage-notre-nouvelle-realite/">découplent leur économie</a> de celle de la Chine et de la plupart des pays du monde, s’ils empruntent une <a href="https://www.economist.com/international/2022/03/14/america-returns-to-containment-to-deal-with-russia-and-china">stratégie d’endiguement</a>, et s’ils retournent à une position isolationniste d’avant-guerre,</p>
<p>L’éventualité que la Chine comble cet écart à court ou moyen terme, malgré son accent sur le pouvoir doux exprimé par les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_route_de_la_soie">nouvelles routes de la soie</a>, est peu vraisemblable. Bien qu’il soit douteux qu’un seul événement, si important soit-il, suffise à déplacer les plaques tectoniques du leadership international, la guerre en Ukraine ne pourrait-elle pas contribuer à amoindrir ou repousser les effets des deux pièges évoqués précédemment ?</p>
<h2>Une voie d’évitement des deux pièges de la géopolitique mondiale ?</h2>
<p>Le périple européen du président <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/2022-03-20/guerre-en-ukraine/joe-biden-se-rendra-en-pologne-vendredi_1.php">Joe Biden à Bruxelles</a> pour y rencontrer les dirigeants de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne ne marque pas le premier signe d’un <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211209-joe-biden-r%C3%A9unit-une-centaine-de-pays-pour-son-sommet-pour-la-d%C3%A9mocratie">réengagement américain</a> dans les affaires internationales. Il signale cependant la portée de la guerre en Ukraine sur le renforcement des liens transatlantiques.</p>
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<img alt="Le président Joe Biden fait un salut alors qu’il monte dans un avion" src="https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453891/original/file-20220323-19-zxobto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Joe Biden s’apprête à monter à bord de l’Air Force One, à la base aérienne d’Andrews, au Maryland, le 23 mars 2022, en direction de Bruxelles, afin d’y rencontrer les dirigeants de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne. Le périple européen du président américain signale la portée de la guerre en Ukraine sur le renforcement des liens transatlantiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evan Vucci)</span></span>
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<p>La solidarité des membres de l’OTAN et la cohérence des actions des nations européennes et nord-américaines en soutien à l’Ukraine amenuisent les craintes d’un vide de leadership international que l’on anticipait sous la présidence Trump. Alors que le piège de Kindleberger semble être sur la voie de desserte pour le moment, c’est surtout la récente <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-03-17/biden-to-speak-with-xi-friday-about-russia-white-house-says">vidéoconférence entre Joe Biden et Xi Jinping</a> qui retient l’attention.</p>
<p>Alors que le <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2022/03/18/readout-of-president-joseph-r-biden-jr-call-with-president-xi-jinping-of-the-peoples-republic-of-china-2/">communiqué de presse américain</a> sur cette rencontre était plutôt laconique, <a href="https://www.mfa.gov.cn/eng/zxxx_662805/202203/t20220319_10653207.html">celui de la Chine</a> était beaucoup plus révélateur. Les deux interlocuteurs se sont engagés à gérer efficacement la concurrence et les désaccords qui les confrontent. Ils ont reconnu que l’évolution de leur relation façonnera le monde du XXI<sup>e</sup> siècle. Cette politique d’ouverture et un engagement à conserver des canaux de communication périodiques entre les deux chefs d’État attestent d’une volonté de repousser les craintes liées au piège de Thucydide.</p>
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<img alt="Scène de destruction dans une rue, avec une voiture incendiée en avant-plan" src="https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453892/original/file-20220323-17-1algk40.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une scène de dévastation à Kharkiv, le 22 mars 2022. Pendant que la diplomatie s’active, l’Ukraine continue d’être bombardée par l’armée russe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andrew Marienko)</span></span>
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<h2>Trois scénarios pour la Chine</h2>
<p>Le véritable test d’une réduction des tensions entre les deux grandes puissances passe cependant par l’implication de la Chine dans la guerre en Ukraine. Trois scénarios s’imposent.</p>
<p>Premièrement, la trame la moins vraisemblable consiste en un alignement sans équivoque de la Chine avec la Russie. Dans un tel cas, nous aurions tout à craindre du piège de Thucydide, sur une trajectoire que même Xi Jinping n’aurait pas pu entrevoir lorsque les troupes de Poutine ont franchi la frontière ukrainienne.</p>
<p>Un deuxième scénario évoque le maintien de l’ambiguïté stratégique de la Chine, dans un attentisme où le conflit se réglerait dans un sens encore inconnu. Malgré l’insistance des Chinois de leur non-belligérance, leur « pouvoir doux » et leur leadership international seraient sérieusement remis en cause.</p>
<p>Le troisième scénario me semble le plus plausible. Prenant acte des pressions croissantes en faveur de son intercession auprès de Vladimir Poutine, Xi Jinping s’engagera conjointement avec d’autres dirigeants internationaux afin de trouver une solution diplomatique au conflit.</p>
<p>Cet engagement pourrait prendre diverses formes, dont une relance de <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/Ukraine-Lors-d-un-appel-avec-Macron-et-Scholz-Xi-Jinping-appelle-a-la-plus-grande-retenue-1792677">l’appel à une conciliation coordonnée</a> avec Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Elle constituerait, à mon avis, la meilleure option pour non seulement trouver une solution diplomatique au conflit en Ukraine, mais aussi pour réduire l’ombre des pièges de Thucydide et Kindleberger.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179545/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Érick Duchesne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après un mois de guerre en Ukraine, la Chine n’a toujours pas annoncé ses couleurs. Une intervention diplomatique de Pékin dans le conflit pourrait atténuer les tensions avec les États-Unis.Érick Duchesne, Professeur, Département de science politique, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.