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L’insomnie chronique pourrait avoir un effet néfaste sur la mémoire, en plus de favoriser d’autres problèmes de santé. Shutterstock

Un lien direct est établi entre l’insomnie chronique et les problèmes de mémoire chez les personnes âgées

Nous aimons tous profiter d’une bonne nuit de sommeil. Toutefois, la qualité de notre sommeil diminue quand nous prenons de l’âge. Chez les aînés, ce phénomène pourrait contribuer au déclin de certaines capacités, notamment les fonctions cognitives, d’autant plus si les problèmes de sommeil sont chroniques ou récurrents.

En vieillissant, il devient ainsi de plus en plus difficile de bien dormir. De fait, les personnes âgées ont souvent le sommeil plus agité et moins profond que dans leur jeune temps. Au nombre des troubles du sommeil les plus courants, l’insomnie chronique touche environ 10 % des adultes.

Les personnes souffrant d'insomnie chronique ont de la difficulté à s’endormir ou à rester endormis au moins trois nuits par semaine, durant plus de trois mois. Ce trouble du sommeil a des effets néfastes perceptibles sur leur fonctionnement diurne : humeur, capacité d’attention, concentration…

Souvent, l’apparition de tels symptômes distingue l'insomnie chronique des simples symptômes d’insomnie – ceux-ci n’ayant pas de répercussions subjectives sur le fonctionnement diurne. Autrement dit, une personne qui se sent reposée malgré une courte nuit ne souffre probablement pas d’insomnie chronique.

Cependant, les insomniaques chroniques peuvent à la longue souffrir d’un déficit, notamment dans la création de nouveaux souvenirs. En effet, les récents résultats d’une vaste recherche pancanadienne – l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement – montrent que l’insomnie a une incidence déterminante sur la performance des plus de 45 ans à des tests de mémoire. Ce constat découle de l’analyse de données recueillies auprès de 28 485 sujets issus de nombreuses villes du Canada.

La mémoire des faits la plus touchée

Chaque sujet a été associé à l’un ou l’autre de trois groupes : les insomniaques chroniques, les personnes présentant des symptômes d’insomnie, mais ne se plaignant pas de problèmes de fonctionnement diurne, et les personnes dormant normalement.

Dans le passé, des études ont établi des liens entre l’insomnie et les troubles cognitifs. Cependant, nombre d’entre elles reposaient sur un échantillon restreint d’insomniaques, avec des résultats variant souvent d’une recherche à l’autre. En outre, ces études ne faisaient pas la distinction entre l’insomnie chronique et les symptômes d'insomnie isolés.

Les sujets de l’Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, plus vaste, étaient invités à évaluer la qualité de leur sommeil et l’influence de celle-ci sur leur vie quotidienne. Ainsi, les auteurs ont été en mesure de différencier les insomniaques chroniques des personnes se plaignant d’un manque de sommeil.

Comparativement aux sujets des deux autres groupes, les insomniaques chroniques ont moins bien réussi aux tests de mémoire. C’est principalement leur mémoire déclarative – soit l’aptitude à se rappeler de faits et d’événements précis – qui semble touchée.

Il s’avère que chez les sujets en bonne santé, un sommeil réparateur bénéficie à ce processus mémoriel. En effet, le sommeil favoriserait l’organisation et l’assimilation des expériences et des connaissances acquises durant la journée. Dès lors, rien d’étonnant à ce que l’insomnie chronique se répercute sur la mémoire.

Un point important : la présente recherche montre que la simple occurrence de symptômes d’insomnie ne s’accompagne pas de lacunes mémorielles, peut-être parce que l’insomnie doit être chronique et suffisamment grave pour qu’elles apparaissent.

L’insomnie chronique est souvent associée à d’autres problèmes de santé, comme l’anxiété ou la douleur chronique, susceptibles eux aussi de perturber les fonctions intellectuelles. Il est donc souvent difficile d’établir la part d’incidence directe de l’insomnie sur les capacités cognitives.

Les sujets de la présente étude se sont soumis à des questionnaires et à des examens physiques visant à évaluer leur état de santé et leurs problèmes médicaux. Ainsi, les chercheurs ont pu établir un lien précis entre l’insomnie chronique et les fonctions cognitives, et ce, tout en tenant compte de l’effet possible d’autres déterminants de la santé, tels que les comorbidités médicales et psychologiques, ainsi que de divers facteurs démographiques, notamment l’âge et la scolarité, dont on sait qu’ils influent sur les facultés intellectuelles.

Une cause de la maladie d'Alzheimer?

Il s’agit d’une découverte cruciale, car elle indique que l’insomnie chronique est directement associée aux difficultés de mémoire, indépendamment de la présence d’autres problèmes de santé.

La mémoire est une faculté spécifique qui décline avec l’âge; chez certains, ce déclin entraîne des affections neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Un nombre croissant d'études suggèrent un lien entre une mauvaise qualité du sommeil et la progression vers ce type d’affections.

Il serait possible que les problèmes d'insomnie chronique mènent à des maladies neurodégénératives telles que la maladie d'Alzheimer. Shutterstock

Bien qu’on ne puisse encore affirmer avec certitude si les troubles de sommeil comptent parmi les causes des maladies neurodégénératives, les résultats d’une vaste étude pancanadienne publiée dans la revue SLEEP indiquent que même chez les personnes âgées en bonne santé, il existe un lien direct entre l’insomnie chronique et les pertes de mémoire. Il serait donc possible que des problèmes de sommeil surviennent avant ou pendant les premiers stades du déclin cognitif.

D’autres recherches dans ce domaine permettront de mieux cerner les relations entre difficultés de sommeil et perturbations cognitives. L’insomnie chronique prédispose-t-elle au déclin cognitif? Le traitement des troubles du sommeil pourrait-il compenser un déficit cognitif?

Beaucoup de questions importantes doivent encore être abordées. Nul doute, ce champ de recherche aura des retombées majeures sur la prévention et le traitement des troubles cognitifs liés au vieillissement.

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