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Planète bleue

Un rendez-vous historique pour protéger la haute mer des convoitises

Daniel Dietrich/Flickr, CC BY-SA

Les négociations pour un accord international sur la haute mer débuteront le 28 mars 2016 à New York. Un rendez-vous crucial pour adapter le droit international aux nouveaux défis environnementaux.

La « haute mer » apparaît en bleu foncé. B1mbo/Wikimédia, CC BY-SA

Février 1977 : le sous-marin américain Alvin découvre, au large des Galápagos et par 2 500 mètres de fond, l’existence de sources hydrothermales, écosystèmes uniques peuplés d’espèces alors inconnues capables de se développer dans l’obscurité la plus totale. Cette découverte est une révolution. Elle démontre qu’une vie est possible au-delà de la photosynthèse et que les abysses ne sont pas les espaces désertiques que l’on imaginait. Elle constitue également le marqueur d’une nouvelle ère, caractérisée par un appétit croissant pour les zones situées au-delà des juridictions nationales (ZAJN).

Représentant près de 50 % de la surface totale de la planète, les ZAJN – haute mer et grands fonds situés au-delà des plateaux continentaux des États, que l’on regroupe souvent sous la simple appellation de « haute mer » – ont longtemps été préservées par leur éloignement des côtes et la méconnaissance de leur richesse. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les connaissances sur cet environnement extrême ne cessent de s’étoffer : les micro-organismes prélevés suscitent l’intérêt des scientifiques et des industriels tandis que les « monstres marins » remontés des abysses et présentés dans diverses expositions fascinent le public. Grâce au développement de la technologie, la haute mer devient en outre le théâtre d’activités humaines toujours plus importantes et menaçantes pour son exceptionnelle biodiversité.

Un poulpe dumbo, une des créatures des abysses que l’on peut croiser entre 300 et 1 500 mètres de profondeur. Atomes crochus/Bloom

L’épuisement des stocks de poissons dans les eaux nationales entraîne dans les années 1980-1990 une augmentation significative de la pêche en haute mer, facilitée par le recours à des techniques – comme le chalutage profond – que beaucoup jugent destructrices. Depuis 2001, l’exploration des ressources minérales du sol et du sous-sol se développe dans de nombreuses régions, notamment la zone de fracture de Clarion-Clipperton, entre Hawaï et le Mexique, l’océan Indien occidental et la dorsale médio-atlantique.

De la même manière, les ressources génétiques marines, et avec elles les promesses de breveter de nouveaux médicaments, suscitent la convoitise. Enfin, la haute mer n’est pas épargnée par les déchets produits à terre – en témoignent les continents de plastique repérés dans plusieurs régions, et l’acidification des eaux provoquée par les émissions de gaz à effet de serre.

Organiser la gestion commune

Or, le droit international régissant la gouvernance des ZAJN n’est pas à la hauteur de ces enjeux qui ont émergé bien après l’adoption en 1982 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer – Constitution pour l’Océan. À titre d’exemple, il n’existe aujourd’hui aucun processus permettant de créer des aires marines protégées en haute mer, aucune règle universelle soumettant les activités humaines à études d’impact environnemental, aucun mécanisme régulant l’accès aux ressources marines génétiques.

L’Expédition 7ᵉ Continent documente la présence des plastiques dans l’océan.

Pour débattre de ces nouveaux défis, l’Organisation des Nations unies a d’abord créé un groupe informel de discussion. En 2015, après dix années de débats scientifiques, de controverses juridiques et de tractations politiques, les États se sont finalement entendus pour ouvrir des négociations en vue d’un accord international sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les ZAJN. À la fin du mois, les États, réunis au sein de différents groupes de négociation (Union européenne, G77+Chine, etc.), se retrouveront donc au siège de l’ONU, à New York, pour une première session de négociation.

Trois mois après la conférence de Paris ayant abouti à l’adoption d’un accord sur le climat, la communauté internationale ouvre donc un nouveau chantier : celui de l’élaboration d’un instrument juridique contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine dans les ZAJN. Si les sujets sont distincts, l’objectif sous-jacent est néanmoins similaire : il s’agit d’organiser la coopération internationale pour la gestion d’un bien commun dont l’intégrité est menacée par la somme des intérêts individuels, portés par les États.

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