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Une nouvelle acquisition de LVMH dans le vin… aux États-Unis

Vue aérienne de Colgin Cellars et les vignobles du IX Estate vineyard dans la Napa Valley. LVMH

Le 21 novembre 2017, le groupe LVMH a annoncé l’acquisition de 60 % du vignoble Colgin Cellars situé dans la région de la Napa Valley, en Californie. Analyse des principales raisons qui semblent avoir motivé cette opération en termes de stratégie, de portefeuille d’activités mais aussi de territoire géographique sans oublier la rivalité sous-jacente entre deux géants du luxe.

À notre avis, cette acquisition est d’abord motivée par la volonté de renforcer l’activité Vins et Spiritueux en ciblant une clientèle très haut de gamme.

Un renforcement de l’activité Vins & Spiritueux

Lors de la publication des résultats à la fin du 3ᵉ trimestre 2017, le Groupe LVMH a annoncé un chiffre d’affaires de 30,1 milliards d’euros en progression de 14 % sur les 9 premiers mois de 2017. Le groupe d’activités Vins & Spiritueux est néanmoins le seul à ne pas avoir affiché une croissance à deux chiffres.

Les ventes de Vins & Spiritueux ne pèsent que 11,7 % du chiffre d’affaires du groupe sur les 9 premiers mois de 2017 et ont été pénalisées par des contraintes d’approvisionnement.

Dans ce contexte, une acquisition d’un nouveau domaine de renommée internationale prend tout son sens. Cette acquisition permettra de compléter une « collection de vins emblématiques tels que Château Cheval Blanc, Château d’Yquem ou le domaine du Clos des Lambrays » comme l’a précisé Bernard Arnault dans le communiqué de presse.

Néanmoins cette acquisition n’apportera pas directement de volumes conséquents à court terme car les vins sont réservés à une clientèle réduite, triée sur le volet. Certains acheteurs devraient même attendre deux ou trois ans pour pouvoir obtenir quelques bouteilles seulement, une stratégie qui ne manque pas de rappeler celle qu’Hermès avait adoptée pour ses sacs Kelly.

En effet, selon un article du Figaro.fr du 21 novembre 2017 : LVMH achète Colgin Cellars, un des domaines californiens les plus en vue, Colgin Cellars réalise une production quasi confidentielle avec « un peu moins de 50 000 bouteilles les bonnes années, un volume comparable à celui de Pétrus ». Seuls quatre vins sont produits dont IX Estate Napa Valley Red Wine et IX Estate Syrah et « tous sont vendus entre 450 dollars pour les cabernets et 250 dollars pour les syrahs ».

Toutefois, cette acquisition nous semble avoir été savamment orchestrée puisqu’elle est quasi concomitante avec le lancement de Clos19 aux États-Unis

En avril 2017, LVMH avait inauguré son site de e-commerce Clos19 entièrement dédié aux Champagnes, vins et spiritueux au Royaume-Uni (voir notre article « Pourquoi le marketing digital est un élément incontournable de stratégie pour l’industrie du luxe »). L’initiative a ensuite été étendue à l’Allemagne et depuis novembre 2017, la plateforme est également opérationnelle aux États-Unis.

En second lieu, cet investissement est réalisé sur le marché américain, principal moteur de la croissance du marché du vin mondial

Une acquisition haut de gamme aux États-Unis

Les vins de Colgin Cellars ont été encensés par l’un des plus célèbres critiques au monde, Robert Parker. Ce dernier a attribué huit fois la note de 100/100 à des cuvées issues du domaine viticole californien. Pour les néophytes, selon l’échelle de Robert Parker, cette note représentait la plus haute distinction : « un vin extraordinaire de profondeur et de complexité, une cuvée grandiose ».

Ainsi dans la liste publiée par la Revue des Vins de France (RVF) des 100 sur 100 Robert Parker : tous les vins distingués en 25 ans, le Colgin Cabernet Sauvignon Tychson Hill Vineyard a obtenu la note de 100 pour son millésime 2002, le Colgin Cariad Proprietary Red a reçu trois fois la note de 100 pour ses millésimes 2005, 2007 et 2010, le Colgin IX Proprietary Red a bénéficié de la distinction trois fois également pour ses millésimes 2002, 2007 et 2010 et enfin le Colgin IX Syrah a été récompensé pour son millésime 2010.

Même si Robert Parker a été parfois controversé, voire critiqué pour ses préférences, il n’en reste pas moins que ses recommandations sont très suivies à l’international et confèrent aux vins primés une reconnaissance mondiale de premier plan. Il n’a accordé que 492 notes de 100/100 à des vins français et étrangers en 25 ans (de 1990 à 2015).

Au-delà de la notoriété de ces vins, il s’agit surtout de vins produits aux États-Unis ! C’est donc un nouveau pas vers le marché américain. Un atout qui permettra non seulement de diversifier l’origine des productions mais aussi peut-être de faire découvrir aux amateurs américains les autres grands crus du Groupe. Selon une étude de BNP Paribas, le marché américain est celui qui sera le principal moteur de la croissance du marché du vin mondial d’ici 2018 et il est aussi « depuis 2013, le premier marché mondial de consommation de vin en valeur ». L’étude précise également que « les vins français restent les leaders incontestés aux États-Unis sur le segment haut de gamme ».

Enfin nous pouvons nous demander s’il n’existe pas un lien entre cette opération et l’annonce récente faite par la holding de la famille Pinault

Une course toujours effrénée entre Arnault et Pinault ?

En effet, l’annonce de cette acquisition par LVMH intervient trois semaines après la signature d’un protocole d’accord par la holding de la famille Pinault : Artémis pour acquérir Le-Clos-de Tart, un domaine des Côtes de Nuits, considéré comme un joyau de la Bourgogne.

Nous voyons dans ces acquisitions des motivations très similaires, la principale étant de compléter un portefeuille de vins déjà prestigieux.

Selon le Figaro du 27 octobre : « Avec ce rachat, François Pinault accroît sa prestigieuse collection de grands vignobles, qui comprend déjà Château Latour, 1er grand cru classé en Pauillac (Médoc), le domaine Eisele Vineyard situé dans la Napa Valley en Californie, le Domaine d’Eugénie en Bourgogne ou encore le Château Grillet dans la vallée du Rhône. »

Pour autant, les modalités paraissent quelque peu différer. L’investissement du Groupe LVMH semble découler d’un commun accord entre les deux parties. Ann Colgin et Joe Wender ont décidé de céder 60 % de leurs parts dans le domaine viticole californien au géant français et d’en conserver 40 % ainsi que la direction opérationnelle alors que la reprise du domaine bourguignon aurait été signée par Artémis après une bataille acharnée et plus d’une année de négociations.

Aucun des deux groupes n’a révélé le montant de l’investissement qui le concerne. Selon Challenges, le montant de la transaction pour Artémis serait proche des 220 millions d’euros « ce qui en ferait la plus chère transaction jamais réalisée dans l’histoire de la Bourgogne ».

Du côté de chez LVMH, Stéphane Reynaud indique dans son article que le domaine serait « évalué aujourd’hui à 100 millions d’euros. Un peu plus de cinq millions l’hectare. »

Après l’annonce du 21 novembre 2017, l’action LVMH cote 251,70 euros en hausse de quasiment 1 %. LVMH conserve la première place du CAC 40 en termes de capitalisation boursière depuis mai 2017. Celle-ci atteignait le record de 127 milliards d’euros à ce jour. Le cours de Kering est également en progression à 396 euros mais pour une capitalisation de 50 milliards d’euros.

Pour les deux géants du luxe, ces transactions ne représentent qu’une goutte d’eau même si Artémis semble avoir payé le prix fort pour obtenir les 7,53 hectares. Il semblerait néanmoins que depuis l’affaire Gucci, remportée par la famille Pinault, les mastodontes se livrent une lutte acharnée, toujours à l’affût de nouvelles cibles pour contrecarrer la croissance externe de leur rival dans des domaines d’activités stratégiques.

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