tag:theconversation.com,2011:/us/topics/accidents-50007/articlesaccidents – The Conversation2024-03-14T18:59:10Ztag:theconversation.com,2011:article/2258092024-03-14T18:59:10Z2024-03-14T18:59:10Z« Face à l'augmentation du risque de crues rapides, il faut réévaluer nos comportements »<p><em>En quelques minutes, une trombe d’eau tombe du ciel. Les crues rapides font partie des intempéries les plus spectaculaires et les plus meurtrières également.</em></p>
<p><em>Le bilan des dernières inondations foudroyantes de ce type, liées à la dépression Monica, est ainsi passé à sept morts dans le département du Gard et de l’Ardèche</em>. </p>
<p><em>L’occasion de revenir sur le danger souvent mal conscientisé que représentent ces intempéries vouées à devenir de plus en plus fréquentes avec Isabelle Ruin,, socio-hydrologue au CNRS, spécialiste de la perception du danger et auteure d’une thèse sur le comportement des automobilistes lors de crues rapides.</em></p>
<p><strong>À chaque épisode de crues rapides, les automobilistes font partie des premières victimes, comment expliquer cela ?</strong></p>
<p>Les crues rapides surviennent du fait de précipitations intenses, souvent localisées et de courtes durées qui provoquent des ruissellements impressionnants affectant particulièrement le réseau routier. Les nombreux départements du sud de la France affectés par ces épisodes de précipitations intenses présentent en plus. de cela des paysages vallonnés maillés de nombreux petits torrents à peine visibles et dispersés dans le paysage qu’entrecoupent de nombreux itinéraires routiers. Ainsi, dans des départements comme le Gard, les Alpes Maritimes, l’Hérault, le relief et l’augmentation des surfaces urbanisées imperméables favorisent l’accélération des vitesses d’écoulement augmentant encore la capacité destructrice de l’eau.</p>
<p>Ces intersections et promiscuités entre réseau routier et réseau hydrographique sont autant de lieux sensibles où des automobilistes effectuant leurs trajets habituels peuvent se faire surprendre par une montée rapide de l’eau. Dès lors, l’exposition des populations à ce type d’événement ne se limite pas aux lieux d’habitation ou de travail, mais elle est d’autant plus forte sur les routes car les voitures et leurs passagers sont très vulnérables à ces phénomènes de ruissellements localisés. Près de 40 % des décès lors de crues rapides surviennent dans ces circonstances. Aux États-Unis, le chiffre est encore plus impressionnant notamment au Texas (jusqu’à 70 %) où les déplacements en voiture sont la règle et les passages à gué monnaie courante. </p>
<p>Lors d’épisodes pluvieux, la difficulté première est dès lors de se rendre compte de la dangerosité de circuler dans ces conditions. Mais bien souvent, en tant qu’automobiliste, nous sommes en mode « pilote automatique » et notre attention est focalisée sur l’objectif de notre déplacement. Il peut ainsi être difficile d’évaluer que les pluies et la quantité d’eau sur la route sont suffisamment sérieuses pour remettre en question nos emplois de temps peu flexibles. </p>
<p>La voiture procure en plus de cela un faux sentiment de sécurité. Peu de gens se rendent compte de la force de l’eau et du danger que cela représente, notamment dans une voiture. Le véhicule est perçu comme une seconde maison, procure un sentiment de maîtrise et de sécurité. Mais, outre le risque d’aquaplaning, dès lors qu’il y a 30 cm d’eau et que nous sommes en mouvement, la voiture est très vite soulevée par la poussée d’Archimède et devient rapidement incontrôlable. Ensuite, une fois que l’eau atteint les portières, il devient difficile de les ouvrir et bien souvent les vitres électriques cessent de fonctionner car le moteur est noyé. La voiture se transforme alors en véritable piège. </p>
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<figcaption><span class="caption">Cette vidéo de prévention rappelle qu’en cas d’inondation, 30 cm d’eau suffisent pour emporter un véhicule, et que dès cette profondeur d’eau, ouvrir une portière peut-être difficile pour nombre d’enfants et d’adultes.</span></figcaption>
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<p><strong>Dès lors, pourquoi les gens continuent-ils à prendre leur véhicule lors de telles intempéries ?</strong></p>
<p>Nous conscientisons en général plus facilement le risque sur notre lieu d’habitation ou de travail car nous nous représentons mieux notre environnement proche pratiqué tous les jours. Si l’on est propriétaire, on apprend également lors de l’acte d’achat si l’on est en zone inondable ou non. D’autant que dans ces lieux, la protection du bâtiment nous rend moins vulnérable aux phénomènes de ruissellements localisés. Par contre, le risque couru pendant nos déplacements est un impensé, or c’est pourtant là où nous sommes les plus vulnérables. </p>
<p>La dangerosité de nos trajets quotidiens lors d’épisodes pluie-inondation est de fait mal-évaluée. De façon contre-intuitive, ce sont par exemple les petits ruisseaux qui sont souvent à sec pendant l’année qui seront les plus dangereux pour les automobilistes en cas de crues rapides. Car le danger est lié à la taille du bassin versant, c’est-à-dire la surface de collecte des eaux : plus celui-ci est petit plus la durée qui sépare les pluies des inondations est faible. Ainsi, parfois quelques dizaines de minutes suffisent pour transformer un filet d’eau en un torrent en furie. Mais lorsqu’on interroge les habitants sur le cours d’eau le plus proche de chez eux, ils vont typiquement citer la grande rivière où ils voient régulièrement de l’eau et oublier le tout petit ruisseau. En période de crue, ils vont donc penser à éviter les abords des grands cours d’eau, mais pas nécessairement se dire qu’il faut changer d’itinéraire pour éviter ce petit ruisseau tout près de chez eux qui, il y a quelques heures encore, était à sec. </p>
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<figcaption><span class="caption">Lors de fortes pluies, des petits cours d’eau asséchés peuvent soudainement voir arriver une grande vague.</span></figcaption>
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<p><strong>Outre les dangers que représentent l’habitacle de la voiture et la proximité avec un cours d’eau, la route en tant que telle présente-t-elle également des risques ?</strong> </p>
<p>Oui, sur la route, en début d’épisode pluie-inondation, il est difficile d’évaluer la hauteur d’eau. Souvent l’eau est trouble et il est compliqué d'avoir une idée de sa profondeur. En plus, la violence des ruissellements provoque souvent des dégâts sur les fondations ou le revêtement de la route pouvant créer des effondrements difficiles à déceler avec la faible visibilité liée aux circonstances météorologiques. Il pleut également, donc intuitivement on préfère rester au sec à l’intérieur de son véhicule plutôt que de sortir et de se réfugier à pied dans un lieu en hauteur. </p>
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<p><strong>Les régions récemment touchées sont de fait coutumières des crues rapides. Pourtant leurs principales victimes sont en général des habitants qui connaissent les risques et leur territoire. Cela peut sembler contre-intuitif…</strong></p>
<p>Oui, c’est effectivement frappant. Une enquête réalisée il y a une quinzaine d’années auprès des touristes avait montré que ces derniers annuleraient plus facilement leurs déplacements et activités que les habitants, en situation d’alerte. </p>
<p>Pour comprendre ce comportement des habitants du pourtour méditerranéen fréquemment exposé à ces événements, il faut avoir conscience que les crues rapides sont très difficiles à prévoir et à localiser avec certitude. Ainsi, les habitants sont alertés plusieurs fois par an par des vigilances pluie-inondation (celles servant à prévenir des crues rapides) de niveau orange (niveau 3 sur 4) qui sont émises à l’échelle d’un département. Or ces événements frappent, <em>in fine</em>, à une échelle bien plus restreinte que celle du département. Dès lors, la vigilance orange peut perdre de son caractère de dangerosité et pourra avoir tendance à être sous-estimée. Au moment de prendre la décision de vaquer à leurs activités quotidiennes ou d’éviter de s’exposer, les habitants seront facilement tentés de continuer à faire comme prévu initialement, car le pire n’est pas certain. </p>
<p>Malheureusement, c’est en vigilance orange et non rouge que la plupart des décès surviennent. En vigilance rouge, le sentiment de danger imminent est bien perçu, et les comportements sont généralement adaptés en conséquence. En vigilance orange, on est dans un entre-deux, on se dit « On ne va pas changer nos plans » surtout qu’avec nos emplois du temps peu flexibles et chargés il est souvent difficile de bousculer nos routines <a href="https://books.openedition.org/editionscnrs/10067?lang=fr">quand la perception du danger comme de sa probabilité sont loin d’être évidentes. </a></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nos-villes-doivent-etre-plus-permeables-comment-le-biochar-peut-etre-une-solution-durable-face-aux-inondations-220115">Nos villes doivent être plus perméables : comment le biochar peut être une solution durable face aux inondations</a>
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<p><strong>Serait-il dès lors possible de mieux prévoir la localité et le degré risque ?</strong></p>
<p>Malgré tous les progrès qui ont été fait grâce aux radars météorologiques, une part d’incertitude subsistera toujours. Il faut donc que chacun soit conscient que l’information ne pourra pas être parfaitement sûre et précise. </p>
<p>Ce qui est certain cependant, c’est qu’il va falloir s’adapter, car ces épisodes vont devenir plus fréquents et plus répandus du fait du réchauffement climatique, de l’augmentation de l’urbanisation et de l’exposition, et atteindre des régions françaises qui en ont peu l’habitude. Il va falloir apprendre à vivre avec ce risque plutôt que d’essayer de se voiler la face en se pensant à l’abri des digues et ouvrages de protection. </p>
<p>Les crues rapides font de fait partie des phénomènes météorologiques les plus mortels, car, du fait de la violence et la rapidité de leur survenue (quelques dizaines de minutes à quelques heures), elles laissent très peu de temps aux personnes exposées pour se mettre en protection. Elles touchent généralement de petites surfaces, mais le <a href="https://doc.cerema.fr/Default/doc/SYRACUSE/586223/victimologie-liee-aux-inondations-sur-l-arc-mediterraneen-etat-des-lieux-des-pratiques-et-reflexions?_lg=fr-FR#:%7E:text=Environ%20480%20d%C3%A9c%C3%A8s%20li%C3%A9s%20aux,derni%C3%A8re%20d%C3%A9cennie%20est%20particuli%C3%A8rement%20%C3%A9lev%C3%A9e.">taux de mortalité</a> par rapport au nombre de personnes exposées est ainsi beaucoup plus élevé que pour les crues de grandes rivières qui se propagent très lentement (plusieurs jours). </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-perception-des-catastrophes-naturelles-affecte-t-elle-notre-rapport-au-risque-climatique-186748">La perception des catastrophes naturelles affecte-t-elle notre rapport au risque climatique ?</a>
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<p><strong>Comment s’adapter du coup ?</strong></p>
<p>On le voit, les crues rapides continuent à surprendre les gens dans leur quotidien, La plupart du temps, ce sont des activités comme aller au travail ou aller chercher des enfants à l’école qui sont les plus difficiles à annuler. Ainsi les crues sont plus meurtières lorsqu’elles ont lieu en semaine et dans les horaires de déplacements. Il faudrait dès lors que tous les différents acteurs d’un territoire acceptent d’incorporer plus de flexibilité dans leurs organisations quotidiennes. Que les employeurs, par exemple, acceptent, en cas d’alerte, de potentiels retards ou du télétravail occasionnel. </p>
<p>Il faut aussi apprendre à changer nos réflexes. En état d’alerte, le premier réflexe consiste à vouloir rentrer chez soi et y rassembler la famille, donc aller chercher ses enfants à l’école et prendre la route au moment où c’est le plus dangereux. Souvent, les réactions sont prises sous le coup de l’émotion, car l’inquiétude et parfois le manque de contact avec ses proches font prendre les mauvaises décisions. Or le mieux serait que chacun des membres de la famille se mette en sécurité en hauteur là où il est pendant les quelques heures de l’événement. À l’école, les enfants sont pris en charge car chaque école doit disposer d’un plan particulier de mise en sécurité (PPMS). Au travail comme à la maison, chacun devrait préparer sa mise en protection et celle de sa famille ou de ses employés en <a href="https://www.georisques.gouv.fr/me-preparer-me-proteger/mon-plan-familial-de-mise-en-surete">cas de risque en mettant en place son propre plan familial de mise en sécurité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225809/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Ruin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les crues rapides sont parmi les intempéries les plus meurtrières. Le changement climatique et l'urbanisation les rendent de plus en plus fréquentes, sans que l'on en conscientise toujours le danger.Isabelle Ruin, Chercheuse, CNRS, Institut des Géosciences de l'Environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2161312024-01-25T14:49:52Z2024-01-25T14:49:52ZTraumatismes crâniens : le cas Lagaffe<p>Chutes, coups, accidents de travail, de vélo… Au cours de sa carrière de héros sans emploi, Gaston Lagaffe a subi (et a fait subir à son entourage !) un nombre impressionnant de traumatismes crâniens…</p>
<p>Quelles conséquences ces chocs auraient-ils pu avoir si Gaston n’avait pas été un personnage de bande dessinée ? Comment détermine-t-on la gravité d’un traumatisme crânien ? Explications.</p>
<h2>Gaston Lagaffe et les traumatismes crâniens</h2>
<p>Bien que peu sportif, sa tendance à la maladresse et ses nombreuses inventions à la sécurité souvent discutable ont exposé Gaston Lagaffe, ses amis et ses collègues à un risque élevé de chute et de traumatisme crânien.</p>
<p>Publiée en 2017 par les éditions Dupuis, l’édition intégrale recolorisée, qui regroupe par ordre de numéros croissants les gags de Gaston, est un outil bien commode pour répertorier l’ensemble des traumatismes crâniens dont a été victime le plus fatigué des employés de bureau et ses collègues, leurs mécanismes et leur gravité…</p>
<p><iframe id="67lsW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/67lsW/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur les 152 traumatismes crâniens survenus dans les cases de BD fréquentées par Gaston, 6 ont été liés à un accident domestique, 30 à un accident de la voie publique (20 accidents de piétons, 9 accidents de voiture, 1 accident de vélo), et les autres à un accident survenu sur le lieu de travail.</p>
<p>Concernant les mécanismes à l’origine de ces traumatismes, on note 30 chutes (dont 10 dans les escaliers), au moins 100 chocs directs avec des objets en tout genre comme une boule de bowling (gag 572), une balle de bilboquet (gag 510), de jokari (gag 591) un fer à repasser (gag 899), une tortue (gag 877), et pas moins de 21 chocs directs tête contre plafond, porte ou mur… Enfin, 17 agressions diverses et autres coups de poing sont répertoriés, comme le direct envoyé par un voisin karatéka (gag 151) ou encore le coup de réveil asséné par un horloger (gag 660), voire le coup de chaise administré par Fantasio (gag 183).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571399/original/file-20240125-25-qw98bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">André Franquin, le « père » de Gaston Lagaffe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Andr%C3%A9_Franquin,_tekenaar_strip_Guust_Flater,_1979_-_33.jpg">Noord-Hollands Archive, De Boer Photographic Press Collection/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>À vrai dire, ces situations sont (heureusement) relativement éloignées de celles qui provoquent des traumatismes crâniens dans le monde réel. Une ancienne étude menée en Aquitaine nous apprend que les traumatismes graves sont dus dans presque 50 % des cas à des accidents de la voie publique (voiture, cycliste, piéton). 24 % des traumatismes crâniens résultaient de chutes de sa propre hauteur, 17 % de chutes d’une grande hauteur, et 6 % d’un choc touchant la tête.</p>
<p>D’autres études indiquent des chiffres légèrement différents, mais qui restent en ligne avec ces estimations : 30 % à 40 % des traumatismes crâniens seraient liés à des accidents de la circulation, 20 à 30 % à des chutes, 10 à 20 % se produiraient durant la pratique d’un sport, 10 à 20 % seraient dus à agressions et 3 % seraient liés au travail.</p>
<p>Dans certaines cohortes, les traumatismes sévères liés au travail peuvent même atteindre 6 % du total, la grande majorité étant due à une chute d’une grande hauteur ou à un coup direct sur la tête, via un objet ou un équipement.</p>
<p>Par ailleurs, les études scientifiques ont par ailleurs déterminé que les mécanismes de survenue et les conséquences des traumatismes crâniens varient avec l’âge, et sont associés diversement avec la gravité. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/epidemiologie-des-traumatismes-craniens-en-france-et-dans-les-pays-occidentaux-synthese-bibliographique-avril-2016">Trois tranches d’âge ont été identifiées comme « à risque »</a> : les jeunes enfants (0-4 ans), les adolescents et jeunes adultes (15-24 ans) et les personnes âgées (> 65 ans).</p>
<h2>Des diagnostics pas si évidents</h2>
<p>En Europe, on estime que chaque année, 235 habitants sur 100 000 sont victimes d’un traumatisme crânien. La plupart (80 %) sont légers, 10 % sont d’une sévérité modérée, tandis que les 10 % restant sont des traumatismes graves. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’est pas toujours évident de définir la gravité d’un traumatisme crânien.</p>
<p>En 2010, un groupe d’experts définissait le traumatisme crânien comme <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21044706/">« une altération du fonctionnement cérébral […] provoquée par une force extérieure »</a>. Il faut comprendre ici « force extérieure exercée sur le crâne ou la tête ». Aussi le mécanisme responsable du traumatisme crânien peut donc être soit un traumatisme direct fermé ou pénétrant sur le crâne (choc ou impact d’objets sur le crâne), soit le résultat indirect d’un phénomène d’accélération/décélération du cerveau dans la boîte crânienne (« coup du lapin »).</p>
<p>La sévérité immédiate d’un tel traumatisme est appréciée grâce à l’échelle de Glasgow (<a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=%C3%A9chelle%20du%20coma%20de%20Glasgow">Glasgow Coma Score</a>). <a href="https://www.sfmu.org/calculateurs/glasgow.htm">Cet outil</a> d’évaluation du niveau de conscience analyse trois aspects principaux : la réponse verbale, la réponse motrice et l’ouverture des yeux.</p>
<p>Le score total obtenu via l’échelle de Glasgow varie de 3 à 15. Un traumatisme crânien est considéré comme « grave » si le score est de 8 ou moins, « modéré » s’il est entre 9 et 12, et « léger » s’il se situe entre 13 et 15. La mortalité globale est de 20 à 80 % pour les traumatismes graves, de 10 à 15 % pour les modérés et inférieure à 1 % pour les traumatismes légers.</p>
<p><a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15083875/">Selon l’Organisation mondiale de la Santé</a>, un traumatisme crânien léger est défini par un score de Glasgow de 13 à 15-30 minutes après la blessure, associé à une ou plusieurs des manifestations suivantes : confusion ou désorientation ; perte de conscience pendant 30 minutes ou moins ; amnésie post-traumatique pendant moins de 24 heures (ou autres anomalies neurologiques transitoires).</p>
<p>Toutefois, tous les spécialistes ne sont pas d’accord avec l’inclusion, dans la catégorie des traumatismes crâniens légers, des traumatismes crâniens avec un score de Glasgow de 13. Ils considèrent en effet que cette entité a une gravité particulière en matière de répercussions post-traumatisme, en regard des scores de 14 ou 15.</p>
<p>En outre, certains auteurs identifient une autre entité clinique parmi les traumatismes légers, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23670105/">commotion cérébrale (« concussion » en anglais)</a>. Cette dernière est définie comme une altération, transitoire (quelques secondes à minutes) et réversible, du fonctionnement cérébral (par exemple, perte de connaissance ou de mémoire, confusion) à la suite d’un choc sur la tête. Mais cette individualisation fait débat.</p>
<p>Une autre « forme » de traumatismes crâniens légers est même parfois nommée « subconcussions » : il s’agit de « simples » chocs à la tête, sans signe fonctionnel au moment du traumatisme crânien. Ces deux entités sont surtout décrites dans la population jeune et dans le domaine sportif, et certaines fédérations sportives ont mis en place des <a href="https://media.fff.fr/uploads/document/7cb3148f655bb3b5c0be576eff525f89.pdf">protocoles de dépistage</a> de ces états.</p>
<iframe src="https://www.westory.fr/dupuis/lire-en-ligne/gaston/22/le-retour-de-lagaffe?token=MvFLspwA3RTzJhMedRcvud6ugLsi9A2L" width="100%" height="600" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<p><em>Le nouvel album de Gaston, intitulé <a href="https://www.dupuis.com/gaston/bd/gaston-tome-22-le-retour-de-lagaffe/120853">« Le retour de Lagaffe »</a>, aux éditions Dupuis</em></p>
<p>Mais traumatisme crânien « léger » ne signifie pas forcément sans gravité à long terme. En effet, ce type de traumatismes (commotion, voir commotion sans signe associé) <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7799370/">pourraient être associés à l’apparition de démences neurologiques à long terme</a>, surtout s’ils sont répétés. À ce titre, on pourrait s’inquiéter pour Prunelle, Fantasio ou encore M. De Mesmaeker qui, tout au long des aventures de Gaston, subissent des traumatismes crâniens légers, mais souvent réitérés…</p>
<p>Au-delà du score de Glasgow, la gravité initiale du traumatisme crânien est aussi évaluée en fonction de la cause et du mécanisme du traumatisme, de la durée de la perte de connaissance, de la prise de substance (alcool, drogue…) ou de médicaments (notamment anticoagulants), et sur la présence de signes cliniques initiaux de souffrance neurologique (notamment par l’examen des pupilles).</p>
<p>L’âge de la personne joue aussi un rôle dans l’évaluation de la gravité : le risque d’hospitalisation et de décès après un traumatisme crânien est ainsi plus élevé chez les personnes âgées de plus de 65 ans, et augmente avec l’âge. Enfin, quelle que soit la tranche d’âge, le risque de survenue de traumatisme crânien est plus important chez les hommes : dans certaines cohortes, on compte jusqu’à plus de 70 % d’hommes ! Chez Gaston, c’est 100 % !</p>
<h2>Quels symptômes ?</h2>
<p>L’altération du fonctionnement cérébral qui résulte du choc se traduit par des signes cliniques tels que perte de connaissance ou baisse de l’état de conscience, perte de mémoire pour des faits pré ou post-traumatisme, déficits neurologiques (déficit moteur…), ou toutes altérations de l’état mental (confusion, désorientation, etc.). En raison de ces altérations, certains préfèrent parler de traumatisme cranio-encéphalique plutôt que de traumatisme crânien (le crâne n’étant pas seul touché…).</p>
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<img alt="Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles" src="https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571406/original/file-20240125-23-9dsnim.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Comic_wall_Gaston_Laggaffe,_Andr%C3%A9_Franquin._Brussels.jpg">Oreopoulos G. et Vandegeerde D. Anné, Ferran Cornellà/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>S’il n’est pas toujours simple d’estimer la gravité des traumatismes subis par Gaston et ses proches, on peut pour cela s’aider des idéogrammes qui entourent les personnages, comme une spirale évoquant le vertige ou autres étoiles pour évoquer la confusion.</p>
<p>Un examen attentif indique que 21 traumatismes ont entraîné une atteinte du nerf hypoglosse (comme montré par une langue pendante, gag 877), 21 ont entraîné des yeux au beurre noir pouvant évoquer une fracture de la base du crâne, et 39 hématomes du crâne, dont certains très impressionnants, comme celui en forme de bonnet phrygien du gag 840. On ne retrouve en revanche aucune plaie ouverte du crâne ou embarrure (perforation de la boîte crânienne).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Détail d’une fresque murale inspirée par la bande dessinée Gaston Lagaffe, à Bruxelles" src="https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571403/original/file-20240125-25-uuw03m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Même légers, les traumatismes crâniens ne sont pas sans conséquence…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Comic_wall_Gaston_Laggaffe_by_Andr%C3%A9_Franquin._Brussels.jpg">Oreopoulos G. et Vandegeerde D. Anné, Ferran Cornellà/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Pour les traumatismes dont nous pouvons juger de la gravité, 131 sont légers, 10 modérés, et aucun n’est considéré comme grave. Pour juger du risque de lésions intracrâniennes, on peut, comme le font les équipes médicales, utiliser la classification de Master.</p>
<p>Cette ancienne classification (mais toujours opérante) permet de répartir les patients en trois groupes de gravité et de potentiel évolutif différents : risque faible, modéré, et élevé correspondant respectivement aux groupes 1, 2 et 3. Les patients du groupe 1 sont autorisés à rentrer au domicile avec des consignes de surveillance. Les groupes 2 et 3 nécessitent une imagerie cérébrale et une prise en charge hospitalière adéquate.</p>
<p>Selon la classification de Master, les traumatismes subis ou causés par Gaston Lagaffe se répartissent comme suit : 82 traumatismes du groupe 1, 33 du groupe 2 et 26 du groupe 3. On note au moins 46 pertes de connaissance initiale et 31 confusions posttraumatisme. Enfin, au moins 8 situations de traumatismes conduisent à une hospitalisation souvent dans le cadre d’un polytraumatisme. </p>
<p>Il faut noter que les traumatismes sont parfois soignés dans Gaston Lagaffe par la mise de bandage autour de la tête (au moins 11 fois), ce qui n’est pas une pratique habituelle…</p>
<p>Aucune de ces situations dans Gaston n’entraîne de coma ni de décès. Mais qu’en est-il des séquelles ?</p>
<h2>Quelles séquelles pour les traumatisés crâniens ?</h2>
<p>Chaque année en France, environ 150 000 personnes sont victimes de traumatismes crâniens nécessitant un passage aux urgences. Entre <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/epidemiologie-des-traumatismes-craniens-en-france-et-dans-les-pays-occidentaux-synthese-bibliographique-avril-2016">20 et 40 % de ces victimes présentent des signes neurologiques fonctionnels</a> ou gardent des séquelles.</p>
<p>Les conséquences à long terme des traumatismes que Gaston subit ou fait subir ne sont pas connues : impossible en effet de les qualifier étant donné que la temporalité du gag ne dure qu’un instant…</p>
<p>Quoi qu’il en soit, au fil des gags, il n’est pas noté d’apparition de troubles cognitifs ou du comportement tout au long des gags chez les personnages de Gaston. Tout au plus l’agent Longtarin développe-t-il une anxiété, voire une névrose vis-à-vis des parcmètres, et Mr Demesmaeker devient-il irritable, colérique lorsque le mot « contrat » est prononcé…</p>
<p>Dans la réalité, en revanche, les conséquences neurologiques post-traumatisme crânien peuvent être importantes, entraînant diverses déficiences neurologiques à long terme. Environ 60 % des victimes de traumatismes crâniens modérés à grave présentent des troubles cognitifs et comportementaux. Parmi les séquelles observées, qui varient en fonction de l’âge de survenue de l’accident, figurent les déficits moteurs, les déficiences sensorielles, les déficiences cognitives et comportementales.</p>
<p>Les troubles cognitifs concernent l’attention, la mémoire, la vitesse de traitement de l’information, les fonctions exécutives et l’anosognosie (trouble qui fait qu’un patient atteint d’une maladie ou porteur d’un handicap ne semble pas avoir conscience de sa condition), souvent accompagnés d’une fatigue fréquente et importante : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168605406001346">43 à 73 % des patients ayant subi un traumatisme crânien (même léger) se plaignent de fatigue</a>, un symptôme qui passe même au premier plan pour 7 % d’entre eux.</p>
<p>Ces séquelles cognitives et comportementales constituent ce que l’on appelle communément un « handicap invisible ». Un handicap, notamment du point de vue de la fatigue chronique, dont pourrait peut-être souffrir Gaston, au vu du nombre de traumatismes qu’il a subi au cours de ses 67 ans de carrière !</p>
<hr>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong></p>
<p><em>– En matière de surveillance des traumatismes crâniens légers, l’association France Traumatisme propose des <a href="https://www.france-traumatisme-cranien.fr/fr/traumatisme-cranien-leger/outils-information-prevention">fiches à destination des victimes et des médecins</a> (pour l’anecdote, elle sont dessinées par Philippe Geluck, le père d’un autre célèbre personnage de bande dessinée, le Chat).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216131/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mickaël Dinomais ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Gaston Lagaffe a fait son grand retour dans les locaux de Dupuis en novembre 2023. Son crâne et ceux de ses collègues vont à nouveau faire les frais de sa légendaire maladresse. Avec quelles conséquences ?Mickaël Dinomais, Professeur de médecine en Médecine Physique et Réadaptation, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201182024-01-18T10:26:55Z2024-01-18T10:26:55Z« Catastrophes » et « naturelles » : deux mots qui vont si mal ensemble<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567088/original/file-20231221-23-egr4pn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C21%2C4744%2C3137&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"> Un bâtiment partiellement effondré, détruit par le tremblement de terre à Bhakatapur, au Népal le 25 avril 2015.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/bhakatapur-nepal-april-28-2015-partially-1919087363">Parikh Mahendra N/Shutterstock</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Ce sont deux mots qui ne cessent d’être liés, et d’émerger au gré de l’actualité : ceux de « catastrophes naturelles ». Les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/10/17/le-cout-des-catastrophes-naturelles-pourrait-bondir-de-60-d-ici-a-2050_6194985_3234.html">titres de presse</a> les convoquent pour évoquer pêle-mêle séisme, inondation, éruption volcanique, incendie de forêt, ouragans. Les <a href="https://www.economie.gouv.fr/catastrophes-naturelles-indemnisation-sinistres-particuliers-professionnels">autorités</a> comme les <a href="https://www.lemonde.fr/climat/article/2023/11/20/assurance-la-liste-des-catastrophes-naturelles-peut-elle-evoluer_6201219_1652612.html">assureurs</a> et parfois encore les <a href="https://www.msf.fr/decryptages/la-place-des-secours-humanitaires-dans-les-catastrophes-naturelles">ONG</a> et <a href="https://news.un.org/fr/story/2023/09/1138587">organisations internationales</a> ont également cette expression dans leur vocabulaire.</p>
<p>Au sein de la communauté scientifique pourtant, cela fait longtemps que ces mots sont questionnés.</p>
<h2>Inégalités des individus face aux phénomènes naturels</h2>
<p>Au cours des cinquante dernières années, la recherche a consolidé l’évidence que les catastrophes sont des constructions sociales et non la conséquence de phénomènes naturels extrêmes. Les événements récents au <a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20231027-ouragan-otis-au-mexique-les-autorit%C3%A9s-auraient-elles-pu-%C3%A9viter-la-catastrophe-%C3%A0-acapulco">Mexique</a>, au <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20231008-maroc-un-mois-apr%C3%A8s-le-s%C3%A9isme-le-difficile-quotidien-des-rescap%C3%A9s-%C3%A0-ighil">Maroc</a> ou en <a href="https://theconversation.com/la-tragedie-de-derna-en-libye-catastrophe-naturelle-responsabilites-humaines-215025">Libye</a> ont rappelé qu’aucune catastrophe ne résulte en la destruction totale de toutes infrastructures ou le décès de l’ensemble d’une population.</p>
<p>Les catastrophes révèlent en fait toujours des disparités d’accès aux moyens de protection qui reflètent elles-mêmes une inégale distribution des ressources au sein des sociétés. <a href="https://policy-practice.oxfam.org/resources/the-tsunamis-impact-on-women-115038/">Le tsunami du 26 décembre 2004 en Indonésie en est l’exemple le plus frappant</a> : les femmes ayant perdu la vie sont quatre fois plus nombreuses que les hommes reportés décédés car elles se trouvaient alors à leur domicile, dédiées à s’occuper de leurs enfants, tout en ne sachant nager ni grimper aux arbres ; privilèges réservés aux hommes. Les catastrophes résultent donc avant tout de processus historiques et politiques qui définissent l’inégalité des individus face aux phénomènes naturels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567042/original/file-20231221-27-ydxwdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Maisons touchées de manière similaire mais inégalement endommagées par le typhon Winnie en novembre 2004 aux Philippines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JC Gaillard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>90 % des décès en Amérique latine, Afrique et Asie-Pacifique</h2>
<p>Les inégalités face aux phénomènes naturels s’observent également à plus grande échelle puisque la distribution géographique des catastrophes relève des disparités importantes. Les exemples cités précédemment suggèrent en effet que les catastrophes sont plus fréquentes en Amérique latine, en Afrique et dans la région Asie-Pacifique. Ceci semble être confirmé par les données disponibles, notamment celles du Centre de Recherche sur l’Epidémiologie des Désastres (CRED) dont la base de données recense les événements les plus importants depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle et montre que près de 90 % des décès recensés au cours des deux premières décennies du XXI<sup>e</sup> siècle ont fait suite à des catastrophes dans ces trois régions du monde.</p>
<p>Alors, si l’expression « catastrophe naturelle » est un non-sens, pourquoi continue-t-on de la retrouver aussi fréquemment ?</p>
<h2>Des sinistrés des Sud, des scientifiques des Nord</h2>
<p>Sans doute car la recherche dans le domaine est monopolisée par l’Occident (perçu ici comme un projet impérialiste prenant sa source dans l’histoire de la globalisation coloniale plutôt que dans la géographie). En effet, si 93 % des décès recensés par le CRED entre 1977 et 2017 ont eu lieu dans des pays non-membres de l’OCDE, 84 % des articles publiés dans Disasters, la revue universitaire de référence en la matière, ont été dirigés par des auteurs basés dans l’OCDE.</p>
<p>Cette disparité est encore plus évidente pour les retours d’expérience au lendemain des catastrophes les plus importantes. Au nom de la collecte de données soi-disant périssables, il est très fréquent d’observer un afflux de scientifiques, pas toujours familiers avec les territoires étudiés mais motivés par la perspective d’être les premiers à publier sur l’événement en question. Ainsi, seulement 12 % des articles sur le typhon Yolanda aux Philippines en 2013 et le séisme au Népal en 2015 ont été coordonnés par des chercheurs locaux – deux pays qui disposent pourtant d’une forte tradition de recherche sur ces sujets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567039/original/file-20231221-27-3uf2uh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Distribution géographique des premiers auteur/e/x/s d’articles portant sur les sept catastrophes ayant attiré la plus grande attention entre 2005 et 2015 (données de Scopus).</span>
<span class="attribution"><span class="source">JC Gaillard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cette divergence flagrante révèle trois problèmes principaux. Le premier est bien évidemment éthique et tient aux relations de pouvoir et d’influence entre chercheurs. Par exemple, les chercheurs occidentaux qui se précipitent le plus rapidement possible sur les lieux d’une catastrophe sans parler les langues locales ou sans compréhension du contexte culturel doivent faire appel à des traducteurs ou des assistants dont le rôle crucial est le plus souvent négligé dans les publications qui font suite à ces travaux de terrain.</p>
<p>Lorsque réelle collaboration il y a, celle-ci est dans la plupart des cas dictée par les préceptes des chercheurs occidentaux et de leurs bailleurs de fonds qui imposent les termes des projets. Pour faire face à ce déséquilibre, le gouvernement indonésien a conditionné l’obtention de visa à ses propres exigences, dont la mise en application à bloquer aux frontières des dizaines de chercheurs internationaux suite au séisme de Sulawesi en septembre 2018.</p>
<h2>Une vision occidentale des catastrophes</h2>
<p>Le deuxième problème concerne la façon dont ces événements sont caractérisés. L’hégémonie occidentale dans le domaine de la recherche sur les catastrophes explique que les concepts occidentaux, tels que ceux de catastrophe, vulnérabilité et résilience, mais aussi les méthodologies d’étude qui y sont associées, ont été imposés comme une norme universelle. Norme qui reflète une interprétation singulière du monde dont l’origine européenne est associée au siècle des Lumières durant lequel le projet de la modernité a pris pour objectif de libérer les sociétés des menaces de la nature afin d’en assurer l’épanouissement. </p>
<p>C’est depuis lors que la recherche sur les catastrophes, dans toute sa diversité, s’est polarisée autour de la dialectique entre nature/aléa et société/vulnérabilité. Cette perspective a été imposée comme vérité universelle, en Occident, où la dialectique fait sens, mais aussi au-delà, où sa pertinence est souvent douteuse ; les termes mêmes de catastrophe, vulnérabilité et résilience, d’origine grecque, s’avérant par exemple intraduisibles dans la plupart des autres langues du monde.</p>
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<img alt="Gravure représentant le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, d’une importance fondatrice dans la construction occidentale et moderne des catastrophe" src="https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567041/original/file-20231221-15-z03ybo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gravure représentant le tremblement de terre de Lisbonne de 1755, d’une importance fondatrice dans la construction occidentale et moderne des catastrophe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/effects-big-earthquake-lisbon-1755-vintage-1319377163">Morphart Creation/Shutterstock</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le troisième problème est idéologique. L’hégémonie occidentale sur la recherche sur les catastrophes sous-tend en effet un agenda impérialiste qui se matérialise par des politiques internationales de réduction des risques de catastrophe standardisées favorisant le transfert d’expérience et de technologie des pays occidentaux vers le reste du monde. Celles-ci sont promulguées dans des traités internationaux tels que le cadre d’action de Sendai qui régit la réduction des risques de catastrophe depuis 2015. Les recommandations de ce dernier s’alignent avec les politiques de développement qui ont soutenu le projet colonial des derniers siècles. C’est ainsi que la recherche sur les catastrophes s’est imposée comme un impératif humanitaire afin de venir au « secours » des populations les plus démunies et vulnérables, considérées incapables de subvenir à leur propre survie.</p>
<h2>Comment remédier à cela ?</h2>
<p>Les travaux de recherche les plus récents remettent en cause cet héritage et interrogent la construction sociale des catastrophes d’un point de vue ontologique afin de mieux appréhender comment différentes sociétés et cultures interprètent les questions de souffrance, de dommage et plus généralement leur place dans le monde. Ces travaux imposent un renversement épistémologique afin de faire émerger d’autres approches, plurielles et locales, permettant d’appréhender au mieux la réalité de millions d’individus de par le monde et, ainsi, soutenir au plus près et au plus juste leurs priorités les plus diverses. Ces priorités sont au cœur des propositions du manifeste <a href="https://www.ipetitions.com/petition/power-prestige-forgotten-values-a-disaster">« Pouvoir, prestige et valeurs oubliées »</a> qui encourage la recherche sur les catastrophes à être ancrée dans les territoires afin d’être pertinente et juste.</p>
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<img alt="Activités de cartographie participative pour la réduction des risques aux Philippines" src="https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567047/original/file-20231221-20-obf0w5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Activités de cartographie participative pour la réduction des risques à Bontoc, Philippines.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.C. Gaillard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les chercheurs locaux et ceux qui sont ancrés dans ces territoires sont au cœur de cet agenda. Ce sont ces derniers qui doivent définir les priorités et les cadres théoriques de recherches qui les concernent, qui doivent en collecter les données et en partager les résultats. C’est seulement dans ce contexte que pourront émerger des ontologies et épistémologies pertinentes aux territoires étudiés et que les ressources locales seront optimisées. Une telle quête pluriverselle n’est pas destinée à exclure les chercheurs étrangers aux territoires étudiés. Il les incite plutôt à utiliser les ressources importantes dont ils disposent pour s’allier avec leurs homologues des territoires étudiés afin de renverser les relations de pouvoir et déjouer les privilèges établis.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-tragedie-de-derna-en-libye-catastrophe-naturelle-responsabilites-humaines-215025">La tragédie de Derna, en Libye : catastrophe naturelle, responsabilités humaines</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/220118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>JC Gaillard est membre du Resilience Institute de University of the Philippines,</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabella Tomassi et Jake Rom D. Cadag ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De par leur géographie, leur genre, leur position sociale, les victimes de catastrophes appartiennent très souvent à des groupes défavorisés. De quoi questionner la notion de catastrophe naturelle.JC Gaillard, Ahorangi / Professor of Geography, University of Auckland, Waipapa Taumata RauIsabella Tomassi, ATER, Université de Limoges. Doctorante en Géographie aménagement et urbanisme, Université Lumière Lyon 2 Jake Rom D. Cadag, Maitre de Conférence en Géographie, University of the PhilippinesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090982023-07-10T15:45:15Z2023-07-10T15:45:15ZFace aux risques d’accident de la vie courante, les seniors ne sont pas tous égaux<p>Chaque année, en France, plus de 10 millions de personnes sont victimes d’un accident de la vie courante, dont près de 2,5 millions de seniors.</p>
<p>Sous cette expression sont regroupés les accidents domestiques (se produisant au domicile ou dans ses abords immédiats), les accidents survenant à l’extérieur du domicile (trottoir, magasin, etc.), les accidents survenant dans les établissements scolaires, les accidents liés à la pratique sportive et les accidents de vacances et de loisirs.</p>
<p>Avec les autres traumatismes (accidents de la route, accidents du travail, agressions, suicides…), les accidents de la vie courante représentent la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/rapports/letat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2015">troisième cause de mortalité en France</a> (après les cancers et les maladies de l’appareil circulatoire et cérébro-vasculaire). Chaque année, ils donnent lieu à plus de 21 000 décès, près de 5 millions de recours aux urgences hospitalières et plus de 500 000 hospitalisations.</p>
<p>Malgré ces chiffres alarmants et les conséquences parfois graves que peuvent avoir les accidents de la vie courante, peu d’études s’y sont intéressées. Or, cette problématique a des enjeux économiques, démographiques et de santé publique très importants, en particulier chez les seniors, la catégorie de la population la plus concernée par les accidents de la vie courante.</p>
<h2>Les seniors particulièrement concernés</h2>
<p>Les seniors sont de loin la population la plus exposée aux accidents de la vie courante : un sur cinq déclare au moins un accident de la vie courante chaque année, et plus des trois quarts des décès engendrés par les accidents de la vie courante concernent des seniors.</p>
<p>Les chutes constituent plus de la moitié de ces accidents. Elles sont responsables à elles seules de la moitié des décès par accident de la vie courante chez les seniors, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/rapports/letat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2015">soit 8 000 à 9 000 décès chaque année</a>. Pour comparaison, elles tuent chaque année près de 2,5 fois plus que les accidents de la route.</p>
<p>Pour déterminer le profil des personnes âgées les plus exposées aux accidents de la vie courante, la vague 2012 de l’<a href="https://www.irdes.fr/recherche/enquetes/esps-enquete-sur-la-sante-et-la-protection-sociale/actualites.html">Enquête Santé et Protection Sociale</a> (ESPS) est particulièrement utile. Que nous apprend-elle ?</p>
<h2>Âge avancé et difficultés financières exposent aux accidents de la vie courante</h2>
<p>Indépendamment de la nature de l’accident (grave, c’est-à-dire nécessitant des soins médicaux, ou pas) ou du lieu de survenue (domestique ou pas), trois facteurs semblent déterminants dans la survenue des accidents de la vie courante : l’état de santé, l’âge et les attitudes à risque (à domicile – monter sur un tabouret, jardiner – ou à l’extérieur – pratiquer des activités sportives ou de loisirs, etc.).</p>
<p>Par ailleurs, les résultats suggèrent que le genre n’influence que marginalement la probabilité d’accident de la vie courante : elle n’est en effet que légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes.</p>
<p>Lorsque la gravité de l’accident est prise en compte, la plus forte exposition aux accidents de la vie courante concerne les seniors les plus âgés, dont l’état de santé est très dégradé. Cependant, une composante sociale vient se rajouter à ces facteurs : les difficultés financières.</p>
<p>Ainsi, les seniors plus jeunes (entre 65 et 70 ans), prudents et sans problème (de santé ou financier) ont moins de 1 % de chance d’avoir un accident de la vie courante. Inversement, les plus de 85 ans souffrant d’au moins trois maladies chroniques, déclarant des difficultés financières et ayant dans la vie une attitude imprudente ont près de 30 % de risque d’avoir un accident de la vie courante grave (nécessitant des soins médicaux).</p>
<h2>La localisation du logement importe également</h2>
<p>Ce résultat est confirmé dans le cas d’accidents graves à domicile (à l’intérieur du logement ou dans ses abords immédiats) pour lesquels une nouvelle caractéristique apparaît : la localisation du logement.</p>
<p>Les blessures graves à domicile sont plus probables chez les personnes âgées passant la plupart de leur temps à domicile en raison de leur état de santé dégradé, d’un possible fonctionnement corporel diminué et/ou d’une prise de risque importante (en particulier si le senior occupe un logement avec un étage ou un espace extérieur). Concrètement, près d’une personne sur deux âgée de plus de 85 ans, en mauvais état de santé, imprudente et vivant en zone rurale risque un accident de la vie courante grave à domicile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les blessures graves à l’extérieur du domicile lors d’activités de plein air (loisir, sport, etc.) sont principalement associées à un groupe « plus jeune », les 75-79 ans. Probablement parce qu’à cet âge, les individus sont encore capables de sortir seuls.</p>
<p>Enfin, les résultats suggèrent que les accidents de la vie courante, et notamment ceux graves à domicile, ont un impact majeur et immédiat sur la santé de la personne. Par exemple, trois mois après l’accident, l’état de santé des personnes ayant été victimes d’un accident grave de la vie courante est en moyenne encore plus fortement dégradé que l’état de santé de ceux n’ayant pas eu d’accident.</p>
<h2>Enjeux de politiques publiques</h2>
<p>Les principaux déterminants des accidents de la vie courante se structurent autour de deux dimensions principales. D’une part, les facteurs inéluctables : un âge avancé et un état de santé dégradé.</p>
<p>Mettre en place des mesures orientées vers la réduction des inégalités de santé (qu’elles soient financières, territoriales ou informationnelles), afin de renforcer le processus de vieillissement en bonne santé permettrait de limiter la survenue et la gravité des accidents de la vie courante.</p>
<p>D’autre part, l’exposition aux accidents de la vie courante, en particulier les accidents graves, est fortement renforcée par les comportements à risque. Deux types de mesures préventives pourraient être envisagées dans le cas des seniors : celles encourageant les attitudes prudentes (accompagnement aux activités, sensibilisation, adoption de procédures de sécurité dans l’environnement domestique ou à l’extérieur, etc.) et celles facilitant l’accès et l’utilisation d’outils d’assistance technique (adaptation du logement, utilisation d’objets connectés ou de systèmes domotiques, etc.).</p>
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<p><em>Cet article s’appuie sur les résultats obtenus dans un article scientifique publié dans la revue <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/boer.12366">Bulletin of Economic Research</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le vieillissement nous fragilise tous, comme en témoigne le grand nombre de seniors victimes d’accidents de la vie courante. Où se produisent-ils ? Quelles personnes âgées y sont les plus exposées ?Cornel Oros, Professeur des Universités, Université de PoitiersGreivis Buitrago Gamez, ResearcherLiliane Bonnal, Professeur d'économiePascal Favard, Professeur d'économie, Université de Tours IRJI François-RabelaisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057282023-06-01T13:13:31Z2023-06-01T13:13:31ZMoins de cours de natation et pénurie de sauveteurs : les risques liés à la baignade pourraient augmenter cet été<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529453/original/file-20230531-23197-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fermeture des piscines au début de la pandémie de Covid-19 a privé des millions de personnes au Canada de cours de natation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, des <a href="https://www.lifesavingsociety.com/media/370343/plancanadiendeprevention-fr-9eedition-20220520.pdf">centaines de personnes se noient</a> accidentellement au Canada. Le manque de cours de natation, la pénurie de sauveteurs et les changements climatiques pourraient rendre les activités aquatiques encore plus risquées cet été.</p>
<p>Bon nombre des facteurs de protection qui existaient auparavant — comme les cours de natation et les lieux de baignade surveillés — se font rares, alors que le temps chaud incite les gens à trouver de <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/drowning-calls-rise-1.6531663">nouveaux endroits, souvent peu connus et dangereux, pour se rafraîchir</a>.</p>
<p><a href="https://www.lapresse.ca/societe/famille/2021-10-01/des-cours-de-natation-tombent-a-l-eau.php">La fermeture des piscines</a> au début de la pandémie de Covid-19 a privé des millions de personnes au Canada de cours de natation. Maintenant que les installations sont ouvertes dans tout le pays, les parents <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1968069/piscine-nager-sauveteur-penurie-quebec">ont beaucoup de mal</a> à inscrire leurs enfants aux cours qui sont offerts.</p>
<p>En conséquence, de nombreux parents s’inquiètent, craignant que leurs enfants <a href="https://www.thewhig.com/news/parents-frustrated-by-lack-of-swim-lesson-spaces-in-kingston">n’acquièrent pas les compétences nécessaires</a> pour être en sécurité dans l’eau, sur l’eau ou près de l’eau. Bien que nous n’ayons pas de données similaires au Canada, il est intéressant de savoir qu’une enquête menée en Australie a révélé que 55 % des parents <a href="https://www.royallifesaving.com.au/about/news-and-updates/news/new-data-shows-more-work-needed-to-encourage-swimming-and-water-safety">ont signalé une baisse</a> des habiletés en natation de leurs enfants de 2019 à 2021.</p>
<h2>Cours et sauveteurs</h2>
<p>Certaines études indiquent que les cours de natation peuvent jouer un rôle important dans la protection des enfants contre la noyade. Cependant, les <a href="http://dx.doi.org/10.1136/injuryprev-2014-041216">données relatives à l’efficacité des cours</a> dans la prévention des noyades ne sont pas suffisamment solides. </p>
<p>Les personnes qui savent nager peuvent surestimer leurs aptitudes et s’aventurer dans des <a href="https://publications.aap.org/pediatrics/article-abstract/112/2/440/63350/Prevention-of-Drowning-in-Infants-Children-and?redirectedFrom=fulltext">endroits risqués</a>, s’exposant ainsi à des conditions dangereuses. Alors que l’on s’inquiète du manque de cours de natation au Canada, on a tendance à sous-estimer les risques de la baignade dans des zones sans surveillance.</p>
<p>Au Canada, moins d’un pour cent des noyades se produisent dans des endroits surveillés par des <a href="https://www.lifesavingsociety.com/media/343293/plancanadiendepreventiondelanoyade8e.pdf">moniteurs de natation ou des sauveteurs</a>. Cependant, ces lieux sont actuellement en quantité insuffisante. Lorsque la Covid-19 a contraint la fermeture des piscines et des plages, cela a entraîné l’arrêt des cours de formation et de certification des sauveteurs.</p>
<p>La <a href="https://ottawacitizen.com/opinion/sampson-and-white-fix-the-canada-wide-shortage-of-lifeguards-and-swim-instructors">Société de sauvetage canadienne</a> a indiqué que, en 2020, il y avait 60 % de candidats en moins pour les formations en sauvetage et en surveillance aquatique et un cinquième du nombre habituel de candidats à la formation de moniteur de natation.</p>
<p>Le manque de sauveteurs et de moniteurs de natation s’est répercuté sur les années suivantes. Il y a beaucoup moins de personnes qui travaillent dans le secteur aquatique qu’avant la pandémie. Dans l’ensemble du Canada, le ratio chômeurs-postes vacants est <a href="https://www.statcan.gc.ca/fr/sujets-debut/travail_/tendances-penurie-main-oeuvre-canada">à un niveau historiquement bas</a>, ce qui aggrave le déficit de sauveteurs et de moniteurs de natation.</p>
<p>Dans certaines régions, d’anciens travailleurs du secteur aquatique ont accepté d’autres emplois qui exigent moins de responsabilités et une <a href="https://www.caledonenterprise.com/news/town-of-caledon-launches-pilot-project-to-address-aquatic-staff-shortage/article_b2a8211c-b7b7-5ba8-ab80-b07f4b56fcca.html">formation moins coûteuse</a>.</p>
<p>La pénurie de personnel dans le secteur aquatique est telle que le gouvernement de l’Ontario envisage de réviser s aLoi sur la protection et la promotion de la santéafin d’abaisser <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1972154/piscine-natation-age-minimum-sauveteur">l’âge minimum des sauveteurs de 16 à 15 ans</a>. Certaines municipalités proposent de <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/west-van-lifeguard-shortage-1.6471221">payer la formation pour devenir sauveteur</a> et offrent des incitations, comme des <a href="https://www.caledonenterprise.com/news/town-of-caledon-launches-pilot-project-to-address-aquatic-staff-shortage/article_b2a8211c-b7b7-5ba8-ab80-b07f4b56fcca.html">cartes-cadeaux de Starbucks</a>, aux personnes qui acceptent des quarts de travail.</p>
<h2>Baignade dangereuse</h2>
<p>Pendant qu’on réduit les heures de surveillance des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-06-07/penurie-de-sauveteurs/faute-de-recrutement-l-acces-a-la-baignade-sera-limite.php">plages</a> et des <a href="https://www.noovo.info/nouvelle/la-penurie-de-sauveteurs-a-des-repercussions-sur-les-piscines-dans-tout-le-canada.html">piscines</a> en raison du manque de personnel et que le <a href="https://www.noovo.info/nouvelle/nous-sommes-tout-simplement-en-feu-preparez-vous-a-un-autre-ete-chaud-previent-un-expert.html">climat se réchauffe</a>, de plus en plus de personnes se cherchent des endroits non surveillés où se rafraîchir. Cela pourrait avoir des <a href="https://www.ledevoir.com/societe/742290/augmentation-des-noyades-le-nombre-de-noyades-a-bondi-avec-la-pandemie">conséquences tragiques</a>.</p>
<p>Quand on se baigne dans un lieu qu’on ne connaît pas, on n’a souvent pas conscience des dangers cachés, tels que des tombants ou des rochers, ou encore des <a href="https://theconversation.com/rip-currents-are-a-natural-hazard-along-coasts-heres-how-to-spot-them-63081">courants d’arrachement</a>. Ces éléments ne sont pas toujours signalés dans les zones non surveillées. L’eau froide peut aussi constituer un risque, même pendant les vagues de chaleur estivales. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le secteur aquatique compte beaucoup moins de travailleurs qu’avant la pandémie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Même les bons nageurs auront du mal à nager dans de l’eau froide en raison de <a href="https://beyondcoldwaterbootcamp.com/4-phases-of-cold-water-immersion">réactions physiologiques</a>. Entrer dans de l’eau froide peut causer un état de choc, qui engendre de l’hyperventilation. Si les voies respiratoires sont sous l’eau au moment où on hyperventile, on risque d’inhaler de l’eau, ce qui peut entraîner la noyade. Il est donc extrêmement important de porter un gilet de sauvetage pour que les voies respiratoires restent hors de l’eau.</p>
<p>Si on survit à la phase de choc, on risque de souffrir d’une <a href="https://csbc.ca/fr/l-eau-froide">perte de motricité due au froid</a>, qui se déclare lorsque les muscles et les nerfs se refroidissent. Cela peut causer un <a href="https://www.aviva.ca/fr/outils/connecte/fr-4-sep-2019-surviving-in-cold-water/">épuisement à la nage</a>, lorsqu’il devient impossible de garder la tête hors de l’eau. Là encore, le port d’un gilet de sauvetage peut jouer un rôle déterminant dans la survie, car il permet de rester à flot et d’atteindre un endroit sûr.</p>
<p><a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/combien-de-temps-peut-on-survivre-dans-une-eau-glacee-73717.html">L’hypothermie</a> survient lorsque la température du corps descend en dessous de 35 °C, ce qui prend généralement au moins 30 minutes, mais cela dépend de la température de l’eau et de la masse corporelle. Une personne souffrant d’hypothermie peut perdre connaissance. Si elle porte un gilet de sauvetage, elle continuera à flotter.</p>
<p>Si les Canadiens sont confrontés à un risque accru d’accidents aquatiques, il existe des moyens de gérer ce risque. D’abord, il vaut mieux nager dans des zones surveillées. Il est aussi recommandé de porter un gilet de sauvetage en bateau, surtout dans des eaux froides ou qu’on ne connaît pas, ou encore, si on n’est pas un bon nageur. Ensuite, on devrait toujours nager avec quelqu’un. Finalement, on devrait s’assurer de rester à portée de main des enfants.</p>
<p>Si vous êtes l’adulte chargé de surveiller des personnes qui se baignent, rangez tout appareil qui pourrait vous distraire et concentrez-vous sur ce qui se passe dans l’eau. Le respect de ces pratiques vous aidera à assurer la sécurité de vos proches cet été.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205728/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey R. Giles est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et par le Programme de contribution à la sécurité nautique de Transports Canada. Elle est membre de la Coalition canadienne pour la prévention des noyades.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sofia Pantano et Umerdad Khudadad ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les cours de natation ont été suspendus et les piscines fermées durant la pandémie. À cela s’ajoute une pénurie de maîtres-nageurs, ce qui rendra les activités aquatiques plus risquées cet été.Audrey R. Giles, Professor in Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of OttawaSofia Pantano, Masters Student, Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of OttawaUmerdad Khudadad, PhD Student, School of Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909962022-09-21T18:33:18Z2022-09-21T18:33:18ZVoici pourquoi il faut interdire l’alcool à la chasse<p>Le Sénat vient de publier un rapport d’information proposant <a href="http://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-882-notice.html">« d’interdire l’alcool et les stupéfiants lors de la chasse »</a> et de prendre des <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/le-senat-propose-un-taux-maximal-d-alcoolemie-pour-la-chasse-20220916">mesures similaires</a> à celles appliquées pour la conduite. Cette idée a été fustigée par le président de la Fédération nationale des chasseurs Willly Schraen, lequel n’a pas manqué de rétorquer qu’<a href="https://www.marianne.net/societe/agriculture-et-ruralite/le-velo-bourre-cest-dangereux-aussi-nouvel-argument-du-patron-des-chasseurs-pour-esquiver-le-debat">« un mec bourré sur un vélo, c’est dangereux aussi »</a>, oubliant que les règles qui s’appliquent aux automobilistes en matière d’ébriété <a href="https://www.securite-routiere.gouv.fr/chacun-son-mode-de-deplacement/dangers-de-la-route-velo/bien-circuler-velo">valent aussi pour les cyclistes</a>.</p>
<p>L’argument véhément du patron de la chasse française ne semble pas résister à la comparaison internationale, quand dans d’autres pays, les organisations de chasseurs recommandent l’abstention d’alcool. Prenons le site officiel d’une <a href="https://www.hunter-ed.com/newyork/studyGuide/Alcohol-and-Drugs/20103502_138053/">agence américaine d’éducation à la chasse</a> : il y est rappelé que « consommer de l’alcool avant ou pendant la chasse augmente les risques d’accident en affectant la coordination, l’audition, la vision, la communication et le jugement ».</p>
<p>Cette préconisation de bon sens n’est pas superflue, puisque l’alcool semble faire encore partie du monde cynégétique, en France comme à l’étranger.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chasse-une-histoire-avec-le-pouvoir-145191">La chasse, une histoire avec le pouvoir</a>
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<h2>Aux États-Unis, un loisir souvent pratiqué en état d’ivresse</h2>
<p>Ainsi, aux États-Unis, (où la consommation d’alcool moyenne est de <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.ALC.PCAP.LI?locations=US">20 % inférieure</a> à la nôtre dans la population générale), une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01639625.2019.1631069">récente enquête</a> menée sur un échantillon représentatif de 2349 jeunes adultes indiquait que 23 % des chasseurs de sexe masculin avaient déjà pratiqué leur loisir en état d’ivresse.</p>
<p>Et en France ? Malgré l’absence de données chiffrées, le rapport sénatorial se hasarde à parler d’une « petite minorité » de personnes qui chasseraient en étant ivres.</p>
<p>Concernant les décès et incidents graves, les sénateurs sont plus précis : 9 % d’entre eux sont imputables à l’ébriété d’un chasseur.</p>
<p>Ce rapport très hexagonal ignore malheureusement la plupart des données internationales disponibles sur le sujet. Il omet de mentionner qu’aux États-Unis, <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.78.12.158">l’ébriété est présente dans 15 % des accidents de chasse</a>. Est également passée sous silence cette vaste étude danoise auprès de 1800 chasseurs qui montre que le risque d’accident impliquant une arme à feu <a href="https://journals.lww.com/jtrauma/Abstract/2009/12000/Firearm_Related_Hunting_Accidents_in_Denmark.21.aspx">croît directement avec l’alcoolémie</a></p>
<p>Le récent rapport du Sénat ne prend pas non plus la peine de clarifier en quoi l’alcool s’avère fortement accidentogène. On peut pourtant repérer trois conséquences de l’ébriété qui y contribuent.</p>
<h2>Locomotion et coordination motrice</h2>
<p>Une étude menée en Suisse dans un service d’urgence hospitalière indiquait qu’un tiers des blessures occasionnées à la chasse résultaient de chutes, par exemple quand un <a href="https://www.hindawi.com/journals/emi/2015/284908/">tireur dégringole de son mirador</a>. L’alcool favorise ce type d’incident notamment par son action perturbatrice sur l’oreille interne, qui régule l’équilibre, <a href="https://doi.org/10.1016/j.alcohol.2008.04.004">ainsi que sur le cervelet</a>. L’anticipation et la coordination du mouvement sont touchés.</p>
<p>Par exemple, une <a href="https://bmcresnotes.biomedcentral.com/articles/10.1186/1756-0500-3-243">recherche menée par Judith Hegeman</a> dans un laboratoire de recherche d’Amsterdam montrait que lorsque des personnes évoluent sur un tapis roulant, même à de faibles concentrations d’alcool, leur temps de réaction pour l’évitement d’obstacles est fortement majoré.</p>
<h2>Altérations visuelles et auditives</h2>
<p><a href="https://www.thieme-connect.de/products/ejournals/abstract/10.1055/s-2008-1050922">L’alcool détériore aussi la vision périphérique</a>, ce qui peut affecter l’appréciation et le respect des angles de tir. Il est responsable de la fameuse diplopie (vue dédoublée) et de <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03207543">la vision floue</a> en perturbant l’action des muscles ciliaires qui commandent le focus visuel.</p>
<p>Il favorise également <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/415330/">l’éblouissement</a>, car les muscles sphincters qui exécutent l’ouverture et la fermeture de la pupille selon la luminosité ambiante sont ralentis.</p>
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<p>À long terme, une <a href="https://theconversation.com/alcool-et-autres-substances-pourquoi-leur-dangerosite-est-elle-sous-estimee-par-les-usagers-159369">alcoolisation élevée</a> altère la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26465148/">perception des couleurs</a>, provoque des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34055263/">pathologies chroniques</a> comme la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20443769/">cataracte</a> et <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02713683.2021.1942070">favorise la dégénérescence maculaire liée à l’âge</a> (DMLA) : affection se traduisant par une <a href="https://theconversation.com/la-degenerescence-maculaire-est-la-premiere-cause-de-cecite-au-pays-comment-la-prevenir-154683">dégradation de la partie centrale de la rétine</a>.</p>
<p>Ajoutons enfin que l’alcool <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33341812/">brouille aussi l’audition</a>. Dans une étude, un chercheur d’une université coréenne a alcoolisé plusieurs dizaines de participants (0,5 gramme, soit deux verres standards), puis les a soumis à une batterie de tests incluant des tâches de détections de tonalité, des exercices de reconnaissance de mots ou de compréhension de paroles dans le bruit. Par rapport aux résultats à jeun, les capacités auditives des participants étaient déficientes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/tabac-alcool-et-autres-drogues-ils-modifient-notre-epigenome-178706">Tabac, alcool et autres drogues… Ils modifient notre épigénome</a>
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<h2>Erreurs de jugement</h2>
<p>Lorsque l’on prend conscience de l’étendue des effets de l’alcool sur la vision et l’audition, on comprend mieux certains faits qui émaillent la presse régionale, comme l’incident de ce chasseur ivre, qui, visant un lièvre, <a href="https://www.lyonmag.com/article/90723/beaujolais-le-chasseur-ivre-vise-un-lievre-et-tire-sur-son-ami">criblait de plomb son acolyte</a>.</p>
<p>Pourtant, accorder un grand poids explicatif à ces altérations perceptuelles serait faire fausse route. En effet, <a href="https://www.ofb.gouv.fr/la-securite-la-chasse">selon l’Office français de la biodiversité</a> (OFB), les accidents de chasse résultent fréquemment de manques de prudence et d’erreurs de jugement, comme le fait de tirer sans identifier sa cible, le non-respect de l’<a href="https://www.chasse-nature-71.fr/reglementation-securite/">angle de 30 degrés</a> (interdiction de tirs dans les secteurs angulaires de 30 degrés à gauche et à droite) ou les tirs en direction d’habitations.</p>
<p>Comme le rappelle l’OFB, les projectiles utilisés peuvent parcourir une distance allant jusqu’à cinq kilomètres. Ivre ou sobre, quand une cible est éloignée voire mouvante, comment garantir que les balles ne toucheront pas <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/haute-savoie/ouverture-du-proces-du-chasseur-accuse-avoir-tue-vetetiste-haute-savoie-1900586.html">plutôt un VVTiste</a>, une <a href="https://www.20minutes.fr/faits_divers/2338343-20180918-limoges-fillette-grievement-blessee-chasseur-tirait-faisan">fillette de dix ans qui joue au bord d’une rivière</a> ou une <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1143614/article/2022-02-22/femme-de-25-ans-tuee-lors-d-un-accident-de-chasse-ce-qu-sait-sur-ce-drame">jeune randonneuse</a> ?</p>
<h2>L’alcool pousse souvent à choisir l’option la plus risquée</h2>
<p>La décision d’appuyer sur la gâchette ou de s’abstenir de tirer implique une troisième dimension psychologique plus complexe : l’appréciation de la situation. Selon le rapport du sénat :</p>
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<p>« Plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves enfreignant les règles élémentaires de sécurité. S’y ajoute une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques. »</p>
</blockquote>
<p>L’évaluation du risque et la représentation des conséquences de son acte sont deux modalités qui sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33065446/">notoirement affectées par l’ébriété</a>.</p>
<p>Ceci a été montré de manière simplifiée durant une étude de 2015 menée dans un bar et durant laquelle on présentait à des hommes et femmes de 18 à 43 ans deux bocaux remplis de cartes. On les informait qu’ils pouvaient gagner un prix en choisissant l’une d’elles : dans le bocal de droite, il y avait 50 % de cartes gagnantes, tandis que la probabilité de gagner était inconnue pour celui de gauche. Les résultats ont montré que les hommes ivres (mais non les femmes) choisissaient <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25642202/">davantage l’option la plus risquée</a>. Tirer dans l’incertitude en espérant faire mouche relève probablement du même phénomène.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/consommation-dalcool-quelles-tendances-apres-un-an-de-crise-154495">Consommation d’alcool : quelles tendances après un an de crise ?</a>
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<h2>L’un des premiers facteurs d’agressivité humaine</h2>
<p>En affectant directement le cortex préfrontal, l’alcool perturbe les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/hup.1194">fonctions cognitives exécutives</a> qui sont impliquées dans la capacité à envisager ou adopter plusieurs options à un moment donné pour résoudre un problème (la flexibilité cognitive), l’attention, l’inhibition de l’action et les <a href="https://compass.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1751-9004.2007.00051.x">conduites d’agression</a>. Il constitue même la substance psychoactive la plus constamment reliée à <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/drogues-alcool-et-agression-equation-chimique-et-sociale-violence">l’agression humaine dans le monde</a>.</p>
<p>Certes, ce n’est pas l’alcool mais des chasseurs qui ont tué par balle <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/11/17/en-20-ans-les-chasseurs-ont-tue-plus-de-400-personn">400 personnes</a> depuis 20 ans en France et blessé des milliers d’autres (l’alcool en a tué en réalité <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2021-05/inserm-expertisecollective-alcool2021-synthese.pdf">près d’un million au total</a>, mais par d’autres moyens).</p>
<p>Cependant, puisqu’il est clairement identifié comme un facteur de risque évitable, il paraît judicieux d’interdire sa consommation à des personnes qui tirent avec des carabines et des fusils semi-automatiques dans les domaines forestiers fréquentés par des publics. Alcoolisés, les chasseurs présentent un risque létal pour tous, y compris pour eux-mêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190996/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). </span></em></p>Durant la chasse, la consommation d’alcool affecte la perception, la motricité et le jugement. Pour ces trois raisons, il constitue un facteur de risque avéré d’accidents.Laurent Bègue-Shankland, Addictologue, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1891572022-09-14T18:05:29Z2022-09-14T18:05:29ZAccidents industriels : apprendre aux robots à nous aider<p>Le 26 septembre 2019, un incendie s’est déclaré dans la zone de stockage de l’usine de produits chimiques <a href="https://www.seine-maritime.gouv.fr/Actualites/Incendie-Lubrizol-et-NL-Logistique-du-26-septembre-2019/Incendie-Lubrizol-et-NL-Logistique-du-26-septembre-2019">Lubrizol à Rouen</a>. Cette usine synthétise et stocke des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Additif">additifs</a> pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lubrifiant_(m%C3%A9canique)">lubrifiants</a>. Le feu s’est rapidement étendu dans la zone de stockage et a également touché une partie des entrepôts voisins appartenant à Normandie Logistique. Le panache de fumée qui s’est formé a ensuite survolé plusieurs zones résidentielles.</p>
<p>Si heureusement aucune victime n’est à déplorer, ce sinistre a relancé le débat sur la sécurité des sites à risques et <a href="https://anr.fr/fileadmin/aap/2021/selection/ra-SIOMRI-selection-2021.pdf">plusieurs études scientifiques</a> ont été impulsées, notamment en région Normandie, pour apporter des solutions opérationnelles aux situations de crise, en particulier l’<a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-SIOM-0009">utilisation de robots mobiles pour collecter des informations en toute sécurité dans les zones exposées</a>.</p>
<p>En effet, après un incident majeur, il est souvent impossible de disposer d’un relevé suffisamment précis d’une situation qui évolue rapidement et de manière imprévisible. À cause des dangers encourus, il est aussi difficile de dépêcher sur zone des observateurs ou des inspecteurs.</p>
<p>Recourir à des drones et à des véhicules automatisés, en les équipant de capteurs dédiés pour prendre des mesures, faire des photos, ou encore prélever des échantillons, présente dans ces circonstances de nombreux avantages : ces robots sont capables de se déplacer en milieu hostile, ils disposent d’une certaine capacité d’adaptation et peuvent <a href="https://dl.acm.org/doi/10.1145/3303848">coopérer entre eux</a> afin de réaliser des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9165914">tâches d’inspection complexes sur des sites couvrant plusieurs kilomètres carrés</a>. Mais peut-on confier en totalité ces missions à des robots ?</p>
<h2>Apprendre aux robots à prendre des décisions rapidement</h2>
<p>Pour utiliser efficacement ces nouvelles technologies, il est nécessaire de doter les robots d’algorithmes de prise de décision et de méthodes d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Apprentissage_automatique">apprentissage automatique</a> afin de les <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-18299-5_2">aider à répartir entre eux les tâches qu’ils devront accomplir</a>. Il faut décider quelle ronde sera réalisée par chaque agent, quelles informations il devra recueillir durant sa mission et dans quel ordre les tâches seront effectuées. Pour lever les doutes à certains endroits sensibles, il faudra peut-être recourir à plusieurs agents, alors qu’à l’inverse certaines tâches moins critiques pourront être prises en charge indifféremment par l’un ou l’autre robot.</p>
<p>De plus, le problème est contraint par des considérations technologiques selon les équipements disponibles : les drones se déplacent rapidement mais l’autonomie de leur batterie limite leur rayon d’action et la durée de leurs missions ; les robots terrestres disposent d’une plus grande autonomie mais ne sont pas capables de se déplacer sur tous les terrains… Configurer la mission d’inspection devient rapidement compliqué, encore plus lorsque le sinistre vient de se produire et que la confusion règne.</p>
<h2>La recherche à la rescousse</h2>
<p>Des spécialistes en informatique, automatique et robotiques développent les outils nécessaires à la programmation des agents robotiques, afin que ceux-ci acquièrent une certaine autonomie comportementale qu’ils mettraient à profit une fois sur le terrain. Ainsi, ces agents pourraient intervenir non seulement pour des missions de routine mais également en situation de crise. Les méthodes d’<a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Combinatorial_optimization">optimisation combinatoire</a> contribuent à résoudre ces problèmes et peuvent aider les opérateurs des services d’intervention et de secours à organiser rapidement et efficacement la collecte d’information.</p>
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<p>Aujourd’hui, des modèles mathématiques existent et des approches exactes, telles que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Optimisation_lin%C3%A9aire">programmation linéaire</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Programmation_dynamique">dynamique</a>, peuvent être mises en œuvre : l’idée est alors de trouver la meilleure solution en regard d’un critère donné. Ce critère dépend du contexte et de l’incident : durée de l’inspection, nombre des agents sollicités, ou encore coût économique des missions.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482737/original/file-20220905-2279-gjnbt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un véhicule robotisé pour aider les pompiers de Los Angeles à combattre les feux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lafd/50473104823">Los Angeles City Fire Department/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>En théorie, tout ce qui peut être « formalisé » au travers du modèle peut être optimisé !</p>
<h2>Des solutions imparfaites mais adaptées pour les flottes de robots</h2>
<p>La grande difficulté de ces approches est le passage à l’échelle : le même algorithme qui produira en moins d’une fraction de seconde, la solution optimale pour deux ou trois robots identiques et une vingtaine de mesures à prendre en quelques endroits connus, nécessitera des heures voir des jours de calcul si l’on considère une dizaine de robots différents, davantage de mesures et une zone plus vaste à explorer. Ce problème est connu sous le nom d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Probl%C3%A8me_NP-complet">« explosion combinatoire »</a> et ne peut être complètement résolu par l’augmentation de la puissance de calcul. Chaque fois qu’un agent ou qu’une mesure supplémentaire est considéré, le temps de calcul sera, lui, multiplié par deux, alors même que la situation continue d’évoluer et que de nouvelles demandes apparaissent. Lorsque les requêtes s’accumulent plus rapidement qu’elles ne peuvent être traitées, le système sature et devient inopérant.</p>
<p>La résolution à ce problème passe par un changement de paradigme. L’optimalité et l’exactitude sont abandonnées au profit de l’efficacité et de la rapidité. Une <a href="https://www.journaldunet.fr/web-tech/dictionnaire-du-webmastering/1445288-heuristique-informatique-definition-et-fonctionnement/">« approche heuristique »</a> est privilégiée. Il ne s’agit plus de trouver la solution optimale, mais la solution la meilleure possible… ou la moins mauvaise.</p>
<p>Ces nuances vont permettre de faire toute la différence. Imaginez les solutions potentielles comme autant de feuilles sur un arbre. Là où les méthodes exactes vont examiner les feuilles une à une afin de trouver la solution parfaite, les méthodes heuristiques vont commencer par élaguer l’arbre, ne conserver que quelques branches et finalement certains rameaux. La probabilité de retenir la solution parfaite est faible, mais si les rameaux retenus ont été bien choisis, la solution ne sera pas mauvaise pour autant. Ainsi, l’intelligence de ces approches réside-t-elle dans sa capacité à éliminer progressivement les solutions les plus médiocres et à conserver les plus prometteuses.</p>
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<iframe src="https://giphy.com/embed/AgLXBhl7TkIHu6ctxm" width="100%" height="270" frameborder="0" class="giphy-embed" allowfullscreen=""></iframe>
<p><a href="https://giphy.com/gifs/AgLXBhl7TkIHu6ctxm"></a></p><figcaption>Stratégie d’exploration de l’algorithme de recherche. Les sommets sont numérotés selon l’ordre de l’exploration. Le sommet initial 0 génère trois successeurs, 1, 2 et 3, qui forment la liste initiale de candidats, ordonnée par valeurs croissantes du coût « f ». Le sommet avec le coût le plus faible est développé (ici, le sommet 1), et ainsi de suite jusqu’à atteindre le sommet final. Lorsque la fonction coût « f » est bien choisie, le sommet final est toujours atteint sans avoir exploré la totalité de l’arbre et avec un coût proche du coût minimal. Source : Dimitri Lefebvre </figcaption></figure>
<p>Mais comment ce tri est-il réalisé ? L’astuce est de définir un critère pour évaluer et classer les solutions potentielles sans avoir à les calculer explicitement. Reprenons l’analogie avec l’arbre et imaginons un instant que l’examen des branches et des rameaux nous renseigne sur l’état des feuilles. Il suffira d’évaluer progressivement la ramure de l’arbre afin d’affiner la recherche de la meilleure solution possible, sans jamais regarder précisément le feuillage. La qualité du résultat dépendra de la finesse de cette évaluation.</p>
<p>Ramené au cas qui nous intéresse, à savoir l’affectation des tâches de surveillance aux différents robots de la flotte et la planification de leurs trajets, un algorithme commence par affecter chaque robot à l’une des tâches pour lesquelles il est compétent. Il calcule ensuite la durée ou l’énergie nécessaire à l’exécution de cette tâche par le robot choisi et surtout il évalue la durée ou l’énergie résiduelle nécessaire pour exécuter les tâches qui n’ont pas encore été affectées.</p>
<p>Ce principe permet de classer à chaque étape de l’algorithme la qualité des solutions partielles calculées, en fonction du critère choisi, pour ne conserver que les meilleures d’entre elles.</p>
<p>Ce sont précisément des méthodes de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme_de_Dijkstra">parcours de graphes</a>, de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Algorithme_de_recherche_en_faisceau">recherche en faisceau</a>, et d’apprentissage automatique qui sont étudiées et améliorées par les chercheurs pour qu’elles puissent être utilisées par les robots mobiles. Ainsi dotés de capacités de décision, les robots pourront s’adapter et réagir rapidement dans des situations difficiles avec le niveau d’autonomie que leur auront conféré les experts et les opérateurs de l’intervention. Ce degré d’autonomie restera cependant contraint par le nombre et la diversité des situations – réelles ou fictives – auxquelles les robots auront été confrontés durant leur programmation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189157/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'Université Le Havre Normandie a reçu des financements de l'ANR et la Région Normandie pour le projet APPRENTIS de ANR-SIOMRI . </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L'Université Le Havre Normandie a reçu des financements de l'ANR et la Région Normandie pour le projet APPRENTIS de ANR-SIOMRI</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>L'Université Le Havre Normandie a reçu des financements de l'ANR et la Région Normandie pour le projet APPRENTIS de ANR-SIOMRI </span></em></p>Les robots devront prendre des décisions de façon autonomes et se coordonner entre eux.Dimitri Lefebvre, Professeur en automatique, Université Le Havre NormandieHamza Chakraa, PhD student in Automation and Robotics, Université Le Havre NormandieMarwa GAM, Doctorante, Université Le Havre NormandieSara Hsaini, ingénieur de recherche en informatique, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874542022-08-30T18:51:24Z2022-08-30T18:51:24ZEst-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475391/original/file-20220721-24-1lnoe3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C7%2C1128%2C774&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’après l’Agence internationale de l’énergie, il y a eu au moins 35&nbsp;millions de SUV en plus sur les routes du monde entier en 2021.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Rows_of_car_headlights_(Unsplash).jpg">Wikimedia commons</a></span></figcaption></figure><p>D’après une étude publiée dans <em>The Lancet</em> Public Health, les blessures causées par les accidents de la route devraient coûter à l’économie mondiale 1 800 milliards de dollars entre 2015 et 2030, soit <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(19)30170-6/fulltext">0,12 % du PIB mondial chaque année</a>. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait en 2018 à 1 350 000 le nombre de décès dans le monde des suites d’un accident de la route (contre moins de 1 200 000 en 2000). Dans plus de la moitié des cas, les victimes sont les usagers les plus vulnérables : les cyclistes et les piétons.</p>
<p>Un élément clé de ce problème reste la conduite des automobilistes. Les mesures de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/securite-routiere-48255">sécurité routière</a>, concernant les équipements de sécurité des véhicules ou le code de la route, se sont multipliées ces dernières décennies. Avec un certain succès en Europe et dans l’est de l’Asie, où la mortalité a reculé. Mais la tendance reste à la hausse ailleurs.</p>
<iframe src="https://extranet.who.int/roadsafety/death-on-the-roads?embed=true#trends" style="border: 0; width: 100%; height: 700px" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Dans les politiques de sécurité routière, le lien entre comportement à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> des conducteurs et taille des voitures n’a guère été pris en compte dans l’équation. Or, c’est en comprenant ce qui pousse les conducteurs à prendre des risques que l’on pourrait aussi réduire les accidents de la route et limiter leurs impacts sur la société.</p>
<p>Ce lien entre taille des voitures et prise de risque n’a rien d’évident. D’un côté, les consommateurs se sentent rassurés lorsqu’ils choisissent de grosses voitures. De l’autre, les statistiques indiquent que les grosses voitures sont beaucoup <a href="https://doi.org/10.1016/j.trb.2013.01.007">plus souvent impliquées dans les accidents</a>, ce qui pourrait laisser penser que les conducteurs de grosses voitures prennent plus de risques.</p>
<h2>« Coussin de sécurité »</h2>
<p>Les grosses voitures sont de plus en plus nombreuses sur les routes. D’après l’Agence internationale de l’énergie, il y a eu au moins <a href="https://www.iea.org/commentaries/global-suv-sales-set-another-record-in-2021-setting-back-efforts-to-reduce-emissions">35 millions de SUV en plus sur les routes</a> du monde entier en 2021, avec des niveaux record en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Chine.</p>
<p>Dans le même temps, les modèles les plus vendus ont pris du volume depuis quelques décennies. Une <a href="https://www.zuto.com/car-size-evolution/">étude menée par le courtier en crédit spécialisé britannique Zuto</a> fournit quelques exemples intéressants : la taille de la Ford Mustang a augmenté de 63 % depuis 1964, et la Mini de 61 %.</p>
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<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
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<p>Si la taille des véhicules influence le comportement des automobilistes, cette course au volume aura des répercussions négatives sur les accidents de la route. Ce constat nous a conduits à étudier l’idée suivante dans <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10603-022-09511-w">nos recherches</a> : les grosses voitures donneraient-elles aux conducteurs l’impression de disposer d’un « coussin de sécurité » qui les inciterait à prendre plus de risques ?</p>
<p>Nous avons utilisé un simulateur extrêmement réaliste de formation des conducteurs pour tester les différences de conduite entre les petites et les grosses voitures. Les réglages du simulateur sont restés identiques mais on a indiqué aux participants qu’ils étaient au volant soit d’une petite voiture (Toyota Yaris), soit d’une grande voiture (Toyota Avensis Wagon). On leur a demandé de conduire normalement pendant la simulation.</p>
<p>Les résultats ont montré que les participants qui pensaient être au volant d’une grosse voiture ont conduit de manière plus sportive et ont eu un comportement plus risqué qu’avec une plus petite voiture. La voiture était pourtant la même, avec une réaction identique lorsqu’on appuie sur l’accélérateur ou sur le frein. Seul le comportement changeait. Ils se pensaient donc mieux protégés dans les grosses voitures et prenaient plus de risques.</p>
<h2>Une prise de risque globale plus élevée</h2>
<p>Une seconde expérience a montré que cette prise de risque globale plus élevée a d’autres conséquences. Nous nous sommes demandé si les conducteurs prenaient aussi plus de risques une fois sortis de leur véhicule, et nous avons relevé que le sentiment de sécurité que procure la voiture constituait effectivement un bon indicateur de la prise de risque globale, c’est-à-dire également en dehors de la route.</p>
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<p>D’autres études étayent ce constat. Par exemple, de précédentes recherches ont montré que les chauffeurs de poids lourds ont souvent un accident peu de temps après avoir quitté leur véhicule. L’explication est que le sentiment de sécurité ressenti à l’intérieur du camion se prolonge en dehors du véhicule et <a href="https://doi.org/10.1016/S0001-4575(96)00084-X">conduit à une prise de risque excessive</a>.</p>
<p>La prise de risque se décline donc à différents niveaux, au volant de la grosse voiture puis une fois hors de l’habitacle. L’effet de « coussin de sécurité » peut d’ailleurs inciter une personne à acheter ou non un billet de loterie dans une station-service, ou bien une boisson plutôt qu’une autre.</p>
<h2>Un nouveau malus en France</h2>
<p>Ces résultats incitent donc les gouvernements à privilégier la piste d’une taxation au poids ou à la taille du véhicule, qui existe déjà dans de <a href="https://www.acea.auto/uploads/news_documents/ACEA_Tax_Guide_2020.pdf">nombreux pays d’Europe</a>, dans un objectif de sécurité routière. En France, une loi qui impose un <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/malus-vehicules-polluants">malus à partir de 1800 kg</a> est entrée en vigueur depuis 2022.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-interdire-les-vehicules-thermiques-175572">« Le pour et le contre » : Faut-il interdire les véhicules thermiques ?</a>
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<p>Ces mesures se justifieraient d’autant plus que les grosses voitures peuvent aussi provoquer des dommages plus importants en cas d’accident en raison de leur taille et éprouvent davantage les infrastructures : elles abîment plus les routes et ont besoin de plus d’espace pour le stationnement.</p>
<p>Sachant cela, les infrastructures peuvent aussi être conçues de manière à sauver des vies. En effet, si les rues sont plus étroites, la prise de risque des conducteurs de gros véhicules sera moindre car ils ralentiront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bart Claus a reçu des financements de la gouvernement Belge pour soutenir ces recherches doctorales: Belgian Federal Science Policy Office BELSPO Grant FSB-CBSM SD/TA/11.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Luk Warlop ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les conducteurs des véhicules les plus imposants tendent à prendre plus de risques au volant – mais aussi hors de la route.Bart Claus, Assistant professor of marketing, IÉSEG School of ManagementLuk Warlop, Professor of Marketing, BI Norwegian Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854382022-07-28T19:58:18Z2022-07-28T19:58:18Z« Et si on changeait de file ? » Quelques conseils sur la route des vacances<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470790/original/file-20220624-26-ogkftp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C46%2C5129%2C3833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un peu de mathématiques pour aborder les embouteillages de façon rationnelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/n7QIPiSjCGQ">Photo par Refine 網頁設計 , Unsplash</a></span></figcaption></figure><p><em>Les vacances d'été amènent leur lots de questions cruciales, que nous abordons dans notre série « La science des vacances » : comment ce <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-formation-des-vagues-et-comment-les-surfeurs-les-domptent-186414">surfeur tient-il sur sa planche</a> ? Comment se <a href="https://theconversation.com/comment-bien-choisir-ses-vetements-et-son-parasol-pour-se-proteger-du-soleil-164452">protéger du soleil</a> ? Où construire un <a href="https://theconversation.com/comment-construire-un-chateau-de-sable-parfait-grace-a-la-science-80105">château de sable</a> ? D'où viennent les <a href="https://theconversation.com/lodeur-de-la-nature-une-composante-de-la-biodiversite-114492">odeurs de la nature</a>, et à quoi servent-elles ? Nous vous proposons 5 articles pour bronzer moins bête.</em></p>
<p>C’est les vacances, jour de grands départs… Au bout de quelques kilomètres, vous vous retrouvez dans une file, coincé entre deux voitures, à rouler à une vitesse d’escargot. C’est frustrant et vous entamez une discussion avec vos coéquipiers sur la stratégie à suivre : rester patiemment dans sa file ? Changer de file ? Quitter l’autoroute ? Faire une pause et redémarrer plus tard ? Il y a matière à débats, qui peuvent être un peu agités quand notre patience est mise à rude épreuve.</p>
<p>La décision n’est pas simple et elle repose seulement sur des impressions ; une file semble aller plus vite, les petites routes semblent permettre une conduite plus facile, faire une pause serait moins frustrant mais peut retarder l’arrivée. Les prévisions des divers assistants à la navigation, comme Google Maps, sont assez mauvaises. Alors, comment prendre une décision rationnelle ?</p>
<h2>Changer de file, une fausse bonne idée</h2>
<p>Une idée est de faire appel à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_files_d%27attente">théorie des files d’attente</a>. La théorie des files d’attente permet de modéliser les processus d’attente mathématiquement et d’obtenir des formules qui aident à prendre des décisions. Tentons alors d’explorer les différentes alternatives. La plus simple déjà : changer de file. Une manière de modéliser la situation est de considérer que chaque file sur l’autoroute est une file d’attente. Les conducteurs peuvent choisir de changer de file à tout moment. Il s’agit donc d’un « problème de routage » vers des files parallèles.</p>
<p>Donald Redelmeier et Robert Tibshirani ont démontré en 1999 que les files sur l’autoroute ont généralement des <a href="https://www.nature.com/articles/43360">taux d’écoulement identiques à long terme</a>, ce qui indique que changer de files n’apporte rien statistiquement (ou plus précisément qu’une accélération momentanée sera compensée par un ralentissement plus tard).</p>
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<p>Ils ont aussi montré que les conducteurs surestiment la vitesse des files dans lesquels ils ne sont pas. Cette illusion se produit parce que les conducteurs attachent plus d’importance à ne pas être dépassé par d’autres véhicules qu’à les dépasser. Savoir que cet effet est illusoire pourrait inciter les conducteurs à résister aux tentations de changer de voie.</p>
<h2>Un accident, ça change tout</h2>
<p>Néanmoins, il y a deux cas où le choix de la file peut se révéler pertinent. Le premier est lorsqu’un accident conduit à une réduction du nombre de files accessibles aux véhicules. Dans ce cas, il arrive que les véhicules qui n’ont pas besoin de changer de file bénéficient d’une légère priorité. Il en résulte un meilleur écoulement sur cette file. Les recherches récentes sur les files d’attente avec règles de priorité montrent qu’une file non prioritaire peut être <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF01158878">20 à 30 % plus lente</a> qu’une file prioritaire.</p>
<p>Un conseil donc si vous avez de la visibilité : mettez-vous dans la file qui ne sera pas coupée à l’endroit de l’accident. Si vous n’avez pas de visibilité (c’est souvent le cas), fiez-vous alors à l’avancement d’une voiture initialement au même niveau que vous dans une autre file. Plus celle-ci avancera loin devant vous, plus vous avez des chances que sa file soit plus rapide. Attention toutefois ; la <a href="https://theconversation.com/maths-au-quotidien-comment-choisir-la-bonne-file-dattente-181983">variabilité joue un rôle</a>. Une file peut être momentanément plus rapide et ralentir ensuite.</p>
<p>Second conseil donc : attendez un peu avant de changer de file. Si vous observez qu’un écart d’au moins 20 véhicules a tendance à se maintenir (ou augmenter) entre vous, c’est peut-être le moment de changer de file.</p>
<h2>Prendre la file la plus courte</h2>
<p>Le second choix de file est au niveau des péages autoroutiers. Il conduit généralement à des attentes plus courtes que lors des accidents mais cela peut valoir la peine de bien choisir sa file.</p>
<p>En priorité, et sans connaissance de la durée de service, le choix de la file la plus courte en nombre de véhicules est souvent le meilleur. Pour améliorer la prise de décision, en particulier pour deux files de taille similaire, il faudrait avoir une idée de la vitesse de service de chaque file. Obtenir de telles statistiques est <a href="https://www.imo.universite-paris-saclay.fr/%7Epansu/web_ifips/Estimation_ch5.pdf">difficile à mettre en œuvre en pratique</a>.</p>
<p>Une étude a montré qu’un départ de véhicule peut être un signe qu’une file a une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11134-017-9557-7">vitesse d’écoulement plus rapide</a>. La raison vient du risque de blocage. Des études ont démontré que certains temps de service peuvent être excessivement longs et que l’occurrence d’un temps de service très long augmente le risque de revoir un <a href="http://www.scielo.org.co/scielo.php?pid=S0120-56092010000200014&script=sci_arttext&tlng=en">autre service très long plus tard</a>. Ainsi, le départ d’un véhicule donne l’information d’un service court et d’une file non bloquée. Du coup, si deux files ont la même taille, le mieux est de rejoindre celle qui vient de voir un véhicule partir.</p>
<h2>Faire une pause ?</h2>
<p>Si votre GPS indique que l’embouteillage est trop important, vous pouvez simplement choisir de faire une pause si une aire d’autoroute se présente, et de revenir sur la route plus tard. Ce type de stratégie est classique dans les centres d’appels où les clients <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0166531615000930">tentent de rappeler aux heures creuses</a>.</p>
<p>Une formule simple de la théorie des jeux sur les files d’attente permet alors de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=K5KhJSZkhHQC">décider de la pertinence d’une pause</a>. Il faut trouver un équilibre entre le temps perdu dans la pause et le temps gagné en évitant l’embouteillage et généralement, on pondère ce gain par le « coût psychologique » de la pause et le coût de l’essence. À vous alors de comparer l’inconvénient de reporter un peu son heure d’arrivée au prix de l’essence.</p>
<h2>Mon assistant de navigation suggère de prendre une petite route…</h2>
<p>La dernière alternative est de passer par les petites routes. Au-delà d’un certain seuil d’attente, cela a effectivement un sens, mais attention, les coûts de carburant peuvent augmenter avec les kilomètres supplémentaires parcourus. La <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15326349.2017.1303615">préférence pour un trajet plus long</a> peut être reliée à la préférence pour un service lent dans les études de file d’attente.</p>
<p>Pour comprendre l’idée, supposons que vous êtes le premier client d’une file d’attente avec deux agents. Le premier agent sert les clients en 2 minutes alors que le deuxième agent a besoin de 5 minutes pour faire un service. Si l’agent rapide est occupé et l’agent lent est disponible, vous n’allez pas choisir de rejoindre l’agent lent, car vous quitterez le système au bout de 5 minutes alors qu’en attendant que l’agent rapide soit disponible, vous quitterez le système au bout de 4 minutes (2 minutes d’attente et 2 minutes de service). Si vous n’êtes pas le premier client, mais le second client de la file, vous allez sélectionner l’agent lent, car avec l’agent rapide, vous quitterez le système au bout de 6 minutes (attente de deux services de 2 minutes et encore 2 minutes pour votre propre service).</p>
<p>La prise de décision est similaire pour le choix des petites routes. Il faut vérifier que le temps de trajet total est plus court par les petites routes. Spécifiquement, il faut que le temps de trajet par les petites routes soit significativement plus court et moins coûteux en essence pour choisir cette alternative. Notons que les nouvelles fonctionnalités de Google Maps permettent de choisir les <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/34252-google-maps-va-afficher-litineraire-le-plus-econome-en-carburant/">trajets les moins consommateurs de carburant</a>. Ces trajets ne sont pas nécessairement les plus courts.</p>
<p>En résumé, le choix de la bonne file est un problème assez rationnel. Les mauvais choix viennent de décisions trop rapides et d’émotions négatives. En prenant le temps, avec quelques intuitions, et quelques formules mathématiques, vous avez des chances d’arriver à destination plus vite que prévu.</p>
<p>Bon voyage !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185438/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Legros ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les embouteillages sont souvent un moment de stress et de tension, que les mathématiques peuvent nous aider à surmonter.Benjamin Legros, Professeur en Finance, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816662022-04-26T19:46:04Z2022-04-26T19:46:04ZImages de science : Comprendre les flammes pour éviter les accidents industriels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458893/original/file-20220420-20-q8narj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C2101%2C2098&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Simuler la propagation de flammes au travers d'obstacles pour mieux comprendre le risque d'explosion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julien Réveillon, Coria, MécaPixel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Sur cette image, on voit la simulation d’une flamme lors d’une explosion, en gris, enserrée par une série d’obstacles, en violet. Ce type de simulation permet de mieux comprendre comment les flammes se propagent autour des constructions industrielles et de limiter les dégâts des explosions accidentelles.</p>
<p>Les sites chimiques industriels ont le potentiel d’être le théâtre d’événements destructeurs, porteurs d’un bilan humain et matériel catastrophique. Des catastrophes comme celles de <a href="https://theconversation.com/beyrouth-comment-le-nitrate-dammonium-a-pu-declencher-de-telles-explosions-144008">Beyrouth en 2019</a> au Liban, d’<a href="https://theconversation.com/lubrizol-la-sous-traitance-catalyseur-de-catastrophe-industrielle-125319">AZF en 2001</a> en France, de <a href="https://www.osti.gov/biblio/7351990-detonation-flammable-cloud-following-propane-pipeline-break-december-explosion-port-hudson-mo">Port Hudson en 1970</a> aux États-Unis ou de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Buncefield">Buncefield en 2005</a> au Royaume-Uni montrent que nul n’est à l’abri d’un accident industriel qui laisse des traces profondes dans la société.</p>
<p>Des causes très différentes peuvent être à l’origine de ces catastrophes industrielles. Les catastrophes de Port Hudson et de Buncefield étaient liées à des explosions d’un nuage de gaz non confiné (ou <em>unconfined vapour cloud explosion</em> en anglais).</p>
<p>Ces <a href="https://www.ineris.fr/fr/omega-uvce-explosions-non-confinees-gaz-vapeurs">explosions</a> ont lieu suite à une perte de confinement d’un fluide inflammable, qui se répand dans un volume important autour du site industriel et se mélange à l’oxygène de l’air environnant. Au contact d’une source d’énergie dans la zone où le nuage s’est répandu, par exemple un arc électrique, une réaction de combustion peut s’amorcer et se propager jusqu’à ce que tout le combustible ait été consommé.</p>
<p>Suite à l’inflammation du mélange, une flamme (aussi appelée « zone de réaction ») se propage au sein du mélange air/combustible. En fonction des circonstances, cette flamme peut avoir deux types de <a href="https://enasis.univ-lyon1.fr/clarolinepdfplayerbundle/pdf/375859">régimes de propagation</a> :</p>
<ul>
<li><p>la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9flagration">déflagration</a>, obtenue lorsque la source d’allumage est de faible énergie : la flamme se propage à une vitesse inférieure à la vitesse du son.</p></li>
<li><p>la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9tonation">détonation</a>, qui demande une énergie initiale importante : la flamme se propage alors à une vitesse supersonique et provoque des dégâts bien plus importants.</p></li>
</ul>
<p>Il est possible qu’une flamme initialement en régime de déflagration effectue la transition vers un régime de détonation <a href="https://www.oecd-nea.org/upload/docs/application/pdf/2020-01/csni-r2000-7.pdf">suite à son accélération</a>. L’accélération de la flamme peut être due à de nombreux facteurs, notamment le niveau de turbulence et la présence d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2020.104377">obstacles dans la zone de propagation</a>.</p>
<p>Dans ce dernier cas, deux effets peuvent être observés. Tout d’abord, les déformations de l’écoulement autour des obstacles provoquent une « élongation » de la flamme, ce qui augmente sa surface à grande échelle. De plus, la génération d’un sillage au niveau des obstacles que rencontre la flamme va entraîner la production de turbulence, ce qui augmente le transport de masse et d’énergie dans l’écoulement. Dans ces régions caractérisées par des niveaux élevés de turbulence, le plissement à petite échelle augmente encore la surface totale de la flamme. Or, la vitesse de la flamme dépend directement de sa surface. De ce fait, la présence d’obstacles dans la zone de propagation de la flamme peut mener à son accélération et à un changement rapide de régime de propagation depuis la déflagration jusqu’à la détonation, bien plus violente.</p>
<h2>Comprendre la propagation des flammes au sein de sites industriels</h2>
<p>Afin de limiter de tels effets dévastateurs, il est important de comprendre le mécanisme d’accélération des flammes se propageant au sein des obstacles d’un site industriel. Il sera ainsi possible d’envisager la construction de sites dont la disposition des bâtiments limite la propagation des flammes et les effets néfastes de l’explosion.</p>
<p>Avant de modéliser une usine complète, des configurations simplifiées comme celle présentée sur la figure permettent d’effectuer des analyses statistiques précises sur l’impact de la forme, de la disposition et du taux d’encombrement des obstacles. Elles permettent aussi de tester la <a href="https://prestations.ineris.fr/fr/solutions-thematiques/moyens-essais-remarquables/plateformes-essais/plateforme-outils-1">qualité des modèles numériques</a> utilisés en les comparant avec des expériences qui sont faites à des plus petites échelles que celle d’une usine.</p>
<p>L’image montre ainsi une flamme prémélangée méthane/air de 5 mètres de diamètre, en gris, se propageant au travers d’une série d’obstacles, en violet. Sur l’image, la structure de la flamme est représentée sur le maillage tétraédrique utilisée pour diviser l’espace en petits volumes dans lesquels les équations d’évolution de la masse, de la vitesse et de la température sont résolues par le <a href="https://www.openfoam.com/">logiciel de mécanique des fluides numérique OpenFoam</a>. Cette configuration présente une symétrie sphérique qui permet d’effectuer des statistiques précises des évènements le long de la trajectoire de la flamme lorsqu’elle rencontre les obstacles.</p>
<p>Lorsque les différents modèles auront été validés, des calculs sur des configurations industrielles réalistes pourront alors être mis en œuvre et permettront d’accroître la sécurisation des sites concernés et des nouveaux sites devant être construits.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-derriere-la-realite-3d-172880">Les maths derrière la réalité 3D</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/181666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Réveillon a reçu des financements de L’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère chargé de l'environnement.</span></em></p>Déflagration, détonation : différents risques lorsqu’une flamme se propage.Julien Réveillon, Enseignant-Chercheur, énergie et mécanique des fluides numériques, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803432022-04-03T16:14:40Z2022-04-03T16:14:40ZAnxiolytiques et somnifères augmentent-ils les risques d’accident du travail ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455216/original/file-20220330-5217-u1yomu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C1543%2C875&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2015, la France était toujours au deuxième rang des pays européens en matière de consommation de benzodiazépines.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Boites_de_benzodiazépines.png">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon <a href="https://assurance-maladie.ameli.fr/qui-sommes-nous/publications-reference/assurance-maladie-risques-professionnels/rapports-annuels">l’Assurance-maladie – Risques professionnels</a>, plus d’un million d’accidents du travail (incluant les accidents de trajet) ont été reconnus en 2019 (la survenue de la Covid-19 a entraîné une baisse en 2020). Ce chiffre est globalement stable depuis 2014. Selon nos calculs, près de 4 % des employés ont été victimes d’accidents du travail en 2016.</p>
<p>Ces chocs sur la santé ne sont toutefois pas aléatoires et pourraient survenir plus fréquemment dans une population fragilisée, notamment au regard de son état de santé. La littérature montre en effet que des caractéristiques sociodémographiques prédisposent à la survenue d’un accident du travail, tels que le fait d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0927537102001367">être un homme ou d’être âgé de 25 à 35 ans ou de 55 ans et plus</a>.</p>
<p>Dans une <a href="https://erudite.univ-paris-est.fr/fileadmin/redaction/ERUDITE/Documents_de_travail/Documents_de_2022/WP_ERUDITE_02_2022-1.pdf">récente étude</a>, nous avons tenté d’évaluer l’influence de la prise de benzodiazépines, famille de médicaments particulièrement <a href="https://archiveansm.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/%C3%89tat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">consommés en France</a> comme anxiolytiques (alprazolam, bromazepam…) et somnifères (zolpidem, zopiclone…), sur le risque d’accident du travail. En effet, ces molécules possèdent des effets indésirables susceptibles d’augmenter le risque d’accident (troubles cognitifs, somnolence).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455221/original/file-20220330-5063-fy0ijr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveaux de consommation des benzodiazépines dans huit pays européens, en Doses définies journalières/1000 habitants par jour entre 2012 et 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://dev4-afssaps-marche2017.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Etat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (2017)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2863043/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-anxiete">leurs effets thérapeutiques soient attestés</a>, l’évolution de leur consommation reste surveillée par les autorités sanitaires, en raison de la consommation élevée en France au début des années 2000 d’une part (en 2015 la France est toujours au <a href="http://dev4-afssaps-marche2017.integra.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/%C3%89tat-des-lieux-de-la-consommation-des-benzodiazepines-Point-d-Information">deuxième rang en comparaison de huit autres pays européens</a>), et du fait de ces potentiels effets néfastes (troubles cognitifs, perte d’équilibre, mais surtout risque de dépendance lors d’un usage prolongé), d’autre part.</p>
<p>La diminution rapide de l’effet thérapeutique, en quelques semaines, et le risque de dépendance ont d’ailleurs conduit la Haute autorité de santé à publier des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/pprd_2974193/fr/anxiete-les-benzodiazepines-uniquement-pour-une-courte-periode">recommandations</a> pour limiter les durées de traitement (12 semaines au maximum pour les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2863043/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-anxiete">anxiolytiques</a>, 4 semaines pour les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2015058/fr/quelle-place-pour-les-benzodiazepines-dans-l-insomnie">somnifères</a>). Les diverses mesures (limitations des durées de traitement, restriction des prescriptions pour certaines molécules, intégration du respect de certaines recommandations dans la part variable de la rémunération des médecins) ont participé à la décrue de la consommation en France du début des années 2000 jusqu’à la pandémie de Covid-19 (qui a engendré une nette hausse de la consommation).</p>
<h2>Un surrisque à l’arrêt du traitement</h2>
<p>Dans notre étude, nous constituons une cohorte de personnes ayant été victimes d’au moins un accident du travail entre 2017 et 2019. Leur suivi permet d’estimer le risque d’accident dans les mois qui suivent la prise de ces médicaments.</p>
<p>Trois enseignements peuvent être tirés de cette étude. Tout d’abord, dans le mois qui suit la première prise de benzodiazépines, le risque d’accident du travail est plutôt réduit, par rapport aux périodes de non-consommation. L’explication peut être médicale (amélioration de l’état de santé du patient), même si cette hypothèse semble être infirmée par la nature des effets des benzodiazépines. Une autre explication est de nature professionnelle. La prise d’un médicament, dont on sait qu’il augmente le risque d’accident, peut conduire à une diminution (au moins temporaire) des activités les plus à risque, et à une augmentation de la vigilance. Les médecins peuvent également prescrire moins facilement ces médicaments aux salariés les plus exposés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455219/original/file-20220330-5684-1ikvpys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Près de 4 % des employés ont été victimes d’accidents en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/ouvrier-du-batiment-travailler-569126/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ensuite, lorsque le traitement se prolonge au-delà de trois mois, cette réduction du risque disparaît. Le risque devient même positif chez les personnes de moins de 45 ans, ou pour les accidents ayant entraîné des arrêts compris entre 7 et 168 jours. Ce résultat correspond aux effets nocifs des benzodiazépines en cas de traitement prolongé au-delà des recommandations.</p>
<p>Enfin, à l’arrêt du traitement, et ce quelle que soit la durée, on observe un surrisque d’accident du travail. Ce dernier peut provenir d’une reprise de l’exposition au risque professionnel à la suite d’une diminution, ou d’un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/medicaments/professionnels-de-sante/bon-usage-par-les-professionnels/article/le-bon-usage-des-benzodiazepines-par-les-professionnels-de-sante">effet rebond</a> du traitement (qui consiste en une aggravation des symptômes préexistants au traitement, et dont on sait qu’il est une conséquence possible de la prise de benzodiazépines).</p>
<p>Ces résultats appellent d’une part au respect des recommandations relatives aux durées de traitement par benzodiazépines, et d’autre part à une vigilance accrue au moment de l’arrêt du traitement. Les risques liés à la prise de ces médicaments sont connus et pourraient être mieux pris en compte par le médecin et par le salarié par une vigilance renforcée voire une adaptation du poste de travail ou des tâches associées. L’arrêt du traitement pourrait être progressif avec un suivi renforcé lors de la reprise des activités à risque.</p>
<h2>Distinguer consommation et surconsommation</h2>
<p>En outre, les conséquences d’un accident du travail peuvent être physiques bien sûr, mais également mentales (stress induit par l’accident lui-même mais aussi appréhensions liées au retour au travail). C’est pourquoi, dans une <a href="https://erudite.univ-paris-est.fr/fileadmin/redaction/ERUDITE/Documents_de_travail/Documents_de_2020/WP_ERUDITE_09_2020.pdf">autre étude</a>, nous étudions l’effet d’un accident de travail sur la consommation et la surconsommation de benzodiazépines (c’est-à-dire le dépassement des durées de traitement recommandées).</p>
<p>Pour ce faire, nous comparons une cohorte de victimes d’un accident du travail unique en 2016 à une cohorte de témoins, sans accident de 2007 à 2017, soit respectivement plus de 350 000 et plus de 1,1 million de personnes. L’originalité de la méthode économétrique repose sur l’utilisation d’un modèle en deux étapes, qui permet de distinguer les facteurs liés à la consommation de benzodiazépines et ceux liés à leur surconsommation.</p>
<p>Les résultats des estimations montrent une augmentation de 34 % de la probabilité de consommer des benzodiazépines à la suite d’un accident du travail. En revanche, une fois pris en compte les facteurs confondants et l’effet de sélection (c’est-à-dire le fait que l’on ne peut observer de surconsommation que chez ceux qui consomment), l’accident du travail entraîne une baisse de la probabilité de surconsommer (c’est-à-dire de consommer au-delà des durées de traitement recommandées) de 8 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455223/original/file-20220330-4833-2yaott.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un accident du travail augmente de 34 % la probabilité de consommer des benzodiazépines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/985817">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une explication pourrait être une amélioration du suivi médical pour les personnes ayant été victimes d’un accident du travail. L’ampleur de l’effet (sur l’augmentation de la probabilité de consommer, puis sur la diminution de la probabilité de surconsommer) est quasiment deux fois plus importante pour les femmes que pour les hommes, alors qu’on sait que la consommation est largement supérieure chez les femmes.</p>
<p>Lorsque l’on prend en compte la durée de l’arrêt de travail consécutif à l’accident (qui donne une indication sur sa gravité), on observe un gradient dans l’effet sur la probabilité de consommer. Plus l’accident est grave et plus la probabilité de consommer des benzodiazépines dans l’année qui suit est élevée. Nos résultats démontrent également un effet positif des accidents ayant entraîné les arrêts de travail les plus longs (supérieurs à 45 jours, par rapport à ceux ayant entraîné des arrêts inférieurs à 8 jours) sur la probabilité de surconsommer des benzodiazépines dans l’année qui suit.</p>
<p>Cette étude distingue clairement les facteurs liés à la consommation de benzodiazépines de ceux liés à leur surconsommation. Alors que le non-respect des recommandations relatives aux durées de traitement par benzodiazépines reste une préoccupation majeure des autorités sanitaires, ces résultats sont plutôt rassurants quant au risque suite à un accident du travail. Cependant, une vigilance particulière s’impose pour les accidents les plus graves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180343/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Olivier Baudot a reçu des financements de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (contrat CIFRE).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Barnay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de médicaments de la famille des benzodiazépines est associée à une baisse de la probabilité d’accident du travail au début du traitement, puis à une augmentation si les soins se prolongent.Thomas Barnay, Full Professor in Economics, ERUDITE, UPEC (on leave) / Visiting Professor, Health Care Policy Department, Harvard Medical School and French Harkness Fellow in Health Care Policy and Practice (The Commonwealth Fund) (2021-2022), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)François-Olivier Baudot, Pharmacien, statisticien à la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie (CNAM), doctorant en économie de la santé (ERUDITE, UPEC), Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689882021-10-21T21:12:20Z2021-10-21T21:12:20ZLa surmortalité des jeunes adultes : un trait naturel ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/425886/original/file-20211012-15-kk11pw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C2%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le taux de mortalité chez les jeunes adultes est supérieur à ce qu'il devrait, statistiquement, être.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sammie Chaffin/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La mort peut survenir à tout âge, mais pas avec la même probabilité. Il est d’ailleurs possible d’établir la courbe des taux de décès par âge : celle-ci présente une forme caractéristique en « U », avec un risque de décès élevé à la naissance et durant les premières années de vie, puis qui diminue pendant l’enfance jusqu’à atteindre un minimum aux alentours de 10 ans. Elle remonte ensuite au cours de la vie de façon exponentielle. Selon cette courbe, les jeunes adultes devraient être relativement peu exposés au risque de mourir.</p>
<p>Voilà pour la théorie. Car les jeunes adultes font, en fait, souvent exception et montrent une <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">mortalité plus élevée qu’attendue</a>. S’agit-il d’un trait naturel de l’espèce humaine, ou d’autres facteurs sont-ils en cause ?</p>
<h2>Une surmortalité anormale</h2>
<p>Une mortalité « de base » peut être estimée, qui découle des contraintes biologiques et des circonstances épidémiologiques.</p>
<p>L’excès de mortalité des jeunes adultes par rapport à cette mortalité de base semble, lui, indépendant des conditions générales de mortalité comme l’illustrent les courbes de taux de décès par âge de la <a href="https://www.mortality.org/">base de données sur la mortalité <em>Human Mortality Database</em></a> (voir ci-dessous). Il apparaît toutefois clairement qu’entre 15 ans et 30 ans environ, les jeunes adultes subissent souvent une mortalité relativement élevée. On peut parler de surmortalité, dans la mesure où elle s’additionne au niveau attendu.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Ces courbes du taux de mortalité sont en U : très hautes à la naissance, elles diminuent avant de remonter" src="https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425283/original/file-20211007-23-3xvufa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ces courbes du taux de mortalité ont été établies pour 45 pays disposant de statistiques d’état civil complètes (Ici AUS : Australie, DNK : Danemark, FRE : France, JPN : Japon, NOR : Norvège, PRT : Portugal, UKR : Ukraine).</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Remund/INED</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le niveau absolu de la mortalité observé est parfois trompeur. Par exemple, en 1900-1904, les hommes danois connaissaient une mortalité globalement similaire, voire inférieure pour certains âges, à celle de leurs homologues norvégiens, mais contrairement à eux ne subissaient quasiment aucune surmortalité entre 15 et 40 ans.</p>
<p>À un niveau de mortalité générale moindre, la courbe des hommes américains en 1990-1994 montre une surmortalité très marquée qui les place au niveau absolu de l’Australie en 1940-1944, où par ailleurs la mortalité générale était bien plus élevée.</p>
<p>Des constats similaires peuvent être faits pour les femmes, bien qu’elles soient généralement moins touchées. Ainsi, juste après-guerre, si les Japonaises et les Portugaises connaissent un niveau général de mortalité identique jusqu’à 15 ans, les premières subissent ensuite une surmortalité bien plus forte que les secondes.</p>
<p>Quarante ans plus tard, les Françaises et les Ukrainiennes connaissent une mortalité absolue semblable entre 15 et 25 ans, mais qui résulte d’une forte surmortalité chez les premières et non les secondes, qui ont par ailleurs un désavantage marqué à tous les autres âges.</p>
<p>Pour chacune des paires considérées ici, les jeunes adultes sont donc plus vulnérables au Danemark qu’en Norvège, aux États-Unis qu’en Australie, au Japon qu’au Portugal, et en France qu’en Ukraine. Et ce quels que soient les niveaux absolus de mortalité entre 15 et 30 ans.</p>
<p>La surmortalité des jeunes adultes semble être un élément distinct de la mortalité humaine qui s’ajoute aux autres processus dictant la mortalité générale. Si elle présente parfois une forme bombée (« bosse de surmortalité »), comme dans le cas des hommes norvégiens en 1900, elle peut également ressembler davantage à un plateau, comme on l’observe pour les hommes américains en 1990 ou les femmes françaises en 1980.</p>
<p>Quelles peuvent être les causes de ce phénomène ?</p>
<h2>Une surmortalité historiquement universelle ?</h2>
<p>Jusqu’à récemment, la surmortalité des jeunes adultes a été considérée comme un <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-the-institute-of-actuaries/article/abs/age-pattern-of-mortality/080CA48AF00A73CE4D2888A6E1AA7385">trait universel de la mortalité humaine</a> et <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0014826">propre aux individus de sexe masculin</a>. Ces deux postulats relèvent d’une conception biologique de l’adolescence en tant que période tumultueuse, faisant implicitement référence aux transformations psychologiques associées à la puberté (production d’hormones sexuelles, développement cérébral asynchrone, etc.). Ces spécificités du « cerveau adolescent » entraîneraient un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2892678/">manque d’inhibition, une prise de risque excessive, une impulsivité, et une moindre capacité à considérer les conséquences de ses actes</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique des taux de mortalité par âges masculins. Sélection avec faible surmortalité des jeunes adultes." src="https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428077/original/file-20211022-21-19ay9pm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">Figure reprise de Adrien Remund, Carlo Giovanni Camarda et Tim Riffe, 2021, La surmortalité des jeunes adultes est-elle naturelle ?, Population et Sociétés n° 590, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces postulats ne résistent que partiellement à l’épreuve des faits. L’examen de plusieurs milliers de courbes telles que celles présentées ci-dessus montre en effet que si une surmortalité est certes très souvent présente chez les hommes, elle peut être <a href="https://archive-ouverte.unige.ch/unige:73525">absente ou peu marquée</a>. C’est le cas dans les années 1950 et 1960 tant en Europe du Sud (Espagne, Portugal) que du Nord (Irlande, Finlande).</p>
<h2>La bosse de surmortalité s’observe aussi chez les jeunes femmes</h2>
<p>La surmortalité des jeunes femmes est systématiquement plus faible que celle des jeunes hommes, jusqu’à être absente. Les cas présentant une surmortalité sont cependant majoritaires et correspondent à des contextes très variés, tant à l’époque où la mortalité maternelle était encore élevée que plus récemment.</p>
<p>L’entre-deux-guerres semble être marqué par une surmortalité féminine particulièrement forte, tant en Europe du Nord (Finlande, Norvège) que du Sud (Italie). Ce pourrait être lié à la tuberculose ; une situation qui perdure au-delà de la Seconde Guerre mondiale au Japon et en Bulgarie. Plus récemment, on observe une surmortalité aux premiers âges adultes particulièrement marquée dans plusieurs pays occidentaux (France, États-Unis ou Nouvelle-Zélande).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique représentant le taux de mortalité par âges féminins. Sélection de cas avec forte surmortalité des jeunes adultes." src="https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428078/original/file-20211022-21-1yxx4w7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">Figure reprise de Adrien Remund, Carlo Giovanni Camarda et Tim Riffe, 2021, La surmortalité des jeunes adultes est-elle naturelle ?, Population et Sociétés n° 590, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En réalité, pour les femmes, seules les décennies 1950 et 1960 semblent exemptes de toute surmortalité. La bosse de surmortalité n’est donc pas un phénomène universel ni propre aux hommes.</p>
<h2>Une augmentation des morts violentes à la puberté ?</h2>
<p>Un autre corollaire de la conception biologique de l’adolescence est que la surmortalité des jeunes adultes serait due à une augmentation des comportements dangereux dans les années suivant la puberté. L’expression « bosse des accidents » (<em>accident hump</em>) est d’ailleurs souvent utilisée, certains auteurs faisant un lien explicite entre surmortalité et puberté, qui pousserait à des comportements « à risque » menant à une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0014826">augmentation des décès violents</a>. Cette explication ne résiste, là aussi, qu’en partie à l’épreuve des faits.</p>
<p>D’abord, du point de vue des âges concernés, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13524-018-0680-9">si la bosse débute bien au début de l’adolescence, elle se manifeste jusque dans la trentaine</a>, soit bien après la fin de la puberté. Aux États-Unis, elle disparaît aux alentours de 35 ans pour les hommes et de 25 ans pour les femmes dans les années 1960. Cette limite a ensuite progressé pour les deux sexes jusqu’à atteindre 45 à 50 ans au début des années 1990, notamment sous l’influence du VIH qui tue plus tard que les accidents. Elle fluctue depuis entre 30 et 40 ans, en partie en raison de l’épidémie d’overdoses d’opioïdes.</p>
<p>Un tel étalement au-delà de l’adolescence n’est pas compatible avec une origine purement biologique.</p>
<p>Ensuite, le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13524-018-0680-9">détail des causes de décès est plus complexe qu’il n’y paraît</a>. Par exemple, aux États-Unis, les accidents de la circulation, qui contribuaient à environ 60 % de la surmortalité dans les années 1960, n’en représentent plus aujourd’hui qu’un quart chez les hommes, soit autant que les suicides et les homicides. Et pour les deux sexes, la contribution des overdoses a progressé de presque 0 % à 20 % de la surmortalité durant la dernière décennie.</p>
<h2>Le rôle de la tuberculose</h2>
<p>Enfin, historiquement, les causes violentes n’ont pas toujours été les plus importantes. Dans les 22 pays pour lesquels on dispose des causes de décès pour des périodes anciennes, la tuberculose pulmonaire était, jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, la <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">principale source de surmortalité des jeunes adultes</a>. Dans l’entre-deux-guerres, elle contribuait encore à environ 50 % de la surmortalité chez les hommes. La proportion allant jusqu’à 90 % au Portugal, et de 70 % à 90 % en Suède, Espagne, France, Angleterre, Grèce, Italie, Pays-Bas et Norvège.</p>
<p>À la même époque, la mortalité maternelle n’était à l’origine que de moins de 10 % de la surmortalité des jeunes femmes, à l’exception de certains pays extra-européens (États-Unis, Canada, Chili, Nouvelle-Zélande et Taïwan) où elle en représentait encore de 30 % à 40 % avant les années 1940.</p>
<p>Les morts violentes (suicides, homicides, accidents) surpassent la tuberculose entre 1940 et 1960 selon les pays. Ce retournement coïncide avec d’une part la diffusion des antibiotiques (la streptomycine, qui permet de lutter contre la tuberculose, est découverte en 1944), et d’autre part la démocratisation des moyens de transports motorisés. L’importance des morts violentes est donc un phénomène relativement récent.</p>
<h2>Un phénomène encore mal compris</h2>
<p>La « bosse » de surmortalité des jeunes adultes est un <a href="https://www.jstor.org/stable/pdf/41135308.pdf">phénomène démographique connu depuis un siècle et demi</a> mais imparfaitement compris. Son examen fait parfois l’objet d’idées reçues qui reposent sur une conception purement biologique de l’adolescence, supposant son caractère universel, sexué et lié aux comportements « à risque ».</p>
<p>Les études récentes permettent de mieux en cerner les principales caractéristiques : non universel et davantage masculin, sans pourtant que les femmes y échappent. Les morts violentes l’expliquent en partie seulement. Sans écarter complètement les facteurs biologiques, la transition à l’âge adulte joue un rôle essentiel en concentrant un nombre important de facteurs de risques socio-économiques dans une période courte et critique du parcours de vie.</p>
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<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par les auteurs dans le journal Population et Sociétés n° 590, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">« La surmortalité des jeunes adultes est-elle naturelle ? »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168988/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adrien Remund a reçu une Bourse Early Postdoc.Mobility du Fonds national suisse et une Bourse postdoctorale Eugène Choisy et Charles Borgeaud de la Société Académique de Genève. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Timothy Riffe a reçu des financements de la Basque Foundation for Science. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carlo Giovanni Camarda ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque de mourir évolue au fil de la vie. Très élevé à la naissance, il chute pour ensuite remonter graduellement… hormis un pic après l’adolescence. Pourquoi une telle anomalie statistique ?Carlo Giovanni Camarda, Docteur, spécialiste des méthodes de prévision (mortalité, longévité, etc.), Institut National d'Études Démographiques (INED)Adrien Remund, Docteur, spécialiste des migrations et en démographie historique, University of GroningenTimothy Riffe, Docteur, spécialiste en santé des populations, Universidad del País Vasco / Euskal Herriko UnibertsitateaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1657942021-08-10T18:01:15Z2021-08-10T18:01:15ZLiban : un an après l’explosion de Beyrouth, un État défaillant aux prises avec la pauvreté et le communautarisme<p>Douze mois après la <a href="https://theconversation.com/beirut-explosion-the-disaster-was-exceptional-but-events-leading-up-to-it-were-not-researchers-144011">terrible explosion du port de Beyrouth</a> qui <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/8/2/one-year-on-beirut-blast-victims-still-struggling-to-return-home">a tué plus de 200 personnes</a>, en a blessé des milliers et a laissé environ 300 000 habitants sans abri, la descente dramatique du Liban dans la crise économique et politique s’aggrave. L’effondrement économique du pays est si grave que la <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2021/05/01/lebanon-sinking-into-one-of-the-most-severe-global-crises-episodes#:%7E:text=The%20World%20Bank%20estim%20that,40%20percent%20in%20dollar%20terms.">Banque mondiale le classe</a> parmi les trois plus graves jamais observés depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/geopolitique-dun-liban-au-bord-du-gouffre-144216">Géopolitique d’un Liban au bord du gouffre</a>
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<p>Les chiffres reflètent l’ampleur de la catastrophe humanitaire. Plus de 900 000 Libanais ne sont pas en mesure de <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2021/07/half-million-children-lebanon-still-struggling-survive-after-beirut-blast">se procurer suffisamment de nourriture</a> et de bénéficier des services de base car les <a href="https://www.independent.co.uk/news/world/middle-east/lebanon-economy-coronavirus-domestic-migrant-workers-kafala-a9600506.html">prix ont augmenté de 580 %</a> depuis octobre 2020. La moitié de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Le <a href="https://www.al-monitor.com/originals/2021/07/half-million-children-lebanon-still-struggling-survive-after-beirut-blast">taux de chômage officiel</a> a augmenté de 35 %. Et comme si la situation n’était pas assez grave, les dirigeants politiques de l’État n’ont <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/5/24/little-hope-left-lebanons-paralysis-and-a-collapsing-state">toujours pas réussi à former un gouvernement de coalition</a>.</p>
<p>Les causes immédiates de cette situation dramatique sont la crise bancaire de 2019, aggravée par la pandémie de Covid. La crise de liquidité qui a consumé le secteur bancaire a entraîné une <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/lebanon-currency-drops-new-low-financial-meltdown-deepens-2021-06-13/">dévaluation de la livre libanaise de 90 %</a> et une <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=LB">baisse du PIB de 9,2 %</a> en 2020. Cependant, pour bien comprendre la nature de la crise, il est important de prendre en compte le mélange mortel de sectarisme politique et de néolibéralisme qui affecte le Liban.</p>
<p>La notion de sectarisme politique fait référence au <a href="https://foreignpolicy.com/2019/12/13/sectarianism-helped-destroy-lebanon-economy/">système de partage du pouvoir en vigueur au Liban</a>, un système réinventé après la guerre civile de 1975-1990. L’objectif supposé du partage du pouvoir est de garantir des sièges au gouvernement aux représentants des 18 principales communautés de l’État. Le partage du pouvoir est donc censé garantir qu’aucune communauté ne puisse dominer l’État à l’exclusion des autres.</p>
<p>Or ce système a abouti à une situation dans laquelle un groupe de seigneurs de la guerre civile et de magnats ont utilisé leur position de chefs de communauté élus pour s’emparer des institutions économiques de l’État. Ces personnalités puisent dans le Trésor public pour enrichir leurs fortunes personnelles. À l’indice de perception de la corruption (IPC) 2020 le <a href="https://www.transparency.org/en/cpi/2020/index/lbn">Liban</a> se classe parmi les États les plus corrompus du monde.</p>
<p>Ces leaders communautaires utilisent ensuite ces ressources pour acheter un soutien politique. Les services de base – soins de santé, électricité et gaz – sont de plus en plus contrôlés par des <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691168968/everyday-sectarianism-in-urban-lebanon">factions communautaires privées</a>. Ces services sont distribués aux membres de leurs communautés à condition qu’ils accordent leur vote aux chefs. Ce système rend de nombreux citoyens dépendants des factions pour leur survie quotidienne.</p>
<p>C’est ici que le sectarisme politique se superpose au néolibéralisme. Le néolibéralisme est associé au recul de l’État, à la privatisation, à la réduction des impôts et à l’externalisation des travaux et services publics (tels que la collecte des ordures) à des entreprises privées. Le Liban d’après-guerre a été décrit comme un exemple de <a href="http://etheses.lse.ac.uk/3078/">« néolibéralisme réellement existant »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-hezbollah-defenseur-du-statu-quo-au-liban-144827">Le Hezbollah, défenseur du statu quo au Liban</a>
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<p>L’une des illustrations les plus tristement célèbres de ce néolibéralisme est la <a href="https://www.theguardian.com/cities/2015/jan/22/beirut-lebanon-glitzy-downtown-redevelopment-gucci-prada">reconstruction du centre-ville de Beyrouth</a> par Solidere, une entreprise privée-publique créée par l’ancien premier ministre Rafic Hariri. Le transfert de l’espace public aux mains du secteur privé a rapporté à Solidere 8 milliards de dollars (5,7 milliards de livres), soit un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/anti.12263">quart du PIB du Liban</a>.</p>
<p>Plutôt que de développer des services publics pour favoriser une citoyenneté inclusive et la légitimité du pouvoir, les élites ont érodé les institutions clés qui sont les piliers de la stabilité.</p>
<h2>La révolution ou la réforme ?</h2>
<p>Où va le Liban ? La Banque mondiale <a href="https://www.worldbank.org/en/country/lebanon/publication/lebanon-economic-monitor-spring-2021-lebanon-sinking-to-the-top-3">a prévenu</a> que la « contraction brutale et rapide de l’économie libanaise est généralement associée à des conflits ou à des guerres ». La guerre civile qui a duré 15 ans au Liban a fait plus de <a href="https://global.oup.com/academic/product/lebanon-9780190217839?cc=gb&lang=en&">150 000 morts et un million de personnes déplacées</a>. Une rechute dans ce type de guerre civile totale est hautement improbable.</p>
<p>En revanche, une nouvelle vague d’agitation sociale est plus vraisemblable. Les mouvements de protestation sont devenus une forme courante d’opposition aux dirigeants communautaires corrompus du Liban. En 2019, alors que la crise bancaire émergeait et que des taxes punitives étaient introduites, les Libanais ordinaires de tout le pays sont descendus dans la rue : cet épisode a été appelé la <a href="https://www.psa.ac.uk/psa/news/what-lebanon%E2%80%99s-%E2%80%98thawra%E2%80%99-revolution-about"><em>thawra</em></a> (« soulèvement »). Les manifestants scandaient : « Tous, ça veut dire tous », ce qui signifie que, à leurs yeux, tous les dirigeants communautaires doivent être évincés.</p>
<p>Il est important de noter que la <a href="https://www.hrw.org/video-photos/interactive/2020/05/07/if-not-now-when-queer-and-trans-people-reclaim-their-power"><em>thawra</em> a donné la parole</a> à toute une série de groupes marginalisés, notamment les femmes, les citoyens LGBTQ+, les antiracistes et ceux qui soutiennent les travailleurs domestiques migrants.</p>
<p>Les élites communautaires ont déployé toutes les astuces à leur disposition pour assurer la survie du régime, officiellement au nom de la stabilité. Les forces de sécurité ont arrêté des militants – même pour leurs publications sur les médias sociaux – et ont lâché leurs sbires pour passer les manifestants à tabac.</p>
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<p>La récente nomination de <a href="https://www.forbes.com/profile/najib-mikati/">Najib Mikati</a> au poste de premier ministre signifie qu’une fois de plus, un magnat milliardaire va tenir les rênes du pouvoir. En tant que réformateur, il est probable que Mikati se contente d’apporter de petits ajustements au statu quo, plutôt que d’envisager la transformation significative du système communautaire qui s’impose.</p>
<p>L’Occident a traditionnellement essayé de soutenir le système politique défaillant du Liban. Aujourd’hui, l’Occident considère le Liban comme un acteur clé du régime international des réfugiés. Outre les 200 000 Palestiniens déplacés vivant à l’intérieur des frontières du pays, le Liban accueille aujourd’hui environ <a href="https://reporting.unhcr.org/node/2520?y=2021">1,5 million de réfugiés</a> ayant fui la guerre civile en Syrie voisine.</p>
<p>La France, ancienne puissance coloniale de la région, a présenté un ensemble de réformes économiques et structurelles destinées à rétablir un gouvernement de partage du pouvoir. L’initiative française prévoit la mise en place d’un <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/lebanese-president-meets-businessman-mikati-set-be-designated-premier-2021-07-26/">gouvernement dirigé par des technocrates</a> prêt à mener des réformes sous la supervision du Fonds monétaire international.</p>
<p>Mais ces efforts visant à assurer la survie du régime vont à l’encontre de ce que souhaitent de nombreux citoyens libanais. Pour eux, il n’y a aucun intérêt à revenir à un système défaillant, incapable de fournir les services de base, les emplois et les droits de l’homme. Il faudra bien que la situation évolue. Le statu quo ne peut plus durer.</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>John Nagle a reçu des financements de la Leverhulme Foundation.</span></em></p>Le Liban est en difficulté : un million de réfugiés syriens, l’une des pires crises financières depuis plus de 100 ans et un système politique corrompu et divisé.John Nagle, Professor in Sociology, Queen's University BelfastLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637552021-07-01T20:03:36Z2021-07-01T20:03:36ZBaïnes et courants d’arrachement : ce qu’il faut savoir avant d’aller se baigner<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409356/original/file-20210701-25-1wuftzz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C361%2C2161%2C1455&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour profiter en toute sécurité des baignades en mer, mieux vaut se renseigner avant d’entrer dans l’eau.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/44zOZ_NZKEI">Ilona Bellotto / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Avec le retour des beaux jours et la levée des mesures sanitaires liées à la gestion de l’épidémie de la Covid-19, nous devrions être nombreux à retrouver le chemin des plages et du littoral, qui restent parmi les destinations de loisirs préférées des Français. D’autant que la plupart des études scientifiques s’accordent à dire que les risques de contamination à l’extérieur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33249484/">sont nettement moindres que dans les espaces fermés où nous évoluons au quotidien</a>. </p>
<p>Ces signaux positifs ne doivent toutefois pas nous conduire à totalement abaisser notre garde car, derrière ces aspirations bien légitimes, un autre sujet de santé publique se pose : la noyade. Selon l’Organisation mondiale de la santé, il s’agit de la <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/drowning">troisième cause de mortalité accidentelle sur la planète</a>. En France, la noyade est responsable d’un millier de décès par an, dont <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/traumatismes/noyade">40 % en milieu maritime</a>.</p>
<p>Se baigner dans un lac, une rivière, ou dans les vagues de l’océan est en effet très différent de la pratique de la natation en piscine. Dans ces milieux naturels, nous nous exposons, souvent sans le savoir, à des risques propres à leur nature même. Parmi ces dangers figurent les courants d’arrachement, trop souvent sous-estimés par les nageurs.</p>
<h2>Un danger méconnu : les courants d’arrachement</h2>
<p>Observés en divers endroits du globe, les courants d’arrachement (<em>rip current</em> en anglais) <a href="https://nhess.copernicus.org/articles/19/389/2019/">sont une cause majeure de noyade</a> sur les littoraux. Ils résultent <a href="https://www.epoc.u-bordeaux.fr/indiv/Castelle/index.php?page=7&lang=eng">du reflux, vers le large, de l’eau emmenée par les vagues</a>. Les baigneurs qui s’y retrouvent piégés sont entraînés, et s’épuisent en tentant de rejoindre la plage.</p>
<p>Aux États-Unis, ces courants seraient responsables de près 80 % des interventions des sauveteurs. Dans le sud-ouest de la France, ils sont souvent connus sous le nom de <a href="http://www.observatoire-cote-aquitaine.fr/Les-courants-de-baines-expliques-en-video">courants de baïnes</a>. L’une des rares études disponibles à ce jour a montré qu’ils étaient impliqués <a href="https://www.researchgate.net/publication/325272616_Surf_zone_hazards_and_injuries_on_beaches_in_SW_France">dans près de 80 % des noyades</a>.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0012825216303117">Divers paramètres influent sur la formation des courants d’arrachement</a> : les hauteurs de marées, la morphologie des plages (les formes des plages vont donner naissance à différents courants d’arrachement), voire la présence d’ouvrages physiques tels qu’une digue de port. Ces courants sont d’autant plus difficiles à déceler qu’ils sont parfois générés dans des parties du plan d’eau où les vagues sont absentes, donnant l’impression trompeuse qu’il n’y a là aucun danger.</p>
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<p>Si la compréhension des mécanismes qui concourent à la formation de ces courants est une étape incontournable de la prévention des risques, une analyse par les sciences sociales des usagers qui s’y exposent est tout aussi vitale.</p>
<h2>Exposition et perception des risques</h2>
<p>Les études épidémiologiques révèlent que nous n’avons pas tous le même risque d’être emportés par les courants d’arrachement. Bon nombre de ces travaux indiquent en effet que ce type d’accident est significativement plus élevé chez les jeunes hommes.</p>
<p>Ce résultat est généralement expliqué par la propension de cette catégorie de la population <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/11745398.2011.615719">à surestimer ses capacités de nage</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15053495/">ainsi que par la pression sociale exercée par les proches ou encore par la recherche de sensations fortes</a>. La consommation d’alcool <a href="https://issuu.com/surflifesavingaustralia/docs/csb_rip_currents_report_2020">fait également partie des facteurs aggravants le risque</a>.</p>
<p>Cependant, il ne faudrait pas croire que l’exposition au risque est nécessairement volontaire. Elle peut en effet tout aussi bien résulter d’une relative méconnaissance du danger chez des personnes <em>a priori</em> peu enclines à se mettre dans des situations délicates. Sur ce plan, les populations riveraines du littoral semblent bénéficier d’un certain « avantage comparatif ». En Australie, pays qui a fait de ce sujet une priorité de santé publique <a href="https://beachsafe.org.au/surf-safety/ripcurrents">et où sont menées les recherches les plus avancées</a>, des scientifiques ont ainsi montré que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0001457511003009?via%3Dihub">personnes habitant près de la plage étaient plus familières des courants d’arrachement</a> que celles qui en sont éloignées, ou que les touristes étrangers.</p>
<p>En Aquitaine, nous avons trouvé un résultat analogue dans une enquête exploratoire menée sur un échantillon représentatif de la population régionale, âgée de 18 ans et plus. Les individus déclarant se rendre à la plage étaient plus nombreux à donner une définition (simple) des baïnes que ceux qui n’y allaient pas (80 % contre 65 %). En outre, les taux de réponse étaient encore plus élevés parmi les habitants des départements littoraux : ils atteignaient 84 % dans les Landes, 81 % en Gironde et 79 % dans les Pyrénées-Atlantiques, contre 61 % en Dordogne et 59 % dans le Lot-et-Garonne.</p>
<p>Mais savoir que les courants d’arrachement existent ne signifie pas être capable d’en reconnaître un lorsque l’on se baigne. Certains nageurs pourraient même s’imaginer, à tort, être en capacité de le faire alors que ce n’est pas le cas. Cette hypothèse a été étayée au début des années 2010 par une autre étude australienne. Au cours de cette enquête en deux étapes, des individus qui avaient dans un premier temps donné une définition correcte des courants d’arrachement se sont ensuite avérés nettement moins habiles <a href="https://www.researchgate.net/publication/45799099_Beachgoers%E2%80%99_beliefs_and_behaviours_in_relation_to_beach_flags_and_rip_currents">quand il s’est agi de les identifier sur des photographies</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=587&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409355/original/file-20210701-17-oecbfz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=738&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Baïne sur le littoral de la commune de Vieille Saint Girons (Landes)</span>
<span class="attribution"><span class="source">crédit Johanes Martin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles certains chercheurs préconisent <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11069-018-3424-7">d’interroger systématiquement les baigneurs <em>in situ</em></a>, face à la réalité à laquelle ils sont censés se confronter. Bien que séduisante pour le praticien (il y a pire endroit que les plages pour mener des enquêtes !), cette méthode crée malgré tout un biais d’inclusion, en donnant plus de poids aux usagers assidus, alors que les populations éloignées du littoral <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11069-018-3354-4">sont elles aussi des victimes potentielles</a>.</p>
<h2>Prévention et adaptation</h2>
<p>Les travaux de recherche révèlent aussi que lorsque les baigneurs sont conscients du risque que représentant les courants d’arrachement, ils ne prennent pas tous les mêmes précautions.</p>
<p>Une étude menée dans la région de Sydney a ainsi montré que les individus habitant « l’intérieur des terres » déclarent plus que les autres nageurs (y compris les touristes) <a href="https://www.researchgate.net/publication/263502022_A_comparison_of_attitudes_and_knowledge_of_beach_safety_in_Australia_for_beachgoers_rural_residents_and_international_tourists">se baigner dans les zones surveillées</a>. Le constat est assez similaire de ce côté-ci du globe, puisque la proportion d’Aquitains déclarant se baigner, même occasionnellement, en dehors de la surveillance, est plus forte chez ceux qui vivent à proximité du littoral.</p>
<p>L’information et l’expérience dont ils semblent bénéficier, eu égard aux connaissances qu’ils expriment, leur confèrent-t-elles une aptitude à mieux appréhender et donc à se prémunir (au moins en partie) contre le risque ? Ce n’est pas évident. Cependant, la stratégie individuelle a ses limites, car il n’existe pas de voie universelle d’échappement.</p>
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<p><a href="https://ideas.repec.org/a/spr/nathaz/v81y2016i1d10.1007_s11069-015-2101-3.html">La conduite à tenir dépend du type de courant dans lequel on est pris</a> mais, d’une façon générale, les spécialistes s’accordent à dire qu’il ne faut pas paniquer, ni lutter, et tenter de signaler sa présence. La surveillance des plages reste donc un instrument collectif incontournable de gestion du risque.</p>
<p>Identifier les courants d’arrachement est un exercice délicat, mais c’est aussi une occasion d’en apprendre un peu plus sur l’environnement marin dans lequel nous souhaitons nous immerger. Après plus d’un an de déferlement de vagues épidémiques sources de grande anxiété, essayons de profiter sereinement de celles de l’océan cet été…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163755/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Cet été, bon nombre de touristes vont partir pour le littoral. Peu familiers des baignades en milieu naturel, certains n’ont jamais entendu parler des dangereux courants d’arrachement. Explications.Jeoffrey Dehez, Chargé de recherche en économie des loisirs et environnement, InraeSandrine Lyser, Ingénieure d’études en statistique, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1599452021-05-04T17:36:26Z2021-05-04T17:36:26ZBonnes feuilles : « Comment mieux prévenir les risques psychosociaux et accidents du travail ? »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397540/original/file-20210428-23-bifyfe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5837%2C3876&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2018&nbsp;ont été recensés 651&nbsp;103&nbsp;accidents du travail, parmi lesquels 551&nbsp;décès.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/close-leg-worker-accident-site-work-1525030595">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em>Les accidents de travail concernent près de 700 000 salariés en France, en 2018. Comment diminuer les risques ? Pour Nicolas Dufour Caroline Diard,et Abdel Bencheikh, une prévention ciblée et adaptée dans les entreprises pourrait permettre de contenir les conséquences de ces accidents et d’en réduire leur nombre, en particulier dans les secteurs les plus exposés comme le BTP.</em></p>
<p><em>À travers des études, enquêtes terrain et témoignages, ils mettent en avant l’importance du management dans l’efficacité de cette prévention, détaillée dans le livre « <a href="https://www.maxima.fr/component/virtuemart/a-para%C3%AEtre/pr%C3%A9vention-des-risques-psycho-sociaux-et-des-accidents-du-travail-detail.html">Préventions des risques psychosociaux et des accidents du travail</a> » (Éditions Maxima), dont nous vous proposons ici les bonnes feuilles…</em></p>
<p><em>L’ouvrage est conçu sous forme de guide et répond à un triple objectif : opérationnel, technique et de partage d’expérience du terrain. Les accidents du travail et les risques psychosociaux y sont abordés à la fois d’un point de vue juridique et managérial afin de permettre une compréhension étendue du sujet et une bonne maîtrise de ses nombreuses implications.</em></p>
<hr>
<h2>La nécessité de réduire les accidents de travail</h2>
<p>Les données de sinistralité relatives à l’année 2018 concernent une population de 18 875 562 salariés pour les 9 branches d’activités répertoriées. Cette année-là, il y a eu 651 103 accidents du travail dont 551 décès (cela correspond à 43 608 278 journées de travail perdues) et 97 543 accidents du trajet, dont 279 décès (un équivalent de 6 738 996 journées de travail perdues).</p>
<p>À titre de comparaison, la même année l’ensemble des maladies professionnelles ont représenté un équivalent 10 933 347 de journées de travail perdues.</p>
<p>Dans le tableau ci-dessous nous avons représenté les différents indicateurs d’accident du travail par branche d’activité […].</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397543/original/file-20210428-15-1qs11ox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau : Indicateurs d’accidents du travail par branche d’activité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs (D.R)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le taux de fréquence et l’indice de fréquence ne permettent pas de mesurer les conséquences des accidents du travail. Le taux de gravité et l’indice de gravité sont là pour renseigner sur les impacts en termes d’incapacités temporaire et permanente causées par les accidents du travail.</p>
<p>Les secteurs considérés « à risques » tels que le BTP et les activités de services II qui englobent le travail temporaire présentent des indices de fréquence de respectivement 35,5 et 31,5 accidents par mille salariés. Les activités de services I qui concernent davantage les activités dans les secteurs financiers et administratifs affichent un taux de 6,8. Un travailleur du BTP a cinq fois plus de probabilité d’avoir un accident du travail qu’un travailleur du secteur bancaire ou assurantiel.</p>
<p>Quant aux conséquences de ces accidents du travail, elles sont six fois plus importantes en termes d’interruptions du travail […] lorsque l’on compare le BTP avec le secteur financier. Nous pouvons alors comprendre toute l’ampleur des accidents du travail pour les travailleurs les moins qualifiés qui opèrent physiquement dans un environnement à risque tel que les chantiers, comparés aux risques encourus lorsque l’on travaille dans un bureau ou derrière un guichet. Devant ce constat chiffré, la notion anglo-saxonne qui oppose les cols blancs et les cols bleus pour classifier les catégories de travailleurs prend tout son sens.</p>
<p>Des indicateurs précis existent depuis longtemps. Pour autant, on voit bien que la maîtrise des événements les plus fréquents, si elle est nécessaire, ne suffit pas à réduire les conséquences des accidents avec arrêt les plus graves.</p>
<p>Une prévention ciblée et adaptée doit permettre de contenir les conséquences des accidents du travail au-delà de réduire leur nombre. Par exemple l’analyse des accidents du travail par rapport aux facteurs suivants […], peut permettre d’établir des plans de prévention, des exigences en formation et en expérience professionnelle par risque identifié au préalable dans la fiche du poste du travailleur.</p>
<p>L’analyse des lésions occasionnées par les accidents du travail en fonction des parties du corps affectées doit aider non seulement à affiner les plans de formation et de prévention par métier et par type d’activité, mais permet aussi d’adapter les équipements, tant pour les personnes (chaussures, casque, gants, lunettes, habits…) que pour les activités (harnais de sécurité, échafaudage, filet de sécurité…) et les machines (système d’arrêt d’urgence, détection d’objet…).</p>
<h2>L’importance de la prévention</h2>
<p>Sur des marchés saturés, dans des économies stagnantes, et face à une concurrence qui s’internationalise, les entreprises soumises à toutes ces contraintes recherchent des manières de se démarquer. À cet effet, la gestion des ressources humaines constitue un élément clé de différenciation.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=920&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397541/original/file-20210428-23-seyqm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1156&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Préventions des risques psychosociaux et des accidents du travail » de Nicolas Dufour, Caroline Diard et Abdel Bencheikh.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.maxima.fr/component/virtuemart/a-para%C3%AEtre/pr%C3%A9vention-des-risques-psycho-sociaux-et-des-accidents-du-travail-detail.html">Éditions Maxima</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès 2005, Ulrich et Brockbank dans leur best-seller <em>HR Value proposition</em>, précisaient : « Les organisations et les personnes deviennent des actifs incorporels lorsqu’ils donnent aux investisseurs confiance en l’avenir, et des revenus tangibles ». Si ces éléments sont établis dans la littérature managériale, un aspect contribuant à la pérennisation des ressources humaines, en tant qu’actifs incorporels clés pour une organisation, reste largement sous-estimé.</p>
<p>Cet aspect consiste en la prise en compte des risques RH et de leurs impacts sur le développement d’une entreprise. Le recours aux méthodes, outils et techniques de gestion des risques RH doit permettre tant de renforcer le développement économique que d’améliorer la santé et la qualité de vie au travail pour les collaborateurs de l’entreprise.</p>
<p>Une étude menée sur plus d’un an dans le cadre de la commission « Risques RH » de l’AMRAE2 à partir d’interviews de Risk Managers en charge des processus de gestion des risques RH permet d’étayer nos propos.</p>
<p>L’étude a porté sur une trentaine d’entreprises nationales et inter – nationales opérant dans de différents secteurs et représentant au total plus d’un million de salariés. Elle a permis de répertorier trois familles de risques RH :</p>
<ul>
<li><p>52 % de risques internes dont 17 % : homme clé, taux de rotation, motivation ; 14 % : recrutement, formation, mobilité, gestion des compétences et 12 % : RPS, suicides, harcèlement, santé, TMS</p></li>
<li><p>34 % de risques périphériques dont 14 % : conditions de travail, sûreté, sécurité et 13 % : réglementaire, contractuel, environnement professionnel, RSE</p></li>
<li><p>14 % de risques externes dont 6 % : environnement social et 5 % : images, réputations</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, plus de 71 % des risques RH identifiés par les entreprises sont maîtrisables par une politique de gestion des risques et des ressources humaines proactive et préventive. Cela concerne la totalité des risques internes (Homme clé, taux de rotation, motivation, recrutement, formation, mobilité, gestion des compétences, risques psychosociaux, suicides, harcèlement, troubles musculo-squelettiques) ainsi qu’une partie des risques externes et périphériques (les risques de sûreté et de sécurité ainsi que les risques d’image et de réputation).</p>
<p>L’un des constats de notre étude est que les entreprises restent en pratique encore peu proactives quant à la gestion des risques RH et ce malgré les nombreuses affaires médiatiques qui ont marqué les esprits, notamment dans le secteur de la téléphonie, de la chimie ou encore dans l’industrie automobile.</p>
<h2>La démarche de prévention</h2>
<p>Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 1948 : « la prévention est l’ensemble des mesures visant à éviter ou réduire le nombre et la gravité des maladies, des accidents et des handicaps ». Traditionnellement, les spécialistes distinguent trois types d’actions :</p>
<p>la prévention primaire […], la prévention secondaire […] et la prévention tertiaire […].</p>
<p>Éviter les accidents du travail c’est bien sûr déployer des actions de prévention aux trois niveaux évoqués. Mais la prévention primaire est un axe essentiel.</p>
<p>On constate que 82 % des dirigeants pensent que les actions de santé ont un impact sur la productivité (+ 8 points depuis 2014). Pourtant, la mobilisation des acteurs à l’égard de la prévention est assez bien corrélée avec la taille des entreprises, dans les secteurs où la gravité du risque est importante. Pour autant, il existe aujourd’hui des relais externes pour déployer des actions nombreuses de prévention.</p>
<p>En revanche, la question de la prévention de l’accident du travail porte désormais sur des populations de travailleurs détachés, intérimaires et autres travailleurs ubérisés du monde du travail contemporain. […]</p>
<p>Finalement en Europe aujourd’hui la question de la prévention des risques se pose moins en termes de taille d’entreprises que par rapport aux nouvelles formes de salariat : détachés, mis à disposition, etc. L’autorisation du travail détaché en Europe a conduit à développer des formes de travail dont les contours ne permettent pas toujours de maintenir le collaborateur dans le spectre de la prévention.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397553/original/file-20210428-19-1u81n7r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La prévention des risques du travail en Europe se pose en termes de nouvelles formes de salariat, comme celle des livreurs des plates-formes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/riders-walk-against-working-conditions-milan-1660941199">Shutterstock</a></span>
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<p>En 2014, Marie-Cécile Amauger-Lattes, maîtresse de conférences en droit du travail à l’Université de Toulouse attire l’attention sur ce sujet : derrière ce dispositif, il y a des pratiques douteuses. Par exemple, des entreprises françaises créent des sociétés fictives ailleurs en Europe afin de recourir à des travailleurs détachés. On en voit par exemple à la Jonquera, à la frontière franco-espagnole, ou au Luxembourg.</p>
<p>Il existe aussi des entreprises qui jouent les réservoirs de main-d’œuvre : une société établie par exemple en Pologne va recruter en Roumanie pour envoyer ensuite ses salariés en France. Nous avons eu des cas de travailleurs chinois embauchés en Allemagne et détachés en France.</p>
<p>Sans qu’elles donnent lieu à des fraudes aux organismes sociaux, on voit bien en quoi ces pratiques peuvent éloigner les « collaborateurs » des campagnes de prévention des risques professionnels. Ces pratiques concernent une main-d’œuvre souvent moins vigilante au port des équipements de protection individuel (EPI) et peu sensible à l’exercice du droit d’alerte auprès d’élus du personnel parfois inexistants. Par exemple, l’entreprise va s’avérer être une structure éphémère créée pour lancer un programme de développement de l’énergie électrique financée par l’État.</p>
<h2>Le cas d’une chute en entreprise</h2>
<p>Au sein de l’entreprise U, une PME de 300 collaborateurs intervenant dans le secteur des services financiers, la problématique des enjeux de sécurité était sous-estimée. Ainsi, si une cartographie des risques avait bien identifié le risque de chute et si le document unique l’indiquait, le sujet ne faisait pas l’objet d’audit de sécurité-prévention régulièrement.</p>
<p>Un signalement avait indiqué que dans les escaliers de secours le risque de chute était considéré comme probable, notamment car l’éclairage automatique tardait à s’allumer à l’arrivée de collaborateurs. Une alerte avait indiqué que l’allumage prenait près de 5 secondes au lieu de 2 normalement. Les consignes relayées par les moyens généraux, en charge également du sujet sécurité, étaient de prendre l’ascenseur plutôt que les escaliers le temps qu’un prestataire intervienne. Trois semaines passent.</p>
<p>Un jour, l’une des collaboratrices, Mme C. âgée de 56 ans, pressée par son activité et lassée d’attendre que la lumière s’allume, refuse de prendre l’ascenseur pour un étage. Elle se dépêche, sans attendre les 5 secondes de délai d’allumage de l’éclairage automatique dans les escaliers et chute dans l’escalier, se blessant à la nuque et aux cervicales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397549/original/file-20210428-25-dly4vh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le signalement non traité d’un défaut d’éclairage dans les escaliers de l’entreprise, a entraîné la chute d’une salariée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/attractive-asian-woman-accident-fall-off-1121643395">Shutterstock</a></span>
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<p>Une incapacité de travail de plus de trois mois en résultera. La collaboratrice ne reviendra plus à son poste de travail en raison d’aggravation de son état de santé plusieurs mois après l’incident (au total 14 mois cumulés d’arrêts de travail en deux ans).</p>
<p>Cet exemple, s’il n’est pas rare dans les organisations, illustre l’importance de ne pas négliger de petits facteurs de risque, même anodins, voire insignifiants de prime abord.</p>
<p>Pour tout ce qui touche à la sécurité, attendre est toujours le meilleur moyen de laisser survenir le risque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159945/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un livre récemment publié aux Éditions Maxima propose aux entreprises de mettre en place des politiques de ressources humaines mieux ciblées. Extraits.Caroline Diard, Professeur associé en management des ressources humaines, ESC AmiensAbdel Bencheikh, House of HR Directeur de la Gestion des Risques et de l'Audit Interne, Intervenant, Université Paris Dauphine – PSLNicolas Dufour, Professeur affilié, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588842021-04-21T19:53:15Z2021-04-21T19:53:15ZLa réalité physique du monde numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395226/original/file-20210415-24-hpcna1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=542%2C3%2C1853%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Magasin Vauban, un vieil entrepôt au port de Strasbourg, réaménagé en centre de données.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Magazin_Vauban_E.jpg?uselang=fr">Michael Kauffmann, Wikipédia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Umberto Eco décrit dans son roman <em>Le nom de la rose</em> l’organisation, la conservation des données et l’accès au savoir, il y a sept siècles dans la bibliothèque d’une abbaye, qui finira par brûler, détruisant ainsi le travail des moines copistes, premiers artisans de la redondance avant l’invention de l’imprimerie puis de l’informatique.</p>
<p>Ce type d’événement s’est reproduit au travers des époques avec à chaque fois des pertes de connaissances. L’épisode le plus récent dans notre époque de dématérialisation, est l’incendie spectaculaire à Strasbourg le 10 mars 2021 d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_de_donn%C3%A9es">« data center »</a> – c’est-à-dire d’un centre de stockage et de traitement de données – qui a eu des conséquences importantes pour les utilisateurs. Cet incident est révélateur de la fragilité des infrastructures numériques (ordinateurs, serveurs, racks de stockage, réseaux de communications, alimentations électriques, climatisation…), qui amène à des pertes de données parfois irréversibles, et des services interrompus (systèmes d’information, applications informatiques, messageries, sites Web…).</p>
<p>Un tel accident industriel nous interpelle en fait sur la réalité physique du monde numérique. Celui-ci s’est construit depuis une quarantaine d’années autour de machines informatiques concentrées dans des réseaux de <em>data centers</em> qui constituent le nuage numérique ou « cloud ». Ce « nuage », d’apparence immatérielle, repose en fait sur des infrastructures distribuées et interconnectées à l’échelle de la planète. On recense à ce jour près de 5 000 data centers dédiés ou mutualisés répartis dans <a href="https://www.datacentermap.com/datacenters.html">127 pays dans le monde</a>, certains pouvant héberger des dizaines de milliers de serveurs.</p>
<p>L’histoire de l’informatique est faite d’alternances du local au global entre des infrastructures centralisées et distribuées : centralisées au siècle dernier autour d’un ordinateur unique, puis distribuées avec l’avènement de l’informatique nomade (PC, tablettes, smartphones, objets connectés…), puis mixte de nos jours avec des services de plus en plus externalisés vers des sociétés spécialisées (GAFAM par exemple) pour sauvegarder et traiter des données, ou communiquer au travers des réseaux sociaux, ou dans le télétravail par visioconférences et documents partagés.</p>
<h2>Comment stocke-t-on des données de manière sécurisée aujourd’hui ?</h2>
<p>Si on regarde l’usage individuel, il y a 30 ans les données étaient stockées sur des disquettes de capacité de 1 méga-octet (10<sup>6</sup> octets) puis des CD, des clés USB… Aujourd’hui un disque dur magnétique personnel de 1 téra-octet (10<sup>12</sup> octets, soit mille milliards) – qui a la taille d’un smartphone – représente l’équivalent d’un million de disquettes pour un coût de quelques dizaines d’euros. La sauvegarde des données de manière pérenne est une évidence depuis les débuts de l’informatique, avec au départ des matériels et des logiciels peu fiables.</p>
<p>Aujourd’hui, l’heure est à l’explosion des données liées à nos usages, par exemple la sauvegarde instantanée dans le cloud de photos et vidéos saisies sur un smartphone. L’heure est aussi à toutes les formes actuelles connues de piratage, et de cybercriminalité. Sauvegarder ses données nécessite des précautions, par exemple dans des lieux de stockage sûrs.</p>
<p>Au niveau professionnel, beaucoup d’usagers et de sociétés n’ont pas les moyens de disposer d’une infrastructure informatique autonome et robuste, compte tenu des coûts d’acquisition, de maintenance, de sécurisation, de mise à jour, et des ressources humaines associées. Ils font donc appel à des sociétés spécialisées qui vendent leur maîtrise de la sécurisation des données, que ce soit en termes de confidentialité, de protection de savoir-faire ou de vie privée. Notons aussi que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/USA_PATRIOT_Act">enjeux de souveraineté des États</a> dans l’accès aux données sont cruciaux. La distribution des données et de leurs traitements à l’échelle de la planète – et un jour de l’espace avec des grappes de satellites établissant les communications entre serveurs – offre de nombreux avantages sous réserve d’une bonne compréhension des limites physiques des infrastructures utilisées, notamment en cas d’accident.</p>
<p>Un regard critique sur les offres actuelles est donc indispensable : où sont stockées mes données ? Comment sont-elles protégées, sécurisées et sauvegardées ? Quelle empreinte carbone pour mes usages numériques ?</p>
<h2>Quels coûts pour cette virtualisation de nos systèmes informatiques ?</h2>
<p>Certains opérateurs offrent des services clés en main répondant à ces exigences. D’autres offrent à des coûts moindres des possibilités d’accès à des machines, en laissant aux clients la responsabilité de leurs choix, par exemple dans la gestion des sauvegardes – les contrats entre les parties régissent les détails de ces usages. La notion de qualité de service <a href="https://www.journaldunet.com/web-tech/cloud/1498567-incendie-d-ovh-a-strasbourg-la-cnil-monte-au-creneau/">est donc essentielle</a>.</p>
<p>Une bonne communication sur les technologies utilisées et leurs limites parfois insaisissables pour les usagers est indispensable : quels sont les niveaux de protection de mes données dans le contrat souscrit ? À quelle fréquence se font les sauvegardes, et comment ? La CNIL rappelle en particulier les <a href="https://www.cnil.fr/fr/incendie-ovh-faut-il-notifier-la-cnil">obligations en matière de notification</a>, en cas d’indisponibilité ou dans le pire cas de destruction de données personnelles déposées dans un data center.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395224/original/file-20210415-17-zui9ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le data center de l’agence Reuteurs, à Londres, en 2005.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Reuters.london.arp.jpg?uselang=fr">Adrian Pingstone/Wikipedia</a></span>
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<p>La réalité physique du monde numérique pose aussi la question des ressources énergétiques nécessaires à ces infrastructures et à nos usages les plus voraces en énergie (vidéos en streaming, gestion de la monnaie virtuelle, les bitcoins). L’empreinte environnementale de nos périphériques numériques connectés et des infrastructures de communications, calcul et stockage ne peut être ignorée : la part globale du « numérique » dans les émissions de gaz à effet de serre augmente chaque année et <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-018-06610-y">dépassera bientôt les 5 %</a>, avec une consommation en énergie de 2000 térawatts-heures soit 10 % de la demande mondiale d’électricité.</p>
<h2>Des solutions techniques</h2>
<p>Des solutions scientifiques et technologiques émergent pour <a href="https://qarnot.com">fiabiliser</a> et <a href="https://www.datacenterknowledge.com/regulation/europe-edges-closer-green-data-center-laws">accompagner</a> les transitions numériques et énergétiques qui sont indissociables.</p>
<p>Cela pourrait par exemple conduire à des « circuits courts numériques » de fiabilisation et de sauvegarde, associés à chaque data center et valorisant des générations de machines informatiques plus anciennes <a href="https://mpra.ub.uni-muenchen.de/104507/1/MPRA_paper_104507.pdf">fonctionnant exclusivement avec des énergies vertes</a>. Ces machines pourraient être distribuées à l’échelle d’une région, ce qui limiterait l’impact d’un accident industriel sur un site donné, en jouant sur la redondance des machines pour assurer des sauvegardes.</p>
<p>En effet, un service basé sur une redondance de ressources informatiques est en cas d’accident toujours bien meilleur qu’une perte irréversible de données numériques, que ce soit pour des usages privés ou professionnels. Pour beaucoup d’applications ne nécessitant pas de calculs hautes performances, ou pour la gestion locale des données et des services offerts aux usagers à l’échelle d’un <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/smart-city-linnovation-au-service-des-territoires">territoire</a> ou d’une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_intelligente">ville intelligente</a>, il est envisageable de coupler en « circuit court numérique » la production et le stockage des données avec les énergies vertes, que ce soit en termes de <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/enedis-la-transition-connecte/vers-des-data-centers-plus-verts-1016045">récupération de chaleur</a> ou de production d’<a href="https://www.datacenterknowledge.com/energy/new-google-cloud-data-show-how-green-its-global-data-center-regions-are">électricité d’origine renouvelable</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158884/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Robert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Loin de flotter dans l’éther, nos données sont hébergées dans des data centers qui sont soumis à des risques industriels et consomment énormément d’électricité. Quelles évolutions ? Quelles solutions ?Michel Robert, Professeur des Universités, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1536792021-01-24T17:23:40Z2021-01-24T17:23:40ZExploitation minière : les terrils, dangers oubliés et patrimoine retrouvé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379965/original/file-20210121-17-nfmy53.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C2192%2C1424&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran, Netflix.</span> </figcaption></figure><p>Tous ceux qui suivent la série <em>The Crown</em> ont pu assister, dans le deuxième épisode de la saison trois, au dramatique effondrement d’un terril qui eut lieu dans la petite ville minière d’Aberfan dans le sud du pays de Galles, le 20 octobre 1966. Rares, pourtant, ont été les accidents de ce type dans l’histoire de l’exploitation minière dans le monde.</p>
<p>Traditionnellement, les grands ennemis des hommes de la mine – et de leurs familles – sont réputés être au nombre de trois. L’air vicié de « grisou » ou « terrou », un gaz difficile à détecter qui asphyxie, qui prend feu et explose dans les galeries, comme lors de la catastrophe de Courrières <a href="https://www.herodote.net/10_mars_1906-evenement-19060310.php">qui fit 1099 victimes le 10 mars 1906</a>. L’eau qui provoque des inondations comme le met en scène Hector Malot dans <em>Sans famille</em> (1878), lorsqu’une rivière en crue envahit une mine dans les Cévennes. La terre, enfin, qui est à l’origine de nombreux éboulements au fond. Petits ou grands, ils sont responsables de la plupart des accidents au quotidien. Mais les terrils, amoncellements de déchets remontés des profondeurs, ne figurent pas au nombre des dangers redoutés des mineurs, tant leurs effondrements sont exceptionnels dans l’histoire de l’exploitation minière.</p>
<h2>Amoncellement de déchets</h2>
<p>Dans les premiers temps de l’exploitation souterraine, les déchets sont laissés au fond. Vers le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, ils sont progressivement amenés à la surface et entassés à l’extérieur du puits, à l’aide de petits wagonnets mus manuellement. La mécanisation progressive des mines voit naître les premiers terrils. Avec le temps, ils deviennent de plus en plus grands et de plus en nombreux, au point de faire désormais partie intégrante du paysage minier, partout dans le monde.</p>
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<figcaption><span class="caption">Terrils, du noir au vert.</span></figcaption>
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<p>Les terrils sont connus pour être des sources de chaleur qui se consument de l’intérieur pendant des années – jusqu’à 30 voire 50 ans –, comme à la Ricamarie dans la Loire. À Alès (Gard), à l’automne 2004, quarante ans après la fermeture du dernier puits de ce bassin, deux terrils, un très ancien et un autre plus récent, constitué entre 1945 et 1975, <a href="https://www.liberation.fr/terre/2004/11/06/ales-brule-d-un-feu-interieur_498503">sont entrés en combustion à plus de 900°</a>. Il en a été de même <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00880725/document">à Tcheliabinsk dans le sud de l’Oural</a> et au Portugal <a href="https://www.geocaching.com/geocache/GC67F4D_gn16-terril-en-combustion?guid=68d8e48f-ad7f-4102-a36a-586184f6a3ef">dans le Douro</a>.</p>
<p>Les terrils peuvent aussi, parfois, s’effondrer. Dans les années 1930, à Donetsk en Ukraine, des bâtiments de trois étages <a href="https://www.geosoc.fr/publication/geochronique/sommaires-et-resumes/576-geochronique-127-septembre-2013-regards-sur-mines-de-nouvelle-caledonie-sables-bleutes-du-var-transition-energetique-combustion-des-terrils/file.html">ont été ensevelis à la suite de l’éboulement d’un « terikon »</a>. Aujourd’hui encore, ce bassin minier en compte quelque 600. Elles constituent les seules montagnes de la région.</p>
<h2>A Aberfan, un accident sans précédent</h2>
<p>Trois décennies plus tard, la catastrophe d’Aberfan va endeuiller à jamais cette petite communauté minière. C’est un terril de 40 mètres de haut – seuls, semble-t-il, des monticules ne dépassant pas les six mètres étaient officiellement autorisés – érigé sur une petite colline sous laquelle coule une source, qui s’effondre. 230 000 m<sup>3</sup> de déchets miniers se déversent, dans un bruit apocalyptique et avec une violence inouïe sur l’école du village, ôtant la vie à <a href="https://www.politics.ox.ac.uk/news/iain-mclean-on-the-anniversary-of-the-disasters-natural-and-political-at-aberfan.html">109 écoliers et 5 de leurs enseignants, ainsi qu’à huit autres adultes, soit au total 144 victimes</a>. La menace que représentait ce terril était pourtant connue. Il était trop élevé et en surplomb des maisons, mais le dénoncer risquait d’accélérer la fermeture de cette mine, considérée comme de moins en moins rentable.</p>
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<p>Moins de 10 ans plus tard, le 26 août 1975, en pleine nuit à Calonne-Ricouart (Pas-de-Calais), nouveau drame. Cette fois, le terril prend feu et explose. Bilan : six morts, 47 maisons détruites et trois hectares de terrain <a href="https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00151/explosion-d-un-terril-a-calonne-ricouart.htm">sont recouverts de cendres</a>. À Herstal (Belgique), dans le quartier de la Préalle, à la mine de la Petite Bacnure, le 1<sup>er</sup> avril 1999 un terril s’affaisse, sans faire de victime, sur sept habitations. Pendant plusieurs années, il a continué à barrer la route et laissé derrière lui un spectacle de désolation.</p>
<p>À long terme, au-delà de l’éventualité qu’un terril se consume lentement avant d’exploser, il y a toutes les substances nocives pour l’environnement que certains d’entre eux contiennent et laissent échapper. En octobre 1992 un ancien et très important terril, composé de 600 000 m<sup>3</sup> de résidus différents – oxydes de fer, aluminium, silicium, sodium, titane, calcium – laissés derrière lui par Aluminium Péchiney, s’est effondré. Constitué au cours de la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, il est coincé entre la voie ferrée Marseille-Aubagne et L’Huveaune, <a href="https://social.shorthand.com/lamarsweb/j2yJySguMc/crassiers-dalumine-lheritage-pas-si-invisible">principale rivière se jetant dans la mer au niveau de la cité phocéenne</a>, il continue à déverser dans les eaux souterraines des concentrés de radionucléides, des éléments instables donc potentiellement dangereux. Son impact chimique et radiologique sur l’environnement est loin d’être inoffensif. Sur le terrain d’une ancienne compagnie pétrolière, un terril de plus de quatre mètres de haut s’est effondré en octobre 1996. La coulée menaçait une ferme implantée plus bas, dont le bâtiment se fissurait. Enfin, du méthane qui s’échappait <a href="https://www.aria.developpement-durable.gouv.fr/accident/12085/">faisait craindre une explosion</a> !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1350036106331435010"}"></div></p>
<p>Pourtant, malgré leur dangerosité, les terrils font partie des lieux de mémoire de la mine. À Denain (Nord) le terril Renard, qui tire son nom de la fosse éponyme, est de ceux-là. Le puits creusé en 1836 a été fermé en 1948, <a href="https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00241/une-maison-de-mineur-a-denain.html">après plus d’un siècle d’exploitation</a>. C’est sous la conduite du jeune ingénieur Louis Mercier qu’Émile Zola, préparant <em>Germinal</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2002-1-page-37.htm">descend à 675 m de profondeur dans cette fosse le 25 février 1884</a>. C’est également là que travailla pendant plus de 45 ans, le père du truculent personnage de mineur <a href="http://www.cafougnette.com">connu sous le nom de Cafougnette</a>, Jules Mousseron (1868-1943) le <a href="https://fresques.ina.fr/memoires-de-mines/fiche-media/Mineur00241/une-maison-de-mineur-a-denain.html">célèbre mineur, poète et chansonnier</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=924&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380000/original/file-20210121-17-72xgwf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1161&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jules Mousseron en 1912.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Mousseron#/media/Fichier:Jules_Mousseron_1912.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Le <a href="https://www.bassinminier-patrimoinemondial.org/actualites/classement-de-chaine-terrils-titre-de-loi-paysage/">28 décembre 2016</a>, 78 terrils formant une chaîne, situés dans ce qui était le bassin du Nord et du Pas-de-Calais, ont été jugés dignes d’appartenir au patrimoine national au titre de la loi du 2 mai 1930 « ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels… »</p>
<p>Certains d’entre eux ont été rendus à la nature, voire à l’expérimentation agronomique, d’autres sont désormais dédiés aux loisirs. Le terril de Pinchonvalles à Avion (Pas-de-Calais), est le plus long d’Europe. Entièrement boisé, il fait la joie des naturalistes et des amateurs de champignons. Son biotope est d’une grande richesse. Espèces animales et végétales rares y cohabitent, comme ces pommiers de variétés anciennes, issues des pépins laissés au fond par les <a href="https://www.ville-avion.fr/node/261">mineurs d’antan à l’heure du « briquet »</a>, surnom donné au casse-croûte dans le bassin du Nord-Pas-de-Calais.</p>
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<figcaption><span class="caption">Loin des montagnes, le ski toute l’année sur un terril.</span></figcaption>
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<p>Pour les fous de glisse, un terril de 129 mètres de haut a été aménagé en piste de ski, à Noeux-les-Mines dans le Pas-de-Calais.Le <a href="https://www.tourisme-bethune-bruay.fr/a-voir-a-faire/culture-patrimoine/loisinord-1070412">complexe Loisinord</a> attire également les foules avec son grand stade nautique. Enfin, les terrils jumeaux (n°s 11 et 19) de Loos-en-Gohelle, les plus hauts d’Europe avec leurs 186 mètres, ont été aménagés pour les promeneurs. Non loin de là se trouve le Louvre-Lens, musée et lieu d’exposition.</p>
<p>À Aberfan, le <em>Memorial Cemetery and Garden</em> a été construit sur le site de la Pantglas School. Lieu de mémoire émouvant, avec ses arches de pierre blanche représentant <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Aberfan#/media/File:Mynwent_Aberfan.jpg">chacune une des petites victimes</a>, il a été inauguré par la reine en mars 1973, avec dépôt d’une couronne de fleurs. Voulait-elle, ce faisant, faire taire les critiques que lui avait valu le retard avec lequel elle s’était rendue sur place sept ans plus tôt et dont la série <em>The Crown</em> se fait l’écho ? Elle s’y rendra à plusieurs reprises, par la suite, en 1997, puis en 2016 à l’occasion du 50<sup>e</sup> anniversaire du drame d’Aberfan.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153679/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Cooper-Richet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se consumant de l’intérieur, les terrils (ces accumulations de déchets liés à l’exploitation minière) ont provoqué de nombreux accidents au cours de l’histoire.Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448122020-08-24T19:09:56Z2020-08-24T19:09:56ZSécurité routière : pour sauver des vies, privilégions le vélo !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353889/original/file-20200820-18-rb2cpv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=594%2C187%2C6313%2C4517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au kilomètre, la voiture provoque trois fois plus de décès d'usagers tiers que le vélo.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/city-traffic-motion-blur-night-london-159230585">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le cadre d'une étude réalisée pour le secrétariat britannique aux transports, nous avons comparé le risque d’être blessé lorsque vous <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/834585/reported-road-casualties-annual-report-2018.pdf">pédalez, conduisez une voiture ou marchez</a>. Nos travaux révèlent que les motards présentent le risque de décès le plus important, suivi par les piétons et les cyclistes. Ceux qui circulent dans des camionnettes, des bus ou des camions semblent les plus en sécurité.</p>
<p>Mais cela ne livre que la moitié de l’histoire. Si notre analyse des données a dévoilé le danger auquel les motards sont eux-mêmes exposés sur la route, elle établit également qu’ils représentent une menace considérable pour les autres. Par kilomètre, ces deux-roues tuent deux fois plus d’autres personnes que la voiture.</p>
<p>Par ailleurs, la majorité – plus de huit sur dix – des morts à vélo surviennent lorsque le cycliste est percuté par un véhicule motorisé. </p>
<p>Dans la plupart des cas, ce n’est pas tant pédaler en soi qui tue, mais bien la collision avec des véhicules plus lourds et plus puissants.</p>
<p>Notre <a href="https://injuryprevention.bmj.com/content/early/2020/03/09/injuryprev-2019-043534">nouvelle recherche</a> établit le nombre de décès causés à des tiers selon le type de véhicule. Nous avons également examiné comment le genre de la personne au volant ou à vélo affectait le nombre de personnes tierces tuées.</p>
<h2>L’image manquante</h2>
<p><a href="https://injuryprevention.bmj.com/content/early/2020/03/09/injuryprev-2019-043534">Notre analyse</a> calcule les décès infligés aux autres usagers de la route par milliard de kilomètres en Angleterre, selon le type de véhicules utilisés. Il s’agit de calculer le nombre de morts à partir d'une quantité donnée de voyages effectués. Il n’inclut pas les décès de passagers dans des accidents n’impliquant qu’un seul véhicule.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316816/original/file-20200224-24672-6k8q3e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de décès par kilomètre d’autres usagers de la route par mode de transport.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aldred, Johnson, Jackson et Woodcock, 2020</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats révèlent par exemple que conduire une voiture tue trois fois plus de personnes par kilomètre que pédaler à vélo. Utiliser la bicyclette pour des trajets courts, au lieu de prendre le volant, pourrait donc sauver des vies.</p>
<p>Presque un cinquième (18 %) des kilomètres parcourus en voiture le sont ainsi dans le cadre d'un <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/821419/nts0308.ods">trajet de moins de 8km</a>. Imaginons que la moitié de ces trajets soient désormais réalisés à vélo. Dès lors, nous remplaçons 9 % de la distance actuellement parcourue en automobile sur des autoroutes par des trajets à bicyclettes sur des routes secondaires, ce qui représente 14 milliards de km par an. Nos données montrent que la voiture provoque chaque année 619 décès de personnes tiers. Une diminution de 9 % des kilomètres parcourus devrait donc se traduire par 56 décès de moins par an.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325731/original/file-20200406-151304-1pwd6ex.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La conduite automobile tue trois fois plus de personnes par kilomètre que le vélo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/cyclist-traffic-on-city-roadway-motion-212028646">Rocksweeper/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’occupation moyenne d’une voiture est de 1,6 personne, ce qui implique 22 milliards de kilomètres de plus parcourus à vélo annuellement si l'on fait la transition. C’est cinq fois plus que les niveaux actuels qui sont très bas. Les Pays-Bas, dont la population représente un tiers de celle de l’Angleterre, ont réussi à accumuler <a href="https://english.kimnet.nl/publications/publications/2018/04/06/cycling-facts">15,5 milliards de kilomètres à vélo</a> en 2016.</p>
<p>Sur la base des taux calculés précédemment, on peut s’attendre à ce que 22 milliards de kilomètres parcourus à bicyclette entraînent 27 décès supplémentaires par an. Au total, ce passage de la voiture au cyclisme se traduirait par 29 décès de moins par an.</p>
<p>Il existe de nombreuses raisons de soutenir cette transition. Une augmentation substantielle de l’usage du vélo aurait des avantages majeurs en matière d’activité physique. L’outil <a href="https://www.pct.bike/ict/">« The impacts of cycling »</a>, qui calcule les avantages de l’activité physique pour la santé, suggère qu’une multiplication par cinq du nombre de cyclistes pourrait prévenir plus d’un millier de décès prématurés chaque année en Angleterre.</p>
<h2>Fossé de genre</h2>
<p>Nos travaux s’intéressent également aux différences entre hommes et femmes. Malgré la vieille croyance selon laquelle <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/jane-jetson-and-the-origins-of-the-women-are-bad-drivers-joke-17672597/">ces dernières seraient de mauvaises conductrices</a>, la recherche révèle que <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2016.01412/full">leurs homologues masculins ont davantage de comportements</a> contraires à la sécurité routière. Par exemple, ils se montrent plus enclins à la vitesse que les femmes. L’égalité de genre croissante en matière de conduite de la voiture a pu contribuer à réduire les blessures routières, bien que cela soit encore peu étudié.</p>
<p>Malgré cela, les hommes demeurent majoritairement, et de façon disproportionnée, au volant des véhicules les plus dangereux. <a href="https://injuryprevention.bmj.com/content/early/2020/03/09/injuryprev-2019-043534">Au moins 90 % des conducteurs de camionnettes ou de bus sont des hommes, tout comme 95 % des chauffeurs de camion</a>. Si un conducteur ou un passager de camion peut être en sécurité dans sa grande boîte métallique, ceux qui se trouvent à l’extérieur du véhicule le sont beaucoup moins. Chaque kilomètre effectué en camion cause plus de six fois plus de décès que chaque kilomètre en camionnette.</p>
<p>Nos recherches ont calculé l’impact que le genre avait sur les morts de tiers. Pour 5 des 6 modes de transports, les hommes représentent un danger bien plus élevé que les femmes. Dans le cas des bus, le risque par kilomètre associé aux chauffeurs masculins était plus important, mais la différence n’était pas statistiquement signifiante. </p>
<p>Du fait des données limitées dont nous disposons, nous ne pouvons pas être aussi sûrs des résultats pour les transports commerciaux et de service public. Cependant, les risques liés aux voitures, aux motos et aux vélos – pour lesquels les données sont meilleures – révélant un écart fort entre les sexes, il est probable qu’un tel écart existe aussi pour les véhicules plus lourds, bien que l’on en ignore l’ampleur exacte.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316817/original/file-20200224-24676-1sftmrm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nombre de décès au kilomètre d’autres usagers de la route par mode et par sexe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aldred, Johnson, Jackson et Woodcock, 2020)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Nous avons calculé comment un partage égal de la distance parcourue par les hommes et les femmes en camionnette et en camion influerait sur les décès. Sur les onze années de notre analyse, la parité hommes-femmes pour la conduite de camionnettes impliquerait 343 morts de moins infligés à des tiers et 866 décès de moins pour la conduite de camions. </p>
<p>Cela suggère qu’il y en aurait environ 100 morts de moins par an si la répartition des conducteurs de camionnettes et de camions était paritaire, et non confiée aux hommes à plus de 90 % comme c'est le cas aujourd'hui.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144812/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rachel Aldred receives funding from DfT, TfL, Road Safety Trust.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>James Woodcock receives grant funding from the European Research Council, the UK Department for Transport, the MRC, NIHR, and EPSRC</span></em></p>Au Royaume-Uni, des chercheurs ont calculé la dangerosité sur la route que représentait chaque mode de transport vis-à-vis des autres usagers.Rachel Aldred, Professor of Transport, University of WestminsterJames Woodcock, Principal Research Associate, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1414742020-06-25T18:13:25Z2020-06-25T18:13:25Z110km/h sur autoroute : l’analyse coûts/bénéfices débride le débat démocratique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344022/original/file-20200625-33563-1bj47i3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C26%2C1189%2C774&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une telle limitation permettrait de réduire de 20&nbsp;% les émissions de gaz à effet de serre sur les trajets autoroutiers.</span> <span class="attribution"><span class="source">RVillalon / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>C’est sans doute la proposition la plus controversée et commentée de la convention citoyenne sur le climat parmi les 149 remises <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/06/21/fiers-du-travail-accompli-les-citoyens-de-la-convention-pour-le-climat-adoptent-leur-rapport-final-et-proposent-un-referendum-sur-une-revision-de-la-constitution_6043649_3244.html">dimanche 21 juin au gouvernement</a> : le projet de réduction de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes françaises de 130 à 110km/h. Selon le rapport final remis par la convention citoyenne, cette mesure permettrait de réduire de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/convention-citoyenne-sur-le-climat/limitation-a-110-km-h-sur-l-autoroute-quel-est-l-impact-espere-de-cette-mesure-proposee-par-la-convention-citoyenne-pour-le-climat_4017455.html">20 % les émissions de gaz à effet de serre</a> (GES) sur les trajets autoroutiers.</p>
<p>Cette proposition-choc, qui intervient quelques mois seulement après la crise des « gilets jaunes » déclenchée par le projet de hausse de la taxe carburant, et après la controverse née de la mesure d’abaissement à 80km/h de la vitesse sur le réseau bidirectionnel, a aussitôt déclenché une levée de boucliers.</p>
<p>Sans attendre les réponses du président de la République Emmanuel Macron aux travaux de la convention citoyenne, attendues le lundi 29 juin, des associations de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/bourgogne/110-kmh-autoroute-on-fait-boulot-enorme-on-est-fiers-150-citoyens-repond-aux-critiques-1844686.html">motards</a> ou <a href="https://www.40millionsdautomobilistes.org/non-aux-110-sur-autoroute">d’automobilistes</a> ont ainsi dénoncé « l’inutilité » et le coût économique « très important » d’une telle limitation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1273927013146005505"}"></div></p>
<p>Or, ne nous y trompons pas : si cette proposition est effectivement propice à un débat démocratique, ses fondements techniques sont bien socio-économiques, puisque l’application éventuelle d’une telle mesure aurait de multiples répercussions économiques et sociales.</p>
<p>Certaines seront positives – en matière de réduction des émissions de GES ou de baisse de l’accidentalité par exemple – mais d’autres seront négatives, par exemple en matière de perte de temps ou de report sur le réseau secondaire plus dense en population et plus accidentogène que les autoroutes.</p>
<h2>Un gain collectif de 658 millions d’euros…</h2>
<p>C’est bien parce que les effets attendus d’une telle mesure sont ambivalents qu’il est nécessaire d’effectuer ce que les économistes nomment « une analyse coûts-bénéfices ». Dans le principe, celle-ci cherche à monétiser l’ensemble des effets socio-économiques pour en faire le solde… que l’on espère bien évidemment positif.</p>
<p>Or, cette analyse coûts-bénéfices d’une réduction de la vitesse maximale autorisée sur autoroute à 110km/h a justement fait l’objet d’une <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20R%C3%A9duction%20des%20vitesses%20sur%20les%20routes.pdf">étude</a> réalisée en 2018 pour le compte du ministère de la Transition écologique et solidaire.</p>
<p>Prenons tout d’abord les aspects positifs de la mesure. Selon cette étude, une réduction de 20km/h de la vitesse maximale autorisée sur autoroute génèrerait un gain collectif annuel de 658 millions d’euros. Ces gains se décomposent ainsi : 360 millions au titre des économies de carburant ; 61 millions d’économies du fait de moindres rejets de CO<sub>2</sub>, auxquelles viennent s’ajouter 53 millions pour la baisse de la pollution locale.</p>
<p>Enfin, il faut compter 149 millions pour la réduction de l’accidentalité et encore 35 millions pour la réduction de la congestion et les dégâts matériels évités.</p>
<h2>Et une perte de 1 145 millions d’euros…</h2>
<p>Viennent ensuite les effets négatifs de la mesure. Toujours selon cette étude, il faudrait compter 65 millions de coûts d’opportunité pour l’État du fait de la réduction de la consommation de carburant, mais aussi 2 millions pour le remplacement de la signalisation et 100 000 euros au titre du surcroît de bruit résultant du report d’une partie du trafic sur le réseau secondaire, plus proche des lieux d’habitation. Report qui occasionnerait environ 76 millions de manque à gagner pour les sociétés d’autoroutes, mais il convient en toute rigueur d’écarter cette somme de l’équation, car, en l’espèce, ce qui est perdu par les uns est économisé par les autres (en l’occurrence, les usagers particuliers comme professionnels).</p>
<p>Mais c’est surtout la perte de temps engendrée par une telle réduction de la vitesse qui serait préjudiciable. Elle alourdirait la fonction de production à hauteur de 1 145 millions d’euros. Or, cette perte sèche pour l’économie serait probablement répercutée par ailleurs. Selon les cas, elle pourrait, par exemple, occasionner une hausse des prix à la consommation, une pression accrue pour dégager des gains de productivité à marche forcée, voire des ajustements sur la masse salariale.</p>
<h2>Payer pour réduire l’empreinte carbone</h2>
<p>Au bilan, cette étude chiffre l’inefficacité d’une telle mesure sur le plan socio-économique à hauteur de 554 millions annuels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344025/original/file-20200625-33511-mm6fzz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de l’étude « Réduction des vitesses surles routes : analyse coûts/bénéfices » (mars 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Th%C3%A9ma%20-%20R%C3%A9duction%20des%20vitesses%20sur%20les%20routes.pdf">Ecologique-solidaire.gouv.fr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais attention, il convient de garder à l’esprit plusieurs éléments essentiels :</p>
<ul>
<li><p>Une telle étude raisonne à périmètre constant. Or, la technologie évolue, de même que la composition du parc automobile ou les usages. Cela a nécessairement un impact sur les émissions de GES. Il convient donc de la mettre à jour régulièrement pour tenir compte à la fois des progrès en matière d’émissions de GES par kilomètre parcouru, et des modifications comportementales des usagers de la route.</p></li>
<li><p>L’allongement du temps de parcours et la hausse du prix relatif pourraient aussi limiter le nombre de déplacements, ce qui réduirait d’autant les coûts liés à la congestion et aux rejets de polluants. Le temps est une variable cardinale en économie, vérifiant l’adage populaire selon lequel « le temps c’est de l’argent ». L’allongement du temps de parcours sera donc perçu comme un coût additionnel et, en tant que tel, provoquera un ajustement comportemental. Il est concevable que les trajets perçus comme les moins essentiels (ou les moins rentables) s’effacent du simple fait de la mesure.</p></li>
<li><p>Enfin, certains coûts sont moins aisés à monétiser que d’autres. En France, par exemple, nous évaluons la vie humaine d’un adulte en bonne santé à <a href="https://www.liberation.fr/france/2016/09/02/pourquoi-une-vie-vaut-3-millions-d-euros-en-france_1476348">3 millions d’euros</a>. À titre de comparaison, ce montant est de <a href="https://www.tdg.ch/le-deconfinement-relance-le-debat-sur-la-valeur-de-la-vie-136930688336">9 millions de dollars</a> aux États-Unis. On le voit, en fonction de la façon dont certains paramètres sont fixés, les résultats peuvent significativement varier.</p></li>
</ul>
<p>Toutefois, ce n’est pas parce que cette mesure – en l’état – n’est pas efficace économiquement qu’elle n’est pas socialement acceptable. Nous pourrions collectivement accepter de payer plus pour, notamment, réduire notre empreinte carbone.</p>
<p>Le choix est d’autant plus crucial que ce type de question va désormais se poser, au moins à court ou moyen terme, pour chaque décision relative à la transition écologique. Tout le monde est d’accord sur le principe de réduire les émissions de GES, mais <a href="https://theconversation.com/le-monde-est-il-devenu-too-big-to-fail-140947">sommes-nous réellement prêts</a> à en payer le prix, en termes économiques, mais aussi d’usages ? En tous cas, quelles que soient les réponses qui y seront apportées dans les prochains jours, ces problématiques auront au moins révélé tout l’intérêt du débat démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cette mesure, dont le coût économique est évalué à plus de 500 millions d’euros tous les ans, pose avant tout la question de savoir si nous sommes prêts à payer pour réduire nos émissions de CO₂.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1331902020-04-06T18:27:51Z2020-04-06T18:27:51ZRisques industriels : ce que l’accident de Lubrizol nous a appris<p>Jeudi 26 septembre 2019 : un gigantesque incendie se déclare à Rouen au petit matin, sur les sites de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lubrizol-77087">Lubrizol</a>, une usine de produits chimiques classée Seveso seuil haut, et de Normandie-Logistique, une entreprise de transport.</p>
<p>Quelques mois plus tard, le 12 février 2020, la mission d’information de l’Assemblée nationale chargée d’analyser l’accident – qui n’aura occasionné aucune victime directe – <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/inceindu/l15b2689_rapport-information">rend son rapport</a>.</p>
<p>Synthèse des nombreuses propositions égrenées par les scientifiques et experts au fil des 35 auditions de cette mission d’information, la nature même de ce rapport illustre une nouvelle fois la résistance politique à la mise en œuvre des connaissances scientifiques dans le domaine des risques.</p>
<p>Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, illustre de manière idoine ce décalage, en réaffirmant que le gouvernement et les services de l’État</p>
<blockquote>
<p>« tirons tous les enseignements de cet accident et prenons les mesures qui s’imposent pour répondre aux enjeux de sécurité et de prévention des risques industriels et garantir la sécurité des Français ».</p>
</blockquote>
<p>Que le politique attende de voir la crise ou la catastrophe pour s’emparer des enjeux liés aux risques naturels et technologiques constitue un motif sérieux d’inquiétude pour les populations… et de découragement pour les scientifiques qui alertent notamment depuis des décennies sur les <a href="https://www.ipcc.ch/">risques liés au changement climatique</a>.</p>
<h2>L’enquête de 2018</h2>
<p>Mais revenons plus précisément au risque industriel dans l’agglomération rouennaise.</p>
<p>Une <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/34020">enquête menée en 2018</a> – soit un an avant l’incendie des sites Lubrizol et Normandie-Logistique – montrait que plus de 60 % des personnes interrogées ne connaissaient pas l’existence d’un risque industriel dans l’agglomération. Sans surprise, les populations non résidentes et les touristes constituaient l’essentiel des moins informés. Ne pas être la cible des rares campagnes d’information et ne pas connaître le tissu industriel local est un verrou pour accéder à une culture du risque territorialisé.</p>
<p>Dans cette même enquête, 70 % des personnes interrogées ignoraient la signification du signal d’alerte émis par les sirènes et 60 % ne connaissaient pas les consignes à suivre en cas d’accident industriel. Les comportements réflexes qui pouvaient suivre en cas d’alerte étaient donc variés – de l’indifférence à la fuite en passant par l’attente d’informations complémentaires.</p>
<p>Pour les 20 % des personnes interrogées déclarant rechercher un abri pour se protéger, l’entreprise ne semblait pas aisée. Plus de la moitié des responsables d’établissements susceptibles de recevoir et de mettre à l’abri des personnes (administration, banque, commerce) déclarait qu’ils ne laisseraient entrer personne en cas d’alerte.</p>
<p>Enfin, et contrairement à une idée reçue, la confiance aux autorités était élevée : près de 82 % des 712 personnes interrogées déclaraient qu’elles accepteraient de suivre un ordre de confinement immédiat s’il était donné par les services de l’État, via des haut-parleurs ou des SMS.</p>
<p>Ces données alarmantes pour Rouen ne constituaient cependant qu’une étude de plus démontrant les lacunes de l’information préventive des populations et des moyens d’alerte et de communication en cas d’accident industriel en France. Elle laissait entendre également la (trop ?) grande confiance accordée aux services de l’État et aux industriels pour garantir le contrôle et la sécurité des sites.</p>
<h2>Installer une « culture du risque »</h2>
<p>Suite à l’incendie de septembre 2019 à Rouen, le rapport de la mission d’information propose « d’installer une culture du risque durable en France » et de « mieux alerter et informer les populations lors de la survenance d’un accident ». Deux autres objectifs, que nous n’abordons pas ici, portent sur le renforcement du contrôle des sites industriels et la relance de l’attractivité de la métropole rouennaise dont l’image a été « noircie », notamment en encourageant l’ouverture d’un casino…</p>
<p>« Installer une culture du risque » : cela commence par la prise de conscience des risques industriels auxquels les populations sont exposées, via des campagnes d’information. La mission parlementaire propose donc une refonte du site Internet <a href="https://www.georisques.gouv.fr/">Géorisques</a> et l’évolution des documents d’information sur les risques, notamment le document d’information communal sur les risques majeurs (<a href="https://www.georisques.gouv.fr/glossaire/document-dinformation-communal-sur-les-risques-majeurs-dicrim-0">DICRIM</a>).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/40ed3DQMXFY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du portail Géorisques. (BrgmTV, 2015).</span></figcaption>
</figure>
<p>Si de tels instruments doivent en effet être améliorés – car jugés <a href="https://scanr.enseignementsup-recherche.gouv.fr/publication/these2018AIXM0207">peu efficaces et sous-utilisés</a> –, ce sont surtout les modalités de leur diffusion qui doivent être repensées pour toucher le plus grand nombre. Rendre obligatoire la présence de liens vers ces documents sur les pages Internet des établissements (offices du tourisme, universités, mairies, agences immobilières, etc.) qui font la promotion des territoires serait par exemple un début.</p>
<p>La connaissance des consignes à suivre en cas de déclenchement de l’alerte et l’adoption des bons réflexes est un second élément de la culture du risque. La commission propose pour cela de « réaliser une fois par an un exercice de grande ampleur de risque naturel ou technologique sous la forme de “journée à la japonaise” dans un département ».</p>
<p>On connaît les difficultés à mobiliser les personnes pour ce type d’exercice à l’échelle d’un bâtiment ou les populations à l’échelle d’un quartier en France, la question se pose de sa faisabilité à l’échelle d’un département, échelle d’ailleurs questionnable car elle sous-entend que toute gestion de crise serait de la seule compétence du préfet. Parler de territoires à risques permettrait de ne pas sous-estimer d’emblée le rôle des communes dans de tels exercices.</p>
<p>Pour engager une telle démarche avec la population, des premiers exercices avec des populations cibles seraient certainement efficaces, chez les jeunes ou responsables de sécurité des établissements recevant du public, par exemple. Dans cet ordre d’idée, la mission d’information parlementaire propose ainsi d’« aborder le sujet de la culture du risque dans le cadre du service national universel ».</p>
<p>Pour être efficace, cette proposition devra cependant aller plus loin qu’un diaporama qui aborde les enjeux liés aux risques. L’organisation d’exercices de crise adaptés aux territoires qui accueillent ces journées serait une plus grande ambition. Ces exercices pourraient parfaitement s’adapter au format des journées citoyennes, qui offrent l’avantage de réunir au même endroit et au même moment des jeunes d’horizons géographiques et sociaux différents.</p>
<p>Des exercices sous la forme de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/serious-games-25456"><em>serious game</em></a> qui nécessitent une connaissance du territoire, la maîtrise de règles, l’entraide, l’empathie et l’ambition éventuelle de constituer une réserve citoyenne de sécurité seraient un excellent format. Cette réserve disséminée sur le territoire participerait alors plus volontairement à des exercices « à la japonaise » et pourrait en cas d’alerte informer et assister les personnes pour les mettre à l’abri notamment.</p>
<h2>Une multitude d’outils</h2>
<p>Une fois informées sur les risques et éduquées aux consignes, il convient d’alerter et d’informer les populations quand la crise survient.</p>
<p>La technologie de la diffusion cellulaire (<em>cell broadcast</em>) explorée dans le cadre du système d’alerte et d’information des populations (SAIP) puis <a href="http://www.senat.fr/rap/r16-595/r16-595_mono.html">abandonnée faute d’ambition budgétaire</a> fait son retour.</p>
<p>Cette technologie permet de transmettre des messages sur les téléphones des personnes présentes dans une zone géographique exposée à un danger et via les antennes relais. La commission précise, et c’est une bonne chose, que l’alerte et la transmission de consignes doit être multicanale : délaisser un système (la sirène) pour un autre (<em>cell broadcast</em>) conduirait à prendre le risque de ne pas atteindre toutes les personnes en situation de danger. Poursuivre l’utilisation des sirènes, développer l’emploi de haut-parleurs dans les rues piétonnes, utiliser le <em>cell broadcast</em>, les panneaux d’affichage lumineux sur le réseau routier et la radio via le RDS (comme Info trafic, par exemple) sont autant d’outils à développer.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HAzRjEeqKhI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo de présentation du système d’alerte IPAWS aux États-Unis. (911ThinkSign/Youtube, 2013).</span></figcaption>
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<p>La question du rôle des fournisseurs d’itinéraires (Waze, Google Maps, etc.) doit également être posée. Un accident industriel peut en effet survenir alors que des dizaines de milliers d’automobilistes sont en déplacements.</p>
<p>Quels seraient les itinéraires proposés par les algorithmes à partir des seules données de trafic ? Pourraient-ils proposer des itinéraires en direction d’une zone de danger car moins empruntés ? Face à une menace de responsabilité, les opérateurs ne seraient-ils pas tentés d’interrompre leurs systèmes, laissant les utilisateurs dans une « obscurité cartographique ».</p>
<h2>Mettre en œuvre les recommandations</h2>
<p>La mission d’information a également fait des propositions concernant l’analyse en direct pendant la crise des réseaux sociaux afin d’identifier les fausses informations et pouvoir ainsi en limiter leurs impacts. Ce champ de recherche est d’ores et déjà mature en France avec le courant des médias sociaux en gestion d’urgence (MSGU) et l’une de ses principales associations, <a href="https://www.visov.org/">Visov</a>.</p>
<p>Recommandée également, la création d’une cellule de communication de crise au sein de l’État. Cette cellule serait mobilisable en cas d’accident technologique pour assister le préfet et ses services dans la communication de crise. Dans ce domaine, le <a href="https://centredecrise.be/fr">Centre de crise multirisque de Belgique</a> est certainement un exemple à suivre.</p>
<p>La mémoire des catastrophes s’efface avec le temps. Les propositions de la mission d’information sur l’accident de Lubrizol nécessiteront des moyens financiers et humains pour leurs réalisations concrètes. Il revient maintenant aux politiques de prendre les engagements pour que ses mesures soient prises et à tous de rester vigilants pour qu’elles ne perdent pas, année après année, leurs moyens de mise en œuvre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Daudé a reçu des financements de l’Agence nationale de la recherche, projet ESCAPE (anr.fr/Projet-ANR-16-CE39-0011).</span></em></p>À la suite du gigantesque incendie qui a touché l’agglomération rouennaise en 2019, on peut tirer de multiples leçons pour une meilleure prévention et gestion des risques industriels en France.Éric Daudé, Directeur de recherche CNRS, géographe, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1260562019-11-03T18:03:23Z2019-11-03T18:03:23ZSi le plan échoue, comment pouvons-nous improviser ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299246/original/file-20191029-183147-y6lcuy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C657&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mission lunaire Apollo 13, exemple d'improvisation réussie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.nasa.gov/">NASA</a></span></figcaption></figure><p>Un vieux proverbe yiddish dit : <a href="https://www.psychologytoday.com/intl/blog/our-emotional-footprint/201602/man-plans-and-god-laughs">« l’homme planifie et Dieu rit »</a>. La plupart d’entre nous, pour ne pas dire la totalité, savons à quel point ce proverbe est vrai, et avons déjà fait l’expérience d’un plan qui échoue. Même avec une planification exemplaire, la fluidité, l’évolution et l’imprévisibilité des environnements commerciaux vous empêcheront de mettre pleinement vos plans à exécution. La question est donc de savoir s’il est bien utile de continuer de planifier, sachant que les concours de circonstances rendront nos plans désuets. Ne serait-il pas préférable de « suivre le mouvement » et d’improviser au fur et à mesure ?</p>
<p>Dans cet article, nous allons examiner comment les organisations peuvent planifier l’imprévisible et concilier planification minutieuse et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296317304447">adaptation improvisée</a>. Nous soutenons que les organisations modernes doivent être capables d’allier ces deux éléments paradoxaux, si elles veulent s’imposer dans un environnement commercial caractérisé par des changements rapides et constants.</p>
<h2>À la recherche de la solution créative</h2>
<p>Les équipes étant les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/0471264385.wei1214">éléments fondamentaux d’une organisation</a>, ce sont grâce à elles qu’une organisation peut établir des réponses adaptées à une dynamique de marché fluctuante et imprévisible. Cependant, le changement est souvent si rapide et les réponses requises si urgentes que les équipes n’ont pas le temps de planifier avant d’agir et sont forcées de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296317304447">planifier et d’agir simultanément</a>, c’est-à-dire d’improviser.</p>
<p>Lorsqu’elles sont confrontées à une perturbation qui met en péril le plan d’origine, et à des délais serrés, les équipes ont plusieurs solutions : elles peuvent persister à suivre leur plan de départ, tout en sachant que les hypothèses de base ont changé ; elles peuvent essayer d’élaborer un nouveau plan, ce qui leur fera perdre un temps précieux, avant de l’exécuter ; elles peuvent même être figées à la perspective de l’effondrement de l’ordre organisationnel, ou bien elles peuvent aussi improviser en se servant des outils à leur disposition pour élaborer une <a href="https://www.jstor.org/stable/2393339?seq=1#page_scan_tab_contents">solution créative</a>.</p>
<p>Cependant, l’improvisation peut avoir des conséquences négatives si les acteurs ne sont pas suffisamment préparés à faire face à des scénarios aussi extrêmes. Le naufrage du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0007681315001494">Costa Concordia</a> en 2012 sur les rives de l’île de Giglio, située au large de la côte ouest de l’Italie, est un exemple extrême d’une mauvaise improvisation aux conséquences catastrophiques. Le capitaine avait ordonné d’effectuer une manœuvre pour « saluer » l’île, nécessitant de naviguer près de la côte. À la suite de cette manœuvre, le navire a heurté un rocher près de l’île. Les événements qui ont suivi ont eu des répercussions dramatiques. Cet exemple démontre que lorsque les acteurs organisationnels sont mal préparés à improviser, ils peuvent s’éloigner des valeurs organisationnelles ou donner la priorité à la satisfaction de besoins personnels (le capitaine a quitté le navire en plein naufrage) plutôt qu’à ceux des objectifs de l’équipe et de l’organisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299211/original/file-20191029-183136-lt7z7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Costa Concordia a fait naufrage sur les rives de l’île de Giglio en janvier 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gerasymovych Oleksandr/Shutterstock</span></span>
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<p>La bonne nouvelle, c’est que l’on peut <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1468-2370.00017">apprendre à improviser</a> et préparer les équipes à l’improvisation, ce qui augmente la probabilité de réussite.</p>
<p>Trois éléments peuvent améliorer la capacité d’adaptation improvisée d’une équipe : une culture de l’expérimentation, des structures minimales et des systèmes de mémoire transactive.</p>
<h2>Esthétique de l’imperfection</h2>
<p>Tout d’abord, l’organisation doit se doter d’une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01449290802164487">culture de l’expérimentation</a> qui promeut l’action, qui récompense l’exploration et la créativité et qui tolère les erreurs. Les membres de l’équipe sont alors convaincus que toute erreur éventuelle sera considérée comme un apprentissage et que leurs idées seront soutenues et encouragées. Pour ce faire, les organisations doivent accepter <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9780203361603/chapters/10.4324/9780203361603-16">« l’esthétique de l’imperfection »</a> en voyant les erreurs comme des opportunités, et sans considérer les imperfections comme synonyme d’échec. C’est tout particulièrement le cas lorsque les circonstances ont changé et que ce qui avait été prévu précédemment n’est plus entièrement possible.</p>
<p>Un exemple paradigmatique d’improvisation réussie est celui de la <a href="https://www.researchgate.net/profile/Claus_Rerup/publication/279881984_%E2%80%99Houston_We_Have_a_Problem%E2%80%99_Anticipation_and_Improvisation_as_Sources_of_Organizational_Resilience/links/559d0d5308ae9dcf264f0435.pdf">mission lunaire Apollo 13</a> en 1970 au cours de laquelle les astronautes, confrontés à la défaillance du système de survie, ont improvisé une réparation immédiate à l’aide de matériaux se trouvant à bord de l’engin spatial.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Apollo 13 : une histoire de survie » (Stardust, 2019).</span></figcaption>
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<p>Un autre exemple est le développement couronné de succès d’un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378720617306419">système de messagerie en ligne par Tencent</a>, multinationale chinoise spécialisée dans divers services et produits liés à Internet. Les méthodes d’improvisation ont joué un rôle important et ont été efficaces dans l’élaboration de ce système. Le produit était connu pour ses capacités d’adaptation rapides à l’évolution des demandes des utilisateurs, des technologies et de l’activité des concurrents, ce qui a été reconnu comme un facteur majeur de réussite.</p>
<h2>L’importance du « qui sait quoi »</h2>
<p>Les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1468-2370.00017">structures minimales</a> sont le deuxième levier qui permet d’améliorer la capacité d’adaptation. Pour que l’improvisation soit efficace, il est en effet important que le nombre d’éléments cruciaux soit limité afin que l’équipe puisse s’assurer qu’ils soient pleinement exécutés en peu de temps. Tous les membres de l’équipe doivent les connaître afin de pouvoir coordonner rapidement la mise en œuvre de ces éléments tout en improvisant une nouvelle solution.</p>
<p>Par exemple, on a observé que les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0170840601225001">équipes qui développent de nouveaux produits</a> ont souvent recours à l’improvisation. Pour être efficaces, elles sont très autonomes et intensivement interactives, ont des objectifs et des priorités de développement spécifiques, développent progressivement plusieurs prototypes et identifient des critères de qualité et des normes de performance cruciaux.</p>
<p>Enfin, troisième levier d’adaptation : les systèmes de mémoire transactive. Ces derniers permettent de connaître <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joms.12211">qui sait quoi</a> dans l’équipe. Lorsqu’une équipe improvise, avoir accès aux <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01449290802164487">connaissances des différents membres</a> aide à tirer parti de la capacité de l’équipe à recombiner ses expériences antérieures et à élaborer de nouvelles réponses, créatives et efficaces.</p>
<p>De plus, grâce à ces connaissances, les équipes peuvent accroître leur coordination implicite ; autrement dit les membres peuvent anticiper les décisions des uns et des autres et ajuster dynamiquement leur comportement sans nécessairement avoir besoin de communiquer ouvertement entre eux. Lors de situations stressantes, les membres d’une équipe peuvent avoir à faire face à une charge cognitive élevée. C’est-à-dire qu’ils peuvent éprouver des difficultés à traiter toute l’information disponible, ce qui les empêche de réagir de manière appropriée aux perturbations.</p>
<p>En ayant une compréhension claire de qui sait quoi au sein de l’équipe, ils sont en mesure de traiter plus efficacement les nouvelles informations quand elles se présentent et d’augmenter ainsi les chances de succès de leurs <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-30650-003">actions improvisées</a>. Par exemple, les équipes d’intervention d’urgence, comme les pompiers, ne peuvent pas prédire exactement quelle expertise sera nécessaire dans une situation donnée. Par conséquent, pour une issue positive, il est essentiel que tous les membres de l’équipe connaissent les compétences spécifiques de chacun des autres membres.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299218/original/file-20191029-183103-1t6i1yl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lors d’une intervention d’urgence, il est indispensable de connaître les expertises de chacun pour faire face au mieux à l’incertitude.</span>
<span class="attribution"><span class="source">M G White/Shutterstock</span></span>
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<p>Pour que l’improvisation porte ses fruits, certaines conditions doivent donc être remplies : les organisations doivent créer une culture de l’expérimentation dans laquelle les erreurs sont acceptées comme faisant partie du processus d’apprentissage ; les équipes doivent développer des structures minimales basées sur des mécanismes de contrôle invisibles, des objectifs clairs, des jalons à court terme et un petit nombre d’éléments cruciaux à l’activité ; et enfin, les membres des équipes doivent avoir une connaissance précise de qui sait quoi dans l’équipe afin d’ accroître la coordination implicite.</p>
<p>Lorsqu’une équipe improvise, même si toutes ces conditions sont remplies, il n’y a certes aucun moyen de garantir des résultats positifs. Cependant, étant donné l’incertitude causée par les perturbations imprévues et les contraintes de temps extrêmes, les chances de succès augmentent considérablement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126056/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>António Abrantes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains principes permettent de concilier planification minutieuse et adaptation aux circonstances si cela devient nécessaire.António Abrantes, Professeur permanent, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1246482019-10-03T17:46:08Z2019-10-03T17:46:08ZLubrizol : pourquoi la « gestion de crise » à la française est dépassée<p><a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/pollution/isr-rse/incendie-d-une-usine-classee-seveso-a-rouen-quels-sont-les-risques-147742.html">L’incendie de l’usine Lubrizol</a> à Rouen, dans la nuit du 25 au 26 septembre dernier, suscite de nombreux débats dont les médias se font quotidiennement l’écho.</p>
<p>Tandis qu’habitants, associations et élus dénoncent le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/09/28/apres-l-incendie-de-lubrizol-a-rouen-le-manque-de-transparence-severement-critique_6013406_3244.html">manque de transparence</a> de l’État dans sa communication autour de l’accident, les représentants de l’État s’en prennent <a href="https://video-streaming.orange.fr/actu-politique/incendie-de-l-usine-lubrizol-edouard-philippe-denonce-les-fausses-informations-et-dit-faire-toute-transparence-sur-les-resultats-des-analyses-CNT000001jEfHA.html">aux rumeurs</a> qui circulent sur les réseaux sociaux, accusées de nourrir l’inquiétude de la population.</p>
<p>Aux interrogations des premiers sur de possibles effets sanitaires associés aux substances émises par l’usine en feu, les seconds répondent par un discours qui se veut rassurant, appuyé sur des mesures et des discours d’experts. Loin de calmer les inquiétudes, ce discours tend au contraire à attiser la méfiance des habitants, incitant des élus à proposer la constitution d’une <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/incendie-de-rouen-une-commission-d-enquete-du-senat-attendue-la-semaine">commission d’enquête parlementaire</a> et certains à parler « d’affaire d’État ».</p>
<p>Cette situation n’est pas sans rappeler les suites de l’incendie de Notre-Dame de Paris.</p>
<p>Pour de nombreux observateurs, ces débats seraient l’expression, une nouvelle fois, de la perte de confiance des Français dans la parole de leurs dirigeants et des experts. Sans être propre à la France, cette perte de confiance y serait particulièrement prononcée, traduisant une défiance systématique de la population à l’encontre de discours jugés incomplets, partiaux ou inexacts.</p>
<p>Pour commode qu’elle soit, cette interprétation est pourtant trop simple.</p>
<p>S’agissant d’un accident industriel, elle fait fi de la manière dont la gestion de crise est conçue et organisée en France. Celle-ci a connu d’<a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=8YcLDgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PA394&dq=borraz+cabane&ots=ya1n93tiJM&sig=EzngorWJ3OnZRIZe621jcYKQClE#v=onepage&q=borraz%20cabane&f=false">importantes réformes et réorganisations</a> durant les vingt dernières années, afin de répondre à la multiplication de situations d’urgence de toutes natures, sans pour autant que son architecture centrale – organisée autour du préfet à l’échelon départemental – ni les principes sur lesquels elle s’appuie n’aient fondamentalement évolué.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JhbtrXuqWaw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’incendie de l’usine Lubrizol filmé par un drone. (Figaro Live/YouTube, 2019).</span></figcaption>
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<h2>Communication de crise</h2>
<p>Reprenons, pour illustrer ces principes de gestion de crise, les communiqués de presse publiés entre le 26 septembre et le 1<sup>er</sup> octobre par la préfecture de Seine-Maritime, qui demeure, durant toute cette période, au centre du dispositif.</p>
<p>Dès le 26 septembre au matin, le discours se veut rassurant (« Il n’est pas mesuré de toxicité aiguë dans l’air »). L’objectif est clair : éviter toute inquiétude, alors que la population se réveille et découvre l’épaisse fumée noire qui recouvre l’agglomération, à laquelle est associée une odeur fortement incommodante.</p>
<p>La préfecture recommande toutefois une limitation de la circulation, le confinement des populations et la fermeture d’un certain nombre de lieux publics, dont les écoles ; ce qui ne peut manquer de susciter des interrogations sur l’insistance par ailleurs quant à l’absence de danger. Sont également énoncées les premières mesures à respecter en matière d’hygiène et de consommation de produits frais.</p>
<p>On se situe donc d’emblée dans le registre de l’État protecteur, qui se veut rassurant tout en prodiguant des conseils, mais qui n’exprime ni inquiétude ni souci de vigilance accrue. Cette posture se confirme dès le second communiqué publié en fin de journée le même jour : l’État dénombre les forces déployées sur le site (« 240 sapeurs-pompiers, 90 policiers, 46 gendarmes, 50 véhicules »), pour mieux démontrer qu’il est présent et contrôle la situation. Le lendemain, la préfecture demande aux habitants de ne pas saturer le téléphone du SAMU pour une « problématique d’odeur » : le problème serait donc essentiellement de nature olfactive.</p>
<p>Cela n’empêche pourtant pas les services de l’État d’insister sur la conduite à tenir pour ceux qui seraient entrés en contact avec les retombées de suie ou qui souhaiteraient consommer les produits de leur jardin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177120572066738176"}"></div></p>
<p>Le même jour (27 septembre) dans l’après-midi, la préfecture montre qu’elle a pris, au sens propre comme au sens figuré, la mesure de la situation. Elle produit une carte des points de mesure, qui recouvre une bonne partie du territoire, et réitère sa conviction que le problème est avant tout de nature olfactive.</p>
<p>Le lendemain, ce ne sont pas moins de quatre communiqués qui sont publiés : le premier pour apporter la démonstration que les prélèvements effectués ne révèlent pas une présence dans l’air ou en surface de taux anormalement élevés de substances dangereuses ; le deuxième pour rappeler les « recommandations sanitaires » ; le troisième liste les mesures d’urgence demandées par la préfecture à l’usine ; et le quatrième évoque les actions en faveur des agriculteurs. Le discours se veut toujours rassurant.</p>
<p>Le dimanche 29, le rectorat autorise la réouverture des écoles dès le lendemain, signalant ainsi que du point de vue des pouvoirs publics la crise est terminée et que l’on entre dans la gestion post-accidentelle (une cellule chargée du suivi post-accidentel technologique est mise en place par le préfet dès le 28 septembre).</p>
<p>Le 30, la préfecture dénonce les images qui circulent sur les réseaux sociaux, montrant des eaux brunâtres, pour rappeler que l’eau est potable et n’a pas été affectée par les retombées de l’usine. Enfin, le 1<sup>er</sup> octobre, une liste des substances présentes au sein de l’usine est publiée, des mesures sont prises pour « l’élimination des fûts altérés » et une cellule psychologique est mise en place par l’Agence régionale de santé pour aider les personnes à « faire face à leurs inquiétudes et à leur stress suite à l’événement ». Si les campagnes de mesures se poursuivent, le problème est devenu psychologique.</p>
<h2>État en surplomb, population « passive »</h2>
<p>Ce qui frappe dans cette communication, c’est d’abord son caractère vertical et descendant : l’État, par la voix du préfet et des autres administrations déconcentrées, informe une population passive. Il tient un discours rassurant, s’appuie sur des mesures et la parole des experts pour écarter tout risque aiguë puis tout risque tout court, pour ne retenir qu’un problème olfactif, puis psychologique.</p>
<p>Ce discours, ensuite, n’exprime aucune inquiétude et ne prend pas au sérieux celle qui s’exprime dans la population. On ne relève aucune forme d’empathie dans les communiqués, aucune formule suggérant que l’État entend les questions qui remontent et s’engage à y répondre. À aucun moment l’État ne se place-t-il aux côtés de la population : au contraire, il la surplombe pour mieux la protéger.</p>
<p>Les communiqués successifs et la communication qui les entoure donnent également une indication de ce qui inquiète vraiment les autorités : la saturation du service d’appel du SAMU, la mobilisation des agriculteurs inquiets pour leurs revenus ou encore d’éventuels comportements de panique au sein de la population.</p>
<p>Enfin, on suit l’évolution des cadrages successifs de la situation : un accident industriel devient très vite un problème olfactif puis un problème psychologique, pointant la responsabilité des réseaux sociaux dans la diffusion de rumeurs et de fausses informations. Tandis que le discours à l’encontre des responsables de l’usine demeure, dans l’espace public tout du moins, très mesuré – ce qui est d’autant plus surprenant qu’il s’agit d’une installation ayant connu plusieurs incidents ces dernières années.</p>
<p>Comment s’étonner, dans ces conditions, que se développent dans la population une inquiétude mélangée à une colère croissante ?</p>
<p>À aucun moment la communication officielle ne prend-elle au sérieux les questions que posent les habitants. À aucun moment ne se montre-t-elle un tant soit peu prudente sur les effets sanitaires, insistant sur les effets aigus tout en négligeant les possibles effets à moyen ou long terme. Et lorsque se propagent des rumeurs à travers les réseaux sociaux, la préfecture cherche à les rectifier mais néglige le fait qu’elle a abandonné lesdits réseaux à d’autres entrepreneurs de cause. De fait, les services de l’État ne font qu’un usage limité des réseaux sociaux, que ce soit pour diffuser des informations (le <a href="https://twitter.com/prefet76?lang=fr">fil Twitter du préfet de Seine-Maritime</a> renvoyant pour l’essentiel au site de la préfecture et rediffusant les données qui s’y trouvent), ou <em>a contrario</em> collecter des données auprès des habitants.</p>
<p>Quand bien même il a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0268401218310491">établi par la recherche</a> en sciences sociales qu’en temps de crise, les réseaux sociaux sont une source d’information mais également un outil de connaissance et de coordination, ceux-ci ne font pas encore partie de l’outillage des services de l’État en gestion de crise en France – autrement une fois de plus que dans une approche d’information top-down.</p>
<p>En abandonnant ces réseaux à d’autres, comment s’étonner qu’y circulent les informations les plus invraisemblables et des photos qui n’ont rien à voir avec la situation de l’usine Lubrizol mais dont les auteurs profitent de la confusion pour attiser l’angoisse des habitants ?</p>
<h2>Un train de retard</h2>
<p>Sur le fond, la gestion de crise <a href="http://cerberus.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_16_no_2/Telv16n2_gilbert-bourdeaux-raphael.pdf">telle qu’elle est conçue en France</a> ne s’appuie pas sur la population ou les ONG : il n’est pas fait appel à la population pour faire remonter des signalements, apporter des indices et des données, contribuer à la production de connaissance.</p>
<p>Les associations qui militent dans les domaines de la santé ou de l’environnement ne constituent pas des partenaires des services de l’État. Pourtant, après un autre accident intervenu dans la même usine le 21 janvier 2013, un <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/lubrizol-rapport-cgeiet-reforme-icpe-19343.php4">rapport avait préconisé</a> de mieux associer les associations et de faire un meilleur usage des réseaux sociaux :</p>
<blockquote>
<p>« La communication constitue un enjeu essentiel dans la gestion de crise. De ce point de vue, il est important que les acteurs concernés, pouvoirs publics et industriels, puissent s’exprimer dans le champ de responsabilité qui est le leur, à l’intérieur d’une doctrine bien établie sur le contenu des messages. Mais cette expression doit être coordonnée et cohérente, et il appartient au préfet, au niveau local, d’y veiller. En termes d’information, un deuxième cercle, formé autour du monde associatif et syndical, qui constitue un relais d’opinion éclairé sur les questions de risque industriel, mérite d’être constitué en vue d’une information privilégiée. Par ailleurs, ont été constatées l’importance et l’influence grandissante des réseaux sociaux, qui constituent à l’évidence un défi nouveau pour la communication des pouvoirs publics. »</p>
</blockquote>
<p>Force est de constater que ce rapport n’a pas été suivi d’effet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177459378317717504"}"></div></p>
<h2>Gestion des risques, gestion de crise</h2>
<p>Dans la gestion de crise, la connaissance appartient d’abord à l’État et à ses experts, c’est à eux qu’il revient d’informer de manière descendante une population passive. Cette attitude s’explique par le souci de produire une information neutre, distincte de la communication des industriels.</p>
<p>Mais elle est en rupture avec les évolutions intervenues en <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01354652/">matière de gestion des <em>risques</em></a> depuis une vingtaine d’année, suite à de nombreux scandales (amiante, sang contaminé) et controverses (OGM, pesticides, antennes relais). En ce qui concerne, par exemple, la santé environnementale, les riverains d’installations dangereuses comme les mouvements de victimes ou les associations de défense de l’environnement <a href="https://hal-anses.archives-ouvertes.fr/anses-01922737/">sont devenues parties-prenantes</a> à la collecte, parfois l’analyse, et la discussion des données scientifiques.</p>
<p>On ne conçoit plus aujourd’hui le fonctionnement des différentes agences de sécurité sanitaire <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2012-1-page-69.htm">sans l’apport des associations de patients, de victimes, d’opposants ou de riverains</a>. Autrement dit, la gestion des <em>risques</em> a pris acte de ce qu’elle ne pouvait pas se contenter de la seule parole scientifique dans son acception étroite pour gérer des risques comportant de fortes incertitudes, mais qu’il importait d’y associer les différentes parties prenantes.</p>
<p>La gestion de <em>crise</em>, pour l’instant, résiste à ce mouvement d’ouverture. Elle demeure un domaine régalien de l’État : ce dernier doit assurer la protection des populations mais surtout le maintien de l’ordre et un retour aussi rapide que possible au cours ordinaire des choses. Une crise est d’abord un moment de perturbation, une menace à l’ordre public, une source d’instabilité. Il est donc du devoir des représentants de l’État de maintenir l’ordre, en mobilisant des effectifs, en produisant des connaissances et en tenant un discours rassurant.</p>
<h2>Les réseaux sociaux, forcément coupables ?</h2>
<p>Le paradoxe dans le cas de Lubrizol – mais il n’est pas isolé, on pense ici aux débats qui se poursuivent au sujet des retombées de l’incendie de Notre-Dame de Paris –, tient à ce que l’effet produit est exactement inverse : manifestations devant la préfecture, dépôts de plainte, mobilisations associatives, autant de formes de « désordre » qui mettent à mal la gestion de la crise par l’État. Et ce ne sont ni les commissions d’enquête parlementaire, ni la probable mutation du préfet ou de tel ou tel responsable administratif, qui modifieront la situation.</p>
<p>Car le coupable est tout trouvé : les réseaux sociaux. Et plus généralement le contexte général de défiance à l’encontre des pouvoirs publics et des experts, que certains qualifient de crise de l’autorité, dans lequel on fait plus confiance aux rumeurs qui circulent qu’à la parole officielle.</p>
<p>Pourtant, si défiance il y a à Rouen, c’est d’abord celle des autorités à l’encontre de la population. Celle-ci demeure, dans l’imaginaire des services de l’État comme chez nombre d’experts, fondamentalement irrationnelle, sujette à des réactions émotives, peu douée de raison en situation de crise.</p>
<p>Quand bien même des décennies de recherches en sciences sociales ont démontré qu’en situation de crise, sauf en de rares circonstances, les <a href="https://muse.jhu.edu/article/527617/summary">populations ne paniquaient pas</a> et faisaient au contraire preuve d’une très grande maîtrise de soi, les services de l’État partent du postulat, lorsqu’ils définissent un plan d’action, que la population va paniquer. Autrement dit, la gestion de crise repose sur des prémisses qui sont fausses d’un point de vue scientifique.</p>
<p>Ces prémisses relèvent d’abord d’une croyance ancrée chez les pouvoirs publics et les experts. Une croyance d’autant plus profonde qu’elle les conforte dans leur fonction de « sachants » occupant une position d’autorité et d’extériorité vis-à-vis d’une masse irrationnelle, et dessine une ligne d’action claire : communiquer pour informer, éduquer, raisonner.</p>
<p>Si le résultat n’est pas celui attendu, alors c’est que le mal est plus profond et qu’il convient de mettre en place un suivi psychologique. Tout en combattant les rumeurs et fausses informations qui circulent sur les réseaux sociaux, une bataille perdue d’avance lorsque ce terrain a été, comme cela a déjà été dit, abandonné.</p>
<h2>Quatre pistes pour réformer la gestion de crise</h2>
<p>Alors que faire ? Seule une réforme profonde de la gestion de crise peut permettre d’éviter les erreurs récurrentes qui sont commises. Celle-ci devrait reposer sur quatre prémisses.</p>
<p>D’abord, ne pas considérer que la population et ses réactions sont un problème, voire le problème ; dans le cas d’espèce, la population est d’abord victime d’une situation dont elle n’est pas responsable. Elle a légitimement le droit de s’inquiéter et de poser des questions.</p>
<p>Ensuite, associer cette population et ses associations à la collecte et l’analyse de données, notamment par le biais des réseaux sociaux mais aussi en les impliquant dans les campagnes de mesure. Tous les outils existent aujourd’hui pour cela.</p>
<p>Il convient également d’utiliser les réseaux sociaux pour diffuser des informations et répondre aux questions en adoptant une posture empathique ; la culture du communiqué de presse ou du numéro vert est dépassée.</p>
<p>Enfin, dépasser une vision archaïque de l’État comme seul responsable de la sécurité des populations. L’État a une mission de protection, mais il n’a pas à lui seul les moyens de l’assurer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124648/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Borraz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La manière dont la gestion de crise est conçue et organisée en France n’a pas évolué.Olivier Borraz, Directeur de recherche CNRS - Centre de Sociologie des Organisations, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1237942019-09-27T02:18:39Z2019-09-27T02:18:39ZCirculation, vitesse, accès : comment sauver le périph ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294181/original/file-20190925-51434-lh2h0r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le périph s’invite dans la campagne des municipales 2020. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://search.creativecommons.org/photos/6daa80f6-392d-40ca-802d-3a5bc6bdd519">Frédérique Voisin-Demery/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Plus d’un million d’automobilistes empruntent chaque jour le périphérique parisien. Combien seront-ils demain ? Beaucoup moins s’il est transformé en boulevard avec feux tricolores et plates-bandes. Plus un seul s’il est détruit et remplacé par des logements, des bureaux, des arbres… L’approche des élections municipales en mars 2020 libère l’imagination. Si elle est nécessaire, il faut aussi savoir garder les pieds sur l’asphalte.</p>
<p>Faire un tour d’analyse économique du périphérique et de sa transformation future est moins amusant mais sûrement pas inutile !</p>
<h2>Tourner sur le périph</h2>
<p>Quelques éléments d’abord pour les lecteurs qui n’auraient jamais roulé sur cette simili-autoroute urbaine.</p>
<p>Vous pouvez parcourir les 35 km de cette voie communale un peu spéciale d’une seule traite. Ni feux rouges ni ronds-points, mais un trajet d’une demi-heure tout de même car la vitesse y est limitée à 70km/h. Vous y entrez et en sortez par une de ses 38 portes, dont les noms du Point du Jour à la Villette <a href="https://www.actes-sud.fr/catalogue/romans-nouvelles-et-recits/le-boulevard-peripherique">« s’égrènent comme les grains d’un chapelet »</a>.</p>
<p>Attention de ne pas vous tromper de sens, le périphérique se dédouble : le périphérique intérieur tourne dans le sens des aiguilles d’une montre ; le périphérique extérieur dans le sens inverse. Les deux chaussées sont séparées par un terre-plein central fréquemment colonisé par l’Ailante glanduleux (un arbuste qui résiste bien à la pollution et à la sécheresse)… et par divers déchets apportés par le vent ou jetés par des automobilistes indélicats.</p>
<p>Sachez enfin que vous circulerez le plus souvent sur quatre voies, mais parfois sur trois, voire sur deux et la moitié du temps en tranchée ouverte ou couverte, vous empêchant de profiter d’une vue imprenable sur Paris et sa Petite Couronne.</p>
<p>Que reproche-t-on à cet ouvrage à peine cinquantenaire ?</p>
<p>À son inauguration en 1973, il était synonyme de vitesse et de décongestion de la voirie parisienne. Et tout le monde, ou presque, ignorait alors que l’automobile polluait. Le bruit et les accidents entraînant morts et blessés étaient ses seuls méfaits.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VZ0sI4YFtD8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">En 1973, la construction du périphérique s’achève. (Ina Société, 2012).</span></figcaption>
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<h2>Bouchons et pollution</h2>
<p>Aujourd’hui, le périphérique est très souvent embouteillé et il est solidement établi que les émissions des véhicules entraînent maladies et décès prématurés.</p>
<p>En 1996, la vitesse moyenne s’y élevait à <a href="http://afitl.ish-lyon.cnrs.fr/tl_files/documents/CST/N37/PRUDHO37.PDF">66km/h</a>. Elle est tombée, l’an dernier, à un peu moins de <a href="https://presse.paris.fr/wp-content/uploads/2019/05/RAPPORT-MIE-p%C3%A9riph%C3%A9rique-21-mai-2019.pdf">40 km/h</a>. Et encore ce chiffre inclut-il la circulation nocturne, plus rapide. Si vous êtes francilien, vous savez que vous n’avancerez guère en début de matinée ni en fin d’après-midi.</p>
<p>Cette congestion est doublement néfaste. Elle augmente les temps de trajet, ce qui se traduit par des pertes économiques en euros (voir à ce propos <a href="http://www.cerna.mines-paristech.fr/Donnees/data16/1645-PeI-riphConversationAppendice.pdf">ma note sur la congestion</a> du périphérique). Elle aggrave également la pollution. En effet, pour minimiser les émissions dans l’atmosphère, il faudrait idéalement rouler entre 60 km/h et 80 km/h. Au-delà, cela ne vous surprendra pas, les rejets dans l’atmosphère augmentent. Mais en deçà, c’est pareil ! <a href="https://presse.paris.fr/wp-content/uploads/2019/05/RAPPORT-MIE-p%C3%A9riph%C3%A9rique-21-mai-2019.pdf">À 20km/h</a>, la pollution double par rapport à 70km/h et elle quadruple à 15km/h !</p>
<p>Les moteurs thermiques n’ont pas été conçus pour rouler à des vitesses basses. Ils n’ont pas été non plus été conçus pour jouer de l’accordéon : les arrêts-redémarrages des bouchons sont la pire des choses pour les poumons. D’où l’importance d’un trafic le plus fluide possible pour réduire les émissions.</p>
<p>Même si nos bronches semblent d’avis contraire, la qualité de l’air à Paris s’améliore. En tendance longue, les niveaux mesurés de dioxyde d’azote, de microparticules et de benzène <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-0033289">diminuent</a>. En est-il de même pour la pollution circonscrite au périphérique ? On ne sait pas.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ozone-et-particules-fines-dans-les-poumons-des-petits-parisiens-51284">Ozone et particules fines dans les poumons des petits Parisiens</a>
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<p>Aucun doute en revanche sur le fait que le million de véhicules qui le parcourent quotidiennement contribue significativement à détériorer la qualité de l’air de Paris et de ses alentours, qualité désormais jugée <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/boulevard-peripherique-parisien-coeur-metropole-enjeux-perspectives">unanimement alarmante</a> car entraînant de graves dommage pour la <a href="https://www.airparif.asso.fr/pollution/effets-de-la-pollution-sante">santé des habitants</a>.</p>
<p>Il existe ainsi aujourd’hui un large consensus pour réduire la pollution et la congestion du périphérique. Mais comment s’y prendre ? En ces temps de précampagne pour conquérir (ou reconquérir) la Mairie de Paris, deux propositions ont jusqu’ici retenu l’attention.</p>
<h2>Supprimer le périph ?</h2>
<p>Un candidat déclaré, Gaspard Gantzer, propose tout simplement de <a href="https://www.parisiennes-parisiens.fr/actualites/et-si-on-revait-paris-en-grand-sans-peripherique">rayer le périph de la carte</a>. Pas du jour au lendemain, bien sûr. Il est prévu que le projet s’étale sur une durée de 15 ans, les fermetures se réalisant tronçon par tronçon. Plusieurs centaines d’hectares pourraient être ainsi récupérés pour des logements, des commerces, des bureaux et des espaces verts. Le procédé est radical.</p>
<p>Mais comment effacer de l’asphalte en si peu de temps les automobilistes qui empruntent le périph ? Son trafic est supérieur au cumul de celui des deux autres rocades, l’A86 et la Francilienne. De plus, son volume en passagers est impossible à absorber par les transports en commun, même en incluant le futur <a href="https://www.societedugrandparis.fr/gpe/le-grand-paris-express-en-resume">Grand Paris Express</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1131455788520755200"}"></div></p>
<p>Sa destruction devrait dès lors entraîner un phénomène massif de report de la circulation sur d’autres voies… et donc un transfert de grande ampleur de la pollution et de la congestion ailleurs. Le problème est en grande partie simplement déplacé. Reconnaissons toutefois à cette proposition le mérite d’avoir relancé le débat et les réflexions sur le futur du périphérique.</p>
<p>Les élus de la Ville de Paris n’ont en effet pas tardé à s’emparer du sujet. Un <a href="https://presse.paris.fr/wp-content/uploads/2019/05/RAPPORT-MIE-P%C3%A9riph%C3%A9rique-21-mai-2019.pdf">rapport</a> débouchant sur une série de propositions a été publié en mai dernier. Il prévoit de transmuter le périphérique en boulevard avec feux rouges et zones vertes pour le milieu du siècle. S’y croiseraient, dans un climat apaisé et un air pur, piétons, sportifs, cyclistes et véhicules propres venant de Paris et de sa banlieue.</p>
<p>En attendant que cette transformation idyllique se concrétise, la majorité des élus, <a href="http://www.leparisien.fr/paris-75/conseil-de-paris-anne-hidalgo-veut-experimenter-le-perif-a-50-km-h-des-2020-11-06-2019-8091057.php">dont la maire Anne Hidalgo</a>, proposent de réduire le nombre de voies de circulation, de limiter la vitesse et de créer des voies dédiées… Autant de bonnes idées ? Examinons-les de plus près.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1133597153836843008"}"></div></p>
<h2>Réduire le nombre de voies, surtout pas</h2>
<p>Le passage du périphérique à deux fois trois voies, au lieu de deux fois quatre voies, est une mesure en droite ligne de la politique menée dans Paris intra-muros depuis des lustres. Elle consiste à réduire la surface viaire pour dissuader les automobilistes, confrontés à des embouteillages croissants, d’emprunter leur voiture pour se déplacer.</p>
<p>C’est un pari risqué car il engage une course de vitesse entre la détérioration de la circulation et l’amélioration du confort des habitacles et des possibilités d’y travailler ou de s’y distraire. Connexion et commande vocale permettent dans les bouchons de traiter messages électroniques et téléphoniques ou d’échanger en continu sur les réseaux sociaux.</p>
<p>Par ailleurs, la réduction de la vitesse entraînée par celle de la voirie aggrave très probablement la pollution. En dix ans, la vitesse moyenne dans Paris intra-muros est passée de <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-003328">16 km/h à 14km/h</a>. Outre son inefficacité probable dans l’amélioration de la qualité de l’air, la restriction de la surface pour la circulation des véhicules légers affecte indifféremment toutes les voitures, des moins polluantes aux plus polluantes, et tous les types de déplacement, ceux du médecin ou de l’artisan comme ceux qui permettent se rendre au magasin ou au cinéma.</p>
<p>Or le bon réflexe économique lorsqu’une ressource devient rare est de sélectionner les utilisateurs et les usages. Cela reviendrait ici à favoriser l’accès de la voirie aux véhicules légers les moins émetteurs et aux déplacements les plus utiles. Des voies dédiées sont bien prévues sur le périphérique. Cette mesure est discutée plus bas. Mais pourquoi, en plus, restreindre le nombre total de voies au risque d’augmenter les émissions ?</p>
<h2>Baisser la vitesse à 50km/h, mauvaise idée</h2>
<p>Abaisser la limite de vitesse sur le périphérique de 70km/h à 50km/h présente également une efficacité douteuse pour réduire la pollution. Attention ici aux conclusions à l’emporte-pièce : « Cela ne sert à rien car de toute façon on roule déjà à moins de 40km/h dans la journée » ; ou encore : « Le seul effet sera que les voitures qui roulaient entre 50 et 70 km/h rouleront désormais à 49-50km/h ».</p>
<p>Certes la vitesse en journée est de <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-0033289">35,5 km/h</a> mais il s’agit d’une moyenne, pas d’une borne supérieure ! L’abaissement de la limite de vitesse, radars aidant, va bien écrêter la circulation entre 50 km/h et 70 km/h ; mais les véhicules circulant auparavant dans cet intervalle ne vont pas tous se retrouver à rouler juste en dessous de la nouvelle limite de vitesse. Ils sont beaucoup trop nombreux ! L’écrêtement va se diffuser à l’ensemble des classes de vitesses. Il y aura en particulier davantage de pics de circulation lente à moins de 20km/h. La vitesse moyenne va donc chuter très en deçà du niveau actuel.</p>
<p>La mauvaise nouvelle est que cette diminution des vitesses va augmenter la pollution ; la bonne est que le ralentissement généralisé réduit le débit et donc le nombre total de kilomètres parcourus dans une journée par l’ensemble des véhicules (voir la <a href="http://www.cerna.mines-paristech.fr/Donnees/data16/1645-PeI-riphConversationAppendice.pdf">note sur la congestion</a>) et donc les quantités d’émissions. Bref, davantage d’émissions polluantes par kilomètre, mais moins de kilomètre parcourus.</p>
<p>Seuls les travaux de modélisation des ingénieurs du trafic permettraient de connaître la résultante de ces deux effets opposés. Il est dommage que l’abaissement de la limite de vitesse ait été proposé et présenté comme favorable à la qualité de l’air sans de tels travaux préalables. De même, il est regrettable que la précédente baisse de la limite de vitesse, le <a href="http://www.leparisien.fr/archives/70-km-h-sur-le-periph-parisien-un-cout-de-100-meur-par-an-09-01-2014-3477621.php">passage contesté</a> de 80km/h à 70km/h en 2014, n’ait toujours pas fait l’objet d’une évaluation de ses conséquences sur la congestion et la pollution.</p>
<h2>L’option des voies dédiées</h2>
<p>L’ouverture de voies sur le périphérique réservées aux véhicules propres – voitures partagées, taxis, minibus, et véhicules prioritaires (ambulances, pompiers, services de secours) – est en principe une bonne idée. Les voies dédiées présentent en effet un double intérêt : primo, elles offrent une circulation fluide et fiable pour des déplacements socialement utiles. Secundo, elles délivrent une incitation à l’acquisition de véhicules propres et au covoiturage dès lors qu’ils sont autorisés à l’emprunter.</p>
<p>Ces bénéfices ne seront pourtant vraisemblablement pas au rendez-vous avec la proposition actuelle des élus qui prévoit une file réservée sur chaque chaussée du périphérique. Pourquoi ? Pour une bête histoire de cisaillement. Supposons que la voie dédiée soit celle de gauche, au plus près du terre-plein central donc. Pour l’atteindre ou la quitter, les véhicules autorisés devront couper les deux fils de droite. Si la voie dédiée est celle de droite, ce sont les véhicules non autorisés qui devront cette fois la couper à l’entrée comme à la sortie.</p>
<p>Or le périph compte 38 points d’accès comportant chacun une entrée et une sortie, soit environ un cisaillement tous les 400 mètres pour chaque sens. Ces cisaillements incessants conduiront à augmenter les ralentissements, y compris sur la voie réservée, ainsi que la congestion des voies d’accès, dont souffriront aussi les véhicules autorisés. Sans parler des problèmes de sécurité. Rien à voir avec des voies dédiées sur autoroute urbaine à entrées-sorties espacées où de tels aménagements ont déjà été réalisés et donnent satisfaction.</p>
<p>Bref, un chaos quasi-assuré et des émissions de gaz d’échappement très élevées car, répétons-le, les vitesses basses et les arrêts-départs sont ce qu’il y a de pire pour la qualité de l’air.</p>
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<figcaption><span class="caption">Pas de soute, c’est bien bouché sur le périph. (gaumet75013/Youtube, 2015)</span></figcaption>
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<h2>Soyons constructif !</h2>
<p>En résumé, aucune de ces propositions ne trouve grâce à mes yeux d’économiste. La critique est aisée et l’art est difficile, pourriez-vous à juste titre me rétorquer. Laissez-moi donc conclure avec une autre proposition. Et, rassurez-vous, je ne vais pas ressortir le péage urbain – même si je crois en ses vertus. Vilipendée lors des manifestations des « gilets jaunes », plus aucune agglomération n’envisage d’ailleurs <a href="https://www.lepoint.fr/politique/loi-sur-les-mobilites-le-gouvernement-exclut-les-peages-urbains-25-11-2018-2274308_20.php">ce type de mesure</a>.</p>
<p>La proposition est la suivante : réserver la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/15/et-si-toute-une-moitie-du-peripherique-etait-reservee-aux-vehicules-propres_5510671_3232.html">totalité d’une des deux chaussées</a> – le périphérique intérieur ou extérieur – aux déplacements vertueux (véhicules propres, covoiturage, services de secours et de sécurité, trajets de professionnels, etc.), et ce en maintenant la limite de vitesse à 70 km/h, voire en la rehaussant à 80 km/h, si les études de trafic la montrent plus judicieuse.</p>
<p>Cette solution réduirait considérablement les cisaillements car les véhicules seraient beaucoup moins nombreux ; et les vitesses sur les voies seraient plus uniformes, permettant des temps de trajet plus fiables car non soumis aux aléas de la congestion. En outre, les entrées-sorties seraient plus faciles.</p>
<p>Elles seraient en effet plus espacées car la circulation en chaussée dédiée ne sera possible que dans un seul sens. Pour le comprendre, supposons que le périphérique intérieur et sa circulation dans le sens des aiguilles d’une montre soient retenus pour accueillir les véhicules autorisés. Ces derniers pourront alors se rendre directement, comme aujourd’hui, de la Porte d’Italie à la Porte d’Auteuil en parcourant le quart sud-ouest du périphérique. Mais pour le chemin inverse, ces véhicules autorisés devront faire un trois quarts de tour en passant au nord par la Porte de La Chapelle.</p>
<p>À moins, bien sûr, de se mélanger aux autres véhicules en empruntant le périphérique extérieur tournant, lui, dans l’autre sens. Le choix de l’automobiliste sera entre rouler plus vite et avec une fiabilité accrue sur une plus grande distance ou plus lentement sur une plus courte distance où il sera soumis aux aléas de la congestion. Pour le périphérique extérieur ouvert à tous, même contrainte du sens unique sauf que ces véhicules ne pourront évidemment pas se reporter pour éviter le circuit long sur le périphérique intérieur puisqu’il est réservé. Ce sens unique et le détour qu’il impose devraient ainsi limiter l’usage du périph pour des trajets courts. Ce qui n’est pas un mal car ils présentent une moindre utilité sociale et rendent le trafic moins fluide.</p>
<p>En outre, une chaussée dédiée, en lieu et place de deux voies réservées aux véhicules propres de chaque côté du terre-plein central (comme dans le projet actuel de la Mairie de Paris) simplifierait grandement le contrôle des véhicules. Il suffit en effet d’équiper en caméras de surveillance, portiques, capteurs et autres instruments électroniques une moitié seulement du périphérique. Même chose pour le stationnement de la maréchaussée. De plus, le contrôle n’est nécessaire qu’aux entrées-sorties. Nul besoin de surveillance tout le long du périph pour détecter les incursions sur quelques dizaines ou centaines de mètres des voies dédiées par des véhicules non autorisés.</p>
<p>À votre tour maintenant de tirer à boulet rouge sur cette proposition. Mais attention si vous réagissez par texto de votre voiture encalminée sur le périph, gardez tout de même votre calme…</p>
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<p><em>François Lévêque a publié <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/management-entreprise/habits-neufs-de-la-concurrence_9782738139177.php">« Les Habits neufs de la concurrence »</a> (éditions Odile Jacob, 2017).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les idées pleuvent pour transformer cette institution parisienne en voie moins polluante et plus fluide… mais tiennent-elles la route ?François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1118592019-03-06T18:49:16Z2019-03-06T18:49:16Z« Satanas ex machina » : comment décider en cas de conflit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262217/original/file-20190305-48432-l4cxm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1014%2C751&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur la ligne D du métro à Lyon, pas de conducteur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Pline/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions une nouvelle chronique « Géopolitique du risque » dans le cadre de la chaire dirigée par J. Peter Burgess (École normale supérieure), en partenariat avec <a href="https://www.axa-research.org/fr">Axa Research Fund</a>.</em></p>
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<p>Quelquefois, l’homme reçoit d’un système informatique des informations qui l’impliquent dans un conflit, ou qui l’exposent à la violence, ou qui font simplement surgir une tension ou un mécontentement. Quelquefois, l’utilisateur déjà impliqué dans un conflit se sert des connaissances qu’il a obtenues grâce à la machine. Dans toutes ces situations, on se pose inévitablement la question du rôle que joue le système dans le conflit et du jugement qui va tomber sur lui.</p>
<h2>Le dilemme du tramway</h2>
<p>Les conflits en question peuvent être très divers. Les assistants robotiques, qui ignorent la signification humaine du mal, peuvent nous casser un bras. Les voitures autonomes sont susceptibles de nous impliquer dans un accident. Il arrive aux agents conversationnels de nous injurier ou de nous donner de fâcheux conseils.</p>
<p>Un modèle par excellence des situations conflictuelles est donné par les dilemmes éthiques. Le dilemme du tramway, par exemple, décrit un choix entre deux issues toutes deux moralement inacceptables, telles que, dès lors qu’elles sont quantifiées, les pertes associées à ces issues sont formellement inégales.</p>
<p>Dans la version historique, il est question d’un tramway qui écrase un ou cinq piétons positionnés sur deux voies alternatives. Avec l’avènement de l’intelligence artificielle, ce choix de trajectoire est effectué par un système informatique autonome et les humains concernés peuvent être des piétons tout autant que des passagers.</p>
<p>Si on les prend à la lettre, les dilemmes ne correspondent pas à des situations réelles, parce qu’on y a négligé délibérément plusieurs paramètres techniques importants comme le temps disponible pour prendre une décision ou l’accessibilité des données en situation de ressources limitées. Les dilemmes sont des exercices volontairement poussés à l’extrême : leur enjeu est de réduire le champ d’analyse à un choix purement moral.</p>
<h2>Le frisson de la rationalité froide</h2>
<p>On trouve dans la littérature des stratégies différentes pour « résoudre » le dilemme du tramway. Certains proposent d’utiliser un sondage d’opinion : c’est le peuple qui devrait choisir, à travers un référendum ou à travers une étude sociologique, de mettre à mort telle ou telle victime. Autrefois, Ponce Pilate interrogeait déjà le peuple :</p>
<blockquote>
<p>« Qui voulez-vous que je relâche et qui voulez-vous que je crucifie ? »</p>
</blockquote>
<p>La « solution » qui consiste à se laver les mains pour se dédouaner de toute responsabilité ne nous semble pas moralement acceptable.</p>
<p>D’autres souhaitent évaluer l’utilité de chaque issue. Tuer un enfant, qui pourrait vivre encore longtemps, ne serait que non-optimal par rapport à l’option de tuer une personne âgée, dont les jours sont comptés. Le calcul des probabilités remplace ainsi le jugement éthique, et cela paraît de prime abord logique car la machine ne peut que calculer.</p>
<p>La rationalité froide de ces « solutions » nous donne un frisson. Lorsqu’un modèle formel ou un raisonnement statistique décident de vie ou de mort, leur concepteur aura toujours tort.</p>
<h2>Laisser le hasard choisir</h2>
<p>En 2017, un comité d’éthique allemand formé spécifiquement pour se pencher sur le cas de la voiture autonome a publié un avis sur cette question. Sans se prononcer sur la rationalité des soi-disant solutions, il ne formule qu’une seule préconisation relative au dilemme du tramway. Elle est négative dans ce sens qu’elle explique ce qu’une machine ne doit pas faire, sans mot dire sur ce qu’elle doit.</p>
<p>Voici cette recommandation : il faut interdire à la machine de tenir compte de tous les facteurs individuels, par exemple l’âge, le genre ou l’origine sociale des personnes. Toutes les formes d’utilitarisme se trouvent donc rejetées en bloc selon cette démarche éthique apophatique.</p>
<p>Mais il existe bel et bien une solution positive et pouvant être mise en œuvre, et c’est la seule qui soit éthiquement acceptable. Elle consiste à laisser le hasard choisir.</p>
<p>Recourir au tirage au sort ? Certains se disent rassurés, tandis que d’autres crient à l’injustice. Pour démêler cet écheveau, les mythes autour des anges et des démons – des individus purement fonctionnels, tout comme les machines – peuvent nous être précieux.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur a récemment publié « Les Robots et le mal » (Desclée de Brouwer, 2019).</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexei Grinbaum ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lorsqu’un modèle formel ou un raisonnement statistique décident de vie ou de mort, leur concepteur aura toujours tort.Alexei Grinbaum, Chercheur au LARSIM (Laboratoire des Recherches sur les Sciences de la Matière), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1121712019-02-25T21:03:43Z2019-02-25T21:03:43ZLa culture matérielle des « gilets jaunes », une lecture anthropologique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259982/original/file-20190220-148509-z6xxnp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C4%2C986%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'analyse de l'évolution de la classe moyenne au niveau mondial peut aider à mieux comprendre le mouvement des « gilets jaunes » en France. </span> <span class="attribution"><span class="source">Mathis Boussuge / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les analyses dans les journaux, la radio et la télévision l’ont bien montré, le mouvement des « gilets jaunes » est socialement et politiquement <a href="https://www.bfmtv.com/societe/gilets-jaunes-une-grogne-eparse-heterogene-et-disparate-selon-les-services-de-renseignement-1571566.html">hétérogène</a>. Et pourtant le mouvement a été soutenu pendant longtemps par près de <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20181219.OBS7415/70-des-francais-approuvent-toujours-les-gilets-jaunes.html">70 % des Français</a>. L’enquête anthropologique, qui repose sur une l’accumulation d’observations qualitatives plutôt que sur une méthodologie déductive, montre que, derrière l’hétérogénéité sociale, la culture matérielle fait apparaître une communauté de pratiques et de problèmes à résoudre propres à la classe moyenne la moins favorisée en France et dans le monde.</p>
<p>L’analyse présentée ici s’appuie à la fois sur des observations qui ont été faites dans les livings, les cuisines, les salles de bains ou les jardins, en France, en Chine, au Brésil ou aux États-Unis, depuis 1990, et sur les reportages audio et visuels présentés depuis novembre 2018. Dès 2011, avec la montée des dépenses contraintes, on pouvait observer ce que j’ai appelé <a href="http://www.argonautes.fr/2011-04-d-desjeux-classe-moyenne-mondiale-le-chasse-croise/">« le chassé-croisé des classes moyennes mondiales »</a> dont les « gilets jaunes » en sont, pour une part, la résultante.</p>
<h2>La peur de la panne</h2>
<p>Le mouvement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">« gilets jaunes »</a> tient son unité symbolique à un objet matériel, le gilet obligatoire de sécurité jaune fluo dont le prix peut varier de 3 à 7 euros. Sa symbolique est simple et forte : comment être mieux vue quand on est avec sa voiture sur le bas-côté de la route suite à un accident ou à une panne.</p>
<p>La peur de la panne et la crainte d’un accident de la vie, comme le chômage ou une séparation conjugale, sont au cœur des inquiétudes de la vie de la classe moyenne à revenu tendu et irrégulier, dont les « gilets jaunes » dans leur diversité en sont l’expression. La panne menace la plupart des budgets familiaux dont l’équilibre tient bien souvent à l’existence d’un ou plusieurs crédits. Les pannes les plus critiques portent sur quatre objets : celle de la machine à laver qui conditionne l’organisation de la vie domestique, celle du réfrigérateur qui contribue à la gestion des courses alimentaires, celle de la chaudière, au fioul, au gaz ou au bois, qui permet de se chauffer et d’avoir de l’eau chaude et celle de la voiture sans laquelle certains ne pourraient pas aller au travail, conduire les enfants à l’école et à leur activité de loisir, faire les courses et remplir le caddie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259955/original/file-20190220-148520-bbqvhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La voiture fait partie des objets dont la panne est la plus redoutée par les ménages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Patat/Shutterstock</span></span>
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<p>Toutes ces incertitudes qui se traduisent par des dépenses imprévues constituent comme un fonds commun à l’hétérogénéité politique et sociale des « gilets jaunes » et des Français qui se reconnaissent dans le mouvement, au moins entre novembre et décembre 2018. Consommation, vie quotidienne et image positive de soi sont en permanence menacée par les <a href="https://theconversation.com/la-dependance-energetique-source-dinegalites-entre-les-menages-francais-108212">coûts de l’énergie</a> (essence, gasoil, gaz, électricité) dont dépendent le chauffage, l’eau chaude, la voiture, l’entretien du jardin, les pratiques de bricolage et les technologies de la communication. </p>
<p>Selon l’<a href="https://www.credoc.fr/download/pdf/4p/219.pdf">Insee</a>, les coûts alimentaires qui, bien qu’ils aient baissé en moyenne dans le budget des ménages de 27 % en 1960 à 15 % aujourd’hui, pèsent beaucoup plus fort sur les revenus les plus bas. À l’inverse, les coûts du logement dans la part du budget sont passés de 8 % à 20 % en 50 ans, et peuvent atteindre 50 % pour les ménages aux revenus les plus bas. La communication digitale représentait moins de 1 % du budget en 1960, puisqu’elle était presque inexistante en dehors de la télévision et du téléphone fixe. Elle atteint 8 % en moyenne aujourd’hui et monte 17 % pour les budgets des plus pauvres, avec l’ordinateur, le téléphone mobile, les tablettes, la télévision et les consoles de jeux.</p>
<p>Quand une dépense de consommation de la classe moyenne à bas revenu dépasse la moyenne de celle de la population, elle est l’indicateur que l’on a à faire à une dépense contrainte socialement, ce qui est un peu plus large que le terme de dépenses préengagées des économistes qui ne tiennent pas compte de la pression des enfants, de l’importance des réseaux numériques ou du sentiment de rejet social quand certains ont l’impression de ne pas pouvoir tenir leur rang dans le mouvement général de la consommation.</p>
<h2>Changement des modes de vie</h2>
<p>Cette pression est très visible dans le living, la pièce à vivre, qui dans les années 1960 soit n’existait pas, soit représentait une pièce plus formelle, le « salon ». C’est le lieu qui depuis les années 2000 concentre une grande partie des écrans utilisés par la famille de la télévision aux jeux vidéo. On y trouve le « salon complet », avec le canapé, la bibliothèque et le meuble pour la télévision, achetés à crédit. Un insert à bois y a souvent été installé pour économiser l’énergie. Pour les familles monoparentales, le living, la cuisine, la salle de bain et la chambre à coucher peuvent ne faire qu’une seule pièce.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259961/original/file-20190220-148533-1nl0q9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Depuis les années 2000, le salon concentre une grande partie des écrans utilisés par la famille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ThomasDeco/Shutterstock</span></span>
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<p>Depuis 2000, la dynamique générale consumériste qui avait démarré dans les années 1920 aux États-Unis et 1950 en Europe de l’Ouest, s’est déplacée de l’Ouest vers l’Est, avec la montée d’une nouvelle classe moyenne mondiale qui représente près de 2 milliards de personnes aujourd’hui et 5 milliards dans une trentaine d’années. Elle se trouve principalement en Asie et en Asie du Sud-Est, avec la Chine, l’Inde et l’Indonésie, mais aussi ailleurs avec le Brésil, le Mexique, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Éthiopie, la Turquie ou Israël. Entre 2000 et 2008, les cours du soja <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2008/05/BAILLARD/15864">ont explosé</a> parce que la classe moyenne chinoise s’est mise à manger de la viande, ce qui a pesé directement sur les coûts de production du porc en France. Les changements de la consommation et des modes de vie déterminent maintenant les changements de société, de la production à la distribution, aux usages des biens et services et à leurs effets sur la pollution, le réchauffement climatique et les risques de guerre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-metamorphoses-du-consommateur-producteur-distributeur-72162">Les métamorphoses du consommateur-producteur-distributeur</a>
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<p>Le renversement du champ de force au sein de la mondialisation, plus que sa nouveauté, puisqu’elle a existé depuis les débuts de l’humanité, donne un des sens possibles de la revendication des « gilets jaunes » qui se demandent ce qu’ils deviennent dans cet immense maelstrom incontrôlable et avec une mobilité de plus en plus limitée et chère.</p>
<h2>Les grandes contradictions</h2>
<p>On comprend cette hésitation quand on est conscient que le nouveau contrat social doit prendre en compte quatre grandes contradictions qui paraissent insolubles : celle de l’augmentation du pouvoir d’achat et en même temps celle d’une consommation plus économe, celle d’un soutien aux entreprises pour qu’elles produisent plus de valeur tout en mobilisant moins de matières premières et d’énergie fossiles, celle d’une diminution de la pression fiscale et des dépenses de l’État tout en améliorant la qualité des services administratifs, celle d’une plus grande autonomie locale sans que cela conduise à plus de dépenses de l’État ou à plus de dérogations sur les permis de construire qui concourent à l’ampleur des catastrophes dites naturelles ou la limitation de la vitesse sur les routes mortellement dangereuses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1097638678724296712"}"></div></p>
<p>Paradoxalement la solution à tous ces problèmes ne tient pas tant d’un « manque de démocratie », quand on voit le nombre de réunions municipales, d’associations, d’États généraux ou de conférences de citoyens qui se sont tenues à travers la France depuis plusieurs dizaines d’années. La solution ne vient pas non plus de son corollaire, le « mépris des élites », mais plutôt d’un manque de méthode, celle qui permettrait d’augmenter les capacités de négociation entre les acteurs pour les amener à construire des compromis acceptables, comme cela se fait dans les pays scandinaves ou en Allemagne. L’urgence écologique, la concurrence internationale et la menace populiste autoritaire peuvent amener les Français à accélérer ce processus d’apprentissage qui autrement demande au moins une génération.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259964/original/file-20190220-148513-kz4y9o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1070&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Dominique Desjeux est l’auteur du livre « L’empreinte anthropologique du monde. Méthode inductive illustrée » sur la montée de la classe moyenne mondiale publié aux Éditions Peter Lang (2018).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Desjeux a reçu des financements d'enquêtes de terrain pour Pernod Ricard, Danone, L’Oréal, Chanel, EDF, Bouygues Telecom, La FDJ, l'ADEME, Lego et de nombreuses autres entreprises, ONG et administrations pour des enquêtes en Chine, à Singapour, à Taïwan, au Brésil, aux États-Unis, en France, en Grande Bretagne, en Espagne, au Danemark et en Afrique</span></em></p>L’approche anthropologique permet de révéler des pratiques et des problématiques communes dans un mouvement particulièrement hétérogène.Dominique Desjeux, Professeur émérite en anthropologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.