tag:theconversation.com,2011:/us/topics/adolescents-21823/articlesadolescents – The Conversation2024-03-27T16:47:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2247662024-03-27T16:47:52Z2024-03-27T16:47:52ZDes SMS aux réseaux sociaux, comment le numérique transforme le dialogue entre parents et enfants<p>Les outils numériques font aujourd’hui partie intégrante du quotidien et amènent les enfants à avoir de nouvelles expériences et à se développer dans de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-02738-3">nouveaux environnements</a>.</p>
<p>La place de ces technologies dans les interactions familiales peut varier en fonction d’un certain nombre d’éléments, tels que la qualité des liens, la dynamique familiale, l’environnement de vie de la famille, le stress des parents, l’âge de l’enfant et de l’adolescent…</p>
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<a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-technoference-199446">« L’envers des mots » : Technoférence</a>
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<p>Ces outils peuvent créer des obstacles à la communication, ce que les recherches étudient notamment à travers le concept de technoférence, au cours de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2024-52598-001">petite enfance</a> et de l’enfance notamment. Mais ils peuvent aussi constituer de nouveaux canaux d’échanges, <a href="https://www.cairn.info/revue-dialogue-2017-3-page-57.htm">soutenant les échanges parent-enfant</a>.</p>
<p>Cela peut se faire par exemple à travers le <a href="https://journal.unj.ac.id/unj/index.php/jpud/article/view/34862">co-visionnage</a> de contenus : regarder un dessin animé avec son enfant, faire une activité interactive sur tablette, lire des livres numériques… Les parents commentent alors ce que l’enfant voit et peuvent stimuler son attention, sa curiosité et son <a href="https://theconversation.com/sept-pistes-pour-enrichir-le-vocabulaire-de-votre-enfant-126576">vocabulaire</a> (même si pour ce dernier point, les résultats de la recherche ne vont pas tous dans le même sens…).</p>
<h2>L’âge du premier smartphone</h2>
<p>La place des écrans dans la famille évolue à mesure que l’enfant grandit. <a href="https://www.open-asso.org/presse/2020/02/smartphones-les-enfants-recoivent-leur-premier-telephone-a-9-ans/">9 ans et 9 mois</a>, c’est l’âge moyen d’acquisition du premier téléphone portable en France. Et on peut dire que cette acquisition amène un tournant dans la vie et la communication au sein de la famille.</p>
<p>C’est souvent lorsque les jeunes commencent à avoir plus d’autonomie que les parents envisagent de leur offrir un smartphone. En effet, les parents souhaitent assurer la sécurité de leur enfant, le téléphone leur permettant de rester en contact avec leur enfant en cas d’urgence ou de besoin. Mais l’outil favorise aussi le développement de leur <a href="https://psycnet.apa.org/record/2020-79295-001">autonomisation</a> et son acquisition est une véritable étape développementale.</p>
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<p>Néanmoins, la communication parent-enfant est aussi une motivation à cet achat, au-delà de l’aspect uniquement lié à la sécurité. La possibilité de pouvoir joindre ses parents ou d’être joints par eux à tout instant permet aux jeunes adolescents d’agrandir leur champ d’exploration, d’aller à la découverte du monde.</p>
<h2>Les outils numériques comme soutiens à la communication</h2>
<p>Comme évoqué précédemment, la communication via les outils numériques s’est accrue à mesure que les préadolescents en étaient équipés. On pourrait même dire qu’elle s’est banalisée. Son atout réside dans l’instantanéité, pour transmettre rapidement une information ou faire une demande à l’autre, partager un moment vécu ou des états émotionnels, gérer une situation conflictuelle, favorisant ainsi un sentiment de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0192513X18793924">proximité</a>.</p>
<p>Échanger par messagerie ou par les réseaux sociaux peut aussi être parfois un moyen de se dire les choses <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-018-0003-8">plus facilement</a>. Il pourrait ainsi être plus aisé pour certains adolescents de faire passer des messages à leur parent de façon plus ou moins « déguisée », par l’intermédiaire du partage de posts sur les réseaux sociaux, ou d’envoi d’émojis pour traduire leurs émotions.</p>
<p>Le partage de publications en ligne peut aussi être une façon pour les parents d’aborder des sujets perçus comme sensibles ou tabous en fonction des familles, par exemple le rapport au corps, la découverte de la sexualité. La communication parent-adolescent peut ainsi être soutenue par les outils numériques, et cela de plus en plus à mesure que l’adolescent grandit et s’éloigne physiquement de ses parents.</p>
<h2>Des échanges en face à face incontournables</h2>
<p>Sans s’y limiter, les échanges entre les parents et les enfants passent de plus en plus par une messagerie, à l’instar de ce qu’on observe dans tout type de relations. Pour autant, bien que pratique lorsqu’on ne se trouve pas en présence de l’autre, ce mode de communication pourrait aller en l’encontre de la qualité des interactions.</p>
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<p>Des échanges passant essentiellement par les outils numériques peuvent donner au parent le sentiment d’être proche de son enfant, sans que la relation soit vraiment sécure, avec peu de possibilités d’échanges en face-à-face. En effet, un niveau important d’interactions via les outils numériques peut correspondre à une <a href="https://ttu-ir.tdl.org/items/67ce09e8-e7c2-454a-bb6d-b59d6a4776a1">relation d’attachement où les émotions sont difficiles à partager</a> et exprimer directement.</p>
<p>Par ailleurs, les interactions par messageries instantanées ou SMS sont généralement brèves. Elles ne sont donc pas comparables avec un échange en face-à-face où parent comme enfant peuvent s’engager dans des conversations plus approfondies, étayées par les comportements non verbaux de l’autre qui peuvent renseigner sur ses états émotionnels.</p>
<h2>Des codes de conversation à acquérir</h2>
<p>Outre la qualité de la relation parent-enfant, le type de communication présent dans la famille pourrait jouer sur l’usage plus ou moins important des outils numériques. Par exemple, dans les familles « <a href="https://psycnet.apa.org/record/2002-06584-004">tournées vers les échanges</a>, les conversations », les adolescents y auraient plus facilement recours pour <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0044118X14560334">échanger avec leurs parents</a> que ceux issus d’une famille peu orientée vers les discussions.</p>
<p>Les adolescents communiqueraient aussi via téléphone ou messagerie davantage avec <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">leur mère qu’avec leur père</a>, dans les familles bi- comme monoparentales, reproduisant ce que l’on peut observer dans les <a href="https://www.researchgate.net/publication/367539605_The_Ways_of_Communication_with_Parents_and_The_Parenting_Styles_During_Adolescence">interactions « en personne »</a>.</p>
<p>Pour ce qui est du <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10826-018-1054-z">motif de communication</a>, il semblerait que les adolescents, lorsqu’ils ont le choix, auraient une préférence pour les interactions par messages pour des questions logistiques, d’organisation, de planification. En revanche, s’ils souhaitent exprimer des émotions ou rechercher du soutien, ils se tournent plutôt vers des appels téléphoniques. Les échanges verbaux permettraient en effet un meilleur partage des émotions et un plus grand sentiment de proximité.</p>
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<p>Même si les services de messagerie occupent une part grandissante dans les échanges parent-enfant, les échanges en face-à-face (et les appels téléphoniques pour les plus jeunes mais <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0044118X13499594">pas les adolescents</a>) restent malgré tout prépondérants.</p>
<p>Les échanges textuels sont importants en ce sens qu’ils participent au processus d’autonomisation des jeunes ainsi qu’à leur apprentissage des échanges dans les environnements virtuels. Ils peuvent ainsi acquérir certains codes conversationnels qui peuvent être différents des codes en vigueur dans les échanges « en personne », par exemple, prendre conscience que la personne qu’on essaie de contacter par téléphone ou message peut ne pas être disponible en même temps, apprendre à respecter les moments où on peut contacter une personne ou pas en fonction du type de communication…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Danet a reçu des financements de la fondation I-SITE ULNE. </span></em></p>Si l’omniprésence des smartphones peut être un frein aux échanges directs, passer par le numérique permet également d’aborder plus facilement certains sujets entre parents et enfants. Explications.Marie Danet, Maîtresse de conférence en psychologie - HDR, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252992024-03-17T15:33:33Z2024-03-17T15:33:33ZPour une éducation aux médias et à l’information (de) tous les jours<p>Ce lundi 18 mars 2024 s’ouvre la 35<sup>e</sup> édition de la <a href="https://www.clemi.fr/actions-educatives/semaine-de-la-presse-et-des-medias">Semaine de la presse et des médias dans l’école</a>. Chaque année, dans bon nombre d’établissements de la maternelle au lycée, ce rendez-vous permet de <a href="https://www.education.gouv.fr/semaine-de-la-presse-et-des-medias-dans-l-ecole-5159">« développer le goût pour l’actualité »</a>, tout en abordant avec les élèves des notions clés du travail journalistique, du décryptage de l’information, à travers des présentations du paysage médiatique ou des rencontres de rédactions.</p>
<p>Si cette manifestation a son importance, elle ne suffit bien sûr pas à mener à bien tous les objectifs énoncés ci-dessus. <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">L’observation des pratiques informationnelles enfantines et adolescentes</a>, comme l’analyse des situations d’apprentissage dans le monde scolaire mais aussi en famille, en médiathèques ou dans les communautés associatives, plaident incontestablement pour une banalisation de l’éducation aux médias et à l’information (EMI).</p>
<p>Cette éducation est une pierre angulaire du développement d’une culture générale. Comment s’y prendre pour mieux l’ancrer dans le quotidien des jeunes générations ?</p>
<h2>Une recherche d’informations quotidienne</h2>
<p>Dès l’<a href="https://edunumrech.hypotheses.org/files/2023/12/GTnum_CREM_ELN_portfolio_Dec2023.pdf">enfance</a>, les pratiques informationnelles existent et participent du développement de loisirs et d’activités. Prenons l’exemple d’Emeline, 10 ans. Passionnée de botanique, elle effectue des recherches en ligne sur les plantes. De son côté, Aiden, 7 ans, utilise YouTube pour regarder « des vidéos de dessins pour avoir des techniques et des idées », et ensuite dessiner à son tour.</p>
<p>Dès l’enfance aussi, ces pratiques d’information témoignent d’un enjeu d’intégration sociale fort. Ainsi, Rémy, scolarisé en CM2, raconte l’importance de ses recherches sur les faits de jeu de son équipe de football préférée. Il les partage avec ses frères et son père car, à la maison, on n’a plus les moyens financiers de se rendre au stade : « Quand on en parle à l’école le lundi, c’est comme si j’étais allé à Bollaert ! »</p>
<p>Cette intrication des pratiques informationnelles avec le développement d’une personnalité et de ses goûts et la volonté de prendre sa place dans le monde monte en puissance avec l’âge.</p>
<p>Les collégiens et les lycéens rencontrés sur le terrain racontent le plaisir de s’informer en groupe, de partager leurs découvertes entre pairs, de s’interroger ensemble sur les informations auxquelles ils accèdent. Dans toute leur diversité : non seulement sont évoquées les pratiques informationnelles médiatiques, dites d’actualité, mais aussi les pratiques informationnelles documentaires, extrêmement prégnantes dans la vie enfantine et adolescente.</p>
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<figcaption><span class="caption">C’est quoi une information ? Les Clés des Médias (CLEMI, mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Contrairement à une vulgate répandue, et affirmée par des études aux contours flous et purement <a href="https://www.nouvelobs.com/medias/20220121.OBS53512/le-desinteret-pour-l-actualite-progresse-surtout-chez-les-plus-jeunes.html">déclaratives</a>, les enfants et les adolescents s’informent. Ils et elles s’informent sur leurs centres d’intérêt, leurs loisirs, mais aussi des sujets de société qui leur tiennent à cœur, à la manière de ces lycéennes qui peuvent discuter longuement des violences sexistes et sexuelles. Elles effectuent une veille informationnelle rigoureuse sur le sujet par le moyen des réseaux sociaux numériques.</p>
<p>Adolescentes et adolescents s’informent avec un plaisir réel, lors de rituels qu’ils mettent en place, seuls, avec des pairs ou en <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03349651v1/file/CORDIER_Famille-numerique.pdf">famille</a>. Vasco, lycéen de 17 ans, explique combien il aime « confronter « (ses) » informations avec celles de (sa) mère avec la télé. On n’est pas souvent d’accord, mais c’est ça qui est bien, on se parle ! »</p>
<p>Ces générations tirent parti de ressources informationnelles qui échappent souvent au regard des adultes, à l’instar de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Travers">Hugo Décrypte</a>, fortement plébiscité par les lycéens, ou encore des titres de presse régionale ou nationale, dont ils suivent les publications <em>via</em> les réseaux sociaux numériques. N’oublions pas non plus les créateurs et créatrices de contenu, qui tiennent une place importante dans l’écosystème informationnel des publics juvéniles, notamment pour nourrir leur curiosité envers l’information documentaire (sur la santé, la sexualité, ou encore la physique ou le cinéma).</p>
<h2>Des rituels de familiarisation à l’information</h2>
<p>Ces pratiques informationnelles ont besoin de soutien, et les enfants comme les adolescents apparaissent très demandeurs d’accompagnement dans le domaine, conscients notamment de la difficulté à évaluer l’information dans un contexte généralisé de défiance, ou encore à gérer la <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/chaos-information-reseaux-sociaux-adolescents-sophie-jehel">réception des images violentes en ligne</a>. Ils sont aussi désireux de développer plus encore leurs connaissances informationnelles « pour réussir dans la vie, parce que l’information c’est un tremplin », comme le note Romane, 17 ans.</p>
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<p>Les adolescents et les jeunes adultes rencontrés en enquête font part de rituels de familiarisation à l’information qu’ils considèrent comme fondateurs dans leur parcours. C’est le cas de Morgan qui, à 24 ans, tire le fil entre une expérience quotidienne de la lecture et de la discussion autour de la presse d’actualité à l’école primaire et son appétence actuelle, à l’âge adulte, pour la presse écrite :</p>
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<p>« Tu titres “De Mon Quotidien à Mad Movies” ! (rires) Sérieusement, je suis certain, ça me vient de là, le plaisir de la presse, tu vois, de prendre de l’info dedans, de savoir que je peux la partager, comme on faisait en primaire, quoi. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres évoquent des apprentissages structurants, lesquels ont pu être observés lors d’un <a href="https://journals.openedition.org/rfsic/5130">suivi longitudinal de lycéens dans leur entrée dans les études supérieures</a> et dans la vie professionnelle. À 19 ans, Julie « ne remerciera jamais assez (son professeur documentaliste) qui lui a donné les bonnes cartes pour après ! », notamment en la sensibilisant au référencement bibliographique et au travail de sourçage de l’information.</p>
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<figcaption><span class="caption">“Le smartphone, une porte d’entrée à l’information” (Sqool TV, 2023)</span></figcaption>
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<p>Malheureusement, l’étude des parcours sur le long terme, et les enquêtes de terrain en milieu scolaire, montrent la difficulté à mettre en place une progression des apprentissages en éducation aux médias et à l’information. Les temps consacrés à l’information dans la classe, à son analyse comme à sa discussion, sont trop ponctuels.</p>
<p>Or, intégrer des apprentissages informationnels au sein d’un environnement médiatique et documentaire pour le moins complexe, comprendre des concepts essentiels comme l’autorité informationnelle ou encore la ligne éditoriale, développer une <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03541492v1/document">culture des sources</a>, tout cela demande du temps.</p>
<h2>Sortir du traitement évènementiel de l’éducation à l’information</h2>
<p>Le traitement évènementiel de l’information, auquel se trouvent souvent contraints les acteurs de l’éducation aux médias et à l’information, ne permet absolument pas de relever le défi. Tout d’abord, parce que, nous l’avons vu, ce traitement n’est pas à la mesure de la quotidienneté – joyeuse – de la vie sociale des enfants et des adolescents, et des enjeux qu’ils ont à affronter chaque jour pour <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/hal-03452769/document">appréhender le flux d’informations</a> et en traiter le contenu, quel que soit son statut.</p>
<p>Ensuite, la prise en charge des problématiques informationnelles et médiatiques ne saurait se limiter à la gestion d’un évènement en général tellement chargé émotionnellement (attentats, guerres) que la prise de distance nécessaire à la structuration de connaissances n’est pas possible.</p>
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<p>Enfin, l’étude des trajectoires informationnelles des acteurs suivis sur le long terme et les interrelations avec les formations en EMI dont ils ont bénéficié montrent à quel point la dimension temporelle est cruciale. C’est ce qui favorise l’intégration de compétences et de connaissances abordées de façon répétée de manière à ce que des transferts soient envisagés et envisageables. C’est ainsi qu’en situation, dans un nouveau contexte, les jeunes concernés seront en mesure de convoquer de nouveau des ressources, des types d’usages ou de pratiques abordés.</p>
<p>Pour l’ensemble de ces raisons, c’est d’une éducation aux médias et à l’information du quotidien et au quotidien dont nos enfants et adolescents ont besoin, une éducation à la hauteur de la place qu’a l’activité informationnelle dans leur vie. C’est-à-dire une place quotidienne, profondément incarnée, sensible, joyeuse, et essentielle dans les sociabilités qu’ils mettent en œuvre, que ce soit avec la famille ou avec les pairs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Cordier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En mars, la Semaine de la presse et des médias à l’école sensibilise les enfants et les adolescents au décryptage de l’actualité. Mais l’éducation aux médias est un défi à relever au jour le jour.Anne Cordier, Professeure des Universités en Sciences de l’Information et de la Communication, Université de Lorraine, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075542024-03-10T16:46:25Z2024-03-10T16:46:25ZCannabis : Des idées reçues à déconstruire !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580373/original/file-20240307-32-eazgkk.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3846%2C2572&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ces dernières années, plusieurs pays ont choisi d'encadrer l'usage du cannabis plutôt que de le prohiber. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/plantes-vertes-sur-cadre-en-metal-blanc-yovhXPl8V1M">Richard T/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>« Le cannabis amène à consommer des drogues plus dures », « le cannabis entraîne des troubles psychiatriques », « prohiber le cannabis fait baisser la consommation de cannabis », « l’autoriser fait augmenter la consommation »… Qui n’a jamais entendu, ou relayé, ces affirmations réductrices, voire erronées ?</p>
<p>Ces discours tendent à simplifier des interactions qui sont, dans les faits, très complexes. Ancrés dans un registre émotionnel et reposant sur des imaginaires caricaturaux, ils ne tiennent pas compte des données scientifiques, et empêchent la mise en place de politiques efficaces de prévention et de réduction des risques et dommages, qui les prendraient en compte. En réalité, les <a href="https://cnrs.hal.science/hal-03478935">usages du cannabis – et les conséquences de ces usages – diffèrent beaucoup selon les profils sociaux et les contextes de consommation</a>. Déconstruisons donc quelques idées reçues, avec l’aide de la recherche scientifique.</p>
<h2>Une substance très consommée</h2>
<p>Le cannabis est la <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/DACC-2022.pdf">première substance psychoactive illicite la plus consommée</a> dans notre pays : 18 millions de Français ont déjà expérimenté le cannabis au cours de leur vie. Parmi eux, 1,3 million sont des usagers réguliers (au moins 10 consommations dans le mois) et 850 000 sont des usagers quotidiens.</p>
<p>Le profil type du consommateur de cannabis est celui d’un homme jeune, mais les dernières tendances observées montrent une <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2021/usages-du-cannabis-en-france-premiers-resultats-du-barometre-sante-de-sante-publique-france-2020">augmentation de la consommation de cannabis chez les femmes et un vieillissement des consommateurs</a>, plus souvent trentenaires ou plus âgés.</p>
<p>Dans la plupart des cas, cet usage irrégulier n’occasionne pas de conséquences sociales ou sanitaires majeures, mais certains groupes tels que les adolescents et les jeunes adultes sont particulièrement exposés aux risques liés au cannabis. Les études disponibles mettent en évidence <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3069146/">qu’une personne qui consomme du cannabis sur onze pourrait développer une dépendance</a>, voire une sur six, si la consommation démarre à l’adolescence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-jeunes-et-cannabis-au-dela-des-caricatures-208160">Podcast : Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures</a>
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<h2>Une plante à double tranchant</h2>
<p>S’il existe effectivement des risques à consommer du cannabis, ces risques ne sont pas <a href="https://esprit.presse.fr/article/marie-jauffret-roustide-et-jean-maxence-granier/cannabis-les-risques-de-la-repression-43568">efficacement prévenus</a> par le contexte politique et social dans lequel les consommations se déroulent, dont la prohibition. En effet, un tel contexte limite la possibilité d’un dialogue clair et d’une prévention efficace sur les conséquences de la consommation de cannabis. Par ailleurs, il rend aussi plus difficile le fait d’aborder les bénéfices potentiels de certaines substances actives contenues dans cette plante.</p>
<p>Car le cannabis est une <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-la-premiere-prescription-de-cannabis-medical-en-france-ou-en-est-on-179711">plante qui a aussi un intérêt médical</a>. Certaines des substances actives qu’elle contient, comme le tetrahydrocannabinol (THC) ou le cannabidiol (CBD), composent majoritairement certains médicaments prescrits dans des indications précises, comme la douleur neuropathique (douleur étant la conséquence d’une atteinte du système nerveux, suite à un accident, une intervention chirurgicale, un zona, etc.), la rigidité musculaire (spasticité) ou des formes d’épilepsie résistante aux médicaments.</p>
<p>Comment les données scientifiques peuvent-elles nous aider à y voir plus clair ?</p>
<h2>Le cannabis est-il une plante sans risque ?</h2>
<p>Rappelons que l’origine naturelle d’une substance n’est pas une garantie d’absence de risque (ou de présence de bienfait) pour le corps humain.</p>
<p>Au-delà des effets recherchés (plaisir ou autothérapeutique), les substances, comme le THC ou le CBD, peuvent aussi induire des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34282851/">effets indésirables</a>.</p>
<p>L’apparition de ces complications dépend notamment de la façon dont le cannabis est consommé, de la composition du produit (en particulier de sa concentration en THC), des vulnérabilités individuelles et du contexte de consommation.</p>
<p>Parmi les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32877036/">principaux risques liés à un usage de cannabis</a>, on peut citer diverses complications :</p>
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<li><p>neurologiques : somnolence,convulsions ;</p></li>
<li><p>cognitives : troubles de la mémoire, de l’attention et des capacités d’apprentissage ;</p></li>
<li><p>psychiques : anxiété, attaques de panique, paranoïa voire dépendance ;</p></li>
<li><p>digestives : douleurs abdominales, vomissements, prise de poids car le cannabis augmente l’appétit (effet orexigène) ;</p></li>
<li><p>hormonales et sexuelles : perturbations des cycles menstruels et altération de la qualité du sperme et troubles de l’érection et de l’éjaculation chez l’homme ;</p></li>
<li><p>cardio-vasculaires.</p></li>
</ul>
<p>Ces dernières complications sont rares, mais potentiellement graves. En effet, les décès imputables à un usage de cannabis (qui sont eux aussi très rares) sont le plus souvent associés à des troubles du rythme cardiaque, de l’hypertension, un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral.</p>
<p>Des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36115751/">complications respiratoires</a> peuvent elles aussi survenir, mais elles sont directement liées à l’usage par voie pulmonaire avec combustion (joint, bang), et le plus souvent en lien avec l’utilisation de tabac.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cbd-lessentiel-a-savoir-avant-den-prendre-171970">CBD : l’essentiel à savoir avant d’en prendre</a>
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<h2>Le cannabis mène-t-il à l’usage d’autres substances plus à risque ?</h2>
<p>C’est un argument fréquent des discours des tenants de la prohibition. Apparu aux États-Unis dès les années 30, il est encore souvent brandi par les opposants à la légalisation d’accès au cannabis, pour qui consommer du cannabis conduirait inéluctablement à expérimenter d’autres drogues comme la cocaïne ou l’héroïne. On parle de « théorie de l’escalade », de « théorie du tremplin » ou de « théorie de la « porte d’entrée ».</p>
<p>La théorie de l’escalade n’a jamais été prouvée scientifiquement, il n’est pas démontré que l’usage de cannabis puisse être la cause d’un usage d’autres drogues illicites. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1156108/">Elle s’est construite sur une confusion entre lien de causalité et corrélation</a>. En effet, la plupart des usagers d’héroïne ont consommé du cannabis auparavant. Mais ils ont également consommé de l’alcool et du tabac. Or, tous les usagers d’alcool, de tabac ou de cannabis ne passent pas pour autant à l’héroïne… Autrement dit, le fait de fumer du cannabis, donc d’être exposé au THC, n’incite pas à lui seul à consommer d’autres produits.</p>
<p>Élaborée en 2002, une autre théorie est plus scientifiquement crédible : celle du « Common liability model », qui repose sur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12472629/">propension individuelle</a> à consommer des substances psychoactives. Cette dernière refléterait une vulnérabilité individuelle globale qui serait dépendante de facteurs génétiques et environnementaux, et non des substances consommées.</p>
<p>Ainsi, selon ce modèle, les individus ayant consommé du cannabis, puis de la cocaïne (ou de l’héroïne) seraient passés de l’un à l’autre à cause d’une vulnérabilité générale commune à l’usage de ces drogues. L’ordre d’initiation aux drogues refléterait alors plutôt l’ordre dans lequel les individus auraient l’opportunité d’essayer les drogues, et donc aussi de la facilité d’accès à ces drogues et de leur statut dans la société. La disponibilité grandissante de la cocaïne pourrait d’ailleurs changer l’ordre des choses.</p>
<h2>Le cannabis rend-il forcément schizophrène ?</h2>
<p>La schizophrénie est une maladie chronique et sévère qui concerne jusqu’à 1 % de la population, selon les estimations. Elle débute habituellement entre 15 et 25 ans, soit dans les mêmes tranches d’âge que celles des premiers usages de cannabis.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2022-1-page-135.htm">C’est une maladie multifactorielle</a>, qui associe non seulement des facteurs de causalité environnementaux, mais aussi génétiques (la part de l’hérédité est importante : jusqu’à 80 %).</p>
<p>Le passage d’un état de vulnérabilité psychotique (qui concerne environ 10 % de la population générale) vers la maladie schizophrénie dépend de facteurs de risque au moment de l’adolescence, parmi lesquels l’usage de cannabis semble impliqué. En effet, chez les adolescents ayant des niveaux importants de consommation, le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31664453/">risque de présenter un trouble psychotique est multiplié par 4 en moyenne</a>.</p>
<p>Les patients schizophrènes consommateurs de cannabis ont développé la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24345517/">maladie en moyenne trois ans plus tôt que les autres</a>. C’est aussi un facteur péjoratif sur la sévérité et le pronostic de la maladie. L’usage de cannabis est donc non seulement un facteur aggravant mais aussi probablement un <a href="https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2022-1-page-135.htm">facteur explicatif, mais non suffisant</a>, de trouble psychotique.</p>
<p>Il n’est pas nécessaire de consommer du cannabis pour développer une schizophrénie, mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32459328/">15 % des nouveaux patients</a> n’auraient pas développé ce trouble s’ils n’avaient pas utilisé du cannabis. D’où la nécessité d’éviter ou retarder le plus tard possible une exposition – notamment chronique – au cannabis chez les personnes de moins de 25 ans.</p>
<h2>La prohibition fait-elle baisser la consommation de cannabis chez les jeunes ?</h2>
<p>Avant tout, il est essentiel de rappeler que les modèles politiques choisis pour encadrer les drogues n’ont que peu d’effets sur les niveaux de consommation chez les jeunes. Ainsi, la France a l’une des législations les plus répressives d’Europe. Pourtant, elle se situe en tête de classement (<a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/drogues-et-addictions-chiffres-cles/drogues-et-addictions-chiffres-cles-9e-edition-2022/">2<sup>e</sup> sur 34</a>) pour la consommation de cannabis chez les adolescents. La Suède, qui a également un modèle très répressif, se situe en fin de ce même classement.</p>
<p>Dans un contexte prohibitionniste, les campagnes de prévention adoptent le plus souvent un discours axé sur la peur et les risques. Or, cela peut avoir un effet contre-productif, et <a href="https://journals-sagepub-com.inshs.bib.cnrs.fr/doi/10.1177/001789690506400206">favoriser l’expérimentation de cannabis chez les adolescents</a></p>
<p>La prohibition du cannabis n’a donc pas tous les effets escomptés : elle ne fait pas baisser la consommation. Par ailleurs, elle a des effets néfastes, car elle ne protège pas suffisamment les consommateurs des risques éventuels.</p>
<h2>La légalisation du cannabis fait-elle augmenter sa consommation ?</h2>
<p>À l’inverse, les pays qui ont assoupli leurs législations vis-à-vis du cannabis, en optant pour des modèles axés sur la santé publique et la réduction des risques, ont des résultats plutôt encourageants concernant les tendances de l’usage chez les jeunes et la prévention.</p>
<p>C’est par exemple le cas du Québec, qui a choisi un modèle de légalisation très axé sur la santé publique. Les autorités ont observé une diminution de la consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois chez les jeunes de 15 à 17 ans (de <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-consommation-cannabis/">22 % à 19 %</a>), ainsi qu’une stabilité chez les 18-20 ans et une augmentation chez les 21-24 ans (de <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-consommation-cannabis/">39 à 43 %</a>).</p>
<p>En outre, différentes études ont montré que des politiques plus libérales vis-à-vis du cannabis <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0955395919300210">ne se sont pas accompagnées d’une augmentation importante de la consommation chez les plus jeunes</a>.</p>
<p>Par ailleurs, la légalisation du cannabis au Canada a permis de développer la sensibilisation des usagers face au risque, <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/engagement-legalisation-reglementation-cannabis-canada-bilan-progres/document.html">grâce à des investissements massifs dans les campagnes de prévention</a> (108,6 millions de dollars canadiens sur 6 ans, de 2017 à 2023). Les dernières données québécoises montrent que la population a acquis une <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/statistiques-donnees-sante-bien-etre/flash-surveillance/evolution-normes-sociale-regard-cannabis-quelques-chiffres/">meilleure connaissance des risques liés au cannabis</a> depuis la légalisation.</p>
<h2>Quel modèle politique adopter ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/les-usages-de-substances-psychoactives-chez-les-collegiens-et-lyceens-resultats-enclass-2022/">données françaises</a> montrent une baisse de la consommation de cannabis chez les jeunes et un recul de l’âge à la première consommation chez les collégiens. Malgré cette baisse, les <a href="https://www.emcdda.europa.eu/data/stats2023/gps_en">jeunes Français âgés de 15 à 24 ans se caractérisent par un niveau de consommation de cannabis plus élevé que les autres jeunes Européens</a>. À titre d’exemple, à l’âge de 16 ans, les jeunes Français consomment deux fois plus de cannabis que la moyenne européenne : 13 % déclarent avoir consommé du cannabis dans le dernier mois, contre 7 % en Europe, <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxss2ab.pdf">selon l’enquête ESPAD</a>.</p>
<p>Face à cet échec de la prohibition à protéger les plus jeunes des risques, de plus en plus de pays choisissent une autre voie, et en particulier celle de la légalisation du cannabis.</p>
<p>Nous <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/10/9/e035148.long">manquons de recul aujourd’hui pour faire un bilan complet de ces initiatives de légalisation</a>. Toutefois, il ressort clairement des premières données disponibles que les modèles très libéraux et commerciaux mis en place aux États-Unis, qui ont fait de la vente du cannabis un symbole du capitalisme, peuvent avoir des <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/bilans/legalisation-du-cannabis-aux-usa-janvier-2021/">effets délétères</a>. En revanche, les modèles très encadrés, axés sur la santé publique, tels que ceux mis en place au Canada semblent plus <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/engagement-legalisation-reglementation-cannabis-canada-bilan-progres/document.html">prometteurs</a>.</p>
<p>La France est confrontée par ailleurs confrontée à un paradoxe : le cannabis fait le plus souvent l’objet d’un discours très alarmiste, notamment chez les politiques, alors que dans le même temps, l’alcool reste très valorisé. Pourtant, là aussi les données scientifiques sont claires : en France, la <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/l-addiction-a-l-alcool">mortalité liée à l’alcool représente 49 000 cas par an (et 7 % des décès en Europe)</a>. Mais les campagnes de prévention telles que le <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">« Dry January »</a> ne reçoivent pas le <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/addictions/alcool/enquete-comment-le-lobby-de-l-alcool-et-du-vin-fait-tout-pour-limiter-l-ampleur-du-dry-january-f5eed272-8c14-11ed-9fb2-0b86ee40425f">soutien de l’État</a>. Il reste manifestement encore des progrès à faire dans notre pays pour que les politiques des drogues soient axées sur les données scientifiques probantes…</p>
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<h2><em>Pour en savoir plus :</em></h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couverture de l’ouvrage « Le cannabis pour les nuls », First Éditions." src="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=728&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578542/original/file-20240228-26-7z0yk8.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=915&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Couverture de l’ouvrage « Le cannabis pour les nuls ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/le-cannabis-pour-les-nuls-grand-format/9782412089347">First Éditions</a></span>
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<p><em>Authier N., Julia V. (avec la collaboration de Marie-Jauffret Roustide, Ivana Obradovic et Alexandre Maciuk) « Le cannabis pour les nuls », First Éditions, parution le 15 mars.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207554/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Jauffret-Roustide est sociologue, chercheure à l'Institut sur la santé et la recherche médicale (INSERM). Elle est membre du comité Stupéfiants et Psychotropes de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) et a été membre du groupe d'experts ayant produit l'avis sur l'expérimentation du cannabis à des fins médicales. Elle est membre du collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et des Tendances Addictives (OFDT) et de l'Agence Européenne des Drogues (EMCDDA). Elle dirige le programme Sciences sociales, drogues et sociétés (D3S) à l'EHESS, avec le soutien de l'IRESP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Président de la Fondation Institut Analgesia (fondation partenariale de soutien à la recherche sur la douleur chronique). Président du comité de suivi de l'expérimentation d'accès au cannabis médical de l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé. (ANSM). Membre du collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et Tendances addictives (OFDT). </span></em></p>Pour sortir de la caricature, les débats récurrents sur le cannabis nécessitent une argumentation moins idéologique. Loin des opinions, voici quelques vérités scientifiques sur cette plante.Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche Inserm, sociologue et politiste au Centre d'études des mouvements sociaux (CEMS), InsermNicolas Authier, Professeur des universités, médecin hospitalier, Inserm 1107, CHU Clermont-Ferrand, Président de la Fondation Institut Analgesia, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2244562024-03-06T16:13:38Z2024-03-06T16:13:38ZFaut-il avoir peur des écrans ? Retour sur une annonce présidentielle<p>Lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, le président de la République Emmanuel Macron dénonçait les dangers de la surexposition des jeunes enfants aux <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2024/01/16/conference-de-presse-du-president-emmanuel-macron">« écrans qui, trop souvent, enferment là où ils devraient libérer »</a>.</p>
<p>Il annonçait la création d’un groupe d’experts dont les analyses et les propositions sont attendues fin mars. Objectif : prendre des mesures pour réguler les pratiques numériques juvéniles « à la maison comme en classe, parce qu’il en va de l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties ».</p>
<p>Si ces préoccupations sont partagées depuis longtemps par tous les acteurs de l’éducation, le vocabulaire employé par le chef de l’État, son constat de situation, le comité qu’il a mis en place et les pistes d’action qu’il a évoquées méritent un décryptage.</p>
<h2>Dépasser la polarisation des opinions</h2>
<p>Il est évident depuis plusieurs dizaines d’années que les techniques numériques transforment la plupart des activités humaines. Pourtant, beaucoup semblent découvrir que ce mouvement affecte tout autant nos comportements, croyances, valeurs, coutumes et imaginaires.</p>
<p>Fortement empreints d’une idéologie qui subordonne le progrès social à une croissance économique dépendante de l’innovation technique, les discours en faveur du numérique ont longtemps balayé analyses critiques, réserves et craintes. Il en va autrement aujourd’hui, alors que <a href="https://e-enfance.org/etude-association-e-enfance-3018-caisse-depargne-sur-le-cyberharcelement-des-8-18-ans/">67 % des enfants de 8 à 10 ans disposent déjà de comptes sur un ou plusieurs réseaux sociaux</a>, que 20 % d’entre eux déclarent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement et que 83 % des parents reconnaissent ne pas savoir ce que leurs enfants font sur Internet.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réseaux sociaux, tous accros ? (Décod’actu, Lumini, 2018).</span></figcaption>
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<p>Toute une jeunesse se transforme sous nos yeux. On peut affirmer sans exagérer qu’une véritable panique morale s’empare du discours des élites et sature l’espace public. Elle invisibilise nombre de pratiques, d’analyses, d’arguments, de points de vue et confisque la parole de certains acteurs. Celle des plus jeunes en particulier. Certaines de leurs pratiques numériques nourrissent légitimement les craintes des adultes alors que d’autres présentent un intérêt culturel, éducatif ou social indéniable.</p>
<p>Cette radicalisation des postures laisse malheureusement peu de place au débat et à la controverse. Pourtant, la recherche scientifique, dans sa diversité et sa pluridisciplinarité, attire l’attention sur la complexité d’un tableau tout en nuances où l’usage du numérique se révèle autant émancipateur qu’aliénant. Dans ce contexte, l’enjeu n’est pas seulement d’échapper aux risques du numérique mais aussi de pouvoir en réaliser les promesses.</p>
<h2>« Danger des écrans » : une formulation inadaptée</h2>
<p>À la fin des années 90, évoquant la télévision et les jeux vidéo, Monique Brachet-Lehur interpellait déjà les parents dans un ouvrage au titre provocateur : <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/les-ecrans-devorent-ils-vos-enfants--9782307589099/"><em>Les écrans dévorent-ils vos enfants ?</em></a>. Les risques d’addiction, de désocialisation, de sédentarisation, d’exposition à la violence et à la pornographie étaient alors opposés aux arguments enthousiastes de ceux pour qui la télévision était potentiellement l’instrument d’une démocratisation du savoir et d’un nouveau rapport au monde. Une « école parallèle » comme le théorisaient <a href="https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1147">Georges Friedmann</a> et <a href="https://www.persee.fr/doc/memor_1626-1429_2006_num_18_1_1189_t17_0091_0000_2">Louis Porcher</a>.</p>
<p>À l’époque déjà, la référence insistante aux « écrans » divisait car cette essentialisation masque les autres dimensions des pratiques télévisuelles d’hier et numériques d’aujourd’hui. Pierre Chambat et Alain Ehrenberg déconstruisaient d’ailleurs en 1988 la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-1988-5-page-107.htm?contenu=resume">« supposée fascination des écrans »</a>. Ils montraient combien ce stéréotype se nourrit d’une confusion entre l’écran (le support), l’image (le contenu) et le spectacle (la pratique). Si fascination il y a, et si l’écran y joue un rôle, c’est bien l’activité qu’il contribue à instrumenter qui doit être interrogée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les enfants accrocs à la télé… dès les années 70 (Franceinfo INA).</span></figcaption>
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<p>Incriminer les écrans équivaut en quelque sorte à redouter la nocivité du papier ou celle de la langue quand c’est le texte et l’usage qui en est fait qui méritent d’être questionnés. On peut bien sûr attribuer aux écrans certains risques sanitaires, indépendamment des contenus qu’ils médiatisent, mais convenons que l’essentiel est ailleurs !</p>
<h2>Temporalité des activités numériques : durées, instants et fréquences</h2>
<p>Différentes études considèrent le temps d’utilisation des équipements comme principal indicateur des pratiques numériques. Nous sommes d’ailleurs tous invités à prendre connaissance de cette métrique de nos activités numériques lorsque nos smartphones notifient nos « temps d’écran ».</p>
<p>En dépit des limites déjà énoncées de cette synecdoque qui confond l’écran (la partie) avec la pratique numérique (le tout), la temporalité des usages constitue l’un des éléments descriptifs des pratiques numériques et des risques potentiellement associés. Pour lui donner du sens, il convient de ne pas se limiter à des valeurs moyennes de durées.</p>
<p>Ainsi <a href="https://www.elfe-france.fr/">l’étude pluridisciplinaire ELFE</a> (Étude longitudinale française depuis l’enfance) qui porte sur une cohorte d’environ 18000 enfants français nés en 2011 montre que le « temps d’écran » quotidien moyen des enfants de 5 ans et demi, tous types d’écrans confondus, était d’environ 1h30 en 2017 et qu’il dépassait 4h pour près de 5 % d’entre eux. Une autre enquête, <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/les-plus-petits-passent-6-heures-par-semaine-sur-internet-autant-que-sur-la-television-1394549">réalisée par Ipsos en 2022</a> indique un temps moyen d’écran quotidien de 3h30 pour les enfants de 7 ans à 12 ans à douze ans et de plus de 5 heures pour les 13-19 ans.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ces-ecrans-qui-retardent-le-coucher-des-enfants-et-adolescents-196415">Ces écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents</a>
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<p>Ces valeurs nous impressionnent. Pour autant, la durée quotidienne d’utilisation d’un smartphone dit intrinsèquement peu des dangers encourus. La temporalité des activités numériques se caractérise aussi par un positionnement temporel précis (horodatage) et une fréquence (nombre d’utilisations par unité de temps). Ainsi, durées, instants et fréquences ont-ils des implications spécifiques et des effets combinés.</p>
<p>Si l’allongement des durées moyennes d’utilisation, les horaires inappropriés (durant la nuit, les repas, le temps scolaire…) et les fréquences élevées inquiètent, c’est en raison des activités dont elles témoignent mais aussi de celles qu’elles sont susceptibles de remplacer : se distraire au lieu d’étudier, veiller au lieu de dormir, s’engager dans des activités individuelles au lieu de s’investir dans des pratiques sociales… La question du temps est donc tout autant qualitative que quantitative.</p>
<h2>Usages et mésusages</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/pour-mieux-gerer-le-temps-decran-distinguer-bonnes-et-mauvaises-pratiques-169565">mésusages numériques</a> sont assez bien connus, décrits et analysés. Il est possible de dresser un inventaire, sans doute incomplet et discutable, mais éloquent des dangers qu’ils induisent : manipulation, harcèlement, radicalisation, dépendance, déréalisation, exposition de la vie privée, troubles de l’identité, troubles du sommeil, déficits attentionnels, <a href="https://theconversation.com/dans-la-vraie-vie-aussi-jaimerais-bien-porter-un-filtre-les-reseaux-sociaux-vus-par-les-8-12-ans-151790">dégradation de l’estime de soi</a>, réduction de <a href="https://theconversation.com/enseigner-lempathie-aux-enfants-204155">l’empathie</a>, altération de la perception de la violence, troubles du comportement, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, altération de la perception du corps, difficultés de construction des relations amoureuses ou sexuelles…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sur-les-ecrans-aider-les-enfants-a-devenir-des-consommateurs-avertis-174004">Sur les écrans, aider les enfants à devenir des consommateurs avertis</a>
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<p>Longue liste, très hétérogène, dont l’étendue et la profondeur croissent à l’aune de la prégnance du numérique dans notre société. Comme le souligne justement le président de la République, il est urgent de s’en occuper sérieusement. Pour autant, il est tout aussi essentiel de prendre connaissance des pratiques numériques effectives des jeunes et d’en reconnaître la valeur et les vertus. Favoriser les pratiques vertueuses (qui ne sont pas celles des adultes ou celles dont ils rêvent pour leurs enfants) est tout aussi important.</p>
<p>De nombreux travaux de recherche documentent et analysent les pratiques des jeunes. Notons <a href="https://cfeditions.com/grandir-informes/">ceux d’Anne Cordier</a> ou de <a href="https://emi.enssib.fr/interview-carine-aillerie">Carine Aillerie</a> sur les pratiques informationnelles ; ceux de <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2020-4-page-9.htm">Dominique Pasquier</a>, <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2015-2-page-23.htm">Pascal Plantard</a>, ou de <a href="http://www.inatheque.fr/publications-evenements/publications-2022/l-adolescence-au-c-ur-de-l-conomie-num-rique-sophie-jehel.html">Sophie Jehel</a> sur la sociabilité des adolescents et l’apport des réseaux sociaux à leur construction identitaire ; ceux aussi de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/16914">Sylvie Octobre</a> sur le renouvellement des pratiques culturelles. Entre bien d’autres !</p>
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<figcaption><span class="caption">Les « jeunes » ont ils arrêté de s’informer ? Non, répond Anne Cordier, enseignante-chercheuse (<em>Ouest-France</em>, 2023)</span></figcaption>
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<p>Notons que la plupart de ces recherches partagent une approche compréhensive et qu’elles ne projettent pas systématiquement les normes et les valeurs des adultes sur les pratiques des jeunes.</p>
<h2>Régulation, autorégulation, ce que (ne) peut (pas) l’État</h2>
<p>Comment contribuer à diminuer les risques et maximiser les opportunités ? Les « leviers » disponibles sont bien connus mais pas toujours aisés à actionner. Il y a d’abord tout le volet légal avec des dispositions nationales qui s’inscrivent souvent dans des démarches européennes.</p>
<p>Même si l’espace européen est bien plus protecteur que la plupart des autres régions du monde, on observe combien le lobbying joue efficacement contre la régulation. Rappelons ici l’exemple du cheminement décevant de la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/283359-loi-studer-2-mars-2022-controle-parental-sur-internet-par-defaut">loi Studer</a>, votée le 2 mars 2022, sur l’installation obligatoire et l’activation automatique d’un système de contrôle parental sur les équipements numériques des mineurs. Loi dont les décrets d’application sont venus amoindrir la portée du projet initial, pourtant salué de toutes parts.</p>
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<p>Ainsi, comme le soulignent plusieurs avis de la CNIL, l’inscription de <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-rend-son-avis-sur-les-decrets-relatifs-au-controle-parental">ce contrôle parental</a> au Code des postes et communications électroniques est imprécise et peu exigeante : le contrôle du temps d’utilisation et de la vérification d’âge n’est pas obligatoire, les obligations concernant le filtrage de la navigation Internet sont minimales et conditionnées par leur faisabilité technique.</p>
<p>L’autre levier est constitué de tout ce qui peut favoriser l’autorégulation des usages, autrement dit <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-et-le-collectif-educnum-appellent-les-pouvoirs-publics-developper-leducation-au-numerique">l’éducation au numérique</a>, aux médias et à l’information, en lien avec une éducation au comportement éthique et responsable. Cela suppose de penser plus largement les places et rôles respectifs des parents et de l’école.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-les-enfants-comprennent-du-monde-numerique-214295">Ce que les enfants comprennent du monde numérique</a>
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<p>Cela suppose des dispositifs et ressources d’accompagnement à l’e-parentalité. Cela suppose également une institutionnalisation plus importante et plus exigeante de <a href="https://theconversation.com/education-aux-medias-et-a-linformation-la-generalisation-et-apres-177372">l’éducation au numérique et à l’information</a>, donnant encore plus d’ampleur au travail engagé depuis longtemps par des services de l’État comme le <a href="https://www.clemi.fr/">CLEMI</a>. Tout ceci suppose enfin une démarche collégiale et un débat citoyen pour construire un véritable projet éducatif équilibré.</p>
<p>Pour ce faire, le principe de la constitution du groupe d’experts annoncée le 16 janvier est positif. Cependant, il est regrettable que la présence de la recherche soit aussi faible et que les jeunes, les familles et les associations dont l’expérience de terrain est si précieuse n’y participent pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224456/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour les travaux de recherche qui ont permis la rédaction de cet article, l'unité de recherche Techné où travaille Jean-François Cerisier, a reçu des financements de collectivités territoriales (Région Nouvelle-Aquitaine, Grand-Poitiers), de l'État (MENJ, SGPI), de la Fondation MAIF et de la Banque des territoires .</span></em></p>En janvier dernier, le président de la République s’est élevé contre les dangers des écrans et a mis en place un comité d’experts pour réfléchir à la régulation des usages numériques. Qu’en attendre ?Jean-François Cerisier, Professeur de sciences de l'information et de la communication, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212712024-02-14T14:32:11Z2024-02-14T14:32:11ZEndométriose chez les adolescentes : une prise en charge précoce est nécessaire<p>Bien qu’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1521693418301093">femme sur dix</a> soit concernée par cette <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1521693418301093">maladie invalidante</a>, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endometriose-105698">endométriose</a> demeure largement méconnue.</p>
<p>Face aux nombreux défis qu’elle suscite, il devient essentiel de lui accorder une attention particulière.</p>
<p>L’endométriose est une maladie gynécologique qui se caractérise par la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(04)17403-5/fulltext">présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de la cavité utérine</a>, principalement mais non exclusivement dans la zone abdomino-pelvienne (ovaires, intestin, péritoine…).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578916/original/file-20240229-16-5yncpq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<h2>L’endométriose peut se déclarer dès les premières règles</h2>
<p>Loin d’être réservée à la femme adulte, l’endométriose peut apparaître <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3712662/">dès les premières règles</a>, ajoutant des épreuves inattendues au parcours déjà mouvementé de l’adolescence.</p>
<p>Ce trouble, dont l’origine reste à préciser, peut entraîner des douleurs au niveau du bas du ventre parfois chroniques et, possiblement, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16950643/">infertilité ainsi que d’autres symptômes tels que des troubles digestifs</a>.</p>
<p>À ce jour, les traitements proposés visent essentiellement à lutter contre les symptômes. Plusieurs approches sont utilisées, dont des <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-021-01545-5">options médicamenteuses</a> (<a href="https://www.ameli.fr/assure/sante/medicaments/utiliser-recycler-medicaments/utiliser-anti-inflammatoires">anti-inflammatoires non stéroïdiens</a>, contraceptifs hormonaux…). Lorsque ceux-ci ne se montrent pas efficaces, un <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-021-01545-5">traitement chirurgical</a> peut être préconisé.</p>
<h2>Des lésions encore plus difficiles à identifier chez l’adolescente</h2>
<p>Bien souvent associée aux femmes adultes, l’endométriose est une réalité présente également chez les adolescentes, chez qui on déplore des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27036950/">cas évolutifs et parfois même sévères</a>. Le diagnostic, quant à lui, intervient malheureusement bien plus tard avec un <a href="https://academic.oup.com/humrep/article/11/4/878/624881?login=false">délai moyen d’environ 8 ans</a> après l’apparition des premiers symptômes.</p>
<p>Le diagnostic tardif peut résulter, en partie, des différences dans les manifestations de la maladie entre les adolescentes et les femmes adultes.</p>
<p>En effet, les adolescentes atteintes d’endométriose présentent souvent des <a href="https://www.acog.org/clinical/clinical-guidance/committee-opinion/articles/2018/12/dysmenorrhea-and-endometriosis-in-the-adolescent">lésions d’apparence rouge ou claire</a>, ce qui peut rendre leurs identifications difficiles par les professionnels de la santé, par rapport aux lésions chez les adultes dites <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0015028216596113?ref=cra_js_challenge&fr=RR-1">« en poudre noire brûlée »</a> (black powder burn) qui sont plus facilement observables, notamment par imagerie médicale. La petite taille des lésions chez les adolescentes peut aussi rendre leur détection compliquée.</p>
<p>De plus, les jeunes femmes sont très rapidement mises sous pilule pour diminuer les symptômes. Quand ceux-ci s’atténuent, les professionnels de santé ne mènent pas forcément plus avant les examens et le diagnostic n’est pas posé. Mais s’il s’agit bien d’une endométriose, la maladie continue de progresser.</p>
<h2>Un risque de détresse psychologique</h2>
<p>Concernant le traitement de la maladie chez l’adolescente, les options médicamenteuses à base <a href="https://www.mdpi.com/2227-9067/9/3/384">d’anti-inflammatoires non stéroïdiens</a> et de <a href="https://www.mdpi.com/2227-9067/9/3/384">contraceptifs hormonaux</a> sont souvent privilégiées. Il est également indispensable d’intégrer une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12742182/">approche multidisciplinaire dans la prise en charge</a>, incluant un accompagnement psychologique, qui est crucial lorsque l’on considère les multiples répercussions que peut avoir cette pathologie chez les femmes.</p>
<p>En effet, ses conséquences sur le plan psychologique, social et éducatif sont indéniables, avec un risque accru de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27412249/">détresse psychologique</a> et de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0167482X.2018.1450384">troubles anxieux</a> chez les jeunes femmes.</p>
<p>Parfois, ces répercussions se traduisent par un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24746919/">taux élevé d’absentéisme scolaire</a>, avec un impact négatif important sur la scolarité. Cependant, les conséquences de la maladie ne s’arrêtent pas là et entraînent une <a href="https://academic.oup.com/humupd/article/19/6/625/839568?login=false">réduction des activités quotidiennes et la détérioration des relations sociales et intimes</a>.</p>
<h2>Des douleurs menstruelles parfois évocatrices de la maladie</h2>
<p>Quoiqu’elles ne soient pas forcément synonymes d’endométriose, les <a href="https://www.acog.org/clinical/clinical-guidance/committee-opinion/articles/2018/12/dysmenorrhea-and-endometriosis-in-the-adolescent">douleurs menstruelles peuvent être, dans certains cas, évocatrices de la maladie</a>. Elles constituent le trouble gynécologique le plus répandu chez les adolescentes avec une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Ashraf-Soliman/publication/307638365_Dysmenorrhea_in_adolescents_and_young_adults_A_review_in_different_countries/links/57ce59a508aed67896ffcd51/Dysmenorrhea-in-adolescents-and-young-adults-A-review-in-different-countries.pdf">prévalence pouvant aller de 34 % à 94 %</a> selon la littérature scientifique.</p>
<p>Tout comme l’endométriose, les douleurs menstruelles représentent un véritable défi pour les adolescentes. Elles peuvent entraîner une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36029061/">détresse psychologique avec une augmentation du risque de dépression</a> et une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11115307/">limitation des activités quotidiennes</a>.</p>
<h2>Un ensemble de troubles peu reconnus même par l’entourage</h2>
<p>À cela s’ajoute un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37211900/">manque de soutien et de reconnaissance de la part de l’entourage et des services médicaux</a>. C’est une difficulté supplémentaire à laquelle font face les adolescentes qui sont confrontées à des symptômes menstruels liés à des règles douloureuses et/ou à l’endométriose.</p>
<p>Cela est dû en partie à un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33548448/">manque de connaissances autour des menstruations, des symptômes menstruels</a> ainsi que de l’endométriose qui font l’objet de <a href="https://bmcwomenshealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12905-022-01988-4">stigmatisations, de normalisations et d’attitudes négatives</a> tant entre les adolescentes elles-mêmes que dans leur cercle familial, éducatif, amical.</p>
<h2>Une méconnaissance aussi par les premières concernées et les médecins</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468718922003415">Une étude française</a>, menée sur des femmes ayant eu un diagnostic d’endométriose, a mis en évidence une méconnaissance de la maladie par certaines d’entre elles, puisqu’elles étaient 35 % à estimer que leurs symptômes étaient normaux.</p>
<p>Encore plus marquant, 60 % d’entre elles ont déclaré que leurs symptômes étaient qualifiés de « normaux » par des médecins. Ce phénomène de stigmatisation et de normalisation crée un environnement peu propice, laissant les adolescentes démunies face aux douleurs menstruelles et, dans certains cas, à l’endométriose.</p>
<p>En conséquence, cela entraîne un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468718922003415">délai supplémentaire dans l’identification de la maladie</a>.</p>
<h2>Développer l’éducation à la santé menstruelle</h2>
<p>Dans ce contexte, il devient impératif d’évaluer les besoins en matière d’éducation en lien avec l’endométriose et les douleurs menstruelles, afin d’améliorer la qualité de vie des adolescentes. Cette démarche vise non seulement à briser les idées reçues des adolescentes elles-mêmes mais aussi de leur entourage familial, scolaire, social, à améliorer la gestion des douleurs, mais également à favoriser un diagnostic précoce de la maladie.</p>
<p>Malgré un effort croissant pour sensibiliser le public à ces questions, il existe aujourd’hui très peu d’interventions visant la prévention et l’éducation. Il paraît alors nécessaire de déployer des efforts significatifs pour relever les défis éducatifs liés à l’endométriose et, plus généralement, à la santé menstruelle des adolescentes.</p>
<h2>Pour des approches non médicamenteuses basées sur la recherche</h2>
<p>Au-delà de l’aspect éducatif, il est impératif d’initier des recherches pour améliorer la compréhension des spécificités de la maladie chez ce public.</p>
<p>Cela permettrait aussi d’orienter les actions de promotion de la santé, en encourageant les jeunes femmes à prendre un rôle actif dans leur bien-être.</p>
<p>En ce sens, des approches non médicamenteuses telles que la promotion de l’activité physique peuvent être privilégiées.</p>
<h2>Évaluer l’intérêt de l’activité physique</h2>
<p>En effet, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/activite-physique-23234">activité physique</a> agit en <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2019-02/inserm-ec-2019-activitephysiquemaladieschroniques-synthese.pdf">facteur protecteur face au développement des maladies chroniques</a>. Elle <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/pmid/35851021/">pourrait aider à améliorer la gestion des douleurs dans l’endométriose</a>.</p>
<p>Pourtant, il est préoccupant de constater que <a href="https://www.who.int/europe/fr/news/item/04-03-2022-85-of-adolescent-girls-don-t-do-enough-physical-activity-new-who-study-calls-for-action">85 % des adolescentes n’en pratiqueraient pas suffisamment</a>, si on se réfère aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).</p>
<p>D’autre part, un <a href="https://www.education.gouv.fr/media/112862/download">rapport du Conseil des sages de la laïcité</a> souligne une tendance à l’évitement des séances d’éducation physique et sportive (EPS) chez les filles qui, davantage que les garçons, recourent aux certificats médicaux pour être dispensées de ces cours. Ce rapport évoque des raisons de l’ordre de l’intime qui, au moins pour une part, peuvent se référer aux règles et aux douleurs potentiellement associées.</p>
<p>En conclusion, la question de l’endométriose chez les adolescentes nécessite une approche holistique. Les recherches dédiées et les efforts éducatifs sont primordiaux si nous souhaitons un avenir dans lequel l’endométriose chez les adolescentes sera diagnostiquée précocement, prise en charge efficacement, connue et comprise par l’ensemble des acteurs de la sphère sociale des adolescentes, et dans lequel les jeunes femmes seront habilitées à prendre des décisions éclairées concernant leur santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:laura.bollinger-wintenberger@uha.fr">laura.bollinger-wintenberger@uha.fr</a> a reçu des financements pour une bourse doctorale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:geraldine.escriva-boulley@uha.fr">geraldine.escriva-boulley@uha.fr</a> a reçu des financements de la région Grand Est pour une bourse doctorale sur laquelle a été embauchée Mme Bollinger. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Gavens ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’endométriose peut se déclarer dès les premières règles. Chez l’adolescente, la spécificité des lésions et la méconnaissance de la maladie rendent le diagnostic encore plus difficile à établir.Laura Bollinger, Doctorante, Université de Haute-Alsace (UHA)Géraldine Escriva-Boulley, Université de Haute-Alsace (UHA)Nathalie Gavens, Maitresse de conférences HDR en psychologie de l'éducation, Université de Haute-Alsace (UHA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199832024-01-24T17:16:20Z2024-01-24T17:16:20ZRéguler les pratiques numériques des ados : un défi pour les parents ?<p>Durant l’adolescence, les amis et camarades de classe ou de loisirs – les « pairs » de l’enfant – prennent une place de plus en plus importante dans sa vie, ce qui vient déstabiliser l’équilibre des relations qu’il entretient avec ses parents. Ces personnes du même âge lui offrent d’autres points de repère et ont une influence croissante sur ses goûts, l’incitent à développer de nouveaux modes de sociabilités, <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus--9782707149282.htm">marqueurs d’une émancipation vis-à-vis des parents</a> ainsi qu’une <a href="https://www.cairn.info/l-enfance-des-loisirs--9782110975454.htm">autonomisation culturelle</a>.</p>
<p>Les produits issus des industries culturelles, composants essentiels des cultures juvéniles, deviennent des <a href="https://shs.hal.science/file/index/docid/910789/filename/CulturesLyceennes.pdf">signes d’appartenance</a> dont il faut être porteur. Parmi eux, les outils numériques constituent des supports privilégiés de divertissement, de sociabilité, d’informations par lesquels les adolescents se conforment aux attentes du groupe et individualisent leurs pratiques. Pour les jeunes, la <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/la-culture-de-la-chambre--9782110975409.htm">chambre</a> devient un espace privilégié pour développer des activités à l’abri du regard des adultes.</p>
<p>Face à ces conduites émancipatrices, les parents s’efforcent d’accompagner les transitions tout en cherchant à garantir la réussite scolaire, l’épanouissement de leurs enfants et l’équilibre familial. Selon la familiarité qu’ils ont avec le numérique, ils sont plus ou moins sensibles ou perméables aux <a href="https://www-cairn-info.distant.bu.univ-rennes2.fr/les-enfants-et-les-ecrans--9782725643816.htm">paniques morales autour des « dangers des écrans »</a> circulant dans l’espace public.</p>
<h2>Le numérique, outil de connaissance et divertissement</h2>
<p>La <a href="https://www.gouvernement.fr/efran-les-22-laureats">recherche Idée, opération soutenue par l’État dans le cadre du volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir</a>, opéré par la Caisse des Dépôts (portant sur un échantillon socialement et géographiquement hétérogène de plus de 800 parents bretons d’élèves de cinquième), indique que 75 % des parents valident l’idée que les messageries, les réseaux sociaux numériques ou les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> empêchent leur adolescent de faire des choses plus intéressantes. Environ un tiers considère même qu’ils ont un effet négatif sur son comportement.</p>
<p>En revanche, ils sont plus de 70 % à considérer qu’il est important que leur adolescent puisse avoir accès à Internet quand il fait ses devoirs. Les parents tendent ainsi à opposer un « numérique » légitime comme outil de connaissance à un « numérique » plus abêtissant, voire néfaste, dans ses usages plus spécifiquement juvéniles et souhaitent tous réguler ces pratiques.</p>
<p>Les données de la recherche <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-11-INEG-0010">INEDUC</a> financée par l’Agence nationale de la recherche (ANR) nous ont permis d’identifier les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/efg/2018-n31-efg04728/1061777ar/resume/">dynamiques familiales autour des pratiques d’écrans des adolescents</a>. Pour les parents, leur régulation est d’autant plus ardue que les ados cherchent à préserver leur espace de liberté et de décompression. Ils sont souvent seuls au domicile au retour de l’école. Les parents s’interrogent alors sur leurs activités, le respect des règles concernant les écrans, les devoirs faits en leur absence. Mais la réponse est peu évidente : faut-il couper la connexion Internet au risque d’entraver l’accès aux devoirs désormais en ligne <em>via</em> les ENT, la collaboration entre pairs et l’accès à des informations en ligne ?</p>
<p>Les parents subissent la pression de leurs ados pour qui l’intégration au groupe des pairs comporte des passages obligés : équipement de plus en plus précoce en smartphone, accès aux jeux vidéo plébiscités et aux réseaux sociaux numériques. Les parents hésitent à les interdire de peur de marginaliser leur ado du groupe de pairs.</p>
<p>Au final, les parents adoptent des stratégies de régulation à partir de leurs objectifs éducatifs, des contraintes auxquelles ils font face, de leurs représentations des pratiques numériques juvéniles et de leur proximité avec la culture numérique.</p>
<h2>Gérer les équipements et le temps d’écran</h2>
<p>Les stratégies de régulation mises en place par les parents se déploient dans quatre domaines, le premier étant celui de l’équipement. Il existe une différenciation socioculturelle des appareils disponibles au sein du foyer, détenus en propre par les adolescents ou partagés. Dans les milieux populaires, les parents équipent plus tôt leurs enfants en appareils numériques à des fins de loisirs (consoles, tablettes, smartphone). L’équipement familial en ordinateur dépend en revanche souvent de l’entrée au collège de l’aîné, quand il est en général présent dans les milieux favorisés, indépendamment de la scolarité des enfants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/smartphones-pourquoi-vos-enfants-ont-tant-de-mal-a-se-deconnecter-179966">Smartphones : pourquoi vos enfants ont tant de mal à se déconnecter</a>
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<p>Aussi, la plupart des parents équipent leurs enfants d’un téléphone portable pour des raisons de sécurité, pour qu’ils soient joignables à tout moment ou parce que, de guerre lasse, ils cèdent au fait que « tout le monde en a un ». L’équipement est néanmoins plus souvent discuté et retardé dans les familles favorisées.</p>
<p>La gestion du « temps d’écran », deuxième domaine sur lequel portent les stratégies des parents, cristallise actuellement, dans une perspective protectionniste, une partie des discours publics. Elle est aussi la principale source de conflit et de négociation entre parents et adolescents. Des différences s’observent néanmoins entre les familles : quand certains parents font confiance à leurs ados et contrôlent faiblement le temps qu’ils passent devant les écrans, d’autres le contrôlent fortement et s’aident d’outils de contrôle parental.</p>
<p>Mais pour la plupart des familles, le contrôle reste souple, essentiellement axé sur les heures d’endormissement : les discours parentaux lient questions de santé et exigences du travail scolaire pour imposer leurs limites. Enfin, si l’ensemble des familles expriment des difficultés à gérer les temporalités, certaines adoptent un certain « laisser-faire », particulièrement lorsque les conditions sociales d’existence, par exemple la monoparentalité ou des horaires de travail décalés, compliquent les possibilités de supervision. De façon générale, les temps de pratiques numériques sont plus contraints dans les familles favorisées, les adolescents y étant aussi plus nombreux à multiplier les activités extra-scolaires encadrées.</p>
<h2>Une difficulté à contrôler les contenus sur mobiles</h2>
<p>La régulation des temporalités s’articule à celle de la localisation des appareils d’autant que les appareils mobiles peuvent être utilisés dans différentes pièces du domicile. Là aussi, il existe des différences entre les familles qui autorisent les usages dans la chambre, celles qui les tolèrent pendant un temps donné et celles qui exigent que les appareils soient utilisés depuis une pièce commune.</p>
<p>Les adolescents de milieux populaires ont un accès plus important aux appareils dans leur chambre : la taille de l’habitat et de la fratrie joue un rôle sur les régulations des espaces d’accès, en particulier lorsque les enfants partagent la même chambre. Dans les familles favorisées, l’accessibilité des appareils depuis un espace partagé permet aux parents de pratiquer une surveillance discrète. Elles sont aussi nombreuses à autoriser les écrans dans les chambres en privilégiant le contrôle du temps à celui du lieu.</p>
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<p>Les contenus consommés par les ados (vidéos, séries, jeux vidéo) et ceux qu’ils partagent sur les réseaux sociaux sont également régulés, non sans difficultés. Les contenus autorisés sont plutôt définis par défaut, par les interdictions. Ce constat d’ordre général effectué à partir des données INEDUC est retrouvé dans des recherches plus récentes portant sur les <a href="https://journals-openedition-org.scd-proxy.univ-brest.fr/sociologie/10319">pratiques de lecture sur écran</a>.</p>
<p>Mais quand certains parents interdisaient le visionnage de contenus comme la téléréalité ou des séries jugées violentes sur la télévision familiale, il leur est difficile de contrôler ce que regardent leurs ados sur les supports mobiles. Les interdictions se situent désormais plutôt au niveau de l’accès, ou non, à certains réseaux sociaux (Snapchat, Tik Tok, par exemple) davantage associés par les parents à des dangers potentiels en termes de contenus.</p>
<p>Par ailleurs, alors que le cyberharcèlement et les contenus choquants ou pornographiques inquiètent les parents de tous milieux sociaux, les stratégies de régulation passent aussi par des discours d’accompagnement et des discussions.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-11-INEG-0010">Inégalités éducatives et construction des parcours des 11-15 ans dans leurs espaces de vie – INEDUC</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Fontar a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Agnès Grimault-Leprince a reçu des financements de l'ANR et de la Caisse des Dépôts (volet e-FRAN du Programme d’investissement d’avenir).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mickaël Le Mentec a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR). </span></em></p>À une époque où les écrans sont omniprésents, comment réguler leur place dans la vie des ados ? Au-delà de la gestion des équipements, le contrôle parental passe beaucoup par l’accompagnement.Barbara Fontar, Maîtresse de conférences en sciences de l'éducation, Université Rennes 2Agnès Grimault-Leprince, Maîtresse de conférences Sociologie, Université de Bretagne occidentale Mickaël Le Mentec, Maitre de conférences en sciences de l'éducation et de la formation, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196912024-01-17T14:46:59Z2024-01-17T14:46:59ZComment un simple vélo peut changer la vie des jeunes en milieu défavorisé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568465/original/file-20240109-19-24agn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C989%2C717&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo!.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre état de santé dépend en partie de nos modes de déplacement. Le temps que l’on consacre à nos trajets en vélo, en voiture ou en transport en commun peut en effet avoir un effet positif ou négatif sur notre santé physique et mentale.</p>
<p>Or, l’organisation de notre quartier favorise certains modes de transport plus que d’autres.</p>
<p>C’est le <a href="https://urbanisme.umontreal.ca/fileadmin/amenagement/URB/Realisations-etudiantes/Expo-des-finissants/EFFA-2012/Analyser/SICG.pdf">cas du quartier Saint-Michel à Montréal</a>, dont la planification urbaine est centrée sur la voiture. De plus, il s’agit de l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec. Ainsi, les personnes qui ne possèdent pas de voiture dépendent des transports publics, ce qui leur impose des trajets plus longs et plus éprouvants.</p>
<p>En raison d’une circulation mal adaptée et dangereuse pour les déplacements actifs, le vélo est le grand absent des modes de transport dans Saint-Michel. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants, puisque ce mode de transport favorise la participation sociale et présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.</p>
<p>C’est dans cette visée que l’organisme <a href="https://cyclonordsud.org/">Cyclo Nord-Sud</a> a mis sur pied, en 2023, le projet pilote <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8WP3JOv963g"><em>Construis ton vélo !</em></a>, lauréat de l’Incubateur civique de la <a href="https://www.mis.quebec/">Maison de l’innovation sociale</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un programme parascolaire offert aux jeunes d’une école secondaire du quartier Saint-Michel, encadré par des bénévoles responsables, soit leur professeur d’éducation physique et un coach en mécanique. Les élèves ont été amenés à construire leur vélo de A à Z en binôme pendant 18 semaines. Ils ont donc terminé le programme avec, en poche, un vélo assemblé et de multiples connaissances pratiques en mécanique vélo.</p>
<p>Notre équipe de chercheurs en kinésiologie du <a href="https://sap.uqam.ca/">département des sciences de l’activité physique</a> de l’UQAM a collaboré avec Cyclo Nord-Sud pour comprendre les effets du projet du point de vue des participants. Concrètement, nous avons mené des groupes de discussion avec les élèves et analysé ce qui a été exprimé. Ce travail a d’ailleurs fait l’objet d’une <a href="https://osf.io/preprints/osf/vys83">publication académique</a> dans la revue <em>Santé Publique</em>.</p>
<h2>L’approche humaine et le sentiment d’accomplissement</h2>
<p>Une retombée importante du programme est le sentiment de fierté et d’accomplissement. Ces sentiments, nourris par les relations que les jeunes ont entretenues avec les bénévoles encadrants, ont permis d’instaurer un climat d’apprentissage agréable non seulement entre les élèves, mais aussi avec le coach mécanique et l’enseignant.</p>
<p>Par exemple, un des jeunes exprimait avoir ressenti de la fierté lors des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Tout ce que je fais ici j’étais fier […] t’es tout le temps en train d’avancer et j’étais tout le temps près de finir mon vélo, j’étais fier de ça.</p>
</blockquote>
<h2>Un environnement d’apprentissage bienveillant</h2>
<p>Les jeunes ont souvent évoqué la différence entre être dans une salle de classe ou à l’école en général. L’ambiance plus libre des ateliers s’opposait ainsi à l’atmosphère scolaire plus rigide.</p>
<p>Ils ont également souligné l’effet relaxant des ateliers, et son rôle parfois thérapeutique. Le fait que ce soit une activité parascolaire pourrait expliquer le sentiment de bien-être exprimé par les jeunes.</p>
<p>Un participant exprimait d’ailleurs l’effet positif de l’attitude des bénévoles encadrants :</p>
<blockquote>
<p>Ce que j’apprécie aussi, c’est qu’il (l’enseignant) était là pour nous soutenir […] tu te sens pas inférieur et il est là pour t’aider, mais en même temps il est là pour apprendre avec toi, c’est ça que je trouvais très important.</p>
</blockquote>
<h2>Faire les choses pour soi, pas pour un vélo</h2>
<p>Les jeunes ont soulevé qu’avant de débuter le programme, leur motivation principale à y participer était d’avoir un vélo gratuit.</p>
<p>Or, leur motivation à se présenter aux ateliers a évolué au fil du temps : au-delà du vélo, l’ambiance agréable leur donnait envie de revenir chaque semaine.</p>
<p>Un jeune témoigne d’ailleurs qu’il revenait chaque semaine, car il avait toujours du plaisir pendant des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Moi, je dirais au début, c’était compliqué […] on savait pas beaucoup de choses […] mais y’avait la plupart de nos amis qui étaient là […] et ça veut dire que je savais que quand j’allais arriver ici, j’allais rigoler et m’amuser.</p>
</blockquote>
<h2>Être plus autonome pour bouger</h2>
<p>Plusieurs jeunes ont soulevé certaines difficultés à se déplacer en transport en commun, souvent dû au fait qu’ils habitent loin des lieux fréquentés.</p>
<p>En effet, les participants ont rapporté que les horaires d’autobus du quartier sont complexes et que les trajets sont longs.</p>
<p>Leur nouveau vélo est alors devenu un élément essentiel qui contribue positivement à leur autonomie de déplacement. Ils ont aussi identifié le vélo comme étant un moyen de favoriser leur participation sociale et leurs opportunités de participer à diverses activités.</p>
<p>À la question <em>Qu’allez-vous faire de votre vélo maintenant ?</em>, l’un des jeunes a répondu :</p>
<blockquote>
<p>Je sais que ça va m’être utile parce que je travaille pas loin, et ça peut me permettre de m’y rendre pendant l’été, de me prendre moins de temps, ou même d’aller au parc si j’ai envie, c’est utile dans la vie de tous les jours.</p>
</blockquote>
<p>Le programme <em>Construis ton vélo</em> désire se développer à plus grande échelle au Québec (sous réserve de financements) et s’améliorer.</p>
<p>À travers cette initiative, le vélo permet de réunit l’éducation et la santé. Et les participants gagnent en autonomie ainsi qu’en compétences.</p>
<p>Gageons que ce genre de programme, combiné à davantage d’infrastructures cyclables agréables et sécuritaires, pourrait contribuer à la santé et au bien-être de tout un chacun.</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/219691/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Célia Kingsbury a reçu des financements des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle travaille en collaboration avec l'organisme Cyclo Nord-Sud. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paquito Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet article explore les retombées d’un projet pilote offert à des élèves en milieu défavorisé par l’organisme Cyclo Nord-Sud visant à promouvoir l’utilisation du vélo comme mode de transport.Célia Kingsbury, Candidate au doctorat en promotion de la santé, Université de MontréalPaquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195352023-12-10T15:48:06Z2023-12-10T15:48:06ZOpioïdes : Aux États-Unis, les overdoses sont en augmentation chez les adolescents<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/564502/original/file-20231107-21-ue8q0f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5674%2C3771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour limiter le risque de décès dus à la drogue, il est important de vérifier régulièrement la santé mentale des adolescents.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/multiracial-male-and-female-friends-sitting-in-royalty-free-image/1439953643?phrase=teens&adppopup=true">DigitalVision/Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>Aux États-Unis, les overdoses mortelles sont en constante augmentation. Entre mai 2022 et mai 2023, elles ont coûté la vie à plus de <a href="https://www.cdc.gov/nchs/nvss/vsrr/drug-overdose-data.htm">112 000 Américains</a>, selon les <em>Centers for Disease Control and Prevention</em>, soit une augmentation de 37 % par rapport à la période qui s’étalait de mai 2019 à mai 2020.</p>
<p>En grande majorité, les personnes décédées étaient des adultes. On note cependant une augmentation sans précédent des overdoses fatales chez les adolescents : le nombre de décès mensuel est passé de <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">31 en juillet 2019 à 87 en mai 2021</a> (la période la plus récente pour laquelle des données sont disponibles).</p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=0nERiGAAAAAJ&hl=en&oi=ao">chercheur, je travaille sur les consommations de drogues</a>. Mes travaux se focalisent sur les spécificités existant au sein des différents groupes d’âge. Lorsque l’on s’intéresse aux décès par overdose, on constate d’importantes différences entre les adolescents et les adultes, non seulement en matière de types de drogues impliqués, mais aussi de genre des consommateurs ou d’origine ethnique.</p>
<p>En raison de ces différences, les groupes qui doivent être considérés comme à haut risque ne sont pas les mêmes chez les adolescents et chez les adultes. Les stratégies mises en place pour prévenir les overdoses doivent en tenir compte.</p>
<h2>Qui sont les victimes ?</h2>
<p>Lorsque les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont examiné les données correspondant aux jeunes Américains âgés de 10 à 19 ans, ils ont constaté que, <a href="https://www.cdc.gov/nchs/products/databriefs/db457.htm">comme pour les adultes</a>, la <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">plupart des adolescents décédés d’une overdose de drogue étaient de sexe masculin</a>. Cependant, on constate également que la proportion de jeunes filles parmi ces décès adolescents est plus élevée que la proportion de femmes dans les classes d’âge adulte.</p>
<p>Chez les préadolescents et les adolescents, plus de deux garçons meurent d’une overdose de drogue pour chaque fille de ce groupe d’âge. Chez les adultes, le rapport est plutôt de trois hommes pour deux femmes.</p>
<p><iframe id="ipOYD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ipOYD/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La proportion d’overdoses mortelles <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">chez les adolescents caucasiens non hispaniques est nettement plus élevée</a> que chez leurs pairs non caucasiens – <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7146a4.htm">plus encore que chez les adultes</a> (<em>de juillet 2019 à décembre 2021, sur 2231 adolescents décédés par overdose, plus des deux tiers (69,0 %) étaient de sexe masculin, et étaient en majorité considérés comme <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">« blancs non hispaniques »</a> (59,9 %), ndlr</em>).</p>
<h2>Le fentanyl souvent en cause</h2>
<p>Une autre différence entre adolescents et adultes se situe au niveau des substances à l’origine de ces overdoses mortelles.</p>
<p>Chez les adultes, les consommateurs qui utilisent <a href="https://nida.nih.gov/research-topics/trends-statistics/overdose-death-rates">plus d’une drogue ont plus de risques de mourir d’une overdose</a> que ceux qui n’utilisent qu’une seule drogue. Les combinaisons les plus couramment constatées impliquent le fentanyl, un puissant analgésique opioïde (<em>les opioïdes sont des substances <a href="https://www.e-cancer.fr/Dictionnaire/O/opioide">aux effets similaires à ceux de l’opium</a>, ndlr</em>). Il s’agit de l’un des opioïdes les plus puissants disponibles : on estime qu’il est environ <a href="https://www.cdc.gov/stopoverdose/fentanyl/index.html">100 fois plus puissant que la morphine</a>, un autre opioïde très puissant souvent utilisé en milieu hospitalier.</p>
<p>Lors des usages détournés, le fentanyl est souvent associé soit à un autre opioïde, par exemple un médicament délivré uniquement sur ordonnance, soit <a href="https://www.nytimes.com/2023/11/13/health/polysubstance-opioids-addiction.html?searchResultPosition=1">à un stimulant</a>, tel que la cocaïne ou la méthamphétamine.</p>
<p><a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">Chez les adolescents</a>, le principal responsable des overdoses mortelles est le fentanyl seul : il est impliqué dans 84 % d’entre elles, et 56 % de toutes les overdoses impliquaient uniquement cette molécule.</p>
<p><iframe id="tJnR5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tJnR5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les adolescents et les préadolescents ont généralement peu de tolérance aux opioïdes, car ils n’y ont souvent pas été exposés auparavant, et la grande puissance du fentanyl les rend <a href="https://sf.gov/information/about-fentanyl">plus susceptibles de faire une overdose</a>.</p>
<p>Nombre d’entre eux ingèrent accidentellement du fentanyl en prenant des comprimés contrefaits qu’ils croient être des opioïdes délivrés sur ordonnance ou des stimulants. Il arrive aussi que ces cachets contiennent d’autres drogues illicites, sans qu’ils ne le sachent.</p>
<p>Ce constat est cohérent avec nos résultats de recherche, qui indiquent que les <a href="https://doi.org/10.1111%2Fajad.13289">usages détournés des opioïdes délivrés sur ordonnance ont diminué</a> entre 2015 et 2019 chez les adolescents et les jeunes adultes. Cela concorde également avec d’autres données montrant que les décès liés aux <a href="https://nida.nih.gov/research-topics/trends-statistics/overdose-death-rates">overdoses impliquant de l’héroïne ont eux aussi diminué</a> au cours des dernières années.</p>
<p>Cette utilisation involontaire augmente le risque d’overdose, car les personnes qui ne sont pas conscientes qu’elles prennent du fentanyl ont moins de chances d’avoir à portée de main de <a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-la-naloxone-puissant-antidote-aux-overdoses-dopio-des-121149">la naloxone, un médicament utilisé comme antidote aux overdoses dues aux opioïdes</a>, ou des <a href="https://www.nmhealth.org/publication/view/general/6756/">bandelettes de test pour détecter le fentanyl</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-la-naloxone-puissant-antidote-aux-overdoses-dopio-des-121149">Connaissez-vous la naloxone, puissant antidote aux overdoses d’opioïdes ?</a>
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</p>
<hr>
<p>Être préparé peut pourtant changer l’issue d’une overdose : l’analyse des décès survenus chez des adolescents a en effet montré que dans 67 % des cas un <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">témoin était présent et aurait pu intervenir</a>. La naloxone n’a été administrée que dans moins de la moitié de ces cas, alors que cette substance empêche le fentanyl et d’autres opioïdes de provoquer une overdose en bloquant l’accès aux récepteurs opioïdes dans le cerveau.</p>
<p><iframe id="7zauq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7zauq/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Peu ou pas d’antécédents</h2>
<p>Seul un adolescent sur dix décédé d’une overdose de drogue présentait un <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">historique de traitement pour un problème d’usage de substances</a>, et seul un sur sept avait déjà fait l’expérience d’une overdose non mortelle. Par ailleurs, les adolescents victimes d’une overdose mortelle n’avaient généralement pas de problème avec l’alcool ou d’autres substances, des prémices qui constituent habituellement des <a href="https://americanaddictioncenters.org/adult-addiction-treatment-programs/know-is-someone-on-drugs">facteurs de risque et doivent généralement alerter</a>.</p>
<p>Ce constat souligne l’importance pour les parents d’aborder avec leurs enfants les questions liées à l’usage de substances, et ce <a href="https://www.samhsa.gov/talk-they-hear-you/parent-resources/why-you-should-talk-your-child">dès l’âge de 12 ans</a>. Il a été constaté que l’expression de leur désapprobation a tendance à <a href="https://www.samhsa.gov/sites/default/files/TTHY-Mini-Broch-Bleed-2020.pdf">prévenir ou à retarder la prise de drogue</a>. Il faut cependant garder à l’esprit qu’il peut être irréaliste, voire inutile, d’espérer que ses enfants ne recourront jamais à aucune substance psychotrope – après tout, la <a href="https://www.samhsa.gov/data/sites/default/files/reports/rpt39443/2021NSDUHFFRRev010323.pdf">plupart des adultes boivent de l’alcool, au moins occasionnellement</a>.</p>
<p>En tant que parent, il peut être plus judicieux d’insister auprès de ses enfants sur le fait qu’à leur âge, le cerveau est encore en construction et <a href="https://doi.org/10.1080%2F10550490701756146">subit de ce fait des changements rapides et importants</a>. Éviter de consommer des drogues ou de l’alcool pendant sa jeunesse permet donc de <a href="https://www.addictionpolicy.org/post/prevention-101-delay-the-onset-of-first-use">favoriser un développement cérébral sain</a>.</p>
<h2>Que peut-on faire d’autre ?</h2>
<p>Il est important d’avoir de la naloxone à disposition. Ce médicament potentiellement salvateur est facile à utiliser, mais le <a href="https://www.npr.org/2023/08/30/1196874196/over-the-counter-narcan-may-be-too-expensive-for-some-people-advocates-fear">coût de sa version en vente libre</a>, qui <a href="https://www.goodrx.com/naloxone">peut dépasser aux États-Unis 50 $ pour deux doses</a>, le rend inaccessible pour certaines des personnes qui en ont le plus besoin. </p>
<p>Il faut néanmoins l’envisager comme le pendant d’une assurance automobile : on préfère éviter d’avoir à y recourir, mais il est important d’en souscrire une malgré tout, au cas où quelque chose tournerait mal.</p>
<p>Et même si son propre enfant ne s’essaiera jamais à la consommation d’aucune drogue, le fait d’avoir de la naloxone sur lui pourrait lui permettre d’être en mesure d’intervenir et de sauver un ami qui ferait une overdose.</p>
<p>À ce sujet, tout le monde devrait être formé à reconnaître les <a href="https://www.cdc.gov/stopoverdose/fentanyl/index.html">symptômes d’une overdose d’opioïdes</a> : respiration superficielle (de petits volumes d’air sont inspirés et expirés, gonflant au minimum les poumons) ou inexistante, difficultés à rester conscient, peau froide et moite. Face à une telle situation, il faut être prêt à intervenir rapidement.</p>
<p>Pour conclure, un dernier point est particulièrement important à souligner : plus de quatre adolescents sur dix victimes d’une overdose fatale <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/71/wr/mm7150a2.htm">avaient des antécédents de problèmes de santé mentale</a>. Cela concorde avec <a href="https://doi.org/10.1097%2FCHI.0b013e318172ef0ld">nos propres travaux</a>, qui ont établi un lien, chez les adolescents, entre une <a href="https://doi.org/10.1097/ADM.0000000000001131">santé mentale moins solide et un mésusage d’opioïdes</a>. Cette forte association entre <a href="https://doi.org/10.1007%2Fs00127-021-02199-2">problèmes de santé mentale et overdoses de drogue</a> existe aussi chez les adultes.</p>
<p>Pour cette raison et bien d’autres, telle que <a href="https://www.cdc.gov/childrensmentalhealth/data.html">l’augmentation des taux de dépression chez les adolescents</a>, je recommande à tous les adultes (non seulement aux professionnels de santé, mais aussi à ceux qui comptent des préadolescents et des adolescents parmi leurs proches), de rester attentifs à l’évolution de leur santé mentale. Et au moindre doute, de recommander un traitement si l’on est soignant, ou de consulter un professionnel dès que possible si on ne l’est pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ty Schepis est financé par le National Institute on Drug Abuse et la US Food and Drug Administration. Le Centre de recherche translationnelle sur la santé de l'Université d'État du Texas a également apporté son soutien à ses travaux.</span></em></p>Chez les adolescents américains, les garçons sont plus susceptibles de mourir d'une overdose que les filles. Le fentanyl, un opioïde 100 fois plus puissant que la morphine, est très souvent en cause.Ty Schepis, Professor of Psychology, Texas State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181652023-11-26T15:41:00Z2023-11-26T15:41:00ZComment les jeunes s’engagent<p>Contrairement à ce qui est souvent mis en avant dans les discours dominants, les jeunes n’ont pas démissionné de tout investissement dans la chose publique. Des enquêtes récentes ont montré qu’ils sont même plus engagés que les moins jeunes, relativisant certaines idées reçues, les décrivant comme massivement repliés sur un individualisme frileux et enfermés dans une apathie civique. En tout cas dans la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Alors que 72 % des 18-24 se considèrent engagés (9 points de plus que la moyenne), dont 17 % « très engagés », <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">55 % seulement des personnes âgées de 65 ans et plus se disent engagées</a>, soit 8 points de moins que la moyenne (63 %), selon les données d’une enquête de 2021.</p>
<p>Dans l’enquête <em>Jeunes en France</em>, commanditée par The Conversation et réalisée dans la première quinzaine d’octobre 2023 par l’institut George(s), ce sont six jeunes sur dix parmi les 18-24 ans qui se disent <em>engagés</em>, et parmi eux, 12 % <em>très engagés</em>. Seul un tiers des jeunes (35 %) se départit de toute idée d’engagement.</p>
<p>Si l’engagement de la jeunesse en France est palpable, reste à comprendre ce que recouvre cette disposition à l’engagement.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
<hr>
<h2>Leurs déclinaisons de l’engagement</h2>
<p>Alors même que la participation au vote s’affaiblit dans les nouvelles générations, plus perplexes face au choix électoral qui leur est offert, l’attachement au principe de l’élection continue de s’imposer dans leur conception d’une citoyenneté engagée. Ainsi observe-t-on un écart entre la norme du vote, qui reste forte, et la pratique, qui s’amenuise.</p>
<p>Certes, c’est dans cet écart que peut s’engouffrer une certaine fragilisation de la démocratie, en tout cas dans sa dimension d’organisation de la représentation politique. Mais la reconnaissance de la matrice du modèle d’engagement démocratique que représente le vote résiste. Dans l’enquête « Jeune(s) en France », lorsqu’ils sont invités à sélectionner et à hiérarchiser les preuves d’engagement qui sont pour eux les plus significatives (réponse <em>tout à fait</em>), c’est <em>le vote</em> qui apparaît en premier dans les réponses des jeunes, à égalité avec le fait <em>d’être aidant et de s’occuper d’une personne dépendante ou malade</em> (39 % respectivement de leurs réponses). S’impose ensuite le fait de <em>donner de son temps aux autres en général</em> (34 %).</p>
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<p>L’importance accordée à ces preuves d’engagement est emblématique de la façon dont les jeunes générations articulent aujourd’hui l’engagement pour le collectif et l’engagement au niveau individuel. Ils considèrent l’engagement sur les deux scènes, citoyenne et personnelle, politique et intime. Ainsi <em>être membre d’un mouvement ou d’une association</em> est une activité considérée comme <em>tout à fait</em> une preuve d’engagement par 31 % des jeunes, mais aussi le fait <em>d’emménager avec quelqu’un</em> (32 %). Et c’est du reste dans ces deux registres aussi que s’expriment et prennent forme leurs engagements concrets, nous le verrons.</p>
<p>L’individuation des engagements a nettement progressé, ce qui ne veut pas dire que toute dynamique collective a disparu. Il n’y a plus un seul collectif référentiel, ni non plus plusieurs grands collectifs faisant système, mais de multiples collectifs, plus fragmentés, plus dispersés, qui définissent autant d’ancrages identitaires et autant de vecteurs d’engagements circonstanciés et contextualisés. Les allégeances politiques et syndicales traditionnelles sont minimisées : <em>être membre d’un parti politique</em> n’est considéré comme tout à fait une preuve d’engagement que par 22 % des jeunes et <em>être membre d’un syndicat</em> que par 20 %.</p>
<p>L’on remarquera enfin, que la protestation politique – <em>participer à une manifestation</em>, <em>participer à une grève</em>, ou encore <em>participer à un blocage d’une université ou d’une entreprise</em> (respectivement 23 %, 22 % et 17 %), ne sont pas particulièrement une preuve d’engagement à leurs yeux. En revanche, le fait de choisir en priorité des produits respectueux de l’environnement, les dons d’argent ou encore le boycott d’entreprises apparaissent plus haut dans la hiérarchie (respectivement 31 %, 29 % et 27 %).</p>
<p>Ce passage en revue des registres d’engagement rend compte de la réalité de la place de la politique dans leurs conceptions de l’engagement, mais cette place coexiste avec d’autres dimensions relevant du domaine de la vie personnelle et privée (<em>avoir un enfant</em>, <em>signer un CDI</em>, respectivement 26 % et 31 % des réponses).</p>
<h2>Leurs pratiques d’engagement</h2>
<p>S’il existe en matière d’engagement un écart entre la norme et la pratique, il existe aussi un décalage entre l’intention et le passage à l’acte. Les jeunes mettent en œuvre des engagements concrets qui ne correspondent pas nécessairement à la hiérarchie avec laquelle ils déclinent les dimensions de l’engagement à leurs yeux les plus significatives. Néanmoins, à ce jeu, on observe davantage de correspondances que de dissonances.</p>
<p>En termes de passage à l’acte, et parmi les engagements mentionnés, c’est le fait de <em>s’informer</em> qui est la pratique la plus citée : plus des deux tiers des jeunes (68 %) reconnaissent <em>s’informer</em> régulièrement (<em>je l’ai déjà fait plusieurs fois</em>). Vient ensuite la capacité de <em>donner de son temps aux autres en général</em> mentionnée par plus de la moitié d’entre eux (52 %) qui reconnaissent l’avoir fait plusieurs fois. En troisième position, on retrouve <em>le vote</em> : 48 % ont déjà voté à plusieurs reprises. On constate la coexistence de la scène personnelle et collective, l’attention portée à l’engagement citoyen et à l’altruisme moral qui les rend disponibles aux autres.</p>
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<p>L’espace de la vie privée et des interactions personnelles offre aux jeunes un débouché à des pratiques d’engagement que l’on pourrait qualifier de proximité. Leur confrontation à la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/autre-a-distance_9782738157621.php">gestion de la pandémie de Covid-19</a> ces deux dernières années a été l’occasion d’éprouver à la fois leurs capacités de résilience personnelle et collective, faisant preuve d’initiatives en plus grand nombre que les plus âgés pour apporter de l’aide à leur entourage.</p>
<p>Des solidarités étudiantes notamment ont pu s’exprimer. Des groupes de discussion sur les réseaux sociaux ont été créés par les jeunes (29 % des 18-24 ans et 26 % des 25-34 ans contre 14 % de l’ensemble des Français). Cela représente un nombre assez considérable de personnes impliquées et s’efforçant à leur manière de contribuer à <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/en-immersion-jerome-fourquet/9782021467376">réduire les conséquences négatives de la pandémie</a> dans la vie quotidienne des Français. De façon nettement plus marginale mais significative de ces engagements de proximité, 8 % des Français ont fait à cette occasion du soutien scolaire en direction des jeunes en difficulté, et les jeunes ont été plus nombreux à s’engager dans ce type d’activité (18 % des 18-24 ans et 14 % des 25-34 ans), et 7 % ont organisé des <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">groupes de soutien et d’échange pour des personnes seules</a> ou en difficultés psychologiques.</p>
<p>La mise en œuvre concrète de l’engagement fait aussi apparaître un certain nombre d’actions protestataires qui, si elles ne sont pas apparues comme les plus emblématiques de l’engagement pour eux au plan normatif, occupent néanmoins une place significative dans leur expérience politique : 31 % disent avoir signé à plusieurs reprises une pétition, 23 % ont boycotté plusieurs fois des produits ou des entreprises, 18 % ont participé à une manifestation plusieurs fois aussi, et 14 % à une grève, 11 % à un blocage d’entreprise ou d’université.</p>
<p>Cette relative familiarité avec la culture politique protestataire est une caractéristique de la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">politisation des jeunes générations</a> dans la plupart des démocraties européennes, dont la France. Mais l’enquête fait apparaître aussi un nombre non négligeable de jeunes mentionnant <em>être ou avoir été membre d’un parti politique</em> (19 %) ou <em>d’un syndicat</em> (16 %). Ces proportions sont importantes, même si l’on retiendra que de toutes les formes d’engagement, ce sont celles qui font le plus l’objet d’un repoussoir : respectivement 59 % et 60 % des jeunes n’envisagent en aucun cas de le faire. En revanche, le secteur associatif apparaît nettement plus attractif : 44 % des jeunes ont pu adhérer à ce type d’organisation, 27 % <em>ne l’ont jamais fait mais pourrait le faire</em>, seuls 30 % <em>n’envisagent pas de le faire</em>. Dans ce registre bénévole et militant, la disponibilité des jeunes est réelle.</p>
<p>La participation numérique est consistante : 39 % des jeunes reconnaissent partager à plusieurs reprises des contenus sur les réseaux sociaux qui sont des vecteurs d’information, de communication et potentiellement de mobilisation. Les jeunes utilisent les ressources du numérique : ils sont 40 % à partager leurs opinions sur les réseaux sociaux (contre 27 % des Français en moyenne), et 43 % à relayer des <em>posts</em> d’influenceurs sur les causes qui leur tiennent à cœur (<a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">contre 25 % en moyenne</a>).</p>
<p>Enfin, la question environnementale est un vecteur de plus en plus actif pour mobiliser les jeunes : 40 % déclarent avoir à plusieurs reprises choisi en priorité des produits respectueux de l’environnement et de la société.</p>
<h2>Un engagement pour des causes</h2>
<p>Certains enjeux forts tels que l’écologie et les inégalités occupent une place prépondérante dans le répertoire de leurs préoccupations et peuvent susciter un passage à l’acte d’engagement. Le répertoire d’actions s’est élargi, notamment en raison d’une diversification des causes à défendre.</p>
<p>Parmi les causes qui mobilisent le plus les jeunes interrogés dans le cadre de l’enquête « Jeune(s) en France », le <em>gaspillage alimentaire</em> arrive en premier, suivi par la <em>défense de l’environnement</em>. Plus de quatre jeunes sur dix reconnaissent s’être déjà engagés pour l’une d’entre elles (respectivement 45 % et 43 %), et une proportion quasi équivalente déclare qu’ils pourraient envisager de s’engager pour les défendre (respectivement 39 % et 41 %). L’attention portée aux questions des discriminations et des violences s’impose également. La <em>lutte contre les violences faites aux femmes</em> mobilise plus de quatre jeunes sur dix, et les jeunes femmes en plus grand nombre (46 % contre 30 % des jeunes hommes), ou encore le <em>combat contre le racisme et les discriminations</em> (42 % déjà engagés, et 39 % qui pourraient s’engager). Le <em>bien-être animal</em> est aussi un point d’attention : 42 % des jeunes se sont déjà engagés pour cette cause.</p>
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<p>On notera pour finir que si le patriotisme n’est pas une valeur d’engagement qui domine, il témoigne néanmoins d’un certain regain visible dans plusieurs enquêtes récentes, une évolution que l’enquête « Jeune(s) en France » enregistre aussi. Un jeune sur cinq (20 %) reconnaît que c’est une cause pour laquelle il s’est déjà engagé et 40 % déclarent envisager de le faire. Dans les répertoires d’engagement, les traces de l’antimilitarisme se sont au fil du temps effacées. Aujourd’hui, ce sont près des deux tiers des jeunes Français (65 %) qui affirment que si besoin est ils seraient prêts à <a href="https://www.bva-xsight.com/sondages/les-francais-et-l-engagement/">s’engager pour défendre leur pays</a> en cas de conflit, et un sur deux (51 %) se dit prêt à risquer sa vie pour cela.</p>
<p>On voit ainsi cohabiter dans la jeunesse française une diversité d’engagements effectifs ou potentiels, allant du plus proche au plus lointain, de l’humanitaire au militaire, en passant par les engagements relevant de l’altruisme moral et de la solidarité au fondement de nos démocraties et du vivre ensemble.</p>
<h2>L’importance de la socialisation familiale</h2>
<p>Les résultats de l’enquête « Jeune(s) en France » confirment l’importance du modèle parental dans la formation des engagements présents et à venir de leur progéniture et la place de la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/toi-moi-et-la-politique-anne-muxel/9782020962490">« politisation intime »</a> qui opère dans le cadre du microcosme familial, notamment au travers des discussions. <a href="https://sciencespo.hal.science/view/index/identifiant/hal-03459728">Si l’on ne parle pas que de politique dans la famille</a>, loin de là, c’est néanmoins dans le cadre familial que l’on en parle le plus.</p>
<p>Les processus de <a href="https://hal.science/hal-03609521/">socialisation politique</a> au sein du groupe primaire que constitue la famille jouent toujours un rôle déterminant dans la fabrique des citoyens. Plus de la moitié (56 %) des jeunes interrogés dans l’enquête citent en tout premier leurs parents pour évoquer les personnes dont l’exemple a pu leur donner envie de s’engager et 52 % d’autres membres de leur famille.</p>
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<p>Cela n’exclut pas le rôle et l’importance des agents de la socialisation secondaire, à savoir les pairs ou encore d’autres interlocuteurs notamment dans le cadre scolaire. Ainsi les jeunes sont-ils nombreux à évoquer les gens de leur génération (52 %) ou des gens plus âgés (49 %) qu’ils ont rencontrés, mais aussi des professeurs (40 %). Les deux instances de la socialisation que sont la famille et l’école, décisives dans l’expérience juvénile et l’apprentissage de la citoyenneté, ont donc du point de vue des jeunes toujours une réalité et une efficacité.</p>
<p>Les influenceurs agissant sur les réseaux sociaux ou les journalistes n’arrivent que loin derrière (respectivement 29 % et 27 %). Mais de loin, ce sont les personnalités politiques, les autorités religieuses, soit des tutelles institutionnelles et idéologiques, qui arrivent en dernier (respectivement 25 % et 19 %).</p>
<p>On retiendra des résultats de l’enquête « Jeune(s) en France », la vitalité des forces d’engagement dans les jeunes générations, mais d’un engagement qui s’est affranchi des vecteurs institutionnels et traditionnels. Celui-ci s’est privatisé et se vit sans doute de façon plus intermittente, voire changeante que par le passé, étant plus dépendant des enjeux de l’actualité et d’une sensibilité à des causes jugées essentielles, dans un répertoire allant du plus universel au plus particulier.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’enquête exclusive « Jeune(s) en France » réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Muxel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'engagement des jeunes représente une nouvelle dynamique entre individuel et collectif. L'attachement au vote reste fort, même si la jeunesse est sceptique face au choix électoral du moment.Anne Muxel, Directrice de recherches (CNRS) au Cevipof, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2140282023-11-20T17:15:39Z2023-11-20T17:15:39ZPeut-on soigner l’anorexie par l’activité physique adaptée ?<p>L’anorexie mentale, parfois appelée anorexie par le grand public, est un trouble du comportement alimentaire qui apparaît le plus souvent à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/adolescence-32383">adolescence</a>, avec une prévalence de <a href="https://journals.lww.com/co-psychiatry/abstract/2016/11000/epidemiology_of_eating_disorders_in_europe_.5.aspx">1 à 4 % chez les femmes</a> et de <a href="https://journals.lww.com/co-psychiatry/fulltext/2021/11000/incidence,_prevalence_and_mortality_of_anorexia.2.aspx">0,3 % chez les hommes</a>. Les principaux symptômes sont une privation alimentaire stricte et volontaire sur une longue période, conduisant à une perte de poids extrême et potentiellement dangereuse pour la santé, ainsi qu’une <a href="https://www.cairn.info/lanorexie-mentale--9782100721849-page-153.htm">perception déformée de son corps</a>, amenant souvent les personnes touchées à se voir en surpoids.</p>
<h2>Un risque de complications et de suicides</h2>
<p>L’anorexie mentale est considérée comme une <a href="https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-020-2433-8">maladie psychiatrique particulièrement mortelle</a>. Selon les sources, <a href="https://journals.lww.com/co-psychiatry/fulltext/2021/11000/incidence,_prevalence_and_mortality_of_anorexia.2.aspx">5 à 9 %</a> des personnes malades décèdent, du fait principalement des complications somatiques ou suite à un suicide.</p>
<p>En effet, outre ses principaux symptômes, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29437020/">série de troubles psychologiques</a> vient alourdir le tableau clinique. En premier lieu, on trouve la dépression, qui entraîne l’émergence de pensées négatives, le retrait social et la perte d’intérêt pour les activités autrefois appréciées.</p>
<p>De plus, des troubles anxieux peuvent se développer, générant des inquiétudes excessives concernant la nourriture, le poids et l’image corporelle. Les troubles de l’humeur et les fluctuations émotionnelles sont également fréquents, et peuvent altérer davantage les interactions sociales et la perception de soi. Enfin, les problèmes de sommeil sont souvent présents, et se manifestent principalement par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1389945718301606">nuits agitées ou des insomnies</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-croissance-du-cerveau-pourrait-expliquer-pourquoi-de-nombreux-troubles-mentaux-emergent-a-ladolescence-157554">La croissance du cerveau pourrait expliquer pourquoi de nombreux troubles mentaux émergent à l’adolescence</a>
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<p>L’anorexie mentale a également des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0985056208000034">conséquences importantes</a> sur le plan physique et physiologique. Celles-ci sont très souvent liées à la perte de poids et à la dénutrition, et peuvent se caractériser par une diminution de la masse et de la capacité musculaire, une fragilisation des os, des troubles cardiaques, des carences multiples, une perte des cheveux, des problèmes rénaux et intestinaux, etc.</p>
<p>Quand ils deviennent chroniques, tous ces troubles entraînent un appauvrissement de la vie relationnelle et affective, avec à un retentissement sur la vie scolaire ou professionnelle. De plus en plus considérée comme une pathologie grave de l’adolescence, l’anorexie mentale constitue un enjeu de santé publique majeur en France, qui nécessite de nouvelles stratégies thérapeutiques plus efficaces.</p>
<h2>L’activité physique adaptée pour aider à guérir</h2>
<p>Ainsi, afin de traiter les principaux symptômes de la maladie et de prévenir ou réduire au mieux les différents troubles associés, il est nécessaire de proposer une <a href="https://www.cairn.info/lanorexie-mentale--9782100721849-page-153.htm">prise en charge précoce et pluridisciplinaire</a>. Si la pratique d’activité physique a longtemps été proscrite, en particulier dans les cas de dénutrition avancée ou chez des patientes présentant une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0143352">hyperactivité physique</a> voire une dépendance à l’activité physique, elle peut aussi contribuer à la guérison de l’anorexie, à partir du moment où elle est adaptée aux caractéristiques des patientes.</p>
<p>On parle alors d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/activite-physique-adaptee-apa-146288">activité physique adaptée</a> (APA), qui peut être définie comme un moyen permettant la mise en mouvement de personnes qui, en raison de leur état physique, mental ou social, ne peuvent pratiquer une activité physique dans des conditions habituelles. La <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2022-08/synthese_prescription_apa_vf.pdf">pratique d’une activité physique adaptée</a> nécessite, au préalable, de consulter un médecin.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lactivite-physique-adaptee-pour-rester-durablement-en-bonne-sante-171979">L’activité physique adaptée, pour rester durablement en bonne santé</a>
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<p>Dans le cas de l’anorexie mentale, l’APA peut constituer une réponse adaptée aux besoins spécifiques des patientes, à la fois physiques et émotionnels, et jouer un rôle crucial dans le processus de guérison. Cette thérapie non médicamenteuse doit se dérouler dans un cadre sécurisé, et être supervisée par un professionnel formé en APA. Cela évite ainsi les pièges du surentraînement tout en ciblant les objectifs thérapeutiques.</p>
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<h2>Des études montrent une diminution des symptômes</h2>
<p>Différents travaux de recherche clinique ont démontré le rôle majeur de l’activité physique adaptée dans le traitement de l’anorexie. Il a notamment été montré qu’une pratique régulière d’APA sur une durée de 8 à 16 semaines pouvait induire une diminution des symptômes principaux de l’anorexie, ainsi qu’une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyt.2022.939856">amélioration de la santé physique et mentale</a>. De plus, les résultats ont permis d’observer que selon la nature des activités physiques pratiquées, des améliorations s’observent plus particulièrement sur les dimensions ciblées par les exercices effectués.</p>
<p>Ainsi, les programmes intégrant exclusivement des exercices en endurance permettent d’améliorer principalement la capacité cardiorespiratoire des patientes, même s’ils sont susceptibles d’entraîner une dépendance à l’activité physique. Les programmes centrés sur le renforcement musculaire contribuent davantage à une amélioration de la force et de la masse musculaire.</p>
<p>Les pratiques de bien-être telles que le yoga, le tai-chi ou le Pilates, ont un impact plus important sur la réduction des symptômes de la maladie, des préoccupations corporelles et des troubles anxiodépressifs, et permettent de restaurer un rapport plus sain à l’activité physique (c’est-à-dire une baisse de la dépendance à l’exercice physique). Enfin, il a été montré que les programmes d’APA combinant des exercices mixtes, semblent être les plus favorables à une reprise du poids.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-lhumain-est-il-si-vulnerable-au-risque-de-depression-126065">Pourquoi l’humain est-il si vulnérable au risque de dépression ?</a>
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<h2>Aucune recommandation officielle</h2>
<p>Malgré tous ces bienfaits dans le traitement de l’anorexie mentale, dans les pratiques cliniques de terrain, l’activité physique adaptée n’est pas prescrite de manière systématique, et aucune recommandation nationale ou internationale n’existe à ce jour. Néanmoins, l’APA devient de plus en plus reconnue et pratiquée dans les <a href="https://academic.oup.com/nutritionreviews/article/74/5/301/1752217">centres de soins</a>. Malgré son retard par rapport à d’autres pays comme les États-Unis, le Canada ou l’Australie, la France compte aujourd’hui quelques centres hospitaliers qui intègrent l’APA dans leur protocole de soin courant, tels que le CHU Paul-Brousse à Villejuif, le CHU de Nantes et l’hôpital Saint Vincent de Paul à Lille.</p>
<p>Ce manque de recommandation et d’intégration de l’APA au projet thérapeutique du patient est principalement lié au caractère novateur de la recherche dans ce domaine. En effet, même si quelques études ont été publiées au début des années 2000, ce n’est que depuis les 15 dernières années que des protocoles expérimentaux sont menés de façon plus fréquente.</p>
<h2>Un protocole innovant lancé au CHU de Caen</h2>
<p>Ainsi, aujourd’hui, on commence à considérer le réel potentiel de l’activité physique adaptée dans le traitement de l’anorexie mentale. De façon récente, des protocoles innovants laissent entrevoir des résultats prometteurs. C’est notamment le cas de l’étude « APAREXIM’Pilot » réalisée auprès de jeunes patientes atteintes d’anorexie mentale, suivies au service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du CHU de Caen en Normandie, que nous menons en tant qu’enseignants-chercheurs au laboratoire <a href="http://comete.unicaen.fr/">COMETE</a> (UMR-S 1075 Inserm/UNICAEN – Mobilités : Vieillissement, Pathologies, Santé) de l’Université de Caen Normandie. Cette étude pilote, intitulée « APAREXIM’Pilot », est soutenue par le Pr. Fabian Guénolé, chef de ce service ainsi que les Dr. Delphine Nimal et Marine Hamon-Marie, exerçant au sein de ce service.</p>
<p>Cette étroite collaboration entre chercheurs et cliniciens a permis la mise en place de ce protocole novateur auprès de 30 patientes mineures, visant à évaluer les effets à court et moyen terme d’un programme d’APA supervisé en visioconférence sur les symptômes principaux de l’anorexie mentale, ainsi que sur la santé mentale, la santé physique et le sommeil.</p>
<h2>Un programme supervisé par visioconférence</h2>
<p>L’intérêt de la visioconférence est de promouvoir une meilleure accessibilité aux soins et une continuité thérapeutique plus efficace pour le plus grand nombre de patientes, quelles que soient leur localisation géographique et leurs conditions socio-économiques, et ainsi réduire les inégalités sociales de santé. Le programme est dispensé sur une durée de 8 semaines, à raison de 2 séances hebdomadaires d’une heure, composées d’exercices de renforcement musculaire et de yoga, d’intensité légère à modérée.</p>
<p>Les résultats préliminaires concernant les 15 premières participantes de cette étude sont positifs. Les bénéfices principaux obtenus par les patientes à l’issue du programme d’APA sont une amélioration de la force et de l’endurance musculaire ainsi qu’une amélioration de l’efficacité du sommeil, qui se traduit par un sommeil plus stable, plus réparateur et moins fragmenté par les réveils nocturnes.</p>
<p>Ces résultats préliminaires seront prochainement présentés lors de congrès nationaux et internationaux et feront l’objet de publications scientifiques, afin de mettre en avant la faisabilité et l’efficacité d’un programme d’APA en distanciel dans le traitement de l’anorexie mentale. De plus, cette étude pilote devrait permettre d’établir des recommandations de bonnes pratiques permettant d’innover et de diversifier l’offre de soin dédiée à l’anorexie mentale.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Toutain a reçu le prix Puyoo de l'entreprise Aresato. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Gauthier a reçu le prix Puyoo de l'entreprise Aresato</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pascale Leconte a reçu le prix Puyoo de l'entreprise Aresato</span></em></p>Dans les situations d’anorexie, la pratique sportive a longtemps été proscrite. Mais des travaux de recherche clinique récents suggèrent qu’une activité physique adaptée peut aider à la guérison.Marc Toutain, Docteur en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives - Laboratoire COMETE UMR-S 1075 INSERM/Unicaen, Université de Caen NormandieAntoine Gauthier, Professeur des Universités, UMR UNICAEN/INSERM U1075 - COMETE "Mobiltés : Vieillissement, Pathologie, Santé", Université de Caen NormandiePascale Leconte, Maître de Conférence, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171542023-11-07T17:37:44Z2023-11-07T17:37:44ZSanté mentale dégradée des jeunes : chronique d’une crise annoncée<p>Pandémie de Covid-19, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ukraine-21219">guerre en Ukraine</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-israelo-palestinien-147107">guerre entre Israël et le Hamas</a>, attentats terroristes, assassinats d’enseignants, crise climatique, intensification du rythme scolaire et de travail – la santé mentale des jeunes, exposés à ces évènements violents, semble au plus bas et a rarement autant été un objet de débat public.</p>
<p>Que sait-on réellement des difficultés psychologiques des adolescents et jeunes adultes en France ? Quels sont les groupes les plus à risque ? Quelles peuvent être les raisons de cette dégradation ? Que faire pour que les choses s’améliorent ?</p>
<h2>Avant même le Covid, un risque de dépression élevé chez les collégiens et lycéens français</h2>
<p>Grâce à un appareil statistique robuste, la santé mentale des collégiens et des lycéens en France est documentée depuis plus de 20 ans. Mais la plupart de ces données restent méconnues du grand public.</p>
<p>L’étude <a href="https://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2021/06/8-Fiche-EnCLASS-2018-sante-mentale.pdf">Enclass</a>, qui fait partie du dispositif d’enquête européen Health and Behavior in School-Aged Children (HBSC) et qui a interrogé environ 11 000 jeunes a montré qu’en 2018, 32 % des élèves de 4<sup>e</sup> et 3<sup>e</sup> étaient à risque de dépression, en particulier les filles (41 % vs. 23 % des garçons). Respectivement 13 % et 5 % des filles et des garçons avaient des symptômes nécessitent des soins.</p>
<p>Au lycée, le risque de dépression augmente, avec 36 % des jeunes (45 % des filles et 27 % des garçons) concernés et, respectivement, 18 et 8 % des garçons et des filles ayant un trouble dépressif nécessitant une prise en charge médicale.</p>
<p>Ces indicateurs se sont dégradés dans le temps, la proportion de jeunes rapportant des signes de nervosité et d’irritabilité ayant augmenté entre 2010 et 2018 (de 21 à 28 % pour la nervosité et de 22 à 27 % pour l’irritabilité, chez les collégiens concernés). De la même manière, la proportion d’adolescents indiquant avoir des difficultés à s’endormir a également connu une hausse (de 31 à 37 % entre 2010 et 2018).</p>
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<img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site Fil Santé Jeunes. Il est écrit « Appelle nous au 0800 235 236 » et on voit des photos de la poche de jeunes personnes." src="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=628&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558007/original/file-20231107-267500-wr0x56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fil Santé Jeunes est la ligne téléphonique de référence pour les jeunes de 12 à 25 ans. Anonyme et gratuite, elle est accessible par chat, téléphone, mail et sur filsantejeunes.com, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.</span>
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<h2>Un mal-être en augmentation aussi chez les jeunes adultes</h2>
<p>Ces niveaux de mal-être psychologique sont élevés par rapport à ceux observés dans d’autres pays européens. Chez les jeunes adultes, la tendance est similaire. Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/sante-mentale/depression-et-anxiete/documents/article/prevalence-des-episodes-depressifs-en-france-chez-les-18-85-ans-resultats-du-barometre-sante-2021">Baromètre Santé</a>, une enquête réalisée par Santé publique France auprès d’un échantillon représentatif de la population française, montre qu’entre 2005 et 2021, la prévalence de la dépression est passée de 9 % à 20 % chez les 18-24 ans et de 8 % à 15 % chez les 25-34 ans. Aucun autre groupe de la population ne connaît une dynamique si délétère ni une santé mentale aussi dégradée.</p>
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<h2>Des symptômes qui perdurent même après le Covid</h2>
<p>La détérioration de la santé mentale des jeunes a été particulièrement marquée à partir de la crise sanitaire liée au Covid-19, qui a causé <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5432509">plus de 116 000 décès</a>.</p>
<p>En 2020, d’après les données de l’étude <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/confinement-du-printemps-2020-une-hausse-des-syndromes-depressifs">ÉpiCov</a>, menée conjointement par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche et des études statistiques (Drees) du ministère des Affaires sociales auprès d’un échantillon représentatif de plus de 100 000 personnes, 22 % des 15 à 24 ans déclaraient des symptômes de dépression (par rapport à 13 % dans l’ensemble de la population), c’est-à-dire un taux deux fois plus élevé qu’avant la pandémie de Covid-19.</p>
<p>La prévalence de la dépression chez les jeunes a ensuite baissé entre 2020 et 2021, mais dans une moindre mesure comparé au reste de la population. Fin 2021, 14 % des 15-24 ans participant à EpiCov déclaraient des symptômes correspondant à un trouble dépressif.</p>
<p>L’enquête <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/coviprev-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie-de-Covid-19">Coviprev</a>, menée par Santé publique France auprès d’un échantillon de 2 000 personnes entre mars 2020 et décembre 2022, a aussi montré des taux élevés de symptômes d’anxiété (43 %) et de dépression (22 %) chez les 18-24 ans, qui ont perduré après la fin de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Ces tendances sont confirmées par les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2023/sante-mentale-des-jeunes-des-conseils-pour-prendre-soin-de-sa-sante-mentale">données médicales</a> qui montrent une augmentation des recours aux soins d’urgence pour troubles de l’humeur, idées et gestes suicidaires chez les 11-24 ans depuis 2021 et qui restent à des niveaux élevés en 2023.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064">Suicide des adolescents : comment prévenir le passage à l’acte ?</a>
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<h2>L’adolescence, une période charnière pour la santé mentale future</h2>
<p>Les troubles psychiatriques fréquents, dont la dépression, les troubles anxieux et les troubles liés à l’alcool ou aux drogues, touchent au total une personne sur quatre au cours de la vie et représentent <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1600-0047.2004.00327.x">15 % de la morbidité totale au sein de la population</a>. Dans près de 50 % des cas, ces troubles surviennent au moment de la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-04300-010">transition entre l’adolescence et l’âge adulte</a> et, dans près d’un cas sur deux, ils persistent au cours de la vie.</p>
<p>L’adolescence et le moment de l’entrée dans la vie adulte, où se jouent également le devenir scolaire, professionnel ainsi que l’insertion sociale des personnes sont des périodes charnières, au cours desquelles une dégradation de la santé mentale peut avoir des effets irrémédiables sur la santé future mais aussi sur le devenir des individus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cannabis-mais-aussi-alcool-et-tabac-chez-les-jeunes-une-consommation-de-drogues-en-baisse-206796">Cannabis, mais aussi alcool et tabac : chez les jeunes, une consommation de drogues en baisse ?</a>
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<h2>Les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés davantage affectés</h2>
<p>Dans ce domaine, comme vis-à-vis d’autres problématiques de santé, les jeunes issus de groupes sociaux défavorisés ont un risque élevé d’avoir des problèmes de santé mentale et, en même temps, ce sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour accéder à des soins de qualité. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12144-022-03038-6">Ceux dont les parents n’ont pas d’emploi ou ont des revenus faibles sont les plus concernés</a> par des difficultés émotionnelles et psychologiques, surtout si leur famille connaît une <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/european-psychiatry/article/abs/emotional-and-behavioral-difficulties-in-children-growing-up-homeless-in-paris-results-of-the-enfams-survey/125E1F045B48FE8E325BD3DED182B562">situation de précarité aiguë telle que le fait de ne pas avoir de logement fixe</a>. Or <a href="https://bmcpsychiatry.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12888-022-04438-5">l’accès aux soins de santé mentale spécialisés est moins fréquent</a> pour les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés.</p>
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<img alt="Page d’accueil du site nightline.fr" src="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558003/original/file-20231107-23-45bya7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le site nightline.fr propose un accompagnement par et pour les étudiants.</span>
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<p>Depuis la pandémie de Covid-19, on se soucie, à juste titre, de la <a href="https://theconversation.com/comment-la-crise-sanitaire-affecte-la-sante-mentale-des-etudiants-163843">santé mentale des étudiants</a>. Mais les <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.904665/full">données de l’étude EpiCov</a> indiquent que, parmi les jeunes adultes de 18 à 24 ans, ce sont ceux qui ne sont ni en formation ni en emploi qui souffrent des taux de dépression les plus élevés, tandis que chez les 25-30 ans, il s’agit de ceux qui sont au chômage.</p>
<h2>Pauvreté, pression scolaire, Internet… des facteurs de risque en augmentation</h2>
<p>La <a href="https://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=78092">survenue et la persistance des problèmes de santé mentale sont multifactorielles</a>. Elles traduisent à la fois des mécanismes génétiques, des expositions et facteurs de risque spécifiques à l’individu (par exemple l’exposition à des situations de violence, à des évènements de vie adverses, etc.), ainsi que des facteurs collectifs (par exemple une crise sanitaire, politique ou économique).</p>
<p>Une augmentation de la prévalence des symptômes d’anxiété et de dépression chez les adolescents et jeunes adultes, telle qu’observée au cours des vingt dernières années, ne peut pas être expliquée par des facteurs génétiques qui n’évoluent pas dans le temps – elle ne peut traduire que des changements dans le repérage des problèmes de santé mentale ou une augmentation de la fréquence des facteurs de risque. Il n’est pas exclu qu’il soit plus facile aujourd’hui qu’hier d’identifier et de rapporter des problèmes psychologiques dans une enquête, de se confier à des proches ou de se tourner vers un soignant pour cette raison.</p>
<p>Si, comme le suggèrent certaines <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19373710/">études</a>, la littératie en santé mentale – c’est-à-dire les connaissances sur la santé mentale de la population et la capacité à repérer les difficultés psychologiques – s’améliore et la stigmatisation des problèmes de santé mentale recule, on ne peut que s’en réjouir, car il s’agit d’étapes nécessaires pour pouvoir prendre soin de soi et demander de l’aide à son entourage ou à un soignant.</p>
<p>Néanmoins, il semblerait également que la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-023-01800-y">fréquence de certains facteurs de risque ait cru</a> : proportion de familles monoparentales, niveau de pauvreté, inégalités sociales, pression scolaire, auxquels s’ajoutent de nouvelles expositions telles que l’utilisation importante d’Internet (notamment des jeux vidéo et des réseaux sociaux).</p>
<h2>La répétition d’évènements violents également dommageable</h2>
<p>La <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022395621002181">survenue d’évènements violents tels que des attentats terroristes peuvent aussi avoir un impact sur la santé mentale des jeunes</a>, y compris parmi ceux qui ne sont pas directement victimes. En effet, la survenue de violences peut fragiliser les personnes sur le plan psychologique, causer des symptômes d’anxiété, les amener à se couper des autres. La répétition de ce type d’évènements, par nature imprévisibles, semble particulièrement dommageable.</p>
<h2>La pédopsychiatrie à bout de souffle</h2>
<p>Face à l’augmentation de la fréquence des problèmes de santé mentale des jeunes, le système de santé – à bout de souffle comme le rappellent de multiples <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/24/oui-par-manque-de-moyens-la-pedopsychiatrie-doit-depuis-des-annees-trier-les-enfants_6151352_3232.html">tribunes</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-france-en-2022-des-enfants-et-adolescents-meurent-de-souffrance-psychique-par-manque-de-soins-et-de-prise-en-compte-societale_6133925_3232.html">éditoriaux</a> sur la pédopsychiatrie et la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-pedopsychiatrie">Cour des comptes en 2023</a> – ne peut pas tout.</p>
<p>La prévention et le repérage des difficultés psychologiques des enfants et adolescents reposent principalement sur d’autres acteurs dont les parents, mais aussi les adultes présents à l’école, à l’université ou travaillant dans des associations culturelles et sportives qui accompagnent des millions de jeunes dans des activités de loisirs au quotidien.</p>
<h2>Multiplier les dispositifs d’accompagnement</h2>
<p>La diffusion des connaissances et l’amélioration de la littératie en santé mentale sont nécessaires pour mieux repérer les jeunes en souffrance. De même, la multiplication des dispositifs facilement accessibles peut favoriser l’accompagnement voire l’accès aux soins avant la survenue d’une crise sévère qui conduit à l’hôpital telle qu’une tentative de suicide : lignes téléphoniques, à l’image de <a href="https://www.filsantejeunes.com/">Fil Santé Jeunes</a> qui fait référence, sites Internet permettant d’avoir des informations fiables sur la santé mentale, applications smartphones ou autres programmes d’e-santé permettant d’accéder à des programmes brefs, notamment de mentalisation, relaxation ou méditation, aidant à gérer les symptômes de stress.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Capture d’écran de la page d’accueil du site du 3114" src="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=510&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558006/original/file-20231107-15-usqiyj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=641&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 3114 est le numéro national de prévention du suicide mis en place par le gouvernement.</span>
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<h2>Mal-logement, familles monoparentales, violences… agir sur les déterminants sociaux</h2>
<p>Cependant, une véritable politique de prévention des problèmes de santé mentale des jeunes nécessite des efforts intersectoriels pour modifier des déterminants au-delà du système de santé : lutte contre la pauvreté et le mal-logement, accompagnement renforcé des familles monoparentales, prise en charge des problèmes de santé mentale des parents et prévention des violences – dans le contexte familial, à l’école et sur Internet – ainsi qu’une remise en question du système de compétition scolaire auquel les jeunes sont confrontés de plus en plus tôt.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217154/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les projets de recherche de Maria Melchior sont financés par des bourses/appels d’offres publics français et européens. Mais elle n'est pas rémunérée via ce biais.</span></em></p>Le Covid, les attentats et les conflits armés impactent la santé mentale des jeunes déjà dégradée par des déterminants sociaux majeurs comme la pauvreté, le mal-logement ou le contexte familial.Maria Melchior, Epidémiologiste, Directeur de recherche, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169432023-11-05T18:27:09Z2023-11-05T18:27:09ZComment protéger les enfants exposés à des images de guerre violentes ?<p>Dans le monde actuel rempli d’écrans, de nombreux enfants et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/adolescents-21823">adolescents</a> ont un accès quasi permanent aux médias. Selon des estimations américaines, les enfants d’âge scolaire passent quatre à six heures par jour à regarder ou <a href="https://www.aacap.org/AACAP/Families_and_Youth/Facts_for_Families/FFF-Guide/Children-And-Watching-TV-054.aspx">à utiliser des écrans</a>. Les adolescents passent jusqu’à neuf heures par jour sur des écrans.</p>
<p>(<em>En France, des <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1414345/duree-utilisation-ecran-france-jeunes/">données statistiques</a> montrent une forte hausse du temps passé par les enfants mineurs devant un écran. L’augmentation la plus importante concerne la tranche 13-19 ans dont le temps passé devant un écran (télévision, jeux vidéos ou sur Internet), mesuré sur une base hebdomadaire, a augmenté de six heures par semaine entre 2011 et 2022, pour atteindre 36 heures par semaine, ndlr</em>).</p>
<p>Si les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/medias-20595">médias</a> peuvent ouvrir la voie à l’apprentissage et favoriser les liens relationnels des enfants, ils comportent également un risque d’exposition à la violence.</p>
<p>Les médias d’information, en particulier, font courir des risques en diffusant des actualités qui traitent de guerres, de génocides, de morts violentes, de terrorisme et de souffrance, ces actualités étant couvertes de manières répétées tout au long d’un cycle d’information de 24 heures. Des recherches montrent que la violence et la criminalité font l’objet d’une <a href="https://scholarship.law.marquette.edu/mulr/vol103/iss3/14/">couverture médiatique disproportionnée</a>. Cela s’explique en partie par le fait que nous sommes attirés par ces récits ; il a été constaté que les <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">titres négatifs</a> suscitent plus d’intérêt et de clics que les titres positifs.</p>
<p>Aujourd’hui, sur Internet, les enfants et les adolescents ont accès à des images de conflits armés, d’attaques terroristes, de violences policières, de fusillades de masse et d’homicides. Les médias qui retransmettent ces informations violentes, en presse écrite, audiovisuelles ou via des vidéos peuvent être consultés à tout moment et diffusent leurs informations en boucle. Celles-ci sont accompagnées de commentaires, d’analyses et véhiculent des représentations que les enfants peuvent être susceptibles d’intérioriser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dossier-les-ados-face-aux-ecrans-171232">Dossier : Les ados face aux écrans</a>
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<p>En tant que <a href="https://doi.org/10.1080/15299732.2019.1572043">chercheuse en traumatologie</a> et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/10783903231171590">infirmière en psychiatrie</a>, j’étudie l’impact des traumatismes et des traumatismes vicariants sur les enfants.</p>
<p>(<em>On parle de <a href="https://www.cairn.info/pratique-de-la-psychotherapie-emdr--9782100737802-page-269.htm">traumatisme vicariant</a> quand une personne est « contaminée » par le vécu traumatique d’une autre personne avec laquelle elle est en contact, ndlr</em>).</p>
<p>Les médias qui diffusent des informations violentes et les <a href="https://www.business-school.ed.ac.uk/research/blog/media-framing-and-how-it-shifts-the-narrative">représentations qu’ils véhiculent</a> sur Internet ne peuvent être ignorés lorsqu’il s’agit de la santé mentale des enfants. Même les parents les plus avertis, à propos des médias, ne peuvent pas totalement contrôler les contenus que leurs enfants consomment ou les représentations qu’ils intériorisent. Néanmoins, je pense que certaines mesures peuvent être prises pour en atténuer les effets.</p>
<h2>Quand la peur est amplifiée</h2>
<p>Dans certains cas, les analyses faites par les médias d’information peuvent se révéler utiles pour comprendre les événements qui font l’actualité. Mais toutes les personnes avec un accès à Internet peuvent s’exprimer, qu’il s’agisse d’experts reconnus ou d’adolescents influents sur les réseaux sociaux. Ces personnes peuvent amplifier la peur d’un enfant, sans tenir compte du contexte.</p>
<p>Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, des chercheurs ont inventé le terme <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1111%2Fj.1468-2850.2007.00078.x">« terrorisme secondaire »</a> pour décrire la manière dont les représentations véhiculées par les médias d’information augmentaient la perception d’une menace et d’une situation de détresse.</p>
<p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations qu’ils véhiculent, les enfants peuvent développer une <a href="https://www.nature.com/articles/s41562-023-01538-4">vision déformée</a> du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile. Cela peut, en retour, amener chez eux de l’anxiété et entraver leur capacité à être en confiance et à s’engager dans le monde.</p>
<p>Le sentiment de sécurité des enfants peut également être altéré, ce qui rend difficile le développement chez eux d’un sentiment d’optimisme.</p>
<p>Des études ont révélé que, parmi les enfants exposés aux médias violents sous leurs <a href="https://www.aafp.org/about/policies/all/violence-media-entertainment.html">nombreuses formes</a>, certains risquaient de souffrir d’une perte de sensibilité, de peur, d’anxiété, de troubles du sommeil, d’agression et de symptômes de stress traumatique.</p>
<h2>Comment les parents peuvent-ils réagir ?</h2>
<p>Les parents doivent concilier deux priorités opposées.</p>
<p>D’une part, il est important d’élever les enfants pour qu’ils deviennent des citoyens informés, pour qu’ils cultivent des compétences adaptées à leur âge afin qu’ils s’impliquent, de manière critique, face aux événements et aux injustices du monde. On évoquera la réalité dévastatrice des fusillades dans les écoles (<a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-un-nombre-ahurissant-d-eleves-exposes-a-la-violence-par-armes-a-feu-dans-les-ecoles-americaines"><em>un nombre important de fusillades ont lieu dans des établissements scolaires aux États-Unis</em></a><em>, ndlr</em>) et d’autres lieux publics qui représentent une menace réelle pour les enfants, tout comme les conflits armés et les attaques terroristes qui ont lieu dans de nombreuses régions du monde.</p>
<p>D’autre part, les parents doivent surveiller la consommation que leurs enfants font des médias afin de réduire leur exposition à la violence et de contrôler la façon dont les enfants intériorisent des représentations fondées sur la peur, qui nuisent à leur bien-être psychologique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-de-jeunes-enfants-comment-guider-lusage-des-ecrans-153310">Avec de jeunes enfants, comment guider l’usage des écrans ?</a>
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<p>Les parents, les grands-parents, les enseignants et tous les autres adultes responsables d’enfants au sein de diverses communautés peuvent prendre des mesures pour atteindre cet équilibre délicat. Dans une vie d’enfants remplie par les médias, ils doivent offrir un cadre constant et sécurisé.</p>
<p>Tout d’abord, il est important que les adultes encouragent la réflexion critique sur ce que les enfants voient et entendent sur Internet et dans les médias. Les enfants et les adolescents doivent participer à des conversations adaptées à leur âge concernant les situations dont ils sont témoins et le contexte dans lequel surviennent des événements violents, en particulier quand ils ont lieu près de chez eux. Les conversations ouvertes, l’exploration des sentiments et la reconnaissance d’expériences vécues par les enfants et marquées par la tristesse, l’inquiétude, la colère ou la peur peuvent favoriser un dialogue réfléchi et une sécurité psychologique.</p>
<p>Ensuite, les adultes doivent veiller à fixer des limites à la consommation de médias et surveiller les contenus auxquels les enfants sont exposés. Regarder ou écouter les médias avec eux et créer un espace de discussion peut aider les enfants à donner un sens aux informations difficiles qu’ils reçoivent et cela permet aux parents de surveiller la réaction de l’enfant.</p>
<p>Enfin, les adultes doivent être des modèles pour leurs enfants concernant les médias d’information. Les enfants copient souvent le comportement de leurs parents et d’autres adultes. Nos propres <a href="https://www.insiderintelligence.com/content/us-time-spent-with-media-2019">habitudes de consommation des médias</a>, nos réactions et notre capacité à avoir une vie en ligne contrebalancée par des activités positives dans la vie réelle, cela parle aux enfants.</p>
<p>La violence du monde étant entre les mains des enfants et des adolescents, il incombe aux adultes de les guider vers une compréhension nuancée du monde, tout en leur assurant une sécurité psychologique.</p>
<p>Il est essentiel d’encourager l’esprit critique, de fixer des limites et de montrer un modèle de consommation responsable des médias.</p>
<p>Si les adultes mènent à bien ces actions des adultes, cela peut permettre à la prochaine génération de naviguer dans un monde de plus en plus complexe et interconnecté, en faisant preuve d’empathie, de résilience émotionnelle et d’esprit critique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristen Choi est financée par les National Institutes of Health et la Gordon and Betty Moore Foundation.</span></em></p>À force d’être exposés à des médias violents et aux représentations que ces médias véhiculent, les enfants peuvent développer une vision déformée du monde, perçu comme un endroit dangereux et hostile.Kristen Choi, Assistant Professor of Nursing & Public Health, University of California, Los AngelesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2101562023-10-11T17:23:39Z2023-10-11T17:23:39ZComment la Finlande encourage l’activité physique des enfants et des adolescents<p>Tandis qu’en France les opérations en milieu scolaire comme l’<a href="https://www.education.gouv.fr/30-minutes-d-activite-physique-quotidienne-dans-toutes-les-ecoles-344379">opération 30 minutes d’activité physique</a>) se succèdent pour <a href="https://www.education.gouv.fr/bouger-plus-pour-mieux-apprendre-30-minutes-d-activite-physique-quotidienne-dans-les-ecoles-344406">lutter contre la sédentarité</a> dès l’école primaire, « restaurer le capital santé » des enfants et « faciliter l’apprentissage », d’autres pays ont vu une <a href="https://www.activehealthykids.org/2018/11/09/finlands-2018-report-card-on-physical-activity-for-children-and-youth-has-been-launched/">augmentation constante des niveaux d’activité physique</a> chez les jeunes de 11 à 15 ans.</p>
<p>En Finlande, entre 2002 et 2018, la proportion de jeunes qui atteignent le minimum de 60 minutes d’activité physique par jour est passée de 18 % à 35 % chez les garçons et de 12 % à 29 % chez les filles dans ce même intervalle de temps.</p>
<p>Comment expliquer ces résultats ? Quels dispositifs notre voisin nordique a-t-il mis en place au sein des écoles pour réussir à guider les élèves vers un mode de vie actif ou <em>lifestyle</em> et les éduquer à travers les activités physiques et sportives ? Car pour le ministère de l’Éducation et de la Culture finlandais, augmenter le niveau d’activité physique est le moyen de faire accéder les enfants et les adolescents au bien-être et à la santé.</p>
<h2>Des liens entre activité physique et développement des apprentissages</h2>
<p>On peut constater des politiques nationales favorables à l’activité physique dans les écoles élémentaires et dans les écoles secondaires inférieures (ce qui équivaut au collège pour la France). Ainsi, la Finlande a lancé le programme <a href="https://liikkuvavarhaiskasvatus.fi/wp-content/uploads/2022/10/joy_in_motion_programme_document_LV_www.pdf">« Joy in Motion »</a> en 2017 dans les centres de petite enfance (garderie, crèches pour les enfants de 0 à 6 ans). Il s’agit d’un programme destiné à renforcer la pratique de l’activité physique quotidienne chez les jeunes enfants.</p>
<p>Car les liens entre l’activité physique et le développement des prérequis nécessaires aux apprentissages généraux ont été soulignés <a href="https://jyunity.fi/en/thinkers/outdoor-activities-and-play-are-important-for-childrens-motor-skill-development/">dans plusieurs enquêtes finlandaises</a>. Le pays accorde ainsi beaucoup d’importance à ce rapport entre activité physique et développement des apprentissages (motricité fine, concentration, mémorisation, etc).</p>
<p>Les enfants capables de marcher et âgés de 0 à 5 ans doivent alors faire au moins 180 minutes d’activité physique par jour. Un rapport <a href="https://journals.humankinetics.com/view/journals/jpah/15/s2/article-pS355.xml">« Finland’s report card on Physcial Activity for children and Youth »</a> (2018) indique qu’environ 59 % des jeunes enfants âgés de moins de 6 ans atteignent ces 180 minutes recommandées.</p>
<p>Dans les écoles élémentaires et dans l’enseignement secondaire (collège), le programme <a href="https://schoolsonthemove.fi/about-us/">« Finnish schools on move ! »</a> a été implanté suite au décret ministériel de 2012. Les transports actifs (vélo, marche) sont valorisés, les élèves doivent passer moins d’heures assis sur les bancs de classe par jour, ils ont des pauses actives en salle de classe et ont plus de récréations : pour chaque tranche de 45 minutes de travail à l’école primaire, 15 minutes de pauses conçues comme des moments actifs durant lesquels les enfants doivent « bouger ».</p>
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<p>En primaire, les élèves doivent avoir 60 minutes d’activité physique par jour et un suivi des données de santé sur application mobile a été mis en place. En mai 2018, 88 % des écoles primaires (2 096 écoles) participaient au programme Move !</p>
<p>Enfin on peut ajouter que la Finlande fait une large place à l’éducation physique (EP) dans l’emploi du temps des élèves. La discipline est en effet est considérée comme <a href="https://www.finlex.fi/fi/laki/alkup/2018/20180793">l’une des cinq principales matières du programme d’études</a> dans le primaire et dans le secondaire et représente un tiers du nombre total de cours (après le finnois, la littérature et les mathématiques).</p>
<p>Dans la plupart des écoles élémentaires, les élèves ont au minimum deux leçons de 45 minutes d’éducation physique par semaine en général, soit 90 minutes par semaine. Car elles doivent offrir un certain volume d’heures d’éducation physique sur les trois sections qui composent la <em>basic education</em> en Finlande : pour les années 1-2 (7-8 ans), le volume est de 152 heures annuelles d’EP ; pour les années 3-6 (9-12 ans), le volume est de 342 heures ; enfin pour les années 7-9 (13-15 ans), il est de 266 heures d’EP.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cours-deducation-physique-et-sportive-consistent-ils-seulement-a-faire-du-sport-203804">Les cours d’éducation physique et sportive consistent-ils seulement à faire du sport ?</a>
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<p>Par ailleurs, dans ces années 7 à 9, des cours d’EP sont proposés en option, de sorte que certains élèves peuvent avoir jusqu’à 6 leçons d’éducation physique par semaine. Généralement une « option éducation physique » est de 36 heures et son enseignement peut être organisé de différentes manières : avec des heures regroupées lors des journées plus longues en ski alpin par exemple, ou « dispatchées » dans l’emploi du temps hebdomadaire des élèves.</p>
<p>Au lycée, pendant trois ans, un cours d’EP est obligatoire, il est de 36 heures réparties sur l’année de différentes manières à nouveau. Il y a également la possibilité pour les élèves de choisir des « cours volontaires d’EP ».</p>
<h2>Favoriser la créativité et le bien-être des élèves</h2>
<p>La Finlande offre une grande liberté pédagogique aux établissements (qui recrutent eux-mêmes les professeurs) et aux enseignants d’éducation physique (qui sont libres de programmer les activités qu’ils souhaitent pour répondre au programme national) : il n’y a pas d’inspection nationale mais des enquêtes conduites au hasard dans les écoles.</p>
<p>S’appuyant sur le rapport précoce et affirmé des finlandais à la forêt, à la nature, ils proposent des leçons à partir d’activités tournées le plus souvent vers l’extérieur et la nature en fonction des saisons : ski de fond, patinage, marche nordique ou flower ball qui est l’activité très populaire. Seule la natation doit obligatoirement être programmée au « pays des mille lacs ».</p>
<p>Enfin, la formation des futurs enseignants d’EP est tournée vers l’ambition de renforcer le <em>lifestyle</em> des futures générations d’élèves en valorisant les expériences positives, la créativité et le bien-être de ces derniers. Nous avons observé les enseignants et les étudiants de la <a href="https://www.jyu.fi/sport/en">faculté du Sport et des Sciences de la Santé de Jyväskylä</a>, seule lieu de formation des futurs enseignants d’EP et avons constaté que les savoirs transmis aux étudiants et les compétences professionnelles travaillées valorisent la conception d’un enseignement fondé sur une pratique ludique plutôt que sur l’apprentissage de techniques spécifiques.</p>
<p>Le but pour les enseignants d’EP finlandais c’est que chaque élève trouve sa manière de faire, de réussir et qu’il se sente bien et heureux dans la leçon. Pour dribbler au basket-ball par exemple, les élèves ne vont pas copier une technique de haut niveau ou reproduire la technique d’un autre élève ou de l’enseignant. Ils vont trouver leur propre manière d’avancer vers la cible en dribblant. Elias, un enseignant de la faculté nous explique cet enjeu fort de formation :</p>
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<p>« J’utilise beaucoup de couleurs, de chiffres, de dés… donc je veux qu’ils soient positifs, créatifs, ouverts d’esprit. Je ne crois pas aux “compétences”. Si vous êtes très habile en tant que footballeur ou nageur, cela ne joue pas un grand rôle lorsque vous êtes enseignant. Je crois que plus vous êtes enthousiaste, plus vos élèves ont envie de bouger, d’essayer et de faire partie de vos cours. »</p>
</blockquote>
<p>Le développement de l’autonomie et la créativité des élèves sont ainsi des principes au cœur du <em>curriculum</em> officiel de l’éducation physique. La place conséquente importante accordée à l’éducation physique dans l’emploi du temps des élèves, l’importance accordée au bien-être et à la créativité dans les leçons de la discipline, les réformes politiques en faveur de l’activité physique sont de nature à renforcer le <em>lifestyle</em> des élèves, à les guider dans la construction d’un rapport positif et favorable à la pratique des activités physiques.</p>
<p>Les élections parlementaires des 200 députés finlandais en avril 2023 ont continué d’orienter les débats en direction des enfants, des adolescents, et de leur activité physique, de leur bien-être, de la qualité de leur vie. Les discussions actuelles portent par exemple sur l’augmentation du temps des leçons d’éducation physique qui pourraient passer de 90 minutes à 135 minutes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210156/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah Pochon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment lutter contre la sédentarité des jeunes ? C’est un problème mondial à l’heure des écrans. Zoom sur la Finlande qui a mis en place des politiques en faveur de l’activité physique.Sarah Pochon, Maîtresse de conférences en STAPS, Université d'ArtoisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2120592023-09-27T20:14:20Z2023-09-27T20:14:20ZCe que les chansons préférées des adolescents nous apprennent sur leur imaginaire amoureux<p>Que ce soit dans leur chambre, entre amis, dans les transports pour aller à l’école, sur leur téléphone ou sur l’ordinateur familial ou encore en fond sonore de vidéos TikTok, les adolescentes et adolescents d’aujourd’hui écoutent constamment de la musique. Leur goût pour telle pop-star ou tel nouveau hit relève-t-il uniquement de leurs préférences personnelles ? Ou peut-on déduire certaines de ces tendances de leurs caractéristiques sociales ?</p>
<p>Lors d’une enquête de terrain effectuée en 2022 auprès de cinq classes de quatrième dans une grande ville française, j’ai pu interroger 120 jeunes de 12 à 14 ans sur <a href="https://www.theses.fr/s302684">leurs goûts musicaux</a>. Je me suis ensuite intéressée plus spécifiquement à leurs chansons d’amour préférées. Que peut-on dire des représentations que celles-ci véhiculent ?</p>
<h2>Le genre et la classe sociale, déterminants pour les goûts personnels</h2>
<p>De nombreuses enquêtes, comme celle réalisée par Agi-Son auprès des 12-18 ans pour le <a href="https://agi-son.org/files/pages/barometre-2020-jeunes-musique-3-focus-224.pdf"><em>Baromètre : Jeunes, Musique et risque auditifs</em></a> placent le rap en première place des genres musicaux les plus écoutés par les jeunes, et ce depuis 2017. Cette tendance se retrouve très largement chez les personnes rencontrées dans mon enquête dont la majorité, peu importe leur genre ou leur origine sociale, écoute du rap.</p>
<p>Si on peut parler d’une homogénéisation des <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2013_num_173_1_3754">goûts musicaux</a>, en y regardant de plus près on constate que les filles écoutent les mêmes artistes que les garçons mais que l’inverse n’est pas vrai. En effet, non seulement les garçons n’écoutent quasiment pas d’artistes féminines, hormis quand celles-ci chantent en duo avec un artiste qu’ils apprécient (<a href="https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=5ZG03m-dxIc">Tiakola et Ronisia</a>) mais certains styles musicaux sont relégués dans le domaine du féminin : les chansons d’amour, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/k-pop-8167">k-pop</a>, la musique traditionnelle, la j-pop, les pop-stars féminines, le raï et la musique de comédie musicale. À l’inverse, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/musique-rap-120211">rap</a> et le rock sont écoutés indifféremment par les filles comme par les garçons.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5ZG03m-dxIc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ronisia – Comme moi (Clip officiel) ft. Tiakola.</span></figcaption>
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<p>Dans une moindre mesure, les adolescentes et adolescents d’un milieu aisé écoutent ce qu’écoutent les jeunes de classe populaire mais pas le contraire. La popularité du rap peut expliquer pourquoi ce sont les jeunes hommes, souvent racisés, de classe populaire qui décident actuellement des tendances : la majorité des artistes rap populaires font partie de ce groupe et ciblent un public qui leur ressemble.</p>
<p>Les pratiques d’écoute des jeunes de familles bourgeoises se singularisent par l’écoute de la radio, que l’on ne retrouve dans aucun autre groupe, tout comme l’écoute de podcasts et de « musiques anciennes » (quand je leur demande de préciser, ils et elles citent Jacques Brel et Nancy Sinatra) ainsi que la musique classique, citée par 7 % des élèves de cette classe, mais par 3,33 % des adolescents interrogés au total.</p>
<h2>Et tu écoutes quelle(s) musique(s), quand tu es amoureux·se ?</h2>
<p>La question de leurs chansons d’amour préférées, posée afin d’en savoir un peu plus sur leur imaginaire amoureux, nous donne une idée de ce qui se passe dans les AirPods d’un ado amoureux. Plusieurs déclarent que leurs pratiques d’écoute sont modifiées par le sentiment amoureux, comme Vincent, qui écrit : « Quand je suis amoureux, je vais écouter des musiques d’amour version rap et essayer de m’imaginer avec la personne sur laquelle je suis en crush ».</p>
<p>Les deux chansons d’amour les plus citées par les adolescents se divisent également suivant le genre. Pour les filles il s’agit du titre <em>Je t’a(b)ime</em> de la chanteuse Nej, dont voici le refrain :</p>
<blockquote>
<p>On s’aime mais on s’abîme<br>
Dans toute cette histoire j’y ai laissé mon être<br>
Si t’aimer est interdit j’veux que tu sois mon enfer<br>
(On s’aime mais on s’abîme, on s’aime mais on s’abime)<br>
Tu es ma punition, sur Terre mon châtiment<br>
À l’agonie je n’comprend plus mes sentiments</p>
</blockquote>
<p>Et pour les garçons c’est « Lettre à une femme » du rappeur Ninho qui remporte la première place :</p>
<blockquote>
<p>J’pourrais t’aimer toute ma vie même si tu fais trop mal au crâne<br>
C’est comme une maladie sans vraiment savoir où j’ai mal<br>
Et tes copines veulent tout gâcher, à chercher mes erreurs<br>
Et si elles arrivent à trouver, y aura des cris, des pleurs<br>
[…] J’ai son cœur dans la poche<br>
Mais rien qu’elle brouille les pistes<br>
Elle veut qu’j’fasse des efforts,<br>
Elle prendra la tête toute ma vie</p>
</blockquote>
<p>Ces deux chansons, très populaires au sein de la discographie de leurs artistes respectifs, proposent une vision de la relation de couple bien loin de celle des contes de fée que les ados lisaient encore quelques années auparavant. A les écouter, on se dit que les relations amoureuses « des grands », c’est quand même beaucoup de problèmes et de souffrance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ifNfpzkoY9s?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ninho, « Lettre à une femme ».</span></figcaption>
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<p>Ces deux titres montrent parfaitement le fossé entre les tourments amoureux attendus de part et d’autre d’un couple hétérosexuel ; alors que Ninho parle de « mal au crâne » Nej chante déjà « l’agonie » et quand elle accepte la « punition » et même le « châtiment » par amour, lui menace de « cris et des pleurs » si sa compagne et ses amies le critiquent un peu trop.</p>
<h2>Les histoires d’amour finissent mal, en général ?</h2>
<p>Quand on leur demande « ce qui en fait des vraies chansons d’amour, ce qui prouve qu’il y a de l’amour », voici ce que répondent les collégien·ne·s :</p>
<p>Le groupe qui a choisi « Lettre à une femme » surligne « y aura des cris, des pleurs » comme étant une preuve d’amour. Axelle m’explique « Il veut dire qu’il reste avec elle dans les hauts et les bas quand il dit qu’elle fait mal à la tête ! » Derrière, Elif et Nabila ont choisi <em>Je t’a(b) ime</em> de Nej et surlignent « Tu es ma punition, sur Terre mon châtiment ». Je remarque « Bah c’est pas très romantique ça non ? Une punition c’est plutôt négatif ! », les deux s’insurgent : « Mais non mais c’est trop beau ce qu’elle dit ! », petit moment de gêne, incompréhension des filles qui essayent de me prouver que la souffrance est romantique, j’essaye de me rattraper « C’est vous qui décidez ce que vous trouvez romantique de toute façon ! » (extrait carnet de terrain).</p>
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<p>Si <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ninho">Ninho</a> est un des artistes préférés de tous les garçons interrogés, peu importe leur classe sociale, les jeunes filles aisées ne déclarent pas écouter la chanteuse Nej et lui préfèrent Angèle, connue notamment pour sa chanson « Balance ton quoi ». Les discours féministes, qu’ils passent en chanson ou par d’autres contenus culturels, sont généralement plus accessibles et recommandés aux filles de classes sociales supérieures. Si elles ne sont pas les seules victimes de violences, les jeunes de classes populaires auraient besoin de pouvoir accéder en priorité aux programmes de prévention des violences dans les relations amoureuses. Sans rendre les œuvres culturelles responsables de cette violence, on peut noter comment celle-ci est mise en scène et comment elle est reçue par les jeunes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Hi7Rx3En7-k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Angèle – Balance Ton Quoi (CLIP OFFICIEL).</span></figcaption>
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<p>Jordan et Farid remplissent le questionnaire en lisant les questions à haute voix l’un à l’autre. Jordan « Si ton ou ta partenaire te dit des choses méchantes et s’énerve contre toi, comment réagis-tu ? », Farid répond « je la frappe ! » et Jordan renchérit « j’lui mets deux-trois coups de couteaux ! » puis ajoute en captant mon regard « c’est une chanson hein ! » (<em>extrait de carnet de terrain</em>)</p>
<p>La chanson en question est « CANADA » du rappeur 1PLIKÉ140, dans laquelle on entend ces paroles « 2-3 coups d’couteau bien placés, impossible qu’ils reviennent comme le mec de Nabilla ». L’artiste fait référence ici à <a href="https://www.leparisien.fr/laparisienne/people/proces-nabilla-je-n-ai-pas-essaye-de-lui-faire-mal-mais-de-mettre-fin-a-une-dispute-19-05-2016-5809575.php">Thomas Vergara, mari de Nabilla Benattia, qui a été poignardé par sa compagne lors d’une dispute conjugale en 2014</a>. Le couple, qui s’est formé dans une émission de télé-réalité, est toujours ensemble neuf ans après l’incident. Les relations d’amour/haine, au sein desquelles une réelle violence s’exprime, font la popularité de nombreuses émissions de télé-réalité actuelles. D’après l’étude <a href="https://www.moijeune.fr/">#MoiJeune 20 Minutes – OpinionWay</a> de 2021, près d’un tiers des jeunes regarde des émissions de télé-réalité, avec toutefois une nette différence entre les garçons (18 %) et les filles (43 %).</p>
<p>Que ce soit dans la musique, les émissions de télé, les séries ou la littérature <a href="https://theconversation.com/les-romans-young-adult-une-litterature-populaire-131715">« young adult »</a>, faire rimer romance et violence est fréquent dans de nombreuses œuvres qui rencontrent un grand succès auprès des ados : on peut citer la série <em>Gossip Girl</em>, la chanson <em>Jaloux</em> de Dadju, le film <em>365 jours</em>, le roman <em>Jamais plus</em> de Colleen Hoover, la chronique Wattpad d’Inaya <em>Jusqu’à la mort</em>…</p>
<p>Cette fascination pour les relations torturées, que l’on appellerait aujourd’hui abusives ou toxiques, soulève des inquiétudes quant aux attentes amoureuses des adolescentes. En effet les filles de 15 à 25 ans sont, comme le rappelle Sophie Barre, <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/feminicides/violences-conjugales-les-adolescentes-et-les-jeunes-femmes-des-victimes-qui-passent-sous-les-radars_5482662.html">membre de la coordination nationale de l’association féministe NousToutes</a>, « les premières à subir les violences conjugales, mais les moins présentes dans les dispositifs mis en place pour leur venir en aide ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212059/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Lambolez a reçu des financements de l'école doctorale 483 - Sciences sociales de l'Université de Lyon pour réaliser sa thèse.</span></em></p>Quels genres musicaux les jeunes de 12-14 ans plébiscitent-ils ? Quelles représentations de l’amour leurs chansons préférées véhiculent-elles ? Retour sur quelques enseignements d’une enquête de 2022.Marine Lambolez, Doctorante, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2071422023-08-28T16:54:09Z2023-08-28T16:54:09ZPornographie : quels impacts sur la sexualité adolescente ?<p>Dès 2003, Gérard Bonnet, professeur en psychologie et psychanalyste, posait la pornographie comme un <a href="https://www.decitre.fr/livres/defi-a-la-pudeur-9782226136732.html">« défi à la pudeur »</a>. Elle s’impose aujourd’hui plus largement comme un « défi pour la construction de la sexualité adolescente ».</p>
<p>Jusqu’à très récemment, en France, ce sujet n’a pas été véritablement pris au sérieux. Et même si le gouvernement actuel s’est exprimé pour déplorer l’accès des jeunes aux contenus pornographiques, s’il a manifesté son intention de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/06/le-gouvernement-face-au-probleme-de-la-verification-de-l-age-sur-les-sites-pornographiques_6176344_4408996.html">mieux le réguler</a>, si ce n’est l’empêcher, le projet n’a pour l’heure débouché sur une aucune mesure concrète. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-question-de-lacces-des-mineurs-aux-sites-pornographiques-bientot-resolue-201483">La question de l’accès des mineurs aux sites pornographiques bientôt résolue ?</a>
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<p>D’un usage prohibé à la libération sexuelle, la pornographie semble, dans notre environnement numérique contemporain, ne plus connaître aucune limite. Sur la Toile, les sites pornographiques fleurissent, et sont d’ailleurs les plus représentés (et les plus consultés) avec des centaines de millions de pages, qui ne manquent pas de s’insinuer dans des recherches anodines à travers les <em>fenêtres pop-up</em>. De sorte que, sans même le rechercher, l’<em>œil</em> semble irrémédiablement contraint à voir des images pornographiques…</p>
<p>L’essor des nouvelles technologies a donc offert à la pornographie un support de diffusion exponentielle, accessible à tous… y compris (et même surtout) aux enfants et aux adolescents sachant toujours mieux que les adultes manier ces outils. </p>
<p>Différentes enquêtes menées en France estiment qu’environ la moitié des adolescents, filles et garçons, auraient été confrontés à des images pornographiques <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/107629/alice-au-pays-du-porno-ados-leurs-nouveaux-imaginaires-sexuels?_lg=fr-FR">avant l’âge de 13 ans</a>, que 63 % des garçons et 37 % des filles, âgés entre 15 et 17 ans, <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2018/01/15-07-Rapport-final.pdf">consultent régulièrement des sites pornographiques</a>. Plus récemment encore, que 30 % des internautes consultant ces sites sont des mineurs, et que quotidiennement, un <a href="https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/frequentation-des-sites-adultes-par-les-mineurs">mineur sur dix consultent ce type de contenus</a> – tout particulièrement à partir de leur téléphone portable (smartphone) personnel (pour les trois-quarts d’entre eux).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-une-consommation-massive-un-risque-pour-les-jeunes-et-une-urgence-a-reguler-163735">Pornographie en ligne : une consommation massive, un risque pour les jeunes et une urgence à réguler</a>
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<p>En somme, Internet a « démocratisé » (l’usage de) la pornographie, rendant son accès facile, immédiat, permanent et sans véritable réglementation. Elle n’appelle plus aucun effort du voir, dans ce qu’il sous-tend de transgressif, de plaisir, de culpabilité ou de honte. De la sidération au dégoût en passant par la <em>compulsion du voir</em>, les adolescents ont à composer avec la cyberpornographie dans leurs espaces d’expérience, de rencontre… et ses retentissements sur leurs bouleversements pubertaires.</p>
<h2>Représentations de la sexualité et de la femme</h2>
<p>Les recherches, essentiellement nord-américaines, menées auprès des adolescents depuis les années 2000, interrogent l’influence de la pornographie sur leurs représentations de la sexualité et de la femme, comme sur leurs pratiques sexuelles. Il apparaît que la confrontation aux codes pornographiques amènerait les adolescents – tant les filles que les garçons – à davantage considérer la femme comme « un objet sexuel », et à modifier le rapport à leur corps, dès lors investi sur un mode anxiogène.</p>
<p>Ainsi les adolescents, utilisant la cyberpornographie comme source principale d’information, mentionnent l’impact de ce support dans leurs activités sexuelles, adoptant des pratiques plus diversifiées, en miroir aux modèles véhiculés. Mais, dans le même temps, ils peuvent reconnaître certains effets négatifs associés. Cette reconnaissance aurait un effet modérateur, de sorte que la consommation de pornographie pourrait s’inscrire dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961715000094#:%7E:text=Il%20en%20ressort%20que%20les,de%20leurs%20pairs%20non%2Dconsommateurs.">« processus développemental adolescentaire »</a>, répondant à une quête de repères en matière de sexualité. </p>
<p>Cette quête est d’ailleurs avancée par certains adolescents eux-mêmes : il s’agit d’<em>aller voir</em>, par curiosité, avant le premier rapport sexuel. Cette curiosité est animée par l’éveil de la sexualité adolescente. L’envahissement pulsionnel à ce moment et la nécessité de décharge qui en découle altèrent tout discours critique sur la nature des images et les représentations ainsi constituées. </p>
<p>Cependant, ce positionnement se renverse avec le passage à une relation affective et sexuelle avec un ou une partenaire « dans la vraie vie ». Dès lors, le visionnage de porno diminue, des sentiments de futilité ou de honte émergent… ainsi que l’expérimentation que <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2018/01/15-07-Rapport-final.pdf">« la pornographie n’est pas la réalité »</a>.</p>
<h2>La pornographie : un court-circuit de l’activité fantasmatique</h2>
<p>En somme, les dérives psychopathologiques ou addictives apparaissent marginales, elles concernent les adolescents les plus fragiles, dont l’imaginaire demeure captif de cette iconographie. D’ailleurs, à ce jour, le lien entre consommation de pornographie et agressions sexuelles à l’adolescence n’est pas établi. Néanmoins, c’est dans notre pratique auprès d’adolescents présentant une <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2008-7-page-675.htm"><em>sexualité préoccupante</em></a>, voire auteurs de violences sexuelles, que cette question s’est imposée. Ces jeunes mentionnent fréquemment un contact répété, massif avec la pornographie. </p>
<p>Si bien évidemment, tous les adolescents qui visionnent ce type d’images ne s’engagent pas dans ce type d’agir, le fait que la pornographie s’intègre dans les usages numériques courants des jeunes ayant des comportements problématiques invite à interroger l’impact de la <a href="https://www.puf.com/content/La_violence_du_voir">« violence du voir »</a> cyberpornographique sur la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1158136017300713">construction de la sexualité adolescente</a>. </p>
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<p>Nous avons fait l’hypothèse que la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2016-1-page-205.htm">consommation de pornographie</a> à l’adolescence procéderait comme un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961713002286">court-circuit de l’activité fantasmatique</a>. Alors que l’imaginaire, et donc la pensée, occupe une grande place dans l’élaboration des relations amoureuses et sexuelles, la pornographie les réduit aux sexes (visibles, réels) et à un acte-exploit(ation) dégagé des enjeux affectifs, annihilant toute potentialité de rêverie. </p>
<p>D’ailleurs dans sa forme la plus commune (scènes, « clips »), il n’y a même plus de scénario – ni même de scénarisation possible ? – là où l’image écrase toute projection, tout mouvement fantasmatique. Sous prétexte de tout montrer, la pornographie démantèle la sexualité (limitée à l’acte, à des pratiques hyper spécifiques) et le processus d’unification du corps, dès lors restreint à l’organe.</p>
<h2>Un potentiel traumatique</h2>
<p>Ces caractéristiques amènent à envisager le potentiel traumatique des images pornographiques (massivité de l’excitation provoquée, effraction, sidération…) ; d’autant plus que le sujet y est confronté précocement. Dans ces cas, la rencontre avec le sexe, avec la brutalité du sexe précède toute compréhension de la sexualité (adulte), risquant d’engager des fixations, des clivages… bref un vécu traumatique. Notons également que les contextes dans lesquels nous avons observé des consommations problématiques sont souvent marqués par des expériences traumatiques antérieures (relatives à la sexualité ou non).</p>
<p>Enfin, dans le même temps et dans une perspective dynamique, le recours à la pornographie à l’adolescence pourrait se comprendre comme une tentative d’intégrer (psychiquement) la sexualité adulte. L’iconographie pornographique constituerait à l’adolescence une surface de projection de l’énigme du sexuel, une manière, certes fragile, de mettre au-dehors l’étrangeté et la violence du phénomène pubertaire.</p>
<p>En ce sens, comme toutes images, la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/bienfaits-des-images_9782738112033.php">pornographie n’est <em>ni bonne, ni mauvaise</em></a>. Elle se présente pour nombre d’adolescents comme une source intarissable d’informations, un guide des « bonnes pratiques » en matière de sexualité. Suivant cette perspective, <a href="https://www.inpress.fr/livre/la-violence-de-limage/">comme l’a montré François Marty (2008) à propos des images violentes</a>, les images pornographiques permettraient aux adolescents de contenir le débordement pulsionnel, lui offrir une première forme de représentation, voire le symboliser. </p>
<p>Cependant, en alimentant à la fois l’excitation et son soulagement, tout en faisant l’impasse sur le fantasme et la relation, la pornographie risque d’assujettir les adolescents les plus fragiles (tels que nous les rencontrons en consultation). C’est d’ailleurs l’un des enjeux de notre proposition thérapeutique : mettre des mots sur l’excitation provoquée par le sexe et les images du sexe. </p>
<p>Car c’est l’absence de parole autour de ces « figures-choc » et des sensations générées par la pornographie qui peut s’avérer pernicieuse. Là où l’écrasement de l’imaginaire risque d’entraîner un clivage entre affectivité et sexualité ; entre le Moi superficiel de l’adolescent apparemment satisfait dans ses besoins et son Moi profond insatisfait dans ses désirs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207142/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Smaniotto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec Internet, la part d’adolescents confrontés à des contenus pornographiques a fortement progressé. En quoi peut-elle alors impacter la construction de leur sexualité ?Barbara Smaniotto, Maître de Conférences-HDR en Psychopathologie et Psychologie Clinique, CRPPC, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2120682023-08-24T16:51:39Z2023-08-24T16:51:39ZParents : comment parler de problèmes d’argent à ses enfants<p>Adolescente, j’ai connu <a href="https://www.theguardian.com/business/2019/nov/17/remembering-the-recession-the-1990s-experience-changed-my-view-of-the-world">récession des années 1990</a> en Australie, et je me souviens clairement de cet ami qui avait demandé à son père un peu d’argent pour aller au cinéma. Tout à la fois frustré et résigné, son père lui avait expliqué qu’il venait d’être licencié et qu’il n’était pas certain qu’un autre emploi se profile à l’horizon. Il n’avait donc pas de quoi lui donner de <a href="https://theconversation.com/a-ladolescence-une-pedagogie-de-largent-de-poche-182963">l’argent de poche</a> pour des billets de cinéma. Plutôt que de nous bouleverser ou de nous effrayer, cette réponse avait été une sorte d’illumination par les adolescents un peu désemparés que nous étions.</p>
<p>C’est de cette manière que de nombreux enfants apprennent les difficultés financières de leurs parents : en se voyant refuser quelque chose qu’ils ont toujours pu avoir. C’est ce qui produit un déclic.</p>
<p>Mais il n’est pas facile de parler à ses enfants de l’augmentation du coût de la vie. Beaucoup de parents craignent d’inquiéter leurs enfants ou de leur inculquer pour le restant de leurs jours un « état d’esprit de pénurie », c’est-à-dire le sentiment que toute dépense serait une erreur.</p>
<p>Alors, comment trouver les mots justes pour évoquer des difficultés d’argent ? Et comment adapter son discours à l’âge de son enfant ?</p>
<h2>Restez calme et expliquez les choses simplement aux enfants</h2>
<p>La plupart des enfants en âge de fréquenter l’école primaire n’ont pas conscience de la réalité économique qui règne en dehors de leur famille et de leur entourage immédiat. Ils n’ont pas encore développé la capacité de remettre des changements soudains en perspective.</p>
<p>L’essentiel est de ne pas laisser vos propres angoisses déteindre sur eux. Les enfants de cet âge considèrent leurs parents comme des points de repère et vont <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2794157">refléter</a> toute crainte ou anxiété que vous exprimez, parfois de manière disproportionnée. Le calme et la simplicité sont donc des clés importantes.</p>
<p>Expliquez simplement que les choses coûtent de l’argent et que vous n’en avez pour l’heure pas autant que d’habitude, de sorte qu’en tant que famille, il y a certaines choses que vous ne pouvez plus vous permettre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-grande-distribution-sadapte-aux-tensions-sur-le-pouvoir-dachat-197146">Comment la grande distribution s’adapte aux tensions sur le pouvoir d’achat</a>
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<p>Les très jeunes enfants peuvent être d’un narcissisme impitoyable, ce qui est normal à ce stage de leur développement psychique. Ils peuvent même exiger que vous travailliez plus, ou plus dur, pour qu’eux puissent s’offrir les articles et les activités qu’ils désirent. Le mieux que vous pouvez faire est de rire de ce type de réponses et de dire que vous allez essayer, tout en expliquant que, pour le moment, il faudra se tourner vers d’autres loisirs.</p>
<p>Envisagez un programme qui substitue à leurs anciennes activités des activités gratuites. Par exemple, expliquez-leur que, s’ils ne peuvent pas pratiquer leur sport habituel cette saison, vous irez au parc local chaque semaine pour taper dans un ballon et faire un pique-nique à la place.</p>
<h2>Donnez un rôle aux adolescents</h2>
<p>Selon le plus ou moins grand intérêt qu’ils accordent à l’actualité et leur appréhension des maths et de l’économie, une baisse soudaine du budget familial peut également constituer un choc pour les adolescents.</p>
<p>Mais vers l’âge de 12 ans, les enfants connaissent une sorte d’explosion de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3621648/">leurs capacités à comprendre et traiter des informations</a>. Non seulement ils seront en mesure de saisir votre situation mais aussi de vous donner un coup de main.</p>
<p>En donnant aux adolescents un « rôle » à jouer pour aider la famille, on leur donne un sentiment de compétence et cette façon d’envisager les problèmes en équipe répond aux inquiétudes qu’il peuvent ressentir. En d’autres termes, ils se sentiront moins impuissants. Cette approche s’appuie sur ce que les psychologues et les chercheurs appellent la <a href="https://selfdeterminationtheory.org/theory/">« théorie de l’autodétermination »</a>.</p>
<p>Ce concept fondé sur de nombreuses études postule que la plupart des êtres humains ont un besoin inné de :</p>
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<li><p>faire l’expérience et de démontrer leur autonomie (faire leurs propres choix, agir de leur propre volonté) ;</p></li>
<li><p>ressentir qu’ils sont bons dans quelque chose, d’avoir accompli quelque chose de valable ;</p></li>
<li><p>de bien travailler avec d’autres, en particulier avec des personnes qui leur sont chères. </p></li>
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<p>Travailler en équipe pour atteindre un objectif commun est donc un excellent moyen pour une famille de se serrer les coudes et de contribuer au bien-être mental de chacun. Discutez avec vos adolescents des activités, des événements et des éléments qui pourraient être mis en veilleuse ou abandonnés. N’oubliez pas que les adolescents ont une perception très fine de l’hypocrisie. Il est inutile de leur suggérer de réduire leurs loisirs, par exemple, si vous n’êtes pas prêts à faire de même.</p>
<p>Profitez-en pour discuter de la différence entre « désirs » et « besoins » et demandez-leur de classer les dépenses familiales dans ces catégories. Discutez calmement des points de désaccord.</p>
<p>Demandez à vos adolescents de réfléchir à des moyens plus efficaces de faire des économies – et de vous y aider. Ils aimeront peut-être trouver des idées telles que faire les courses avec un programme des menus de la semaine dans des magasins moins chers, rechercher les promotions, se rendre à l’école à pied ou en vélo lorsque c’est possible, trouver un petit job ou faire du baby-sitting.</p>
<p>Plutôt que de se focaliser sur ce dont on doit se passer, il s’agit de travailler sur ce qu’on peut faire différemment. Apprenez à vos enfants que la vie peut être semée d’embûches, mais que la façon dont on les gère est essentielle. Cela les aidera à devenir des adultes résilients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212068/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rachael Sharman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte d’inflation, les familles peuvent être contraintes de revoir leurs priorités et de renoncer à certaines activités. Comment expliquer la situation aux enfants sans les paniquer ?Rachael Sharman, Senior Lecturer in Psychology, University of the Sunshine CoastLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094312023-07-23T15:17:00Z2023-07-23T15:17:00ZCocaïne, ecstasy, hallucinogènes… Quels sont les comportements des jeunes face aux drogues illicites ?<p>Beaucoup de clichés circulent autour de la consommation de drogues chez les jeunes, ils consommeraient de plus en plus tôt et en plus grande quantité que leurs aînés, mais qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, nous menons <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2022-tendances-155-mars-2022/">l’enquête sur la santé et les consommations</a> lors de la Journée d’appel et de préparation à la défense (ESCAPAD). Cette dernière est conduite depuis l’an 2000 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) en collaboration avec la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Menée pour la première fois en 2000, elle a été réalisée neuf fois et nos derniers résultats datent de 2022.</p>
<p>Elle porte principalement sur les consommations de substances, mais d’autres thématiques de santé, selon les années, sont abordées dans le questionnaire comme les conduites addictives sans substance (jeux d’argent et de hasard, par exemple), la santé mentale, le handicap ou les comportements alimentaires. </p>
<p>ESCAPAD interroge tous les adolescents convoqués à la journée défense et citoyenneté (JDC) durant une période de 15 jours. En 2022, 23 701 adolescents présents, âgés de 17,4 ans en moyenne, ont ainsi reçu un questionnaire autoadministré anonyme entre le 21 et 25 mars 2022. L’échantillonnage aléatoire, un taux de participation de 84 % (présents vs convoqués) ou encore un taux de réponse supérieur à 95 % (présents vs questionnaires valides) garantissent la bonne représentativité de l’échantillon de répondants. L’enquête permet ainsi d’estimer, entre autres données épidémiologiques, les niveaux de consommation de drogues licites ou illicites parmi les jeunes Français âgés de17 ans et d’en suivre les évolutions sur deux décennies. </p>
<h2>Niveaux d'expérimentation</h2>
<p>La première substance illicite expérimentée durant l’adolescence est le cannabis, en 2022, 29,9 % des adolescents de 17 ans en avaient déjà consommé au moins une fois dans leur vie. En comparaison, les niveaux d’expérimentation des autres produits illicites comme la cocaïne, l’ecstasy (ou MDMA), l’héroïne… sont bien moindres et inférieurs à 2 %, niveau d’expérimentation le plus élevé observé en 2022 pour l’ecstasy. </p>
<iframe title="Evolution de l'expérimentation des drogues illicites" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-rF216" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rF216/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="421" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Ces niveaux marquent tous une baisse importante par rapport à 2017. Derrière l’ecstasy, la cocaïne (hors freebase/crack) est la deuxième substance expérimentée avec 1,4 % des adolescents de 17 ans, viennent ensuite les drogues hallucinogènes (LSD, champignons, kétamine) autour de 1 %, l’expérimentation de l’héroïne et du crack demeurant résiduelle avec des niveaux inférieurs à 1 %. Au final, avoir déjà consommé au moins une des huit substances questionnées concerne, en 2022, 3,9 % des jeunes Français de 17 ans.</p>
<p>Il convient de préciser que l’expérimentation de ces produits survient plus tardivement que celles de l’alcool, du tabac et du cannabis, soit au-delà de 16 ans en moyenne.</p>
<p>L’expérimentation de ces substances s’est accrue de manière continue jusqu’en 2014, avant d’amorcer une baisse qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Derrière cette évolution généralisée de baisse se cachent des dynamiques propres à chaque substance. Par exemple, si les niveaux pour la cocaïne ont progressé régulièrement avant de baisser, ceux de l’usage d’ecstasy (ou MDMA) ont connu des variations erratiques au cours des deux dernières décennies. Ces variations sont difficiles à expliquer, mais peuvent être liées à des phénomènes de mode qui peuvent à l’adolescence être parfois éphémères.</p>
<h2>Statut scolaire</h2>
<p>À l’instar de la consommation d’alcool ou de cannabis, ces expérimentations de produits illicites (autres que le cannabis) restent un peu plus le fait des garçons même si, compte tenu des niveaux, il est difficile de conclure que les comportements entre filles et garçons puissent diverger ou converger. Les usages de LSD et de champignons hallucinogènes s’avèrent cependant légèrement plus marqués par le genre. </p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites chez les filles et les garçons " aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-ZB8Bh" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZB8Bh/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="569" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Elles sont, par ailleurs, très fortement associées au statut scolaire, les jeunes sortis du système scolaire (adolescents déscolarisés, en service civique ou, plus rarement, en emploi) sont les plus nombreux à consommer au moins un autre illicite (11,3 % d’expérimentation), devant les apprentis (6,9 %) et les lycéens (3,5 %). Ces différences peuvent, pour partie, s’expliquer à la fois par une autonomie financière (même si elle reste limitée) ou un moindre contrôle parental. Il convient de noter que la relation entre usages de substances et sortie précoce du système scolaire ne relève pas d’une causalité à sens unique : si l’effet de ces substances sur les performances scolaires à l’adolescence <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/josh.12723">est bien établi</a>, les problèmes conduisant à une <a href="https://www.jstor.org/stable/2657556">sortie précoce du système scolaire</a> apparaissent généralement bien avant les premiers usages de substances psychoactives illicites (après 16 ans), et en constituent même un déterminant.</p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites selon la situation scolaire" aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-IgVK1" src="https://datawrapper.dwcdn.net/IgVK1/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="324" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Cette photographie en 2022 des usages de substances psychoactives illicites parmi les adolescents de 17 ans traduit une évolution favorable en termes de santé publique. Si les tendances observées sont le fruit des dynamiques à l’œuvre depuis une dizaine d’années, il convient de ne pas oublier qu’elles interviennent après deux années singulières, marquées par la crise sanitaire liée au Covid-19 et plusieurs confinements de la population qui ont perturbé fortement les sociabilités juvéniles. Cela pourrait avoir contribué au recul observé entre 2017 et 2022 des expérimentations, qui se déroulent majoritairement dans des contextes de sociabilité et festifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stanislas Spilka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’après une étude réalisée sur plus de 23 000 adolescents de 17 ans, la consommation de drogues illicites autres que le cannabis est en baisse et à de faibles niveaux..Stanislas Spilka, Responsable unité DATA, Observatoire français des drogues et tendances addictivesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067152023-06-06T20:01:34Z2023-06-06T20:01:34ZDes chiens dans les écoles : la médiation animale pour prendre soin des élèves<p><a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/au-college-paul-gauthier-de-cavaillon-les-cours-en-classe-ulisse-deroulent-avec-un-invite-a-quatre-1554051648">Oasis</a>, <a href="https://actu.fr/societe/college-balzac-a-alencon-pixel-chien-forme-a-la-reussite-educative-integre-un-dispositif-experimental_48106844.html">Pixel</a>, <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/article/ce-lycee-a-embauche-un-chien-mediateur-pour-eviter-les-conflits-entre-eleves_d7282648-22d9-11e9-8753-c5287de992f4/">Naya</a>, <a href="https://www.midilibre.fr/2020/09/26/la-mediation-grace-au-chien-une-experimentation-au-college-9097251.php">Platon</a> ou <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/eure/evreux/un-chien-de-mediation-animale-au-college-henry-dunant-d-evreux-ca-rend-la-classe-un-peu-plus-agreable-2687862.html">Silou</a> ne sont pas de nouveaux acronymes dont l’éducation nationale est friande mais les noms de 5 Golden Retrievers présents depuis plusieurs années au sein d’établissements scolaires pilotes de la <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/eure/evreux/un-chien-de-mediation-animale-au-college-henry-dunant-d-evreux-ca-rend-la-classe-un-peu-plus-agreable-2687862.html">médiation animale</a>. </p>
<p>Relativement récente dans les écoles, cette pratique a une longue histoire dans le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/un-jour-en-france/la-mediation-animale-1397550">domaine médical</a> et la présence animale s’est révélée être auprès des personnes en situation de dépendance ou de handicap un atout majeur, au niveau <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003448710002544">physique, physiologique ou préventif</a> mais également en tant qu’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1166341319301885">outil pédagogique et de socialisation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pour-motiver-votre-enfant-a-lire-et-si-vous-adoptiez-un-chien-114234">Pour motiver votre enfant à lire, et si vous adoptiez un chien ?</a>
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<p>L’intérêt actuel pour cette approche éducative souligne l’émergence d’un nouveau regard sur l’animal et d’une autre façon de penser l’éducation. Cette pratique qui consiste à introduire des animaux domestiques dans les environnements scolaires donnerait déjà des résultats significatifs du point de vue du bien-être des élèves, du climat scolaire mais aussi des apprentissages.</p>
<h2>Des bénéfices pour les compétences sociales des enfants</h2>
<p>La présence d’animaux en classe est soumise à une réglementation mais aussi à une connaissance de la <a href="http://ien21-centre.ac-dijon.fr/IMG/pdf/NS85179Protection_animal.pdf">protection de l’animal</a>. Dans le cas de la médiation animale, les animaux sollicités sont des animaux de compagnie et, légalement, il n’existe pas d’interdiction dans le code de l’éducation concernant leur présence dans les établissements. </p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006657057/2005-02-12">La loi du 30 juillet 1987</a> donne accès aux lieux permettant une activité professionnelle, formatrice ou éducative aux chiens guides d’aveugle ou d’assistance accompagnant les personnes titulaires de la carte d’invalidité. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044387560">La loi du 30 novembre 2021</a> visant à lutter contre la maltraitance animale et à conforter le lien entre les animaux et les hommes rend possible les expérimentations en milieu scolaire qui, en se développant, donnent lieu à un <a href="https://cardie.ins.ac-guyane.fr/IMG/pdf/fiche_synthe_se_a4_-_me_diation_animale.pdf">premier cadrage institutionnel</a>.</p>
<p>Les travaux de recherches sur l’enfant et la médiation animale de <a href="https://www.cairn.info/l-enfant-et-la-mediation-animale--9782100515363.htm">François Beiger</a>, <a href="https://www.theses.fr/2010REN20063">Marine Grandgeorge</a> et <a href="https://theses.hal.science/tel-03346725/">Céline Barrier</a> ont montré les intérêts des liens entre l’animal et l’enfant. Les résultats d’autres <a href="https://www.erudit.org/en/journals/fp/1900-v1-n1-fp07830/1097867ar/">recherches scientifiques</a> portant plus spécifiquement sur la présence d’un animal en classe montrent que les effets en sont très positifs sur le bien-être et le <a href="https://spssi.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-4560.2009.01612.x">développement des enfants</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Un chien pour apaiser les tensions à l’école (France 3 Nouvelle-Aquitaine, 2023).</span></figcaption>
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<p>En premier lieu, les animaux domestiques peuvent aider les enfants à développer leurs compétences sociales, à mieux gérer leur anxiété et encourager l’empathie. En jouant avec un animal, les enfants apprendraient à prendre soin des autres et à communiquer avec leurs pairs.</p>
<p>Les animaux domestiques favoriseraient aussi la détente, la concentration des enfants et les aideraient à mieux comprendre leurs propres sentiments. En effet, les enfants sont incités à être plus attentifs aux êtres qui les entourent et à mieux comprendre ce qu’ils ressentent quand ils interagissent avec un animal. </p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Enfin, ce type d’interaction favoriserait les compétences de résolution de problèmes. Les enseignants peuvent incorporer des activités impliquant des animaux domestiques dans leurs programmes scolaires pour aider les élèves à réussir, à favoriser les échanges, l’expression orale, la <a href="https://documentation.fondation-apsommer.org/produit/influence-de-la-mediation-animale-sur-les-competences-en-lecture-et-les-comportements-des-enfants-en-classes-primaires/">lecture</a>, la confiance en soi. La médiation par l’animal peut ainsi être choisie comme fil conducteur des apprentissages tout au long d’un <a href="https://pedagogie.ac-reims.fr/index.php/experimentation-et-innovation/actions-innovantes/item/5206-mediation-animale-et-neurosciences-affectives">projet</a>.</p>
<h2>Prendre en compte le point de vue de l’animal</h2>
<p>Quel que soit le lieu et le public cible, la médiation animale implique au minimum trois acteurs, le ou les bénéficiaires, l’intervenant – en classe souvent l’enseignant – et l’animal choisi pour des qualités particulières liées au contexte. Dans la plupart des observations, ce sont les bienfaits sur les bénéficiaires qui sont étudiés. Ce regard anthropocentré nécessite d’être élargi afin de considérer le bien-être de chacun des protagonistes. </p>
<p>Grâce à de meilleures connaissances sur les besoins physiologiques mais aussi psychologiques des animaux, une prise en compte de leur bien-être en situation de médiation émerge. L’animal n’est plus seulement un partenaire efficace pour le développement des enfants, il est considéré pour lui-même en tant qu’être doué de sensibilité et ayant des affects directement liés aux interactions avec l’enfant ou les enfants. Se placer également de ce point de vue est essentiel pour assurer une coexistence et des interactions positives pour tous.</p>
<p>Ainsi, la classe peut être un lieu parfois bruyant et les sollicitations des enfants vis-à-vis de l’animal risquent de le fatiguer et le stresser. Il convient pour l’enseignant d’être attentif aux signes d’inconfort de l’animal et de lui offrir un espace de retrait respecté par les enfants. Chaque animal est un individu particulier et cette singularité est à découvrir avec les enfants. Au-delà des connaissances générales sur les besoins de l’espèce animale choisie pour partager la vie de la classe, c’est la vie quotidienne à ses côtés qui permettra de découvrir son caractère, ses préférences et ce qui le gêne.</p>
<p>Marie-Laure Laprade, professeure des écoles et présidente de l’association <a href="http://educ-ethic-animal.org/">Éducation Éthique Animale</a>, promeut la médiation animale à l’école tout en émettant un certain nombre de recommandations : </p>
<blockquote>
<p>« Afin que l’animal invité en classe s’épanouisse, il est crucial de s’interroger sur les besoins biologiques dont comportementaux de son espèce, de connaître l’histoire particulière de cet individu particulier et d’apprendre à décrypter ses attentes, ses préférences, ses attitudes et réactions. Il s’agit d’un véritable apprentissage du « vivre avec ». J’émets donc de grandes réserves quant à la présence d’un animal en classe si ce projet n’est pas consciencieusement préparé en amont en mettant l’animal autant que les élèves en son centre ».</p>
</blockquote>
<p>Le respect de certaines règles et une attention bienveillante à l’endroit de l’animal partenaire sont donc des conditions indispensables pour que cette expérience soit profitable à tous, et posent dans le même temps des limites à une généralisation de cette pratique.</p>
<p>Pour aller au-delà des <a href="https://www.ac-montpellier.fr/mediation-animale-en-milieu-scolaire-125615">premières expérimentations</a> tout en évitant une généralisation trop massive de cette pratique, il y a donc nécessité de former les individus, tant les enseignants que les animaux eux-mêmes, comme cela se fait dans <a href="https://education.ok.ubc.ca/degrees-programs/summer-institute-in-education/la-mediation-animale-decouverte-et-adaptation-pragmatiques-en-milieux-scolaires-et-en-contextes-socio-educatifs/">certains pays</a>. Des dispositifs commencent à être mis en œuvre au niveau des <a href="https://www.ac-lyon.fr/la-mediation-animale-dispositif-de-soutien-aux-apprentissages-126424">académies</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laura Nicolas est membre de l'Association Sologna Nature et Culture et https:\\ma petite forêt.fr</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sylvain Wagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour aider les élèves à surmonter leur stress et développer leur sociabilité, des écoles font appel à la médiation animale. Une pratique bénéfique dans la mesure où certaines règles sont respectées.Sylvain Wagnon, Professeur des universités en sciences de l'éducation, Faculté d'éducation, Université de MontpellierLaura Nicolas, Maître de Conférence en Sciences du Langage et en Sciences de l'Education, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2063592023-05-30T16:11:50Z2023-05-30T16:11:50ZChez l’enfant et l’adolescent, le mal de dos est aussi un problème de santé publique<p>En France, 69 % des personnes âgées de 16 ans ou plus <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/6535307/FPS2022.pdf">se déclarent en bonne ou en très bonne santé</a>. À l’opposé, 9 % qualifient leur état de mauvais ou de très mauvais. Les motifs de recours au médecin pour conserver ou améliorer ce bien-être peuvent varier selon de nombreux facteurs – l’âge, le sexe, la région géographique ou encore la saison, puisque certaines sont plus propices aux épidémies.</p>
<p>Si les affections respiratoires (rhumes, bronchites…) sont l’un des motifs les plus courants de consultation, les troubles musculo-squelettiques dont font partie les douleurs au dos et les problèmes articulaires sont également très répandus… et à tout âge. En effet, quoique souvent associées à un mal d'adulte, ces douleurs touchent également largement enfants et adolescents.</p>
<p>Les chiffres font des maux du dos, plus spécifiquement des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_2961499/fr/prise-en-charge-du-patient-presentant-une-lombalgie-commune">lombalgies</a>), le « Mal du siècle » au XX<sup>e</sup> siècle – et encore au XXI<sup>e</sup> siècle. Selon le <a href="https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ED/TI-ED-6444/ed6444.pdf">groupe de travail sur les lombalgies de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS)</a> pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, d’après les rapports de la <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-04/reco315_rapport_lombalgie_2019_04_02.pdf">Haute autorité de santé</a> (2019) et de <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/regions/pays-de-la-loire/documents/rapport-synthese/2018/surveillance-de-la-lombalgie-en-lien-avec-le-travail-comparaison-de-quatre-sources-de-donnees-et-perspectives-pour-la-prevention">l’Assurance maladie</a> (2017), près de 4 personnes sur 5 souffriront ainsi un jour de lombalgies :</p>
<blockquote>
<p>« Ces dernières représentent le deuxième motif de recours au médecin traitant et la troisième cause d’admission en invalidité pour le régime général ; 20 % des accidents du travail ont pour motif ce type de douleur liée à la manutention manuelle (50 %) et à des chutes (10 %) ; 12 millions de journées de travail seraient perdues chaque année en France à cause des lombalgies. » (Rapport INRS 2022, « Les lombalgies. Les comprendre, les prévenir ».)</p>
</blockquote>
<h2>Un mal qui touche aussi les enfants et adolescents</h2>
<p>Ces valeurs concernent principalement les salariés. Les <a href="https://www.inrs.fr/dms/inrs/CataloguePapier/ED/TI-ED-6087/ed6087.pdf">implications économiques sont par conséquent colossales</a>, avec un coût direct de plus d’un milliard d’euros par an (prise en charge des soins, indemnités journalières, séquelles…) et indirect jusqu’à 10 fois supérieur (gestion administrative, recherche de suppléances, formations complémentaires, maintenance des délais de contrat, perte de productivité…).</p>
<p>Mais le mal de dos n’est pas un problème de santé publique réservé aux adultes : de <a href="https://bjsm.bmj.com/content/56/22/1299">plus en plus d’enfants et adolescents en souffrent également</a>, avec 25 % des enfants de 10 à 15 ans qui se plaignent à ce sujet. Il existe, dans le cadre de la médecine scolaire, des examens médicaux et de dépistages réguliers notamment au cours de certaines années clés, comme l’entrée en maternelle, en cours préparatoire, en 6<sup>e</sup> et en seconde.</p>
<p>Les <strong>causes d’un tel développement sont multiples</strong>, nombreuses et surtout difficiles à corriger car elles correspondent à des habitudes journalières déjà assimilées :</p>
<ul>
<li><p>mauvaises postures diverses, maintenues longtemps dans les lieux de transport, d’enseignement et de divertissement ;</p></li>
<li><p>fatigue due au manque de sommeil (un enfant de 6 ans a besoin d’environ 11h de repos, un adolescent de 8 à 9h) et agitation stressante ;</p></li>
<li><p>cartables mal conçus ou sacs encore trop lourds (17 % du poids de corps en collège) ;</p></li>
<li><p>hausse du surpoids et de l’obésité ;</p></li>
<li><p>gainage abdominal et lombaire faible, dû à une insuffisance ou même à l’absence de pratique d’activités physiques.</p></li>
</ul>
<p>On estime que jusqu’à 50 % des enfants et adolescents vont éprouver des douleurs dorsales à un moment donné. Les conséquences sont doubles : d’une part elles peuvent avoir un <strong>impact négatif sur leur qualité de vie</strong> et leur capacité à participer à des activités physiques et sociales ; d’autre part elles <strong>augmentent le risque qu’ils en souffrent à l’âge adulte</strong>.</p>
<h2>Importance de la prévention</h2>
<p>Comme les adultes, les enfants et adolescents connaissent, pour les avoir entendues maintes fois, les recommandations ergonomiques pour éviter de mettre le dos excessivement en tension. Le site du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse déroule par ailleurs des <a href="https://www.education.gouv.fr/le-suivi-de-la-sante-des-eleves-11912">consignes à privilégier</a> concernant le poids du cartable, les habitudes d’hygiène de vie, les postures à adopter quand on travaille sur une table… ou sur son canapé ou son lit à la maison.</p>
<p>De façon générale, voici des conseils valables en toute circonstance :</p>
<ul>
<li><p>maintenir le plus souvent une posture en gardant le dos droit et fixé ;</p></li>
<li><p>éviter les torsions dans la manutention des charges ;</p></li>
<li><p>soulever les objets en rapprochant ses appuis le plus possible afin de minimiser les leviers de résistances, utiliser les muscles des jambes (forts par rapport à ceux du reste du corps) en se fléchissant pour mieux les exploiter ;</p></li>
<li><p>éviter de soulever seul les charges trop lourdes, en se faisant aider de partenaires ou en utilisant des équipements de manutention facilitant le travail ;</p></li>
<li><p>toujours répartir équitablement les charges à transporter ;</p></li>
<li><p>respecter les pauses et prendre conscience de la surcharge de travail et de sa fatigue physique ;</p></li>
<li><p>se renforcer musculairement afin de maintenir une bonne condition physique en pratiquant régulièrement des exercices adéquats – en particulier pour les muscles du dos, des abdominaux et des jambes. Plus nos muscles sont développés, moins nous sommes susceptibles de subir des blessures.</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-prevenir-et-mieux-soigner-le-mal-de-dos-169598">Comment prévenir et mieux soigner le mal de dos ?</a>
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<p>Cependant, alors que la combinaison des bonnes pratiques ergonomiques, de prudence et de bon sens est le plus souvent bien assimilée sur un plan théorique, leur <a href="https://assurance-maladie.ameli.fr/qui-sommes-nous/action/campagnes-communication/sensibilisation-lombalgie">mise en application dans la vie de tous les jours</a> – avec ses contraintes propres – est bien plus hasardeuse… Maintien de postures, bonne gestion des mouvements corporels, des soulevés et du transport de charges sont rarement respectés…</p>
<p>La véritable problématique se trouve dans l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30873583/">articulation de ces connaissances de prévention</a>, de sécurité corporelle et leur mise en application à chaque instant.</p>
<p>La politique de santé publique en France aborde différents aspects de la prévention du mal de dos. Il est toutefois difficile d’évaluer son efficacité, notamment pour un public jeune.</p>
<p>Cette question se pose pour la sensibilisation aux bonnes postures dès le plus jeune âge… mais aussi pour l’efficacité de la prise en charge médicale, la réadaptation et la réinsertion professionnelle, l’activité physique, l’ergonomie au travail, la prise en compte de la prévention dans les politiques publiques ou encore la recherche et innovation.</p>
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<h2>Des actions au niveau de l’école ?</h2>
<p>Pour lutter contre ce fléau, il est important de continuer à améliorer les politiques et les actions de prévention. Un important travail de promotion reste à mener via une approche multidisciplinaire impliquant différents acteurs tels que les professionnels de santé, les écoles et les individus pour encourager des comportements sains et réduire les risques de mal de dos.</p>
<p>Plus spécifiquement, <a href="https://www.education.gouv.fr/30-minutes-d-activite-physique-quotidienne-dans-toutes-les-ecoles-344379">l’enseignement de l’Éducation physique et sportive (EPS)</a> peut jouer un rôle essentiel dans la prévention chez les enfants et les adolescents. Outre les bénéfices directs qu’ils en retireront en termes de qualité de vie à court terme, les conséquences positives s’étireront jusqu’à leur vie d’adulte.</p>
<p>La prévention, mais ensuite la bonne intégration et l’utilisation de pratiques physiques adéquates pour protéger ou soulager son dos ne se joue pas sur quelques gestes ou une période donnée. Il faut prendre conscience de l’importance au long cours de tous ces facteurs, malgré le côté « rabachage » qu’il peut y avoir dans leur répétition !</p>
<p>Mais un renforcement musculaire adapté ou l’optimisation des gestes, postures et des mouvements ne sont pas anecdotiques : ce sont des aides majeures pour une vie sans douleur dorsale, et il suffit parfois de peu pour « s’aider soi-même ». Mener une vie le moins sédentaire possible, diversifier ses activités quotidiennes, privilégier une alimentation équilibrée… sont autant de gestes simples mais qui ont fait leurs preuves.</p>
<p>Pour cela, il faut que l’enfant comprenne lui-même les raisons des recommandations qui lui sont faites – qu’elles deviennent un choix, et <a href="https://theconversation.com/pourquoi-mettre-en-avant-ses-benefices-pour-la-sante-ne-suffit-pas-a-promouvoir-une-activite-physique-reguliere-195481">non une contrainte abstraite (et pénible)</a>… Il sait déjà que rester avachi et passif de longues durées devant un écran, fumer ou avoir une activité physique réduite, une mauvaise alimentation et peu dormir ne sont pas « bons » pour lui. Il faut lui donner les moyens de décider en conscience d’adopter les bonnes pratiques… qui lui seront profitables toute sa vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206359/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Campillo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>C’est le mal du siècle pour les adultes, mais pas seulement : 25 % des enfants de 10 à 15 ans se plaignent de mal de dos. Quelles sont les principales raisons, et les bonnes pratiques à adopter ?Philippe Campillo, Maitre de conférences STAPS, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2061792023-05-30T13:08:12Z2023-05-30T13:08:12ZCrise chez les jeunes filles – on doit prendre leur santé mentale au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528875/original/file-20230529-15-u5vra1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si l’on souhaite améliorer la vie des filles au Canada et ailleurs dans le monde, il faut d’abord réfléchir aux raisons pour lesquelles on a tendance à rejeter et à invalider leurs préoccupations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Un article paru dans le <em>Washington Post</em> a récemment fait état <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/17/teen-girls-mental-health-crisis/">d’une crise chez les jeunes filles aux États-Unis</a>. Dans ce pays, les filles connaissent des taux plus élevés que jamais auparavant d’agressions sexuelles, de problèmes de santé mentale et de suicides.</p>
<p>Des données recueillies en 2021 par les <a href="https://www.cdc.gov/healthyyouth/data/yrbs/pdf/YRBS_Data-Summary-Trends_Report2023_508.pdf">Centres for Disease Control</a> (CDC) montrent à quel point la situation des jeunes filles américaines est désolante. Quatorze pour cent des adolescentes aux États-Unis ont déclaré avoir été forcées à avoir des relations sexuelles, et 60 % avoir éprouvé des <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/13/teen-girls-violence-trauma-pandemic-cdc/">sentiments extrêmes de tristesse ou de désespoir</a>. Près d’un quart des filles ont envisagé et planifié un suicide.</p>
<p>Bien que ces résultats soient basés sur des données américaines, ils correspondent aux témoignages des jeunes filles canadiennes depuis une dizaine d’années. Ainsi, <a href="https://www.camh.ca/en/camh-news-and-stories/half-of-female-students-in-ontario-experience-psychological-distress-camh-study-shows">plus de la moitié des étudiantes de l’Ontario</a> ont dit souffrir d’une détresse psychologique modérée à grave. <a href="https://assaultcare.ca/services/sexual-assault-statistics/">Une fille sur quatre</a> a été victime d’abus sexuels avant l’âge de 18 ans.</p>
<p>Le suicide est la <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/cv.action?pid=1310039401&request_locale=fr">quatrième cause de décès</a> chez les filles de moins de 14 ans, une statistique qui est relativement stable depuis 2016.</p>
<p>La réalité difficile des jeunes filles est généralement attribuée aux mêmes facteurs : <a href="https://www.girlguides.ca/WEB/GGC/Parents/Thought_Leadership/IDG_Nationwide_Survey/GGC/Media/Thought_Leadership/IDG_Nationwide_Survey.aspx">normes de beauté irréalistes</a>, <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/matins-sans-frontieres/segments/entrevue/371849/sante-mentale-instagram-enquete-wall-street-journal">pression des médias sociaux</a>, <a href="https://www.berghahnjournals.com/view/journals/girlhood-studies/14/1/ghs140104.xml">culture du viol</a> et, plus récemment, <a href="https://www.girlguides.ca/WEB/Documents/GGC/Girl_Research/Life_During_COVID19_Report.pdf">pandémie de Covid-19</a>.</p>
<p>Dans le cadre d’entretiens menés par le <em>Washington Post</em> avec des jeunes filles, celles-ci parlent également d’une autre cause, dont on a moins conscience : lorsqu’elles s’expriment, les jeunes filles ne sont pas écoutées ou prises au sérieux.</p>
<h2>Pourquoi n’écoute-t-on pas les filles ?</h2>
<p>Je suis une ancienne intervenante sociale communautaire et j’ai travaillé avec des jeunes filles âgées de 10 à 18 ans. Ma recherche doctorale actuelle porte sur les filles âgées de 8 à 12 ans qui commencent à militer, et j’y explore les moyens par lesquels nous pouvons mieux les écouter et les soutenir lorsqu’elles nous disent ce qu’elles veulent pour leur vie et leur monde. J’ai entendu d’innombrables récits de jeunes filles qui sentaient que des adultes ne les prenaient pas au sérieux.</p>
<p>Cette réaction était souvent directement liée au fait qu’elles étaient des filles et accompagnée d’affirmations selon lesquelles elles traversent simplement une phase, ne racontent pas exactement ce qui s’est passé ou dramatisent.</p>
<p>En d’autres termes, lorsque les filles nous disent ce qui se passe dans leur vie, nous avons tendance à ne pas les croire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Deux paires de mains enserrées" src="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526901/original/file-20230517-11818-a2ke9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les adultes ont tendance à douter de la crédibilité des filles lorsqu’elles s’expriment, en raison de préjugés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Le fait de discréditer la parole d’un groupe entier en raison de préjugés liés à leur identité est ce que la philosophe Miranda Fricker appelle <a href="https://doi.org/10.1093/acprof:oso/9780198237907.001.0001">l’injustice épistémique</a>.</p>
<p>Les adultes ont tendance à douter de la crédibilité des filles en raison de préjugés sur elles et leur façon de vivre leur enfance, qui est perçue comme étant une période de frivolité, d’amusement et d’émotivité.</p>
<h2>Prendre les filles au sérieux</h2>
<p>Pendant longtemps, l’enfance des filles – plus particulièrement celle des filles <a href="https://nyupress.org/9780814787083/racial-innocence/">blanches, de classe moyenne et supérieure, non handicapées</a> – a été perçue comme une période d’innocence, de <a href="https://www.peterlang.com/document/1109532">frivolité</a> et d’<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1469540518806954">amusement</a>.</p>
<p>La construction de l’identité des jeunes filles est liée aux attentes qu’on a à leur égard comme enfant et sujet genré. On attend des filles, en tant qu’enfants, qu’elles aient toujours les <a href="https://doi.org/10.1177/0907568218811484">yeux écarquillés d’émerveillement</a> devant le monde qui les entoure. En tant que sujets genrés, les filles sont en outre stéréotypées sur des aspects typiquement associés à la féminité, tels que l’<a href="http://dx.doi.org/10.1037/a0016821">émotivité</a>. <a href="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"></a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme réconforte une jeune fille" src="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526897/original/file-20230517-25100-wn41e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Lorsque les filles nous racontent ce qui se passe dans leur vie, nous devons les écouter et les prendre au sérieux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Dans un monde qui <a href="https://online.ucpress.edu/collabra/article/5/1/54/113043/Rationality-is-Gendered">oppose rationalité et émotivité</a>, la première étant considérée comme plus crédible que la seconde, les filles sont discréditées en raison de la façon dont on les perçoit.</p>
<p>Lorsque des jeunes filles racontent ce qui se passe dans leur vie, notamment si elles ont été victimes d’une agression sexuelle ou si elles ont des pensées suicidaires, ces préjugés sont particulièrement dangereux.</p>
<p>Pour améliorer la vie des filles au Canada et ailleurs, il faut d’abord réfléchir de manière critique à ce qui fait en sorte que l’on a tendance à ignorer et à invalider leurs préoccupations. Remettre en question nos préjugés sur la crédibilité des filles est une première étape essentielle de ce processus.</p>
<p>Pour ce qui est de la crise que vivent les jeunes filles, celles-ci nous indiquent clairement la voie à suivre. Dans mon travail communautaire, des filles m’ont dit se sentir davantage soutenues par les adultes lorsqu’elles <a href="https://www.womenscentrecalgary.org/wp-content/uploads/2020/03/Girls-Lead-YYC-1.pdf">étaient écoutées et qu’elles avaient le sentiment d’être entendues</a>. Dans l’article du <em>Washington Post</em>, les filles ont demandé aux adultes de <a href="https://www.washingtonpost.com/education/2023/02/17/teen-girls-mental-health-crisis/">« cesser de percevoir leurs préoccupations comme de la dramatisation »</a>.</p>
<p>Les filles veulent – et ont besoin – d’être écoutées et prises au sérieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206179/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexe Bernier est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour sa recherche doctorale.</span></em></p>La santé mentale des jeunes filles est précaire. Normes de beauté irréalistes et pression des médiaux sociaux sont en cause, mais aussi, le fait qu’elles ne sont écoutées ou prises au sérieux.Alexe Bernier, PhD Candidate, Department of Social Work, McMaster UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1994462023-04-16T16:02:51Z2023-04-16T16:02:51Z« L’envers des mots » : Technoférence<p>Les outils numériques rythment aujourd’hui notre quotidien. Les smartphones, les ordinateurs et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> nous permettent de <a href="https://theconversation.com/relations-sociales-le-numerique-peut-il-compenser-le-manque-dechanges-directs-158984">communiquer</a> instantanément avec des personnes du monde entier, de partager des informations et des expériences, de travailler à distance, d’organiser notre vie personnelle et professionnelle, et même de faire des rencontres amoureuses.</p>
<p>Toutefois, cette omniprésence peut avoir des <a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">effets négatifs</a> sur nos relations sociales. En effet, lorsque nous les utilisons en présence d’autrui, les outils numériques peuvent interférer avec nos interactions en face à face. Pour décrire ce phénomène d’interférence technologique, Brandon McDaniel a proposé en 2014 le terme de <a href="https://www.academia.edu/15735501/_Technoference_Everyday_Intrusions_and_Interruptions_of_Technology_in_Couple_and_Family_Relationships"><em>technoférence</em></a>. Décrite au sein de la relation de <a href="https://scholarsarchive.byu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=5003&context=facpub">couple</a> puis au sein de la relation <a href="https://srcd.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cdev.12822">parent-enfant</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0362331916300210">coparentale</a>, la technoférence correspond aux « moments où les appareils technologiques s’immiscent, interrompent et/ou entravent la communication et les interactions en couple ou en famille dans la vie quotidienne ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">Les écrans, atouts ou freins du dialogue familial ?</a>
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<p>La technoférence englobe, mais ne se limite pas, aux situations de <a href="https://theconversation.com/phubbing-snubbing-your-loved-ones-for-your-phone-can-do-more-damage-than-you-realise-194039"><em>phubbing</em></a> (contraction de « phone snubbing », soit de téléphone et de snober) qui consiste à accorder plus d’attention à son téléphone qu’à la personne avec qui on est.</p>
<p>Plusieurs facteurs de technoférence commencent à être identifiés dans la littérature scientifique. On peut notamment citer le fait d’avoir un usage très important, voire problématique, de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/smartphones-32733">smartphone</a>, d’avoir des difficultés à délimiter des frontières entre ses usages numériques et d’autres activités. L’aspect disruptif des notifications ainsi que le design de certaines applications et jeux qui peuvent capter l’attention y participeraient aussi.</p>
<p>Cependant, tout le monde n’a pas la même perception de ces interférences. Au sein du couple, celle-ci peut varier selon des facteurs individuels, comme le fait d’avoir un attachement insécure (c’est-à-dire de type anxieux) envers son ou sa partenaire. Le fait d’avoir des enfants ayant des <a href="https://www.nature.com/articles/s41390-018-0052-6">difficultés de comportements</a>, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29485515/">percevoir son enfant comme difficile</a> ou de ressentir du <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28493400/">stress parental</a> pourraient aussi conduire à des comportements de technoférence parentale.</p>
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<p>La technoférence peut nuire à la qualité des échanges directs. En réduisant l’attention portée à l’autre, elle conduit au paradoxe de la présence-absence où la personne est physiquement présente mais partiellement absente psychiquement. Dans la relation de couple, elle va de pair avec <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6812535/">plus de conflits et à une moindre satisfaction dans la relation</a>. Lorsqu’il y a des enfants dans le couple, elle est aussi associée à la perception d’une moins bonne relation coparentale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/se-separer-des-parents-pour-grandir-quelle-marge-pour-les-ados-dans-un-monde-connecte-169578">Se séparer des parents pour grandir : quelle marge pour les ados dans un monde connecté ?</a>
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<p>Entre parents et enfants, la technoférence est liée à une moindre disponibilité du parent et conduit à des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24616357/">réponses plus rudes</a> lorsque l’enfant se comporte mal. La technoférence se conjugue aussi avec un attachement ou une relation parent-enfant de moindre qualité chez les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34303448/">jeunes enfants</a>, les <a href="https://www.researchgate.net/publication/337323770_Digital_devices_use_by_school-aged_children_and_attachment_what%E2%80%99s_the_deal">enfants d’âge scolaire</a> ou encore les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-39589-025">adolescents</a>. On observe également plus d’expressions d’affects négatifs chez les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32857440/">tout-petits</a> au moment de l’interruption des échanges et plus de problèmes de comportements chez les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28493400/">enfants</a> et <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-39589-025">adolescents</a>. Cependant, des <a href="https://www.nature.com/articles/s41390-018-0052-6">études longitudinales</a> montrent que les liens entre technoférence et difficultés comportementales chez l’enfant et l’adolescent seraient bien souvent à double sens, l’une provoquant les autres, et inversement.</p>
<p>Avoir conscience de ses usages numériques et savoir poser son smartphone quand on est avec quelqu’un peut limiter ces désagréments. Certains adolescents auraient d’ailleurs commencé à s’engager dans cette voie et à <a href="https://www.deseret.com/23583331/teens-smartphones">abandonner leurs smartphones</a>…</p>
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<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-flow-195489"><em>« L’envers des mots » : Flow</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/199446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Danet a reçu des financements de l'I-SITE ULNE. </span></em></p>S’ils permettent de garder contact d’un bout à l’autre du monde, les outils numériques peuvent aussi entraver nos communications au quotidien. Explications sur ce phénomène de « technoférence ».Marie Danet, Maîtresse de conférence en psychologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020322023-03-21T18:00:20Z2023-03-21T18:00:20ZSanté mentale et soins psychiques de l’enfant : les impasses du « tout biologique »<p>Le récent rapport publié par le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge <a href="https://www.hcfea.fr/">(HCFEA)</a> alerte sur la <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">souffrance psychique des enfants et des adolescents</a>, ainsi que sur le déficit chronique de moyens alloués aux dispositifs de soin, d’éducation et d’intervention sociale en France. Nous avons détaillé dans notre précédent article <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation continue et inappropriée de la consommation de médicaments psychotropes en population pédiatrique en France</a>.</p>
<p>Nous analysons ici l’idée ancienne qu’un trouble mental peut être causé par une anomalie cérébrale. Et que, étant d’origine biologique, ce dysfonctionnement peut être solutionné par un traitement chimique, électrique ou mécanique. Une approche favorisée de longue date, mais dont les résultats demeurent limités. Car, de fait, des anomalies sont « associées » à des troubles mentaux… le problème porte sur leur causalité.</p>
<p>Ces prescriptions, souvent en dehors des consensus scientifiques internationaux et des dispositifs réglementaires (Autorisations de mise sur le marché et recommandations des agences de santé), viennent en contradiction avec les propos de l’OMS qui alertait, en 2022 encore, sur le fait que, « partout dans le monde […], les pratiques actuelles placent les psychotropes au centre de la réponse thérapeutique, alors que les <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">interventions psychosociales et psychologiques et le soutien par les pairs</a> sont aussi des pistes à explorer, qui devraient être proposées ».</p>
<p>L’organisation internationale adopte sur le sujet une position forte, affirmant que « pour réussir à définir une approche de santé mentale intégrée, centrée sur la personne, axée sur son rétablissement et fondée sur ses droits, les pays doivent changer et ouvrir les mentalités, corriger les attitudes de stigmatisation et éliminer les pratiques coercitives ». Pour cela, ajoute-t-elle, « il faut absolument que les systèmes et les services de santé mentale élargissent leur horizon <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">au-delà du modèle biomédical</a> ».</p>
<h2>Les impasses de la psychiatrie biologique</h2>
<p>La « psychiatrie biologique » est la transcription directe de ce paradigme biomédical.</p>
<p>Cette approche porte une conception biologique de la souffrance psychique : elle cherche des marqueurs (principalement neurobiologiques et génétiques) susceptibles de fonder les diagnostics psychiatriques et d’ouvrir la voie à des traitements essentiellement médicamenteux. L’organisation onusienne rappelle qu’elle a « dominé la recherche en santé mentale […] au cours des dernières décennies ». La recherche, mais aussi les politiques françaises ces vingt dernières années.</p>
<p>Si les institutions de santé internationales déplorent l’envahissement, et singulièrement chez les enfants, des approches biomédicales et leurs conséquences en termes de surprescription de psychotropes, ce n’est pas par dogmatisme. C’est parce qu’un état des lieux actualisé des résultats de la recherche témoigne, expérimentalement et empiriquement, des impasses des modèles inspirés par la psychiatrie biologique.</p>
<p>Les travaux en neurobiologie et génétique des troubles mentaux se sont multipliés de façon exponentielle ces quarante dernières années, soutenus par l’amélioration des technologies d’imagerie cérébrale et de séquençage génétique. Deux directions principales ont été explorées : la recherche d’une causalité organique des troubles mentaux d’une part, la mise au point de traitement médicamenteux d’autre part.</p>
<p>Malheureusement, leurs apports à la psychiatrie clinique demeurent limités et contradictoires.</p>
<p>La quasi-totalité des hypothèses de recherche sur les causes neurologiques et génétiques des troubles mentaux – a fortiori chez l’enfant – a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0895435605000235">réfutée par les études dites princeps (de référence) et des méta-analyses ultérieures</a>. Dans le meilleur des cas, divers paramètres ont pu être associés à des augmentations marginales des risques de présenter un trouble ou un autre, mais dans des conditions telles qu’elles ne permettent aucune conclusion solide. Elles n’ont donc guère d’intérêt pour les praticiens ou les patients.</p>
<p>Ainsi, malgré plusieurs décennies de recherches intensives :</p>
<ul>
<li><p>Aucun marqueur ni aucun test biologique n’a été validé pour contribuer au diagnostic des troubles mentaux ;</p></li>
<li><p>Aucune nouvelle classe de médicaments psychotropes n’a été découverte depuis 50 ans, au point que l’industrie pharmaceutique a quasiment cessé depuis 2010 ses recherches dans ce domaine. Les médicaments actuels ont été découverts dans les années 1950-1970 par sérendipité, ou en sont des dérivés obtenus en tentant d’en diminuer les effets indésirables. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20941">Leur efficacité est par ailleurs considérée comme faible</a> par les dernières publications.</p></li>
</ul>
<p>Ces résultats s’appuient désormais sur une telle masse de travaux que l’idée de poursuivre sur les mêmes hypothèses neurobiologiques pose question. La probabilité de découvrir une cause biologique des troubles mentaux qui soutiendrait l’approche pharmacologique de la psychiatrie biologique ne cesse de diminuer à mesure que les études progressent.</p>
<p>Ce changement de perspective a commencé à <a href="https://esprit.presse.fr/article/gonon-francois/la-psychiatrie-biologique-une-bulle-speculative-36379">émerger dans le courant des années 2000-2010</a> et se trouve aujourd’hui largement soutenu par les spécialistes les plus renommés au niveau international.</p>
<p>Ainsi Steven Hyman, ancien directeur du <a href="https://www.nimh.nih.gov/">National Institute of Mental Health (NIMH</a>, l’institut américain de recherche en santé mentale), affirme par exemple que « même si les neurosciences ont progressé ces dernières décennies, les difficultés sont telles que la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29352030/">recherche des causes biologiques des troubles mentaux a largement échoué</a> ». De même, Thomas Insel, qui lui a succédé à la tête du prestigieux institut, admettait récemment que <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/22/us/thomas-insel-book.html">« les recherches en neuroscience n’ont, pour l’essentiel, toujours par bénéficié aux patients »</a>, et que « les questions soulevées par la recherche en psychiatrie biologique n’étaient <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/670329/healing-by-thomas-insel-md/">pas le problème auquel étaient confrontés les patients</a> atteints de maladies mentales graves ».</p>
<p>Les plus prestigieuses revues scientifiques sont de plus en plus sur la même ligne. Le psychiatre Caleb Gardner (Cambridge) et le spécialiste en anthropologie médicale Arthur Kleinman (Harvard) écrivaient en <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1910603">2019 dans le New England Journal of Medicine</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Bien que les limitations des traitements biologiques soient largement reconnues par les experts en la matière, le message qui prévaut pour le grand public et le reste de la médecine, est encore que la solution aux troubles mentaux consiste à faire correspondre le bon diagnostic au bon médicament. Par conséquent, les diagnostics psychiatriques et les médicaments psychotropes prolifèrent sous la bannière de la médecine scientifique, bien qu’il n’existe aucune compréhension biologique approfondie des causes des troubles psychiatriques ou de leurs traitements. »</p>
</blockquote>
<p>De manière générale, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/1994-98904-000">problèmes posés par l’approche biomédicale</a> de la santé mentale sont <a href="https://academic.oup.com/book/24345">solidement documentés</a> et <a href="https://nyupress.org/9780814736975/let-them-eat-prozac/">depuis longtemps</a>, dans de <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/l-esprit-malade">nombreux ouvrages</a> par des auteurs issus de multiples champs disciplinaires – <a href="https://www.cairn.info/le-cerveau-n-est-pas-ce-que-vous-pensez--9782706117794.htm">neurosciences</a>, <a href="https://samizdathealth.org/children-of-the-cure/">psychiatrie</a>, <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/neuroscepticisme">sciences humaines</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-9566.2007.1078_4.x">histoire</a>, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/fatigue-detre-soi_9782738108593.php">sociologie</a> et <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/medecine/psychiatrie/mecanique-des-passions_9782738141491.php">sciences sociales</a>…</p>
<h2>Des effets de stigmatisation</h2>
<p>Contrairement aux bonnes intentions des campagnes de dé-stigmatisation, qui pensaient que permettre aux personnes présentant des troubles mentaux d’affirmer « c’est pas moi, c’est mon cerveau » leur serait socialement et thérapeutiquement bénéfique, plusieurs études internationales ont montré que cela <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">augmentait le rejet social, la dangerosité perçue et le pessimisme vis-à-vis des possibilités de guérison</a>. Les soignants adhérant à cette conception faisaient de plus montre de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">moins d’empathie vis-à-vis des patients</a>. Les patients, enfin, seraient aussi plus pessimistes quant à l’évolution de leurs symptômes et plus enclins à s’en remettre aux médicaments.</p>
<p><a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">S’agissant plus spécifiquement des enfants</a>, les conceptions biomédicales ont sans aucun doute contribué à <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation de prescriptions des psychotropes</a>. Elles sont, en parallèle, globalement défavorables aux pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales, pourtant largement documentées comme efficaces et recommandées en première intention.</p>
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<h2>L’exemple de l’hyperactivité et de la dépression</h2>
<p>En appui de son analyse, le HCFEA s’est particulièrement intéressé à la question du Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui est considéré comme le diagnostic le plus fréquent chez les enfants d’âge scolaire, ainsi qu’à celle de la dépression, qui peut être appréhendée à plusieurs problématiques de santé mentale chez l’enfant et l’adolescent.</p>
<ul>
<li><strong>Pas de résultats significatifs pour l’hyperactivité</strong></li>
</ul>
<p>Les études en imagerie cérébrale publiées dans les années 1990 suggéraient que les avancées en neurobiologie permettraient sous peu de valider des outils diagnostiques. Trente ans plus tard, aucun test pour le TDAH n’a encore été reconnu.</p>
<p>Des centaines d’études en imagerie cérébrale structurale et fonctionnelle ont certes mis en évidence des différences corrélées au TDAH, mais aucune ne correspond à des modifications cérébrales structurelles, et moins encore à des lésions : le TDAH ne peut donc formellement pas être qualifié de maladie ou de trouble neurologique. De plus, elles sont quantitativement minimes, contradictoires, et ne présentent <a href="https://journals.lww.com/hrpjournal/fulltext/2020/11000/messaging_in_biological_psychiatry_.4.aspx">pas d’intérêt du point de vue des pratiques diagnostiques, thérapeutiques ni des politiques de santé</a>. D’autres travaux suggéraient un déficit de dopamine ou un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques à l’origine du TDAH, mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18986716/">cette perspective a été testée et réfutée</a>.</p>
<p>De manière générale, les hypothèses concernant l’étiologie neurologique du TDAH sont aujourd’hui scientifiquement faibles et datées.</p>
<p>Les études initiales faisaient également état d’une étiologie génétique forte. Ces associations ou leur incidence causale ont été réfutées. Actuellement, le facteur de risque génétique le mieux établi et le plus significatif est l’association du TDAH avec un allèle du gène codant pour le récepteur D4 de la dopamine. Selon une méta-analyse, l’augmentation associée du risque n’est que de 1,33. Plus précisément, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19506906/">cet allèle est présent chez 23 % des enfants diagnostiqués TDAH et seulement 17 % des enfants contrôles</a>. Ce qui ne présente aucun intérêt clinique.</p>
<p>Une revue récente de plus de 300 études génétiques conclut que « les résultats provenant des études génétiques concernant le TDAH sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24863865/">encore inconsistants et ne permettent d’aboutir à aucune conclusion</a> ».</p>
<ul>
<li><strong>La dépression : ni neurologique, ni génétique</strong></li>
</ul>
<p>En 2022, l’équipe de Joanna Moncrieff, des spécialistes reconnus au niveau international pour leurs travaux sur la dépression et les psychotropes, a publié une étude témoignant de <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0">l’inconsistance des conceptions biomédicales et des traitements médicamenteux concernant la dépression</a>.</p>
<p>Cette publication, alliant revues et méta-analyses et portant sur un panel incluant de très nombreux patients, visait à produire une synthèse des principaux travaux ayant étudié les liens entre sérotonine et dépression au cours des trois dernières décennies. Leur conclusion est sans appel : ils n’ont trouvé <a href="https://theconversation.com/depression-is-probably-not-caused-by-a-chemical-imbalance-in-the-brain-new-study-186672">aucune preuve convaincante que la dépression soit liée à des concentrations ou une activité de sérotonine plus faibles</a>.</p>
<p>La plupart des études n’ont trouvé aucune preuve d’une réduction de l’activité de la sérotonine chez les personnes souffrant de dépression par rapport à celles sans dépression. De plus, les études génétiques de haute qualité et de bonne puissance statistique écartent également toute association entre génotypes associés au système sérotoninergique et dépression.</p>
<h2>Quelles conséquences sur les pratiques diagnostiques, de soin, et les politiques de santé ?</h2>
<p>En l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe aucun lien causal établi entre mécanismes biologiques, diagnostic et traitement dans le champ de la psychiatrie, a fortiori chez l’enfant. Un déficit de sérotonine ou de dopamine ne devrait donc plus servir à appuyer la prescription d’antidépresseurs ou de psychostimulants dans le cas de la dépression ou du TDAH. Ce qui est cohérent avec la faible efficacité des traitements biologiques constatée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">Santé mentale et soins psychiques de l’enfant : la surmédication dépasse toutes les bornes scientifiques</a>
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<figure class="align-right ">
<img alt="Couverture du DSM" src="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’American Psychiatric Association a tenté de classifier les troubles mentaux dans son Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (première édition, 1952 ; aujourd’hui DSM-5).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders -- APA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De la même manière, il convient d’être prudent quant aux usages des catégories diagnostiques héritées des grandes nomenclatures comme le <a href="https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm">DSM, le Manuel Diagnostique et Statistique</a> de la puissante American Psychiatric Association, référence au niveau international. En l’absence d’étiologie biologique, les catégories diagnostiques décrites dans le DSM ne disposent d’<a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2013-4-page-285.htm">aucune validité scientifique</a> : elles ne dénotent aucune entité naturelle identifiable qui pourrait être interprétée comme maladie. Il en va de même pour les diagnostics psychiatriques de la <a href="https://icd.who.int/browse10/2008/fr">CIM-10, la Classification internationale des maladies éditée par l’OMS</a>.</p>
<p>Cette absence de validité est manifeste dans la variabilité des diagnostics selon l’âge de l’enfant, la part élevée des comorbidités, et l’hétérogénéité des situations cliniques que les nomenclatures ne permettent pas de saisir finement – d’autant qu’en raison de leur épistémologie naturaliste, elles ont été <a href="https://www.cairn.info/actualites-sur-les-maladies-depressives--9782257207333-page-26.htm">construites pour être indépendantes des contextes d’occurrence des troubles</a>.</p>
<p>De plus, malgré ses évolutions, le DSM souffre toujours de problèmes de fiabilité : les décisions diagnostiques prises par deux médecins à propos du même patient sont trop souvent différentes, ce qui limite leur intérêt. Compte tenu de sa faiblesse sur le plan scientifique et considérant qu’il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20299556/">« avait été un obstacle pour la recherche »</a>, le NIMH, principal financeur de la recherche en santé mentale à l’échelle mondiale, s’en est désolidarisé.</p>
<p>Le problème n’est pas seulement épistémique mais aussi politique : depuis les années 2000, la France a misé sur l’idée que ces diagnostics pouvaient fonder des recommandations standardisées de bonnes pratiques. Le résultat est décevant. Trente années de politiques de santé mentale orientées par les approches biomédicales n’ont pas empêché un accroissement de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, une augmentation des taux de suicide, un déficit chronique de l’offre de soin, une mise à mal des institutions et des équipes de soin et d’éducation, un effet ciseau entre la demande et l’offre de soin, des délais d’attente insupportables, une augmentation continue de la consommation de médicaments psychotropes…</p>
<p>Tenir compte des avancées de la recherche, c’est aussi considérer l’absence de résultats probants comme une évolution des connaissances scientifiques à part entière, à même de réorienter les politiques publiques et les pratiques de recherche.</p>
<p>Le modèle actuel de la psychiatrie biologique n’a pas tenu ses promesses, du fait notamment d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26934549/">application étriquée, voire dévoyée</a>,de l’approche <em>evidence-based</em> en médecine mentale – <a href="https://www.cairn.info/revue-topique-2013-2-page-23.htm">pratique fondée sur les preuves scientifiques</a> cherchant à appliquer les données issues de la recherche à l’expérience clinique du praticien.</p>
<p>S’il ne faut pas nécessairement en tenir rigueur à celles et ceux qui l’ont développé et soutenu, il faut désormais tenir compte de cet échec pour repenser les approches, les politiques et les dispositifs de soin, d’éducation ou d’intervention sociale. À cet égard, le rapport du HCFEA ne se limite pas à documenter le malaise et ses raisons : <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">il propose de nouvelles approches</a> et détaille les stratégies psychothérapeutiques, éducatives et sociales susceptibles de contribuer à l’accompagnement et au soin des enfants, ainsi qu’au soutien des familles.</p>
<p>C’est là que doivent désormais porter les efforts en termes de recherche et de politique publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p>La surmédication des enfants s’adosse à la « psychiatrie biologique », qui cherche des causes neurologiques ou génétiques aux troubles mentaux… Ce qui ne semble pas étayé scientifiquement. Analyse.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016392023-03-13T17:05:53Z2023-03-13T17:05:53ZSanté mentale et soins psychiques de l’enfant : la surmédication dépasse toutes les bornes scientifiques<p>Le <a href="https://www.hcfea.fr">Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge</a> (HCFEA), chargé par le Premier ministre d’apporter une expertise prospective et transversale sur les questions liées à la famille et à l’enfance, vient de publier un <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">rapport sur la souffrance psychique des enfants et les moyens dont nous disposons pour y remédier</a>.</p>
<p>Ce travail s’inscrit dans un contexte particulièrement préoccupant, dans lequel on observe une aggravation des problèmes de santé mentale des jeunes, qui entraîne même une <a href="https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064">augmentation de la suicidalité</a>. La situation est arrivée à un point d’urgence tel que des collectifs soignants ont multiplié les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-france-en-2022-des-enfants-et-adolescents-meurent-de-souffrance-psychique-par-manque-de-soins-et-de-prise-en-compte-societale_6133925_3232.html">tribunes</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/24/oui-par-manque-de-moyens-la-pedopsychiatrie-doit-depuis-des-annees-trier-les-enfants_6151352_3232.html">alertes</a>.</p>
<p>Les trois dernières années, marquées par des politiques de lutte contre le Covid qui ont eu un impact sévère sur les jeunes, ont certes contribué à aggraver le problème. Mais celui-ci ne s’y limite pas, loin de là.</p>
<h2>Une prise en charge qui n’est pas à la hauteur des enjeux</h2>
<p>La santé mentale est une problématique de santé publique de première importance chez l’enfant, en France comme dans les pays occidentaux. Lorsqu’ils surviennent précocement, les troubles mentaux et la souffrance psychique impactent toute une vie : le développement de l’enfant, ses émotions, son rapport à lui-même, au langage et au corps, ses liens familiaux, amicaux, amoureux, sociaux, son parcours scolaire et son devenir professionnel sont bouleversés…</p>
<p>On s’attendrait dès lors à ce que tout soit fait pour y remédier. Or, le rapport du HCFEA met au contraire en évidence une impasse en termes de prises en charge. Il alerte en particulier sur le fait que, faute de soins adaptés, la consommation de médicaments psychotropes augmente de façon exponentielle, bien au-delà des cadres réglementaires et des consensus scientifiques internationaux.</p>
<p>Pourtant, en France comme dans la plupart des pays européens, les soins de première intention recommandés par les autorités de santé (Haute Autorité de Santé (HAS), Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)) pour les troubles mentaux chez l’enfant ne sont pas pharmacologiques. Sont en effet prioritairement recommandées :</p>
<ul>
<li><p>Les pratiques psychothérapeutiques : psychanalyse, pratiques psychodynamiques et cliniques, thérapies cognitives et comportementales, thérapies familiales et groupales…</p></li>
<li><p>Les pratiques éducatives,</p></li>
<li><p>Les pratiques de prévention et d’intervention sociale.</p></li>
</ul>
<p>Pour certains cas seulement, un traitement médicamenteux peut être prescrit en deuxième intention, en soutien de l’accompagnement psychologique, éducatif et social de l’enfant et de sa famille. Et même alors, les consensus internationaux sont réservés et insistent sur l’importance de la surveillance et le rôle des agences de santé et de sécurité du médicament.</p>
<p>Ces réserves s’expliquent par la rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements médicamenteux chez l’enfant, par l’existence d’effets indésirables importants et par une balance bénéfice/risque souvent défavorable – ce qui conduit à un nombre limité d’Autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les psychotropes en population pédiatrique. Lorsqu’un tel médicament est autorisé chez l’enfant, sa prescription est assortie de recommandations strictes.</p>
<h2>Une hausse continue de la médication</h2>
<p>Pour autant, et en contradiction flagrante avec ces exigences scientifiques et réglementaires, les données rapportées par le HCFEA, extraites d’études de l’<a href="https://ansm.sante.fr/">ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament)</a> et du <a href="https://www.epi-phare.fr/">groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE</a> spécialisé dans les études épidémiologiques des produits de santé, montrent une augmentation constante de la consommation de psychotropes chez l’enfant.</p>
<p>Pour la seule année 2021, la consommation chez l’enfant et l’adolescent a augmenté de :</p>
<ul>
<li><p>7,5 % pour les antipsychotiques,</p></li>
<li><p>16 % pour les anxiolytiques,</p></li>
<li><p>23 % pour les antidépresseurs,</p></li>
<li><p>224 % pour les hypnotiques.</p></li>
</ul>
<p>Plus largement, l’analyse de la consommation de 59 classes de médicaments psychotropes délivrés sur ordonnance en pharmacie chez les 0-19 ans pour l’ensemble des bénéficiaires du Régime Général montre que, pour chaque année entre 2018 et 2021, la consommation est supérieure à celle de l’année précédente et inférieure à celle l’année suivante. Ce qui suggère une augmentation continue de la consommation pour l’ensemble des médicaments.</p>
<p>Cette « surconsommation », qui est une « sur-médication », peut s’exprimer en termes de différence entre le nombre de délivrances observé et le nombre de délivrances attendu.</p>
<p>Cette augmentation concerne des dizaines de milliers d’enfants. Le nombre de délivrances de psychotropes en 2021 chez les 0-19 ans se chiffre en millions et il est aujourd’hui nettement plus élevé qu’en 2018, quelle que soit la sous-classe de médicament.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pour l’année 2021, écart entre la consommation attendue et la consommation réelle de la consommation de psychotropes chez les jeunes de 0 à 19 ans" src="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Délivrance de psychotropes observée (courbes bleues pleines) et attendue (pointillées) en 2021, par sous-classe de médicaments. Consommation de psychotropes chez les jeunes de 0 à 19 ans pendant l’épidémie de Covid-19, juillet 2022. Données extraites du système national des données de santé (SNDS).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Epi-phare -- GIS ANSM/CNAM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces niveaux d’augmentation sont sans commune mesure avec ceux observés au niveau de la population générale adulte. Ils sont 2 à 20 fois plus élevés, alors même que le nombre d’AMM en population pédiatrique est très limité pour les médicaments psychotropes. Cette observation suggère que les enfants sont plus exposés que les adultes à la souffrance psychique, mais surtout qu’ils sont exposés à une médication croissante, et en l’occurrence inadaptée.</p>
<p>Ces phénomènes sont aggravés par la crise Covid, mais ils lui sont antérieurs. <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/open-medic-base-complete-sur-les-depenses-de-medicaments-interregimes/">En effet, l’analyse des bases de données de santé sur la période 2014-2021 montre déjà une augmentation continue</a> :</p>
<ul>
<li><p>+9,48 % pour les dopaminergiques,</p></li>
<li><p>+27,7 % pour les anticholinergiques,</p></li>
<li><p>+48,54 % pour les antipsychotiques,</p></li>
<li><p>+62,58 % pour les antidépresseurs,</p></li>
<li><p>+78,07 % pour les psychostimulants,</p></li>
<li><p>+155,48 % pour les hypnotiques et sédatifs.</p></li>
</ul>
<p>Seule la consommation d’anxiolytiques a légèrement baissé (-3,46 %) sur la période. Dans les années 2000-2010, plusieurs travaux ont montré que cette dernière était particulièrement élevée en France, notamment en population pédiatrique. Des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_937781/fr/prise-au-long-cours-d-hypnotiques-anxiolytiques">rapports</a> et <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-07/fiche_bum_benzodiazepines_anxiete_cd_27062018.pdf">recommandations des autorités de santé</a> demandèrent en conséquence une vigilance accrue quant à la prescription de ces molécules, en raison de leurs effets indésirables importants et de leur caractère addictogène. <a href="https://archiveansm.integra.fr/var/ansm_site/storage/original/application/28274caaaf04713f0c280862555db0c8.pdf">On peut penser que ces recommandations ont eu un effet sur la prescription, même si elle reste à un niveau élevé</a>. Mais il est possible qu’une partie de ces prescriptions se soient reportées sur les hypnotiques, qui partagent avec eux plusieurs propriétés pharmacologiques, et dont la consommation a très fortement augmenté sur la même période.</p>
<p>Le constat est identique si l’on raisonne en termes de prévalence de la consommation de psychotropes chez les 0-20 ans entre 2010 et 2021 (la prévalence étant la fréquence de survenue d’un phénomène de santé dans une population pour une période donnée) :</p>
<ul>
<li><p>De 2,01 % à 2,72 % pour les hypnotiques et les anxiolytiques, soit une augmentation d’environ 35 %,</p></li>
<li><p>De 0,28 % à 0,60 % pour les antipsychotiques, soit une augmentation d’environ 114 %,</p></li>
<li><p>De 0,23 % à 0,57 % pour les psychostimulants, soit une augmentation d’environ 148 %,</p></li>
<li><p>De 0,29 à 0,81 % pour les antidépresseurs et les normothymiques, soit une augmentation d’environ 179 %.</p></li>
</ul>
<p>Les données Openmédic 2021 suggèrent que plus de 5 % de la population pédiatrique pourrait être concernée. Et dans la mesure où ces taux de consommation intègrent les données des 0-3 ans et des 3-6 ans, pour lesquels les prescriptions de psychotropes restent rares, la prévalence chez les 6-17 ans pourrait en fait être nettement plus élevée. Elle doit faire l’objet d’une attention et d’une mobilisation urgente des pouvoirs publics et des autorités de santé.</p>
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<h2>Des prescriptions hors de toute validation scientifique</h2>
<p>En effet, le rapport HCFEA insiste sur le non-respect des Autorisations de mise sur le marché et sur la transgression des recommandations des agences de santé et des consensus scientifiques. Déjà en 2009, une étude prospective montrait que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929693X0900267X">68 % des prescriptions de psychotropes réalisées dans un hôpital pédiatrique parisien étaient hors AMM</a>. Ces prescriptions hors AMM touchaient 66 % des jeunes patients et concernaient essentiellement la prescription chez l’enfant de médicaments réservés à l’adulte.</p>
<p>À titre d’exemple, considérons le <a href="https://theconversation.com/trouble-de-lattention-tdah-la-dangereuse-explosion-du-traitement-medicamenteux-de-lenfant-178144">cas du méthylphénidate (Ritaline, Concerta…)</a> que <a href="https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Methylphenidatedonnees-d-utilisation-et-de-securite-d-emploi-en-FrancePoint-d-Information">le rapport du HCFEA documente de façon approfondie</a>. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S022296172200023X">Entre 2010 et 2019, la prescription de ce psychostimulant chez l’enfant a augmenté de 116 %</a>.</p>
<p>Cette augmentation de la consommation se double d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36299551/">transgression systématisée des AMM et des recommandations de prescription</a> :</p>
<ul>
<li><p>Prescriptions avant l’âge de 6 ans.</p></li>
<li><p>Durées de traitement longues, alors que les études et les agences de santé recommandent des prescriptions de court terme : 5,5 ans pour les enfants de 6 ans ayant débuté un traitement par méthylphénidate en 2011, et 7,1 ans pour les enfants de 6 ans hospitalisés avec un diagnostic de TDAH en 2011 – et des durées en augmentation entre 2011 et 2019. Les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de prescription sont les plus longues.</p></li>
<li><p>Prescriptions hors diagnostic ou dans le cadre de diagnostics psychiatriques pour lesquels le médicament ne dispose pas d’AMM chez l’enfant.</p></li>
<li><p>Co-prescriptions d’autres psychotropes, souvent réservés à l’adulte et très éloignées de leur zone d’AMM. 22,8 % des enfants sous méthylphénidate en 2018 ont reçu au cours des 12 mois suivants au moins un autre psychotrope appartenant à diverses classes pharmacologiques : neuroleptiques (64,5 %), anxiolytiques (35,5 %), antidépresseurs (16,2 %), antiépileptiques (11 %), hypnotiques (4,8 %) et antiparkinsoniens (3 %). Les principales molécules prescrites sont la rispéridone (10,6 %) l’hydroxyzine (6 %), la cyamémazine (3,9 %), l’aripiprazole (2,7 %), la sertraline (1,4 %), l’acide valproique (1,1 %), et la fluoxétine (1 %). Parmi ces enfants, 63,5 % ont reçu deux traitements, 20,8 % ont reçu trois psychotropes, 8,5 % en ont reçu quatre et 6,9 % se sont vu prescrire au moins cinq psychotropes dans les 12 mois suivant la première prescription de méthylphénidate. Ces co-prescriptions ne font l’objet d’aucune étude ni validation scientifiques.</p></li>
<li><p>Non-respect des conditions réglementaires de prescription et de renouvellement par des médecins spécialistes ou des services spécialisés : les recommandations d’initiation obligatoire en milieu hospitalier en vigueur jusqu’en septembre 2021 n’étaient pas respectées dans près d’un quart des cas. De plus, le renouvellement annuel de la prescription de méthylphénidate doit se faire lors d’une consultation hospitalière visant, au-delà du traitement, le suivi de l’enfant et l’accompagnement des familles. Ceci n’a pas été respecté pour près d’un enfant sur deux en 2015, 2016 et 2017.</p></li>
<li><p>Substitution des pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales par des pratiques médicamenteuses : les bases de données de santé montrent qu’entre 2011 et 2019, sur l’ensemble des services hospitaliers prescripteurs, 84,2 % à 87,1 % des enfants traités n’ont pas bénéficié d’un suivi médical par le service hospitalier ayant initié le traitement. De plus, alors que la consommation de méthylphénidate n’a cessé de croître entre 2010 et 2019 (+116 %), le nombre de visites dans les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques des enfants recevant cette prescription a été divisé par quatre dans sur la même période.</p></li>
<li><p>Détermination scolaire de la prescription : les enfants et les adolescents français présentent 54 % de risques supplémentaires en moyenne de se voir prescrire un traitement psychostimulant s’ils sont nés en décembre que s’ils sont nés en janvier. De manière systématique entre 2010 et 2019, le nombre d’initiations augmente au fil des mois de l’année, pour retomber brutalement le mois de janvier de l’année suivante. Ceci suggère que la prescription n’est pas dirigée par une évaluation diagnostique rigoureuse, mais qu’elle résulte d’une interprétation erronée de l’immaturité psychologique plus importante des enfants plus jeunes, et de leurs capacités d’attention logiquement moindres.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre que les enfants les plus jeunes d’une classe sont les plus concernés par les prescriptions ; et que le niveau de prescription générale monte tous les ans" src="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Enfants et adolescents ayant reçu une prescription de méthylphénidate selon leur mois de naissance en France entre 2010 et 2019 (cohorte de 144 509 enfants) : les natifs de décembre ont plus de risque d’être traités. Et le nombre de prescriptions augmente d’année en année.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Détermination sociale de la prescription : L’analyse des bases de données montre également l’impact des facteurs sociaux sur le risque de diagnostic d’hyperactivité et la médication. Ainsi, en 2019, 21,7 % des enfants recevant du méthylphénidate vivaient dans des familles bénéficiant de la CMU ou de la CMU-C, alors que, selon l’Insee, ces aides ne sont attribuées qu’à 7,8 % de la population française. Si l’on considère également les enfants consommateurs de méthylphénidate présentant un diagnostic de défavorisation sociale, le pourcentage d’enfants présentant des difficultés sociales parmi les consommateurs de méthylphénidate atteint 25,7 %.</li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trouble-de-lattention-tdah-la-dangereuse-explosion-du-traitement-medicamenteux-de-lenfant-178144">Trouble de l'attention (TDAH) : la dangereuse explosion du traitement médicamenteux de l'enfant</a>
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<h2>Envisager un changement complet d’approche ?</h2>
<p>Si l’on dispose encore de peu d’études solides sur l’efficacité des traitements pharmacologiques dans les troubles mentaux de l’enfant, il n’en va pas de même chez l’adulte. Ce qui manquait jusqu’à présent, ce n’était pas des données, mais des synthèses complètes et solides. Une récente publication dans <em>World Psychiatry</em> est venue y remédier.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20941">Cette méga-analyse synthétise les résultats de 102 méta-analyses, rassemblant 3782 essais contrôlés randomisés et 650 514 patients</a> – et concerne les évaluations d’efficacité des traitements pharmacologiques publiées entre 2014 et 2021 pour les onze principaux troubles mentaux.</p>
<p>Les résultats montrent que <a href="https://www.cambridge.org/core/books/essential-guide-to-effect-sizes/72C26CA99366A19CAC4EF5B16AE3297F">la différence des résultats entre les groupes traités et les groupes contrôles (placebo et traitements habituels) est très faible</a>. C’est un résultat que l’on peut, au risque de l’euphémisation, considérer comme peu satisfaisant.</p>
<p>La représentation graphique du décalage des distributions en apporte une <a href="https://rpsychologist.com/cohend/">compréhension plus intuitive</a> :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Entre groupes suivant un traitement par des psychotropes et contrôles (placebo…), il n’y a pas de différence forte de résultats.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kristoffer Magnusson</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Pour les auteurs, ces résultats ne sont pas contingents. Investir davantage dans la même voie n’y changera rien : un plafond a été atteint dans l’efficacité des traitements pharmacologiques actuels. C’est la raison pour laquelle ils en appellent à un changement de paradigme dans la recherche en psychiatrie afin de pouvoir effectuer de nouveaux progrès.</p>
<p>Dans cette attente, il faut s’interroger sur la pertinence de laisser se poursuivre la lourde tendance à l’augmentation de la prescription des psychotropes chez l’enfant documentée ici, malgré une efficacité et une sûreté qui interrogent… D’autant que d’autres stratégies (psychothérapeutiques, éducatives, sociales), certes plus complexes, permettraient de mieux alléger leur souffrance psychique et d’en atténuer les conséquences si elles étaient véritablement mises en œuvre.</p>
<p>Une communication transparente s’impose sur la réalité de ce que peut vraiment faire un traitement pharmacologique. Leur surutilisation écarte souvent la possibilité de recourir à d’autres stratégies thérapeutiques, ce qui peut constituer une perte de chance inacceptable. Il est urgent d’aligner l’éthique, les données de la science, et la communication à destination des patients et du grand public dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p>Problématique majeure, la santé mentale de l’enfant est dans une situation dramatique en France. En témoignent les chiffres de la prescription de psychotropes, hors de toute préconisation scientifique.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964152022-12-22T19:07:26Z2022-12-22T19:07:26ZCes écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents<p>« Je me connecte à YouTube et, même si je ne les regarde pas, je laisse les vidéos défiler en fond, et je reste comme ça, et j’attends. Je peux pas me coucher sans avoir écouté un youtubeur ou une série, ou quelque chose comme ça », nous dit un adolescent de 16 ans, pour qui les écrans agissent comme un bruit de fond pour accompagner l’endormissement. Selon une étude de 2018, il serait loin d’être le seul à agir ainsi : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700617301148">l’utilisation des écrans en soirée</a>, au coucher – et parfois même pendant la nuit – est fréquente chez les jeunes, ce qui a des effets sur leur sommeil.</p>
<p>Lors du passage entre l’enfance et l’adolescence, il existe des <a href="https://www.theses.fr/s253293">modifications du sommeil</a> qui peuvent s’expliquer par des raisons biologiques mais aussi par des raisons environnementales. En effet, les habitudes en soirée évoluent : devenant plus indépendants de leurs parents, les adolescents adoptent de nouvelles routines, entre devoirs et écrans, qui peuvent retarder l’heure du coucher.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/manque-de-sommeil-a-ladolescence-comment-remettre-les-pendules-a-lheure-149008">Manque de sommeil : à l’adolescence, comment remettre les pendules à l’heure ?</a>
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<p>En 2001, des auteurs observaient déjà des couchers d’1h à 3 h plus tardifs à l’adolescence qu’à la pré-adolescence, associés à une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11285056/">difficulté à se lever tôt le matin</a>. D’après une étude de 2012, de nombreux adolescents se couchent tard en semaine puis se lèvent tôt pour l’école, de fait, ils accumulent une dette de sommeil qu’ils vont essayer de rattraper le week-end avec des <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/docs/la-chute-du-temps-de-sommeil-au-cours-de-l-adolescence-resultats-de-l-enquete-hbsc-2010-menee-aupres-des-collegiens2">temps de sommeil plus longs</a>.</p>
<h2>Veillées familiales</h2>
<p>Dans une étude menée auprès de 31 familles et leurs enfants de 8 à 19 ans, financée par la fondation VINCI Autoroutes, nous avons constaté une moyenne de <a href="https://fondation.vinci-autoroutes.com/fr/la-fondation-vinci-autoroutes-partenaire-de-la-22e-journee-du-sommeil/">7h49 de sommeil chez les enfants</a> de 8 à 11 ans, alors que <a href="https://aasm.org/">l’American Academy of Sleep Medicine</a> recommande 9h à 12h pour cette tranche d’âge.</p>
<p>Et nous avons constaté une moyenne de 7h08 de sommeil pour les plus grands, (14-19 ans), bien que l’AASM recommande 8h à 10 h de sommeil pour ce public. 43 % des adolescents de 12 à 18 ans dorment moins de 7h en semaine.</p>
<p>Les habitudes en soirée évoluent également : parmi les plus jeunes, il y a davantage de moments partagés en famille, notamment autour de la télévision, ou bien des temps de jeux ou de lecture. Avec le temps, les activités ont tendance à devenir de plus en plus individuelles et se centrent davantage autour des écrans. Une mère décrit bien ce changement qu’elle constate chez son adolescente :</p>
<blockquote>
<p>« On est un garde-manger, c’est-à-dire qu’elle vit au self, elle mange, elle part se coucher, faire sa toilette, etc., mais elle ne s’endort pas beaucoup plus tôt que les autres, elle est dans son lit et regarde ses réseaux sociaux, des séries, YouTube […] Les programmes que nous regardons nous ne l’intéressent pas. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil des années, les jeunes vont davantage investir leur chambre et leur téléphone et les moments partagés en famille en soirée, s’il en reste, seront présents principalement le week-end et généralement autour d’un film.</p>
<p>Certains sont toutefois demandeurs de ces temps en semaine afin de pouvoir veiller davantage : « en fait, si on ne regarde pas de film ou qu’on ne fait pas de jeux de société en famille, ils vont nous dire d’aller nous coucher », reconnaît un des participants. La télévision serait alors un médiateur permettant le partage d’un moment en famille et en parallèle, un coucher plus tardif.</p>
<h2>La télévision en bruit de fond</h2>
<p>Peu importe l’âge, les écrans sont présents en soirée chez la plupart des participants, mais pour les plus jeunes c’est presque exclusivement en famille, autour de la télévision et plutôt le week-end. Parmi les plus âgés, l’usage est plus individuel, principalement centré autour de la console ou du téléphone, et tant la semaine que le week-end. De nouvelles activités telles que l’usage du téléphone, les devoirs, les révisions, ou un travail se substituent alors aux moments en famille, à la lecture ou aux jeux que peuvent adopter les plus jeunes.</p>
<p>Ainsi, la télévision semble être encore investie au fil des années, mais davantage pour l’usage de jeux vidéos ou le visionnage d’un film. Certains parents rappellent que la programmation à la télévision est plus tardive qu’à leur époque, et, de fait, ne constitue plus un repère pour l’heure du coucher en semaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laddiction-aux-ecrans-un-diagnostic-valide-qui-est-touche-194398">L’addiction aux écrans, un diagnostic valide ? Qui est touché ?</a>
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<p>Hormis les écrans, la majorité des jeunes pratique un <a href="https://shs.hal.science/halshs-03879533">loisir, sport ou activité culturelle</a>, au moins un soir par semaine, ce qui peut d’ailleurs modifier les habitudes en soirée (repas, temps d’écrans, temps en famille, heure de coucher). Contrairement à ce que l’on peut penser, certains utilisent les écrans par ennui ou solitude, et il semblerait alors que la télévision peut servir dans ces moments de « bruit de fond » pour pallier au vide, comme le raconte Imane, 11 ans :</p>
<blockquote>
<p>« Ça arrive que je sois toute seule les mercredis et lundi matin parce que maman et mon frère commencent tôt […]. J’allume la télé pour avoir du son. Je joue un peu à mon téléphone ou soit j’ai eu un autre jeu pour mon anniversaire ou je fais des bracelets. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, la télévision semble souvent être utilisée soit comme un objet transitionnel (vers le sommeil par exemple), soit pour combler un vide, ou bien pour permettre de veiller plus tardivement en famille, plutôt que par un réel intérêt pour les programmes proposés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ella Louis a reçu des financements de la Fondation Vinci Autoroutes dans le cadre d'un projet de recherche autour des adolescents, du sommeil et des prises de risques.</span></em></p>Quel que soit l’âge, les écrans sont omniprésents dans les soirées des enfants et adolescents. Mais à mesure qu’ils grandissent, les smartphones l’emportent sur la télévision.Ella Louis, Doctorante au Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie, Université Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1962012022-12-14T14:41:41Z2022-12-14T14:41:41ZDiabète de type II chez les jeunes : gare aux yeux !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500779/original/file-20221213-18128-7a7zlr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C986%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au plan oculaire, une visite régulière chez l'optométriste ou l'ophtalmologiste permet de dépister les signes précoces des atteintes diabétiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Karl, 16 ans, est mon patient depuis peu. Quand nous nous sommes rencontrés, il m’était référé pour vision fluctuante. Après examen, j’ai identifié des signes qui évoquent la présence du diabète, ce qui pouvait expliquer son problème de vision variable. Ce soupçon s’est transformé en réalité lorsque son médecin de famille a confirmé le diagnostic de cette maladie. Le monde de Karl venait alors de changer.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/developpement-de-la-vision-pas-decran-avant-lage-de-deux-ans-191568">Développement de la vision : pas d'écran avant l'âge de deux ans</a>
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<p>Comme <a href="https://www.optometrie-aof.com/index.php/l-optometrie/qu-est-ce-qu-un-optometriste">optométriste</a>, je vous invite à plonger dans cette réalité qui doit tous nous préoccuper.</p>
<h2>Le diabète, c’est quoi ?</h2>
<p>Le diabète est une maladie insidieuse. Ses symptômes <a href="https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/type-2-diabetes-in-children/symptoms-causes/syc-20355318">(soif, besoin d’uriner souvent, fatigue, perte de poids, zones de peau plus foncées au cou et aisselles)</a> passent souvent inaperçus, du moins aux étapes précoces de la maladie.</p>
<p>Le diabète affecte la vie d’une <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.STA.DIAB.ZS?locations=XU">personne sur 14 au Canada (7 %) et une sur dix en Amérique du Nord (10 %)</a>.</p>
<p>Deux types de diabète peuvent être diagnostiqués :</p>
<ul>
<li><p>Le <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/le-diabete-de-type-1/">type 1</a>, dit insulinodépendant, qui se développe lorsque le corps ne peut pas produire l’insuline nécessaire à métaboliser les sucres que l’on ingère et qui nourrissent nos tissus ;</p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/diabete-type-2.html">type 2</a>, qui apparaît lorsque l’insuline est bien produite, mais en quantité insuffisante. Il arrive également que l’insuline produite soit inefficace à remplir son rôle.</p></li>
</ul>
<p>Le diabète de type 1 est habituellement associé au développement de la maladie durant l’enfance et l’adolescence. Le type 2, soit le plus fréquent, se manifeste quant à lui généralement plus tard dans la vie, <a href="https://www.diabete.qc.ca/fr/comprendre-le-diabete/tout-sur-le-diabete/types-de-diabete/">souvent après 50 ans</a>.</p>
<h2>Un diagnostic contre-intuitif, mais pas si rare</h2>
<p>Suivant cette définition, il serait logique de penser que Karl présente un diabète de type 1, dont l’évolution et le traitement sont bien maîtrisés par les médecins. Or, dans son cas, et après les examens requis, le médecin a identifié un type 2. Ce diagnostic, contre-intuitif, pose des défis importants. La rapidité d’apparition, la sévérité initiale de l’atteinte et les mécanismes de résistance ou de sécrétion réduite de l’insuline pourraient être différents chez les patients qui développent la maladie à un âge plus jeunes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15735201/">par rapport aux adultes</a>.</p>
<p>De plus, les traitements envisagés deviennent plus complexes, avec des essais et erreurs, en raison de la durée beaucoup plus longue de ce type de maladie lorsqu’elle débute en bas âge. Les changements mineurs et majeurs <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12090830/">qui affectent les vaisseaux sanguins chez le patient diabétique de type 2</a> peuvent générer des conséquences graves qui sont difficiles à prévoir, considérant une évolution se poursuivant durant 40 à 60 ans.</p>
<p>La situation de Karl n’est pourtant pas exceptionnelle. <a href="https://www.thelancet.com/pdfs/journals/landia/PIIS2213-8587(17)30186-9.pdf">De plus en plus de jeunes et d’adolescents</a>, notamment ceux qui présentent un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12241736/">surpoids, une obésité, et un niveau de sédentarité élevés</a>, sont affectés par le type 2. Près de 75 % d’entre eux ont des <a href="https://www.cdc.gov/diabetes/basics/type2.html">parents, ou des frères et sœurs également diabétiques</a>.</p>
<p>Si, à première vue, cela confirme la génétique comme facteur de risque pour développer la maladie, il s’agit plutôt, dans ce cas précis, d’une conséquence de <a href="https://www.cdc.gov/diabetes/basics/type2.html">mauvaises habitudes de vie, notamment alimentaires, et d’une absence d’activités physiques</a> souvent communes à toute la famille.</p>
<h2>Des conséquences sur la vision</h2>
<p>Le fait que Karl développe son diabète de type 2, plus tôt que tard dans la vie, le place également à plus haut risque de développer des complications oculaires. A cet égard, un <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaophthalmology/fullarticle/2786928">article</a> m’a récemment interpellé. Cette étude a examiné les dossiers de 1 362 personnes diabétiques, vivant au Minnesota, donc en Amérique du Nord. Les données ont été compilées entre 1970 et 2019, ce qui permet également de mesurer l’évolution de la situation au cours des dernières décennies.</p>
<p>Les résultats étonnent : les jeunes diabétiques de type 2 (en comparaison à ceux type 1 du même âge) ont 88 fois plus de risque de développer une rétinopathie (vaisseaux sanguins anormaux et/ou hémorragies dans la rétine). Par ailleurs, le risque que cette dernière devienne « proliférative », et donc menaçante pour la vision, est augmenté de 230 fois. On observe également une augmentation de 49 fois le risque d’accumulation de liquide dans la rétine (oedème maculaire) et 243 fois le risque de développer une cataracte mature à un âge encore jeune. Cette dernière nécessite une chirurgie davantage risquée chez les jeunes que dans le cas de cataractes séniles liées à l’âge.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photographie d’un fond d’œil" src="https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500479/original/file-20221212-113662-60amw4.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Complications vasculaires et métaboliques du diabète visibles au fond d’œil (hémorragies, exsudats).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Langis Michaud)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Que faut-il retenir ? Que les problèmes majeurs, et qui nécessitent souvent des interventions chirurgicales pour sauver la vision, surviennent beaucoup plus rapidement chez les jeunes diabétiques de type 2 que ceux affectés du type 1. Il faut donc suivre ces patients de plus près. En effet, près d’un patient sur deux souffrant de type 2 présentera une forme ou l’autre de rétinopathie, de 1 à 8 ans suivant le diagnostic de sa condition. En comparaison, chez les diabétiques de type 1, c’est 1 patient sur 3 qui sera aux prises avec une rétinopathie, de 6 à 10 ans suivant le diagnostic.</p>
<h2>Des répercussions non négligeables</h2>
<p>Déjà en fulgurante progression durant les 10 dernières années, on prévoit que la prévalence (nombre de cas) de diabète de type 2 chez les jeunes <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23173134/">sera quadruplée d’ici 2050</a>. Cette prévision est des plus alarmantes pour les professionnels de la santé, mais aussi pour les décideurs et les gestionnaires des agences de santé publique. Le coût à vie des soins médicaux directs engendrés pour un seul patient diabétique âgé de 25 à 44 ans était de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23953350/">125 000 dollars américains en 2013</a>. Ces coûts ont depuis augmenté ; et il faut y ajouter de nombreux dollars pour couvrir la période entre 15 et 25 ans, qui n’est pas prise en compte. Si 20 % de la population juvénile développe le diabète en 2050, ce sont des millions (milliards ?) de dollars en soins de santé qui devront être consacrés à leurs soins par nos gouvernements.</p>
<p>La qualité de vie des personnes diabétiques, à long terme, est également réduite. Une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30345893/">autre étude</a>, menée auprès de jeunes diabétiques de type 1 cette fois, révèle qu’ils démontrent un grand mécontentement face à leur maladie. Ils doivent consacrer beaucoup de temps à leurs soins. Et le poids de leur maladie sur leur entourage pèse lourdement sur leurs épaules. La peur de tomber en hypoglycémie (manque de sucre pouvant entraîner un coma) ou de développer des complications graves de la maladie les affecte également. L’atteinte de l’autonomie est plus difficile pour ces adolescents, et leur qualité de vie est proportionnelle à cette liberté qu’ils peuvent ou non exercer.</p>
<h2>Bien manger, faire de l’exercice et visiter son optométriste !</h2>
<p>Le diabète de type 1 est difficilement évitable, principalement parce qu’on ne connaît pas toutes les raisons de son apparition. Or, il la situation est différence pour celui de type 2, qui, chez les jeunes, est fortement associé au mode de vie. Se nourrir sainement, faire de l’exercice physique régulièrement, combattre la sédentarité, notamment en limitant le temps d’écran (à moins de deux heures par jour), sont de bonnes manières d’éviter ou de retarder l’apparition du diabète chez les jeunes. Le temps d’écran est d’ailleurs associé à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28288985/">résistance à l’insuline</a> et à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31270831/">l’obésité</a> chez ces derniers. En d’autres termes, les saines habitudes de vie doivent être encouragées et surtout partagées au sein du noyau familial.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="jeunes enfants font du vélo" src="https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500780/original/file-20221213-16037-bsk51g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les saines habitudes sont de bonnes manières d’éviter ou de retarder l’apparition du diabète chez les jeunes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Au plan oculaire, une visite régulière chez l’optométriste ou l’ophtalmologiste permet de dépister les signes précoces des atteintes diabétiques <a href="https://guidelines.diabetes.ca/cpg/chapter30">(des signes sont visibles dans près de 30 % des patients, peu après le diagnostic)</a>. Ces professionnels de la santé peuvent également détecter d’autres problèmes découlant de la maladie, comme la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2518369/">perte de capacité à faire le focus au près (accommodation), la paralysie partielle de certains muscles de l’œil entraînant une vision double, le retard dans la guérison des altérations de surface de la cornée la sécheresse oculaire ou le glaucome</a>. Des tests doivent être effectués <a href="https://guidelines.diabetes.ca/cpg/chapter30">au moment du diagnostic médical du diabète</a>, ou chez toute personne qui présente un profil à risque (hérédité, obésité, sédentarité).</p>
<p>Les saines habitudes de vie faisant partie intégrante du traitement de la maladie, il n’est pas trop tard pour que l’avenir de Karl soit des plus heureux. Mais il ne faut surtout pas oublier un suivi régulier par son médecin et les visites fréquentes chez son optométriste de famille !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196201/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Langis Michaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque de développer des complications oculaires est élevé chez les jeunes souffrant de diabète de type II, qui affecte de plus en plus d'enfants et d’adolescents, notamment les plus sédentaires.Langis Michaud, Professeur Titulaire. École d'optométrie. Expertise en santé oculaire et usage des lentilles cornéennes spécialisées, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.