tag:theconversation.com,2011:/us/topics/bouddhisme-69766/articlesbouddhisme – The Conversation2020-02-24T17:08:46Ztag:theconversation.com,2011:article/1311902020-02-24T17:08:46Z2020-02-24T17:08:46ZLa diversité religieuse de la France, vue de près<p>Saviez-vous que la France se trouve parmi les <a href="https://europeanvaluesstudy.eu/about-evs/research-topics/religion/">pays les moins religieux d’Europe</a> ?</p>
<p>La part des personnes ne déclarant aucune appartenance religieuse augmente sensiblement ces dernières années, en France, près de 15 % se déclarent athées. Néanmoins, les religions n’y ont pas pour autant disparu comme en témoigne l’actualité récente, qu’il s’agisse de <a href="https://www.la-croix.com/Religion/crispation-autour-religions-tradition-francaise-2020-02-05-1201076528">controverses</a> autour du port de vêtement religieux ou l’expression d’opinions critiquant la religion comme l’a récemment mis en avant l’<a href="https://www.marianne.net/societe/affaire-mila-la-moitie-des-francais-defavorables-au-droit-de-critiquer-les-religions">« affaire Mila »</a>, une adolescente attaquée pour ses déclarations contre l’islam, jugées insultantes.</p>
<p>La réalité de la France d’aujourd’hui est celle d’une <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-minorites-religieuses-en-france-9782227494855.html">pluralité religieuse grandissante</a>, dans une société où les rapports entre groupes religieux sont en train de se modifier de façon rapide. Cela implique un changement de la place des religions, qui sont elles-mêmes en évolution, souvent en tension entre des aspirations opposées.</p>
<h2>La France n’est plus catholique</h2>
<p>Jusque dans les années 1970, <a href="http://honau.free.fr/catholicisme-ifop.pdf">plus de 85 % des Français étaient catholiques</a> tandis qu’aujourd’hui, selon la plupart des enquêtes, cela ne représenterait plus <a href="http://www.eurel.info/spip.php?rubrique352">que 50 % de la population ou moins</a>. Cette tendance est notamment analysée par Danièle Hervieu-Léger dans <a href="https://journals.openedition.org/assr/2652"><em>Catholicisme, la fin d’un monde</em></a>. Cinquante ans plus tard, le <a href="https://i0.wp.com/europeanvaluesstudy.eu/wp-content/uploads/2018/09/believing_large.jpg?ssl=1">paysage religieux</a> s’avère bien plus divers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/314226/original/file-20200207-27524-1uhmio8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Personnes (de différents pays) se déclarant n’appartenir à aucune religion en particulier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, d’autres religions ont coexisté en France auparavant. Le judaïsme était déjà présent dans la Gaule romaine, et avec la Réforme <a href="https://www.eglise-protestante-unie.fr/histoire/histoire-du-protestantisme-5">qui a installé le protestantisme en France</a>, plusieurs minorités religieuses ont ainsi existé dans le pays à travers les siècles.</p>
<p>Mais la diversité d’aujourd’hui, observée depuis un demi-siècle, offre un caractère totalement inédit. S’il existe de nombreux groupes religieux, dont certains sont plus visibles, ils sont souvent mal connus, et on mesure mal cette diversité.</p>
<h2>Une diversité mal connue</h2>
<p>Seuls certains groupes sont médiatiquement connus : en effet, on parle surtout dans les médias de l’islam ou du <a href="https://www.decitre.fr/livre-pod/soldats-de-jesus-9782213654737.html">protestantisme évangélique</a>, souvent présentés comme une menace, mais peu du bouddhisme (qui compterait 2 % de membres selon l’<a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2020/02/2020._etude_viavoice_pour_lobservatoire_de_la_laicite.pdf">État des lieux de la laïcité en France</a>, ou de l’orthodoxie (1 %) par exemple.</p>
<p>L’information à propos de la plupart des petits groupes religieux est par ailleurs souvent difficile à trouver, ces derniers sont avant tout connus à travers des clichés qui tendent à fournir une image sans nuances des groupes et ne rendent pas compte du pluralisme religieux interne à ces groupes, faussant l’image de la diversité contemporaine.</p>
<p>Cette diversité est d’ailleurs sous-estimée du fait d’un autre stéréotype qu’il convient également de réfuter : celui de « la France catholique ». Si, comme évoqué précédemment, le catholicisme a longtemps été en France en situation d’hégémonie, les catholiques sont aujourd’hui, d’un point de vue numérique, <a href="http://www.eurel.info/spip.php?rubrique352">minoritaires</a>. Pour autant, du fait d’une part que le catholicisme romain constitue encore la très grande part des croyants en France, d’autre part parce que son influence sociale reste importante, c’est une « minorité paradoxale », comme l’explique le chercheur Frédéric Gugelot dans les chapitres « catholicismes » de l’ouvrage <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-minorites-religieuses-en-france-9782227494855.html"><em>Les minorités religieuses en France</em></a> : minoritaire en chiffre, mais majoritaire en termes de poids dans l’imaginaire collectif.</p>
<h2>Des équilibres religieux qui changent</h2>
<p>Un changement d’importance se joue là, celui de l’évolution des équilibres religieux : nous ne nous trouvons <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/religion/catholicisme-la-fin-d-un-monde_496264.html">plus dans un pays où quasiment tous appartiennent à la même confession</a>, mais dans une société où un peu plus de la moitié des personnes disent appartenir à une religion, et où cette appartenance est diverse.</p>
<p>Cette diversité religieuse implique une plus grande confrontation religieuse : la majorité des Français fréquentent des personnes dont ils ne partagent pas les convictions religieuses. Celle-ci peut jouer positivement, amenant plus de mobilité et de mixité religieuse (par exemple, de mariages mixtes).</p>
<p>Or si découvrir d’autres religions peut conduire certains à une plus grande ouverture d’esprit, chez d’autres, cela peut constituer un élément déclencheur d’une mobilisation de leur identité et du passage à un comportement de type fondamentaliste.</p>
<p>À travers la réalisation qu’avoir des convictions différentes ne signifie pas forcément être une moins bonne personne, certains peuvent évoluer vers une plus grande tolérance. Inversement, cependant, cela peut conduire à des crispations identitaires et à des positions plus rigides.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316805/original/file-20200224-24664-1nktu0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cathédrale orthodoxe russe à Paris, 2019.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/%C3%A9glise-orthodoxe-russe-cath%C3%A9drale-2427778/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’équilibre entre religions sur le plan des relations internationales change également : quasiment tous les groupes religieux sont en situation minoritaire dans certains pays, et majoritaire ailleurs. De ce fait, pratiquement tous les groupes religieux, et cela souvent d’autant plus qu’ils sont minoritaires, fonctionnent aujourd’hui en réseau transnational. L’implication de la Russie dans la <a href="https://www.la-croix.com/Religion/France/A-Paris-nouvelle-cathedrale-russe-inauguree-sans-Vladimir-Poutine-2016-10-19-1200797451">construction de la cathédrale orthodoxe russe de Paris</a>, la dimension médiatique du Dalaï-Lama tibétain en exil, ou encore le statut des Rohingya musulmans en Birmanie, sont autant d’exemples de la dimension extranationale de minorités religieuses.</p>
<h2>Qu’en est-il de la non-affiliation religieuse ?</h2>
<p>En France, l’importance donnée aux religions est remise en cause par le nombre croissant de personnes <a href="https://theconversation.com/les-sans-religion-la-nouvelle-religion-103577">affirmant ne pas avoir d’affiliation religieuse</a>. Ce groupe est varié, et est constitué de personnes <a href="http://www.lemondedesreligions.fr/papier/2016/77/qui-sont-ces-incroyants-les-francais-indifferents-aux-religions-sont-plus-nombreux-que-les-athees-28-04-2016-5452_224.php">indifférentes</a> à la question des croyances religieuses aussi bien que de personnes convaincues qu’il faut lutter contre les croyances et les institutions religieuses.</p>
<p>Certes, de nombreux pays d’Europe (et même <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2015/05/13/a-closer-look-at-americas-rapidly-growing-religious-nones/">hors d’Europe</a>) sont concernés par la baisse du nombre de ceux qui affichent des convictions religieuses. Notamment, les <a href="https://www.pewforum.org/2018/06/13/young-adults-around-the-world-are-less-religious-by-several-measures/">jeunes affichent moins de convictions</a> que leurs aînés. Les différences sont <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2018/12/05/how-do-european-countries-differ-in-religious-commitment/">importantes d’un pays à l’autre</a> ; mais la France reste, selon « European Value Study », le pays qui compte le <a href="https://i0.wp.com/europeanvaluesstudy.eu/wp-content/uploads/2018/09/believing_large.jpg?ssl=1">plus d’athées convaincus</a>.</p>
<p>Là encore, des tensions se créent dans la société, entre ceux qui estiment que les convictions religieuses ne sont pas suffisamment prises en compte, et ceux qui trouvent qu’elles <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/la-religion-pour-quoi-faire">prennent trop de place</a>.</p>
<h2>Des polarisations communes</h2>
<p>La plupart des groupes religieux connaissent des préoccupations communes. En effet, ils rencontrent tous une difficulté à concilier les générations, comme l’évoque <a href="https://journals.openedition.org/cerri/1578">Jérôme Gidoin à propos du bouddhisme</a>. Entre « anciens » et « jeunes », des différences de rapport à la langue, à la pratique, à l’intensité religieuse, à la culture, ou encore à la demande de reconnaissance sociale, créent fréquemment des tensions (lire le travail à ce sujet de <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2009-3-page-127.htm">Servet Ertul pour l’immigration turque</a>).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7Qg0BiQHzxQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Par ailleurs, la plupart des communautés religieuses ont connu récemment un apport migratoire important, comme l’illustre le cas des <a href="https://www.chretiensorientaux.eu/emissions/36-2020/304-dimanche-16-fevrier-2020-9h30">syriaques catholiques en France</a>. Parfois, les nouveaux arrivants s’insèrent dans des groupes relativement bien établis, et leurs habitudes et leurs convictions y sont source de frictions.</p>
<p>Les relations avec la religion du pays d’origine ne sont pas toujours aisées ; il arrive que les personnes récemment arrivées créent de nouvelles institutions religieuses dans leur pays d’accueil ; cela crée des tensions avec l’institution dirigeante de leur pays d’origine, qui se considère comme responsable de la bonne doctrine religieuse, les migrants affirmant de leur côté conserver la croyance authentique à partir de ce qu’ils ont pu reconstituer sur la base de leurs souvenirs (comme on le voit parfois <a href="https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_2007_hos_1_1_1803">pour des Eglises orthodoxes</a>).</p>
<p>On rencontre alors toutes sortes d’évolutions religieuses, du développement d’une « spiritualité » nouvelle et différente aux marges des dénominations principales jusqu’au renforcement de pratiques religieuses exigeantes, qui peuvent devenir extrêmes.</p>
<p>Dans l’ensemble des groupes religieux, nous remarquons à quel point les questions d’éthique autour de « l’intime » (mariage, procréation, homosexualité… ) constituent désormais des lignes de fracture à l’intérieur même des confessions religieuses, auparavant plutôt divisées sur des questions de doctrine.</p>
<p>Désaccords entre « jeunes » et vieux, tensions entre « installés » et « nouveaux venus » ou entre libéraux et rigoristes, discorde à propos des questions d’éthique sexuelle, tous les groupes religieux semblent tendus entre des pôles semblables. Joints aux changements de l’équilibre entre groupes religieux, ces tensions annoncent de nouveaux changements à venir.</p>
<hr>
<p><em>L’autrice a dirigé l’ouvrage <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-minorites-religieuses-en-france-9782227494855.html">« Les minorités religieuses en France. Panorama de la diversité contemporaine »</a> avec Joëlle Allouche-Benayoun, Rita Hermon-Belot, et Lionel Obadia (Bayard, 2019).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131190/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Zwilling est dirige le site EUREL (Europe-RELigions) qui recueille et fournit gratuitement en ligne un maximum d'informations sur les religions et les pratiques religieuses en Europe.</span></em></p>La réalité de la France d’aujourd’hui est celle d’une pluralité religieuse grandissante, dans une société souvent en tension entre des aspirations opposées.Anne-Laure Zwilling, Anthropologue des religions, CNRS, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1277492019-11-25T19:42:26Z2019-11-25T19:42:26ZÀ Hongkong, la révolte des citoyens-oiseaux<p>De nombreux commentateurs ont souligné la spécificité du mouvement de protestation qui a lieu à Hongkong depuis le 15 mars 2019 en contraste avec <a href="https://theconversation.com/dossier-les-peuples-contre-les-systemes-115869">d’autres mouvements similaires</a> (Liban, Chili, Algérie, France…) par leur revendication politique (le droit d’élire le gouvernement au suffrage universel, promis par la Grande-Bretagne au moment de la rétrocession en 1997 et indéfiniment repoussé par la Chine populaire) ou par leur organisation sociale (de petits groupes hyperconnectés largement alimentés par une jeunesse étudiante précaire et soutenus par une grande partie de la population).</p>
<p>Pourtant, peu de commentateurs ont interprété le sens des références à la nature dans les deux slogans majeurs du mouvement, « Be water » et « Blossom everywhere », qui inscrivent les protestations à Hongkong dans un espace culturel spécifiquement chinois.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ou-va-hongkong-126411">Où va Hongkong ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Une conception fluide de l’action collective</h2>
<p>Il a été plusieurs fois remarqué que « Be water », qui signifie « Soyez de l’eau », était une référence directe à Bruce Lee, le héros du cinéma hongkongais qui a rendu populaire le kung-fu au niveau mondial.</p>
<p>Dans le documentaire <em>A Warrior’s Journey</em>, Bruce Lee <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/a-hong-kong-les-manifestants-suivent-la-philosophie-be-water-de-bruce-lee_fr_5d77a4d9e4b07521023341c1">cite une réplique</a> qu’il a écrite pour son rôle dans le série américaine <em>Longstreet</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Vide ton esprit, sois informe. Informe, comme l’eau. »</p>
</blockquote>
<p>Mais cette devise reprend le principe plus ancien du tai chi chuan selon lequel le contrôle de l’énergie interne implique de la percevoir comme une <a href="http://www.watertradition.net/taichi.html">eau qui circule dans le corps</a>.</p>
<p>En conseillant aux manifestants de se disperser rapidement à l’arrivée de la police, les organisateurs du mouvement à Hongkong adoptent ainsi une conception fluide de l’action collective qui s’inscrit profondément dans la tradition chinoise.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cJMwBwFj5nQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Be water, my friend », Bruce Lee.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une prolifération qui subvertit le maoïsme</h2>
<p>Le second slogan, « Blossom everywhere », que l’on peut traduire par « Fleurissez partout », reprend de façon plus étonnante et moins remarquée un des slogans de la période maoïste. Mao Zedong avait lancé en 1956 le mouvement des <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/les-cent-fleurs/">« Cent fleurs »</a> en encourageant les intellectuels à critiquer le nouveau régime communiste par le slogan</p>
<blockquote>
<p>« Que cent fleurs s’épanouissent ! Que cent écoles se disputent. » (Bǎihuā qífàng, bǎijiā zhēngmíng)</p>
</blockquote>
<p>Le succès inattendu du mouvement conduisit à sa répression par le même Mao en 1957-1959 à travers une campagne anti-droitière. Le slogan lancé par Mao en 1956 reprenait une phrase notée dans le Petit Livre rouge et <a href="https://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/red-book/ch28.htm">prononcée</a> au moment de la guerre civile contre <a href="https://www.herodote.net/Chiang_Ka_shek_1887_1975_-synthese-2189.php">Chiang Kai-Shek</a> en 1945 :</p>
<blockquote>
<p>« Partout où nous allons, nous devons nous unir avec le peuple, prendre racine et fleurir en son sein. »</p>
</blockquote>
<p>En 1972, au déclin de son règne, Mao utilisait encore cette formule pour décrire une <a href="https://chineseposters.net/toomanybooks/11.php">cité ouvrière modèle</a> : « La fleur rouge de Dazai fleurit partout ».</p>
<p>En reprenant un slogan maoïste contre un régime qui prétend réaliser le rêve d’unification et de développement de Mao Zedong, le mouvement de protestation à Hongkong reprend ainsi une tradition de contestation interne <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781349132058">à l’histoire de la Chine</a>.</p>
<h2>La nature comme source de référence contestataire</h2>
<p>En quel sens peut-on dire que les citoyens de Hongkong sont des fleurs ou de l’eau ? Plutôt que d’énoncés contradictoires confondant les règnes de la nature et de la culture, il s’agit d’énoncés performatifs par lesquels les citoyens apprennent à percevoir autrement l’espace collectif en agissant « comme de l’eau » ou « comme des fleurs ».</p>
<p>Une telle référence à la nature dans un mouvement de contestation profondément inquiet de la crise écologique n’est pas sans analogie avec les mouvements alternatifs en France qui invitent à penser <a href="https://www.terrestres.org/2018/10/11/le-point-de-vue-est-dans-le-corps/">« comme un jaguar »</a> ou « comme une forêt ». Mais au lieu d’aller chercher des pensées animistes en Amazonie, les mouvements de contestation à Hongkong s’appuient sur leur propre tradition.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.dukeupress.edu/Assets/PubMaterials/978-1-4780-0698-5_601.pdf">ouvrage à paraître prochainement</a> issu de 10 années d’enquête de terrain aux frontières méridionales de la Chine, j’ai montré que les citoyens de Hongkong se sont identifiés aux oiseaux depuis 1997, date à la fois de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine populaire et des premiers cas de <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2005/10/14/parti-de-hongkong-en-1997_535591">grippe aviaire</a> potentiellement pandémique dite H5N1.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Marché d’oiseaux de Hongkong.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Keck</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une telle identification était ambivalente, puisqu’elle portait en même temps vers les poulets domestiques, abattus par millions en cas d’infection dans une ferme ou un marché de volailles, et vers les oiseaux sauvages, soupçonnés de porter le virus à travers les frontières alors qu’ils n’ont que très rarement été infectés (même s’ils constituent le <a href="https://www.grain.org/article/entries/22-fowl-play-the-poultry-industry-s-central-role-in-the-bird-flu-crisis">réservoir animal des mutations du virus de grippe</a>, qu’ils portent de façon asymptomatique).</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-alternatives-a-labattage-des-animaux-66788">Grippe aviaire : quelles alternatives à l’abattage des animaux ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Des citoyens-oiseaux</h2>
<p>Les citoyens de Hongkong que j’ai rencontrés se sont souvent comparés à des oiseaux pour souligner soit l’exiguïté des logements dans lesquels ils vivent comme des poulets en batterie, soit la facilité avec laquelle ils peuvent prendre l’avion pour migrer vers les quatre coins du monde. Une <a href="https://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/06/03/sparrow-lettres-d-amour-de-johnnie-to_1053103_3476.html">telle identification ambivalente</a> est notamment au cœur du film de Johnny To, <em>Sparrow</em> (2008).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oZ6gqV6RnWA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de <em>Sparrow</em>, 2008.</span></figcaption>
</figure>
<p>Lorsque le gouvernement de Hongkong a abattu en 1997 <a href="https://www.liberation.fr/evenement/1997/12/29/mesures-radicales-a-hong-kong-contre-la-grippe-du-poulet_223327">toutes les volailles</a> vivant sur son territoire, soit environ un million et demi de poules, coqs, canards, oies et cailles, la population de Hongkong y a vu un geste violent de démonstration de la nouvelle souveraineté chinoise.</p>
<p>Une <a href="https://correspondent.afp.com/kill-chicken-scare-monkey">devise traditionnelle</a> du pouvoir chinois dit en effet : « Tuer le coq pour effrayer le singe » (shā jī xià hóu).</p>
<p>On pouvait alors considérer que les volailles étaient les victimes émissaires d’un sacrifice dont le spectacle était offert par le nouveau souverain à ses sujets pour les avertir qu’ils pourraient en être les prochaines victimes.</p>
<p>Une telle interprétation sacrificielle résonne avec les motivations des jeunes manifestants hongkongais, qui sont prêts à mourir pour dénoncer l’emprise du pouvoir chinois comme l’avait fait la génération précédente d’étudiants à Pékin en 1989.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dqdjMFgJBjc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Répression place Tian’anmen en à Pékin, INA.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Symboles, sacrifice et images motrices</h2>
<p>C’est ici que l’attention aux symboles permet de distinguer le nouveau mouvement de contestation à Hongkong, et de parier sur sa vitalité. Les étudiants de Pékin avaient construit une statue de la Liberté devant l’Assemblée nationale et la Cité interdite, opposant ainsi un symbole occidental à un symbole chinois, ce qui a permis au pouvoir de justifier la répression avant de l’effacer des mémoires dans sa population.</p>
<p>Les citoyens hongkongais mobilisent davantage des images motrices qui leur permettent d’agir comme des éléments naturels pour détourner les forces de la police. C’est dans le même sens que pour critiquer les mesures de précaution contre la grippe aviaire, les citoyens hongkongais se sont identifiés non plus aux poulets abattus en masse pour nettoyer le territoire mais aux oiseaux migrateurs qui traversent les frontières. En ce sens, ils ont refusé d’être des victimes sacrificielles pour devenir des sentinelles de la crise écologique globale.</p>
<p>Philippe Descola a montré que la <a href="https://www.college-de-france.fr/media/philippe-descola/UPL35678_descola_cours0203.pdf">pensée analogiste</a> qui domine la tradition chinoise, centrée autour de l’opération sacrificielle qui permet de tenir ensemble les <a href="https://mitpress.mit.edu/books/ten-thousand-things">« dix mille êtres »</a> composant le monde, est compatible avec des formes d’animisme, qui contestent et renversent les polarités constitutives de l’analogisme.</p>
<p>En ce sens, on peut dire que les citoyens de Hongkong ont réintroduit de l’animisme dans l’analogisme de la même façon que les mouvements alternatifs en France, comme celui de Notre-Dame des Landes, ont réintroduit de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/06/02/alessandro-pignocchi-la-zad-a-defendre_1731180">l’animisme dans le naturalisme</a>.</p>
<p>En s’identifiant à de l’eau, des fleurs ou des oiseaux sauvages, les citoyens de Hongkong ont contesté de l’intérieur le pouvoir sacrificiel de la souveraineté chinoise. Même si l’anthropologie de la nature n’est pas une science prédictive, on peut parier qu’une telle opération a de l’avenir devant elle.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>En 2014-2018, le Fonds de Recherche Axa <a href="https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses">a soutenu le projet dirigé par Frédéric Keck</a> au Collège de France sur les représentations sociales des pathogènes aux frontières entre les espèces. Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds de Recherche Axa a soutenu près de 600 projets à travers le monde menés par des chercheurs de 54 pays. Pour en savoir plus, visitez le site du <a href="https://www.axa-research.org/en/">Axa Research Fund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche.</span></em></p>En s’identifiant à de l’eau, des fleurs ou des oiseaux sauvages, les citoyens de Hongkong ont contesté de l’intérieur le pouvoir sacrificiel de la souveraineté chinoise.Frédéric Keck, Directeur du laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1184812019-06-13T18:15:30Z2019-06-13T18:15:30ZLe problème avec la pleine conscience<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/279416/original/file-20190613-32335-sv4ro5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pleine conscience s'aligne sur la science et le monde universitaire pour être perçue comme crédible, mais elle manque remarquablement de preuves scientifiques pour l’appuyer.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La pleine conscience, tout le monde semble la pratiquer. </p>
<p>Vous l’avez peut-être essayée vous-même, ou la pratiquez régulièrement. Grâce à une application sur votre téléphone qui vous parle d’une voix doucereuse, on vous rappelle de vous « laisser aller » et d’« observer votre souffle ». De l’éducation publique aux soins de santé, du monde des affaires au système de justice criminelle, du cadre <a href="https://www.themindfulnessinitiative.org.uk/about/mindfulness-appg">parlementaire </a> au service <a href="https://www.forces.net/news/meditating-mod-military-personnel-try-mindfulness">militaire</a>, la pleine conscience est préconisée comme traitement pour tous les maux modernes.</p>
<p>Pourtant les preuves de l’efficacité de la pleine conscience ne sont pas fortes. Dans <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691617709589">un article publié dans Perspectives on Psychological Science</a>, un certain nombre de psychologues et d’experts en sciences cognitives nous préviennent que malgré tout le battage publicitaire, les données scientifiques sur la pleine conscience sont limitées. Ils font une mise en garde :</p>
<blockquote>
<p>La désinformation et la méthodologie inadéquate qu’on retrouve dans des études passées sur la pleine conscience peuvent causer un préjudice aux consommateurs, les tromper et les décevoir.</p>
</blockquote>
<p>Les études sur la pleine conscience sont reconnues pour leurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1745691617709589?journalCode=ppsa">nombreux problèmes méthodologiques et conceptuels</a>. Ceci comprend des échantillonnages restreints, l’absence de groupes témoins et l’utilisation insuffisante de mesures valides.</p>
<p>À cette liste, on peut ajouter la possibilité d’intérêts concurrents. Dans un <a href="https://retractionwatch.com/2019/04/17/plos-one-pulls-highly-cited-mindfulness-paper-over-undeclared-ties-other-concerns/?fbclid=IwAR2i5e2jd3R3m8z2SR0u1NUBCkOAigcK0XtqNaf7DVHlCHdVif6unX3VjAo">exemple</a> récent, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/PLOS_One">la revue scientique PLOS ONE </a> s’est rétractée <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0124344">après la publication d'une méta-analyse sur la pleine conscience </a> après qu’on ait soulevé des doutes sur la méthodologie menant aux résultats, notamment le « double comptage » et l’« estimation incorrecte des effets ». La rétractation de PLOS a aussi évoqué des conflits d’intérêts financiers non déclarés de la part des auteurs. Le journal a indiqué qu’aucun des auteurs n’approuvait la rétractation.</p>
<p>Malgré ces problèmes, la pleine conscience n’a jamais été si populaire et son influence dans la culture conventionnelle n’a jamais été aussi massive, tel qu’on peut le constater avec la création d’<a href="https://www.campaign.ox.ac.uk/news/future-of-mindfulness-research-at-oxford-secured-with-new-professorship">une nouvelle chaire</a> de pleine conscience et sciences psychologiques à l’Université d’Oxford.</p>
<p>Le poste a été créé par le <a href="http://oxfordmindfulness.org/">Oxford Mindfulness Centre</a>, qui a été affilié au <a href="http://oxfordmindfulness.org/about-us/about/oxford-mindfulness-foundation/">département de psychiatrie de l’université</a> en 2011, après avoir été <a href="https://beta.companieshouse.gov.uk/company/06144314/filing-history?page=4">initialement</a> constitué en entreprise privée en 2007 et s’être plus tard enregistré comme organisme de bienfaisance. </p>
<p>Au Québec, l’UQAM est la première université québécoise, depuis l'hiver 2019, à offrir une formation dans le domaine de la présence attentive, autre nom donné à la pleine conscience, soit un programme court de 2e cycle. Elle a aussi lancé le <a href="https://gripa.uqam.ca">Groupe de recherche et d’intervention sur la présence attentive</a> (GRIPA).</p>
<h2>Un bref historique de la pleine conscience</h2>
<p>La pleine conscience est un type de méditation issue de la tradition bouddhiste. Elle encourage l’observation des pensées, émotions et sensations corporelles sans porter de jugements. Mais comment a-t-elle gagné une telle importance dans la culture occidentale conventionnelle?</p>
<p>D’abord, le concept moderne de bouddhisme auquel se réfèrent les Occidentaux aujourd’hui n’existait pas il y a un siècle. Ce nouveau style de bouddhisme est connu sous le nom de « <a href="http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780195393521/obo-9780195393521-0041.xml">modernisme bouddhiste</a> », ou « bouddhisme protestant » – un mouvement réformiste de la fin du 19e siècle.</p>
<p>Cette forme de bouddhisme s’est développée sous l’influence des missionnaires chrétiens et de l’impérialisme des nations européennes dans le Sud-Est asiatique. En réaction à la situation coloniale, l’élite du mouvement a remodelé le bouddhisme pour l’aligner sur la science et la philosophie occidentales. Ceci s’est effectué en représentant le bouddhisme comme rationnel, universel et compatible avec la science – en mettant l’accent sur la méditation et la réflexion personnelle.</p>
<p>Les tenants de cette réforme ont imprégné des valeurs occidentales modernes dans les enseignements bouddhistes qui prétendaient professer le bouddhisme « pur » tel qu’enseigné par le Bouddha historique lui-même.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/271786/original/file-20190430-136787-10thhn9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">On nous vend la pleine conscience et on l’achète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les professeurs de méditation contemporains, y compris <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jon_Kabat-Zinn">Jon Kabat-Zinn</a> (JKZ), le fondateur de la <a href="https://www.religiousstudiesproject.com/podcast/what-is-mindfulness-a-critical-religious-studies-approach/">Réduction du stress basée sur la pleine conscience</a>– un programme de huit semaines qui offre une formation de pleine conscience pour aider les personnes souffrant de stress et de douleur – a hérité de cette version du bouddhisme et l’a popularisée.</p>
<p>Quand ils sont interrogés à propos des éléments bouddhistes de leurs cours, les enseignants comme JKZ soutiennent que la technique n’est pas bouddhiste, mais qu’ils représentent l’ « <a href="https://www.umassmed.edu/contentassets/abf4d773534442238acf329476591dde/jkz_paper_contemporary_buddhism_2011.pdf">essence</a> » des enseignements de Bouddha. On dit qu’ils étaient « <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs12671-017-0758-2">universels</a> » et compatibles avec la science. Ou comme l’a affirmé JKZ, « <a href="https://www.umassmed.edu/contentassets/abf4d773534442238acf329476591dde/jkz_paper_contemporary_buddhism_2011.pdf">le Bouddha lui-même n’était pas bouddhiste</a> ».</p>
<p>Ces associations avec le bouddhisme permettent aux tenants de la pleine conscience de profiter de la légitimité associée au Bouddha historique – tout en évitant toute connotation « religieuse » indésirable. De même, quand la pleine conscience est considérée comme « universelle », elle apparaît alors moins reliée au bouddhisme et davantage comme une « <a href="https://www.mindful.org/what-is-mindfulness/">habileté humaine fondamentale</a> ».</p>
<h2>La science et la pleine conscience</h2>
<p>L’idée que la pleine conscience est laïque parce qu’elle est testée scientifiquement est une stratégie communément utilisée par les tenants de la pleine conscience pour dissocier la pratique de ses fondements religieux et pour faire la promotion de ses établissements cliniques et pédagogiques.</p>
<p>Il <a href="https://www.researchgate.net/publication/320688499_Ethics_Transparency_and_Diversity_in_Mindfulness_Programs">a été clairement démontré</a> que JKZ a délibérément minimisé l’importance des racines bouddhistes de la pleine conscience pour l’introduire dans les établissements cliniques. Selon les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14639947.2011.564844">propres mots de JKZ</a>, il « s’est plié en quatre » pour le structurer (le programme de réduction de stress) et trouver des façons d’en parler en évitant le plus possible qu’il soit perçu comme bouddhiste ». Essentiellement, il a alors traduit des idées bouddhistes dans un langage scientifique et laïque.</p>
<p>Cette approche tire profit de l’autorité de la science dans les cultures occidentales modernes de même que de la perception d’une opposition entre « science » et « religion ». Et en alignant la pleine conscience sur la science, son opposition à la «religion» est implicitement évoquée.</p>
<h2>Légitimer la pleine conscience</h2>
<p>Faire appel à la science et aux études empiriques n’est pas la seule méthode dont les dirigeants de la pleine conscience se sont servis pour conférer explicitement une légitimité à la pleine conscience. Le foisonnement de programmes spécifiques de maîtrise et de doctorat, les <a href="https://link.springer.com/journal/12671">médias</a>, <a href="https://www.icm2019.org/">conférences</a>, <a href="https://www.city.ac.uk/news/2019/april/launch-centre-excellence-mindfulness-research">centres de recherche affiliés à des universités</a>– et maintenant la chaire – démontre les efforts du mouvement pour légitimer et sécuriser l’avenir de la pleine conscience en tant qu’entreprise académique.</p>
<p>Mais bien que la pleine conscience prétende offrir une collection stupéfiante de bienfaits possibles pour la santé – et qu’elle s’aligne sur la science et les études universitaires pour paraître crédible – il y a encore remarquablement <a href="https://www.scientificamerican.com/article/wheres-the-proof-that-mindfulness-meditation-works1/?redirect=1">peu de preuves scientifiques</a>pour l’appuyer.</p>
<p>Ce n’est pas pour dire que bien des gens n’y trouvent pas de réconfort. En effet, <a href="https://nccih.nih.gov/research/statistics/NHIS/2012/mind-body/meditation">plusieurs personnes pratiquent la pleine conscience</a> tous les jours et sentent qu’elle les aide dans leur vie. Le problème demeure toutefois qu’il y a encore de nombreux chercheurs qui en savent peu à propos de la pleine conscience – et qu’ultimement, une approche beaucoup plus systématique et rigoureuse s’impose pour appuyer de telles prétentions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118481/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Masoumeh Sara Rahmani a obtenu du financement de l’Université de Kent pour étudier le mouvement Unbelief in the context of the Mindfulness.
</span></em></p>La pleine conscience s'aligne sur la science et le monde universitaire pour être perçue comme crédible, mais elle manque remarquablement de preuves scientifiques pour l’appuyer.Masoumeh Sara Rahmani, Research Associate in Anthropology of Religion, Coventry UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1158212019-04-22T20:43:23Z2019-04-22T20:43:23ZAttentats à Sri Lanka : comment se met en place le climat de terreur<p>Avant même que l'État islamique ne revendique les attaques qui ont ensanglanté Sri Lanka ce dimanche 21 avril, faisant au moins 310 morts et environ 500 blessés, le ministre de la Défense Ruwan Wijewardene avait déclaré que la vague d’attentats était le fait d’un seul groupe et que les coupables avaient été identifiés : des extrémistes religieux. Selon ce haut responsable, des kamikazes seraient responsables de la majorité des attentats du matin. Le gouvernement a imposé un couvre-feu avec effet immédiat. Il a également fermé les médias sociaux et les services de messagerie afin d’éviter la diffusion de rumeurs qui sont souvent, à Sri Lanka, à l’origine d’émeutes.</p>
<p>Le gouvernement a avancé l’hypothèse de la responsabilité d’un groupuscule de musulmans extrémistes, le NTJ ou <em>National Thowheeth Jama’ath</em>. En 2016, le secrétaire du <em>Sri Lanka Thowheed Jamath</em> (SLTJ), Abdul Razik, a été arrêté <a href="http://www.ft.lk/article/580594/Police-arrest-Thawheed-Jamath-Secretary-as-hate-speech--religious-tensions-simmer-again">pour incitation au racisme</a>.</p>
<p>Pourtant, l’histoire contemporaine de l’île montre peu d’expériences de militance islamiste. On ne peut d’ailleurs que s’étonner de cette nouvelle, tant l’ennemi « naturel » des musulmans de l’île depuis ces dix dernières années prendrait plus le visage des bouddhistes majoritaires que celle des chrétiens. Il semblerait que le mouvement islamiste incriminé ne vise pas le séparatisme mais plutôt à étendre le mouvement djihadiste mondial à Sri Lanka et à créer la haine, la peur et des divisions au sein de la société locale.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/retour-en-arakan-ou-comment-comprendre-la-lente-exclusion-des-rohingyas-84004">Retour en Arakan ou comment comprendre la lente exclusion des Rohingyas</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette hypothèse est d’autant plus plausible que les attaques ont également visé des grands hôtels internationaux fréquentés par des Occidentaux, dont l’un est financé par des investissements chinois, le partenaire commercial privilégié des autorités locales depuis la présidence de Mahinda Rajapakse. Est-ce à dire que les terroristes font un lien étroit entre chrétiens et Occident ou bien souhaitent-ils mettre en péril l’un des piliers de l’économie de l’île, le tourisme ?</p>
<p>De son côté, l’administration indienne ne croit pas que ces attaques aient été perpétrées par un groupe d’extrémistes locaux mais par un réseau international sans lequel ces attaques n’auraient pu aboutir. Il est vrai que ces attentats s’inscrivent aussi dans le télescopage de multiples agendas : les <a href="https://theconversation.com/linde-aux-urnes-qui-sont-les-principaux-rivaux-de-narendra-modi-115175">élections en Inde</a>, l’intensification des <a href="https://theconversation.com/le-cachemire-cet-involontaire-allie-de-narendra-modi-113388">tensions entre Inde et Pakistan</a> et la volonté pour l’Inde de recouvrer sa place géostratégique dans la région. C’est toute l’Asie du Sud qui est déstabilisée par ces évènements qui plongent l’île dans un véritable climat de terreur.</p>
<h2>Une longue histoire de lutte contre le terrorisme</h2>
<p>Le Sri Lanka a une longue histoire de lutte contre le terrorisme, à commencer contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), mouvement séparatiste vaincu en 2009, dans un assaut final sanglant et meurtrier où les civils ont été les principales victimes.</p>
<p>À cet égard, la série d’explosions meurtrières visant des églises et hôtels, lors de ce dimanche de Pâques, ouvre un nouveau chapitre dans les tensions communautaires de l’île. Aux séquelles de la guerre (dépossession, déplacements forcés, militarisation, politiques de cinghalisation de la partie nord et orientale de l’île), entre 1983 à 2009, s’ajoute l’incapacité du gouvernement à prendre en compte les nombreux aspects sociaux et culturels dans la reconstruction d’une société post-conflit.</p>
<p>Au lieu de développer un processus de développement inclusif et responsable en lien avec un début de réconciliation et une justice transitionnelle, le gouvernement n’a fait qu’accroître le pouvoir de l’armée. L’institution militaire est ainsi devenue l’un des plus gros propriétaires fonciers de l’île, apparaissant comme une force d’occupation permanente sur des terres souvent spoliées, notamment au détriment des minorités, durant le conflit séparatiste. Il en va de même avec le clergé bouddhiste.</p>
<p>La faillite du sécularisme à Sri Lanka s’est traduite par la montée en puissance d’un renouveau bouddhiste s’incarnant, en 2004, par la création du parti politique cinghalais de droite nationaliste, JHU (<em>Jathika Hela Urumaya</em>) et, en 2012, par celle de l’organisation BBS (<em>Bodu Bala Sena</em>), elle aussi nationaliste et extrémiste, dont le nom signifie littéralement « Force du pouvoir bouddhiste ».</p>
<p>Or le BBS encourage le gouvernement à mieux défendre les droits des bouddhistes cinghalais en augmentant les ressources des écoles privées bouddhistes, en encourageant la natalité de cette même population, tout en imposant des restrictions pour les autres minorités ethniques et religieuses. Ainsi, à l’ennemi d’autrefois – le « tamoul » – se substitue celui appartenant à toute religion non-bouddhiste. De son côté, le JHU vise délibérément les minorités et plus particulièrement les chrétiens et les musulmans.</p>
<p>Rappelons que les Cinghalais (à majorité bouddhistes) représentent 75 % de la population ; les Tamouls autochtones et Indiens (majoritairement hindous) 18,1 % et les Maures (couramment appelés « Musulmans ») 7,1 %. Parfois, dans certaines provinces la majorité est minoritaire.</p>
<h2>Vers la réification des identités religieuses et ethniques</h2>
<p>Néanmoins, le tableau d’ensemble décrit par les attaques terroristes du dimanche 21 avril à Sri Lanka n’est pas clair, parce qu’il vise justement majoritairement la communauté chrétienne, la seule qui rassemble parmi ses fidèles Cinghalais et Tamouls ; la seule qui serait capable de transcender des antagonismes fortement politisés et historicisés.</p>
<p><a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2007/04/MEYER/14590">La question des contours des communautés</a> reste <a href="https://www.lacor.info/film/demons_in_paradise/texte/goreau-ponceaud/2018.html">épineuse à Sri Lanka</a>. Connaître et classifier les populations gouvernées était un principe de l’administration coloniale britannique (l’île a été administrée par les Britanniques de 1796 à 1948 et Ceylan devint colonie de la Couronne en 1802). Le recensement, en particulier, constituait un important outil de classification des populations.</p>
<p>Dès le recensement de 1901, la langue, la religion, la localisation ou les origines sont autant d’éléments qui ont donné du sens à la classification des identités. En 1911, le choix est fait par l’administration coloniale de regrouper dans une catégorie unique toutes les personnes qui ont pour langue maternelle le cinghalais (à l’exception des musulmans cingalophones). Les populations qui partagent le tamoul comme langue maternelle continuent d’être divisées, quant à elles, en quatre catégories : « Tamouls ceylanais », « Tamouls indiens », « Musulmans ceylanais », « Musulmans indiens ».</p>
<p>L’appartenance religieuse, de son côté, est prise en compte afin de distinguer les musulmans tamoulophones des Tamouls hindouistes et chrétiens qui sont seuls à être considérés comme Tamouls. Enfin, les catégories « Musulman » et « Tamoul » sont elles-mêmes chacune scindées en deux avec une distinction entre les personnes considérées comme « fils du sol » (« Tamouls sri lankais » et « Musulmans sri lankais ») et celles considérées comme ayant immigré d’Inde, à la suite de l’arrivée des Européens au XIX siècle.</p>
<p>La question est complexe mais très importante sur le plan social et politique car elle joue sur la notion d’identité et est un élément qui explique les tensions intercommunautaires récurrentes à Sri Lanka.</p>
<h2>Une intensification des tensions communautaires</h2>
<p>Cette série d’explosions terribles et coordonnées du 21 avril est une nouvelle tentative de semer la peur au sein d’une minorité religieuse. Il est toutefois troublant de constater que de multiples signaux d’alarme avaient auparavant été lancés en ce qui concerne le traitement des minorités religieuses dans l’île.</p>
<p>Depuis 2012, le Sri Lanka est le théâtre privilégié de l’intensification de tensions communautaires à l’encontre des musulmans tout d’abord, puis des chrétiens. Le BBS a ainsi appelé au boycott des magasins tenus par les membres de ces deux communautés et est à l’origine d’émeutes à répétition principalement contre les musulmans : en juin 2014 dans le district de Kalutara faisant 4 morts et 80 blessés ; puis du 26 février au 10 mars 2018 à Ampara et à Kandy.</p>
<p>Pour le BBS, les musulmans ne sont pas intégrés à la communauté nationale et manqueraient de patriotisme. Cette suspicion est d’autant plus renforcée que dans le bouddhisme, il n’y a pas de concept comparable à l’<em>Oumma</em>, la communauté de croyants. Il est également intéressant de rappeler que le BBS et le JHU entretenaient des liens privilégiés avec les mouvements birmans 969 et <em>MaBaTha</em>, dont les rhétoriques se concentrent sur la lutte contre les influences occidentales et musulmanes. Ces deux mouvements ont, notamment, apporté leur soutien au président Thein Sein conduisant à l’expulsion de plusieurs milliers de Rohingyas dans les pays voisins.</p>
<h2>Des minorités mal protégées</h2>
<p>En 2017, l’état d’urgence a été déclaré sur l’île après l’incendie de magasins et de maisons appartenant à des musulmans. Selon l’Alliance évangélique chrétienne nationale du Sri Lanka, le nombre d’attaques contre les chrétiens a considérablement augmenté ces dernières années : 190 actes criminels ont été comptabilisés depuis 2015. Le 14 avril dernier, une église méthodiste a été attaquée dans le village isolé de Kumbichchikulama, près d’Anuradhapura, dans le nord du pays – ce qui a semé la peur au sein de la communauté chrétienne.</p>
<p>Lors de son arrivée au pouvoir, en 2015, le Président Maithripala Siresena avait promis d’enquêter sur les crimes de haine contre les groupes minoritaires et sur les multiples formes de discriminations dont souffrent musulmans et chrétiens. Trop peu a été fait et les groupes minoritaires se sont longtemps sentis sans protection.</p>
<p>Ces communautés – chrétiennes et musulmanes – n’ont tout simplement pas bénéficié d’une protection suffisante. Le Sri Lanka doit fermement s’opposer à ceux qui tentent, à nouveau, de diviser la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115821/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Goreau-Ponceaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série d’explosions meurtrières visant des églises et hôtels, lors de ce dimanche de Pâques, ouvre un nouveau chapitre dans les tensions communautaires de l’île.Anthony Goreau-Ponceaud, Maître de conférences en géographie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/975752018-06-21T19:05:13Z2018-06-21T19:05:13ZLe corps et la beauté dans l’Aïkido : du singulier à l’universel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224258/original/file-20180621-137728-1khtl4u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2000%2C1434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tamura sensei et Alain Peyrache.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.aikido-peyrache-art-martial.com/Ki-Kokyu-bases-en-aikido">Blog d'Alain Peyrache.</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Les mouvements de l’Aïkido sont souples comme ceux de la nature car ils sont emplis de kokyu-ryoku. Ils augmentent la puissance physique, améliorent la santé et la beauté du corps. » <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nobuyoshi_Tamura">Nobuyoshi Tamura</a></p>
</blockquote>
<p>Après s’être inclinés sur le bord du grand tapis (tatami) du dojo délimitant l’espace sacré de la pratique, les aïkidokas prennent place sur le tapis sur lequel se pratique l’Aïkido et les différents arts martiaux. Ils sont maintenant alignés à genoux (seiza) face au mur d’honneur (kamiza) sur lequel est accroché le portrait du maître fondateur de la discipline O’Sensei <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Morihei_Ueshiba">Moreihei Ueshiba</a>.</p>
<p>Le silence est solennel. Un grand nombre d’aïkidokas sont en kimono blanc tandis que quelques-uns, les plus avancés dans la discipline, portent le pantalon large noir traditionnel (hakama). L’instructeur se présente au bord du tatami, salue face au kamiza en inclinant le buste vers l’avant et s’engage sur le tatami pour prendre place face aux pratiquants maintenant concentrés. L’instructeur s’agenouille et médite. Après quelques minutes, il observe l’attitude des pratiquants face à lui et effectue un demi-tour sur ses genoux vers le kamiza d’un mouvement des hanches. Recueilli, il s’incline lentement devant le portrait du maître fondateur imité en cela par les aïkidokas derrière lui. L’instructeur revient face à ses élèves, et tous s’inclinent tandis qu’il <a href="https://exmechilkonews.firebaseapp.com/2846170134.pdf">leur rend leur salut</a>. Alors il se lève en invitant les pratiquants à en faire autant, le cours dynamique a commencé.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aQjiZIfTmDw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’image classique du corps en occident n’est pas celle qui est véhiculée dans les arts martiaux. Le corps tient une place singulière dans les arts martiaux traditionnels et plus particulièrement dans l’Aïkido. Il est difficile de comprendre « les usages du corps » et sa socialisation spécifique si on oublie les dimensions sociohistoriques et culturelles qui construisent la discipline martiale, l’espace et l’esprit de la pratique. Nous tenterons ici de porter un regard anthropologique sur l’image et la place du corps dans l’Aïkido. À travers l’observation et l’analyse d’une séance de travail, nous verrons qu’à la construction physique du corps, son épanouissement doit paradoxalement correspondre à son effacement.</p>
<h2>Du Bujutsu au Bushido</h2>
<p>À partir du XII<sup>e</sup> siècle, les guerriers Bushi constituent le corps social gouvernant le plus élevé dans la hiérarchie de la société japonaise. Les techniques de combat jutsu et l’art de la guerre <a href="http://aikidojournal.com/2018/03/18/the-inspiration-of-o-senseis-jujutsu-a-letter-by-kenji-tomiki/">Bujutsu</a>, (recherche de l’efficacité en immobilisant, brisant des membres et en tuant son adversaire) sont déjà érigés en mode de vie et d’être propres aux Bushi. On en trouve trace dans le premier code non écrit appelé <em>La voie de l’arc et du cheval</em> (<em>Kyuba-no-michi</em>), considérée comme la première énonciation de l’éthique des samouraïs. Cette époque Sengoku a été le théâtre de nombreuses batailles et elle atteignit son climax lors de la bataille de Sekigahara les 20 et 21 octobre 1600 dont on estime qu’elle causa 50 000 morts en deux jours ! C’était la fin de la féodalité, le début de l’époque edo et du règne des Tokugawa qui dura jusqu’en 1868 à la restauration de l’ère meiji.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224080/original/file-20180620-137720-1u7x7mq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Panneau de l’époque d’Edo représentant la bataille de Sekigahara.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Sekigahara#/media/File:Sekigaharascreen.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Durant cette longue période de paix, de nombreux traités sur les arts martiaux et l’éthique des samouraïs seront écrits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Random">pour reprendre les propos de Michel Random</a>. On peut percevoir dans ces ouvrages un glissement du Bujustsu au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bushido">Bushido</a>, l’acte guerrier devient un “acte de développement personnel”, il ne s’agit plus de lutter conte les autres mais contre soi. Citons pour les plus importants ; le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Buke_shohatto"><em>Buke Sho Hatto</em></a> (1615) écrit à la demande du shôgun Tokugawa pour régler la conduite des samouraïs et des nobles ; les <em>Lectures élémentaires sur le Bushidô</em> (<em>Budô Shoshin Shû</em>) de Daidoji Yûzan (1639-1730) ; le <em>Koyo Gunkan</em> écrit au début du XVII<sup>e</sup> siècle, chronique des exploits militaires du clan Takeda. </p>
<p>Le fameux <em>Hagakure</em> en 11 volumes de Yamamoto Tsunetomo parut quant à lui en 1716. On pourrait citer une abondante production littéraire tant sur le Bushido que sur les exploits réels ou romancés des samouraïs : que l’on songe au <em>Go Rin No Sho</em> ou <em>Traîté des cinq roues</em> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Miyamoto_Musashi">Myamoto Musashi</a>, peut-être le plus fameux guerrier du Japon, publié en 1645, ou à Akō Rōshi avec <em>L’histoire des 47 Ronin</em> qui fut tirée de faits réels en 1701 dans la région d’Ako. Cette dernière histoire fait encore partie de l’éducation des jeunes Japonais et du folklore national.</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x6afwbh" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Cette littérature laisse voir les règles de vie des samouraïs et elle magnifie l’éthique du Bushido, « La voie du guerrier ». <a href="http://aikidojournal.com/2018/03/21/ellis-amdur-the-rise-of-traditional-japanese-martial-arts/">Mais en quoi ce glissement du Bujutsu vers le Bushido est-il significatif ?</a></p>
<p>Avant le VI<sup>e</sup> siècle, le Japon est de religion Shintô essentiellement animiste. On trouve les premiers écrits concernant la philosophie Shintô dans un ouvrage écrit en 712 le <em>Kojiki</em> complété plus tard par le <em>Nihongi</em>. Le bouddhisme fut introduit en 538 et le bouddhisme zen vers 1229. Ces religions et croyances ensemble et absorbées par le Shintoïsme formeront le socle de la culture japonaise et influenceront naturellement le Bushido apportant aux guerriers la philosophie qui manquait à l’élévation éthique de la pratique martiale, un art de vivre !</p>
<p>Durant la période de paix Tokugawa, les guerriers japonais n’eurent plus de combat à mener. Ils continuaient néanmoins à s’entraîner très durement, à la fois pour tenir leur rang – être guerrier membre d’une caste, d’un clan – mais aussi parce qu’il existait dans les familles samouraï une vraie reconnaissance des vertus pédagogiques de l’entraînement des jeunes garçons. L’enfant était socialisé pour être un guerrier et un vassal ou un fils loyal et obéissant, mais aussi pour appartenir à une catégorie sociale distincte.</p>
<p>Il est probable que la pratique des arts martiaux au cours de l’époque edo amena les meilleurs d’entre les samouraïs à rechercher la perfection dans leur art, comme le montre la littérature sur le sujet. De plus, l’influence bouddhiste amenait naturellement les guerriers à vouloir atteindre « le détachement », un certain état de vacuité, afin d’accepter la mort, tandis que les principes Shintô enseignaient que la vie est un mouvement naturel constant échappant à toute idée de dualisme et que c’est en soi qu’il faut réaliser l’unité.</p>
<p>Les notions de renouveau et de purification sont également au cœur du Shintoïsme : le guerrier donne le meilleur de lui-même afin de se purifier, de se renouveler et de se renforcer en tentant d’exceller dans son art et de tendre vers la perfection. Il s’agit de maîtriser ses émotions, son esprit et son corps afin d’être plus à même d’affronter l’adversité. Le Zen insiste sur le travail de la concentration qui est à la base de tout exercice physique en Orient, comme le note l’historien Odon Vallet. C’est réellement, semble-t-il, par le suivi et l’application des principes du Bushido et de l’entraînement intensif des jutsu voire la pratique de l’ascèse que les pratiquants trouvent une voie vers la réalisation de soi. Les samouraïs se construisent eux-mêmes en exerçant leurs pratiques guerrières : ils ont gagné la paix. Ils sont à eux-mêmes le chef d’œuvre de leur art.</p>
<h2>Corps et image du corps dans l’Aïkido</h2>
<p>C’est par les cinq sens que nous percevons le monde, de même que notre naissance et notre mort seront liées à l’émergence et à la disparition de notre corps, sans compter que la souffrance passe aussi par le corps ou affecte ce dernier dans sa capacité de s’inscrire dans la réalité. La socialisation différenciée des corps dans nos sociétés modernes, de l’enfance à l’âge adulte, d’une catégorie sociale à l’autre, conduit les individus vers deux écueils majeurs : soit vers l’ignorance ou l’évitement de leur corps soit vers la « starisation » du corps.</p>
<p>Dans le premier cas, c’est pour des raisons liées à la tradition sociale, religieuse ou familiale ou encore à un manque d’intérêt voire à un mépris certain pour ce qui n’est pas audible, visible, ce qui ne peut être vu et affiché : le corps ! Il est le lieu de tous les fantasmes, de toutes les peurs et de tous les refoulements. Corps maladroits, étriqués, empruntés ou bafoués, meurtris, marqués, tatoués… il doit disparaître derrière la parole, les habits ou les signes.</p>
<p>Dans l’autre cas, il y a ceux qui paraissent à l’aise avec leur corps mais n’en sont que des locataires. Le corps leur sert à exprimer tout ce que la société produit d’images sociales valorisantes liées au physique dans la compétition avec d’autres physiques, dans la quête du désir et de la consommation des corps : parfum, voiture, habits, séduction, musculature, taille, sexe, taille des sexes, bien-être, corps facile à produire, corps facile à déplacer dans la société, dans la hiérarchie sociale, faciles à habiller, pommadés, siliconés, remodelés, travestis, réparés… Corps faciles à loger dans d’autres corps… Tout cela laissant les individus à leurs angoisses de non-être.</p>
<p>Bien entendu nous prenons des raccourcis pour exprimer la diffraction du regard et de la conscience : la question de l’ego. Que l’on soit ignorant de son corps ou que l’on en use comme si c’était là toute notre misère et fortune revient à ne pas mettre le corps à sa juste place. Les instructeurs d’arts martiaux le savent bien, ils voient arriver dans les dojos, les uns traînant leur corps comme des chiens malades en laisse ou les autres inconsistants, libres comme une volée de feuilles de magazines en Eastmancolor que l’on jette après usage.</p>
<p>En Aïkido, et dans les arts martiaux en général, le premier travail consiste à permettre au pratiquant de redécouvrir ce corps, de le resocialiser autrement, de le remettre à sa véritable place pour enfin le maîtriser.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221334/original/file-20180601-142063-j9bvwc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Aîkidoka débutant.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des corps traits d’union</h2>
<p>En Aïkido, les corps sont uniformisés par les kimonos blancs et les hakamas. Les habits permettent l’aisance des mouvements. Impossible également de fantasmer sur la courbe d’un sein ou la forme d’un pied, car les pantalons et les tee-shirts sous les kimonos des dames doivent couvrir la poitrine et les mouvements des pieds. Les visages sont concentrés, parfois grimaçants sous une technique douloureuse ou bienveillante de la part des anciens (Sempaï) pour les novices (Kôhaï). Les corps doivent être bien ancrés dans le tatami et les nuques droites pleines de force tendues vers le ciel ; les corps sont traits d’union. L’instructeur passe parmi les pratiquants et corrige ici une technique, là une attitude ou encore corrige la position du dos et des reins. Le silence du dojo est rempli des souffles, des bruits de chutes et des Kiaï (cris) des pratiquants. Quelques chuchotements indiquent qu’un ancien (Sempaï) attire l’attention d’un débutant sur la justesse d’une technique.</p>
<p>Les arts martiaux et plus précisément l’Aïkido ont pour impératif de rendre le corps fort et souple. L’énergie doit circuler librement à volonté selon les situations. Les pratiquants s’exerceront inlassablement séance après séance, à la limite de la douleur parfois, pour éduquer ce corps le remplir de Ki (énergie) et pour l’assouplir afin de lui donner toute la réactivité nécessaire aux situations de combat, mais aussi pour permettre de mobiliser le ki à volonté.</p>
<blockquote>
<p>« La voie du Guerrier est basée sur l’humanité, l’amour et la sincérité, le cœur de la valeur martiale est la vraie bravoure, la sagesse, l’amour et l’amitié. Insister sur les aspects physiques de l’état du guerrier n’est que futilité, car le pouvoir du corps est toujours limité. » (O’Sensei Morihei Ueshiba)</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/30Sa0PLquFg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Le corps est le support de l’esprit dans le Bushido. La chair, les muscles et les réflexes sont forgés comme l’est le Katana, le sabre du samouraï. Après de longs entraînements, l’énergie, le Ki, peut alors jaillir comme une source nouvelle déversant ses eaux d’un corps sain et libre.</p>
<p>L’aïkidoka est ici au centre de lui-même, posé en son Seika Tanden, le point d’union des énergies dans son ventre et par là, il est libre : il est alors en harmonie avec l’univers. Les techniques s’enchaînent sans effort et sans but apparents. Il a pris dans son centre la dynamique et l’énergie de Uke (opposant), il n’a plus d’adversaire, ils ne font plus qu’un. Maintenant la forme est belle et la technique est oubliée, car le pratiquant est devenu mouvement lui-même et le corps disparaît pour faire place au souffle signifié par les mouvements qui prennent des allures de danse. Les mouvements sont souples et coulés, sans violence, le corps n’est que respiration.</p>
<h2>Dissolution de l’ego</h2>
<p>Il y a là un paradoxe difficile à comprendre pour les néophytes : pourquoi tant de travail et de souffrance sur le corps s’il doit disparaître ? Dans la pratique de l’Aïkido et d’autres arts martiaux, la cible n’est pas l’adversaire, mais soi-même. L’opposant, Uke, est là pour permettre à Aïté de travailler, l’aider à se parfaire. Le travail physique dans le dojo n’a pas seulement pour objet de rendre le corps fort et souple, mais également de traquer dans tous les recoins du corps et de l’esprit, puis de dissoudre l’ego. Ego est puissamment armé de nos échecs et de nos succès, de toutes les justifications sociales, familiales, individuelles, psychologiques et affectives qui lui permettent de se mirer dans la complaisance, d’enfler de suffisance ou encore de se diluer laissant dans le désarroi, le retrait et la peur celui qui ne se perçoit plus. Il désorganise et fragmente l’univers individuel et collectif en déformant la perception que les individus ont du monde. Frustrations et souffrance sont ses rejetons.</p>
<p>Le seul support de l’expérience humaine alors c’est le corps : il n’y a rien d’autre pour informer le pratiquant de son existentialité. On pourrait presque dire que cette expérience du corps prépare une ouverture bien plus globale, celle de la conscience. Lorsque le pratiquant est rempli de son Ki, son énergie, et fait de son corps le lieu d’accueil du Ki universel, alors l’expérience peut être déclarée comme transcendante. Ici ego a retrouvé sa juste place et vit en harmonie avec d’autres ego.</p>
<h2>Vers la beauté</h2>
<p>Les voies sont multiples pour affûter l’esprit et se perfectionner : physiques, martiales, philosophiques, artisanales, spirituelles, etc., mais au fond l’ultime vérité, Soi et le Monde, n’est que beauté et oserais-je dire en accord avec mes maîtres et mes professeurs passés et présents, Amour. Il ne faut pas s’y tromper, la beauté et l’amour dont nous parlons ici n’ont pas ce relent de possession, d’intérêt et de séparation de l’univers et des êtres, ou encore ne sont pas la conjonction de quelque désir premier. Ni amertume, ni regret, ni calculs, ni choix, juste un état d’être reposant dans ce corps. Amour et Beauté unissent enfin ce qui était fragmenté et disjoint en soi et ailleurs. Le pratiquant n’est plus séparé des êtres et des choses, du monde, il réalise en lui l’unité. Selon les philosophes taoïstes, l’univers était Un et se serait scindé en deux, encore et encore… on est, par la pratique, ramené à cette unité originelle.</p>
<p>Bien des penseurs, de l’antiquité à nos jours, par des voies différentes ont eu, nous semble-t-il, l’intuition de cette unité de toutes choses et de cette relation à soi et au monde, telle qu’en sociologie dernièrement peut-être <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf">Edgar Morin</a> ou encore, en anthropologie <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/mauss_marcel/socio_et_anthropo/2_essai_sur_le_don/essai_sur_le_don.pdf">Marcel Mauss</a>, dans sa construction intellectuelle des touts sociaux :</p>
<blockquote>
<p>« C’est en considérant le tout ensemble que nous avons pu percevoir l’essentiel, le mouvement du tout, l’aspect vivant, l’instant fugitif où la société prend, où les hommes prennent conscience sentimentale d’eux-mêmes et de leur situation vis-à-vis d’autrui. »</p>
</blockquote>
<p>La beauté ici n’a rien d’individuel, la relégation, ou mieux, la mort d’ego permet à la beauté de surgir : universelle, elle épouse toutes les formes et se répand. Elle n’est pas un choix individuel ou collectif : elle échoit au pratiquant et à ceux qui en sont témoins, elle s’impose. Elle élève ceux qui sont touchés par elle. Cette beauté-là est reconnaissable entre toutes. Elle n’est pas discriminante, ne détaille pas, ne jette d’ombre sur personne, elle est unique et incomparable. La véritable beauté n’a rien de social, elle ne subit ni les outrages du temps ni les tyrannies des modes ou le jugement, elle n’impose pas de formes, car c’est aussi de la disparition de la préoccupation du détail technique, de l’imitation et des formes qu’elle émerge. Nous pourrions dire que la beauté est un état comme l’amour dont nous parlons ici.</p>
<p>Quiconque est mis en présence d’un tel individu d’où émane la beauté et la bonté sait intuitivement et instantanément que ce dernier est « habité », inspiré par les muses.</p>
<h2>Éveil de la conscience</h2>
<p>L’Aïkido n’admet pas la compétition et elle est enseignée aujourd’hui encore dans le but de former des hommes épanouis, libres et responsables. Le pratiquant d’Aïkido, on l’aura compris, apprend à discipliner le corps et l’esprit afin de les rendre plus performants et sains. Comment pourrait-il connaître son corps et la beauté quand il ne connaît que le confort (ou l’inconfort) des fonctions corporelles premières et les désirs fugaces. Il n’a aucun moyen a priori de contempler sa propre image ailleurs que dans les yeux hagards d’une société miroir et d’individus divagants d’une esthétique à une autre, au fil des modes, des âges et des angoisses.</p>
<p>Dans les sociétés pathogènes telles que les ont décrites les sociologues et les anthropologues d’Émile Durkheim à Alain Erhenberg, les individus réalisent, parfois tardivement, qu’ils n’ont jamais posé la question du sens de leur vie autrement que dans les réponses socialement construites. Or la société, c’est une de ses caractéristiques, met en lumière le détail, le local lorsque celui-ci sert ses desseins, mais certainement pas ceux des individus, sauf à produire momentanément quelques rétributions symboliques et sociales ; la sensation d’être repu. Il en est ainsi de l’image du corps et de la beauté.</p>
<p>À la tyrannie de la course à l’image, l’Aïkido n’offre pas d’alternative, pas de miroir déformant ou arrangeant, ce n’est pas son objectif. Ceux qui franchissent le seuil du dojo vont devoir sous la guidance de l’instructeur : ajuster, assouplir, limer, redresser, battre, lisser, accoucher et forger un individu différent, nouveau, un autre eux-mêmes, celui-ci a toujours été là et ils ne savaient pas.</p>
<p>La conscience s’éveille d’une double extension : d’une part, un retour à soi, une vraie involution vers une enfance volée ou tronquée par les codes familiaux et sociaux, et d’autre part, une mise en responsabilité, la prise de conscience du Giri, le devoir, vis-à-vis de soi, de nos proches, de nos amis, de notre cité, du monde, etc. Au centre de cette double extension, tel l’archer, l’individu s’accouche lui-même sous le regard bienveillant de ceux qui ont déjà parcouru cette voie. Il se déploie enfin, et son corps s’affermit, il marche, glisse, tourne sur lui-même en entraînant tous ceux qui sont dans sa proximité. </p>
<p>Le philosophe allemand <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Zen_dans_l%27art_chevaleresque_du_tir_%C3%A0_l%27arc">Eugen Herrigel</a> a décrit sa propre re-naissance comme un renoncement, à ses convictions premières, à ses représentations habituelles, soit la mort d’ego. Le beau en Aïkido est dans la liaison entre le singulier et l’universel, être Soi et refléter le monde dans sa diversité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/221338/original/file-20180601-142063-1mhv3eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’auteur exécutant une projection.</span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/97575/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Dufoulon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le corps tient une place singulière dans les arts martiaux traditionnels et plus particulièrement dans l’Aïkido.Serge Dufoulon, Professeur de sociologie & anthropologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/922132018-02-22T19:57:02Z2018-02-22T19:57:02ZSous pression ? Pour éviter de craquer, méditez en pleine conscience<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/207367/original/file-20180221-132654-1354vpq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La méditation de pleine conscience peut aider à atténuer la pression.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-pretty-joyful-brunette-woman-meditating-553195012?irgwc=1&utm_medium=Affiliate&utm_campaign=Hans%20Braxmeier%20und%20Simon%20Steinberger%20GbR&utm_source=44814&utm_term=">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La méditation de pleine conscience a le vent en poupe, et certains sportifs s’y adonnent depuis longtemps. Tous ceux qui subissent des situations de stress gagneraient à suivre leur exemple, y compris dans le monde du travail.</p>
<h2>Gare à l’échec sous pression</h2>
<p>Imaginez-vous aux Jeux olympiques. Vous venez de prendre position dans les starting-blocks. Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est d’attendre patiemment votre tour pour vous élancer et dévaler la piste. Les caméras sont sur vous. En tant qu’actuel leader de la Coupe du Monde, tout le monde s’attend à ce que vous gagniez. Vous savez très bien comment y parvenir. Après tout, vous avez exécuté ces gestes des milliers de fois. Les conditions météorologiques sont optimales et l’entraînement s’est très bien passé. Tout est parfait, mais pourtant… Cette fois, c’est différent.</p>
<p>Au lieu d’écouter les derniers mots de votre coach, vous commencez à penser à toutes les personnes qui comptent sur vous et s’attendent à vous voir paré d’or. Votre nation attend toujours sa première médaille et votre famille a voyagé pour voir votre performance en direct. Que faire si vous manquez une porte ? Ou bien si vous tournez une seconde trop tard et chutez ? Ces pensées hantent de plus en plus votre esprit, elles sont presque hors de contrôle. Vous éloignez peu à peu votre attention de la tâche à accomplir. Vous commencez à craquer, victime du phénomène d’« échec sous pression ».</p>
<h2>Personne n’est à l’abri</h2>
<p>Même si l’exemple cité ici vient du monde du sport, cette situation peut concerner quiconque subissant une forte pression. Ce phénomène d’« échec sous pression » n’est pas nouveau. Il a été longuement étudié dans la littérature scientifique. Il fait référence à la réalisation d’une mauvaise performance en regard de celle qui aurait été logiquement attendue, à un moment où les incitations à se surpasser sont maximales. Les attentes, le niveau de pression et le timing sont des éléments clés de ce phénomène.</p>
<p>Les Jeux olympiques représentent un contexte typique où les athlètes peuvent facilement craquer. Il s’agit en effet d’une période particulièrement stressante pour les athlètes, qui les vivent souvent comme une opportunité unique dans leur vie d’obtenir une reconnaissance nationale et internationale. Un rêve pour de nombreux sportifs…</p>
<p>Toutefois, l’« échec sous pression » s’applique également à de nombreux autres contextes, comme lorsque vous devez faire une présentation importante devant votre patron, persuader des investisseurs importants de vous prêter de l’argent, vous présenter lors d’un entretien d’embauche etc. Dans tous ces exemples, les enjeux sont si élevés que vous devriez donner le meilleur de vous-même.</p>
<h2>Méditation pleine conscience : maintenir un stress optimal</h2>
<p>La <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/wol1/doi/10.1002/cne.920180503/abstract">loi de Yerkes et Dodson</a> sur la performance est souvent citée pour expliquer le fait de craquer sous la pression. C’est une relation en forme de U inversé entre la performance et le stress physiologique ou mental. Elle dispose que bien qu’une augmentation du niveau de stress puisse avoir des effets positifs sur la performance (par exemple, en renforçant le niveau d’attention et en stimulant l’intérêt pour une tâche), ce bénéfice n’est valable que jusqu’à un certain point. Des niveaux élevés d’anxiété peuvent en effet drainer les ressources mentales et altérer fortement la performance. Le défi est alors de rester dans une zone optimale de stress. Mais comment faire ? La réponse pourrait se trouver du côté de la <a href="https://www.cairn.info/la-meditation-de-pleine-conscience--9782130790136.htm">méditation de pleine conscience</a>.</p>
<p>La méditation de pleine conscience, <em>mindfulness</em> en anglais, est un concept dérivé du bouddhisme. Elle entraîne essentiellement l’esprit à rester vigilant et attentif, en se concentrant sur le « ici » et le « maintenant ». Des chercheurs en comportement organisationnel et en psychologie ont examiné son utilité dans la gestion de l’anxiété. Il apparaît que la méditation de pleine conscience <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12671-016-0648-z">réduit l’anxiété et améliore la performance sur le lieu de travail</a>, si sa pratique est soutenue. Un certain nombre d’athlètes ont d’ailleurs utilisé cette technique pour gérer leur anxiété avant de grands événements sportifs.</p>
<p>L’exemple le plus célèbre est celui du basketteur Michael Jordan, qui a attribué à George Mumford, l’auteur du livre <em><a href="http://mindfulathlete.org/">The Mindful Athlete</a></em>, la capacité de transformer son talent sur le terrain. Mais Michael Jordan n’est pas le seul sportif connu pour cette pratique. Novak Djokovic, Kobe Bryant, LeBron James, Misty May, Kerri Walsh ou encore Tiger Woods sont d’autres athlètes ayant déclaré utiliser la pleine conscience.</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/131299675" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diana Winston, de l’Université de Californie, présente la méditation de pleine conscience, qu’elle enseigne depuis 1993.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Méditation de pleine conscience et monde du travail</h2>
<p>Dans toutes les organisations, les individus sont fréquemment confrontés à des situations où la pression est forte, et dans lesquelles ils doivent malgré tout demeurer performants. Dans de tels moments, le risque de craquer sous la pression existe, même si l’on est extrêmement doué et compétent dans la tâche à accomplir. Un bref instant de pleine conscience peut aider à se concentrer et à ramener son attention sur la tâche à accomplir, pour se placer dans une zone de performance optimale.</p>
<p>Avant votre prochaine grande réunion ou présentation, pensez à faire ce qui suit :</p>
<ol>
<li><p>Trouvez un endroit tranquille où vous ne serez pas dérangé pendant quelques minutes (si vous craignez de perdre le fil du temps consacré à l’exercice, vous pouvez régler une minuterie sur 10 minutes).</p></li>
<li><p>Fermez les yeux et installez-vous dans une position confortable.</p></li>
<li><p>Avec intention, volonté et envie, prenez quelques profondes respirations et amenez exclusivement votre concentration sur les sensations ressenties lors de la respiration.</p></li>
<li><p>Si des pensées surgissent au sujet de ladite imminente réunion ou présentation, laissez ces pensées être présentes, mais déplacez doucement votre concentration sur votre respiration.</p></li>
<li><p>En faisant cet exercice, vous remarquerez que votre esprit se calme. Lorsque votre esprit se calme, il devient plus facile d’entreprendre cette pratique.</p></li>
<li><p>Prenez finalement conscience de votre prochaine réunion/présentation, ainsi que du sentiment de bien-être éprouvé grâce à la méditation, et ouvrez les yeux.</p></li>
</ol>
<p>Vous êtes désormais prêt à affronter le monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Utilisée par de nombreux athlètes de haut niveau, la méditation de pleine conscience permet d’alléger la pression de la compétition. Hors des stades, les salariés peuvent eux aussi bénéficier de ses effets.Maude Lavanchy, Research Associate, International Institute for Management Development (IMD)Jayanth Narayanan, Associate professor, National University of SingaporeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/847392017-10-05T22:54:57Z2017-10-05T22:54:57ZLa longue histoire du zéro, ce « rien » si important<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188636/original/file-20171003-28605-eh3chv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Graffiti représentant le zéro, ce symbole révolutionnaire des maths.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fahrertuer/7099901623/in/photolist-bPoRoX-UfiLXh-jxHsuM-6GdA5m-Wy3v8n-8nBBHR-8nEKHE-nEGyZp-bDqGMM-cw84PJ-8nBjD6-jHtdv-7jxECR-DVzjpK-bVL9mJ-go7K2m-8nEKWS-dD1fQ1-a54xfk-KNns2-5a2W1Y-2B2Ba-nmqWFz-fHgUZt-6fJDGb-9piJyX-6GdzLA-fhXHxa-8jX2hk-p7w5E-ayiEWX-VtmUp9-6G9ufT-rRKKz-MBqcFD-fv8HZF-6GdzPW-5mJugJ-gYBvC-nmqzet-6ctUyu-do7HjP-6G9uJZ-q2P3E-rYEmbB-5hDPn7-9vhNSN-6G9uxn-nEGt22-aDWkzm">Dirk Duckhorn/flickr (modifié)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Un petit point gravé dans un morceau d’écorce de bouleau marque l’un des événements les plus importants de l’histoire des mathématiques. L’écorce est en réalité un fragment d’un document connu sous le nom de <em>manuscrit de Bakshali</em>. Ce point est la première utilisation connue du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nombre">nombre</a> zéro. Des chercheurs de l’université d’Oxford ont <a href="https://www.theguardian.com/science/2017/sep/14/much-ado-about-nothing-ancient-indian-text-contains-earliest-zero-symbol">récemment découvert</a> que ce document est de 500 ans plus anciens par rapport aux dernières estimations, ils l’ont daté du troisième ou quatrième siècle après J.C. Une découverte majeure !</p>
<p>Il est aujourd’hui bien difficile d’imaginer comment faire des maths sans utiliser le zéro. Dans un système numérique, tel que le système décimal que nous utilisons, la position d’un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiffre">chiffre</a> est vraiment importante. Par exemple, la réelle différence entre 100 et 1 000 000 est la position du 1, le symbole 0 servant de ponctuation.</p>
<p>Cela dit, pendant des milliers d’années on s’en est bien passé. Les Sumériens, 5 000 ans avant notre ère, utilisaient un <a href="http://www.storyofmathematics.com/sumerian.html">système « positionnel »</a> mais sans 0. Dans des <a href="https://www.scientificamerican.com/article/what-is-the-origin-of-zer/">formes rudimentaires</a>, un symbole ou un espace était utilisé pour distinguer, par exemple, 204 et 20000004. Ce symbole n’était néanmoins jamais utilisé à la fin d’un nombre, la différence entre 5 et 500 devait alors être déterminée par le contexte.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pV_gXGTuWxY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Une brève histoire du zéro</h2>
<p>L’arrivée tardive du zéro est due, en partie, à une appréciation négative du concept de néant dans certaines cultures. La philosophie occidentale est remplie d’idées fausses à propos du néant. <a href="https://plato.stanford.edu/entries/parmenides">Parmenides</a>, penseur grec du V<sup>e</sup> siècle avant J.C., proclama par exemple que le néant ne pouvait exister, parce que parler de quelque chose le fait, <em>de facto</em>, exister.</p>
<p>Après l’avènement de la chrétienté, les dirigeants religieux européens expliquèrent que puisque Dieu est dans tout ce qui existe, alors toute représentation du néant devait être satanique. Dans l’espoir de sauver l’humanité du diable, ils <a href="http://yaleglobal.yale.edu/history-zero">bannirent rapidement le zéro</a> de la société alors que dans le même temps, les marchands continuaient à l’utiliser en secret !</p>
<p>Dans la philosophie bouddhiste, au contraire, le concept de néant n’est pas seulement dénué de tout parfum démoniaque mais est une idée centrale dans les tentatives des adeptes pour atteindre le nirvana. Un <a href="http://www.huffingtonpost.com/lewis-richmond/emptiness-most-misunderstood-word-in-buddhism_b_2769189.html">tel état d’esprit</a>, permet une représentation mathématique du zéro. En fait, le mot anglais <em>zero</em> est dérivé à l’origine du mot hindi « sunyata », signifiant « néant » et est un concept central dans le bouddhisme. Pour arriver au terme français, <em>sunyata</em> est passé par l’arabe <em>cifron</em> puis l’italien <em>zefiro</em>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/186836/original/file-20170920-16445-1yaf95v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le manuscrit Bakhshali.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bodleian Libraries</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après que le zéro a émergé dans l’Inde ancienne, il lui a fallu près de mille ans pour s’enraciner en Europe, bien après la Chine et le Moyen-Orient. En 1200, le mathématicien italien Fibonacci, qui amena le système décimal en Europe <a href="http://www.springer.com/gb/book/9780387407371">écrivait</a> :</p>
<p><em>La méthode des Indiens surpasse toute méthode connue pour calculer. C’est une méthode fantastique. Ils font leurs calculs en utilisant neuf chiffres et le symbole zéro.</em></p>
<p>Cette méthode supérieure de calcul, clairement semblable à la nôtre, libéra les mathématiciens des opérations simples mais ennuyeuses, leur permit de s’attaquer à des problèmes bien plus complexes et d’étudier les propriétés générales des nombres. Par exemple, cela a permis le travail du <a href="http://www.storyofmathematics.com/indian_brahmagupta.html">mathématicien et astronome indien Brahmagupta</a>, considéré comme le père de l’algèbre moderne.</p>
<h2>Algorithmes et calculs</h2>
<p>La méthode indienne est puissante car elle permet de générer des règles simples de calcul. Imaginez-vous en train d’essayer d’expliquer comment faire une longue addition sans utiliser un symbole pour le zéro. Pour chaque règle que vous pourriez inventer, il y aurait bien trop d’exceptions. Le mathématicien perse du neuvième siècle Al-Khwarizmi a été le premier à méticuleusement noter et exploiter ces instructions arithmétiques, ce qui allait rendre, <a href="https://books.google.co.uk/books?id=zTQrDwAAQBAJ&pg=PA47&lpg=PA47&dq=al+khwarizmi+abacus&source=bl&ots=PakFxbCVwk&sig=FWjwHlnppHAU9i_zgAficOcw4ug&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwii-46257PWAhUhBcAKHaWtCRcQ6AEIajAP#v=onepage&q=al%20khwarizmi%20abacus&f=false">au final</a>, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Abaque_(calcul)">abaques</a> obsolètes.</p>
<p>De telles instructions mécaniques illustrèrent qu’une partie des mathématiques était automatisable et cela allait mener au développement des ordinateurs modernes. Le mot « algorithme » utilisé pour décrire un ensemble d’instructions basiques est d’ailleurs dérivé du nom <a href="https://en.oxforddictionaries.com/definition/algorithm">Al Khwarizmi</a>.</p>
<p>L’invention du zéro a également créé une nouvelle manière plus précise de décrire les fractions. Ajouter des zéros à la fin d’un nombre augmente sa grandeur ; ajouter des zéros au début de ce nombre, après la virgule, la diminue. Placer infiniment des nombres à droite de la virgule correspond à une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=JmyLeESQWGw&list=PLYoCqdGsxmn9HOU84Ln2PhPKpxRfaEO9h&index=17">précision infinie</a>. Une telle précision était exactement ce dont les grands penseurs du XVII<sup>e</sup> siècle Isaac Newton et Gottfried Leibniz avaient besoin pour développer leurs travaux sur le calcul infinitésimal.</p>
<p>Ainsi l’algèbre, les algorithmes, le calcul infinitésimal, trois piliers des mathématiques modernes sont le résultat de la notation du <em>néant</em>. Les maths sont une science des entités invisibles que nous ne pouvons comprendre seulement une fois écrites. L’Inde, en ajoutant le zéro au système des nombres, libéra le vrai pouvoir des nombres, faisant passer les maths de l’enfance à l’adolescence et du rudimentaire vers sa sophistication actuelle !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84739/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ittay Weiss ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’invention du zéro a révolutionné les mathématiques et permis, rien de moins, que l’invention des ordinateurs.Ittay Weiss, Assistant researcher, University of PortsmouthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.