tag:theconversation.com,2011:/us/topics/changement-climatique-21171/articleschangement climatique – The Conversation2024-03-27T16:48:52Ztag:theconversation.com,2011:article/2245652024-03-27T16:48:52Z2024-03-27T16:48:52ZPréserver l’avenir de nos forêts : ce que peut apporter la recherche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579184/original/file-20240301-20-3g2ric.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=59%2C9%2C3007%2C2032&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour penser l'avenir des forêts, il faut intégrer leurs dimensions environnementales, mais également économiques et sociales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/arbres-a-feuilles-vertes-pendant-la-journee-HEHSE12vXSg">Nadia Ivanova / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La question de l’avenir de nos forêts taraude la société dans son ensemble, des forestiers aux industriels de la transformation du bois en passant par les citoyens et usagers des forêts.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, qui se traduit en France <a href="https://esd.copernicus.org/articles/13/1397/2022/">par une trajectoire de réchauffement à +4 °C en 2100</a>, les superpouvoirs des forêts – sources de matières premières, puits de carbone, fonctions de régulation et de protection, réservoir de biodiversité, espace de bien-être – sont de plus en plus mis à mal.</p>
<p>À titre d’exemple, la séquestration du CO<sub>2</sub> par les arbres – qui contribue à réduire les effets du changement climatique via la photosynthèse – <a href="https://www.ign.fr/espace-presse/les-donnees-de-linventaire-forestier-national-confirment-limpact-du-changement-climatique-sur-la-sante-des-forets-francaises">a fortement diminué</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">Un autre regard sur l’évolution contemporaine de la forêt française</a>
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<p>Dans ce contexte, l’État lance un programme de recherche <a href="https://www.pepr-forestt.org/">sur la résilience des forêts</a>, qui vise à accroître les connaissances pour accompagner la conception et l’expérimentation – sur la base de travaux scientifiques – de trajectoires d’adaptation flexibles afin d’améliorer la résilience des socio-écosystèmes forestiers.</p>
<p><a href="https://anr.fr/en/france-2030/programmes-et-equipements-prioritaires-de-recherche/">Cette programmation scientifique</a> interroge le rôle de la recherche face aux défis de l’accélération des changements globaux. En effet, les forêts sont des <a href="https://sitesweb-tmp35.dsi.sorbonne-universite.fr/sites/default/files/media/2022-01/Couvet_socio%C3%A9cosyst%C3%A8me.pdf">socio-écosystèmes</a> (<em>c’est-à-dire, des systèmes complexes impliquant des composantes biophysiques et écologiques, mais également sociétales, et notamment politiques et <a href="https://theconversation.com/les-forets-reserve-nourriciere-face-aux-aleas-climatiques-209432">économiques</a>, ndlr</em>). Sous l’effet de facteurs d’origine climatique et anthropique, mais aussi des évolutions des attentes et besoins de la société, ces socio-écosystèmes sont mis sous tension.</p>
<p><a href="https://www.seuil.com/ouvrage/agir-dans-un-monde-incertain-essai-sur-la-democratie-technique-yannick-barthe/9782020404327">« Agir dans un monde incertain »</a> implique de redéfinir la place des connaissances et des activités scientifiques. De quoi accompagner de nouveaux modes de gouvernance des forêts, l’évolution de la trajectoire climatique et les processus de décision en matière de gestion forestière.</p>
<h2>« Socio-écosystèmes »</h2>
<p>La forêt a longtemps été considérée comme un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/62909">objet technico-administratif</a> : son sort devait échapper aux vicissitudes d’une société dominée par des aspirations de court terme. L’expertise technique détenue par les professionnels et organismes de gestion forestière avait le monopole « du dire et du faire » et les organes administratifs maintenaient un certain cloisonnement du débat forestier.</p>
<p>À l’évidence, ce cadrage ne répond plus aux attentes ni aux aspirations d’une société qui souhaite <a href="https://theconversation.com/assises-de-la-foret-et-du-bois-les-trois-dilemmes-de-la-politique-forestiere-francaise-172363">se réapproprier les enjeux forestiers</a>.</p>
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<p>Dans le domaine scientifique, l’objet forestier est encore souvent appréhendé de façon mono disciplinaire, ce qui donne une vision partielle et restreinte des enjeux associés aux forêts. Par exemple, la vulnérabilité des forêts est en général étudiée sans prendre en compte les interactions entre aléas, et sans couplage avec les enjeux sociaux et économiques. De plus en plus de travaux cherchent néanmoins à développer des approches plus intégrées en articulant les regards disciplinaires.</p>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-019-00731-7">concept de « socio-écosystème »</a> est ainsi utilisé pour étudier les multiples interactions et interdépendances, à différentes échelles spatio-temporelles, qui déterminent l’avenir du secteur forêt-bois. Celles-ci s’opèrent entre, d’une part les dynamiques écologiques des arbres et des peuplements forestiers, de l’autre les représentations, comportements, pratiques, organisations et institutions des acteurs intéressés et concernés par les enjeux forestiers.</p>
<p>Voilà donc la première mission de la recherche : aider à penser le monde dans sa complexité, et dans le cas présent, aider à appréhender la forêt comme un « objet » ancré dans la société.</p>
<ul>
<li><p>D’un côté, la forêt ne peut être réduite à des considérations sociotechniques et à des intérêts particuliers ;</p></li>
<li><p>de l’autre, il n’est pas possible de penser son avenir en se limitant à ses dynamiques naturelles et à sa contribution au bien commun.</p></li>
</ul>
<p>Par conséquent, s’appuyer sur des approches scientifiques diverses permet d’élargir l’espace du débat public et de décloisonner les enjeux forestiers.</p>
<h2>Conservation, atténuation… et adaptation</h2>
<p>Depuis les débuts de l’ère industrielle, les forêts font l’objet de préoccupations environnementales en raison des conséquences, directes ou indirectes, des activités humaines.</p>
<p>Le paradigme conservationniste s’est alors développé, de manière progressive, autour des logiques de protection, de restauration et de limitation des impacts des activités humaines. À partir des années 1990, le <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">paradigme de l’atténuation</a> s’est aussi imposé dans beaucoup de régions du monde, et notamment en Europe : les forêts doivent soutenir les actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre en stockant du carbone et en offrant des ressources alimentant une économie décarbonée.</p>
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<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Depuis quelques années, ces orientations paraissent toutefois incompatibles avec la dynamique d’évolution des forêts. La stratégie conservationniste ne peut pas être la réponse unique aux transformations profondes des socio-écosystèmes forestiers qui se profilent.</p>
<p>Et l’heure n’est plus à considérer les forêts comme des <a href="https://theconversation.com/planter-des-arbres-venus-de-regions-seches-la-migration-assistee-une-fausse-bonne-idee-221340">variables d’ajustement des stratégies d’atténuation</a>, mais à envisager comme problème central les conditions de leur <a href="https://www.lepoint.fr/environnement/forets-francaises-limiter-l-usage-du-bois-est-une-fausse-bonne-idee-01-01-2024-2548771_1927.php">adaptation au changement climatique et du développement d’une bioéconomie forestière qui accompagne cet effort</a>.</p>
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<img alt="photo prise dans une forêt avec un vieux tronc au premier plan" src="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579485/original/file-20240304-28-7rnpm2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La forêt de Bialowieza, en Pologne, l’une des dernières forêts primaires d’Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/4b/Bialowieza_National_Park_in_Poland0029.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Un enjeu à mettre à l’agenda</h2>
<p>Dans la perspective d’opérer cette transition vers le paradigme de l’adaptation, il est attendu de la recherche qu’elle contribue à objectiver les enjeux et accompagne le développement d’alternatives.</p>
<p>La science joue un rôle décisif dans la mise à l’agenda du défi de l’adaptation et de son urgence. En complément des constats empiriques (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/feux-de-forets-93185">incendies</a>, dépérissements, tempêtes, etc.), les <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aaz7005">travaux académiques sur la dynamique d’évolution des socio-écosystèmes</a> offrent une capacité de <a href="https://theconversation.com/forets-en-peril-comment-limagerie-et-la-big-data-peuvent-contribuer-a-les-proteger-191321">suivi</a> et une vision dynamique, dans le temps et dans l’espace, du changement et de ses déterminants. Par exemple, le croisement des outils de monitoring (suivis terrain, télédétection) permet de suivre l’évolution de l’état de santé des forêts.</p>
<p>En situation de crise, les tensions entre les différents intérêts socio-économiques et écologiques sont exacerbées et un travail d’objectivation par la démarche scientifique peut contribuer à dépasser ces tensions pour partager une vision commune des problèmes.</p>
<h2>Passer des solutions tactiques aux solutions stratégiques</h2>
<p>L’adaptation doit aussi reposer sur une capacité à définir des trajectoires. La recherche est alors souvent mise à contribution pour proposer des solutions de court terme et des innovations « clés en main ».</p>
<p>Dans ce contexte d’incertitude, il faut changer la logique d’articulation entre connaissance et action. La recherche a dorénavant vocation à s’inscrire dans une dynamique d’expérimentation et de transformation des pratiques qui garantisse une <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">capacité de</a> <a href="https://theconversation.com/un-autre-regard-sur-levolution-contemporaine-de-la-foret-francaise-207398">résilience à long terme des socio-écosystèmes</a>.</p>
<p>Sans abandonner les adaptations ponctuelles « tactiques » en réaction aux bouleversements, il faut glisser vers une adaptation « stratégique » qui assume une trajectoire de transformation de l’ensemble des composantes des socio-écosystèmes.</p>
<p>Nous devons partir du principe que la connaissance ne précède pas l’action, mais que l’une et l’autre s’alimentent grâce à une proximité plus forte entre les acteurs de la recherche et les acteurs de la forêt.</p>
<h2>Des processus de décision dépassés</h2>
<p>Comme évoqué, l’expertise technique de la « science forestière » a dirigé depuis le XIX<sup>e</sup> siècle les décisions en matière de gestion des parcelles et d’aménagement des propriétés forestières. Les fondements de ce processus de décision sont remis en question pour plusieurs raisons.</p>
<p>Il n’existe tout d’abord plus de corps socio-professionnel unifié porteur d’une expertise commune, mais une grande diversité de prescripteurs techniques qui développent leurs propres référentiels et orientations sylvicoles.</p>
<p>Les enjeux forestiers actuels impliquent en outre des processus de décision qui ne peuvent se limiter à un raisonnement à l’échelle de la parcelle ou la propriété mais doivent intégrer les échelles « fonctionnelles » (massifs forestiers, paysages, territoires, bassins d’approvisionnement, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond</a>
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<p>Enfin, l’accélération brutale du changement climatique rend obsolète une part importante des connaissances empiriques existantes.</p>
<p>Dans ce contexte incertain qui expose le décideur à une prise de risque face à un futur inconnu, il est nécessaire de développer <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">des</a> <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">processus de décision davantage fondés sur la connaissance</a>.</p>
<h2>Fonder les décisions sur la connaissance</h2>
<p>Dans ce contexte, les travaux scientifiques peuvent d’une part servir de support à l’élaboration d’outils d’aide à la décision pour offrir à la diversité des prescripteurs techniques un socle commun de connaissances pour concevoir leurs référentiels de gestion.</p>
<p>La science a d’autre part vocation à fournir des éléments de caractérisation des différentes variables et de leurs interactions afin qu’elles soient prises en compte dans des modèles explicatifs, puis des outils d’aide à la décision multi-échelles.</p>
<p>La science doit finalement permettre d’intégrer la culture de l’incertitude et des risques multiples dans la décision, en encourageant le développement de connaissances sur la base de l’expérimentation et de la modélisation, en élargissant par la prospective le champ des possibles en matière de gestion et valorisation des forêts.</p>
<p>Un plan d’adaptation stratégique est donc une urgence absolue pour accélérer les transitions des forêts, favoriser leur résilience et assurer le maintien de leurs fonctions écologiques tout en accompagnant l’industrie face à un afflux de bois dépérissant aux propriétés potentiellement dégradées. Agir sans attendre, s’appuyer sur la science et la nature, suivre les évolutions en continu et construire des solutions collectives, constituent les quatre principes d’un plan d’action ambitieux pour la forêt et le bois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Sergent est membre du bureau du pôle de compétitivité Xylofutur. Il a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Plomion a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine, de l'ANR et de l'Union Européenne.</span></em></p>Pour répondre aux défis des forêts, la science ne doit plus seulement les considérer comme des objets technico-administratifs, mais comme des pourvoyeurs de services économiques et écosystémiques.Arnaud Sergent, Ingénieur de recherche en sciences politiques, InraeChristophe Plomion, Chercheur en génétique, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2264052024-03-22T12:30:46Z2024-03-22T12:30:46ZDéshydratation : les causes, symptômes et mesures à prendre<p>_ <a href="https://www.elsan.care/fr/nos-actualites/deshydratation-symptomes-causes-et-prevention">La déshydratation </a> est un problème majeur en période de <a href="https://theconversation.com/kenyas-had-unusually-hot-weather-an-expert-unpacks-what-could-be-causing-it-224348">canicule</a> inhabituelle et d'épidémies telles que le <a href="https://theconversation.com/whats-behind-the-worldwide-shortage-of-cholera-vaccines-for-starters-theyre-only-made-by-one-company-224891">choléra</a>, qui provoquent des diarrhées pouvant mettre la vie en danger. Anastasia Ugwuanyi est médecin de famille et éducatrice clinique à l'université de Witwatersrand. Nous lui avons posé des questions sur comment éviter ou gérer la déshydratation.</p>
<h2>Quelles sont les causes de la déshydratation ?</h2>
<p>La déshydratation peut être définie comme une perte d'eau à l'intérieur des cellules. Pour en comprendre les causes, il est important de présenter quelques notions de base sur notre corps en ce qui concerne la physiologie de l'eau. L'eau représente 55 à 65 % de la masse corporelle totale. La majeure partie de cette eau se trouve dans la <a href="https://inbodycanada.ca/fr/la-composition-corporelle/masse-corporelle-maigre-et-masse-musculaire-quelle-est-la-difference/">masse maigre</a>. L'autre tiers est extracellulaire.</p>
<p>La <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18519109/">déshydratation</a> peut être une perte d'eau ou une perte de sel et d'eau. L’“écosystème hydrique” du corps est régulé par des réponses aux niveaux de sel et d'eau. Des organes tels que le cerveau, la peau, le tractus gastro-intestinal et les reins sont impliqués dans la régulation de l'eau.</p>
<p>L'eau dans l'écosystème du corps est utile pour maintenir certaines fonctions, notamment : </p>
<ul>
<li><p>le transport des nutriments et des matières biologiques et chimiques autour de l'organisme</p></li>
<li><p>une partie du système de soutien des articulations, y compris la colonne vertébrale</p></li>
<li><p>un environnement permettant aux processus chimiques normaux de l'organisme de fonctionner.</p></li>
</ul>
<p>La déshydratation peut être causée par plusieurs facteurs qui font basculer les mécanismes de régulation vers un mode de perte d'eau. Ces facteurs peuvent être les suivants :</p>
<ul>
<li><p>des causes environnementales ou externes telles que les vagues de chaleur (facteurs de changement climatique) </p></li>
<li><p>les sécheresses et les privations d'eau de longue durée</p></li>
<li><p>la réduction de l'apport en liquides - chez les personnes âgées, les enfants ou les personnes souffrant de troubles mentaux</p></li>
<li><p>les pénuries municipales affectant la disponibilité ou l'accès à l'eau potable</p></li>
<li><p>la perte accrue de liquides par une miction excessive, comme dans le cas de maladies telles que le diabète</p></li>
<li><p>la perte accrue de fluides due à la diarrhée</p></li>
<li><p>une perte accrue de liquides due à la transpiration ou à l'hyperventilation.</p></li>
</ul>
<h2>Comment savoir si l'on est déshydraté ?</h2>
<p>Une perte de 5 à 10 % de l'eau corporelle est symptomatique, en particulier chez les personnes très âgées et très jeunes. Les signes à surveiller sont les suivants : maux de tête, fatigue ou lassitude, confusion inexplicable immédiatement, bouche sèche (inexplicable immédiatement), peau sèche lorsque vous la pincez et lente dans son retour élastique normal, yeux enfoncés et, chez les nourrissons, fontanelles enfoncées, absence de larmes en cas de pleurs, en particulier chez les enfants, urine concentrée - de couleur ambre foncé à sombre - et diminution de la fréquence des mictions à mesure que l'organisme passe à la conservation.</p>
<p>Parmi les autres signes à surveiller figurent les <a href="https://www.cdc.gov/disasters/extremeheat/warning.html#text">symptômes de l'épuisement par la chaleur</a>. Ils indiquent que le système cardiovasculaire est touché. Les signes peuvent être les suivants : peau froide et moite, transpiration inhabituellement abondante, pouls faible et rapide, vertiges, crampes musculaires, nausées. </p>
<h2>Que se passe-t-il dans notre organisme lorsque nous sommes déshydraté ?</h2>
<p>Plusieurs systèmes de notre corps sont affectés par la déshydratation. Les effets de la déshydratation dépendent de la quantité de liquide perdue et de la durée de la déshydratation.</p>
<p>Les effets varient en fonction du degré de déshydratation. <a href="https://www.msdmanuals.com/professional/pediatrics/dehydration-and-fluid-therapy-in-children/dehydration-in-children">La déshydratation est classée de légère à sévère selon la proportion d'eau perdue dans la masse corporelle</a>. Chez les enfants et les nourrissons, elle est particulièrement problématique car l'eau représente une part plus importante de leur masse corporelle. </p>
<p>En cas de perte importante, les symptômes peuvent comprendre une chute de la pression artérielle qui affecte la dynamique de la circulation sanguine et des signes de défaillance des organes qui ne peuvent plus fonctionner normalement les systèmes ne sont pas en mesure de faire face (comparable à un moteur de voiture en surchauffe).</p>
<p>Le système cardiovasculaire, le système gastro-intestinal, le système rénal, le système nerveux central, la peau et la couche externe du corps, le système musculo-squelettique sont tous affectés par la déshydratation en fonction du niveau de perte d'eau totale du corps.</p>
<p>Les effets de la déshydratation sur l'organisme peuvent inclure : perte de poids, constipation, délire, insuffisance rénale, plus grande prédisposition aux infections respiratoires et urinaires, crises cardiaques et convulsions <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16248421/#:%7E:text=D%C3%A9shydratation%2C%20qui%20augmente%20la%20viscosit%C3%A9%20du%sang,cause%20une%20augmentation%20de%20la%20viscosit%C3%A9">en raison de l'épaississement du sang</a>.</p>
<p>Ces effets sont encore plus débilitants chez les personnes très âgées et celles qui souffrent de maladies préexistantes comme le diabète.</p>
<h2>Comment arrêter la déshydratation ?</h2>
<p>Pour enrayer la déshydratation, il est important de prendre en compte tous les aspects de la demande et de l'approvisionnement en eau.</p>
<p>L'environnement : l'accès à l'eau potable est toujours une responsabilité collective du gouvernement et de la communauté. Cela peut aller du signalement et de la réparation des fuites et des ruptures d'approvisionnement en eau de la municipalité à l'entretien des réseaux de purification de l'eau et de distribution de l'eau. </p>
<p>Personnellement : n'attendez pas d'avoir soif pour boire. La soif est le signe que votre corps est en train de se déshydrater. Pour chaque kilogramme de poids corporel, buvez environ 30-35 millilitres (3 cuillères à soupe) d'eau par jour, surtout en période de chaleur. </p>
<p>Soyez attentif aux signes de déshydratation chez vous ou chez les personnes âgées, les enfants, les membres de votre famille ou vos amis souffrant d'une incapacité. Contrôlez-les avec des mesures simples telles que les <a href="https://www.rehydrate.org/ors/made-at-home.htm">thérapies de remplacement</a> composées d'eau, de sel et de sucre. </p>
<p>Pensez à boire davantage d'eau lorsque vous faites de l'exercice ou lorsque vous êtes malade. Il y a du sel, du sucre et de l'eau dans chaque maison. Il est essentiel de savoir comment les préparer ou de disposer d'une thérapie de réhydratation orale préemballée à la maison. Il existe un certain nombre de bons guides sur <a href="https://www.cdc.gov/healthywater/pdf/global/posters/11_229310-j_ors_print-africa.pdf">la préparation d'une solution sel-sucre-eau maison </a> pour traiter la déshydratation avant de demander de l'aide médicale.</p>
<p>Prenez l'habitude de boire intentionnellement de l'eau plutôt que des boissons froides et des bières qui contiennent de l'eau mais sont riches en calories. Ces boissons aggravent la déshydratation.</p>
<p>Veillez à vous hydrater avant, pendant et après l'exercice afin de maintenir un bon équilibre entre l'eau et les sels pendant l'exercice.</p>
<p>Restez au frais en période de chaleur en portant des vêtements respirants, en nageant ou en prenant des douches rafraîchissantes s'il n'y a pas de restrictions d'eau. Des jets d'eau sont disponibles dans certains lieux publics pour aider à se rafraîchir particulièrement en période de chaleur.</p>
<p>Enfin, il existe plusieurs appareils intelligents dotés d'applications de santé qui peuvent aider à suivre la consommation d'eau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anastasia Ugwuanyi est memebre de l'Association sud-africaine des médecins de famille.</span></em></p>Environ 60 % du corps humain est constitué d'eau. Une perte excessive d'eau peut être fatale.Anastasia Ugwuanyi, Senior clinical educator, department of family medicine, University of the WitwatersrandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2252202024-03-19T16:57:58Z2024-03-19T16:57:58ZDes printemps toujours plus précoces ? Comment les plantes déterminent leur date de floraison<p>À la mi-février, au Royaume-Uni, les haies sont normalement blanchies par le givre ou la neige. Mais cette année, elles apparaissaient mouchetées de blanc du fait de la floraison des prunelliers, signe avant-coureur du printemps. Une floraison précoce bienvenue après un hiver humide et maussade, mais qui inquiète les observateurs des saisons.</p>
<p>Cette plante a-t-elle toujours fleuri à la mi-février, me suis-je demandé, ou bien quelque chose est-il en train de changer ?</p>
<p>Heureusement, la science qui suit et cherche à comprendre les événements saisonniers, la phénologie, a une longue histoire en Grande-Bretagne. <a href="https://www.robertmarsham.co.uk/">Robert Marsham</a>, un naturaliste du XVIII<sup>e</sup> siècle, a consigné les dates d’apparition des fleurs, des oiseaux et des insectes dans son village du Norfolk dès 1736. Les descendants de Marsham ont poursuivi cet enregistrement jusqu’en 1958. Aujourd’hui, le Woodland Trust perpétue la tradition avec le <a href="https://naturescalendar.woodlandtrust.org.uk/">Nature’s Calendar</a>, un programme dans le cadre duquel les membres du public sont invités à consigner divers événements saisonniers.</p>
<p><a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2021.2456">L’analyse détaillée</a> de près d’un demi-million de recensements réalisés par des scientifiques en 2022 a montré que, toutes espèces confondues, la durée moyenne de floraison au Royaume-Uni avait avancé d’un mois au cours des 40 dernières années.</p>
<p>Il existe des variations entre les différentes espèces. L’aubépine, la plante commune des haies, fleurit généralement 13 jours plus tôt qu’au début des années 1980, tandis que les fleurs du marronnier d’Inde apparaissent dix jours plus tôt en moyenne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-changements-climatiques-modifient-le-rythme-saisonnier-du-cycle-de-vie-des-plantes-181812">Les changements climatiques modifient le rythme saisonnier du cycle de vie des plantes</a>
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<p>Le climat s’est réchauffé à un rythme intense depuis les années 1980. En fleurissant plus tôt qu’avant, les plantes prennent acte que les hivers deviennent plus courts et plus doux. Elles sentent que les jours se réchauffent, et modifient leur développement printanier en conséquence.</p>
<p>De la même façon, si on veut, que les humains, sentant la chaleur sur leur peau, vont choisir de porter moins de couches de vêtements. Dans le détail, la façon dont sont perçus les indices de changement de saison sont différents chez les plantes et les animaux, mais tous deux réagissent aux changements de climat.</p>
<h2>Comment les plantes sentent la lumière et la chaleur</h2>
<p>Les plantes détectent le raccourcissement des jours en automne grâce à un pigment dit phytochrome, qui est particulièrement sensible aux longueurs d’onde du spectre électromagnétique de la lumière autour du rouge. Or, les nuits d’automne plus longues, affectent qualitativement la lumière rouge perçue par les plantes. Bien que ce changement subtil échappe aux humains (nos yeux n’étant pas sensibles à cette partie du spectre lumineux), une plante peut détecter cette transition.</p>
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<img alt="Un banc près d’un bois au coucher du soleil" src="https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578640/original/file-20240228-18-qoad8t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plantes détectent les changements subtils de la lumière rouge et entrent en dormance à l’approche de l’automne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/romantic-autumn-mood-sunset-lake-ammersee-690569119">Art180/Shutterstock</a></span>
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<p>Tout comme l’automne peut provoquer une baisse du taux de sérotonine dans notre sang, une plante qui a senti l’approche de l’hiver va augmenter la production d’une phytohormone appelée acide abscissique. Ses effets sont multiples. Chez les arbres à feuilles caduques, les rameaux cessent de croître et développent des bourgeons d’hiver résistants, capables de survivre au gel et à la neige. Et les feuilles tombent.</p>
<p>Au printemps, ce sont à nouveau la longueur d’onde et la température qui vont déclencher la croissance des végétaux. C’est toutefois la température qui joue généralement le rôle le plus important. En effet, si les plantes ne se préoccupaient que de la lumière, elles risqueraient de commencer à croître alors que des gelées fatales les menacent encore. Ou encore, de rater une période de croissance propice pendant les journées douces du début du printemps. La détection de la température <a href="https://theconversation.com/ce-qui-pousse-les-plantes-a-fleurir-138844">détermine donc l’apparition des fleurs au printemps</a>. C’est pourquoi le réchauffement climatique se traduit par une apparition de plus en plus précoce de ces fleurs.</p>
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<p>La façon dont les plantes détectent la température n’est pas entièrement comprise. Cela pourrait être lié en partie à la façon dont une hormone inhibant la croissance des cellules végétales réagit aux changements de températures.</p>
<p>Alors que les humains ont des terminaisons nerveuses sur la peau pour détecter la température, les plantes s’appuient probablement sur leurs pigments, bien que le mécanisme ne soit pas entièrement compris. La chaleur faisant partie de la même partie du spectre électromagnétique que celle auquel le phytochrome est sensible (<em>Autour du rouge, dans l’infrarouge, ndlt</em>), il est possible que ce pigment soit impliqué. Quels que soient les mécanismes responsables du déclenchement de la croissance, la température va également déterminer la vitesse de croissance des plantes</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-qui-pousse-les-plantes-a-fleurir-138844">Ce qui pousse les plantes à fleurir</a>
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<h2>Quand les fleurs et les pollinisateurs se déphasent</h2>
<p>Les insectes pollinisateurs comme les abeilles doivent synchroniser leur cycle de vie de manière à être actifs lorsque les fleurs dont ils se nourrissent apparaissent. Leur sortie de l’hiver est donc également déterminée par les effets de la température et de la longueur du jour, par l’intermédiaire de leurs propres mécaniques hormonales.</p>
<p>Pendant des générations, l’évolution a fait converger dans le temps le réveil des pollinisateurs et celui des fleurs. Si l’apparition des fleurs et celle des pollinisateurs n’étaient pas synchronisées, les insectes n’auraient pas de nectar et les plantes ne seraient pas fécondées.</p>
<p>Un lien similaire existe entre l’émergence des feuilles et celle des insectes herbivores qui s’en nourrissent. Or, la rapidité du changement climatique et les légères différences dans la façon dont les insectes et les végétaux y réagissent risquent de rompre cette synchronisation, avec de graves conséquences des deux côtés</p>
<p><a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2021.2142">Une vaste étude</a> menée par des scientifiques allemands portant sur la date d’apparition des fleurs et de leurs pollinisateurs entre 1980 et 2020 a mis en évidence une situation complexe. Les deux ont réagi au changement climatique, respectivement par une floraison et une apparition plus précoces, mais les plantes ont opéré un changement plus important.</p>
<p>Des variations ont été observées entre les groupes d’insectes : les abeilles et les papillons se sont déplacés en synchronisation avec les plantes, ce qui n’a pas été le cas pour les syrphes. Des variations ont également été observées entre les espèces.</p>
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<img alt="Un papillon blanc sur une fleur violette" src="https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578642/original/file-20240228-30-erxph1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plantes et les insectes ont co-évolué pour émerger à peu près au même moment au printemps.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/blackveined-white-butterfly-aporia-crataegi-perfect-79443766">Marek Mierzejewski/Shutterstock</a></span>
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<p>Même lorsque les plantes et les insectes qui en dépendent modifient leur calendrier de manière synchronisée, l’étape suivante de la chaîne alimentaire n’est pas toujours aussi flexible. La chenille de la teigne du chêne se nourrit des feuilles de chêne. Celle-ci, à son tour, est la principale nourriture des oisillons d’oiseaux tels que la <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-018-0543-1">mésange bleue et le gobe-mouche pédonculé</a>. Jusqu’à présent, les oisillons éclosent toujours à la même période, tandis que les feuilles de chêne et les chenilles apparaissent plus tôt – et restent encore synchronisées. Mais pour combien de temps ?</p>
<p>Les fleurs de prunellier sont un signe que le printemps est en route. Mais elles sont aussi un reflet du changement climatique : une expérience en cours sur le calendrier et la synchronisation des plantes et des animaux, ainsi que sur les chaînes alimentaires complexes dont ils font partie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225220/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Ashton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les réactions du vivant à l’apparition du printemps ont coévolué pour converger vers les mêmes dates. La floraison précoce à cause du changement climatique vient changer la donne.Paul Ashton, Professor of Botany, Edge Hill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2257442024-03-15T17:34:08Z2024-03-15T17:34:08ZLa prochaine pandémie ? Les animaux la vivent déjà. La grippe aviaire décime de nombreuses espèces<p>Je suis une biologiste de la conservation et j’étudie les maladies infectieuses émergentes. Quand on me demande quelle sera la prochaine pandémie, je réponds souvent que nous en vivons une en ce moment, mais qu’elle touche d’autres espèces que la nôtre.</p>
<p>Je fais référence à la souche hautement pathogène de la grippe aviaire H5N1 (IAHP H5N1) qui a tué des millions d’oiseaux et un nombre indéterminé de mammifères, surtout au cours des trois dernières années.</p>
<p>Cette souche est apparue chez les oies domestiques en Chine en 1997 et s’est rapidement propagée à l’humain en Asie du Sud-Est, avec un taux de mortalité de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1634780/">40 à 50 %</a>. Mon groupe de recherche <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1634780/">a été en contact</a> pour la première fois avec le virus en 2005 lorsqu’il a causé la mort de <a href="https://svw.vn/owstons-civet/">civettes palmistes d’Owston</a>, un mammifère menacé d’extinction, qui faisaient partie d’un programme d’élevage en captivité dans le parc national de Cuc Phuong, au Viêt Nam.</p>
<p>On ignore comment ces bêtes ont contracté la grippe aviaire. Leur régime alimentaire se compose essentiellement de vers de terre, de sorte qu’elles n’ont pas été infectées par la consommation de volailles malades, comme c’est arrivé pour des tigres en captivité de la région.</p>
<p>Cette découverte nous a incités à compiler tous les cas confirmés de mort par la grippe aviaire afin d’évaluer l’ampleur du péril que ce virus pourrait représenter pour la faune sauvage.</p>
<p>Voici comment un virus récemment détecté dans des élevages de volailles chinoises en est venu à menacer une partie importante de la biodiversité mondiale.</p>
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<img alt="Une personne en combinaison blanche conduit un chariot élévateur à fourche transportant des dindes mortes" src="https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580987/original/file-20240311-22-gzginr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le virus H5N1 est apparu dans une ferme avicole chinoise en 1997.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/western-negev-israel-march-18-2006-111241157">ChameleonsEye/Shutterstock</a></span>
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<h2>Les premiers signes</h2>
<p>Jusqu’en décembre 2005, la plupart des infections confirmées avaient été trouvées dans quelques zoos et refuges en Thaïlande et au Cambodge. Notre étude de 2006 a montré que près de la moitié (48 %) des différents groupes d’oiseaux (ou « ordres », selon les taxonomistes) comportaient une espèce chez laquelle on avait signalé des cas de mort par la grippe aviaire. Ces 13 ordres représentent 84 % de toutes les espèces d’oiseaux.</p>
<p>Il y a 20 ans, nous avons estimé que les souches de H5N1 en circulation étaient probablement hautement pathogènes pour tous les ordres d’oiseaux. Nous avons également observé que la liste des espèces chez lesquelles on avait confirmé une infection comprenait des espèces menacées à l’échelle mondiale et que des habitats importants, tels que le delta du Mékong au Viêt Nam, se trouvent à proximité de foyers d’éclosion chez les volailles.</p>
<p>Parmi les mammifères qu’on sait avoir été exposés à la grippe aviaire au début des années 2000, on compte des primates, des rongeurs, des porcs et des lapins. De grands carnivores tels que des tigres du Bengale et des panthères nébuleuses en sont morts, ainsi que des chats domestiques.</p>
<p>Des animaux de zoo ayant mangé des volailles infectées figurent parmi les premières victimes de la grippe aviaire.</p>
<p>Notre article de 2006 montrait la facilité avec laquelle ce virus franchit la barrière d’espèce et suggérait qu’il pourrait un jour constituer une menace pandémique pour la biodiversité mondiale.</p>
<p>Malheureusement, nous avions raison.</p>
<h2>Une maladie qui s’étend</h2>
<p>Près de vingt ans plus tard, la grippe aviaire tue des espèces de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2039158/alaska-aviaire-mammifere-infection">l’Extrême-Arctique</a> jusqu’à la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/environnement/video/la-grippe-aviaire-a-atteint-l-antarctique-une-potentielle-catastrophe-pour-les-pingouins_230419.html">péninsule antarctique</a>.</p>
<p>Ces dernières années, la grippe aviaire s’est rapidement propagée en Europe et s’est infiltrée en Amérique du Nord et du Sud, causant la mort de millions de volailles et de diverses espèces d’oiseaux et de mammifères. Selon un <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/30/3/23-1098_article">récent article</a>, 26 pays ont signalé la mort de mammifères d’au moins 48 espèces différentes des suites du virus depuis 2020, date de la dernière hausse du nombre d’infections.</p>
<p>Même l’océan n’est pas à l’abri. Depuis 2020, 13 espèces de mammifères aquatiques ont été touchées, notamment des otaries, des marsouins et des dauphins, dont certaines meurent par milliers en Amérique du Sud. Il est désormais confirmé qu’un grand nombre de mammifères charognards et prédateurs vivant sur la terre ferme, tels que des cougars, des lynx, et des ours bruns, noirs et polaires, sont également affectés.</p>
<p>Le Royaume-Uni à lui seul <a href="https://www.rspb.org.uk/birds-and-wildlife/seabird-surveys-project-report">a perdu plus de 75 %</a> de ses grands labbes et a connu un déclin de 25 % de ses fous de Bassan. Le déclin récent des sternes caugek (35 %) et des sternes pierregarin (42 %) est aussi <a href="https://maryannsteggles.com/wp-content/uploads/2024/02/Bird-flu-causing-%E2%80%98catastrophic-fall-in-UK-seabird-numbers-conservationists-warn-Bird-flu-The-G.pdf">causé en grande partie par le virus</a>.</p>
<p>Les scientifiques n’ont pas encore réussi à <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/30/3/23-1098_article">séquencer complètement</a> le virus chez toutes les espèces touchées. La recherche et une surveillance soutenue pourraient nous indiquer dans quelle mesure il peut s’adapter et s’il peut s’étendre à d’autres espèces. Nous savons qu’il infecte déjà des humains – avec quelques mutations génétiques, il risque de devenir plus contagieux.</p>
<h2>À la croisée des chemins</h2>
<p>Du 1<sup>er</sup> janvier 2003 au 21 décembre 2023, on a rapporté 882 cas d’infection humaine par le virus H5N1 dans 23 pays, dont <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/influenza/human-animal-interface-risk-assessments/influenza-at-the-human-animal-interface-summary-and-assessment--from-4-october-to-1-november-2023.pdf">461 (52 %) ont été fatals</a>.</p>
<p>Plus de la moitié des morts se sont produites au Viêt Nam, en Chine, au Cambodge et au Laos. Des infections transmises de volaille à humain ont été enregistrées pour la première fois au Cambodge en décembre 2003. On a signalé des cas sporadiques jusqu’en 2014, puis on a observé une interruption jusqu’en 2023, où il y a eu 41 décès pour 64 cas. On a détecté le sous-type H5N1 chez des volailles au Cambodge depuis 2014. </p>
<p>Au début des années 2000, le virus H5N1 en circulation avait un taux de mortalité élevé chez les humains. Il est donc inquiétant de constater que des gens meurent à nouveau après avoir été en contact avec des volailles.</p>
<p>Les sous-types H5 de la grippe aviaire ne sont pas les seuls à préoccuper les humains. Le virus H10N1 a été isolé à l’origine chez des oiseaux sauvages en Corée du Sud. On a signalé sa présence dans des échantillons provenant de Chine et de Mongolie.</p>
<p>Des <a href="https://www.frontiersin.org/journals/microbiology/articles/10.3389/fmicb.2023.1256090/full">recherches récentes</a> ont montré que ces sous-types de virus étaient pathogènes chez des souris et des furets de laboratoire et qu’ils pourraient infecter les humains. La première personne dont l’infection par le virus H10N5 a été confirmée <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2024-DON504">est décédée</a> en Chine le 27 janvier 2024, mais elle était également atteinte d’une grippe saisonnière (H3N2). Elle avait été en contact avec des volailles vivantes qui se sont révélées positives pour le virus H10N5.</p>
<p>Des espèces menacées d’extinction ont connu des morts de la grippe aviaire au cours des trois dernières années. On vient de confirmer que le virus a fait ses premières victimes dans la péninsule antarctique <a href="https://www.cidrap.umn.edu/avian-influenza-bird-flu/avian-flu-reaches-antarcticas-mainland">chez les grands labbes</a>, ce qui constitue une menace imminente pour les colonies de pingouins dont les grands labbes mangent les œufs et les poussins. Le virus a déjà tué des <a href="https://ccnse.ca/resources/evidence-briefs/la-grippe-aviaire-ah5n1-poursuite-de-la-flambee">manchots de Humboldt</a> au Chili.</p>
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<img alt="Une colonie de manchots" src="https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580982/original/file-20240311-26-mmf7j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des colonies de manchots sont déjà menacées par les changements climatiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/king-penguin-colony-103683413">(AndreAnita/Shutterstock)</a></span>
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<p>Comment peut-on endiguer ce tsunami de H5N1 et d’autres grippes aviaires ? Il faut revoir complètement la production de volaille à l’échelle mondiale et rendre les exploitations autosuffisantes en matière d’élevage d’œufs et de poussins au lieu d’en faire l’exportation. En outre, la tendance aux mégafermes de plus d’un million d’oiseaux doit être enrayée.</p>
<p>Pour éviter les pires conséquences de ce virus, il faut se pencher sur sa source première : l’incubateur que sont les élevages intensifs de volailles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225744/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Diana Bell ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La grippe aviaire décime des espèces déjà menacées par le changement climatique et la perte d’habitat.Diana Bell, Professor of Conservation Biology, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207342024-03-13T15:15:26Z2024-03-13T15:15:26ZCapturer, stocker et utiliser le carbone par la technologie : option sérieuse pour le climat ?<p>Face à un changement climatique plus sévère qu’attendu, <a href="https://theconversation.com/les-emissions-de-co-dorigine-fossile-ont-atteint-un-nouveau-record-en-2023-219133">atteindre les objectifs</a> de l’accord de Paris – c’est-à-dire <a href="https://theconversation.com/cop28-un-accord-inedit-mais-sans-lurgence-dagir-218087">limiter le réchauffement climatique</a> à moins de 2 °C, idéalement 1,5 °C à l’horizon 2100 – impliquera sans doute d’utiliser toutes les <a href="https://erf.org.eg/publications/technologies-and-innovation-in-the-gcc-energy-sector-differences-between-the-scope-and-the-direction-of-technological-change/">options technologiques possibles</a> à ce jour.</p>
<p>L’Agence internationale de l’énergie (AIE) est, sur le sujet, <a href="https://www.iea.org/reports/ccus">formelle</a> : plusieurs solutions existent d’ores et déjà, il convient désormais de les mettre en pratique à grande échelle.</p>
<p>Parmi ces options se distingue celle du <a href="https://theconversation.com/des-recherches-pour-convertir-le-co-emis-vers-latmosphere-en-carburant-152833">captage, du stockage et de la réutilisation du dioxyde de carbone</a> (CCUS en anglais). Elle pourrait participer à hauteur de 19 % aux réductions des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.</p>
<p>Sans cela, le coût de la tonne de CO<sub>2</sub> augmenterait de 70 % au même horizon, estime l’AIE. D’une solution théorique il y a quelques années, cette technologie est devenue l’une des options les plus prometteuses pour combattre le changement climatique. Le principal frein étant son coût élevé.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De façon très simplifiée, il existe de nos jours <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">trois techniques de capture et de séparation du CO<sub>2</sub></a> :</p>
<ul>
<li><p>la capture post-combustion (après le processus de production),</p></li>
<li><p>la capture pré-combustion (avant le processus de production)</p></li>
<li><p>et la combustion d’oxygène-combustible.</p></li>
</ul>
<p>Ces trois technologies sont employées aujourd’hui par diverses industries et la tendance est à leur généralisation dans le monde.</p>
<p>En 2023, 392 installations commerciales de CCUS étaient recensées dans le monde, avec une <a href="https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2024/01/Global-Status-of-CCS-Report-1.pdf">capacité moyenne totale de captage de CO₂ de 361 Mtpa</a>. La plupart des usines qui ont mis en œuvre la technologie CCUS sont basées en <a href="https://research.chalmers.se/publication/534849/file/534849_Fulltext.pdf">Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est et Pacifique</a>, qui représentent respectivement 63 %, 22 % et 9 % de la capacité de captage mondiale.</p>
<p>Mais la technologie suscite de l’intérêt dans le monde entier et en particulier dans les pays émergents. Revenons donc sur l’état de développement des CCUS, leur potentiel mais également les principaux défis à venir.</p>
<h2>Des technologies coûteuses</h2>
<p>Les technologies CCUS sont au centre d’enjeux économiques majeurs. D’une part, l’analyse coût-bénéfice est défavorable en raison d’une tarification carbone encore trop faible. D’autre part, la rentabilité des investissements est incertaine, retenant ainsi les investissements à grande échelle. Enfin, des incertitudes sur les <a href="https://theconversation.com/donner-une-valeur-economique-a-la-nature-un-changement-de-paradigme-217752">externalités environnementales</a> limitent l’engagement des parties prenantes.</p>
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<p>Ces technologies ont en effet des coûts encore élevés. Moderniser des installations existantes et les doter de capacités CCUS est coûteux en raison de la nature sur mesure de l’intégration technologique requise pour chaque industrie et pour chaque entreprise.</p>
<p>Malgré cela, investir dans ces technologies est jugé crucial pour atteindre les objectifs climatiques à long terme. À mesure que nous nous approchons de 2030 (date à laquelle la plupart des engagements des contributions domestiques déterminées au niveau national doivent être respectés), la nécessité de ces options s’impose.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568284/original/file-20240108-19-n3bj1x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Courbe des coûts de séquestration du carbone (USD/tCO2) et potentiel de réduction des émissions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dziejarski et coll. (2023)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Faisabilité économique</h2>
<p>Sur le terrain du financement des CCUS, la dynamique de marché est encore faible. Certes, le financement privé pour les start-up utilisant le CO<sub>2</sub> a bondi, atteignant près d’un milliard de dollars dans la dernière décennie. Mais il reste insuffisant pour combler l’écart entre les plans actuels et les niveaux de déploiement requis pour une transition plus véloce vers le net zéro. Le pipeline mondial de CCUS, bien qu’en expansion rapide, est confronté à un déficit important de financement à grande échelle.</p>
<p>La faisabilité économique du CCUS doit tenir compte des coûts technologiques liés à la séparation du CO<sub>2</sub>, des coûts du transport (compresseurs et pipelines) et à l’injection. Des concentrations élevées de CO<sub>2</sub> peuvent en outre poser des problèmes de santé et de sécurité, notamment la corrosion et la dégradation des joints des réservoirs et les impuretés présentes dans le CO<sub>2</sub>. Une évaluation approfondie de ces facteurs est donc nécessaire <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30704089/">pour garantir la faisabilité économique des CCUS</a>.</p>
<p>Pour pallier ces problèmes, des solutions politiques à ces obstacles commencent à émerger, telles que la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fiscalite-ecologique-62508">fiscalité écologique</a> – en particulier aux États-Unis –, la tarification du carbone, les mesures axées sur la demande et l’atténuation des risques.</p>
<h2>Des réformes réglementaires nécessaires</h2>
<p>Les considérations autour des CCUS sont très influencées par les politiques et les cadres fiscaux. Ces derniers ont un impact sur le niveau et les sources de financement d’investissement disponibles, l’adoption de la technologie et les délais de déploiement.</p>
<p>Le manque de politiques et de réglementations claires et cohérentes qui soutiennent les investissements dans le CCUS constitue un défi persistant. Tout comme l’absence de mécanismes efficaces de tarification du carbone ou d’incitations dans de nombreux pays. Il devient, dans ce contexte, difficile pour les industries de justifier les investissements initiaux importants requis pour établir une infrastructure CCUS à long terme aux échelles nécessaires.</p>
<p>Plusieurs pays ont mis en œuvre des politiques et des incitations pour promouvoir le CCUS, comme le crédit d’impôt américain 45Q, qui offre des incitations financières allant jusqu’à 85 dollars par tonne pour le CO<sub>2</sub> stocké en permanence, et 60 dollars par tonne pour le CO<sub>2</sub> utilisé pour des activités telles que la récupération assistée du pétrole (EOR) ou à d’autres fins commercialement viables, à condition qu’il existe des preuves établies que les émissions de CO<sub>2</sub> soient réduites par les projets bénéficiant d’incitations.</p>
<p>Il existe en effet des risques de fuites lors du transport et du stockage du CO<sub>2</sub>, susceptibles de polluer les sols et détériorer la qualité de l’eau locale et nuire à la population locale. Ce qui affecterait aussi l’acceptation par le public de la technologie CCUS.</p>
<p>Les pays devraient créer des fonds spéciaux pour le CCUS, introduire des incitations économiques et des politiques fiscales préférentielles et aider les entreprises à réduire les coûts de fonctionnement du CCUS. Sans soutien gouvernemental, les projets actuels peineront à être rentables dont pousseront peu les entreprises à s’y lancer.</p>
<h2>Un réel espoir en dépit de nombreux défis ?</h2>
<p>Le passage à l’échelle des CCUS se heurte ainsi à plusieurs défis : économiques, politiques et technologiques. En dépit de ces obstacles, plusieurs étapes importantes ont déjà été franchies.</p>
<p>L’ouverture des projets <a href="https://unfccc.int/fr/node/10285">Boundary Dam</a> et <a href="https://www.energy.gov/fecm/petra-nova-wa-parish-project">Petra Nova</a> en Amérique du Nord a prouvé la viabilité du captage du CO<sub>2</sub> à grande échelle sur des centrales électriques alimentées aux combustibles fossiles et connectées au réseau. Les projets d’In Salah (Algérie), de Santos Basin (Brésil), d’Abu Dhabi National Oil Company (EAU), d’Uthmaniyah (Arabie saoudite) et de Jilin (Chine) illustrent que les CCUS sont possibles dans les économies émergentes.</p>
<p>Les estimations montrent que les émissions mondiales de dioxyde de carbone s’élevaient à <a href="https://theconversation.com/fossil-co-emissions-hit-record-high-yet-again-in-2023-216436">40 milliards de tonnes en 2023</a>, dont près de 36,8 milliards de tonnes provenant des combustibles fossiles. Or, depuis 2017, la capacité des installations de CCUS a augmenté d’environ 35 % par an. Cette situation s’est accélérée en 2023 avec une augmentation de 50 % par rapport à 2022. Cela représente la <a href="https://www.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2024/01/Global-Status-of-CCS-Report-1.pdf">plus forte augmentation depuis le début de la dynamique ascendante en 2018</a>.</p>
<p>En parallèle, les initiatives pour se « préparer » au CCUS fleurissent, comme le <a href="https://fossil.energy.gov/archives/cslf/index.html">Carbon Sequestration Leadership Forum</a>, le <a href="https://www.iea.org/policies/11690-the-world-bank-carbon-capture-and-storage-capacity-building-trust-fund">Fonds de renforcement des capacités CCS de la Banque mondiale</a>, le <a href="https://www.globalccsinstitute.com/">Global carbon capture and storage Institute</a> et de nombreuses autres initiatives bilatérales et régionales. Il y a donc des raisons pour les partisans de ces technologies de rester optimistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220734/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Adel Ben Youssef est membre de l'Economic Research Forum (Caire)</span></em></p>Jugées par certains incontournables dans la lutte climatique, ces technologies doivent cependant lever des obstacles économiques, technologiques et politiques pour se déployer.Adel Ben Youssef, Associate professor, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237792024-03-12T16:05:43Z2024-03-12T16:05:43ZAccord de Paris : a-t-on déjà dépassé 1,5 °C ? Ce que disent les observations récentes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581243/original/file-20240312-26-rseio4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les températures de surface de la mer en février 2024 sont nettement plus chaudes que sur la période de référence 1991-2020, selon Copernicus.</span> <span class="attribution"><span class="source">Data source: ERA5. Credit: Copernicus Climate Change Service/ECMWF</span></span></figcaption></figure><p>À son article 2, <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/frenchparisagreement.pdf">l’accord de Paris</a> engage la communauté internationale à limiter le réchauffement relativement à l’ère préindustrielle « nettement en dessous de 2 °C » et à « poursuivre l’action » pour atteindre la cible de 1,5 °C. Il n’indique pas explicitement quel indicateur utiliser pour juger où on se situe par rapport à ces objectifs.</p>
<p>En janvier, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a estimé que la température moyenne s’est établie en 2023 à <a href="https://wmo.int/fr/news/media-centre/lomm-confirme-que-2023-bat-le-record-mondial-de-temperatures">1,45 °C au-dessus de l’ère préindustrielle</a>. Elle annonce que 2024 risque d’être encore plus chaude, en raison de la prolongation de l’épisode <em>El Niño</em> apparu l’été dernier. Un réchauffement de 1,5 °C pourrait être observé pour la première fois sur une année complète. D’après le programme européen Copernicus, c’est déjà le cas en considérant <a href="https://climate.copernicus.eu/copernicus-2024-world-experienced-warmest-january-record">l’année glissante allant de février 2023 à janvier 2024</a>.</p>
<p>Du fait de la variabilité à court terme du climat, il serait erroné d’en déduire que le réchauffement planétaire a atteint 1,5 °C. Mais comment sont établis ces indicateurs et comment les utiliser pour juger notre position actuelle au regard des objectifs de l’accord de Paris ?</p>
<h2>Comment on observe la température mondiale</h2>
<p>L’OMM est une agence des Nations unies, basée à Genève. Elle consolide dans ses bilans annuels les informations issues de 6 organisations qui disposent de systèmes d’observations propres et gèrent des bases de données historiques sur les températures mondiales.</p>
<p>Trois sont basées aux États-Unis : l’agence publique <a href="https://www.ncei.noaa.gov/access/monitoring/monthly-report/global/202401">NOOA</a> en charge de l’observation des océans et de l’atmosphère, le <a href="https://www.giss.nasa.gov/">GISS</a> qui dépend de la NASA et le <a href="https://berkeleyearth.org/global-temperature-report-for-2023/">Berkeley Earth</a>, une association de scientifiques à but non lucratif. Au Japon, la base de données <a href="https://jra.kishou.go.jp/JRA-55/atlas/en/index.html">JRA-55</a> est gérée depuis le service de la météorologie nationale, comme l’est celle de HadCRUT5 du <a href="https://climate.metoffice.cloud/">Hadley Center</a> au Royaume-Uni. Enfin, le programme européen <a href="https://www.copernicus.eu/en">Copernicus</a> se charge de la base de données ERA5.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576723/original/file-20240220-16-zzzbym.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Différence de température moyenne globale en °C comparé à la moyenne de 1850-1900. En ordonnée, les degrés Celsius, en abscisse les années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Organisation météorologique mondiale</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur la période récente, la dispersion des estimations de la température moyenne dans le monde est très faible. Elle augmente à mesure que l’on remonte dans le temps. Sur les périodes passées, on disposait en effet de beaucoup moins d’observations et elles n’avaient ni la précision ni la fiabilité de celles fournies aujourd’hui par les satellites. Cela pose la question de la référence historique à prendre en compte pour calculer le réchauffement relativement à l’ère préindustrielle.</p>
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<p>Le GIEC s’est penché sur cette question dans ses différents rapports d’évaluation. Il préconise de considérer la température moyenne estimée sur la période 1850-1900 comme représentative de celle de la période préindustrielle. En faisant la synthèse des travaux existants, il donne une estimation de la montée du thermomètre entre 1850 et 1900 et la période récente (+0,69 °C entre 1850-1900 et 1986-2005 d’après le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter02.pdf">6<sup>e</sup> rapport</a>).</p>
<p>L’OMM reprend ces travaux pour consolider les observations fournies par les 6 centres de recherche et produire l’estimation de référence du niveau de réchauffement atteint chaque année. C’est cette dernière qui apparaît sur le graphique ci-dessous : une hausse moyenne du thermomètre évaluée à 1,45 °C pour l’année 2023, laissant entrevoir la possibilité d’un réchauffement de 1,5 °C en 2024 si l’épisode El Niño ne faiblit pas.</p>
<h2>Moyennes infra-annuelles : le 1,5 °C atteint dès 2015 et 2016</h2>
<p>En réalité, la cible de 1,5 °C avait été atteinte bien plus tôt, si on se réfère aux données infra-annuelles. D’après celles reportées dans la base du programme Copernicus, les premières journées connaissant un réchauffement de 1,5 °C ont été mesurées pour la première fois en 2015. En novembre 2023, Copernicus a rapporté les premières moyennes journalières au-dessus de 2 °C.</p>
<p>Concernant les moyennes mensuelles, février 2016 a été le premier mois à observer un réchauffement de 1,5 °C relativement à l’ère préindustrielle. L’envolée du thermomètre au cours de ce mois s’expliquait également par un épisode <em>El Niño</em> de forte intensité. En 2023, les moyennes mensuelles ont dépassé 1,5 °C tous les mois à partir de l’été.</p>
<p>Il ne viendrait pourtant à l’idée de personne d’affirmer qu’on a atteint le seuil critique de réchauffement de l’accord de Paris en raison de ces dépassements journaliers ou mensuels. Mais qu’en est-il si la cible de 1,5 °C est atteinte pendant une année complète ?</p>
<p>Le GIEC rappelle qu’une année avec un réchauffement à 1,5 °C ne signifie pas que la cible correspondante de l’accord de Paris a été atteinte. Il recommande d’utiliser des moyennes pluriannuelles. Dans le <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/">sixième rapport du GIEC</a> le diagnostic d’un réchauffement observé de 1,1 °C relativement à l’ère préindustrielle concerne ainsi la décennie 2011-2020. Pour diagnostiquer que la cible de 1,5 °C ou la limite de 2 °C ont été atteintes, le GIEC recommande d’utiliser un indicateur portant sur deux décennies.</p>
<h2>Où en sommes-nous en 2024 ?</h2>
<p>L’OMM indique qu’à la suite de la température moyenne constatée en 2023, le réchauffement atteint 1,2 °C sur la dernière décennie (2014-2023). En suivant les recommandations du GIEC, il faudra attendre de connaître le réchauffement moyen de la prochaine décennie (2024-2033) pour pouvoir évaluer l’état du réchauffement actuel. La méthode permet de juger a posteriori de l’atteinte ou du dépassement des cibles de température.</p>
<p>Par définition, on ne connaît pas les températures de la prochaine décennie. Mais on peut les estimer à partir des évolutions du passé. Depuis 1970, la courbe d’évolution des températures moyennes suit une tendance très robuste statistiquement : le thermomètre prend 0,2 °C par décennie. Tant que la croissance du stock de gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’est pas contenue, il n’y a aucune raison de postuler le ralentissement de cette tendance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576724/original/file-20240220-30-gzmoc6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Température moyenne des données.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Hadley center</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Prolongeons donc cette tendance sur les 10 prochaines années. Le réchauffement moyen s’élèvera alors à 1,4 °C sur la prochaine décennie 2024-2033 (1,2 °C + 0,2 °C). On peut donc considérer que nous avons atteint début 2024 un réchauffement moyen de 1,3 °C, à tendance du réchauffement inchangée sur les dix prochaines années.</p>
<p>Bien entendu, cela montre surtout que la tendance doit être inversée de toute urgence. Si elle se prolonge sur la décennie suivante, la cible de 1,5 °C sera atteinte vers le milieu de la prochaine décennie, comme cela apparaît sur le graphique. Si elle se poursuivait par la suite, on serait en 2050 à mi-chemin entre la visée de 1,5 °C et la limite de 2 °C.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’après le programme Copernicus, un réchauffement de 1,5 °C a été observé entre février 2022 et janvier 2023. Cela ne signifie pas que le 1,5 °C visé à l’accord de Paris a été dépassé.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2218022024-03-07T16:15:50Z2024-03-07T16:15:50ZMontée des eaux : quelles solutions fondées sur la nature pour aider les littoraux français à s’adapter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574627/original/file-20240209-28-kbpzmh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les digues et autres ouvrages en dur ne sont pas toujours la meilleure solution face à la montée des eaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Laurent Guérin / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Elles s’appellent Martin, Klaus, Xynthia, Eleanor, Alex ou encore <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/tempetes-ciaran-et-domingos-des-dommages-a-plus-de-1-3-milliard-d-euros-983040.html">Ciaran ou Domingos</a> pour celles qui ont touché la France en octobre 2023. Ces tempêtes rappellent, douloureusement au vu de leur bilan matériel et parfois humain, la vulnérabilité des littoraux, en Europe comme ailleurs.</p>
<p>Souvent très modifiées par l’humain à travers les constructions et l’aménagement du territoire, les côtes françaises sont exposées de façon croissante aux effets du changement climatique.</p>
<p>Ces derniers se manifestent par une <a href="https://theconversation.com/en-20-ans-les-risques-de-submersions-marines-des-cotes-ont-augmente-de-50-162892">augmentation de la fréquence des submersions</a>, par l’intensification de l’<a href="https://theconversation.com/nouvelle-aquitaine-photographier-le-littoral-pour-en-comprendre-les-evolutions-202206">érosion des littoraux</a> ou encore par des phénomènes de <a href="https://theconversation.com/montee-des-eaux-et-intrusions-salines-deux-menaces-pour-lavenir-du-delta-du-mekong-197360">salinisation des estuaires</a> et des nappes phréatiques côtières.</p>
<p>Une menace imminente face à laquelle les populations peuvent adopter différents comportements et stratégies, pouvant s’échelonner de <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-climatoscepticisme-seduit-il-encore-218639">l’inaction</a> à la <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-penser-les-trajectoires-de-ladaptation-145737">recomposition spatiale des territoires</a>. Des “outils” permettent pourtant une lutte active contre les aléas submersion et érosion. Parmi ceux-ci, les solutions fondées sur la nature, SFN en français ou <em>Nature-based solutions</em>, NBS en anglais.</p>
<p>De quoi parle-t-on ? <a href="https://www.iucn.org/fr/notre-travail/solutions-fondees-sur-la-nature">L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) les a définies en 2016</a> comme les actions de gestion, de protection et de restauration des écosystèmes qui permettent de répondre aux défis sociétaux tout en produisant des bénéfices pour le bien-être humain et la biodiversité.</p>
<p>De plus en plus d’initiatives en ce sens émergent, en Europe comme en France. Avec, déjà, des retours d’expériences encourageants. C’est par exemple le cas du projet <a href="https://www.lifeadapto.eu/adapto-un-projet-life.html">adapto</a> (mené par le Conservatoire du Littoral et le BRGM) qui, pendant cinq ans, a permis d’explorer, sur dix sites pilotes, des solutions de gestion douce du trait de côte. De quoi démontrer l’intérêt écologique – mais également économique – des SFN.</p>
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<h2>Des digues pas dénuées d’inconvénients</h2>
<p>Historiquement, la protection côtière s’est largement appuyée sur la construction d’ouvrages de génie civil de défense contre la mer. On estime ainsi que 70 % du littoral européen est protégé par des ouvrages de protection comme les enrochements, les digues, les épis, les brise-lames ou encore les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/developpement-durable-porte-maree-6891/">portes à flots</a>.</p>
<p>Ces ouvrages ont cependant des inconvénients de taille : le coût de ces <a href="https://cosaco.univ-littoral.fr/wp-content/uploads/2018/11/Techniques-protection-2P.pdf">techniques dites « dures » est souvent élevé</a>, avec un besoin d’entretien accru. De plus, ces ouvrages ne s’adaptent pas aux évolutions des aléas, voire augmentent le risque de submersion brutale en cas de rupture soudaine.</p>
<p>Ces structures lourdes ont trop souvent été mises en place au détriment du soin des écosystèmes naturels, lorsqu’ils sont encore présents. Or, des écosystèmes sains, résilients, fonctionnels et diversifiés rendent de nombreux services aux sociétés humaines, qu’on appelle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/services-ecosystemiques-118934">services écosystémiques</a>.</p>
<h2>Dunes et récifs coralliens aux effets protecteurs</h2>
<p>Les écosystèmes des côtes et des estuaires soutiennent un grand nombre de ces services non seulement en matière <a href="https://www.fao.org/ecosystem-services-biodiversity/background/provisioningservices/fr/">« d’approvisionnement »</a> (par exemple, liés à la fourniture de nourriture, comme la pêche) mais aussi <a href="https://www.fao.org/ecosystem-services-biodiversity/background/regulatingservices/fr/">« de régulation et de support »</a> en participant à la réduction des impacts de l’érosion et de la submersion.</p>
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<p>Certains écosystèmes contribuent ainsi à l’équilibre du littoral et à l’atténuation des aléas, notamment en diminuant l’énergie des vagues et des courants atteignant la côte.</p>
<p>C’est le cas des récifs coralliens ou d’huîtres, mais aussi des herbiers sous-marins qui freinent les vagues en augmentant leur frottement sur le fond, ou encore des mangroves qui jouent un rôle de dissipation très fort de l’énergie des vagues atteignant la côte.</p>
<p>Les dunes, quant à elles, forment des barrières naturelles contre la submersion marine. Les volumes de sable qu’elles représentent constituent par ailleurs un stock sédimentaire important qui permet aux plages de se reconstruire après un épisode érosif lors d’une tempête. Elles participent ainsi à l’atténuation de l’érosion et du recul du trait de côte.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574102/original/file-20240207-24-al0cxe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue sur la baie de Lancieux depuis la dune du Briantais.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dam_Lights/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, les zones humides côtières et estuariennes sont des espaces d’expansion des submersions marines lors des tempêtes et des inondations lors de crues. Elles amortissent donc leurs effets (hauteur d’eau et étendue).</p>
<p>En complément de ce rôle « mécanique », les milieux littoraux assurent des fonctions écologiques importantes de nombreuses espèces animales et végétales mais aussi pour le cycle de l’eau, le recyclage et l’épuration de nombreux contaminants. Ils jouent par ailleurs un rôle important dans le piégeage et la séquestration du carbone.</p>
<p>Leur <a href="https://www.cairn-sciences.info/biodiversite--9782100521333-page-113.htm">productivité biologique</a> (quantité de biomasse produite au cours du temps, notamment par la photosynthèse), qui se situe parmi les plus importantes des écosystèmes de la planète, les rend d’autant plus indispensables dans l’atténuation des effets du changement climatique (la photosynthèse permettant de consommer une partie du CO<sub>2</sub> atmosphérique).</p>
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<h2>Des solutions fondées sur la nature efficaces et économiquement avantageuses</h2>
<p>Les écosystèmes littoraux sont actuellement altérés et menacés par les activités humaines, le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Paradoxalement, ils sont désormais au cœur de solutions de résilience durable pour la protection côtière qui s’inscrivent dans la grande famille des SFN.</p>
<p>Citons par exemple les dunes de Nouvelle-Aquitaine. Le service de régulation de l’érosion côtière assuré par les écosystèmes dunaires est considérable à l’échelle de la région, qui possède la plus grande côte sableuse de la façade maritime de France. Au-delà de ses bénéfices environnementaux, les SFN y sont également intéressantes au plan économique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/580166/original/file-20240306-26-5pweil.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Réhabilitation des dunes pour encourager le développement d'espèces végétales dunaires à Capbreton dans les Landes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cécile Capderrey</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les coûts de maintien de ce service, qui passe par la restauration des écosystèmes dunaires (par exemple replantation d’espèces végétales comme les oyats), des mesures de gestion et de protection (par exemple gestion de la fréquentation et des chemins d’accès pour éviter le piétinement des dunes) sont largement plus faibles que ceux consentis pour la mise en place et l’entretien d’ouvrages de protection lourds, ou le rechargement sans fin des plages.</p>
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<h2>L’expérience de la Belgique et des Pays-Bas</h2>
<p>Les bénéfices peuvent être aussi très importants pour la société. C’est ce que montrent les retours d’expérience de pays très exposés à l’augmentation du niveau de la mer, comme la Belgique ou encore les Pays-Bas. Pionniers dans la défense ouvragée contre l’érosion et la submersion au siècle dernier, ils ont ouvert la voie sur l’adaptation au changement climatique en milieu littoral grâce aux SFN.</p>
<p>Aux Pays-Bas, le « Zand Motor » (littéralement le « moteur de sable ») est un projet très emblématique qui a consisté à déposer en 2011, en un point du littoral, 20 millions de mètres cubes de sable provenant du large. Depuis, les courants redistribuent ce sable sur les littoraux adjacents en les rendant plus résilients à l’érosion et en favorisant la biodiversité (notamment la fréquentation par les mammifères marins).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574107/original/file-20240207-18-22gvhz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Réserve naturelle de Waterdunen, aux Pays-Bas, sur les rives de l’Escaut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frdr/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>La Belgique, quant à elle, a laissé de plus en plus d’espace aux zones humides, pour qu’elles puissent jouer leur rôle d’amortisseur des submersions marines et des inondations, tout en retrouvant leur rôle bénéfique notamment pour la biodiversité. Des plans de dépoldérisations à grande échelle le long des côtes et des estuaires, par exemple, sur l’Escaut, sont ainsi menés depuis plusieurs décennies.</p>
<p>En France, les solutions fondées sur la nature sont encore relativement peu exploitées par les décideurs locaux pour la gestion du trait de côte. Sur les secteurs qui seraient propices à leur mise en place, la réticence à l’utilisation de solutions en apparence moins robustes que le génie civil et la méconnaissance des retours d’expérience de ces solutions peuvent effrayer.</p>
<p>Il est compliqué de changer de paradigme : jusque-là, nous avons construit pour dompter la mer et pouvoir vivre au bord de celle-ci. Comprendre aujourd’hui qu’il y a probablement plus à gagner en s’appuyant sur la nature plutôt que d’aller contre celle-ci requiert des transformations profondes de perception. Toutefois, un changement progressif s’opère dans les esprits depuis une dizaine d’années, où le concept de SFN s’est disséminé.</p>
<h2>Les premières leçons des sites pilotes</h2>
<p>Le projet adapto a ainsi permis d’explorer, sur des territoires littoraux à dominante naturelle et agricole, des solutions face à l’érosion et à la submersion marine dans le contexte d’accentuation du changement climatique. Il s’agissait notamment de démontrer la faisabilité et l’intérêt économique et écologique des SFN pour la gestion du trait de côte, à travers une approche pluridisciplinaire.</p>
<p>Le projet a porté sur dix sites expérimentaux, neuf en métropole et un en Guyane, qui ont été choisis pour représenter un panel de cinq types de milieux littoraux différents :</p>
<ul>
<li><p>côtes basses et sableuses atlantiques,</p></li>
<li><p>côtes basses atlantiques poldérisées,</p></li>
<li><p>lidos méditerranéens (un lido est un cordon littoral sableux qui ferme une lagune),</p></li>
<li><p>salins méditerranéens</p></li>
<li><p>et enfin mangroves.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574116/original/file-20240207-18-ssxbld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sites pilotes du projet adapto.</span>
<span class="attribution"><span class="source">adapto</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces expérimentations en sont aujourd’hui à des stades différents de maturité. Citons quelques cas représentatifs :</p>
<p>D’abord, un exemple emblématique de reconnexion – remise en contact de terres avec le milieu marin ou estuarien – « ancienne » est celui de l’Île Nouvelle (sur la Garonne) ou encore du polder de Mortagne-sur-Gironde. Ils ont été reconnectés « accidentellement » à l’influence estuarienne et marine par la tempête Martin en 1999. Celle-ci a créé une brèche dans les digues des deux sites et entraîné une incursion marine. Ces digues n’ont pas été reconstruites, reconnectant ainsi ces anciens polders au flux et reflux des marées.</p>
<p>Depuis, de nombreux suivis faunistiques et floristiques d’espèces terrestres et marines ont été menés pour suivre les évolutions après les reconnexions des écosystèmes dans un continuum terre-mer. Plusieurs habitats fonctionnels pour de nombreuses espèces animales, comme les roselières à Mortagne-sur-Gironde, ou les vasières sur l’Île Nouvelle, sont ainsi scrutés de près. Depuis la mise en place d’une gestion souple du site de l’Île Nouvelle, les champs de maïs ont laissé la place à d’importantes et diverses surfaces de zones humides créant une mosaïque de milieux bénéfiques par exemple, pour les populations d’oiseaux*.</p>
<p>D’un point de vue sédimentologique, les suivis montrent aujourd’hui, par exemple à Mortagne-sur-Gironde, des vitesses de sédimentation spectaculaires. Celles-ci contribuent à l’élévation des terres, les rendant moins exposées à la submersion dans le contexte de la remontée du niveau marin.</p>
<p>Plus récemment, au niveau de la baie de Lancieux (Côtes-d’Armor), le polder de Beaussais a vu sa digue de protection disparaître peu à peu suite à des brèches successives. Le choix d’une reconnexion à la mer a été fait. Laisser rentrer l’eau salée dans ces marais rétrolittoraux (c’est-à-dire, en arrière du trait de côte) de façon maîtrisée permet aux espèces végétales de coloniser et s’installer, selon les assemblages de communautés typiques qui caractérisent les prés salés.</p>
<p>En Méditerranée, un exemple éloquent est celui des Vieux-Salins d’Hyères (Var), où la majeure partie des enrochements ont été supprimés. De quoi redonner une dynamique naturelle au système dune-plage situé à l’interface entre la mer et la zone humide. Concrètement, il s’agit de déplacer une zone d’érosion pour éviter, à moyen terme, des intrusions d’eau de mer vers l’intérieur des salins où de l’eau douce est présente. Les suivis, toujours en cours, montrent déjà une zone d’accrétion de cinq à dix mètres sur la zone anciennement exposée à l’érosion, la rendant moins exposée aux aléas.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574127/original/file-20240207-30-45gy7t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les herbiers de posidonie forment des récifs naturels qui ralentissent les vagues et protègent les plages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Barret/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, le suivi des « récifs » formés par les herbiers de posidonie présents au droit de cette plage semble montrer que leur répartition spatiale n’est pas impactée par les travaux de désenrochements. Ils jouent bien leur rôle de brise-lame sur les vagues, et stabilisent aussi les plages grâce au dépôt de leurs feuilles mortes dont les amas forment de véritables remparts, aussi appelés “banquettes”, contre l’érosion.</p>
<h2>Des essais à transformer</h2>
<p>Le projet adapto a ainsi permis des apprentissages précieux et surtout multidisciplinaires (entre géophysique, écologie, sociologie et économie des territoires) pour tous les acteurs des littoraux : collectivités, chercheurs, gestionnaires, usagers…</p>
<p>Grâce à ces retours d’expérience, des actions de reconnexion sont désormais envisagées à plus large échelle ailleurs en France : par exemple sur la baie d’Authie (Hauts de France) mais aussi dans l’estuaire de l’Orne ou encore dans le delta de la Leyre (Gironde).</p>
<p>Malgré leurs succès, ces nouveaux modes de gestion ne sont pas sans susciter des craintes. Leur principal point noir : la perception du temps nécessaire à la mesure des progrès. Les réticences des populations et des gestionnaires à l’égard des SFN résident dans le sentiment de moindre protection qu’elles offrent par rapport aux ouvrages « en dur » et dans le fait que leurs effets bénéfiques ne sont pas toujours immédiats.</p>
<p>C’est la raison pour laquelle l’ensemble des suivis de terrain menés dans le projet adapto, et qui sont pour la grande majorité toujours en cours, sont essentiels. Tant pour comprendre les dynamiques et fonctionnalités des milieux littoraux, que pour montrer aux acteurs locaux d’autres territoires que cela peut fonctionner.</p>
<p>Ces retours d’expériences solides, communiqués le plus largement et pédagogiquement possibles, sont incontournables pour que le recours aux solutions fondées sur la nature puisse se développer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221802/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Capderrey a reçu des financements de l'OFB. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:a.baills@brgm.fr">a.baills@brgm.fr</a> a participé à des projets financés par l'ANR, l'Europe ou l'AFD</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manuel Garcin a participé à des projets financés par l'ANR, l'Europe, le CNRT, l'AFD</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Brivois a participé à des projets co-financés par l'Europe et l'ANR</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Eléonore Paquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les digues, brise-lames et autres ouvrages en dur n’ont rien d’une panacée. Les solutions fondées sur la nature aussi ont de sérieux atouts pour l’adaptation du littoral français au climat.Cécile Capderrey, Ingénieur environnements et risques littoraux, BRGMAnne-Eléonore Paquier, Ingénieure littoral, géomorphologue, BRGMAudrey Baills, BRGMManuel Garcin, BRGMOlivier Brivois, Chef de projet, BRGMLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2192662024-03-03T15:56:45Z2024-03-03T15:56:45ZMaisons fissurées : réhydrater le sol pour faire face au retrait-gonflement des argiles<p>Depuis 2015, excepté l’été 2021, la France métropolitaine connaît des sécheresses de plus en plus intenses, fréquentes sur des périodes plus longues, imputables au changement climatique. En 2022, la France a connu pour la 6<sup>e</sup> fois en 10 ans une sécheresse de grande ampleur. La sécheresse 2022, dont le coût est aujourd’hui estimé à plus de 3,5 Md d’euros, bat tous les records depuis 1989, année d’intégration de la sécheresse dans le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (Cat-Nat), et dépasse de loin la sécheresse de 2003, référence en la matière ! Au 30 janvier 2024, après 11 arrêtés parus au <em>Journal officiel</em>, il y a déjà plus de 6 700 communes reconnues Cat-Nat sécheresse 2022, un record absolu.</p>
<p>Même pendant l’hiver, où l’on s’attend à des précipitations régulières et des températures de saison, la « sécheresse hivernale » peut prolonger celle de l’été et affecter davantage les sols argileux. C’était le cas durant l’hiver 2022-2023. Paradoxalement, quand des épisodes ponctuels de fortes précipitations provoquent des inondations, comme dans le nord ces derniers mois, cela pourrait être très préjudiciable pour les maisons si l’été 2024 venait à être très chaud et sec.</p>
<p>Le phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, appelé « RGA », est connu et documenté depuis plus de 30 ans en France et à l’international où d’autres pays sont également concernés (Royaume-Uni, États-Unis, Australie, Afrique du Nord, etc.). Le RGA se manifeste quand le sol se rétracte pendant la sécheresse et gonfle quand il pleut. Ce mouvement du sol peut déstabiliser les maisons qui se fissurent et dans le cas extrême menacent de s’effondrer.</p>
<h2>Plus de 10 millions de maisons exposées au retrait-gonflement des argiles</h2>
<p>Cependant, dans le contexte actuel du changement climatique, le phénomène de RGA prend incontestablement une nouvelle dimension très préoccupante avec une expansion géographique des zones exposées, une aggravation de ses conséquences sur le bâti avec un coût de la sinistralité croissant et une cinétique accélérée, un impact sociologique et psychologique fort sur les personnes. L’évolution du phénomène de RGA peut notamment se manifester à travers une dessiccation des sols de plus en plus profonde, <a href="https://www.e3s-conferences.org/articles/e3sconf/abs/2023/19/e3sconf_unsat2023_01003/e3sconf_unsat2023_01003.html">au-delà de 3 mètres de profondeur</a>, et des déformations importantes pouvant induire plus de dommages aux bâtiments construits dans ces zones.</p>
<p><a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/nouveau-zonage-dexposition-au-retrait-gonflement-des-argiles-plus-de-104-millions-de-maisons">Le dernier recensement en vigueur</a>, publié par le ministère de l’Écologie en juin 2021, identifie plus de 10,4 millions de maisons potentiellement très exposées au RGA. Sachant que ces chiffres ne tiennent pas encore compte des sécheresses de 2020 à 2022, il y aurait davantage de maisons exposées et celles déjà identifiées ont dû subir des dommages qui dans certains cas se sont même aggravés. Il est donc urgent d’agir pour l’adaptation de ces bâtiments via des dispositions techniques permettant de réduire leur vulnérabilité au phénomène de RGA.</p>
<p>En termes de techniques classiques, souvent qualifiées par les acteurs qui les recommandent et ceux qui les appliquent comme « réparatrices », il y a par exemple :</p>
<ul>
<li><p>l’agrafage des fissures, qui consiste à « coudre » les fissures apparues par des agrafes métalliques ;</p></li>
<li><p>l’injection de résine expansive dans le sol de fondation à travers un réseau de forages de petit diamètre sous les fondations ;</p></li>
<li><p>la reprise en sous-œuvre (RSO) pour transférer les charges de la structure sur des micropieux, de diamètres compris entre 80 mm et 150 mm, réalisés par forage et coulés en place.</p></li>
</ul>
<h2>Une nouvelle solution pour stabiliser les sols argileux</h2>
<p>Ces techniques ne sont pas suffisamment efficaces. C’est pourquoi <a href="https://www.cerema.fr/fr">notre équipe de recherche sur le RGA</a> est la première à développer le principe de « réhydratation des sols argileux pendant la sécheresse » pour concevoir une nouvelle solution de prévention et de remédiation « MAison Confortée par Humidification » dite MACH, compatible avec certaines configurations de maisons exposées et/ou fissurées par le RGA.</p>
<p>Dès 2006, notre équipe s’est intéressée à la compréhension scientifique des mécanismes en cause dans le phénomène de RGA et dans ses implications en termes d’endommagement des structures affectées. Fort de ce retour d’expérience, le Cerema développe depuis 2015 le <a href="https://www.ifsttar.fr/collections/ActesInteractifs/AII3/pdfs/163686.pdf">procédé innovant MACH</a>, basé sur la réhumidification du sol argileux pendant les périodes de sécheresse afin de rééquilibrer son état hydrique et réguler son humidité et ainsi limiter l’impact de la fissuration de dessiccation et la détérioration des propriétés hydromécaniques du sol sur les bâtiments.</p>
<p><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03720254/">Le RGA est un phénomène naturel</a> qui se produit dans les sols contenant des fractions argileuses sensibles aux variations de teneur en eau en fonction des conditions météorologiques de sécheresse ou de précipitations. <a href="https://www.georisques.gouv.fr/articles-risques/retrait-gonflement-des-argiles/exposition-du-territoire-au-phenomene">Cela concerne plus de 52 % des sols métropolitains</a>. Ce phénomène irréversible dépend de la nature minéralogique du sol argileux (typologie des argiles) et de l’environnement proche dans lequel il se produit.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Représentation schématique du phénomène de RGA" src="https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579133/original/file-20240301-24-y0ffq4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Représentation schématique du phénomène de RGA.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’analyse des conséquences du RGA sur les maisons requière la prise en compte de l’ensemble des éléments impliqués : la structure de l’ouvrage, le sol de fondation, la météorologie locale et surtout l’environnement proche dans lequel la maison est implantée à savoir : la végétation, la gestion des eaux, l’évapotranspiration.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579134/original/file-20240301-22-cex2ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comment réduire la vulnérabilité de sa maison exposée au RGA face à la sécheresse.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les conséquences de la sécheresse et du phénomène de RGA ne se limitent pas aux seuls dommages matériels du bâti et aux coûts assurantiels, à la tendance croissante. L’impact sociologique et psychologique subi par les sinistrés au quotidien est tout aussi important à prendre en compte : l’aspect cumulatif et la cinétique lente du RGA, la récurrence et l’intensité des événements météorologiques dans le contexte du changement climatique et la lenteur des procédures d’indemnisation, sont autant de facteurs de préoccupation pour les sinistrés.</p>
<h2>La réhydratation localisée et contrôlée des sols : un procédé en développement</h2>
<p>De 2016 à 2020, nous avons installé le dispositif expérimental MACH sur une maison sinistrée par la sécheresse en présence de ses occupants, située dans la commune de Mer (41). Une instrumentation in situ a été mise en place dont l’implantation des sondes de succion dans le sol est l’élément principal, permettant d’opérer l’humidification ciblée et contrôlée du sol de fondation durant les périodes de sécheresse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579135/original/file-20240301-20-qh7zhr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma de principe du procédé MACH.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des fissuromètres posés sur quelques fissures existantes ont permis d’analyser l’apport de la réhumidification du sol dans la stabilisation de leur ouverture pendant la sécheresse. <a href="https://www.researchgate.net/publication/356284599_Experimental_Analysis_of_Shrinkage-swelling_Phenomenon_of_Clays_Application_to_an_Individual_House_Affected_by_Drought_Under_Climate_Change_Effects">Les résultats observés</a> durant les 4 années de sécheresse intense de 2017 à 2020 sont satisfaisants tant en termes de stabilisation d’ouverture des fissures existantes que d’absence d’apparition de nouvelles fissures sur les façades confortées.</p>
<p>Cette solution est à la fois écologique, peu coûteuse et durable. À titre indicatif, le procédé expérimental MACH a été mis en place pour un coût total de 15 000 euros HT, soit un coût nettement inférieur à celui d’un confortement en sous-œuvre traditionnel en moyenne supérieur à 100 000 euros HT.</p>
<p><a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/comprendre-solution-mach-du-cerema-developpement-adaptation">Les travaux de recherche et développement</a> se poursuivent aujourd’hui à travers des déploiements qui sont menés en parallèle à horizon 2026 :</p>
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<li><p>Le projet MACH Series qui vise à réaliser de nouvelles expérimentations sur des maisons avec des configurations différentes. L’objectif est de confirmer le caractère reproductible du procédé MACH et son adaptabilité aux différents sites selon la typologie de la nature des sols, la météo locale et le type de structure du bâti.</p></li>
<li><p>La solution intelligente MACH+ : cette solution, déjà automatisée au moyen de deux systèmes embarqués, vise à intégrer l’intelligence artificielle pour corréler la réhumidification du sol en fonction des seules données météorologiques locales. Ceci permettrait in fine de <a href="https://www.brut.media/fr/nature/maisons-fissurees-a-cause-de-la-chaleur-lamine-a-une-solution-ae38d394-372e-4faf-8ef8-4befcc566a20">s’affranchir de la mesure continue de la succion du sol par des capteurs enterrés</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’objectif de ces travaux est de développer de nouvelles solutions d’adaptation écologiques, pérennes et accessibles économiquement à tous. La solution MACH+ intelligente, durable et facile à poser, conviendrait à la fois en prévention sécheresse pour les nouvelles constructions et les maisons existantes exposées au RGA sans dommages mais aussi en stabilisation pour les maisons existantes exposées et fissurées. Concernant la ressource en eau de la solution MACH+, des travaux sont en cours pour développer un filtre écologique, constitué de matériaux recyclés, afin de réutiliser les eaux usées domestiques (eaux grises) localement pour réhumidifier le sol de fondation pendant la sécheresse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219266/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lamine Ighil Ameur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En France, plus de 10 millions de maisons sont soumises au risque de retrait-gonflement des argiles avec des conséquences graves. Une nouvelle solution est développée pour éviter la catastrophe.Lamine Ighil Ameur, Chercheur en mécanique des sols, CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241102024-02-29T15:36:28Z2024-02-29T15:36:28ZRéchauffement planétaire : l’hiver canadien n’est plus ce qu’il était<p>Au terme d’un autre hiver particulièrement doux, la population canadienne constate une fois de plus à quel point le réchauffement planétaire a transformé le climat hivernal du pays.</p>
<p>D’un océan à l’autre, les températures clémentes sont venues bousculer les activités hivernales. De la <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/regional/2024-02-11/carnaval-de-quebec/le-palais-de-bonhomme-ferme.php">fonte des châteaux de glace au Carnaval de Québec</a> à l’insuffisance du couvert neigeux dans les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2024/01/29/faute-de-neige-une-station-de-ski-nouvrira-pas-de-la-saison">stations de ski de l’Ouest canadien</a>, aucune région du pays ne semble échapper au phénomène.</p>
<p>Toutefois, le changement le plus universellement perceptible sera probablement la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/7/1/014028">précarité de la saison du patinage sur glace</a>.</p>
<p>Pour la deuxième année consécutive, la <a href="https://ccn-ncc.gc.ca/endroits/patinoire-du-canal-rideau">patinoire du canal Rideau à Ottawa</a> était fermée en plein cœur de la saison du patinage. En 2022-2023, elle est restée fermée tout l’hiver pour la première fois de son histoire. Cette année, un tronçon a été brièvement accessible en janvier, mais la persistance des températures douces en a forcé la fermeture après seulement quatre jours. À Montréal, <a href="https://www.patinermontreal.ca/f/paysagee/patin-libre/sports-dequipe">moins de 40 % des patinoires extérieures municipales étaient ouvertes</a> à la mi-février. Le fameux étang du parc Lafontaine n’a pas été ouvert au patinage de la saison.</p>
<p>Rien qui incite à l’optimisme, donc. Cette nouvelle réalité témoigne de notre inaction devant la crise climatique, dont la disparition graduelle du patinage extérieur est en voie de devenir la plus récente manifestation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sport-et-lactivite-physique-seront-bouleverses-par-le-changement-climatique-voici-comment-attenuer-ses-effets-167935">Le sport et l’activité physique seront bouleversés par le changement climatique. Voici comment atténuer ses effets</a>
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<h2>Sur une glace mince</h2>
<p>Il y a plus de 10 ans, notre groupe de recherche publiait <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/7/1/014028">sa première analyse</a> de l’effet des hivers de plus en plus doux sur le patinage extérieur au Canada : dès 2005, on observait que la saison de patinage commençait de plus en plus tard et durait de moins en moins longtemps, et ce, un peu partout au pays.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/s89qXYP1DqE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un reportage de CBC sur la gestion de la patinoire du canal Rideau en 2023.</span></figcaption>
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<p>Même son de cloche dans <a href="https://www.rinkwatch.org">certaines publications subséquentes du projet RinkWatch</a>, qui ont fait état du <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">raccourcissement de la saison et de la détérioration de la qualité de la glace</a> au fil des ans dans de nombreuses villes canadiennes.</p>
<p>À Ottawa, le nombre de jours de <a href="https://rideaucanalskateway.com/fr">patinage sur le canal Rideau</a> diminue depuis 20 ans. Au cours de cette période, la saison de patinage type s’est écourtée et a été amputée de près de 40 %, une tendance directement liée à la hausse des températures hivernales.</p>
<h2>Avancer dans la mauvaise direction</h2>
<p>Les progrès dans l’atténuation des risques climatiques restent beaucoup trop lents.</p>
<p>Les émissions mondiales de CO2 ont atteint un <a href="https://globalcarbonbudget.org/fossil-co2-emissions-at-record-high-in-2023/">sommet inégalé en 2023</a>, et les températures moyennes <a href="https://berkeleyearth.org">dépassent maintenant de 1,3 °C celles de l’ère préindustrielle</a>. À ce rythme, nous franchirons le seuil de 1,5 °C — la limite inférieure de la fourchette cible de température établie dans le cadre de l’Accord de Paris — dans <a href="https://climateclock.net">moins de sept ans</a>.</p>
<p>Dans un <a href="https://doi.org/10.1111/cag.12878">article de 2012</a>, nous avons avancé que, d’ici la moitié du siècle, il pourrait ne plus y avoir de journées propices à l’arrosage des patinoires dans la plupart des régions du sud du Canada. Dans une <a href="https://doi.org/10.1088/2515-7620/ab8ca8">analyse plus récente des patinoires extérieures de Montréal</a>, nous avons émis l’hypothèse qu’il sera impossible d’y pratiquer le patinage dès 2070.</p>
<p>En rétrospective, ces prévisions, comme d’autres du même ordre, étaient peut-être trop optimistes. Dans une <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate2465">étude concernant les jours de patinage sur le canal Rideau publiée en 2015</a>, les auteurs parlaient du patinage extérieur comme d’une activité en déclin, mais qui persisterait jusqu’à la fin du siècle, même si les émissions de CO<sub>2</sub> restent élevées. Vu les deux dernières saisons, force est de constater que les choses se sont dégradées beaucoup plus rapidement que prévu.</p>
<p>En 2023, les températures ont été les plus élevées jamais enregistrées à l’échelle mondiale. C’était aussi le cas en décembre 2023 et en janvier 2024. Depuis 1950, les hivers canadiens ont gagné plus de 3 °C, une <a href="https://ressources-naturelles.canada.ca/changements-climatiques/en-quoi-consiste-ladaptation/10026">hausse environ trois fois plus rapide que le réchauffement planétaire sur la même période</a>.</p>
<p>Il faut au moins trois journées très froides de suite pour créer la base de glace d’une patinoire extérieure, suivies d’une période de froid assez longue pour que la surface reste en bon état. Déjà que les patinoires tolèrent mal des températures supérieures au point de congélation, quand la pluie se met de la partie, le résultat est souvent catastrophique.</p>
<p>Il suffit de quelques degrés de plus en janvier et en février pour rendre une patinoire hors d’usage. Comme les hivers se réchauffent, les municipalités auront de plus en plus de mal à justifier les ressources consacrées à la préparation et à l’entretien des patinoires extérieures.</p>
<h2>Une transition brutale vers une nouvelle réalité changeante</h2>
<p>Plus les années passent sans que nous arrivions à atténuer véritablement les effets des changements climatiques, plus il est difficile d’imaginer la présence de nombreuses patinoires extérieures sans le recours à la réfrigération artificielle. Si les autres activités hivernales subissent aussi les contrecoups des conditions de neige capricieuses, le patinage extérieur risque d’être la première victime du réchauffement climatique.</p>
<p>C’est bien connu, Wayne Gretzky <a href="https://gretzky.com/bio.php">a appris à patiner et à jouer au hockey dans les années 1960 à Brantford, en Ontario, sur une patinoire extérieure aménagée par son père</a>. Or, elle est maintenant presque révolue l’époque où on pouvait année après année s’adonner au patinage extérieur dans le sud de l’Ontario. Et, en raison du réchauffement planétaire, il devient de plus en plus utopique de penser que les jeunes d’aujourd’hui et de demain pourront encore suivre les traces de « La Merveille ».</p>
<p>Cette réalité est une injustice pour bon nombre de ces jeunes, mais aussi une menace à l’existence même d’une activité emblématique de l’hiver canadien.</p>
<p>Pour préserver ce qu’il reste de la culture du patinage hivernal au Canada, nous devons redoubler d’efforts afin de réduire nos émissions de CO<sub>2</sub> et de stabiliser les températures à l’échelle mondiale, faute de quoi les images qu’évoquent les paroles de la chanson « River » de Joni Mitchell, <a href="https://genius.com/Joni-mitchell-river-lyrics">« une rivière où je pourrais filer, patins aux pieds »</a>, relèveront bientôt de la fiction ou du folklore.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224110/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>H. Damon Matthews est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mitchell Dickau est financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>Le réchauffement climatique affecte une pierre angulaire de la culture canadienne : le patinage en plein air.H. Damon Matthews, Professor and Climate Scientist, Department of Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityMitchell Dickau, PhD Candidate, Geography, Planning, and Environment Department, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213622024-02-27T15:41:23Z2024-02-27T15:41:23ZComment migrent les flétans ? Une petite structure dans leur crâne permet de mieux le comprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576890/original/file-20240220-18-5yndy5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C18%2C3953%2C2999&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les habitats utilisés tout au long de la vie du flétan et les mouvements effectués entre ceux-ci sont difficiles à caractériser.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Charlotte Gauthier)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Hausse des températures, modification des grands courants, diminution de l’oxygène en profondeur : le golfe du Saint-Laurent a subi de <a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">grands changements au niveau de ses conditions environnementales</a> dans les dernières décennies. Résultat ? De nombreuses espèces se retrouvent en difficulté et sont donc plus sensibles aux effets de la pêche.</p>
<p>Ces changements se font toutefois au profit de certaines autres espèces, comme le flétan de l’Atlantique, qui bat présentement des records d’abondance avec les valeurs les plus élevées des <a href="https://waves-vagues.dfo-mpo.gc.ca/library-bibliotheque/41206708.pdf">60 dernières années</a>.</p>
<p>Chercheuse en biologie, je propose d’apporter un éclairage sur certains mystères qui planent encore sur cette espèce qui détonne.</p>
<h2>Le flétan de l’Atlantique : champion du golfe du Saint-Laurent</h2>
<p>Le flétan de l’Atlantique est un poisson plat qui habite le fond des eaux du fleuve Saint-Laurent. Il est exploité pour sa chair blanche fine et ferme, très appréciée des consommateurs.</p>
<p>Le flétan peut atteindre des tailles impressionnantes de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/23308249.2021.1948502">plus de deux mètres</a>. En raison de la qualité de sa chair et de sa popularité dans les assiettes, il représente actuellement le poisson à la plus haute valeur commerciale de tout le golfe du Saint-Laurent.</p>
<p>Mais cette tendance n’a pas toujours été la même. Dans les années 1950, la portion adulte et exploitable des populations de flétan, que l’on nomme le stock, <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/73/4/1104/2458915?login=false">a subi un déclin majeur en raison de la surpêche</a>.</p>
<p>Dans l’idée de vouloir continuer d’exploiter cette ressource pour une période prolongée, il est impératif de ne pas répéter les mêmes erreurs que dans le passé. Pour y arriver, il est primordial d’avoir une bonne compréhension du cycle de vie du flétan et des effets que la pêche peut avoir sur le stock. Cependant, ce n’est pas complètement chose faite.</p>
<h2>Des enjeux pour une exploitation durable</h2>
<p>On connaît assez bien la biologie de base du flétan de l’Atlantique. Toutefois, les habitats utilisés tout au long de sa vie et les mouvements effectués entre ceux-ci sont plus difficiles à caractériser.</p>
<p>De <a href="https://academic.oup.com/icesjms/article/77/7-8/2890/5923787?login=false">récentes études</a> ont installé des étiquettes satellites sur des flétans pour enregistrer des données sur la profondeur et la température de l’eau où ils se trouvent et ainsi permettre de calculer précisément leurs déplacements. Grâce à cette méthode, les chercheurs ont pu identifier des trajectoires de flétans adultes sur une période d’un an et découvrir qu’ils se reproduisent en hiver dans les chenaux profonds du golfe.</p>
<p>Dans les différentes trajectoires annuelles, les chercheurs ont observé que, l’été, certains flétans demeurent dans les chenaux profonds, alors que d’autres entreprennent des migrations vers les zones moins profondes.</p>
<p>Même avec ces nouvelles informations, plusieurs questions demeurent, spécifiquement sur les plus jeunes stades de vie qui ne sont capturés que de façon anecdotique dans le golfe. Aussi, les étiquettes satellites fournissent des informations précises, mais uniquement sur une période d’un an, ce qui n’offre pas toute l’histoire pour un poisson qui peut vivre jusqu’à 50 ans.</p>
<p>C’est dans cette optique que l’utilisation d’un nouvel outil permettant d’étudier toute la vie des poissons devient fort pertinente.</p>
<h2>Les « os » des oreilles à la rescousse</h2>
<p>Tous les poissons osseux possèdent de petites structures calcaires dans leur oreille interne qu’on nomme otolithes, ou os d’oreilles, et qui remplissent des fonctions d’équilibre et d’audition.</p>
<p>Les otolithes se développent au tout début de la vie des poissons et grandissent au même rythme qu’eux. Les otolithes forment des cernes de croissance annuels qui sont comparables à ceux visibles dans le tronc des arbres.</p>
<p>Pour croître, les otolithes accumulent des éléments chimiques qui se retrouvent dans le milieu dans lequel baigne le poisson. Ainsi, lorsque le poisson se déplace, les éléments chimiques accumulés dans les otolithes seront différents d’un endroit à un autre. Chaque endroit est caractérisé par une combinaison unique de différentes concentrations d’éléments chimiques. C’est ce qu’on appelle une empreinte élémentaire. L’identification de ces empreintes peut donc nous fournir des informations cruciales sur les déplacements des poissons à différents endroits, et ce, tout au long de leur vie.</p>
<p>C’est cette méthode de caractérisation des éléments chimiques des otolithes que j’ai utilisée pour me pencher sur les patrons migratoires du flétan de l’Atlantique dans le golfe du Saint-Laurent.</p>
<h2>Un large spectre de stratégies migratoires</h2>
<p>Pour pouvoir savoir à quelles concentrations d’un élément chimique correspond le lieu de capture du poisson, on utilise l’empreinte de la marge de l’otolithe, c’est-à-dire la matière de la fin du cerne le plus à l’extérieur de l’otolithe, qui a été accumulée en dernier.</p>
<p>On considère que les concentrations des éléments qu’on y retrouve sont caractéristiques du lieu où le poisson a été capturé. En analysant les marges de près de 200 otolithes de flétans provenant d’un peu partout dans le golfe, j’ai pu distinguer deux empreintes élémentaires : une représentative des eaux de surface (moins de 100 mètres de profondeur) et une caractérisant les eaux plus profondes (plus de 100 mètres de profondeur).</p>
<p>Une fois ces empreintes identifiées, j’ai observé la concentration des éléments chimiques sur toute la vie des poissons pour pouvoir associer chaque moment de la vie soit à l’empreinte des eaux de surface, soit à celle des eaux profondes.</p>
<p>En ayant séparé la vie de chacun des individus entre moments passés en eaux de surface ou profondes, j’ai pu ressortir les patrons récurrents et les regrouper en trois stratégies migratoires différentes : les résidents, les migrants annuels et les migrants irréguliers.</p>
<p>Ainsi, j’ai pu observer que les flétans capturés dans le sud du golfe étaient majoritairement des migrants annuels, et donc qu’ils entreprennent des migrations entre les eaux profondes et peu profondes chaque année. Au contraire, dans la partie nord du golfe, on y retrouve une majorité de résidents. Les résidents correspondent à des poissons qui peuvent avoir migré au début de leur vie, mais qui ont fini par s’installer définitivement dans les eaux profondes avant d’avoir atteint la maturité. Les migrants irréguliers, quant à eux, montrent des migrations sur une fréquence plus sporadique, et se retrouvent en proportions similaires partout dans la zone d’étude.</p>
<h2>Sur la bonne voie pour une gestion optimale</h2>
<p>Mon étude est la première à offrir une vision globale des mouvements effectués par les flétans sur toute leur vie.</p>
<p>Ces nouvelles informations permettent de mieux comprendre la structure du stock et la diversité des stratégies migratoires qu’on peut y retrouver.</p>
<p>Considérant que ces stratégies sont réparties différemment selon les zones du golfe, on peut s’assurer de ne pas cibler de manière disproportionnelle les flétans utilisant la même stratégie migratoire et éviter la surpêche d’une seule composante du stock.</p>
<p>De cette manière, il est possible de conserver cette diversité qui bénéficie à la résilience du stock face aux différents changements qui peuvent survenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221362/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charlotte Gauthier a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et de la fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi. </span></em></p>Le flétan de l’Atlantique revient en force dans le golfe du Saint-Laurent. Mais comment savoir où il se déplace pendant toute sa vie ?Charlotte Gauthier, Étudiante au doctorat, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2235052024-02-26T15:53:39Z2024-02-26T15:53:39ZNorthvolt : les citoyens peuvent-ils encore s’opposer à un projet fait au nom de la transition énergétique ?<p>Le 8 février, lors d’un point de presse, le premier ministre François Legault invitait la population québécoise <a href="https://www.journaldequebec.com/2024/02/08/les-quebecois-doivent-changer-dattitude-a-legard-des-grands-projets-dit-legault">à « changer d’attitude » par rapport aux grands projets</a> liés à la transition vers une économie axée sur des technologies à faible émission de GES. </p>
<p>Bien que cette exhortation fasse référence à la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2015219/northvolt-usine-projet-seance-information">mobilisation citoyenne contre le projet d’usine de batteries Northvolt</a>, elle reflète une tendance plus large du gouvernement caquiste voulant que le territoire québécois soit mis au service du développement d’une <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/economie/publications/developpement-filiere-batterie/a-propos#:%7E:text=Le%20Qu%C3%A9bec%20a%20tout%20ce,approvisionnement%20de%20la%20fili%C3%A8re%20batterie.">« filière batterie »</a>. </p>
<p>Le premier ministre a-t-il raison de rappeler ainsi à l’ordre la société québécoise ? Est-il moralement et politiquement problématique de s’opposer aux projets qui visent à contribuer à la transition énergétique mondiale ?</p>
<p>Dans une récente étude, « Par-delà l’obligation d’exploiter le territoire. Autodétermination des communautés locales et transition énergétique au Québec », à paraître sous peu dans la Revue canadienne de science politique, nous avons étudié et comparé les arguments en faveur et contre des projets d’exploitation du territoire québécois aux fins de la transition énergétique. Notre objectif était d’évaluer dans quelle mesure une opposition citoyenne pouvait être considérée comme légitime dans ce contexte.</p>
<h2>Le Québec, riche en ressources nécessaires à la transition énergétique mondiale</h2>
<p>Si la filière batterie occupe une aussi grande place dans le <a href="https://coalitionavenirquebec.org/fr/blog/2023/09/05/developpement-de-la-filiere-batterie-quebecoise/">plan de développement économique de la Coalition Avenir Québec</a>, c’est notamment parce que le Québec dispose de toutes les ressources pour jouer un rôle de premier plan dans la transition énergétique mondiale. Non seulement est-il possible d’y développer tout l’écosystème économique nécessaire à la production de véhicules électriques, mais son sous-sol minier regorge des <a href="https://www.canada.ca/fr/campagne/mineraux-critiques-au-canada/les-mineraux-critiques-une-occasion-pour-le-canada.html">minéraux critiques</a> pour cette transition, telle que le nickel, le cobalt, le cuivre, le lithium, le graphite et le zinc.</p>
<p>Le <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/799142/filiere-batteries-nationalisme-vert-legault">« nationalisme vert »</a> du gouvernement Legault s’inscrit en outre dans une logique de réappropriation collective du territoire dont les bénéfices seraient redirigés vers des programmes sociaux, en faisant une forme de <a href="https://iris-recherche.qc.ca/blogue/environnement-ressources-et-energie/quest-ce-que-lextractivisme/#:%7E:text=Le%20n%C3%A9o%2Dextractivisme%20est%20fonctionnel,enclaves%20d%E2%80%99exploitation%2Fexportation.">« néoextractivisme »</a> à teneur environnementale. Le « néoextractivisme », tout comme l’extractivisme classique, est un modèle de développement économique fondé sur l’extraction de ressources sur un territoire, mais avec la particularité d’inscrire cette exploitation dans un discours politique aux prétentions progressistes.</p>
<h2>La frilosité québécoise à l’égard de la filière batterie</h2>
<p>Bien avant l’arrivée de Northvolt, la question de l’adhésion de la population québécoise se posait déjà en lien avec la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1906119/claims-mines-laurentides-lanaudiere-graphite-lithium">prolifération des titres miniers au Québec</a>. </p>
<p>Plusieurs groupes décrient depuis plusieurs années l’importante perte d’habitats (et <a href="https://snapquebec.org/quand-le-regime-minier-devient-un-champ-de-mines/">ses effets sur la biodiversité</a>) occasionnée par ce néoextractivisme québécois. On s’inquiète aussi du fait que les <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-04-20/demandes-d-exclusion-d-activites-minieres/les-villes-se-heurtent-a-quebec.php">communautés locales n’aient pas leur mot à dire</a> dans l’approbation des projets. </p>
<p>Le Québec a récemment connu une <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2023-10-06/sud-du-quebec/la-hausse-de-claims-miniers-preoccupe-les-citoyens.php">prolifération des titres miniers</a> détenus sur son territoire, hausse qui a suscité une vague de résistance. Et certains projets miniers – comme le projet de <a href="https://lomiko.com/fr/projets/projet-la-loutre/#:%7E:text=Le%20plan%20minier%20pr%C3%A9voit%2021,aux%20exigences%20locales%20du%20site.">mine de graphite La Loutre</a> – ont du même coup provoqué d’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2001689/manifestation-projet-minier-la-loutre-outaouais">importantes mobilisations citoyennes</a>.</p>
<p>Manifestement, que ce soit pour des projets comme Northvolt ou des projets miniers, les développements en lien avec la filière batterie font systématiquement face à de la résistance de la part des communautés locales.</p>
<h2>Le Québec aurait un devoir moral de contribuer à la transition</h2>
<p>À une époque où l’électrification de l’économie est vue <a href="https://www.economist.com/leaders/2023/04/05/the-case-for-an-environmentalism-that-builds">comme une panacée</a>, toute opposition citoyenne aux projets en lien avec la transition énergétique risque d’être dépeinte comme un phénomène de <a href="https://www.iedm.org/sites/default/files/pub_files/note0308_fr.pdf">« pas dans ma cour »</a>. Cette accusation morale attribue aux mouvements d’opposition des motivations égocentriques s’opposant au bien commun. </p>
<p>C’est à cet argumentaire que recourt François Legault : l’opposition aux mines ou aux usines de batteries priverait l’humanité des ressources nécessaires à la transition énergétique. Or, <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/2024-02-12/energies-renouvelables/le-quebec-ne-peut-pas-se-reposer-sur-ses-lauriers.php?sharing=true">cet argument n’est pas sans fondement</a> : de telles oppositions risquent d’encourager l’<a href="https://multinationales.org/fr/enquetes/cac40-et-climat-au-dela-des-effets-d-annonces/comment-l-europe-et-ses-entreprises-delocalisent-leurs-emissions-de-gaz-a-effet">externalisation de ces industries</a>, exposant davantage des communautés déjà vulnérables aux effets de la crise environnementale.</p>
<p>Selon cette vision, l’exploitation du territoire québécois serait une chose doublement noble, répondant autant aux besoins québécois en matière de financement des services publics qu’aux impératifs planétaires de la lutte contre les changements climatiques. </p>
<p>Doit-on pour autant conclure que les communautés locales n’ont pas la légitimité de s’opposer aux projets liés à la transition énergétique ? </p>
<h2>Les collectivités locales doivent jouir d’une certaine autonomie territoriale</h2>
<p>Les <a href="https://plato.stanford.edu/entries/territorial-rights/">droits sur le territoire</a> sont centraux à l’autonomie des communautés. Les devoirs qu’entretiennent les collectivités locales à l’égard de la crise climatique n’invalident pas complètement leurs revendications légitimes en lien avec les lieux qu’elles habitent. De tels pouvoirs permettent de promouvoir certains besoins et certaines valeurs sociales et de penser leur rapport au territoire d’une manière qui les reflète.</p>
<p>Ces droits ne sont certainement pas absolus, en particulier face à la crise environnementale actuelle. L’imposition de certains projets au nom de la justice sociale et environnementale est parfois tout à fait légitime. Il n’empêche que le fardeau de la justification revient à ceux voulant priver les communautés locales de leur droit de s’opposer aux projets qui dénaturent leur milieu de vie. </p>
<h2>L’« attitude » de la population québécoise en lien avec la filière batterie demeure légitime</h2>
<p>Le paradigme de la transition énergétique présuppose que, par le développement de technologies dites « vertes », l’humanité puisse sortir de la crise climatique sans remettre en question le principe de développement économique. </p>
<p>Mais cette hypothèse est loin de faire consensus. </p>
<p>Parmi les <a href="https://www.ledevoir.com/lire/806617/coup-essai-mensonge-transition-energetique">nombreuses raisons</a> mettant en doute ce postulat, il y a notamment le fait que l’accroissement de la demande finit toujours par rattraper les gains en (éco)efficience (l’ <a href="https://www.pourleco.com/le-dico-de-l-eco/leffet-rebond-paradoxe-de-jevons">« effet rebond »</a>). À ceci s’ajoute la <a href="https://www.systext.org/node/1785">quantité astronomique de déchets</a> générée par l’exploitation des minéraux critiques, venant plomber l’empreinte environnementale de la ruée vers les technologies « vertes ».</p>
<p>Mais surtout, le modèle de la transition énergétique ne remet aucunement en question certaines causes profondes de la crise environnementale. Pensons seulement ici à l’importance de l’automobile dans nos habitudes de vie et nos aménagements urbains. La supériorité du modèle de la transition énergétique – par rapport à d’autres solutions passant par une refonte plus substantielle du modèle de développement économique et territorial québécois – reste donc à démontrer.</p>
<p>La filière batterie se présente certes comme une solution aux inégalités environnementales et à la crise climatique. Mais pour justifier une limite au droit d’une communauté de dire non à un mégaprojet venant perturber son milieu de vie, il faut faire la démonstration que cette stratégie est pleinement crédible, ce à quoi les tenants de la transition énergétique ne sont pas encore parvenus.</p>
<p>La société québécoise peut ainsi conserver en toute légitimité son « attitude » réfractaire – n’en déplaise au premier ministre. L’horizon moral et politique dans lequel s’inscrit la filière batterie devra tôt ou tard faire l’objet d’une véritable délibération publique au Québec.</p>
<p>Le gouvernement Legault a manqué à cette obligation en modifiant les critères d’assujettissement pour éviter un BAPE dans le dossier Northvolt. Il est aussi impératif que la Loi sur les mines soit révisée, comme <a href="https://www.ledroit.com/actualites/politique/2023/05/07/claims-miniers-maite-blanchette-vezina-envisage-de-modifier-la-loi-sur-les-mines-3B2ZLBZ6TFAKZHRHNB65VCCCLU/">semblait l’envisager la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina</a>, en mai 2023.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223505/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Gosselin-Tapp a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le CRSNG, le FRQSC, le CSBQ et le Fonds François-et-Rachel-Routhier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédérique Jean a reçu des financements des organismes subventionnaires suivants : le CRSH et le FRQSC. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léonard Bédard a reçu des financements des organismes subventionnaires et centres de recherche suivants : le CRSH, le FRQSC, le Groupe de recherche interuniversitaire sur normativité (GRIN) et l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sacha-Emmanuel Mossu a reçu des financements du Fonds François-et-Rachel-Routhier, de Mitacs, du Groupe interuniversitaire sur la normativité (GRIN) et de l'Institut d'éthique appliquée de l'Université Laval (IDÉA). </span></em></p>Les communautés locales n’ont guère leur mot à dire dans le développement de projets comme les usines de batteries pour voitures électriques, qui visent à favoriser la transition énergétique mondiale.Jérôme Gosselin-Tapp, Professeur adjoint, Université LavalFrédérique Jean, Candidate à la maîtrise en philosophie, Université LavalLéonard Bédard, Candidat à la maîtrise en philosophie, Université LavalSacha-Emmanuel Mossu, Doctorant en philosophie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239432024-02-22T15:40:28Z2024-02-22T15:40:28ZQuel récit derrière le retour en grâce du nucléaire ?<p><em>Il y a un peu plus de 10 ans, la catastrophe de Fukushima relançait les débats sur l’utilisation du nucléaire civil. Aujourd’hui, l’effroi a laissé place à un discours moderniste, valorisant un savoir-faire français et mettant en avant le nucléaire comme outil de lutte contre le changement climatique. Comment <a href="https://theconversation.com/imaginaires-du-nucleaire-le-mythe-dun-monde-affranchi-de-toutes-contraintes-naturelles-200472">cet imaginaire</a> s’est-il construit ? Quel <a href="https://theconversation.com/nucleaire-eolien-quelle-evolution-du-discours-mediatique-en-france-208259">récit</a> trouve-t-on derrière le retour en grâce du nucléaire ? C’est à ces questions que s’est attelé Ange Pottin, chercheur en philosophie des sciences et des techniques à l’université de Vienne. Dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_nucleaire_imagine-9782348081118">« Le Nucléaire imaginé. Le rêve du capitalisme sans la Terre »</a>, qui vient de paraître, il met en lumière les logiques sociales et politiques associées à ce grand récit. Ses recherches soulignent l’héritage d’un discours construit dans les années 1950, marqué par « l’idée trompeuse et enivrante d’une indépendance vis-à-vis de tout ancrage terrestre ». Nous vous proposons ici quelques extraits de l’introduction.</em></p>
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<p>L’imaginaire désigne des représentations qui se distinguent à la fois par leur rapport déformant à la réalité et par leur pouvoir de mobilisation collective. Les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bibliotheque-ideale-de-l-eco/l-institution-imaginaire-de-la-societe-cornelius-castoriadis-2493850">représentations imaginaires</a> s’immiscent jusque dans les domaines réputés les plus froidement rationnels de l’activité humaine et viennent leur conférer un sens que ne sauraient fournir les seuls <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/D/bo20836025.html">tests et calculs</a>.</p>
<p>Que l’on pense aux expositions universelles des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles : les installations qui y étaient exposées fournissaient des symboles enthousiasmants du progrès technique, de la prospérité et de la puissance des empires occidentaux, à même de susciter l’adhésion des milliers de personnes qui les visitaient. Du même coup, elles fournissaient une représentation idéalisée de la technique qui reléguait dans l’ombre ses conditions de fonctionnement ainsi que les rapports de domination sur lesquelles s’appuyait la puissance célébrée s’appuyait.</p>
<p>Dans le cas du nucléaire, cet imaginaire est avant tout marqué par l’idée trompeuse et enivrante d’une indépendance vis-à-vis de tout ancrage terrestre. Mais ce concept seul n’est pas suffisant : l’imaginaire est indissociable de toute institution humaine et le nucléaire n’est certainement pas la seule industrie qui repose sur un imaginaire riche. C’est pourquoi il faut préciser un peu de quel imaginaire il s’agit ici et à quelles logiques sociales et politiques il est associé.</p>
<p>C’est ce que nous ferons avec le concept de capital fissile. Celui-ci désigne les substances matérielles, les machines et les personnes mobilisées dans la production nucléaire en tant qu’elles sont enrégimentées par le processus d’accumulation capitaliste.</p>
<h2>Le nucléaire imaginé</h2>
<p>Précisons un peu. Selon certains marxistes, le capital n’est pas d’abord un ensemble de choses qui seraient possédées par une classe au détriment d’une autre, mais une logique d’accumulation de la valeur économique ; cette valeur prend d’abord la forme d’argent, lequel, une fois investi, s’incarne dans un ensemble de moyens de production ; ceux-ci génèrent une valeur supplémentaire sous forme de profit ; ce profit est à son tour investi dans un agrandissement de l’appareil productif, etc. C’est ainsi que la poursuite d’une valeur immatérielle entraîne l’accroissement indéfini de l’exploitation matérielle des humains, des autres animaux et des milieux naturels. En effet, afin d’alimenter ce processus, l’accumulation du capital doit toujours se fournir en biens matériels de faible valeur – travail non salarié, matières premières, terres cultivables, et autres – qui doivent être, par des rapports de domination et des moyens techniques, appropriées à la logique d’accumulation (si cette théorie du capital comme processus d’accumulation est présente chez Marx, elle a été développée ultérieurement – <a href="https://agone.org/livres/laccumulationducapital">d’abord dans la théorie de l’impérialisme de Rosa Luxemburg</a> puis reprise et développée par <a href="https://www.versobooks.com/en-gb/products/1967-spaces-of-global-capitalism">David Harvey</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/surete-nucleaire-et-fusion-entre-asn-et-irsn-loriginalite-du-modele-a-la-francaise-222819">Sûreté nucléaire et fusion entre ASN et IRSN : l’originalité du modèle à la française</a>
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<p>Ainsi, on va le voir, le projet du capital fissile revient à approprier un ensemble de substances radioactives aux fins de l’accumulation de la valeur économique. Ce faisant, il cherche du même coup à garantir la continuation de l’accumulation économique par-delà les limites matérielles qu’impose la dépendance de l’économie aux combustibles fossiles.</p>
<p>Dans ce qui suit, je vais retracer les liens qui unissent, en France, l’imaginaire associé à l’énergie nucléaire et le capital fissile. On suivra notamment un fil directeur où se jouent de manière particulièrement parlante ces entrelacements du capital et de l’imaginaire : la stratégie dite du « cycle du combustible fermé ».</p>
<p>Cet ajout à la théorie marxiste est aujourd’hui associé à la théorie des <em>Cheap Natures</em> proposée par <a href="https://www.versobooks.com/en-gb/products/74-capitalism-in-the-web-of-life">Jason Moore</a>, mais trouve avant tout ses racines dans le marxisme écoféministe et notamment dans l’école de Bielefeld animée, entre autres, par Maria Mies et Veronika Bennholdt-Thomsen) pour une édition récente en français, voir <a href="https://www.librairie-des-femmes.fr/livre/9791095432340-la-subsistance-une-perspective-ecofeministe-maria-mies-veronika-bennholdt/"><em>La Subsistance : une perspective écoféministe</em></a>.</p>
<h2>Le mythe du nucléaire écologique</h2>
<p>Depuis les années 1950, de nombreuses personnes au sein de l’industrie soutiennent la chose suivante : le combustible nucléaire irradié, sorti chaud, toxique et critique du réacteur, d’abord exploité pour les besoins de la bombe atomique, contient des biens énergétiques de valeur tant pour le marché actuel que pour la société d’abondance à venir.</p>
<p>Il doit donc être « retraité », « recyclé », « multi-recyclé ». Cette stratégie allie l’imaginaire d’un nucléaire indépendant de tout ancrage terrestre – jusqu’à être capable de trouver dans son propre système technique la ressource future – à l’idée d’un parachèvement de la stratégie du capital fissile, en mesure d’approprier ses propres déchets aux fins de l’accumulation économique.</p>
<p>Et, ainsi, elle légitime et justifie la mise en place d’une infrastructure dangereuse, polluante et controversée. Cette infrastructure se trouve aujourd’hui à une croisée des chemins.</p>
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<p>D’un côté, elle se mue en un vaste héritage encombrant qui commence à donner des signes de faiblesse, avec de nombreux déchets radioactifs pour lesquels l’industrie cherche des espaces de stockage, et dont les chantiers de démantèlement vont engager de nombreuses personnes et d’importants moyens matériels durant les décennies à venir.</p>
<p>De l’autre, elle continue à porter les rêves d’une économie nationale indépendante et décarbonée, rêves dans lesquels le thème de la « transition énergétique » retrouve les argumentaires et les imaginaires d’antan pour légitimer la continuation de la croissance économique sur une planète déréglée. L’usine de retraitement de La Hague, dans le Cotentin – lestée à la fois du projet d’un cycle nucléaire indépendant de la Terre et de décennies de traitement chimique de combustibles hautement irradiés –, est un symbole de cette contradiction nucléaire et, par-delà, de la contradiction du capitalisme contemporain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ange Pottin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les réticences face au nucléaire apparues après la catastrophe de Fukushima semblent disparues. Comment le nucléaire est-il (re)devenu une énergie chérie ? Focus sur un imaginaire construit avec soin.Ange Pottin, Chercheur en philosophie, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221922024-02-21T15:40:06Z2024-02-21T15:40:06ZLes crises, accélératrices des mutations urbaines ?<p>Les crises, quelles qu’elles soient, constituent des accélérateurs du changement. Des éléments qui préexistaient dans le contexte antérieur à la crise deviennent des leviers permettant de la dépasser. La plasticité des villes va les conduire à s’adapter aux nouvelles contraintes, comme cela fut le cas à de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/histoire-de-la-france-urbaine-georges-duby/9782020056663">nombreuses reprises</a> par le passé, que les pressions exercées aient résulté de tensions militaires, économiques, environnementales ou sanitaires. Les crises <a href="https://www.agirentempsdecrise.fr">se multipliant</a>, elles appellent des adaptations en profondeur. Loin des scénarios de <a href="https://theconversation.com/la-croissance-verte-de-moins-en-moins-credible-pour-les-universitaires-213965">décroissance</a> ou d’<a href="https://theconversation.com/bordeaux-lexode-urbain-dans-la-region-nest-il-quun-mythe-207335">exode urbain</a>, c’est probablement à des bifurcations dans la manière de concevoir les villes auxquelles nous allons assister.</p>
<p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle a vu s’amplifier des dynamiques urbaines déjà engagées, qui imposent de nouvelles contraintes. La pression urbaine s’observe dans tous les contextes géographiques : <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19103/435.fr.pdf">50 %</a> de la population mondiale vit dans des villes en 2007. La tendance devrait se poursuivre en parallèle d’une croissance de la population globale. Deux humains sur trois devraient être des urbains en 2050, avec un gain de l’ordre de 2,5 milliards d’habitants par rapport à la situation de 2018. Une pression croissante sur les ressources fossiles, mais aussi renouvelables, en résulte. <a href="https://www.un.org/fr/climatechange/climate-solutions/cities-pollution">ONU-Habitat estime</a> que 78 % de la consommation énergétique mondiale proviendrait actuellement des villes et que celles-ci génèreraient plus de 60 % des gaz à effet de serre. Cela impose des réponses à la hauteur des défis.</p>
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<figcaption><span class="caption">Agir en temps de crise : comment changer les systèmes urbains ?</span></figcaption>
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<h2>« Ville compacte » et solutions techniciennes</h2>
<p>Dans de multiples contextes apparaissent des projets se référant à la notion de <a href="https://theconversation.com/smart-city-la-technologie-ne-fait-pas-tout-219756">« smart city »</a>, qu’ils se nomment « territoires intelligents », « ville numérique », « ville connectée » ou encore « territoire innovant ». Nous les regrouperons ici sous l’appellation réductrice de « smart city », comme le propose le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2014/507480/IPOL-ITRE_ET(2014)507480_EN.pdf">Parlement européen</a>.</p>
<p>Ces projets territoriaux s’inscrivent dans les perspectives dessinées par la <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-La_troisi%C3%A8me_r%C3%A9volution_industrielle-394-1-1-0-1.html">Troisième Révolution industrielle</a> du spécialiste de prospective économique et scientifique Jérémy Rifkin. Ils ont émergé depuis une vingtaine d’années, à la convergence des opportunités offertes par « les nouvelles sources d’énergie » et par les « nouvelles technologies de communication ». Ils promeuvent un modèle de ville dense, ou <a href="https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/la-ville-compacte/">« ville compacte »</a> censés répondre de façon plus adaptée aux contraintes économiques liées au coût des infrastructures et de lutter contre un étalement urbain mal contrôlé.</p>
<p>Ils ont d’abord concerné les grandes agglomérations, comme à <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/2373">Songdo</a>, lancée dans la périphérie de Séoul en 2003. Ils ont aussi résulté d’expérimentations ex nihilo (depuis 2008, <a href="https://www.lemonde.fr/grands-formats/visuel/2016/02/29/au-milieu-du-desert-le-mirage-de-masdar_4873704_4497053.html">Masdar</a> aux Émirats arabes unis en constitue un <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/vision-dexpert-il-est-evident-que-les-innovations-des-villes-intelligentes-profiteront-en-premier-aux-plus-riches-1489400">cas emblématique</a>).</p>
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<p>La finalité de ces projets est d’offrir une issue possible aux consommations énergétiques excessives en <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-villes-plus-vertueuses-pour-le-climat">optimisant les flux</a>. Ceci suppose la collecte de masse croissante d’informations provenant des individus, toujours plus connectés et communicants, et conduit à la création de multiples bases de données. En parallèle de la capacité croissante de stockage des informations, l’intégration de l’IA (intelligence artificielle) ouvre la possibilité de les exploiter en temps réel. Ceci constituerait l’une des clés permettant d’atteindre les objectifs fixés en termes d’efficacité énergétique.</p>
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<p>Le processus s’inscrit dans une tendance lourde. Le mouvement était déjà engagé dans le courant des années 2010 et la pandémie de Covid-19 a contribué à lui donner un nouvel essor. À la convergence des contraintes énergétiques et des inquiétudes sécuritaires, la « smart city » offrirait un modèle idéal de ville : sobre, connectée, efficace, participative et transparente (tout peut être connu et mis à disposition en temps réel). Selon le géographe <a href="https://www.jstor.org/stable/24432611">Rob Kitchin</a>, une « smart city » combinerait ainsi deux caractéristiques : d’une part, une informatisation générale qui voit tout et permet une gestion précise de la ville, et d’autre part, le déploiement de formes de gouvernance urbaine visant l’innovation et la participation.</p>
<h2>Projets et problèmes suscités</h2>
<p>Ce credo peut être appréhendé comme une utopie moderne, justifiée par un impératif largement partagé : rendre les villes compatibles avec les contraintes du développement durable. Ceci explique que ce champ soit à la fois investi par des acteurs politiques soucieux d’adapter leur territoire, mais aussi par des entreprises du BTP (Bouygues – <a href="https://www.bouygues-es.fr/liste-actualite/issygrid-premier-smart-grid-france">IssyGrid</a> à Issy-les-Moulineaux depuis 2012), de l’énergie (EDF – <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/inventer-lavenir-de-lenergie/rd-un-savoir-faire-mondial/toutes-les-actualites-de-la-rd/edf-lab-singapour-masera-devient-un-demonstrateur-multi-energies">microgrid MASERA</a> à Singapour depuis 2018) ou du big data (Sidewalks, filiale d’Alphabet, maison-mère de Google – <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/smart-city-le-quartier-de-quayside-a-toronto-devient-un-laboratoire-d-idees-pour-le-territoire-intelligent.N838325">Quayside</a> à Toronto depuis 2017).</p>
<p>Néanmoins, les « smart cities » peuvent-elles se réduire aux dimensions techniques et à l’efficacité énergétique ? Ces conditions nécessaires se révéleront vite insuffisantes si les projets ne deviennent les catalyseurs de modifications dans la gestion des territoires. Cela place au cœur du jeu la problématique de l’inclusion sociale ainsi que celle de <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-brigitte-metra-entre-smart-city-et-human-city-87472">l’implication des habitants</a>. Ceux-ci ne peuvent être <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/territoires-intelligents-un-modele-si-smart/">réduits au rôle de capteurs</a>, mais doivent être considérés comme des acteurs à part entière, en mesure de mobiliser les nouveaux outils disponibles afin d’élever leur capacité d’action.</p>
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<p>En outre, ces projets supposent l’exploitation d’une quantité considérable de <a href="https://theconversation.com/video-surveillance-ou-vont-nos-donnees-171622">données individuelles</a> pour lesquelles il est nécessaire de fournir des garanties de confidentialité. Bouygues avait dû apporter des garanties à la CNIL lors du lancement d’IssyGrid. Le projet Quayside à Toronto fut quant à lui confronté à de fortes inquiétudes sur ce point de la part des populations concernées, raison pour laquelle il fût définitivement <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-google-city-de-toronto-les-raisons-dun-echec-1203831">abandonné</a> en mai 2020.</p>
<h2>Quelles perspectives pour les agglomérations ?</h2>
<p>Partant de la situation actuelle, plusieurs lignes de fuite peuvent être imaginées. Elles interrogent d’abord le modèle de « ville compacte » présenté comme la solution paradigmatique permettant de répondre aux défis environnementaux par le freinage de l’étalement urbain et la préservation des milieux naturels. Elles questionnent ensuite le modèle de la « smart city » comme solution adaptée au pilotage optimal de cette « ville compacte ».</p>
<p>La remise en question de la « ville compacte » résulte de trois fragilités :</p>
<ul>
<li><p>sa sensibilité aux îlots de chaleur urbaine dans une perspective d’aggravation de la crise climatique</p></li>
<li><p>la dégradation des conditions de vie des habitants dans les zones de forte densité urbaine (exacerbée lors de la pandémie)</p></li>
<li><p>la pénurie d’espaces naturels (verts ou bleus) entravant le ressourcement des habitants.</p></li>
</ul>
<p>Les réflexions qui portent sur le devenir des villes du XXI<sup>e</sup> siècle conduisent à identifier plusieurs possibles très contrastés. Selon le géographe <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/pour-en-finir-avec-les-grandes-villes-manifeste-pour-une-societe-ecologique-post-urbaine/">Guillaume Faburel</a>, les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/ville-geographe-guillaume-faburel-veut-finir-grandes-villes-85516/">grandes agglomérations</a> auraient apporté la preuve par l’absurde de leur incompatibilité radicale avec les objectifs de sobriété énergétique et de préservation de la nature. Il serait donc urgent de tourner la page et de s’engager vers des modèles urbains alternatifs, enracinés dans leur territoire de proximité.</p>
<p>S’il porte un regard plus nuancé, le géographe <a href="https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2021/01/04/michel-lussault-il-faut-favoriser-un-urbanisme-de-l-attention-et-du-prendre-soin_6065141_4811534.html">Michel Lussault estime</a> que le modèle parfait n’existe pas, que la « smart city » ne peut être considérée comme la solution idéale, mais que la mobilisation de tous les acteurs concernés permettra de bricoler de nouvelles solutions. Il plaide par ailleurs pour un urbanisme de l’attention à l’autre et du prendre soin.</p>
<p>S’agissant de l’hypothèse de l’exode urbain, autrement dit de flux de départs massifs de populations quittant les grandes villes en raison des dysfonctionnements précédemment mentionnés, <a href="https://popsu.archi.fr/ressource/exode-urbain-petits-flux-grands-effets">il ne semble pas qu’elle soit confirmée</a>. Si des flux résidentiels ont été observés, ils restent de faible intensité, mais peuvent contribuer à un rééquilibrage de l’armature urbaine au profit des petites villes (entre 2000 et 20 000 habitants), voire des villes moyennes (20 000 à 200 000 habitants), au détriment des grandes villes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/smart-city-la-technologie-ne-fait-pas-tout-219756">Smart city ? La technologie ne fait pas tout !</a>
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<h2>Quelles réponses pour un futur urbain incertain ?</h2>
<p>Prenant en compte les différentes mutations précédemment identifiées, plusieurs pistes d’adaptation peuvent être envisagées. Le modèle de la « smart city » constitue un dispositif auquel les acteurs territoriaux vont nécessairement recourir. Il se révèle pertinent à la condition de relever pour le moins quatre défis :</p>
<ul>
<li><p>Ces projets ne doivent pas être conçus comme des utopies techniciennes dans une logique descendante, mais placer les habitants au cœur des préoccupations.</p></li>
<li><p>Ces nouveaux dispositifs vont induire des déséquilibres (injustices sociales, générationnelles et <a href="http://www.jssj.org/article/mesurer-la-justice-socio-spatiale-de-lancien-au-nouveau-monde-promesses-et-menaces-du-big-data/">spatiales</a>). Ceux-ci doivent être pris en compte et des solutions adaptées doivent être inventées.</p></li>
<li><p>Ces projets ne doivent pas s’inscrire pas dans une perspective de compétition entre les territoires, mais de coopération.</p></li>
<li><p>Des garanties solides et vérifiables doivent être fournies quant à l’utilisation des données recueillies, ce qui suppose l’existence de contre-pouvoirs fiables. À défaut, le risque serait grand de voir ces dispositifs échapper à tout contrôle démocratique et dériver dans une <a href="http://www.jssj.org/article/gouvernementalite-algorithmique-smart-cities-et-justice-spatiale/">gestion algorithmique</a> des populations.</p></li>
</ul>
<p>En parallèle, les villes ne peuvent dépendre pour leur fonctionnement d’intrants venant de l’autre bout de la planète et résultant d’une exploitation prédatrice des milieux. Ceci nécessite de retisser des liens, en particulier pour la production agricole, avec les espaces de proximité. Dernier point, la conjugaison du développement du télétravail et les flux résidentiels au profit des petites villes peuvent contribuer à les revitaliser économiquement et dans le même temps, offrir aux grandes villes, du fait de l’amorce de leur dédensification, des opportunités foncières pour leur végétalisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222192/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Desponds a reçu des financements de différents organismes, dans le cadre de ses projets de recherche : Mairie de Cergy, Département du Val-d'Oise, ACNUSA, ANR,... </span></em></p>Les réflexions qui portent sur le devenir des villes du XXIᵉ siècle conduisent à identifier plusieurs possibles très contrastés.Didier Desponds, Professeur des universités en géographie urbaine et sociale., CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2207082024-02-07T15:42:52Z2024-02-07T15:42:52ZExtrême pauvreté, l'éternelle urgence dans le Grand Sud malgache<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569064/original/file-20240112-27-ehsd07.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C538%2C359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des enfants malgaches bénéficient d’une cantine scolaire mise en place grâce au Programme alimentaire mondial des Nations unies, 2013.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wfp.org/communiques-de-presse/lunion-europeenne-appuie-lacces-leducation-dans-le-sud-de-madagascar">Site du Programme alimentaire mondial</a></span></figcaption></figure><p>Le sud de Madagascar est l’une des régions les plus vulnérables d’Afrique subsaharienne. On estime que plus de 9 habitants sur 10 vivent <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/nasikiliza/dans-le-sud-de-madagascar-une-meilleure-productivite-permettra-de-lutter-contre-la">sous le seuil d’extrême pauvreté</a> (1,90 dollars par jour). Depuis une trentaine d’années, les alertes des ONG, des médias et des organisations internationales sont récurrentes. La population est confrontée à de nombreux risques climatiques, sociaux, sécuritaires, sanitaires et économiques. Face à l’urgence de la situation, la région a progressivement vu s’installer une multitude d’acteurs nationaux et internationaux de l’urgence et du développement.</p>
<p>Comment comprendre l’urgence chronique dans le sud de Madagascar et les réponses apportées à cette crise ? Nous proposons de nous appuyer sur un <a href="https://hal.science/hal-04218183v2/file/CAPSUD%20Document%20de%20capitalisation%20Livrable%20final%20en.pdf">travail</a> qui référence et archive les principaux travaux (articles scientifiques et littérature grise) produits au cours des 30 dernières années sur les projets de développement dans le sud de Madagascar. Sur cette base, notre équipe a produit une analyse de l’échec des projets mis en place dans la zone. Nous renvoyons le lecteur au rapport « <a href="https://hal.science/hal-04218183v2">Le développement dans le Grand Sud malgache. Quelques enseignements de 30 ans de projets de développement</a> » (coordonné par Claire Gondard-Delcroix) pour davantage d’informations sur le travail réalisé et la bibliothèque en ligne.</p>
<h2>Une crise multifactorielle</h2>
<p>Le grand sud malgache est historiquement caractérisé par une vulnérabilité multifactorielle. Les conditions agro-climatiques défavorables, en interaction avec l’enclavement géographique, politique et économique de la zone, expliquent en partie les différences entre, d’une part, les trois régions du sud et, d’autre part, le reste du pays.</p>
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<p>Les sévères contraintes agroclimatiques qui pèsent sur la région ont de lourdes conséquences. <a href="https://ecologyandsociety.org/vol27/iss1/art42/">L’intensification du <em>kéré</em></a> (littéralement, « famine » en <a href="https://www.jacaranda.fr/en/antandroy">Antandroy</a>) pose d’importants problèmes d’accès aux ressources vitales comme l’eau et l’alimentation. Principalement tournées vers l’agriculture et l’élevage, les activités génératrices de revenus des populations locales ont été largement impactées par les périodes de sécheresse, mais également par les <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">invasions acridiennes</a> et les vents violents. 93 % des personnes interrogées dans le cadre d’une <a href="https://2424.mg/invasion-acridienne-le-grand-sud-et-la-partie-ouest-de-madagascar-touches-par-des-essaims-de-criquets/">enquête</a> réalisée en 2019 dans le sud de Madagascar ont déclaré avoir subi un choc impactant leurs cultures agricoles durant les douze derniers mois. La multiplication et l’accumulation de ces difficultés mettent sous tension les équilibres de pouvoir et les structures sociales traditionnelles.</p>
<p>Le bouleversement le plus visible et le plus médiatique s’illustre par la présence de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20180623-madagascar-difficile-lutte-contre-le-vol-zebus">voleurs de zébus</a> (<em>Dahalo</em>). Le champ d’intervention de ces groupes aujourd’hui lourdement armés et très organisés, à l’origine concentrés sur le vol de zébus dans le cadre de pratiques sociales locales, s’est progressivement élargi à d’autres trafics, si bien que le terme de <em>dahalo</em> est aujourd’hui moins approprié que celui de <em>malaso</em> (bandits).</p>
<p>Les causes climatiques sont loin d’être l’unique élément d’explication pour comprendre la crise que traversent les trois régions du grand sud.</p>
<p>Nous avons évoqué l’enclavement politique et géographique de la région, les jeux de pouvoirs locaux et nationaux ; il faut aussi particulièrement souligner les types et modes des interventions développées. Les interventions suivant une « logique projet », déployées sur des horizons temporels courts et des objectifs ciblés, peinent à prendre en compte la multidimensionnalité des difficultés régionales.</p>
<p>À cela il convient d’ajouter les défaillances de l’État (manque d’infrastructures, sous-administration importante) et les difficultés de coordination des acteurs de l’aide et de l’urgence. La combinaison entre ces différents éléments permet de comprendre la crise multifactorielle en cours dans le grand sud malgache.</p>
<h2>Le sud de Madagascar, cimetière à projets ?</h2>
<p>Face à l’urgence de la situation, la région est progressivement devenue un laboratoire de l’aide internationale. Les populations du grand sud ont vu se succéder de nombreux projets d’aide et d’urgence, dont des programmes de distribution alimentaire, des programmes de distribution d’eau et d’assainissement et enfin, dernièrement, des <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-la-pauvrete-les-limites-du-transfert-monetaire-130153">programmes de transferts monétaires</a>.</p>
<p>Les interventions de développement et d’urgence sont principalement structurées autour des thématiques de la nutrition, de l’eau, de la santé, de l’assainissement, de l’extrême pauvreté ou encore de la gestion des catastrophes naturelles, et sont le fait d’acteurs multiples.</p>
<p>On peut par exemple citer les nombreux projets de la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/madagascar">Banque mondiale</a>, du <a href="https://fr.wfp.org/histoires/madagascar-les-enfants-ne-courent-et-ne-jouent-pas-dans-leurs-yeux-une-profonde-tristesse">Programme alimentaire mondial</a>, de <a href="https://www.eeas.europa.eu/madagascar/lunion-europeenne-et-madagascar_fr">l’Union européenne</a>, ou encore de <a href="https://www.unicef.org/madagascar/">l’UNICEF</a>. Il est également intéressant de souligner la présence d’organisations nationales ayant des liens étroits avec les organisations internationales comme le <a href="https://bngrc.gov.mg/">Bureau national de gestion des risques et des catastrophes</a>, le <a href="https://www.fid.mg/">Fonds d’intervention pour le Développement</a> ou encore <a href="https://office-nutrition.mg/">l’Office national de nutrition</a>.</p>
<p>Les organisations non gouvernementales comme <a href="https://www.care.org/fr/our-work/where-we-work/madagascar/">CARE international</a>, la <a href="https://croixrougemalagasy.mg/">Croix-Rouge</a>, <a href="https://www.crs.org/our-work-overseas/where-we-work/madagascar">Catholic Relief Service</a> ou <a href="https://www.welthungerhilfe.org/our-work/countries/madagascar">Welthungerhilfe</a> jouent aussi un rôle important. Cette présence de nombreux acteurs du développement et de l’urgence pose d’importants problèmes de coordination dans la mise en place des interventions.</p>
<p>Historiquement, le sud de Madagascar est une région <a href="https://documents1.worldbank.org/curated/en/587761530803052116/pdf/127982-WP-REVISED-deep-south-V27-07-2018-web.pdf">enclavée géographiquement et politiquement</a>. L’État y est quasiment absent. Malgré le <a href="https://www.presidence.gov.mg/actualites/1268-colloque-regional-pour-l-emergence-du-grand-sud-des-solutions-malgacho-malgaches-pour-une-transformation-radicale-des-regions-androy-et-anosy.html">plan « émergence du grand sud »</a> lancé en 2021 par la présidence de la République, les choses n’ont guère évolué. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’utilisation de la notion d’émergence dans des régions habituées aux situations de crises alimentaires, sanitaires, climatiques, sécuritaires et institutionnelles. Le plan émergence apparaît davantage comme un outil de communication qu’une politique engageant des changements structuraux profonds.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0Usw7X9ktQM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ainsi les actions de développement menées dans la région se structurent autour de projets caractérisés par des temporalités d’exécution réduite (le temps du projet). Cette logique de court terme <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/03/15/a-madagascar-derriere-l-alibi-du-climat-les-raisons-d-une-famine_6117641_3212.html">pose d’importants problèmes</a> : elle réduit les possibilités de pérennisation des projets de développement, rend plus difficile l’accumulation d’expérience, concourt à réduire la confiance des populations locales et exacerbe la concurrence entre les acteurs impliqués dans l’accès aux financements et le développement des projets.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Il paraît déterminant de renforcer l’adaptation des dispositifs (politiques et projets) dans le sud de Madagascar aux contextes locaux. En effet, de nombreuses interventions peuvent être qualifiées de modèles voyageurs. C’est-à-dire des « <a href="https://www.cairn.info/la-revanche-des-contextes--9782811123628-page-23.htm">programmes standardisés d’intervention sociale</a> » qui ne tiennent pas compte de la structure des pouvoirs locaux, des dynamiques socio-économiques locales, de l’histoire des rapports de force ou encore des activités et pratiques de protection informelles des populations locales – c’est le cas par exemple, du développement des programmes de transferts monétaires conditionnels ou non conditionnels.</p>
<p>De nouvelles approches permettant d’avoir une compréhension précise des dynamiques locales doivent être adoptées. Le <a href="https://gret.org/">Groupe de recherches et d’échanges technologiques</a> (organisation de solidarité internationale) réalise plusieurs projets de développement en mobilisant une approche socioanthropologique afin de tenir compte de la diversité et la complexité des contextes dans le développement des projets.</p>
<p>Par ailleurs, un enjeu important réside dans le développement de travaux de recherche dédiés à l’étude de la multidimensionnalité des dynamiques de développement dans le Sud malgache. En effet, si les projets de développement intègrent habituellement une dimension de suivi évaluation, celle-ci reste focalisée sur la réalisation des objectifs internes du projet et sur l’impact de celui-ci, sans prise en compte des complexités régionales. Si de telles évaluations sont nécessaires pour capitaliser, comparer les projets et évaluer leur reproductibilité, elles ne permettent pas de traiter globalement des enjeux du développement de la région. De telles recherches interdisciplinaires permettraient de nourrir utilement le dialogue science-société au service de l’élaboration des politiques et projets de développement dans le sud malgache.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220708/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Gondard-Delcroix a reçu des financements de la Délégation de l’Union Européenne à Madagascar (DUEM), à travers les Fonds Européen de Développement (FED) affectés au programme « Appui au financement de l’agriculture et aux filières inclusives dans le Sud de Madagascar » (Afafi-Sud). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Léo Delpy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le sud de Madagascar subit depuis plusieurs décennies une crise multifactorielle. Malgré l’aide internationale, la région est l’une des plus vulnérables de l’Afrique subsaharienne.Léo Delpy, Maitre de conférences, Université de LilleClaire Gondard-Delcroix, Enseignante-chercheuse en économie, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2215182024-01-25T14:52:11Z2024-01-25T14:52:11ZLa zone euro résistera-t-elle au dérèglement climatique ?<p>Sans forcément l’avoir souhaité, les banques centrales ont été placées au premier plan de la lutte contre le <a href="https://theconversation.com/topics/changement-climatique-21171">changement climatique</a>. Des <a href="https://theconversation.com/transformer-la-monnaie-pour-transformer-la-societe-220860">appels</a> sont régulièrement lancés pour qu’elles l’intègrent parmi leurs objectifs officiels, ce qui les conduirait à exclure certains actifs de leurs opérations d’achats afin de favoriser les industries et activités économiques les « plus vertes ». Autrement dit, il est maintenant demandé aux banques centrales d’agir en leader, et non en suiveur. La <a href="https://theconversation.com/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne</a> n’y semble pas insensible et a adopté un <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210708_1%7Ef104919225.fr.html">plan d’action climatique</a> à la suite de la conclusion de son examen de la stratégie de politique monétaire publié en 2021.</p>
<p>Au quotidien, le changement climatique confrontera aussi les banques centrales à différents types de chocs. Ceux-ci auront notamment des implications significatives en termes de stabilité des prix. Or, y veiller est une des principales missions des gouverneurs. Du côté de l’offre, des événements climatiques tels que les sécheresses augmentent la volatilité des prix alimentaires ; du côté de la demande, des températures élevées peuvent réduire la demande des ménages dans le secteur du commerce de détail, ce qui peut faire baisser les prix. Les températures extrêmes peuvent donc être autant inflationnistes que déflationnistes.</p>
<p>Savoir ce qui prime entre un choc d’offre et un choc de demande est primordial pour définir la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire</a> adéquate. L’<a href="https://vermandel.fr/2014/04/27/le-modele-as-ad/">arbitrage entre croissance et stabilité des prix</a>, auquel la Banque centrale se confronte régulièrement lorsqu’elle fixe les taux d’intérêt directeurs, paraît notamment plus délicat dans le premier cas. Et cela l’est davantage encore dans les unions monétaires : les chocs ne frappent pas nécessairement tous ses membres de la même manière, pouvant créer de façon simultanée des pressions à la hausse et à la baisse sur les prix, alors que c’est la même politique qui s’applique à tous.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1598201156068687873"}"></div></p>
<p>La BCE calque sa politique sur ce qui est mesuré en moyenne parmi ses membres. Plus un membre en particulier est éloigné de cette moyenne et plus il a de chance de se voir imposer une politique mal calibrée pour sa situation. Le changement climatique donnera une nouvelle tournure à cette <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-linflation-les-petits-pays-de-la-zone-euro-laisses-pour-compte-195039">question récurrente</a>, car ses conséquences macroéconomiques ne seront pas réparties de manière homogène au sein de l’union monétaire. Dès aujourd’hui, d’ailleurs des anomalies de température hétérogènes caractérisent les pays de la <a href="https://theconversation.com/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>.</p>
<p><iframe id="V9JEW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/V9JEW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Dans une <a href="https://hal.science/hal-04388617">recherche récente</a>, nous avons donc abordé la question de la soutenabilité de la zone euro face aux conséquences sur les prix du changement climatique.</p>
<h2>Plus de « stress monétaire »</h2>
<p>Notons tout d’abord que les anomalies de température, au cœur de notre étude, semblent être une conséquence du changement climatique que l’on peut considérer comme une des plus uniformes dans son application, si l’on compare par exemple aux catastrophes naturelles qui sont bien plus localisées. En conséquence, nos résultats peuvent être considérés comme un scénario de référence, sous-estimant certainement la réalité future.</p>
<p>Ce seul paramètre, pourtant, est susceptible d’augmenter significativement ce que l’on appelle le « stress monétaire », c’est-à-dire la divergence entre le taux d’intérêt requis pour qu’un pays membre atteigne son objectif de stabilité des prix et celui requis pour ses partenaires membres de la zone. En d’autres termes, les anomalies de température ayant des effets différents sur l’inflation et la croissance des pays membres de la zone euro, elles modifient l’arbitrage coûts-avantages d’appartenir à l’union monétaire.</p>
<p>Pour mesurer le stress monétaire induit par les anomalies de température dans la zone euro, nous avons d’abord évalué comment les objectifs macroéconomiques de la Banque centrale européenne (BCE) – c’est-à-dire la stabilité des prix et la croissance économique – sont affectés par les anomalies de température. Nous avons ensuite combiné ce premier indicateur avec des projections climatiques tirées du sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cela permet de déduire les changements qui seront induits par les projections d’anomalies de température sur l’inflation et le PIB par habitant pour la période 2025-2100.</p>
<p>L’exercice nécessite cependant des hypothèses solides sur la persistance des réponses des variables macroéconomiques à la température. Est-ce que ce que l’on mesure dans la première étape, à savoir de combien de points de pourcentage varient les prix et la croissance lorsque l’on observe une anomalie de température de X %, est un coefficient qui reste fixe lorsque les anomalies s’accroissent ? La relation est-elle simplement proportionnelle, exponentielle ou autre encore ?</p>
<h2>L’Euro en péril ?</h2>
<p>Nous avons en parallèle effectué cette mesure pays par pays pour analyser in fine l’écart entre la politique monétaire moyenne requise par les pays de la zone euro dans leur ensemble et la politique monétaire spécifique requise par chacun des pays membres.</p>
<p><iframe id="YE47d" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YE47d/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nos résultats montrent qu’il existe des différences significatives entre les pays de la zone euro dans la manière dont les variables macroéconomiques répondent aux anomalies de température, d’où des divergences significatives dans les changements induits par les projections d’anomalies de température sur l’inflation et le PIB par habitant pour la période 2025-2100 au sein de l’union monétaire. Cela pourrait s’expliquer par la taille et la composition différentes des économies composant la zone euro, ainsi que par des degrés divers de résilience des institutions et des infrastructures physiques de chaque pays.</p>
<p>En conséquence, l’ampleur accommodative de la politique monétaire requise pour faire face à ces chocs induits par les projections d’anomalies de température diffère entre les pays de la zone euro. En outre, ces écarts dans les taux contrefactuels induits par la variation des projections d’anomalies de température donnent lieu à un stress monétaire qui s’aggrave avec le temps. L’utilisation des scénarios les plus pessimistes du GIEC renforce encore le problème que nous mettons en évidence.</p>
<p>Globalement donc, l’existence d’un stress monétaire résultant de la variation des anomalies de température induites par le changement climatique constitue un défi pour la durabilité de l’union monétaire européenne, et pose un problème pour la BCE, qui ne dispose que d’une politique monétaire unique pour faire face à des situations économiques de plus en plus différenciées entre les membres de la zone. Les politiques monétaires requises pour faire face à la situation spécifique de chaque pays sont donc de plus en plus difficiles à définir. La BCE risque alors d’avoir de plus en plus de mal à remplir son objectif initial de stabilité des prix, ce qui exacerbera les disparités de bien-être au sein de la zone euro et, en fin de compte, alimentera le sentiment anti-UE. Le changement climatique met donc aussi en danger l’euro, ce qui renforce l’urgence d’agir pour la transition vers une économie décarbonée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221518/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hamza Bennani a reçu des financements de la Région des Pays de la Loire. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Etienne Farvaque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les anomalies de températures ont des impacts macroéconomiques différenciés sur les pays de la zone euro. Pourront-ils alors rester régulés par une politique monétaire unique ?Etienne Farvaque, Professeur d'Économie, Université de Lille, LEM (UMR 9221), Université de LilleHamza Bennani, Professeur des universités en sciences économiques, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213402024-01-25T14:47:32Z2024-01-25T14:47:32ZPlanter des arbres venus de régions sèches : la « migration assistée », une fausse bonne idée ?<p>Il n’y a pas que les humains et les animaux qui migrent. <a href="https://theconversation.com/avec-le-changement-climatique-la-migration-silencieuse-des-especes-189017">Les arbres le font aussi naturellement</a>, à une vitesse <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0105380">estimée à quelques kilomètres par siècle</a>. Ainsi, via la dispersion de graines, certaines espèces ont pu migrer vers des latitudes plus clémentes, lors des grands changements climatiques passés. Mais face à la rapidité du changement climatique actuel, cette vitesse semble bien trop lente, puisqu’il faudrait que les arbres se déplacent de plusieurs centaines de kilomètres par siècle pour faire face au changement climatique. De ce constat est né le concept de migration assistée.</p>
<h2>Qu’est-ce que la migration assistée ?</h2>
<p>À l’origine, la migration assistée consiste à <a href="https://jem-online.org/index.php/jem/article/view/91">déplacer des espèces pour les préserver de l’extinction</a>. Dans le contexte actuel de dérèglement climatique et des besoins d’adaptation des forêts à ce dérèglement, ce concept a été élargi à la plantation d’espèces d’arbres de régions chaudes ou sèches en lieu et place d’espèces de régions plus froides et humides, comme depuis l’Afrique du Nord vers la France. Cette pratique permet d’aménager les forêts en devançant les effets du changement climatique pour <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0222207">ainsi préserver les niveaux de productions de bois</a>. Certains évoquent un procédé permettant la <a href="https://nsojournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/oik.10248">« résilience socio-économique »</a> de l’industrie du bois.</p>
<p>La migration assistée est généralement mise en œuvre une fois les arbres coupés ou lors de transformation de zones agricoles en zones forestières par plantations de jeunes plants forestiers venant de pépinières, le plus souvent, ou parfois de semis.</p>
<p>Mais cette migration d’espèces d’arbres n’a rien de naturelle ; elle est forcée. Elle peut induire des dommages environnementaux collatéraux et, potentiellement, entraîner un emballement climatique comme nous avons pu le montrer à travers l’étude de <a href="https://nsojournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/oik.10248">106 espèces d’arbres d’Europe, d’Afrique du Nord et d’Amérique du Nord</a>.</p>
<h2>Un vieux processus forestier devenu une pratique opportuniste</h2>
<p>En France, la migration assistée se traduit par des plantations d’espèces provenant du Sud méditerranéen comme le pin maritime – <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/if40_plantations.pdf">principale espèce plantée en France</a> – dont l’aire de distribution naturelle se concentre en Espagne et au Portugal. La migration assistée englobe souvent la translocation, terme désignant l’action de déplacer des espèces par-delà les barrières naturelles (montagnes, mers) comme le pin laricio endémique de la Corse de plus en plus planté sur le continent, le cèdre de l’Atlas provenant d’Afrique du Nord et planté jusque dans le grand est, ou des sapins de Turquie plantés dans les Alpes. Ces arbres ont un intérêt économique.</p>
<p>Cette migration forcée d’arbres se manifeste aussi par des translocations intercontinentales, impossibles par voie naturelle sinon en réécrivant la tectonique des plaques : par exemple, le cyprès d’Arizona planté en Lorraine, ou les <a href="https://www.fcba.fr/wp-content/uploads/2020/10/fcbainfo-2018-10-eucalyptus-france-production-plantation-rotation-melun.pdf">eucalyptus d’Australie plantés en Aquitaine ou Occitanie</a>.</p>
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<span class="caption">Principe de la migration assistée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La migration assistée n’est pas une nouveauté. C’est une ancienne pratique sylvicole d’utilisation d’espèces pour favoriser l’industrie du bois. Dès le XVI<sup>e</sup> siècle, il y a ainsi eu des plantations de pin sylvestre sur les sables de Fontainebleau bien connues des habitants d’Île-de-France. Au XIX<sup>e</sup>, les plantations massives et réussies de pin noir venant de Serbie, dit « d’Autriche », sont réalisées pour protéger les sols des Alpes soumis à une terrible érosion. À la même époque, des plantations de pin maritime visent à valoriser les plaines sableuses d’Aquitaine et, plus tard, à produire des bois de mines et de la glue à partir de sa résine, générant ces paysages si familiers des vacanciers des plages aquitaines et des habitants du massif des Landes de Gascogne. Enfin, au XX<sup>e</sup>, le <a href="https://www.cnpf.fr/sites/socle/files/2023-03/FE253_bdef.pdf">Douglas d’Oregon</a> est devenu l’espèce la plus appréciée des forestiers au point de représenter ~30 % du résineux produit en France d’ici 2035 ; c’est la <a href="https://inventaire-forestier.ign.fr/IMG/pdf/if40_plantations.pdf">seconde espèce la plus plantée en France</a></p>
<p>La différence avec les pratiques anciennes, c’est qu’on lui revêt désormais un argument logique « d’adaptation au changement climatique ». À ce titre, les espèces candidates listées par l’<a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/article/view/7600">ONF</a> ou le <a href="https://nouvelle-aquitaine.cnpf.fr/sites/nouvelle-aquitaine/files/2023-06/Brochure%20Changement%20Climatique%20en%20Nouvelle-Aquitaine%20-%20Juin%202023.pdf">CNPF</a> sont nombreuses (<a href="https://www.onf.fr/+/5b2::les-ilots-davenir-des-plantations-pour-lutter-contre-le-changement-climatique.html">plus de 200</a>) et ne semblent limitées que par la productivité et l’acclimatation.</p>
<p>On trouve par exemple <a href="https://www.onf.fr/onf/+/c5b::adapter-les-forets-publiques-au-changement-climatique-en-provence-alpes-cote-dazur-guide-de-gestion-des-peuplements-de-production-vulnerables-et-deperissants.html">dans ces listes</a> le séquoia de Californie, le sapin de Céphalonie venant de Grèce, le sapin de Nordmann issu de Turquie et bien connu sous l’appellation de « sapin de Noël », le calocèdre originaire de l’ouest de la Californie, le pin de Brutie commun en Syrie et Turquie mais cousin du pin de Provence pourtant naturel en France, le cèdre originaire des montagnes du Maroc ou d’Algérie, du chêne vert planté en provenance d’Italie, le pin de Macédoine recherché pour sa croissance très rapide, ou encore le robinier faux acacia originaire de l’est des États-Unis qui est aussi une espèce envahissante. Leurs surfaces restent modestes, mais les <a href="https://revueforestierefrancaise.agroparistech.fr/article/view/7600">plantations expérimentales</a> en <a href="https://youtu.be/XYfrtugjksI">« îlots d’avenir »</a>, ou déjà <a href="https://www.onf-agirpourlaforet.fr/agir/recherche/+/17d::un-bebe-un-arbre-plantation-en-foret-domaniale-de-phalsbourg.html">opérationnelles</a> se répandent rapidement.</p>
<p>La migration assistée d’espèces suit donc une logique de tentative de maintien de la productivité des forêts face à l’inquiétude climatique. Mais elle manque d’une évaluation objective quant à ses potentialités et conséquences négatives sur le fonctionnement <a href="https://societebotaniquedefrance.fr/livre-blanc-sur-lintroduction-dessences-exotiques-en-foret/">et la santé</a> des forêts, et les risques d’<a href="https://theconversation.com/les-invasions-biologiques-un-fardeau-economique-pour-la-france-165119">invasions biologiques</a>.</p>
<h2>Des transformations du couvert forestier</h2>
<p>La migration assistée d’espèces peut avoir des conséquences écophysiologiques, microclimatiques, écologiques, sanitaires et environnementales dans les régions de productions de bois. Le choix des espèces transloquées depuis des régions plus méridionales repose sur leurs propriétés de résistance à la sécheresse et à la chaleur. Or ces propriétés impliquent des modifications importantes de hauteur des arbres, de type de feuillage, et de fonctionnement des forêts.</p>
<p>Sous climat chaud et sec, l’adaptation à la sécheresse réduit la hauteur des arbres, et les feuilles sont souvent plus petites, plus épaisses et persistantes. Car plus l’arbre est grand, <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.0710418105">plus il lui est difficile de faire circuler sa sève</a>. Aussi, les feuilles épaisses et petites <a href="https://www.nature.com/articles/nature02403">limitent les pertes d’eau par la transpiration</a>.</p>
<p>Le feuillage des arbres dominants dans une forêt a un <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-019-0842-1">rôle essentiel pour tamponner et atténuer – « rafraîchir » – l’effet des vagues de chaleur et de sécheresse</a>. Le feuillage moins dense des arbres plus petits venant du sud atténuerait moins les extrêmes climatiques. Le microclimat de sous-bois sera plus chaud, plus sec et moins rafraîchi que celui des sous-bois naturels des forêts dominées par les arbres à feuilles larges des régions tempérées comme le hêtre, le chêne rouvre ou le chêne tauzin. Si la migration assistée devait se répandre sur de vastes territoires, cela dégraderait donc le bilan énergétique à l’interface atmosphère-canopée et pourrait finalement être néfaste pour lutter contre le réchauffement climatique.</p>
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<img alt="Différences d’interception de la lumière entre une canopée de pin maritime (gauche) et celle de chênes rouvre (droite)" src="https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569871/original/file-20240117-19-un5o36.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différences d’interception de la lumière entre une canopée de pin maritime (gauche) et celle de chênes rouvre (droite).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le rafraîchissement que l’on constate en forêt est apprécié des humains quand il fait chaud. Il en va de même pour la biodiversité végétale et animale, sans compter les champignons et bactéries essentiels aux écosystèmes. Si cet effet tampon est réduit, potentiellement de plusieurs degrés Celsius, certaines espèces des sous-bois seront impactées par ce microclimat plus chaud, voire exclues, <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba6880">érodant ainsi la biodiversité</a>.</p>
<p>Le risque d’incendie pourrait également être accru avec la migration assistée des espèces, et ainsi augmenter les émissions de CO<sub>2</sub>. Les feuilles des espèces transloquées étant souvent plus épaisses, plus sèches, et plus riches en molécules volatiles, cela implique un feuillage et un tapis de feuilles mortes et de brindilles plus inflammables. En outre, ces arbres se sont adaptés au cours de leur évolution en perdant les feuilles les moins efficaces au début de l’été. Cela augmente donc l’épaisseur des tapis de feuilles mortes et de brindilles, ce qui nourrit les feux. Enfin, sous un microclimat plus chaud et sec, les communautés de plantes de sous-bois deviennent souvent elles-mêmes plus inflammables.</p>
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<img alt="Feu dans une forêt plantée de pin sylvestre en Sologne, Loir-et-Cher" src="https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569870/original/file-20240117-25-jgyj7x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Feu dans une forêt plantée de pin sylvestre en Sologne, Loir-et-Cher (31 août 2020).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La généralisation de la migration assistée risquerait de mettre à mal divers services écosystémiques rendus par les forêts tels que la régulation du cycle de l’eau, le stockage du carbone, la préservation de la biodiversité. Plus grave, cela pourrait même contribuer à accélérer le réchauffement global. Pour résumer, le seul bénéfice à court terme semble être celui de la production de bois, qui est l’objectif affiché par les promoteurs de la migration assistée.</p>
<h2>Penser autrement la forêt de demain, respecter les équilibres écologiques</h2>
<p>Mais alors que faire ? Peut-être plutôt que de faire migrer de nouvelles espèces, privilégier la migration de spécimens appartenant à des espèces déjà présentes en France ? Car la migration assistée concerne aussi les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9m%C3%A9cologie">populations et les génotypes</a> au sein des espèces (diversité intraspécifique), et pas seulement les espèces elles-mêmes.</p>
<p>Ainsi, on peut privilégier la migration, non pas de nouvelles espèces censées être plus résistantes à la chaleur, mais de populations des espèces d’arbres déjà présentes sur notre territoire. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S037811271400231X">En sélectionnant les génotypes</a> de populations provenant de territoires plus chauds et secs au sein de l’aire de répartition naturelle d’une espèce donnée, on favorise les arbres qui présentent les plus grandes aptitudes génétiques de résistance à la chaleur et la sécheresse sans modifier le cortège d’espèces, donc en minimisant le risque d’effets indésirables.</p>
<p>L’option choisie pendant des décennies de préférer des lignées de pin maritime originaires du Portugal dans les plantations de Nouvelle Aquitaine permettrait de favoriser au nord, dans les Landes de Gascogne, des populations de pin les plus résistantes au climat. Cependant elles ont dépéri avec l’hiver 1985 et, désormais, ces lignées ne sont plus autorisées. <a href="https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/151218_ppa_fiche.pdf">Mais des lignées marocaines sont expérimentées</a>. On pourrait faire de même avec les génotypes les plus méridionaux des chênes rouvres et pédonculés, ou les hêtres de nos plaines, ou encore les sapins blancs des Alpes pour les planter plus au nord, ou plus haut en altitude.</p>
<p>Mais cela ne suffira pas. Car le modèle de la forêt cultivée monospécifique, n’est plus soutenable. Les boisements composés d’espèces différentes et de classes d’âges variées, en associant des espèces complémentaires et des générations différentes, <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2745.13658">échangeant des services entre-elles</a> qui permettent de réduire les écarts thermiques, et d’optimiser l’utilisation des ressources, et d’accroître la résilience des forêts. Enfin, la gestion du territoire doit être repensée en évitant l’uniformisation sylvicole ; <a href="https://theconversation.com/les-forets-de-pins-maritimes-daquitaine-des-nids-a-incendie-193094">morceler les paysages de boisements et de cultures diverses</a> permet de réduire le risque de mégafeux ou <a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-foret-francaise-a-besoin-dun-traitement-de-fond-177006">d’autres perturbations</a> comme des attaques d’insectes ravageurs très dommageables pour le producteur sylvicole et aussi la société.</p>
<p>La migration assistée, et surtout la translocation, d’espèces n’est donc pas la panacée. Même si l’idée de base part d’une volonté de mieux faire pour adapter nos forêts au climat, les effets attendus pourraient être moins bénéfiques en générant à long terme des problèmes plus grands. L’histoire a souvent montré que la nature ne se dompte pas facilement ; elle doit être comprise. Nous devons nous y adapter de façon ingénieuse en favorisant ce qu’elle sait faire de mieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221340/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christopher Carcaillet a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche, de l'Association Nationale pour la Recherche et la Technologie et de la DREAL-Corse (CorsicanFires) et du CNRS (IEA MedFires) ; il est membre de Conseil Scientifique (Parc naturel régional, Réserve MAB/UNESCO, Réserve Naturelle).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France, administrateur de l'International Association for Vegetation Science, membre du GT Forêt du Comité français de l'UICN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Domec a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (projet PHYDRAUCC; ANR-21-CE02-0033-02) ainsi que de la Région Aquitaine (projets VITIPIN et IMPACTS; AAPR2023-2023-24940910). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jonathan Lenoir a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR), dans le cadre des projets IMPRINT (ANR-19-CE32-0005-01) et MaCCMic (ANR-21-CE32-0012-03), ainsi que de la Région Hauts-de-France et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche dans le cadre du Contrat de plan état-région (CPER) ECRIN.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florian Delerue et Richard Michalet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Sur le papier, planter des arbres issus de régions sèches dans nos forêts pour les rendre plus résilientes aux sécheresses semble une bonne idée. En pratique, cela risque de poser quelques problèmes.Christopher Carcaillet, Directeur d’études (professeur), écologie et sciences de l'environnement, Université Paris Dauphine – PSLFlorian Delerue, Maître de conférences en Ecologie, Université de BordeauxGuillaume Decocq, Professeur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Jean Christophe Domec, Professeur en Gestion Durable des Forets, Bordeaux Sciences Agro, Duke UniversityJonathan Lenoir, Senior Researcher in Ecology & Biostatistics (CNRS), Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Richard Michalet, Professeur en écologie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2212342024-01-24T17:16:59Z2024-01-24T17:16:59ZLes politiques climatiques : entre techno-optimisme et déni de réalité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569497/original/file-20240116-23-p0wej7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C17%2C1721%2C1098&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Notre planète est actuellement placée sur une trajectoire de réchauffement de +2,7 °C d'ici 2100.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/a-city-covered-in-smog-15629829/">Vladyslav Puzyrov/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>En 2015, 195 pays adoptaient <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">l’accord de Paris</a> et s’engageaient à limiter, avant la fin du siècle, le réchauffement climatique <a href="https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/contributions-determinees-au-niveau-national-ndcs">entre +1,5 °C et +2 °C</a> par rapport à l’ère préindustrielle. La COP21 marquait donc une avancée historique dans la lutte contre les effets catastrophiques induits par le changement climatique.</p>
<p>Or, une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/rechauffement-climatique-l-objectif-de-1-5-c-de-l-accord-de-paris-est-desormais-inatteignable-selon-une-etude_6223338.html">majorité de scientifiques</a> juge déjà ces objectifs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02990-w">inatteignables</a>. En effet, le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que le respect du seuil de +1,5 °C exige une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 43 % d’ici 2030 et de 60 % d’ici 2035 avant d’atteindre des émissions nettes nulles pour 2050. Pourtant, les Contributions déterminées au niveau national (CDN) prévues dans l’accord de Paris ne prévoient qu’une baisse de 2 % des émissions d’ici 2030. Ce qui place notre planète sur une trajectoire de réchauffement de +2,7 °C au cours de ce siècle.</p>
<p>Notre incapacité à imposer une régulation contraignante sur l’extraction des combustibles fossiles, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/29/valerie-masson-delmotte-et-sonia-seneviratne-la-faiblesse-des-engagements-de-la-cop28-implique-la-poursuite-du-rechauffement-au-dela-de-1-5-c_6208240_3232.html">responsables de 90 % des émissions mondiales de CO<sub>2</sub> et d’un tiers de celles de méthane</a>, illustre à elle seule notre échec de gouvernance. En 2023, un total de 425 projets d’extraction de combustibles fossiles capables chacun d’émettre > 1 Gt de CO<sub>2</sub> ont été recensés. Si l’on additionne les émissions de ces projets, celles-ci <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421522001756">dépassent déjà d’un facteur deux</a> le budget carbone permettant de rester sous les +1,5 °C.</p>
<h2>Une stratégie techno-optimiste…</h2>
<p>Lors de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> qui s’est tenue fin 2023 à Dubaï, la sortie des énergies carbonées aurait donc dû constituer la priorité absolue. C’est pourtant une tout autre stratégie qui a été défendue par le président, le Sultan Ahmed Al-Jaber, et qui s’est imposée au terme de débats houleux.</p>
<p>Dans sa <a href="https://www.cop28.com/en/letter-to-parties">Lettre aux parties</a> ainsi que dans ses <a href="https://edition.cnn.com/2023/12/03/climate/cop28-al-jaber-fossil-fuel-phase-out/index.html">interventions publiques</a>, Al-Jaber a clairement exposé des ambitions très éloignées des objectifs de sobriété énergétique :</p>
<blockquote>
<p>« Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes. »</p>
</blockquote>
<p>Il évoque d’ailleurs explicitement une <a href="https://www.cop28.com/en/letter-to-parties">« économie de guerre »</a>, c’est-à-dire un engagement total des États à financer massivement le développement des infrastructures industrielles nécessaires à la production et à l’usage d’énergies renouvelables ainsi que de projets de captation et de stockage du carbone.</p>
<p>Aux yeux des entreprises et des décideurs politiques, cette stratégie est particulièrement attractive car elle :</p>
<ul>
<li><p>n’exige aucune sobriété des populations ;</p></li>
<li><p>assure une forte croissance économique associée à des promesses d’emplois ;</p></li>
<li><p>ne pose aucune contrainte sur l’exploitation des énergies fossiles au plus grand bonheur des pays producteurs de pétrole qui en avaient fait une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-ciblant-les-energies-fossiles_6204825_3244.html">ligne infranchissable</a> ;</p></li>
<li><p>évite tout dirigisme étatique en déléguant la gouvernance au marché.</p></li>
</ul>
<h2>… à l’épreuve du principe de réalité</h2>
<p>Or, d’aucuns pourraient légitimement douter du réalisme de ce scénario techno-optimiste. La possibilité d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-energetique-23303">« transition énergétique »</a> reste, en effet, à démontrer puisque nous n’avons qu’ajouté de nouvelles sources énergétiques à celles que nous exploitons <a href="https://ourworldindata.org/energy-production-consumption">depuis les débuts de l’ère industrielle</a>. Après 70 ans de développement, le nucléaire ne couvre actuellement que 3,7 % de la consommation mondiale d’énergie. Le charbon, le pétrole et le gaz en représentent toujours respectivement 25,1 %, 29,6 % et 22 %.</p>
<p><iframe id="F7GI1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/F7GI1/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La transition par l’électrification de la société pose aussi de nombreuses questions, que le véhicule électrique illustre parfaitement. Une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">voiture électrique</a> nécessite près de <a href="https://doi.org/10.3989/revmetalm.197">4 fois plus de métaux</a> qu’une voiture conventionnelle, dont une grande quantité de métaux <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52023PC0160">définis par l’Union européenne (UE) comme « critiques »</a> du fait de leur rareté ou de leur importance stratégique. Des métaux dont l’extraction pose de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/11/forte-de-ses-reserves-en-nickel-l-indonesie-parie-sur-l-industrie-de-la-voiture-electrique_6137756_3234.html">graves problèmes sociaux et écologiques</a> dans les pays du Sud.</p>
<p><iframe id="HLZmp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HLZmp/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le « dopage métallique » nécessaire à la fabrication de ces véhicules nous amène à une première impasse, dans la mesure où, à technologie constante, les réserves connues de plusieurs métaux, <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary">comme le cuivre</a>, seront quasi épuisées dès 2050. Sans même parler des conflits d’usage, et de l’inflation qui en découlera fatalement, puisque les mêmes métaux sont nécessaires à la fabrication d’autres biens électroniques ainsi qu’à <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions/executive-summary">l’éolien et au solaire</a>. Il y aura donc inévitablement une intense compétition pour l’acquisition de ces métaux, ce qui devrait favoriser les <a href="https://www.latribune.fr/supplement/la-tribune-now/vehicules-electriques-et-batteries-il-n-y-aura-pas-de-metaux-pour-tout-le-monde-948409.html">pays les plus riches</a>. En pratique, la stratégie d’une transition massive au véhicule électrique conduira vraisemblablement à émettre du CO<sub>2</sub> et à polluer les eaux et les sols des pays extracteurs avec pour seul bénéfice de réduire la pollution locale des métropoles occidentales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-est-il-devenu-moins-couteux-dopter-pour-une-voiture-electrique-211958">Automobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ajoutons à ce tableau les problèmes liés à notre dépendance aux pays producteurs de métaux et à leurs raffinages (notamment la Chine qui maitriserait <a href="https://www.strategyand.pwc.com/fr/fr/publications/la-souverainete-sur-les-metaux-de-la-transition-energetique.html">40 % de la chaine de valeur</a> des métaux utilisés dans les batteries électriques), à la production et au stockage à grande échelle d’énergie décarbonée pour alimenter les véhicules électriques ou encore les incertitudes quant à la recyclabilité de certains composants polluants issus des batteries, et d’aucuns pourraient légitimement interroger le bien-fondé des multiples subventions sur l’offre et la demande décidées par nos dirigeants pour forcer la transition du thermique à l’électrique.</p>
<h2>La chimère de la captation carbone</h2>
<p>L’autre problème posé par le scénario de la COP28 réside dans la place centrale accordée à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/captation-du-carbone-118939">captation et la séquestration du CO<sub>2</sub></a> (CSC). Si ces techniques sont bien présentées par le GIEC comme des <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">options d’atténuation essentielles</a>, elles ne peuvent constituer le cœur des politiques climatiques. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) fixe ainsi le niveau de captage du carbone par les CSC à seulement <a href="https://www.iea.org/reports/ccus-in-clean-energy-transitions/ccus-in-the-transition-to-net-zero-emissions">15 % des efforts de réduction des émissions</a> si on souhaite atteindre la neutralité du secteur de l’énergie en 2070.</p>
<p>Or, aussi paradoxal que cela puisse paraître, actuellement les CSC auraient plutôt tendance à augmenter les émissions de CO<sub>2</sub>. Historiquement, <a href="https://www.netl.doe.gov/sites/default/files/netl-file/co2_eor_primer.pdf">ces technologies ont été développées par les pétroliers</a> dans les années 1970 à la suite du constat que l’injection de CO<sub>2</sub> à haute pression dans des puits de pétrole vieillissants forçait le brut résiduel à remonter à la surface. Ainsi, la plupart des installations de CSC en activité dans le monde utilisent le CO<sub>2</sub> qu’elles captent (le plus souvent depuis des gisements souterrains) pour extraire… <a href="https://status22.globalccsinstitute.com/wp-content/uploads/2023/03/GCCSI_Global-Report-2022_PDF_FINAL-01-03-23.pdf">davantage de pétrole</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">La capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?</a>
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<p>Faire subventionner ces projets de CSC par les États revient donc à leur faire financer indirectement l’extraction de pétrole. Et s’il existe bien des usines de captation de CO<sub>2</sub> atmosphérique, la technologie du Direct Air Capture reste <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/explore/climat-developpement-durable/le-captage-et-le-stockage-du-carbone.html">loin de la maturité</a>. La plus grande usine au monde de ce type stocke <a href="https://www.reuters.com/sustainability/climate-energy/how-icelands-carbfix-is-harnessing-power-turning-co2-into-stone-2023-10-30/">4 000 tonnes de CO<sub>2</sub> par an</a>, soit <a href="https://electrek.co/2022/06/28/worlds-largest-direct-air-carbon-capture-facility-will-reduce-co2-by-0001/">environ 0,001 % des émissions annuelles mondiales</a>. Une goutte d’eau dans l’océan.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1541861049200267273"}"></div></p>
<p>L’Agence internationale de l’énergie prévoit que, d’ici 2030, la capacité annuelle mondiale de capture du carbone pourrait s’élever à <a href="https://www.iea.org/energy-system/carbon-capture-utilisation-and-storage">125 millions de tonnes</a>, soit < 0,5 % des émissions mondiales actuelles. Très loin de l’objectif d’une réduction de 43 % d’ici 2030. Ainsi, les projets de CSC actuels, bien que très coûteux, ne constituent qu’une infime fraction de ce qui serait nécessaire pour ralentir le changement climatique.</p>
<h2>La légitimité des gouvernements en question</h2>
<p>Comme indiqué en amont, le scénario « business as usual » établi par le GIEC nous mène vers un monde à <a href="https://www.carbone4.com/publication-scenarios-ssp-adaptation">+2,7 °C en 2100</a>. Mais où nous mènera l’« économie de guerre » prônée par la COP28 si elle augmente la consommation d’énergie, tout en échouant à réduire significativement les émissions de CO<sub>2</sub> via la transition énergétique et les projets de CSC ? Les scénarios avec des émissions élevées et très élevées nous mènent à dépasser les +2 °C dès 2050 et à +4-5 °C en 2100.</p>
<p>Il faut comprendre que le changement climatique n’est ni linéaire ni réversible. Le dépassement de certains <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abn7950">points de basculement</a> peut induire des mécanismes d’emballement du système climatique vers une trajectoire dite de <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1810141115">« terre chaude »</a> qui persisterait plusieurs millénaires. Celle-ci pourrait entrainer, dans plusieurs régions des sécheresses extrêmes et des pics de température dépassant les <a href="https://www.nature.com/articles/nclimate3322">capacités de thermorégulation humaine</a>.</p>
<p>Ainsi, dans les 50 prochaines années, un tiers de la population mondiale pourrait connaître une température annuelle moyenne > 29 °C, ce qui entrainerait la <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1910114117">migration forcée de plus de 3 milliards d’individus</a>. Des modèles mettent aussi en garde contre un possible effondrement de la circulation océanique profonde suite au réchauffement des océans avec pour effet un <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-023-39810-w">refroidissement de l’Europe</a> pouvant réduire drastiquement sa <a href="https://www.nature.com/articles/s43016-019-0011-3">production agricole</a>.</p>
<p>Ces scénarios catastrophes risquent d’induire une augmentation des conflits entre pays, mais également au sein même des sociétés, ce qui rendra peu probable la coopération internationale ou le déploiement d’innovations techniques complexes.</p>
<p>Il est tentant d’attribuer à Al-Jaber la responsabilité de cette stratégie techno-optimiste déconnectée de la réalité et risquant de nous mener à la catastrophe. Sa qualité de dirigeant de l’Abu Dhabi National Oil Company alimente déjà les <a href="https://www.bbc.com/news/science-environment-67508331">soupçons de conflit d’intérêts</a>. Toutefois, on ne peut attribuer ce nouvel échec collectif d’une COP à une simple erreur de casting. Tout comme on ne peut attribuer l’inadéquation des Contributions déterminées au niveau national de l’accord de Paris aux seuls décideurs politiques actuellement en fonction.</p>
<p>Nous devons reconnaitre que l’incapacité à lutter efficacement contre le changement climatique prend sa source dans les principes mêmes de la gouvernance actuelle, qui s’avère <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2022.902724/full">incapable de privilégier le bien commun et d’intégrer le consensus scientifique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-le-magnat-du-petrole-qui-preside-la-cop28-compte-porter-les-ambitions-des-pays-du-sud-216655">Comment le magnat du pétrole qui préside la COP28 compte porter les ambitions des pays du Sud</a>
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<h2>La piste d’une agence internationale indépendante</h2>
<p>Il y a urgence. La légitimité des gouvernements repose sur le respect des procédures légales mais aussi, et surtout, sur leur capacité à <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/political-legitimacy-authoritarianism-and-climate-change/E7391723A7E02FA6D536AC168377D2DE">protéger les citoyens</a>. Quand cette condition ne sera plus remplie, les gouvernements perdront leur légitimité ce qui rendra impossible toute action collective d’envergure.</p>
<p>Nous préconisons une stratégie mêlant sobriété, solutions technologiques, et une gouvernance volontariste et profondément repensée. Une <strong>agence climatique internationale indépendante</strong>, aux pouvoirs contraignants sur les États, serait mieux à même d’intégrer les consensus scientifiques, de planifier la transition écologique et énergétique et de gérer les biens communs de l’Humanité, en évitant soigneusement les conflits d’intérêts et tentatives de capture économique ou idéologique, qu’elles proviennent d’États, d’entreprises ou d’organisations non gouvernementales (ONG).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot et Philippe Naccache ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les stratégies d’électrification des sociétés et de développement des technologies de capture du carbone restent largement insuffisantes pour atteindre les objectifs internationaux.Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Directeur de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcolePhilippe Naccache, Professeur Associé, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2202322024-01-23T16:27:39Z2024-01-23T16:27:39ZAnthropocène… ou anthro-problème ? Une question d’étymologie et surtout d’échelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567422/original/file-20231228-17-5rhoj4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les points stratigraphiques mondiaux (ou « clous d'or ») sont utilisés par les géologues pour identifier les limites entre deux étages géologiques distincts, représentant deux unités temporelles distinctes à l'échelle des temps géologiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">James St John / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>C’est l’un des nouveaux mots qui s’est frayé un chemin, de la communauté scientifique jusqu’aux médias : « anthropocène ». Ce dernier entend décrire les modifications profondes que les activités humaines ont provoquées dans le fonctionnement de notre planète, et baptiser ainsi l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Sauf que cette dénomination pose problème.</p>
<p>D’abord au niveau étymologique puisque ce mot a été créé de toute pièce par des chercheurs extérieurs aux sciences de la Terre, puisant à dessein dans le lexique géologique. L’enthousiasme immodéré que ce mot-valise suscite ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur les façons dont il pourrait être mal interprété, en particulier en surestimant les pouvoirs de l’humanité.</p>
<p>Certes, les perturbations anthropiques sont bien réelles et mesurables à l’échelle de nos vies humaines. Mais leur juste place dans l’échelle des processus et des temps géologiques doit être questionnée avec davantage de modestie pour éviter de tomber, une fois de plus – et une fois de trop – dans le piège de l’anthropocentrisme.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567426/original/file-20231228-29-l66ea2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couche de détritus coincés entre une couche de calcaire et une couche de marne après l’effondrement d’une falaise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fmichaud76/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le consensus est d’ailleurs loin d’être atteint parmi les scientifiques puisque factuellement, l’anthropocène ne figure pas – tout du moins pas encore – dans l’échelle des temps géologiques. La Commission internationale de stratigraphie , après que le groupe de travail sur l’anthropocène <a href="https://theconversation.com/voici-comment-le-lac-crawford-en-ontario-a-ete-choisi-pour-marquer-le-debut-de-lanthropocene-209454">a choisi un site pilote au Canada à l’été 2023</a>, a récemment <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-024-00675-8?WT.ec_id=NATURE-202403&sap-outbound-id=6ACB62CD96157D29763AF16B937CD8E5804215D6">rejeté l'Anthropocène</a> – mais des irrégularités de procédure ont été soulevées, et certains demandent déjà l'annulation du vote.</p>
<p>Ce questionnement ne doit pas être réduit à un débat obscur entre spécialistes. Il sous-tend des conceptions radicalement différentes des enjeux auxquels l’humanité est confrontée et des réponses qu’elle devra y apporter.</p>
<h2>Une rupture étymologique</h2>
<p>Le terme d’anthropocène a été inventé <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">par le chimiste de l’atmosphère et prix Nobel Paul Crutzen en 1995</a>, avant d’être largement <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/qu-est-ce-que-l-anthropocene-cette-possible-epoque-geologique-de-l-humain-3965362">popularisé par les médias comme « ère de l’Homme »</a>. Pourtant, l’étymologie de ce nom qui associe les racines grecques anthropos (homme) et kainos (nouveau) signifie seulement… « homme nouveau ».</p>
<p>Le désaccord flagrant entre l’étymologie du mot et sa lecture courante résulte de l’inscription maladroite de ce néologisme dans la continuité des noms donnés en géologie aux différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement « Tertiaire »).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/569788/original/file-20240117-15-mhmpqv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le mammouth est l’un des mammifères emblématiques du Cénozoïque.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Etienne Mahler/Flickr</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, du Paléocène à l’Holocène, ces noms utilisent tous la racine « cène », choisie par les géologues pour traduire l’augmentation progressive de la ressemblance entre les faunes fossiles et les faunes modernes, d’où le recours au mot grec « kainos » (nouveau), comme le montre le tableau ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566857/original/file-20231220-23-4f12xg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les différentes époques de l’ère Cénozoïque (anciennement tertiaire) et leurs origines étymologiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vincent Huault</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le mot anthropocène rompt donc avec cette logique. Cette tentative ratée de greffe sémantique est le résultat d’un choix délibéré – en témoignent les <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.12987/9780300188479-041/html">propres mots de Crutzen</a> – d’ancrer ce concept dans la géologie et non pas seulement dans l’histoire de l’humanité où il aurait pourtant trouvé une place plus naturelle. Son but étant d’abord l’inscription, au propre comme au figuré, dans le marbre de l’histoire géologique.</p>
<p>Et tant pis si cette étymologie incohérente passe par un sacrifice délibéré du sens au profit du symbole.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>On n’accorderait sans doute pas d’importance à ce défaut si le concept ainsi désigné enrichissait la connaissance de l’histoire de la Terre, son vocabulaire étant puisé sciemment dans le lexique de la géologie. Malheureusement, l’anthropocène apporte surtout un supplément de confusion sur les échelles des temps. Et brouille davantage la compréhension de la place que prennent les perturbations anthropiques dans l’histoire géologique de notre planète.</p>
<p>Une confusion dont nous n’avons pas besoin pour sensibiliser nos contemporains aux enjeux des changements planétaires en cours et pour leur faire ressentir l’urgence qu’il y a à agir.</p>
<h2>Si l’échelle des temps était une feuille A4, l’anthropocène ne ferait que quelques microns</h2>
<p>Je ne reviendrai pas en détail sur les <a href="https://theconversation.com/anthropocene-une-nouvelle-ere-geologique-73336">problèmes de définition de l’anthropocène</a> en tant qu’unité géologique. Quoi qu’en disent ses partisans, l’anthropocène n’est <a href="https://stratigraphy.org/chart#latest-version">toujours pas reconnu</a> par la Commission internationale de stratigraphie.</p>
<p>Voici les deux principaux points qui s’opposent à sa reconnaissance :</p>
<ul>
<li><p>Sa délimitation : le choix de l’événement qui doit marquer le début de l’anthropocène fait toujours débat entre ses défenseurs. Faut-il choisir le début de la révolution industrielle, celui de la première explosion atomique, l’apparition de l’agriculture, ou encore la <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">multiplication des os de poulet</a> ? L’absence de délimitation consensuelle réduit l’anthropocène à un concept flou dont la mesure est insatisfaisante à tout point de vue : ni assez précise, ni suffisamment importante pour permettre une intégration harmonieuse au sein de l’échelle des temps géologiques.</p></li>
<li><p>Sa durée : quel que soit le choix qui sera fait pour le délimiter, l’intervalle de temps correspondant (quelques millénaires tout au plus) restera infinitésimal à l’échelle des 4,5 milliards d’années de l’histoire de la Terre. Songez simplement que si l’anthropocène était ajouté à une échelle des temps géologiques imprimée sur une feuille A4, il vous faudrait un microscope électronique à balayage pour distinguer ses quelques microns de hauteur !</p></li>
</ul>
<p>On est donc en droit de s’interroger sur l’intérêt à placer le concept dans le champ de la géologie auquel il s’intègre si mal dans l’état actuel de sa définition. Cela ne revient nullement à remettre en cause la réalité de l’impact des activités humaines sur l’environnement et ses potentielles répercussions dans l’enregistrement géologique.</p>
<p>Mais l’illusion d’une humanité régnant sans partage sur la nature (<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">« maître des phénomènes géologiques »</a> ou nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2011/01/14/bienvenue-dans-une-nouvelle-ere-geologique-l-anthropocene_5981957_3244.html">« force géophysique »</a>) doit être rejetée comme une vision anthropocentrique peu crédible, en particulier après la claque infligée par la crise sanitaire de 2020.</p>
<p>Car si elle est capable de perturber les cycles naturels, l’humanité ne les maîtrise pas pour autant. Parce que nous risquons de ne pas savoir en gérer les conséquences, les perturbations observées, aussi intenses soient-elles, risquent de s’inscrire dans des échelles de temps humainement significatives, mais insignifiantes à l’échelle des temps géologiques.</p>
<h2>Le mythe de la toute-puissance humaine</h2>
<p>Si on s’en tient à l’étymologie, l’anthropocène devrait être une époque, comme l’Holocène auquel il est censé succéder. Pourtant, ses promoteurs le présentent tantôt comme une ère, tantôt comme une période ou une époque, montrant la difficulté qu’ils éprouvent à estimer la place de leur concept dans la hiérarchie des temps géologiques.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">Les ères, époques et périodes des temps géologiques</a> sont pourtant aussi distinctes les unes des autres que le sont les mois, les semaines et les jours de notre calendrier ou encore les chapitres, les paragraphes ou les lignes de cet article…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lanthropocene-et-lechelle-des-temps-geologiques-73330">L’Anthropocène et l’échelle des temps géologiques</a>
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<p>Cette question n’est pas anecdotique. Ériger l’anthropocène en intervalle de temps géologique, quel que soit son rang, c’est assumer à la fois un pari et une contradiction : le pari que les perturbations engendrées à l’échelle globale par les activités humaines sont suffisamment extrêmes pour laisser des traces définitives dans le registre géologique et que, malgré cela, elles vont perdurer suffisamment longtemps pour constituer une tranche du temps long géologique, mesurée en millions d’années.</p>
<p>Pour résoudre ce dilemme, il suffirait pourtant d’abandonner le mythe de la puissance humaine promise à un avenir infini, et d’accepter l’idée que l’anthropocène n’est rien d’autre qu’un moment de bascule vers une nouvelle époque géologique, un événement ponctuel plutôt qu’un intervalle de temps géologique, idée qui <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jqs.3416">commence d’ailleurs à émerger chez certains partisans de l’anthropocène</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde.</em> <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Il existe dans la terminologie stratigraphique des termes plus appropriés pour désigner de tels événements brefs – à l’échelle géologique cela peut correspondre à quelques milliers d’années – qui sont autant de repères temporels précieux. L’impact de l’astéroïde impliqué dans la <a href="https://theconversation.com/avant-la-chute-de-lastero-de-qui-a-cause-leur-extinction-les-especes-de-dinosaures-etaient-deja-sur-le-declin-163547">grande extinction des dinosaures qui marque la fin du Crétacé</a> est ainsi nommé « astroblème » – « blêma » signifiant « coup » en grec.</p>
<p>L’impact de l’humanité sur la planète peut être vu comme un événement affectant de façon significative le fonctionnement du système Terre, mais instantané à l’échelle géologique : un « anthropoblème » (« impact de l’Homme »).</p>
<p>La proximité entre anthropoblème et anthro-problème, qui fonctionne également en anglais, est bien plus responsabilisante que la vision anthropocentrique de l’anthropocène, qui érige l’être humain en aboutissement et en métronome des temps géologiques.</p>
<h2>Deux visions entre continuité et rupture</h2>
<p>À travers ce choix entre l’anthropocène « ère de l’Homme » et l’anthropoblème qui décrit son impact sur la planète, ce sont deux visions de l’avenir qui s’opposent.</p>
<p>On peut considérer qu’entrer dans l’anthropocène, « l’ère de l’Homme », c’est comme rentrer chez soi. La maison est un peu en désordre, mais la technologie va nous aider à faire le ménage. Dans ses travaux sur la chimie de l’atmosphère, Crutzen prônait la géo-ingénierie pour <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20110103STO11194/paul-crutzen-prix-nobel-et-partisan-d-une-troisieme-voie-pour-sauver-le-climat">« corriger » sa composition</a> et pour <a href="https://www.nature.com/articles/415023a">« optimiser »</a> le climat.</p>
<p>Elon Musk de son côté <a href="https://theconversation.com/la-rhetorique-des-conquerants-de-mars-creer-le-reve-111315">promet un avenir martien à l’humanité</a>. Ces exemples de technosolutionniste font le pari d’une continuité humaine, portée à bout de bras par la technologie. Ce faisant, ils évitent soigneusement les questions cruciales sur les changements de nos systèmes de production, de pensée ou encore de nos modes de vie qui barrent pourtant l’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-vouloir-imposer-lanthropocene-73456">Pourquoi vouloir imposer l’anthropocène ?</a>
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<p>A l’opposé, si l'on admet que la technologie ne suffira pas à garantir indéfiniment notre sécurité face à des phénomènes naturels toujours plus violents, on peut faire le choix radical de maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre pour ne pas provoquer une tempête qui risque d’emporter le toit, la maison… et ses habitants.</p>
<p>Il s’agit là d’un modèle de rupture qui reconnaît le risque d’un basculement dans l’inconnu : il faut habiter autrement la Terre, parce que l’anthropoblème ouvre sur un agnostocène – « nouvel inconnu » – dans lequel l’avenir de l’humanité n’est pas garanti si elle n’agit pas fortement et rapidement pour se reconnecter au monde qui l’entoure.</p>
<p>Les connotations véhiculées par l’anthropocène font donc obstacle à la responsabilisation et flattent notre propension à résister à des changements auxquels l’humanité devra pourtant faire face dans des délais qui n’ont rien de géologique. Or, nous n’avons plus le temps ni les moyens d’entretenir des illusions sur la puissance de l’humanité.</p>
<p>Si nous échouons à mener cette nouvelle révolution copernicienne et à maîtriser nos influences délétères sur les grands cycles du système Terre, rétablir le bel alignement des mots et de leur sens deviendra superflu, puisque le débat autour de l’anthropocène n’aura simplement plus d’objet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Huault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'anthropocène, cette possible nouvelle ère géologique où l’influence humaine aurait surpassé les forces naturelles, est loin de faire consensus chez les géologues. Certains en déplorent l'anthropocentrisme.Vincent Huault, Maître de conférence en paléontologie et stratigraphie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208662024-01-14T16:25:02Z2024-01-14T16:25:02ZComment financer les politiques climatiques en Amérique latine et dans les Caraïbes ?<p>Le constat dressé lors de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cop28-147549">COP28</a> à Dubaï est sans appel : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/amerique-latine-28959">l’Amérique latine</a> et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cara-be-29582">Caraïbes</a> font face à un important défaut de financement de l’action pour le climat. Pour remédier aux effets du changement climatique, les financements devraient en effet <a href="https://www.cepal.org/en/pressreleases/eclac-presents-cop28-report-stresses-climate-financing-needs-latin-america-and">décupler</a> par rapport à leurs niveaux de 2020.</p>
<p>Cela nécessite de développer davantage les instruments de financement innovants mis en place ces dernières années et de catalyser les financements pour le climat des principaux acteurs internationaux. C’est l’objet de la Coalition mondiale pour le renforcement des moyens d’action créée lors de la COP28.</p>
<h2>Une région particulièrement vulnérable</h2>
<p>Le nombre de catastrophes naturelles en Amérique latine et dans les Caraïbes a presque doublé entre les décennies 1980 et 2010, faisant de cette région la zone géographique la plus touchée au cours de la décennie écoulée. Depuis 2000, <a href="https://reliefweb.int/report/world/overview-disasters-latin-america-and-caribbean-2000-2022">trois personnes sur dix ont été affectées par une catastrophe naturelle</a>. En 2023, 91 % des citoyens de treize pays d’Amérique latine déclarent que le <a href="https://www.jean-jaures.org/wp-content/uploads/2023/11/climat-amerique-latine.pdf">changement climatique a un impact sur leur vie quotidienne</a>. Ces catastrophes naturelles peuvent entrainer des coûts économiques élevés. Par exemple, à la suite de l’ouragan Maria en 2017, la <a href="https://www.imf.org/en/Publications/CR/Issues/2021/08/11/Dominica-Disaster-Resilience-Strategy-463663">République dominicaine a subi des dommages estimés à 226 % de son produit intérieur brut</a> : destruction des infrastructures (routes, ponts et réseaux d’électricité), destruction du capital physique et dégradation du capital humain.</p>
<p>Face à ces dégâts économiques, il est nécessaire d’améliorer la résilience de la zone par la mise en place de politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Les premières ont pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, avant que les effets du changement climatique ne soient irréversibles. Il s’agit, par exemple, d’installer des panneaux solaires sur les bâtiments afin d’améliorer leur efficacité énergétique.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/faut-il-commencer-a-sacclimater-au-rechauffement-ou-redoubler-defforts-pour-le-limiter-218187">politiques d’adaptation</a>, quant à elles, visent à minimiser les conséquences du changement climatique déjà en cours. La mise en place de digues et de murs de protection contre les inondations obéit à cette logique. Les politiques d’adaptation et d’atténuation adéquates peuvent être très coûteuses : sur la période 2023-2030, les besoins d’investissement cumulés associés à la mise en place de ces politiques sont chiffrés <a href="https://repositorio.cepal.org/server/api/core/bitstreams/7cd75817-9d2b-4ec4-a7e9-88645eb247d3/content">entre 215 et 284 milliards de dollars par an</a> pour l’Amérique latine et les Caraïbes.</p>
<h2>Le financement de l’adaptation et de l’atténuation</h2>
<p>Face à ce besoin de financement colossal, les États d’Amérique latine et des Caraïbes reçoivent des financements multilatéraux, de la part d’institutions régionales et internationales, spécialement conçus pour soutenir la mise en place de politiques d’atténuation et d’adaptation. Entre 2016 et 2021, le financement pour le climat accordé aux États de la zone a plus que triplé, passant de 2,7 milliards de dollars à 8,6 milliards de dollars (Graphique 1). S’il s’agit d’une augmentation significative, le montant atteint en 2021 ne correspond toutefois qu’à 4 % des besoins d’investissement de la région.</p>
<p><iframe id="jDE7Q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jDE7Q/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cinq acteurs multilatéraux assurent l’essentiel du financement de l’action pour le climat dans la région : il s’agit de trois institutions régionales (la Banque interaméricaine de développement (BID), la Banque centraméricaine d’intégration économique (BCIE) et la Banque de développement d’Amérique latine et des Caraïbes (BDALC)), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque européenne d’investissement (BEI). En 2021, 64 % des financements sont alloués par les institutions régionales (Graphique 2) et les deux tiers de l’ensemble des financements vont à des mesures d’atténuation (Graphique 3).</p>
<p><iframe id="N0sE8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/N0sE8/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="3Ky68" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Ky68/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>De nouveaux instruments financiers</h2>
<p>Pour répondre aux forts besoins de financement de l’action pour le climat, les institutions multilatérales se sont appuyées sur des instruments innovants.</p>
<p>Émis pour la première fois par la BEI en 2007, les obligations vertes sont des <a href="https://www.imf.org/en/Publications/staff-climate-notes/Issues/2022/06/29/Sovereign-Climate-Debt-Instruments-An-Overview-of-the-Green-and-Catastrophe-Bond-Markets-518272">titres de créance destinés à lever des capitaux pour le financement de projets « verts »</a>. En 2022, <a href="https://www.eib.org/attachments/lucalli/20220270_eib_financial_report_2022_en.pdf">30 % du programme de financement de la BEI était ainsi constitué par l’émission d’obligations de sensibilisation au climat</a>. Dans le cadre de l’Initiative Global Gateway de l’Union européenne, en 2023 la BEI a octroyé à l’Argentine, au Brésil et au Chili des <a href="https://www.eib.org/en/press/all/2023-274-latin-america-eib-to-announce-eur800-million-in-financing-for-climate-action-projects-in-argentina-brazil-and-chile-at-eu-celac-summit">prêts « verts » s’élevant à 800 millions d’euros</a>.</p>
<p>La BEI n’est pas la seule institution multilatérale à utiliser cet instrument financier. Grâce à ces obligations vertes, la BDALC a ainsi levé 1,2 milliard de dollars entre 2018 et 2021 pour financer des projets visant à améliorer l’efficacité énergétique, à accroître la production d’énergies renouvelables et à verdir le système de transport de la région. La BID de son côté, grâce également à l’émission d’obligations vertes, a par exemple octroyé en 2023 un prêt de 400 millions de dollars au Chili pour aider au <a href="https://www.iadb.org/en/news/idb-approves-400-million-loan-boost-chiles-green-hydrogen-industry">développement de l’industrie de l’hydrogène vert</a>.</p>
<p>Les institutions recourent également à l’émission d’obligations bleues. Ce sont des instruments de dette émise par des gouvernements, des banques de développement ou d’autres entités pour financer des projets marins et océaniques ayant des retombées positives sur l’environnement, l’économie et le climat. Ainsi, la BID a procédé à la <a href="https://idbinvest.org/en/news-media/idb-invest-issues-first-blue-bond-latin-america-and-caribbean">première émission d’obligation bleue en Amérique latine et dans les Caraïbes en 2021</a> pour un montant de 50 millions de dollars australiens.</p>
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<p>Face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des catastrophes naturelles, les institutions internationales recourent également à des instruments de gestion du risque financier comme les obligations catastrophes.</p>
<p>Leur principe est simple. L’organisation qui émet l’obligation verse une prime aux investisseurs. Si aucune catastrophe naturelle ne se produit pendant la durée de l’obligation, les investisseurs reçoivent leur capital et les intérêts à la fin de la période. En revanche, si une catastrophe naturelle survient, l’organisation reçoit des investisseurs une partie ou la totalité du capital associé à l’obligation.</p>
<p>Afin d’améliorer la résilience financière des États contre le risque de catastrophe naturelle, la Banque mondiale procède ainsi à l’émission d’obligations catastrophes pour le compte des États. Elle a par exemple émis en 2020 de telles <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2020/03/09/world-bank-catastrophe-bond-provides-financial-protection-to-mexico-for-earthquakes-and-named-storms">obligations pour le compte du Mexique pour un montant de 485 millions de dollars</a>, le protégeant pendant 4 ans des pertes dues aux tremblements de terre et aux cyclones.</p>
<h2>Un nouveau rôle pour le FMI</h2>
<p>Alors que les institutions précédentes interviennent principalement <em>ex ante</em>, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fonds-monetaire-international-fmi-54333">Fonds monétaire international</a> (FMI) joue un rôle crucial après qu’un pays a été frappé par une catastrophe naturelle pouvant déboucher sur une crise de balance des paiements. En complément des prêts conventionnels octroyés aux pays membres, le FMI a créé en 2015 le fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes qui accorde des dons et des allègements de dette aux pays les plus pauvres frappés par une catastrophe naturelle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du siège du FMI" src="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568590/original/file-20240110-17-3wxn5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En 2015, le FMI a créé le fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes qui accorde des dons et des allègements de dette aux pays les plus pauvres frappés par une catastrophe naturelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nasonurb/4344909546">Bruno Sanchez-Andrade Nuño/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En mai 2022, un nouveau fonds a vu le jour : le fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité du FMI, qui vise à aider les pays pauvres à faire face à des difficultés de long terme, comme le changement climatique. En décembre 2022, la Barbade a été le premier pays à bénéficier de ce nouveau fonds : <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2022/12/07/pr22417-barbados-imf-executive-board-approves-usd113m-under-eff-and-usd189m-under-rsf">189 millions de dollars d’aide ont été débloqués</a>.</p>
<p>Face aux défis climatiques auxquels font face les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, une utilisation efficiente des ressources pour le financement des politiques climatiques est essentielle. C’est l’un des objectifs fixés par la Coalition mondiale pour le renforcement des moyens d’action, dont la création a été annoncée lors de la COP28 en décembre 2023. Cette coalition regroupe les principaux acteurs internationaux du financement pour le climat (ONU, BM, différentes banques multilatérales de développement, FMI, etc.) et vise à renforcer les capacités en matière de financement climatique et l’efficacité des programmes d’assistance technique des institutions financières domestiques et internationales.</p>
<p>La COP29, qui se tiendra en 2024 en Azerbaïdjan, sera l’occasion d’évaluer les premiers résultats de cette coalition, notamment sa capacité à catalyser des financements pour le climat à la hauteur des besoins de la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nouveaux instruments financiers portés par les institutions internationales apparaissent répondre au défaut de financement dans une région particulièrement vulnérable au changement climatique.Florian Morvillier, Économiste, CEPIIErica Perego, Économiste, CEPIIFanny Schaeffer, Assistante de recherche, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2186392024-01-10T18:59:43Z2024-01-10T18:59:43ZPourquoi le climatoscepticisme séduit-il encore ?<p>C’est un paradoxe de notre époque : alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias et n’ont jamais été aussi saillants pour les populations, le climatoscepticisme reprend lui des forces au gré de l’actualité climatique. D’après un sondage mené par Ipsos et le Cevipof en 2023, ce sont <a href="https://vert.eco/articles/la-france-compte-desormais-plus-de-40-de-climatosceptiques-et-cest-une-catastrophe">43 % de Français</a> qui refusent de « croire » au réchauffement du climat.</p>
<p>Plusieurs fois annoncé comme dépassé ou cantonné à des sphères complotistes, le climatoscepticisme n’en finit pas de se régénérer. Si les origines de ce courant remontent aux États-Unis, il prospère chez nous aujourd’hui via des incarnations bien françaises, comme l’a montré le <a href="https://www.france.tv/france-5/la-fabrique-du-mensonge/la-fabrique-du-mensonge-saison-3/5359662-au-c%C3%BAur-du-deni-climatique.html">récent documentaire</a> La Fabrique du mensonge sur le sujet. Tâchons-donc de revenir un peu en arrière pour comprendre le succès actuel de ces discours niant le dérèglement climatique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_NhyGHon198?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait du plateau télévisé suivant la diffusion du documentaire La Fabrique du Mensonge : au cœur du déni climatique.</span></figcaption>
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<h2>L’éternel retour du climatoscepticisme</h2>
<p>Dans les années 1980, aux États-Unis, l’émergence et la propagation d’une « contre-science » du climat ont résulté de la <a href="https://academic.oup.com/socpro/article-abstract/47/4/499/1678313?redirectedFrom=fulltext">mobilisation de think tanks</a> liés au parti républicain et au lobbying de grandes entreprises, principalement dans le secteur de la production pétrolière, en s’inspirant par ailleurs des <a href="https://philpapers.org/rec/OREMOD">pratiques de l’industrie du tabac</a>.</p>
<p>Le terme de « climatoscepticisme » est, à cet égard, lui-même aussi trompeur que révélateur : en liant « climat » et « scepticisme », le terme donne l’impression d’une posture philosophique vertueuse (notamment la remise en question critique et informée), et induit en erreur. Car il s’agit ici bien moins de scepticisme que de déni, voire de cécité absolue vis-à-vis de faits scientifiques et de leurs conséquences, comme le rappelle le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/19/le-climatoscepticisme-n-a-rien-a-voir-avec-le-scepticisme_6201047_3232.html">philosophe Gilles Barroux</a>.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Mais qu’importe : au moment de l'accord de Paris et du consensus de plus en plus large sur le climat, le climatoscepticisme semblait réduit à portion congrue : en France, en 2019, la Convention citoyenne pour le climat montrait que le sujet pouvait être pris au sérieux tout en donnant lieu à des expérimentations démocratiques. Puis en août 2021, la loi « Climat et résilience » semblait ancrer un acte politique symbolique important, bien qu’insuffisant.</p>
<p>Pourtant, malgré ces évolutions politiques, le climatoscepticisme prospère aujourd’hui en s’éloignant de son incarnation et champ originel, puisqu’il constitue désormais une forme de discours, avec ses codes, <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2012-2-page-47.htm">ses représentations et ses récits</a>. C’est précisément en cela qu’il est si dangereux : du point de vue linguistique, narratif et sémantique, il utilise des ressorts hélas efficaces, qui ont pour objectif d’instiller le doute (a minima) ou l’inaction (a maxima).</p>
<p>Plus clairement, les sphères climatosceptiques vont par exemple utiliser des termes aux charges sémantiques équivoques (climatorassurisme, climatoréalisme…), remettre en question la véracité des travaux du GIEC, mettre en exergue les variations du climat à l’échelle du temps géologique (la Terre ayant toujours connu des périodes plus ou moins chaudes ou froides), ou bien encore expliquer que toute action mise en œuvre pour lutter contre le changement climatique relèverait en fait de l’autoritarisme liberticide. En d’autres termes, le doute est jeté sur tous les domaines, sans distinction.</p>
<p>De ce point de vue, il est important de noter que le climatoscepticisme peut prendre <a href="https://www.cairn.info/revue-mots-2021-3.htm">plusieurs formes</a> : déni de l’origine anthropique du réchauffement, mise en exergue de prétendus cycles climatiques, remise en cause du rôle du CO<sub>2</sub> ou technosolutionnisme chevronné sont autant de variables qui donnent sa redoutable vitalité au climatoscepticisme.</p>
<p>Mais que cachent les discours climatosceptiques ? Outre les intérêts économiques, on retrouve également la préservation d’un ordre social et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0191886916302732">systèmes de domination spécifiques</a> : domination de l’Homme sur ce que l’on appelle abusivement la « Nature » (incluant les autres espèces, l’intégralité de la biodiversité et les ressources), exploitation des ressources nécessaires à l’activité industrielle et économique, mais aussi domination de certaines communautés sur d’autres – notamment parce que les <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/wcc.232">femmes</a> ou les <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/hypatia/article/abs/indigenous-women-climate-change-impacts-and-collective-action/3BADDAE0666754D0BDFDCEEA5B8505AF">populations indigènes</a> sont plus vulnérables au changement climatique, tout en représentant également les populations les plus promptes à proposer des innovations pour contrer ses impacts.</p>
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<img alt="Tag de l’artiste Banksy à Camden en Grande-Bretagne,dénonçant le réchauffement climatique, où l’on peut voir les lettres " src="https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561900/original/file-20231127-26-qku3yz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tag de l’artiste Banksy à Camden en Grande-Bretagne,dénonçant le réchauffement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dullhunk/14205015878">Dunk/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>L’efficacité du climatoscepticisme : le secret de sa longévité ?</h2>
<p>Au-delà de sa pérennité, les recherches ont montré à quel point le climatoscepticisme restait efficace pour <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09644016.2018.1439353">retarder l’action politique</a>. Il ne s’agit pas ici de dire que la classe politique est climatosceptique, mais qu’un certain nombre d’acteurs climatosceptiques finissent par diffuser des discours qui font hésiter les décideurs, retardent leurs actions ou font douter quant aux solutions ou alternatives à mettre en place. La France n’échappe pas à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1461670X.2011.646395">cette tendance</a> : entre les coups médiatiques de Claude Allègre, <a href="https://journals.openedition.org/aad/4747">l’accueil de Greta Thunberg</a> à l’Assemblée nationale ou encore les incursions de divers acteurs climatosceptiques (se désignant eux-mêmes comme <a href="https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2012-2-page-47.htm">climatoréalistes ou climatorassuristes</a>), le paysage médiatique, politique et citoyen se retrouve régulièrement pollué par ce type de discours.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1153614733720858624"}"></div></p>
<p>Doté de solides ressources financières, ce mouvement a pu contester les résultats scientifiques dans la sphère publique, afin de maintenir ses objectifs économiques et financiers. Le GIEC en a, par ailleurs, fait les frais de <a href="https://centaur.reading.ac.uk/65823/">manière assez importante</a> – et encore aujourd’hui ; régulièrement en effet, des scientifiques du GIEC comme Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, qui se sont engagés pour porter de manière pédagogique les travaux collectifs dans l’espace médiatique, se sont retrouvés la cible de critiques, notamment sur la véracité des données traitées, ou la raison d’être financière du groupement scientifique mondial. Cela est notamment régulièrement le cas sur les réseaux sociaux, comme le montrent les <a href="https://hal.science/hal-03986798/">travaux de David Chavalarias</a>.</p>
<h2>Climatoscepticisme : les raisons d’un succès</h2>
<p>Au-delà de ces constats informatifs, une question émerge : pourquoi sommes-nous si prompts à embrasser, de près ou de loin, certaines thèses climatosceptiques ? Pourquoi cette forme de déni, souvent mâtinée de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/2053168017743105">relents complotistes</a>, parvient-elle à se frayer un chemin dans les sphères médiatiques et politiques ?</p>
<p>Pour mieux comprendre cet impact, il faut prendre en considération les enjeux sociaux liés au réchauffement climatique. En effet, cette dimension sociale, voire anthropologique est capitale pour comprendre les freins de résistance au changement ; si la réaction au changement climatique n’était qu’affaire de chiffres et de solutions techniques, il y a longtemps que certaines décisions auraient été prises.</p>
<p>En réalité, nous avons ici affaire à une difficulté d’ordre culturel, puisque c’est toute notre vie qui doit être réorganisée : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959378001000280">habitudes de consommation</a> ou <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcc.327">pratiques quotidiennes</a> sont concernées dans leur grande diversité, qu’il s’agisse de l’utilisation du plastique, de la production de gaz à effet de serre, du transport, du logement ou de l’alimentation, pour ne citer que ces exemples.</p>
<p>Le changement est immense, et nous n’avons pas toujours les ressources collectives pour pouvoir y <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-008-9520-z">répondre</a>. De plus, comme le rappelle le <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1515/arcadia-2023-2008/html">philosophe Paul B. Preciado</a>, nous sommes dans une situation d’addiction vis-à-vis du système économique et industriel qui alimente le changement climatique ; et pour faire une analogie avec l’addiction au tabac, ce ne sont jamais la conscience des chiffres qui mettent fin à une addiction, mais des expériences ou des récits qui font prendre conscience de la nécessité d’arrêter, pour aller vite. Cela étant, le problème est ici beaucoup plus structurel : s’il est aisé de se passer du tabac à titre individuel, il est beaucoup plus compliqué de faire une croix sur le pétrole, à tous les niveaux.</p>
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<img alt="Manifestation où l’on peut voir une pancarte : System change not climate change." src="https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561907/original/file-20231127-29-7z7zkw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La peur de changement systémique, notamment mis en avant par les militants écologiques, raison d’être du climatosceptisme ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/doucy/48806738211">Chris Yakimov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Paradoxalement, c’est au moment où les effets du changement climatique sont de plus en plus couverts par les médias que le climatoscepticisme reprend des forces, avec une <a href="https://vert.eco/articles/la-france-compte-desormais-plus-de-40-de-climatosceptiques-et-cest-une-catastrophe">population de plus en plus dubitative</a>. Ce qui paraît paradoxal pourrait en réalité être assez compréhensible : c’est peut-être précisément parce que les effets sont de plus en plus visibles, et que l’ensemble paraît de plus en plus insurmontable, que le déni devient une valeur refuge de plus en plus commode. Il s’agirait alors d’une <a href="https://direct.mit.edu/glep/article/12/2/9/14558/A-General-Theory-of-Climate-Denial">forme d’instinct de protection</a>, qui permettrait d’éviter de regarder les choses en face et de préserver un mode de vie que l’on refuse de perdre.</p>
<p>Si le climatoscepticisme nous informe sur nos propres peurs et fragilités, il est aussi symptomatique du manque de récits alternatifs qui permettraient d’envisager l’avenir d’une toute autre manière. En effet, pour le moment, nous semblons penser la question du changement climatique avec le logiciel politique et économique du XXè siècle. Résultat : des récits comme le climatoscepticisme, le greenwashing, le technosolutionnisme (le fait de croire que le progrès technique règlera le problème climatique), la collapsologie ou encore le colibrisme (le fait de tout faire reposer sur l’individu) nous piègent dans un archipel narratif confus, qui repose plus sur nos croyances et notre besoin d’être rassurés, que sur un avenir à bâtir.</p>
<p>De fait, le climatoscepticisme prospère encore car il est le symptôme d’autodéfense d’un vieux monde qui refuse de mourir. Sans alternative désirable ou réaliste, alors que nos sociétés et nos économies sont pieds et poings liés par la dépendance aux énergies fossiles, nos récits sont condamnés à tourner en rond entre déni, faux espoirs et évidences trompeuses.</p>
<p>C’est bien là tout le problème : si les chiffres sont importants pour se rendre compte de l’importance du changement et de ses conséquences (y compris pour mesurer les fameux franchissements des limites planétaires), ce n’est pas avec des chiffres seuls que l’on met en mouvement les sociétés et les politiques. Les tenants du climatoscepticisme ont parfaitement compris cette limite, en nous proposant les certitudes confortables d’un vieux monde inadapté, face aux incertitudes paralysantes d’un avenir qui sera radicalement différent du monde que nous connaissons, mais que nous avons le choix de pouvoir écrire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albin Wagener ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l'heure où les effets du dérèglement climatique n'ont jamais été aussi prégnants, le climatoscepticisme prospère. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?Albin Wagener, Chercheur associé l'INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS, Université Rennes 2Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205632024-01-09T18:25:06Z2024-01-09T18:25:06ZPourquoi doit-on prendre soin de la biodiversité ?<p>Si le changement climatique préoccupe beaucoup de monde, les scientifiques alertent aussi régulièrement sur la <a href="https://theconversation.com/biodiversite-proteger-30-de-la-planete-quid-des-70-restants-175779">crise de la biodiversité</a> causée majoritairement par les activités humaines. La biodiversité, c’est un mot popularisé par une convention internationale en 1992 qui est la contraction de « diversité » et de « biologique ».</p>
<p>Elle désigne la diversité du monde vivant et peut s’observer à trois niveaux :</p>
<ul>
<li><p>Au niveau des espèces : c’est la diversité des animaux (les mammifères, les poissons, les oiseaux, mais aussi les insectes et les mollusques), des plantes (dont les arbres et les algues) ou encore des champignons et des bactéries. Parmi ces espèces, certaines ont été domestiquées par les humains, comme les vaches ou les chiens, mais ces dernières font aussi partie de la biodiversité ;</p></li>
<li><p>Au niveau des individus d’une même espèce : c’est le fait que <a href="https://theconversation.com/proteger-la-diversite-genetique-pour-mieux-faire-face-a-ladversite-180917">chaque individu est unique</a>, et qu’il y a plusieurs races ou variétés au sein d’une même espèce. Par exemple, l’espèce des chiens regroupe différentes races (chihuahuas, labradors, caniches, etc.) ;</p></li>
<li><p>Au niveau des écosystèmes et des paysages : ce sont tous les types de forêts, de savanes, de prairies, de milieux marins, ou encore de déserts qui sont le fruit de la rencontre entre des êtres vivants variés et leur environnement.</p></li>
</ul>
<p>La biodiversité est donc présente dans tout ce qui nous entoure, y compris en ville et à la campagne, dans les terres, les mers et les rivières. Sa disparition pose problème pour trois raisons principales.</p>
<h2>La biodiversité a le droit d’exister</h2>
<p>Nous constatons aujourd’hui que les <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">activités humaines menacent la biodiversité</a> : sur environ huit millions d’espèces animales et végétales connues, près d’un million est menacé d’extinction.</p>
<p>Or on peut considérer que chaque être vivant a le droit d’exister sur cette planète : cette dernière est un lieu de vie pour toutes et tous, pas seulement pour les humains. Ainsi, chaque être a une valeur en soi (valeur intrinsèque) et devrait à ce titre pouvoir vivre, même si les humains le jugent inutile.</p>
<h2>La biodiversité est nécessaire au bien-être des humains</h2>
<p>Si vous pensez à ce que vous mangez chaque jour, vous réaliserez que tout est fourni par la biodiversité. La viande provient de divers animaux élevés ou chassés (poules, vaches, sangliers, etc.). Le pain et les pâtes sont préparés à partir de céréales comme le blé.</p>
<p>La biodiversité est aussi indispensable pour se soigner : la plupart des médicaments que nous utilisons sont issus des plantes et, dans beaucoup de pays, on utilise encore les plantes médicinales directement. Par exemple, le thym (<em>Thymus vulgaris</em>) peut être employé en décoction contre la toux et les bronchites. La molécule qu’il contient, le thymol, entre dans la composition de certains médicaments.</p>
<p>Sur un autre plan, les forêts sont particulièrement importantes, car elles participent à rendre l’eau que nous buvons potable, à limiter l’érosion des sols et à réguler le climat.</p>
<p>Par conséquent, les humains ne pourraient tout simplement pas vivre sans la biodiversité. Elle est importante parce qu’elle est utile à notre bien-être : on parle de valeur instrumentale. Bien qu’un peu égoïste, c’est un bon argument pour en prendre soin.</p>
<h2>Les humains entretiennent des relations intimes avec la biodiversité</h2>
<p>Au même titre que les relations amicales et familiales, les humains ont parfois des relations très profondes et intimes avec la biodiversité.</p>
<p>Par exemple, certaines personnes sont attachées aux rivières ou aux montagnes où elles ont grandi, ces lieux étant associés à des souvenirs. À leurs yeux, aucune autre rivière ou montagne ne peut les remplacer. On associe aussi l’identité de certains pays à la biodiversité : l’érable est le symbole du Canada, tandis que le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Arbre_du_voyageur">ravinala (ou arbre du voyageur)</a> et le lémurien sont ceux de Madagascar. De même, la population française est associée au coq ou aux grenouilles. Qu’adviendrait-il de ces identités si ces espèces venaient à disparaître ?</p>
<p>C’est ce qu’on appelle la valeur relationnelle de la biodiversité : elle est importante parce qu’elle définit qui nous sommes, notre histoire et notre identité. C’est d’ailleurs en <a href="https://theconversation.com/comment-avoir-envie-de-preserver-une-nature-dont-on-seloigne-de-plus-en-plus-198007">se reconnectant à la biodiversité</a> que l’on pourra en avoir davantage conscience.</p>
<p>Ce sont ces trois grandes valeurs (d’existence, d’utilité et relationnelle) qui rendent la biodiversité si importante et irremplaçable. Il est donc crucial d’en prendre soin et de faire preuve de réciprocité vis-à-vis d’elle.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre. En attendant, tu peux lire tous les articles <a href="https://theconversation.com/fr/topics/the-conversation-junior-64356">« The Conversation Junior »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220563/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Blanco a reçu des financements de diverses institutions et fondations pour ses différentes recherches, dont notamment l'Institut de Recherche pour le Développement, la Fondation de France et la Fondation Agropolis. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sarah Paquet est membre de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Elle reçoit un financement de l'Agence française de développement (AFD) pour son travail de thèse.</span></em></p>La biodiversité est menacée sur notre planète. Au-delà des services indispensables qu’elle nous rend, il est crucial de la préserver, car elle contribue à notre identité et a le droit d’exister.Julien Blanco, Chercheur en ethnoécologie, Institut de recherche pour le développement (IRD)Sarah Paquet, Doctorante en économie écologique, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201312023-12-21T14:28:23Z2023-12-21T14:28:23ZLa faim justifie les moyens – quand l’ours polaire s’attaque à l’oie des neiges<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566997/original/file-20231220-19-d2je5g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C989%2C745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>C’est durant l’hiver que les ours polaires (<em>Ursus maritimus</em>) constituent leurs <a href="https://doi.org/10.1086/physzool.69.2.30164186">réserves de graisses</a>. La chasse intensive de phoques – une ressource <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">riche en gras</a> – leur permet d’emmagasiner assez d’énergie pour traverser l’été.</p>
<p>Avec le réchauffement du climat, les opportunités de chasse sur la banquise <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.12685">diminuent</a>. Et les experts estiment qu’il n’y a pas assez de nourriture sur la terre ferme pour compenser la <a href="https://doi.org/10.1890/140202">diminution des réserves énergétiques chez les ours</a>.</p>
<p>Face à ces changements, certains individus profitent des colonies <a href="https://doi.org/10.1098/rspb.2013.3128">d’oiseaux nicheurs et de leurs œufs</a>, l’une des rares ressources faciles à obtenir sur la terre ferme, pour combler en partie leurs déficits énergétiques. Les adaptations que les ours devront déployer pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques sont multiples et imprévisibles.</p>
<p>Étudiant-chercheur en écologie, je profitais d’un court séjour au nord de l’île de Baffin, au Nunavut, pour travailler sur la petite faune de l’île Bylot. Le temps d’un après-midi, un ours polaire en a décidé autrement. Nous vous livrons ici ses prouesses, qui ont mené à l’observation d’un comportement inédit.</p>
<h2>L’observation inusitée – l’ours polaire en eau douce</h2>
<p>Nous sommes le 8 août 2021. À 80 km de la communauté inuite de Mittimatalik, le camp de recherche de l’île Bylot fourmille d’activité.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/as-2023-0029">Établi depuis 30 ans</a>, il est situé en plein cœur de l’aire d’élevage de la plus grande colonie connue d’oie des neiges (<em>Anser caerulescens caerulescens</em>). Aujourd’hui, les scientifiques de différents horizons parcourent le fond de la vallée Quarliktuvik – généralement plat – pour étudier le sol, l’eau, les plantes et la faune.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Bylot Island main research station TimMoser x" src="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=246&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566995/original/file-20231220-25-jybcic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=310&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le camp de recherche de l’île Bylot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Tim Moser)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En sortant d’un ravin, l’un des rares reliefs des environs, je balaie la vallée de mes jumelles. Deux paires de jambes retiennent mon attention au loin. Les brumes de chaleur brouillent l’image, mais ce que je considérais être des collègues marchant côte à côte prend soudainement la forme floue – mais caractéristique – d’un ours polaire. Bien que tous aient l’équipement nécessaire – vaporisateurs chasse-ours, cartouches anti-ours et parfois même un fusil – je retourne <em>presto</em> au camp après avoir alerté le groupe par radio.</p>
<p>Plusieurs collègues se sont regroupés sur une petite colline pour garder à l’œil le nouveau venu. En effet, le temps que je parcoure le kilomètre me séparant du camp, <em>nanuk</em> en avait fait trois dans sa direction et s’affairait autour d’un étang occupé par des oies. À cette période de l’année, <a href="https://doi.org/10.1111/jav.00982">celles-ci sont en mues</a> – donc incapables de voler – et s’attroupent près des étangs pour échapper au <a href="https://doi.org/10.14430/arctic604">renard arctique (<em>Vulpes lagopus</em>)</a>, qui dédaigne de se jeter à l’eau. Avec un ours dans les parages, les activités sur le terrain cessent et nous profitons de cet après-midi radieux pour observer le roi de la banquise.</p>
<p>Fidèles à leur habitude, les oies se sont réfugiées dans l’étang le plus proche à la vue du danger. Elles pataugent suffisamment rapidement pour maintenir l’ours, qui nage à la surface, à une bonne distance.</p>
<p>Celui-ci utilise alors une technique inédite : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, et sort sous l’une d’elle.</p>
<p>Ma collègue Mathilde Poirier consigne ce comportement dans son carnet :</p>
<blockquote>
<p>13h45 – 14h00 : l’ours nage dans le lac […], effectue 4 plongées pour essayer d’attraper une oie. Réussi à sa 4<sup>e</sup> tentative (attrape l’oie par en dessous, lors d’une plongée).</p>
</blockquote>
<p>Au cours de l’après-midi, l’ours utilise cette technique deux autres fois, avec un échec et une réussite.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566996/original/file-20231220-19-utj9iv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Nous avons observé une technique de chasse inédite chez un ours polaire : il plonge sous l’eau, disparaît aux yeux des oies qui cessent de fuir, puis sort sous l’une d’elle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Madeleine-Zoé Corbeil-Robitaille)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Quels bénéfices les ours peuvent-ils tirer de ce comportement ?</h2>
<p>Deux mois plus tard, de retour l’Université Laval, cette observation nous fascine toujours. Nulle part dans la littérature scientifique ne fait-on mention d’un tel comportement. Au mieux, on y rapporte des <a href="https://doi.org/10.33265/polar.v41.8176">attaques sur des guillemots dans l’océan</a>, près des côtes, un environnement fort différent des étangs calmes et peu profond où nous avons observé les attaques.</p>
<p>Étant au fait des <a href="https://doi.org/10.1890/140202">défis énergétiques</a> auxquels font face les ours durant l’été, notre groupe de recherche a voulu répondre à la question suivante : est-ce que cette technique de chasse permettrait à l’ours polaire de bénéficier de la consommation d’oie des neiges ?</p>
<p>L’information consignée sur le terrain, soit le temps nagé par l’ours et son succès de chasse, nous permettait justement d’y répondre. En combinant nos observations avec des <a href="https://doi.org/10.1007/s00300-017-2209-x">estimations du coût énergétique</a> de la nage chez l’ours et <a href="https://doi.org/10.1093/conphys/cow045">l’énergie contenue dans une oie des neiges</a>, nous avons pu modéliser l’efficacité énergétique de la technique.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1139/AS-2023-0036">Ces calculs révèlent</a> que cette technique de chasse pourrait permettre aux ours d’acquérir plus d’énergie qu’ils n’en dépensent, particulièrement pour les ours de petite taille, et s’ils arrivent rapidement à attraper l’oie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="ours polaire" src="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566994/original/file-20231220-25-lint0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ours en question s’affairait autour d’un étang occupé par des oies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Yannick Seyer)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Un apport énergétique qui est loin d’être suffisant</h2>
<p>Cet apport énergétique aurait toutefois une portée très limitée.</p>
<p>Tout d’abord, une oie fournit relativement peu d’énergie – environ 200 fois moins qu’un <a href="https://doi.org/10.1139/z75-117">phoque annelé de 45 kilogrammes</a>.</p>
<p>De plus, elles sont rarement disponibles comme proies : elles perdent la capacité de voler seulement 3 ou 4 semaines chaque été et leurs colonies sont situés à <a href="http://dx.doi.org/10.1002/jwmg.879">quelques endroits</a> seulement dans l’arctique.</p>
<p>La chasse d’oies pourrait donc bénéficier ponctuellement à certains ours, mais ne permettra pas, à l’échelle de la population, d’alléger les déficits énergétiques causés par la fonte de la banquise.</p>
<p>Bien que notre observation souligne l’éventail comportemental que peuvent déployer les ours pour exploiter les ressources terrestres, ce type d’interaction entre l’oie des neiges et l’ours polaire ne devrait pas avoir d’impact sur les populations des deux espèces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220131/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Bolduc a reçu des financements du PFSN et de l'Association canadienne pour le trappage sans cruauté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthieu Weiss-Blais a reçu des financements de CRSNG, FRQNT, PFSN. </span></em></p>Des chercheurs ont fait une observation fascinante : un ours polaire a employé une technique de chasse en plongée, encore jamais rapportée, pour capturer de grandes oies des neiges en mue.David Bolduc, Étudiant au doctorat en écologie animale, Université LavalMatthieu Weiss-Blais, Étudiant la maîtrise en biologie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201012023-12-20T19:57:19Z2023-12-20T19:57:19ZComment la faune asiatique a remplacé les animaux européens il y a 34 millions d’années<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566845/original/file-20231220-29-kfaycr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C2753%2C2270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le renouvellement faunique de la Grande Coupure. A gauche, les espèces européennes, à droite celles asiatiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe & Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>D’où viennent les animaux qui nous entourent aujourd’hui ? Un événement majeur a eu lieu il y a environ 34 millions d’années, connu sous le nom de <a href="https://theconversation.com/balkanatolie-le-continent-disparu-pour-la-migration-de-la-faune-asiatique-vers-leurope-178371">« Grande Coupure »</a>. À cette époque, une grande partie de la faune européenne s’est éteinte, remplacée par des animaux d’origine asiatique. <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2309945120">Nous venons de publier nos travaux dans la revue PNAS</a>, qui permettent de mieux comprendre cette étape charnière.</p>
<p>Nous nous sommes intéressés à des fossiles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mammiferes-76470">mammifères</a> artiodactyles (représentés aujourd’hui par les cochons, les ruminants, les chameaux, les hippopotames et les cétacés). Ces derniers sont particulièrement abondants dans des gisements du sud-ouest de la France comme dans la région du Quercy en Occitanie.</p>
<p>Nos travaux indiquent que 77 % des espèces endémiques européennes se sont éteintes et ont été remplacées par des espèces immigrantes asiatiques composées de cochons et de ruminants.</p>
<p>Jusqu’à présent la communauté scientifique pensait que cette extinction massive était principalement due à une concurrence active avec les espèces asiatiques qui aurait limité l’accès aux ressources alimentaires pour les espèces endémiques et ainsi mené à leur l’extinction. Notre étude réfute cette hypothèse.</p>
<p>Il semble en effet que les bouleversements climatiques de cette époque nommée transition Eocène-Oligocène soient le facteur principal de l’extinction des espèces d’artiodactyles endémiques en Europe occidentale.</p>
<h2>Une extinction massive et historique</h2>
<p>On estime aujourd’hui que 99 % des espèces ayant existé sur Terre sont maintenant éteintes. C’est pourquoi comprendre les raisons de l’extinction des espèces est devenu un sujet central en biologie évolutive et en paléontologie. Après l’extinction massive des dinosaures non aviaires, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-3003-4">transition Éocène-Oligocène</a>, il y a 34 millions d’années, coïncide avec l’un des principaux événements d’extinction de ces 66 derniers millions d’années.</p>
<p>Cette transition est associée à un <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.aba6853">refroidissement global de la planète</a>, estimé autour de 5 °C, à une baisse importante du niveau des mers et à la mise en place de la calotte antarctique. Cette baisse ainsi que les mouvements tectoniques initiés par la remontée de l’Afrique ont permis l’émergence de terres qui ont pu servir de voies migratoires aux mammifères asiatiques vers l’Europe occidentale. Il faut bien imaginer qu’entre 50 et 34 millions d’années les deux continents étaient séparés par une mer.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1144/0016-764903-09">Deux hypothèses</a> sont régulièrement proposées pour expliquer l’extinction des espèces insulaires européennes : le refroidissement rapide et global lors de la transition Éocène-Oligocène et les interactions compétitives avec la faune immigrante venue d’Asie. C’est dans le but de déterminer les facteurs sous-jacents à cet évènement d’extinction que nous avons compilé et analysé un ensemble de fossiles de mammifères artiodactyles (plus de 2 100 fossiles analysés) provenant de la région des phosphorites du Quercy. Les phosphorites du Quercy couvrent sur plus de 1800km2 de nombreuses fissures et cavités remplies de sédiments argileux et phosphatés. Durant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, beaucoup d’entre elles ont été entièrement ou partiellement vidées en raison d’une <a href="https://doi.org/10.30486/gcr.2021.1913051.1050">phase intense d’exploitation minière des phosphates</a> et ont livré de nombreux restes fossiles de vertébrés, d’insectes et végétaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=177&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566883/original/file-20231220-21-q4b894.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossiles de mammifères artiodactyles des phosphorites du Quercy.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maëva Orliac</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette zone fossilifère est réputée aujourd’hui mondialement pour la préservation et l’abondance exceptionnelle de fossiles qu’elle renferme. On dénombre en effet dans cette région plus de 180 gisements fossilifères ayant enregistrés des assemblages fauniques locaux, parfois séparés dans le temps par <a href="https://www.researchgate.net/publication/310752023_Sur_l%27age_numerique_des_faunes_de_mammiferes_du_Paleogene_d%27Europe_occidentale_en_particulier_celles_de_l%27Eocene_inferieur_et_moyen">moins de 1 million d’années</a>.</p>
<p>L’ensemble de ces gisements fournit une fenêtre temporelle unique pour étudier les processus et les mécanismes de diversification des mammifères, puisqu’ils couvrent en continu une période allant de l’Éocène moyen jusqu’au début de l’Oligocène supérieur (-42 à 24 Ma), encadrant ainsi parfaitement la transition Eocène-Oligocène.</p>
<p>Nous avons donc dans notre étude estimé la dynamique de diversité des espèces de mammifères artiodactyles en Europe occidentale, en s’appuyant sur des <a href="https://doi.org/10.1111/2041-210X.12263">méthodes statistiques</a> prenant en compte la qualité de préservation du registre fossile.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566884/original/file-20231220-29-390gqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cavité karstique des phosphorites du Quercy contenant des sédiments riches en fossiles de mammifères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Romain Weppe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’Éocène, les artiodactyles constituent en Europe occidentale un des groupes de mammifères endémiques les plus diversifiés. Les conditions tropicales et favorables de cette période leur ont permis de développer des adaptations écologiques variées (arboricolie, bipédie occasionnelle, amphibiose, insectivorie). Vers la fin de l’Éocène, la diversité du groupe culmine même à des valeurs de diversité équivalente à celles des plaines africaines aujourd’hui.</p>
<p>Cependant, ce groupe florissant a connu une extinction dramatique à la transition Eocène-Oligocène. Nos résultats mettent en effet en évidence que 77 % des espèces d’artiodactyles endémiques se sont éteintes lors de cet évènement, et que les niches écologiques libérées ont permis à la faune d’artiodactyles immigrants et modernes de s’installer, principalement composées de cochons et de ruminants. Nos résultats réfutent également l’hypothèse d’une compétition entre les espèces endémiques et immigrantes, mais suggèrent plutôt que le changement climatique est responsable du déclin des espèces endémiques européennes. En effet, le changement et la diminution brutale du type et de l’abondance des ressources alimentaires disponibles n’ont pas laissé le temps aux espèces endémiques de s’adapter, donnant aux espèces immigrantes l’opportunité de les remplacer.</p>
<p>De futures études examinant et compilant les occurrences fossiles d’autres groupes de mammifères comme celui des rongeurs, des carnivores et des périssodactyles (regroupant aujourd’hui les chevaux, les rhinocéros et les tapirs), permettront sans aucun doute d’améliorer notre compréhension du renouvellement faunique majeur européen d’il y a 34 millions.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE02-0003">DEADENDER</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Weppe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Saviez-vous que les animaux qui nous entourent aujourd’hui en Europe viennent majoritairement d’Asie ? Une nouvelle étude vient expliciter les mécanismes derrière cette évolution.Romain Weppe, Paléontologue à l'Institut des Sciences de l'Évolution de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196662023-12-20T19:54:58Z2023-12-20T19:54:58ZUne forêt tropicale à Paris<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566323/original/file-20231218-28-xc0jy3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C35%2C2939%2C2913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Paris a déjà connu un climat tropical, il y a plusieurs dizaines de millions d’années. Attention aux marécages en allant au travail&nbsp;!</span> <span class="attribution"><span class="source">Sophie Fernandez, MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Avec l’augmentation moyenne des températures à la surface de la Terre, Paris verra-t-elle un climat tropical et des jungles marécageuses s’installer ?</p>
<p>Si, dans l’histoire de la Terre, Paris a déjà été une zone tropicale, les causes du réchauffement étaient alors extrêmement différentes, et les changements climatiques beaucoup plus lents, étalés sur quelques milliers ou millions d’années.</p>
<p>Je vous propose de mieux comprendre comment des plantes tropicales en sont venues à dominer la végétation du Bassin parisien il y a des dizaines de millions d’années, pour comprendre comment la situation est différente aujourd’hui.</p>
<h2>Un réchauffement brutal et sans précédent</h2>
<p>À la fin du Paléocène, il y a 56 millions d’années, il faisait déjà plutôt chaud sur la Terre par rapport à aujourd’hui. La <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a11">moyenne annuelle des températures avoisinait alors les 20 °C dans le nord de la France</a> et la moyenne des précipitations annuelles était supérieure à 1200 millimètres, contre environ 10 °C et 630 millimètres en moyenne aujourd’hui.</p>
<p>Puis, un relargage massif de carbone dans l’atmosphère, probablement d’origine volcanique, a provoqué une instabilité du cycle du carbone. Il aurait été suivi de la fonte du permafrost (partie du sol qui reste gelée pendant plus de deux ans), provoquant un autre relargage massif de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait provoqué un emballement.</p>
<p>L’augmentation de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a alors provoqué un réchauffement climatique sans précédent, global et « brutal » — brutal à l’échelle géologique, j’entends.</p>
<p>En quelques milliers d’années, au début de l’Éocène — époque géologique qui succède au Paléocène, et qui s’étend entre 56 et 47,8 millions d’années — on aurait enregistré jusqu’à 8 °C d’augmentation des températures continentales à l’échelle mondiale !</p>
<h2>Les forêts parisiennes s’adaptent au réchauffement</h2>
<p>À la fin du Paléocène, avant le réchauffement, la végétation autour de Paris était très différente de ce que l’on connaît actuellement : il s’agissait d’une mosaïque écologique fossile où les groupes tropicaux à subtropicaux dominent, tandis que les familles aujourd’hui dominantes des milieux tempérés (par exemple les <em>Fagaceae</em>, la famille du chêne) semblent être secondaires.</p>
<p>C’est le paléobotaniste Gaston de Saporta (1823-1895) qui l’a mis en évidence, à travers l’étude des feuilles fossilisées dans des <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/3091-prodrome-d-une-flore-fossile-des-travertins-anciens-de-sezanne">travertins anciens, dits « de Sézanne »</a>, dans la Marne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un fossile et une feuille actuelle" src="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565738/original/file-20231214-29-she0di.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un fossile de feuille de <em>Quercites</em> (famille du chêne) retrouvé dans les travertins de Sézanne dans la Marne, et un analogue, <em>Quercus glauca</em>, observé aujourd’hui au Japon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193862334">RECOLNAT (ANR-11-INBS-0004) — Jocelyn FALCONNET — 2017, MNHN (gauche) et renshuchu, iNaturalist (droite)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De fait, la végétation et la faune ont réagi au bouleversement climatique. Mais celui-ci n’a pas représenté une crise de la biodiversité à proprement parler : certains groupes se sont réduits, tandis que d’autres se sont largement diversifiés. Côté animal, des groupes mammifères dits « modernes », comme les périssodactyles (l’ordre du zèbre ou du rhinocéros) et les primates, sont apparus et se sont diversifiés.</p>
<p>Chez les plantes, dans le Bassin parisien, les forêts subtropicales sont devenues plus riches en éléments tropicaux, avec en particulier la diversification des groupes lianescents — du style de celles que l’on trouve aujourd’hui dans les tropiques américains et les régions subtropicales africaines et asiatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566269/original/file-20231218-25-fcjdpq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une forêt subtropicale lianescente humide d’aujourd’hui, à Xishuangbanna dans le Yunnan, en Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Del Rio</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une flore similaire au Sud-Est asiatique d’aujourd’hui</h2>
<p>L’étude de l’Éocène, la période qui fait suite à ce réchauffement soudain, débute avec Adolphe Watelet (1839-1899). À partir de feuilles, de fruits et de graines, celui-ci a délimité 52 familles et 103 genres de végétaux, mais sans pour autant en déduire quoi que ce soit sur le climat et le type de flore présente à cette époque.</p>
<p>Puis, Paul-Honoré Fritel (1867-1927) a repris les études de Watelet en les critiquant sévèrement — les conflits scientifiques ne datent pas d’hier ! Il a ainsi pu réduire drastiquement le nombre d’espèces décrites par Watelet, mais a aussi augmenté son analyse avec les découvertes de feuilles de Sabal (palmiers) ainsi que d’inflorescences d’Aracées (la famille des arums).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="comparaison d’un fossile de palme et d’un palmier actuel" src="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566273/original/file-20231218-20-k6ox1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un fossile de palme retrouvé dans le Bassin parisien et provenant de l’Éocène (gauche). À droite, un palmier Sabal — un analogue actuel — pris en photo en 2023 en Floride.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/193524095">Cédric Del Rio (MNHN) et ryanhodnett, iNaturalist</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Paul-Honoré Fritel <a href="https://patrimoine.sorbonne-universite.fr/fonds/item/2898-etude-sur-les-vegetaux-fossiles-de-l-etage-sparnacien-du-bassin-de-paris?offset=17">a exploité ces données ainsi que de nouvelles découvertes paléobotaniques</a> pour obtenir une approximation du climat de l’époque et de sa paléobiogéographie à l’aide d’une « approche actualiste » : il compare les tolérances climatiques des proches parents actuels des groupes éteints qu’il décrit.</p>
<p>Il en conclut que les analogues des fossiles présents durant l’Éocène sont à chercher dans les flores actuelles tropicales et subtropicales d’Amérique (<em>Sabal</em>, <em>Taxodium</em>, <em>Sequoia</em>) ainsi qu’Africaines et Asiatiques (<em>Asplenium</em>, <em>Salvinia</em>).</p>
<p>Avec les <a href="https://doi.org/10.5252/geodiversitas2020v42a2">études suivantes</a>, autant en botanique qu’en <a href="https://doi.org/10.1016/j.revpalbo.2005.02.005">paléobotanique</a>, les chercheurs contemporains ont conclu que les flores Éocène du bassin de Paris étaient finalement plutôt similaires aux flores actuelles du Sud-Est asiatique.</p>
<p>En somme, le réchauffement Paléocène-Éocène a vu la transition d’une végétation mosaïque qui incluait déjà des espèces tropicales et subtropicales, vers une végétation plus strictement tropicale.</p>
<h2>L’apport des pollens</h2>
<p>Si les premiers paléobotanistes nous ont appris ainsi quelles plantes étaient présentes à cette époque à partir de sites isolés, c’est l’avènement dans les années 1950 des études des grains de pollen et des spores, ou « palynologie », qui a permis d’avoir une vue régionale des écosystèmes présents au niveau du Bassin de Paris.</p>
<p>Au niveau du Bassin parisien, l’étude des grains de pollen a montré qu’<a href="https://www.abebooks.fr/Etude-palynologique-gisements-sparnacien-Bassin-Paris/16351549141/bd">on retrouvait essentiellement des forêts subtropicales à tropicales marécageuses et humides durant l’Éocène</a> à l’issue du réchauffement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une fleur conservée dans de l’ambre et une liane actuelle de la même famille" src="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565813/original/file-20231214-29-tayvs1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une fleur retrouvée dans de l’ambre, de l’espèce <em>Icacinanthium tainiaphorum</em> (gauche). Si cette fleur appartient à un groupe éteint, on retrouve aujourd’hui des plantes de la même famille en Asie du Sud Est — ici une plante du genre <em>Iodes</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/83583160">Cédric Del Rio, MNHN (gauche) et inaturalist (droite)</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En particulier, le site de Le Quesnoy, découvert en 1999 dans l’Oise, contient du pollen, ainsi que des fruits, graines, bois et <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-017-11536-y">même de l’ambre</a> (résine fossile produite par des conifères ou plantes à fleurs). Ce site, daté du début de l’Éocène, enregistre une palynoflore (flore décrite à partir du pollen) associée à des prairies et forêts marécageuses (par exemple <em>Gyptostrobus</em>, <em>Restionaceae</em>, <em>Sabal</em>) ainsi qu’à des forêts denses humides (par exemple <em>Icacinaceae</em>, <em>Sapotaceae</em>, <em>Myricaceae</em>).</p>
<h2>Réaction des flores au changement climatique</h2>
<p>Après le réchauffement, la forêt locale ne semble pas avoir de différences majeures dans sa composition. L’<a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">étude récente des noyaux de fruits d’Icacinaceae et d’Anacardiaceae (la famille du manguier)</a> a mis en évidence, au regard d’autres gisements plus anciens, une continuité des flores au niveau du bassin de Paris avant et après la limite Paléocène-Éocène/le réchauffement : l’évolution de la biodiversité dans le temps s’est faite sans rupture majeure.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="fossile de fruit et lame mince pour voir graine, noyau, et pulpe" src="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565816/original/file-20231214-19-56ft3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fossile de fruit d’<em>Anacardiaceae du genre _Cyrtocarpa</em>_, à droite. La lame mince présentée à gauche permet de distinguer la graine en blanc au centre, le noyau qui l’entoure en noir, et, sur la périphérie, les cellules blanches et allongées montrent la pulpe du fruit. Un représentant de la famille moderne est la mangue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/10.1086/723841">Cédric Del Rio, MNHN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Ainsi, les flores tropicales et subtropicales parisiennes, déjà adaptées à des climats tropicaux durant le Paléocène, n’ont pas particulièrement souffert du réchauffement brutal du début de l’Éocène. On observe même une légère tendance — à confirmer quantitativement par des études plus nombreuses — à l’accroissement de la diversité spécifique locale.</p>
<h2>Aujourd’hui, des impacts climatiques très différents</h2>
<p>Ce constat n’est pas transposable à la situation actuelle. Le réchauffement brutal du climat arrive dans un tout autre contexte floristique, où Paris et sa région sont dominés par une flore tempérée, adaptée aux périodes froides.</p>
<p><a href="https://hal.science/hal-00756083/">Notre flore est donc plus fragile aux chaleurs excessives</a>. C’est alors bien une <a href="https://www.onf.fr/vivre-la-foret/raconte-moi-la-foret/comprendre-la-foret/foret-et-changement-climatique">perte et non un gain de biodiversité</a> qu’attendent nos flores dans les années à venir, comme le <a href="https://www.ign.fr/files/default/2023-10/memento_oct_2023.pdf">montre déjà le dépérissement des arbres dans nos forêts</a>.</p>
<p>De nos jours, la végétation du Bassin parisien ne comprend pas d’espèces tropicales — pas à l’état sauvage du moins. La flore d’aujourd’hui est le résultat d’une histoire évolutive longue, marquée par une sélection positive des groupes tempérés au cours des refroidissements durant la fin du Paléogène, du Néogène (entre 23,03 et 2,58 millions d’années) et du Quaternaire (de 2,58 millions d’années à nos jours). Les températures excessives, ce n’est pas leur fort !</p>
<p>De plus, le réchauffement observé actuellement est bien plus brusque que le réchauffement considéré comme « brutal » par les géologues. Les changements climatiques de la limite Paléocène-Eocène, quoique rapides, permettent la mise en place de dynamiques de transitions au sein des écosystèmes à travers les générations. Le changement climatique actuel s’effectue, lui, à l’échelle d’une seule génération pour un arbre commun tel que le chêne ou le hêtre.</p>
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<p><em>Le dessin illustrant la tête de cet article est de Sophie Fernandez, illustratrice scientifique au Centre de recherche en Paléontologie-Paris, MNHN. L’auteur souhaite saluer le travail de ses collègues illustrateurs, qui permettent de donner vie à des données scientifiques parfois un peu brutes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Del Rio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il était une fois, il y a bien longtemps, une jungle tropicale à Paris. Partez à la découverte de ses fleurs, ses fruits, et ses lianes.Cédric Del Rio, Maître de conférences en Paléobotanique, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2128202023-12-20T19:54:52Z2023-12-20T19:54:52ZPour sauver nos systèmes alimentaires, restaurer nos sols en séquestrant le carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559326/original/file-20231114-27-fuboi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme frottant de la terre dans ses mains</span> <span class="attribution"><span class="source">Photo de Eddie Kopp sur Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>On estime aujourd’hui que 70 % des écosystèmes terrestres (libres de glace) ont été transformés par rapport à leur état naturel, et que <a href="https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC111155">35 % des terres sont utilisées à des fins agricoles</a>. En raison de pratiques inadaptées, un cinquième (soit plus de 2 milliards d’hectares) est par ailleurs <a href="https://doi.org/10.4060/cb7654fr">désormais considéré comme dégradé</a>. Si cette détérioration se poursuit à un rythme similaire, il y aura près <a href="https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/goal-15/">d’un milliard d’hectares supplémentaires de terres dégradées d’ici à 2030</a>, ce qui équivaut au total mondial des engagements de restauration des pays.</p>
<p>Pour rappel, la Convention des Nations unies de lutte contre la désertification définit les terres comme <a href="https://www.unccd.int/resource/convention-text">« le système bioproductif terrestre qui comprend le sol, la végétation, d’autres biotes et les processus écologiques et hydrologiques qui opèrent dans le système »</a>. Elles sont ainsi considérées comme un bien public fournissant de la nourriture, de l’eau, du bois de chauffage, des plantes médicinales, régissant les cycles du carbone et de l’azote, tout en apportant aux populations sécurité, statut, identité sociale, mais également dignité.</p>
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<p>Alors que leur rôle dans les systèmes alimentaires est essentiel, la capacité des terres à soutenir la <a href="https://theconversation.com/reconcilier-engrais-mineraux-et-agroecologie-une-piste-pour-nourrir-les-populations-dafrique-de-louest-214183">production de nourriture</a> pour l’homme et les animaux d’élevage et sauvages, apparaît pourtant en danger.</p>
<h2>Révolution verte et croissance démographique</h2>
<p>La dégradation des terres est l’aboutissement d’un long processus. Il y a plus de 12 000 ans que les activités humaines (chasse, pêche, défrichement, agriculture) ont altéré les écosystèmes, détournant à leurs profits les services rendus par les terres. Cette révolution, parfois nommée « Révolution néolithique », <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.0950-0804.2005.00259.x">a façonné les sociétés et les populations</a>.</p>
<p>L’expansion agricole s’est ensuite répandue sur tous les continents, accélérant ces transformations et conduisant, dans les années 1960, à ce qui est communément appelé la <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/revolution-verte">« Révolution verte »</a>. Fondée sur les progrès scientifiques et techniques, notamment dans le domaine de la fabrication des engrais, de la sélection variétale et de la mécanisation, elle a été soutenue par une politique d’intensification agricole qui a participé à la dégradation des terres.</p>
<p>Dans le même temps, la <a href="https://theconversation.com/nourrir-11-milliards-de-personnes-cest-possible-48117">population humaine a bondi</a>. On estime que 8,5 milliards de personnes <a href="https://theconversation.com/combien-dhumains-demain-les-nouvelles-projections-de-lonu-118798">peupleront la planète d’ici à 2030</a>. Une démographie qui va de pair, inévitablement, avec l’augmentation de la consommation alimentaire. Dans la première moitié de ce siècle, il faut s’attendre à une <a href="https://www.fao.org/home/fr">progression de 70 % de la demande mondiale d’aliments</a> destinés à la consommation humaine ou animale.</p>
<h2>Le changement climatique, facteur aggravant</h2>
<p>En parallèle, les manifestations répétées des changements climatiques d’origine anthropique (sécheresses, inondations, fortes chaleurs) viennent fragiliser davantage la capacité des systèmes alimentaires à répondre aux besoins d’une population mondiale en pleine croissance.</p>
<p>Ainsi, en <a href="https://www.fao.org/faostat/en/#data">combinant des données agricoles</a> avec une base de données sur les <a href="https://emdat.be">catastrophes météorologiques extrêmes</a> en Europe, une étude a montré, en 2021, que les pertes agricoles liées à la sécheresse avaient triplé sur la période 1990-2015 <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/abf004">par rapport à la période 1965-1990</a>.</p>
<p>Les sécheresses et les vagues de chaleur historiques ont réduit les rendements céréaliers européens en moyenne de 9 % et 7,3 %. Ceux des cultures non céréalières ont diminué de 3,8 % et de 3,1 % au cours de la même série d’événements. En France, la <a href="https://www.researchgate.net/publication/282915777">sécheresse de 2005</a> a mené à des pertes de rendements allant de 7 à 18 % pour le blé et pouvant atteindre près de 20 % pour le maïs.</p>
<h2>À chaque sol son usage</h2>
<p>On parle de sols dégradés, mais que sont des sols « sains » ? Des chercheurs les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">ont définis</a> comme « des sols qui abritent une diversité d’organismes contribuant à sa fertilité, qui ne polluent pas leur environnement et qui sont riches en matières organiques ». Ils sont alors en mesure d’assurer l’ensemble des services qu’ils peuvent rendre aux écosystèmes (production, atténuation et adaptation au changement climatique notamment).</p>
<p>Agir sur la santé des sols pour que les systèmes alimentaires soient plus durables exige donc des solutions adaptées localement, c’est-à-dire déterminées en fonction du stock de matière organique du sol et de sa biodiversité. Autrement dit, de sa capacité à générer durablement les services écosystémiques nécessaires pour répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre leur capacité à répondre à ceux de demain.</p>
<p>Si on envisage la gestion des terres sous l’angle de leur potentiel, et non seulement de la production, il est ainsi possible de proposer des modes d’usage des terres qui tiennent aussi en compte des enjeux de biodiversité et des autres services rendus par les terres (services culturels, etc.). Il est contre-productif de vouloir, au détriment des enjeux de biodiversité par exemple, faire travailler une terre au-delà de son potentiel. Il n’y a donc pas un mode unique de gestion des terres, ce dernier dépend du contexte local.</p>
<h2>Initiatives pour améliorer la gestion des terres</h2>
<p>Pour répondre à ces dégradations des terres, de nombreux projets existent. <a href="https://agriculture.gouv.fr/animation-sequestration-du-carbone-comprendre-le-4-pour-1000-en-3-minutes">L’Initiative « 4 pour 1000</a> des sols pour la sécurité alimentaire et le climat » est l’une des plus ambitieuses et emblématiques. Cette démarche internationale fédère tous les acteurs volontaires du public et du privé (États, collectivités, entreprises, organisations professionnelles, ONG, établissements de la recherche…) afin d’apporter des solutions concrètes au défi posé par les dérèglements climatiques et la sécurité alimentaire.</p>
<p>À l’échelle des territoires, de nombreuses démarches s’attachent à définir avec les acteurs locaux des solutions de gestion durable. C’est le cas du <a href="https://dscatt.net/FR/">projet DSCATT</a>, « Dynamique de la séquestration du carbone dans les sols des systèmes agricoles tropicaux Sénégal, Zimbabwe) et tempéré France) ». Initié en 2019, il vise à explorer le potentiel de séquestration du carbone dans les sols cultivés tout en considérant le développement durable des systèmes agricoles dans un contexte de changements globaux ».</p>
<h2>Quand l’agriculture permet de piéger le carbone</h2>
<p>La séquestration du carbone exprime le stock net entre tous les flux de carbone provenant de l’atmosphère qui entrent dans le sol via la biomasse végétale et tous les flux de carbone émis depuis le sol vers l’atmosphère. <a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">Car les sols ont eux aussi la capacité de piéger le CO<sub>2</sub> de l’atmosphère</a>.</p>
<p>Connaître ce potentiel est un élément clé pour l’aide à la décision et le déploiement de pratiques adaptées à la diversité des contextes, en fonction du type d’agriculture et de la nature des sols. Le stock de carbone organique est en effet l’un des déterminants majeurs de nombreuses fonctions du sol.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pieger-le-carbone-dans-le-sol-ce-que-peut-lagriculture-216768">Piéger le carbone dans le sol : ce que peut l’agriculture</a>
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<p>Le projet DSCATT étudie l’impact de différents agrosystèmes (agroforesterie, agriculture de conservation, systèmes agrosylvopastoraux) : sur les stocks de carbone organique dans les couches superficielles des sols, mais également dans les couches profondes, sur lesquelles peu de données sont disponibles mais qui pourraient représenter un grand réservoir.</p>
<h2>Les bénéfices de l’agroforesterie</h2>
<p>Au Sénégal, le site étudié est situé dans le parc naturel de Sob, à 135 km à l’est de Dakar, qui jouit d’un climat de type subsahélien, avec une pluviométrie annuelle moyenne de 500 mm et une température moyenne de 29,6 ◦C.</p>
<p>Le système agroforestier étudié était composé principalement d’arbres <em>Faidherbia albida</em>, qui perdent leurs feuilles à la saison des pluies. Les cultures en dessous (arachide, mil) bénéficient donc pleinement de la lumière lors de leur croissance.</p>
<p>Elles y sont donc plus productives et apportent davantage de carbone qu’une culture installée sans arbre. Leurs racines alimentent quant à elles les couches superficielles du sol en matière organique.</p>
<p>Les arbres, de leur côté, acheminent via leurs racines plus de carbone organique dans les couches profondes du sol. L’introduction d’arbres dans les terres arables augmente ainsi le potentiel de stockage du carbone dans le sol du système, en comparaison avec un système de culture où l’arbre est absent.</p>
<p>Maintenir, par des usages des terres appropriés, des sols sains, éviter leur dégradation et les restaurer lorsque nécessaire sont des enjeux majeurs pour conserver des systèmes alimentaires durables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212820/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Luc Chotte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dégradation des sols met à mal l’avenir de nos systèmes alimentaires. Mais des pratiques agricoles existent pour retrouver des sols sains.Jean-Luc Chotte, Directeur de recherche, président du Comité scientifique français de la désertification, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.