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chimie – The Conversation
2024-02-20T14:41:38Z
tag:theconversation.com,2011:article/223691
2024-02-20T14:41:38Z
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Pourquoi la bière mousse-t-elle moins quand on penche le verre ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/576743/original/file-20240220-28-8ualqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3982%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faire couler la bière le long du verre : est-ce vraiment une bonne idée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/personne-remplissant-du-verre-transparent-avec-du-liquide-8T5UAV6KkZA">Bence Boros / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure>
<p><em>Chaque semaine, nos scientifiques répondent à vos questions.</em></p>
<p><em><a href="https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdior67a7Z5bsoJKoMtltxJ-q9EUW1WneDbrNIWpNZUMJsxkA/viewform">N'hésitez pas à nous écrire</a> pour poser la vôtre et nous trouverons la meilleure personne pour vous répondre.</em></p>
<p><em>Et bien sûr, les questions bêtes, ça n'existe pas !</em></p>
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<p>La mousse, c’est de la physique et de la chimie. La physique d’abord, car il s’agit d’un état de la matière bien particulier, fait de bulles de gaz dispersées dans un liquide ; de la chimie aussi, car pour que ces bulles « tiennent », il leur faut un allié, que l’on appelle « tensioactif » et qui peut être de nature chimique très variée. En cuisine, on rencontrera souvent des lécithines et des protéines qui feront très bien l’affaire pour créer les traditionnels soufflés, meringues, ou encore les fameuses écumes récemment à la mode sur nos assiettes.</p>
<p>Car pour qu’il y ait mousse, il faut non seulement des bulles mais aussi, et surtout, qu’elles soient suffisamment stables pour se tasser les unes contre les autres sans éclater. Ainsi, les sodas gazeux tout comme les vins dits « mousseux » révèlent leur effervescence dès qu’on ouvre la bouteille, libérant sous forme de bulles le gaz carbonique (CO<sub>2</sub>) qui y était dissous : ça « mousse » alors en effet… et de nouveau quand on verse la boisson dans le verre… mais cette mousse disparaît quasi instantanément !</p>
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<p><em>Pour satisfaire votre curiosité :</em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/comment-un-bebe-peut-il-apprendre-deux-langues-en-meme-temps-225929">Comment un bébé peut-il apprendre deux langues en même temps ?</a></em></p>
<p><em>- <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-des-courbatures-apres-une-seance-de-sport-221643">Pourquoi a-t-on des courbatures après une séance de sport ?</a></em></p>
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<p>Alors, la bière, qu’a-t-elle de « plus » que ces boissons pour permettre à ses bulles de rester longuement en surface, formant ce fameux col blanc dont se délectent les amateurs ? Des tensioactifs ! En effet, les protéines du malt d’orge ainsi que l’isohumulone (une molécule issue de la dégradation, lors de la fermentation, de la lupuline apportée par le houblon) entourent les bulles lors de leur remontée, formant comme un manteau protecteur qui leur permet de se tasser les unes contre les autres… avant de finir, quand même, par éclater au bout de plusieurs minutes.</p>
<p>Maintenant que l’on a compris la chimie, comment faire en sorte de « contrôler » le volume de mousse ? En revenant à la physique : car plus le liquide sera agité, plus le volume de gaz libéré sera important. C’est pourquoi une bière servie de haut dans le verre fera beaucoup de mousse, alors qu’en la faisant couler très doucement (et donc sans choc) le long du verre, la mousse restera mince. Est-ce pour autant une bonne idée de procéder ainsi ? Par forcément, car tout le gaz qui n’aura pas été libéré lors du service le sera… par l’agitation dans votre estomac ! C’est d’ailleurs pour la même raison qu’il n’est pas recommandé de boire directement à la bouteille. Dans les deux cas, ballonnements assurés lors de la digestion !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Lavelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Vous avez certainement déjà remarqué que la bière mousse moins si l’on penche le verre. Mais ce n’est pas forcément conseillé de procéder ainsi.
Christophe Lavelle, Chercheur en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation, CNRS UMR 7196, Inserm U1154, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218633
2023-11-29T17:18:56Z
2023-11-29T17:18:56Z
Le gluten, ou la chimie secrète des pâtisseries aériennes
<p>Le pain et les viennoiseries contiennent une substance extraordinaire : le gluten. Sa chimie unique rend ces aliments aériens et extensibles.</p>
<p>Je suis chimiste et je donne un <a href="https://chemistry.richmond.edu/faculty/knolin/">cours de chimie culinaire</a>. Chaque année, je demande à mes étudiants : « Qu’est-ce que le gluten ? » Les réponses les plus courantes sont « un sucre » ou « un hydrate de carbone ». Mais il est rare que quelqu’un réponde correctement.</p>
<h2>Alors, qu’est-ce que le gluten ?</h2>
<p>Le gluten est un <a href="https://doi.org/10.3389/fnut.2019.00101">mélange complexe de protéines</a>. Il représente <a href="https://doi.org/10.1111/jgh.13703">85 à 90 % des protéines de la farine</a>. Les protéines sont des macromolécules biologiques naturelles composées de <a href="https://www.britannica.com/science/amino-acid">chaînes d’acides aminés</a> qui se replient sur elles-mêmes pour adopter diverses formes.</p>
<p>Le gluten provient de l’endosperme du <a href="https://doi.org/10.1093/aob/mcr098">blé, du seigle, de l’orge et des plantes apparentées</a>, un tissu des graines de la plante qui stocke l’amidon et les protéines. Le processus de mouture qui crée la farine libère le contenu de l’endosperme, y compris le gluten.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pain-une-longue-histoire-dinnovations-techniques-et-sociales-178039">Le pain, une longue histoire d’innovations techniques et sociales</a>
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<p>Les principales protéines qui composent ce mélange appelé gluten sont la <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/medicine-and-dentistry/gliadin">gliadine</a> et la <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/glutenin">gluténine</a>. Ces protéines constituent une grande partie de la <a href="https://modernistcuisine.com/mc/gluten-how-does-it-work/">structure des produits alimentaires à base de farine</a>. Pendant la phase de pétrissage ou de mélange de la pâte, ces protéines forment un maillage élastique, souvent appelé réseau de gluten.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gros plan sur une tranche de pain, montrant le réseau de gluten blanc avec des trous plus foncés." src="https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560047/original/file-20231116-27-zi3eck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La texture de votre pain dépendra de la façon dont vous pétrissez et travaillez la pâte et de la façon dont le réseau de gluten se forme.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/cut-loaf-of-round-shaped-wheat-bread-royalty-free-image/1468126179?phrase=bread">ligora/iStock via Getty Images</a></span>
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<h2>Créer un réseau de gluten</h2>
<p>La formation d’un réseau de gluten est essentielle pour faire lever la pâte. Le réseau agit comme un ballon qui emprisonne les gaz pendant les processus de levée, de fermentation et de cuisson. Pendant la <a href="https://www.theperfectloaf.com/guides/proofing-bread-dough/">levée et la fermentation</a> – qui donnent à la pâte le temps de gonfler, la levure présente dans la pâte libère du dioxyde de carbone en mangeant et en digérant les sucres présents. Ce processus est appelé <a href="https://doi.org/10.3390/microorganisms8081142">fermentation</a>.</p>
<p>Le processus de cuisson produit un certain nombre de <a href="https://www.campdenbri.co.uk/blogs/bread-dough-rise-causes.php">différents gaz</a>, tels que le dioxyde de carbone, l’eau sous forme de vapeur, les vapeurs d’éthanol et l’azote. Le réseau de gluten emprisonne ces gaz et la pâte se dilate comme un ballon. Si le réseau de gluten est trop fort, les gaz ne produiront pas assez de pression pour faire lever la pâte. S’il est trop faible, le ballon éclatera et la pâte ne restera pas levée. La solidité du réseau de gluten dépend de la durée du pétrissage et du mélange de la pâte.</p>
<p>Pour que le <a href="https://www.seriouseats.com/what-is-gluten-free-bread-dough-pasta">réseau de gluten se forme</a>, il faut pétrir ou mélanger la pâte avec de l’eau, ce qui permet d’aligner les protéines.</p>
<p>Les protéines de la gluténine se présentent sous la forme de chaînes longues et courtes qui adoptent des structures enroulées, comme des bobines de fil. Ces bobines sont maintenues ensemble par des liaisons chimiques entre les boucles des bobines, connues sous le nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liaison_hydrog%C3%A8ne">liaisons hydrogène</a> intramoléculaires. Le pétrissage et le mélange brisent certaines de ces liaisons et alignent les protéines de gluténine.</p>
<p>Ce sont d’autres liaisons chimiques qui se forment entre les différentes chaînes de gluténine, par l’intermédiaire d’atomes de soufre sur certains des acides aminés qui composent la gluténine. Lorsque ces acides aminés – appelés cystéines – sont mis en contact les uns avec les autres, les atomes de soufre se lient les uns aux autres, créant une liaison appelée <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/disulfide-bond">liaison disulfure</a>.</p>
<p>Au fur et à mesure que de plus en plus de cystéines forment des liaisons disulfures avec les cystéines des protéines voisines, le réseau se développe. Ainsi, plus il y a de protéines présentes et plus le processus de pétrissage est long, plus le réseau de gluten est solide. La farine à pain a des <a href="https://www.healthline.com/nutrition/high-gluten-flour">concentrations de protéines plus élevées</a> – 12 % à 14 % – que les autres farines : c’est ainsi qu’elle permet de créer un réseau de gluten plus fort et une levée plus importante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gluten-mythe-ou-realite-a-la-recherche-des-personnes-hypersensibles-91945">Gluten : mythe ou réalité ? À la recherche des personnes hypersensibles</a>
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<p>Les protéines de gliadine sont plus petites et plus compactes que les protéines de gluténine. Au cours du processus de pétrissage, la gliadine se disperse dans les polymères de gluténine. Alors que la gluténine confère élasticité et résistance à la pâte, les <a href="https://doi.org/10.1007/s12551-017-0367-2">protéines de gliadine</a> rendent la pâte plus ou moins visqueuse et dense.</p>
<h2>Renforcer et raccourcir</h2>
<p>L’<a href="https://www.cargill.com/salt-in-perspective/salt-in-bread-dough">ajout de sel</a> neutralise les charges électriques qui peuvent être présentes sur les protéines. Cela minimise la répulsion entre protéines, et permet de les rapprocher. Ce processus force l’eau à sortir d’entre les protéines, ce qui et stabilise le réseau de gluten. Par conséquent, l’ajout de sel crée un réseau plus solide qui augmente la quantité d’étirement et de traction que la pâte peut supporter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industriel-ou-paysan-quels-pains-et-pates-privilegier-pour-les-hypersensibles-au-gluten-180821">« Industriel » ou « paysan » : quels pains et pâtes privilégier pour les hypersensibles au gluten ?</a>
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<p>Au contraire, les matières grasses comme le beurre ou la margarine <a href="https://www.ifst.org/lovefoodlovescience/resources/fats-and-oils-shortening">affaiblissent ou « raccourcissent »</a> le réseau de gluten. En général, les recettes demandent de mélanger les matières grasses à la farine avant d’ajouter l’eau ou le lait. Cela permet aux graisses d’enrober la farine. Et comme les graisses sont hydrophobes, ce processus empêche l’eau qui contribue à la formation du réseau de gluten d’atteindre les protéines. On obtient une brioche ou une viennoiserie plus tendre et plus moelleuse.</p>
<p>En somme, sans la formation de ces réseaux de gluten, les produits de boulangerie ne seraient pas aussi légers et moelleux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218633/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kristine Nolin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Quelle farine utiliser ? À quoi sert le sel dans la pâte ? Quand ajouter de l’eau ou du gras ? Tous les secrets de la chimie du gluten.
Kristine Nolin, Associate Professor of Chemistry, University of Richmond
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/217052
2023-11-14T13:48:22Z
2023-11-14T13:48:22Z
Comment fabrique-t-on le café décaféiné ? Et est-il vraiment sans caféine ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557533/original/file-20231030-21-uurqzu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=133%2C47%2C6059%2C3540&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Extraire la caféine d’un grain de café tout en conservant son arôme n’est pas chose facile.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/gray-metal-tool-aaHwnxgBmHs">Volodymyr Proskurovskyi/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le café est une des boissons les plus prisées au monde, et sa forte teneur en caféine est un des facteurs de sa popularité. C’est un stimulant naturel qui procure un regain d’énergie, et les gens ne peuvent s’en passer.</p>
<p>Toutefois, certaines personnes préfèrent limiter la caféine pour des raisons de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12684194/">santé</a> ou autres. On trouve du café décaféiné, ou déca, un peu partout, et sa consommation <a href="https://www.coffeebeanshop.com.au/coffee-blog/decaf-coffee-market-worth-2145-billion-by-2025-at-69">serait en hausse</a>.</p>
<p>Voici ce qu’il faut savoir sur le café déca : comment on le prépare, son goût, ses bienfaits… et aussi, si la caféine en est vraiment absente.</p>
<h2>Comment fabrique-t-on le café décaféiné ?</h2>
<p>Extraire la caféine d’un grain de café tout en conservant son arôme n’est pas chose facile. Pour y parvenir, on extrait la caféine des grains verts non torréfiés en se basant sur le fait que la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6318762/#:%7E:text=Caffeine%20(Figure%201a)%20being,(15%20g%2FL).">caféine se dissout</a> dans l’eau.</p>
<p>Il existe trois méthodes principales de décaféination : avec des solvants chimiques, du dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) liquide ou de l’eau pure et des filtres spéciaux.</p>
<p>Les étapes requises pour toutes ces méthodes expliquent le prix souvent plus élevé du décaféiné.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A close-up of a small branch with bright green berries on it" src="https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556561/original/file-20231030-27-ab4y1v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les grains de café sont en fait des graines dures qu’on trouve à l’intérieur du fruit du caféier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/green-leaf-budded-during-daytime-VMJtKiREtMc">Marc Babin/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Méthodes à base de solvants</h2>
<p>La plupart des cafés décaféinés sont fabriqués à l’aide de méthodes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/epdf/10.1080/10408699991279231?needAccess=true">à base de solvants</a>, car il s’agit du procédé le moins coûteux. Cette méthode se divise en deux types : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780123849472001835">directe et indirecte</a>.</p>
<p>La <strong>méthode directe</strong> consiste à passer les grains de café à la vapeur, puis à les tremper à plusieurs reprises dans un solvant chimique (généralement du chlorure de méthylène ou de l’acétate d’éthyle) qui se lie à la caféine et l’extrait des grains.</p>
<p>Une fois la caféine extraite, on passe de nouveau les grains de café à la vapeur pour éliminer tout solvant chimique résiduel.</p>
<p>La <strong>méthode indirecte</strong> recourt aussi à un solvant chimique, mais celui-ci n’entre pas en contact direct avec les grains de café. Les grains sont trempés dans de l’eau chaude, puis l’eau est séparée des grains et traitée avec le solvant chimique.</p>
<p>La caféine se lie au solvant contenu dans l’eau et s’évapore. On trempe ensuite de nouveau les grains sans caféine dans cette eau pour qu’ils réabsorbent les saveurs et les arômes du café.</p>
<p>Les solvants chimiques (en particulier le chlorure de méthylène) utilisés dans ces processus sont la cause d’une controverse concernant le café décaféiné. Le <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/biochemistry-genetics-and-molecular-biology/dichloromethane">chlorure de méthylène</a> pourrait être cancérigène à fortes doses. Le chlorure de méthylène et l’acétate d’éthyle sont couramment utilisés dans les décapants, les dissolvants pour vernis à ongles et les dégraissants.</p>
<p>Toutefois, tant les <a href="https://www.foodstandards.gov.au/code/pages/default.aspx">normes alimentaires d’Australie/Nouvelle-Zélande</a> que <a href="https://www.accessdata.fda.gov/scripts/cdrh/cfdocs/cfcfr/cfrsearch.cfm?fr=173.255">l’Administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments</a> (FDA) autorisent l’utilisation de ces solvants pour la décaféination. Ils imposent des limites strictes quant à la quantité de produits chimiques qui peuvent subsister sur les grains et, dans les faits, il ne reste essentiellement <a href="https://www.chemicals.co.uk/blog/how-dangerous-is-methylene-chloride">aucun solvant</a>.</p>
<h2>Méthodes sans solvant</h2>
<p>Les méthodes qui utilisent du dioxyde de carbone liquide ou de l’eau sont de plus en plus populaires, car elles évitent le recours aux solvants chimiques.</p>
<p>Pour la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/10408699991279231"><strong>méthode à base de CO₂</strong></a>, on fait circuler du dioxyde de carbone liquide dans une chambre à haute pression où se trouvent les grains. Le CO<sub>2</sub> se lie à la caféine et est ensuite retiré sous haute pression, laissant derrière lui des grains décaféinés.</p>
<p>La <strong>méthode à l’eau</strong> (également connue sous le nom de procédé à l’eau suisse) correspond à ce que son nom indique : <a href="http://publication.eiar.gov.et:8080/xmlui/bitstream/handle/123456789/3234/ECSS%20Proceeding%20Final.pdf">elle consiste à extraire la caféine</a> des grains avec de l’eau. Il existe des variantes de cette méthode, mais voici quelles en sont les étapes de base.</p>
<p>Un premier lot de grains de café verts est trempé dans de l’eau chaude, créant un extrait riche en caféine et en composés aromatiques (les grains sans saveur sont ensuite éliminés). Cet extrait de café vert est passé à travers des filtres de charbon actif, qui retiennent les molécules de caféine tout en laissant les arômes.</p>
<p>Une fois créé de cette manière, on utilise l’extrait sans caféine pour y tremper un nouveau lot de grains de café vert. Étant donné que les arômes saturent déjà l’extrait, seule la caféine sera dissoute des grains.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8531vyP7Z5U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Finie la caféine ?</h2>
<p>Si vous choisissez de boire du déca, cela ne signifie pas que vous ne consommerez plus du tout de caféine.</p>
<p>Il est peu probable que l’on parvienne <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8603790/">à extraire 100 % de la caféine</a> des grains. Tout comme la teneur en caféine varie d’un café à un autre, de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17132260/">petites quantités de caféine</a> demeurent présentes dans le déca.</p>
<p>Toutefois, le taux de caféine est très faible. Il faudrait plus de dix tasses de décaféiné pour obtenir le taux moyen <a href="https://academic.oup.com/jat/article/30/8/611/714415">d’une tasse de café</a>.</p>
<p>L’Australie <a href="https://www.foodstandards.gov.au/code/Documents/1.1.2%20Definitions%20v157.pdf">n’exige pas</a> des torréfacteurs ou des producteurs de café qu’ils précisent le processus de décaféination auxquels ils ont recours. Toutefois, on peut trouver cette information sur les sites web de certains producteurs s’ils ont choisi d’en faire la publicité.</p>
<h2>Le goût ?</h2>
<p>Certaines personnes considèrent que le déca n’a pas le même goût que le café normal. Selon la méthode utilisée, des éléments aromatiques peuvent être extraits en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23745606/">même temps que la caféine</a>.</p>
<p>De plus, la caféine contribue à l’amertume du café, de sorte qu’on <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8948847/">perd un peu de cet aspect du goût</a> dans le processus de décaféination.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="A tub of partially roasted coffee beans in a pale tan colour" src="https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/556739/original/file-20231030-23-t3sdwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La caféine contribue à l’amertume du café, mais divers autres composés aromatiques se développent dans les grains verts lorsqu’on les torréfie jusqu’à l’obtention d’une couleur brune riche et foncée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/person-holding-brown-seed-XpyD7z6AP4g">Joshua Newton/Unsplash</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Et les bienfaits pour la santé ?</h2>
<p>Les bienfaits pour la santé du déca sont similaires à ceux du caféiné, avec notamment une réduction du risque de diabète de type 2, de certains cancers et de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5696634/">mortalité</a> globale. Plus récemment, le café a été associé à un meilleur contrôle du poids au fil du temps.</p>
<p>La plupart des bienfaits pour la santé ont été constatés avec une consommation de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5696634/">trois tasses</a> de décaféiné par jour.</p>
<p>N’oubliez pas l’importance de la modération et qu’un <a href="https://theconversation.com/what-is-a-balanced-diet-anyway-72432">régime équilibré</a> demeure la clé pour une bonne santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217052/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lauren Ball travaille pour l'Université du Queensland et reçoit des financements du Conseil national de la santé et de la recherche médicale, de Queensland Health et de Mater Misericordia. Elle est directrice de Dietitians Australia, directrice du Darling Downs and West Moreton Primary Health Network et membre associé de l'Australian Academy of Health and Medical Sciences.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emily Burch travaille pour la Southern Cross University.
</span></em></p>
Si vous préférez le café décaféiné, voici une explication scientifique de sa fabrication, des raisons pour lesquelles il coûte plus cher et de la quantité de caféine qui se retrouve dans votre tasse.
Lauren Ball, Professor of Community Health and Wellbeing, The University of Queensland
Emily Burch, Dietitian, Researcher & Lecturer, Southern Cross University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/216947
2023-11-12T16:18:56Z
2023-11-12T16:18:56Z
Glyphosate : vous avez dit « probablement » cancérogène ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558093/original/file-20231107-29-iart8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C3%2C2549%2C1928&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le glyphosate est un herbicide originellement produit par Monsanto à partir de 1974 (sous la marque Roundup),</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wdm/27014965406/in/photolist-HadL2C-9FaQuA-HadKLC-H4NyTj-HadKoU-GMTCML-HadDvG-H76Box-HadDbU-GMTxxN-GMTxeG-GN38pj-etxjid-etxhZf-2p3Z6rq-2gND81S-9TMnTq-9TJzgP-fNcPZf-8AsDSK-oEpfez-2njY7oP-9TJzsM-2jQXB4z-2mbHGjn-WQ7s2n-9TJzoe-9TJyjM-2njRxZA-ozjfAB-og4F7L-op7PFK-9TMn97-kEPgGn-kfQHgi-9TJyJa-2ouqk5o-28k2co9-MPTUvR-fMVeBH-22rMwT-fMVeAi-fMVeCP-oCwybJ-orTMhE-9E6mXS-MEKkKk-Dm2Ce7-NsqkAU-242XqbL">Global Justice Now/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis sa classification en 2015 comme « probablement cancérogène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/glyphosate-40177">glyphosate</a> a généré une conflictualité publique et un éclairage médiatique intenses.</p>
<p>Mais d’où vient au juste cette manière de classer ? Que signifie-t-elle exactement et pourquoi semble-t-elle générer des controverses sans fin ? Enfin, que nous dit-elle de l’efficacité de nos politiques de prévention des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cancer-20834">cancers</a> ? Pour le comprendre, il faut revenir aux années 1970.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Y46wNz_UmFI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Interview de Kurt Straif, ancien directeur du programme des monographies du CIRC, à l’occasion de la sortie de la monographie consacrée au glyphosate, où l’herbicide est considéré comme un cancérogène probable.</span></figcaption>
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<p>En cette période d’après Seconde Guerre mondiale de plein essor de l’industrie pétrochimique, les marchés occidentaux sont, déjà, inondés chaque jour de nouvelles substances de synthèse. Contraintes par un ensemble de mobilisations qui pointent les potentiels effets sanitaires, et notamment cancérogènes, de ces produits, les autorités politiques de nombreux pays industrialisés mandatent des groupes d’experts pour synthétiser les connaissances scientifiques disponibles sur ces risques.</p>
<h2>Stabiliser les marchés en élaborant des listes de cancérogènes</h2>
<p>L’objectif recherché est double. D’un côté, il s’agit d’identifier les substances dangereuses en circulation sur le marché afin de mettre en place des mesures de contrôle et de restriction. De l’autre, l’intention est aussi, et peut-être surtout, de standardiser les catégories d’évaluation à l’intérieur et entre les différents marchés nationaux, afin de faciliter la circulation des marchandises toxiques.</p>
<p>C’est ainsi que le jeune CIRC, organisation scientifique tout juste inaugurée à Lyon en 1965 sous les auspices de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), se lance dans la création de « monographies » scientifiques sur les expositions (ou « agents ») identifiées comme potentiellement cancérogènes.</p>
<p>Ces rapports sont produits par des scientifiques de premier plan et font rapidement autorité dans le champ académique. Ils prennent la forme de synthèses critiques de la littérature scientifique disponible sur une exposition donnée. Depuis la création de ces expertises, un peu plus d’un millier d’expositions différentes ont été évaluées concernant tout à la fois des pesticides et autres produits chimiques industriels, des médicaments, des procédés de travail, etc. Le CIRC reste toutefois une institution de recherche sans pouvoir réglementaire, et ses évaluations ne peuvent prétendre contraindre mécaniquement l’action publique.</p>
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<img alt="Écran d’ordinateur montrant le site Internet du CiRC" src="https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558101/original/file-20231107-23-8jotzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le CIRC voit le jour en mai 1965, sur une initiative française, par la résolution WHA18.44 de la 18ᵉ Assemblée mondiale de la santé (l’organe de décision de l’OMS, qui se réunit annuellement).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/stuttgart-germany-07042023-person-holding-smartphone-2331068669">T. Schneider/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Rendre accessibles ces expertises</h2>
<p>En outre, dans les premiers volumes de monographies, les conclusions ne sont pas présentées sous forme de classification. Leur lecture et leur usage demeurent difficiles pour les profanes. Le principal financeur du programme, le National Cancer Institute états-unien, pousse alors à l’élaboration de catégories d’évaluation qui seraient plus immédiatement compréhensibles. Déjà préoccupé par cette question, Lorenzo Tomatis, directeur du service des monographies, s’efforce de répondre à ces exigences.</p>
<p>Ce médecin italien, formé à la toxicologie animale à Chicago, trouve pour cela un allié dans le monde de la prévention des expositions des travailleurs aux États-Unis, l’Occupational Safety and Health Agency (OSHA). Créée en 1970 et habilitée à produire des normes contraignantes en matière de santé au travail, l’OSHA est une agence fédérale qui tente elle aussi, à ce moment-là, de mettre en place une classification des agents cancérogènes. Il s’engage alors d’intenses discussions entre cette institution et le CIRC, qui aboutissent à l’élaboration de deux classifications similaires de part et d’autre de l’Atlantique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558687/original/file-20231109-25-gecnu3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">The Conversation France</span></span>
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<p>C’est à cette période que le programme des monographies se rapproche, par la force des choses, des acteurs de la prévention des cancers professionnels et qu’il prend ses distances avec les acteurs industriels, structurant un positionnement scientifique et institutionnel qui demeure encore aujourd’hui.</p>
<h2>Un système de classification qui se diffuse et des rivalités qui naissent</h2>
<p>De par la circulation d’experts et de savoirs à l’échelle transnationale, le système classificatoire élaboré à Lyon essaime ailleurs, notamment dans d’autres institutions qui disposent de compétences réglementaires. L’Environmental Protection Agency (EPA), l’agence de protection de l’environnement américaine, se dote d’un système similaire dans les années 1980. La Commission européenne se rapproche quant à elle de Tomatis dès la fin des années 1970, et la classification utilisée aujourd’hui par l’agence européenne des produits chimiques (l’ECHA) emprunte très directement à la taxinomie créée par le CIRC.</p>
<p>La prolifération de cet instrument d’expertise a facilité la circulation des dossiers d’évaluation entre organisations scientifiques ou réglementaires. Il s’est ainsi créé une forte interdépendance entre elles, fondée sur la nécessité pour chacune d’observer et de se positionner par rapport aux autres, afin de ne pas être mis à l’écart d’un jeu institutionnel transnational ayant pour enjeu la définition de la cancérogénicité.</p>
<p>Les catégories 1 (cancérogène avéré), 2A (probablement cancérogène) et dans une moindre mesure 2B (possiblement cancérogène) du CIRC, demeurent les plus scrutées car leurs équivalences dans les agences réglementaires sont la plupart du temps associées à des mesures de restriction, de contrôle ou d’étiquetage.</p>
<p>La liste de cancérogènes du CIRC a ainsi largement servi à élaborer celle de l’Union européenne et un nombre important de substances se trouvent aujourd’hui dans les deux. Parmi elles, selon un <a href="https://www.cairn.info/revue-environnement-risques-et-sante-2023-1-page-47.html">comptage récent</a>, 80 % des expositions considérées comme cancérogènes « présumés » par l’Union européenne sont classées par le CIRC comme « probablement » ou « possiblement » cancérogènes.</p>
<p>Le CIRC dispose en fait de plusieurs leviers indirects pour infléchir les politiques de santé publique. Sa force principale se trouve dans son autorité scientifique, construite au fil des décennies, et qui fait de ses expertises de puissantes ressources pour d’autres acteurs, par exemple pour des agriculteurs exposés au glyphosate <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2023/oct/01/roundup-class-action-monsanto-cancer-glyphosate">lorsqu’ils attaquent l’entreprise Monsanto en justice</a>. Cette autorité scientifique et ce réseau institutionnel poussent de fait les autres organisations à examiner les substances qui sont classées aux CIRC, ce qui contraint les industriels à tenter de contenir de potentiels processus réglementaires.</p>
<p>Un bon exemple de ces mécanismes de mises à l’agenda en cascade reste celui du formaldéhyde. Il s’agit d’une substance que l’on retrouve dans un ensemble de biens de consommation, comme des produits de bricolage ou des revêtements (de murs, de sols, de meubles). La population générale y est surtout exposée via l’air intérieur et plus de 185 000 travailleurs y sont exposés sur leur lieu de travail en France (enquête <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/dares_expositions_risques_professionnels_produits_chimiques-2.pdf">Sumer, 2017</a>).</p>
<p>En 2004, le <a href="https://publications.iarc.fr/106">CIRC classe la substance comme cancérogène avéré</a> (groupe 1). Cette sentence amène des experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’environnement et du travail française à déposer une demande d’évaluation du produit à l’échelle européenne. La démarche est longue et rencontre des résistances, mais aboutit en 2014 à une classification du formaldéhyde par l’Union européenne comme cancérogène « présumé » ou 1B, justifiant par la suite des limites plus strictes d’exposition des travailleurs et des consommateurs à l’échelle communautaire.</p>
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<img alt="Affiche mettant en garde contre l’exposition possible au glyphosate dans un parc australien" src="https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558116/original/file-20231107-17-fnbssc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Affiche mettant en garde contre l’exposition possible au glyphosate dans un parc australien.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/perth-wa-mar-23-2021cation-glyphosate-1941409531">ChameleonsEye/Shutterstock</a></span>
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<h2>Des expertises qui se multiplient et entretiennent le doute</h2>
<p>Mais un tel scénario n’est pas automatique, et les organisations réglementaires ne suivent pas toujours l’avis du CIRC. Il existe en fait <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2016/03/28/roundup-le-pesticide-divise-l-union-europeenne-et-l-oms_4891222_3244.html">suffisamment de différences entre les systèmes de classification</a> pour qu’il soit possible pour les experts de justifier des évaluations divergentes.</p>
<p>On note par exemple des écarts sur les types d’études acceptées, sur la valeur attribuée à tel ou tel genre de données, sur les politiques de contrôle des conflits d’intérêts et sur les juridictions de chacun de ces groupes d’expertise. Bien que certains experts circulent d’une commission à une autre, chaque expertise est singulière et est orientée par une histoire institutionnelle et des rapports de force internes et externes qui lui sont propres.</p>
<p>Certains acteurs économiques disposent des bonnes ressources pour jouer sur ces règles ou les infléchir à leur avantage. Envoyer des experts observer des évaluations ou y participer, produire des études scientifiques, anticiper la trajectoire d’un dossier d’évaluation, ou contribuer à l’élaboration des critères de classification sont autant d’outils employés par un ensemble de firmes privées pour assurer leurs intérêts dans ce champ de bataille technique. L’une des stratégies les plus efficaces consiste à faire jouer une expertise contre une autre, et à entretenir des débats sans fin qui repoussent sans cesse la décision politique.</p>
<h2>Lenteurs et limites d’un système de contrôle débordé</h2>
<p>Toutefois, ces divergences ne doivent pas faire oublier les caractéristiques structurelles que partagent ces institutions d’expertise, et qui fondent les limites de ce système transnational d’identification et de prévention des expositions cancérogènes.</p>
<p>D’abord, ces organisations sont obstruées, et ce quasiment depuis leur création. Elles sont dans l’impossibilité d’évaluer l’ensemble des substances en circulation. À titre d’exemple, au moment où le glyphosate est expertisé par le CIRC, plus de 200 000 substances sont identifiées sur le marché européen, et à peine un millier ont été évaluées par le programme des monographies. Ce score n’est pas sensiblement différent dans les autres institutions.</p>
<p>Le CIRC est également contraint par des critères de classification qui exigent des études aux standards scientifiques élevés, et dont la production est extrêmement coûteuse en temps et en argent. Souvent, ces études n’existent tout simplement pas, sur les humains comme sur les animaux. Des substances potentiellement dangereuses peuvent donc échapper à toute surveillance pendant des décennies.</p>
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<p>Enfin, ces commissions d’experts sont ancrées dans l’espace scientifique, ses controverses et ses évolutions permanentes. Elles sont donc contraintes de dédier une partie substantielle de leur temps à réévaluer des expositions plutôt qu’à en ajouter de nouvelles sur leur liste. En 2020, le CIRC avait conduit plus de réévaluations que de primo évaluations. Plus parlant encore, 80 % des expositions qui figurent sur sa liste y ont été introduites avant les années 2000, dévoilant une capacité d’évaluation de plus en plus limitée depuis la création des monographies dans les années 1970.</p>
<p>Vu sous cet angle, le glyphosate est un cas ambivalent. D’un côté, il est tout à fait commun, dans la mesure où il a enclenché les rouages ordinaires de la machinerie scientifique et réglementaire transnationale, avec ses lenteurs et ses contradictions. De l’autre, il est tout à fait exceptionnel dans sa propension à jeter sur la place publique des débats qui sont habituellement confinés sur des terrains techniques, quand ils ne sont pas tout simplement inexistants.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valentin Thomas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis sa classification en 2015 comme « probablement cancérogène » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), le glyphosate a généré une conflictualité publique et un éclairage médiatique…
Valentin Thomas, Chercheur post-doctorant en sociologie à l'UMR Triangle, ENS de Lyon
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tag:theconversation.com,2011:article/217213
2023-11-09T12:15:48Z
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Le microbiote et les polluants : des liaisons dangereuses ?
<p>Depuis quelques années, les médias et les produits présents sur les étagères de nos supermarchés vantent les propriétés étonnantes de notre microbiote, cet écosystème microbien avec lequel nous vivons une relation symbiotique étroite. Mais comme tous les organismes vivants, le microbiote est soumis aux polluants environnementaux sans que l’on en connaisse encore les conséquences sur son fonctionnement et sur la santé de son hôte. Pour prendre la mesure de cette réalité, l’étude des espèces aquatiques peut être particulièrement éclairante. </p>
<h2>L’essor de l’écotoxicologie</h2>
<p>Avant de comprendre comment, il est nécessaire de revenir un peu en arrière. </p>
<p>En <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-020-11236-7">1971</a>, dans un contexte de développement de l’industrie chimique et des risques écologiques associés, le chercheur français Jean-Michel Jouany donnait naissance à l’écotoxicologie. Cette discipline, à l’interface de la chimie et de la biologie, a pour objectif d’évaluer, de comprendre et de prédire l’impact des contaminants biologiques ou chimiques, sur les organismes, les populations, les communautés et les écosystèmes. </p>
<p>Les effets des polluants chimiques sur les organismes peuvent être analysés à différentes échelles, du gène à l’organisme, en passant par la cellule et le fonctionnement des organes. </p>
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<p>On parle par exemple de génotoxicité quand l’intégrité du matériel génétique est menacée. C’est le cas avec certains composants de colles ou de vernis tels que le dichlorométhane et le trichloréthylène, ainsi que la radioactivité ou les rayons UV. Cette action se manifeste par des mutations délétères de l’ADN et par l’apparition de cancers. </p>
<p>D’autres substances peuvent avoir un effet néfaste sur un type de cellule précis comme les neurones avec le méthanol et l’acétone ou encore un organe. Par exemple, les branchies des organismes aquatiques qui sont en contact direct avec leur environnement. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Chez l’Homme, le foie est particulièrement sensible aux effets toxiques en raison de son rôle dans la transformation, l’élimination et de stockage des polluants chimiques parmi lesquels l’alcool et certains médicaments d’usage courant comme le paracétamol, certains antibiotiques (comme l’amoxicilline) ou les anti-inflammatoires non-stéroïdiens. </p>
<p>À une échelle supérieure, enfin, une substance chimique peut altérer des fonctions physiologiques essentielles comme la reproduction et l’immunité. Les métaux, la radioactivité, ou les perturbateurs endocriniens peuvent impacter le développement des organes reproducteurs, la production de gamètes (spermatozoïdes et ovules), ainsi que le développement et la survie de la descendance. Ils sont qualifiés de reprotoxiques. Enfin des composés comme les pesticides organochlorés ou les polychlorobiphényles (PCB) ont eux des effets dits « immunotoxiques » en altérant la capacité des organismes à faire face aux infections.</p>
<p>Mais dans cette approche globale qui souhaite étudier les effets des agents nocifs auxquels un organisme est exposé pendant sa vie, un organe primordial demeure grandement négligé.</p>
<h2>Le microbiote, pas un simple passager</h2>
<p>Cet organe, c’est le microbiote : l’ensemble des Archées, des bactéries, des champignons, des levures, des virus et des petits eucaryotes avec lesquels tout organisme vit en symbiose. Étymologiquement symbiose signifie « vivre ensemble » et englobe différents types de relations allant du mutualisme (relation mutuellement bénéfique) au parasitisme ou commensalisme (relation ni bénéfique, ni nuisible). </p>
<p>Quelques chiffres suffisent à montrer l'importance de cette symbiose. Chez l’Humain par exemple, longtemps, la communauté scientifique a considéré que le nombre de cellules bactériennes dépassait d’un facteur 10 le nombre de cellules humaines. Une <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0092867416000532">réévaluation récente</a> revoit ce rapport à la baisse et estime que chez un sujet masculin de 1,70m et 70 kg, on retrouve 39 000 milliards de bactéries, majoritairement dans l’intestin. </p>
<p>Ce chiffre est très proche des 30 000 milliards de cellules humaines qui constituent cet individu. Soit 13 bactéries pour 10 cellules humaines chez l’homme. Dû à quelques différences morphologiques (par exemple une taille moyenne plus faible pour un volume intestinal comparable) et physiologiques (par exemple un volume sanguin réduit de 20-30 %), ce rapport peut monter à 17 pour 10 chez les femmes. </p>
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<p>Selon ces chiffres, notre microbiote pèserait environ 200 grammes. Un poids proche du rein (120 grammes) ou du cœur (330 grammes). Autre particularité, contrairement à ces organes « humains » qui sont formés de quelques types cellulaires possédant tous le même matériel génétique (environ 60 000 gènes), le microbiote contient plusieurs milliers d’espèces qui représentent un répertoire additionnel de près de 10 millions de gènes. Ce microbiote est en grande majorité constitué par la communauté microbienne qui colonise le système digestif de l’hôte et qui a attiré l’essentiel des recherches ; mais d’autres niches comme le système respiratoire, l’épiderme ou les organes sexuels possèdent également un microbiote spécifique. </p>
<p>Grâce aux progrès techniques depuis 15 à 20 ans, en particulier concernant le séquençage de l’ADN, l’étude des microbiotes est désormais possible chez toutes les espèces animales et végétales. Une véritable révolution en biologie qui introduit un niveau supérieur d’organisation du vivant remettant en cause la définition même d’individu : l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4540581/">holobionte</a>, soit l’association de l’organisme hôte et des microorganismes vivant en symbiose avec lui.</p>
<h2>Le microbiote face aux polluants</h2>
<p>Les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5922317/">microorganismes symbiotiques</a> jouent un rôle important dans de nombreuses fonctions physiologiques qui vont de la production de nombreux composés que l’hôte est incapable de synthétiser (comme des acides gras, des vitamines ou des composés phénoliques), à l’établissement et au maintien du système immunitaire. Ils participent donc au bon état de santé de l’organisme hôte. Ce qui explique les <a href="https://www.nature.com/articles/npjbiofilms20163">liens possibles</a> entre perturbation du microbiote (dysbiose) et pathologies. Ces perturbations peuvent se manifester par un changement de composition du microbiote et/ou un changement dans son fonctionnement. </p>
<p>Actuellement les effets des polluants chimiques sur le microbiote humain restent peu connus car l’étude du microbiote est relativement récente, tout comme celle, nous l’avons vu des polluants chimiques.</p>
<p>Mais de nombreux travaux montrent déjà que, parmi les paramètres environnementaux induisant une dysbiose, la contamination chimique a un <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2022.810397/full">impact majeur</a>, particulièrement en milieu aquatique où les organismes sont fortement exposés aux pollutions d’origine humaine. En effet, le microbiote est généralement associé à des organes situés à l’interface entre environnement et individu comme l’épiderme, les voies respiratoires ou le tractus digestif. Ce qui fait du microbiote un acteur non négligeable dans l’impact possible d’un polluant sur l’organisme. </p>
<p>Les interactions polluants – microbiote peuvent être multiples. La capacité du microbiote à faire face ou non aux pollutions dépend en fait de sa diversité. Car plus une communauté est diversifiée et plus elle est susceptible de contenir un membre capable de s’adapter à cette contamination. Les polluants peuvent ainsi être métabolisés et transformés par certains partenaires microbiens. </p>
<p>Certaines substances comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) (par exemple le benzo[a]pyrène contenu dans les fumées de combustion incomplète de pétrole, de bois ou la fumée de cigarette), ou certains pesticides peuvent par exemple être éliminés ou rendus moins toxiques par certains microorganismes. Mais d’autres peuvent également favoriser l’absorption et les effets toxiques des polluants chimiques, comme le Mercure ou l’Arsenic. </p>
<p>Les polluants peuvent aussi déséquilibrer la composition et le fonctionnement du microbiote des organismes aquatiques. Le glyphosate, par exemple, favorise la croissance de bactéries pathogènes (Salmonella ou Clostridium) au détriment des souches bénéfiques (Bifidobacterium ou Lactobacillus). Si depuis 2014, l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-015-5763-1">écotoxicologie microbienne</a> se propose d’étudier les interactions entre polluants et communautés microbiennes dans leur environnement (air, eaux, sols), les liens entre environnement, partenaires symbiotiques et physiologie de l’hôte sont encore peu connus malgré l’importance médiatique du microbiote.</p>
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<img alt="Bactérie de Salmonelle" src="https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558041/original/file-20231107-28-bcf7zp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bactérie de Salmonelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/niaid/5613656967/in/photolist-9y4sD6-515nt2-4XzXS-4XzPc-4XzU1-2gJmwwH-kEof4m-81nKWa-BSvtA-B2DPfC-2gNWZzD-81nJPx-663GS3-5DQgbE-WsdfKF-4YnKb1-8YbMM3-dVeve5-2hqmXos-e3YBMD-9ZYfDw-5u8Das-53tDY-6TZfqM-3pHaBz-53tQU-WsdmFP-53tJF-64T3R1-64T3s1-Y31K2d-4UVSaF-e4N6xe-9TwybC-bCiWPh-cpXPb5-4UVGDt-2n4jqtT-5TYVL9-dQu5BG-Dt1rw7-aUpZtv-eQhHES-GTjxqC-a589As-2bNCf7E-4ZXvEZ-93ydqD-oVXzdU-pSTbom">Niaid/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>De la santé des écosystèmes à la santé humaine</h2>
<p>Que ce soit la santé humaine ou la santé des espèces aquatiques, les microbes pathogènes ont longtemps attiré l’essentiel des travaux. Le rôle des partenaires bénéfiques, quant à lui, est encore peu étudié alors même que ces partenaires peuvent devenir néfastes face à une perturbation environnementale. Face à la diversité des polluants et l’émergence permanente de nouvelles molécules, il convient donc, en premier lieu, de considérer l’ensemble des compartiments biologiques et d’intégrer le microbiote à l’écotoxicologie. En second lieu, il est nécessaire d’étudier l’ensemble des constituants du microbiote et de définir leurs fonctions afin de comprendre et d’anticiper les effets des polluants. </p>
<p>Partant de ce constat, j’ai récemment introduit le concept de <a href="https://setac.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/etc.5592">« symbiotoxicité »</a>(par analogie avec les termes précédents de « génotoxicité », « reprotoxicité » ou « immunotoxicité ») Ce terme désigne la capacité d’un polluant à produire ses effets toxiques sur un organisme par l’intermédiaire de son microbiote. Cet objet d'étude permet de prendre en compte l’organe microbiote et se place à l’intersection entre l’écotoxicologie classique, l’écotoxicologie microbienne et l’étude des interactions symbiotiques entre organismes</p>
<p>En milieu aquatique, l’impact des modifications du microbiote face aux contaminations est particulièrement étudié chez des espèces consommées par l’Homme afin d’améliorer les pratiques, limiter les traitements pharmacologiques, etc. Parmi ces espèces, de nombreux mollusques bivalves, comme les huîtres, ont un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966842X18301069?via%3Dihub">rôle crucial</a> dans le fonctionnement de leur écosystème et ont une valeur économique importante. </p>
<p>Or chez les huîtres, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0958166921001452">microbiote sain</a> pourrait limiter l’installation de souches pathogènes, jouer un rôle dans la prévention de la dysbiose et aider au rétablissement de l’état de santé après un stress. Des effets non négligeables car bien souvent les pathogènes ont des effets néfastes en cascades sur la santé des consommateurs, des écosystèmes, les filiales économiques dépendant du commerce de produits de la mer. </p>
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<img alt="Un scientifique prélève des données sur tables d’ostréiculture de la baie de Bourgneuf" src="https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558039/original/file-20231107-27-sewcct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Prélèvement de données sur tables d’ostréiculture de la baie de Bourgneuf.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anthony Bertucci</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La symbiotoxicité pourrait alors permettre d’identifier des polluants dont la présence favorise l’apparition et la diffusion de pathogènes dans l’environnement et ainsi révéler un mode d’action encore inconnu des polluants, mieux comprendre les conséquences physiologiques de cette exposition pour la santé des organismes vivants, le fonctionnement de leurs écosystèmes et <em>in fine</em> l’impact sur la santé humaine.</p>
<p>La symbiotoxicité pourrait alors permettre d’identifier des polluants dont la présence favorise l’apparition et la diffusion de pathogènes dans l’environnement et ainsi révéler un mode d’action encore inconnu des polluants, mieux comprendre les conséquences physiologiques de cette exposition pour la santé des organismes vivants, le fonctionnement de leurs écosystèmes et <em>in fine</em> l’impact sur la santé humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Bertucci ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Longtemps négligées, les interactions entre microbiote et polluants sont désormais un objet d'étude qui vise à mieux comprendre comment le microbiote peut être une porte d'entrée des polluants dans l'organisme.
Anthony Bertucci, Chercheur en écotoxicologie | Titulaire de la Chaire "Contaminants, Mer et Santé", Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/215604
2023-10-15T13:36:10Z
2023-10-15T13:36:10Z
Le glyphosate, révélateur de l’influence des lobbys industriels sur la « science réglementaire »
<p><em>Les États membres de l’Union européenne devaient se prononcer le 13 octobre à Bruxelles sur la prolongation du glyphostage – ce produit chimique que l'on retrouve dans des herbicides – pour 10 ans, mais n’ont pas réussi à s’accorder : la décision est repoussée à mi-novembre. Un épisode qui vient rappeler la prévalence du <a href="https://theconversation.com/comment-limiter-le-pouvoir-du-lobbying-aupres-des-politiques-125986">lobbyisme</a> au sein des institutions européennes, sur fond de <a href="https://theconversation.com/impacts-du-glyphosate-sur-la-sante-et-lenvironnement-ce-que-dit-la-science-75946">controverse scientifique</a> quant aux effets sanitaires de la molécule prisée des industriels de l’agrochimie.</em></p>
<p><em>Entretien avec Sylvain Laurens, directeur d’études à l’EHESS et chercheur au Centre Maurice Halbwachs (ENS/CNRS/EHESS). Fin connaisseur des logiques d’influence à Bruxelles et des mécaniques de désinformation scientifique, le sociologue a notamment écrit <a href="https://www.cairn.info/les-courtiers-du-capitalisme--9782748902396.htm"><em>Les courtiers du capitalisme</em></a>. <a href="https://www.routledge.com/Lobbyists-and-Bureaucrats-in-Brussels-Capitalisms-Brokers/Laurens/p/book/9780367886240"><em>Lobbyists and Bureaucrats in Brussels</em></a>, et a récemment cosigné <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/les_gardiens_de_la_raison-9782348046155"><em>Les gardiens de la raison</em></a> aux côtés des journalistes Stéphane Foucart et Stéphane Horel.</em></p>
<hr>
<h2>Le glyphosate est de nouveau sous le feu des projecteurs. En 2017, il avait déjà été <a href="https://theconversation.com/glyphosate-la-guerre-du-faux-a-bien-eu-lieu-86291">prolongé pour une durée de cinq ans</a>. Qu’est-ce qui a changé depuis ?</h2>
<p>La vraie évolution depuis 2017, c’est le degré de médiatisation de ces enjeux, le degré de connaissance de l’opinion publique sur les effets du glyphosate. Du fait de ces évolutions, on a assisté à une évolution des positions officielles – au moins sur la forme – et on a pu voir se matérialiser une prise de conscience des gouvernements, en témoignent les réserves exprimées <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/10/13/glyphosate-un-vote-crucial-des-etats-de-l-union-europeenne-attendu-sur-la-prolongation-de-l-herbicide_6194119_3244.html">par la France</a> ou <a href="https://fr.euronews.com/2023/10/12/glyphosate-leurope-divisee-par-le-pesticide-le-plus-utilise-au-monde">par l’Allemagne</a> sur le dossier. </p>
<p>En fait, c’est une forme de jeu institutionnel, car ces États tablent probablement sur le fait que la Commission pourra proposer une durée de prolongation plus courte, par exemple de cinq ans. Le fond du problème, c’est que les États n’ont actuellement aucune stratégie de sortie du glyphosate pour les agriculteurs. On est dans une forme de <em>statu quo</em> car rien n’a été fait pour accompagner le changement au niveau de la filière.</p>
<p>En 2017, la bataille de l’opinion avait principalement été <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2017/12/04/glyphosate-les-ong-portent-plainte-contre-les-agences-d-expertise-europeennes_5224475_3244.html">menée par des ONG</a>. En 2023, on note que beaucoup de citoyens ont également pris le relais. Mais cette plus grande médiatisation et cette diffusion plus grande des enjeux ne signifient pas pour autant une inflexion sur le fond, car les résistances économiques sont grandes : le glyphosate est la clé de voûte de tout un système agrochimique, dont dépend le modèle agricole dominant tant pour l’agriculture que pour l’élevage. Bifurquer vers un monde sans glyphosate supposerait de repenser la structuration de la filière agro-alimentaire. C’est un vrai travail de fond qui supposerait d’aller à la fois contre des intérêts économiques et un mode d’organisation de la filière agricole qui prévaut au moins depuis l’après-guerre.</p>
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<p>Autre changement depuis 2017, les critiques portées par les scientifiques dans l’espace public ne se limitent pas à la cancerogénéité, mais couvrent tous les effets possibles du glyphosate sur l’organisme. C’est aussi cela que montre la récente médiatisation d’une décision de justice <a href="https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/lien-possible-entre-glyphosate-et-malformations-pour-sabine-grataloup-on-ne-peut-pas-laisser-dire-que-ce-nest-pas-dangereux-20231012_7WEBFV3GXJGZ7MWDTSYS2OKYEA/">qui suggère un lien entre l’exposition à l’herbicide pendant la grossesse et la survenue de malformations graves</a> chez l’enfant. Longtemps, le débat scientifique sur le glyphosate ne s’est intéressé qu’à ses effets potentiellement cancérogènes, en témoigne <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/qui-est-dewayne-johnson-le-jardinier-americain-qui-tient-tete-a-monsanto_2888579.html">l’affaire Dewayne Johnson</a>, qui avait mis les États-Unis en émoi en 2018 et abouti à la condamnation de Monsanto et à la mise en ligne des <a href="https://usrtk.org/monsanto-papers/">Monsanto Papers</a> offrant un aperçu des méthodes utilisées par la firme pour embrouiller le débat scientifique. Le débat est aujourd’hui bien plus large : il s’intéresse par exemple aux <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/11/glyphosate-en-tant-que-medecins-specialistes-des-maladies-neurodegeneratives-nous-avons-trois-conseils-a-donner-au-ministre-de-l-agriculture-marc-fesneau_6193831_3232.html">effets neurologiques</a> de la molécule.</p>
<p>Cela ne veut pas dire que l’on sait tout, mais que les chaînes de causalité se sont au moins éclaircies depuis 2017. On dispose d’éléments supplémentaires qui augmentent le coût social à reconduire ce produit, ce qui ne veut pas dire que les décisions à venir seront rapides ou iront dans le sens d’un abandon immédiat du produit.</p>
<h2>Quels parallèles peut-on tracer avec les autres controverses scientifiques où la <a href="https://theconversation.com/comment-les-conflits-dinterets-interferent-avec-la-science-60142">science va à rebours des intérêts industriels</a>, comme l’emblématique « fabrique du doute » des industries du tabac ?</h2>
<p>Si je devais faire un parallèle, ce serait <a href="https://www.senat.fr/rap/r05-037-1/r05-037-123.html">plutôt avec l’amiante</a> qu’avec le tabac. Entre le moment de l’établissement d’un consensus scientifique, la prise de conscience par les pouvoirs publics et l’abandon de ce matériau dans la construction et le <a href="https://www.inrs.fr/risques/amiante/historique-problematique-amiante.html">lancement des plans de désamiantage</a>, il s’est passé plusieurs années. L’abandon suppose une bifurcation économique que l’État peut accompagner en investissant mais il y a un temps de latence entre la prise de conscience des gouvernements et la limitation des usages de la substance.</p>
<p>Mais le point commun de ces controverses, que ce soit sur le tabac, l’amiante ou le glyphosate, réside généralement dans la prétention des industriels ou groupes d’intérêt à <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/01/25/sylvain-laurens-il-est-dommage-qu-un-certain-rationalisme-ne-s-interroge-plus-sur-ce-qu-est-la-science_6027229_1650684.html">parler au nom de la science</a>. Cet enjeu est évidemment très présent pour le glyphosate : une seule institution internationale, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui dépend de l’ONU, a émis une prise de position en défaveur de la molécule, le <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-018-0184-7">classant dans la catégorie des « cancérogènes probables »</a>. Mais c’est une agence qui prend en compte une littérature scientifique qui n’est pas financée par les industriels, là où d’autres agences, comme celles de l’UE, prennent en compte également les publications produites par les industriels ou leurs alliés, avec des papiers parfois signés par des scientifiques, mais rédigés par des experts des firmes : les Monsanto Papers <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/pesticides/monsanto-papers-acheter-des-scientifiques-ca-sappelle-du-ghostwriting-et-cest-legal_2406163.html">regorgent ainsi de « shadow writing »</a>. Pour ces industriels, il en va de la pérennité de la commercialisation de leurs produits. Il faut donc à la fois instiller du doute, mais aussi éviter toute remise en cause de l’organisation de la filière économique qui permet l’écoulement de leur produit.</p>
<p>C’est peut-être sur ce point que l’expression « fabrique du doute » est un peu trop limitée. Il est, à mon avis, plus intéressant d’analyser les levées de boucliers autour du glyphosate au prisme de ce que les chercheurs Aaron McCright et Riley Dunlap appellent des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0263276409356001">mouvements anti-réflexifs</a>. Il ne s’agit pas seulement de brouiller l’état du consensus scientifique aux yeux des décideurs, mais plus largement de priver la société des formidables outils de réflexivité qu’offre la science. Cela pose un problème beaucoup plus grave. L’opinion publique consent à financer par l’impôt la recherche et l’effort scientifique pour pouvoir aussi mieux appréhender les chaînes de causalité dans lesquelles nos sociétés sont entraînées. En nous privant de l’accès à la réflexivité offerte par la science, on prive la société d’une capacité à envisager des changements profonds face aux impasses prises sur certains plans par notre appareil de production. Les démonstrations de McCright et Dunlap valent à mon sens aussi bien pour le climat que pour le glyphosate.</p>
<h2>Comment s’est déroulée la procédure qui a mené à la demande de prolongation ? Quels sont les différents acteurs politiques et réglementaires qui interviennent ?</h2>
<p>En 2017, les États membres de l’UE s’étaient accordés sur une prolongation de cinq ans. En amont de cette décision, les industriels s’étaient regroupées en une <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2018/614691/EPRS_BRI(2018)614691_EN.pdf">Glyphosate Task Force</a>, qui est devenue par la suite devenue le <a href="https://www.glyphosate.eu/what-is-the-glyphosate-renewal-group/">Glyphosate Renewal Group</a>. Le financement de ce lobby est assez transparent et on y retrouve logiquement les fabricants de pesticides qui ont intérêt à maintenir le glyphosate sur le marché. On trouve dans la liste des financeurs Bayer, Syngenta mais aussi Albaugh Europe, Barclay Chemicals, Ciech Sarzyna, Industrias Afrasa, Nufarm, Sinon Corporation, etc.</p>
<p>Ces industriels ont regroupé les études qui vont dans leur sens ainsi que les revues de littérature qui à leurs yeux prouvent la non-dangerosité du produit. Et ils ont officiellement demandé le renouvellement du produit.</p>
<p>La procédure classique, dans ce cas-là, est de confier la lecture et la synthèse de ces études d’impact à un État membre. Ici, au vu de la difficulté du sujet, cette tâche a été confiée en mai 2019 à quatre États membres différents (la <a href="https://eur-lex.europa.eu/eli/reg_impl/2019/724/oj">France, la Hongrie, les Pays-Bas et la Suède</a>). Ce groupement appelé <a href="https://food.ec.europa.eu/plants/pesticides/approval-active-substances/renewal-approval/glyphosate/assessment-group_en">« Assessment Group of Glyphosate »</a> a seulement exclu deux études soumises par les industriels et a produit un rapport de synthèse qui reprend les mots d’ordre de l’industrie préconisant des restrictions uniquement pour certains usages du glyphosate.</p>
<p>Le rapport a été remis, conformément à la procédure, à deux agences réglementaires européennes : l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui ont jugé, à partir de celui-ci, qu’aucun obstacle ne s’opposait à un renouvellement. Logiquement la commission a donc proposé en septembre 2023 une <a href="https://ec.europa.eu/transparency/comitology-register/screen/documents/092073/1/consult?lang=en">première proposition de texte pour renouveler le produit</a>. Il s’agit d’une procédure de renouvellement. Elle peut passer en <a href="https://commission.europa.eu/law/law-making-process/adopting-eu-law/implementing-and-delegated-acts/comitology_fr">« comitology »</a>, selon le jargon bruxellois, et donc être décidée dans un huis clos bureaucratique associant fonctionnaires de la Commission et représentants des États membres.</p>
<p>Le principal problème est que l’ECHA travaille surtout sur la base des données transmises par les industriels. Ce mode de fonctionnement est lié à la réglementation européenne REACH qui a <a href="https://echa.europa.eu/fr/regulations/reach/understanding-reach">externalisé la charge de la preuve</a> de l’innocuité des produits aux industriels. Ce processus a été très bien décrit dans les travaux <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/toxiques_legaux-9782707199713">d’Henri Bouiller</a>. À l’époque, c’était perçu comme un progrès de demander aux industriels de prouver que leurs produits n’étaient pas dangereux, mais on n’a pas suffisamment anticipé le fait qu’il faudrait que ces agences aient leur propre capacité d’investigation sur des sujets tels que le glyphosate et ne se contentent pas de relire les documents soumis par l’industrie.</p>
<h2>Le fond du problème est-il donc un problème de « design » des institutions européennes qui ouvre la voie au lobbyisme ?</h2>
<p>Il y a une ambivalence fondamentale jusqu’à l’organigramme de ces agences : l’ECHA, par exemple, a pour double tutelle à sa création la DG Entreprises et la DG environnement, et doit ainsi concilier enjeux économiques et expertise scientifique. Les choses évoluent peu à peu mais des agences comme l’EFSA donnent encore une place centrale à des panels d’experts dont on ne cesse d’essayer de limiter les liens avec l’industrie. Il faudrait effectivement repenser le fonctionnement des institutions européennes de façon à donner une voix aux scientifiques de façon structurelle et pas seulement en nommant « un conseiller scientifique » auprès du président de la Commission européenne.</p>
<p>La transformation en scandales des cas graves d’atteinte aux personnes en raison du glyphosate peuvent être des stratégies payantes pour mobiliser l’opinion, mais le débouché de ces campagnes peine à se concrétiser sur le plan réglementaire, car les agences rattachées à la Commission ont initialement été pensées pour réglementer <em>a minima</em> la mise en circulation des marchandises dans un marché commun. Leur demander de réviser le fonctionnement d’une filière agro-industrielle n’est absolument pas dans leur prérogative. L’histoire des institutions européennes est en effet liée à la mise en place d’un marché commun, et à la nécessité de mettre un cadre permettant la libre circulation des marchandises. Pour changer les choses, il faudrait en passer par des réformes complexes des institutions européennes, mais il n’est pas certain que le contexte politique actuel le permette, sur fond de Brexit et de relations tendues avec la Hongrie et la <a href="https://theconversation.com/au-dela-des-liens-entre-le-rn-et-la-russie-le-grand-projet-illiberal-europeen-207570">montée des illibéralismes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553699/original/file-20231013-20-6m02ol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Parlement européen à Bruxelles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Lue</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si on ajoute tous ces éléments, il n’y a pas besoin de théorie du complot pour expliquer l’arrivée sur la table de cette proposition sur le glyphosate et la prévalence du lobbyisme à Bruxelles. Porter ses positions industrielles au nom de la science à travers un groupe d’intérêt, toutes les grosses entreprises le font. Et le Glyphosate Renewal Group n’est qu’une des 1200 <em>business associations</em> <a href="https://commission.europa.eu/about-european-commission/service-standards-and-principles/transparency/transparency-register_fr">qui œuvrent à Bruxelles</a>. Et du côté des institutions, ces agences font précisément ce pour quoi elles ont été mandatées : accompagner la commercialisation de produits en s’assurant que les industriels sont capables de remplir des dossiers prouvant que leur produit n’est pas si dangereux si on respecte certaines normes d’exposition.</p>
<p>Ce n’est pas de la science, c’est au mieux de la <a href="https://www.cairn.info/dictionnaire-critique-de-l-expertise--9782724617603-page-279.htm?contenu=article">science réglementaire</a>. Les scientifiques n’ont pas accès aux jeux de données de toutes ces études transmises par l’industrie (protégées pour partie par le secret industriel). Et même quand Bayer annonce qu’il va donner toute transparence aux publications transmises ou financées, on n’a pas accès aux jeux de données brutes, mais au mieux aux <em>abstracts</em> – cette limitation à l’accès des données était encore plus caricaturale en 2017, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/intoxication-9782707188694">Stéphane Horel</a> décrivant par exemple la mise à disposition de données par l’industrie sur un ordinateur fixe, dans une salle avec horaires restrictifs et sans possibilité de faire de copies numériques.</p>
<p>Ici, on est sur de la science entravée dans ses principes de libre communication des données et on ne peut pas s’assurer de la <a href="https://theconversation.com/reproduire-un-resultat-scientifique-plus-facile-a-dire-qua-faire-129848">réplicabilité de ces études</a> : c’est une distorsion de ce qu’est vraiment la science. Entre cette « science réglementaire » et la science tout court, il y a donc un interstice, une faille que les industriels se plaisent à occuper et que les pouvoirs publics peinent à colmater. Les décisions de l’Union européenne ne sont en réalité pas toujours « Evidence Based » sur des sujets comme le glyphosate. S’il y a un intérêt intellectuel à travailler sur ces sujets, c’est aussi, car le glyphosate est l’un des rares dossiers où il existe une telle distorsion entre la « science réglementaire » et la science tout court.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Laurens ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le feuilleton-fleuve de l’autorisation de glyphosate rappelle la prévalence du lobbyisme à Bruxelles, sur fond de controverse autour de la molécule, prisée des industriels de l’agrochimie.
Sylvain Laurens, Sociologue, directeur d'études à l'EHESS et chercheur au Centre Maurice Halbwachs (ENS-PSL/CNRS/EHESS), École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213299
2023-10-03T16:32:44Z
2023-10-03T16:32:44Z
L’art explosif d’Hamad Butt, étoile filante de l’art britannique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551733/original/file-20231003-21-kh2s3d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C776%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cradle, une œuvre qui attire l'attention sur un danger contenu mais bien réel. </span> <span class="attribution"><span class="source">Hamad Butt</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://hamadbutt.co.uk">Hamad Butt</a>, artiste méconnu en France, est mort du sida en 1994, à l’âge de 32 ans. Diplômé de l’université Goldsmith à Londres en 1990 et condisciple notamment du célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Damien_Hirst">Damien Hirst</a>, il aura donc été une étoile filante dans le monde des plasticiens britanniques. Le <em>Guardian</em> lui a consacré un long article en <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/2023/jun/12/hamad-butt-lethal-tate-rehang-evacuation">juin 2023</a>, à l’occasion de l’entrée de ses œuvres à la Tate Britain. C’est ainsi que je l’ai découvert.</p>
<p>L’historien d’art <a href="https://www.qmul.ac.uk/sed/staff/johnsond.html">Dominic Johnson</a>, professeur à la Queen Mary University de Londres, dont les recherches portent sur l’art de la performance et l’art vivant, généralement dans une perspective queer, va développer en 2024 à l’University of Southern California (Los Angeles), un <a href="https://fulbright.org.uk/people-search/dominic-johnson/">travail de recherche</a> annoncé comme :</p>
<blockquote>
<p>« la première étude scientifique de l’œuvre de cet artiste britannique originaire d’Asie du Sud dans le contexte de la relation entre l’art et le sida ».</p>
</blockquote>
<p>En attendant cette somme, j’ai eu envie de me pencher, en physicien, sur une seule pièce de Hamad Butt, intitulée <em>Cradle</em> (<em>Berceau</em>).</p>
<p>Je n’ai pas encore vu l’œuvre in situ mais sur les photos, on ressent déjà sa force, sa puissance plastique, avec cette immobilité qui appelle un mouvement, et cette idée de mouvement suspendu. L’objet peut sembler mystérieux au premier abord, surtout si on n’est pas familier du pendule de Newton, ni conscient de ce que représente le danger du gaz de chlore. Car l’œuvre s’impose, sous des dehors neutres et inoffensifs, par la présence réelle du danger, à la fois invisible et sensible.</p>
<p>Les boules de verre soufflé contiennent en effet du vrai gaz de chlore. Un très beau jaune… mortel si la dose respirée est trop importante. Ce produit toxique est un puissant irritant pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Autrement dit, cette œuvre est effectivement dangereuse. Bien sûr, des mesures de sécurité draconiennes en font un danger qui reste potentiel, mais il est là et vous regarde dans les yeux. Cette œuvre expose le public, et c’est, à ma connaissance, unique.</p>
<h2>Un pendule de Newton, du chlore, du verre soufflé</h2>
<p>Hamad Butt installe sous nos yeux les principes de la physique et de la chimie. Pour la physique, il détourne le pendule de Newton : les cinq boules d’acier (ici en verre), par leur mouvement et leurs chocs, matérialisent deux lois de conservation fondamentales : celle de l’énergie mécanique et celle de la quantité de mouvement.</p>
<p>Une fois les boules lancées, leur comportement est spectaculaire.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NfF61CR1jf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un pendule de Newton.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’artiste fait ainsi une allusion très directe au fait que la connaissance scientifique et la maîtrise technologique nous ont ouvert le contrôle et le développement du mouvement mécanisé, et surtout de la vitesse. Mais justement : le « pendule de Newton » de Hamad Butt ne bouge pas – « cradle » est peut-être une allusion ironique à ce mouvement de balancier en suspens. Il ne doit pas bouger pour des raisons de sécurité. Il évoque irrésistiblement le mouvement, mais le mettre en mouvement serait dangereux !</p>
<p>La physique et la chimie apparaissent ici dans toutes leurs dimensions : l’œuvre évoque un dispositif de recherche sorti d’un laboratoire, mais souligne dans le même temps combien l’alliance entre la science, la technologie et l’industrie ont été les éléments clés du développement au XX<sup>e</sup> siècle – son berceau. Dans cette perspective, l’œuvre de Hamad Butt est d’une grande force : par ses composants, par sa structure, elle nous rappelle comment cette société a déployé la science et la technologie à une échelle planétaire, tout en affirmant sa capacité à nous prémunir contre la plupart des dangers et des risques induits par ce développement sans précédent, sans que nous ayons à nous en préoccuper au quotidien.</p>
<p>L’irruption du VIH/sida et l’hécatombe qui en a résulté a largement pris à revers cette conviction, bien au-delà des dernières années de la vie de Hamad Butt.</p>
<h2>Le chlore, gaz dangereux et omniprésent</h2>
<p>Le chlore est un élément chimique extrêmement abondant. Le sel de mer, par exemple, est composé à parité sodium et chlore. L’eau de javel est une des mises en forme les plus connues du chlore. La manipulation du chlore, notamment industrielle, est donc très courante, mais elle reste dangereuse. En juin 2022, dans le port d’Aqaba en Jordanie, un accident a fait 13 morts et plus de 250 blessés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/iRsJrwVMN8A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une fuite de chlore cause la mort de 13 personnes dans le port jordanien d’Aqaba.</span></figcaption>
</figure>
<p>Lors du chargement par une grue portuaire, la rupture du câble a précipité un lourd container de chlore directement sur le pont du bateau. Le nuage jaune très dense qui s’est répandu instantanément ne laissait aucun doute. Il y a là un parallèle saisissant avec <em>Cradle</em>, l’œuvre de Hamad Butt. La grue, les câbles de suspension et la citerne de chlore sont intégrés dans son installation. L’œuvre qui précède cet accident d’un quart de siècle est pratiquement la miniature du dispositif portuaire. Vraiment saisissant !</p>
<h2>Des usages massifs au prix d’accidents à répétition</h2>
<p>Cette mise en situation du risque, à travers le danger que représente le chlore gazeux, a été prise en charge par la collaboration avec les chimistes de l’Imperial Collège à Londres, et avec un technicien spécialiste du verre soufflé. Ils installent ici une relation entre arts et sciences très singulière, construite sur une responsabilité partagée et un engagement commun auprès du public. Ils doivent s’assurer que cette œuvre ne pose pas de problème de sécurité lors de son exposition au public.</p>
<p>C’est là une analogie de ce que font partout, et depuis des décennies, la science, la technologie et l’industrie : produire un nouveau dispositif, une innovation, trop intéressante pour ne pas prendre en charge le risque inhérent et chercher parallèlement à assurer la sécurité.</p>
<p>Mais ici, on a affaire à une installation « inutile » : ce dispositif ne sert à rien, n’a pas d’usage pratique qui justifierait la prise de risque. En réalité, sa fonction est toute autre : Hamad Butt nous rappelle ce pacte auquel nous nous associons tous en délégant à des experts les conditions de notre sécurité et de notre santé. L’accident dans le port d’Aqaba montre que nous acceptons de payer le prix d’accidents meurtriers et répétés, mais dont nous trouvons collectivement les impacts suffisamment limités pour ne pas nous passer de l’innovation.</p>
<h2><em>Cradle</em>, une œuvre complexe et multiple</h2>
<p>Lors de son départ en retraite, Steve Ramsey, le souffleur de verre, qui travaillait à l’époque de la conception de l’œuvre dans un laboratoire de recherche scientifique de l’Imperial College, a raconté sa collaboration avec Hamad Butt :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai travaillé pendant plus de deux ou trois ans avec cet artiste et il n’arrêtait pas de disparaître, alors qu’il faisait pression pour que cette œuvre soit réalisée. J’ai trouvé cela assez frustrant, mais je ne savais pas qu’il était en train de mourir du sida. »</p>
</blockquote>
<p>Ce propos éclaire d’un jour nouveau l’œuvre de Hamad Butt, celui que Dominic Johnson a choisi pour ses recherches. Difficile en effet de dissocier ce rapport à la maladie, à la finitude, au danger de l’œuvre de Hamad Butt.</p>
<p>Avec des œuvres qui s’imposent par leur présence physique et potentiellement dangereuses face aux visiteurs, et qui génèrent ces interrogations si contemporaines, Hamad Butt reste au cœur de nos vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213299/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Méconnu en France, Hamad Butt sera prochainement mis à l’honneur à la Tate Britain. Le travail de l’artiste des années 1990 impose une réflexion inédite sur les dangers de notre ère technologique.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
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tag:theconversation.com,2011:article/211962
2023-09-17T14:46:42Z
2023-09-17T14:46:42Z
Vers des plastiques biodégradables et recyclables ? La piste des « PHAs » progresse
<p>Les plastiques sont omniprésents dans notre vie de tous les jours. Leur production ne cesse de croître depuis 1950 et atteint aujourd’hui plus de 460 millions de tonnes par an. Malgré les préoccupations environnementales et sociétales liées aux déchets plastiques, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1143_1143484-co6fh5owq0&title=Perspectives-mondiales-des-plastiques-Scenarios-d-action-a-l-horizon-2060-L-Essentiel">leur consommation devrait plus que doubler d’ici à 2060 pour atteindre 1 231 millions de tonnes annuelles</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, il est difficile de se passer des plastiques, notamment pour des raisons d’hygiène et de sécurité alimentaire et médicale. Grâce à leurs propriétés ajustables, ce sont aussi les matériaux les plus produits au monde derrière le ciment et l’acier, avec des applications innombrables dans notre vie quotidienne : emballages, construction (adhésifs, revêtements, canalisations, fenêtres, isolation…), mobilité et transports (automobile, aviation, nautisme…), électronique et électrique (téléphone portable, appareils ménagers…), énergie, agriculture, santé et soins, textile entre autres. En Europe, la <a href="https://infos.ademe.fr/magazine-juillet-ao%C3%BBt-2022/faits-et-chiffres/plastique-peut-on-sen-passer/">France figure parmi les pays les plus gros consommateurs de plastiques, avec 70 kilogrammes utilisés annuellement par habitant</a>.</p>
<p>Mais, sur les environ <a href="https://www.unep.org/interactives/beat-plastic-pollution/?lang=FR">8,3 milliards de tonnes de plastiques produites dans le monde au cours des 70 dernières années, 50 % sont à usage unique, seulement 12 % sont incinérés et moins de 10 % sont recyclés</a>. De nombreux <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dechets-plastiques-65998">déchets plastiques</a> se retrouvent disséminés sur la terre, dans les océans, les rivières et les lacs, et persistent durant des dizaines voire des centaines d’années, ce qui met en danger les écosystèmes, la santé publique et la sécurité sanitaire au niveau mondial.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-et-valorisation-des-dechets-plastiques-comment-ca-marche-149288">Recyclage et valorisation des déchets plastiques : comment ça marche ?</a>
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<p>En avril dernier, les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/17/le-g7-promet-de-mettre-fin-a-sa-pollution-plastique-en-2040-un-horizon-lointain_6169816_3244.html">pays du G7 se sont engagés à réduire à zéro leur pollution plastique d’ici à 2040</a>. Au-delà des efforts législatifs et de ceux des citoyens, il s’agit d’aller vers une économie circulaire : supprimer les plastiques jetables et non recyclables et optimiser l’ensemble de leur cycle de vie (de la conception à la fin de vie).</p>
<p>Parmi les diverses solutions envisagées par les chercheurs, les polyhydroxyalcanoates, dits PHAs, constituent une famille de plastiques qui a le vent en poupe : les <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/biotechnologies/des-plastiques-extraits-des-plantes-4146.php">PHA naturels sont extraits des plantes</a>, mais ils peuvent être aussi produits par biosynthèse ou par synthèse chimique. Actuellement, les <a href="https://doi.org/10.1002/anie.202302101">chimistes</a> des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37024718/">polymères</a> <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.adg4520">optimisent</a> les PHAs en les rendant notamment moins friables, thermiquement plus stables et <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adh3072">surtout recyclables</a>. </p>
<h2>Qu’est-ce qu’un plastique « éco-conçu » ?</h2>
<p>Pour développer des plastiques respectueux des écosystèmes, de la biodiversité et de la santé humaine, il nous faut non seulement limiter leur usage au strict nécessaire, favoriser leur réemploi, leur recyclage, mais aussi repenser leur conception, dans un contexte de circularité et de durabilité.</p>
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<img alt="cuillères et fourchettes plastique" src="https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/544221/original/file-20230823-23-3u7w22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des couverts en plastique biodégradable.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/32782663@N00/3233133589/">drea, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les PHAs sont très variés. S’ils ne peuvent pas remplacer tous les plastiques traditionnels issus de ressources fossiles, ils présentent des propriétés intéressantes, qui permettent déjà leur utilisation, notamment comme plastiques à usage unique : emballages, sutures, pailles, cuillères, fourchettes et gobelets alimentaires. </p>
<p>Cette capacité à être modulés est importante, car c’est la variété de leurs propriétés intrinsèques qui a permis le déploiement extensif des plastiques traditionnels : légèreté, résistance, durabilité, malléabilité, et pour certains, bien connus du grand public et utilisés en très grand volume, de faibles coûts (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Poly%C3%A9thyl%C3%A8ne">polyéthylène</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polystyr%C3%A8ne">polystyrène</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polychlorure_de_vinyle">PVC</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Polyt%C3%A9r%C3%A9phtalate_d%27%C3%A9thyl%C3%A8ne">PET</a>…)</p>
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À lire aussi :
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<p>Mais alors, quand ils sont à usage unique, pourquoi les PHAs sont-ils plus vertueux que des plastiques issus de ressources fossiles ? </p>
<p>Pour deux raisons : d’abord, certains sont dérivés de la biomasse, c’est-à-dire que l’on peut les fabriquer à partir de canne à sucre, maïs, huiles de cuisson usagées par exemple. Ensuite, ils sont biodégradables — notamment dans l’eau de mer ou douce — et compostables (<a href="https://theconversation.com/pourquoi-mettre-des-matieres-plastiques-dans-son-composteur-est-une-mauvaise-idee-200246">dans certaines conditions</a>) : ils se dégradent dans tous les milieux (compost, sols, eau) de façon comparable ou plus rapidement que la cellulose.</p>
<p>En fin de vie, on peut bien sûr les incinérer (comme environ <a href="https://www.nationalgeographic.fr/le-plastique-en-10-chiffres">12 % des déchets plastiques produits à l’échelle mondiale depuis 2015</a>) ou les biodégrader. </p>
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<p>Et on sait aussi les recycler : les dernières avancées en recherche montrent qu’il est possible de préparer à grande échelle en laboratoire (quelques centaines de grammes), à partir de ressources renouvelables, des PHAs plus flexibles que ceux commercialisés actuellement, stables thermiquement, tout en étant dégradables. Leur <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.adg4520">dégradation permet de retrouver les monomères initiaux, à partir desquels les polymères peuvent être à nouveau produits, et ce sur plusieurs cycles</a>, dans des conditions industrialisables douces. Précisons toutefois que ces nouveaux PHAs ne sont pas encore produits industriellement.</p>
<p>De tels PHAs présentent un cycle de vie en boucle fermée, un avantage significatif par rapport aux polyoléfines actuels (plastiques issus de ressources fossiles, pas (voire peu) dégradables) dont ils présentent des performances voisines, et ouvrent ainsi potentiellement la voie à une solution durable et circulaire à la problématique des plastiques.</p>
<p>Ainsi, le marché des PHAs produits à l’échelle industrielle devrait augmenter au cours des cinq prochaines années de 32,14 kilotonnes en 2023 à 92,41 kilotonnes en 2028, ce qui représente un <a href="https://www.marketsandmarkets.com/Market-Reports/pha-market-395.html">marché potentiel de 195 millions de dollars</a>.</p>
<h2>Comment obtenir des PHAs aux propriétés suffisamment variées pour peu à peu remplacer les autres plastiques</h2>
<p>Au sens chimique, les PHAs appartiennent à la famille des polyesters : ils présentent une fonction ester (C=O-O) qui est hydrolysable et permet ainsi la dégradation et le recyclage.</p>
<p>On les trouve dans la nature, où ils sont produits par une variété d’organismes, notamment par fermentation bactérienne des glucides ou des lipides (sucres ou huiles végétales). Ils servent de nutriments et de source d’énergie et <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/biotechnologies/des-plastiques-extraits-des-plantes-4146.php">font partie du métabolisme des organismes vivants (plantes, animaux, humains)</a>. </p>
<p>Les PHAs peuvent aussi être obtenus par synthèse chimique, par des réactions de « polymérisation » : des réactifs appelés monomères (les briques constitutives, éventuellement biosourcées) s’enchaînent les uns aux autres par des liens chimiques pour former le polymère. La voie chimique permet d’élargir et de diversifier la plate-forme des PHAs actuels, notamment en introduisant des substituants et/ou des groupes fonctionnels sur chaque unité de répétition qui constitue le squelette du polymère, ou encore en associant différents types de monomères au sein d’un même polymère (on parle alors de copolymère). </p>
<p>Dans <a href="https://doi.org/10.1039/d3py00707c">nos dernières recherches</a> développées à l’<a href="https://iscr.univ-rennes.fr/">Institut des Sciences Chimiques de Rennes</a> (CNRS/Université de Rennes), nous avons par exemple montré que l’introduction de soufre dans les PHAs conduit à des polythioesters (présentant une fonction « thioester » (C=O-S) plus facilement dégradable que celle d’un polyester) avec une stabilité thermique distincte de celle de leurs analogues oxygénés — les PHAs.</p>
<p>Les réactions de polymérisation, conduisant à un polymère ou copolymère de microstructure chimique bien définie au sein duquel l’enchaînement de chacune des briques de monomères est contrôlé, peuvent être réalisées grâce à l’emploi de « catalyseurs » spécifiques (des composés organiques ou métalliques qui promeuvent la réaction chimique). Les propriétés thermiques (température de fusion, de dégradation) et mécaniques (dureté, souplesse, élongation…) de tels PHAs réguliers peuvent ainsi être modulées selon l’application envisagée.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/py/d2py01573k">nous avons récemment montré</a> le rôle essentiel du catalyseur de polymérisation, combiné à la présence de groupes sur le monomère initial, pour obtenir des PHAs avec ces substituants positionnés avec régularité le long de la chaîne principale du polymère, qui présentent alors des caractéristiques thermiques ajustables.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-08-CP2D-0001">BIOPOLYCAT</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Guillaume est membre (ancienne présidente) du Groupe Français des Polymères (GFP) et de la Société Chimique de France (SCF), et représentante nationale à la Division Polymères de l'Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC), sans en recevoir de financements.
Le groupe de recherche de S. Guillaume reçoit des financements du CNRS, de l'Université Rennes, de la région Bretagne, de Rennes Métropole, de l'ANR, de l'Europe et de certaines entreprises (de gré à gré) dans le contexte de ses activités de recherche, mais sans aucun financements directs.</span></em></p>
Les polyhydroxyalcanoates peuvent être biosourcés, mais surtout, on découvre comment les recycler… plusieurs fois.
Sophie Guillaume, Directrice de recherche CNRS en chimie des polymères, Université de Rennes
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/210355
2023-08-16T14:22:51Z
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Vers une valorisation des ressources végétales boréales
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541991/original/file-20230809-27838-bwvns3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C1011%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le kalmia à feuilles étroites est une plante envahissante typique des écosystèmes boréaux. Sa prolifération peut nuire au reboisement de zones soumises à des perturbations</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.inaturalist.org/observations/28905420">Jacques Ibarzabal/iNaturalist</a></span></figcaption></figure><p>Les plantes produisent des molécules pour interagir avec leur environnement et pour se protéger contre les menaces extérieures. Ces molécules peuvent également présenter des propriétés – antioxydantes, anti-inflammatoires, antibactériennes – qui sont bénéfiques pour la santé humaine. Ces propriétés sont valorisées par les médecines traditionnelles et inspirent le développement de médicaments par les chimistes contemporains. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plantes-de-la-foret-boreale-de-la-medecine-traditionnelle-autochtone-a-la-medecine-moderne-200154">Plantes de la forêt boréale : de la médecine traditionnelle autochtone à la médecine moderne</a>
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<p>La majorité des médicaments sur le marché sont des <a href="https://www.nature.com/articles/nchem.2479">produits naturels ou en dérivent</a>. Entre autres, plusieurs classes d’antibiotiques utilisées pour combattre les infections bactériennes sont basées sur la structure chimique de produits naturels.</p>
<p>Par exemple, l’érythromycine A est un antibiotique naturel, produit par un micro-organisme. Elle est utilisée pour combattre différentes infections bactériennes. On prépare un autre antibiotique, la clarithromycine, en modifiant la structure de l’érythromycine A. </p>
<p>Les produits biosourcés, qui tirent leur origine du vivant, trouvent aussi des applications dans des domaines variés incluant les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ics.12564">produits cosmétiques</a>, les compléments alimentaires, les phytosanitaires et <a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acs.jafc.2c06938">l’alimentation animale</a>. </p>
<p>Notre groupe de recherche au laboratoire LASEVE de l’Université du Québec à Chicoutimi s’intéresse à la valorisation des produits naturels issus de la forêt boréale. Le choix des espèces étudiées s’appuie en partie sur les usages traditionnels des plantes, par les communautés autochtones. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
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<h2>À la découverte de molécules fascinantes</h2>
<p>Les molécules d’intérêt sont souvent extraites en macérant les plantes dans différents solvants (eau, éthanol, glycérine). Des tests biologiques permettent d’évaluer rapidement les bienfaits des extraits. Il est par exemple possible de mesurer le pouvoir antibiotique de produits naturels en traitant des bactéries cultivées au laboratoire. </p>
<p>Les tests biologiques permettent également de faciliter la sélection et l’isolation des molécules ayant les propriétés les plus intéressantes ; on parle alors de « fractionnement bio-guidé ». </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542407/original/file-20230811-15-wiokuj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma de principe de l’approche de découverte de nouvelles substances bioactives à partir de la biomasse forestière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jérôme Alsarraf)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le peuplier baumier comme antibactérien</h2>
<p>Le staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) compte parmi les six bactéries causant la majorité des décès liés à la résistance aux antibiotiques à l’échelle mondiale. La résistance des bactéries aux antibiotiques <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)02724-0/fulltext">compromet notre capacité à combattre les infections bactériennes</a>. Dans ce contexte, la découverte de nouvelles classes d’antibactériens devient un enjeu de santé publique. </p>
<p>Nous avons notamment identifié une famille de molécules antibactériennes extraites des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040403912021338">bourgeons de peuplier baumier (<em>Populus balsamifera</em>)</a>. Ces composés originaux, nommés balsacones, sont actifs contre le SARM. De plus, contrairement à <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2019.02341/full">d’autres antibiotiques</a>, leur usage ne semble pas induire de résistance chez les bactéries traitées. </p>
<p>Cependant, les rendements d’isolation des balsacones à partir du bourgeon de peuplier baumier sont faibles. En d’autres termes, pour un kilogramme de plante, nous n’arrivons à obtenir qu’environ 10 milligrammes de molécules ; des quantités bien trop faibles pour étudier les propriétés de ces molécules dans le détail. </p>
<p>Les balsacones demeurent néanmoins des produits prometteurs dans la lutte contre la résistance des bactéries.</p>
<h2>Une production plus verte</h2>
<p>Les molécules d’intérêt sont habituellement obtenues par synthèse, c’est-à-dire en assemblant successivement différents « blocs de construction » pour aboutir à la molécule souhaitée. Les approches classiques utilisent des « blocs de construction » simples issus de l’industrie pétrolière. Ces méthodes sont fastidieuses et nécessitent plusieurs étapes de synthèse qui reposent sur l’emploi de matières premières nocives et non renouvelables. </p>
<p>La pénurie à venir des ressources fossiles, combinée avec les enjeux environnementaux entourant la pétrochimie, appelle au <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2006/gc/b604483m">développement d’alternatives plus durables</a>. Pour pallier ces limitations, une stratégie consiste à employer des produits naturels comme « blocs de construction » pour la synthèse de molécules à haute valeur ajoutée. Ces blocs de constructions remplacent avantageusement les produits issus du pétrole. </p>
<p>Cette approche, dite de xylochimie lorsque les « blocs de construction » <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2020/gc/d0gc01484b">proviennent du bois</a>, contourne l’usage de matières premières non renouvelables. L’idée derrière cette méthode est de simplifier la séquence de synthèse en utilisant des molécules biosourcées. De plus, la variété des précurseurs naturels disponibles permet de diversifier les produits accessibles et de découvrir de nouveaux dérivés. </p>
<p>En nous appuyant sur ce principe, nous avons synthétisé plusieurs balsacones en une seule étape de synthèse, en <a href="https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/acssuschemeng.0c01545">combinant deux molécules biosourcées</a>. </p>
<p>La procédure mise en œuvre repose sur plusieurs principes de la <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2010/CS/B918763B">chimie dite « verte »</a>. Elle a aussi permis de produire des molécules inédites apparentées aux balsacones afin de mieux comprendre les paramètres structuraux qui confèrent aux balsacones leurs <a href="https://www.mdpi.com/2079-6382/10/6/620">vertus antibactériennes</a>. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=169&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542404/original/file-20230811-4652-8jnelf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=212&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Principe de l’approche de synthèse xylochimique (droite) comparativement à l’approche de synthèse classique (gauche).</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jérôme Alsarraf)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Valoriser les trésors de la forêt boréale</h2>
<p>L’industrie forestière génère annuellement plus de 1,7 million de tonnes d’écorces au Québec. </p>
<p>Ces résidus demeurent peu exploités, malgré leur forte teneur en molécules aux propriétés intéressantes. </p>
<p>Notre laboratoire travaille au développement de méthodes pour valoriser ces sous-produits de l’exploitation forestière, en identifiant les molécules qu’ils contiennent et en caractérisant leurs propriétés biologiques. </p>
<p>Nous nous intéressons également à d’autres espèces végétales issues de la forêt boréale et impliquées indirectement dans l’aménagement de cette dernière. Par exemple, le kalmia à feuilles étroites (<em>Kalmia angustifolia</em>) est une plante envahissante typique des écosystèmes boréaux. Sa prolifération peut nuire au reboisement de zones soumises à des perturbations telles que des épidémies d’insectes ravageurs ou des feux, dont la fréquence et la sévérité sont <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/cjfr-2019-0094">susceptibles de s’accentuer dans le contexte actuel de changement climatique</a>. </p>
<p>Les travaux de notre équipe ont montré que cette espèce contient une molécule pouvant être utilisée pour produire la balsacone A, un composé aux propriétés antibactériennes. </p>
<p>En procédant à la récolte du kalmia à feuilles étroites, nos approches d’extraction et de transformation de biomolécules pourraient permettre d’augmenter la valeur ajoutée de cette biomasse, dans une démarche d’économie circulaire. </p>
<p>Ainsi, les extraits végétaux provenant de la forêt boréale peuvent conduire à la découverte de nouvelles substances contribuant notamment à répondre à des enjeux de santé publique mondiaux. </p>
<p>L’utilisation de molécules naturelles comme blocs de constructions pour préparer des dérivés plus complexes permet aussi de générer des produits à haute valeur ajoutée de façon plus respectueuse de l’environnement. </p>
<p>Dans ce contexte, l’étude des produits naturels permettra de contribuer de manière importante au développement durable et à la productivité des forêts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210355/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Alsarraf est membre du Centre de recherche sur la boréalie (CREB).
Jérôme Alsarraf a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Mathematics of Information Technology and Complex Systems (Mitacs). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>André Pichette est membre de l’Ordre des chimistes du Québec (OCQ) André Pichette a reçu des financements de Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS) Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et Génie du Canada (CRSNG)- Alliance - Mathematics of Information Technology and Complex Systems (MITACS) - Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean Legault est membre de l'ordre des chimistes du Québec. Il a reçu des financements du FQRNT, FRQS, CRSNG et MITACS.
</span></em></p>
Les plantes boréales produisent des molécules qui sont valorisées par les médecines traditionnelles et qui inspirent le développement de médicaments par les chimistes contemporains.
Jérôme Alsarraf, Professeur de Chimie, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Andre Pichette, Professeur en chimie des produits naturels, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Jean Legault, Professeur-chercheur en biochimie et pharmacologie, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
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tag:theconversation.com,2011:article/207268
2023-07-06T17:18:08Z
2023-07-06T17:18:08Z
Surcycler des déchets textiles : une piste pour mieux isoler les bâtiments ?
<p>Actuellement, l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=industrie+textile&sort=relevancy&language=fr&date=all&date_from=&date_to=">industrie textile</a> est le cinquième secteur d’activité le plus polluant au monde. Ce secteur consomme beaucoup d’énergie et d’eau, mais aussi des quantités considérables d’engrais et pesticides pour faire pousser les fibres, et de métaux lourds, phtalates, et colorants pour les transformer. On estime qu’il faut <a href="https://doi.org/10.5194/hess-15-1577-2011">entre 7 000 et 11 000 litres d’eau pour la fabrication d’un seul jean à base de coton</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://earth.org/statistics-about-fast-fashion-waste/">92 mégatonnes de déchets textiles produits par an</a>, une grande partie est brûlée ou envoyée dans les décharges. Seulement <a href="https://emf.thirdlight.com/file/24/uiwtaHvud8YIG_uiSTauTlJH74/A%20New%20Textiles%20Economy%3A%20Redesigning%20fashion%E2%80%99s%20future.pdf#page=20">14 % de ces déchets sont réutilisés</a> (seconde main) ou recyclés en matériaux à faible valeur ajoutée (sous-cyclage) : rembourrages de matelas, panneaux d’isolation notamment, tandis que 1 % est transformé en nouvelles fibres textiles (recyclage).</p>
<p>Entre 2000 et 2014, le nombre moyen d’habits achetés par individu a doublé et la quantité de déchets a augmenté de 40 % en 30 ans, <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/style-thats-sustainable-anew-fast-fashion-formula">un phénomène accéléré par la « fast fashion »</a>, le phénomène de renouvellement très rapide des collections de vêtements peu coûteux.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> des textiles est indispensable à une transition vers des modèles économiques circulaires et plus durables mais il est aujourd’hui coûteux. Fabriquer des matériaux à haute valeur ajoutée (surcyclage) permettrait de compenser ces coûts et de favoriser le développement de la filière.</p>
<h2>Comment recycler les textiles ?</h2>
<p>Le recyclage des déchets textiles implique l’utilisation de procédés chimique, mécanique, organique ou mixte. L’élaboration de nouvelles fibres filées à partir de déchets textiles est possible pour les tissus d’origine végétale de type coton ou viscose, car ces textiles sont composés d’une seule matière. À savoir que la viscose, aussi appelée « fausse soie », est une fibre artificielle faite à partir de bois et présente une structure chimique finale similaire au coton.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Du déchet textile au matériau valorisable : monolithes (cylindres) et billes d’aérogels faits à partir de deux tissus 100 % viscose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au contraire, les textiles multicomposants sont très difficiles à recycler à cause des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0734242X18819277">propriétés physico-chimiques très variées des différentes fibres</a>. Par exemple, la plupart des fibres synthétiques telles que le polyester ou le polyamide peuvent être chauffées, fondues et mises en forme à haute température (autour de 200 °C), alors que cela est infaisable avec les polymères naturels tels que le coton ou la laine. On ne sait malheureusement pas séparer mécaniquement différents types de fibres actuellement à l’échelle industrielle.</p>
<p>Le développement de nouvelles approches de recyclage des déchets textiles est l’un des <a href="https://www.carnot-mines.eu/fr/carnot-mines-%C3%A0-la-recherche-de-solutions-op%C3%A9rationnelles-%C3%A0-la-question-du-recyclage-des-plastiques,https://www.theses.fr/s259058">principaux axes de recherche de différents projets scientifiques</a>, dont la création de nouveaux matériaux. En effet, aujourd’hui le peu de déchets textiles récupéré et voué à être retransformé suit soit une boucle de recyclage fermée – afin d’être de nouveau utilisé pour créer de nouveaux fils et tissus – soit une boucle ouverte, menant à la création de matériaux différents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles</a>
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<p>Actuellement, les matériaux créés en « boucle ouverte » à partir de déchets textiles, comme les rembourrages de matelas, ont une faible valeur ajoutée par rapport à leur matière d’origine, le textile. Ce type de recyclage est donc caractérisé de « sous-cyclage » ou « downcycling ».</p>
<h2>Créer de nouveaux matériaux de haute valeur à partir de déchets</h2>
<p>Les déchets textiles ne font pour l’instant pas l’objet de valorisation par des procédés industriels de surcyclage ou « upcycling » en matériaux à haute valeur ajoutée. Ceux-ci pourraient permettre de contrer les coûts élevés des procédés de recyclage.</p>
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<p>De plus, l’utilisation de l’important gisement de déchets textiles permettrait de valoriser une ressource qui pour le moment est inexploitée, et de répondre à la demande croissante des industriels de remplacement des matières pétrosourcées par des biomatériaux (ici, la cellulose contenue dans les textiles).</p>
<p>C’est pourquoi ma thèse consiste en la transformation de déchets textiles à base de coton ou viscose en matériaux poreux de nouvelle génération et à haute valeur ajoutée, appelés « aérogels ».</p>
<h2>Les aérogels pour l’isolation des bâtiments</h2>
<p>Depuis plusieurs années, des aérogels à base de silice et de polymères pétrosourcés (non biosourcés donc) sont développés et utilisés à petite échelle en tant que « super isolants » thermiques pour le bâtiment – sachant que l’isolation est un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Mais le coût élevé des matières premières et des procédés de fabrication impliquant des <a href="https://doi.org/10.1039/C3TA13172F">substances toxiques</a>, ainsi que les mauvaises propriétés mécaniques des aérogels de silice, <a href="https://doi.org/10.1007/s10971-016-4012-5">freinent leur développement à l’échelle industrielle</a>.</p>
<p>Les « bio-aérogels » élaborés à partir de sources naturelles comme la pectine (pépins de pomme et écorce d’agrumes), l’amidon (pomme de terre, riz et maïs) et la cellulose (bois) possèdent des propriétés similaires aux aérogels classiques en termes de porosité et densité. Mais ont l’avantage d’être entièrement composés de matières premières renouvelables, c’est-à-dire inépuisables, sont 100 % biodégradables et non toxiques.</p>
<p>Les bioaérogels 100 % textiles sont dix fois plus légers que l’eau et hautement poreux – le diamètre des pores est compris entre 20 et 100 nanomètres, ce qui les rend invisibles à l’œil nu. Ils contiennent plus de 90 % d’air, et, si on déplie virtuellement un gramme de matériau aérogel, alors sa surface correspond à deux terrains de tennis (environ 400 mètres carrés). Ils présentent également des <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">propriétés similaires aux aérogels faits de cellulose pure standard</a> élaborée en laboratoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="microscopie du matériau poreux" src="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La structure interne, très poreuse, de notre aérogel de cellulose. La photo couvre environ 25 micromètres en largeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leur porosité particulièrement élevée devrait permettre leur utilisation en tant que matériaux d’<a href="https://doi.org/10.3390/coatings8100345">isolation thermique</a> et <a href="https://doi.org/10.1002/adem.202201137">acoustique</a> dans le bâtiment et le secteur du transport.</p>
<p>Prenons, par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">transformation en biomatériau d’une chemise 100 % viscose</a> provenant d’un gisement de post-consommation. Après effilochage du tissu, je dissous les fibres grâce à des solvants spécifiques, permettant l’obtention d’une solution de « viscose liquide ». Après avoir fait gélifier ce liquide sous la forme désirée (cylindres, billes, formes sur mesure par impression 3D), j’élimine le solvant et je sèche le gel dans des conditions spécifiques, me permettant d’obtenir un biomatériau sec poreux 100 % textile. Nos tests de conductivité thermique montrent que les aérogels obtenus isolent mieux que les panneaux d’isolation fabriqués en textile recyclés, mais il reste à faire des tests grandeur nature dans des bâtiments. On observe une conductivité thermique entre 0,030 et 0,036 W/mK pour les aérogels face à <a href="https://www.izi-by-edf-renov.fr/blog/isolation-textile-recycle">0.039–0,051 W/mK pour les isolants classiques en textile</a>, qui transmettent donc plus la chaleur.</p>
<p>Une variante de ce procédé permet également de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/su/d2su00084a">recycler le textile multicomposé comme le polycoton (mélange polyester/coton)</a>, où le coton est sélectivement dissous et le polyester récupéré pour être recyclé séparément.</p>
<h2>Les autres applications des aérogels issus de déchets textiles</h2>
<p>La fine porosité des aérogels de cellulose permettrait aussi de fabriquer des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6403747/">filtres à air pouvant être utilisés dans les salles blanches</a> (industrie agroalimentaire, électronique) afin de piéger les particules et éviter les potentielles contaminations.</p>
<p>En plus de leur biocompatibilité, la taille des pores des aérogels de cellulose peut être modifiée et adaptée selon l’application (de quelques dizaines de nanomètres à quelques dizaines de microns), il est alors possible d’y inclure une substance active et de contrôler son relargage au cours du temps.</p>
<p>Ainsi, ces biomatériaux peuvent être utilisés en tant que <a href="https://doi.org/10.1007/s10570-021-03734-9">matrice contenant des médicaments</a> ou des engrais. Les aérogels de cellulose peuvent également servir à l’élaboration de dispositifs médicaux spécifiques en tant que <a href="http://bmrat.org/index.php/BMRAT/article/view/637">pansement antibactérien</a>, ou comme <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/bm5003976">support tridimensionnel pour la culture cellulaire</a>.</p>
<p>Grâce à leurs propriétés physico-chimiques particulières, les aérogels de textile pourraient ainsi faire l’objet de multiples applications dans des secteurs variés.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-EURE-0021">Biotechnology Building Bio-based Economy</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de thèse a été financé par l'Institut Carnot M.I.N.E.S. et a bénéficié d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’Investissements d’Avenir portant la référence ANR-18-EURE-0021.</span></em></p>
Nous créons de nombreux déchets textiles, qui sont peu recyclés, et encore moins surcyclés. Une piste pour donner plus de valeur à ces fibres mises au rebut.
Marion Négrier, Post-doctorante en chimie des matériaux au CEMEF (Mines Paris - PSL), en collaboration avec le centre RAPSODEE (IMT Mines Albi) et avec le le Centre Thermodynamique des Procédés, Mines Paris - PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207650
2023-06-27T18:22:00Z
2023-06-27T18:22:00Z
Pollution chimique et effet cocktail: une piste vers des tests toxicologiques sans expérimentation animale
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531606/original/file-20230613-23-2j4pgf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C19%2C4327%2C2131&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des cellules de poumon humain cultivées in vitro répondent au stress environnemental (vivantes et saines à gauche et exposées à un poison à droite), et changent de forme et de motifs de connexion.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Sophie Charrasse / CNRS-ISEM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une image où apparaissent des mitochondries en rose : ce sont les poumons et « centrales énergétiques » qui permettent aux cellules (en vert, avec leurs noyaux en bleu) de respirer, de vivre et d’assurer leurs <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37100996/">fonctions</a>.</p>
<p>Dans les cellules saines à gauche, les mitochondries sont plutôt longues et interconnectées, à l’image d’un réseau routier vu du ciel ; tandis que dans des cellules <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24429632/">stressées</a> et endommagées à droite, leur réseau est éclaté en une constellation de mitochondries solitaires, qui produisent moins d’énergie et finiront par précipiter les cellules dans la voie du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5641228/">suicide</a>.</p>
<p>Ainsi, les mitochondries sont un bon baromètre de la santé de nos cellules, l’architecture de leurs réseaux allant même jusqu’à varier dans les tissus provenant d’individus <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8514530/">malades</a>. Grâce à l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27731355/">imagerie confocale</a> en temps réel, à l’aide notamment de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33562813/">robots</a> d’imagerie à haut contenu, nous pouvons révéler en moins d’une seconde les contours d’une cellule vivante, son noyau ainsi que des « organites » uniques (les éléments d’une cellule qui assurent des fonctions spécifiques, comme les mitochondries justement), afin d’étudier les effets de différents polluants sur les cellules et leur santé.</p>
<h2>L’imagerie rapide des mitochondries comme « lanceur d’alerte » en santé environnementale</h2>
<p>Contamination de l’air, de l’eau, des produits alimentaires, pollution des sols, pollution sonore : mesurer l’impact des risques environnementaux sur la santé des organismes et des écosystèmes n’est pas une mince affaire.</p>
<p>Les images générées par les plates-formes d’imagerie sont traitées informatiquement pour livrer de précieux renseignements sur l’effet des nombreux polluants qui nous entourent.</p>
<p>C’est un pas en avant pour décrypter l’« exposome », une notion <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16103423/">introduite</a> par le britannique Christopher Paul Wild en 2005 et qui se définit comme la totalité des expositions auxquelles un individu est soumis tout au long de sa vie (de la conception à la mort).</p>
<p>En effet, les <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/content/publication/9789264262294-fr">pollutions extérieure</a> (air, eau, sols) et <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AUT-Ra-CoutAirInterieurSHS2014.pdf">intérieure</a> (foyer, bureau, voiture) engendrent non seulement des effets négatifs sur notre <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35594895/">santé</a> (avec le déclenchement de maladies chroniques) et celle des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36943240/">écosystèmes</a> (qui accusent une chute sans précédent de la biodiversité et des rendements agricoles), mais également un coût socio-économique <a href="https://epha.org/how-to-save-hundreds-of-thousands-of-lives-in-europe-through-ambient-air-quality-directives/">énorme</a>.</p>
<p>Un décès sur six lui serait imputable chaque année, soit <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(22)0 0090-0/fulltext">trois fois plus</a> que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis. Nous évoluons par ailleurs en permanence dans une « chimiosphère » (un mélange de substances) dont les risques sont très mal connus : épidémiologistes et toxicologues n’ont pu évaluer la toxicité que d’une fraction minime des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31968937/">350 000 produits chimiques enregistrés depuis les années 1960 dans les principaux inventaires chimiques nationaux et régionaux</a> (pour production et utilisation commerciale).</p>
<p>L’impact sanitaire et écologique de ces composés, qui risquent de mettre en péril l’intégrité du <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35038861/">système Terre</a>, reste peu caractérisé lorsqu’on les étudie séparément. Qui plus est, leurs potentiels « effets cocktails » (les effets résultant d’une exposition à plusieurs substances en même temps, qui sont parfois plus délétères qu’une exposition « simple ») ne sont quasiment jamais testés, faute de technologies <em>ad hoc</em>.</p>
<p>Comment traduire la réalité de ces expositions multiples à l’échelle des cellules d’un organisme ?</p>
<h2>Une nouvelle génération de tests toxicologiques sans expérimentation animale</h2>
<p>C’est à ce niveau que les mitochondries ont leur mot à dire. La fragmentation des mitochondries et du réseau mitochondrial constitue en effet un reflet précoce de leur perte de fonctionnalité et donc un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31877376/">marqueur</a> du danger environnemental.</p>
<p>Le principe de la méthode consiste à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27560178/">peindre</a> (avec des colorants vitaux) les mitochondries et autres constituants des cellules cultivées in vitro. Ces dernières sont des cellules humaines primaires, ou de lignées, de diverses origines tissulaires (peau, poumon, rein, intestin par exemple) et que l’on va exposer à des substances toxiques retrouvées dans notre environnement, par exemple des pesticides ou des particules fines. Nul besoin ici de sacrifier un animal à chaque expérience.</p>
<p>Grâce à un logiciel, une batterie de paramètres est calculée à partir des images de microscopie confocale : la taille des mitochondries, leur circularité et leur degré de connectivité font partie de la centaine de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38047232/">descripteurs</a> possibles qui permettent de mettre en évidence l’effet délétère de substances toxiques, seules ou combinées (effet cocktail).</p>
<p>L’objectif est de mettre en relation des évènements moléculaires initiateurs, tels que l’exposition à ces substances chimiques, avec une nocivité ou une toxicité, à différentes échelles biologiques au niveau des cellules, tissus, organes jusqu’aux individus. Si les mitochondries connectent les toxicités et altérations s’exprimant à l’échelle microscopique (cellules) et les effets adverses et les pathologies observées à l’échelle tissulaire, l’incertitude concerne l’extrapolation des données toxicologiques obtenues in vitro aux effets possibles sur les organismes et les écosystèmes.</p>
<p>À terme, ce système pourrait aussi permettre d’identifier des ingrédients capables de protéger ou de restaurer les « mitochondriomes » (l’ensemble des mitochondries) des cellules exposées à des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35011671/">polluants</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Abdel Aouacheria est membre de la Chaire Reliance en complexité de la Fondation de l'Université de Montpellier. Son programme de recherche (MITOMATIQUE) a bénéficié de subventions de recherche octroyées par la Fondation ARC pour la recherche contre le cancer, la Ligue contre le cancer, l’i-site MUSE, le CNRS et le programme de prématuration de CNRS Innovation. Ce projet a par ailleurs fait l’objet de collaborations avec deux industries cosmétiques (SILAB et CLARIANT) ainsi qu’avec le Phoenix Children’s Hospital (University of Arizona, USA). </span></em></p>
Grâce à de nouvelles techniques d’imagerie rapide, on peut évaluer l’état de santé de cellules soumises à des polluants et autres poisons.
Abdel Aouacheria, Biologiste, chargé de recherches au CNRS, spécialiste de la vie et de la mort des cellules, Université de Montpellier
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2023-06-14T16:40:07Z
2023-06-14T16:40:07Z
Quand Hicham Berrada utilise la chimie pour créer un monde merveilleux
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532009/original/file-20230614-18844-xr3cbp.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C671%2C447&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Couleurs, formes et réactions chimiques composent une oeuvre unique et changeante. Hicham Berrada, Présage (2018), Installation vidéo avec vidéoprojecteurs synchronisés.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hicham Berrada / Collection Pinault / ©Photo: Laurent Lecat </span></span></figcaption></figure><p>Hicham Berrada présente actuellement son œuvre « Présage » (2018) à la Bourse du Commerce (collection Pinault), à Paris, <a href="https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/avant-lorage">dans le cadre de l’exposition « Avant l’orage »</a>. Sur un écran géant incurvé, dans une pièce plongée dans le noir, on est immergé dans des paysages composés à partir de minéraux plongés dans une solution aqueuse : mouvements liquides, formes étranges en croissance, couleurs qui se déploient. Des transformations toujours surprenantes et variées observées au travers d’un bécher ou d’un aquarium.</p>
<p>J’ai eu envie, dans un premier temps, de me laisser porter et de rêver en déambulant devant ces mouvements fluides, ces croissances, ces bulles, cette profusion de formes changeantes. Mais bien sûr, j’ai fini par chercher à comprendre, avec mes lunettes scientifiques, comment l’artiste avait conçu cette œuvre.</p>
<h2>Ce n’est « que » de la chimie</h2>
<p>Pourtant cette œuvre n’est « que » le résultat d’une chimie que l’on est tenté de qualifier de banale. Le bécher, indispensable dans un laboratoire de chimie, simple récipient en verre, contient la scène filmée qui se déploie. Le choix des produits immergés dans l’eau détermine les réactions chimiques, les couleurs produites, le type de formes qui vont apparaître. Les caractéristiques des réactions, la température, la pression, les concentrations vont déterminer les vitesses de réaction. On parle de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cin%C3%A9tique_chimique">« cinétiques de réaction »</a>.</p>
<p>Hicham Berrada connaît bien tout cela, probablement mieux que moi, physicien à la chimie bien rouillée. Il en joue, et on peut essayer de discerner avec lui, au-delà même de la mise en œuvre de la chimie, les questions invisibles mais bien présentes dans ce jeu, qui à mes yeux sont des éléments clés de cette œuvre d’art. Ce sont aussi des questions scientifiques fondamentales.</p>
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<p>Le premier de ces éléments fondamentaux est la couleur. La profusion des couleurs, est une constante dans le travail de Berrada : l’artiste contrôle toute une palette à partir des réactifs initiaux. Il rejoint ici une longue histoire des pigments en peinture, et des techniques qui permettent de les utiliser. On parle de certains peintres comme de grands coloristes – Matisse vient à l’esprit, bien d’autres aussi. Chez les chimistes, l’analyse des couleurs a été et reste primordiale. Aujourd’hui avec les différentes <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/fra/astronomie/base/qu-est-ce-que-la-spectroscopie.asp">spectroscopies</a>, elle est quotidienne.</p>
<h2>« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme »</h2>
<p>Le deuxième aspect repose sur la chimie elle-même, science des transformations visibles à notre échelle mais qui se produisent en fait à l’échelle atomique ou moléculaire. La réaction chimique élémentaire est décrite par une équation chimique, laquelle équation ne contient pas de signe égal, et pour cause. La combustion du méthane dans l’air, par exemple, est une réaction chimique. Au départ, du méthane et de l’oxygène. A l’arrivée, du dioxyde de carbone et de l’eau. Équipés que nous sommes avec les atomes, les molécules et les liaisons chimiques, cette réaction ne paraît pas bien mystérieuse.</p>
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<p>Mais plus prosaïquement il faut se rappeler que quand il brûle, le méthane devient de l’eau. Et c’est toujours aussi époustouflant : les propriétés du méthane et de l’eau n’ont rien en commun qui saute aux yeux. C’est bien entendu Lavoisier qui a énoncé au XVIII<sup>e</sup> siècle cette vérité : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » !</p>
<p>On peut même comprendre les alchimistes. Imaginez : vous ne connaissez pas les atomes, pas les molécules, pas le concept d’énergie. Vous faites tout de même l’expérience empirique de la chaleur, du poids, de l’état liquide, solide ou vapeur et vous voyez que tout se transforme autour de vous, que des matières disparaissent pour en faire apparaître d’autres. C’est même la routine du monde, le fondement de la cuisine !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-outrenoirs-de-pierre-soulages-dialoguent-avec-la-science-70608">Quand les « Outrenoirs » de Pierre Soulages dialoguent avec la science</a>
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<p>Alors… pourquoi pas du plomb en or ? Le XX<sup>e</sup> siècle aura apporté la réponse : oui, on peut ! Mais le plomb et l’or étant des éléments du tableau de Mendeleïev, cette transformation ne passe pas par la modification des nuages électroniques autour des noyaux atomiques, par des échanges d’électrons entre atomes, ce qui est le cœur de la chimie, mais par la modification des noyaux des atomes eux-mêmes. C’est alors de la chimie nucléaire. Pour la concevoir, il aura fallu les travaux de Henri Becquerel, Marie et Pierre Curie, Ernest Rutherford et de bien d’autres. Les accélérateurs de particules ont ajouté les éléments instables les plus lourds jamais observés. Cet impossible rêve d’alchimiste, la chimie et la physique l’ont réalisé !</p>
<p>Hicham Berrada travaille donc au cœur de la chimie, à cette apparition d’une nouvelle matière solide, liquide ou gazeuse, qui surgit dans représentation audiovisuelle, avec une apparence et des propriétés qu’il est très difficile de prédire simplement à partir de celles des réactifs. Ce surgissement d’une nouvelle matière qui se nourrit de celles introduites dans les réactifs est au cœur de toute l’activité biologique sur la planète Terre, de toute sa diversité, de toutes ses émergences.</p>
<h2>Le temps de dessiner un paysage</h2>
<p>Le troisième élément est le temps. On parle de cinétique chimique, c’est-à-dire le temps que prennent ces transformations. Ce temps peut être très variable. Les feux d’artifice ont en commun avec le travail de Hicham Berrada les réactions chimiques et le surgissement des couleurs. Mais l’artificier joue avec le feu et produit une explosion dans un temps extrêmement court. Les réactions chimiques et en général les transformations de la matière peuvent se produire sur des temps très courts comme les explosions, ou infiniment longs. L’érosion des roches par un cours d’eau implique des effets dits mécano-chimiques, qui érodent en permanence, sur des durées immenses et travaillent les paysages, leurs couleurs, et leurs formes.</p>
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<p>Les paysages de nos vies évoluent selon des échelles de temps qui oscillent entre la semaine, le mois, la saison, ou les années. Hicham Berrada installe ses réactions chimiques pour qu’il se passe quelque chose de visible dans le temps de l’exposition, de notre méditation devant son œuvre – qui dure en moyenne quelques minutes. C’est le temps de nos vies quotidiennes, celui pendant lequel une multitude de réactions chimiques ont lieu dans nos corps, en transformation permanente.</p>
<h2>Le hasard fait bien les choses</h2>
<p>Le dernier élément est le hasard. Certainement au moins aussi important ici que le surgissement de la matière transformée. Sort-on de terminale sans avoir en tête pour toujours « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » ? En physique ou en chimie, on parlera d’effets aléatoires ou de bruit. Hicham Berrada contrôle précisément ce qui se passe dans le bécher. Mais jusqu’à un certain point seulement. Il installe une scène et choisit les couleurs, les quantités, les durées, les formes caractéristiques qui vont apparaître, des boules, des fils, des concrétions, mais pas le détail de ces éléments permanents et prévisibles. Et je suis convaincu qu’il ne souhaiterait pas étendre son contrôle à ce niveau de détail s’il le pouvait. En pratique, la question ne se pose pas : c’est impossible. Son œuvre intitulée « Les augures mathématiques », produites à partir d’<a href="https://www.hisour.com/fr/digital-morphogenesis-27961/">algorithmes numériques de morphogenèse</a>, montre pour moi qu’il en est bien conscient.</p>
<p>J’ai adoré travailler dans un laboratoire de croissance cristalline du CNRS à Marseille au XX<sup>e</sup> siècle, pour explorer la <a href="https://www.echosciences-grenoble.fr/articles/les-poussieres-des-nanos-a-l-inframince-de-marcel-duchamp">rugosité cinétique</a>. C’est longtemps après que j’ai découvert l’« Élevage de poussières » de Marcel Duchamp et de Man Ray. La poussière tombe au hasard sur une surface et les grains de poussières s’accrochent entre eux pour former des structures aérées à l’arrangement issu du hasard.</p>
<p>Dans le cadre de ce travail, nous simulions sur ordinateur les croissances cristallines par ajout d’atomes virtuels, à haute ou à basse température, en petite quantité ou grande quantité, avec des liaisons chimiques fortes ou faibles, etc.</p>
<p>Cela permettait d’explorer, en intégrant le hasard, les formes de croissance, l’immense variété des formes produites. On pense aux flocons de neige bien sûr, et aux formes qui apparaissent dans les œuvres de Hicham Berrada. Mais il reste impossible expérimentalement de contrôler l’agrégation d’atomes et de molécules à ce niveau de détail et simultanément en quantité macroscopique, même si les progrès de ce contrôle ont été fulgurants. Avec les mêmes réactifs, dans les mêmes conditions, Hicham Berrada obtiendra les mêmes couleurs c’est vrai, les mêmes formes génériques, des fils ou des amas par exemple, mais la longueur exacte des fils, la forme précise des amas, le nombre même des fils ou des amas sont laissés au hasard. Tout vider, nettoyer, recommencer, et c’est un autre paysage qui apparaît. Il a bien sûr un fort air de famille avec le précédent mais en détail il est toujours nouveau et imprédictible.</p>
<h2>Le petit monde de Hicham Berrada</h2>
<p>Hicham Berrada est donc aussi un spectateur patient de ses propres œuvres, il découvre comme nous comment le hasard vient collaborer en temps réel avec lui. Pour tenter d’étudier analytiquement les paysages générés « pour de vrai » par la croissance cristalline ou dans des simulations numériques, les équations intègrent un petit « h(x,t) », celui que l’on nomme « bruit blanc ». Il est la manifestation du hasard dans l’équation qui décrit la croissance atome par atome.</p>
<p>Ce petit bruit blanc « h(x,t) » manifeste l’apparition du hasard dans une équation qui tente simultanément d’intégrer l’émergence de formes changeantes et uniques mais aussi leurs propriétés permanentes. Hicham Berrada choisit les propriétés permanentes, les couleurs, les formes génériques, les durées, il installe ainsi un petit monde par la chimie. Ensuite, il démarre l’enregistrement vidéo, remue de temps à autre, ajoute si besoin, mais surtout il attend de voir l’œuvre naître dans sa singularité, aussi œuvre du hasard.</p>
<p>Bien sûr, cette œuvre ne prend son sens que sur un écran, une fois le bécher oublié, et avec un facteur d’échelle bien choisi. En montrant les réactions sur un très grand écran, l’artiste nous immerge dans son petit monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206116/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Chevrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’œuvre singulière du plasticien Hicham Berrada nous invite à réfléchir à la question du hasard et aux conditions de l’émergence des formes.
Joël Chevrier, Professeur de physique, Université Grenoble Alpes (UGA)
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2023-06-07T19:42:42Z
2023-06-07T19:42:42Z
3 millions de piscines privées en France : comment réduire le gaspillage d’eau ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530395/original/file-20230606-29-3i9hzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2689%2C2016&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La France compte de plus en plus de piscines privées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/coastal-area-beach-front-houses-saint-1388849321">Rudmer Zwerver/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le nombre de piscines privées en France est en forte progression, de l’ordre de 8 %, ces dernières années atteignant <a href="https://www.propiscines.fr/piscine-secteur/marche-piscine">3,2 millions en 2022</a> d’après la Fédération des Professionnels de la Piscine et du Spa. Cela place la France au deuxième rang mondial derrière les États-Unis en termes de marché. Les bassins actuels ont une capacité minimum de 10 m<sup>3</sup> et la moyenne est de 32 m<sup>3</sup> avec une tendance à la baisse ces dernières années.</p>
<p>L’eau des piscines doit être <a href="https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/media/7396/download?inline">constamment désinfectée</a>, car elle est en permanence contaminée par des bactéries, algues et champignons qui peuvent être pathogènes comme le rappelle l’ARS. Pour conserver une eau saine dans les piscines, les propriétaires privés ont trois solutions principales à leur disposition : le chlore (lent ou stabilisé), l’électrolyse au sel et l’ozone.</p>
<p>L’électrolyseur au sel et l’ozonateur sont des dispositifs assez coûteux qui peuvent être choisis lors de l’installation ou de la rénovation de la piscine. Ils ne représentaient en 2017 que, respectivement, <a href="https://www.propiscines.fr/sites/default/files/le_marche/dp_fpp_confpresse_15112022_val.pdf">27,9 % et 4,4 % des installations</a>. L’électrolyseur au sel est un dispositif introduit dans les canalisations de la piscine qui est capable par une réaction électrochimique de produire in situ de <a href="https://www.suezwaterhandbook.fr/eau-et-generalites/processus-elementaires-du-genie-physico-chimique-en-traitement-de-l-eau/electrolyse/applications-en-traitement-des-eaux">l’eau de javel à partir d’une eau légèrement salée (3 à 7 g/L de NaCl dans l’eau)</a>. L’eau de javel ainsi formée est produite en continu dans le bassin. L’ozonateur est un dispositif qui produit de l’ozone à partir de l’oxygène de l’air en utilisant une décharge corona ou une lampe UV. L’ozone est capable de désinfecter l’eau très efficacement.</p>
<p>Le chlore lent est la technique de décontamination très largement majoritaire dans les piscines privées françaises. Ce traitement chimique est basé sur la combinaison de 2 molécules. La première, l’eau de javel (contenant le chlore) est rapidement dégradée par les rayons UV du soleil. Il a été montré que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/004313549290232S">cette photodégradation est totale en 37 minutes</a> seulement sous un ensoleillement de juin. La deuxième, l’acide isocyanurique est le stabilisant qui ralentit cette dégradation et permet à l’eau de javel de rester active. Ce chlore lent se présente sous forme de galets d’acide trichloroisocyanurique.</p>
<p>Le propriétaire de piscine place ces galets dans le skimmer de son installation. Les skimmers sont les orifices à hauteur de la ligne d’eau qui permettent son aspiration et sa filtration avant d’être réinjectée par le fond du bassin. La dissolution lente du galet libère le stabilisant et l’eau de javel nécessaire à la désinfection. L’efficacité du stabilisant est démontrée pour des <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/epdf/10.2105/AJPH.55.10.1629">concentrations de 25-50 mg/L</a> même si elle diminue dès 50 mg/L. En effet, une trop grande stabilisation provoque un effet néfaste de blocage de l’eau de javel qui perd son efficacité.</p>
<p>L’acide isocyanurique est une molécule <a href="https://www.merckmillipore.com/FR/fr/product/msds/MDA_CHEM-820358?Origin=PDP">stable chimiquement</a>. Cette concentration est donc atteinte très vite. En France, la concentration limite définie par la réglementation pour les piscines à usage collectif est <a href="https://www.occitanie.ars.sante.fr/media/86753/download?inline">fixée à 75 mg/L</a>, car pour cette concentration la stabilisation de l’acide hypochloreux est telle qu’il n’est plus efficace pour décontaminer le bassin.</p>
<p>À ce jour, la seule solution pour le propriétaire de piscine est donc de <a href="https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/media/7396/download?inline">vidanger au moins 25 % de l’eau du bassin</a>.</p>
<h2>90 millions de m³ d’eau utilisées uniquement pour l’entretien</h2>
<p>Pour une piscine utilisée classiquement cette opération est menée tous les 6 mois, c’est-à-dire au moins une fois par an. 25 % d’eau neuve sont donc ajoutées tous les 6 mois. Cela s’ajoute aux 50 L/baigneur/jour d’eau « neuve » à introduire dans le bassin <a href="https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/media/7396/download?inline">suivant l’ARS</a> quel que soit le mode de désinfection.</p>
<p>Un petit calcul permet de rapidement se faire une idée des quantités d’eau du réseau potable utilisée par les 3,2 millions de piscines. En effet, en moyenne 2 baigneurs/jour utilisent une piscine sur les 4 mois d’été, il faut donc ajouter 100 L d’eau/jour pendant 120 jours c’est-à-dire 12 m<sup>3</sup> par piscine et deux fois par an, faire la vidange d’un quart du bassin pour réduire la concentration d’acide isocyanurique c’est-à-dire 16 m<sup>3</sup> en moyenne. Chaque piscine nécessite donc 28 m<sup>3</sup> d’eau par an pour son entretien normal. Ce volume semble faible, mais <a href="https://www.cieau.com/le-metier-de-leau/ressource-en-eau-eau-potable-eaux-usees/quels-sont-les-usages-domestiques-de-leau/">correspond à 23 % de la consommation moyenne</a> annuelle d’un ménage en France. À l’échelle des 3,2 millions de piscines, ce volume devient 89,6 millions de m<sup>3</sup> d’eau potable consommés par an pour entretenir des piscines privées en France. Cela peut sembler faible (1,3 %) en regard des <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/leau-en-france-ressource-et-utilisation-synthese-des-connaissances-en-2021">7 milliards de m³ d’eau potable consommée en France chaque année</a>.</p>
<h2>Une nouvelle méthode pour réduire le gaspillage</h2>
<p>Pour réduire ce gaspillage en eau, des recherches sont menées depuis plusieurs années. Plusieurs approches sont suivies pour éviter d’avoir à vidanger un quart de l’eau comme c’est le cas actuellement. Une biodégradation enzymatique a été décrite qui <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/1878/ct/ct8783300300">hydrolyse l’acide isocyanurique en biuret</a> qui, au contact de l’eau de javel à pH basique, peut être <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9118981/">dégradé en diazote et en dioxyde de carbone</a>. À pH neutre, en revanche, le biuret n’est pas facilement dégradé dans le bassin. Cette voie ne semble donc pas très efficace, car l’eau du bassin doit être maintenue entre pH 7 et 7,4, c’est-à-dire à pH neutre.</p>
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<p>Un filtre à charbon actif <a href="https://patentimages.storage.googleapis.com/e9/39/b0/e1bfdbcb1be60d/US20140076814A1.pdf">a également été breveté</a> pour cette application en 2014, mais l’installation doit être adaptée pour insérer un tel filtre dans le circuit d’eau. Cette voie n’a alors jamais été développée. Le charbon actif a la propriété d’absorber à sa surface un très grand nombre de composés organiques.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0721957181800336">Un champignon, Sporothrix schenkii</a>, est connu pour se développer en dégradant l’acide isocyanurique, mais là encore, cette approche de laboratoire ne peut pas être mise en place réellement.</p>
<p>De notre côté, nous avons travaillé au cours de 2 thèses de doctorat au laboratoire sur une solution de chélation (adhésion d’une molécule à une autre) de l’acide isocyanurique sur un support moléculaire solide qui permettrait de le retirer du bassin par simple filtration. Nos molécules ont été brevetées et des tests de montée en échelle et d’industrialisation sont en cours. Le concept s’inspire des <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/ja00212a065">dérivés d’Hamilton</a> qui sont bien connus pour piéger les molécules de la famille des barbituriques dont la structure est assez voisine de celle de l’acide isocyanurique.</p>
<p>Nous avons simplifié au maximum le motif chélatant pour que le dispositif soit concurrentiel et commercialisable. Enfin, notre objectif était de pouvoir l’utiliser dans toutes les piscines privées sans changement d’installation. Les travaux se poursuivent et nous espérons que cette approche puisse résoudre le problème du gaspillage d’eau dans les piscines privées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Bonnet a reçu des financements du conseil Régional des Hauts-de-France, de l'ANR. Elle a reçu des financements de la société Ocedis qui a financé les travaux sur la décontamination des eaux de piscine. </span></em></p>
L’eau des piscines doit être régulièrement désinfectée et changée. De nouvelles techniques existent pour limiter le gaspillage en eau.
Véronique Bonnet, Professeur en chimie, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
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2023-01-05T19:24:18Z
2023-01-05T19:24:18Z
Comprendre la réplication virale de SARS-CoV-2 pour tenter de la stopper
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500196/original/file-20221211-77355-4pofku.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C0%2C4524%2C2532&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation de la polymérase de SARS-CoV-2 dupliquant l’ARN du virus. </span> <span class="attribution"><span class="source">Antonio Monari</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis 2020, les termes d’infection, propagation et réplication virales ont brusquement fait irruption dans notre quotidien. Ces concepts scientifiques, parfois complexes à appréhender, ont été à la base de choix politiques difficiles, imposant des contraintes et limitations sévères à la vie sociale, afin d’enrayer la diffusion de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Bien que les virus soient des entités biologiques plus simples que les cellules eucaryotes (comme celles de notre corps) ou bactériennes, leur mode de fonctionnement reste néanmoins très complexe. Notamment la réplication virale cache un vaste ensemble de phénomènes biochimiques, faisant intervenir à la fois des protéines de la cellule infectée et virales. Ainsi, la compréhension de ces mécanismes, à de très petites échelles (moléculaires, voire atomiques), est indispensable pour contrer efficacement la reproduction des virus. Pour les combattre, il est donc nécessaire de bien répondre à une question fondamentale : comment est-ce que les virus se répliquent, et plus précisément, dans notre cas, comment SARS-CoV-2 se réplique-t-il ?</p>
<p>Tout d’abord, il existe différentes classes de virus qui se différencient, notamment, par la molécule qui stocke et transmet leur information génétique. Certains virus, comme celui de la variole du singe, utilisent pour cela l’acide désoxyribonucléique (ADN), tout comme les cellules humaines, animales ou végétales. Mais dans d’autres cas, comme notamment dans ceux de SARS-CoV-2, Zika, Dengue, ou encore le virus du Nil occidental, c’est un brin d’acide ribonucléique (ARN) qui contient l’information génétique virale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500118/original/file-20221209-45249-4pofku.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Différences entre ADN et ARN et rôle dans la production des protéines.</span>
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<p>L’ARN, se différencie de l’ADN par la composition chimique de son squelette, qui est composé de molécules de sucre <em>ribose</em> et non pas <em>désoxyribose</em>, et par la présence d’uracile dans ses briques élémentaires (nucléotides) au lieu de la thymine. Au sein des cellules, l’ARN a un rôle de messager intermédiaire permettant la production des protéines. En effet, il est synthétisé dans le noyau cellulaire à partir d’un brin d’ADN modèle (c’est la transcription), et est ensuite envoyé dans le compartiment cellulaire spécifique à la production des protéines, où il servira de guide aux ribosomes c’est-à-dire des agrégats de plusieurs enzymes qui produisent les nouvelles protéines (c’est la traduction).</p>
<h2>La polymérase, enzyme fondamentale de SARS-CoV-2</h2>
<p>SARS-CoV-2 et les autres virus à ARN, viennent directement exploiter les ribosomes des cellules infectées de manière à produire les protéines virales nécessaires à leur réplication, en utilisant comme modèle le brin d’ARN qui constitue leur génome. Par la suite, afin de pouvoir se reproduire et infecter d’autres cellules, ils se trouvent dans la nécessité de produire des copies identiques de leur brin d’ARN. C’est une tâche fondamentale qui est réalisée par une protéine virale bien spécifique appelée polymérase, ou plus scientifiquement, ARN polymérase ARN-dépendante. Son nom découle de son action, induire la polymérisation, et de l’utilisation du brin d’ARN viral original comme modèle pour produire un brin d’ARN <em>fils</em>. La polymérase de SARS-CoV-2 est d’ailleurs aussi produite par les ribosomes des cellules qui sont exploités pour traduire les informations contenues dans l’ARN virale et donc produire les protéines nécessaires au virus.</p>
<p>La polymérase virale est de fait, indispensable pour assurer la reproduction des virus, et permettre d’infecter d’autres cellules ou d’autres organismes, propageant ainsi l’infection. Tout naturellement, elle représente une cible de choix pour le développement de potentiels médicaments, qui en la bloquant, seraient capables d’arrêter la réplication du virus et donc de stopper l’infection.</p>
<p>Même si la réplication de l’ARN peut paraître très simple, elle nécessite en réalité une régulation précise faisant intervenir des mécanismes chimiques complexes. Notamment, elle nécessite l’interaction de la polymérase avec le brin d’ARN modèle, la possibilité pour la polymérase de glisser au long de ce brin, et la capacité d’induire la réaction chimique permettant de lier sans erreur de code une nouvelle brique élémentaire au brin d’ARN <em>fils</em>.</p>
<h2>Modéliser pour mieux comprendre</h2>
<p>C’est pour éclaircir ces différents aspects que la modélisation et la simulation moléculaire <a href="https://theconversation.com/simuler-laction-du-virus-contre-les-cellules-un-outil-supplementaire-de-lutte-contre-le-Covid-19-143848">jouent un rôle fondamental</a>. Ces techniques, basées sur l’application des équations de la physique classique et/ou quantique, permettent de simuler les comportements des agrégats moléculaires complexes et d’en reproduire les changements structurels, comme le glissement le long du brin d’ARN modèle, ainsi que la réactivité chimique, comme l’inclusion d’un nouveau nucléotide dans le brin <em>fils</em>. </p>
<p>À l’aide de calculs très complexes, réalisés sur des supercalculateurs et ayant des durées de plusieurs mois, la <a href="https://www.dovepress.com/molecular-dynamics-simulations-advances-and-applications-peer-reviewed-fulltext-article-AABC">simulation moléculaire</a> agit comme un microscope virtuel et très puissant qui permet de visualiser les comportements de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/chapter/9781839165580-00105/978-1-83916-558-0">chaque atome, voire de chaque électron, et leur évolution dans le temps</a>. Plus précisément les équations de la physique classique seront utilisées pour simuler les changements de structure, comme le déplacement du ribosome ou de la polymérase le long du brin d’ARN, alors que la physique quantique sera nécessaire pour décrire la réactivité chimique, par exemple la formation d’une liaison entre deux atomes.</p>
<p>De ce fait, en utilisant des techniques de simulation moléculaire multiéchelle, c’est-à-dire combinant les lois de la physique classique et quantique, nous avons pu mettre en lumière les <a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/acs.jcim.2c00802">mécanismes d’action de la polymérase à ARN de SARS-CoV-2</a>. Nous avons en effet étudié le comportement de cette enzyme en présence d’un brin d’ARN modèle et du brin <em>fils</em> naissant.</p>
<p>Nous avons inclus dans notre modèle, le réactif qui est utilisé par les virus pour prolonger le brin <em>fils</em> : un nucléotide. Il apparaît clairement que le bon nucléotide est acheminé jusqu’au site actif de la protéine seulement s’il peut s’apparier avec son complémentaire du brin modèle. Mais une fois le nucléotide acheminé vers le site actif où la réaction chimique a lieu, le processus n’en est qu’à ses balbutiements. En effet, il reste encore à accomplir la tâche la plus difficile, qui est la plus coûteuse en termes d’énergie : la formation d’une liaison chimique entre le réactif et le sucre terminal du brin <em>fils</em>, qui induira l’incorporation du nouveau nucléotide et l’allongement du brin.</p>
<p>Hors du site actif de la polymérase, cette réaction chimique nécessiterait de passer une très haute barrière énergétique, et serait donc tellement lente qu’elle ne serait pas exploitable. Le rôle d’une enzyme (une protéine qui catalyse une réaction chimique) est justement de baisser ces barrières et donc de permettre que la réaction ait lieu.</p>
<h2>Une polymérase hautement efficace</h2>
<p>Nous avons montré que la polymérase de SARS-CoV-2 réalise cet exploit grâce à différents mécanismes chimiques. Tout d’abord, le sucre et le phosphate du nucléotide sont activés par l’interaction avec un agrégat métallique (des ions magnésium) présent au sein du site actif. Ensuite, une série complexe de transferts de protons se met en place, avec l’assistance clé d’une lysine, un des acides aminés de la polymérase proches du site actif, qui agit comme un relai pour stabiliser les états intermédiaires qui se forment. </p>
<p>Cette dernière caractéristique représente une vraie particularité de SARS-CoV-2, étant donné que dans d’autres enzymes similaires, elle est réalisée par d’autres acides aminés (généralement une histidine). Nous avons aussi pu montrer que la polymérase favorise l’incorporation rapide de nouveaux nucléotides qui formeront le brin d’ARN <em>fils</em>, en requérant une énergie d’activation très faible, d’où son efficacité, comparable à celle de la polymérase humaine.</p>
<p>Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes pour le design de médicament à propriétés antivirales. En effet, on pourrait imaginer d’utiliser les acides aminés clés identifiés par nos calculs pour développer des molécules similaires aux nucléotides naturels, appelées analogues de nucléotides, qui seraient capables de s’insérer dans le site actif, mais qui bloqueraient la réaction. Les connaissances que nous avons pu accumuler sur cet aspect seront donc des atouts pour le design de ces nouveaux médicaments.</p>
<p>Par ailleurs, une fois la réaction terminée, la polymérase doit glisser le long du brin d’ARN pour libérer le site actif et permettre l’inclusion d’un nouveau nucléotide pour continuer la formation du brin d’ARN <em>fils</em>. Ce processus, appelé translocation, est fondamental et l’empêcher bloquerait également la reproduction du virus. Il est d’ailleurs supposé que l’action contre SARS-CoV-2 du Remdesivir, analogue nucléotidique originalement développé pour contrer le sida, se baserait sur ce mécanisme de blocage de translocation. </p>
<p>En revanche, dans le cas du virus VIH, responsable du sida, le Remdesivir bloque la réactivité de la polymérase virale. En effet, au cours de la réplication de SARS-CoV-2, le Remdesivir pourrait être inclus dans le brin <em>fils</em> d’ARN et bloquerait son glissement par la suite. Néanmoins, les mécanismes d’action de ce médicament vis-à-vis de SARS-CoV-2 n’étant pas bien éclaircis, il est difficile de comprendre la raison pour laquelle le Remdesivir n’a qu’une efficacité moindre contre le Covid-19 et pourquoi la prise de ce traitement s’accompagne d’effets secondaires lourds.</p>
<p>C’est pourquoi nous avons utilisé nos techniques de simulation pour comprendre ce processus, en particulier en comparant le coût énergétique du glissement de la polymérase en présence d’un brin <em>fils</em> d’ARN normal ou d’un brin comportant le Remdesivir.</p>
<p>Nous avons mis en évidence que le Remdesivir bloque effectivement la translocation en induisant une barrière énergétique infranchissable. Plus important encore, nous avons montré que cette barrière est due à la formation d’interactions spécifiques entre le Remdesivir et certains acides aminés de la polymérase, notamment une serine et une lysine, qui pourront donc être particulièrement ciblées par des nouveaux médicaments. Encore une fois, donc, ceci nous permet de comprendre quels seront les enjeux qu’il faudra considérer pour guider la recherche de potentiels médicaments antiviraux de façon rationnelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=203&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500120/original/file-20221209-44404-3bblu5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=255&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Structure de la polymérase de SARS-CoV-2 en train de répliquer un brin d’ARN. Détails du site actifs de l’enzyme.</span>
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</figure>
<p>Tous ces résultats s’insèrent dans le cadre du <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-chimistes-du-projet-gavo-sattaquent-aux-virus">projet GAVO</a>, qui a été financé par l’institut de chimie du CNRS et par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. L’idée de base est de développer, avec une synergie forte entre modélisation et chimie expérimentale, une batterie de potentiels antiviraux basés sur des analogues de nucléotides, visant tout particulièrement la polymérase virale. Le projet ambitionne également à produire des composés qui seraient spécifiquement créés pour avoir un spectre d’action large contre de nombreux virus émergents, et ceci grâce aussi aux informations fondamentales recueillies par la modélisation moléculaire. </p>
<p>Ce projet met aussi en lumière le rôle crucial que la chimie peut jouer face aux menaces constantes constituées par les différents virus émergents. En particulier, elle offre l’opportunité de disposer de potentiels médicaments qui pourront être déployés rapidement dans le cas d’une nouvelle crise sanitaire, et qui auront été rationnellement développés et testés pour leur activité antivirale. Il s’agit d’un projet ambitieux, certes, mais c’est aussi un projet qui découle des leçons apprises pendant la récente pandémie.</p>
<p>Il est en tout cas certain que la chimie et la simulation moléculaire se révéleront être des acteurs clés en virologie. Leur déploiement permettra aussi de proposer des médicaments qui pourront efficacement compléter l’action des vaccins et qui auront été produits et proposés suivant les règles de la méthode scientifique. Et donc sans tomber dans les dérives et l’irrationnel auquel nous avons assisté ces deux dernières années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antonio Monari a reçu des financements de CNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cécilia Hognon a reçu des financements de l'UE et des ressources de calcul RES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Bignon a reçu des financements de CNRS et des ressources de calcul de GENCI. </span></em></p>
En appliquant les lois de la physique classique et quantique, on peut comprendre comment les virus exploitent les cellules pour se reproduire et donc concevoir des nouveaux antiviraux.
Antonio Monari, Professeur en Chimie Théorique, Université Paris Cité
Cécilia Hognon, Chercheuse en biochimie computationnelle, Universidad de Alcalá
Emmanuelle Bignon, Chercheuse en biochimie computationnelle, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196164
2022-12-22T19:07:27Z
2022-12-22T19:07:27Z
Des craquelures dans les peintures, quand le temps fait son œuvre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501040/original/file-20221214-8014-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C5073%2C4003&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les craquelures nous en apprennent beaucoup sur les tableaux.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.decitre.fr/livres/la-joconde-9782916407081.html">«La Joconde, Essai scientifique», ouvrage collectif sous la direction de C. Lahanier, Codex Images International, 2007</a></span></figcaption></figure><p>C’est bien Mona Lisa que vous voyez sur cette image, entièrement faite de fissures et de craquelures. Même sans les couleurs, les motifs de fissures diffèrent selon les pigments et les liants. On peut même voir les fissures dans la profondeur du tableau, par exemple sur le front, dont les fissures parallèles se distinguent bien de celles du paysage ou du ciel qui n’ont pas d’orientation particulière.</p>
<p>Les craquelures sont une des altérations qui mémorisent la vie d’une peinture. Avec une grande variété de morphologies dans la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1179/sic.1997.42.3.129">plupart des peintures de chevalet</a>, elles présentent plusieurs intérêts pour les historiens d’art et les restaurateurs.</p>
<p>Tout d’abord, c’est un moyen d’authentifier les peintures. L’analyse des craquelures de Mona Lisa enregistrées sur des photographies prises depuis 1880 a permis d’authentifier la peinture et de lever les doutes exprimés après le vol du tableau en 1911.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501044/original/file-20221214-8014-mmm3ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image multispectrale révélant les craquelures sur une partie de Mona Lisa.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.decitre.fr/livres/la-joconde-9782916407081.html">Codex Images International, 2007</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les craquelures sont une « empreinte digitale » de l’œuvre d’art. En tentant de les reproduire, un faussaire laisse inévitablement et involontairement la marque de son époque. Ainsi, des composés chimiques découverts à une période bien postérieure à celle attribuée à une œuvre ont pu être utilisés pour <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00158845/document">développer des craquelures de manière artificielle</a>. La classification approfondie de la craquelure dans les peintures de chevalet au fil des années est un moyen de discriminer celles qui se forment au cours du vieillissement et celles créées de manière accélérée, par exemple par des variations de température. Les craquelures ne mentent pas !</p>
<h2>Étudier les craquelures pour mieux comprendre les œuvres et les processus créatifs</h2>
<p>Les craquelures sont également révélatrices de la matière et des méthodes utilisées par les artistes. Elles ne se forment pas au hasard, mais obéissent aux lois de la physique et de la mécanique : une craquelure se propage en étant guidée par les tensions du milieu (la toile par exemple). Une fois les tensions relâchées, l’organisation des craquelures diffère par plusieurs caractéristiques, comme leur densité ou leur orientation.</p>
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<p>Ces caractéristiques sont affectées en particulier par la rigidité et l’épaisseur des couches, et parfois par la direction des coups de pinceau, les hétérogénéités de la peinture, ainsi que par le mode de sollicitation de la peinture : séchage, vieillissement de la peinture, déformation infligée par le support (panneau de bois, toile).</p>
<p>Les craquelures permettent donc d’obtenir des informations sur l’ensemble d’un tableau. Nous les étudions grâce à l’« imagerie multispectrale » qui permet d’enregistrer le spectre complet des couleurs, de l’ultraviolet à l’infrarouge, avec une extrême précision spectrale.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501039/original/file-20221214-7401-zbcqis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des craquelures avec des motifs caractéristiques se forment aussi dans la boue qui sèche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ludovic Pauchard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les craquelures apparaissent alors comme de brusques variations de luminosité. Nous les recherchons sur l’ensemble des images multispectrales afin de localiser et différencier ces altérations en profondeur dans la couche picturale (la couche de peinture, qui peut être hétérogène avec un mélange de pigments de différentes tailles et de différentes rigidités, et de solvants sur différentes couches).</p>
<p>Cette technique d’imagerie préserve l’intégrité de l’œuvre. Elle est utilisée en complément d’analyses structurelles de la matière picturale, à l’aide d’analyses de prélèvements permettant, entre autres, une identification des pigments employés et d’autres techniques d’imagerie, comme la fluorescence sous éclairage UV ou la radiographie X par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-correspondance-de-marie-antoinette-aux-rayons-x-173766">La correspondance de Marie-Antoinette aux rayons X</a>
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<hr>
<p>Par exemple, l’image permet de mettre en valeur trois régions spécifiques. Les craquelures verticales et parallèles très visibles dans le front de Mona Lisa sont très profondes, jusqu’à la surface du panneau de peuplier constituant le support de la peinture ; elles ont la même direction que celle des fibres du bois. Ainsi, ces craquelures semblent fortement liées aux tensions transmises par le support au cours du temps.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Différents motifs de craquelures apparaissent sur différentes couches de peinture" src="https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501047/original/file-20221214-8034-cj9xs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Craquelures obtenues par des expériences en laboratoire permettant de modéliser (1) l’effet de la déformation d’un support sur les craquelures dans une couche rigide modèle (front de Mona Lisa) ou au contraire (2) l’absence de cet effet dans une couche de peinture modèle molle (paysage) ; (3) absence de craquelures dans des couches modèles de faibles épaisseurs (1µm).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://aip.scitation.org/doi/10.1063/1.4960438">Frédérique Giorgiutti-Dauphiné et Ludovic Pauchard, Journal of Applied Physics, reproduite avec avec la permission de AIP Publishing</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’opposé, dans le ciel ou le paysage, les craquelures forment un réseau délimitant des polygones plus ou moins réguliers, sans orientation préférentielle, à l’image des craquelures décimétriques formées sur un lac asséché. Ces craquelures ne retracent plus la déformation du support, la peinture ayant pu amortir les contraintes mécaniques de celui-ci, conséquence d’une matière picturale moins fragile que celle utilisée dans <a href="https://www.decitre.fr/livres/la-joconde-9782916407081.html">le visage de la peinture</a>.</p>
<p>C’est l’absence de craquelure qui souligne l’intérêt d’une autre région du tableau. En effet, le voile sur le pourtour du visage de Mona Lisa a été sans doute peint à l’aide d’une technique picturale basée sur l’application d’une succession de couches très fines, c’est-à-dire peu chargées en pigments. Cette technique, le « sfumato », permet ainsi de jouer sur les effets de profondeur et d’ombres de l’image. Or une couche est en général exempte de craquelures lorsque son épaisseur est suffisamment fine. C’est pourquoi aucune craquelure n’est visible dans ces régions spécifiques de la peinture.</p>
<p>Ces hypothèses ont été appuyées par des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1296207420304398">études en laboratoire</a>. Les études en question sont effectuées en utilisant des matériaux modèles faisant appel à des pigments bien calibrés, dans des conditions de solidification contrôlées (séchage), sur des sous-couches contrôlées de manière à découpler au mieux les mécanismes physiques mis en jeu. L’intérêt de ces études modèles tient au fait qu’une <a href="https://aip.scitation.org/doi/10.1063/1.4960438">peinture d’art est un milieu complexe</a> de par sa géométrie (superposition de couches) et la matière utilisée (pigments de propriétés mécaniques variables dans un mélange de solvants volatils et non volatils).</p>
<h2>Les craquelures donnent un sentiment d’authenticité</h2>
<p>Les craquelures sont également inhérentes à une peinture. Elles présentent un grand intérêt en conservation et restauration. La variation des motifs de craquelure sur une peinture peut avoir un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1179/sic.1997.42.3.129">impact significatif sur la perception de l’image par l’observateur</a>. En général, la craquelure dessine un réseau complexe interconnecté fait de lignes plus ou moins contrastées. Ces lignes peuvent être considérées comme indésirables, car l’aspect du tableau est radicalement modifié. L’illusion du tableau peut être compromise par de telles caractéristiques visuelles, qui peuvent nuire à la perspective d’enveloppement voulue par le peintre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-certains-tableaux-vieillissent-mieux-que-dautres-142744">Pourquoi certains tableaux vieillissent mieux que d'autres</a>
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<p>Mais les craquelures peuvent aussi être perçues comme des traces familières, qui donnent un sentiment d’authenticité. Mona Lisa serait-elle Mona Lisa sans ses craquelures ? Les craquelures donnent une apparence plus ancienne aux tableaux ; leurs valeurs marchandes, quand elles sont liées au temps écoulé, peuvent en être augmentées. Les craquelures peuvent également être souhaitables pour leurs qualités esthétiques qui rompent la monotonie d’une surface plane.</p>
<p>Cependant le réseau de craquelures ne doit pas évoluer de manière incontrôlée en fonction des variations des conditions environnementales (humidité, température) et conduire à des phénomènes tels que des décollements ou à des pertes de matière lacune). Des études de la stabilité d’un réseau de craquelures en fonction de la matière picturale et des conditions de sollicitations de celle-ci sont en cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Pauchard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les craquelures des œuvres d’art sont un vrai sujet d’étude pour les physiciens, les restaurateurs… et les faussaires !
Ludovic Pauchard, Chercheur CNRS au laboratoire FAST (Fluides, Automatique et Systèmes Thermiques), Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194583
2022-12-20T14:39:23Z
2022-12-20T14:39:23Z
Voici ce que vous devez savoir sur les PFAS, que l’on surnomme « polluants éternels »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500805/original/file-20221213-20899-wcwzhh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C4%2C986%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'utilisation la plus connue des PFAS est celle d'antiadhésif pour nos instruments de cuisson - les fameuses poêles en Teflon.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/autres-substances-chimiques-interets/substances-perfluoroalkyliques-polyfluoroalkyliques.html">PFAS</a>, produits chimiques toxiques, sont à l’origine du scandale en Virginie-Occidentale, décrit dans le film <a href="https://www.focusfeatures.com/dark-waters">« Dark Waters »</a>. Ils ont également fait l’objet du documentaire primé <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Devil_We_Know">« The Devil We Know »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lomnipresence-des-perturbateurs-endocriniens-177802">L’omniprésence des perturbateurs endocriniens</a>
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<p>Que s’est-il passé ? Une usine de production de PFAS a causé une vaste pollution de la région, et affecté ses employés et les gens qui buvaient l’eau contaminée. Depuis ce scandale, les connaissances sur la <a href="https://www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/publications/notions-de-toxicologie.pdf">toxicologie</a> des PFAS, soit l’étude de leurs effets nocifs sur la santé, évoluent constamment.</p>
<p>Ces contaminants sont associés à une <a href="https://nap.nationalacademies.org/read/26156/chapter/1#xv">augmentation des concentrations sanguines de cholestérol, une réduction de la croissance foetale, une diminution de la réponse immunitaire aux vaccins, et une augmentation des risques de cancer du rein</a>. La liste des problèmes de santé causés par les PFAS continue de s’allonger au fur et à mesure que les études épidémiologiques s’accumulent.</p>
<p>Experts en chimie de l’environnement et en santé environnementale, nous proposons d’apporter un éclairage sur la problématique des PFAS.</p>
<h2>Les multiples applications des PFAS</h2>
<p>Le nom est plutôt rébarbatif et vient de l’anglais « Per and polyfluoroalkyl substances », soit des substances alkylées per – ou polyfluorées. Les PFAS sont des molécules chimiques synthétisées en laboratoire. Elles sont composées, d’une part, d’une chaîne d’atomes qui a les mêmes propriétés que l’huile. Ces atomes rendent les PFAS particulièrement stables et difficiles à dégrader (de là, leur surnom de polluants éternels – <em>Forever Chemicals</em>). D’autre part, les PFAS sont aussi constitués d’une partie qui aime l’eau et qui fuit l’huile.</p>
<p>Cette dualité d’avoir un côté qui aime l’huile plus que l’eau et un autre qui aime l’eau et qui fuit l’huile en fait un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Tensioactif">surfactant</a>, soit une molécule qui fait le lien entre deux interfaces (huile et eau dans ce cas) et qui résiste aussi bien à l’eau qu’à l’huile. Par ailleurs, sa composition chimique lui confère des propriétés recherchées pour toutes sortes d’applications modernes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p0lt_pxxh00?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Que sont les PFAS ?</span></figcaption>
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<p>L’utilisation la plus connue des PFAS, largement abordée dans le documentaire « The Devil We Know », est celle d’antiadhésif pour nos instruments de cuisson – les fameuses poêles en <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/T%C3%A9flon">Teflon</a>. On les utilise également pour protéger nos meubles, tapis et textiles contre les taches (les produits de type <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Scotchgard">« Scotchguard »</a>).</p>
<p>Les PFAS peuvent être utilisés pour imperméabiliser une multitude de vêtements. Ils sont également présents dans certains cosmétiques dits hydrofuges ou « résistants à l’eau », comme le <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.2c02660">fond de teint</a>. Plusieurs papiers et cartons résistants à l’eau ou aux graisses sont aussi traités aux PFAS et beaucoup de plastiques en contiennent.</p>
<p>Une excellente façon d’augmenter son exposition aux PFAS est de manger du maïs soufflé en sac chauffé au four au micro-ondes (le sac est traité aux PFAS <a href="https://ehp.niehs.nih.gov/doi/full/10.1289/EHP6335">pour résister à la graisse qui fait éclater le maïs</a>). Bien entendu, tous ces produits risquent de se retrouver dans nos déchets. Conséquemment, les sites d’enfouissement représentent des sources potentiellement inquiétantes de PFAS.</p>
<p>Finalement, les <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-substances-toxiques/liste-loi-canadienne-protection-environnement/sulfonate-perfluorooctane/mousses-pellicule-substances-toxiques-interdites.html">mousses anti-incendie formant une pellicule aqueuse</a> (<em>Aqueous film-forming foam-AFFF</em>), qui sont utilisées pour combattre les feux à base d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel), représentent une source majeure de PFAS. Les endroits où ces mousses ont été utilisées font face à des problèmes de contamination aux PFAS ; on parle ici de la plupart des sites d’entraînement des pompiers, plusieurs aéroports et de multiples bases militaires.</p>
<h2>Contourner les règles</h2>
<p>Les deux PFAS originaux, PFOS et PFOA, sont considérés comme des polluants organiques persistants et ont été bannis par la <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/organisation/affaires-internationales/partenariats-organisations/polluants-organiques-persistants-convention-stockholm.html">Convention de Stockholm</a>. Malheureusement, l’industrie est ingénieuse pour contourner les règles en modifiant une portion de la structure chimique complexe des PFAS. Dans quel but ? Celui de générer un composé aux propriétés industrielles et commerciales très similaires, mais qui échappe à la réglementation. Au fur et à mesure que les chercheurs et les agences gouvernementales de protection de l’environnement accumulent des données pour tenter de réglementer certains PFAS spécifiques, l’industrie a le beau jeu de <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecoenv.2019.109402">changer de molécules et d’utiliser de nouvelles versions alternatives</a>.</p>
<p>Ainsi, sur les milliers de composés PFAS disponibles, les réglementations n’en touchent habituellement qu’un très petit nombre, souvent moins qu’une dizaine selon les pays. Seuls, au mieux, une trentaine de PFAS sont <a href="https://www.epa.gov/pfas/epa-pfas-drinking-water-laboratory-methods">détectés et exigés par les méthodes d’analyses actuelles</a>. On parle d’un décalage immense. De plus, plusieurs des nouvelles formulations de PFAS sont appelées des « précurseurs », puisqu’elles peuvent se dégrader dans l’environnement et se transformer en d’autres PFAS, dont le PFOA ou le PFOS, les deux molécules bannies.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="popcorn dans un sac dans le microondes" src="https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500806/original/file-20221213-22736-g5huck.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le sac du maïs soufflé chauffé au four au micro-ondes est traité aux PFAS pour résister à la graisse qui fait éclater le maïs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>La complexité du nombre de molécules et leurs propriétés uniques rendent l’analyse des PFAS complexe et difficile. De plus, leur omniprésence dans l’environnement réduit la fiabilité des résultats de laboratoire, qui peuvent être contaminés si la préparation d’échantillons et les procédures ne sont pas appropriées (surtout pour l’analyse de l’eau potable). Il est aussi important d’intégrer un maximum de PFAS possible aux suivis environnementaux, afin d’éviter qu’un ou plusieurs composés particulièrement problématiques échappent au suivi.</p>
<h2>Des contaminants qui s’accumulent dans les tissus</h2>
<p>Leur persistance et leur capacité à s’accumuler dans les tissus des organismes vivants (<a href="https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/sciences/la-bioaccumulation-la-bioamplification-et-la-bioc-s1202">bioaccumulation</a>) font en sorte qu’on les retrouve en haut des chaînes alimentaires. On les détecte notamment chez les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165993618306605">mammifères marins de l’Arctique</a>, ce qui impacte les populations principalement autochtones qui en dépendent pour se nourrir. On assiste ainsi à une injustice environnementale, puisque ces communautés subissent les effets d’une pollution à laquelle elles n’ont aucunement contribué.</p>
<p>En plus de leur persistance dans l’environnement, plusieurs PFAS sont également persistants dans le corps humain. Même en réduisant l’exposition à ces contaminants, les PFAS peuvent prendre des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412022001246?via%3Dihub">années à être éliminés de l’organisme</a>. En raison de l’exposition ubiquitaire et de cette persistance, plusieurs PFAS sont détectés dans la quasi-entièreté des échantillons de sang récoltés dans le cadre de l’<a href="https://www.statcan.gc.ca/fr/enquete/menages/5071">Enquête canadienne sur les mesures de santé</a>, menée par le gouvernement fédéral.</p>
<p>Une étude canadienne a par ailleurs démontré que ces contaminants se retrouvent également dans les <a href="https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-016-0143-y">échantillons de sang du cordon ombilical</a> et dans le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969722019817?via%3Dihub">lait maternel</a> ; nous portons donc des traces de PFAS dans notre organisme dès notre conception.</p>
<h2>L’épineuse question du traitement des eaux usées</h2>
<p>Les propriétés chimiques des PFAS les rendent aussi particulièrement difficiles à éliminer quand ils se retrouvent dans notre eau potable ou notre eau usée. Les traitements usuels pour l’eau potable enlèvent <a href="https://doi.org/10.1016/j.watres.2013.10.045">très peu ou pas du tout des PFAS présents dans l’eau</a>). Des investissements significatifs sont donc nécessaires pour modifier les procédés de traitement dans le but de les éliminer.</p>
<p>De plus, le traitement de l’eau usée peut augmenter très significativement les concentrations de PFAS dans les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boues_d%27%C3%A9puration">boues d’épuration</a>, principal déchet issu du processus d’épuration. Ces boues, aussi appelées biosolides, contiennent bien souvent des concentrations de PFAS comparables aux niveaux ambiants détectés ailleurs. Mais si les eaux usées contiennent des rejets d’un procédé industriel ou commercial qui utilise des PFAS, les biosolides qui en résultent pourraient être très contaminés aux PFAS.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne se verse un verre d’eau du robinet" src="https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/500807/original/file-20221213-24014-576dx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les traitements usuels pour l’eau potable enlèvent très peu ou pas du tout des PFAS présents dans l’eau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>L’état du Maine a même <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4168355">légiféré</a> pour interdire toute forme de valorisation des boues municipales d’épuration des eaux usées. Dans cette ère de réchauffement global où l’on doit tout mettre en action pour réduire nos émissions de carbone, cette interdiction semble mal avisée et signifie que les boues devraient être incinérées en brûlant vraisemblablement des hydrocarbures ; on parle alors, évidemment, d’un bilan carbone abominable.</p>
<p>La solution pour pouvoir valoriser les biosolides passe par une meilleure réglementation de l’utilisation des PFAS pour prévenir leur apparition dans les eaux usées et les boues d’épuration municipales. On peut aussi très bien vérifier les concentrations dans les biosolides avant leur valorisation et ainsi éviter les risques de contaminer nos sols en établissant des seuils de PFAS à ne pas dépasser. Nous veillons actuellement à la réalisation de cet objectif, en collaboration avec le ministère de l’Environnement du Québec.</p>
<p>Le dossier des PFAS est particulièrement complexe, les experts et les diverses agences de protection de l’environnement du monde n’étant pas encore capables de trouver un consensus pour définir ce qui est sécuritaire.</p>
<p>Nous devrions être particulièrement vigilants et appliquer le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/IDAN/2015/573876/EPRS_IDA%282015%29573876_FR.pdf">principe de précaution</a>, qui stipule que :</p>
<blockquote>
<p>Une substance doit être considérée comme potentiellement nocive pour la santé humaine et pour l’environnement, jusqu’à preuve du contraire.</p>
</blockquote>
<p>Il importe également de mieux réglementer cette famille de polluants inquiétants qui se retrouvent <em>absolument</em> partout.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194583/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Sauvé a reçu du financement d'organismes subventionnaires gouvernementaux du Canada et des États-Unis. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc-André Verner a reçu du financement d'organismes subventionnaires gouvernementaux du Canada et des États-Unis.</span></em></p>
Les PFAS, aussi appelés « polluants éternels », sont des contaminants que l’on retrouve partout et qui ont des effets nocifs sur la santé. Il est plus que temps d’interdire leur utilisation.
Sébastien Sauvé, Professeur, Université de Montréal
Marc-André Verner, Professeur agrégé, Université de Montréal
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194579
2022-12-01T17:23:15Z
2022-12-01T17:23:15Z
Les amanites, ces champignons tisseurs de liens
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495119/original/file-20221114-25-z5k7ih.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C7%2C1272%2C843&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les amanites tue-mouche tissent des liens à travers les écosystèmes forestiers, mais aussi entre les humains et les esprits.</span> <span class="attribution"><span class="source">Francis Martin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p><em>Les amanites tue-mouches, très abondantes cet automne, provoquent en forêt une inquiétude respectueuse. Comme beaucoup d’autres champignons, elles ont une vie secrète, que les humains explorent depuis longtemps pour leurs propriétés hallucinogènes, et, depuis moins longtemps, pour leurs rôles dans les écosystèmes forestiers. Francis Martin, expert des interactions symbiotiques entre les champignons et les arbres, explore dans son livre <a href="https://www.salamandre.org/article/nouveau-livre-la-foret-hyperconnectee/">publié aux éditions Salamandre</a> les liens que tissent les champignons – entre les hommes et les esprits, mais aussi avec les plantes. En voici un extrait.</em></p>
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<p>Impossible de rater ce beau champignon. Il se reconnaît entre mille avec son long pied blanc cerclé d’un anneau, sa volve et son large chapeau plat, rouge, tacheté de verrues blanches. Cette amanite abonde dans les forêts de feuillus et de résineux, souvent en compagnie des cèpes. Belle et élégante, elle est pourtant devenue l’un des symboles de la sorcellerie dans l’imagerie traditionnelle.</p>
<p>C’est vrai, elle contient en abondance des poisons toxiques, mais même écrasée dans le lait, elle ne tue pas les mouches. La muscarine, la toxine potentiellement mortelle qu’elle contient en faible quantité, ne résiste pas à la cuisson. Sa consommation est donc rarement mortelle. En revanche, elle contient de fortes concentrations de composés psychoactifs proches de neurotransmetteurs majeurs du système nerveux central dont ils miment les effets, le muscimole et l’acide iboténique. Ces substances perturbent la transmission neuronale du cerveau des mammifères et, de ce fait, elles stimulent le psychisme et provoquent des modifications sensorielles. L’ingestion malencontreuse ou volontaire de l’amanite tue-mouches conduit à des hallucinations, puis à un endormissement empli de puissantes visions oniriques.</p>
<p>En raison de ses propriétés hallucinogènes, l’amanite séchée était déjà consommée lors des cultes dédiés à Dionysos en Grèce. Chez les Koriaks du Kamtchatka, les états psychiques provoqués par l’amanite tue-mouches étaient si appréciés qu’ils se livraient à un singulier trafic. La poudre d’amanite séchée était consommée par le sorcier et les nobles du clan lors des cérémonies chamaniques ; l’urine de ces consommateurs privilégiés, enrichie en principes actifs, était alors bue par les autres membres de la tribu. Le rapport des ethnologues ne nous dit pas si le nombre de lapins en redingote ou de chats du Cheshire rencontrés lors de ces voyages hallucinatoires variait avec le nombre de passages dans les urines. Les champignons sont souvent craints car ils peuvent être mortels ou liés aux pratiques magiques que je viens d’évoquer.</p>
<p>D’ailleurs, depuis des milliers d’années, les sorciers des tribus amérindiennes utilisent à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques des plantes et des champignons riches en substances psychotropes induisant un état de conscience modifié. Certaines vesses-de-loup sont encore utilisées à des fins divinatoires du fait de leurs propriétés hallucinogènes par les sorciers mixtèques d’Oaxaca. Ces champignons ont un effet essentiellement hypnotique. Ils provoquent un état de demi-sommeil pendant lequel les sorciers affirment percevoir le chant des dieux. Chez les Tarahumaras du nord du Mexique, les sorciers absorbent le kalmoto, une autre espèce de vesse-de-loup, pour approcher leurs victimes sans être vus afin de leur jeter un sort. Dans le chamanisme des Papous des hauts plateaux de Nouvelle-Guinée, on retrouve l’usage des champignons hallucinogènes comme le psilocybe ou encore le bolet qui rend fou. En effet, l’ingestion de ce dernier peut conduire à une démence meurtrière.</p>
<h2>Une alliance ancestrale avec les arbres</h2>
<p>L’amanite tue-mouches permettrait donc de tisser des liens avec les esprits – c’est une croyance répandue chez de nombreux peuples forestiers. C’est sans aucun doute un sujet d’étude passionnant pour les anthropologues. Biologiste, j’ai passé une bonne partie de ma vie à étudier cet organisme sylvestre car c’est un prince parmi les champignons. Il sait dialoguer avec les racines des arbres. Invisible sous nos pieds, il tisse sa toile de filaments souterrains dans le sol et l’humus des forêts et il produit à l’automne ces belles fructifications au chapeau rouge piqueté de verrues blanches. Il est encore plus extraordinaire que vous ne pourriez l’imaginer. </p>
<p>Au cours de dizaines de millions d’années de coévolution, l’amanite et ses arbres hôtes – chêne, épicéa ou bouleau – ont développé un partenariat sophistiqué. Les deux organismes – plante et champignon – forment une symbiose mutualiste, une alliance à bénéfices mutuels. Dans les ténèbres telluriques, ils ont créé une « joint-venture" pour explorer, prospecter et exploiter les ressources du sous-sol, les gisements d’azote, de phosphates et de micro-éléments, indispensables à leur croissance.</p>
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<p>Parmi les 5 millions d’espèces de champignons qui peuplent notre planète, l’amanite tue-mouches est l’un de ceux qui est, avec une vingtaine de milliers d’autres mycètes forestiers, capable de dialoguer et de coopérer avec les arbres. En effet, ses filaments mycéliens souterrains sont associés aux racines courtes des arbres où il forme un organe mixte, chimérique, appelé « mycorhize » (du grec múkês, « champignon », et rhiza, « racine ») – une racine-champignon. La présence du champignon symbiotique sur les radicelles de l’arbre favorise l’absorption par les racines des éléments minéraux du sol, ce qui améliore considérablement sa nutrition. </p>
<p>Les amanites, mais également les cortinaires, les russules, les bolets ou les truffes, transforment les petites racines absorbantes de l’arbre hôte. La racine mycorhizée est alors prolongée par un vaste réseau de filaments mycéliens se propageant dans le sol. Si vous soulevez l’amas de feuilles mortes et de litière qui recouvrent le sol au pied des arbres, vous pourrez observer ce feutrage blanchâtre enrobant les particules de sol et les détritus végétaux. Les filaments, interconnectés et entremêlés, projettent leurs ramifications dans la moindre anfractuosité du sol, de l’humus et de la litière. Ils assurent un rôle essentiel d’exploration et d’absorption (jusqu’à 1 000 mètres de mycélium par mètre de racine).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=779&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495665/original/file-20221116-145-myme8h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La forêt hyperconnectée est paru aux éditions Salamandre en octobre 2022.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>La symbiose mycorhizienne n’est pas seulement formée de la petite racine de l’arbre prolongée par son immense réseau de filaments mycéliens. Au cours de leur partenariat immémorial, racine et champignon ont développé un organe chimérique très complexe. Des filaments mycéliens s’enchevêtrent à la surface de la racine, puis s’agglomèrent autour de la petite racine avant de l’enrober entièrement d’un manchon dense de feutrage mycélien. Au microscope, on a vraiment l’impression d’observer un doigt de gant cotonneux sur chacune des radicelles.</p>
<p>Encore plus surprenant, le microscope nous permet de distinguer des filaments mycéliens de l’amanite s’insinuant dans l’espace qui sépare les cellules de l’épiderme de la racine. La pointe des filaments mycéliens s’enfonce comme un coin entre les grosses cellules racinaires de l’hôte sans jamais y pénétrer. Chaque cellule de l’épiderme de la racine finit par être entièrement encerclée par les très fins filaments du champignon – après tant d’années à étudier et observer ces racines mycorhizées, je reste époustouflé par cette image de la grosse cellule racinaire ; un gros cube de 0,1 millimètres de côté, enrobée de son maillage de filaments dont la taille est dix fois plus petite. </p>
<p>C’est au niveau de ces cellules habillées de champignon que s’effectue l’échange d’éléments nutritifs (sucres, acides aminés, éléments minéraux) entre les deux symbiotes. Dans ce commerce équitable, le champignon échange les éléments minéraux qu’il a absorbés dans le sol et transportés le long de son réseau de filaments mycéliens contre des sucres solubles, comme le glucose. Pour les deux partenaires, cet échange – ce troc – est crucial. Les éléments minéraux, comme l’azote, le phosphate et le potassium (le fameux mélange NPK des engrais des jardineries), sont nécessaires à la croissance et à la bonne santé de l’arbre. Le glucose, fourni par les racines de la plante, est le sucre qui permet au champignon d’alimenter son métabolisme, de vivre, de respirer et de construire son réseau souterrain de filaments. Pour lui et son arbre hôte, comme pour nous, le glucose est le combustible de la vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Martin a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche via le Laboratoire d'excellence ARBRE, ainsi que des financements de l'Université forestière de Pékin, Chine. </span></em></p>
Les amanites tue-mouche poussent bien cet automne. Utilisée depuis la Grèce antique comme substance hallucinogène, elle surprend aujourd’hui par les liens qu’elle tisse avec les arbres.
Francis Martin, Directeur de recherche INRAE, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192881
2022-11-17T17:26:53Z
2022-11-17T17:26:53Z
Lutte contre les moustiques : améliorer l’efficacité des insecticides tout en réduisant leurs doses
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495900/original/file-20221117-21-16mv6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1597%2C1053&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moustique Aedes aegypti, vecteur de la dengue.</span> <span class="attribution"><span class="source"> James Gathany, CDC/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies humaines provoquées par des parasites, des virus ou des bactéries transmis par des vecteurs (moustiques ou tiques par exemple) encore appelées maladies à transmission vectorielle représentent, au niveau mondial, environ 17 % des maladies infectieuses.</p>
<p>Certaines de ces maladies sont transmises par des insectes hématophages comme les moustiques. Elles peuvent infecter l’homme par l’intermédiaire de virus (arbovirus), c’est le cas de la dengue, du chikungunya et de Zika ou de parasites (plasmodium) pour le paludisme.</p>
<p>Dans ce cas, le <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/malaria/world-malaria-reports/world-malaria-report-2021-global-briefing-kit-fre.pdf">dernier rapport de l’OMS</a> fait état d’un nombre de décès dus au paludisme estimé à 627 000 en 2020. Ce qui correspond à 69 000 décès de plus que l’année précédente. Les régions d’Afrique sont les plus impactées avec 96 % de tous les décès dus au paludisme en 2020, les enfants de moins de 5 ans sont les principales victimes (80 % des décès).</p>
<p>De plus, <a href="https://www.who.int/fr/news/item/19-05-2021-who-issues-new-guidance-for-research-on-genetically-modified-mosquitoes-to-fight-malaria-and-other-vector-borne-diseases">l’incidence de la dengue</a>, par exemple, continue d’augmenter et la maladie touche désormais les populations de plus de 129 pays d’après la Dre Mwele Malecela, Directrice du Département de l’OMS de lutte contre les maladies tropicales négligées.</p>
<p>Au niveau national et dans plusieurs régions françaises, en particulier dans les territoires ultra-marins (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, La Réunion) et les collectivités d’outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis et Futuna, le contrôle des populations moustiques vecteurs des genres <em>Aedes</em>, <em>Anopheles</em> et <em>Culex</em> pose un réel problème en matière de santé publique. De plus, des <a href="https://www.codes06.org/actualites/actualites-a-la-une/chikungunya-dengue-et-zika-donnees-de-la-surveillance-renforcee-en-france-metropolitaine-en-2022/">cas autochtones</a> de dengue en France métropolitaine ont été rapportés avec 9 foyers de transmission de dengue qui représentent 65 cas autochtones identifiés au 16 octobre 2022 en région Occitanie, Paca et Corse.</p>
<p>Enfin, l’émergence et la réémergence de ces maladies vectorielles transmises par les moustiques, dues aux changements climatiques et à la globalisation des échanges au niveau mondial renforcent l’urgence de développer de nouvelles stratégies essentielles pour gérer et contrôler ces populations de moustiques vecteurs d’agents pathogènes.</p>
<h2>Des moyens de lutte variés mais imparfaits</h2>
<p>Aujourd’hui, les objectifs de la lutte antivectorielle (LAV) sont de diminuer mais aussi de contrôler les populations de moustiques vecteurs. Parmi les moyens de lutte utilisés (biologiques, mécaniques et/ou génétiques), la lutte chimique par l’utilisation de biocides comme les insecticides,reste une stratégie largement utilisée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-lachers-de-moustiques-modifies-pour-lutter-contre-la-dengue-le-chikungunya-ou-la-fievre-jaune-189573">Les lâchers de moustiques modifiés pour lutter contre la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune</a>
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<p>Cependant, le développement des mécanismes de résistance aux insecticides classiques par les moustiques et d’autres mécanismes physiologiques de compensation (surexpressions de récepteurs cibles spécifiques) qui limitent le coût biologique généré par le développement de ces résistances par ces mêmes moustiques modifie l’effet insecticide et rend les traitements de <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0029Ra.pdf">moins en moins efficaces</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, pour limiter l’apparition de résistances chez les moustiques vecteurs d’agents pathogènes et diminuer la concentration d’insecticide utilisée afin d’éviter les effets secondaires sur les organismes non-cibles (comme des insectes auxiliaires ou des mammifères), nous avons développé au sein du laboratoire SiFCIR de l’Université d’Angers en collaboration avec l’IRD de Montpellier (F. Chandre) et la SATT-Ouest valorisation de Rennes, une stratégie innovante de lutte contre les moustiques sensibles et résistants aux insecticides.</p>
<h2>L’agent synergisant</h2>
<p>Cette stratégie est basée sur l’utilisation d’une association de deux composés de familles chimiques différentes ayant des modes d’action indépendants, à savoir un agent synergisant et un insecticide. L’agent synergisant, défini aujourd’hui dans le cadre du <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/BIOCIDES2020SA0029Ra.pdf">rapport d’expertise collective de l’Anses</a> (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), est un composé chimique de synthèse ou naturel qui ne possède pas lui-même de propriétés insecticides, mais qui, lorsqu’il est associé et appliqué avec un insecticide renforce considérablement son activité tout en réduisant les concentrations utilisées. L’avantage majeur de cette association qui agit sur des cibles différentes rompt le cycle de développement de résistance observé pour un insecticide.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214574518300890?via%3Dihub">Cette stratégie</a>, permet d’intensifier l’effet d’un insecticide donné, qui s’il avait été utilisé seul n’aurait pas eu une action aussi importante.</p>
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<p>Dans ces conditions et parce que l’agent synergisant est utilisé à très faible concentration, il n’occasionne pas d’actions néfastes sur les organismes vivants et l’environnement. Il a pour effet d’activer des voies de signalisation intracellulaire impliquées dans l’augmentation de la sensibilité des cibles membranaires aux insecticides. Ces voies de signalisation, lorsqu’elles sont sollicitées, sont responsables d’un changement de conformation de la cible. Cet effet augmente l’action de l’insecticide tout en réduisant les concentrations utilisées et permet de contourner des phénomènes de résistance aux insecticides.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Représentation schématique du principe de l’utilisation d’un agent synergisant associé à un insecticide. Ce « tandem » permet de changer la conformation de la cible à l’insecticide via des mécanismes intracellulaires dépendants du calcium. Dans ces conditions, l’effet insecticide est potentialisé à plus faible concentration (vert) par rapport au traitement classique sans agent synergisant (rouge)" src="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495903/original/file-20221117-17-600cgk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ce nouveau concept basé sur l’utilisation d’un agent synergisant a fait l’objet de brevets. Il a retenu récemment l’intérêt d’industriels dans les domaines d’applications liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. Cet intérêt s’inscrit dans le cadre des nouvelles procédures d’homologations concernant l’utilisation des biocides à plus faibles concentrations dans un contexte à la fois de santé environnementale mais aussi de santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192881/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Lapied a reçu des financements de la SATT-Ouest Valorisation, de la Région Pays de la Loire et de la Direction Générale de l’Armement, l’Agence de l’Innovation de Défense (Ministère des Armées).
Il travaille en tant qu'expert pour l'Anses.
Le travail de recherche a été réalisé en collaboration avec C. Deshayes, E. Moreau, S. Perrier (laboratoire SiFCIR, Université d'Angers), F. Chandre (IRD de Montpellier), la SATT-Ouest Valorisation, le Vectopole Sud Network (Montpellier) du LabEx CeMEB (ANR-10-LABX-04-01) et W. Nowak, Institute of Physics, Faculty of Physics, Astronomy and Informatics, N. Copernicus University, Torun, Poland.</span></em></p>
Les moustiques vecteurs de pathogènes sont un problème de santé publique, une nouvelle approche basée sur la chimie permettrait de rendre les traitements plus efficaces.
Bruno Lapied, Professeur de Neurophysiologie, Université d'Angers
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192883
2022-11-14T16:59:41Z
2022-11-14T16:59:41Z
Une nouvelle piste de recherche pour faciliter l’administration des chimiothérapies
<p>En 2040, le cancer pourrait toucher <a href="https://publications.iarc.fr/613">30,2 millions de personnes</a> dans le monde et donc devenir la principale cause de décès prématuré (entre 30 et 69 ans) dans la plupart des pays, selon le Centre international de recherche sur le cancer. Quant à l’OMS, elle prévoit une augmentation de <a href="https://www.who.int/news-room/detail/04-02-2020-who-outlines-steps-to-save-7-million-lives-from-cancer">60 % des cas de cancer</a> au cours de deux prochaines décennies, particulièrement dans les pays émergents.</p>
<p>Les traitements de ce fléau reposent généralement sur la chirurgie, la radiothérapie et/ou un traitement systémique comme la chimiothérapie. Principalement administrées par voie intraveineuse (IV), les chimiothérapies sont des traitements lourds et contraignants qui nécessitent des hospitalisations, généralement toutes les une à trois semaines pendant plusieurs heures.</p>
<p>Cette voie d’administration génère aussi beaucoup d’inconfort pour les patients et un besoin important en personnels qualifiés car elle nécessite l’utilisation d’une voie veineuse centrale avec la pose d’une chambre implantable (petit boîtier placé sous la peau branché à un cathéter lui-même placé dans une grosse veine, généralement la veine cave supérieure), ou d’une perfusion veineuse périphérique (cathéter généralement implanté dans la veine du bras).</p>
<p>Un dernier point et non des moindres, est le coût financier engendré par cette logistique complexe ; une dépense qui ne fera qu’augmenter avec le vieillissement de la population, mettant ainsi à rude épreuve nos systèmes de santé.</p>
<h2>Vers une administration sous-cutanée ?</h2>
<p>C’est ce constat qui nous a amenés à réfléchir à une alternative à l’administration des chimiothérapies par voie intraveineuse. Une solution qui se voudrait à la fois plus simple à pratiquer et plus confortable pour le patient, mais tout aussi efficace pour traiter la maladie.</p>
<p>La voie orale représente intuitivement la voie d’administration idéale, notamment en raison de sa simplicité (ingestion de gélules). Mais, survivre au tractus gastro-intestinal et traverser la barrière intestinale sont des obstacles majeurs à franchir pour un médicament administré de la sorte, ce qui conduit généralement à une biodisponibilité (proportion d’un principe actif qui atteint la circulation sanguine) relativement faible et variable. De plus, des problèmes d’observance (respect des prescriptions d’un médecin par le patient) font qu’elle n’est que très peu utilisée pour le traitement du cancer où un dosage précis du médicament est nécessaire.</p>
<p>La voie sous-cutanée présente quant à elle des caractéristiques très avantageuses par rapport à la voie intraveineuse. Elle est en effet facilement praticable car le geste est simple à réaliser et peut être administrée sans hospitalisation, à domicile, voire par le patient lui-même. On peut par exemple faire le parallèle avec les personnes atteintes de diabéte qui s’auto-administrent leur insuline au moyen d’une petite pompe portative.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Elle est cependant impraticable à ce jour avec la plupart des principes actifs anticancéreux. Ces molécules sont en effet le plus souvent soit irritantes, soit vésicantes (elles peuvent provoquer des lésions). Par ailleurs, du fait de leur faible solubilité dans l’eau, elles vont avoir tendance à stagner au niveau du tissu sous-cutanée après administration et à provoquer des ulcérations (plaies cutanées souvent profondes), voire des nécroses (mort des tissus) de la peau à cause de leur forte toxicité.</p>
<p>Il n’y a en effet à l’heure actuelle que <a href="https://ar.iiarjournals.org/content/34/4/1579">neuf principes actifs</a> anticancéreux approuvés pour l’administration sous-cutanée et aucun d’entre eux n’est irritant ou vésicant, ce qui met en lumière l’impasse concernant l’administration sous-cutanée de ce type de principes actifs anticancéreux.</p>
<h2>Une solution basée sur la nanomédecine</h2>
<p>L’application des nanotechnologies à la médecine, plus connue sous le nom de nanomédecine, offre depuis quelques décennies tout un arsenal de vecteurs nanoparticulaires (liposomes, nanoparticules organiques/inorganiques, etc.) capables de véhiculer des molécules de principe actif dans l’organisme afin d’en améliorer l’efficacité thérapeutique et d’en diminuer les effets secondaires.</p>
<p>Cependant, aucun d’entre eux n’a pour l’heure permis d’administrer des principes actifs anticancéreux vésicants ou irritants. Ces vecteurs reposant la plupart du temps sur une encapsulation dite physique des molécules de principe actif (la molécule est simplement emprisonnée dans le vecteur et peut donc diffuser pour s’en échapper), il est probable qu’un relargage précoce du principe actif ait pu être observé dans le tissu sous-cutanée et ait induit des toxicités locales rédhibitoires.</p>
<p>Notre difficulté était donc de trouver un moyen d’injecter la chimiothérapie en sous-cutané, sans induire de toxicité au niveau de la peau, puis de lui permettre de migrer du tissu sous-cutané jusqu’à la circulation sanguine où elle pourrait exercer son action. L’idée que nous avons eue pour satisfaire ces critères fut de lier le principe actif à un polymère biocompatible très hydrophile, pour faire ce que l’on appelle une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0223523401012533">prodrogue</a> polymère.</p>
<p>Dans ce cas, non seulement la toxicité du principe actif est temporairement neutralisée (le polymère est couplé sur un groupe fonctionnel du principe actif nécessaire à son activité), mais il se retrouve également solubilisé par le polymère du fait de sa forte affinité avec l’eau, ce qui va permettre à l’ensemble de migrer dans le tissu sous-cutanée et d’atteindre la circulation sanguine.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma du principe de la nouvelle méthode d’administration des chimiothérapies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Nicolas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Afin de valider notre stratégie, nous l’avons appliquée au paclitaxel, un principe actif vésicant et très hydrophobe, qui est en fait le principe actif utilisé dans la formulation du Taxol, une chimiothérapie couramment utilisée pour le traitement de nombreux types de cancers. Parmi les polymères hydrophiles couramment utilisés en nanomédecine, le poly(éthylène glycol) est très certainement le plus connu et le plus utilisé (c’est ce même polymère que l’on retrouve dans les compositions des vaccins anti-Covid Moderna et Pfizer). Cependant, nous nous sommes rendu compte que le polyacrylamide, un polymère biocompatible déjà utilisé en cosmétologie dans le comblement de rides, était un bien meilleur choix car il permettait de mieux solubiliser le paclitaxel une fois le greffage effectué.</p>
<p>Nous avons ensuite procédé au développement pré-clinique de cette prodrogue en s’assurant notamment, chez la souris, qu’elle n’induisait pas de toxicité au niveau de la peau et du tissu sous-cutané autour du site d’injection, et qu’elle était capable de migrer du tissu sous-cutané vers la circulation sanguine. Du fait de la forte hydrophilie du polyacrylamide et de son caractère « furtif » (capacité à avoir un temps de résidence prolongé dans la circulation générale), nous avons également remarqué que le paclitaxel était libéré progressivement du polymère, par coupure enzymatique de la liaison avec le polymère, qui lui est éliminé par filtration rénale. </p>
<p>La prodrogue fait alors office de réservoir de paclitaxel, ce qui permet une exposition prolongée à la chimiothérapie tout en diminuant les effets secondaires (liés à la toxicité intrinsèque du paclitaxel). <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.2c04944">Dans notre étude</a>, nous avons pu obtenir une efficacité anticancéreuse similaire à celle du Taxol administré en IV à dose équivalente en paclitaxel, et avons également pu augmenter la dose en prodrogue et ainsi obtenir une bien meilleure efficacité que le Taxol qui lui était déjà administré à sa dose maximale.</p>
<p>Cette étude, réalisée à l’Institut Galien Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), en collaboration avec le CEA Paris-Saclay et LabOniris, nous a encouragés à fonder avec trois collègues, Nicolas Tsapis, Alexandre Bordat et Tanguy Boissenot, la start-up <a href="https://imescia.com/">Imescia</a> qui a pour double objectif, d’une part de chercher des partenaires industriels qui ont des difficultés pour administrer leurs molécules et qui souhaiteraient les administrer en sous-cutanée grâce à notre technologie, et d’autre part d’amener un premier traitement en essai clinique dès 2024. </p>
<p>Pour cela Imescia cherche actuellement 2,5 millions d’euros. L’idée globale est d’appliquer cette stratégie à une très large gamme de principes actifs anticancéreux (sans se restreindre aux petites molécules) et ainsi transposer de manière sûre et efficace des chimiothérapies IV vers des chimiothérapies SC. Nous espérons que cette nouvelle plate-forme d’administration puisse représenter une étape importante vers une chimiothérapie simplifiée permettant la prise en charge des patients à domicile, voire à une auto-administration des traitements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Nicolas a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et du Conseil Européen de la Recherche (ERC). Il est également co-fondateur de la société Imescia et membre du Groupe Français des Polymères (GFP) et de l'American Chemical Society (ACS).
</span></em></p>
L’administration de chimiothérapie en voie intraveineuse pose de nombreux problèmes pour les patients. Une étude chez la souris pourrait faciliter la vie des patients dans le futur.
Julien Nicolas, Directeur de recherche au CNRS, Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192352
2022-10-20T15:07:37Z
2022-10-20T15:07:37Z
Bonnes feuilles : « Les secrets de la communication animale »
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489338/original/file-20221012-24-ribc2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1192%2C749&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les gardiennes de nids de frelons asiatiques savent filtrer les entrées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pittou2/30732734506">Pittou2, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Se sentir, se reconnaître, s’accepter – tant de caractéristiques sociales que nous partageons avec les animaux, qui communiquent eux aussi, à leur manière. Dans leur ouvrage, paru aux <a href="https://www.quae.com/produit/1739/9782759235025/les-secrets-de-la-communication-animale">éditions Quae</a> et dont The Conversation France publie ici les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bonnes-feuilles-77244">« bonnes feuilles »</a>, Éric Darrouzet et Vincent Albouy nous dévoilent l’immense diversité des communications animales. Saviez-vous par exemple que certains animaux utilisent des sens qui nous sont inconnus, comme la vision dans l’ultraviolet ou la perception fine de bouquets moléculaires grâce à des antennes, pour échanger des signaux ?</em></p>
<hr>
<p>Le nid est le cœur d’une société d’insectes, car tous les centres vitaux se trouvent là : la reine qui pond, les larves en développement constituant l’avenir de la colonie, les réserves de nourriture, le tout dans une atmosphère protégée et contrôlée, à l’abri autant que faire se peut des influences et des variations extérieures. C’est aussi et surtout un lieu aussi bien gardé que la salle des coffres d’une banque ! N’y entre pas qui veut.</p>
<p>Dans notre société humaine, l’appartenance d’un individu à un groupe donné peut se voir à travers différents signes : une tenue vestimentaire particulière, un langage commun ou des papiers d’identité. Chez les animaux, c’est plus ou moins la même chose. Une colonie d’insectes sociaux, comme des abeilles, des fourmis ou des termites, en est le parfait exemple. Ces insectes constituent au sein de leur colonie une véritable société hiérarchisée où chaque individu a un rôle à jouer pour le bien-être de la communauté. Ces sociétés d’insectes sont contrôlées afin qu’aucun individu extérieur représentant un danger ne puisse y pénétrer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="gendarmes sur une fleur" src="https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489340/original/file-20221012-25-61pmb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des gendarmes au jardin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/8989278@N03/3736280018">melina1965, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En fait, tout individu souhaitant entrer dans la colonie doit montrer « patte blanche » aux gardiens ou aux gardiennes du nid. Il doit présenter une carte d’identité prouvant qu’il appartient à la colonie. Bien évidemment, il ne possède pas de papiers de cette sorte, mais il porte l’équivalent sur son corps. Ses papiers d’identité sont remplacés par des molécules chimiques appelées « hydrocarbures cuticulaires », des molécules présentes à la surface de la cuticule de l’insecte (son squelette externe). On parle d’hydrocarbures, car il s’agit de molécules sous la forme de longues chaînes d’atomes de carbone.</p>
<h2>Une carte d’identité chimique</h2>
<p>Les insectes portent ainsi sur le corps des dizaines, voire plus d’une centaine d’hydrocarbures différents. Ces molécules jouent divers rôles. Elles protègent les insectes contre les pertes en eau en formant une sorte de barrière hydrophobe. Elles les protègent aussi contre des organismes pathogènes (bactéries, virus, etc.). Mais elles constituent surtout la signature chimique de l’insecte. Cette carte d’identité chimique varie selon la nature des hydrocarbures (liée au nombre d’atomes de carbone de la chaîne) et selon la quantité relative de chacun d’entre eux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="papillon" src="https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489335/original/file-20221012-14-873uad.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’azuré du serpolet (<em>Phengaris arion</em>) sait utiliser la protection des fourmilières.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fra298/35388868721/in/photostream/">fra298, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chaque insecte porte ainsi une signature chimique propre à son espèce, à sa colonie (on parle de signature coloniale), à son sexe, à sa caste et à sa fonction. Au sein d’une colonie, chaque individu reconnaît ses congénères en analysant leur signature chimique. Tout individu rentrant au nid est identifié par des gardiens ou des gardiennes positionnés à l’entrée du nid et qui veillent à la sécurité de la colonie. Gare à l’insecte souhaitant pénétrer dans une colonie d’insectes sociaux : s’il présente une signature étrangère, il est au minimum repoussé, sinon attaqué et tué !</p>
<h2>Invasion cachée</h2>
<p>Une fourmilière est une véritable forteresse. Pour y entrer, il faut présenter la bonne signature chimique, sinon attention aux gardiennes, intraitables avec les insectes étrangers à la colonie. Toutefois, elles ne sont pas toujours infaillibles. Certains insectes d’espèces fort différentes de celle ayant élaboré le nid arrivent parfois à franchir ce seuil défendu avec vigilance. Le problème est que les gardiennes n’ont pas vu les intrus, demeurés invisibles et passés à leur nez et à leur barbe.</p>
<p>Ces insectes, dits « myrmécophiles », ont selon leur espèce deux stratégies possibles pour tromper les gardiennes. Ils se basent sur le fait que les gardiennes ne se fient pas à leur vue, mais à leur nez, ou du moins à ce qui en tient lieu (des récepteurs antennaires). Elles identifient tout individu voulant entrer dans la fourmilière par leur signature chimique en hydrocarbures cuticulaires : elles analysent leur carte d’identité chimique.</p>
<p>Certains intrus ont trouvé la parade. Véritables faussaires, ils copient la signature chimique des fourmis et l’expriment à la surface de leur corps. C’est ainsi que les gardiennes se font berner, malgré une morphologie différente des fourmis. L’information chimique est donc plus importante que la visuelle pour les gardiennes. Une fois dans la fourmilière, ces intrus pourront profiter des conditions environnementales contrôlées du nid, des réserves de nourritures stockées par les fourmis, et même parfois consommer les larves de la colonie. Personne ne leur cherchera noise en raison de leur visa chimique adéquat.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Rats taupes nus dans leur nid" src="https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489336/original/file-20221012-24-wag0bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les colonies de rats-taupes nus ont chacune leur langage propre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/therontrowbridge/8172940409">Theron Trowbridge, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres intrus procèdent différemment. Au lieu de copier la signature chimique des fourmis, ce qui est compliqué et coûteux en énergie, ils se présentent sans signature à l’entrée de la fourmilière, et deviennent de fait chimiquement invisibles. Et les gardiennes les laissent passer ! Une fois dans les lieux, ils acquièrent la bonne signature chimique en se frottant contre les fourmis et les parois du nid qui en sont imprégnées.</p>
<p>Les papillons du genre <em>Phengaris</em> sont un des nombreux exemples d’espèces qui profitent ainsi de la protection des colonies de fourmis. Leurs chenilles exprimant la signature chimique de ces dernières sont même nourries par les ouvrières.</p>
<h2>Dialecte et reconnaissance</h2>
<p>Le rat-taupe nu (<em>Heterocephalus glaber</em>) est un rongeur vivant en sociétés souterraines dans l’Afrique de l’Est. Ses colonies peuvent contenir jusqu’à 300 individus. Comme chez les insectes sociaux, chaque individu doit pouvoir être identifié et reconnu comme membre de la colonie. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=790&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489363/original/file-20221012-21-vyx3sx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=993&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Les secrets de la communication animale », d’Éric Darrouzet et Vincent Albouy, Éditions Quae, 2022.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Celle-ci possède une reine, seule femelle à se reproduire, et des dizaines d’individus qui œuvrent de manière coordonnée pour assurer la survie et le développement de la colonie. Pour communiquer, ils émettent des sons très élaborés, des vocalisations qui peuvent faire penser à une véritable langue, propre à chaque colonie. Tout individu entrant par erreur dans une autre colonie ne parlera pas la même « langue » que les individus locaux. Il sera rapidement identifié comme un membre étranger et sera par conséquent éliminé.</p>
<p>Ce langage spécifique à la colonie n’est pas inné, mais acquis durant le développement des rongeurs. Des juvéniles prélevés dans une colonie et implantés dans une autre acquièrent le langage de la colonie d’accueil et en deviennent membres à part entière malgré une origine différente. La langue de chaque colonie est culturelle et liée à la reine. Si cette dernière est remplacée par une nouvelle, les vocalisations seront modifiées.</p>
<hr>
<p><em>Ce livre a été écrit avec Vincent Albouy, entomologiste amateur et ancien attaché au laboratoire d’entomologie du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, actuellement président d’honneur de l’Office pour les insectes et leur environnement (Opie).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192352/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Darrouzet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les animaux utilisent pour communiquer des voix que nous ne soupçonnons pas. Un extrait d’ouvrage écrit par deux spécialistes des insectes.
Eric Darrouzet, Chercheur sur les insectes sociaux, spécialiste du frelon asiatique, Université de Tours
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/191454
2022-10-12T06:20:02Z
2022-10-12T06:20:02Z
Vers une accentuation des épisodes de pollution à l'ozone
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486791/original/file-20220927-18-gjmvtc.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C2%2C1852%2C542&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Concentrations d’ozone cartographiées par modélisation. L’ozone se forme dans des conditions climatiques stables, avec de fortes températures et un ensoleillement important, d’où l’apparition de pics de pollution en période estivale qui préoccupe dans le contexte du changement climatique.</span> <span class="attribution"><span class="source">INERIS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La pollution à l’ozone est <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2021/health-impacts-of-air-pollution">responsable de 17 000 morts par an en Europe</a> selon l’Agence européenne de l’environnement. Et la situation empirera à l’avenir car les <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter12.pdf">vagues de chaleur</a> et les sécheresses induites par le changement climatique contribuent à la formation des pics d’ozone.</p>
<p>Au contraire de la couche d’ozone stratosphérique au-dessus de 10 kilomètres d’altitude qui nous protège des rayons ultraviolets, l’ozone « de surface » peut être délétère pour la santé humaine. En 2019, les concentrations d’ozone <a href="https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2021/air-quality-status-briefing-2021/#tab-ozone">ne respectaient l’objectif de long terme défini dans les directives européennes que sur 12 % des sites de mesure</a>.</p>
<p>L’ozone est un gaz oxydant qui a aussi un effet notable sur la végétation car les plantes l’absorbent dans certaines conditions environnementales, ce qui affecte – entre autres – les rendements agricoles. En 2019, la <a href="https://www.eionet.europa.eu/etcs/etc-atni/products/etc-atni-report-17-2021-wheat-yield-loss-in-2019-in-europe-due-to-ozone-exposure">perte de rendement de blé en Europe se chiffre à 5 %</a>, soit une perte économique de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.</p>
<h2>Quand et où ont lieu les pics de pollution à l’ozone ?</h2>
<p>L’ozone est un polluant qui a la particularité de ne pas être émis directement par les activités humaines : ce sont ses précurseurs, d’autres gaz comme le méthane, les composés organiques volatils (dits « COV ») et les oxydes d’azotes (les « NO<sub>x</sub> »), qui sont, eux, émis par nos activités.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte mondiale de la pollution à l’oxyde d’azote, zone les plus polluées au-dessus des zones densément peuplées en Asie, Europe et Amérique du Nord" src="https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486793/original/file-20220927-5931-h7dozk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Concentrations en dioxyde d’azote le 23 janvier 2014 cartographié par modélisation sur l’hémisphère nord. Les oxydes d’azote sont des polluants précurseurs de l’ozone et de particules secondaires. La pollution est plutôt localisée : elle se forme autour des zones émettrices, celles où l’activité humaine est la plus intense.</span>
<span class="attribution"><span class="source">INERIS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’ozone est ensuite formé dans l’atmosphère dans des conditions météorologiques particulières : fortes températures et fort ensoleillement. Or de telles conditions météorologiques sont justement amenées à devenir plus fréquentes à l’avenir. Et l’été 2022 est venu le rappeler douloureusement avec <a href="https://www.geodair.fr/">111 dépassements du seuil d’information</a> constatés, et <a href="https://www.lcsqa.org/fr/vigilance-atmospherique/procedures/liste?field_procedure_date_value=2022-05-01&field_procedure_date_value_1=2022-09-27&field_dpt_niveau_procedure_target_id=All&page=1">plus de 140 procédures préfectorales enclenchées pour atténuer ces pics</a> (Source : LCSQA, Géod’air).</p>
<p>Lorsque les conditions météorologiques propices à la formation d’ozone sont réunies, une chaîne de réactions chimiques complexes se met en place. Le rôle important de l’ensoleillement (qui déclenche la chaîne, en commençant par la photodissociation des oxydes d’azote) fait que le maximum de production d’ozone a lieu quotidiennement en début d’après-midi, tandis que la cinétique chimique provoque généralement des pics de concentration en aval des grandes villes où se concentrent les sources d’émission des précurseurs.</p>
<p>On trouvera donc en majorité les épisodes d’ozone l’été, l’après-midi, en périphérie des grandes villes.</p>
<p>À l’inverse, d’autres mécanismes chimiques peuvent réduire les concentrations d’ozone. Elles prédominent l’hiver, la nuit, et à proximité des sources d’émissions. On constatera donc un cycle diurne et saisonnier d’ozone prononcé, avec aussi – ce qui peut paraître paradoxal – des concentrations plus faibles à l’intérieur des grandes villes qu’à leur périphérie.
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<p>Une fois formé, l’ozone peut demeurer plusieurs jours dans l’atmosphère. Il va alors quitter les basses couches de l’atmosphère (tout au plus quelques centaines de mètres d’altitude), et on parlera alors d’ozone « troposphérique » (entre la surface et la stratosphère, soit environ 10 kilomètres d’altitude). C’est cette fraction de l’ozone qui contribuera alors de manière très significative à la pollution transfrontière, avec par exemple certains panaches d’ozone formés sur le nord-est des États-Unis transportés jusqu’en Europe.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nY-OH4j7a0Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Modélisation de l’ozone de surface sur l’hémisphère nord. L’ozone est formé sur les régions polluées chaque jour en début d’après-midi, mais une fois formé il peut être transporté sur de longues distances, contribuant ainsi à la pollution transfrontière. Source : INERIS.</span></figcaption>
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<h2>En quoi le changement climatique affecte-t-il les épisodes d’ozone ?</h2>
<p>En conduisant à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, le changement climatique conduira à l’avenir à <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter12.pdf#IPCC-WG1-Chp-12.indd%3A.364009%3A10742">renforcer les conditions propices à la formation d’épisodes de pollution à l’ozone</a> puisque les mécanismes photochimiques de formation d’ozone sont favorisés pendant les périodes de forte chaleur et de fort ensoleillement. Il s’agit là du facteur dominant qui conduit à une augmentation nette des concentrations futures d’ozone sur les zones continentales visibles sur la cartographie ci-dessous qui affectera l’exposition des populations et des écosystèmes terrestres.</p>
<p>On note cependant toute une série d’autres mécanismes qu’il faut prendre en compte. Il y a sur la même cartographie des baisses de concentration d’ozone sur les zones maritimes qui sont imputables à l’<a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter06.pdf#CH-06-IPCC-WG1-211119.indd%3A.170192%3A1547">augmentation attendue de l’humidité relative dans un climat plus chaud</a>.</p>
<p>Mais l’effet du changement climatique ne se limite pas à la formation de l’ozone. Celui-ci influe aussi <a href="https://acp.copernicus.org/articles/12/10423/2012/acp-12-10423-2012.pdf">sur les émissions de composés chimiques précurseurs de l’ozone</a>, tels que les composés organiques volatils d’origine biotique, c’est-à-dire émis par la végétation. À tel point que <a href="https://acp.copernicus.org/articles/13/7451/2013/">ces émissions naturelles vont compenser les efforts consacrés à la réduction des émissions de COV et de NOₓ</a> liées aux activités humaines.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte d’Europe" src="https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486794/original/file-20220927-26-520n54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cartographie de l’augmentation d’ozone future imputable au changement climatique d’ici la fin du siècle. Si une baisse est attendue sur les surfaces maritimes, la majeure partie de l’Europe sera affectée par des augmentations du même ordre de grandeur que les améliorations constatées depuis 20 ans au prix d’importants efforts de réduction d’émissions de polluants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">EEA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Les plantes absorbent l’ozone, mais pas toujours</h2>
<p>Le rôle futur de la végétation dans le cycle de formation de l’ozone demeure un sujet de recherche important.</p>
<p>En effet, la hausse des températures en été favorise les émissions de précurseurs de l’ozone (les composés organiques volatils) par les plantes. Mais en période de sécheresse, ces émissions sont réduites du fait du stress hydrique subi par la végétation. Par ailleurs, l’augmentation des concentrations ambiantes de CO<sub>2</sub> pourrait aussi agir comme <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_Chapter06.pdf#CH-06-IPCC-WG1-211119.indd%3A.170160%3A1531">facteur limitant de l’augmentation des émissions de composés organiques volatils par la végétation</a>.</p>
<p>À ces émissions de précurseurs d’ozone par la végétation biologiquement active, il faut aussi ajouter les <a href="https://www.aeris-data.fr/feux-de-forets-et-vague-de-chaleur-un-ete-particulierement-intense-observe-par-aeris/">feux de forêt</a> (qui seront aussi renforcés par le changement climatique) qui affectent essentiellement la qualité de l’air à cause des particules fines, mais aussi en émettant d’autres gaz précurseurs d’ozone.</p>
<p>Le méthane contribue aussi largement à la formation de l’ozone, et lui aussi est émis à la fois par les activités humaines et par la biosphère en étant présent dans des réserves (permafrost et zones humides) qui pourraient être libérées sous l’effet du <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-encore-pire-avec-le-changement-climatique-68709">réchauffement</a>.</p>
<p>On a dit plus haut que l’ozone affectait les rendements agricoles. C’est parce que les plantes absorbent l’ozone via leurs stomates, ce mécanisme constitue un « puits végétal » qui fait baisser les concentrations d’ozone atmosphérique. Mais ce « puits » disparaît dans des conditions de sécheresse, ou de « stress hydrique », car les plantes ferment leurs stomates et absorbent moins d’ozone. On a donc une rétroaction qui fait monter les concentrations d’ozone.</p>
<h2>Les modèles pour quantifier les futures concentrations en ozone</h2>
<p>Nous venons de brosser un paysage particulièrement complexe de réactions chimiques et de processus biologiques évoluant sous l’effet du changement climatique. Afin d’évaluer l’impact net sur la pollution à l’ozone, la recherche mobilise des <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/10/8/084015">modèles numériques du climat et de la chimie atmosphérique</a>. Il devient ainsi possible de <a href="https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/indicators/air-pollution-by-ozone-2/assessment">quantifier l’augmentation future des concentrations d’ozone</a> à laquelle on peut s’attendre d’ici la fin du siècle.</p>
<p>Les estimations récentes indiquent que le changement climatique induirait une augmentation de la concentration en ozone de surface de l’ordre de 5 microgrammes par mètres cubes d’ici la fin du siècle dans la majeure partie de l’Europe, soit environ 10 % d’augmentation.</p>
<p>Cet impact est donc tout à fait majeur lorsqu’on le met en regard des tendances récentes. En effet, grâce à des efforts substantiels consacrés depuis les années 2000 à la réduction de précurseurs anthropiques (entre 30 et 50 % pour les NO<sub>x</sub> et les COV), une <a href="https://www.eionet.europa.eu/etcs/etc-atni/products/etc-atni-reports/etc-atni-report-9-2021-long-term-trends-of-air-pollutants-at-national-level-2005-2019">baisse de l’ordre de 10 % des pics d’ozone a été constatée en Europe</a>.</p>
<p>Dans cet article, nous nous sommes focalisés sur l’effet du changement climatique et son impact sur les mécanismes environnementaux de formation et destruction d’ozone. Mais il ne faudrait pas oublier les polluants anthropiques qui continuent à poser un certain nombre de défis à la recherche, notamment pour construire les outils d’aide à la décision les plus pertinents au niveau local, national, européen, voire international. L’écart entre les réductions de précurseurs anthropiques (30 à 50 %) et la réduction des pics d’ozone constatées sur le terrain (10 %) depuis 20 ans illustre bien ce défi.</p>
<p>L’augmentation attendue des épisodes de pollution à l’ozone sous l’effet du changement climatique viendra compenser les efforts de réduction d’émission de polluants, ce qui ne fait que souligner le besoin de s’engager vers des mesures de réduction ambitieuses à la fois pour les précurseurs de polluants et pour les gaz à effet de serre.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488237/original/file-20221005-24-e96y9j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Augustin Colette a reçu des financements de ANR, ADEME, Agence Européenne de l'Environnement, Ministère de la Transition Ecologique. </span></em></p>
Nous n'émettons pas d'ozone directement, mais des précurseurs, qui se transforment sous l'effet de hautes températures et ensoleillement.
Augustin Colette, Responsable de l'Unité Modélisation Atmosphérique et Cartographie Environnementale, Ineris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/190080
2022-10-10T19:00:55Z
2022-10-10T19:00:55Z
Batteries électriques : une meilleure traçabilité pour un lithium plus durable
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484039/original/file-20220912-6429-j1xjtu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C10%2C1192%2C786&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des tas de sels contenant du lithium, dans le salar d'Uyuni en Bolivie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tomab/4147784984/in/photolist-7jwtYd-S98sqr-T9d6F1-T9d6sf-To1b28-TjpQFb-S98uBv-S98sbt-S98shk-mStdaa-mSscCT-mSse7H-8S4TfB-mSydxz-mSrWoH-mSy5gK-mSs7F6-mSs13B-mSxavM-mSsAL6-mSzEYj-mSt2in-mSu3aj-mSxHTa-mReVUh-mSvurq-nbRvRV-nt4nTe-mRdCBH-mSrSYD-mR7FgJ-mR9fKA-mR7mic-mRdx7p-mR5Rbi-mRd2yM-mReZeJ-mR5Vur-mRdsjZ-cpGbH9-mRfsX9-mR6D4Z-mRbtS3-mR85cy-mRduxB-mR8S5q-mRdFZ6-mR8xJg-mRaavB-mR68JM">TomaB/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>On aime bien savoir d’où viennent les produits que l’on consomme, preuve en est l’AOC de tel fromage ou vin, l’étiquetage de la provenance des fruits et légumes, l’affichage des conditions équitables de production de telle tablette de chocolat ou du café. Mais alors que l’impact environnemental et social associé à nos appareils électroniques entre de plus en plus dans les consciences (pénurie d’eau, bilan carbone, conditions de travail, respect des peuples indigènes, etc.), on ne peut pas encore savoir d’où vient le lithium, un des éléments les plus problématiques dans les batteries actuellement, et donc s’assurer de son origine.</p>
<p>Nous proposons une approche géochimique qui établit une « empreinte digitale » du lithium afin de tracer le lithium de nos batteries et, potentiellement, d’offrir des garanties pour une extraction socialement et environnementalement durable.</p>
<h2>Le lithium, nouvel « or blanc »</h2>
<p>Le lithium a un rôle clé dans les batteries rechargeables des appareils électroniques portables (tablettes et téléphones), des moyens de transport électriques (véhicules hybrides et électriques, scooters et vélos électriques) et pour les technologies stationnaires de stockage d’énergie, indispensables pour le développement des énergies renouvelables intermittentes.</p>
<p>En d’autres termes, les « sels de lithium » sont actuellement une des clés de voûte à la transition énergétique décarbonée.</p>
<p>Les tonnages de lithium nécessaires à la fabrication des batteries au lithium devraient dépasser <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/marche-du-lithium-2020-enjeux-paradoxes">100 kilotonnes en 2025</a>, notamment car l’électrification des transports, encouragée ou imposée par différent pays de l’Union européenne, va considérablement augmenter le besoin en lithium dans les prochaines années.</p>
<p>Avec la demande croissante en lithium, les impacts environnementaux et sociaux liés à l’exploitation minière vont augmenter, ainsi que les attentes des consommateurs en termes de garanties sur l’origine du lithium et des efforts déployés pour réduire son impact environnemental et social.</p>
<h2>D’où vient le lithium ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, seuls <a href="https://www.mineralinfo.fr/fr/ecomine/marche-du-lithium-2020-enjeux-paradoxes">deux types de gisements</a> sont à l’origine de l’essentiel de la production mondiale en lithium. Il s’agit de gisements de lithium sous la forme de roches dures, par exemple les pegmatites à spodumène (Australie, Canada, Chine) et des saumures des salars sud-américains du « triangle du lithium » (Bolivie, Argentine, Chili) et de Chine.</p>
<p>En Argentine, les communautés indigènes signalent déjà que l’exploitation du lithium sur leurs terres menace <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/press-release/2019/03/amnesty-challenges-industry-leaders-to-clean-up-their-batteries/">leur survie et l’exercice de leurs droits ancestraux</a>.</p>
<p>Au Zimbabwe, où l’exploitation du lithium est actuellement faible, des <a href="https://www.business-humanrights.org/fr/derni%C3%A8res-actualit%C3%A9s/investigating-illicit-financial-flows-in-zimbabwes-lithium-mining-sector/">flux financiers illicites</a> ont déjà été identifiés par certaines ONGs dans le secteur de l’extraction du lithium.</p>
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<p>Ces deux sources de lithium présentent aussi des impacts environnementaux différents. Ainsi, l’exploitation des saumures de lithium consomme de grandes quantités d’eau par évaporation et provoque un <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-020-00080-9">risque de pénurie d’eau douce</a> pour les populations et les écosystèmes locaux dans des zones déjà très arides. De son côté, l’impact environnemental de l’exploitation du lithium à partir des roches dures est dominé par un traitement à l’acide sulfurique et par un procédé qui passe par la fracturation mécanique et le traitement thermique du minerai donc plus énergivore que celui de la filière salar. Ainsi, pour la filière roches dures l’impact est plus élevé en termes de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32250776/">réchauffement climatique (émission de CO₂) et d’acidification</a> que pour la filière salar.</p>
<p>À titre d’exemple, les sels de lithium issus des spodumènes australiens qui sont ensuite extraits et purifiés en Chine possèdent un <a href="https://www.jadecove.com/research/liohco2impact">bilan carbone trois fois plus élevé</a> que ceux produits à partir des salars du Chili et d’Argentine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484040/original/file-20220912-20-4pji63.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un échantillon de spodumène de 12,5 centimètres à Itagassu, Espirito Santo, Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM, Urbain de Cayeux</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une chaîne d’approvisionnement complexe</h2>
<p>La chaîne d’approvisionnement pour la fabrication des batteries est complexe et divisée en de nombreuses étapes, généralement réalisées dans des lieux et des pays différents : l’exploitation minière, la métallurgie d’extraction et de purification, la synthèse des matières actives de la cathode, la fabrication des éléments de la batterie et l’assemblage des packs de batteries.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=119&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484888/original/file-20220915-22-dii1np.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=150&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La chaîne d’approvisionnement pour la fabrication des batteries.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM, Desaulty</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>De plus, un fabricant de batteries peut avoir plusieurs sources d’approvisionnement et différents lots de production d’un même modèle de voiture électrique peuvent par exemple contenir des lithiums d’origines très diverses.</p>
<p>En raison de la complexité de cette chaîne d’approvisionnement, il est difficile pour les utilisateurs finaux de s’assurer que le lithium est issu d’une filière d’approvisionnement responsable et durable.</p>
<h2>Les « empreintes digitales » du lithium</h2>
<p>Pour aider à contrôler et à certifier l’origine et le commerce de la production de lithium, nous proposons une méthode analytique, basée sur l’analyse isotopique du lithium.</p>
<p>En effet, le lithium possède deux isotopes stables (les isotopes sont des variantes du même élément, qui se distinguent par leur masse, pour le lithium il s’agit de <sup>6</sup>Li et <sup>7</sup>Li), que l’on retrouve tous les deux dans les échantillons de lithium, mais leur proportion varie en fonction du minerai, et en particulier des conditions physico-chimiques de formation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">Relocaliser l’extraction des ressources minérales : en Europe, les défis du lithium</a>
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<p>Cette signature isotopique représente une « empreinte digitale » du lithium. Par exemple, le lithium provenant de saumure contient proportionnellement plus de <sup>7</sup>Li (le nom d’un des deux isotopes) que celui des gisements de type roches dures.</p>
<h2>Traçabilité géochimique du lithium ?</h2>
<p>Cette « empreinte digitale » est en fait, dans la plupart des cas, conservée jusqu’au lithium des batteries qui se trouvent dans nos voitures et nos téléphones. En d’autres termes, en analysant nos batteries, nous pouvons savoir d’où provient le lithium qui la compose grâce à une analyse isotopique.</p>
<p>En effet, nous avons montré dans une étude récente publiée dans <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-31850-y"><em>Nature Communications</em></a> que si certains procédés d’extraction et de purification avaient tendance à augmenter le contenu relatif du <sup>7</sup>Li par rapport à la signature isotopique naturelle, les autres étapes de fabrication des batteries ne modifient pas la signature isotopique. Il est ainsi possible de déterminer si le lithium provient d’un gisement de type saumure ou roche dure.</p>
<p>Pour une détermination plus fine de la provenance, le développement d’une base de données regroupant notamment les valeurs des rapports isotopiques des sels de lithium disponibles sur le marché sera nécessaire. La plus grande limite de cette approche sera les chevauchements des signatures pour des produits provenant de différents sites ou producteurs de sel.</p>
<h2>Vers la certification d’une filière d’approvisionnement en lithium responsable et durable</h2>
<p>Dans le contexte de volonté politique de réindustrialiser la production de batteries en Europe, et de défense de filière de production des batteries durables et responsables, avoir les moyens de certifier le lithium est important.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484041/original/file-20220912-26-mvs4db.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=269&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La chaîne de certification proposée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BRGM, Desaulty</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Le principe de cette méthode analytique est le même que celui développé pour la <a href="https://www.brgm.fr/fr/actualite/video/tao-tracabilite-analytique-or-guyane">traçabilité de l’or</a>, et du <a href="https://www.bgr.bund.de/EN/Themen/Min_rohstoffe/Rohstoff_forsch/LF_Herkunftrsnachweis_COLTAN_Newsletter01-2010.html">coltan</a>, qui permet de vérifier si le produit correspond à son origine déclarée en comparant l’échantillon en question à des échantillons de référence d’origine connue stockés dans une base de données.</p>
<p>L’aspect crucial pour le lithium sera le développement de la base de données de référence contenant les signatures isotopiques complètes et actualisées des différents produits disponibles sur le marché. Cette base de données devra être incrémentée au fur et à mesure de l’exploitation de nouveaux gisements ou du développement de nouveaux procédés d’extraction et de purification. Pour ce faire, il sera nécessaire de collaborer avec les miniers et producteurs de sels de lithium pour évaluer la signature de leurs produits. Cette collaboration entre la recherche publique et les différents acteurs de la filière est une condition sine qua non pour le développement d’une filière d’approvisionnement en lithium responsable et durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190080/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Une nouvelle méthode pour tracer le lithium de nos batteries électriques et encourager une gestion plus durable des ressources minérales.
Anne-Marie Desaulty, Chercheur en géochimie isotopique, BRGM, BRGM
Catherine Guerrot, PhD Géochimie isotopique et géochronologie, BRGM
Daniel Monfort Climent, Ingénieur géologue, ressources minérales et économie circulaire, BRGM
Gaetan Lefebvre, Chercheur, BRGM
Sébastien Perret, Technicien en analyses isotopiques, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/189997
2022-09-11T16:19:11Z
2022-09-11T16:19:11Z
Des ions aux « supercondensateurs » : le numérique à la rescousse du stockage d’électricité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483009/original/file-20220906-14-iitb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C13%2C1020%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour développer les dispositifs de demain, il faut comprendre les phénomènes du stockage d'électricité aux différentes échelles. Ici, une électrode oxyde de fer/oxyde de graphène vue par microscopie.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cambridgeuniversity-engineering/18856526285/">Dilek Ozgit, Department of Engineering, University of Cambridge</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Un nouvel « Entretien autour de l’informatique » en collaboration avec <a href="https://www.lemonde.fr/blog/binaire/">Binaire</a>, le blog pour comprendre les enjeux du numérique.</em></p>
<p><em>Céline Merlet est une chimiste, chercheuse CNRS au Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT) de Toulouse. C’est une spécialiste des modèles multi-échelles destinés à décrire les matériaux de stockage d’énergie. Le stockage d’énergie (solaire ou éolienne par exemple) devient un défi scientifique majeur. Céline Merlet nous parle des supercondensateurs, une technologie pleine de promesses.</em></p>
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<p><strong>Binaire : Pourrais-tu nous raconter brièvement la carrière qui t’a conduite à être chercheuse en chimie et médaille de bronze du CNRS 2021</strong></p>
<p><strong>Céline Merlet :</strong> Au départ je n’étais pas partie pour faire de la chimie mais de la biologie. J’ai fait une prépa et je voulais devenir vétérinaire, mais pendant la prépa, je me suis rendu compte que je m’intéressais de plus en plus à la chimie. J’ai aussi fait un projet de programmation et j’y ai trouvé beaucoup de plaisir. Je suis rentrée, dans une école d’ingénieur, Chimie ParisTech. En 2<sup>e</sup> année, j’ai fait un stage de trois semaines sur la modélisation de sels fondus, des sels qui deviennent liquides à très hautes températures. J’y ai découvert la simulation numérique de phénomènes du monde réel, j’ai compris que j’avais trouvé ma voie. Après l’école de chimie, je suis retournée faire un doctorat dans ce même labo où j’avais réalisé le stage. Un postdoctorat en Angleterre, et j’ai été recrutée au CNRS en 2017.</p>
<h2>B : Pourquoi n’es-tu pas restée en Angleterre ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Avec la difficulté d’obtenir un poste en France et le fait que j’étais bien installée en Angleterre, j’ai aussi candidaté là-bas. Mais, il y a eu le Brexit et cela a confirmé ma volonté de rentrer en France.</p>
<p><strong>B : Tu es chimiste, spécialiste des systèmes de stockage électrochimique de l’énergie qui impliquent des matériaux complexes. Pourrais-tu expliquer aux lecteurs de binaire ce que cela veut dire ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Le stockage électrochimique de l’énergie concerne l’utilisation de réactions électrochimiques pour stocker de l’énergie. Les systèmes qu’on connaît qui font ça sont les batteries dans les téléphones et les ordinateurs portables, et les voitures. Les batteries utilisent des matériaux complexes avec certains éléments comme le lithium, le cobalt, et le nickel. On charge et décharge le dispositif en le connectant à un circuit électrique. Les matériaux sont modifiés au cours des charges et décharges. C’est ça qui leur permet de stocker de l’énergie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’un supercondensateur déchargé : pas de charges sur les électrodes, des ions entre les deux" src="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=288&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482724/original/file-20220905-2314-9vo37n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma d’un supercondensateur déchargé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma d’un supercondensateur chargé : il y a des charges + et -- sur les éléctrodes" src="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482725/original/file-20220905-2253-gzydxs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma d’un supercondensateur chargé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ma recherche porte sur les supercondensateurs. Dans ces systèmes-là, on a deux matériaux poreux qui sont des électrodes qu’on connecte entre elles via un circuit extérieur. Quand on charge (ou décharge), des molécules chargées vont se placer dans des trous ou au contraire en sortent. Un stockage de charge au sein du matériau en résulte. Mais d’une manière très différente de celle des batteries. Il n’y a pas de réaction chimique. C’est une simple adsorption des molécules chargées.</p>
<h2>B : Tu travailles sur la modélisation moléculaire, en quoi est-ce que cela consiste ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> J’ai parlé des deux électrodes qui sont en contact avec cette solution d’ions chargés. Souvent pour les supercondensateurs, ce sont des carbones nanoporeux. Les pores font à peu près la taille du nanomètre (1 millionième de millimètre) : c’est quelque chose qu’on ne peut pas observer à l’œil nu. Pour comprendre comment les ions entrent et sortent de ces pores de carbone, au lieu de faire des expériences physiques, des mélanges dans un laboratoire, je fais des expériences numériques, des mélanges dans l’ordinateur. J’essaie de comprendre comment les ions bougent et ce qui se passe, à une échelle qu’on ne peut pas atteindre expérimentalement.</p>
<h2>B : Ça exige de bien comprendre les propriétés physiques ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Oui pour modéliser la trajectoire des ions, la façon dont ils se déplacent, il faut bien comprendre ce qui se passe. Quand on lance une balle, si on donne les forces qu’on applique au départ, on peut en déduire la trajectoire. Pour les ions c’est pareil. On choisit le point de départ. On sait quelles forces s’appliquent, les forces d’attraction et de répulsion. On a des contraintes comme le fait qu’une molécule ne peut pas pénétrer à l’intérieur d’une autre. Cela nous permet de calculer l’évolution du système de molécules au cours du temps. Parfois, on n’a même pas besoin de représenter ça de manière très précise. Si une modélisation même grossière est validée par des expériences, on a le résultat qu’on recherchait. Dans mon labo, le CIRIMAT, il y a principalement des expérimentateurs. Nous sommes juste 4 ou 5 théoriciens sur postes permanents. Dans mon équipe, des chercheurs travaillent directement sur des systèmes chimiques réels et on apprend beaucoup des échanges théorie/expérience.</p>
<h2>B : Typiquement, combien d’atomes sont-ils impliqués par ces simulations ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Dans ces simulations numériques, on considère de quelques centaines à quelques milliers d’atomes. Dans une expérience réelle, c’est au moins 10<sup>24</sup> atomes. (Un millilitre d’eau contient déjà 10<sup>22</sup> molécules.)</p>
<h2>B : Et malgré cela, vous arrivez à comprendre ce qui se passe pour de vrai…</h2>
<p><strong>CM :</strong> On utilise des astuces de simulation pour retrouver ce qui se passe dans la réalité. Une partie de mon travail consiste à développer des modèles pour faire le lien entre l’échelle moléculaire et l’échelle expérimentale. Quand on change d’échelle, ça permet d’intégrer certains éléments mais on perd d’autres informations de l’échelle moléculaire.</p>
<p><strong>B : Dans ces simulations des électrodes de carbone au sein de supercondensateurs modèles en fonctionnement, quels sont les verrous que tu as dû affronter ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Au niveau moléculaire, il y a encore des progrès à faire, et des ordinateurs plus puissants pourraient aider. Les matériaux conduisent l’électricité, les modèles considèrent que les carbones sont parfaitement conducteurs, mais en réalité ils ne le sont pas. Pour une meilleure représentation, il faudrait tenir compte du caractère semi-conducteur de ces matériaux et certains chercheurs travaillent sur cet aspect en ce moment.</p>
<p>Pour obtenir des matériaux qui permettraient de stocker plus d’énergie, il nous faudrait mieux comprendre les propriétés microscopiques qui ont de l’influence sur ce qui nous intéresse, analyser des résultats moléculaires pour essayer d’en extraire des tendances générales. Par exemple, si on a deux liquides qui ont des ions différents, on fait des mélanges ; on peut essayer brutalement plein de mélanges et réaliser des simulations pour chacun, ou on peut en faire quelques-unes seulement et essayer de comprendre d’un mélange à un autre pourquoi le coefficient de diffusion par exemple est différent et prédire ainsi ce qui se passera pour n’importe quel mélange. Mieux on comprend ce qui se passe, moins il est nécessaire de faire des modélisations moléculaires sur un nombre massif d’exemples.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Les électrodes de carbone sont en bleu, les anions en vert et les cations en violet" src="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482726/original/file-20220905-2277-6wubbf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Configuration extraite de la simulation d’un supercondensateur modèle par dynamique moléculaire. Les électrodes de carbone sont en bleu, les anions en vert et les cations en violet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Céline Merlet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>B : Tu as reçu le prix « 2021 Price Ada Lovelace » de calcul haute performance (HPC). Est-ce que tu te présentes plutôt comme chimiste, ou comme une spécialiste du HPC ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Je ne me présente pas comme une spécialiste du calcul HPC mais mes activités nécessitent un accès à des ordinateurs puissants et des compétences importantes dans ce domaine. Une partie de mon travail a consisté en des améliorations de certains programmes pour pouvoir les utiliser sur les supercalculateurs. Rendre des calculs possibles sur les supercalculateurs, cela ouvre des perspectives de recherche, et c’est une contribution en calcul HPC.</p>
<h2>B : Quelles sont les grandes applications de ton domaine ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> Concernant les supercondensateurs, c’est déjà utilisé dans les systèmes start-and-stop des voitures. C’est aussi utilisé dans les bus hybrides : on met des supercondensateurs sur le toit du bus, et à chaque fois qu’il s’arrête, on charge ces supercondensateurs et on s’en sert pour faire redémarrer le bus. On peut ainsi économiser jusqu’à 30 % de carburant. Des questions qui se posent : Est-ce qu’on pourrait stocker plus d’énergie ? Est-ce qu’on pourrait utiliser d’autres matériaux ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482727/original/file-20220905-2277-83cd0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bus hybride utilisant des supercondensateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Muséum de Toulouse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><strong>B : On sait que les batteries de nos téléphones faiblissent assez vite. Pourrait-on les remplacer par des supercondensateurs ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Si les batteries stockent plus d’énergie que les supercondensateurs, elles se dégradent davantage avec le temps. Au bout d’un moment le téléphone portable n’a plus la même autonomie que quand on a acheté le téléphone. Un supercondensateur peut être chargé et déchargé très vite un très grand nombre de fois sans qu’il soit détérioré. Pourtant, comme les quantités d’énergie qu’ils peuvent stocker sont bien plus faibles, on n’imagine pas que les supercondensateurs standards puissent remplacer les batteries. On voit plutôt les deux technologies comme complémentaires. Et puis, la limite entre supercondensateur et batterie peut être un peu floue.</p>
<p><strong>B : Tu es active dans « Femmes et Sciences ». Est-ce que tu peux nous dire ce que tu y fais et pourquoi tu le fais ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> J’observe qu’on est encore loin de l’égalité femme-homme. En chimie, nous avons une assez bonne représentativité des femmes. Dans mon laboratoire, qui correspond bien aux observations nationales, il y a 40 % de femmes. Mais en sciences en général, elles sont peu nombreuses.</p>
<p>Un but de « Femmes et Sciences » est d’inciter les jeunes, et particulièrement les filles, à s’engager dans des carrières scientifiques. Je suis au conseil d’administration, en charge du site web, et je coordonne avec d’autres personnes les activités en région toulousaine. Je suis pas mal impliquée dans les interventions avec les scolaires, dans des classes de lycée ou de collège : on parle de nos parcours ou on fait des ateliers sur les stéréotypes, de petits ateliers pour sensibiliser les jeunes aux stéréotypes, pour comprendre ce que c’est et ce que ça peut impliquer dans les choix d’orientation.</p>
<p>Nous avons développé en 2019 un jeu, Mendeleieva, pour la célébration des 150 ans de la classification périodique des éléments par Mendeleïev. Nous l’utilisons pour mettre en avant des femmes scientifiques historiques ou contemporaines : on a un tableau et on découvre à la fois l’utilité des éléments et les femmes scientifiques qui ont travaillé sur ces éléments. Nous sommes en train de numériser ce jeu.</p>
<p>L’association mène encore beaucoup d’autres actions comme des expos, des livrets, etc.</p>
<h2>B : La programmation est un élément clé de ton travail ; est-ce que tu programmes toi-même ?</h2>
<p><strong>CM :</strong> J’adore programmer. Mais comme je passe pas mal de temps à faire de l’encadrement, à voyager et à participer à des réunions, j’ai moins de temps pour le faire moi-même. Je suis les doctorants qui font ça. Suivant leur compétence et leur appétence, je programme plus ou moins.</p>
<p><strong>B : D’où viennent les doctorants qui passent dans ton équipe ? Sont-ils des chimistes au départ ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> Ils viennent beaucoup du monde entier : Maroc, Grèce, Inde. Ils sont physiciens ou chimistes. J’ai même une étudiante en licence d’informatique en L3 qui fait un stage avec moi.</p>
<p><strong>B : Est-ce que certains thèmes de recherche en informatique sont particulièrement importants pour vous ?</strong></p>
<p><strong>CM :</strong> En ce moment, on s’interroge sur ce que pourrait apporter l’apprentissage automatique à notre domaine de recherche. Par exemple, pour modéliser, on a besoin de connaître les interactions entre les particules. Des collègues essaient de voir si on pourrait faire de l’apprentissage automatique des champs de force. Nous ne sommes pas armés pour attaquer ces problèmes, alors nous collaborons avec des informaticiens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189997/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Merlet est affiliée au Réseau sur le Stockage Électrochimique de l'Énergie (<a href="https://www.energie-rs2e.com/fr">https://www.energie-rs2e.com/fr</a>) et membre du conseil d'administration de l'association Femmes & Sciences (<a href="https://www.femmesetsciences.fr/">https://www.femmesetsciences.fr/</a>). Elle a reçu des financements européens avec l'ERC Starting Grant SuPERPORES (<a href="https://cordis.europa.eu/project/id/714581/fr">https://cordis.europa.eu/project/id/714581/fr</a>).
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Claire Mathieu et Serge Abiteboul ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Comment les supercondensateurs peuvent nous aider à stocker l'électricité.
Serge Abiteboul, Directeur de recherche à Inria, membre de l'Académie des Sciences, Inria
Céline Merlet, Chercheuse au Centre Inter-universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux (CIRIMAT) de Toulouse, Toulouse INP, Université Toulouse III-Paul Sabatier, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Claire Mathieu, Directrice de recherche CNRS, Paris, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176876
2022-09-01T17:51:34Z
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« Gaz hilarant » : des usages détournés qui ne font plus rire
<p>Tout le monde a déjà remarqué ces petites cartouches en inox qui jonchent depuis quelque temps certains lieux publics. Avant d’être vidées par leurs utilisateurs, elles contenaient un gaz, le protoxyde d’azote – « proto » pour les intimes – plus connu sous le nom de « gaz hilarant ».</p>
<p>Utilisé notamment dans l’industrie, l’agroalimentaire, la cuisine ou la médecine, le protoxyde d’azote a régulièrement droit, depuis quelques années, aux gros titres des journaux. Et pour cause : ses effets euphorisants à l’inhalation, rapides et fugaces, ont fait de ce gaz bon marché et facile à se procurer une drogue récréative hallucinogène très populaire.</p>
<p>Malheureusement, le succès grandissant de ces usages détournés du proto n’a rien de drôle : l’augmentation de la consommation s’est en effet accompagnée d’une multiplication des cas directs et indirects de décès, en particulier chez les jeunes. S’il ne faut pas diaboliser ou céder à l’alarmisme, il est néanmoins essentiel d’informer et de sensibiliser aux risques liés à l’inhalation de cette substance.</p>
<h2>Un gaz largement utilisé</h2>
<p>Le protoxyde d’azote (N<sub>2</sub>O) a été découvert en 1772 par le philosophe et chimiste anglais Joseph Priestley. En 1799, Humphrey Davis, un autre chimiste britannique, décrit les propriétés physiques et chimiques de ce gaz en l’expérimentant sur lui-même et sur des volontaires. Il met ainsi en avant les effets euphorisants et analgésiques de courte durée de cette substance.</p>
<p>Utilisé dès le XIX<sup>e</sup> siècle dans les cercles littéraires et scientifiques de la bourgeoisie anglaise, où il est synonyme d’inspiration et de création artistique, ou comme attraction dans les fêtes foraines en tant que gaz hilarant, <a href="https://www.em-consulte.com/article/1407582/quand-le-protoxyde-d-azote-ne-fait-plus-rire%C2%A0-epid">le protoxyde d’azote entre dans le domaine médical dès le milieu du XXᵉ siècle</a>, principalement en anesthésie et en analgésie (suppression de la douleur).</p>
<p>En France, le mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote à visée médicale (connu sous le terme <a href="https://www.inrs.fr/risques/meopa/meopa-de-quoi-parle-t-on.html">MEOPA</a>) bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché depuis 2001. En outre, depuis 2009, le MEOPA est autorisé à être utilisé hors des établissements hospitaliers.</p>
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<p>Le secteur médical n’est pas, loin de là, le seul à recourir au protoxyde d’azote, qui est utilisé également dans les industries électronique, pétrolière, aérospatiale et automobile (comme comburant pour moteur), ainsi qu’en agroalimentaire (comme gaz de conditionnement). Le N<sub>2</sub>O est aussi utilisé comme gaz propulseur dans les siphons et autres de bombes de crème chantilly.</p>
<p>Il est très aisé de se procurer du protoxyde d’azote, que l’on peut notamment acheter sous forme de bonbonnes dans les commerces de proximité ou sur Internet. Cette disponibilité facilite le détournement de ce produit et augmente le risque d’intoxication aigu. Ce qui pose un problème réglementaire, car cette substance a également des usages commerciaux autorisés.</p>
<h2>Une consommation en augmentation</h2>
<p>Si l’on se base sur la fréquence des passages aux urgences pour des problèmes liés au protoxyde d’azote recensés dans le rapport 2022 de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanie, <a href="https://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/14644/2022.2419_FR_03_wm.pdf">sa consommation chez les jeunes semble être en hausse</a>.</p>
<p>Cette augmentation avait déjà été signalée au cours des années précédentes par les hôpitaux du réseau Euro-DEN Plus à Amsterdam (15 en 2020, contre 1 en 2019) et à Anvers (44 en 2019 et 2020, contre 6 en 2017-2018). En 2020, les centres antipoison français avaient quant à eux déclaré 134 cas (contre 46 en 2019), tandis que les centres antipoison hollandais en déclaraient 144 (contre 128 en 2019).</p>
<p>En 2019, l’enquête Global Drug Survey, qui a fait le point sur la situation dans plus d’une trentaine d’États à travers le monde, a mis en évidence <a href="https://issuu.com/globaldrugsurvey/docs/gds2019">au moins un usage du protoxyde d’azote au cours de la vie chez 23,5 % des enquêtés</a>, ce qui place ce gaz en 13<sup>e</sup> position des substances les plus consommées. L’usage dans l’année concernait quant à lui 11,9 % des participants (ce qui classe ce gaz en 10<sup>e</sup> position, hors tabac, alcool et caféine).</p>
<p>L’enquête Crime Survey for England and Wales 2018-2019 a de son côté révélé que le protoxyde d’azote était la deuxième substance la plus utilisée après le cannabis chez les 16-24 ans, <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/832533/drug-misuse-2019-hosb2119.pdf">avec une prévalence de 8,7 %</a>.</p>
<h2>Un élargissement des contextes de consommation</h2>
<p>Depuis le début des années 2000, le protoxyde d’azote est consommé dans les soirées étudiantes, notamment en médecine et en pharmacie, du fait de la connaissance du produit par les participants. Une enquête quantitative réalisée en 2017 et 2018 auprès de 30 000 étudiants indique des niveaux d’usage de protoxyde d’azote relativement élevés : <a href="https://en.calameo.com/read/00577440177c65419464a">6,2 % des étudiants et 3 % des étudiantes en avaient consommé en 2018</a></p>
<p>Depuis 2017, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a signalé des usages de protoxyde d’azote s’étendant au-delà des espaces festifs alternatifs. La présence de capsules métalliques dans l’espace public est devenue plus fréquente, souvent à proximité de <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/ProtoxydeAzote200730.pdf">lieux fréquentés par des publics plus jeunes, comme les lycéens</a>.</p>
<h2>Quels sont les effets de l’inhalation de protoxyde d’azote ?</h2>
<p>Après avoir « cracké » la cartouche pour l’ouvrir, les utilisateurs inhalent le gaz <a href="https://www.vice.com/fr/article/xdmaez/gaz-hilarant-laurent-karila">par le biais d’un ballon</a>. Les principaux effets recherchés lors cet usage détourné du protoxyde d’azote sont une euphorie, un fou rire, la sensation d’ébriété, une désinhibition, une exaltation, des hallucinations, voire une dissociation.</p>
<p>Le pic d’effet est en général atteint au bout d’une minute et les effets se dissipent deux à trois minutes après inhalation, d’où des usages souvent répétés.</p>
<p>Effets fugaces, qui se font ressentir rapidement, prix modique, accessibilité aisée : le protoxyde d’azote est une substance qui attire les jeunes, qui pour toutes ces raisons ont l’impression que ce gaz n’est pas dangereux.</p>
<p>Pourtant, dès 1970, des chercheurs rapportaient dans The New England Journal of Medicine ce qui pourrait avoir été les <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM197012312832717">premiers décès liés au protoxyde d’azote</a>. Depuis, plusieurs dizaines de cas graves ont été rapportés rien qu’au cours des deux dernières années. Des faits divers de décès qui se répètent fréquemment dans notre pays, car l’inhalation de protoxyde d’azote peut s’accompagner de complications.</p>
<h2>L’intoxication aiguë peut avoir de graves conséquences</h2>
<p>Il existe un certain nombre de complications possibles dans un contexte d’intoxication aiguë, <a href="https://www.20minutes.fr/sante/3338431-20220818-gaz-hilarant-peut-entrainer-sequelles-irreversibles-premieres-prises-selon-pr-laurent-karila#xtor=RSS-149">et ce dès la première prise</a>. Parmi les problèmes fréquemment rapportés citons : des vertiges, des maux de tête, des acouphènes, une diminution de la dextérité manuelle, des difficultés à parler, une confusion, une perte de conscience, une chute de sa hauteur, des brûlures par le froid (nez, lèvres, cordes vocales, arbre respiratoire), une asphyxie par manque d’oxygène.</p>
<p>Les utilisateurs peuvent aussi ressentir des troubles cardiaques (troubles du rythme, diminution de la fréquence cardiaque), des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, une diarrhée, un œdème pulmonaire, des crises d’angoisse aiguës.</p>
<p>Consommer du proto sur une courte période ne semble pas être à l’origine de complications neurologiques majeures, à moins qu’il y ait un déficit préexistant en vitamine B12, ou que la consommation se fasse dans un environnement faiblement ventilé. Toutefois, ce risque augmente significativement pour des consommations répétées et à intervalles rapprochés et (ou) à fortes doses (50 à 100 cartouches inhalées en moins de 3 heures ou plus de 70 cartouches par semaine).</p>
<p><a href="https://www.em-consulte.com/article/1407582/quand-le-protoxyde-d-azote-ne-fait-plus-rire%C2%A0-epid">En cas de consommation chronique, la toxicité est non négligeable</a>. Elle résulte principalement d’un manque d’oxygène au niveau du cerveau (hypoxie cérébrale) et d’une neurotoxicité par déficit en vitamine B12.</p>
<p>(<em>Le protoxyde d’azote oxyde de façon irréversible cette vitamine, ce qui aboutit à des carences. Or cette molécule intervient dans plusieurs processus essentiels parmi lesquels la formation et la maturation des globules rouges, la synthèse d’ADN - et donc la division cellulaire -, ou la fonction nerveuse notamment, ndlr</em>)</p>
<h2>Une neurotoxicité qui peut laisser des séquelles</h2>
<p>La neurotoxicité du protoxyde d’azote se traduit par des engourdissements, des picotements des extrémités des membres, et des troubles neurocognitifs potentiellement irréversibles, pouvant laisser des séquelles importantes : trouble de la communication tel que l’<a href="https://www.chuv.ch/fr/neuropsy/npr-home/patients-et-familles/associations-de-patients/laphasie-cest-quoi">aphasie</a>, ou troubles de la mémoire comme l’amnésie.</p>
<p>Des cas de faiblesse musculaire progressive des membres inférieurs et supérieurs, de perte de la sensibilité vibratoire et du sens des positions, de difficulté à la marche, d’incoordination des membres, de trouble de l’équilibre, ou de troubles sphinctériens touchant la vessie, l’intestin, ont aussi été décrits.</p>
<p>Des pathologies graves telles que des neuropathies (<em>atteintes du système nerveux périphérique, autrement dit les nerfs situés en dehors du cerveau et de la moelle épinière, ndlr</em>) existent également, tout comme des cas de myéloneuropathie (atteinte de la moelle épinière), ou de sclérose combinée subaiguë de la moelle épinière, affection qui constitue une véritable urgence neurologique.</p>
<p>Au niveau hématologique et cardiovasculaire, des atteintes telles qu’arythmie, syndrome coronarien, accident vasculaire cérébral ou embolie pulmonaire peuvent se produire. Les médecins ont aussi documenté des atteintes rénales (lithiase, infections urinaires), hépatiques, une hyperpigmentation de la peau localisée ou diffuse, des troubles de l’érection.</p>
<p>Enfin, sur le plan psychiatrique, des épisodes délirants avec hallucinations, des troubles de l’humeur, un risque suicidaire, de la paranoïa ont été constatés. Et précisons que l’addiction au protoxyde d’azote est bien évidemment possible…</p>
<h2>Comment limiter les risques ?</h2>
<p>S’abstenir de consommer du protoxyde d’azote est bien évidemment le conseil numéro 1. Mais en cas de consommation, l’observation de certains comportements permet de réduire les risques et les dommages potentiels. Avant tout, éviter de consommer seul, et ne pas consommer debout, car la perte d’équilibre peut faire chuter lourdement de sa hauteur et entraîner des blessures.</p>
<p>En ce qui concerne les inhalations, il faut toujours utiliser un ballon de baudruche. En effet, le proto est un gaz très froid, dont l’inhalation en sortie de cartouche, de siphon ou de détonateur peut provoquer des brûlures. Il est par ailleurs important de respirer de l’air entre les prises de gaz, afin d’éviter l’asphyxie, et de ne pas multiplier les prises, malgré l’effet fugace du produit. Dans le même ordre d’idée, il est déconseillé de consommer à intervalles rapprochés et (ou) à fortes doses.</p>
<p>Il ne faut pas mélanger le protoxyde d’azote avec d’autres produits (alcool, cannabis, ou autres drogues…), et il est bien entendu déconseillé de prendre sa voiture, son scooter, ou son vélo juste après une consommation.</p>
<p>Du point de vue pratique, il faut garder les cartouches éloignées de toute flamme. Et éviter de les jeter n’importe où (tout comme les ballons en caoutchouc ou en latex), car il s’agit d’une source de pollution.</p>
<p>Si des symptômes inhabituels surviennent après consommation, en cas d’urgence, prévenez les secours (15 ou 18). Et si l’une de vos connaissances ou vous-même connaissez des difficultés pour contrôler votre consommation, consultez votre médecin traitant ou une structure spécialisée dans la prise en charge des addictions : consultation jeunes consommateurs, CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), service hospitalier…</p>
<p>Pour conclure, rappelons que la loi n° 2021-695 du 1<sup>er</sup> juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043575111">interdit notamment de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote aux mineurs</a>, quel que soit le conditionnement, dans tous les commerces, les lieux publics et sur Internet. Il est également interdit de vendre et de distribuer tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d'en obtenir des effets psychoactifs (tels que les « crackers »). Contrevenir à ces dispositions est passible de 3750 € d’amende. Le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs est quant à lui un délit, puni de 15 000 € d’amende.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin :<br>
● Karila L. <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/na-quune-vie-9782213716664">« On n’a qu’une vie »</a>, Fayard ;<br>
● <a href="https://podcasts.audiomeans.fr/addiktion-98e77f1dfa06">Podcast Addiktion</a>, saison 1 ;<br>
● Le site de <a href="http://www.drogues-info-service.fr">Drogues info service</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est membre de la Fédération Française D'Addictologie, porte parole de SOS Addictions
A reçu des honoraires des laboratoires Zentiva et Ethypharm pour des conférences</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le gaz hilarant, ce n’est pas drôle ! Les jeunes l’expérimentent, le consomment jusqu’à l’excès en soirée, et certains en paient le prix fort, risquant parfois des séquelles irréversibles.
Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-Saclay
Amine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HP
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/187745
2022-09-01T17:43:45Z
2022-09-01T17:43:45Z
Particules plastiques : comment évaluer leur toxicité en laboratoire ?
<p>Les adultes <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.estlett.1c00559">ingéreraient</a> environ 50 000 particules de plastique par an, et les bébés plus d’un million par an. Les particules de plastiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389422011542">peuvent être ingérées</a> par l’eau de boisson ou du robinet, des aliments contaminés (en contact direct avec des emballages en plastique), par l’air ambiant contenant des microfibres (provenant du textile par exemple) ou encore par voie cutanée au contact de produits d’hygiène.</p>
<p>Les effets toxiques de ces particules chez l’humain sont encore inconnus mais il existe <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0304389422011542">trois principaux risques pour la santé</a> : la diffusion de composants chimiques toxiques tels que les additifs (<a href="https://theconversation.com/perturbateurs-endocriniens-pourquoi-les-remplacants-du-bisphenol-a-posent-aussi-probleme-155772">bisphénols</a>, phtalates, métaux) ; le relargage de substances nocives adsorbées par des particules, qui agissent alors comme vecteurs de polluants environnementaux ; des dommages physiques directement causés par des débris de plastique (fragment, fibres, mousse, microbille) provoquant des lésions ou une obstruction dans divers organes. Plusieurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969721016193">études</a> ont mis en évidence des effets au niveau cellulaire, en particulier l’augmentation de l’inflammation, du stress oxydant, de la mortalité cellulaire et de la perturbation du métabolisme énergétique.</p>
<p>Le milieu aquatique est le réceptacle final des déchets et contaminants liés à ces « microplastiques » (de taille inférieure à 5 millimètres) et est donc particulièrement étudié. Début septembre 2021, <a href="https://microplastics.springeropen.com/articles/10.1186/s43591-021-00013-z">on estimait</a> à 24 400 milliards le nombre de fragments de plastiques flottant à la surface des océans, avec un poids estimé entre 82 000 et 578 000 tonnes.</p>
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<p>Depuis plusieurs années, de plus en plus de laboratoires étudient les effets toxiques des particules de plastique dans les organismes marins et d’eau douce – bactéries, poissons, plantes aquatiques notamment – mais la grande variété des caractéristiques de ces particules telles que leurs tailles, formes, types de polymère (polyéthylène, polypropylène, polystyrène, etc.) et d’additifs ajoutés, rendent les effets difficiles à démêler. Si l’on peut évaluer la toxicité de ces particules individuellement chez chacune de ces espèces, cela prendra énormément de temps pour tester les tous les types de particules existantes et les additifs associés.</p>
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<p>Parmi les méthodes complémentaires, voire alternatives, la culture cellulaire, aussi appelée test <em>in vitro</em>, pourrait être un outil prometteur pour évaluer la toxicité des différentes particules de plastique. Cette approche présente des défis techniques et aussi des limitations, notamment pour extrapoler les résultats à des organismes entiers… comme les humains.</p>
<h2>L’intérêt de la culture cellulaire pour évaluer la toxicité des micro et nanoplastiques</h2>
<p>Les scientifiques, qui ont l’habitude de travailler avec des modèles animaux, font face à de plus en plus de défis éthiques, économiques et environnementaux au niveau de leurs pratiques.</p>
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<p>La culture cellulaire est principalement utilisée pour évaluer la toxicité au niveau de cellules provenant de certains organes, par exemple le foie ou les poumons, et les mécanismes mis en jeu, dans une grande diversité de conditions expérimentales.</p>
<p>Actuellement, les études in vitro se développent pour déterminer la toxicité de contaminants chez plusieurs organismes aquatiques. Cet outil aurait un intérêt éthique puissant car cela permettrait de respecter le <a href="https://ec.europa.eu/health/scientific_committees/opinions_layman/en/non-human-primates/glossary/tuv/three-rs-principle.htm">« principe des 3R »</a> : remplacer l’utilisation d’animaux par d’autres méthodes expérimentales, réduire le nombre d’animaux utilisés dans les expériences, et améliorer les procédures d’expérimentation afin de réduire la souffrance animale.</p>
<p>Les tests <em>in vitro</em> permettent aussi de présélectionner rapidement la toxicité potentielle des produits chimiques avant une analyse plus poussée avec des essais <em>in vivo</em>, et des corrélations entre des tests <em>in vivo</em> et <em>in vitro</em> confirment que les <a href="https://setac.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/etc.3811">cultures cellulaires pourraient être une méthode alternative à l’expérimentation animale</a>.</p>
<p>Le deuxième avantage de la culture cellulaire est qu’elle permet l’évaluation de nombreux impacts biologiques, tels que les dommages à l’ADN ou la viabilité des cellules dans différentes conditions, car l’échelle de taille des tests est beaucoup plus petite que l’exposition des animaux en aquariums – ce qui réduit, par ailleurs, les coûts.</p>
<p>Elle permet enfin d’étudier les mécanismes cellulaires impliqués dans la toxicité, comme la <a href="https://www.ocl-journal.org/articles/ocl/pdf/2006/01/ocl2006131p31.pdf">production d’espèces réactives de l’oxygène</a> liée à l’augmentation du stress oxydant, pouvant induire la peroxydation des lipides et endommager les membranes des organites cellulaires, puis potentiellement mener <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006291X16317715">à la mort des cellules</a>.</p>
<p>Ainsi, les recherches ont montré que tous les types de particules plastiques ont des effets potentiellement nocifs sur les cellules avec une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666911021000198">cytotoxicité</a>, une <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-65596-8">immunotoxicité</a> et une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2213231720308259">augmentation du stress oxydant</a>.</p>
<h2>Les difficultés de la culture cellulaire pour l’évaluation écotoxicologique</h2>
<p>La première difficulté est le nombre limité de lignées cellulaires standardisées disponibles pour les organismes aquatiques. À part les lignées commercialisées concernant des modèles de poissons, pour les autres espèces aquatiques, il est nécessaire d’isoler des cellules et de les cultiver en laboratoire avant de réaliser les tests. Cela nécessite une période de développement important, dont la précision doit être solidement établie avant tout test de toxicité. L’origine des cellules est considérée comme une limitation puisque les cellules de certains organes sont plus difficiles à entretenir que d’autres et nécessitent des milieux de culture spécifiques.</p>
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<p>La composition du milieu de culture semble également jouer un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/smll.202005834">rôle dans la réponse des cellules aux microplastiques</a>, puisque la présence de certains composés pourrait induire des changements dans les propriétés physico-chimiques des nanoparticules de plastique et donc leur interaction avec les cellules.</p>
<h2>Les limites de cette approche</h2>
<p>En dépit de son potentiel, l’utilisation de la culture cellulaire pour étudier la toxicité des microplastiques et des nanoplastiques en est encore à ses débuts avec un certain nombre de limitations.</p>
<p>Pour les microparticules, une <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.03.18.436024v1.full">approche alternative utilisant des tissus ou des cultures d’organes semble être plus adaptée</a> car les grosses particules auront tendance, <em>in vivo</em>, à ne pas pénétrer dans les cellules et à interagir avec les organes et les tissus.</p>
<p>Par ailleurs, l’utilisation de cultures cellulaires présente une limite dans la mesure où cela ne permet pas de reproduire exactement les conditions des cellules dans un organisme entier. Par exemple, les cellules isolées et cultivées diffèrent en général fortement du type de cellule correspondant dans un organisme, ce qui limite la valeur des données <em>in vitro</em> pour prédire l’impact toxique <em>in vivo</em>.</p>
<p>De nombreux travaux poursuivent l’étude de l’optimisation des tests sur cultures cellulaires avec notamment l’<a href="https://www.frontiersin.org/10.3389%2Fconf.fncel.2018.38.00069/event_abstract">utilisation de milieux de culture dans des conditions plus proches de celles rencontrées <em>in vivo</em></a>, par exemple en <a href="https://www.teagasc.ie/media/website/publications/2020/26-3D-mammalian-cell-culture-models-in-toxicology-testing.pdf">trois dimensions</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187745/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Messika Revel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La culture cellulaire pourrait être une alternative à l’expérimentation animale pour étudier la toxicité des micro et nanoplastiques.
Messika Revel, Enseignante-chercheure en écotoxicologie, UniLaSalle
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