tag:theconversation.com,2011:/us/topics/comptabilite-24153/articlescomptabilité – The Conversation2024-01-15T11:09:16Ztag:theconversation.com,2011:article/2207092024-01-15T11:09:16Z2024-01-15T11:09:16ZPourquoi la RSE ne suffit pas à rendre nos sociétés plus durables<p>La <a href="https://theconversation.com/directive-csrd-un-nouveau-paradigme-pour-lentreprise-220403"><em>Corporate Sustainability Reporting Directive</em></a> (CSRD) s’applique progressivement au sein de l’Union européenne depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2024. Le texte vise à harmoniser les pratiques de diffusion d’informations des entreprises en matière de durabilité, mais aussi à accroître la qualité et la disponibilité de ces informations.</p>
<p>L’objectif affiché est ainsi d’améliorer la transparence et la comparabilité des performances extrafinancières, afin notamment de réduire les pratiques de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/greenwashing-27714"><em>greenwashing</em></a> et de permettre aux instances politiques supranationales d’opérer un suivi des évolutions en matière de développement durable.</p>
<p>Cette entrée dans une nouvelle ère de réglementation du <em>reporting</em> sociétal traduit en creux les limites des concepts visant à améliorer les performances extrafinancières des entreprises mobilisées jusqu’à présent, au premier rang desquels figure la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale des entreprises</a> (RSE).</p>
<h2>Absence de sanctions</h2>
<p>L’ouvrage intitulé <a href="https://www.dunod.com/grand-livre-rse-differences-internationales-strategie-finance-controle-gestion-rh-marketing"><em>Le grand livre de la RSE</em></a> (Éditions Dunod), auquel nous venons de contribuer, montre bien les transformations encore nécessaires à y apporter. Bien qu’ayant indubitablement permis de mettre en lumière certaines problématiques écologiques et sociales et de financer quelques projets utiles, la RSE contribue aussi, et c’est là une de ses limites majeures, à masquer l’ampleur de la tâche, qui devrait réellement être engagée pour être à la hauteur de l’urgence écologique et sociale.</p>
<p>La RSE n’a pas réussi à impulser un changement en profondeur de nos sociétés parce qu’elle s’insère également dans un système économique basé sur des logiques telles que l’autonomie du marché, la compétitivité, la recherche infinie de croissance, dont la responsabilité dans la crise écologique et sociale actuelle n’est plus à démontrer.</p>
<p>Ensuite, parce qu’elle relève initialement d’un engagement volontaire de la part des entreprises, limitant ainsi son caractère contraignant surtout en l’absence de sanctions. Il importe désormais de reconnaître plus ouvertement le rôle politique joué <em>de facto</em> par l’entreprise au sein de la société. Notons, sur ce point, de grandes variations, selon les pays, du rôle et des missions attribuées à l’entreprise dans l’imaginaire collectif.</p>
<p>Cette marge de manœuvre laissée aux entreprises a conduit au développement d’approches de la RSE bien souvent trop superficielles et trop hétérogènes, donnant lieu à l’instauration d’un écart entre les discours et les résultats tangibles des pratiques de la RSE.</p>
<p>Ces critiques renvoient, en filigrane, à la question sous-jacente de la qualité, fiabilité et scientificité des outils d’évaluation de la RSE. On prendra comme illustration le cas des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">critères environnementaux, sociaux et de gouvernance</a> (ESG) des entreprises cotées.</p>
<p>Nombreux sont ceux qui mettent en doute la possibilité d’opérer de manière fondée un système de notation fiable, du fait du grand nombre de données manquantes et de logiques de pondération difficilement justifiables.</p>
<p>D’autres rappellent le cas de maltraitance dans les établissements Orpea pour les personnes âgées, ayant démontré le <a href="https://theconversation.com/le-scandale-orpea-un-cas-de-greatwashing-au-detriment-des-patients-et-des-soignants-181099">décalage flagrant entre la réalité du terrain et les informations communiquées</a> aux opérateurs de marché. Par ailleurs, dans l’univers des sociétés non cotées, on note un manque criant de bases de données qui pourraient permettre d’identifier les bonnes pratiques de la RSE.</p>
<h2>Face à ces limites, quelles perspectives ?</h2>
<p>Comme nous avons pu le voir, la RSE ne pourrait être considérée comme une solution miracle à tous nos maux. En outre, elle contribue, en l’état actuel, à nourrir l’illusion qu’il est possible de répondre aux enjeux globaux contemporains sans modifier en profondeur nos modes d’organisation et de consommation.</p>
<p>Dans cette perspective, il semble crucial de transformer en profondeur la RSE en privilégiant la concertation et la coopération entre l’ensemble des parties prenantes (clients, fournisseurs, banques et assurances, syndicats, associations, collectivités territoriales, etc.) et en favorisant un rapprochement entre les mondes académique et professionnel.</p>
<p>La définition de nos cadres réglementaires et de nos institutions juridiques a aussi un rôle central à jouer. Cependant, cette dimension coercitive devrait être complétée par une approche plus structurelle, s’appuyant sur une réflexion et un enseignement éthiques renouvelés. Faire de la RSE, ce n’est pas seulement agir au sein de l’entreprise et pour l’entreprise, c’est aussi agir via l’entreprise pour transformer la société, selon un contrat social qu’il devient urgent de repenser localement, en évitant le recours à une pensée unique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220709/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La mise en place de pratiques responsables des entreprises se heurte à l’absence de sanctions en cas de manquement ainsi que des problèmes d’évaluation.Emmanuelle Nègre, Professeure agrégée des Universités en Sciences de Gestion, IAE de Bordeaux, IRGO, Université de BordeauxEmmanuelle Sauvage, Maître de conférences- Gestion des différences culturelles, enjeux linguistiques internationaux, Ethnographie, IRGO, IAE BordeauxStéphane Trébucq, RSE, développement durable, capital humain, pilotage de la performance, IAE BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204032024-01-02T16:24:53Z2024-01-02T16:24:53ZDirective CSRD : un nouveau paradigme pour l’entreprise ?<p>La directive n°2022/2464 du 14 décembre 2022, dite CSRD (<em>Corporate sustainibility reporting directive</em>) fait ses débuts. Elle a été transposée en droit français le 7 décembre 2023 par la publication au journal officiel de l’ordonnance n°2023-1142. Entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour concerner, à terme (pour l’exercice comptable 2028) quelque 50 000 entreprises européennes, contre 12 000 pour la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32014L0095"><em>Non Financial Reporting Directive</em></a> de 2014 dont elle prend le relais, la CSRD pose une obligation pour les sociétés entrant dans son champ d’application de faire apparaître un rapport de durabilité détaillé au sein de leur rapport de gestion. Cela s’opèrera sur support dématérialisé avec emploi d’un format électronique standardisé.</p>
<p>Les entreprises concernées devront le fonder sur <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/dossiers-thematiques/le-reporting-de-durabilite-csrd-0">douze standards européens dits ESRS</a> (pour <em>European Sustainability Reporting Standards</em>), dont deux transverses. Cinq concernent l’environnement, quatre des dimensions sociales, un la gouvernance. Pour chaque norme ESRS, le principe de double matérialité (la « double importance relative » dit la directive) devra être appliqué. Il s’agira de faire état des impacts matériels de l’activité de l’entreprise sur l’environnement et la société (« impact materiality ») mais aussi, réciproquement, des conséquences matérielles qu’ont les évolutions de cet environnement sur son activité (« financial materiality »).</p>
<p>Le reporting de durabilité exigé par la CSRD, qui constitue l’une des pièces du <a href="https://theconversation.com/topics/pacte-vert-81217">Pacte vert européen</a>, va obliger les dirigeants à détailler la structure de gouvernance mise en place sur les sujets de durabilité et à impliquer leurs parties prenantes internes et externes. Dans cette démarche, il y aurait ainsi beaucoup à attendre de la constitution d’un comité des parties prenantes, de même que des <a href="https://www.entreprisesamission.org/la-loi-pacte/#:%7E:text=Le%20comit%C3%A9%20de%20mission%20est,et%20en%20d%C3%A9finit%20son%20fonctionnement">comités de mission</a> instaurés dans les sociétés à mission par la Loi Pacte de 2019. Ces deux structures représentent une nouvelle forme de gouvernance qui incite à relever de nouveaux défis.</p>
<h2>L’entreprise, pas qu’un « nœud de contrats »</h2>
<p>Historiquement, les réflexions sur la gouvernance ont pris leur essor dans les années 30 aux États-Unis avec les <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bibliotheque-ideale-de-l-eco/the-modern-corporation-and-private-property-de-berle-et-means-2111140">travaux</a> d’Adolf Berle, juriste, et Gardiner Means, économiste. Ceux-ci soulignaient un point d’achoppement dans la théorie économique néo-classique de l’entreprise : le modèle conduit à un optimum social dans la mesure où le producteur-propriétaire agit dans son intérêt et cherche à maximiser son profit ; or, dans les faits, ce ne sont pas les actionnaires mais les managers, animés par des intérêts autres, qui sont aux commandes.</p>
<p>Parmi d’autres, cette réflexion a été poursuivie par <a href="https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2012-4-page-6.htm">Ronald Coase</a> puis par <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-6-page-15.htm">Michael Jensen et William Meckling</a> en 1976. Avec eux, l’entreprise jadis considérée comme une « boite noire » est perçue comme un « nœud de contrats », dans lequel les actionnaires contrôlent l’activité des dirigeants. Pour un auteur comme Henry Manne, cela se fait notamment par la pression exercée par la menace des <a href="https://www.jstor.org/stable/1829527">OPA</a>. Les enjeux sociétaux actuels de développement durable rebattent les cartes et il s’agit désormais de prendre en compte les attentes de l’ensemble des parties prenantes et pas uniquement celles des actionnaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567446/original/file-20231228-15-dd96zb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Michael Jensen, qui avec William Meckling a théorisé l’entreprise comme « nœud de contrats ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/wfulawschool/8596364140/">Wake Forest Law Review Business Law Symposium 2013/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Dans les normes ESRS, les parties prenantes prennent deux formes. Tout d’abord, les parties prenantes impactées positivement ou négativement par les relations commerciales directes ou indirectes tout au long de la chaîne de valeur de l’entreprise. Ensuite, les utilisateurs des rapports de durabilité. Dans le cadre de l’analyse de double matérialité, l’Efrag, qui édicte les normes ESRS, recommande un dialogue approfondi avec chacune des parties prenantes afin de les impliquer dans l’analyse des impacts, risques et opportunités autour des questions de durabilité.</p>
<p>Serait-ce ainsi la fin de l’école de Chicago incarnée par les auteurs que nous mentionnions précédemment ? Il est vrai qu’une structure de gouvernance uniquement actionnariale <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/10/la-gouvernance-actionnariale-rend-aveugle-et-caduque-les-enjeux-climatiques_6188746_3232.html">« rend aveugle aux enjeux climatiques »</a> comme l’expliquait récemment dans les colonnes du <em>Monde</em> Bertrand Valiorgue, professeur à l’EM Lyon. Un modèle de gouvernance alternatif prenant en compte les attentes des différentes parties prenantes avait déjà été décrit par <a href="https://www.cairn.info/la-theorie-des-parties-prenantes--9782707146533-page-33.htm">Edward Freeman</a> en 1983. À l’époque des premiers grands boycotts citoyens contre des produits ne respectant pas certaines normes sociales ou environnementales, il devenait pour lui absurde de ne voir dans l’entreprise qu’une organisation fermée sur elle-même. Il serait plus juste de la représenter dans ses interactions avec une myriade d’entités hétérogènes, salariés, consommateurs, activistes, responsables politiques…</p>
<h2>Rendre visible ce qui est invisible</h2>
<p>Une structure de gouvernance élargie signifie de nouvelles formes de prises de décision et des changements d’horizons : le passage d’un pilotage financier à court terme à une vision globale et durable intégrant les impacts environnementaux et sociaux des activités de l’entreprise.</p>
<p>Depuis l’école de Chicago, les financiers ont toujours appris à piloter à court terme par la marge (recherche de la meilleure profitabilité des ventes) et par le <em>cash</em> (optimisation du bas de bilan). Historiquement, leur raisonnement établit une <a href="https://www.cairn.info/la-theorie-des-parties-prenantes--9782707146533-page-33.htm">corrélation étroite et positive entre risque et rendement</a>. Dans ce cadre, l’allocation des ressources financières est motivée par la recherche d’un retour sur investissement, d’où le célèbre adage financier dont on prête l’origine au chancelier ouest-allemand Helmut Schmidt en 1974 :</p>
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<p>« Les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1726656844171550725"}"></div></p>
<p>Façonné pendant les trente Glorieuses, ce raisonnement va-t-il devoir être revu à l’heure de l’<a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">anthropocène</a>, du réchauffement climatique et des risques systémiques générés par les activités humaines ?</p>
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<p>« Ce qui compte ne peut pas toujours être compté, et ce qui peut être compté ne compte pas forcément », disait Albert Einstein.</p>
</blockquote>
<p>Cette célèbre formule s’applique assez bien à ce qui jusqu’à présent n’apparaissait pas au bilan des entreprises tout en représentant néanmoins les <a href="https://www.lesechos.fr/2008/01/pres-de-deux-tiers-de-la-valeur-des-societes-est-immaterielle-479170#:%7E:text=Dans%20l%E2%80%99%C3%A9conomie%20du%20savoir,dans%20la%20valeur%20des%20entreprises">deux tiers de leur valeur</a>, à savoir l’immatériel. Selon une <a href="https://www.bpifrance.fr/nos-actualites/quel-est-limpact-de-linvestissement-immateriel-sur-la-croissance-des-entreprises">étude</a> de BPI France, « les entreprises qui investissent dans l’immatériel sont plus innovantes, plus confiantes en l’avenir, croissent plus vite et créent davantage d’emplois ». Ce <a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/valoriser-le-capital-immateriel-de-l-entreprise-9782708136656/">« capital gazeux »</a>, tel que le nomment Alan Fustec, directeur d’un cabinet de conseil, et Bernard Marois, professeur de finance à HEC, remet en cause la vision comptable actuelle dans laquelle le bilan d’une entreprise est perçu comme un stock de richesses accumulées de nature « solides » et « liquides ». Pour créer de la valeur, l’entreprise doit dépasser cette vision comptable restrictive en renforçant sa communication avec l’ensemble de ses parties prenantes, c.-à-d., renforcer son capital relationnel avec ses clients, ses fournisseurs, la gestion de son capital humain en motivant et impliquant ses salariés, optimiser la gestion de ses données (son capital structurel).</p>
<p>Dans ce cadre, l’adoption de la CSRD peut être perçue comme une opportunité d’implication des parties prenantes dans leurs analyses des sujets de durabilité. Ce défi nouveau est également porteur de difficultés que les équipes financières et RSE au sein des entreprises vont devoir relever en combinant leurs expertises dans le traitement de la data : financière d’un côté, extrafinancière (ESG) de l’autre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220403/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Ouvrard a reçu des financements de l'ANC (Autorité des Normes Comptables).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Serge Valant Gandja a reçu des financements de l'ANC (Autorité des Normes Comptables). </span></em></p>La directive CSRD semble parachever des réflexions entamées dans les années 1980 invitant à inclure toute une myriade d’acteurs « parties prenantes » dans le périmètre de l’entreprise.Stéphane Ouvrard, Professeur associé en Finance/Comptabilité, Kedge Business SchoolSerge Valant Gandja, Professeur associé en comptabilité, finance et économie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2169342023-11-07T17:29:15Z2023-11-07T17:29:15ZÉconomie numérique : le bilan comptable reflète mal la valeur économique des entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/557292/original/file-20231102-25-fzu1md.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=80%2C24%2C2208%2C1758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La valeur comptable de Google ne s’élève qu’à 61&nbsp;774&nbsp;millions de dollars alors que la capitalisation boursière du géant du numérique atteignait 1&nbsp;148&nbsp;milliards de dollars fin 2022.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1439975">Mohamed Hassan/Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les processus de création de valeur ont connu d’importantes évolutions ces dernières années. Comparons par exemple Google (Alphabet), un étendard de la nouvelle économie et une entreprise relevant du secteur industriel traditionnel, comme le constructeur automobile General Motors. La réussite de Google apparaît au travers de sa capitalisation boursière, celle-ci atteignant <a href="https://abc.xyz/assets/d4/4f/a48b94d548d0b2fdc029a95e8c63/2022-alphabet-annual-report.pdf">1 148 milliards de dollars pour environ 190 234 salariés</a> fin 2022. General Motors affiche pour sa part une capitalisation boursière vingt fois plus faible, de <a href="https://investor.gm.com/static-files/12adf215-2927-498e-a958-66345e607b98">47,79 milliards de dollars, avec plus de 86 000 salariés</a>.</p>
<p>Cet écart témoigne d’un bouleversement profond du processus de création de valeur. Par ailleurs, la valeur comptable – c’est-à-dire la valeur que l’entreprise peut communiquer à travers ses états financiers – ne s’élève qu’à 61 774 millions de dollars pour Google, sans comparaison avec le niveau atteint par sa capitalisation boursière. Pour General Motors, l’écart entre ces deux valeurs existe certes, mais dans une moindre mesure.</p>
<h2>Problèmes d’évaluation</h2>
<p>Il convient donc de bien distinguer la valeur comptable de la valeur de marché. La valeur comptable retrace l’historique de l’entreprise, traduit par des entrées ou des sorties de trésorerie, son résultat réalisé. La valeur boursière est quant à elle une valeur actualisée des anticipations de la création de valeur de l’entreprise (les prévisions de flux de trésorerie disponibles). Il est donc normal que la valeur de marché soit différente de la valeur comptable.</p>
<p>Cependant, lorsque ce différentiel devient considérable, cette déconnexion peut témoigner d’une défaillance de l’outil de suivi (en l’occurrence la comptabilité) à capter la valeur présente dans l’entreprise. Les outils de traçabilité de la valeur financière ne permettent alors plus de transmettre une valeur de l’entreprise qui soit proche de sa valeur de marché. La recherche a par exemple démontré que les investissements en <a href="https://www.nber.org/system/files/working_papers/w7223/w7223.pdf">recherche et développement</a> (R&D) et en <a href="https://www.jstor.org/stable/3665583">publicité</a> entraînaient une hausse des résultats, et que par conséquent ils étaient positivement associés à la valeur des sociétés.</p>
<p>La reconnaissance des actifs incorporels identifiés reste cependant liée à des problèmes d’évaluation. Le modèle comptable actuel ne reconnaît pas de nombreux actifs incorporels fondés sur la connaissance. Cela peut soulever des inquiétudes quant à la capacité réelle des investisseurs à valoriser les sociétés à forte intensité de capital immatériel.</p>
<h2>Des évolutions très lentes</h2>
<p>Un <a href="https://econpapers.repec.org/article/eeejfinec/v_3a26_3ay_3a1990_3ai_3a2_3ap_3a255-276.htm">travail de recherche</a> publié en 1990 montrait déjà que les entreprises de haute technologie qui annonçaient une augmentation des dépenses de R&D connaissent des rendements anormaux positifs. Cette étude soulignait également qu’une intensité de R&D plus élevée que la moyenne de l’industrie ne conduisait à une augmentation des cours boursiers que pour les entreprises des secteurs de haute technologie.</p>
<p>Pourtant, l’évaluation comptable n’a que très peu évolué depuis. La dernière <a href="https://www.ifrs.org/issued-standards/list-of-standards/ias-38-intangible-assets/">modification de la norme internationale IAS 38</a> – Immobilisations incorporelles – remonte à mars 2004. Cependant, l’International Accounting Standards Board (IASB), normalisateur comptable international, s’intéresse à nouveau à la question de la reconnaissance comptable des immatériels et à la diffusion d’informations financières les concernant. Le dernier <a href="https://www.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/third-agenda-consultation/thirdagenda-feedbackstatement-july2022.pdf">programme de consultation de l’IASB</a> publié en 2022 place les immatériels en haut de la liste.</p>
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<p>L’IASB souligne que « La plupart des personnes interrogées ont jugé hautement prioritaires les projets potentiels sur les risques liés au climat, les cryptomonnaies et les transactions associées, ainsi que les actifs incorporels ».</p>
<p>De même, l’édition 2023 de <a href="https://eaa-online.org/eaa-iasb-research-forum-2023-2/">l’IASB Research Forum</a>, qui a eu lieu à l’IÉSEG School of Management, les 2 et 3 novembre 2023, avait pour sujet les actifs immatériels, et en particulier la reconnaissance au bilan des immobilisations incorporelles développées en interne.</p>
<p>Le normalisateur français, l’autorité des normes comptables (ANC) avait déjà consacré son édition 2017 des <a href="https://www.anc.gouv.fr/sites/anc/accueil/recherche/etats-generaux-de-la-recherche-c/7emes-etats-generaux--2017.html">États généraux de la recherche comptable</a> au sujet de l’économie numérique. Dans ce cadre, nous avions publié un <a href="https://www.anc.gouv.fr/files/live/sites/anc/files/contributed/ANC/3_Recherche/D_%C3%89tats%20generaux/2017/Policy%20papers/Policy%20paper%20Anne%20Jeny%20VF.pdf">article</a> intitulé « Quel impact de l’économie numérique sur la comptabilité ? ». L’enjeu de la reconnaissance des actifs immatériels ». Un groupe de travail sur les problématiques de comptabilisation de ces transactions a en parallèle été lancé.</p>
<p>Le 18 décembre 2020, le Collège de l’ANC a rendu son <a href="https://www.anc.gouv.fr/files/live/sites/anc/files/contributed/ANC/2_Normes_internationales/NI%202020/ANC_Letter-CL-on-Goodwill-and-Impairment.pdf">commentaire</a> sur le document de réflexion DP/2020/1 de l’IASB relatif aux regroupements d’entreprises – notes annexes, goodwill et dépréciation (Business Combinations – Disclosures, Goodwill and Impairment). L’ANC y encourage la reconnaissance de plus d’actifs immatériels individuels au moment des regroupements d’entreprises, plutôt que leur reconnaissance dans le <em>goodwill</em>, c’est-à-dire l’écart entre le montant de l’achat et la valeur réelle de l’entreprise.</p>
<p>Autrement dit, la prise de conscience de l’importance de sujet s’étend, mais reste encore à savoir comment une meilleure comptabilité des actifs immatériels se traduira concrètement dans les faits.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Jeny ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les règles comptables actuelles ne reconnaissent pas de nombreux actifs incorporels comme la R&D, les dépenses de publicité ou les brevets déposés.Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086252023-07-03T09:57:58Z2023-07-03T09:57:58ZPourquoi les entreprises ne communiquent-elles pas plus d’informations financières à propos de leurs marques ?<p>Maximiser la valeur financière d’une entreprise compte parfois parmi les objectifs de ses dirigeants, notamment lorsqu’ils rendent des comptes à leurs <a href="https://theconversation.com/topics/investisseurs-63874">actionnaires</a>. Faute d’information, elle peut être mal estimée sur le marché, ce qui entrave souvent sa croissance dans le futur. C’est en partie pour cela que la production d’<a href="https://theconversation.com/topics/comptabilite-24153">information comptable</a> est obligatoire.</p>
<p>La valeur d’une entreprise repose sur la détention de ressources financières et matérielles, mais aussi, de plus en plus, sur des actifs immatériels tels que les <a href="https://theconversation.com/topics/brevets-25082">brevets</a>, la <a href="https://theconversation.com/topics/reputation-39873">réputation</a>, la détention de <a href="https://theconversation.com/topics/marques-39209">marques</a>, de compétences humaines et de savoir technologique. </p>
<p>Le <a href="https://doi-org.devinci.idm.oclc.org/">périmètre de ces derniers reste néanmoins ambigu</a> et la littérature utilise la notion de façon hétérogène. Dans une tentative de synthèse, un <a href="https://www.oecd.org/fr/sti/inno/36701585.pdf">rapport</a> de 2006 de l’OCDE constate que la plupart des définitions des retiennent trois caractéristiques fondamentales : la capacité à générer un profit économique, l’absence de matérialité et la possibilité pour une entreprise de se les approprier. Ainsi, selon que les thèmes traités soient à connotation comptable ou économique, les auteurs utilisent les termes « actifs » ou « capital ».</p>
<p>Parmi ces actifs immatériels, nous nous sommes en particulier focalisés sur la force que confère la détention d’une marque. Perçue comme source de valeur par les investisseurs, principaux intéressés par les états financiers d’une entreprise, elle n’est pas toujours répertoriée parmi les actifs. Face à sa non-reconnaissance comptable, les entreprises ont alors recours à la diffusion d’information complémentaire comme alternative pour informer les investisseurs sur sa potentielle valeur.</p>
<p>En nous appuyant sur les pratiques d’un échantillon de 37 entreprises françaises cotées en bourse, nous avons ainsi cherché à caractériser la nature de cette information divulguée. Le paradoxe suivant apparaît alors : bien que de nature à rassurer les investisseurs, les informations financières restent <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2014-3-page-99.htm?contenu=resume">très peu communiquées</a>.</p>
<h2>Des informations tues, et pourtant utiles</h2>
<p>Nous avons retenu dans notre échantillon les marques françaises estimées par deux organismes indépendants spécialisés dans la publication des valeurs financières des principales marques à partir des informations publiques communiquées par les entreprises. Il s’agit d’Interbrand et Brand Finance.</p>
<p>Trois types d’informations sont principalement communiquées à propos des marques : des informations comptables telles qu’un bilan annuel, des informations économiques à l’image de l’historique des marques et des informations stratégiques portant par exemple sur l’origine des revenus des marques. Elles s’avèrent bien plus présentes en tout cas que les informations de nature purement financière qui visent à faire des prévisions pour l’avenir (avec une planification de la croissance future par exemple).</p>
<p>Ce qui est mis à disposition des investisseurs ne suffit ainsi que rarement à reconstituer la valeur individuelle des marques, d’autant que les données sont souvent agrégées à l’échelle de l’ensemble des marques possédées. Les entreprises semblent considérer qu’elles n’ont pas à communiquer de façon explicite au sujet de la valorisation des marques et ne paraissent pas juger utile de communiquer aux investisseurs les modalités précises d’évaluation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Pour quelles raisons ? Cela ne permet pas de refléter fidèlement le patrimoine de l’entreprise à l’égard de ses parties prenantes, et plus particulièrement les investisseurs. Même conforme à la législation, la chose empêche une approche didactique et comparative par rapport à la concurrence, ce qui nous fait dire que cette information devrait être disponible et apparaître en annexe des comptes. Un « rapport sur les actifs immatériels » serait de nature à rassurer les investisseurs.</p>
<h2>L’exception : les groupes qui se développent à l’international</h2>
<p>La marque véhicule une valeur qui dépend de modalités d’évaluation en lien avec une identification de la stratégie de développement mise en œuvre par l’entreprise. Il ressort de notre <a href="https://www.larsg.fr/produit/n315-316-les-determinants-de-loffre-dinformation-volontaire-divulguee-sur-les-marques-cas-des-entreprises-francaises/">étude</a> que si les entreprises évoluent dans un environnement international et si elles sont auditées par un cabinet de catégorie 1 (tel que KPMG, Deloitte, EY, Fiducial ou PwC.), alors elles ont tendance à publier plus d’information sur leurs marques.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534354/original/file-20230627-17-i8q760.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>De ce fait, un niveau plus élevé de divulgation d’information peut être expliqué par le fait que cela réduit les coûts d’agence sur les places étrangères. Ce sont ceux liés aux divergences d’informations auxquels les dirigeants et les actionnaires étrangers ont accès.</p>
<p>Notre étude met en avant, en revanche, que ni la taille, ni le secteur, ni le niveau de performance ne sont des facteurs explicatifs du niveau de divulgation d’information sur les marques à destination des investisseurs.</p>
<p>Nous considérons ainsi que les marques devront faire l’objet d’une reconnaissance financière qui devra être mentionnée dans les documents annexes aux comptes des entreprises ou dans un rapport spécifique dédié aux actifs immatériels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208625/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les informations financières sont les plus utiles aux investisseurs. Pourtant, paradoxalement, les entreprises en communiquent peu à propos des marques, actif immatériel, qu’elles détiennent.Yves-Alain Ach, Docteur en Sciences de Gestion - Ph.D in management sciences - Professeur de Finance, EMLV, Pôle Léonard de VinciSandra Rmadi Said, Senior lecturer, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057662023-05-23T17:51:20Z2023-05-23T17:51:20ZFinance responsable : comment la réglementation européenne dessine une trajectoire favorable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526758/original/file-20230517-11818-6nkgbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C1074%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’audit des informations communiquées par les entreprises en matière durabilité deviendra obligatoire dans l’ensemble des États membres d’ici 2028.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/en/view-image.php?image=449524&picture=european-union-flag">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>Début 2023, l’Union européenne (UE) adoptait la directive dite <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en">« CSRD »</a> (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui renforce les exigences de reporting de durabilité des sociétés et en élargit progressivement le champ d’application (exercices 2024 à 2028).</p>
<p>L’objectif principal de la CSRD est, <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/la-nouvelle-directive-csrd-sur-le-reporting-de-durabilite-des-societes">comme le souligne l’Autorité des marchés financiers</a> (AMF), « d’harmoniser le reporting de durabilité des entreprises et d’améliorer la disponibilité et la qualité des données environnementales, sociales et de gouvernance (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/criteres-environnementaux-sociaux-et-de-gouvernance-esg-126493">ESG</a>) publiées ». L’ancien président de l’AMF a notamment estimé, dans un discours prononcé en juin 2022, que cette directive constituait :</p>
<blockquote>
<p>« <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/prises-de-parole/discours-de-robert-ophele-president-de-lamf-colloque-du-conseil-scientifique-de-lamf-reportings">Le cœur du réacteur</a> de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-verte-47044">finance durable</a> ».</p>
</blockquote>
<h2>Une directive ambitieuse</h2>
<p>La directive a comme objectif de permettre aux acteurs financiers de disposer des informations nécessaires à la fois pour répondre à leurs propres obligations de reporting et aussi pour exercer leur activité.</p>
<p>Les limites actuelles sont bien connues des investisseurs institutionnels et des gérants de fonds qui doivent publier leurs propres informations en matière de durabilité : il existe un <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-03573110.html">manque de consensus</a> sur la définition des mesures d’impact, sur l’accessibilité et la comparabilité des données.</p>
<p>Afin d’atteindre son objectif, la directive s’appuie sur trois changements essentiels en matière de publication d’informations non financières. Tout d’abord, elle prévoit que :</p>
<blockquote>
<p>« Les sociétés devront publier des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance, selon un principe de <a href="https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/la-nouvelle-directive-csrd-sur-le-reporting-de-durabilite-des-societes">« double matérialité »</a> ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, deux points de vue sont considérés : celui des risques pour l’entreprise et celui des incidences de l’entreprise. La diffusion de ces informations permettra aux acteurs financiers d’établir leurs rapports en termes de « double matérialité » : effets financiers sur les portefeuilles des critères ESG et incidences des portefeuilles sur les domaines ESG.</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/573994517" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Souad Lajili Jarjir : Qu’est-ce que la notation extrafinancière et les critères ESG ? (FNEGE Médias, 2021).</span></figcaption>
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<p>Ceci est en cohérence avec l’obligation, prévue dans le règlement du 27 novembre 2019 dit « SFRD » (Sustainable Finance Disclosure Regulation), de prendre en compte les principales incidences négatives en matière de durabilité au niveau des produits financiers (contribution au changement climatique, atteinte à la biodiversité, pollution de l’eau, discrimination des genres, etc.).</p>
<p>Deuxième changement, la directive CSRD instaure une autre mesure favorable à la transparence avec la création de normes obligatoires d’information relatives au reporting durabilité. Auparavant, les entreprises bénéficiaient d’une notable liberté car l’UE se contentait de proposer des lignes directrices facultatives. Désormais, la Commission européenne choisira les indicateurs obligatoires sur proposition de l’European Financial Reporting Advisory Group (<a href="https://www.efrag.org/">Efrag</a>), une association sans but lucratif de droit belge. Ce dispositif devra démontrer sa perméabilité aux lobbies et éviter une surcharge administrative pour les entreprises.</p>
<h2>Une longueur d’avance pour la France</h2>
<p>Enfin, troisième changement majeur, la directive CSRD prévoit que, désormais, les informations du reporting durabilité seront auditées. La réglementation durcit le droit antérieur car la précédente directive laissait le soin à chaque État membre de rendre obligatoire un tel audit. Sur ce point, la France avait instauré un tel audit dès 2010, dans la loi dite <a href="https://www.rhone.gouv.fr/contenu/telechargement/4944/29096/file/101028_PACC-G2_cle563677-1.pdf">Grenelle 2</a>, avec la figure de l’organisme tiers indépendant (OTI). En conséquence, les entreprises et les auditeurs français disposent aujourd’hui d’une expérience source et d’un avantage comparatif à l’échelle de l’Union européenne.</p>
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<p>Afin de laisser du temps aux entreprises européennes pour s’adapter à la nouvelle législation, l’auditeur réalisera une mission limitée dans un premier temps. Ensuite, à l’horizon 2028, l’objectif de l’UE est de passer à une mission qui implique plus de tests de validation de la part de l’auditeur.</p>
<p>L’absence d’un audit obligatoire était l’un des vices originels de la directive de 2014 car les parties prenantes ne pouvaient pas comparer un reporting audité avec un autre qui ne l’était pas. Cette carence pouvait aboutir à une sélection au détriment d’entreprises vertueuses dont certaines faiblesses étaient mises en lumière. Le droit de la responsabilité sociétale des entreprises (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">RSE</a>) doit démasquer les entreprises qui jouent la <a href="https://shs.hal.science/halshs-03964878/">comédie des apparences</a>.</p>
<p>En définitive, le travail du législateur européen depuis quelques années a permis de dessiner une trajectoire pour la finance responsable qui a l’ambition de répondre aux nouvelles aspirations de la société en termes d’exigences environnementales, sociétales et de gouvernance. Les objectifs sont loin d’être réalisés puisqu’il faut faciliter l’opérationnalité de ces mesures pour les entreprises et les investisseurs. Par ailleurs, il est important d’inscrire ce travail dans une vision mondiale et globale pour éviter que le continent européen se retrouve comme un village gaulois !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205766/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec la directive CSRD adoptée fin 2022, l’Union européenne renforce les exigences en matière de publication des indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).Pierre Chollet, Professeur Émérite, Montpellier Management, Montpellier Recherche en Management (MRM), Université de MontpellierNicolas Cuzacq, Maître de conférences HDR, Droit privé et sciences criminelles, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Souad Lajili Jarjir, Professeure Agrégée des Universités en Sciences de Gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2033742023-04-12T21:46:39Z2023-04-12T21:46:39ZLes analystes financiers, un atout pour la prévention des crises bancaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519616/original/file-20230405-16-mrpyv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C47%2C3900%2C2606&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude, les analystes fournissent des informations pertinentes sur le risque de défaillance jusqu’à un horizon de deux ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/644917">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les récentes difficultés des banques <a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Silicon Valley Bank</a> (SVB) et <a href="https://theconversation.com/credit-suisse-les-lecons-dune-lente-descente-aux-enfers-202363">Credit Suisse</a> montrent une nouvelle fois l’importance, pour les investisseurs comme pour les autorités de surveillance, de disposer d’une information fiable pour évaluer la situation financière des établissements bancaires et leur niveau de risque.</p>
<p>Si la production d’information financière est précieuse sur les marchés, notamment pour les gérants de portefeuille qui ne sauraient prendre leurs décisions sans s’informer préalablement de la santé financière des émetteurs de titres, elle revêt une importance toute particulière dans le cas des banques. En effet, ces dernières jouant un rôle primordial dans le financement des économies. Les externalités négatives d’une faillite bancaire peuvent être de grande ampleur et avoir des répercussions sur l’ensemble de l’économie, comme l’a par exemple montré la crise de 2008 dont le point de départ fut la chute de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banque</a> <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/lehman-brothers-le-jour-ou-la-crise-a-commence_2939337.html">Lehman Brothers</a>.</p>
<p>La crise peut donc prendre une dimension systémique dès lors que la taille de l’établissement concerné et l’intensité de ses connexions avec les autres institutions financières favorisent une diffusion du risque au sein du système bancaire. Alors que l’activité des analystes financiers avait jusqu’à présent surtout été envisagée par la littérature académique sous l’angle des entreprises industrielles, nos <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03752678v3/document">recherches récentes</a> montrent que ceux-ci peuvent aussi jouer un rôle en matière d’évaluation du risque bancaire.</p>
<p>La production d’une information financière s’avère d’autant plus nécessaire dans le cas des banques que ces dernières se caractérisent par une certaine opacité. En effet, les crédits (aux entreprises notamment) étant accordés par les banques sur la base d’une information qu’elles sont les seules à connaître (on parle d’information privée ou de monopole informationnel), la véritable valeur de leurs actifs s’avère particulièrement difficile à estimer pour tout agent économique extérieur à l’établissement.</p>
<h2>Indicateurs avancés</h2>
<p>Les producteurs d’information que sont les analystes financiers publient le fruit de leur « recherche en investissement » sous la forme de prévisions de bénéfices par action (BPA) des sociétés qu’ils évaluent et de recommandations à l’achat (« <em>buy</em> » ou « strong buy ») ou à la vente (« <em>sell</em> » ou « strong sell ») des titres émis par ces dernières.</p>
<p>Les analystes dits <em>buy-side</em> produisent de l’information pour le compte des institutions financières par lesquelles ils sont employés. Les prévisions et recommandations des analystes <em>sell-side</em>, qui peuvent être affiliés à des banques d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/investissement-20236">investissement</a> ou à des sociétés proposant des services de courtage (<em>brokers</em>), sont destinées à une clientèle extérieure. Il existe également une troisième catégorie d’analystes financiers, qui travaillent pour des structures indépendantes, dont l’activité consiste à proposer exclusivement des services de recherche en investissement, sans aucune prestation de courtage.</p>
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<p>La démarche retenue dans notre étude consiste à introduire les recommandations d’analystes dans un modèle d’alerte avancée des défauts bancaires. Ce type de modèle permet d’une part d’estimer à l’avance leur contenu informatif vis-à-vis des risques de défaillances individuelles, et d’autre part d’évaluer si un décideur politique ayant la volonté et la capacité d’intervenir pour éviter que la banque concernée ne fasse faillite aurait intérêt à intégrer ces recommandations dans le panel d’indicateurs comptables et financiers habituellement utilisés.</p>
<p>Nos estimations indiquent que les recommandations des analystes peuvent être considérées comme des indicateurs avancés du risque de défaillance jusqu’à un horizon de deux ans. L’étude, qui porte sur 148 banques situées dans 25 pays européens entre 2000 et 2020, se concentre sur un ensemble d’épisodes au cours desquels les institutions bancaires ont connu des difficultés, soit parce qu’elles ont fait défaut, soit parce qu’elles ont bénéficié de mesures de soutien de la part du secteur public ou privé.</p>
<p>Le résultat est illustré par le graphique ci-dessous qui représente, dans le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2012/05/08/dexia-faillite-collective_1697922_3234.html">cas de Dexia</a>, l’évolution de la probabilité de défaillance prédite par le modèle et les épisodes de détresse financière de la banque franco-belge, observés a posteriori.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519619/original/file-20230405-18-nn8pa9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=511&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Probabilité de détresse mesurée par les analystes financiers de la banque Dexia.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au cours du premier épisode, Dexia a fait l’objet d’une recapitalisation (le 30 septembre 2008), a bénéficié d’un dispositif de garantie étatique impliquant la Belgique, le Luxembourg et la France (entre 2008 et 2009) puis a fait l’objet d’un plan de restructuration (adopté en février 2010). La seconde période de détresse a quant à elle été marquée par une nationalisation (en octobre 2011, la banque s’appelant désormais Belfius), de nouvelles garanties accordées à la structure de défaisance Dexia Holding, puis une mise en vente par la Commission européenne (fin 2012).</p>
<p>Le graphique montre clairement que le modèle d’alerte incluant les recommandations d’analystes permet de prédire, plusieurs mois à l’avance, chacun de ces deux épisodes.</p>
<p>Dans le cas plus récent de Credit Suisse, l’évolution des recommandations formulées par les analystes financiers s’est également avérée cohérente avec la détérioration de la situation financière de l’établissement. Alors qu’à la fin de l’année 2020, le consensus des recommandations, qui peut être calculé comme une moyenne des recommandations émises par les analystes couvrant le titre Credit Suisse (en comptant 1 pour « strong buy », 2 pour « <em>buy</em> », 3 pour « <em>hold</em> », 4 pour « <em>sell</em> » et 5 pour « strong sell »), était de 2,31. Il s’élevait à 3,08 en mars 2022 et à 3,23 à la mi-août 2022 (pour atteindre 3,5 le 27 mars 2023) selon la <a href="https://www.investirsorcier.com/systeme-destimation-des-courtiers-institutionnels-ibes-definition/">base de données I/B/E/S</a>.</p>
<p>On notera cependant que ces moyennes masquent une certaine hétérogénéité des recommandations d’un analyste à l’autre, ce qui reflète la difficulté à évaluer un établissement bancaire de grande taille tel que Credit Suisse.</p>
<h2>Complexité des activités</h2>
<p>Notre étude révèle d’ailleurs que le pouvoir de prédiction des recommandations des analystes est plus faible pour les plus grandes banques. Ce résultat s’explique par la complexité croissante de leurs activités, qui, ces dernières décennies, se sont diversifiées et se sont étendues, bien au-delà de l’octroi de prêts et de la réception des dépôts, aux opérations d’assurance ainsi qu’aux activités de marché et de banque d’investissement par exemple.</p>
<p>Finalement, le constat d’une faible <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transparence-27553">transparence</a> des établissements bancaires de grande taille suggère de concevoir l’information produite par les analystes financiers comme un atout supplémentaire, à mobiliser en complément, entre autres, d’un renforcement de la réglementation prudentielle appliquée aux banques de grande taille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203374/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bro de Comères a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce projet de recherche a reçu des financements de la Région Nouvelle Aquitaine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ce projet de recherche a reçu des financements de la région Nouvelle Aquitaine</span></em></p>Les prévisions des producteurs d’information constituent des indicateurs avancés des crises qui peuvent survenir. La complexité des activités bancaires complique toutefois leur tâche.Quentin Bro de Comères, Doctorant en Économie bancaire et financière, Université de Poitiers, Université de BordeauxAnne-Gaël Vaubourg, Professeur d'économie, Université de PoitiersSophie Brana, Professeure d'économie, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2021802023-03-21T17:49:43Z2023-03-21T17:49:43ZRepenser le modèle d’affaires de l’entreprise pour la transformer en profondeur<p>Il y a quinze ans, la crise financière rappelait les conséquences désastreuses que pouvait avoir <a href="https://www.veblen-institute.org/Minsky-une-interpretation-premonitoire-des-crises-148.html">l’obsession du profit</a> à court terme au sein de grandes entreprises. Pour satisfaire les exigences des actionnaires et attirer de nouveaux investisseurs, les dirigeants et managers ont parfois agi de manière irresponsable sans mesurer les conséquences de leurs actions sur le long terme.</p>
<p>Quelques années avant l’effondrement de Lehmann Brothers, la faillite d’<a href="https://www.piloter.org/gouvernance-entreprise/enron.htm">Enron</a>, à la suite de fraudes comptables et de manipulations financières commises par une quinzaine de cadres dirigeants, avait provoqué des dizaines de milliers de pertes d’emploi et l’évaporation de nombreuses <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2002/01/15/enron-le-scandale-des-fonds-de-pension_390344/">épargnes retraite</a>.</p>
<p>Afin de responsabiliser l’encadrement des entreprises, les organismes régulateurs, comme le <a href="https://acpr.banque-france.fr/europe-et-international/cadre-comptable/instances/international-accounting-standards-board-iasb">Bureau international des normes comptables</a> (plus connu sous l’acronyme anglais IASB, pour <em>International Accounting Standards Board</em>) ont, semble-t-il, misé sur un modèle disciplinaire. Il s’agissait de faire en sorte que les entreprises rendent davantage de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/comptabilite-24153">comptes</a>. Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/scandales-financiers-93144">scandale</a> Enron a notamment été suivi de la mise en place des normes dites <a href="https://theconversation.com/pres-de-20-ans-apres-le-scandale-enron-ou-en-sont-les-normes-comptables-145416">« IFRS »</a> (<em>International financial reporting standards</em>), visant un reporting financier « amélioré ». En France, la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000223114/">« Nouvelles régulations économiques »</a> du 15 mai 2001 a, elle, obligé quelque 700 entreprises cotées à produire des rapports extrafinanciers quant aux conséquences sociales.</p>
<p>La solution a cependant montré ses limites, donnant parfois une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/telescope/1900-v1-n1-telescope0418/1013772ar/abstract/">illusion de contrôle</a>. Récemment, en France, la course au profit des dirigeants d’<a href="https://theconversation.com/ethique-comment-comme-orpea-les-entreprises-font-peser-la-responsabilite-sur-leurs-salaries-181192">Orpea</a> aurait entraîné une politique de réduction des coûts au détriment de la qualité des soins prodigués aux résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes du groupe et des conditions de travail des salariés. Pourtant l’entreprise affichait de <a href="https://theconversation.com/affaire-orpea-mais-a-quoi-servent-les-notations-esg-177164">très bons indicateurs</a> de responsabilité sociale dans ses rapports, notamment en raison du poids du secteur d’activité dans leur calcul.</p>
<p>Pour des évolutions plus profondes, il semble qu’il faille réfléchir plus en amont, notamment au contexte dans lequel les actions des managers sont prises. Comment dès lors focaliser l’attention des dirigeants sur le long terme et mettre davantage en évidence les liens entre le financier et le non financier ?</p>
<h2>Des discussions en cours</h2>
<p>Ces dix dernières années, un nouveau cadre a pris de l’ampleur : le <em>Reporting intégré</em> (RI). Introduit en 2013 par l’<a href="https://www.integratedreporting.org/wp-content/uploads/2015/03/13-12-08-THE-INTERNATIONAL-IR-FRAMEWORKFrench.pdf"><em>International Integrated Reporting Committee</em></a> (IIRC), coalition mondiale regroupant différents types d’acteurs, le RI se fonde sur ce que l’on appelle la « Pensée intégrée ». Elle vise à repenser le modèle d’affaires de l’entreprise en prenant en considération l’ensemble des ressources qui y contribuent (et qu’elle affectera en retour), à la fois financières et non financières.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516396/original/file-20230320-14-iy9h3b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les bureaux de l’IASB et de l’IFRS Foundation à Londres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">mattbuck/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Sont plus précisément citées les ressources financières, naturelles, manufacturières, intellectuelles, humaines, sociales et environnementales. L’objectif est de repenser le modèle d’affaires des entreprises en mettant en évidence les connexions entre le financier et le non-financier, mais aussi en réfléchissant aux conséquences de l’action sur les court, moyen et long termes. En bref, il s’agit bien là de « responsabiliser » la gestion. Le bilan qui en découle permettrait de « raconter l’histoire de l’organisation », selon les mots de l’IIRC, de façon transparente.</p>
<p>Ces notions se trouvent aujourd’hui au cœur des discussions de deux grands acteurs de normalisation, chargés de construire un standard de reporting extrafinancier : l’<a href="https://www.efrag.org/?AspxAutoDetectCookieSupport=1">Efrag</a>, groupe consultatif européen sur l’information financière, et l’<a href="https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/">ISSB</a>, organisme rattaché à la fondation IFRS de même que l’IASB.</p>
<p>Changer en profondeur les pratiques managériales nécessite en tout cas une implication forte de la hiérarchie. Nos <a href="https://theses.hal.science/tel-01755563/">recherches</a> montrent qu’il existe <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4394475">deux directions principales</a>, toutes deux à prendre sous l’impulsion de la direction : une première structurée ; une seconde plus informelle, fondée essentiellement sur des discussions impliquant différentes fonctions et différents niveaux de management pour confronter les points de vue et réfléchir ensemble à la façon dont l’organisation crée de la valeur.</p>
<h2>Déploiement structuré</h2>
<p>Parmi les groupes que nous avons étudiés, Novo Nordisk, une entreprise danoise spécialisée dans le traitement du diabète, illustre bien la première voie. La firme emploie environ 45 000 personnes dans 80 pays et commercialise ses produits dans plus de 170 pays. En 2004, la direction du groupe a poussé la pensée intégrée dans son organisation grâce à deux actions structurantes : la formalisation du principe de gestion intégrée dans les statuts de l’entreprise et la mise en place d’un modèle de gouvernance, le « Novo Nordisk Way Of Management ».</p>
<p>Mads Ovlisen, PDG du groupe à l’époque, a inclus dans les statuts une clause stipulant que l’entreprise « s’efforcerait de mener ses activités financières, écologiques et sociales de façon responsable ». Dès lors, le management a été forcé de réfléchir de façon holistique à son processus de création de valeur et à reporter la performance des éléments environnementaux et sociaux au même titre que les éléments financiers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483499429013381126"}"></div></p>
<p>Le « Novo Nordisk Way Of Management » repose, lui, sur 10 principes ancrés dans le développement durable. Il sous-tend notamment le pilotage de l’organisation et les politiques de rémunération managériales. En cohérence avec le développement de la Pensée intégrée dans l’organisation, Novo Nordisk publie un rapport intégré selon le cadre de l’IIRC depuis 2014.</p>
<p>Le groupe illustre un modèle de Pensée intégrée structuré et déployé de façon <em>top-down</em> qui a fait ses preuves : des activités commerciales fondées sur la durabilité avec 100 % de la production grâce à des énergies renouvelables, des médicaments faciles d’accès et abordables financièrement, tout en ayant une <a href="https://edubourse.com/meilleures-actions/actions-pharmaceutiques/">rentabilité parmi les plus élevées</a> de l’industrie pharmaceutique.</p>
<h2>Transmettre une passion pour la durabilité</h2>
<p>Il existe, cependant, une seconde façon de procéder, beaucoup moins formelle, adoptée par exemple par Sanford. Elle est la plus grande et la plus ancienne entreprise de produits de la mer de Nouvelle-Zélande, cotée au New Zealand Stock Exchange. Nommé à la tête du groupe en 2013, Volker Kuntz, a souhaité opérer un changement stratégique radical : passer d’une stratégie axée sur le volume à une stratégie axée sur la création de valeur, notamment en abandonnant les ventes de produits surgelés et en se focalisant sur le frais.</p>
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<p>Au cours d’un entretien réalisé en 2016, il nous exposait que le développement du capital humain et la valorisation du capital naturel sont, selon lui les « fondations » d’une croissance du capital financier sur le long terme. Pour obtenir l’adhésion de ses collaborateurs, il a privilégié les rencontres et les échanges directs à tous les niveaux organisationnels : en s’asseyant avec ses équipes de direction et en engageant des débats, mais aussi en voyageant sur les différents sites de pêche pour aller au contact des opérationnels, et leur expliquer sa nouvelle vision stratégique.</p>
<p>Kuntz explique avoir ainsi transmis sa passion pour la durabilité et le long terme à ses employés et à ses investisseurs. À son départ, sept ans après avoir affiché sa volonté de développer la Pensée intégrée dans son organisation Sanford est devenue une <a href="https://www.seafoodsource.com/news/business-finance/sanford-limited-making-big-investments-following-solid-fy2022">entreprise innovante et rentable</a> tout en respectant les ressources environnementales et en valorisant ses ressources humaines. Et ce malgré des années Covid difficiles.</p>
<p>Contrairement à Novo Nordisk, la construction d’une Pensée intégrée chez Sanford est le fruit d’une réflexion collective et de discussions impliquant différentes perspectives et différents niveaux organisationnels. Depuis 2014, l’organisation produit un rapport intégré dans lequel, elle aussi, « raconte son histoire » de façon transparente à ses parties prenantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202180/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De nouvelles normes comptables se donnent pour objectif de mieux cadrer les décisions prises en amont. Elles peuvent néanmoins aussi être insufflées de façon plus informelles.Sabrina Roszak, Assistant professor, SKEMA Business SchoolAziza Laguecir, Professeur, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964102022-12-14T18:41:35Z2022-12-14T18:41:35ZLa comptabilité entame sa mue socio-environnementale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/500386/original/file-20221212-92053-ahj4fp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C28%2C1160%2C811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Europe, les informations fournies par les entreprises seront désormais certifiées et auditées par des organismes tiers indépendants.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/68751915@N05/6848822477">Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fin novembre 2022, le Conseil de l’Union européenne (UE) a entériné la <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/11/28/council-gives-final-green-light-to-corporate-sustainability-reporting-directive/">directive CSRD</a> (Corporate Sustainability Reporting Directive) adoptée précédemment par le parlement européen. Dorénavant, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/responsabilite-societale-des-entreprises-rse-21111">responsabilité sociétale et environnementale des entreprises (RSE)</a> va se traduire par une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/comptabilite-24153">comptabilité</a> normée reposant sur une mesure sérieuse de la performance sur d’autres dimensions que financières.</p>
<p>En retraçant l’impact environnemental dans les comptes d’une entreprise, on s’engage dans une démarche de progrès visant à considérer la nature non pas comme un actif à exploiter mais comme une ressource à préserver. Cette prise de conscience se traduit en comptabilité par la prise en compte d’une <a href="https://www.agridees.com/app/uploads/2022/05/Note-Comptabilite-socio-environnement.pdf">matérialité« socio-environnementale »</a>). Or, dans sa forme actuelle, le cadre comptable accorde jusqu’à présent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-bibliotheque-ideale-de-l-eco/la-revolution-comptable-avec-jacques-richard-8339392">peu de place à l’écologie</a>, les règles comptables restant ancrées dans une vision purement utilitariste des ressources naturelles.</p>
<p>La CSRD vise à combler les lacunes de la législation existante en matière de publication d’informations non financières (NFRD, Non Financial Reporting Disclosure). Les informations sur l’impact environnemental et sociétal à publier dans le rapport de gestion seront <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20221107IPR49611/durabilite-le-parlement-adopte-de-nouvelles-regles-pour-les-multinationales">plus détaillées</a>.</p>
<h2>Treize thématiques, quatre thèmes</h2>
<p>Les informations fournies par les entreprises seront en outre certifiées et auditées par des organismes tiers indépendants. Grâce à la CSRD, les informations financières et celles relatives à la durabilité seront mises sur un pied d’égalité, ce qui permettra aux investisseurs de disposer de données fiables et comparables. Les informations sur la durabilité devront également être <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20221107IPR49611/durabilite-le-parlement-adopte-de-nouvelles-regles-pour-les-multinationales">consultables et accessibles en ligne</a>.</p>
<p>Le texte européen trouve son origine dans les travaux de l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group), une institution indépendante créée en 2001 afin de conseiller sur le plan technique la Commission européenne sur l’adoption de nouvelles normes comptables. Dans le cadre proposé, les impacts des activités de l’entreprise sur son environnement (économique, social, naturel) sont pris en compte.</p>
<p>L’EFRAG a publié une première série de treize exposés-sondage (<em>Exposure Drafts</em>) qui ont débouché sur des normes européennes de rapport sur le développement durable (ESRS, European Sustainability Reporting Standards). Ces normes seront obligatoirement applicables au sein de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> pour toutes les entreprises concernées. Elles posent les bases d’un langage standardisé commun pour traiter des questions de durabilité à travers l’Europe.</p>
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<p>Les exposés-sondage de l’EFRAG regroupent <a href="https://www.efrag.org/Assets/Download?assetUrl=%2Fsites%2Fwebpublishing%2FSiteAssets%2FSLIDES%20OUTREACH%20FRANCE%20version%2018h.pdf">treize thématiques autour de quatre thèmes</a> : soit transverses (principes généraux, stratégie, gouvernance, évaluation de la matérialité), soit traitant de l’environnement (changement climatique, pollution, eau et ressources marines, biodiversité et écosystèmes, utilisation des ressources et économie circulaire), du social (main-d’œuvre, communautés touchées, consommateurs et utilisateurs finaux), de la gouvernance (gestion des risques et contrôle interne, conduite des affaires).</p>
<p>Par son caractère structurant du changement, la comptabilité socio-environnementale (CSE par la suite) peut-être un levier d’action efficace. Depuis son origine, la comptabilité sert à retracer les activités économiques et financières d’une organisation. Comme l’a fait remarquer lors d’une <a href="https://www.daf-mag.fr/Thematique/BI-1244/transformation-processus-2133/Breves/comptabilite-integree-revolution-est-marche-367123.htm">conférence</a> Patrick de Cambourg (président de l’ANC – Autorité des normes comptables) :</p>
<blockquote>
<p>« On sort d’une période friedmannienne où seule la performance financière comptait. Aujourd’hui, on cherche une méthodologie pour exprimer le fait que la création de richesse de l’entreprise est autrement plus vaste et complexe. Un changement très important est en marche pour donner de l’entreprise une image complète, et non plus partielle. »</p>
</blockquote>
<p>Les récents rapports du Stockholm Resilience Center sur <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">l’atteinte des limites planétaire</a> et du World inequality lab sur les <a href="https://wid.world/fr/accueil/">inégalités mondiales</a> soulignent aujourd’hui l’urgence à adopter un comportement socialement responsable et respectueux de l’environnement au détriment de modèles économiques uniquement fondés sur une performance financière à court terme.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deux-conceptions-de-lentreprise-responsable-friedman-contre-freeman-195344">Deux conceptions de l’entreprise « responsable » : Friedman contre Freeman</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les évolutions européennes récentes semblent donc une avancée dans le bon sens. Déjà, on ne peut plus aujourd’hui se contenter de piloter une entreprise par la marge et/ou par le cash : à cette dimension financière, doit être rajoutée la dimension de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Ce changement est d’autant plus nécessaire que les critères ESG pourraient à plus ou moins long terme être intégrés par les établissements bancaires dans leur analyse du risque crédit. D’ailleurs, la Banque de France intègre déjà dans sa cotation des <a href="https://entreprises.banque-france.fr/lapproche-rse">critères RSE</a>.</p>
<h2>« L’argent n’est pas comestible »</h2>
<p>D’autre part, le principe d’éco-conditionnalité, appliqué aujourd’hui aux particuliers réalisant des travaux de rénovation énergétique dans leur habitat, pourrait concerner demain les entreprises. Ainsi, dans le cadre du plan de sobriété énergétique présenté par le gouvernement en octobre 2022, les entreprises qui s’engagent dans une maîtrise de leurs dépenses énergétiques et une démarche de production moins polluante peuvent bénéficier d’aides et de financements publics tels que par exemple des <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/aides-entreprises-transition-ecologique">aides ou des prêts</a>.</p>
<p>La comptabilité socio-écologique permet donc d’envisager le pilotage d’une performance économique responsable et durable en faisant évoluer les modèles d’affaires et en les structurant autour d’une meilleure gestion des risques sociétaux et environnementaux. Le passage d’une vision financière à court terme au pilotage d’une performance globale et durable est un défi à relever mais également une véritable source d’opportunités.</p>
<p>La question essentielle à se poser reste le rapport des entreprises avec leur environnement naturel. En effet, comme le dit le proverbe indien, « lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Conseil de l’Union européenne a entériné fin novembre une directive qui ouvre la voie vers un cadre comptable intégrant la performance RSE des entreprises.Stéphane Ouvrard, Professeur associé en Finance/Comptabilité, Kedge Business SchoolPascal Barneto, Professeur des Universités, IAE BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830812022-11-21T15:38:47Z2022-11-21T15:38:47ZRapports annuels des entreprises : écrire pour ne pas être lu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469002/original/file-20220615-14-jk21y7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C985%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nombreux travaux académiques mêlant recherche en comptabilité et linguistique montrent que les documents comptables sont peu lisibles, voire même illisibles.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>Celui qui parle de transparence n’a jamais rencontré un comptable de sa vie.</p>
</blockquote>
<p>Cet adage, bien connu dans le monde des affaires, est une excellente introduction à la qualité de l’information comptable actuelle. Des concepts aux frontières floues, comme celui de l’<a href="https://comptabilite.ooreka.fr/astuce/voir/754725/principe-comptable-d-image-fidele#:%7E:text=Le%20principe%20comptable%20de%20l,et%20financi%C3%A8re%20de%20l%E2%80%99entit%C3%A9.">image fidèle</a>, qui supposerait que les entreprises présentent le plus fidèlement la réalité économique prévalant dans leurs comptes bancaires, ont été développés depuis des décennies.</p>
<p>Or, penser que les documents comptables, comme les rapports annuels, sont transparents est un mythe.</p>
<p>L’objectif de cet article est de tenter de démystifier la qualité de l’information comptable publiée.</p>
<p>Depuis près de 20 ans, j’enseigne l’utilisation de l’information comptable à des des étudiants et des à professionnels en exercice. J’ai toujours noté une certaine forme de naïveté face aux documents comptables, basée sur l’idée qu’il existe une vérité comptable. La réalité est différente et se elle détériore, l’information est de moins en moins lisible.</p>
<h2>Une information disponible, mais illisible</h2>
<p>Pour être utile, l’information publiée devrait être lisible. Or, l’essentiel des travaux académiques réalisés à ce jour montre que les documents comptables ne le sont pas.</p>
<p>Le concept de lisibilité, issu de la recherche en linguistique, s’est développé dans le secteur financier à la fin des années 1990. En 1998, Arthur Levitt, alors président de l’autorité boursière américaine (<a href="https://www.sec.gov/"><em>Securities Exchange Commission</em></a>), a exprimé son opinion dans l’introduction de l’ouvrage <a href="https://www.sec.gov/pdf/handbook.pdf">« A Plain English Handbook »</a> :</p>
<blockquote>
<p>I urge you – in long and short documents, in prospectuses and shareholder report – to speak to investors in words they can understand.</p>
<p>(Je vous demande instamment – dans les documents, qu’ils soient longs ou courts, dans les prospectus d’introduction en bourse et dans les rapports aux actionnaires – de vous adresser aux investisseurs avec des mots qu’ils peuvent comprendre)</p>
</blockquote>
<p>Levitt requiert que les entreprises utilisent un langage simple, soit un langage qui présente les qualités suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Phrases courtes ;</p></li>
<li><p>Langage courant, concret et précis ;</p></li>
<li><p>Voix active ;</p></li>
<li><p>Présentation sous forme de tableaux pour les informations complexes ;</p></li>
<li><p>Pas de jargon juridique ;</p></li>
<li><p>Pas de phrases doublement négatives ».</p></li>
</ul>
<h2>Une évaluation quantitative de la lisibilité</h2>
<p>Afin d’évaluer quantitativement la lisibilité d’un texte, des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-linguistique-appliquee-2015-2-page-99.htm">indices de lisibilité ont été développés depuis plus de 80 ans</a>. Ces indices sont calculés à partir de différentes mesures : la longueur des mots, la longueur des phrases et le nombre de syllabes des mots. Dans ce cadre, la lisibilité est associée à la compréhensibilité d’un texte et à sa mémorisation. La compréhensibilité est liée la longueur des mots, c’est-à-dire la vitesse de reconnaissance du mot par le lecteur, alors que la longueur des phrases est liée au délai de mémorisation.</p>
<p>L’indice de lisibilité le plus populaire est l’<a href="https://doi.org/10.1037/h0057532">indice de Flesch</a>. Sa valeur, qui varie entre 0 et 100, est calculée en fonction du nombre de syllabes pour 100 mots et du nombre moyen de mots par phrase. Le score obtenu peut être interprété à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=230&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466111/original/file-20220530-14-3fm35f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=289&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Flesch.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Flesch (1948)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’indice de Flesch est, notamment, utilisé dans le secteur des assurances aux États-Unis. Par exemple, la loi du Connecticut impose que les contrats d’assurance aient un <a href="https://www.cga.ct.gov/current/pub/chap_699a.htm">indice de Flesch supérieur à 45</a>, ce qui permet à une partie importante de la population de les comprendre. En matière comptable, la littérature académique montre que les rapports annuels au niveau mondial ont, en moyenne, un <a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Flesch proche de 30</a>.</p>
<p>Un autre indice de lisibilité, l’<a href="https://doi.org/10.1177/002194366900600202">indice Fog</a>, a également pris une place importante. Cet indice est une variante de l’indice de Flesch, qui remplace essentiellement le nombre de syllabes par le nombre de mots composés de plus de trois syllabes, qui sont jugés plus difficiles à lire. Son calcul dépend donc du nombre de mots, du nombre de phrases et du nombre de mots de plus de trois syllabes. Sa valeur peut être interprétée à l’aide du tableau suivant :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=299&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466110/original/file-20220530-12-5movf7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interprétation de l’indice Fog.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux, adapté de l’article de Gunning (1969)), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon une analyse de données internationales, l’<a href="https://doi.org/10.1111/1911-3838.12275">indice Fog moyen des rapports annuels est proche de 20</a>.</p>
<h2>Une information comptable qui enfle avec le temps</h2>
<p>En plus de la lisibilité, pour qu’une information soit pertinente, elle ne doit pas être noyée dans une masse d’autres informations. Or, il est aujourd’hui impossible d’absorber les informations publiées par les entreprises, car elles sont, année après année, de plus en plus volumineuses.</p>
<p>La multiplication des réglementations et des normes a provoqué une hausse significative du volume d’informations exigées (<a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs/publications/ifrs-guide-sommaire-ressources">normes internationales d’information financière (IFRS)</a>, <a href="https://www.pwc.com/ca/fr/today-s-issues/environmental-social-and-governance.html">critères ESG – environnement, société et gouvernance</a>).</p>
<p>Le graphique ci-dessous indique l’évolution du nombre de pages des rapports annuels des plus grandes entreprises cotées au Canada. En vingt ans, le nombre de pages des rapports annuels a doublé. Ce résultat, déjà impressionnant, doit être mis en parallèle à la multiplication des rapports nouvellement exigés, dont les rapports environnementaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466109/original/file-20220530-18-ht8d44.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de pages moyen des rapports annuels des grandes entreprises canadiennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Julien Le Maux), Fourni par l’auteur</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quel avenir pour la profession comptable ?</h2>
<p>À l’heure actuelle, le rapport annuel est illisible et trop volumineux pour pouvoir être réellement utile.</p>
<p>En classe, je pose régulièrement une question quelque peu provocatrice, mais qui a pour but de faire réagir les étudiants sur leur futur métier :</p>
<blockquote>
<p>Pourquoi passe-t-on autant de temps à produire de l’information comptable si, finalement, elle est illisible et trop volumineuse ?</p>
</blockquote>
<p>Récemment, deux étudiants ont formulé des réponses intéressantes. Le premier a dit :</p>
<blockquote>
<p>Plus les documents sont volumineux, plus nos honoraires seront élevés. Alors, où est le problème ?</p>
</blockquote>
<p>Le second se posa une question plus fondamentale :</p>
<blockquote>
<p>Si les documents que nous produisons assomment les utilisateurs en étant illisibles, à quoi servons-nous ?</p>
</blockquote>
<p>Ce sont deux points de vue pertinents qui doivent amener la profession comptable à se poser de nouvelles questions sur son avenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183081/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Le Maux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rapports annuels des entreprises sont illisibles et trop volumineux. Leur utilité est donc limitée.Julien Le Maux, Professeur titulaire, département de sciences comptables, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1924262022-10-17T15:46:15Z2022-10-17T15:46:15ZLes six impacts de la blockchain sur la profession d’audit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489540/original/file-20221013-23-4wbcws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C31%2C1885%2C1238&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les cabinets d'audit investissent plusieurs milliards de dollars par an dans la technologie blockchain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=373594&picture=blockchain">Publicdomainpictures.net</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/blockchain-28780">blockchain</a>, comme d’autres <a href="https://theconversation.com/technologie-numerique-robotique-pour-changer-le-monde-du-travail-de-demain-61421">nouvelles technologies numériques</a> (robotique, big data, analytics, intelligence artificielle, etc.), est en train de <a href="https://www.forbes.fr/business/reinventer-son-business-model-a-lheure-de-la-blockchain/">bouleverser les pratiques au sein des entreprises</a>, y compris dans les <a href="https://www.laprofessioncomptable.com/article/audit-commissaires-aux-comptes/blockchain-et-audit-decollage-imminent">cabinets d’audit</a>, qui ont pour mission de certifier les comptes et d’apporter du conseil aux entreprises. Si le système de traitement et de validation de l’information, qui est l’objet même de l’audit, est en train de changer avec la blockchain, cela impacte les activités des cabinets et la manière dont ils concevront à l’avenir leur modèle économique.</p>
<p>Conscients du potentiel de développement très important de la blockchain, les cabinets d’audit investissent <a href="https://ro.uow.edu.au/aabfj/vol12/iss4/6/">plusieurs milliards de dollars par an</a> dans cette technologie. Comme <a href="https://theconversation.com/comment-le-digital-et-les-big-data-vont-transformer-le-metier-des-cabinets-daudit-111656">d’autres technologies</a>, la blockchain présente des défis et des opportunités que les auditeurs doivent comprendre et saisir, au risque de voir leur profession exercée par d’autres sociétés technologiques. Comment la blockchain va-t-elle transformer le métier ? Quelle est la perception des auditeurs des implications possibles de cette technologie sur le <a href="https://www.l-expert-comptable.com/a/529542-la-methodologie-d-audit.html">processus d’audit</a> et le développement de leur métier ?</p>
<p>Sur la base d’une <a href="https://ideas.repec.org/a/cai/jiedbu/jie_pr1_0103.html">étude</a> qualitative menée sur un échantillon d’auditeurs impliqués dans cette technologie au sein des « big four », qui désignent les quatre cabinets d’audit dans le monde, nos résultats montrent que la blockchain pourrait impacter les cabinets d’audit au moins à six niveaux clés.</p>
<h2>1. Vers un audit plus pertinent</h2>
<p>La blockchain facilite la <a href="https://www.pimido.com/business-comptabilite-gestion-management/comptabilite/dissertation/dematerialisation-documents-comptables-539368.html">dématérialisation des documents comptables</a> qui ne sont plus des documents papiers mais des documents électroniques avec une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03319516/">identification unique et inviolable</a>. Cette procédure permet une diffusion simultanée et sécurisée des informations et documents, ce qui donne plus de confiance aux données communiquées entre les différentes parties prenantes.</p>
<p>L’information comptable, qui représentait une information spécifique à chaque entreprise, sera transformée, avec la blockchain, en un système d’information partagé et certifié collectivement.</p>
<p>Selon nos répondants, ce processus a un impact positif sur le travail de l’auditeur. Comme toutes les informations et tous les documents stockés sur une blockchain sont disponibles, les auditeurs pourront accéder à toutes ces informations sans avoir à attendre et à les demander à leurs clients. Un associé de l’un des « Big Four » s’en réjouit :</p>
<blockquote>
<p>« Le processus d’audit peut être effectué à distance, ce qui permet d’économiser du temps et des coûts précédemment consacrés à la collecte et à la vérification des preuves. »</p>
</blockquote>
<p>Ce gain de temps permettra aux auditeurs de se concentrer sur les activités à forte valeur ajoutée pour le client comme <a href="https://www.ifac.org/system/files/publications/files/FR-Audit-des-estimations-comptables-dans-un-environnement-perturbe-par-la-Covid-19_0.pdf">l’analyse des estimations comptables</a> en fin d’exercice, <a href="https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/feuilletage-les-risques-des-blockchains-N-11271-16257.pdf">l’évaluation des systèmes de contrôle au niveau de la blockchain</a>, <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02129159/document">l’estimation des zones de risques</a>, etc. Ceci a pour conséquence d’augmenter l’efficacité des audits réalisés et d’améliorer la qualité de l’audit.</p>
<h2>2. Vers un audit complet des données</h2>
<p>Actuellement, l’audit est basé sur des données historiques relatives aux états financiers de l’année précédente et ne fournit qu’un <a href="http://cac-associations.fr/dossier/les-diligences-du-commissaire-aux-comptes-lors-de-la-phase-finale-de-controle-des-comptes-annuels">niveau de certification raisonnable</a>. L’opinion de l’auditeur est principalement basée sur une <a href="https://www.cairn.info/l-audit--9782707152800-page-29.htm">approche fondée sur l’analyse des risques</a> associé à l’entreprise, son organisation et son <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=Tfu0VfMZeM4C">système de contrôle interne</a> et sur l’utilisation des <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-de-l-auditeur-financier-2e-ed--9782100811533-page-92.htm">techniques d’échantillonnage dans les travaux d’audit</a>. Or, comme le souligne un enquêté :</p>
<blockquote>
<p>« En plus d’offrir des informations authentiques et codées, la blockchain offre la possibilité de faire évoluer le processus d’audit d’un contrôle d’une partie raisonnable des informations disponibles à un contrôle exhaustif de toutes les données disponibles… »</p>
</blockquote>
<p>En effet, comme la blockchain offre l’accès à toutes les données de l’entreprise qui deviennent instantanément disponibles, l’auditeur peut, dans ce cas, réaliser un audit utilisant toutes ces données. Cela est notamment possible lorsqu’elle est combinée avec d’autres technologies comme le big data, la robotique et l’analytics.</p>
<h2>3. Vers un audit centré sur le test des contrôles</h2>
<p>Comme certaines transactions frauduleuses peuvent être glissées dans « la chaîne », l’efficacité des contrôles internes entourant la blockchain devient par ailleurs un élément crucial dans le processus d’audit. Ainsi, l’audit portera donc davantage sur le test des systèmes de contrôle mis en place dans la blockchain que sur les tests de transactions comme traditionnellement, souligne une personne interviewée :</p>
<blockquote>
<p>« La véritable question pour l’auditeur ne serait plus de vérifier l’authenticité des transactions conclues, mais plutôt de vérifier l’efficacité des systèmes de contrôle mis en place pour les sécuriser ».</p>
</blockquote>
<p>Face à une blockchain spécifique, l’auditeur devra se concentrer sur des éléments comme la qualité du code de la blockchain, les changements de protocole, la répartition du pouvoir entre les pairs, etc. plutôt que sur des tests de transactions directes pour s’assurer de la fiabilité des informations hébergées sur cette blockchain.</p>
<h2>4. Vers un audit continu</h2>
<p>Aujourd’hui, l’auditeur intervient pour vérifier des informations anciennes relatives à l’exercice passé. L’utilisation généralisée de la blockchain dans les pratiques commerciales va, selon nos répondants, offrir aux auditeurs la possibilité d’élargir leurs champs d’audit en mettant en place un processus <a href="https://revuefreg.fr/index.php/home/article/view/217">d’audit continu</a> permettant la validation des informations dès leur production.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>En effet, plusieurs vérifications d’informations qui faisaient partie du processus d’audit traditionnel (post-clôture) ne seront plus nécessaires si ces informations sont stockées et peuvent être examinées sur une blockchain. Par exemple, l’inventaire qui se faisait manuellement peut être réalisé rapidement et en continu avec la blockchain.</p>
<h2>5. Vers un rôle plus stratégique d’audit</h2>
<p>Une fois la technologie blockchain intégrée et appliquée plus largement, le rôle des cabinets d’audit évoluerait, selon nos répondants, vers un rôle plus stratégique. Compte tenu de la disponibilité des données via la blockchain, l’auditeur sera en mesure d’analyser ces données, de les interpréter pour leur donner du sens et les rendre utiles à la prise de décision des dirigeants. Comme le reconnaît un associé au sein d’un big four :</p>
<blockquote>
<p>« Nos clients ont très souvent perçu l’audit comme un centre de coût à faible valeur ajoutée. La blockchain donne aujourd’hui l’opportunité à la profession de rendre l’audit plus pertinent permettant aux clients d’identifier leurs faiblesses, de faire progresser leurs systèmes de contrôle et de développer leurs activités ».</p>
</blockquote>
<p>L’auditeur peut donc passer d’un simple contrôleur de la fiabilité de l’information à un conseiller stratégique pour son client et donc à un partenaire essentiel.</p>
<h2>6. Vers le développement de nouveaux services</h2>
<p>Enfin, la blockchain donne aux auditeurs l’opportunité de proposer de nouveaux services. Selon nos interviewés, les cabinets d’audit peuvent par exemple jouer le rôle de planificateur et de coordinateur des participants potentiels d’une blockchain. De même, ils peuvent tirer parti de leur expertise en matière <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Audit-informatique-page-2.html">d’audit informatique</a> pour développer de nouveaux services d’audit du contrôle interne des blockchains, y compris l’intégrité et la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/25/blockchain-securite-des-donnees-pour-les-uns-independance-pour-les-autres_6012937_3232.html">sécurité des données</a>, la gestion du changement et la <a href="https://theconversation.com/comment-la-blockchain-va-changer-la-gouvernance-des-entreprises-84079">gouvernance des blockchains</a> :</p>
<p>Pour que les cabinets d’audit puissent relever ce dernier défi, comme les cinq décrits précédemment, et réussir cette transition d’ampleur, ils doivent donc prendre les devants et investir massivement pour s’approprier la technologie. Cela peut notamment passer par le recrutement de nouvelles compétences technologiques dans l’analyse des données, l’acquisition de start-up spécialisées dans la blockchain et la formation du personnel existant afin qu’il puisse s’adapter aux défis futurs.</p>
<p>En outre, les cabinets d’audit doivent aussi développer une culture de l’innovation dans toutes leurs unités opérationnelles pour garantir l’évolution de leur offre de services et s’adapter aux nouveaux besoins du marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192426/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les premières applications dans les plus grands cabinets montrent notamment que les auditeurs devraient gagner du temps pour proposer des services à plus forte valeur ajoutée à leurs clients.Riadh Manita, Professeur associé, Neoma Business SchoolNajoua Elommal, Enseignant chercheur, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910322022-09-21T18:29:01Z2022-09-21T18:29:01ZLes superprofits sont aussi gonflés comptablement par l’inflation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485628/original/file-20220920-9407-ppvp23.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1192%2C797&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2021, les entreprises du CAC 40 ont dégagé des profits records atteignant 160&nbsp;milliards d’euros.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:La_Defense_Paris_%28128078875%29.jpeg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2021, les entreprises françaises, comme leurs homologues dans les pays occidentaux, ont été portées par la forte reprise pandémique et ont dégagé des profits records : <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-geants-du-cac-40-ont-degage-des-profits-record-de-160-milliards-deuros-en-2021-1394677">près de 160 milliards d’euros pour les sociétés de CAC 40</a> contre 100 milliards en 2007, le précédent plus haut historique. Selon une étude publiée fin août, ces résultats ont conduit à une distribution de <a href="https://cdn.janushenderson.com/webdocs/H050642_0822_Issue+35_ENGLISH.pdf">plus de 44 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires</a> au cours du deuxième trimestre de l’année.</p>
<p>Ces chiffres, publiés alors que le pouvoir d’achat des ménages français reste sous tension, ont engendré un débat sur une éventuelle taxation de ces « superprofits ». D’un côté, on retrouve ceux qui, à l’instar du ministre de l’Économie Bruno Le Maire, <a href="https://youtu.be/vpV34tZpbqE">ignorent ce qu’est un superprofit</a> (terme qui n’a pas de définition reconnue mais qui peut désigner une surperformance liée à une cause externe, comme la hausse des prix pour les énergéticiens ou renvoyer à des profits historiquement jugés à la fois démesurés et immoraux, comme les profits de guerre). Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a quant à lui souligné que ces profits étaient déjà taxés et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/08/29/superprofits-pour-le-president-du-medef-l-etat-est-le-plus-grand-superprofiteur_6139372_823448.html">augmentaient les recettes de l’État</a>. La question est bien de savoir si elle pourrait l’être davantage.</p>
<p>De l’autre côté, les oppositions, qui avaient proposé cet été une taxation de ces profits exceptionnels dans le débat sur le projet de loi finances. Leurs <a href="https://www.leparisien.fr/economie/cest-quoi-les-superprofits-cinq-minutes-pour-comprendre-29-08-2022-RVW2RPXYDVAI7O3H7UESIACOYY.php">amendements ont été rejetés</a> à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Au-delà du cas français, le prix « Nobel » d’économie américain Joseph Stiglitz s’est récemment positionné dans le camp de ceux qui trouvent la taxation <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/face-a-l-envolee-des-prix-l-economiste-joseph-stiglitz-pousse-les-etats-a-taxer-les-superprofits-932907.html">légitime</a>. Ces derniers avancent notamment un argument moral pour justifier une telle mesure, faisant notamment le lien entre la générosité des plans de relance et les profits actuels.</p>
<h2>Des profits encore plus « supers » pour les résultats 2022 ?</h2>
<p>Un argument semble toutefois occulté dans le débat actuel : l’inflation fait gonfler artificiellement les profits. Or, si la hausse des prix à la consommation restait relativement contenue en 2021, année où les superprofits ont été enregistrés, elle atteignait fin août <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/evolution-des-prix-a-la-consommation">5,8 % en France en rythme annuel</a> en août dernier (9,1 % en zone euro). L’effet devrait donc jouer pleinement sur les résultats des entreprises en 2022 qui seront publiés en 2023.</p>
<p>Quel est le mécanisme ? Le profit se définit par l’accroissement (et les pertes par la diminution) des capitaux propres, c’est-à-dire les ressources financières d’une entreprise d’une année sur l’autre (hors dette). Or, et c’est le propre de l’inflation, la valeur nominale des capitaux propres diminue d’une année sur l’autre : 100 000 euros de capitaux propres l’année N valent plus que 100 000 euros l’année N+1 puisque l’inflation est venue en rogner la valeur entre-temps.</p>
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<p>Ainsi, en période d’inflation, un profit nominal peut correspondre à une perte réelle. Par exemple, pour des capitaux propres de 100 000 euros et une inflation de 10 %, tout profit de moins de 10 000 euros constitue une perte réelle. Plus les taux d’inflation montent, plus les profits apparents peuvent donc induire en erreur les parties prenantes en laissant croire à une situation des entreprises meilleure qu’elle n’ait.</p>
<h2>Le précédent allemand</h2>
<p>Ce cas s’est déjà présenté par le passé et l’histoire des périodes inflationnistes permet d’envisager les conséquences qui pourraient en résulter. En premier lieu, les politiques de versement des dividendes pourraient en être affectées. En effet, une entreprise ne peut servir ses actionnaires qu’en cas de résultat positif. Si les profits apparaissent fictifs comme dans notre exemple précédent, il existe donc un risque donc de verser des dividendes excessifs qui ne reflètent pas la performance économique réelle de la société.</p>
<p>Un <a href="https://histcompta.hypotheses.org/author/histcompta">cas exemplaire</a> est celui l’Allemagne de l’après-Première Guerre mondiale : l’épisode d’envolée des prix entraîna de nombreux profits apparents qui étaient en réalité des pertes. Dans une <a href="https://nantilus.univ-nantes.fr/vufind/Record/PPN052217396">analyse comptable de la crise hyperinflationniste allemande</a> publiée en 1926, Raffegeau et Lacout avaient collecté les statistiques allemandes concernant le capital de 40 grandes sociétés allemandes entre 1913 (avant la guerre et l’épisode inflationniste) et 1924 (après le rétablissement de l’étalon or pour le mark) qui versaient des dividendes à leurs actionnaires. Or, selon les auteurs, seules 4 entreprises avaient réussi à maintenir leur capital social (le montant des ressources apportées par les associés à la fondation de l’entreprise) et 10 de ces sociétés l’avaient réduit de plus de 90 %.</p>
<p>En 1924, le changement de monnaie amena à une politique drastique qui interdit le versement de dividendes avant d’avoir rétabli le capital social au niveau initial, ce qui entraîna semble-t-il une fuite des capitaux hors d’Allemagne. Pour reprendre les qualificatifs des auteurs, « la comptabilité perd son exactitude, sa sincérité et sa véracité ».</p>
<p>Le cas allemand est évidemment extrême et nous sommes loin en France ou dans l’Union européenne d’un tel épisode d’hyperinflation au cours duquel <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/a-vos-marks-1923-l-hyperinflation-ruine-l-allemagne-2520393">l’augmentation des prix mensuels pouvait dépasser les 50 %</a>. Néanmoins, les cumuls d’inflation peuvent amener à la sous-évaluation très forte de certains actifs, par exemple les actifs immobiliers. Achetés parfois plusieurs décennies auparavant, ces actifs peuvent générer une importante plus-value pouvant porter en germes de futurs scandales : la revente à des sociétés-écrans pour capter les plus-values et aboutir à de rapides enrichissements.</p>
<p>Mais la prise en compte de l’effet comptable de l’inflation sur les résultats pourrait également aboutir à une gestion des résultats plus conforme aux performances réelles de l’entreprise, permettant ainsi à certains dirigeants de reprendre l’ascendant sur les actionnaires dans la gouvernance après plusieurs décennies où le court-termisme des actionnaires et des parties prenantes financières a fait beaucoup de mal aux entreprises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Labardin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La hausse des prix conduit les entreprises à afficher des résultats annuels dont la valeur reflète moins précisément la performance économique réelle des entreprises. Explications.Pierre Labardin, Professeur des Universités, IAE La RochelleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1875472022-07-24T15:49:29Z2022-07-24T15:49:29ZLes followers, un actif immatériel au cœur de la discorde entre Elon Musk et Twitter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475604/original/file-20220722-19-odxn32.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C44%2C1988%2C1257&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les faux comptes sont aujourd’hui estimés selon les parties prenantes à plus ou moins de 5&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yusamoilov/49896915841">Yuri Samoilov/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 8 juillet 2022, l’homme d’affaires <a href="https://theconversation.com/fr/topics/elon-musk-30803">Elon Musk</a> a annoncé mettre <a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220708-%F0%9F%94%B4-le-milliardaire-elon-musk-renonce-finalement-%C3%A0-racheter-twitter">fin à son projet de rachat du réseau social Twitter</a>, au prix de 54,20 dollars par action, qui valorisait l’entreprise à environ 44 milliards de dollars (43 milliards d’euros). Le 13 mai, le milliardaire avait déjà annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/05/13/elon-musk-annonce-la-suspension-du-rachat-de-twitter-l-action-du-reseau-social-s-effondre_6125969_4408996.html">suspendre le rachat</a> à cause de son inquiétude quant au nombre réel de faux comptes sur le réseau social, faisant plonger l’action du groupe d’environ 20 %.</p>
<p>« Twitter <a href="https://www.liberation.fr/economie/economie-numerique/elon-musk-contre-twitter-le-proces-aura-lieu-en-octobre-un-bon-point-pour-le-reseau-social-20220719_TTNEPYRARRBIZKI6H7PY2FPOWI/">n’a pas respecté de multiples clauses de l’accord</a> et semble avoir donné des informations fausses et trompeuses sur lesquelles Elon Musk s’est basé pour s’engager dans l’accord d’acquisition », expliquent les avocats de l’entrepreneur à la SEC (Security and Exchange Commission), le gendarme de la bourse américaine.</p>
<p>Le désaccord repose principalement sur l’estimation du nombre d’utilisateurs de Twitter, les fameux followers, les faux comptes sont estimés selon les parties prenantes <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/06/08/twitter-va-fournir-les-donnees-sur-les-faux-comptes-a-elon-musk_6129446_4408996.html">à plus ou moins de 5 %</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-projets-delon-musk-pour-twitter-un-populisme-de-plate-forme-182006">Les projets d’Elon Musk pour Twitter : un populisme de plate-forme ?</a>
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<p>Les débats juridiques concernent donc la valorisation des utilisateurs de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/twitter-22707">Twitter</a>, c’est-à-dire ce que la finance appelle des actifs incorporels, et sur la publication d’informations financières à leur sujet. Si les marques, les brevets, le nombre de clients ou encore les technologies, savoir-faire et procédés de fabrication n’ont pas de substance physique, ces actifs incorporels contribuent néanmoins significativement à la création de valeur des sociétés qui les contrôlent. Pourtant, contrairement aux actifs corporels, les entreprises ne sont généralement pas tenues de publier des informations sur leurs actifs incorporels… sauf lors d’une acquisition.</p>
<h2>Une information financière utile</h2>
<p>Les actifs incorporels peuvent en effet jouer un rôle majeur lorsqu’une entreprise en rachète une autre. L’acquéreur peut par exemple réaliser l’opération dans le seul but de contrôler une marque ou une technologie détenue par une autre entreprise. Lors de ces opérations, l’acquéreur est donc obligé de reconnaître et de communiquer l’ensemble des actifs incorporels de l’entreprise acquise. Or cette obligation de publication est actuellement appliquée avec une rigueur variable d’une société à l’autre, conduisant à une information qui diffère grandement en fonction des opérations.</p>
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<p>Pourtant, comme nous le montrons dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2019-2-page-5.htm?ref=doi">article</a> de recherche récent, la publication d’information sur les actifs incorporels constitue un outil particulièrement utile aux analystes financiers. Nous avons étudié le contenu des informations publiées sur les actifs incorporels à la suite près de 500 de regroupements d’entreprises réalisées entre 2002 et 2011 aux États-Unis.</p>
<p>Dans l’ensemble, nos résultats indiquent que les informations fournies et les montants relatifs aux actifs incorporels récemment acquis fournissent des informations pertinentes aux analystes financiers.</p>
<p>L’acquisition de Skype par eBay en 2005, par exemple, est particulièrement illustrative. Si les actionnaires d’eBay avaient su que Skype ne détenait pas de nombreux brevets liés à des programmes exploités dans son activité, cela aurait été une raison suffisante pour avoir un impact négatif sur l’intérêt de l’opération. L’information n’a pas été partagée car ce type de publication n’est, dans le contexte actuel, pas obligatoire. En outre, cette acquisition s’est terminée avec la reconnaissance d’un <em>goodwill</em> (une survalorisation) de <a href="https://www.chegg.com/homework-help/questions-and-answers/ebay-inc-acquired-skype-2005-26-billion-total-purchase-price-23-billion-recorded-goodwill--q30451723">2 300 millions de dollars</a> sur un prix d’acquisition total de 2 600 millions de dollars.</p>
<h2>Une source de désaccords</h2>
<p>De même, après son acquisition de WhatsApp, Facebook a dû compléter l’affection du prix d’acquisition, c’est-à-dire allouer le prix d’acquisition consenti aux actifs acquis, notamment incorporels. Au moment de l’acquisition, le prix payé comprenait 4 milliards en cash, 12 milliards en actions et 3 milliards en actions bloquées (<em>restricted stocks</em>) pour les employés de WhatsApp. La valeur de l’action Facebook ayant grimpé depuis l’annonce de l’opération, le prix d’achat s’est finalement élevé à <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/1455647-20141006-rachat-whatsapp-facebook-paye-finalement-22-milliards-dollars">près de 22 milliards de dollars</a> en 2014. Les actifs incorporels expliquaient manifestement une grande partie du prix consenti pour WhatsApp.</p>
<p>Dans une autre <a href="https://doi.org/10.1080/09638180.2019.1677259">étude</a>, nous avions par ailleurs montré qu’un faible niveau de transparence favorisait à la fois les désaccords entre analystes, traduisant l’incertitude de l’information, et les désaccords entre analystes et managers, indiquant une asymétrie de l’information. On voit avec le cas d’Elon Musk et de Twitter que ces désaccords peuvent concerner d’autres parties et aboutir à des actions en justice.</p>
<p>Ce problème est central pour toutes les sociétés qui cherchent à justifier une acquisition auprès de leurs actionnaires ou encore à éviter de mauvaises surprises. Si la valeur d’une entreprise dépend en grande partie de ces actifs incorporels, ne devrait-on pas alors exiger davantage d’information à leur sujet ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Jeny a reçu des financements de l’Autorite des Bormes Comptables. </span></em></p>Des éléments comme la marque, les brevets, ou encore le nombre d’utilisateurs d’un service, difficiles à quantifier, jouent un rôle essentiel dans le prix d’acquisition d’une entreprise.Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1737082022-05-10T13:57:41Z2022-05-10T13:57:41ZQuel regard portent les étudiants en comptabilité sur la transformation numérique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440746/original/file-20220113-19-11h7ak8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C995%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La profession comptable est l'une des professions les plus touchées par les nouvelles technologies et la transformation numérique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La profession comptable est en plein bouleversement. Depuis quelques années, elle prend conscience de l’abondance des données et de la disponibilité des technologies permettant de les exploiter. Les grands cabinets comptables investissent par exemple des <a href="https://news.bloombergtax.com/financial-accounting/big-four-invest-billions-in-tech-reshaping-their-identities">milliards de dollars</a> pour accélérer <a href="https://doi.org/10.1080/09638180.2021.1882320">l’adoption de nouveaux outils sophistiqués</a> tels que <a href="https://powerbi.microsoft.com/en-ca/what-is-power-bi/">Power BI</a> et <a href="https://www.alteryx.com/">Alteryx</a>.</p>
<p>Alors que certains perçoivent cette transformation comme une menace et soulignent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0040162516302244">l’obsolescence prochaine des métiers de comptabilité</a>, d’autres y voient une opportunité pour automatiser plusieurs aspects de ce secteur et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0890838919300459">renouveler les compétences des comptables professionnels</a>.</p>
<p>Nous sommes tous deux voués à la recherche qualitative explorant divers aspects liés à la pratique et à la réglementation de l’audit. Professeurs agrégés à HEC Montréal, nous menons actuellement un projet de recherche sur les enjeux et les défis de la transformation numérique en comptabilité.</p>
<p>Dans le cadre de ce projet de recherche démarré en septembre 2020, nous avons interrogé des étudiants en fin de parcours scolaire pour devenir des CPA sur l’évolution rapide de la profession à laquelle ils aspirent. La plupart des étudiants interrogés nous ont semblé relativement enthousiastes face à cette transformation.</p>
<p>Nos résultats préliminaires évoquent que cet enthousiasme se manifeste autour de trois principaux éléments :</p>
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<li><p>Les nouvelles compétences qui seront acquises</p></li>
<li><p>L’avantage d’être des « natifs du numérique »</p></li>
<li><p>La versatilité du titre comptable</p></li>
</ol>
<h2>De nouvelles compétences</h2>
<p>Alors qu’on s’attendait à ce qu’ils expriment une certaine forme d’anxiété face à la transformation numérique, les étudiants semblent au contraire impatients de découvrir ce que cette transformation leur réserve en termes d’opportunités professionnelles. Bien qu’ils n’aient pas encore atteint la fin de leur parcours scolaire, ils disent être conscients des changements avec lesquels ils devront composer en pratique, de l’obsolescence imminente de certaines tâches comptables et de la nécessité de développer de nouvelles compétences hors comptabilité.</p>
<p>Ils nous confient que la pandémie de la Covid-19, ayant contribué à accélérer le virage numérique, leur a permis de prendre conscience de l’importance de développer leurs apprentissages personnels en matière de technologies. Plus encore, certains ayant eu la chance d’être en stage dans de grands cabinets nous ont révélé déjà être relativement à l’aise avec quelques outils de traitement et d’analyse de données utilisés en audit.</p>
<p>Même si cet élément est peu généralisable (puisque certains de nos interviewés ont été en stage chez des petits cabinets, moins avancés dans le virage numérique, alors que d’autres n’ont pas du tout eu la chance d’en obtenir), les étudiants semblent tous sûrs que la transformation numérique actuelle leur permettra de développer davantage leurs compétences professionnelles, en juxtaposant la technologie à la comptabilité.</p>
<h2>Des natifs du numérique</h2>
<p>Un élément qui explique aussi l’enthousiasme des étudiants en comptabilité face à la transformation numérique découle du fait que ces jeunes se considèrent comme des « natifs du numérique ». Les étudiants interrogés indiquent qu’ils ont un certain confort à se familiariser avec de nouvelles technologies et de nouveaux outils d’analyse des données. Le fait qu’ils soient à l’aise et particulièrement ouverts aux changements de pratiques induits par la transformation numérique leur fait sentir qu’ils n’auront aucun problème à se faire leur place dans le monde professionnel, notamment auprès de ceux qui sont plus avancés dans l’échelle hiérarchique, mais qui auront beaucoup plus du mal à s’adapter à la transformation qui déferle.</p>
<p>Les étudiants se voient presque comme des futurs mentors pour leurs collègues plus expérimentés en comptabilité, mais moins en technologies. Les étudiants soulèvent qu’avec ces changements rapides, ils arriveront dans un milieu professionnel où tout le monde se retrouvera presque sur un pied d’égalité par rapport aux connaissances technologiques. Les formations en technologies et en sciences des données qui leur seront par ailleurs offertes par leurs futurs employeurs leur donneront, selon eux, davantage les moyens pour se démarquer de l’ancienne génération et pour devenir les leaders de demain.</p>
<h2>La versatilité du titre comptable</h2>
<p>Beaucoup des étudiants interrogés avaient l’air convaincus de la valeur de leur futur titre comptable (CPA), notamment vu les efforts de recrutement et de rétention déployés ces dernières années par les firmes comptables.</p>
<p>Au-delà des cabinets, les étudiants indiquent qu’ils pensent que leurs connaissances plus techniques en comptabilité, en certification ou en fiscalité seront, quelles que soient les avancées technologiques, toujours d’une grande utilité dans le développement de l’économie numérique.</p>
<p>Le cumul de compétences comptables et technologiques leur permettra en quelque sorte d’être des professionnels versatiles qui pourront accompagner plusieurs organisations dans leurs virages numériques. Pour s’assurer de cette versatilité, les étudiants se disent prêts à se lancer dans d’autres formations spécialisées qui leur permettront de tirer leur épingle du jeu, en plus du titre CPA.</p>
<h2>L’université, une déception ?</h2>
<p>En dépit de leur grand optimisme, plusieurs étudiants nous confient avoir été surpris, voire choqués, du retard qu’affichent leurs programmes d’études universitaires en comptabilité par rapport à certaines avancées technologiques qu’ils ont découvertes dans d’autres formations, dans le cadre de leurs stages professionnels, ou carrément dans leur vie de tous les jours.</p>
<p>Plusieurs nous ont ainsi fait part de leur déception de réaliser que leur parcours universitaire n’est pas suffisamment arrimé avec la réalité changeante de la pratique professionnelle qui les attend.</p>
<p>En tant qu’enseignants à l’université, nous ne pouvons que joindre notre voix à celles de ces étudiants pour décrier l’urgence que revêt aujourd’hui la prise en compte de la transformation numérique aux cursus académiques, au risque de voir les étudiants rapidement se désintéresser de l’université.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173708/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mouna Hazgui a reçu des financements de Fonds de Recherche Société et Culture</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Dermarkar est membre de l'Ordre des CPA du Québec. Il a reçu des financements de l'Association canadienne des professeurs de comptabilité (l'ACPC) et de CPA Canada dans le cadre du projet qu'il mène sur la transformation numérique.</span></em></p>Les étudiants en comptabilité se questionnent sur la pertinence de leur formation universitaire actuelle et sur l’avenir de leur carrière professionnelle dans un contexte de transformation numérique.Mouna Hazgui, Associate professor, Financial Accounting and IFRS, HEC MontréalSimon Dermarkar, Associate professor, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1706982022-02-07T17:53:18Z2022-02-07T17:53:18ZEt si la comptabilité devenait le moteur de la transition écologique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435648/original/file-20211203-21-1hjyqqp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C1%2C983%2C550&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Montréal accueillera l'un des 2 quartiers généraux du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La comptabilité, et plus précisément les normes comptables internationales couplées avec les normes sur la durabilité, peuvent-elles contribuer à la lutte contre les changements climatiques ?</p>
<p>Le 3 novembre 2021, simultanément à la tenue de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 26), la Fondation des <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs">Normes internationales d’information financière (IFRS)</a> annonce la création du Conseil des normes internationales d’information sur la durabilité (International Sustainability Standards Board – ISSB).</p>
<p>Les villes de <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/la-profession-de-cpa/a-propos-de-cpa-canada/mediatheque/2021/novembre/montreal-accueille-un-bureau-de-issb-cpa-canada-se-rejouit-de-la-decision-de-ifrs">Montréal</a> et de Francfort ont été retenues pour accueillir les quartiers généraux de l’ISSB.</p>
<p>Face à l’impuissance des organismes internationaux de normalisation sur la durabilité à faire imposer leurs normes auprès des gouvernements et sur les places boursières, la fondation IFRS, qui bénéficie d’une large acceptabilité internationale de sa normalisation comptable, a décidé de prendre les choses en main. Cette normalisation vise à ce que les états financiers et les rapports annuels des entreprises incluent de l’information sur la durabilité qui soit uniforme et comparable entre les entreprises.</p>
<p>Quel type d’information la fondation IFRS vise-t-elle à encadrer à travers la divulgation d’informations en matière de durabilité ?</p>
<p>Nous éplucherons la question, en soulevant les critiques adressées à son projet et les défis auxquels fait face l’ISSB. Ce texte fait suite à notre article qui soulignait <a href="https://theconversation.com/les-normes-comptables-doivent-devenir-plus-vertes-et-les-entreprises-chiffrer-leur-empreinte-environnementale-169416">que les normes comptables doivent devenir plus vertes et que les entreprises se doivent de chiffrer leur empreinte environnementale</a>.</p>
<p>Nous sommes tous deux professeurs de comptabilité à l’université Téluq. Je m’intéresse aux enjeux des politiques budgétaires et fiscales des gouvernements, et Houda Affes mène des recherches dans le domaine de la gouvernance d’entreprise, la responsabilité sociale et environnementale et la normalisation comptable internationale.</p>
<h2>Une information sur la durabilité, pour qui ?</h2>
<p>La fondation IFRS a entrepris, en septembre 2020, une consultation sur un nouveau rôle potentiel de normalisation en matière de durabilité. Dans un document de rétroaction, elle informe que les <a href="https://www.ifrs.org/projects/completed-projects/2021/sustainability-reporting/consultation-paper-and-comment-letters/#view-the-comment-letters">diverses parties prenantes (universitaires, ordres professionnels, banques centrales, entreprises, commissions de valeurs mobilières, etc.)</a> lui offrent un <a href="https://www.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/sustainability-consultation-paper-feedback-statement.pdf">large soutien pour l’accomplissement de ses activités</a>.</p>
<p>L’ISSB est donc créé dans une optique de divulgation d’information en matière de durabilité, significative pour les investisseurs, et de priorisation de cette divulgation dans un contexte de changement climatique. Une approche modulaire serait préconisée afin de permettre une flexibilité de divulgation d’information selon les exigences de diverses juridictions. La fondation compte collaborer avec les instances existantes de normalisation internationales sur la durabilité, comme le SASB (Sustainability accounting Standards Board) et le CDP (Carbon Disclosure Project).</p>
<p>L’ISSB vise initialement à établir des normes pour la divulgation <a href="https://cdn.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/consultation-paper-on-sustainability-reporting.pdf">d’informations de l’impact financier des événements climatiques sur les entreprises</a>. Son public cible prioritaire demeure les investisseurs (tout comme pour l’information financière), et son objectif est d’évaluer le potentiel des événements climatiques de créer ou détruire de la valeur pour les investisseurs.</p>
<p>Selon la fondation, l’objectif d’une telle divulgation est de permettre aux investisseurs de <a href="https://cdn.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/consultation-paper-on-sustainability-reporting.pdf">fournir leur financement à des entreprises plus durables</a>. En effet, la fondation affirme que la <a href="https://cdn.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/consultation-paper-on-sustainability-reporting.pdf">création ou l’érosion de valeur pour les investisseurs est interdépendante de la création de valeur ou érosion de valeur pour la société et l’environnement</a>.</p>
<p>La fondation n’exclut toutefois pas d’élargir la divulgation d’information en matière de durabilité pour <a href="https://www.ifrs.org/news-and-events/news/2021/11/ifrs-foundation-announces-issb-consolidation-with-cdsb-vrf-publication-of-prototypes/">intégrer les intérêts de parties prenantes autres que les bailleurs de fonds</a>, comme les citoyens par exemple.</p>
<p>La fondation affirme également que l’ISSB et l’IASB (<em>International Accounting Standards Board</em>, organisme qui élabore des normes comptables internationales) seront indépendants et que leurs normes seront complémentaires afin de fournir une information compréhensible aux investisseurs et autres bailleurs de fonds.</p>
<h2>Appuis et interrogations chez CPA Canada</h2>
<p><a href="https://cpaquebec.ca/fr/etudiants-et-futurs-cpa/comment-devenir-cpa/etapes-pour-devenir-cpa/?gclid=CjwKCAiAhreNBhAYEiwAFGGKPLRTtoJ6cHc9rZIkiQiPKJhUNqa9jXpO2lwXPaHoe32oLWfP19HIuBoCxlQQAvD_BwE">CPA Canada, l’Institut canadien des comptables agréés</a>, a indiqué dès 2020 être favorable à la création de l’ISSB au sein de la fondation, ainsi qu’à la priorisation de la divulgation d’information en matière de durabilité centrée sur le besoin des investisseurs et portant sur les impacts climatiques.</p>
<p>CPA Canada est responsable de l’encadrement de la profession d’expert-comptable au Canada, de la normalisation en comptabilité et certification ainsi que d’effectuer de la recherche sur les enjeux d’affaires existants et nouveaux auxquels fait face le monde des affaires. L’institut identifie cependant certains enjeux qui, à son avis, n’ont pas été sondés dans la consultation.</p>
<p>Par exemple, CPA Canada souligne qu’il n’est pas clair, pour le moment, <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/information-financiere-et-non-financiere/normes-internationales-dinformation-financiere-ifrs/publications/reponse-cpa-canada-consultation-ifrs-foundation">si les normes de divulgation d’information en matière de durabilité porteront sur l’information historique ou incluront également de l’information prospective</a>. CPA Canada s’interroge également sur les méthodes de quantification, des indicateurs et définition qui pourraient faire partie des normes de divulgation d’information sur la durabilité. La fondation IFRS n’a pas, pour l’instant, répondu à ces inquiétudes.</p>
<h2>Une approche critiquée</h2>
<p><a href="https://people.unisa.edu.au/carol.tilt">Carol Tilt</a>, chercheuse australienne détenant plus de 25 années d’expérience en recherche sur la divulgation en matière sociale, environnementale et en durabilité, critique le projet de normalisation en matière de durabilité de la fondation IFRS. Elle souligne notamment que les normes du GRI (Global Reporting Initiative) sont déjà reconnues mondialement et sont utilisées par 84 % des 250 plus grandes entreprises dans le monde (G250). Conséquemment, selon Tilt, la <a href="http://eifrs.ifrs.org/eifrs/comment_letters/570/570_27159_CarolTiltIndividual_0_CommentonIFRSSustainabilityReporting_CarolTilt.pdf">nécessité de créer une nouvelle entité de normalisation en matière de durabilité n’est pas nécessairement justifiée ni démontrée</a>.</p>
<p>La professeur Tilt reproche également à la fondation d’avoir une approche de la durabilité qui est restrictive et limitée aux besoins financiers des investisseurs. Elle soulève que, malgré l’intention de la fondation de réduire la complexité en matière de divulgation d’information, l’approche qu’elle adopte <a href="http://eifrs.ifrs.org/eifrs/comment_letters/570/570_27159_CarolTiltIndividual_0_CommentonIFRSSustainabilityReporting_CarolTilt.pdf">est peu susceptible de simplifier la normalisation en durabilité</a>.</p>
<p>De son côté, <a href="https://schulich.yorku.ca/faculty/charles-cho/">Charles Cho</a>, professeur de comptabilité à l’Université York souligne également que la fondation a laissé de côté les universitaires et leurs travaux de recherche au moment de concevoir son papier de consultation, et <a href="http://eifrs.ifrs.org/eifrs/comment_letters/570/570_27762_CharlesChoIndividual_0_CharlesCho.pdf">n’a tenu compte que de l’avis et des intérêts (notamment financiers) d’une partie limitée des parties prenantes et ce n’est donc pas dans l’intérêt du public</a>.</p>
<p>Les professeurs Tilt et Cho ainsi que d’autres universitaires ont signé une <a href="https://arc.eaa-online.org/blog/open-letter-chair-ifrs-foundation-trustees">lettre ouverte</a> qui demande à la fondation de revoir leur approche restrictive et centrée sur les besoins parties prenantes financières.</p>
<h2>D’importants défis pour devenir le moteur la transition écologique</h2>
<p>Si la fondation IFRS veut, à travers la comptabilité et la normalisation sur la durabilité, jouer un rôle moteur dans la transition pour une économie carboneutre en 2050 et une société meilleure, elle doit considérer les besoins d’information de toutes les parties prenantes. De cette manière, elle aura le potentiel de devenir une référence en matière de durabilité.</p>
<p>Par ailleurs, si les parties prenantes pensent que l’approche de la fondation IFRS est trop restrictive, voire biaisée en faveur des investisseurs et préjudiciable à la société, alors sa légitimité à normaliser en matière de durabilité peut être remise en question.</p>
<p>L’ISSB et l’IASB font donc face à des défis de taille et auront à prendre en compte des revendications évidentes :</p>
<p>1) Harmoniser les besoins des utilisateurs des états financiers et les objectifs de l’information financière et l’information sur la durabilité ;</p>
<p>2) Guider et outiller les entreprises pour une évaluation fiable et objective de l’impact de l’activité de l’entreprise sur l’environnement, en même temps que de les outiller pour évaluer l’impact des changements climatiques sur leurs finances ;</p>
<p>3) Guider et outiller les entreprises pour une évaluation des impacts environnementaux indirects de l’activité de l’entreprise liés à sa chaîne de valeur, un processus complexe et en grande partie basé sur des estimations, et</p>
<p>4) Guider les entreprises afin d’intégrer ces évaluations dans les états financiers.</p>
<p>Afin de relever ces défis, la fondation IFRS pourrait s’appuyer sur l’expertise d’autres corps professionnels, tels que les ingénieurs miniers, électriques, etc., afin de développer des normes de divulgation d’informations en matière de durabilité. Avec leur appui, la fondation pourrait remplir un double rôle de :</p>
<p>(1) canal d’information financière et extrafinancière fiable et objectif sur l’impact environnemental de l’activité de l’entreprise sur l’environnement et de l’impact de l’écosystème sur ses finances ; et</p>
<p>(2) moteur de la transition écologique en impactant les décisions de toutes les parties prenantes de l’entreprise (investisseurs, consommateurs, fournisseurs, partenaires étrangers, etc.) dans la prise de décisions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170698/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte où l’environnement représente une préoccupation du grand public, il est primordial de comprendre les avantages, limites et inconvénients de la normalisation en matière de durabilité.Waqas Salam, CPA, MBA, Professeur en fiscalité, Université TÉLUQ Houda AFFES, Professeur de comptabilité, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1761772022-02-06T17:58:13Z2022-02-06T17:58:13ZLa preuve d’impôt, ce document qui en dit long (ou pas) sur l’imposition des grands groupes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/443765/original/file-20220201-27-hwei9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=123%2C31%2C1219%2C773&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les citoyens portent de plus en plus d’attention aux montants d’impôt dont s’acquittent les entreprises.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mrtungsten62/49007189706">Frank van Dongen / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p>Amazon Prime Video a récemment lancé un jeu-concours sur Instagram en demandant à ses abonnés de trouver son nouveau slogan sur les réseaux sociaux. Bonne idée, a priori. Sauf que son compte s’est en fait retrouvé rapidement submergé par les commentaires des internautes lui rappelant son comportement fiscal discutable… Loin d’être un cas isolé, cet exemple témoigne de l’attention grandissante que la presse, les organisations non gouvernementales (ONG) ou encore les citoyens portent aux entreprises qui paient peu d’impôt sur les sociétés.</p>
<p>L’imposition des grands groupes est un sujet particulièrement sensible. En effet, un groupe qui paie peu d’impôt par rapport aux bénéfices qu’il réalise participe peu à la solidarité nationale. Dans le même temps, la part des bénéfices qui revient aux actionnaires, elle, augmente. Cette situation peut provoquer un sentiment d’injustice chez les citoyens qui contribuent au budget de l’État via leurs impôts directs et indirects.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1479876656206598158"}"></div></p>
<p>Cependant, la fiscalité des sociétés recouvre des situations très contrastées et il est parfois difficile de s’y retrouver. Quel est le montant réel de l’impôt d’une société ? Ce montant effectif correspond-il au montant d’impôt qu’elle devrait théoriquement payer, si on appliquait le taux de base ? Et, surtout, où peut-on trouver ces informations ?</p>
<p>La réponse à ces questions figure dans un document publié par chaque société cotée en bourse et librement accessible sur son site Internet : la preuve d’impôt. L’appellation peut sembler un peu barbare mais il s’agit d’un document clé pour appréhender l’impôt sur les résultats des grands groupes.</p>
<h2>Enjeu de communication</h2>
<p>La preuve d’impôt trouve son origine dans l’application des normes comptables internationales. Rappelons que ces normes doivent être obligatoirement suivies depuis 2005 par les sociétés cotées au sein de l’Union européenne. Ces normes (IFRS pour <em>International Financial Reporting Standards</em>) fournissent un cadre de référence pour la production et la diffusion de leurs comptes consolidés. Elles visent principalement à garantir une meilleure transparence comptable à l’échelle internationale.</p>
<p>C’est dans cet objectif de transparence que l’une des normes IFRS impose à chaque société cotée de publier une preuve d’impôt. Cette preuve prend généralement la forme d’un tableau et doit figurer dans le document d’enregistrement universel (équivalent du rapport annuel) de la société en libre accès sur son site. Son objectif est de rapprocher le montant théorique de l’impôt sur les sociétés (ce que l’entreprise aurait dû payer au taux de base) du montant effectif (la charge d’impôt réellement comptabilisée).</p>
<p>La preuve d’impôt 2020 du groupe LVMH, première entreprise du CAC 40 en termes de valorisation, illustre l’intérêt de ce rapprochement. Alors que le taux théorique d’imposition en France pour le groupe est de 32 %, son taux effectif est de 32,7 %. La preuve sous forme de tableau rapproche les deux taux en précisant les différentes sources d’écarts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443751/original/file-20220201-23-1ydjqv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://r.lvmh-static.com/uploads/2022/01/documents-financiers-31-decembre-2021-1.pdf">Extrait du document d’enregistrement universel 2020 du groupe LVMH (adapté par les auteures)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cas de LVMH, le principal écart concerne l’incidence des activités localisées dans des pays où le taux de base d’impôt sur les sociétés est plus faible qu’en France : ces délocalisations font baisser le taux d’impôt de 6 points. L’incidence de ces délocalisations est compensée par d’autres types d’écarts. Le taux effectif remonte ainsi à 32,7 %. Le montant effectif d’impôt est aussi indiqué : 2 409 millions d’euros pour 2020.</p>
<p>On voit toute l’information qu’un lecteur peut tirer d’un seul coup d’œil (ou presque) de ce document. Il n’est pas besoin de calcul ou de recherche fastidieuse d’informations. Les taux d’impôt sont explicitement indiqués : rappel du taux de base puis indication du taux effectif. L’explication de l’écart entre taux de base et taux effectif permet de mieux appréhender la gestion fiscale du groupe. Le groupe a-t-il des activités à l’étranger ? Bénéficie-t-il de crédits d’impôt ? etc.</p>
<p>On comprend aisément que la preuve d’impôt soit devenue un enjeu de communication majeur pour les grands groupes. Car, si la publication d’une preuve est obligatoire, son format de présentation est laissé à la libre appréciation de la société qui peut choisir d’en dire beaucoup ou peu…</p>
<h2>Dire ou ne pas dire…</h2>
<p>Dans ce contexte, nous nous sommes intéressées aux pratiques de communication des preuves d’impôt des grands groupes. Quelle transparence affichent-ils dans leur preuve d’impôt ? Quels sont les facteurs qui influencent cette transparence ? Nous avons cherché à répondre à ces questions dans une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JAAR-04-2018-0048/full/html">étude</a> portant sur les principales sociétés cotées sur la place de Paris.</p>
<p>L’analyse des preuves publiées montre des degrés de transparence très variables, certaines preuves sont assez concises, d’autres beaucoup plus détaillées. Dans la grande majorité des cas, les sociétés indiquent leurs montants théorique et effectif d’impôt. En revanche, il est plus rare de voir les sociétés fournir les informations qualitatives additionnelles qui permettraient de mieux comprendre les écarts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443741/original/file-20220201-25-owf9z0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=294&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.airliquide.com/sites/airliquide.com/files/2021/03/04/air-liquide-document-enregistrement-universel-2020.pdf">Extrait du document d’enregistrement universel 2020 du groupe Air Liquide</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur notre échantillon, une analyse plus poussée montre que la transparence de la preuve d’impôt dépend en réalité du taux effectif d’impôt. Ainsi, plus le taux effectif s’éloigne du taux théorique, plus les sociétés sont vagues ou discrètes dans leur publication.</p>
<p>Pour établir leur preuve, les sociétés tiennent également compte de facteurs externes. Les sociétés évoluent en effet dans un environnement dont elles dépendent et qui, par conséquent, guide leurs actions. Autrement dit, pour être légitimes, les sociétés vont répondre aux pressions qui émanent de leur environnement.</p>
<p>Nous avons ainsi identifié deux acteurs majeurs qui influencent la transparence de la preuve.</p>
<p>L’un de ces acteurs est la concurrence. La publication de la preuve d’impôt constitue un exercice risqué : publier peu d’information peut paraître suspect, en dévoiler trop pourrait se retourner contre la société. Or, en situation d’incertitude, une société tend à reproduire le comportement de ses pairs. Nous observons en effet sur notre échantillon ce phénomène de mimétisme sectoriel. Les sociétés s’alignent sur les pratiques des concurrents, si bien que les degrés de transparence des preuves varient d’un secteur à l’autre mais sont relativement similaires au sein d’un même secteur d’activité.</p>
<p>L’État français joue également un rôle. Nous observons en effet que la transparence de la preuve d’impôt d’une société augmente lorsque l’État en est actionnaire. Ce résultat est en ligne avec les différentes initiatives prises par l’État pour promouvoir la transparence fiscale, que ce soit à l’échelle nationale ou à l’échelle internationale.</p>
<p>En résumé, la quête de légitimité pousse les entreprises à être davantage transparentes. Cette transparence accrue peut faciliter le travail d’analyse des parties intéressées par la responsabilité fiscale des grands groupes. Il s’agit aussi d’un levier que les États tentent d’actionner pour encourager la discipline fiscale. À cet égard, on peut notamment mentionner la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32021L2101">décision récente</a> prise au niveau européen : les multinationales devront désormais dévoiler le montant des impôts qu’elles paient dans chacun des pays de l’Union européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176177/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les normes internationales obligent les multinationales à communiquer sur leur taux théorique et réel d’impôt sur les sociétés. Certaines déclarations sont néanmoins plus transparentes que d’autres.Tiphaine Jérôme, Maître de conférences en sciences de gestion et du management, Grenoble IAE Graduate School of ManagementFlorence Depoers, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1694162021-11-03T14:18:17Z2021-11-03T14:18:17ZLes normes comptables doivent devenir plus vertes et les entreprises, chiffrer leur empreinte environnementale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/429654/original/file-20211101-27-1jb1szv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le dernier rapport du <a href="https://theconversation.com/climat-le-rapport-du-giec-est-bouleversant-il-est-maintenant-temps-dagir-165851">Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)</a> et la <a href="https://www.un.org/fr/un-climate-change-conference-cop-26">COP 26 sur les changements climatiques</a> qui se déroulent présentement rappellent l’urgence de mettre en place des normes mondiales.</p>
<p>C’est ainsi que partout dans le monde, les appels envers la profession comptable se sont multipliés pour jouer un rôle plus affirmé dans la gestion de la crise et chiffrer les impacts environnementaux suscités par les activités des entreprises.</p>
<p>Il y a un projet sur la table qui viendrait remettre en question la sacro-sainte rentabilité à tout prix du calcul comptable, s’il est correctement mis sur les rails.</p>
<p>Ce projet, de l’organisme de normalisation comptable internationale (IRFS), est de créer un organisme parallèle, le <a href="https://www.iasplus.com/fr-ca/projets/ifrs/exposure-drafts/ifrs-foundation-consultation-on-amending-its-constitution-to-establish-an-international-sustainability-standards-board-issb-ed">Conseil international des normes en matière de développement durable</a> (International Sustainabilty Standards Board – ISSB) afin d’élaborer des normes sur la durabilité, qui seraient obligatoires pour les entreprises. Il risque de changer le visage de la comptabilité et de l’économie mondiale du futur.</p>
<p>Le Canada vient d’ailleurs de se proposer comme pays hôte du futur ISSB, donnant le signal d’une volonté de renouer avec les objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies et des cibles de réduction de carbone de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/accord-paris.html">l’accord de Paris</a>, signé par le gouvernement Trudeau en 2015.</p>
<p>Que contient la réglementation environnementale actuelle régissant les bourses canadiennes de valeurs mobilières ? Est-ce suffisant pour que le Canada réalise la baisse espérée de ses émissions de GES ? Nous croyons que non, car l’information transmise actuellement par les entreprises est inégale et insuffisante.</p>
<p>Mon co-auteur, Waqas Salam et moi-même sommes professeurs de comptabilité à l’Université Téluq. Je mène des recherches dans le domaine de la gouvernance d’entreprise, la responsabilité sociale et environnementale et la normalisation comptable internationale. Mon collègue s’intéresse aux enjeux des politiques budgétaires et fiscales des gouvernements et à la compétitivité internationale des nations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-transformer-la-comptabilite-en-levier-pour-relever-le-defi-environnemental-161724">Comment transformer la comptabilité en levier pour relever le défi environnemental</a>
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<h2>Le rendement financier d’abord</h2>
<p>L’objectif de maximisation de profit, réitéré par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Milton_Friedman">l’économiste américain Milton Friedman</a> dans <a href="http://websites.umich.edu/%7Ethecore/doc/Friedman.pdf"><em>The New York Times Magazine</em></a> il y a plus de 50 ans, a guidé la rédaction de la normalisation comptable.</p>
<p>Jusqu’à aujourd’hui, les normes comptables internationales de la <a href="https://www.ifrs.org/about-us/who-we-are/">fondation IFRS</a>, appliquées aux entreprises canadiennes ayant une obligation d’information du public, demeurent imprégnées de cette pensée économique classique du profit. Ainsi, l’objectif principal de l’information financière est de « fournir, au sujet de l’entité qui la présente, des informations utiles aux investisseurs, prêteurs et autres créanciers actuels et potentiels aux fins de prise de décisions ». Le rendement financier prime sur tout autre type d’information.</p>
<p>Au Canada, des lueurs de changements apparaissent depuis la signature de la <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/la-convention/qu-est-ce-que-la-ccnucc-la-convention-cadre-des-nations-unies-sur-les-changements-climatiques">Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques en 1992</a>. Des appels venant d’autres parties prenantes (consommateurs, clients, ONG, syndicats, communautés locales, etc.) pour une divulgation d’information plus globale, intégrant l’impact social et environnemental de l’entreprise, se font entendre. Plus récemment, des impacts tangibles des changements climatiques sur la performance financière des entreprises se sont fait ressentir. Rappelons-nous le secteur des assurances, lourdement touché à la suite des inondations, les activités du secteur forestier, touché par les incendies de forêt, ou encore le secteur du tourisme, doublement touché par la pandémie et les canicules. Les investisseurs commencent ainsi à comprendre le caractère crucial de la divulgation d’information environnementale.</p>
<p>Des associations comme <a href="https://share.ca/">SHARE</a> (Shareholder Association for Research and Education) poussent vers l’investissement dans des entreprises socialement responsables. La CDPQ (Caisse de Dépôts et de Placements du Québec) intègre depuis 2017 des stratégies d’investissement visant la carbo-neutralité et vient d’adopter, en septembre, une <a href="https://www.cdpq.com/fr/actualites/communiques/cdpq-annonce-nouvelle-strategie-climatique">stratégie climatique</a>. En parallèle à ces mouvements, la normalisation comptable et la réglementation des marchés financiers ont commencé à intégrer certains aspects environnementaux.</p>
<h2>Des normes environnementales insuffisantes</h2>
<p>Actuellement, les normes comptables en matière environnementale comportent trois aspects :</p>
<p>1) La norme IAS 37 </p>
<p>Elle exige la comptabilisation d’une provision (un passif – qui s’apparente à une dette) pour toute entreprise qui, par l’entremise de ses activités, cause un préjudice à l’environnement et qui a l’obligation de remise en état du site exploité. Les chiffres des états financiers reflètent ainsi une « dette environnementale » que l’entreprise devra payer à la fin de l’exploitation d’un site. Cette norme vise principalement les entreprises d’extraction minière et pétrolière. Mais la comptabilisation de ces coûts n’aurait pas existé si l’entreprise n’était pas légalement tenue de les payer à la fin de l’exploitation.</p>
<p>2) Les taxes sur le carbone</p>
<p>Depuis 2016, le gouvernement du Canada exige des gouvernements provinciaux d’instaurer <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/carbon-pricing-in-canada">soit un système de tarification du carbone (taxe sur le carbone), soit un système de plafonnement et d’échange</a>. Les entreprises assujetties à une taxe carbone, notamment parce qu’elles utilisent des combustibles fossiles et qu’elles représentent de grands émetteurs, doivent comptabiliser une charge fiscale correspondant au montant de la taxe qu’elles devront payer. Tout comme la norme précédente, cette charge fiscale n’aurait pas été comptabilisée si l’entreprise n’était pas assujettie, par la loi, à la taxe carbone. De plus, les entreprises qui peuvent contrôler les prix refilent ces coûts aux consommateurs.</p>
<p>3) Le marché carbone</p>
<p>Plusieurs provinces, dont le Québec, se sont dotées d’un <a href="https://www.environnement.gouv.qc.ca/changementsclimatiques/marche-carbone.asp">marché du carbone</a>. Le gouvernement provincial fixe un plafond pour les émissions pour certains secteurs pollueurs en fonction de ses objectifs de réduction de GES. Chaque entreprise assujettie obtient un nombre d'unités d'émissions qui lui sont allouées (correspondant au plafond fixé). Lorsque ses émissions réelles dépassent les unités allouées, l’entreprise doit acheter des unités supplémentaires sur le marché du carbone, correspondant aux unités d’émissions en trop. Au contraire, lorsque ses émissions sont inférieures aux unités allouées, l’entreprise pourra vendre les unités d’émissions réduites sur le marché du carbone.</p>
<p>La valeur des unités d’émission en trop viendra baisser le résultat comptable et la valeur des émissions réduites viendra augmenter le résultat.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427903/original/file-20211021-20-1s76lmd.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chaque entreprise assujettie obtient un nombre d’unités d’émissions qui lui sont allouées (correspondant au plafond fixé).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gouvernement du Québec, ministère de l'Environnement</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les exigences comptables en matière d’information environnementale sont ainsi très limitées si l’on considère les impacts environnementaux indirects liés à la chaîne de valeurs ou l’empreinte environnementale des entreprises non assujetties à un système de tarification du carbone.</p>
<h2>La divulgation d’information à la discrétion des gestionnaires</h2>
<p>Au-delà des normes comptables, les entreprises cotées sur une bourse canadienne doivent divulguer rapidement toute information importante dans ses rapports annuels. Ceci, conformément aux principes édictés <a href="https://lautorite.qc.ca/professionnels/reglementation-et-obligations/valeurs-mobilieres/5-obligations-permanentes-des-emetteurs-et-des-inities-51-101-a-58-201/51-102-obligations-dinformation-continue">dans le règlement des Autorités canadiennes en Valeurs mobilières</a> (ACVM)</p>
<p>Deux autres règlements des ACVM régissent la divulgation d’information environnementale (le <a href="https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2010/2010oct27-51-333-acvm-fr.pdf">51-333</a> et le <a href="https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/valeurs-mobilieres/0-avis-acvm-staff/2019/2019aout01-51-358-avis-acvm-fr.pdf">51-358</a>). Ils guident les entreprises pour détecter, évaluer et communiquer l’information sur les risques environnementaux et clarifient la responsabilité de la direction et du conseil d’administration dans le processus de contrôle, de divulgation et de certification de ces informations.</p>
<p>Malgré cela, l’évaluation de l’importance de l’information à divulguer demeure sujette à la discrétion des gestionnaires. Un règlement datant de 2010 souligne que l’information environnementale communiquée n’est pas nécessairement exhaustive, fiable ou comparable entre les émetteurs. Et en 2021, un rapport de <a href="https://www.tsx.com/resource/en/2672/millani-s-tcfd-disclosure-study-a-canadian-perspective-2021-06-23-en.pdf">Millani</a>, un leader canadien des services-conseils d’intégration ESG aux investisseurs et aux entreprises, conclut que l’information environnementale des entreprises de l’indice S&P/TSX composite montre une grande variabilité en termes de quantité et de qualité.</p>
<p>La réglementation de la divulgation d’information environnementale est insuffisante, en dépit de l’existence de normes sur la durabilité acceptées sur les places boursières canadiennes, qui demeurent facultatives.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427910/original/file-20211021-31540-1l3x4pj.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cadres de normalisation sur la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Couper avec la profitabilité à tout prix ne sera pas facile</h2>
<p>C’est devant la multiplication des cadres de normalisation sur la durabilité à l’échelle internationale et l’absence d’obligation pour les entreprises de se conformer à un référentiel donné (à l’exception des entreprises du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande), que la <a href="https://cdn.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/consultation-paper-on-sustainability-reporting.pdf">fondation IFRS s’est ainsi proposée de normaliser l’information environnementale</a> et de créer un organisme internationale, l’ISSB.</p>
<p>Le défi est cependant majeur. Le nouvel ISSB devra d’abord faire un choix crucial : continuer à répondre à l’unique besoin des investisseurs, conformément à la théorie de Friedman, en imposant la divulgation de l’impact financier des risques et opportunités liés aux changements climatiques sur le profit de l’entreprise ; ou bien élargir le cercle des utilisateurs de l’information aux autres parties prenantes en imposant aussi la divulgation et l’évaluation financière de l’empreinte de l’entreprise sur son environnement.</p>
<p>La coupure relative avec la pensée économique classique du profit n’est pas facile à exercer au niveau de la comptabilité. Cette préoccupation a été exprimée par plusieurs chercheurs et environnementalistes, dont <a href="https://www.globalreporting.org/about-gri/news-center/new-ifrs-working-group-is-a-logical-next-step/">Eric Hespenheide</a>, le président du <a href="https://www.globalreporting.org">GRI</a>, un organisme indépendant de normalisation sur la performance en développement durable d’entreprises et la divulgation d’information.</p>
<p>Selon lui, les rapports identifiant les effets sur la création de valeur des questions sociales et environnementales représentent un pas dans la bonne direction. « Cependant, les entreprises doivent rendre des comptes à une multitude de parties prenantes. C’est pourquoi les rapports financiers et les rapports complets sur le développement durable doivent être sur un pied d’égalité. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169416/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La réglementation de la divulgation d’information environnementale est insuffisante. Un projet de normes plus sévères pourrait changer le visage de la comptabilité et l’économie mondiale.Houda AFFES, Professeur de comptabilité, Université TÉLUQ Waqas Salam, CPA, MBA, Professeur en fiscalité, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1621142021-06-21T18:38:13Z2021-06-21T18:38:13ZQuel nouveau cadre comptable pour répondre aux défis environnementaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404269/original/file-20210603-15-1x4vtzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C70%2C1260%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De nouveaux principes de comptabilité sont aujourd’hui nécessaires pour élargir la vision de l’entreprise au-delà de l’intérêt des acteurs du marché.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Young_%26_Dedicated_Accountant_at_Work.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Travailler à l’harmonisation d’une comptabilité qui intègre le développement durable nous ferait-il passer à côté de l’essentiel ? Parmi les propositions récentes en matière de standardisation et de transparence, on retrouve notamment celle de la Fondation IFRS (en français, standards internationaux pour établir des rapports financiers). Elle envisage la création d’un organisme de standardisation du reporting de développement durable qu’elle nommerait Sustainability Standards Board, ou SSB.</p>
<p>Cette vision du développement durable reste, comme souvent, déconnectée des réalités des limites planétaires et des fondations sociétales. Celles-ci se trouvent notamment synthétisées dans la <a href="https://www.oxfamfrance.org/actualite/la-theorie-du-donut-une-nouvelle-economie-est-possible/?gclid=Cj0KCQjw--GFBhDeARIsACH_kdYO1sjw4gcFrd44mgyiR92hv8ZQv0Gy8onpp_LtV_yCozqlJz-B1ZgaArhmEALw_wcB">théorie du donut</a> développée par l’économiste britannique Kate Raworth en 2017. Dans son schéma, elle explique que notre impact sur l’environnement doit se situer en dessous des limites de ce que la planète peut supporter, mais qu’on ne peut descendre plus bas qu’un certain seuil de satisfaction des besoins sociaux.</p>
<h2>Une comptabilité du développement durable</h2>
<p>En effet, d’après la fondation IFRS,</p>
<blockquote>
<p>« Le SSB concentrerait initialement ses efforts sur les informations relatives à la durabilité les plus pertinentes pour les investisseurs et les autres acteurs du marché. »</p>
</blockquote>
<p>Or, les investisseurs ne représentent qu’une minorité de visions du monde, et les rapports de développement durable ne doivent et ne peuvent pas être réduits à leur point de vue unique. Pour prendre activement soin de notre planète, nous devons favoriser une collaboration étroite et inclure des voix multiples provenant d’organisations à but non lucratif, d’entreprises, d’agences gouvernementales, d’organisations non gouvernementales (ONG), d’associations industrielles, d’organismes professionnels et d’établissements d’enseignement.</p>
<p>De nouveaux principes de comptabilité et de nouvelles formes de comptes semblent donc nécessaires. Certaines initiatives voient d’ailleurs le jour. Par exemple, le <a href="https://www.bilans-ges.ademe.fr/fr/accueil/contenu/index/page/ACT1/siGras/0">cadre ACT</a> (Assessing low Carbon Transition, en français, « évaluer une transition vers moins de carbone ») développé par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et l’ONG CDP, se concentre sur « l’évaluation de la crédibilité des stratégies climatiques des entreprises et la cohérence de leurs engagements » pour « continuer à aller de l’avant et adopter des trajectoires d’émissions à long terme de plus en plus ambitieuses, nous mettant sur la voie des 1,5/2 °C ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910134439941984258"}"></div></p>
<p>De même, l’Institut de recherche des Nations unies pour le développement social (Unrisd) a récemment développé une approche à trois niveaux d’indicateurs transformatifs. Le chercheur américain Bill Baue, qui a rédigé le <a href="https://www.unrisd.org/unrisd/website/document.nsf/(httpPublications)/CBE444C58139C45A8025848C00547012?OpenDocument">rapport</a> correspondant, définit ce concept comme l’ajout « d’éléments transcontextuels de pratiques et de politiques de mise en œuvre aux indicateurs normatifs, afin de refléter un changement suffisant ».</p>
<p>D’autres cadres encore, tels que le <a href="https://www.unglobalcompact.org/take-action/sdg-action-manager">SDG Action Manager</a>, publié par le B Lab et les Nations unies, encouragent l’« action » plutôt que le simple reporting.</p>
<p>En résumé, ces initiatives visent à ce que nos comptes reflètent la durabilité telle que définie par et via les limites planétaires et les fondations sociales. Dans ces cadres, la valeur ne peut être créée que lorsque les résultats d’un modèle économique maintiennent les stocks et les flux de capitaux dans les seuils acceptables. C’est ce qu’on appelle la <em>system value</em> (valeur systémique).</p>
<h2>Sept générations</h2>
<p>Il s’agit par la même de placer aux cœurs des travaux le concept d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/bse.3280020206">organisation durable</a>, « une organisation qui, à la fin de la période comptable, ne laisse pas la biosphère en plus mauvais état qu’elle ne l’était au début de la période comptable », pour reprendre une définition établie par une équipe de chercheurs dès 1993. Une définition qui, par ailleurs, met l’accent sur la responsabilité collective des comptes.</p>
<p>Dans un contexte d’organisation durable, la gérance environnementale et sociale devient le fait de prendre activement soin de la planète et des êtres qui y vivent. Cela nécessite donc bel et bien des approches différentes de celles que nous avons adoptées jusqu’à présent.</p>
<p>Ces approches pourraient s’inspirer, par exemple, des schémas indigènes traditionnels de la gouvernance, comme la <a href="https://www.ictinc.ca/blog/seventh-generation-principle">pensée des sept générations</a>. Celle-ci considère que « les décisions que nous prenons aujourd’hui devraient aboutir à un monde durable dans sept générations à venir ». À l’heure actuelle, les paradigmes comptables reporting semblent en effet loin d’aborder les choses par le prisme des <a href="https://www.cairn.info/revue-finance-et-bien-commun-2010-2-page-143.htm">générations futures</a>.</p>
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<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Delphine Gibassier est membre du Board de R3.0 et de l'Expert Network de l'UN Global Compact.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Leanne Keddie, Madlen Sobkowiak, Thuy Thanh Tran et Virginie Kruse ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De nombreuses propositions fleurissent pour mieux intégrer le développement durable dans les rapports comptables. Celles-ci restent cependant trop cantonnées à la vision des investisseurs.Delphine Gibassier, Professeur Associé de Comptabilité du Développement Durable, AudenciaLeanne Keddie, Assistant Professor, Sprott School of Business, Carleton UniversityMadlen Sobkowiak, Lecturer in Social and Environmental Accounting, University of BirminghamThuy Thanh Tran, PhD Candidate and Teaching Assistant, University of KasselVirginie Kruse, PhD Student, University of KasselLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617242021-06-08T17:30:04Z2021-06-08T17:30:04ZComment transformer la comptabilité en levier pour relever le défi environnemental<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403581/original/file-20210531-17-13aibx6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C0%2C5085%2C3364&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Très peu de référentiels permettent aujourd’hui de comprendre comment se situe l’entreprise par rapport aux objectifs climatiques fixés par les scientifiques.
</span> </figcaption></figure><p>Qu’est-ce que la comptabilité ? C’est avant tout un système d’informations destiné à aider à la prise de décisions et à rendre des comptes. Il ne s’agit ainsi pas que de voir, mais surtout de voir pour agir, à une époque que l’on désigne de plus en plus avec le terme d’anthropocène. Celui-ci renvoie à la période de l’histoire à partir de laquelle les actions humaines possèdent <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/aosoci/v39y2014i6p395-413.html">autant d’ampleur</a> sur les écosystèmes que les forces naturelles.</p>
<p>Le mot connote des inquiétudes sur la viabilité à long terme des sociétés humaines. Nos travaux explorent trois dimensions à travers lesquelles la comptabilité peut rendre compte de l’impact des activités humaines sur son environnement, rendre compte pour agir.</p>
<h2>Le donut comme référence</h2>
<p>L’hypothèse d’un bouleversement climatique, voire géologique, sans précédent que les scientifiques nomment l’anthropocène devrait conduire chacun, à titre individuel ou collectif, à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/face_a_gaia-9782359251272">revoir sa manière d’agir</a>, de consommer, de se déplacer. Le diagnostic scientifique semble radical et montre à quel point les activités humaines ont un impact sur l’environnement.</p>
<p>Il convient cependant d’admettre qu’il est aujourd’hui extrêmement difficile de déterminer dans quelle mesure chaque action et chaque comportement contribuent à freiner ou à accélérer les conséquences de l’anthropocène. Sans cadre de référence commun, comment permettre à chacun de se fixer des objectifs, de se situer ?</p>
<p>Il existe de nombreux référentiels destinés aux entreprises. Ils sont principalement utilisés par les grands groupes contraints de publier des informations extra-financières dans leurs documents de reporting.</p>
<p>Certaines instances internationales privées sont plutôt favorables à ne couvrir que les impacts ESG des entreprises (impacts environnementaux, sociaux et sur la gouvernance), avec une approche de simple matérialité : autrement dit, l’objectif pour ces dernières n’est que d’informer les investisseurs sur leurs risques mesurés par les critères ESG.</p>
<p>D’un autre côté, l’Union européenne cherche à fonder un cadre du reporting extra-financier qui prend en compte la <a href="https://www.ey.com/fr_fr/board-matters/reporting-extra-financier-qui-imposera-son-modele-de-standardisation">double matérialité</a>, à savoir une analyse qui intègre à la fois l’impact des risques ESG de l’entreprise et l’impact de l’entreprise sur la société. La connectivité entre le reporting financier et extra-financier reste cependant encore <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/business_economy_euro/banking_and_finance/documents/210308-report-efrag-sustainability-reporting-standard-setting_en.pdf">fragile</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=584&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403387/original/file-20210528-15-10xthao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=734&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le donut représente la double nécessité de satisfaire des besoins fondamentaux et d’avoir un mode de vie compatible avec les limites de la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Oxfam France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les informations communiquées permettent a minima de connaître l’empreinte carbone de l’entreprise ou sa contribution aux <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/">Objectifs de développement durable</a> de l’ONU. Néanmoins, très peu de référentiels permettent de comprendre comment se situe l’entreprise par rapport aux objectifs fixés par les scientifiques, objectifs qui conditionnent, ni plus ni moins, la vie sur terre !</p>
<p>Nombreux sont ceux qui <a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2021/03/33646-six-propositions-pour-compter-differemment-dans-le-monde-de-demain/">appellent aujourd’hui les organisations à changer de boussole</a> et à <strong>partager un même cadre de référence</strong> en considérant par exemple à la <a href="https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/dp-a-safe-and-just-space-for-humanity-130212-en_5.pdf">théorie du donut</a> pour organiser leurs bilans comptables.</p>
<p>Cette approche développée, par l’économiste britannique Kate Raworth, encastre l’activité de l’entreprise entre un plancher social et sociétal, qui intègre le fait qu’on ne peut pas renoncer à tout au nom de l’environnement, et un plafond correspondant aux <a href="http://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss2/art32/">limites planétaires environnementales</a> popularisées par le chercheur suédois Johann Rockström et ses co-auteurs.</p>
<h2>Pour fournir une méthodologie commune</h2>
<p>Cette méthodologie commune ne pourra être efficace qu’à condition qu’elle soit portée et promue par une organisation ayant le rôle d’<strong>autorité légitime</strong>. Il s’agit par exemple de l’Autorité des normes comptables en France (ANC).</p>
<p>Pour être légitime, une autorité pour une comptabilité de l’anthropocène devrait associer les producteurs et les utilisateurs des informations comptables, en s’appuyant sur des connaissances scientifiques reconnues.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1402159784024023044"}"></div></p>
<p>Aucune autorité reposant sur ce modèle n’existe aujourd’hui. Il existe dans les faits une multitude de propositions normatives pour la plupart non obligatoires. Une autorité légitime pourrait se charger de :</p>
<ul>
<li><p>produire les normes relatives à la publication d’informations environnementales ;</p></li>
<li><p>fournir une méthodologie, le système comptable et les unités de mesure (physiques, monétaires ou autre) nécessaires pour collecter, calculer ou estimer les informations. Ce pourrait être une opportunité pour proposer des unités qui ne soient pas monétaires mais homogènes pour l’ensemble des impacts. On pourrait songer par exemple à mesurer le nombre d’années qu’il reste à une entreprise avant que ses impacts ne lui interdisent de continuer à fonctionner normalement, dès lors qu’elle aurait déjà consommé sa part d’espace économique viable ;</p></li>
<li><p>fournir une trame de présentation de ces informations et donner accès aux utilisateurs aux hypothèses et méthodes de calculs ;</p></li>
<li><p>assurer une traçabilité des informations produites et leur vérifiabilité dans le cadre d’un audit ;</p></li>
<li><p>définir les sanctions éventuelles en cas de non-respect de ces obligations.</p></li>
</ul>
<p>Un expert américain des questions de reporting, Bill Baue, appelle même à la création d’une autorité qui irait plus loin et qui serait chargée d’allouer des quotas de limites planétaires à l’échelle de chaque entité. Il propose de l’appeler la GTAC, pour « Global Thresholds for Allocation Council » (Conseil d’attribution de seuils globaux).</p>
<h2>Tous concernés</h2>
<p>Rendre des comptes et aider à la prise de décision, avec ses missions la comptabilité rend visibles les responsabilités des différents acteurs. Organisations comme consommateurs doivent alors <strong>pouvoir comprendre les limites qui leur sont imposées</strong>.</p>
<p>Afin que l’anthropocène soit visible pour un décideur au sein d’une organisation, ce dernier doit disposer d’informations qui l’aident concrètement à comprendre les conséquences de ses décisions sur l’état des milieux naturels et de la société.</p>
<p>Un décideur doit ainsi disposer des outils qui lui permettent de simuler les conséquences de ses choix : quel va être l’impact d’un emballage (carton, verre, etc., réutilisable ou pas), d’une formulation (produit liquide, solide), d’un fournisseur (lieu, pays d’origine, politique salariale du fournisseur) ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403395/original/file-20210528-13-jarcnf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Bientôt de nouvelles indications environnementales sur les emballages pour aider le consommateur à faire ses choix ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/shopping-affaires-vente-au-d%C3%A9tail-1165437/">Alexas_fotos/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il en est de même pour le consommateur. La comptabilité rendra l’anthropocène visible si elle peut traduire l’acte d’achat en une contribution à une charge environnementale, ou au respect d’un objectif social. À son sujet, il reste encore un travail important à faire sur les moyens à déployer pour aider l’aider, notamment via l’étiquetage des produits.</p>
<p>Le stade ultime du succès sera quand nos comportements auront tellement intériorisé l’anthropocène qu’elle redeviendra à la fois présente mais invisible.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bastien David a reçu des financements de l'ADEME. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christelle Chaplais Chouvier, Eugénie Faure et Nicolas Antheaume ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Un cadre de référence, porté par une autorité légitime et qui prendrait en compte l’impact de l’entreprise sur la société, rendrait visibles les responsabilités des différents acteurs.Christelle Chaplais Chouvier, Enseignante Chercheuse en comptabilité et audit, ESC Clermont Business SchoolBastien David, Doctorant et Professeur agrégé d’économie gestion, Université de MontpellierEugénie Faure, Doctorante en comptabilité multi-capitaux des PMEs, AudenciaNicolas Antheaume, Professeur en comptabilité pour le développement durable, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1619192021-06-06T16:30:32Z2021-06-06T16:30:32ZComptabilité « verte » : l’UE fait un pas en direction d’une harmonisation des normes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403809/original/file-20210601-19-krxvlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6079%2C3564&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bruxelles cherche aujourd’hui à s’inscrire dans les différentes mouvances globales qui élaborent ou élaboreront des normes internationales sur la durabilité.
</span> </figcaption></figure><p>Ces dernières années, plusieurs initiatives d’importance se sont relayées pour encourager les acteurs du monde économique à publier des <a href="https://doi.org/10.1007/s10551-013-1906-9">informations standardisées et normalisées</a> sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou le développement durable. Récemment, l’acteur majeur qu’est l’International Financial Reporting Standards Foundation (la fondation IFRS), régulateur comptable international ayant édicté les normes qui portent son nom, lançait en septembre 2020 une réflexion et une <a href="https://www.ifrs.org/projects/work-plan/sustainability-reporting/consultation-paper-and-comment-letters/">consultation mondiale</a> afin de déterminer : « s’il y a un besoin de normes mondiales de durabilité ; si la fondation IFRS devrait jouer un rôle ; et quelle pourrait être la portée de ce rôle ».</p>
<p>Fin avril 2021, à l’issue de cette consultation, le normalisateur a publié un <a href="https://www.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/ed-2021-5-proposed-constitution-amendments-to-accommodate-sustainability-board.pdf">exposé-sondage</a> dans lequel il annonce sa volonté de créer l’International Sustainability Standards Board (ISSB), un conseil ad hoc chargé d’établir de nouvelles normes IFRS autour du développement durable. Une initiative concomitante avec celle de la Commission européenne qui adoptait le 21 de ce même mois une <a href="https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en#review">proposition pour une nouvelle directive</a> traitant des rapports sur le développement durable que les entreprises devront publier.</p>
<h2>Pourquoi maintenant ?</h2>
<p>La communication externe des entreprises dédiée aux dimensions sociétales, environnementales ou sociales n’est pas une pratique récente. En France, le bilan social existe depuis les années 1970. La loi relative aux nouvelles régulations économiques (loi NRE de 2001), la loi Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (plus connue sous l’acronyme PACTE, loi votée en 2019) et autres dispositifs réglementaires qui ont vu le jour ces dernières décennies ont contribué à cadrer cette communication extrafinancière.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=506&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403763/original/file-20210601-17-1f1nn6p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=636&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les pratiques de reporting sur le développement durable en progrès réguliers ces dernières années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">KPMG</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces initiatives, françaises mais aussi internationales, telle que la <a href="https://www.globalreporting.org/">Global Reporting Initiative</a> (la GRI), ont accompagné un progrès continu des pratiques de reporting ces 30 dernières années comme le montrent les <a href="https://home.kpmg/xx/en/home/insights/2020/11/the-time-has-come-survey-of-sustainability-reporting.html">observations sur les panels N100</a> (4 900 entreprises correspondant au top 100 de 49 pays) et G250 (le top 250 mondial). Pour autant, le débat sur l’harmonisation des méthodes reste ouvert.</p>
<p>Pourquoi la fondation IFRS, spécialisée dans le reporting financier, a-t-elle souhaité élargir son champ d’action et s’intéresser au reporting extrafinancier sur le développement durable pour lequel existent déjà de nombreux référentiels et standards ?</p>
<p>L’organisation internationale met en avant plusieurs arguments. Tout d’abord, elle considère qu’il y a urgence à améliorer la cohérence et la comparabilité des rapports sur le développement durable et à réduire leur complexité. Elle pense de plus que ces nouvelles normes internationales augmenteraient la transparence des entreprises et seraient particulièrement utiles pour les investisseurs.</p>
<p>Enfin, le normalisateur <a href="https://www.ifrs.org/content/dam/ifrs/project/sustainability-reporting/consultation-paper-on-sustainability-reporting.pdf">justifie son initiative</a> en se reposant sur les appels émanant de plusieurs praticiens de la comptabilité tels que l’Accountancy Europe ou l’International Federation of Accountants (<a href="https://www.ifac.org/">l’IFAC</a>). La fondation IFRS écrit dans son rapport :</p>
<blockquote>
<p>« Les antécédents et l’expertise de la Fondation en matière de normalisation, ainsi que ses relations avec les régulateurs mondiaux et les gouvernements du monde entier, pourraient être utiles pour l’établissement de normes de reporting sur le développement durable ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi la fondation considère-t-elle que son expérience avec les normes IFRS pour le reporting financier lui donne une légitimité et des atouts supplémentaires pour réussir la production et la diffusion de nouvelles normes pour la durabilité à travers le monde.</p>
<p>Comment, par ailleurs interpréter le <em>timing</em> de cette initiative ? Pour la fondation IFRS, la proposition s’inscrit pleinement dans le contexte actuel où nos sociétés exigent de plus en plus d’initiatives de la part des entreprises pour lutter contre le changement climatique.</p>
<p>Certains grands cabinets de comptabilité et d’audit, en outre, ont plaidé ces dernières années <a href="https://www.linkedin.com/pulse/now-time-global-standards-non-financial-reporting-robert-e-moritz/">pour une harmonisation des normes</a> pour le reporting sur le développement durable. Les <a href="https://www.ey.com/en_gl/assurance/time-to-take-a-standard-approach-to-nonfinancial-reporting">arguments avancés</a> sont les mêmes que lors de la diffusion des normes IFRS dans les années 1990 et 2000. Citons ici la comparabilité internationale, l’intelligibilité et la « vérifiabilité » de l’information communiquée, l’exhaustivité des rapports publiés ou encore la pertinence pour la prise de décision des investisseurs.</p>
<h2>Bientôt obligatoires en Europe ?</h2>
<p>Malgré les différents arguments présentés par la fondation IFRS, l’initiative a reçu quelques critiques. Ces dernières portaient notamment soit sur le caractère « urgent » de l’initiative, soit sur sa recherche d’uniformité et de comparabilité des indicateurs. L’uniformité est en effet difficilement envisageable pour les dimensions sociétales. Soit, enfin, sur l’orientation trop « financière » que le normalisateur international compte donner à ces IFRS « verts ». Il privilégierait ainsi les besoins des investisseurs <a href="https://doi.org/10.1016/j.cpa.2021.102309">au détriment des besoins des autres parties prenantes</a>.</p>
<p>L’initiative de la fondation IFRS nous amène également à une autre interrogation. Si ces IFRS « verts » venaient à voir le jour, seront-ils obligatoires, du moins en Europe, à l’instar de ce qui s’est fait avec les normes IFRS pour les grandes entreprises du continent depuis 2005 ? Difficile de répondre pour l’heure.</p>
<p>Les dernières nouvelles qui nous parviennent de Bruxelles montrent que les positions évoluent également au sein de l’Union à ce sujet, avec notamment le projet de directive déposée par la Commission le 21 avril dernier.</p>
<p>Au-delà du fait que cette proposition prévoit, pour les sociétés cotées, une obligation de réaliser un audit externe des rapports de développement durable, elle impose surtout d’établir ces rapports conformément à des normes européennes. Ces dernières <a href="http://revuefrancaisedecomptabilite.fr/normalisation-europeenne-de-linformation-extra-financiere/">restent encore à construire</a>. La proposition précise :</p>
<blockquote>
<p>« Elles seront adaptées aux politiques de l’UE, tout en s’appuyant sur les initiatives internationales de normalisation et en y contribuant. »</p>
</blockquote>
<p>On voit donc se dessiner une volonté claire de la Commission de s’inscrire dans les différentes mouvances globales qui élaborent ou élaboreront des normes internationales sur la durabilité.</p>
<p>Pourrions-nous anticiper dès maintenant des points de convergence entre les futures normes européennes et les IFRS « verts » ? La réponse ne semble pas évidente. Soulignons tout de même que l’European Financial Reporting Advisory Group (ou EFRAG), chargé de développer ces nouvelles normes européennes, paraît adopter une vision de la communication sur la durabilité portée davantage vers les parties prenantes. Cela contraste avec la vision prônée par la fondation IFRS, nous l’avons dit, plus orientée vers les <a href="https://doi.org/10.1016/j.cpa.2021.102309">investisseurs</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Moez Essid ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Commission européenne a proposé fin avril une directive visant à mieux évaluer l’activité extrafinancière des entreprises dans le sillage de plusieurs initiatives mondiales.Moez Essid, Enseignant-chercheur en comptabilité et contrôle de gestion, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617202021-06-01T19:20:09Z2021-06-01T19:20:09ZL’engouement pour la résilience implique désormais une évolution des paradigmes comptables<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403580/original/file-20210531-17-yaumi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il ne s’agit pas uniquement, pour les entreprises, de savoir faire face à leur environnement…
</span> </figcaption></figure><p>L’idée de « résilience » ne remonte pas à 2020. À l’origine, ce terme <a href="https://www.eyrolles.com/Loisirs/Livre/la-resilience-9782091912875/">provient de la science physique</a> et de l’ingénierie et faisait référence à la capacité d’un objet <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/fr/2009-v22-n1-2-fr3943/045021ar/">à résister à une perturbation</a> et à encaisser un choc avant de retrouver sa forme initiale.</p>
<p>Depuis peu, le concept se trouve mobilisé dans différents champs disciplinaires : psychologie, géographie, physique ou encore écologie. La crise sanitaire liée au Covid-19 l’a même fortement médiatisé.</p>
<p>Si l’on s’en remet au dictionnaire, la résilience renvoie à la capacité d’une personne à ne pas se laisser abattre. Mais au-delà de cette vision individualiste, elle peut être pensée à une échelle systémique comme le propose le <a href="https://www.stockholmresilience.org">Stockholm Resilience Center</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La résilience est la capacité d’un système, qu’il s’agisse d’un individu, d’une forêt, d’une ville ou d’une économie, à composer avec un changement et à continuer de se développer. »</p>
</blockquote>
<p>Dans un contexte de crise économique a ainsi pu émerger la notion de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-1-page-127.htm">« résilience organisationnelle »</a>, mobilisée pour désigner la capacité d’une entreprise à <a href="https://doi.org/10.1177/0149206305279367">s’adapter à un environnement</a> en perpétuel changement. Cela correspond désormais à une norme ISO.</p>
<p>L’engouement pour ce concept irrigue l’ensemble de la société. Sa mesure dans des dispositifs comptables mérite cependant d’être questionnée.</p>
<h2>Une comptabilité à sens unique ?</h2>
<p>La définition donnée de la résilience organisationnelle semble mobiliser l’attention sur les aspects économiques et financiers de la performance. On considère l’entreprise dans ses limites classiques et les ressources environnementales et sociales sont ainsi prises en compte à sens unique.</p>
<p>Cela apparaît, par exemple, lorsque les actionnaires des majors pétrolières exigent des dirigeants une <a href="https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Recent-SEC-Decision-Could-Spark-Investment-In-Big-Oil.html">meilleure prise en compte du changement climatique</a>. Il s’agit avant tout de questionner la résilience financière de ces organisations face à l’anthropocène, c’est-à-dire l’ère qui se caractérise par le rôle prépondérant de l’homme dans la modification de son environnement.</p>
<p>C’est dans ce même sens que le G7 a constitué un groupe de travail, la <em>Task force on climate-related financial disclosures</em> (TCFD). Le <a href="https://www.fsb-tcfd.org/publications/">rapport</a> de ce groupe de travail, rendu en juin 2017, préconise aux organisations de rendre compte des effets qu’aurait le réchauffement climatique sur leurs activités et les stratégies retenues pour en limiter l’influence négative.</p>
<p>Cette vision de l’extérieur vers l’intérieur trouve cependant ses limites. Puisque flexibilité et adaptabilité, dans un environnement dynamique et incertain, sont des qualités clés pour parvenir à la résilience, des entreprises ont intégré leur dépendance à un écosystème multidimensionnel mais ont aussi modifié leurs outils de contrôle pour rendre compte des conséquences de leurs activités sur leur écosystème.</p>
<p>C’est le cas notamment des approches IR et capitals coalition. Elles œuvrent à l’émergence d’une comptabilité multi-capitaux dont l’objet est de piloter l’évolution de la valeur des capitaux dont elle dépend. Ainsi, une connexion entre les concepts de résilience et de responsabilité sociale des entreprises peut-elle être créée.</p>
<h2>Changer de cap</h2>
<p>Des chercheurs démontrent néanmoins qu’il peut exister une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/036136829290042Q">déconnection</a> entre les actions d’une entreprise et sa communication en RSE. Volontairement ou involontairement, les entreprises se concentrent sur des facteurs qui leur semblent fondamentaux, délaissant certains aspects essentiels pour d’autres communautés ou ignorant le caractère connecté et global des systèmes sociaux et environnementaux que la crise actuelle a remis en lumière.</p>
<p>En complément de la vision extérieur-intérieur, les organisations doivent également adopter une vision inverse : intérieur-extérieur. Il semble souhaitable que la comptabilité intègre des indicateurs de la contribution des organisations pour la résilience d’un système traversé par des crises multiples.</p>
<p>L’exercice ne se limite plus à la poursuite de la résilience de l’organisation, mais bien à celle de son système. Ce changement de cap est nécessaire afin que les entreprises puissent faire face aux défis et enjeux de plus en plus importants de l’anthropocène.</p>
<p>Cela s’accompagne d’un changement de paradigme : en intégrant les contraintes du système où elle s’inscrit, l’organisation passe alors d’une comptabilité de sa résilience à une comptabilité pour la résilience du système socio-environnemental.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé par un collectif de chercheurs dans le cadre d’un « speed blogging » collaboratif organisé en marge de la conférence académique en ligne CSEAR France/EMAN Europe 2021. Le speed blogging consistait à écrire dans un temps limité, en collaboratif, un article sur le thème de la conférence « la comptabilité du développement durable dans l’anthropocène ». À l’issue de cet évènement, 3 articles ont été co-écrits par des chercheurs confirmés, juniors et doctorants</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161720/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les indicateurs ne prennent aujourd’hui en compte que l’impact sur les organisations de leur environnement, en occultant le rapport inverse.Quentin Arnaud, Doctorant en Comptabilité, Université de MontpellierAmel Ben Rhouma, Maître de conférences en Sciences de gestion, Université Paris CitéClément Carn, ATER en sciences de gestion, IAE de PoitiersSouâd Taïbi, Enseignante-chercheur en comptabilité du développement durable, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1537372021-01-25T18:02:57Z2021-01-25T18:02:57ZComment obtenir un financement lorsqu’on est une petite structure ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379954/original/file-20210121-15-1gdu3sk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C1%2C1170%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La qualité de l’information joue un rôle clé dans l’obtention d’une solution de financement auprès des banques.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/560001">Pxhere.com</a></span></figcaption></figure><p>Vous êtes une entreprise non cotée, jeune, petite, vous détenez peu d’actifs tangibles ? Un peu tout cela à la fois ? Il est parfois difficile, dans ces conditions, d’obtenir un financement. Pour ces entreprises <a href="http://dx.doi.org/10.1016/S0165-4101(01)00027-1">considérées comme plus opaques</a>, l’accès à la dette reste d’autant plus compliqué que les banques font moins confiance à l’information qui leur est fournie.</p>
<p>Une solution peut être de publier ses comptes en normes IFRS (International Financial Reporting Standards). C’est ce que montre notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0144818820301812">étude</a> portant sur des groupes non cotés européens.</p>
<p>Le référentiel IFRS, <a href="https://ideas.repec.org/a/cai/ccaafc/cca_242_0007.html">adopté dans plus de 130 pays</a>, vise à faciliter les relations entre les entreprises et leurs investisseurs et créanciers. Il permet en effet de produire une <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s11142-016-9363-1">information financière harmonisée</a>. Son application, lorsqu’elle est obligatoire, a des impacts positifs pour les sociétés tels que la réduction du coût du capital, un meilleur accès à la dette, et une augmentation des investissements transfrontaliers.</p>
<h2>Un accès facilité au crédit</h2>
<p>Une des explications à ces résultats est que l’utilisation des IFRS augmente la qualité de l’information financière. En Europe, les normes IFRS sont obligatoires pour les comptes consolidés des sociétés cotées depuis 2005. Elles sont également optionnelles pour les groupes non cotés, bien que seuls 5 % d’entre eux les choisissent.</p>
<p>Notre étude cherche donc à comprendre ce que les IFRS peuvent apporter aux groupes privés. Nous montrons que l’adoption de ces normes internationales leur facilite l’accès au crédit bancaire : les groupes publiant en IFRS présentent une dette relativement plus élevée que les autres, dans tous les pays observés. En effet, la mise en place de ces normes permet de standardiser l’information financière communiquée par les entreprises.</p>
<p>Dans le cadre des petites et moyennes entreprises (PME), ce choix de normes apparaît comme une opportunité de réduire leur opacité auprès de potentiels créanciers. La lecture et l’analyse des bilans étant plus transparentes, les banques ont une meilleure connaissance de la situation financière de ces entreprises, leur facilitant ainsi l’accès au crédit bancaire.</p>
<p>Opter pour les IFRS constitue donc une stratégie à envisager par les entreprises à la recherche de nouveaux partenaires bancaires pour des besoins de financement importants, que ce soit dans le cadre de prêts syndiqués, c’est-à-dire fournis par un ensemble d’établissements financiers, ou internationaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379956/original/file-20210121-21-hzjh9g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les entreprises publiant en IFRS présentent une dette relativement plus élevée que les autres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1238368">Pxhere</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais est-ce que toutes les entreprises privées ont intérêt à adopter les IFRS ? Qu’en est-il des entreprises naturellement moins opaques ou opérant dans un environnement économique favorisant l’accès au crédit ? Nous démontrons que l’effet bénéfique de l’adoption des IFRS varie en fonction des caractéristiques des entreprises, mais aussi des spécificités des pays dans lesquels elles se situent.</p>
<p>Cet effet positif sur l’accès à la dette est amplifié pour les sociétés dites plus opaques, à savoir les petites entreprises, celles considérées comme plus risquées ou disposant de peu d’actifs tangibles.</p>
<h2>Compenser l’asymétrie d’information</h2>
<p>Par ailleurs, nous observons que le choix des IFRS est particulièrement efficace dans les pays où les asymétries d’information sont importantes, c’est-à-dire là où les banques ont très peu d’information sur les entreprises, au travers des registres de crédit publics notamment.</p>
<p>Autre exemple : dans les pays où l’économie est plutôt fondée sur un marché financier (comme au Royaume-Uni), le poids de la dette reste globalement <a href="http://dx.doi.org/10.1006/jfin.2002.0341">plus faible dans le bilan des entreprises</a>. La dette y est probablement plus difficile à obtenir, sauf justement pour les entreprises optant pour les IFRS. Ainsi, ces normes semblent compenser les problèmes d’asymétrie d’information liés à l’environnement bancaire : lorsque les banques disposent de peu d’information, ou lorsque le marché bancaire est moins développé.</p>
<p>Bien entendu, opter pour un référentiel comptable n’est pas anodin, surtout lorsqu’il s’agit d’abandonner le référentiel local, naturellement mieux maîtrisé. Un premier frein réside dans les <a href="https://doi.org/10.1016/j.aos.2016.10.001">problèmes de compréhension linguistique</a>, et ce malgré les traductions officielles européennes. Les IFRS ont aussi été critiquées pour leur complexité et pour la quantité d’informations à produire.</p>
<p>Les référentiels locaux présentent encore des différences avec ces normes, notamment <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.jaccpubpol.2006.11.001">dans les pays de droit civil</a> comme en France. Ce choix suppose donc d’avoir une équipe comptable et financière étoffée et compétente, capable de suivre l’évolution constante de cette normalisation – en plus des autres. Néanmoins, en investissant dans l’information financière, les entreprises – en particulier les plus opaques – peuvent envoyer un signal de qualité auprès des banques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153737/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Stefaniutyn de Brébisson est membre de l'AFC, Association Francophone de Comptabilité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurore Burietz et Jérémie Bertrand ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Publier ses comptes en normes IFRS, qui améliorent la qualité de l’information financière, peut constituer une solution pour faciliter l’accès au crédit.Hélène Stefaniutyn de Brébisson, Professeur, IÉSEG School of ManagementAurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementJérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1535592021-01-24T17:24:07Z2021-01-24T17:24:07ZParité : un enjeu particulièrement important pour les cabinets d’audit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379515/original/file-20210119-26-1u8o1km.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C11%2C983%2C654&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les études s’accordent à dire que la présence des femmes à titre d’associées signataires accroît la qualité des services d’audit.</span> <span class="attribution"><span class="source">ESB Professional / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Malgré certains progrès, l’égalité entre femmes-hommes <a href="http://www.institutmontaigne.org/publications/agir-pour-la-parite-performance-la-cle">peine encore à se réaliser</a>, et il est à craindre que la crise sanitaire <a href="https://www.europe1.fr/societe/legalite-professionnelle-femmes-hommes-menacee-par-le-covid-19-4008944">vienne briser la dynamique</a> engagée. Dans ce contexte, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, s’est dit favorable à une <a href="https://www.leparisien.fr/economie/egalite-hommes-femmes-au-travail-bruno-le-maire-favorable-a-des-quotas-18-01-2021-8419782.php">proposition de loi</a>, qui pourrait intervenir mi-mars, instaurant des quotas pour favoriser l’accession des femmes à des postes de direction dans les entreprises françaises.</p>
<p>Cette possible évolution législative pourrait avoir un impact positif dans le secteur de l’audit dont les commissaires aux comptes, selon le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006242832/2005-09-09">code de commerce</a>, « certifient, en justifiant de leurs appréciations, que les comptes annuels sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la personne ou de l’entité à la fin de cet exercice ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1351231251085193217"}"></div></p>
<p>En effet, une présence significative des femmes dans la hiérarchie des cabinets aurait des effets bénéfiques sur la qualité des audits réalisés, sur la fiabilité des informations financières et extrafinancières publiées et sur les performances de l’entreprise et plus globalement sur la performance économique.</p>
<h2>Des collaboratrices plus que des associées</h2>
<p>Or, il est frappant de constater que les effectifs dans les grands cabinets d’audit restent majoritairement composés de femmes qui sont pour la plupart des collaboratrices plutôt que des associées et signataires.</p>
<p>Le tableau ci-dessous présente la répartition des femmes selon le niveau hiérarchique ainsi que le plus récent indice d’égalité professionnelle femmes-hommes des six plus grands cabinets d’audit internationaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=165&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=165&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=165&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=207&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=207&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/382437/original/file-20210204-22-1xx3m9g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=207&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Répartition en pourcentage des femmes selon le niveau hiérarchique et indice d’égalité professionnelle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Synthèse faite à partir des renseignements obtenus à partir des sites internet des cabinets et du ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On observe la même tendance au sein des cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes de taille moyenne, même si l’accès des femmes aux postes de responsabilité est certes plus prononcé dans les petites structures que dans les grands cabinets.</p>
<p>La parité femmes-hommes, c’est-à-dire la diversité de genre dans les cabinets d’audit, n’est donc pas seulement un enjeu d’égalité voire de représentativité. il est aussi économique par son effet potentiel sur la qualité de l’audit et la satisfaction de la clientèle.</p>
<h2>Une meilleure qualité de l’audit</h2>
<p>A priori, la qualité des services d’audit ne devrait pas être affectée par des considérations de genre. En effet, le déroulement d’une mission d’audit est encadré par des normes professionnelles, de travail ainsi que le code de déontologie qui en garantissent la qualité.</p>
<p>Toutefois, la recherche académique accrédite l’idée selon laquelle le genre de l’auditeur a des implications importantes sur le plan de l’appréciation du risque du client, la démarche d’audit et en conséquence la qualité de l’audit.</p>
<p>En effet, des études <a href="https://www.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/acfi.12242">australiennes</a>, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09638180.2014.921445">belges</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ijau.12130">finlandaises</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296318305769">espagnoles</a> notamment ont mis en évidence une relation entre le genre de l’associé signataire et la qualité de l’audit.</p>
<p>Les travaux de recherche <a href="https://meridian.allenpress.com/accounting-horizons/article-abstract/27/2/205/127411/Female-Auditors-and-Accruals-Quality?redirectedFrom=fulltext">finlandais</a> montrent en outre que les entreprises auditées par des associées signataires ont des états financiers plus fiables et moins sujets à des manipulations comptables que celles dont l’audit est confié à un homme. Selon une étude <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-020-04607-0">britannique</a>, les associées signataires identifieraient davantage de points clés de l’audit et communiqueraient de façon plus complète et précise à leur sujet dans leurs rapports que leurs collègues masculins.</p>
<p>Enfin, l’étude menée dans le contexte belge fait ressortir que les associées en charge de la mission d’audit sont plus susceptibles que leurs collègues d’émettre une opinion assortie d’une réserve quant à leur continuité d’exploitation pour les entreprises en difficulté financière. Tous ces exemples illustrent l’effet du genre de l’auditeur sur la qualité de l’audit. Or, c’est la qualité d’un audit qui détermine la confiance accordée à l’information comptable par les acteurs des marchés financiers. Elle joue ainsi un rôle dans le financement de la croissance économique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379511/original/file-20210119-15-x7xgpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les femmes seraient moins enclines aux manipulations comptables que les hommes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fizkes/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il ressort également de ces études que les femmes responsables des missions d’audit sont plus averses au risque et plus éthiques que leurs collègues masculins. Cette aversion au risque affecte ainsi leur appréciation de la probabilité de présence d’anomalies significatives dans les comptes de l’entreprise et les amène à adopter une démarche d’audit différente.</p>
<p>Indépendamment de leurs compétences techniques de leurs valeurs éthiques, les femmes sont particulièrement dotées d’une intelligence émotionnelle qui leur confère une écoute active et attentive parfois différente de celle des hommes. Cette intelligence émotionnelle est actuellement recherchée par les audités. Dans ce cadre, les travaux en psychologie ont montré que les femmes affichaient des habilités de communication, de coopération et de négociation supérieures à celles de leurs collègues masculins et qui contribuent à améliorer la qualité des audits financiers.</p>
<h2>Une meilleure performance économique</h2>
<p>Le lien entre la parité et la performance n’est pas qu’une question de bon sens. Une <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2013.0319">méta-analyse</a> semble confirmer l’effet positif de la féminisation des instances de gouvernance sur la performance financière des entreprises, particulièrement dans les pays favorisant l’égalité des sexes. Selon une autre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/000312240907400203">étude américaine</a>, la diversité de genre ou ethnique des collaborateurs impacte plusieurs indicateurs économiques parmi lesquels le chiffre d’affaires, le nombre de clients et la performance rendue possible via l’hétérogénéité des sexes et des identités culturelles.</p>
<p>Ainsi, la parité loin de léser l’entreprise, elle l’enrichit. Selon une <a href="http://oe.cd/last-mile-gender-nordic">étude</a> réalisée par l’OCDE, la plus forte participation des femmes au marché du travail dans les pays scandinaves aurait permis d’accroître le PIB par habitant annuel de 0,05 % à 0,4 %, soit cumulativement entre 3 % et 20 % de la croissance totale au cours des cinquante dernières années.</p>
<p>Compte tenu de l’enjeu social, économique et stratégique que représente la parité femmes-hommes dans les cabinets d’audit et face aux arguments contraires à la diversité de genre, des efforts pourraient être orientés vers la sensibilisation de la société sur l’impact économique de la parité, la poursuite du partage de pouvoirs au sein des cabinets et vers la mise en place d’une politique publique en faveur de la parité dans les cabinets d’audit.</p>
<p>Les éléments de cette politique pourraient notamment passer par l’instauration d’un congé post-naissance sans distinction de sexe et de statut. En effet, les obligations familiales des femmes et les questions liées à la maternité constituent des obstacles à leur progression vers des postes de responsabilité. Un système de congé post-naissance pour l’un des parents du nouveau-né sans distinction de sexe et de statut hiérarchique serait de nature à limiter les discriminations dont sont victimes certains parents. Il permettrait de dégenrer les problématiques auxquelles font face les femmes, non seulement dans les cabinets mais dans l’ensemble des organisations publiques et privées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153559/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des questions d’égalité, les auditrices associées identifieraient davantage de points clés et communiqueraient de façon plus précise que leurs collègues masculins.Eustache Ebondo Wa Mandzila, Professeur en Audit, Contrôle interne et Gouvernance des organisations, Kedge Business SchoolWalid Ben Amar, Professor of Accounting, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457432020-10-14T18:58:51Z2020-10-14T18:58:51ZFace à la vague de faillites, le rôle essentiel des commissaires aux comptes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/356793/original/file-20200907-16-8h5vfy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C21%2C1153%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les entreprises peuvent s’appuyer sur l’expertise des commissaires aux comptes pour surmonter les difficultés engendrées par la crise.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1435901">Pxhere.com</a></span></figcaption></figure><p>La crise sanitaire de la Covid-19 nous oblige à apprendre à vivre dans l’incertitude, une incertitude qui affecte de multiples domaines. L’économie en fait bien entendu partie et les inquiétudes sur la continuité d’exploitation de nombreuses entreprises vont grandissant, le manque de liquidités, malgré l’intervention massive attendue de l’État, pouvant déboucher dans certains secteurs sur des faillites en série.</p>
<p>Dans ce contexte incertain, une profession, trop souvent résumée à sa mission de contrôle a posteriori, peut jouer un rôle majeur dans la préservation du tissu économique : les commissaires aux comptes. Confrontées à une crise sans précédent, les entreprises peuvent s’appuyer sur leur expertise pour éviter les obstacles qui se présenteront devant elles.</p>
<h2>Un lanceur d’alerte pas comme les autres</h2>
<p>Le Code de commerce prévoit une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000501098&categorieLien=cid">procédure spécifique</a> d’alerte qui incombe aux commissaires aux comptes dans l’exercice de leur mission d’audit légal : si le commissaire aux comptes constate l’existence de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il doit en informer le dirigeant puis, le cas échéant, le conseil d’administration.</p>
<p>Si des mesures efficaces ne sont pas décidées pour améliorer la situation, il doit prévenir le président du tribunal de commerce ; un rapport spécial devra alors être communiqué à l’assemblée générale des actionnaires convoquée pour délibérer des faits relevés.</p>
<p>Complétée par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000632645&categorieLien=cid">loi de sauvegarde votée en 2005</a>, cette procédure souligne le rôle du commissaire aux comptes comme partenaire de l’entreprise. Elle facilite en effet la réorganisation d’une entité afin de permettre la poursuite de l’activité, le maintien des emplois et l’apurement des passifs, avant de risquer la cessation de paiement.</p>
<p>Spécificité française qui n’a pas d’équivalent européen, la procédure d’alerte confère à l’auditeur une sorte de « magistrature économique », lui demandant d’aller au-delà de la fonction de certification des comptes et lui dédiant un rôle préventif en matière de difficultés des entreprises. Comme s’était plu à le rappeler la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris, « l’auditeur (français) est un lanceur d’alerte pas comme les autres ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356904/original/file-20200908-24-1anycw1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le commissaire aux compte, un « lanceur d’alerte » à la française.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/bureau-d-affaires-comptable-620822/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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<p>Cependant, cette procédure peut s’avérer délicate à mettre en œuvre car il ne s’agit pas pour le commissaire aux comptes de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise auditée, sous peine de voir l’indépendance de ses travaux de vérification compromise : on ne peut pas être juge et partie.</p>
<p>C’est la considération d’informations prévisionnelles attestant ou pas d’une trésorerie suffisante pour faire face aux douze prochains mois qui va décider le professionnel à agir mais, au-delà, c’est sa conviction que l’entreprise est en danger qui le poussera à déclencher la procédure.</p>
<p>Loin de l’image de dénonciateur que le lanceur d’alerte a dans le public, le commissaire aux comptes en lançant la procédure d’alerte donne un sens solidaire à sa mission. Il s’agit parfois tout simplement d’expliciter une dure réalité aux dirigeants de l’entreprise, de leur faire prendre conscience des difficultés que traverse leur entreprise en préservant ses employés et ses partenaires. La procédure est graduelle et ne débouche pas systématiquement sur la désignation d’un administrateur judiciaire.</p>
<h2>Le gardien d’une confiance méritée</h2>
<p><a href="https://www.contrepoints.org/2018/05/19/316398-loi-pacte-la-grogne-des-commissaires-aux-comptes">Malmenée par la récente loi Pacte</a> qui, en s’alignant sur la législation européenne, a rehaussé les seuils de nomination d’un commissaire aux comptes et durablement contracté son champ d’action, la profession peut trouver dans le devoir d’alerte l’occasion de jouer un rôle majeur dans les prochains mois et se confirmer comme un partenaire privilégié des entreprises.</p>
<p>En s’emparant de la crise actuelle, les commissaires aux comptes peuvent mettre en avant leur rôle premier de producteur de confiance. Comme l’homme d’affaires britannique Sir Donald Brydon l’explique dans son <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/852960/brydon-review-final-report.pdf">récent rapport</a> prônant une réforme de la profession au Royaume-Uni, l’auditeur doit contribuer à renforcer la « confiance méritée » dans les entreprises, informant dûment les investisseurs et autres parties prenantes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1207438957417582592"}"></div></p>
<p>Pour le rapport Brydon, tout contrôle légal des comptes doit aller au-delà de la simple exigence d’une application correcte des normes en vigueur et faire de l’audit « un processus et un produit plus informatifs ».</p>
<p>Le défi solidaire que les commissaires aux comptes s’apprêtent à relever mettra selon nous en exergue le fait que l’exercice d’une profession n’est pas simplement l’application d’un savoir prédéfini à un problème pour le résoudre mais la mise en œuvre d’un processus complexe de diagnostic et de traitement de l’information.</p>
<p>Cette conviction s’applique déjà aux missions habituelles des commissaires aux comptes : la vérification des comptabilités n’est pas qu’une simple inspection. L’audit ne se réduit pas à une technique, aussi élaborée soit-elle. C’est aussi une relation sociale, qui traduit un engagement et une prise de responsabilité de l’auditeur à l’égard de l’audité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356792/original/file-20200907-24-1ktkxyz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Georges Canguilhem.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Canguilhem#/media/Fichier:Georges_Canguilhem.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La réflexion du médecin et philosophe Georges Canguilhem dans son essai <em>Le Normal et le Pathologique</em> publié en 1943 nous fait dire que tout organisme vivant, qu’il soit biologique ou social, ne peut être analysé comme une simple mécanique et doit être appréhendé dans sa relation avec le milieu dans lequel il vit, s’adapte et se construit.</p>
<h2>L’importance d’un « régime de faillite »</h2>
<p>Dès lors, l’intention de secourir, qu’elle soit médicale ou économique, ne prend pas la forme exclusive d’un savoir causal et clinique mais se manifeste également par une relation sociale et opératoire. Pour ce qui est de la procédure d’alerte, les commissaires aux comptes sont ainsi récipiendaires d’une indépendance d’esprit et de fait et détenteurs d’un savoir opératoire composé d’efficacité mais sans doute aussi de bienveillance et de confiance.</p>
<p>Gageons que le rôle qu’ils s’apprêtent à endosser ces prochains mois, par le devoir d’alerte qui leur incombe, montrera combien ces professionnels sont les indispensables gardiens d’une confiance méritée.</p>
<p>En effet, la crise de la Covid-19 rappelle aujourd’hui l’importance d’un « régime de faillite » hautement protecteur, à l’instar du <em>Chapter 11</em> américain. Dans un monde en difficulté, la procédure d’alerte française doit se révéler à la fois protectrice, souple et soutenable, afin de maintenir notre attractivité économique.</p>
<p>Les commissaires aux comptes pourraient ainsi justifier dans des circonstances où il ne s’agit plus seulement de favoriser la croissance mais d’abord d’éviter la faillite, du rôle solidaire de leur mission en se revendiquant d’une fonction d’information et de prévention qui dépasse celle du simple contrôle de la comptabilité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145743/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chrystelle Richard est Vice-Présidente de l'Association Francophone de Comptabilité (AFC), Vice-Présidente de l'International Association for Accounting Education & Research (IAAER), membre du groupe de référence sur les Less Complex Entities (LCE) de l'International Auditing and Assurance Standards Board (IAASB).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne Jeny et Carlos Ramirez ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Leur fonction d’information et de prévention, source de confiance au sein du tissu économique, dépasse celle du simple contrôle de la comptabilité.Anne Jeny, Professeur, Département Comptabilité-Contrôle de Gestion, ESSEC Carlos Ramirez, Professeur, Département Comptabilité-Contrôle de Gestion , ESSEC Chrystelle Richard, Professeur Associé, Département Comptabilité-Contrôle de Gestion, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1454162020-10-13T12:54:12Z2020-10-13T12:54:12ZPrès de 20 ans après le scandale Enron, où en sont les normes comptables ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358646/original/file-20200917-22-dbbzgl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C12%2C4145%2C2401&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cela fait 15 ans que les Normes internationales d’information financière (IFRS) ont été adoptées pour rendre comparables les informations financières d’un pays à un autre, et faciliter l’exercice de consolidation des états financiers par des multinationales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En octobre, il y aura 19 ans que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enron">l’affaire Enron</a>, l’un des pires scandales financiers de l’Histoire, a éclaté. Il y a aussi maintenant 15 ans que les <a href="https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/impot/entreprises/sujets/normes-internationales-information-financiere-ifrs.html">Normes internationales d’information financière (IFRS)</a> ont été adoptées pour rendre comparables les informations financières d’un pays à un autre, et faciliter l’exercice de consolidation des états financiers par des multinationales.</p>
<p>En plus de rendre universelle la compréhension de l’information financière, ces normes devaient améliorer la qualité des états financiers à la suite des scandales financiers comme Enron et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parmalat">Parmalat</a>. Ces normes (IFRS) sont aujourd’hui en vigueur dans environ 160 pays dans le monde. Quel bilan peut-on dresser de leur application ? Quelles leçons en tirer ?</p>
<p>En tant que professeur agrégé de comptabilité financière à l’Université du Québec en Outaouais, je m’intéresse depuis plus plusieurs années aux questions de normalisation comptable. Mes recherches m’ont amené à constater que les retombées de l’adoption des normes internationales sont variables d’un pays à un autre, dépendamment du système légal et de la qualité des mécanismes de gouvernance corporative.</p>
<h2>Améliorer la transparence</h2>
<p>L’adoption des IFRS (International Financial Reporting Standards) a constitué l’un des plus importants changements dans la normalisation comptable contemporaine. Cette harmonisation des normes comptables avait pour objectifs, entre autres, de faciliter une plus grande comparaison des états financiers à travers les pays, accroître la qualité des états financiers pour les marchés, et améliorer la divulgation et la transparence des entreprises. Ceci pour réduire des coûts de transactions et accroître l’investissement international.</p>
<p>L’application de ces normes est obligatoire pour les entreprises cotées. C’est donc ce référentiel qui est employé pour dresser les états financiers dont se servent des investisseurs et divers publics qui interagissent sur les marchés financiers.</p>
<p>Ce référentiel dont l’adoption obligatoire a débuté en 2005 - <a href="https://www.iasplus.com/en/binary/ca/0903ifrsed2french.pdf">et en 2011 au Canada</a> -, a aujourd’hui <a href="https://www.ifrs.org/use-around-the-world/use-of-ifrs-standards-by-jurisdiction/#analysis">cours légal dans un peu plus de 160 pays</a>. Avec la ruée vers les IFRS de tant de pays, qui ont pour certains délaissé leurs référentiels nationaux pour s’y soumettre exclusivement, la question qui se pose est celle de savoir si quinze ans plus tard, le référentiel international tient ses promesses d’une qualité plus accrue de l’information financière.</p>
<p>Précisément, il faut examiner si les deux principales qualités de l’information financière que sont la pertinence et la fiabilité, se trouvent renforcées sous les IFRS. La pertinence de l’information financière porte principalement sur son utilité et sa capacité à influencer la prise de décision économique. Sa fiabilité renvoie davantage à sa conformité, sa vérifiabilité et sa neutralité.</p>
<h2>Des états financiers plus pertinents</h2>
<p>Les exigences de divulgation plus élevées qui découlent des IFRS donnent un signal positif aux investisseurs et tendent à réduire leurs coûts d’accès à l’information. De par l’amélioration du contenu informationnel et la transparence accrue des entreprises, les prévisions des analystes financiers semblent beaucoup plus précises sous les IFRS, notamment pour les pays dont les normes nationales en étaient éloignées avant l’adoption. La valeur boursière des firmes européennes semble maintenant <a href="https://www.cairn.info/revue-comptabilite-controle-audit-2012-2-page-99.htm?contenu=resume">davantage expliquée par les états financiers préparés sous les IFRS, lesquels sont dotés d’un plus grand pouvoir d’anticipation de la performance des entreprises</a>.</p>
<p>Cette réponse favorable des marchés financiers aux IFRS serait pour bien d’observateurs la manifestation probante de leur contribution substantielle par rapport aux référentiels nationaux. Par ailleurs, la plupart des entreprises s’accordent sur <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/ARA-04-2017-0064/full/html">l’amélioration de la comparabilité des états financiers</a>.</p>
<p>Il en est de même pour la consolidation des comptes des filiales.</p>
<p>Toutefois, bon nombre d’entre elles conviennent que la nature complexe du référentiel, le coût élevé de son adoption et l’absence de lignes directrices pour son application, ainsi que la volatilité accrue des résultats après son adoption, figurent parmi les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1467-646X.2007.01011.x">plus importants défis de la transition aux IFRS</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/358661/original/file-20200917-22-1nczovq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo prise à Houston le 17 avril 2006, l’ex dirigeant d’Enron, Jeffrey Skilling, est escorté au palais de justice fédéral pour un contre-interrogatoire dans le cadre de son procès pour fraude et conspiration. Jeffrey Skilling a été libéré le 21 février 2019 après avoir purgé 12 ans de prison pour ses actions, qui ont conduit à l’un des pires scandales financiers de l’histoire ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Pat Sullivan</span></span>
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<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09638180.2010.506285">Si de nombreux chercheurs semblent s’accorder</a> sur le fait que l’introduction des normes IFRS en Europe continentale apporte un peu plus de pertinence aux états financiers, la tonalité n’est pas toujours la même en ce qui concerne les pays à forte tradition anglo-saxonne dont les référentiels nationaux étaient déjà, comme les IFRS, orientés vers les marchés. Les opposants aux normes IFRS aux États-Unis, notamment la <a href="https://www.investopedia.com/terms/s/sec.asp"><em>Securities and Exchange Commission</em></a> font d’ailleurs valoir que le seul problème lié à la non adoption des IFRS par les États-Unis est le <a href="https://www.researchgate.net/publication/222414889_Attribute_differences_between_US_GAAP_and_IFRS_earnings_An_exploratory_study">désavantage concurrentiel auquel feront face les entreprises américaines sur les marchés étrangers</a>. Ainsi, pour les pays anglo-saxons, l’adoption des IFRS serait davantage une question d’accès aux marchés internationaux que d’amélioration de la comptabilité.</p>
<h2>Le problème de la fiabilité</h2>
<p><a href="https://meridian.allenpress.com/accounting-horizons/article-abstract/24/1/117/68375/Response-to-the-SEC-s-Proposed-Rule-Roadmap-for?redirectedFrom=fulltext">Bien que certaines études restent dubitatives quant à la supériorité des normes IFRS sur certaines normes nationales</a>, l’apport substantiel du référentiel international en termes de pertinence n’est en général pas réfuté. Il fait en revanche l’objet d’un sérieux procès quant à la fiabilité des informations financières qu’il produit.</p>
<p>[Le concept de <em>Juste valeur</em> ](https://www.ifrs.org/issued-standards/list-of-standards/ifrs-13-fair-value-measurement/#:~:text=Nor%20does%20it%20establish%20disclosure,date%20(an%20exit%20price)prôné par les IFRS est dans la ligne de mire de la plupart des critiques formulées au sujet de la fiabilité des données comptables produites sous ces normes. Présentée comme la valeur d’échange d’un actif et la valeur d’extinction d’un passif à une date donnée, la <em>juste valeur</em>, couramment utilisée comme la valeur marchande ou valeur de marché, est supposée rendre les états financiers plus pertinents pour les décideurs et les investisseurs, afin d’éclairer leurs choix.</p>
<p>Seulement, l’application de cette notion autrefois très peu présente dans les référentiels nationaux hors du monde anglo-saxon, rencontre d’importants défis d’évaluation et ouvre la porte à diverses possibilités d’estimation et d’interprétation. En plus de compliquer la tenue d’une comptabilité de couverture, elle entraîne une volatilité des résultats, notamment en ce qui concerne les actifs financiers disponibles à la vente.</p>
<p>Les autres problèmes que pose la <em>juste valeur</em> sont reliés au caractère évolutif de sa mesure, à la valorisation des actifs qui affichent un faible nombre de transactions et aux risques de manipulation au service de la spéculation financière.</p>
<p>Cette latitude donnée aux dirigeants d’évaluer les actifs à leur valeur potentielle de marché est de nature à <a href="https://ideas.repec.org/p/una/unccee/wp0512.html">favoriser la comptabilité créative</a>. De plus, la détermination de la <em>juste valeur</em> doit être fondée sur des informations fiables qui peuvent être difficiles à obtenir en temps réel. Ce qui implique que les entreprises auraient besoin de redéfinir leurs formules d’évaluation de la juste valeur, de réexaminer leurs facteurs de risque, et revoir leurs contrats de la dette, entre autres.</p>
<p>Il ressort donc globalement que la pertinence des états financiers semble plus renforcée sous les IFRS, tandis que leur fiabilité continue de poser un problème. La cause originelle étant la préséance que ces normes accordent aux investisseurs sur les autres parties prenantes (l’État, les créanciers, les salariés, entre autres). En militant à outrance pour une pertinence des informations financières à l’endroit des marchés, les normes rendent ces informations pauvres en fiabilité, notamment dans les pays où le système financier n’est pas axé sur le marché boursier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145416/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Félix Zogning ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certains pays se soumettent maintenant exclusivement aux Normes internationales, alors que ce référentiel ne tient pas toutes ses promesses d’une meilleure information financière.Félix Zogning, Professeur agrégé, Université du Québec en Outaouais (UQO)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1379082020-06-18T17:41:39Z2020-06-18T17:41:39ZTransformer nos systèmes comptables pour se réorganiser avec ce qui compte (vraiment)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342519/original/file-20200617-94040-dr581p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Qu'est-ce qui compte vraiment?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/malles-arbres-couper-4274727/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Qu’ont en commun des pangolins, des écosystèmes asiatiques, des aides-soignant·e·s, des caissier·e·s, des livreur·se·s, etc. ? Ce sont des myriades d’êtres et d’entités que nos systèmes économiques et gestionnaires ont tenu à l’écart, et que la <a href="https://www.20minutes.fr/economie/2748911-20200327-face-coronavirus-redecouvrons-utilite-immense-metiers-invisibles-explique-sociologue-dominique-meda#xtor=RSS-149">crise actuelle met sur le devant de la scène</a>, révélant de manière très crue <a href="https://www.usinenouvelle.com/blogs/julien-fosse/quand-la-biodiversite-s-invite-dans-nos-usines.N945976">leur importance et nos liens d’interdépendance avec eux</a>. Et le premier système de gestion ignorant leur existence ou leur importance est la comptabilité.</p>
<p>La comptabilité est en effet le <a href="https://www.economie.gouv.fr/mission-entreprise-et-interet-general-rapport-jean-dominique-senard-nicole-notat">langage premier des organisations</a>. C’est par les systèmes comptables que celles-ci communiquent, se représentent le monde dans lequel elles vivent – les systèmes comptables instituent ce qui « compte » –, cadrent leurs questionnements et sont rendues « comptables » de leurs actions ; c’est sur la base des systèmes comptables que se fonde l’opérationnalisation de l’action collective.</p>
<p>Mais la comptabilité n’est-elle pas une simple technique de gestion, neutre, synonyme d’une économie capitaliste mondialisée que la crise questionne vivement ? Cette compréhension des systèmes comptables, qui les réifie et les dépolitise, est loin de refléter leur richesse et le rôle central qu’ils ont joué et qu’elles peuvent jouer pour préparer l’avenir.</p>
<h2>À chaque société ses systèmes comptables</h2>
<p>Les premiers systèmes comptables apparaissent <a href="https://journals.openedition.org/comptabilites/1877">dès l’origine des civilisations humaines, en Mésopotamie</a>. En fait, anthropologiquement, « les enregistrements comptables sont des représentations physiques abstraites des échanges passés et des efforts de coopération, et ils agissent comme des […] mémoires primaires pour les agents économiques engagés dans des échanges complexes à grande échelle. En élargissant la capacité mnésique au-delà des contraintes biologiques du cerveau humain, les enregistrements comptables ont considérablement augmenté l’échelle et la portée de la coopération humaine. Associés à la langue, au droit et à d’autres institutions de soutien à la coordination, les systèmes comptables concrets <a href="https://www.aaajournals.org/doi/abs/10.2308/acch.2006.20.3.201">ont aidé les civilisations humaines à émerger »</a>.</p>
<p>La comptabilité constitue ainsi un des fondements des coordinations et coopérations dans les sociétés humaines : chaque société a développé ses systèmes comptables, structurés par ses imaginaires et ses cosmologies, et qui ont aidé à instituer et développer opérationnellement ces sociétés, sur la base de leur rapport propre au monde. Ainsi la comptabilité mésopotamienne, <a href="https://www.imtfi.uci.edu/files/docs/2013/hudson.pdf">centrée sur la stabilisation des prix</a>, ou la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0361368210000152">comptabilité bouddhiste</a> divergent fortement de nos systèmes comptables actuels, techniquement mais surtout conceptuellement.</p>
<p>Par ailleurs, les systèmes comptables ne sont pas limités aux seules organisations. La notion de « durabilité » émerge ainsi dans le travail d’un comptable du XVIII<sup>e</sup> siècle, von Carlowitz, qui fonde une <a href="https://www.cambridge.org/fr/academic/subjects/management/management-general-interest/accounting-and-science-natural-inquiry-and-commercial-reason?format=PB&isbn=9780521556996">certaine idée de la gestion durable des forêts</a> : la comptabilité s’inscrit en <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cobi.13254">fait aussi à l’échelle des écosystèmes</a>.</p>
<h2>Rapport au monde</h2>
<p>Partant, l’absence des enjeux sociétaux dans nos systèmes comptables actuels rend dès lors impossibles des coordinations et coopérations adéquates sur ces questions. Il s’agirait donc de les rendre visibles. Mais doit-on le faire sans questionner plus profondément la façon de les prendre en compte ? La question centrale est de savoir comment nous voulons représenter ces entités et ces êtres ignorés et nous organiser avec eux. En cela, il s’agit en fait de s’interroger sur le type de rapport au monde que nous souhaitons que nos systèmes comptables déploient dans nos organisations.</p>
<p>La voie principale empruntée actuellement, <a href="https://integratedreporting.org/resource/international-ir-framework/">qu’on retrouve dans les initiatives et débats sur la comptabilité/reporting sociétale</a>, <a href="https://www.ifrs.org/news-and-events/2019/04/speech-iasb-chair-on-sustainability-reporting/">pour rendre visibles ces enjeux</a>, est celui de l’obsession de « la mise en valeur ». Il s’agit de représenter ces entités (écosystèmes, travailleurs, etc.), comme des « actifs » comptables, c’est-à-dire comme des sources de productivité, de services, d’utilité, donc de valeur, qui serait techniquement et objectivement contrôlable.</p>
<p>Or cette vision <a href="https://amp-ft-com.cdn.ampproject.org/c/s/amp.ft.com/content/902310ea-7996-11ea-bd25-fd923850377">renvoie à un rapport au monde problématique</a>, poursuivant notamment la <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-science-fondamentale-est-notre-meilleure-assurance-contre-les-epidemies">même relation aux milieux naturels</a> et au travail, <a href="https://theconversation.com/coronavirus-quand-lillusion-de-notre-maitrise-de-la-nature-se-dissipe-135332">qui se fonde sur une « illusion »</a> – <a href="https://theconversation.com/pourquoi-on-ne-peut-plus-etre-humaniste-135384">issue de la Renaissance</a> – de la maîtrise et de la supériorité de (certains) êtres humains, et que cette crise interroge à nouveaux frais. D’ailleurs, dès justement la Renaissance, la notion d’actif est associée <a href="https://digibug.ugr.es/handle/10481/5833">à l’idée de « cose morte » (choses mortes)</a>, tandis que les propriétaires et créanciers sont les seuls à être associés à des « cose vive » (choses vivantes).</p>
<p>Voulons-nous aujourd’hui continuer sur cette voie, en l’amplifiant encore, en concevant l’intégralité du monde encore ignoré par nos systèmes comptables comme des « choses mortes », simples sources objectivées de valeur ? Ou l’enjeu, dévoilé par cette crise, n’est-il pas celui de rendre visible et d’organiser un nouveau respect au monde, et à ses limites, fondé sur la protection des écosystèmes, du climat, etc., et sur la décence du travail et des êtres humains, faisant de ces êtres et ces entités, de vraies « choses vivantes », des <a href="https://www.la-croix.com/Bruno-Latour-Nous-devons-savoir-quoi-nous-tenons-2020-02-08-1101077044">sources de préoccupations, autrement dit « ce à quoi nous tenons »</a> ?</p>
<h2>Nouveaux systèmes comptables</h2>
<p>Les systèmes comptables représentent une formidable opportunité de déployer un nouveau rapport au monde et une nouvelle compréhension de nos interdépendances avec ces préoccupations, au cœur de nos pratiques organisationnelles. De nouveaux systèmes comptables cherchent à rendre cela possible : c’est notamment ce que proposent les programmes de recherche et d’expérimentations <a href="http://editionsatelier.com/index.php?page=shop.product_details&flypage=bookshop-flypage.tpl&product_id=799&category_id=1&writer_id=805&option=com_virtuemart&Itemid=1">derrière la comptabilité organisationnelle CARE (Comprehensive Accounting in Respect of Ecology)</a>, étendant la comptabilité en coûts historiques, et la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/AAAJ-12-2015-2360/full/html">comptabilité de gestion écosystème-centrée</a>, opérant de façon conjointe au niveau des socio-écosystèmes.</p>
<p>Ces initiatives reviennent déjà à reconnaître la dette que nous avons vis-à-vis de ces entités et de ces êtres, et les objectifs et coûts nécessaires pour leur protection et leur préservation (selon en fait les mêmes niveaux de protection que celui requis pour le capital financier), afin de les intégrer directement dans les bilans et comptes de résultat des organisations. Pour y parvenir, elles mobilisent également la comptabilité, à l’interface entre organisations et socio-écosystèmes, comme support de nouvelles formes de coopérations et coordinations, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0361368285900054">centrées sur ces sources de préoccupation, pour construire de nouveaux « systems of accountabilities »</a>, cœur de toute gouvernance collective.</p>
<p>Au lieu d’objectiver des forêts, des écosystèmes, des êtres humains, etc. pour en contrôler les flux de valeurs, il s’agit d’utiliser les systèmes comptables comme une base commune mobilisable par des acteurs privés et publics – interagissant de fait autour de ces sources de préoccupation – pour leur permettre de définir des nouveaux engagements quant aux contributions à apporter et aux efforts à fournir pour la prise en charge de ces différentes entités, de négocier des contreparties, de se rendre des comptes sur les actions conduites et d’évaluer les résultats collectivement atteints.</p>
<p>C’est à nous de savoir si cette « crisis », <a href="https://www.cairn.info/crises-et-facteur-humain--9782804117849-page-13.htm">littéralement ce moment charnière de prise décision</a>, est le début ou non d’une nouvelle orientation de nos systèmes comptables, aptes à organiser un autre rapport au monde.</p>
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<p><em>Les auteurs de cet article sont coresponsables du programme de recherche <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/recherche/entreprises-humaines-ecologie-et-philosophies-comptables">“Entreprises humaines: écologie et philosophies comptables”</a> du Collège des Bernardins. Le <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/">Collège des Bernardins</a> est un lieu de formation et de recherche interdisciplinaire. Acteurs de la société civile et religieuse entrent en dialogue autour des grands défis contemporains, qui touchent l’homme et son avenir.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Rambaud conseille à titre gratuit le cabinet Compta Durable en tant que président de son conseil scientifique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Feger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comprendre la richesse des systèmes comptables et le rôle central qu’elles ont joué et qu’elles peuvent jouer est indispensable pour préparer l’avenir.Alexandre Rambaud, Maître de conférences en comptabilité - Co-responsable de la chaire "Comptabilité écologique" (AgroParisTech, Université Paris-Dauphine, Université de Reims), AgroParisTech – Université Paris-SaclayClément Feger, Maître de conférences en Sciences de gestion de l'environnement, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.