tag:theconversation.com,2011:/us/topics/conservation-27945/articlesconservation – The Conversation2024-03-17T15:33:11Ztag:theconversation.com,2011:article/2251192024-03-17T15:33:11Z2024-03-17T15:33:11ZLes animaux aussi ont leurs traditions, et elles sont menacées par l’activité humaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582003/original/file-20240314-24-46rzl4.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Premier exemple de culture chez les animaux, les macaques japonais développent des comportements spécifiques à certains groupes.</span> <span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Dans un monde où la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/biodiversite-20584">biodiversité</a> est menacée, la découverte que les animaux possèdent leurs propres cultures bouleverse notre compréhension de la nature. Depuis l’observation à la fin des années 1940 de comportements culturels chez les macaques japonais, le catalogue des espèces présentant des comportements transmis socialement n’a cessé d’augmenter. Au même titre qu’une tradition humaine doit être sauvegardée, nous avons le devoir de protéger les cultures animales. Les programmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conservation-27945">conservation</a> doivent désormais intégrer cette composante, mais la manière de mener ces actions de sauvegarde reste discutée.</p>
<h2>Les macaques japonais lavent leur nourriture</h2>
<p>L’arrivée en 1948 du primatologue japonais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kinji_Imanishi">Kinji Imanishi</a> sur l’île de Koshima, au Japon, marque un tournant décisif dans l’étude du comportement animal. Avec ses étudiants, il se lance dans une entreprise audacieuse : observer les macaques japonais dans leur milieu naturel pour en apprendre davantage sur les origines évolutives des sociétés humaines. Cette quête de connaissance survient dans un Japon post-Seconde Guerre mondiale, une période de reconstruction et de réflexion sur la nature humaine.</p>
<p>Le travail de terrain intensif mené par Imanishi et son équipe révèle des aspects fascinants de la vie des macaques. Leurs observations montrent que ces singes possèdent une structure sociale complexe, en clan familial et avec une hiérarchie de dominance. Mais c’est en 1952 que la découverte la plus marquante a lieu : une jeune femelle nommée Imo commence à <a href="https://youtu.be/EmB31R1NP1c?si=RRqgGB0jq8Y7MlQ-">laver des patates douces</a> dans une rivière avant de les consommer. Ce comportement est rapidement repris par ses congénères, inaugurant ainsi une forme de transmission culturelle chez les macaques. Ce concept s’étendra ensuite chez de nombreuses autres espèces animales.</p>
<h2>La culture animale</h2>
<p>La transmission du lavage de patates douces est interprétée par les chercheurs comme une manifestation de « proto-culture ». Cette découverte illustre la capacité des macaques japonais à apprendre et à transmettre des comportements novateurs, démontrant ainsi que la culture n’est pas l’apanage des humains.</p>
<p>Après cette découverte, les scientifiques vont parcourir le Japon pour découvrir d’autres traditions au sein des populations de macaques : <a href="https://youtu.be/JRJOS-ZwHSM?si=lirroPECM7sicuKM">bains dans les sources d’eau chaude</a>, <a href="https://youtu.be/ceh7yclfl68?si=BjgFDm7gbgaEvqsB">manipulation des pierres</a>, création de boules de neige, <a href="https://youtu.be/Df0lw_tBRu8">rodéo sur les cerfs</a>… Ces découvertes invitent à repenser les frontières traditionnelles entre nature et culture, et à reconnaître la présence de pratiques culturelles chez d’autres espèces que la nôtre. Elles soulignent par ailleurs une continuité dans l’évolution des comportements sociaux et culturels à travers le règne animal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un macaque dans une source chaud" src="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581874/original/file-20240314-16-637ode.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains macaques japonais se baignant dans les sources d’eau chaude. Ce comportement culturel n’est présent que dans un groupe de singes, à Jigokudani, Nagano.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quelques années plus tard, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jane_Goodall">Jane Goodall</a> révolutionne notre compréhension des chimpanzés, révélant l’existence de comportements culturels complexes parmi ces primates. Ses observations minutieuses en Tanzanie ont mis en lumière l’utilisation d’outils, des traditions de chasse, et des structures sociales élaborées.</p>
<p>Aujourd’hui, notre connaissance de la culture animale s’est considérablement élargie, englobant diverses espèces telles que les orangs-outans, les dauphins, les baleines, les éléphants, et certains oiseaux comme les corbeaux et les perroquets. Les orques et les suricates enseignent comment tuer des proies à leur progéniture. Même les insectes tels que les bourdons et les drosophiles présentent de la transmission d’informations et des formes de traditions.</p>
<h2>La culture, une richesse dont la valeur n’est pas à prouver</h2>
<p>L’Unesco définit la culture comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Cette définition s’applique aux cultures animales.</p>
<p>La reconnaissance des comportements culturels chez les animaux nous invite à repenser la manière dont nous valorisons et protégeons la nature. Traditionnellement, la conservation de la biodiversité a été justifiée par l’utilité écologique des espèces, leur rôle dans l’écosystème, ou leur potentiel bénéfique pour l’humanité. Cependant, cette perspective risque de négliger l’importance intrinsèque de la diversité culturelle, qui, tout comme la diversité écologique, constitue une richesse inestimable de notre planète.</p>
<p>De la même manière que nous ne devons pas chercher une valeur écologique spécifique pour justifier la préservation d’une espèce, la culture chez les animaux devrait être valorisée pour elle-même et non pas pour une valeur économique ou écologique. Ces cultures animales, dans leur complexité et leur spécificité, témoignent de l’intelligence, de l’adaptabilité, et de la profondeur sociale des espèces non humaines, offrant une nouvelle dimension à notre compréhension de la nature.</p>
<p>En somme, valoriser et préserver la diversité culturelle chez les animaux revient à reconnaître que la richesse de la nature ne se limite pas à sa valeur écologique ou économique pour l’humanité, mais réside aussi dans la complexité des sociétés non humaines et dans les cultures qu’elles développent. Cette approche élargit notre responsabilité envers la nature, nous incitant à protéger non seulement les espèces et les habitats, mais aussi les patrimoines culturels uniques qu’ils représentent. Ainsi, en préservant la diversité culturelle, nous enrichissons notre propre culture et étendons notre compréhension de ce que signifie être vivant sur cette planète.</p>
<h2>L’impact des activités humaines sur la culture animale</h2>
<p>L’impact humain sur les animaux peut être observé par la fragmentation des habitats, le changement climatique, et les interférences directes avec des activités humaines. Tout cela modifie les conditions de vie et les interactions sociales des groupes d’espèces sauvages. Ces perturbations peuvent altérer des comportements culturels transmis de génération en génération.</p>
<p>De même, la distribution de nourriture par les humains peut modifier les stratégies alimentaires traditionnelles des animaux. Cela peut les faire s’éloigner de leurs pratiques naturelles et entraîner des conséquences imprévues sur la structure sociale et le bien-être de l’espèce. Par exemple, les macaques japonais sauvages et libres mais nourris par les humains ont développé un comportement de <a href="https://youtu.be/ceh7yclfl68?si=JhqirZVBDqKMiij5">manipulation des pierres</a> pour compenser le temps à ne pas chercher par eux-mêmes la nourriture. Ce comportement se transmet de génération en génération et diffère en fonction des groupes. Au total, plus de 48 façons différentes de manipuler ces pierres ont été observées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un macaque est penché vers le sol, où il prend des pierres entre ses mains" src="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581875/original/file-20240314-26-wxet0v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les macaques japonais nourris par des humains ont développé sur leur temps libre des comportements culturels de manipulation des pierres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cédric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le changement climatique et l’anthropisation des milieux soulèvent la question de la conservation de la diversité animale, génétique mais aussi culturelle, et de la préservation de cette dernière. Tout comme le relativisme culturel humain, c’est-à-dire l’idée que les croyances et les pratiques d’une personne doivent être comprises en fonction de sa propre culture, préconise une approche non interventionniste pour préserver la diversité des cultures humaines, une approche similaire pourrait être envisagée pour les cultures animales. Elle mettrait l’accent sur la protection des habitats, la réduction des interférences humaines, et le soutien aux processus écologiques et culturels naturels.</p>
<h2>Protéger et sauvegarder les cultures animales</h2>
<p>Le défi réside dans l’équilibre entre le respect de l’autonomie des cultures animales et la nécessité d’intervenir pour prévenir les effets négatifs de l’anthropisation. La solution pourrait résider dans une interaction culturelle consciente et respectueuse. Il faut pour cela que les efforts de conservation soient soigneusement évalués pour leur impact sur les communautés animales et qu’ils intègrent une compréhension des besoins et des traditions spécifiques des espèces.</p>
<p>Récemment, l’importance de la transmission culturelle a été reconnue comme un élément clé à conserver par un <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aaw3557">consortium de scientifiques éthologues</a>, allant au-delà de la préservation de la diversité génétique pour la survie des espèces. Le <a href="https://osf.io/svg7x/download">« capital animal »</a> culturel de chaque espèce doit être inclus dans tout plan de conservation au même titre que le « capital animal » matériel ou écologique. Les instruments juridiques internationaux, tels que la <a href="https://whc.unesco.org/en/glossary/480">Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage</a>, jouent un rôle essentiel dans la conservation ciblée de diverses espèces en prenant explicitement en compte leur socialité et leurs cultures.</p>
<p>La conservation de la culture animale implique notamment la protection des individus clés, qui sont dépositaires de connaissances socialement transmises, telle la matriarche chez les éléphants, pour ne donner qu’un exemple. Ces efforts de conservation cherchent aussi à améliorer les programmes de réintroduction en gérant stratégiquement les connaissances sociales des animaux, c’est-à-dire en tâchant de ne pas perturber les diversités culturelles en mixant des populations différentes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un éléphant boit avec sa trompe dans une mare" src="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581873/original/file-20240314-24-7qgo7a.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chez les éléphants d’Afrique, les individus âgés sont dépositaires du savoir, en particulier les matriarches qui peuvent emmener les clans vers des points d’eau en temps de sécheresse alors qu’elles n’y sont pas allées depuis plusieurs années.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cedric Sueur/Université de Strasbourg</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Mobiliser de nombreux acteurs</h2>
<p>Il est de plus crucial d’impliquer une diversité de parties prenantes, y compris des scientifiques, dont des éthologues, des responsables de parcs, des responsables gouvernementaux, des communautés locales et des ONG dans la définition des objectifs de conservation et dans le développement de stratégies d’action.</p>
<p>Le documentaire <a href="https://youtu.be/i0CIX8HOkIk"><em>Saru, une histoire de transmission culturelle</em></a> offre une fenêtre sur cette richesse culturelle. Ce film explore avec une équipe internationale d’éthologues les processus de transmission culturelle chez le macaque japonais, espèce habitant différents milieux de la grande île.</p>
<p>Ce film est un pas important vers une meilleure compréhension et appréciation de la culture animale. En tant que société, nous avons la responsabilité de protéger ces cultures, non seulement pour préserver la biodiversité, mais aussi pour enrichir notre propre compréhension du monde naturel. L’observation de ces cultures animales peut améliorer notre cohabitation avec les autres vivants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225119/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Sueur est membre de l’Institut Universitaire de France, membre du conseil scientifique de Reworld Media et de la fondation LFDA. Il a reçu des financements de la Mission pour les Initiatives Transverses et Interdisciplinaires (MITI) du CNRS ainsi qu'un financement IDEX de l'université de Strasbourg. Il est conseiller scientifique du film "Saru une histoire de transmission culturelle" mentionné dans l'article ainsi que du livre "Les péripéties d'un primatologue" publié cette année aux Editions Odile Jacob et qui traite en partie de ce sujet.</span></em></p>La découverte de comportements culturels chez d’autres espèces que la nôtre questionne notre rapport au vivant et la façon de protéger les animaux.Cédric Sueur, Maître de conférences en éthologie, primatologie et éthique animale, CNRS, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238902024-02-22T15:39:42Z2024-02-22T15:39:42ZQue sait-on sur les captures accidentelles de dauphins dans le golfe de Gascogne, et pourquoi est-il si difficile de les éviter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577272/original/file-20240222-26-y4ku3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2500%2C1328&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins retrouvés échoués présentent très souvent des signes de capture accidentelle, causée par différents dispositifs de pêche.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hélène Peltier/Pelagis/La Rochelle Université/CNRS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les petits cétacés (marsouins et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dauphins-37180">dauphins</a>) ont longtemps été abattus comme concurrents directs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peche-21609">pêche</a>, ou capturés pour la consommation humaine dans le golfe de Gascogne, avant d’être légalement protégés en France à partir de 1970. Leur statut de protection a été renforcé à l’échelle européenne en 1992. Néanmoins, des mortalités importantes de dauphins dues aux activités humaines perdurent.</p>
<p>Ainsi, bien que les pics d’échouages traduisant des surmortalités soient documentés depuis les années 80, le nombre d’échouages de petits cétacés sur les côtes du golfe de Gascogne a fortement augmenté depuis 2016 atteignant des niveaux jamais observés en 40 ans. Ces pics d’échouages surviennent majoritairement en hiver (décembre à mars).</p>
<iframe title="Nombre de dauphins communs échoués en hiver (décembre à mars) sur le littoral de la Manche au Pays Basque, de 2000 à 2023" aria-label="Column Chart" id="datawrapper-chart-FTgio" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FTgio/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="border: none;" width="100%" height="400" data-external="1"></iframe>
<p>La plupart des cétacés échoués morts sont des dauphins communs à bec court, <em>Delphinus delphis</em>. Ils présentent des traces de capture (lésions externes et internes causées par les engins de pêche, la manipulation des animaux à bord des bateaux et une mort d’origine traumatique) dans environ <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2021.617342/full">70 % des échouages et jusqu’à plus de 90 % lors de certains pics hivernaux</a>.</p>
<p>D’après les données récoltées par les observateurs scientifiques à bord des bateaux, les captures accidentelles de petits cétacés ont lieu avec plusieurs types d’engins, incluant des filets fixes calés au fond, mais aussi des chaluts pélagiques, c’est-à-dire tractés en pleine eau, et des chaluts de fond à grande ouverture verticale. Les individus capturés sont remontés morts, et sont rejetés à la mer par l’équipage (ce qui est exigé par la réglementation) ou se décrochent et tombent à l’eau au moment de la remontée de l’engin.</p>
<p>Le dauphin commun est l’espèce de petits cétacés la plus abondante dans l’Atlantique nord-est. Les indices d’abondance issus de campagnes de survols aériens ne concluent pas aujourd’hui à une diminution de la population en nombre d’individus, mais les connaissances sur l’état et la dynamique de cette population restent encore limitées. <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">Les récents travaux du Conseil international pour l’exploitation de la mer</a> (CIEM), de la <a href="https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/quality-status-reports/qsr-2023/indicator-assessments/marine-mammal-bycatch/">convention OSPAR</a> et de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin ont cependant conclu que le niveau actuel de captures n’est pas soutenable à long terme pour cette population. Ce diagnostic est corroboré par la <a href="https://theses.hal.science/tel-03957142/">baisse de l’âge des animaux échoués</a>, signalant une baisse de l’espérance de vie des dauphins.</p>
<p>Les accords de protection de la biodiversité signés par la France ainsi que plusieurs règlements et directives européennes, dont la politique commune de la pêche, imposent de prendre des mesures. Saisie par 26 ONG en 2019, la Commission européenne a ainsi entamé, dès 2020, une procédure d’infraction contre la France et l’Espagne pour inaction dans la réduction des captures de dauphins communs dans cette zone. Considérant comme insuffisantes les actions mises en œuvre au niveau national depuis, trois ONG françaises ont saisi le Conseil d’État début 2023.</p>
<h2>Des mesures insatisfaisantes</h2>
<p>Le 20 mars 2023, le <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/captures-accidentelles-de-dauphins-et-marsouins-le-gouvernement-doit-agir-sous-6-mois-pour-garantir-leur-survie-dans-le-golfe-de-gascogne">Conseil a ordonné au gouvernement</a> de prendre des mesures, dans un délai de six mois, pour limiter les captures accidentelles de petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne. Cette injonction a abouti à l’interdiction de pêche pour tous les bateaux de plus de 8 mètres équipés d’engins présentant des risques de capture de dauphins du 22 janvier au 20 février 2024, une période où la surmortalité est maximale selon la moyenne des pics d’échouages observés au cours des années récentes. Cette mesure devrait être reconduite en 2025 et 2026.</p>
<p>Le constat de risque de conséquences négatives, tant sociales que psychologiques ou économiques de cette mesure d’urgence pour les pêcheurs et l’ensemble des filières amont et aval (activités portuaires, criées, poissonneries, consommateurs…) est largement partagé, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">y compris par les scientifiques</a>.</p>
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<p>De plus, au vu des connaissances actuelles, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">cette mesure ne peut pas non plus être considérée comme suffisante</a> pour atteindre les objectifs de conservation de l’espèce. Son efficacité dépend notamment de facteurs difficilement prévisibles, tels que la présence effective des dauphins et de leurs proies dans les zones concernées lorsque la pêche est interdite. Cette mesure d’urgence n’apparaît donc pas comme une solution satisfaisante, et impose de réfléchir à la mise en place de mesures alternatives, qui permettraient d’assurer à long terme l’équilibre socio-économique de la pêche et la viabilité des populations de cétacés dans le golfe de Gascogne. Mais l’élaboration de solutions efficaces nécessite de mieux comprendre les circonstances des captures : quelles pratiques de pêche les favorisent ? Quels changements dans le comportement des dauphins ou les processus écologiques et halieutiques ont entraîné l’augmentation des captures accidentelles depuis 2016 ?</p>
<p>Ces questions écologiques et techniques ont motivé le développement de différents projets de recherche, dont le plus vaste est le <a href="https://delmoges.recherche.univ-lr.fr/">projet de recherche Delmoges</a> (2022-2025), porté par La Rochelle Université, le CNRS et l’Ifremer en partenariat avec l’Université de Bretagne occidentale (UBO) et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). Les survols aériens confirment que la distribution des dauphins a changé, avec une présence côtière plus importante. Les dauphins communs sont ainsi plus présents dans la partie interne du plateau continental où se concentrent les activités de pêche. Ils seraient alors exposés à une pression de pêche plus importante et à un risque plus élevé de captures accidentelles. Dans Delmoges, une hypothèse étudiée pour expliquer ce changement est un lien possible avec la modification de leur « paysage alimentaire ».</p>
<h2>Comprendre où vivent les proies des dauphins</h2>
<p>Une campagne scientifique a été réalisée en février 2023 dans le cadre de ce projet, afin de cartographier pour la première fois simultanément les dauphins communs et leurs proies préférentielles (petits poissons pélagiques, c’est-à-dire nageant en bancs en pleine eau : anchois, sardines, etc.) en hiver, lors du pic d’échouages. Des survols aériens et une campagne à la mer avec le drone de surface DriX menés dans la zone centrale du golfe de Gascogne ont confirmé que les dauphins et leurs proies étaient distribués majoritairement près des côtes en hiver, au-dessus de fonds inférieurs à 100 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de l’abondance des dauphins communs (ronds bleus) et de leurs proies (gradient de couleur). Campagne Delmoges février 2023. Crédit .</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer, Mathieu Doray</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les scientifiques ont détecté pour la première fois la présence de bancs très étendus de petits poissons pélagiques, concentrés sous forme de couches denses très près du fond. À cette saison ces fortes concentrations de proies ne sont pas ciblées par les pêcheurs, qui pêchent surtout des espèces de fond telles que la sole et le merlu. Mais elles pourraient inciter les dauphins à plonger pour se nourrir très près du fond, dans la zone d’action des filets. Ces agrégations de proies proches du fond pourraient ainsi augmenter le risque de captures accidentelles de dauphins, mais les processus à fine échelle menant aux captures restent encore à identifier. L’évolution éventuelle du régime alimentaire des dauphins depuis vingt ans est également étudiée afin d’approfondir ces hypothèses.</p>
<p>Le projet Delmoges vise également à étudier l’évolution de la population à long terme, en cherchant en particulier à déterminer si les dauphins communs occupant le plateau continental du golfe de Gascogne constituent une population distincte de celle des dauphins occupant les eaux océaniques plus au large. Si tel était le cas, les captures accidentelles représenteraient alors un risque plus important pour la pérennité de cette population. D’autre part, les scientifiques de Delmoges évaluent l’état de santé des dauphins capturés, en mesurant notamment les contaminants dans leurs tissus.</p>
<p>Concernant les pratiques de pêche, les données disponibles ne permettent pas une compréhension fine des circonstances et engins causant le plus de captures accidentelles. En effet, la déclaration de ces captures, pourtant obligatoire, a été et reste largement insuffisante – une réticence des professionnels qui peut être pour partie liée à une peur de l’exposition publique et nominative de ceux qui déclareraient. Des programmes de caméras embarquées (<a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1624">projet OBSCAMe</a>) et d’observation en mer sont déployés à la place, à bord de navires volontaires, pour apporter des éléments de réponse statistique sur de possibles changements dans les pratiques et les efforts de pêche, et identifier l’importance relative de chaque pêcherie dans les mortalités totales. Restaurer la confiance, la coopération et la transparence de tous les acteurs apparaît aujourd’hui indispensable pour partager une compréhension commune des mécanismes conduisant à ces captures accidentelles et progresser vers l’identification de mesures à la fois plus ciblées et plus efficaces.</p>
<p>Parmi elles, les solutions techniques de signaux acoustiques (effaroucheurs, communément appelés « pingers », ou balises) sont privilégiées par les professionnels et explorées avec eux dans divers projets de recherche (projets LICADO, PIFIL, Dolphinfree en particulier, également en collaboration avec l’Université de Montpellier), pour être spécifiquement adaptées à la situation du golfe de Gascogne. Les défis technologiques sont nombreux, car il faut à la fois comprendre et reproduire la gamme des signaux acoustiques émis par les dauphins, limiter les temps d’émission acoustique au strict minimum pour éviter les phénomènes de pollution sonore et d’habituation, et encapsuler tout cela dans des dispositifs performants, à forte autonomie de charge, faciles d’utilisation par les pêcheurs et à coût acceptable. Des progrès importants ont été réalisés autour de tels dispositifs « intelligents », mais les tests en conditions réelles avec des pêcheurs doivent être poursuivis pour mesurer leur efficacité et optimiser leur utilisation.</p>
<p>Au sein du projet Delmoges, les progrès sur la compréhension du phénomène de capture, obtenus grâce à ces différents travaux, alimentent la réflexion sur des alternatives aux mesures d’urgence actuelles. La volonté du monde de la pêche est forte pour trouver des solutions lui permettant de réduire son impact sur les dauphins. La combinaison de diverses options telles que des interdictions de pêche temporaires ciblées, l’utilisation de balises acoustiques spécifiques aux dauphins, et des mesures incitatives expérimentées dans d’autres pêcheries à travers le monde est à l’étude pour élaborer des scénarios théoriques de réduction des captures accidentelles. Une évaluation de l’impact des différents scénarios est en cours, estimant leur effet attendu sur l’écosystème, mais aussi leurs conséquences économiques et sociales. Le but est de rechercher des compromis entre la conservation de la biodiversité et l’exploitation des ressources, acceptables tant par les professionnels de la mer que par la société.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec l’aide de Matthieu Authier, Tiphaine Chouvelon, Olivier Van Canneyt, Marion Pillet, et Vincent Ridoux (La Rochelle Université) ; Manuel Bellanger, Germain Boussarie, Thomas Cloâtre, Mathieu Doray, Laurent Dubroca, Robin Faillettaz, Sophie Gourguet, Emilie Leblond, Yves Le Gall, et Sigrid Lehuta (Ifremer), Bastien Merigot (Université de Montpellier) ; Amélia Viricel (Université de Bretagne occidentale).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223890/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail sur lequel se base cet article a été soutenu par le projet Delmoges, cofinancé par le Ministère de l'Ecologie, les Directions DGAMPA (Pêche et Aquaculture) et DEB (Biodiversité Aquatique) et l'Association du Secteur de la Pêche (FFP - France Filière Pêche).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Peltier a reçu des financements de du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.
Elle a également été co-chair du "Workshop on mitigation measures to reduce bycatch of short-beaked common dolphins in the Bay of Biscay" du CIEM en 2022.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Spitz Jérôme a reçu des financements du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.</span></em></p>Le nombre de dauphins retrouvés échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne n’a jamais été aussi élevé. Comment éviter la catastrophe ?Clara Ulrich, Coordinatrice des expertises halieutiques, IfremerHélène Peltier, Conservation des prédateurs supérieurs marins, La Rochelle UniversitéJérôme Spitz, Ecologie et conservation des prédateurs marins, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Pierre PETITGAS, Adjoint Director, Marine Biological Resources and Environment, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129312023-09-06T17:40:01Z2023-09-06T17:40:01ZAvec 2 000 objets disparus, le British Museum affronte une crise historique, mais ce n’est pas la première<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/546646/original/file-20230906-23-z0dzkf.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C0%2C3899%2C2521&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lawrence Alma-Tadema - Phidias montrant la frise du Parthénon à ses amis, 1868. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:1868_Lawrence_Alma-Tadema_-_Phidias_Showing_the_Frieze_of_the_Parthenon_to_his_Friends.jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la mi-août, le British Museum est au cœur d’un scandale après le <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">vol d’environ 2 000 objets</a> de ses collections. Un vol dont on soupçonne qu’il a été commis au sein même de l’institution sur une période de <a href="https://www.theguardian.com/culture/2023/aug/25/artefacts-stolen-from-british-museum-may-be-untraceable-due-to-poor-records">vingt ans</a>. <a href="https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-66582935">Alerté</a> de la vente d’objets présumés volés dès 2021, le musée n’a pris des mesures que début 2023.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que le musée fait l’objet de critiques et que son système de conservation est <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">remis en question</a>. Cet article se penche sur quelques incidents notoires liés à la conservation de sa collection.</p>
<h2>Le scandale de Duveen</h2>
<p>Le plus célèbre de tous est celui-ci : le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">scandale de Duveen</a>, ainsi nommé d’après Lord Joseph Duveen, un marchand d’art ultra-riche à l’éthique douteuse, bienfaiteur du British Museum. Pendant longtemps, les responsables du musée ont soutenu que les marbres du Parthénon seraient mieux protégés s’ils restaient à Londres, car les Grecs n’étaient pas en mesure d’en prendre soin. Cet argument a été abandonné après qu’il a été révélé qu’à la fin des années 1930, le musée avait fait gratter les marbres avec des outils abrasifs, détruisant leur surface d’origine, leurs pigments et les traces d’outils encore visibles avant cette calamiteuse « restauration ».</p>
<p>Les temples grecs de l’Antiquité étaient richement peints, mais les restes polychromes n’étaient pas du goût de Duveen. Un administrateur du British Museum <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Crawford_Papers.html?id=55RnAAAAMAAJ&redir_esc=y">témoigne</a> de l’attitude de Duveen à l’époque :</p>
<blockquote>
<p>« Duveen nous a fait la leçon et nous a harangués, et nous a raconté les absurdités les plus désespérantes sur le nettoyage des œuvres d’art anciennes. Je suppose qu’il a détruit plus d’œuvres des maîtres anciens par excès de nettoyage que n’importe qui d’autre au monde, et maintenant il nous dit que tous les vieux marbres devaient être nettoyés à fond – à tel point qu’il les tremperait dans l’acide. Nous avons écouté patiemment ces folies vantardes… »</p>
</blockquote>
<p>Les hommes de Duveen avaient libre accès au musée et étaient même autorisés à donner des ordres au personnel du musée. Bientôt, dans une tentative malencontreuse de blanchir ce qui restait de la décoration polychrome d’origine, ils commencèrent à frotter les marbres. Ce « nettoyage » a duré quinze mois avant d’être interrompu. Une commission d’enquête interne conclut que les dégâts occasionnés <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">« sont évidents et ne peuvent être exagérés »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546665/original/file-20230906-15-dden09.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Grande Cour du British Museum, vue d’ensemble.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/British_Museum#/media/Fichier:British_Museum_Dome.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Afin d’éviter que sa réputation ne soit entachée, le musée a gardé le silence et a nié que quelque chose de fâcheux s’était produit. Éventuellement, les marbres ont été placés dans la galerie Duveen, nommée en l’honneur de l’homme responsable de leur endommagement.</p>
<p>Le « nettoyage » de Duveen a été gardé secret pendant 60 ans jusqu’à ce qu’il soit <a href="https://global.oup.com/academic/product/lord-elgin-and-the-marbles-9780192880536?cc=fr&lang=en&">découvert</a> par l’historien britannique William St Clair. St Clair, qui était auparavant favorable au maintien des marbres au British Museum, est devenu l’un des plus ardents défenseurs de leur rapatriement.</p>
<p>Le nettoyage des marbres par Duveen n’a pas été le seul à susciter la consternation. Une série de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-26357-6_6">lettres</a> publiées dans le <em>Times</em> dès 1858 s’inquiétait du « nettoyage » des marbres et accusait le musée de « vandalisme ». Il est probable que si ces premiers avertissements avaient été pris en compte, le nettoyage de Duveen aurait pu être évité.</p>
<h2>Accidents et autres polémiques</h2>
<p>Les accidents arrivent, et le British Museum n’a pas été épargné. Des documents publiés en vertu de la législation sur la liberté d’information montrent que dans les années 1960 et 1980, des visiteurs et un accident de travail ont <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1490023/Revealed-how-rowdy-schoolboys-knocked-a-leg-off-one-of-the-Elgin-Marbles.html">endommagé de façon permanente</a> des figures des frontons du Parthénon.</p>
<p>Lors d’une conférence organisée en 1999 dans le musée, des sandwiches ont été servis dans la galerie Duveen et les invités ont été <a href="https://www.theguardian.com/uk/1999/dec/01/maevkennedy">encouragés à toucher</a> les sculptures antiques. De nombreuses personnes présentes ont trouvé ce geste tellement inconsidéré qu’elles ont quitté la galerie. Un journaliste du <a href="https://www.nytimes.com/1999/12/02/world/london-journal-on-seeing-the-elgin-marbles-with-sandwiches.html"><em>New York Times</em></a> a titré un de ses articles : « On Seeing the Elgin Marbles, With Sandwiches » (Voir les marbres d’Elgin, avec des sandwiches).</p>
<p>Le <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/arts-expos/sculpture/incident-diplomatique-entre-londres-et-athenes-autour-d-un-marbre-antique_3388127.html">prêt secret de 2014</a> de la statue couchée du dieu grec de la rivière Ilissos (statue issue du fronton ouest du Parthénon) au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, alors que l’Europe avait imposé des sanctions à la Russie pour l’annexion de la Crimée, a également provoqué un incident dimplomatique. Le prêt n’a été annoncé qu’après le transfert de la statue à Saint-Pétersbourg.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/diviser-cest-detruire-les-marbres-du-parthenon-et-lintegrite-des-monuments-201232">« Diviser c’est détruire » : les marbres du Parthénon et l’intégrité des monuments</a>
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<p>Une controverse d’un autre ordre concerne les objets de la collection du musée qui font l’objet de demandes de rapatriement. Contrairement à d’autres institutions, telles que le V&A, le British Museum a été confronté à un concert de demandes de restitution concernant des objets très spécifiques de sa collection. Le musée a fermement refusé de s’engager dans le débat, bien que depuis le début de l’année, il tente de convaincre la Grèce d’accepter un <a href="https://theconversation.com/debate-sorry-british-museum-a-loan-of-the-parthenon-marbles-is-not-a-repatriation-199468">« prêt »</a> des marbres du Parthénon, considérant apparemment qu’il s’agit là d’un moyen d’entrer dans le débat sur le rapatriement.</p>
<p>Bien entendu, le musée est lié par la loi de 1963 sur le British Museum en matière d’aliénation, mais c’est une question à aborder dans un autre article.</p>
<h2>Les problèmes actuels du musée</h2>
<p>Aujourd’hui, le British Museum tente de réparer <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/the-times-view-on-the-british-museum-thefts-stolen-goods-vf7tf2wt6">l’atteinte à sa réputation</a>, au moment où le musée espère <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/new-british-museum-interim-boss-revealed-and-what-he-really-thinks-about-the-elgin-marbles-9s6zvgxnq">récolter 1 milliard de livres sterling</a> pour des travaux de rénovation indispensables.</p>
<p>La moitié de la collection du musée est <a href="https://www.britishmuseum.org/collection">non cataloguée</a>, et cette absence d’inventaire a certainement facilité les vols. Le fait qu’il ait fallu si longtemps pour découvrir les vols soulève également la question de savoir ce qui a pu disparaître davantage sans laisser de traces.</p>
<p>Pourtant, on ne peut s’empêcher de s’interroger : Les malheurs actuels du British Museum font-ils trembler d’autres directeurs de musées ? Combien de musées ont des pièces non cataloguées dans leurs réserves ? Lorsqu’un musée comme le Louvre explique que sa base de données contient des entrées pour <a href="https://collections.louvre.fr/en/page/apropos">plus de 480 000 œuvres</a>, s’agit-il de l’ensemble de sa collection ou seulement d’un pourcentage de celle-ci ? Dans un grand nombre de cas, nous ne le savons tout simplement pas.</p>
<p>Le British Museum n’a pas encore annoncé le nombre exact d’objets volés. Mais comment connaître le nombre exact d’objets disparus sans inventaire ? Plus difficile encore, comment identifier les objets, sans parler de <a href="https://www.theguardian.com/culture/2023/aug/25/artefacts-stolen-from-british-museum-may-be-untraceable-due-to-poor-records">prouver la propriété</a>, sans inventaire ?</p>
<p>En la matière, le secret est tout à fait inhabituel. Le partage d’informations sur les objets volés permet d’identifier et de retrouver ces objets. C’est précisément pour cette raison qu’Interpol tient à jour une base de données accessible sur les œuvres d’art volées. Mais pour qu’un objet soit enregistré dans la base de données, il doit être <a href="https://www.interpol.int/en/How-we-work/Databases/Stolen-Works-of-Art-Database">« entièrement identifiable »</a>. Le problème, c’est que le musée est probablement encore en train d’essayer d’identifier ce qui a disparu. Comment identifier complètement un objet non catalogué et non photographié ?</p>
<p>Le fait que cette liste demeure secrète tient peut-être à autre chose. Et si certains des objets volés identifiés étaient des objets contestés ayant fait l’objet de demandes de restitution ? Pour l’instant, nous ne pouvons que spéculer.</p>
<h2>La crise comme opportunité</h2>
<p>Après la démission du directeur Hartwig Fischer, un directeur intérimaire, Sir Mark Jones, a été nommé. Le poste permanent est à pourvoir. Tristram Hunt, directeur du V&A, qui semble être à l’origine de l’initiative visant à réviser les lois sur l’aliénation des œuvres d’art, figure parmi les candidats <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/new-british-museum-interim-boss-revealed-and-what-he-really-thinks-about-the-elgin-marbles-9s6zvgxnq">évoqués</a> au poste de directeur du musée. La sélection du prochain directeur du musée est une étape cruciale dans l’évolution vers un British Museum moderne qui ne se contente pas de rénover ses galeries, mais reconstruit son image conformément aux nouvelles valeurs du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catharine Titi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce n’est pas la première fois que le musée fait l’objet de critiques et que son système de conservation est remis en question.Catharine Titi, Research Associate Professor (tenured), French National Centre for Scientific Research (CNRS), Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2086092023-07-24T18:33:24Z2023-07-24T18:33:24ZUne étude montre que les politiques estiment les électeurs plus à droite qu’ils ne le sont réellement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538702/original/file-20230721-15-1pcvlm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C21%2C2037%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vague de protestations contre la réforme des retraites en France illustre aussi les biais chez politiciens qui estiment parfois faussement les électeurs plus à droite qu'ils ne le sont. Manifestation pour la défense des retraites du 31 janvier 2023
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52661676765/in/album-72177720305356181/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, en Europe, les victoires vont souvent plutôt <a href="https://doi.org/10.1080/13501763.2019.1701532">à droite qu’à gauche</a>. Les deux dernières élections présidentielles françaises avec une gauche absente du second tour s’inscrivent dans cette tendance. Ces résultats laissent à penser que les opinions des citoyens penchent majoritairement à droite. À la lumière de recherches récentes, cette interprétation semble pourtant erronée.</p>
<p>Dans une étude réalisée en 2018, David Broockman et Christopher Skovron <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/bias-in-perceptions-of-public-opinion-among-political-elites/2EF080E04D3AAE6AC1C894F52642E706">ont montré</a> que les politiciens américains surestimaient la part des citoyens américains ayant des opinions conservatrices.</p>
<h2>866 politiciens interrogés</h2>
<p>Dans une étude <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/do-politicians-outside-the-united-states-also-think-voters-are-more-conservative-than-they-really-are/D21A9077EE2435F2B910394378E96450">publiée ce mois-ci</a>, nous avons cherché à savoir si le même biais conservateur dans la perception de l’opinion publique par les hommes et femmes politiques se matérialisait dans d’autres contextes.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons interrogé 866 hommes et femmes politiques dans quatre démocraties occidentales, dont les systèmes politiques : Belgique, Canada, Allemagne et Suisse. En parallèle, nous avons mené des enquêtes d’opinion auprès d’échantillons représentatifs des citoyens dans chacun de ces pays.</p>
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<p>Les politiciens participants à notre enquête, qui comprenaient des membres d’organes législatifs nationaux et infranationaux (provinces, cantons, régions, Länders) et issus de partis situés sur l’ensemble de l’échiquier politique, ont été invités à évaluer la position de l’opinion publique générale (mais aussi celle des électeurs de leur parti) sur une série de questions. Parmi ces dernières : l’âge de la retraite, la redistribution, les droits des travailleurs, l’euthanasie, l’adoption d’enfants par des couples de même sexe et l’immigration.</p>
<p>Nous avons comparé leurs réponses à l’opinion publique réelle (évaluée à l’aide des enquêtes représentatives à grande échelle citées plus haut).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535361/original/file-20230703-239813-8wjlcz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La figure 1 présente l’écart moyen entre la perception qu’ont les hommes et femmes politiques de l’opinion publique dans leur pays et l’opinion réelle des citoyens (cercles).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pilet et coll.</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans les quatre pays, et sur une majorité de sujets, les élus et élues surestiment systématiquement la part des citoyens qui ont des opinions de droite.</p>
<p>La figure 1 présente l’écart moyen entre la perception de l’opinion publique qu’ont les hommes et femmes politiques et l’opinion réelle des citoyens (cercles). Elle montre aussi l’écart entre leur perception de l’opinion de l’électorat de leur parti et l’opinion observée au sein de cet électorat (triangles). Il faut ainsi lire que, sur l’enjeu culturel qui leur était soumis (dans ce cas-ci, la légalisation de l’euthanasie), les élues et élus canadiens surestiment d’une vingtaine de points de pour cent la part de citoyens (cercle) et d’électeurs de leur parti (triangle) qui ont une position à droite (dans ce cas-ci, s’opposer à la légalisation de l’euthanasie).</p>
<p>Les enjeux à évaluer étaient, pour l’enjeu culturel (quadrant en haut à gauche) la légalisation de l’euthanasie et l’accès à l’adoption pour les couples de même sexe, sur l’enjeu économique (quadrant en haut à droite) des questions relatives à l’impôt sur la fortune, à la redistribution et à la protection syndicale, sur l’enjeu d’immigration (quadrant en bas à gauche) des questions relatives aux contrôles des frontières et à l’asile, et sur l’enjeu des pensions (quadrant en bas à droite) des questions relatives à l’âge légal d’accès à la pension.</p>
<p>Incontestablement, la figure 1 révèle un biais conservateur substantiel et largement cohérent dans les perceptions de l’opinion publique par les élus. Il est important de noter que ce biais conservateur s’observe tant chez des élus et élus de droite que du centre et de gauche.</p>
<p>Si le schéma général est remarquablement stable, nous découvrons cependant d’importantes variations entre les différents domaines.</p>
<h2>Quelques différences entre les pays mais un panorama cohérent</h2>
<p>Pour les différences entre pays, nous observons que le biais conservateur est globalement moins fort parmi les élus et élues de Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles), alors qu’il est tendanciellement plus marqué en Allemagne et au Canada.</p>
<p>En ce qui concerne les différences selon les types d’enjeu politique, on observe que c’est sur la question de l’âge légal de la pension que les femmes et hommes politiques surestiment de la façon la plus systématique la proportion de citoyens positionnés à droite. Un tel résultat est particulièrement interpellant dans le contexte français actuel.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/comment-une-crise-parlementaire-inedite-est-nee-avec-la-reforme-des-retraites-204596">Les fortes résistances sociales</a> à la réforme poussée par le président Macron pourraient pour partie s’expliquer par une mauvaise évaluation de l’opinion publique par rapport à cette réforme du camp de la majorité présidentielle.</p>
<p>La seule exception au biais conservateur s’observe sur les questions relatives à l’immigration. Lorsqu’ils sont interrogés sur des questions telles que le regroupement familial, l’asile ou le contrôle aux frontières, les élues et élus ont également une perception erronée de l’opinion publique, mais pas toujours dans le sens d’un biais conservateur.</p>
<p>En Belgique (Flandre et Wallonie) comme en Suisse, les décideurs surestiment aussi la proportion de citoyens ayant des positions de droite sur ces enjeux. En revanche, au Canada et en Allemagne, nous observons l’inverse, avec une surestimation des positions penchant à gauche.</p>
<h2>Le résultat du lobbying ?</h2>
<p>La grande question est de savoir pourquoi ce biais conservateur existe. Aux États-Unis, <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/bias-in-perceptions-of-public-opinion-among-political-elites/2EF080E04D3AAE6AC1C894F52642E706">Broockman et Skovron</a> ont expliqué que les électeurs de droite sollicitent plus souvent leurs représentants, ce qui biaise vers la droite les signaux reçus quant aux demandes des citoyens.</p>
<p>Nous avons vérifié cette explication dans les quatre pays que nous avons étudiés mais nous n’avons pas trouvé d’éléments allant dans ce sens. Les citoyens de droite de notre échantillon ne sont pas plus actifs politiquement et ne contactent pas plus leurs élus que leurs homologues de gauche. Cependant, l’idée que l’environnement informationnel pourrait être biaisé vers la droite a été déjà identifiée dans d’autres travaux.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/spsr.12224">Des recherches antérieures</a> ont montré que les hommes politiques ont tendance à recevoir des informations disproportionnées de la part de groupes d’intérêt situés à droite politiquement. Analysant les contacts enregistrés entre parlementaires et groupes d’intérêts en Suisse, les auteurs montrent que les lobbies liés au patronat et aux secteurs industriels ont une influence majeure dans l’information transmise aux députés. Les contacts fréquents entre le monde des affaires et les décideurs politiques ne sont d’ailleurs pas du tout cachés, comme en atteste le Forum économique mondial de Davos.</p>
<p>Les médias sociaux, que les hommes politiques utilisent de plus en plus, ont également tendance à être dominés <a href="https://pure.rug.nl/ws/portalfiles/portal/148014700/review_Schradie.pdf">par des opinions conservatrices</a>. Ce biais peut aussi expliquer la perception qu’ont les élus et élus d’une opinion publique plus à droite qu’elle ne l’est en réalité.</p>
<p>Il a également <a href="https://doi.org/10.1017/S000305542100037X">été démontré</a> que les hommes et femmes politiques ont tendance à accorder plus d’attention aux préférences politiques des citoyens ayant des niveaux de diplôme et de revenu plus élevés. Or, ces citoyens se rendent plus souvent aux urnes que d’autres catégories sociales et ont plus souvent des <a href="https://oxfordre.com/politics/display/10.1093/acrefore/9780190228637.001.0001/acrefore-9780190228637-e-581">opinions de droite</a>, du moins sur les questions économiques.</p>
<p>Le biais conservateur observé pourrait également être associé à ce que les psychologues sociaux appellent <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2006-3-page-281.htm">« l’ignorance pluraliste » (c’est-à-dire la perception erronée des opinions des autres)</a>. En ce qui concerne les libéraux, par exemple, les psychologues sociaux ont montré qu’ils ont tendance à exagérer le caractère unique de leur propre opinion (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24247730/">« faux caractère unique »</a>). Les conservateurs, en revanche, perçoivent leurs opinions comme plus communes qu’elles ne le sont (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0146167214537834">« faux consensus »</a>).</p>
<p>Enfin, les récents résultats électoraux, avec la croissance de la droite radicale comme on l’a vu en Italie ou en <a href="https://theconversation.com/de-2002-a-2022-comprendre-la-presence-croissante-de-lextreme-droite-aux-scrutins-presidentiels-181850">France</a>), pourraient également avoir envoyé un signal aux politiciens sur le conservatisme des citoyens qui n’est pas nécessairement en phase avec leurs opinions réelles.</p>
<h2>Une menace pour la démocratie représentative</h2>
<p>Indépendamment des sources du biais conservateur, le fait qu’il soit présent de manière persistante dans une variété de systèmes démocratiques différents a des implications majeures pour le bon fonctionnement de la démocratie représentative. Celle-ci repose sur l’idée que les élus sont à l’écoute des citoyens, ce qui signifie qu’ils s’efforcent généralement de promouvoir des initiatives politiques conformes aux préférences de la population.</p>
<p>Si l’idée que se font les hommes politiques de ce que pense le public est systématiquement biaisée en faveur d’un camp idéologique, la chaîne de représentation politique s’en trouve affaiblie. Les hommes politiques peuvent poursuivre à tort des politiques de droite qui n’ont en fait pas le soutien de la population, et s’abstenir d’œuvrer à la réalisation d’objectifs progressistes (perçus à tort comme minoritaires).</p>
<p>Mais si les citoyens sont moins conservateurs que ce que les élus perçoivent, l’offre politique risque d’être constamment sous-optimale et peut avoir des implications plus larges, à l’échelle du système, telle qu’une désaffection croissante à l’égard de la démocratie et des institutions démocratiques.</p>
<p>La situation n’est toutefois pas sans espoir, et l’accès à des informations précises semble jouer un rôle important. Une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdfdirect/10.1111/spsr.12495">étude 2020</a> réalisée en Suisse a montré qu’une utilisation soutenue de la démocratie directe (référendums et votations) pourrait aider les hommes politiques à mieux comprendre l’opinion publique.</p>
<p>Dans la même logique, une étude récente sur les élus américains montre qu’ils ont tendance à mal percevoir le soutien à la violence politique. Mais lorsqu’ils sont exposés à des informations fiables et précises, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2116851119">ils mettent à jour et corrigent leurs (fausses) perceptions</a>. Sur la base de ces études, nous pensons qu’il reste encore beaucoup à faire pour comprendre les sources et la prévalence des préjugés conservateurs et pour identifier d’autres moyens de les compenser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208609/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Benoit Pilet a reçu des financements du European Research Council (ERC) et du Fonds national de la recherche scientifique belge (FNRS)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lior Sheffer a reçu des financements du Social Sciences and Humanities Research Council of Canada (SSHRC).</span></em></p>Une étude récente portant sur plusieurs pays européens montre que le personnel politique perçoit les électeurs et l’opinion publique en général plus à droite qu’elle ne le serait vraiment.Jean-Benoit Pilet, Professeur de Science Politique, Université Libre de Bruxelles (ULB)Lior Sheffer, Assistant professor in political science, Tel Aviv UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1967152023-05-24T13:42:12Z2023-05-24T13:42:12ZUn avenir très incertain pour les dernières vieilles forêts boréales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510897/original/file-20230217-20-mwbasv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3870%2C2590&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vieille forêt d'épinettes et de sapins, âgée de plus de 300 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En parcourant la route Transcanadienne, on peut avoir l’impression que notre pays regorge de forêts, alors qu’épinettes, trembles, sapins et bouleaux défilent presque à l’infini. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Même si on peut voir quelques coupes forestières et traces de feux çà et là, l’idée que ces forêts puissent disparaître de nos paysages nous traverse rarement l’esprit. Mais la réalité pourrait bien être toute autre. </p>
<p>L’enjeu ne concerne pas tout à fait la perte des forêts, mais plutôt la perte des forêts intactes, soit des forêts où n’ont jamais eu lieu d’activités de récolte. Il s’agit d’un enjeu majeur, encore <a href="https://www.cbd.int/conferences/2021-2022/cop-15/documents">souligné</a> par la conférence sur la biodiversité de l’ONU, qui s’est tenue à Montréal en 2022. Le Canada se retrouve d’ailleurs au <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/773621/biodiversite-le-canada-decrie-pour-la-gestion-de-ses-forets">3ᵉ rang mondial</a> pour la perte de ses forêts intactes. Un classement peu glorieux.</p>
<p>Les recherches que nous avons réalisées ces dernières années sur l’écologie des forêts boréales, ainsi que sur l’impact de l’aménagement forestier, démontrent toutefois qu’une attention toute particulière doit être apportée à la protection des vieilles forêts au sein des forêts intactes. </p>
<h2>Vieilles forêts, une règle ignorée au profit de l’exception</h2>
<p>Les feux sont la principale perturbation naturelle en forêt boréale. Bien qu’ils soient impressionnants, d’un point de vue relatif à l’immensité de ces territoires, leur impact n’est que modéré. Une grande partie des paysages boréaux intacts du Canada étaient, avant la révolution industrielle, dominés par des forêts <a href="https://doi.org/10.14214/sf.72">n’ayant pas brûlé depuis des siècles</a>. On appelle souvent ces dernières les « vieilles forêts ». L’adjectif « vieille » cause toutefois un biais, puisqu’il laisse croire qu’elles sont mourantes ou en déclin. Mais c’est loin d’être le cas : les vieilles forêts boréales restent généralement très dynamiques et résilientes <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2699.2010.02332.x">au cours des siècles</a>. Une vieille forêt n’est ainsi pas plus fatiguée ou fragile qu’une forêt que l’on qualifierait de « jeune » ou « mature ». Gare à l’anthropomorphisme donc !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="forêt de conifères" src="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510920/original/file-20230217-361-darzns.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vieille forêt d’épinette, âgée de 200 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour le forestier, dont l’une des principales tâches est de récolter du bois, laisser vieillir une forêt est en revanche perçu comme une perte de bois. Il est plus efficace de couper une forêt tôt et souvent pour profiter de la forte croissance des jeunes arbres. Depuis le début de l’ère industrielle, la majorité des récoltes réalisées au sein des forêts boréales intactes ont ainsi <a href="https://doi.org/10.1186/s40663-018-0148-9">visé les vieilles forêts</a>, pour les remplacer par des forêts plus jeunes, réduisant drastiquement leurs surfaces et leur connectivité. Ainsi, alors qu’elles formaient initialement de vastes massifs continus, les vieilles forêts résiduelles dans les territoires aménagés forment désormais des petits agglomérats séparés les uns des autres.</p>
<h2>Une dégradation massive des paysages forestiers, et non une déforestation</h2>
<p>Récolter régulièrement des forêts jeunes est pertinent dans des forêts déjà aménagées (soit des forêts qui ont été modifiées par de précédentes coupes), afin d’optimiser la récolte du bois, matériau aux <a href="https://doi.org/10.1016/j.rser.2016.09.107">multiples bénéfices</a>. Réaliser des coupes dans les forêts intactes mène au contraire à une dégradation des paysages via la perte des vieilles forêts. Ces dernières offrent des habitats et des services écologiques très différents des forêts jeunes et aménagées. Le bois mort est par exemple un <a href="https://doi.org/10.1017/CBO9781139025843">habitat essentiel</a> pour de très nombreuses espèces forestières. Or, c’est dans les vieilles forêts qu’il est le <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">plus abondant et diversifié</a> en termes de dimensions ou de stades de dégradation. </p>
<p>En Suède, la disparition des vieilles forêts a ainsi mené à <a href="https://doi.org/10.1046/j.1523-1739.1994.08030718.x">l’effondrement des populations</a> de nombreuses espèces forestières. Au Canada, le déclin du Caribou forestier est considéré comme le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1876097/sauver-caribou-forestier-biologiste">« canari dans la mine »</a>, soit un signal avant-coureur d’une crise écologique bien plus vaste, résultant en partie de la perte des vieilles forêts. </p>
<p>Parler de déforestation pour les forêts boréales est toutefois inexact, car la forêt repousse après la coupe. On observe au contraire une <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/779861/environnement-consommer-ici-entraine-la-perte-de-forets-intactes-ailleurs">dégradation</a>. En remplaçant les vieilles forêts par des forêts plus jeunes qu’on ne laissera pas vieillir, nous dégradons les habitats forestiers. </p>
<p>Présenter le faible taux de déforestation des forêts boréales canadiennes est ainsi souvent un moyen d’éviter de parler de leur dégradation, pourtant largement <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/774114/environnement-nos-forets-agees-sont-en-peril">documentée</a> depuis des décennies. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="souche d’arbre mort" src="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510921/original/file-20230217-411-ga9m2c.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le bois mort est un habitat essentiel pour de nombreuses espèces.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Savons-nous ce que nous sommes en train de perdre ?</h2>
<p>Arrêter la dégradation des vieilles forêts boréales est un enjeu environnemental majeur du Canada, ce à quoi doit s’ajouter une politique de restauration des paysages déjà dégradés. Heureusement, ces objectifs ne sont pas <a href="http://www.cef-cfr.ca/uploads/Actualit%e9/MemoireCEF_CC.pdf">incompatibles</a> avec la production de bois. Cette dernière devant se centrer sur des forêts aménagées dans cet objectif, plutôt que sur des forêts intactes. </p>
<p>Nous devons néanmoins reconnaître notre manque de connaissances vis-à-vis des vieilles forêts et des enjeux qui en découlent. Ces forêts montrent une forte hétérogénéité <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2021.107813">d’histoires, de dynamiques et d’habitats</a>, qu’il est très difficile d’identifier et de <a href="https://doi.org/10.1139/cjfr-2019-0177">cartographier</a>. Encore aujourd’hui, il semble impossible de proposer un portrait satisfaisant des vieilles forêts du Canada. </p>
<p>La biodiversité boréale est elle aussi encore méconnue, en partie parce qu’elle est dominée par des espèces peu visibles et bien moins attrayantes qu’un grand mammifère comme le caribou, telles des <a href="https://doi.org/10.14214/sf.82">mousses</a>, lichens, insectes, champignons ou même bactéries. </p>
<p>Une politique de conservation efficace doit être tant quantitative que qualitative, protégeant les habitats naturels dans toute leur diversité. Les cibles de protection actuelles sont toutefois essentiellement quantitatives. Elles sont, par exemple, basées sur des pourcentages de surfaces à protéger. Pourtant, les coupes forestières se concentrent surtout sur les vieilles forêts <a href="https://doi.org/10.3389/ffgc.2021.639397">plus riches en bois</a>. </p>
<p>Plus globalement, le choix récent de la province du Québec d’annuler <a href="https://www.ledevoir.com/environnement/595022/environnement-l-industrie-avant-la-protection-du-territoire">83 projets d’aires protégées</a> dans la forêt commerciale, pour les remplacer par des zones situées au nord sans impact sur l’industrie forestière, démontre le risque des critères purement comptables à l’efficacité écologique limitée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="coupe forestière" src="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510922/original/file-20230217-22-mwbasv.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coupe forestière au sein d’une forêt boréale pluricentenaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Maxence Martin)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La lumière mise sur l’urgence de protéger les dernières forêts intactes est donc une bonne nouvelle, mais il conviendra de rester prudent et critique afin de s’assurer de l’efficacité réelle de toute politique de conservation. Au Québec, un taux de dégradation de 75 % des vieilles forêts commerciales reste, par exemple, malheureusement « <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwisiuao5pz9AhU8FVkFHS3YCkkQFnoECAsQAQ&url=https%3A%2F%2Fcdn-contenu.quebec.ca%2Fcdn-contenu%2Fforets%2Fdocuments%2Fplanification%2FAbitibi-Temiscamingue%2FPL_PAFIT_Abitibi_UA082-51_MFFP.pdf&usg=AOvVaw0S9feRbECqSLBqK2eJhOXd">acceptable</a> ». </p>
<p>Face à l’urgence climatique et environnementale actuelle, nous pouvons certainement mieux faire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196715/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxence Martin a reçu des financements du Fonds de Recherche du Québec, de l'Université du Québec à Chicoutimi et de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicole Fenton a reçu des financements de la Conseil de Recherche sur les Sciences Naturelles et de Génie du Canada (CRSNG), la Fonds de recherche du Québec- Nature et Technologies (FRQNT), le Plan Nord du Québec, Environnement Canada, en découverte et en partenariat avec des compagnies forestiers et minières. </span></em></p>L’éloignement et les dimensions modestes des arbres des vieilles forêts boréales ne doivent pas nous faire oublier leur haute importance écologique, ainsi que les nombreuses menaces pesant sur elles.Maxence Martin, Écologie et aménagement forestiers, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Nicole Fenton, Professor, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974802023-05-03T13:38:17Z2023-05-03T13:38:17ZMigrer sans pattes ni ailes ? Le défi de la migration assistée des arbres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510177/original/file-20230214-24-as6jr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux, mais sur une période différente.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>S’il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux ! Mais sur une fenêtre temporelle différente. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>C'est ce que nous allons approfondir dans cet article, le premier de notre nouvelle série estivale. En tant que chercheurs en écophysiologie forestière, nous étudions le fonctionnement des arbres en relation avec des dynamiques écologiques à plus large échelle. Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. Face à ces nouveaux problèmes, nous cherchons de nouveaux outils. Parmi ceux-ci, la migration assistée des arbres. </p>
<p>Et pour nous inspirer, cet extrait d'une chanson de notre poète national, Gilles Vigneault. </p>
<blockquote>
<p>J’ai planté un chêne au bout de mon champ,</p>
<p>perdrerai-je ma peine ?</p>
<p>perdrerai-je mon temps ?</p>
</blockquote>
<p>Débarrassons-nous d’abord des définitions : la migration assistée réfère au <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">« mouvement d’espèces, assisté par l’humain, en réponse aux changements climatiques »</a>. Nous avons l’habitude d’associer le terme « migration » au déplacement des personnes ou aux vols saisonniers des oiseaux. </p>
<p>Il peut donc paraître étrange d’associer la migration aux arbres, qui sont typiquement enracinés au sol et ne bougent pas. Mais est-ce vraiment le cas ?</p>
<h2>La forêt mouvante</h2>
<p>La migration des arbres se produit par la dispersion des semences, la germination, puis l’établissement de nouveaux semis. Ceux-ci, après un certain temps, produisent de nouvelles semences et contribuent à une lente expansion géographique.</p>
<p>Les stratégies de migration peuvent différer selon les espèces d’arbres : les <a href="https://www.zoom-nature.fr/les-samares-des-erables-des-autogires-tres-performants/">samares d’érable</a>, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limitées par leur poids imposant. Cependant, les nouveaux semis ont besoin d’années, souvent de décennies, pour pousser et produire des semences qui peuvent migrer plus loin que leurs parents.</p>
<p>Ce mouvement, qui se met en place à l’échelle des siècles, généralement trop lent pour notre conception du temps, peut <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1752-4571.2007.00013.x">devenir limitant</a> face aux changements rapides induits par l’homme dans les systèmes climatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="glands de chêne" src="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les samares d’érable, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limités par leur poids imposant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Changements rapides, arbres lents</h2>
<p>Les changements climatiques actuels induisent des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">modifications rapides</a> des conditions environnementales ; <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo2681">aucun événement</a> de réchauffement naturel du passé ne s’est produit à une vitesse comparable. Ces changements climatiques exercent ainsi de fortes pressions sur les écosystèmes forestiers, notamment en modifiant les conditions des habitats.</p>
<p>La grande majorité des arbres ont des vitesses de migration <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ddi.13630">inférieures à la rapidité de déplacement des habitats favorables</a>. Cela signifie que leur migration vers de nouveaux habitats favorables (par exemple, des régions froides devenant plus chaudes au nord) ne pourra pas compenser la perte d’habitats dans d’autres zones (par exemple, des régions chaudes devenant plus sèches au sud).</p>
<p>Ce décalage entre la modification des conditions d’habitats et la migration naturelle des arbres entraîne une perte de vigueur des forêts. Pour beaucoup d’espèces, <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/57/11/939/234280">on prévoit un déclin</a> qui peut compromettre les écosystèmes forestiers locaux.</p>
<h2>Aider les arbres à migrer</h2>
<p>Nous sommes appelés à trouver des stratégies pour harmoniser les forêts aux nouvelles conditions climatiques. Cela motive les chercheurs et les gestionnaires à envisager de nouvelles approches pour solutionner ce problème, en recourant par exemple à la <a href="https://doi.org/10.5849/jof.13-016">migration assistée</a>. </p>
<p>Le déplacement artificiel et la plantation de semences peuvent accélérer le processus de migration naturel et aider à surmonter les barrières géographiques, telles que les chaînes de montagnes ou les grandes surfaces d’eau.</p>
<p>La migration assistée peut donc être appliquée pour maintenir des écosystèmes forestiers fonctionnels dans le futur. Ce n’est pas seulement important pour la conservation des espèces, mais aussi pour le maintien de l’ensemble des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780080983493000244">services</a> offerts par les forêts, par exemple la production du bois ou la séquestration du carbone de l’atmosphère.</p>
<p>En général, les transferts sur de courtes distances sont plus faciles à réaliser, tandis que la migration sur de plus longues distances nécessite une planification plus minutieuse. Comme cette dernière présente des risques écologiques plus élevés, elle n’est généralement considérée <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">que pour des actions de conservation</a>. </p>
<p>Mais assez parlé de théorie, passons à des exemples concrets.</p>
<h2>Un exemple canadien</h2>
<p>L’érable à sucre (<em>Acer saccharum</em>) est une espèce d’arbre emblématique au Canada. À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/ES15-00238.1">souffrent d’une concurrence accrue</a> de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique (<em>Fagus grandifolia</em>).</p>
<p>Parallèlement, des chercheurs ont constaté que les régions au nord de l’aire de répartition de l’érable deviennent de <a href="https://academic.oup.com/forestscience/article/67/4/446/6270781">plus en plus propices à cette espèce</a>. Dans ce cas, la migration assistée pourrait favoriser une adaptation plus rapide des forêts nordiques aux nouvelles conditions, et rendre des services appréciés des propriétaires forestiers locaux, comme la production de sirop d’érable. Alors, pourquoi ne pas simplement aller de l’avant avec cette technique ?</p>
<h2>Pionniers</h2>
<p>En 2019, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a établi une plantation expérimentale d’érable à sucre à la limite nord de son aire de répartition, dans la région du Saguenay, au Québec. L’expérience est menée en partenariat avec une entreprise agricole familiale de la région, qui a choisi de consacrer une partie de ses terres à la recherche scientifique et à sa vision d’une érablière productive pour les générations futures.</p>
<p>La plantation, qui compte environ 500 jeunes arbres issus de plusieurs populations du Québec et des États-Unis, fêtera sa quatrième année de vie au printemps 2024. D’ici quelques décennies, de l’excellent sirop d’érable pourrait être produit, en plus des précieuses données scientifiques recueillies jusqu’alors.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="érable à sucre" src="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) souffrent d’une concurrence accrue de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Essais de migration</h2>
<p>Des études similaires ont été réalisées par le réseau de recherche <a href="https://dream-forests.org/membres/">DREAM</a>, un projet du gouvernement du Québec (MRNF), du USDA Forest Service et de l’Université Laval. Les essais, incluant une dizaine d’espèces d’arbres plantées en mélange, se situent dans la région de Portneuf au Québec et au Wisconsin (États-Unis). On y teste les effets des différents facteurs, tels que le microclimat, le broutement et la concurrence végétale, sur l’acclimatation des plants. De plus, on compare la performance des plants de populations méridionales, adaptées à des conditions similaires aux prédictions du climat futur, à celle des populations locales.</p>
<p>Réaliser ce type d’étude expérimentale permet d’obtenir des informations précieuses sur les caractéristiques qui peuvent aider ou nuire à la réussite des projets de migration assistée. Par exemple, on peut comprendre quelles espèces ou populations sont plus sensibles aux <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/58/3/253/230872">évènements de gel tardif</a> ou au <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40725-021-00148-5">broutement des herbivores</a>.</p>
<p>La mise en place d’essais scientifiques aujourd’hui peut aider à bien comprendre les dynamiques et les risques liés à la migration assistée, afin que nous puissions faire les meilleurs choix d’aménagement forestier pour les années et les générations futures. </p>
<p>Les changements climatiques progressent vite et les forêts ne poussent pas au même rythme : il est donc important de commencer à planter aujourd’hui les forêts de demain. </p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Emilie Champagne de la Direction de Recherche Forestière du Québec (Ministère des Ressources Naturelles et des Forêts) pour les contributions et commentaires au texte écrit et les Jardins Gobeil pour la collaboration et l’aide matérielle avec le maintien de la plantation expérimentale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197480/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Mura a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) dans le cadre du projet Alliance-Érable, partenaires le gouvernement du Québec (ministère des Ressources naturelles et des Forêts), le Centre Acer, les Productrices et Producteurs acéricoles du Québec, le Syndicat des Producteurs de bois du Saguenay Lac-Saint-Jean et l'Université du Québec en Outaouais (UQO). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Raymond est membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (QC, Canada). Elle a reçu du financement du Plan pour une économie verte du Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Gouvernement du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sergio Rossi est membre de l'Ordre des Ingénieurs Forestiers du Québec (QC, Canada) et de l'Ordine dei Dottori Agronomi e Forestali di Padova (Italie).
Sergio Rossi a reçu des financements par des programmes publiques: le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)</span></em></p>Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. La migration assistée est un outil qui permet de faire face à ces enjeux.Claudio Mura, PhD student in Forest Ecophysiology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Patricia Raymond, Chercheuse scientifique et professeure associée, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Sergio Rossi, Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2024942023-04-04T17:21:36Z2023-04-04T17:21:36ZLes anguilles sont fascinantes – et nous devons cesser de les manger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519349/original/file-20230404-17-kzgto1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Peu d’animaux ont autant suscité la curiosité de l’humanité que l’anguille (<em>Anguilla anguilla</em>). Il n’y a pas si longtemps encore, ces poissons visqueux, glissants, incroyablement agiles et à forme de serpents peuplaient presque toutes les étendues d’eau d’Europe et d’Afrique du Nord, souvent en quantités extraordinaires. Et personne ne savait d’où ils venaient.</p>
<p><a href="https://www.pbs.org/wnet/nature/the-mystery-of-eels-book-excerpt-eels-by-james-prosek/8242/">D’Aristote à Linné</a>, les philosophes et les naturalistes ont été fascinés par l’apparente absence de reproduction de l’anguille. Comme personne n’avait pu observer d’organes sexuels ni d’œufs, les scientifiques ont fourni des explications diverses et inventives sur la provenance de cet animal.</p>
<p>Ce n’est qu’à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle que l’on a découvert l’origine marine de l’anguille. Le zoologiste italien <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Giovanni_Battista_Grassi">Giovanni Grassi</a> a constaté qu’un poisson marin en forme de feuille, appelé <em>Leptocephalus brevirostris</em>, était en réalité une anguille européenne à un stade juvénile. Grassi a observé que ces larves se métamorphosaient en civelles (alevin de l’anguille) lorsqu’elles arrivaient près des côtes, puis en anguilles jaunes. Les anguilles viennent donc de la mer. Mais la mer est très vaste.</p>
<p><a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Johannes_Schmidt/143546">Johannes Schmidt</a>, un biologiste danois, voulait trouver les zones de reproduction de l’anguille. Il avait constaté que les larves de leptocéphales variaient en taille et en avait déduit que plus elles étaient petites, plus elles étaient proches des zones de fraie. Schmidt a entrepris la tâche herculéenne de capturer et de mesurer des anguilles juvéniles dans tout l’Atlantique Nord et a <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/epdf/10.1098/rstb.1923.0004">publié ses résultats</a> il y a un siècle. Depuis cette publication phare, on suppose que l’anguille européenne se reproduit dans la mer des Sargasses.</p>
<p>Étonnamment, nous n’avons quasiment rien appris sur la reproduction des anguilles depuis 100 ans. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-19248-8">rapport récent</a> sur leur migration de reproduction a été remarqué pour avoir fourni la première observation directe d’anguilles migrant vers la mer des Sargasses pour s’accoupler. Ces résultats ont confirmé la vision de Schmidt.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512262/original/file-20230224-1680-2wp8g9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Aguille européenne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Ces anguilles que l’on savoure</h2>
<p>Qu’ils connaissent ou non le mystérieux cycle de vie de l’anguille, les humains en ont toujours mangé. On retrouve régulièrement des restes d’anguilles dans les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0277379108000735">sites archéologiques</a> de toute l’Europe. Elles étaient appréciées par les anciennes civilisations égyptienne, grecque et romaine.</p>
<p>Dans l’Angleterre médiévale, certains <a href="https://historiacartarum.org/eel-rents-project/">impôts étaient payés en anguilles</a>, ce qui nécessitait la livraison de millions de bêtes. Des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ecy.3783">documents historiques</a> des XVI<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles font état d’anguilles mesurant 80 cm et pesant 11 kg pêchées dans le centre de l’Espagne. L’anguille a fait l’objet d’une pêche à grande échelle dans plusieurs pays européens, comme dans le delta du Pô, en Italie, où l’on conserve des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/aqc.2701">données sur les captures d’anguilles</a> depuis 1780.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Anguilles fumées" src="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515853/original/file-20230316-20-vpv8es.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=439&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fumage de l’anguille. Exposition 2007 (Journées des pêcheurs – Visserij Dagen).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eel_smoking.jpg">Labberté K.J./Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>De nombreuses traditions culturelles se sont développées autour de l’anguille. Dans toute l’Europe, <a href="https://britishfoodhistory.com/tag/eels/">on la mange</a> frite, grillée, séchée, salée, fumée, bouillie et mijotée de diverses manières. On trouve des fêtes et des festivals de dégustation d’anguilles à divers endroits, comme la <a href="https://www.sagradellanguilla.it/">Sagra dell’Anguilla</a>, à Comacchio, en Italie, ou l’<a href="https://sv.wikipedia.org/wiki/%C3%85lagille">Ålagill</a>, en Suède.</p>
<p>Les habitants des zones côtières du golfe de Gascogne, et en particulier des régions basques, ont développé un goût pour la civelle (ou anguillette) qui ne s’est étendue que récemment à d’autres lieux en tant que mets gastronomique. La civelle fait également l’objet de fêtes gastronomique, comme celle célébrée début mars dans les <a href="https://www.asturiasdefiesta.es/xxxvi-festival-de-la-angula-en-la-arena-soto-del-barco-2023/jornadas-gastronomicas">Asturies</a>, en Espagne.</p>
<p>Nous avons pris goût à la consommation d’anguilles, mais tout cela doit cesser.</p>
<h2>L’effondrement de l’anguille</h2>
<p>L’anguille européenne a commencé un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gcb.12972">déclin soudain</a> vers la fin des années 1970. Toutes les données montrent de manière cohérente que la <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/Joint_EIFAAC_ICES_GFCM_Working_Group_on_Eels_WGEEL_and_Country_Reports_2020_2021/18620876?file=33399341">population actuelle d’anguilles n’est que l’ombre</a> de ce qu’elle était il y a quelques dizaines d’années.</p>
<p>De nos jours, moins de cinq civelles arrivent sur les côtes européennes pour cent qui y arrivaient dans la période de 1960 à 1979. La diminution des stocks reflète la perte de l’aire de répartition. Dans la <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.12446">péninsule ibérique</a>, plus de 85 % de l’habitat de la civelle lui est désormais inaccessible en raison de la construction de barrages.</p>
<p>Le statut de conservation de l’anguille européenne est si mauvais qu’elle est aujourd’hui considérée comme une espèce en <a href="https://www.cms.int/fr/news/l%E2%80%99anguille-europ%C3%A9enne-reste-gravement-menac%C3%A9e-dans-la-derni%C3%A8re-liste-rouge-de-l%E2%80%99uicn">danger critique d’extinction</a>. Il s’agit de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Esp%C3%A8ce_en_danger_critique">catégorie extrême</a>, la dernière étape avant l’extinction. Toutes les autres espèces emblématiques de la conservation sur la planète (panda, koala, ours polaire) sont en meilleure posture que l’anguille. Parmi les autres espèces gravement menacées que l’on trouve en Europe figurent le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/14018/45199861">vison d’Europe</a> et le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/22728432/132658315">puffin des Baléares</a>. Ces deux espèces sont strictement protégées, et d’importants efforts de conservation sont mis en place pour les préserver.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=657&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512263/original/file-20230224-1701-9ewsb6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Anguille européenne dans le fleuve Ter.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Lluís Zamora)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>On ne trouve pas de vison d’Europe ou de puffin des Baléares au menu des restaurants, pas plus qu’on ne les sert en grandes quantités dans les festivals gastronomiques. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/mar/12/eels-endangered-species-calls-to-off-european-menu">Mais c’est le cas de l’anguille</a>. Nous sommes en train de dévorer l’anguille européenne jusqu’à son extinction.</p>
<h2>Arrêtons de manger des anguilles</h2>
<p>Les traditions culinaires et sociales associées à la consommation de l’anguille sont apparues à une époque où l’on pouvait satisfaire son appétit grâce à son abondante population. Ce n’est plus le cas depuis des décennies. Mais on maintient et même intensifie les habitudes comme si rien n’avait changé.</p>
<p>On n’a pas mis fin à la pêche à l’anguille malgré sa rareté croissante. Elle est devenue un aliment unique et <a href="https://www.tastingtable.com/828681/why-are-baby-eels-so-expensive/">excessivement cher</a>, de plus en plus recherché en raison de notre <a href="https://www.nature.com/articles/444555a">goût pour les produits rares</a>. Le <a href="https://journals.plos.org/plosbiology/article?id=10.1371/journal.pbio.0040415">cercle vicieux</a> qui fait en sorte que les espèces exploitées et en déclin ont une valeur économique accrue ne fait qu’engendrer une intensification de leur exploitation et accélérer leur déclin. On sait que cela peut mener à <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1755-263X.2008.00038.x">l’extinction de certaines espèces</a>. L’anguille semble être l’une d’entre elles.</p>
<p>Dans le contexte actuel, <a href="https://www.science.org/doi/full/10.1126/science.abj3359">l’exploitation durable des anguilles</a> n’est plus possible. Bien que l’on puisse se demander si la surpêche a joué le rôle principal dans le déclin de l’espèce, sa consommation est assurément l’un des plus gros obstacles à son rétablissement. Nous devons cesser de pêcher et de manger des anguilles, à la fois pour éviter leur extinction et pour permettre l’exploitation future d’une population d’anguilles en bonne santé.</p>
<p>Les recommandations des spécialistes visant à <a href="https://zientzia.eus/artikuluak/aingira-eta-angularik-ez-harrapatzeko-gomendatu-du/fr/">mettre fin à toute forme de pêche</a> à l’anguille devraient idéalement être mises en œuvre dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce et pendant une longue période (au moins une décennie).</p>
<p>Cependant, les responsables politiques de l’Union européenne, à tous les échelons, manquent de vision en la matière et ont décidé de ne pas interdire la pêche. Les administrations nationales et régionales tentent de contourner les restrictions timides et clairement insuffisantes imposées par l’UE et protègent la pêche à l’anguille.</p>
<p>En l’absence d’une interdiction décrétée par les autorités, les consommateurs et la communauté gastronomique devraient jouer un rôle important dans l’abandon de l’exploitation des anguilles. Les recettes à base d’anguille sont encore largement diffusées dans les médias et servies dans les restaurants chics. Je veux bien croire que les chefs et les journalistes gastronomiques ne sont pas au courant du statut critique de l’anguille et qu’ils soutiendraient un moratoire s’ils en étaient conscients. Il existe des cas où on a renoncé à l’anguille en tant qu’ingrédient culinaire, comme pour l’émission télévisée <a href="https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2009/nov/01/eels-on-tv-menu-protest">Masterchef</a> au Royaume-Uni. </p>
<p>Il est temps que tout le monde s’abstienne de manger, de servir ou de recommander l’anguille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202494/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Miguel Clavero Pineda bénéficie d'un financement pour ses travaux de recherche dans le cadre du projet SUMHAL, financé par le ministère espagnol de la Science et de l'Innovation, par l'intermédiaire des Fonds européens de développement régional (FEDER) : SUMHAL, LIFEWATCH-2019-09-CSIC-4, POPE 2014-2020.</span></em></p>Il ne viendrait à l’idée de personne de manger un animal en voie de disparition comme le lynx ibérique. Alors pourquoi mangeons-nous encore des anguilles ?Miguel Clavero Pineda, Científico titular CSIC, Estación Biológica de Doñana (EBD-CSIC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996412023-03-07T18:20:23Z2023-03-07T18:20:23ZQuelle place pour la sociologie face aux défis écologiques ?<p>Dans les débats sur les enjeux écologiques de l’heure, les sociologues sont pour le moins discrets ; quand ils sortent de leur réserve, ils s’évertuent le plus souvent à analyser les inégalités <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/11/16/la-double-peine-ecologique-pour-les-classes-populaires_6150107_1650684.html">liées aux modes de vie</a>, tantôt en soulignant le décalage entre l’adhésion des classes aisées aux idées écologistes et la réalité de leurs pratiques, en matière d’<a href="https://theconversation.com/lempreinte-carbone-un-indicateur-a-utiliser-avec-discernement-180654">empreinte carbone</a> notamment, tantôt en examinant les conditions de possibilité d’une écologie « populaire ».</p>
<p>Cette relative pusillanimité peut se comprendre à la lumière de ce que l’on appelle communément la tradition sociologique. Lorsque la discipline s’institutionnalise au XIX<sup>e</sup> siècle, les sociologues sont surtout préoccupés par l’effritement de l’ordre social qui sous-tendait les sociétés d’Ancien Régime et lui cherchent un substitut ne relevant ni de l’utilitarisme ou de l’intérêt individuel que promeuvent les économistes, ni d’un quelconque ordre des choses, naturel ou divin, duquel, justement, les sociétés modernes se sont extirpées.</p>
<p>En soulignant en particulier la force des facteurs d’intégration sociale, tels que la division du travail, ils contribuent alors à théoriser les liens d’interdépendance et la solidarité qui existent entre les membres d’une société.</p>
<h2>Un monde sans fin, vraiment ?</h2>
<p>Mais ce faisant, les sociologues vont œuvrer, <em>volens nolens</em>, en faveur du progrès – social, économique, technique, etc. – qui constitue l’essence même des sociétés modernes. Et s’ils en sont des interprètes exigeants et critiques, en plaidant pour une plus forte redistribution des fruits de la <a href="https://theconversation.com/la-deconsommation-est-elle-un-luxe-139571">croissance</a> ou une plus grande fluidité sociale, les sociologues se montrent finalement assez insensibles aux dégâts que peut engendrer cette dynamique du progrès tous azimuts.</p>
<p>À telle enseigne que c’est seulement quand cette dynamique commence à se gripper, dans les années 1970, que <a href="https://www.jstor.org/stable/27702311">certains sociologues</a>, aux États-Unis, dénoncent les lacunes ou les points aveugles de la plupart des théories : <em>quid</em>, en effet, du reste du vivant et des limites qu’il impose à la modernisation des sociétés ? Peut-on raisonnablement considérer que nous habitons « un monde sans fin » doté de ressources inépuisables ? Aussi cruciales soient-elles, de telles questions ont, de fait, été négligées par la théorie sociologique <em>mainstream</em>, focalisée qu’elle était sur l’émancipation des individus et leur arrachement aux contraintes du milieu.</p>
<p>Sauf que, quarante ans après la publication de ces articles pionniers, la sociologie demeure encore à la traîne et peine à se saisir des enjeux écologiques de l’<a href="https://theconversation.com/anthropocene-lhumanite-merite-t-elle-une-epoque-a-son-nom-123030">anthropocène</a> – et ce, alors même que d’autres chercheurs venus de l’histoire, de la philosophie ou de l’anthropologie, sont notoirement plus présents dans le débat social.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<h2>Une autre voie pour la sociologie</h2>
<p>Faut-il s’y résoudre et accepter que de tels enjeux restent, pour l’essentiel, dans l’angle mort des recherches sociologiques ?</p>
<p>La sociologie peut-elle se contenter de défendre sans relâche les groupes sociaux dominés – ce qui fait assurément sa noblesse – au risque, toutefois, d’occulter à bien des égards les conséquences de nos pratiques sociales sur les milieux qui nous abritent ?</p>
<p>Ou doit-elle se borner modestement à décrire l’adaptation aux changements qui travaillent nos sociétés en raison, par exemple, de l’altération des biotopes ou des variations climatiques ?</p>
<p>Nous faisons le pari qu’une autre voie est carrossable, en parallèle de celles-ci. Il ne s’agit pas, ce faisant, de ripoliner la sociologie en la verdissant, pour ainsi dire, mais plutôt de lui assigner un nouveau cap. Trois exigences sous-tendent cette entreprise : elles dessinent le <a href="https://www.editions-eres.com/ouvrage/4957/pour-une-sociologie-enfin-ecologique">Triangle d’or d’une sociologie (enfin) écologique</a>.</p>
<h2>Rompre avec l’idéal de production</h2>
<p>Au premier sommet de ce triangle trône l’exigence théorique d’une sociologie écologique : œuvrer à la conservation d’un monde vivant. Il nous semble en effet essentiel de rompre avec l’idée centrale de la sociologie, selon laquelle la transformation du monde et sa mise en ressources s’avèrent systématiquement bénéfiques pour les sociétés en permettant de redistribuer davantage de richesses. Bien entendu, il ne s’agit pas de renoncer à transformer nos institutions, et en particulier à les rendre plus justes et plus démocratiques.</p>
<p>Mais, pour ce faire, il faut désormais instaurer un dialogue soutenu avec les approches qui insistent sur la nécessité de préserver une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-part-sauvage-du-monde-virginie-maris/9782021332544">« part sauvage du monde »</a> et, partant, cesser de regarder avec suspicion les initiatives ou les projets tendant à la conservation de notre environnement. Car, pensons-nous, c’est justement en œuvrant à la conservation de l’environnement que la sociologie pourra contribuer à améliorer le monde social et à émanciper celles et ceux qui l’habitent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509438/original/file-20230210-24-79ix1b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Entrée d’une mine à Villavicencio, en Colombie, 2022 : l’activité minière fragilise les dynamiques de gestion communautaire de l’eau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Paul Cary</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Élargir les communs au vivant</h2>
<p>Deuxième sommet : l’exigence critique qui s’impose à une sociologie écologique. De fait, l’objectif, pour les sociologues, consiste à prendre davantage en compte nos interrelations avec l’environnement, ce qui signifie qu’il s’agit toujours de penser des institutions plus justes, mais en veillant scrupuleusement à ce que celles-ci incluent aussi le monde naturel.</p>
<p>Nous nous inscrivons de ce fait dans la dynamique portée par le courant de ce qu’on appelle les « communs », pour autant que ceux-ci soient élargis au reste du vivant. Des initiatives soulignant le caractère inappropriable de certains milieux doivent, à ce titre, <a href="https://wildproject.org/livres/la-propriete-de-la-terre">être saluées</a> et approfondies.</p>
<h2>Rendre l’utopie accessible</h2>
<p>Enfin, le troisième sommet du triangle désigne une exigence pratique : les sociologues doivent rendre l’utopie accessible, c’est-à-dire intervenir dans le débat démocratique en mettant l’accent sur les expériences émergentes, en soulignant les promesses dont elles sont porteuses, mais aussi en faisant montre de prudence face à des choix techniques potentiellement irréversibles – une posture qui permettrait peut-être de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/01/16/face-a-la-crise-climatique-le-dialogue-de-sourds-entre-economistes-et-scientifiques_6157996_823448.html">rapprocher les ingénieurs des économistes et autres spécialistes des sciences sociales</a>.</p>
<p>Une telle conception de l’activité scientifique s’inscrit dans le sillage des réflexions livrées par John Dewey : faire en sorte que la sociologie éclaire les situations douteuses et s’implique activement dans la résolution collective des problèmes. Dans cette perspective, il appartiendrait alors aux sociologues de scruter et d’encourager les <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/20590">expérimentations « socioécologiques »</a> en montrant que leur validité ne dépend pas tant du verdict des publications scientifiques que de leur effectivité face aux difficultés de l’heure.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509735/original/file-20230213-26-909b17.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mine de Garzweiler, Allemagne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raimond Spekking/Wikimedia</span></span>
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<h2>Tenir compte des relations avec le vivant</h2>
<p>Alors que la planète brûle, les échanges semblent se durcir entre les défenseurs de la pensée critique et les penseurs du vivant. Les premiers sont focalisés sur le capitalocène : ils dénoncent les méfaits, voire les ravages d’un capitalisme prédateur, mais restent peu concernés par le vivant, <a href="https://www.revue-ballast.fr/discussion-avec-paul-guillibert-vers-un-communisme-du-vivant/">ce qui les apparente à des néomarxistes</a>. Quant aux seconds, ils sont accusés d’oublier l’essentiel, c’est-à-dire la dynamique mortifère du capitalisme, et de n’être finalement que des <a href="https://blog.mondediplo.net/pleurnicher-le-vivant">« écologistes pleurnichards »</a>.</p>
<p>Sortir de cette impasse assez stérile nous paraît aujourd’hui une nécessité impérieuse si l’on veut réfléchir utilement aux périls qui nous menacent. Et pour ce faire, il nous semble que la sociologie doit reconnaître que nous sommes pris dans le vivant, avec ses interdépendances, tout en réclamant avec force la mise en place d’institutions plus justes.</p>
<p>Il est donc temps pour la discipline d’effectuer, non pas une complète volte-face, mais au moins un pas de côté, en admettant que son objet doive être reconsidéré : si le but du sociologue consiste toujours à analyser le social, il convient d’élargir ce dernier aux relations que nous entretenons avec le vivant.</p>
<p>Sans doute certains sociologues pourraient-ils craindre, alors, que cette redéfinition et de leur objet et de leur mission leur fasse perdre le rôle qu’ils endossent souvent avec courage dans le débat public : celui de poil à gratter, voire de casse-pied. Qu’ils se rassurent, ils auront encore du grain à moudre, car jamais les résistances au saccage de la nature et à l’accaparement capitaliste du vivant n’ont été aussi cruciales !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199641/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La discipline doit sortir d’une prétendue opposition entre le progrès social et la défense du vivant.Paul Cary, Sociologue, Université de LilleJacques Rodriguez, Professeur de sociologie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1960982022-12-12T14:49:15Z2022-12-12T14:49:15ZCOP sur le climat, COP sur la biodiversité : voici pourquoi il faut une approche intégrée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499830/original/file-20221208-7231-1umnjf.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=66%2C11%2C7377%2C4855&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La mairesse de Montréal, Valérie Plante, prononce un discours lors de la cérémonie d'ouverture de la conférence de l'ONU sur la biodiversité, la COP15, à Montréal, le 6 décembre 2022.
</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>La conférence de l’ONU sur la biodiversité, la <a href="https://www.cbd.int/">COP15</a>, a débuté à Montréal le 7 décembre dernier, peu de temps après la fermeture du <a href="https://cop27.eg/#/">sommet sur les changements climatiques (COP27)</a>, tenu en Égypte en novembre 2022. Ce dernier a été « décevant » pour plusieurs participants, <a href="https://www.reuters.com/business/sustainable-business/after-disappointing-cop27-calls-grow-new-approach-fighting-climate-change-2022-11-28/">lesquels souhaiteraient entreprendre une réforme du processus délibératif</a>.</p>
<p>Alors que les critiques fusent de toutes parts, le temps serait-il venu de fusionner les deux types de conférences entre elles ?</p>
<p>La tenue de deux COP dans un intervalle de temps rapproché peut semer la confusion chez le public. Cet article s’intéresse à l’interaction des agendas sur le climat et la biodiversité, le tout dans un esprit réformiste.</p>
<p>Doctorante en science politique à l’Université de Montréal, mes travaux portent sur l’efficacité des cadres utilisés, notamment celui de santé, pour aborder la crise climatique et leur rôle dans l’apport de changements de politique publique.</p>
<h2>Qu’est-ce que la COP27 ? La COP15 ?</h2>
<p>Lors du <a href="https://www.un.org/fr/conferences/environment/rio1992">sommet de Rio</a> en 1992, les pays membres de l’ONU se sont rassemblés afin de signer trois conventions déterminantes pour favoriser le développement durable : la <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/organisation/affaires-internationales/partenariats-organisations/convention-cadre-nations-unies-changements-climatiques.html">Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC)</a>, la <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/organisation/affaires-internationales/partenariats-organisations/convention-diversite-biologique.html">Convention sur la diversité biologique (CDB)</a>, et la <a href="https://ise.unige.ch/isdd/spip.php?article156">Déclaration sur les principes de gestion des forêts</a>. Depuis, des conférences sont organisées pour chacune d’entre elles afin de faire le point sur les avancées et de mettre à jour les objectifs fixés.</p>
<p>La COP 27 s’ajoute à la longue liste des conférences tenues annuellement pour tenter de ralentir le réchauffement climatique, par l’entremise d’une réduction de l’impact des activités humaines. De son côté, la COP15 est associée plus spécifiquement à la préservation de la biodiversité, elle aussi dégradée par ces mêmes activités.</p>
<p>Les COP portant sur la biodiversité sont plus rares que celles sur le climat, puisqu’elles ont lieu une fois tous les deux ans. Le dernier plan stratégique remonte néanmoins à la conférence de <a href="https://www.cbd.int/abs/">Nagoya</a> en 2010. Les gouvernements se sont alors engagés, entre autres, à réduire au moins de moitié la perte d’habitats naturels et à sauvegarder 17 % des zones terrestres et des eaux continentales, ainsi que 10 % des zones marines et côtières. Un rapport récent du secrétariat pour la CDB a cependant démontré que <a href="https://www.cbd.int/gbo5">ces cibles n’ont pas été atteintes</a>.</p>
<p>À l’issue de la COP15, les gouvernements se seront mis d’accord sur de nouveaux objectifs pour la prochaine décennie, d’où son importance capitale.</p>
<h2>Un système à deux vitesses ?</h2>
<p>De plus en plus de voix s’élèvent en faveur d’une approche intégrée des agendas sur le climat et sur la biodiversité, jusqu’ici systématiquement séparés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme parle à d’autres personnes" src="https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499832/original/file-20221208-24-mk2q6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sameh Shoukry, président du sommet climatique de l’ONU, la COP27, s’entretient avec d’autres personnes lors de la session plénière de clôture, le 20 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Peter Dejong)</span></span>
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<p>À peine dix ans après le sommet de Rio, plusieurs chercheurs, dont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378004000275">Joy A. Kim</a>, économiste au <a href="https://www.unep.org/fr/propos-donu-environnement">Programme des Nations unies pour l’environnement</a>, constataient déjà le manque de synergie entre les deux régimes. Pourtant, le climat et la biodiversité représentent des enjeux transnationaux, hautement complexes et connectés, auxquels il faut remédier rapidement. Ils partagent d’ailleurs des causes similaires, soit des activités humaines excessives.</p>
<p>Le réchauffement climatique, par ses conséquences directes ou par les mesures mises en place pour le contrer, vient cependant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s43538-022-00073-6#:%7E:text=Marked%20increase%20in%20the%20frequency,main%20consequences%20of%20climate%20change.">exacerber ces mêmes impacts</a> sur la biodiversité. Celle-ci fait donc face à un double danger.</p>
<h2>Le climat et la biodiversité sont interdépendants</h2>
<p>Les deux crises sont aussi interdépendantes en termes de solutions, car la biodiversité peut aider à lutter contre les changements climatiques, notamment avec des <a href="https://cieem.net/wp-content/uploads/2020/07/Nature-Based-Solutions-designed.pdf">solutions fondées sur la nature</a> (SfN) pour séquestrer le carbone. Ces solutions incluent, entre autres, la restauration des habitats, la gestion des ressources en eau, et la construction d’infrastructures vertes.</p>
<p>Autrement dit, les impacts des mesures climatiques sur la biodiversité sont peu reconnus, et les atouts de celle-ci sont mal mis à profit. Au lieu de la détériorer, l’action climatique devrait <a href="https://cieem.net/wp-content/uploads/2021/08/CIEEM-COP15-and-COP26-Statement-FINAL.pdf">pouvoir la protéger et même lui permettre de prospérer</a>.</p>
<p>Cette interaction au sein de la gouvernance environnementale est <a href="https://shs.hal.science/halshs-01675503/document">peu reflétée dans le droit international</a>, où les deux régimes n’ont aucune obligation de coopérer. De manière implicite, on les retrouve néanmoins côte à côte dans les <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">Objectifs de développement durable</a> (ODD) de l’ONU.</p>
<p>Tandis que la CDB célèbre son 30<sup>e</sup> anniversaire cette année, sa secrétaire générale, Elizabeth Maruma Mrema, consciente du fait que la crise climatique fait de l’ombre à la crise de la biodiversité, a récemment déclaré que si cela était à refaire, <a href="https://www.carbonbrief.org/the-carbon-brief-interview-un-biodiversity-chief-elizabeth-maruma-mrema/">il n’aurait dû y avoir qu’une seule convention et non trois</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme parle dans un micro" src="https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499831/original/file-20221208-14410-krmmcp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Elizabeth Maruma Mrema, secrétaire administrative de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, prend la parole lors de la conférence de presse d’ouverture de la COP15, la conférence des Nations unies sur la biodiversité, à Montréal, le 6 décembre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes</span></span>
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<h2>Quand la pandémie s’en mêle</h2>
<p>Comme si cela ne suffisait pas, la pandémie de Covid-19 est venue distraire les programmes politiques, en se hissant au sommet des préoccupations des gouvernements. En plus d’avoir retardé l’organisation de la COP27 et de la COP15, celle-ci pourrait amener les décideurs à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969722042863">se concentrer en priorité sur des problèmes domestiques</a>, tels que le ralentissement économique qu’elle a elle-même engendré.</p>
<p>D’autres la voient plutôt comme une <a href="https://besjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1365-2664.13985">fenêtre d’opportunité</a> pour une reprise économique verte, même si les résultats de la COP27 ont certainement affaibli leur optimisme.</p>
<p>Malgré les circonstances peu favorables, plusieurs initiatives scientifiques ont vu le jour afin de permettre un meilleur maillage d’expertise. Les liens entre les deux crises ont notamment été abordés par le <a href="https://www.ipcc.ch/languages-2/francais/">Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)</a> et la <a href="https://fr.unesco.org/links/biodiversity/ipbes">Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES)</a>, qui ont décidé de <a href="https://ipbes.net/sites/default/files/2021-06/20210609_workshop_report_embargo_3pm_CEST_10_june_0.pdf">coécrire un rapport</a> pour la première fois en 2021.</p>
<p>Les engagements pris lors de la COP15 permettront d’avoir une meilleure idée de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/global-sustainability/article/implications-of-covid19-on-progress-in-the-un-conventions-on-biodiversity-and-climate-change/5B62C3869C37AF0BC406EE17CFC1EDA5">l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la gouvernance environnementale</a>.</p>
<p>Qu’il s’agisse d’une crise sanitaire ou d’une crise environnementale, la solidarité internationale est de mise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196098/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Pillod est membre du Laboratoire de l'opinion climatique (CO-LAB), actuellement financé par le consortium Ouranos, en partenariat avec le Ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) du Québec. Elle a notamment reçu des financements du Département de Science politique de l'Université de Montréal, et est affiliée à divers centres de recherche (CECD, CPDS, CERIUM).</span></em></p>Réflexion sur la pertinence de fusionner les agendas sur le climat et sur la biodiversité afin d’éviter un système à deux vitesses dans une ère post-pandémique.Alizée Pillod, Doctorante en science politique, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1960902022-12-06T18:28:04Z2022-12-06T18:28:04ZCOP15 : quel rôle pour la Chine, qui préside l’événement, dans la préservation de la nature ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499331/original/file-20221206-8116-687666.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C13%2C2982%2C2056&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quatre cerfs du père David (Elaphurus davidianus), également connus sous le nom de milus, dans une zone humide près de la réserve naturelle nationale de Dafeng dans la province de Jiangsu, en Chine.
</span> <span class="attribution"><span class="source">He Jinghua/VCG via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>Pendant que le monde décortique les résultats de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui s’est tenue en Égypte, des négociateurs se réunissent à Montréal pour fixer des objectifs concernant l’autre crise de la planète : la disparition des espèces vivantes.</p>
<p>À partir du 7 décembre, les 196 nations qui ont ratifié la Convention des Nations unies sur la diversité biologique tiendront leur 15<sup>e</sup> <a href="https://www.cbd.int/cop/">Conférence des parties</a>, ou COP15. La Convention, qui a été adoptée lors du sommet de la Terre de 1992 à Rio de Janeiro, vise à <a href="https://www.cbd.int/convention/guide/">promouvoir le développement durable</a> en protégeant la <a href="https://www.un.org/fr/climatechange/science/climate-issues/biodiversity">biodiversité</a>, c’est-à-dire la variété de la vie sur Terre, qu’il s’agisse de gènes ou d’écosystèmes entiers.</p>
<p>De nos jours, les experts s’accordent pour dire que la biodiversité est en danger. Les activités humaines – notamment la chasse excessive, la surpêche et la modification des sols – causent la disparition des espèces à un rythme <a href="https://www.cbd.int/convention/guide/?id=changing">50 à 100 fois supérieur au rythme historique</a>. Les Nations unies appellent ce déclin une <a href="https://www.unep.org/facts-about-nature-crisis">« crise de la nature »</a>.</p>
<p>La rencontre devait se tenir initialement à Kunming, en Chine, en 2020, mais a été reportée en raison de la pandémie de Covid-19, une partie des négociations ayant eu lieu en ligne. La Chine pilotera les délibérations à Montréal et en fixera l’ordre du jour et le ton. C’est la première fois que Beijing présidera une grande conférence intergouvernementale sur l’environnement. En tant qu’<a href="https://scholar.google.com/citations?user=2TJfBOgAAAAJ">écologiste de la faune</a>, j’ai hâte de voir la Chine assumer un rôle de leader mondial.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/GK_vRtHJZu4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La biodiversité est importante, car le fait de disposer de beaucoup d’écosystèmes, d’espèces et de gènes augmente la résilience de la nature et sa capacité à faire face à des stress tels que les maladies et les changements climatiques.</span></figcaption>
</figure>
<h2>La biodiversité en Chine</h2>
<p>Si on demande aux gens où se trouvent les plus grandes concentrations d’espèces sauvages sur Terre, beaucoup répondront que c’est dans les forêts tropicales ou les récifs coralliens tropicaux. Mais la Chine possède aussi une nature très riche. Elle abrite près de <a href="https://www.biodiversity-science.net/EN/10.17520/biods.2022397">38 000</a> espèces de <a href="http://chertnews.de/Higher_Plants.html">plantes vasculaires</a> – essentiellement des arbres, des arbustes et des fougères –, plus de <a href="https://www.biodiversity-science.net/EN/10.17520/biods.2021214">8 100</a> espèces d’animaux vertébrés, plus de 1 400 espèces d’oiseaux et 20 % des espèces de poissons de la planète.</p>
<p>Il existe en Chine de nombreuses espèces sauvages <a href="https://www.especes-menacees.fr/definition/endemique/">endémiques</a>, c’est-à-dire qu’elles ne se trouvent nulle part ailleurs dans le monde. La Chine compte des portions de quatre des <a href="https://www.conservation.org/priorities/biodiversity-hotspots">« points névralgiques »</a> de la biodiversité mondiale, autrement dit des endroits qui abritent un grand nombre d’espèces endémiques et qui sont gravement menacés. <a href="https://www.cepf.net/our-work/biodiversity-hotspots/indo-burma">L’Indo-Birmanie</a>, les <a href="https://www.cepf.net/our-work/biodiversity-hotspots/mountains-southwest-china">montagnes du sud-ouest de la Chine</a>,l’Himalaya oriental et les <a href="https://www.cepf.net/our-work/biodiversity-hotspots/mountains-central-asia">montagnes d’Asie centrale</a> abritent des espèces telles que le panda géant, l’ours noir d’Asie, la torquéole de Boulton, le crapaud Scutiger boulengeri, le serpent Protobothrops xiangchengensis et le faisan doré.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un panda marche à quatre pattes dans la neige" src="https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497728/original/file-20221128-11895-tbc86t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Panda géant dans le sud-ouest de la Chine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vanessa Hull</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La préservation en Chine</h2>
<p>En Occident, la couverture médiatique des enjeux environnementaux en Chine se concentre souvent sur son importante pollution atmosphérique urbaine et son rôle de <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/gaz-effet-serre-pays-emettent-plus-co2-1178/">plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde</a>. Mais la Chine fait des efforts de préservation de la nature et a réalisé des progrès depuis la dernière conférence mondiale sur la biodiversité en 2018.</p>
<p>Cette année-là, les dirigeants chinois ont créé le terme <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aar3760">« civilisation écologique »</a> et l’ont inscrit dans la constitution du pays. Ils ont ainsi reconnu que le développement devait tenir compte des impacts environnementaux en plus des objectifs économiques.</p>
<p>La Chine avait alors déjà créé plus de <a href="https://doi.org/10.1007/s13280-019-01307-6">2 750 aires protégées</a>, qui représentaient près de 15 % de sa superficie totale. Ces aires sont des endroits où le financement et la gestion sont prévus de manière à préserver les écosystèmes, tout en autorisant certaines activités humaines dans des secteurs désignés.</p>
<p>En 2021, le président Xi Jinping annonçait que la Chine étoffait officiellement ce système en y ajoutant un réseau de <a href="http://french.china.org.cn/china/txt/2022-10/13/content_78463935.htm">cinq parcs nationaux</a> couvrant 227 000 kilomètres carrés – le plus vaste système de ce type au monde.</p>
<p>En outre, la Chine est le pays qui connaît la plus forte expansion de sa zone forestière. Pour la seule période allant de 2013 à 2017, la Chine a reboisé <a href="https://chm.cbd.int/database/record?documentID=241353">334 millions d’hectares</a> de terres nues ou cultivées – une superficie <a href="https://www.fs.usda.gov/about-agency/newsroom/by-the-numbers">quatre fois plus grande</a> que celle de la totalité des forêts nationales des États-Unis.</p>
<p>Au moins <a href="https://chm.cbd.int/database/record?documentID=241353">dix des espèces menacées les plus connues de Chine</a> sont en voie de rétablissement, notamment le <a href="https://wwf.ca/fr/species/panda-geant/">panda géant</a>, le <a href="https://www.iucnredlist.org/fr/species/22697548/132069229">toki</a> et le <a href="https://www.iucnredlist.org/species/22679325/92810598">faisan d’Elliot</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574051936285908993"}"></div></p>
<h2>Ce qu’il reste à faire</h2>
<p>Il reste toutefois à la Chine d’importants points à améliorer. <a href="https://chm.cbd.int/database/record?documentID=241353">Elle n’a pas atteint</a> quatre des premiers objectifs d’Aichi – objectifs que les membres de la Convention sur la biodiversité ont adoptés pour la période 2011-2020 – comme la promotion de la pêche durable, la prévention des extinctions, le contrôle des espèces exotiques envahissantes et la protection des écosystèmes vulnérables.</p>
<p>Ainsi, près de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/ddi.12961">50 % des espèces d’amphibiens sont menacés</a> en Chine. Des espèces importantes y sont considérées comme éteintes, comme le <a href="https://www.geo.fr/environnement/dugong-la-vache-de-mer-a-disparu-des-eaux-chinoises-selon-une-nouvelle-etude-211449#:%7E:text=Ce%20mammif%C3%A8re%20marin%20%C3%A0%20la,de%20l%E2%80%99ordre%20des%20sir%C3%A9niens">dugong</a> de Chine, <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/l-espadon-de-chine-premiere-espece-officiellement-eteinte-en-2020-20200110">l’espadon de Chine</a> et <a href="https://chinadialogue.net/en/digest/chinese-paddlefish-and-sturgeon-officially-extinct">l’esturgeon du Yangtsé</a>, ainsi que le <a href="http://www.primate-sg.org/whitehand_gibbon_extinct_china/">gibbon à mains blanches</a>.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le rôle central de la Chine dans le commerce légal et illégal d’espèces sauvages qui menace de nombreux <a href="https://news.mongabay.com/2022/10/a-fast-growing-pipeline-the-amazon-to-southeast-asia-wildlife-trade/">mammifères, poissons, reptiles et oiseaux</a> en voie de disparition. Pour y remédier, la Chine a mis à jour sa <a href="http://www.npc.gov.cn/zgrdw/englishnpc/Law/2007-12/12/content_1383926.htm">loi sur la protection de la faune</a>, adoptée en 1989.</p>
<p>Le 24 février 2020, la loi a été renforcée de manière à imposer une <a href="https://doi.org/10.1038/s41893-020-00677-0">interdiction quasi totale</a> du commerce des espèces sauvages à des fins alimentaires. Aujourd’hui, cependant, l’interdiction est en <a href="https://chinadialogue.net/en/nature/second-draft-revision-of-chinas-wildlife-protection-law-a-big-step-backwards/">voie de révision</a>, ce qui pourrait l’affaiblir, notamment par l’assouplissement des restrictions sur la reproduction en captivité.</p>
<p>Environ <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2017.08.019">90 % des prairies chinoises</a> sont dégradées, de même que <a href="https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2017.06.003">53 % des zones humides côtières</a>. <a href="https://cdn.chinadialogue.net/content/uploads/2020/10/29175445/Sustainable-seafood-report-29-Oct-2020.pdf">Depuis 1950</a>, la Chine a perdu 80 % de ses récifs coralliens et 73 % de ses mangroves. Ces enjeux mettent en évidence la nécessité de prendre des mesures énergiques pour protéger les derniers bastions de la biodiversité du pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image satellite du barrage des Trois Gorges en 2009" src="https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497111/original/file-20221123-24-zrsld9.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le barrage des Trois-Gorges sur le fleuve Yangtsé en Chine, visible en bas à droite, a été construit pour fournir de l’électricité et aider à prévenir les inondations. Il a modifié les habitats de milliers de plantes, d’animaux et de poissons, dont des espèces menacées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://eoimages.gsfc.nasa.gov/images/imagerecords/38000/38879/ISS019-E-07720_lrg.jpg">NASA Earth Observatory</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Objectifs de la COP15</h2>
<p>Le principal objectif de la conférence de Montréal est l’adoption <a href="https://www.cbd.int/conferences/2021-2022">d’un cadre mondial pour la biodiversité</a> pour les années qui viennent. Cette feuille de route s’appuie sur les cadres élaborés lors des rencontres précédentes, notamment les <a href="https://www.cbd.int/sp/targets/">objectifs d’Aichi de 2010</a>. Comme l’ont rapporté les Nations unies, les États <a href="https://www.cbd.int/gbo5">n’ont réalisé aucun des objectifs d’Aichi</a> fixés pour 2020, bien que six objectifs aient été partiellement atteints.</p>
<p>Le <a href="https://www.cbd.int/doc/c/abb5/591f/2e46096d3f0330b08ce87a45/wg2020-03-03-en.pdf">nouveau cadre propose</a> vingt-deux objectifs à atteindre d’ici 2030 et quatre objectifs clés à atteindre d’ici 2050. Cela comprend la préservation des écosystèmes, la diversification des services que la nature rend aux populations, l’équité dans le partage des ressources génétiques, telles que les données numériques de séquençage de l’ADN, et la consolidation des engagements financiers.</p>
<p>Nous serons nombreux à suivre l’évolution de la situation pour voir si la Chine peut jouer un rôle de leader et promouvoir la collaboration et le consensus. L’un des principaux défis consiste à trouver un moyen de financer les mesures ambitieuses prévues par le nouveau cadre. Les défenseurs de l’environnement exhortent les pays riches à fournir jusqu’à <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-01430-7">60 milliards de dollars US</a> par an pour aider les pays à faible revenu à financer des projets de préservation et à lutter contre le trafic illégal d’espèces sauvages.</p>
<p>La Chine s’est engagée dans cette voie en 2021 en lançant le <a href="https://www.cbd.int/doc/press/2021/pr-2021-10-13-cop15-hls-en.pdf">Fonds pour la biodiversité de Kunming</a> et en y contribuant à hauteur de 230 millions de dollars. Les promesses de dons des autres nations, principalement de la France, du Royaume-Uni, du Japon et de l’Union européenne, s’élèvent actuellement à quelque <a href="https://doi.org/10.1038/d41586-022-01430-7">5,2 milliards de dollars par an</a>.</p>
<p>La Chine devra probablement répondre à des questions concernant <a href="https://www.oecd.org/finance/Chinas-Belt-and-Road-Initiative-in-the-global-trade-investment-and-finance-landscape.pdf">sa nouvelle route de la soie</a>, un projet d’infrastructure de grande envergure qui prévoit la construction de voies ferrées, de pipelines et d’autoroutes dans plus de 60 pays. Ses détracteurs affirment qu’elle va causer de la déforestation, des inondations et <a href="https://theconversation.com/china-is-financing-infrastructure-projects-around-the-world-many-could-harm-nature-and-indigenous-communities-168060">d’autres effets néfastes sur l’environnement</a>, y compris dans des points névralgiques de la biodiversité mondiale comme le <a href="https://www.weforum.org/agenda/2018/09/what-is-the-coral-triangle/">Triangle de Corail</a>en Asie du Sud-Est, qui abrite l’un des plus importants systèmes de récifs au monde.</p>
<p>La Chine s’est engagée à rendre sa nouvelle route de la soie <a href="https://green-bri.org/">plus verte</a> et, en 2021, Xi Jinping <a href="https://www.cnbc.com/2021/09/24/chinas-pledge-to-stop-building-coal-plants-abroad-helps-bri-aiib.html">s’est engagé à mettre fin</a> au financement de nouvelles centrales électriques au charbon à l’étranger, ce qui a entraîné jusqu’ici l’annulation de <a href="https://energyandcleanair.org/publication/china-coal-ban-anniversary/ ?module=inline&pgtype=article">26 centrales.</a> C’est un début, mais la Chine doit faire davantage d’efforts pour remédier aux impacts de ce projet sur la planète.</p>
<p>La Chine, qui abrite <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SP.POP.TOTL ?locations=CN">18 % de la population mondiale</a> et produit <a href="https://www.worldeconomics.com/Share-of-Global-GDP/China.aspx# : %7E :text=China%E2%80%99s %20share %20of %20Global %20GDP %20in %202021 %20was %2018.4 %25 %20once,year %20and %20informal %20economy %20size.">18,4 % du PIB mondial</a>, a un rôle clé à jouer dans la préservation de la nature. J’espère qu’elle exercera un leadership audacieux à Montréal et par la suite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196090/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Hull reçoit un financement de la National Science Foundation.</span></em></p>La Chine possède de riches ressources naturelles et cherche à jouer un rôle de premier plan dans la conservation mondiale. Mais ses objectifs économiques passent souvent avant la protection de la nature.Vanessa Hull, Assistant Professor of Wildlife Ecology and Conservation, University of FloridaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809172022-07-07T12:25:34Z2022-07-07T12:25:34ZProtéger la diversité génétique pour mieux faire face à l’adversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467279/original/file-20220606-14-l9xwus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une érosion sans précédent de la diversité génétique s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Face à la <a href="https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/detecteur-rumeurs/2021/12/14/3-choses-savoir-crise-biodiversite">crise de biodiversité</a> qui s’opère actuellement, il est plus que jamais crucial d’adopter une transformation du rapport de la société à la nature, pour conserver et soutenir des écosystèmes résilients. Cette transformation exige un suivi permanent impliquant des mesures de progrès pertinentes et fiables, pour tous les niveaux de biodiversité. Quels sont ces niveaux ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/utiliser-ladn-pour-suivre-avec-precision-la-trace-des-animaux-dans-leur-milieu-naturel-167934">Utiliser l’ADN pour suivre avec précision la trace des animaux dans leur milieu naturel</a>
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<p>En biologie, on en reconnaît <a href="https://canadianbiodiversity.mcgill.ca/francais/theory/threelevels.htm">généralement trois</a> : la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes. Depuis 1992, la Convention sur la diversité biologique (<a href="https://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf">CBD</a>) des Nations unies – traité international dont le but général est d’encourager des mesures qui conduiront à un avenir durable – s’est engagée à les conserver.</p>
<p>Alors que la CBD s’affaire à <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba6592">protéger les espèces de l’extinction</a> et à <a href="https://www.globalcitizen.org/en/content/30x30-land-and-ocean-by-2030-explainer/">préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques</a>, des objectifs ambitieux et quantitatifs sont encore manquants pour la diversité génétique. Or, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">érosion sans précédent de cette dernière</a> s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes.</p>
<p>Cette perte est sérieuse ; la diversité génétique est nécessaire aux espèces pour s’adapter à l’intensité et au rythme actuel des changements environnementaux, incluant le changement climatique et les maladies émergentes.</p>
<p>Je cumule plus de 10 ans d’expérience de recherches appliquées dans la conservation d’espèces en péril et la gestion d’espèces exploitées. Au cours des dernières années, j’ai élaboré des avis et recommandations éclairés en termes de gestion des populations pour surveiller et protéger la diversité génétique.</p>
<h2>Papillon blanc, papillon noir</h2>
<p>Quand on parle de diversité génétique, à quoi réfère-t-on ? À de la variation entre des invididus d’une espèce qui existe au niveau des gènes – encodés dans l’ADN – et qui est transmissible d’une génération à l’autre. L’ADN est un code unique à chaque être vivant sur la Terre. L’ADN est organisé en gènes, qui contiennent les instructions pour faire fonctionner les organismes, de la même façon que plusieurs lettres sont assemblées pour faire des mots qui eux-mêmes permettent de raconter une histoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que la diversité génétique ?</span></figcaption>
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<p>Ainsi, de petites différences dans l’ADN (mutations) peuvent être responsables de changer la couleur des yeux d’un individu, au même titre qu’une lettre peut changer la signification d’un mot. Les différences au niveau de l’ADN parmi tous les individus d’une espèce constituent la diversité génétique de cette espèce.</p>
<p>De ce fait, chez les espèces à forte diversité génétique, il y a beaucoup de modifications au niveau de l’ADN des individus qui sont responsables des <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/corps-humain-genetique-sont-caracteres-hereditaires-2621/">différences notables</a> au niveau de certains traits importants qui ne sont <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Groupe-sanguin-page-3.html">pas nécessairement visibles</a>. Ces espèces sont davantage susceptibles de faire face aux changements environnementaux. C’est ce qu’on appelle l’adaptation.</p>
<p>Le cas du <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">papillon poivré</a> en est un parfait exemple : la diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir. Avant la révolution industrielle, les papillons avec des ailes claires étaient les plus communs étant donné leur meilleur camouflage sur des écorces de bouleaux que celui des papillons à ailes foncées. La révolution industrielle a engendré une forte pollution de l’air, allant jusqu’à couvrir les troncs d’arbres et les ternir. Le camouflage des papillons à ailes claires est donc devenu plus difficile, et ils sont rapidement devenus des proies faciles pour les oiseaux. De l’autre côté, les papillons à ailes foncées ont pu commencer à se camoufler aisément sur ces troncs d’arbres noirs. Les papillons à ailes foncées sont devenus donc plus susceptibles de vivre assez longtemps pour se reproduire et avoir une progéniture.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="papillons de nuit blancs et noirs sur écorce d’arbre" src="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Qui dit faible diversité dit faible survie</h2>
<p>À l’inverse, chez une espèce présentant une faible diversité génétique, on retrouve une variété limitée d’allèles (différents états d’un gène), et donc une faible différence observée entre les individus de cette espèce. Cela se traduit simplement par de moins bonnes opportunités de s’adapter à un changement environnemental. Dans l’exemple du papillon poivré, on peut imaginer que si les allèles responsables de coder pour des ailes noires n’avaient pas été présents dans l’espèce (en raison d’une diversité génétique amoindrie), ces derniers auraient probablement succombé à la révolution industrielle.</p>
<p>Les petites populations isolées finissent par perdre de leur diversité génétique, car peu d’individus survivent, se reproduisent et transmettent leurs gènes. Dans ces populations, le choix de partenaires sexuels est également amoindri, forçant les individus à se reproduire avec des individus apparentés ; on parle alors de consanguinité. Les individus consanguins sont connus pour être plus affaiblis et présenter des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ajp.20445">taux de mortalité de 30 à 40 % plus élevés</a> que des individus issus de croisement d’individus non apparentés. <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/conl.12412">Si la diversité génétique est trop basse, les espèces sont ainsi menées à l’extinction et peuvent être perdues à jamais</a>.</p>
<p>C’est en ce sens que depuis des décennies, les recherches à la fois <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002511">théoriques</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002286">empiriques</a> s’accordent pour dire que la conservation de la diversité génétique améliore nettement la viabilité des espèces. La diversité génétique constitue ainsi le fondement de la résilience en nature, particulièrement pour la survie aux températures et aux évènements climatiques extrêmes qui sévissent.</p>
<h2>Nous sommes responsables de l’extinction des espèces</h2>
<p>Un triste constat s’ajoute cependant à l’ensemble de ces connaissances : les activités anthropiques sont responsables de la perte de diversité génétique, et ce, à un rythme accablant. La composition génétique d’une espèce est en effet très nettement impactée par la fragmentation d’habitat, qui elle est fortement associée à l’urbanisation ou l’utilisation des terres agricoles. Une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">récente méta analyse</a> révèle notamment une perte de 6 % de diversité génétique dans les populations sauvages d’une centaine d’espèces depuis la révolution industrielle.</p>
<p>L’impact de l’exploitation des populations sauvages est tout aussi consternant : on observe une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/mec.12509">diversité génétique des poissons exploités qui est 12 % plus faible que celles de leurs homologues non exploités</a>. Si aucune action de protection n’est prise, on prévoit un <a href="https://www.zsl.org/sites/default/files/LPR%202020%20Full%20report.pdf">déclin de 68 % dans la taille des populations de vertébrés</a>, ce qui se traduirait par une perte de plus de 50 % de diversité génétique pour de <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">nombreuses espèces</a>.</p>
<h2>Surveiller et protéger la diversité génétique</h2>
<p>Jusqu’à présent, la faible priorité donnée à la protection de la diversité génétique était en partie liée à (i) des lacunes de connaissances dans des domaines clés, notamment l’importance de la diversité génétique, (ii) à la faible disponibilité des données génétiques, ainsi (iii) qu’à l’inaccessibilité des concepts et informations pertinentes par les décideurs. Cependant, de nombreuses avancées pavent désormais la voie à une meilleure intégration de la diversité génétique dans les instruments politiques et les efforts de conservation.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S016953472100313X?token=3310C526CACD2B42411E3E1F257346D42EB11593D37D989B617F0B69A62A6D312DEEE0988A176C7F65DC3903A7E4884D&originRegion=us-east-1&originCreation=20220607004328">l’essor des nouvelles technologies génétiques</a> a permis de faire exploser la diversité des sources d’échantillons pouvant procurer de l’ADN. Ainsi, l’ADN issu de fossiles, de musées, d’herbiers ou de spécimens archivés peut nous servir à documenter des niveaux de diversité génétique de référence dans le temps.</p>
<p>La variation d’ADN peut aussi désormais être caractérisée à partir de cheveux, de fèces et autres sources non invasives, incluant les méthodes d’échantillonnage de l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/edn3.176">ADN environnemental</a>. Tout ceci rend le suivi génétique possible, routinier et abordable, même pour des espèces rares, dangereuses ou insaisissables. Des actions fondées sur des politiques peuvent donc être mises en place pour améliorer le statut de la diversité génétique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma d’une molécule d’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De nouvelles technologies génétiques rendent la récolte d’ADN possible, routinière et abordable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Une lueur d’espoir pour la conservation de la diversité génétique</h2>
<p>Enfin, de nouvelles initiatives relient les décideurs à l’expertise, favorisant l’application des données génétiques. Des réseaux tels que le Groupe sur les observations de la Terre de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (<a href="https://www.iucn.org/fr">UICN</a>)contribuent à la surveillance de la diversité génétique. Ces organisations ont permis de produire des notes d’orientations, des rapports techniques et des tutoriels sur les concepts clés en conservation et les technologies de la génétique. <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">Un article récemment publié dans la revue scientifique Biosciences</a> résume ces développements et invite les nations à élaborer des programmes solides de surveillance de la diversité génétique, ainsi qu’à prendre des engagements formels avant qu’il ne soit trop tard.</p>
<p>La diversité génétique doit être conservée avec la même urgence que la diversité des espèces, pour soutenir la sécurité alimentaire, le bien-être, la culture et l’adaptation.</p>
<p>Chercheurs et professionnels de la conservation doivent travailler avec les décideurs pour un avenir résilient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180917/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Ferchaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La diversité génétique est capitale pour la survie des écosystèmes. Des engagements internationaux sont plus que jamais nécessaires et maintenant réalisables pour optimiser sa protection.Anne-Laure Ferchaud, Postdoctorante en génomique de la conservation, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1802752022-06-22T13:22:16Z2022-06-22T13:22:16ZL’eider à duvet, un canard de mer qui contribue à sa propre conservation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/457699/original/file-20220412-11-bw3jt9.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C7%2C4925%2C3315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Groupe de femelles eider à duvet avec un mâle.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Simon Laroche)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>L’eider à duvet est un canard de mer qui niche en colonies sur des îles le long des côtes du Maine jusqu’au Labrador, ainsi que dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, au Québec.</p>
<p>Le duvet d’eider a une propriété unique de cohésion grâce à des crochets microscopiques sur les barbules, élément de base d’une plume de duvet. L’enchevêtrement de barbes, constituées de barbules, emprisonne des pochettes d’air qui confèrent au duvet son pouvoir isolant. Ces caractéristiques exceptionnelles du duvet d’eider ont été mises à profit depuis des centaines d’années pour confectionner des couettes de lit communément appelées « édredon », du danois <em>eiderdunn</em>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Au Canada, la récolte de duvet d’eider est encadrée par la <a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/m-7.01/">Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs</a>. Les cueilleurs doivent obtenir un permis émis par Environnement et Changement climatique Canada et suivre un protocole rigoureux qui vise à minimiser le dérangement potentiel lors de la visite d’une colonie. Les cueilleurs sont aussi tenus de maintenir un registre des nids observés sur une colonie ce qui permet de faire le suivi des populations d’eiders.</p>
<p>Professeur associé au département des sciences biologiques de l’UQAM, mes intérêts de recherche portent sur l’écologie et l’aménagement des oiseaux migrateurs en particulier les canards, les oies et les bernaches. Comme administrateur de la Société Duvetnor, je coordonne les opérations de récolte de duvet d’eider sur les îles de l’estuaire du Saint-Laurent. Dans cet article, vous découvrirez que l’eider à duvet est une espèce remarquable tant par sa biologie que ses relations avec les humains.</p>
<h2>Du duvet pour garder les œufs au chaud</h2>
<p>Chaque colonie comporte de <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/plan-de-gestion.pdf">quelques dizaines à quelques milliers de nids</a>. Les eiders partagent leurs îles de nidification avec les goélands argentés et les goélands marins, qui sont des prédateurs des œufs d’eiders et des canetons.</p>
<p>Les femelles reviennent année après année sur la même île pour nicher et peuvent réutiliser le même nid. Les changements de colonies sont très rares, d’où l’importance de protéger les îles de nidification. Une femelle commence à nicher vers <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/plan-de-gestion.pdf">3 ans et peut vivre jusqu’à 20 ans</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femelle eider à duvet sur son nid" src="https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457702/original/file-20220412-14-2su4kq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Femelle eider à duvet sur son nid.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Francis St-Pierre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Chaque femelle eider pond entre <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/plan-de-gestion.pdf">quatre et six œufs</a> dans un nid placé au sol qu’elle garnit de duvet afin de garder les œufs au chaud et de les camoufler de la vue des prédateurs. En arrachant les plumes de duvet de leur poitrine, les femelles exposent une plaque incubatrice qui permet un meilleur transfert de chaleur aux œufs pour assurer le développement des embryons.</p>
<h2>Récolter le duvet permet aussi de faire un suivi de la population</h2>
<p>Depuis 2003, je dirige un projet de recherche sur les eiders de l’estuaire qui vise à comprendre la dynamique de leur population. Les membres de mon équipe se joignent aux cueilleurs de duvet pour capturer et baguer les femelles lorsqu’elles quittent leur nid. Les données de baguage permettent d’estimer entre autres les taux de survie et de fidélité des femelles aux colonies. Nos résultats ont montré que les <a href="https://doi.org/10.1002/jwmg.22122">populations d’eiders de l’estuaire sont relativement stables</a>.</p>
<p>Une seule visite par colonie est autorisée par année et la récolte doit être synchronisée avec la fin de l’incubation, qui dure en moyenne <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/duvet-d-eider.pdf">26 jours</a>. Le duvet ne peut être récolté après la nidification, car il devient rapidement détrempé par la rosée et la pluie et donc inutilisable. Les éclosions sont assez synchrones et les femelles quittent leur nid avec leurs jeunes au plus tard <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/duvet-d-eider.pdf">24 heures après l’éclosion du dernier œuf</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Nid d’eider à duvet" src="https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457703/original/file-20220412-55721-gbi0mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nid d’eider à duvet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Francis St-Pierre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans l’estuaire du Saint-Laurent, la récolte de duvet se faisait au début juin il y a 25 ans, alors que l’opération se déroule maintenant à la fin du mois de mai. <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/duvet-d-eider.pdf">Ce devancement de la saison de nidification des eiders est une démonstration des effets des changements climatiques</a>.</p>
<p>L’équipe de cueilleurs doit progresser systématiquement dans une colonie sans repasser sur leurs pas afin de permettre aux femelles de revenir sur leurs nids, ce qu’elles font dans les minutes ou heures après le passage des cueilleurs.</p>
<p>La quantité de duvet récolté dans chaque nid varie en fonction de l’abondance du duvet présent. La règle étant d’en laisser suffisamment pour pouvoir recouvrir les œufs, comme le ferait une femelle lorsqu’elle quitte son nid, ce qu’elle fait une fois par jour pour aller s’abreuver. Contrairement aux autres espèces de canards, les <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/duvet-d-eider.pdf">femelles eiders ne s’alimentent pas durant la période d’incubation</a>. Ce comportement particulier résulte possiblement de la pression de prédation par les goélands sur les nids d’eiders.</p>
<h2>Une ressource luxueuse</h2>
<p>Le duvet récolté sur les colonies doit être nettoyé pour enlever brindilles, plumes et autres débris qui se retrouvent dans les nids. En fait, seulement 15 à 20 % du duvet récolté sur une colonie résulte en du duvet épuré prêt pour la confection de couettes. Il faut environ 170 nids pour produire 1 kg de duvet épuré. La production mondiale annuelle de duvet d’eider se situe entre 4 000 et 5 000 kg, dont environ <a href="https://duvetnor.com/wp-content/uploads/2016/04/duvet-d-eider.pdf">70 % proviennent de l’Islande, 20 % du Canada et le reste du Groenland, Norvège, Finlande et Russie</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="sacs contenant du duvet" src="https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457704/original/file-20220412-56594-h5zp43.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Duvet récolté dans 2 530 nids d’eiders sur l’île Blanche par la Société Duvetnor en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Francis St-Pierre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Considérant qu’une couette requière environ 1 kg de duvet, on réalise que la production annuelle de couettes est très limitée, d’où le prix élevé qui peut varier entre 6 000$ et 10 000$ selon la dimension de la couette. Le prix du gros obtenu pour la vente du duvet varie d’une année à l’autre et peut atteindre 1 500$ par kg.</p>
<h2>Réinvestir les profits pour protéger l’espèce</h2>
<p>Au Québec, la <a href="https://duvetnor.com">Société Duvetnor</a>, un organisme à but non lucratif voué à la conservation des îles du Bas Saint-Laurent, fait la récolte du duvet depuis 40 ans sur une douzaine de colonies de l’estuaire. Les revenus générés par la commercialisation du duvet ont permis à Duvetnor d’acheter des îles fréquentées par les eiders et autres espèces d’oiseaux marins. L’île aux Lièvres, les îles du Pot à l’eau-de-vie et l’archipel des Pèlerins ont ainsi été protégés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bateau qui se dirige vers une île" src="https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457706/original/file-20220412-10836-h5ca31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Excursion au phare de l’île du Pot à l’eau-de-vie à bord du bateau Le Renard. Cette activité écotouristique est offerte par la Société Duvetnor grâce, entre autres, aux revenus issus du duvet d’eider.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Patric Nadeau)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les revenus du duvet permettent aussi à Duvetnor d’offrir un programme d’écotourisme qui propose aux visiteurs de découvrir les îles du Bas Saint-Laurent. Des séjours en auberge, en chalets ou en camping permettent aux vacanciers d’observer, entre autres, des couvées de canards eiders qui s’alimentent de petits invertébrés aquatiques le long des rives des îles.</p>
<p>Ce contact privilégié avec la nature permet aux visiteurs de prendre conscience de l’importance de la conservation de ces milieux naturels protégés en partie par les revenus générés par le duvet.</p>
<p>Les eiders contribuent donc véritablement à leur propre conservation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180275/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-François Giroux est administrateur de la Société Duvetnor, un organisme à but non lucratif voué à la conservation des îles du Bas St-Laurent et à l'éducation du public via un programme d'écotourisme. Au cours de sa carrière de professeur à l'UQAM, il a obtenu des subventions de recherche du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie (CRSNG), le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies (FQRNT), Environnement et changements climatiques Canada, etc. </span></em></p>L’eider à duvet est un canard qui niche en colonie sur les îles de l’estuaire du Saint-Laurent. Le duvet que la femelle prélève pour garnir son nid possède des propriétés isolantes exceptionnelles.Jean-François Giroux, Professeur associé, Département des sciences biologiques; écologie et aménagement des oiseaux migrateurs, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750762022-02-01T19:11:05Z2022-02-01T19:11:05ZPour préserver la biodiversité, ne délaissons pas les aires non protégées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442235/original/file-20220124-15-1u1emu2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=79%2C44%2C5691%2C3753&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Agroforêts de la côte est à Madagascar, dans la zone de production de girofles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Carrière</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Avec le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité représente l’une des plus grandes menaces pour la vie sur Terre… Dans notre série d'été « Protéger la nature, mais comment ? », nous mettons le cap sur les aires protégées, ces zones où l’on tente de préserver les ressources naturelles. Après <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">le panorama mondial de ces espaces</a>, <a href="https://theconversation.com/la-taille-des-aires-protegees-un-critere-determinant-179736">la question de leur taille</a> et <a href="https://theconversation.com/que-se-passe-t-il-quand-on-supprime-une-aire-protegee-le-cas-du-bresil-163301">un exemple concret au Brésil</a>, on s’interroge dans ce dernier épisode sur le devenir des zones non protégées.</em> </p>
<hr>
<p>La crise de la biodiversité, son ampleur, sa continuité, sa résistance aux mesures de protection et de conservation, appellent certes à une grande humilité pour les chercheurs, les décideurs et les praticiens mais surtout à analyser les dispositifs en place pour imaginer des évolutions voire changer de paradigme.</p>
<p>Malgré l’immense diversité des situations socioécologiques et des formes d’interactions entre les humains et leur environnement dans le monde, une large majorité des mesures de conservation se résume à un seul type d’outils, que sont les aires protégées terrestres et marines (AP). Le pourcentage de superficie couverte par ces AP fluctue selon les continents, les régions et les pays.</p>
<p>Aujourd’hui et depuis plusieurs décennies, la priorité en matière de stratégie, de politique, de recherche et de moyens financiers est axée sur cet unique outil. Ses résultats sont pourtant mitigés et ce à plusieurs niveaux (<a href="https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/evaluation-des-contributions-des-interventions-aires-protegees-la-conservation-et-au-developpement">écologiques, économiques et sociaux</a>).</p>
<h2>Les aires protégées, la théorie versus la réalité</h2>
<p>Les situations sont certes complexes : pour conserver, il faut financer les AP durablement (création, suivi, évaluation) ; les financer durablement requiert d’impliquer les divers acteurs locaux et nationaux pour générer des bénéfices ; et conserver durablement suppose que les populations qui prélèvent des ressources dans les AP s’en détournent et trouvent d’autres moyens de subsistance durables (chasse, pêche, agriculture, cueillette), ou d’autres endroits pour les déployer.</p>
<p>Lorsque ces conditions minimales mais difficiles à atteindre ne sont pas réunies, cela ne fonctionne pas. La conservation de la biodiversité n’est pas écologiquement durable, pas économiquement viable et pas socialement juste.</p>
<p>Imaginons maintenant un instant que nous soyons dans le meilleur des mondes : la conservation dans les AP est financée, fonctionnelle et acceptée. Cette réussite concerne les aires protégées sur 30 % de la surface marine et terrestre du globe, objectif ambitieux de l’ONU <a href="https://www.cbd.int/conferences/post2020/wg2020-02/documents">au travers de la Convention sur la diversité biologique</a> et repris par de nombreux gouvernements dont le nôtre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1419628484880633857"}"></div></p>
<p>Que ferions-nous d’une biodiversité elle aussi en déclin, dans les 70 % restants ? Cette situation serait-elle viable d’un point de vue écologique, c’est-à-dire des AP entourées de zones pauvres voire très pauvres en biodiversité ? Comment évolueraient les interactions biotiques entre les aires protégées et le reste, la mise sous cloche n’étant bien entendu que purement métaphorique ?</p>
<p>Comment évolueraient les taux d’extinction dans et hors des aires protégées malgré la conservation d’une fraction des espèces ? Que deviendraient les espèces et les écosystèmes qui n’auraient pas eu la chance de tomber dans les 30 % ? Comment freiner la surexploitation, la pollution des 70 % restants, qui sont, ne l’oublions pas, les seuls lieux de vies restants pour nous humains ?</p>
<h2>Une valeur sociale, culturelle et écologique</h2>
<p>Mettre la seule priorité sur les AP, d’un point de vue politique et financier, alors même que les échecs sont éclatants, n’est sans doute pas une bonne stratégie. Ces 70 % restants représentent une grande diversité d’écosystèmes plus ou moins modifiés par les humains, d’agroécosystèmes où cohabitent parfois de nombreuses espèces sauvages ou cultivées. Ces agroécosystèmes abondent d’espèces, de fonctions écologiques et donc de services rendus aux humains.</p>
<p>Ils comptent une immense variété de paysages bioculturels dont la valeur sociale, culturelle, écologique voire économique repose sur la manière dont les écosystèmes et les espèces ont coévolué et cohabitent avec les humains.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1436230395822018563"}"></div></p>
<p>Ces aires non protégées se répartissent le long d’un gradient d’anthropisation ou d’artificialisation allant des zones urbaines aux paysages sauvages peu modifiés par les activités humaines en passant par les paysages d’agricultures intensives que l’on retrouve sur tous les continents.</p>
<p>Tous les paysages correspondants ne sont pas nécessairement riches en biodiversité mais ils racontent tous une histoire, occupent tous une place plus ou moins importante dans la production des ressources indispensables aux humains pour leur bien-être et leur survie.</p>
<h2>Paysages « bioculturels » et biodiversité</h2>
<p>Dans la zone intertropicale, on observe notamment des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00139157.2013.765307">« melting-pots » de biodiversité</a>, des paysages agrosylvopastoraux façonnés par les agricultures familiales, tels que les agroforêts indonésiennes ou africaines, ou encore les paysages en terrasse rizicoles à Madagascar, qui aident les populations à vivre, à gagner un revenu et à entretenir une cohésion sociale grâce aux éléments ancestraux, culturellement importants qui sont maintenus dans les paysages.</p>
<p>Une immense majorité de ces paysages bioculturels issus des agricultures familiales facilitent en outre le maintien d’une grande diversité d’habitats écologiques et d’espèces fonctionnellement importantes – oiseaux et mammifères disperseurs de graines, insectes et chauves-souris pollinisateurs.</p>
<p>Cette biodiversité dite ordinaire n’en est pas moins fonctionnelle qu’une biodiversité emblématique comme celle que l’on peut retrouver dans une AP. De nombreuses études montrent que la biodiversité peut être remarquablement élevée dans ces paysages dès lors que les agriculteurs s’en sont fait les alliés pour produire leur alimentation et pour en tirer régulièrement des services (c’est le cas du système de culture-jachère).</p>
<p>Les paysages hétérogènes qui sont constitués d’une grande diversité de modes d’occupation du sol à petite échelle (prairies, forêts, mares, ruisseaux, rochers éboulis…), où la présence d’arbres est importante (haies, vergers, arbres isolés, bosquets, ripisylves), comptent une large variété d’habitats écologiques et donc de possibilité de vie et de reproduction pour la biodiversité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1482140773877522434"}"></div></p>
<h2>Une reconnaissance mais peu de moyens</h2>
<p>Or ces espaces non protégés, majoritaires sur la planète, sont aujourd’hui beaucoup moins bien dotés d’un point de vue des actions, des moyens humains et financiers pour conserver la biodiversité alors qu’ils incarnent nos espaces de production et de vie futurs.</p>
<p>Ils sont aussi porteurs de valeurs diverses (historiques, esthétiques, culturelles, patrimoniales) et c’est bien grâce aux pratiques humaines combinées aux processus écologiques qu’une partie de ces agricultures familiales, contribuent à la durabilité sociale, écologique et économique des paysages.</p>
<p>La reconnaissance de ces paysages bioculturels existe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Aire_prot%C3%A9g%C3%A9e_par_cat%C3%A9gorie_UICN">à travers la catégorie V et VI de l’Union internationale pour la conservation de la nature pour les AP</a> mais elle reste très largement minoritaires dans la zone intertropicale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1115087222926127109"}"></div></p>
<p>La FAO a aussi permis la reconnaissance internationale des sites ingénieux du patrimoine agricole qui représentent non seulement des paysages naturels esthétiques, mais également des pratiques agricoles qui génèrent des moyens de subsistance dans les zones rurales tout en combinant de manière unique la biodiversité, des <a href="https://www.fao.org/giahs/background/fr/">écosystèmes résilients, traditions et innovations</a>.</p>
<h2>Un rôle à jouer dans les ODD</h2>
<p>Dans la course à la sécurisation des approvisionnements alimentaires et à la sauvegarde de la biodiversité, les aires non protégées et notamment celles occupées par les petits agriculteurs sous les tropiques ont tendance à être considérées comme ni très productives, ni bonnes pour la nature.</p>
<p>Pourtant, ces paysages en constante évolution peuvent contribuer à l’adaptation aux changements sociaux et environnementaux, à une diversification des moyens de subsistance et des habitats écologiques, à la déforestation évitée, à la conservation de la biodiversité et enfin à la durabilité.</p>
<p>Davantage de financements devraient être consacrés à la compréhension, à la protection, la valorisation et à l’amélioration des paysages agricoles issus des agricultures familiales si l’on ne veut pas que les ODD incarnent une fois de plus un rendez-vous politique manqué.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Carrière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les aires protégées ne doivent pas faire oublier le rôle des 70 % restants de la surface terrestre dans la protection de la biodiversité.Stéphanie Carrière, Directrice de recherche en écologie et ethnoécologie, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1674952021-09-09T19:07:12Z2021-09-09T19:07:12ZProtection de la biodiversité : retour sur l’évolution des « aires protégées » dans le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419840/original/file-20210907-21-vr5igg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le parc national du Virunga, en République démocratique du Congo. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/148768555@N05/32052566106">GRID-Arendal/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Avec le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité représente l’une des plus grandes menaces pour la vie sur Terre… Dans notre série d'été « Protéger la nature, mais comment ? », nous mettons le cap sur les aires protégées, ces zones où l’on tente de préserver les ressources naturelles. Ce premier épisode en dresse le panorama mondial.</em> </p>
<hr>
<p>D’ici à 2030, la communauté internationale s’est fixé pour objectif de protéger et de conserver au moins 30 % de la planète, en mettant un accent particulier sur les régions importantes pour la biodiversité.</p>
<p>Cet objectif sera discuté et approuvé lors de la prochaine conférence mondiale de la Convention sur la diversité biologique, la COP-15 qui <a href="https://news.cop15-china.com.cn/api-content/cms/homeen">aura lieu en Chine en 2022</a>. Ce sujet est également très présent dans les débats qui ont lieu en ce début septembre 2021 au <a href="https://www.iucncongress2020.org/fr">congrès mondial de la nature</a>, à Marseille.</p>
<h2>Des aires protégées pour la biodiversité</h2>
<p>Si la décennie 2010-2020 des Nations unies pour la biodiversité a marqué quelques avancées, celles-ci restent encore <a href="https://livereport.protectedplanet.net/">très en deçà des ambitions premières</a>.</p>
<p>L’augmentation <a href="https://library.wmo.int/doc_num.php?explnum_id=10444">d’événements climatiques extrêmes</a>, la <a href="https://ipbes.net/sites/default/files/2020-02/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers_fr.pdf">perte régulière de biodiversité</a>, l’épidémie mondiale de Covid-19 seront-elles suffisantes pour que la communauté internationale prenne enfin les mesures qui s’imposent, en mettant la protection de la vie au cœur de toute décision ?</p>
<p>Dans ce contexte, les aires protégées constituent l’un des outils privilégiés de protection de la biodiversité et des services que celle-ci rend aux sociétés humaines. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui fait office de référence internationale, en propose la définition suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Une aire protégée est un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié, géré, par des moyens légaux et d’autres moyens efficaces, pour parvenir à la conservation à long terme de la nature avec les services écosystémiques et les valeurs culturelles associés. »</p>
</blockquote>
<h2>Depuis des millénaires, soustraire des zones à une exploitation excessive</h2>
<p>Les êtres humains ont toujours cherché à protéger des territoires particuliers, sous différentes formes, de manière temporaire ou permanente. Les premières lois de protection de forêts connues auraient été édictées en Mésopotamie, près de 2700 ans av. J.-C., mais d’autres exemples existent en Égypte ou en Inde, par exemple.</p>
<p>Il s’agissait souvent de protéger la forêt ou la faune d’une exploitation trop forte. Laisser aux arbres ou aux animaux le temps de se régénérer ou de se reproduire, leur permettent de protéger à leur tour les êtres humains à qui ils fournissent de nombreux biens et services (bois pour le feu ou la construction, viande pour se nourrir, végétaux pour se soigner…). Dans d’autres cas, il s’agit de restreindre l’accès à des sites particuliers, sacrés ou nécessaires à l’accomplissement de rites spécifiques, révélant ainsi les liens étroits et anciens entre nature et culture.</p>
<p>Les aires protégées, au sens actuel du terme, sont quant à elles apparues dans la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle. Parmi ces premières aires protégées figurent la « réserve artistique » de la forêt de Fontainebleau, créée en France en 1861, le parc régional du Yosemite, en 1864, et le parc national du Yellowstone, en 1872, tous deux aux États-Unis.</p>
<p>Aujourd’hui, des aires protégées existent dans presque tous les pays du monde.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=467&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419846/original/file-20210907-23-82nro0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=587&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Les vieux chênes du Bas-Bréau</em> (1864) par le peintre Théodore Rousseau. Dès 1853, certaines zones de la forêt de Fontainebleau (Bas Bréau, Cuvier Châtillon, Franchard, Apremont, la Solle, mont Chauvet) sont soustraites à l’action des forestiers à la demande des artistes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/For%C3%AAt_de_Fontainebleau#/media/Fichier:Th%C3%A9odore_Rousseau_-_The_Great_Oaks_of_Old_Bas-Br%C3%A9au_-_72.87_-_Museum_of_Fine_Arts.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le tournant du XXᵉ siècle</h2>
<p>C’est au cours de la seconde partie du XX<sup>e</sup> siècle que le nombre et les superficies des aires protégées ont augmenté de manière significative, afin de répondre aux pressions croissantes sur les ressources naturelles, les écosystèmes et les paysages.</p>
<p>Aujourd’hui, il existe plus de <a href="https://www.protectedplanet.net/en">265 000 aires protégées</a> établies ou proposées de par le monde, couvrant 15,7 % des terres et 7,7 % des mers. Chacun d’entre nous en a une près de chez soi ou en a certainement visité une, en France ou ailleurs dans le monde.</p>
<p>La carte ci-dessous présente la répartition des aires protégées au niveau mondial. Cette répartition évolue constamment à mesure que les pays créent de nouvelles aires protégées. Actuellement plus de 22,5 millions de km<sup>2</sup> sur terre et 28,1 millions de km<sup>2</sup> en milieux marins et côtiers sont aujourd’hui protégés. Des informations détaillées sur chaque aire protégée sont <a href="https://www.protectedplanet.net/en">disponibles sur le site <em>Protected Planet</em></a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte montrant les emplacements des aires protégées dans le monde" src="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte proposée par le site Protected Planet qui constitue la source de données la plus récente et la plus complète sur les zones protégées dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.protectedplanet.net/en">Protected Planet</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les caractéristiques des aires protégées varient d’une région à l’autre et entre les pays au sein d’une même région. En Europe, elles sont relativement petites en taille, mais très nombreuses ; elles bénéficient aussi souvent de plusieurs types de protection légale.</p>
<p>En France, par exemple, le parc naturel régional de la Camargue est aussi un site Ramsar (zone humide d’intérêt international), une réserve de la biosphère (intégrée dans le programme l’homme et la biosphère de l’Unesco) et un site communautaire d’importance (relevant des directives habitats et oiseaux de l’Union européenne).</p>
<p>Ailleurs, comme sur le continent africain, les aires protégées sont moins nombreuses, mais plus vastes.</p>
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<figcaption><span class="caption">Parc naturel régional de Camargue, immersion dans les marais du Vigueirat (Provence–Alpes–Cote d’Azur, 2015).</span></figcaption>
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<p>Si l’objectif principal de protection de la biodiversité y subordonne toute autre activité, d’autres objectifs de gestion peuvent y être associés, y compris l’utilisation durable de certaines ressources naturelles. Comme cela est trop souvent répété de manière erronée, les aires protégées ne constituent pas des mesures de « mise sous cloche » : elles peuvent être gérées pour une utilisation durable des ressources naturelles et elles sont connectées avec les territoires environnants.</p>
<h2>Différentes catégories d’aires protégées</h2>
<p>Si tous les parcs nationaux sont des aires protégées, toutes les aires protégées ne sont pas des parcs nationaux.</p>
<p>L’UICN distingue ainsi six catégories d’aires protégées en fonctions de leurs objectifs de gestion (par ordre décroissant de mesures de protection) : les réserves naturelles intégrales, les parcs nationaux, les monuments naturels, les zones de gestion d’habitats particuliers ou d’espèces, les paysages protégés, les aires protégées pour une utilisation durable des ressources naturelles.</p>
<p>Les parcs nationaux, territoires emblématiques et lieux d’activités touristiques importantes, constituent la catégorie d’aire protégée la plus connue du grand public. On peut citer ici le <a href="https://virunga.org/fr/">parc national des Virunga</a>, en République démocratique du Congo, qui renferme une très riche biodiversité et l’un des sites incontournables du tourisme de vision des gorilles de montagne.</p>
<p>Créés pour la protection d’une biodiversité riche et originale (souvent en danger de disparition), pour le développement touristique et la recherche scientifique, ces zones bannissent toute exploitation des ressources.</p>
<p>La catégorie V de l’UICN (les paysages protégés) inclut pour sa part les <a href="https://www.parcs-naturels-regionaux.fr">parcs naturels régionaux français</a>, à l’image du <a href="https://www.parc-grands-causses.fr">parc naturel régional des grands causses</a>, protégeant à la fois un patrimoine naturel et culturel riche et varié, tout en favorisant un projet de développement durable d’un territoire rural anciennement habité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Série sur les curiosités du parc naturel régional des Grands Causses (Parc Grands Causses, 2019).</span></figcaption>
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<p>Le tourisme représente un élément important de création de ces zones tout comme la préservation d’espèces, d’écosystèmes et de fonctions écologiques ainsi que de paysages façonnés par les activités humaines, dont on souhaite perpétuer les équilibres.</p>
<p>La catégorie VI (les aires protégées pour une utilisation durable des ressources naturelles), la plus récente, est apparue dans les années 1990. Ces territoires sont explicitement créés en vue de gérer la biodiversité afin qu’elle assure un flux durable de biens et de services aux communautés humaines, à travers une utilisation non industrielle des ressources naturelles.</p>
<p>C’est le cas des réserves extractivistes (d’où l’on peut extraire des ressources naturelles de manière durable). Elles sont particulièrement étendues au Brésil, dont la plus grande d’entre elles, la <a href="https://uc.socioambiental.org/en/arp/4247">réserve <em>Verde para sempre</em></a>, située dans l’État du Pará (nord du pays) et créée en 2004.</p>
<h2>Une variété d’aires protégées à mobiliser plus largement</h2>
<p>Les réseaux d’aires protégées, ayant augmenté de manière importante depuis la conférence de Rio de 1992, répondent mieux aux besoins de protection de la biodiversité et de maintien des fonctions écologiques des écosystèmes (protection des sols, régulation des précipitations nécessaires à l’agriculture, etc.).</p>
<p>Leur variété autorise l’ajustement à de nombreuses situations locales spécifiques, mais cette richesse de solutions est encore trop rarement mise en œuvre par les pays. Un cadre de gestion mal adapté peut entraîner des effets négatifs, contrariant les intentions affichées de protection.</p>
<p>C’est le cas, par exemple, du parc national du Simien, en Éthiopie : la logique de création de cette aire protégée, d’exclusion des communautés rurales vivant auparavant dans cet espace, entraîne des conflits entre ces populations et les administrations, conflits récurrents depuis plusieurs dizaines d’années.</p>
<p>Sortir de cette logique d’exclusion, en changeant le statut de conservation de l’aire protégée, pourrait toutefois permettre de trouver un équilibre entre les usages humains et la protection des espèces ayant suscité la création du parc.</p>
<p>Les aires protégées favorisent aussi l’adaptation aux changements climatiques et le développement durable des sociétés rurales qui vivent en périphéries, souvent très pauvres. La faune et la flore offrent ainsi des opportunités d’écotourisme et d’exploitation durable des certaines ressources.</p>
<p>Loin des images figées encore trop souvent véhiculées, les aires protégées constituent des outils de gestion à mettre au cœur de toute décision d’aménagement du territoire et d’exploitation des ressources naturelles.</p>
<hr>
<p><a href="https://biopama.org/fr/about-us/"><em>Marine Deguignet (UICN, programme Biopama)</em></a> a participé à la rédaction de cet article. Financé par l’Union européenne, le programme Biopama a publié deux ouvrages sur les <a href="https://www.observatoire-comifac.net/publications/edap">aires protégées d’Afrique centrale</a> et <a href="https://portals.iucn.org/library/node/49539">celles d’Afrique orientale et australe</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Doumenge est membre de la Commission mondiale des aires protégées de l’UICN.</span></em></p>Au XXᵉ siècle, le nombre des aires protégées ont augmenté de manière significative, pour répondre aux pressions croissantes sur les ressources naturelles, les écosystèmes et les paysages.Charles Doumenge, Chercheur en écologie et gestion des forêts tropicales, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633012021-07-25T16:27:07Z2021-07-25T16:27:07ZQue se passe-t-il quand on supprime une aire protégée ? Le cas du Brésil<p><em>Avec le réchauffement climatique, le recul de la biodiversité représente l’une des plus grandes menaces pour la vie sur Terre… Dans notre série d'été « Protéger la nature, mais comment ? », nous mettons le cap sur les aires protégées, ces zones où l’on tente de préserver les ressources naturelles. Après <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">le panorama mondial de ces espaces</a><a href="https://theconversation.com/la-taille-des-aires-protegees-un-critere-determinant-179736">la question de leur taille</a>, on se penche dans ce 3e épisode sur un exemple concret de gestion des aires protégées.</em> </p>
<hr>
<p>L’aire protégée fait partie des instruments de politique environnementale fréquemment utilisés. Fin 2019, <a href="https://ipbes.net/global-assessment">15 % des écosystèmes terrestres</a> faisaient l’objet d’une telle mesure de conservation. Un chiffre qui demeure en dessous de la <a href="https://uicn.fr/decouvrez-les-espaces-naturels-proteges-en-france/">cible de 17 % établie par l’UICN pour 2020</a>.</p>
<p>L’aire protégée est définie par l’Union internationale pour la conservation de la nature comme « espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés ». Les premières d’entre elles furent créées à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle aux États-Unis, avant que leur usage ne se généralise à la fin du XX<sup>e</sup> siècle et notamment en 1992 après la Convention sur la diversité biologique lors du Sommet de Rio.</p>
<h2>Des moyens alloués parfois insuffisants</h2>
<p><a href="https://www.liberation.fr/debats/2021/01/14/one-planet-summit-les-espaces-proteges-des-elements-de-communication-pour-les-gouvernements_1817262/">La pertinence des aires protégées</a> est souvent questionnée car elles sont fréquemment situées là où les écosystèmes sont peu menacés.</p>
<p>Dès lors, un certain nombre de travaux scientifiques ont démontré qu’elles sont peu efficaces, puisqu’elles protègent des écosystèmes que la géographie protège (pour l’instant) déjà naturellement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Biodiversité : toujours plus d’aires protégées, mais… (Euronews/Youtube, le 23 mai 2021).</span></figcaption>
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<p>Il ne s’agit en outre pas de décréter qu’un territoire est protégé pour que celui-ci le soit effectivement. Afin d’éviter braconnage ou appropriation frauduleuse des terres, des moyens suffisants doivent être alloués à cette protection.</p>
<p>Au Brésil, même si peu de financements ont été dédiés à leur gestion, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0095069616303163?via%3Dihub">aires protégées fédérales</a>, qui disposent de dotations supérieures ont des taux de déforestation inférieurs à celles confiées aux États.</p>
<h2>Entraves au développement des populations</h2>
<p>Enfin, l’adhésion des populations est cruciale. Lorsqu’elles sont situées sur des terres profitables, les AP peuvent empêcher la création d’infrastructures nécessaires au développement économique local.</p>
<p>Priver une partie de la population des ressources d’un écosystème auquel elle a toujours eu accès peut être interprété comme une forme de <a href="https://theconversation.com/debat-colonialisme-vert-une-verite-qui-derange-146966">colonialisme vert</a> et fortement remettre en cause l’efficacité de ce type d’instrument.</p>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X1300017X?via%3Dihub">étude</a> sur l’État de l’Acre au Brésil a ainsi démontré que les aires protégées étaient plus pertinentes dans les zones de forte pression économique lorsqu’elles permettent une certaine utilisation des ressources.</p>
<h2>Des aires pas toujours pérennes</h2>
<p>Au total, la pérennité de ces mesures de protection est parfois questionnée. Au Brésil, il arrive que le gouvernement fédéral et les États soient conduits à supprimer, réduire ou déclassifier un certain nombre d’aires protégées.</p>
<p><a href="https://www.conservation.org/">L’ONG Conservation internationale</a> recense de manière exhaustive, à l’échelle mondiale, ces événements. Dans la <a href="http://doctorat.univ-lorraine.fr/fr/soutenances/keles-derya">thèse de Derya Keles</a>, ces données ont permis d’analyser leurs causes et leurs conséquences, en termes de déforestation et de développement local.</p>
<p>L’Amazonie brésilienne est un cas d’étude intéressant pour explorer les politiques d’aires protégées et les impacts de leur suppression. Elle concentre en effet une ressource forestière abondante et riche en biodiversité et constitue un lieu d’intense développement agricole. Or la déforestation, surtout liée aux activités agricoles, atteignait en moyenne 12000 km<sup>2</sup>/an, avec d’importantes différences selon les périodes.</p>
<p>Bien que l’Amazonie Brésilienne concentre plus de ¾ des aires protégées du Brésil, les évenèments PADDD ont commencé à s’intensifier dans les années 2000, avec la réorganisation du réseau d’aire protégées. Ils se sont ensuite largement accélérés dans les années 2010, sous l’effet du <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S000632071300400X">développement des infrastructures, de l’extraction de ressources et de revendications territoriales</a>. En 2014, environ 242 000 km<sup>2</sup> d’AP avaient subie une forme de dégradation et environ 828 000 km<sup>2</sup> supplémentaires d’AP étaient en danger.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409297/original/file-20210701-23-1i8gfkm.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Aires protégées et déforestation en Amazonie brésilienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur, à partir de IUCN et UNEP-WCMC (2016) et Hansen et al. (2013)</span></span>
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</figure>
<p>À l’intersection d’une nécessaire conservation des écosystèmes forestiers et d’une forte pression pour le développement économique, la question du maintien ou de la suppression des AP est cruciale.</p>
<p>Même si le Brésil fait face à de nombreux défis en matière d’éradication de la pauvreté, augmenter les surfaces protégées dans l’Amazonie brésilienne fait partie de sa stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre auquel le gouvernement s’est engagé à Paris en 2015.</p>
<h2>Arbitrages entre développement et conservation</h2>
<p>Les pouvoirs publics peuvent décider de retirer une aire protégée, pour diverses raisons. Quels sont ces facteurs qui peuvent mener à une telle suppression ?</p>
<p>Ce peut être par exemple le cas si cette aire est située dans une zone de forêts peu menacées où la déforestation est faible. On s’attend donc à ce que celle-ci n’augmente que peu, sinon pas, après la suppression.</p>
<p>Cela peut aussi survenir si elle est localisée sur une zone de forte pression économique et que la déforestation dans la région reste élevée.</p>
<p>Des aires protégées peuvent également être supprimées s’il est jugé qu’elles portent entraves au potentiel de développement économique de la région considérée.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800919305282?via%3Dihub">étude</a>, nous confirmons l’importance des pressions liées au développement économique. La présence d’axes de communication facilitant les transports près des aires protégées offre des opportunités économiques supplémentaires, ce qui augmente la contrainte qu’elles représentent.</p>
<p>Les objectifs de conservation ont aussi un certain poids dans le processus de décision : les réductions de taille d’AP sont moins contestées lorsque celles-ci deviennent inefficaces (déjà déforestées) et plus coûteuses (plus grandes et plus strictes).</p>
<h2>Pas forcément plus de déforestation</h2>
<p>Une question se pose alors naturellement : la suppression d’une aire protégée provoque-t-elle une progression de la déforestation dans la zone concernée ?</p>
<p>Lorsque les pressions économiques sont faibles – dans les États isolés de l’Amazonie et du Roraima par exemple –, cela n’a pas d’influence sur la déforestation. Dans ces aires protégées, cette dernière était faible car les terres concernées n’étaient pas profitables.</p>
<p>Lorsque les pressions économiques sont plus fortes, près des routes dans l’État du Pará, les réductions d’aires protégées n’ont pas non plus influencé la déforestation ; notamment car celle-ci était élevée dans l’ensemble de ces zones.</p>
<p>Dans l’État du Rondônia, néanmoins, où les aires protégées réduites étaient déjà défrichées, la déforestation semble s’être accélérée.</p>
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<figcaption>
<span class="caption">Cas n°1 : les réductions d’AP n’ont pas d’influence sur la déforestation car les terres sont peu profitables.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Keles (2021)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Cas n°2 : les réductions d’AP n’ont pas d’influence sur la déforestation car les AP étaient inefficaces pour protéger les forêts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Keles (2021)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409301/original/file-20210701-5515-1ih51pz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cas n°3 : les AP réduites étaient déjà défrichées, mais la déforestation a continué à s’accélérer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Keles (2021)</span></span>
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<h2>Des impacts économiques contrastés</h2>
<p>Il reste à comprendre quelles populations bénéficient des réductions d’aires protégées. De nombreuses raisons économiques sous-tendent les suppressions, réductions ou parfois même déclassements d’aires protégées, allant du développement d’activités extractives à grande échelle à l’autorisation d’un tourisme de plus faible intensité.</p>
<p>Ces aires peuvent aussi contribuer au développement économique local lorsqu’elles favorisent un accès aux ressources forestières aux populations qui en dépendent, qu’elles entraînent la création d’infrastructures ou encore d’activités touristiques. Au total, supprimer une aire protégée contribue-t-il effectivement à réduire les inégalités ?</p>
<p>Dans certains cas, la protection a tout simplement été réduite du fait de réductions et de suppressions d’aires protégées. Ici, la classe moyenne supérieure, d’un revenu équivalent à 2 à 3 salaires minimums, s’est agrandie près des routes. Ce résultat peut provenir d’un enrichissement de foyers plus pauvres ou d’une immigration des ménages de la classe moyenne supérieure.</p>
<p>Dans ce cas, réduire la protection aura permis un meilleur accès à des opportunités économiques liées au développement de barrages et d’autoroutes par exemple.</p>
<p>Dans d’autres cas, le type de protection a simplement été modifié, ou a augmenté du fait de la mise en place de nouvelles aires. Ici, les inégalités ont diminué loin des routes. La classe moyenne inférieure d’un demi à un salaire minimum s’est agrandie, alors que celle des ménages sans revenus a rétréci.</p>
<p>Cela peut provenir de l’enrichissement des ménages les plus pauvres si les aires protégées ont permis le développement d’activités touristiques, un accès aux ressources forestières ou à une immigration plus facile des ménages de la classe moyenne inférieure… Toutefois, il est également possible que les ménages sans revenu aient pu émigrer vers des zones plus stables, si les nouvelles activités économiques liées au changement de protection ont entravé leur accès au bois.</p>
<h2>Diversité des situations, diversité des impacts</h2>
<p>Les suppressions d’AP surviennent car les opportunités de développement sont élevées ; ou car les aires protégées s’avéraient inefficaces. Dans chaque situation, des arbitrages conservation-développement sont à l’œuvre.</p>
<p>Dans le premier cas, les suppressions peuvent accélérer la déforestation, mais elles peuvent offrir des opportunités de développement aux populations locales. Dans le second, elles n’accélèrent pas forcément la déforestation, mais n’ont que peu d’impact en matière de développement.</p>
<p>En Amazonie brésilienne, les taux de déforestation ne diminuent plus depuis 2014, et augmentent depuis 2018 et l’élection de Jair Bolsonaro, ce qui reflète des <a href="https://science.sciencemag.org/content/353/6301/746.summary">changements de politiques</a> défavorables à la protection des écosystèmes.</p>
<p>Au total, comme pour bon nombre de travaux d’évaluation des politiques publiques, les analyses d’impact des politiques de conservation se doivent de prendre en compte des situations géographiques, socio-économiques et temporelles hétérogènes qui permettent de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents et d’expliquer la disparité des résultats de ces politiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Au Brésil, la suppression de certaines aires protégées révèle les limites de ce type de protection.Philippe Delacote, Directeur de recherche en économie, InraeDerya Keles, Docteur en économie de l'environnement, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1580452021-05-10T17:17:58Z2021-05-10T17:17:58ZLa « nature », une idée qui évolue au fil des civilisations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395688/original/file-20210419-13-9ywztx.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=225%2C5%2C1463%2C889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Contrairement aux idées reçues, la plupart des conceptions de la nature incluent l’humain.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/art_inthecity/50576377052/in/photolist-2k4g9QU-2dp3vZi-RzsM2y-BzswWW-EtB1w-REWsMh-2k4ga8C-2dioiyy-2k4bFTB-QTpmYf-nx7tTQ-2k4bGaJ-2b2Zcep-P7HrvH-2csdHuU-2dZAyFU-2aqohTQ-5eg1VG-QdvX8t-x1kRzB-24bRs5z-cd7HQC-5644Mx-e3V4KK-5E2eMU-5E2heC-5DX2Vp-HozQmt-HfcLju-GYkWKY-HkDDnq-HkF3QA-GYmEPC-HkF9RJ-Hhxrda-GtbrHp-HhxHGc-HfciA9-HoC2cH-GYkz9m-HkEGRN-HfdkVY-GYnDn7-QMQAmo-2cvdBQt-5KxsKw-5e7uBT-e4zaAJ-2cPQNh1-oE99K3">art_inthecity/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>On a souvent tendance à opposer la diversité des cultures, fruit de l’intarissable imagination créatrice de l’humanité, à « la » nature, qui serait une réalité univoque et objective.</p>
<p>Toutefois, l’idée même de nature varie dans le temps et l’espace, et ces variations conditionnent notre rapport au monde.</p>
<p>Disons d’abord que les <a href="https://doi.org/10.1111/cobi.13639">différentes cultures n’envisagent pas la nature de la même manière</a> : si l’on traduit le mot européen d’origine latine « nature » dans d’autres langues du monde, ses soi-disants équivalents – <em>zì rán</em> en chinois, <em>tabî’a</em> en arabe, <em>prakṛti</em> en hindi… – sont tous porteurs d’un bagage étymologique, sémantique, culturel et philosophique qui en fait des concepts bien distincts.</p>
<p>Ainsi, la traduction donne l’illusion d’une correspondance là où il n’y a en fait qu’une analogie plus ou moins vague.</p>
<p>Au sein d’une même culture, les concepts évoluent au cours du temps et des écoles de pensée ; ce que l’on nomme aujourd’hui « nature » en se prévalant d’Aristote, Descartes ou Darwin, n’a plus vraiment de rapport avec ce que ces auteurs <a href="https://doi.org/10.1057/s41599-020-0390-y">entendaient par ce mot</a>.</p>
<p>Il y a donc bien des manières d’appréhender la nature. Quelles sont les implications politiques de cette pluralité ?</p>
<h2>Les humains d’un côté, la nature de l’autre</h2>
<p>Dans cette diversité, une représentation particulière de la nature est aujourd’hui souvent critiquée – et parfois caricaturée – par toute une génération de penseurs, dans le sillage de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Par-dela-nature-et-culture">Philippe Descola</a> et de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/politiques_de_la_nature-9782707142191;https://www.editionsladecouverte.fr/face_a_gaia-9782359251272">Bruno Latour</a>, en passant par la <em>deep ecology</em> d’<a href="https://wildproject.org/livres/vers-lecologie-profonde">Arne Naess</a>.</p>
<p>Il s’agit de la nature vue comme opposée à l’humain (et donc à l’esprit, au politique, à l’histoire), une nature matérielle, passive et radicalement extérieure à nous.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8Gx8Lr_g2c8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment les civilisations distinguent-elles humains et non humains ? Rencontre avec Philippe Descola (Collège de France/Youtube, 2014).</span></figcaption>
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<p>Cette nature est appelée « naturaliste » ou « moderne » par ces auteurs, car elle semble typiquement occidentale : on l’envisage comme un simple réservoir de matières premières, que l’on vient exploiter ou contempler, mais toujours dans l’idée que les humains et leurs sociétés n’en font pas partie, se développant de leur côté, dans des espaces urbains ou agricoles qui relèveraient exclusivement de la « culture ».</p>
<p>Mais cette vision est-elle aussi hégémonique qu’on le croit ?</p>
<h2>Un processus créatif qui nous embrasse</h2>
<p>En fait, l’écrasante majorité des définitions de la nature, qu’on les cherche dans l’histoire occidentale ou dans les autres cultures, tend plutôt à inclure les humains dans la nature, et à voir dans celle-ci un processus créatif qui nous embrasse plutôt qu’un ensemble matériel inerte.</p>
<p>C’était d’ailleurs le cas <a href="https://pufc.univ-fcomte.fr/anciens-et-modernes-par-dela-nature-et-societe.html">dans la Grèce antique</a>, où la <em>phusis</em> est un principe créateur de développement, dont l’humanité fait partie intégrante.</p>
<p>On retrouve une idée similaire dans l’étymologie de ses équivalents au sein de nombreuses langues, comme l’hindi <em>prakṛti</em> (qui signifie « prolifération »), le slave <em>priroda</em> (« génération »), le hongrois <em>természet</em> (« poussée végétale »), ou encore le finnois <em>luonto</em> (« puissance occulte »).</p>
<p>Finalement, seul le terme sémitique <em>tabî’a</em> (« marque imprimée ») exprime explicitement une vision fixiste et passive de la nature, qui semble très liée au monothéisme. Une vision très minoritaire, donc, mais qui a connu à travers les religions abrahamiques une extraordinaire expansion.</p>
<h2>Conserver le « patrimoine » naturel</h2>
<p>Cette définition de la nature comme ensemble extérieur et fixe a été historiquement mobilisée <a href="https://www.quae.com/produit/1559/9782759229864/de-la-protection-de-la-nature-au-pilotage-de-la-biodiversite;https://doi.org/10.1111/cobi.12876">dans le cadre de la protection de la nature</a>, calquée au XIX<sup>e</sup> siècle sur la protection du patrimoine ; on parlait alors souvent de la protection des « monuments naturels », ancêtre du concept de « patrimoine naturel ».</p>
<p>Dans cette optique, la protection de la nature devait adopter les techniques et buts de la conservation du patrimoine historique : entretenir un objet dans un état déterminé pour empêcher sa dégradation (toute évolution étant perçue comme telle), qu’il s’agisse d’une cathédrale ou d’une montagne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1054&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1054&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399199/original/file-20210506-23-9nu0ya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1054&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">John Muir en 1907.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/John_Muir#/media/File:John_Muir_Cane.JPG">Francis M. Fritz/Wikimedia</a></span>
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<p>On trouve cette vision chez les premiers conservationnistes américains de la génération de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Muir">John Muir</a> (1838-1914), et jusqu’à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aldo_Leopold">Aldo Leopold</a> (1887-1948) ; l’objectif est de limiter les excès de la société industrielle, en la contraignant à laisser quelques espaces dans leur aspect initial tandis que l’exploitation se déchaîne ailleurs.</p>
<p>La rapidité avec laquelle les grands espaces de l’Amérique des pionniers disparaissaient alors sous la dent des promoteurs a motivé ces militants à conserver çà et là, en marge de l’exploitation galopante, des « ruines » de ce temps révolu de l’Amérique sauvage, vestiges d’une période mythique bientôt glorifiée dans la littérature – par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/James_Fenimore_Cooper">James Fenimore Cooper</a> notamment – puis plus tard le cinéma. La logique est ouvertement la même qu’avec les vestiges antiques de la vieille Europe.</p>
<p>Mais c’est aussi une vision qui n’a pratiquement de sens qu’en Amérique, où la colonisation a entraîné une conquête brutale, accompagnée par une idéologie créationniste qui suggère que les paysages sauvages ainsi consommés étaient demeurés intacts depuis l’origine du monde.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-quatre-ecologies-de-lanthropocene-152490">Les quatre écologies de l’anthropocène</a>
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<h2>Préservationnisme vs conservationnisme</h2>
<p>Cette conception d’une nature « mise sous cloche » a largement triomphé pendant une large partie du XX<sup>e</sup> siècle : on appelle ce courant le « préservationnisme », qui cherche à maintenir des zones préservées de toute activité humaine, dans un état qu’on voudrait croire « vierge ».</p>
<p>Il s’est opposé au « conservationnisme », compris comme usage rationnel et durable des ressources biologiques, en particulier le bois qui demeure jusqu’à la Seconde Guerre mondiale une ressource stratégique. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gifford_Pinchot">Gifford Pinchot</a>, créateur du US Forestry Service, en fut aux États-Unis le symbole.</p>
<p>Ce sont donc déjà deux conceptions de la nature, et de sa protection, qui s’affrontent : l’une qui pense la nature pour l’être humain, et une autre qui pense humanité et nature comme deux mondes séparés.</p>
<p>En Europe, l’analyse que <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Heidegger">Martin Heidegger</a> propose d’un barrage sur le Rhin, dans <em>la Question de la technique</em> (1954), confronte également deux conceptions de la nature qui épousent en partie cette dichotomie.</p>
<p>La nature – ici, le fleuve – est conçue d’une part comme un processus sauvage doté d’une agence propre, et d’autre part, sous l’angle du barrage, comme un « stock » permettant d’extraire de l’énergie.</p>
<h2>Des labos à l’agriculture industrielle</h2>
<p>La « nature » comme stock de ressources susceptible d’être réarrangé et réorganisé pour son exploitation se trouve justifiée sur le plan philosophique par Descartes, pour qui la nature existait <em>partes extra partes</em> : en parties étrangères les unes aux autres, et inanimées. Descartes défendait d’ailleurs l’idée que les animaux sont analogues à des machines : la nature est pour les cartésiens un grand mécanisme.</p>
<p>C’est encore de cette manière que les sciences de l’ingénieur – et partant de là, l’industrie – <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/la-religion-industrielle-9782213701806">envisagent le monde</a>. De fait, c’est sur la base de ce paradigme qu’elles ont transformé notre milieu de vie.</p>
<p>Cette conception « extractiviste » ou « productiviste » de la nature, vue comme ensemble de ressources inertes à « valoriser », est régulièrement <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/nature-et-politique/">prise à partie par l’écologisme</a>, qui pour sa part cherche à replacer l’humain dans une nature envisagée comme un système complexe et dynamique, dont l’équilibre se trouve menacé par une exploitation aveugle à son fonctionnement subtil.</p>
<p>Si le socialisme s’est fixé pour but de combattre les ravages du paradigme industriel qui traite les humains comme des machines, l’écologisme fait de même avec la nature.</p>
<p>Car si la vision productiviste de la nature s’applique superficiellement bien aux ressources inanimées, qui forment l’essentiel de notre contact quotidien avec la nature, sous une forme transformée – plastiques (pétrole), béton (sable, calcaire), métaux (minerais), etc. – elle s’applique moins bien au vivant, dans la mesure où celui-ci est animé et inclus dans un réseau d’interactions, et ne peut être aisément manipulé sans entraîner des conséquences en chaîne qui dépassent souvent leur instigateur.</p>
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<span class="caption">Infographie de l’ONG Global Footprint Network présentant pour différents pays le jour du dépassement. Autrement dit la date à laquelle on a épuisé les ressources naturelles produites par la planète en un an.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.overshootday.org/newsroom/country-overshoot-days/">ONG Global Footprint Network</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, l’approche réductionniste (où la vie n’est envisagée que comme un phénomène physico-chimique), qui est souvent celle des sciences de laboratoire, demeure aussi celle de l’agriculture industrielle, qui peine à penser les conséquences indirectes de ses pratiques dans le temps et l’espace.</p>
<p>Cette approche est aussi à l’origine des limites de ce modèle : une agriculture qui extermine la biodiversité et détruit les sols ; sols qui, en dépit d’apports d’intrants toujours plus nombreux, finissent par se minéraliser et perdre leur fertilité…</p>
<h2>Une nouvelle synthèse</h2>
<p>Certains acteurs sociaux, à l’image du réseau de l’agriculture paysanne (FADEAR), sont <a href="https://www.agriculturepaysanne.org/Les-10-principes-politiques-de-l-Agriculture-paysanne">porteurs d’une autre vision</a>, dans laquelle les vivants (humains ou non) coexistent, coévoluent.</p>
<p>Sur le plan des idées, il s’agit de développer une <a href="https://journals.openedition.org/ethnoecologie/1979">écologie de la réconciliation</a>, qui à l’instar des cultures non européennes replace l’humanité au cœur d’une nature parcourue de dynamiques, plutôt que face à un stock inerte comme l’Occident se l’est trop longtemps représentée.</p>
<p>Loin d’un retour en arrière, l’écologie propose plutôt une nouvelle synthèse.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1000&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399212/original/file-20210506-13-2i8fsg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1257&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Serge Moscovici, l’un des fondateurs de l’écologisme français, affirmait déjà dans les années 1960 que c’est la vision productiviste de la nature qui a donné naissance à l’écologie scientifique, et non l’inverse.</p>
<p>L’écologie scientifique procède en effet en cherchant à mettre la nature en équations, pour la penser non plus comme un ensemble de stocks, mais comme un système de flux dynamiques en interconnexion permanente.</p>
<p>Il estime que toutes les civilisations <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/moscovici_serge/essai_hist_hum_nature/essai_hist_hum_nature.html">déterminent des « états de nature » différenciés</a>, ce qui explique que ce qu’elles nomment « nature » ne soit jamais identique ; dans la société industrielle, le poulet devient l’oiseau le <a href="https://theconversation.com/et-los-de-poulet-devint-le-symbole-de-lanthropocene-108857">plus répandu sur Terre</a>…</p>
<h2>A quand la fin de la vision mécaniste ?</h2>
<p>Ces diverses conceptions de la nature cohabitent ou s’excluent selon les cas, et sont inscrites dans une succession qui suit l’évolution de la société et des défis qui s’opposent à elle – du point de vue ontologique, le vivant est à la fois vie, chimie et mécanisme.</p>
<p>Les raisons de mettre l’un ou l’autre en avant sont épistémiques, mais aussi éthiques : à partir du moment où l’humanité en fait intimement partie, la nature doit-elle être traitée simplement comme un moyen, ou aussi comme une fin en soi, pour reprendre la célèbre formule de Kant ?</p>
<p>Il est toutefois facile de comprendre pourquoi la définition mécaniste domine : elle reflète la majeure partie de nos interactions quotidiennes avec la nature, et c’est celle qui profite à l’économie industrielle.</p>
<p>Mais, on le constate quotidiennement, limiter notre vision du monde à une rationalité économique à court terme ne profite à personne et, au final, pas même à l’économie…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158045/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo est membre de Sciences Citoyennes. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Ducarme ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les conceptions de la nature sont aussi diverses que les cultures. Cette diversité cachée a des implications philosophiques et politiques.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Frédéric Ducarme, Enseignant-chercheur en écologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1593662021-04-29T19:41:34Z2021-04-29T19:41:34ZConserver, protéger et entretenir pour moins restaurer les monuments et les sites<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397845/original/file-20210429-16-lwy3gf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C3%2C1331%2C1000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moutier-d'Ahun (Creuse) ; granits sculptés au XVe siècle, ancien peuplement de lichens et de mousses.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Autant le mot de conservation est méconnu, autant celui de restauration est perçu comme une évidence positive pour le monument. </p>
<p>Les classements au titre du Patrimoine mondial de l’Unesco, des Monuments Historiques en France, ou de leurs équivalents en Europe (English Heritage Buildings, Baudenkmal, Monumenti nazionali italiani, Patrimonio Cultural de España, biens classés deBelgique/Kulturdenkmal ou Beschermd erfgoed…), montrent combien la « protection » est intégrée par les publics, comme les institutions de chaque pays.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397883/original/file-20210429-15-boh4cz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Filets de protection à Notre-Dame de Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>De même, face à l’urgence de mise en sécurité, les mesures prises sont pour l’essentiel acceptées, en dépit d’impatiences. Qu’il s’agisse du chœur échafaudé de la cathédrale de Tournai en Belgique ou des parties hautes de Notre-Dame de Paris, le fonctionnement des institutions n’est pas remis en cause. </p>
<h2>Débats et institutions</h2>
<p>Après de vifs débats, en dépit parfois de volontés contradictoires, les réponses données sont peu critiquées au-delà des cercles de spécialistes. Les institutions patrimoniales du Ministère de la Culture, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, les Monuments Historiques, le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques et les Directions Régionales des Affaires Culturelles, répondent avec pertinence, en apportant des solutions qui tendent au respect des lois (1887, 1909, 1913 et modifications postérieures), des règlements adaptés (paysages, sites, monuments, lieux de culte, mobilier, archéologie…), comme des protocoles (financement, moyens, méthodes, déontologie…).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397882/original/file-20210429-17-1duzrzc.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A Tournai (Belgique), la résille d’échafaudage jouant avec les vitraux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces choix prévalent pour Notre-Dame en dépit d’un parti interventionniste appelant à l’acceptation d’une « signature architecturale » (toit en verre, flèche en acier, matériaux contemporains et formes novatrices, etc.) présentée comme un gage de modernité devant emporter la décision. </p>
<p>La flèche construite à Notre-Dame par Viollet-le-Duc au XIX<sup>e</sup> siècle, avant les lois républicaines sur les Monuments historiques, s’est imposée à tous comme une œuvre à part entière. Cependant, une cathédrale n’est pas un musée (pyramide de Ming Pei au Musée du Louvre) ; aussi la raison l’a emporté.</p>
<p>La protection et les règles de la restauration ont ainsi prévalu dans le respect des institutions et lois. Cependant, si la nécessité et la modernité des mesures de restauration (techniques de pointe, matériels et ingénierie, outils numériques, analyses, temps de la recherche des scientifiques associé au temps court du chantier…) sont des évidences à Notre-Dame, elles ne masquent pas les besoins liés à la conservation de milliers d’autres monuments. </p>
<p>Ceux-là ne bénéficient ni de l’émotion, ni des moyens ou des projets, désormais associés au 15 avril 2019. L’incendie récent de l’église de Romilly-la-Puthenaye (Eure) montre les limites de la médiatisation, du mécénat (grilles de Versailles) comme de l’intérêt porté à des édifices aussi importants aux communautés humaines que le plus grand d’entre eux.</p>
<h2>Quand la « reconstruction » supplante la « restauration »</h2>
<p>Ce faisant, dans le langage courant, pour Notre-Dame, comme pour l’église de Romilly-la-Puthenaye, le mot restauration n’est quasiment plus employé, au profit de reconstruction, ce qui trahit un affaiblissement du sens premier. La restauration – en dépit de limites perçues à Chartres ou au palais des ducs de Bretagne à Nantes – implique des règles débattues, la reconstruction peut s’en affranchir, y compris pour des édifices protégés. Nous devons y prendre garde. </p>
<p>La reconstruction de la tour nord de l’abbatiale de Saint-Denis, les projets de reconstruction des Tuileries ou du château de Saint-Cloud témoignent de ce glissement sémantique et sont habités des mêmes frénésies visant à corriger l’histoire en ayant pour seul avenir un passé érigé au rang du mythe (château de Berlin, Berliner Schloss des Hohenzollern).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1033&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1033&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1033&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1298&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1298&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397848/original/file-20210429-15-jmegpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1298&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Forêt-Fouesnant (Finistère) ; pinacle et statue après traitement par biocide (lichen) et nettoyage ; les surfaces sont altérées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Avant de restaurer, l’entretien patient, respectueux des marques du vieillissement qui affectent le monument, doit être privilégié en vue de sa conservation. Transformés, mais en état ou ruinés, les sites peuvent faire l’objet d’aménagements, de consolidations ou d’interventions encadrées par les préconisations des chartes internationales de la conservation : Athènes en 1931, Venise en 1964, Nara en 1994 ou Cracovie en 2000. Les acteurs de la restauration s’y réfèrent avec la volonté affichée d’en respecter les préconisations (La Chaise-Dieu, Chartres).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/notre-dame-de-paris-plaidoyer-pour-une-intervention-lente-et-raisonnee-115783">Notre-Dame de Paris : plaidoyer pour une intervention lente et raisonnée</a>
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<p>Toutefois, en France, comme en Europe, le volontarisme règne, accompagné de fortes interventions à la cathédrale du Puy-en-Velay, Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand, Sainte-Gertrude de Nivelles en Belgique ou la cathédrale Saint-Georges de <em>Limburg</em> an der Lahn en Allemagne. De beaux exemples existent, faisant l’objet d’attentions jalouses, comme la cathédrale de Tournai en Belgique bien documentée et choyée depuis plus de vingt ans, Notre-Dame de Paris depuis deux ans maintenant, ou Angkor Vat au Cambodge depuis trois décennies.</p>
<h2>Restaurer n’est sans doute pas toujours préserver</h2>
<p>Il faut pourtant en convenir, un siècle et demi de restaurations ne préservent pas les monuments. L’usage inadapté de matériaux et produits contribue à l’accélération des processus d’altération, en se mariant mal avec des pierres, vieilles de deux millénaires pour un monument antique ou parfois d’un millénaire pour le Moyen Âge : cryogénie par microabrasion, hydrogommage avec poudre abrasive, poudres d’alumine ou fine de verre.</p>
<p>L’interaction entre matériaux anciens et neufs est – la plupart du temps – néfaste, ne tenant pas compte de l’équilibre qui s’établit entre le monument vieux de plusieurs siècles, son environnement (climat, paysage, faune et flore) et des chantiers actuels aux techniques industrielles (meuleuses, marteaux pneumatiques, perceuses…). </p>
<p>L’emploi de matériaux denses ou étanches (ciments, produits hydrofuges…) n’autorise plus une « respiration » équilibrée du mur sur le long terme (mortier de chaux, maçonneries ventilées…), mais aussi les nettoyages abrasifs répétés, les traitements polluants (sites, eaux du sous-sol) par biocides (biofilm, végétaux), ou les sols rendus étanches (bitumes…) sont néfastes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-faut-reensauvager-les-monuments-historiques-97576">Pourquoi il faut « réensauvager » les monuments historiques</a>
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<p>La biodiversité est jugée facteur d’altération pour le monument ; ce n’est pas seulement les cyanobactéries, lichens et mousses qui peuplent les parements depuis le temps de la construction. Les insectes et rongeurs, les oiseaux eux-mêmes sont considérés comme nuisibles, à propos desquels des solutions sont utilisées : des filets visibles en Allemagne à Nuremberg ou encore en Angleterre à Exeter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397846/original/file-20210429-14-dcbwid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tichodrome échelette d’un site archéologique ; les oiseaux sont également considérés comme nuisibles (bec et serres, déjections).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Plusieurs problèmes se posent en plus de la question esthétique ; ces filets abîmés et mal fixés impliquent des frottements du fait de l’action du vent ; ce sont aussi les systèmes électro-répulsifs accrochés aux sculptures et architectures (cathédrale d’Auxerre) avec des fixations métalliques et des colles s’ajoutant aux pics anti-pigeons.</p>
<p>Les marques du vieillissement <a href="https://medium.com/anthropocene2050/les-monuments-historiques-dans-les-espaces-urbains-peu-denses-des-r%C3%A9servoirs-de-biodiversit%C3%A9-%C3%A0-c7a61bace802">et la biodiversité</a> sont ainsi bannies au profit de monuments blanchis, aux environnements adaptés à l’économie du tourisme, qui contreviennent aux protocoles prudents préconisant de discrètes interventions. Le plus grand adversaire du monument n’est pas le temps, mais bien l’action humaine de notre époque. La modernité montre ainsi ses limites, dans l’absence de mesure, prudence et affectation des recherches en vue du respect de la biosphère intimement liée au monument depuis des siècles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397847/original/file-20210429-13-105boge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Biofilm de lichens et de mousses ; tous sont associés à l’altération de la pierre des monuments.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bruno Phalip</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’avenir ? Ne plus utiliser de biocides, produits consolidants ou hydrofuges ; éviter les nettoyages systématiques. De ce point de vue, les mortiers biologiques et la biominéralisation constituent des indices encourageants (bio-calcins d’Argenton-Château et de Thouars ; LRMH), tout comme le soft caping (couverture végétale) préconisé par les équipes du English Heritage et répandu en Grande-Bretagne. L’immédiateté de mauvaises solutions est à bannir en recherchant d’autres moyens que ceux habituellement préconisés qui aboutissent à une minéralisation outrancière du monument dont les surfaces sont altérées par abrasion et uniformisées.</p>
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<p><em>Pour aller plus loin :</em></p>
<p><em><a href="https://books.openedition.org/momeditions/9827?lang=fr">« Restaurer un édifice médiéval, problèmes de méthode. À propos de quelques sites dans le centre de la France et dans le royaume khmer entre le XI<sup>e</sup> et le XIII<sup>e</sup> siècle »</a>, in Anne Baud et Gérard Charpentier, Chantiers et matériaux de construction de l’Antiquité à la Révolution industrielle en Orient et en Occident, MOM éditions, 2020, p.245-254</em></p>
<p><em>Bruno Phalip et Fabienne Chevallier, <a href="https://www.decitre.fr/livres/pour-une-histoire-de-la-restauration-monumentale-xixe-debut-xxe-siecle-9782845169876.html">Pour une histoire de la restauration, XIXe-début XX<sup>e</sup> siècles</a>, Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 2021 (en cours de publication)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159366/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Phalip ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la nécessité et la modernité des mesures de restauration sont des évidences à Notre-Dame, elles ne masquent pas les besoins liés à la conservation de milliers d’autres monuments.Bruno Phalip, Professeur d’Histoire de l’Art et d’Archéologie du Moyen Âge, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1566572021-04-08T18:19:18Z2021-04-08T18:19:18ZLa maltraitance ordinaire des animaux de compagnie exotiques<p>La question du bien-être animal investit le débat public, comme l’atteste une loi récemment adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/29/cirques-delphinariums-animaleries-l-assemblee-nationale-adopte-une-serie-de-mesures-pour-la-condition-animale_6068154_3244.html">29 janvier 2021</a>, qui propose d’interdire les spectacles avec des animaux sauvages (dans les cirques ou les delphinariums). Mais cette proposition (très médiatisée) ne traite en réalité que très marginalement de la question de la captivité des animaux sauvages en France.</p>
<p>Elle ne concerne en effet que quelques dizaines d’espèces, alors que le commerce des animaux sauvages (aussi qualifiés d’exotiques) de compagnie représente chaque année des centaines de milliers d’animaux rien qu’en France, et constitue un marché de <a href="https://theconversation.com/serpents-tortues-oiseaux-ou-hippocampes-le-marche-florissant-des-animaux-sauvages-en-occident-137794">plusieurs milliards d’euros à l’échelle européenne</a>.</p>
<p>Leur sort attire pourtant beaucoup moins l’attention des médias, du grand public et même des autorités.</p>
<h2>Un commerce peu réglementé</h2>
<p>En France, certaines enseignes spécialisées dans les animaux exotiques de compagnie proposent à la vente de très nombreuses espèces, dont certaines sont prélevées dans la nature – comme le gecko de Sakalava (<em>Blaesodactylus sakalava</em>), endémique de Madagascar. Pour environ 500 euros, il est ainsi possible d’acheter un python vert juvénile (<em>Morelia viridis</em>), directement venu d’Indonésie. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a pourtant alerté sur <a href="https://www.iucnredlist.org/species/177524/21649845">l’impact du commerce de cette espèce</a>, populaire en terrariophilie, sur les populations sauvages.</p>
<p>La liste des espèces disponibles à la vente, plus ou moins légalement, est très longue. Prenons l’exemple des reptiles. <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-020-18523-4">Près du tiers des espèces existantes</a>, soit plus de 3 000, peut être acheté sur Internet, et ce quel que soit leur statut de protection ou la fragilité des populations sauvages.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268492443873415169"}"></div></p>
<p>En France, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037491137/">l’arrêté du 8 octobre 2018</a> fixe les règles générales de détention d’animaux non domestiques. On y trouve la liste des espèces soumises à une obligation de déclaration ou nécessitant un certificat de capacité.</p>
<p>Actuellement, une simple déclaration de détention suffit pour posséder jusqu’à 75 perruches à collier (<em>Psittacula krameri</em>), pourtant considérées comme <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0100593">espèces envahissantes en Europe</a>, ou jusqu’à 10 tortues sillonnées (<em>Centrochelys sulcata</em>), espèce classée en danger d’extinction par la <a href="https://www.iucnredlist.org/species/163423/1006958">liste rouge de l’UICN</a>.</p>
<p>Mais cet arrêté ne fixe aucune règle contraignante ou exigence minimum quant aux conditions de détention des individus. Outre l’impact sur la biodiversité, le développement de ce commerce florissant soulève la question, aujourd’hui de plus en plus légitime, de la souffrance des animaux exotiques détenus en captivité.</p>
<h2>Un environnement souvent inadapté</h2>
<p>Or maintenir en captivité des animaux exotiques dans de bonnes conditions demande à la fois des installations adaptées, une connaissance approfondie de l’espèce – de son comportement et des caractéristiques de son environnement naturel – mais aussi un investissement important en temps.</p>
<p>Si les parcs zoologiques sont censés disposer d’installations adéquates et d’un personnel qualifié, les particuliers en revanche ont généralement des moyens beaucoup plus limités. Dans la grande majorité des cas, ils ne sont pas en mesure de fournir un environnement qui satisfasse les besoins élémentaires des animaux.</p>
<p>Reproduire le comportement alimentaire des espèces exotiques en captivité est complexe. Pour commencer, se nourrir ne se réduit pas à l’ingestion d’aliments, mais comprend également la recherche de nourriture qui constitue une activité importante pour de nombreuses espèces. En liberté, la plupart des perroquets passent quotidiennement entre 4 et 8h à chercher et consommer leur pitance contre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1558787817301211">moins d’une heure par jour en captivité</a>.</p>
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<span class="caption">Phalanger volant, espèce nocturne et arboricole dans sa cage en plein jour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie Sigaud</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Leur fournir des aliments adaptés est par ailleurs essentiel.</p>
<p>Par exemple, les phalangers volants (<em>Petaurus breviceps</em>), petits marsupiaux originaires d’Océanie, sont très populaires comme animaux de compagnie, notamment en Amérique du Nord et au Japon. À l’état sauvage, ils se nourrissent d’insectes et de gomme végétale, mais sont le plus <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25000795/">souvent nourris à base de fruits en captivité</a>, ce qui provoque des infections dentaires et des troubles métaboliques.</p>
<p>Un des motifs de consultation les plus courants pour les reptiles et les amphibiens est l’apparition d’une ostéodystrophie (<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1094919410000691"><em>metabolic bone disease</em></a>), déformation osseuse pouvant aller jusqu’à des fractures spontanées, fréquemment provoquée par une alimentation inadéquate.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/388213/original/file-20210308-14-wek5kr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Gecko à crête (<em>Correlophus ciliatus</em>) souffrant d’ostéodystrophie avec déformation de la colonne vertébrale liée à une mauvaise alimentation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R. Cavignaux</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168159113001214">besoins physiologiques des amphibiens et des reptiles sont très complexes</a> et souvent méconnus. Par exemple, la plupart des amphibiens nécessitent un niveau d’hygrométrie contrôlé, un environnement diversifié et la mise à disposition de proies vivantes. Cela nécessite des installations parfois coûteuses et pas toujours mises en place chez les particuliers.</p>
<p>Le python royal (<em>Python regius</em>), un des serpents les plus populaires dans les animaleries spécialisées, est présenté comme une espèce docile idéale pour les « débutants » en terrariophilie. Ces animaux peuvent vivre plusieurs dizaines d’années et dépassent rapidement un mètre de long (dès l’âge de 2 ou 3 ans). Les professionnels du secteur proposent des terrariums « adaptés » à cette espèce, qui en réalité ne leur permettent même pas d’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1558787818302211">étendre leur corps</a>, entretenant l’idée qu’un serpent vit enroulé sur lui-même. Le manque d’espace et la restriction des déplacements sont le lot de bien d’autres espèces exotiques détenues par des particuliers.</p>
<p>En l’absence de volière, les oiseaux sont maintenus dans des cages qui ne leur permettent pas de voler, ou parfois même d’étendre leurs ailes. Nombre d’entre eux sont privés de leur capacité à voler par la coupe des plumes de l’aile (ou plus rarement par éjointement, coupe irréversible de la base de l’aile) souvent mise en œuvre pour minimiser le risque d’évasion des individus.</p>
<p>Dans leur milieu naturel, de nombreuses espèces vivent en groupe. Pour ces animaux sociaux, la possibilité d’interagir avec des congénères est une composante essentielle de leur répertoire comportemental.</p>
<p>Pour illustration, le gris du Gabon (<em>Psittacus erythacus</em>) est une des espèces de perroquets les plus populaires chez les particuliers. Cette espèce vit dans des groupes pouvant atteindre plus de 10 000 individus, ce qui implique des comportements sociaux complexes et des capacités cognitives très importantes.</p>
<p>Ainsi, pour détenir un gris du Gabon dans de bonnes conditions, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1558787817301211">il est recommandé</a> d’avoir plusieurs individus qui puissent interagir ; de leur proposer des enrichissements (ou des jeux) variés à renouveler toutes les semaines, et de leur donner la possibilité de se baigner ; et enfin d’interagir au moins 4 heures par jour avec l’oiseau. Seuls dans une cage, nourris au bol, ces animaux souffrent d’un manque de stimulation mortifère. L’impossibilité pour ces animaux d’exprimer un répertoire comportemental de base génère une intense souffrance psychique.</p>
<h2>La captivité à l’origine de troubles psychiques</h2>
<p>Les privations sensorielles et émotionnelles liées à un environnement pauvre en stimulations sont à l’origine de dérèglements métaboliques, mais aussi de comportements « anormaux » assimilés à des manifestations de stress post-traumatique.</p>
<p>Ces comportements prennent des formes variées tels que des comportements agressifs, des vocalisations excessives, le développement de stéréotypies – <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0166432803001153">répétition invariable d’un comportement sans fonction apparente</a> – ou encore des comportements d’automutilation.</p>
<p>Par exemple, le picage (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25000795/"><em>feather damaging behaviour</em></a>) du plumage est une forme d’automutilation très souvent observée chez les perruches et perroquets en captivité, qui peut se compliquer par des lésions de la peau et des muscles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=682&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393726/original/file-20210407-15-if4z1n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=857&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Gris du Gabon présentant des lésions d’automutilation du plumage (picage).</span>
<span class="attribution"><span class="source">R. Cavignaux</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une souffrance et une mortalité banalisées</h2>
<p>Le commerce et la détention d’animaux sauvages de compagnie vont de pair avec une banalisation de la souffrance animale et un taux de mortalité élevé. Certains chercheurs estiment que près de <a href="https://www.cabi.org/animalscience/news/22475">75 % des reptiles meurent dès leur première année</a> chez un particulier.</p>
<p>Ces chiffres s’ajoutent à une mortalité très importante tout le long de la filière de distribution : depuis le prélèvement dans la nature, pendant le transport – c’est aussi valable pour les individus issus de l’élevage – et jusqu’à l’arrivée chez un particulier. Pour les reptiles, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24875063/">mortalité de près de 70 %</a> a été relevée chez certains « grossistes » du secteur.</p>
<p>En 1992, il était estimé que pour 700 000 oiseaux prélevés en nature et arrivés vivants chaque année aux États-Unis, cinq fois plus étaient morts au cours du processus. Ce commerce représente un énorme gâchis qui en plus de banaliser la souffrance de ces animaux, a de graves conséquences sur la <a href="https://theconversation.com/trading-in-extinction-how-the-pet-trade-is-killing-off-many-animal-species-71571">biodiversité</a> et pose des problèmes de <a href="https://ipbes.net/pandemics">santé publique</a>.</p>
<p>Sur la base de ce constat et de la difficulté d’offrir des conditions de détention adéquates pour la plupart de ces espèces, il est urgent de réfléchir à un changement de la réglementation.</p>
<h2>Dresser la liste des espèces commercialisables</h2>
<p>À l’heure actuelle en France, une longue liste d’espèces est soumise à obligation de déclaration ou à certificat de capacité. Ainsi, les espèces absentes de cette liste ne sont soumises à aucune restriction.</p>
<p>Alors que des dizaines de milliers d’espèces sont disponibles à la vente sur Internet, ce type d’approche semble désuet. Une avancée consisterait à inverser la logique actuelle en mettant en place une liste positive qui spécifierait un nombre réduit d’espèces autorisées à la détention par des particuliers. Il serait beaucoup plus simple pour les autorités de contrôler le commerce et pour les particuliers de se former sur ces espèces et d’avoir les moyens réels de prendre soin de leurs animaux. Cette solution plébiscitée par de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1558787821000095">nombreux experts</a> et associations est déjà à l’œuvre dans certains pays.</p>
<p>En <a href="https://www.sudinfo.be/id293587/article/2020-12-10/voici-la-liste-des-232-reptiles-qui-peuvent-etre-detenus-en-wallonie">Belgique</a> par exemple, 232 espèces de reptiles, 63 espèces d’oiseaux et 43 espèces de mammifères sont autorisées à la détention. En France, un premier pas dans cette direction a été fait avec le dépôt en janvier 2021 d’un amendement pour la création d’une <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3791/AN/228.pdf">liste positive sur la proposition de l’association « Code animal »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156657/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Sigaud a reçu des financements de la Japan Society for Promotion of Science.</span></em></p>Oiseaux, reptiles ou amphibiens… Les animaux exotiques vendus comme animaux de compagnie suscitent moins d’empathie que les grands mammifères, et la question de leur souffrance reste ignorée.Marie Sigaud, Postdoctoral research fellow, Kyoto UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1524902021-01-13T18:15:31Z2021-01-13T18:15:31ZLes quatre écologies de l’anthropocène<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376996/original/file-20210104-23-wgy6gs.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C61%2C1095%2C602&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La « nature » en ville (quartier sud de Montpellier).
</span> <span class="attribution"><span class="source">Raphaël Mathevet</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Avec notre entrée dans l’anthropocène – cette période où les activités humaines sont devenues une nouvelle force géologique affectant l’ensemble des écosystèmes planétaires ainsi que le climat –, la défense de la biodiversité et des conditions de la vie sur terre est devenue un enjeu central.</p>
<p>Mais selon les contextes géographiques et politiques, les écologistes et <a href="https://www.dunod.com/sciences-techniques/biologie-conservation?gclid=CjwKCAiA5IL-BRAzEiwA0lcWYgfCnXYBC2OzvjaXqShttq3rWAqNORnQpg3y-Bqw5YCwlKFiN4UWQxoCimEQAvD_BwE">biologistes de la conservation</a> se sont réclamés de différentes écoles et ont adopté différentes postures au fil des décennies.</p>
<p>Pour éviter la confusion entre ces orientations, il est nécessaire de connaître les différentes écologies à l’œuvre dans la conservation de la nature. Elles ont connu pour certaines une période hégémonique, et des succès très variés. Aujourd’hui, elles coexistent et militent toutes pour la création d’aires protégées qui couvrent désormais 15 % de la surface terrestre de la planète. Malgré la multiplicité des approches au sein d’un même courant de pensée, on peut mieux les caractériser en adaptant une <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-politics-of-the-earth-9780199696000?cc=fr&lang=en&">grille de lecture de science politique</a>.</p>
<p>On distingue ainsi une première ligne de partage entre d’un côté les approches de la conservation qui s’inscrivent <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Sciences-humaines/Par-dela-nature-et-culture">dans l’opposition entre nature et culture</a> et celles qui cherchent à dépasser ce dualisme. La seconde ligne de partage permet de distinguer d’une part les approches qui s’inscrivent dans le modèle économique dominant ou dans sa réforme et celles qui cherchent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S000632071730407X">à le transformer radicalement</a>.</p>
<p>Enfin, les régimes de gestion des espèces et des écosystèmes qui découlent de cette grille de lecture se développent le long d’un axe dont les deux pôles sont la <a href="https://editions-jouvence.com/livre/la-nature-ferale-ou-le-retour-du-sauvage/">libre évolution</a> contre le contrôle de la nature.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/4yAhUgR9nuo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Par-delà nature et culture ? », un entretien avec Philippe Descola. (Éditions M-Editer/Youtube, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>L’écologie de l’obstination</h2>
<p>L’écologie de l’obstination s’est entêtée depuis longtemps à préserver des écosystèmes et paysages à forte naturalité ainsi que des espèces sauvages emblématiques. Elle repose souvent sur une gestion qui cherche à protéger une nature généralement idéalisée, quitte à intervenir fortement par des réintroductions et des régulations d’espèces ou le contrôle de processus comme les feux ou les inondations.</p>
<p>Cette écologie cherche à défendre une nature sauvage en <a href="https://www.theguardian.com/environment/andes-to-the-amazon/2018/jul/16/rights-not-fortress-conservation-key-to-save-planet-says-un-expert">excluant autant que possible</a> les activités humaines extractives et ne remet pas en cause le modèle économique dominant. Mise en œuvre par beaucoup d’ONG et soutenue par des bailleurs de fonds internationaux, on l’observe aujourd’hui dans nombre de parcs nationaux africains <a href="https://www.krugerpark.co.za/Krugerpark_History-travel/kruger-national-park-modern-history.html">comme le Kruger Parc</a> en Afrique du Sud ou le <a href="https://www.kaziranga-national-park.com/">Kaziranga National Park</a> en Inde, tous deux célèbres pour leurs populations de rhinocéros et d’éléphants. Cette écologie peut aussi servir le contrôle politique d’un espace sensible, comme le mégaparc de Giangtang en Chine dans la région autonome du Tibet.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/376997/original/file-20210104-13-w602tn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Éléphants d’Asie dans le Parc national de Nagarhole, situé dans l’État du Karnataka (Inde du Sud).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Mathevet</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’écologie de la réconciliation</h2>
<p>Courant devenu majoritaire dans les années 1990, l’écologie de la (ré)conciliation milite pour des aires protégées où les humains sont impliqués dans des approches participatives de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/01/en-afrique-faire-de-la-protection-de-la-nature-un-grand-dessein-colonial-n-est-pas-serieux_6058115_3212.html">conservation intégrée</a> aux actions d’exploitation des ressources naturelles et de développement.</p>
<p>Cette écologie fait la promotion tout à la fois de la protection des joyaux de nature sauvage et de la biodiversité dans les espaces agricoles et forestiers. Elle mobilise tous les moyens possibles : de la non-intervention à la gestion active permanente selon les dynamiques socio-écologiques des espèces et milieux concernés. Elle met l’accent sur la diversité des valeurs associées au vivant et cherche à reconnecter les humains à la biosphère en modifiant leurs comportements au niveau individuel, mais aussi de <a href="https://www.mab-france.org/fr/">promouvoir des actions collectives</a> qui modèlent l’action publique.</p>
<p>Si elle se résout à accepter le modèle économique dominant, elle porte des modes de gestion adaptés au contexte local ainsi que des politiques réformistes et contractuelles qui invitent à prendre soin ou du moins faire bon usage de la nature. On observe notamment ces approches dans les <a href="https://www.quae.com/produit/1341/9782759224210/les-parcs-naturels-regionaux">parcs naturels régionaux français</a> et dans le réseau mondial des réserves de biosphère du <a href="https://fr.unesco.org/mab">programme l’homme et la biosphère</a> de l’Unesco.</p>
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<figcaption><span class="caption">Découverte de la réserve de biosphère transfrontière des Vosges du Nord-Pfälzerwald. (Unesco/Youtube, 2018).</span></figcaption>
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<h2>L’écologie du renoncement</h2>
<p>Courant de pensée apparu dans les années 2000, l’écologie que nous qualifions d’écologie du renoncement – parce qu’elle a renoncé au dualisme entre nature et culture et à l’autonomie du vivant –, considère que les humains ont définitivement bouleversé le fonctionnement des écosystèmes. Selon cette posture, la biosphère est désormais une mosaïque de <a href="https://emmamarris.com/books/">jardins plus ou moins ensauvagés</a> et riches en promesses évolutives. Les humains peuvent aménager ces natures hybrides pour les rendre désirables et/ou plus productives.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320710003332">Ces approches très débattues</a> sont promues notamment par l'ex-directeur scientifique de la puissante ONG américaine <a href="https://www.nature.org/en-us/">The Nature Conservancy</a>, forte d’un million de membres et qui gère plus de 480 000 km<sup>2</sup> de milieux naturels à travers le monde. L’humain a vocation à y contrôler sinon piloter les écosystèmes dont il fait partie intégrante, à valoriser le capital naturel et les services écosystémiques dans des partenariats privé-public. Selon les tenants de cette approche, l’innovation techno-scientifique, la démocratie et la liberté restent des idéaux importants et la marchandisation du vivant pourrait stopper sinon ralentir l’érosion de la biodiversité.</p>
<h2>L’écologie du sauvage</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377000/original/file-20210104-13-d8tc1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La forêt artificielle de Singapour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Mathevet</span></span>
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<p>Enfin, plus récente, l’<a href="http://www.wildproject.org/politiques-du-flamant-rose">écologie du sauvage</a> cherche au contraire à promouvoir l’idée que la nature n’a pas besoin des humains. Les activités humaines doivent protéger ou coopérer avec le monde vivant, en laissant s’exprimer les forces autonomes et évolutives qui l’animent. Elle promeut l’idée que les processus devraient être en libre évolution sur les plus vastes espaces possible, peu importe leur naturalité initiale.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=803&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377002/original/file-20210104-15-4j2ugn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1009&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paysage du Vercors.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Mathevet</span></span>
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<p>Cette écologie transformative rejette souvent la structure de base du productivisme extractif au profit de systèmes collaboratifs et sobres. Elle cherche une redistribution du pouvoir au sein de l’économie politique et détourne volontiers le droit de propriété pour ne pas exploiter ni contrôler le vivant. On retrouve ces approches dans un nombre croissant d’expériences d’agroécologie en Amérique du Sud, en Inde ou en <a href="https://www.wildproject.org/raviver-les-braises-du-vivant.php">France</a>, <a href="https://aspas-reserves-vie-sauvage.org/les-reserves-de-vie-sauvage/">dans les réserves de vie sauvage</a> portées par certaines associations dans les <a href="https://www.forets-sauvages.fr/">gorges de l’Allier ou le Vercors</a>.</p>
<p>Ces différentes écologies montrent une diversité de manières de prendre en charge les conséquences de la reconnaissance que l’humain s’inscrit toujours dans l’entrelacs des interdépendances écologiques.</p>
<p>Au-delà des catégories et oppositions passées – naturel versus artificiel, sauvage versus domestique, protégé versus exploité – il s’agit désormais de promouvoir les <a href="https://www.actes-sud.fr/node/32700">solidarités écologiques</a>, de défendre la nature et la vie en tout lieu en faisant enfin des humains les véritables compagnons de la biosphère.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Mathevet a reçu, en tant que chercheur fonctionnaire CNRS, des financements de l’Union européenne, de l’État et de ses agences, des collectivités territoriales, de la Fondation MAVA, Fondation de France et Fondation F. Sommer.</span></em></p>Obstination, réconciliation, renoncement ou écologie du sauvage, quatre différentes approches pour envisager la protection de la biodiversité.Raphaël Mathevet, Chercheur au CNRS CEFE, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1518992020-12-28T18:56:15Z2020-12-28T18:56:15ZLa Covid-19, ou comment un choc planétaire permet de mieux lutter contre le surtourisme<p>Ces images ont fait ces derniers mois le tour du monde : les <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-avant-apres-venise-l-eau-des-canaux-est-redevenue-limpide-6786770">canaux de Venise retrouvant quiétude</a> et limpidité, les plages paradisiaques de Thaïlande vidées de leurs visiteurs, les Champs-Élysées semblant un peu plus vastes que d’habitude… Parmi les nombreux effets de la pandémie de Covid-19, ceux sur l’industrie touristique sont particulièrement visibles et sensibles. </p>
<p>Défini par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) comme « l’impact du tourisme sur une destination, ou sur des parties de celle-ci, qui influence de manière excessive et négative la qualité de vie perçue par les citoyens ou la qualité des expériences des visiteurs », le surtourisme regroupe l’ensemble des conséquences négatives attribuées à ce secteur. </p>
<p>Il est devenu ces dernières années une préoccupation majeure des acteurs de cette industrie. Un chiffre est révélateur de cette évolution : avec 1,4 milliard de touristes internationaux <a href="https://www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/9789284421251">selon l’OMT</a>, 2018 a été la neuvième année consécutive de croissance pour le secteur. L’OMT s’attendait à franchir ce cap en 2020, mais ses prévisions se sont réalisées deux ans plus tôt.</p>
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<img alt="Wikimedia" src="https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374314/original/file-20201210-24-olkyjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Bien avant la pandémie, Venise submergée par les visiteurs.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Plusieurs facteurs <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=1XacDwAAQBAJ">expliquent une telle progression</a>. Au-delà des aspects démographiques liés à l’augmentation de la population mondiale, la première raison n’est autre que le développement du tourisme de masse. La généralisation des congés payés dans beaucoup de pays industrialisés, associée à une augmentation du pouvoir d’achat, a permis à partir des années 1960 d’ouvrir le tourisme à une grande partie de la population mondiale. Cette première vague a été suivie par une seconde, au début des années 2000, avec l’apparition de nouveaux segments de visiteurs venant, entre autres, de Chine.</p>
<p>En parallèle, le coût des voyages a considérablement diminué, sous l’impulsion de la croissance économique du tourisme, mais aussi de l’apparition de nouveaux business modèles, tels que les compagnies aériennes à bas coût ou encore Airbnb. S’ajoute à cela une tendance générale chez l’ensemble des acteurs du tourisme à rechercher la croissance à tout prix, guidés par le poids que représente le secteur dans de multiples économies. Ce qui favorise le court terme mais sans réfléchir aux potentielles incidences à long terme.</p>
<h2>La Covid-19, une occasion inattendue</h2>
<p>Aujourd’hui, de nombreux sites touristiques dans le monde sont victimes de leur succès et reçoivent plus de visiteurs que leurs infrastructures ne permettent en théorie d’accueillir. Les conséquences sont humaines, notamment en ce qui concerne les conditions de vie des populations locales, mais aussi et surtout environnementales : émissions de CO<sub>2</sub> et gaz à effet de serre, pollution des espaces naturels, besoin conséquent en énergie et en eau, etc. </p>
<p>La cité inca du <a href="https://www.geo.fr/voyage/au-perou-les-autorites-limitent-lacces-des-touristes-au-machu-picchu-pour-preserver-le-site-195617#:%7E:text=D%C3%A9couvert%20en%201911%20par%20l,1%2C2%20million%20en%202014.">Machu Picchu au Pérou</a> a par exemple vu sa fréquentation annuelle passée de 200 000 visiteurs en 1987 à plus de 1 500 000 en 2018, causant ainsi des usures sur la surface en pierre.</p>
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<p>Le problème est tel que des initiatives, institutionnelles et individuelles, se font de plus en plus pressantes. L’Unesco a par exemple menacé de retirer la ville croate de Dubrovnik de la liste des sites inscrits au patrimoine mondial de l’humanité si les autorités locales n’y faisaient pas diminuer le nombre de touristes tandis qu’à Venise, les habitants ont manifesté à de nombreuses reprises contre l’impact du nombre de touristes sur leur qualité de vie.</p>
<p>Pour s’attaquer au problème du surtourisme, plusieurs stratégies sont étudiées ou ont déjà été mises en place : de l’éducation des touristes à la fermeture ponctuelle de sites en passant par l’augmentation des prix et des taxes, ou l’étalement des touristes sur des périodes creuses. La portée de ces actions demeure toutefois limitée parce qu’elles viennent de l’intérieur du secteur, c’est-à-dire d’acteurs qui sont eux-mêmes fortement impliqués dans le tourisme.</p>
<p><a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMJ.2006.20785498">De précédentes études ont montré</a> que, de façon générale, pour que des changements radicaux aient lieu, un choc externe est nécessaire. Malgré ses conséquences désastreuses sur le secteur, une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13032917.2020.1857804">récente étude</a> considère également la crise du Covid-19 comme une opportunité pour lutter contre le surtourisme.</p>
<p>En raison de son caractère imprévisible, mais aussi de sa puissance inédite, la pandémie de Covid-19 a en effet forcé les acteurs du tourisme à se réinventer.</p>
<h2>À Lourdes, un e-pèlerinage</h2>
<p>Les auteurs de l’article prennent l’exemple de Lourdes. En tant que troisième pèlerinage au monde, le site a été durement touché par la Covid-19. La mesure la plus importante prise par la structure pour faire face à la crise a été pour le moins radicale : la création du premier pèlerinage virtuel au monde, <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Pari-reussi-Lourdes-United-rassemble-80-millions-pelerins-ligne-2020-07-17-1201105372">« Lourdes United »</a>.</p>
<p>Organisé le 16 juillet 2020, ce pèlerinage virtuel a pris la forme d’un marathon de 15 heures, avec de multiples animations en ligne. L’article relate que non seulement Lourdes a largement bénéficié de cette stratégie radicale puisque 80 millions de <em>followers</em> ont assisté à l’événement, mais aussi qu’en passant d’un événement physique à un événement virtuel, Lourdes a trouvé une solution inattendue au problème du surtourisme.</p>
<h2>En Thaïlande, le retour de la faune</h2>
<p>Un autre exemple intéressant vient de Thaïlande, qui a su utiliser la crise sanitaire pour poursuivre un tourisme plus durable. Plusieurs sites locaux sont depuis longtemps confrontés à un problème de surpopulation, que ce soit Bangkok, Phuket ou encore Maya Bay, générant ainsi de multiples dommages environnementaux. Mais le blocus mondial à la suite de la première vague du Covid-19 a entraîné la fermeture de tous ces sites au public.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/374316/original/file-20201210-17-111cw13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Calme retrouvé en Thaïlande pendant les mois de confinement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Les autorités thaïlandaises ont alors pu observer en conditions réelles dans quelle mesure des actions radicales <a href="https://lepetitjournal.com/bangkok/avec-le-covid-19-la-nature-sauvage-revit-lanimal-domestique-souffre-280556">bénéficient à la lutte contre le surtourisme</a>. La fermeture des parcs pendant la pandémie a par exemple permis à l’habitat naturel de se régénérer et de ramener la faune, comme des baleines et des tortues, sur certains sites. </p>
<p>Fortes de cette expérience forcée, les autorités ont pris la décision de fermer les parcs chaque année pendant deux à quatre mois, à partir de 2021, afin d’améliorer la conservation des zones.</p>
<p>Ce que les exemples de Lourdes et de la Thaïlande soulignent ici, c’est que les circonstances exceptionnelles fournies par la crise du Covid-19 ont permis aux acteurs du tourisme d’adopter des stratégies exceptionnelles qui n’auraient pas pu être prises en temps normal. Malgré ses conséquences désastreuses sur le secteur du tourisme à court et moyen terme, la crise du Covid-19 pourrait donc avoir des conséquences positives à plus long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Catastrophe pour l’industrie du tourisme, la crise a toutefois permis à certains sites menacés par un afflux trop important de visiteurs d’adopter des stratégies plus durables.Damien Chaney, Professor, EM NormandieHugues Séraphin, Senior Lecturer, University of WinchesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1460862020-10-22T19:53:33Z2020-10-22T19:53:33ZLa vente d’animaux sauvages, un danger pour la biodiversité<p>La vente d’animaux sauvages – en tant que nourriture, ingrédients pour la médecine traditionnelle ou animaux de compagnie – est aujourd’hui reconnue comme un facteur majeur de l’érosion de la biodiversité.</p>
<p>La surexploitation de ces animaux, associée à la dégradation et à la fragmentation de leurs habitats, a ramené les effectifs de nombreuses espèces dans la nature à des nombres très réduits. Pis : elle compromet la survie de nombreuses espèces à court, moyen et long terme. Les grands mammifères (tigres, éléphants, lions, etc.), plus connus du grand public parce que plus médiatisés, en sont une parfaite illustration. Néanmoins, cette menace pèse d’une manière plus sournoise et plus silencieuse sur un grand nombre d’espèces moins connues.</p>
<p>Une <a href="https://science.sciencemag.org/content/366/6461/71.abstract">étude publiée en 2019</a> dans la revue <em>Science</em> estime que sur plus de 31 500 espèces animales terrestres (oiseaux, mammifères et reptiles), près de 18 %, soit 5 579 espèces, sont sujettes au commerce. Selon l’étude, dans les années à venir, ce sont pas moins de 8 775 espèces qui seront menacées d’extinction du fait des activités commerciales.</p>
<h2>Le commerce du perroquet en Algérie</h2>
<p>Jusqu’ici, les études scientifiques documentant le commerce légal et illégal d’animaux sauvages se sont principalement focalisées sur certaines régions, en particulier les grands pays importateurs et exportateurs de faune et de flore sauvage et des produits qui en sont issus (Chine, Indonésie, Malaisie, Singapour, Brésil, États-Unis…). En revanche, ces études n’accordaient qu’une attention réduite aux pays d’Afrique du Nord, en dépit du fait que leur position géographique leur confère un statut de porte d’entrée vers les pays consommateurs (Europe et Amérique du Nord). Ce sont ces raisons qui nous ont poussés à démarrer en 2017 une étude sur la portée du commerce d’espèces animales sauvages en Algérie.</p>
<p>Une partie de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.2989/00306525.2020.1763492?needAccess=true">nos résultats</a> publiés dans la revue <em>Ostrich</em></p>
<p>traitent du commerce du perroquet gris du Gabon « Psittacus erithacus » et du perroquet Timneh « Psittacus Timneh » en Algérie. Ces deux espèces vivent principalement dans une bande étroite de l’Afrique centrale, allant de la Cote d’Ivoire à l’ouest jusqu’au Kenya à l’est. Ce qui veut dire que l’ensemble des spécimens observés en vente ont été importés. Ces deux espèces sont aussi considérées par l’<a href="https://www.iucn.org/fr">Union internationale de la conservation de la nature</a> (UICN) comme menacées d’extinction, du fait de la fragmentation de leur habitat naturel et surtout à cause de la surexploitation dont elles font l’objet afin d’alimenter la demande locale et internationale d’animaux de compagnie.</p>
<p>Nos résultats indiquent que malgré l’interdiction du commerce international de ces espèces suite à leur classement dans <a href="https://cites.org/fra/disc/text.php#I">l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction</a>, des quantités assez importantes sont commercialisées. Durant la période d’étude, qui a duré de juillet 2017 à mars 2019 pour l’enquête en ligne, et d’août à septembre pour les marchés de rues et les animaleries, nous avions estimé que plus de 600 spécimens ont été mis en vente sur l’ensemble de l’Algérie. Les perroquets sont acheminés et vendus illégalement, dans les marchés de rue, dans les animaleries, et surtout sur les plates-formes de vente en ligne. Ces ventes se font sans aucun contrôle apparent de la part des autorités, ce qui constitue un manquement aux lois en vigueur qui interdisent la vente d’animaux sauvages inscrits dans l’annexe I de la CITES.</p>
<p>Il est aussi important de signaler que le nombre élevé de spécimens vendus en ligne va dans le sens d’autres travaux qui indiquent un glissement des ventes d’animaux sauvages des marchés physiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2287884X2030042X">vers les marchés en ligne</a>. Ce qui souligne les nouveaux défis imposés par le développement technologique, en matière de conservation de la biodiversité. Le manque de littérature scientifique à ce sujet ne permet pas pour le moment de proposer des solutions tangibles permettant de renverser cette tendance, mais offre plutôt des pistes à explorer concernant l’étude des comportements des consommateurs, qui in fine pourraient servir à l’élaboration de stratégies de changement de ces comportements.</p>
<h2>Quelques pistes pour renverser la tendance</h2>
<p>Les entretiens que nous avons menés dans le cadre de notre enquête avec des vendeurs de perroquets gris indiquent que près de 50 % d’entre eux ignorent que ces oiseaux sont des espèces menacées et que leur vente en Algérie est illégale.</p>
<p>Les résultats mettent l’accent sur des points très importants pour la conservation de la faune sauvage. Tout d’abord, il est nécessaire de veiller à une meilleure application de la réglementation internationale et nationale en matière de commerce d’animaux sauvages. Il convient notamment pour cela d’adapter la réglementation régissant le commerce en ligne afin d’endiguer le trafic d’animaux et de plantes sauvages sur Internet.</p>
<p>Des actions concrètes devraient être entreprises par les agences gouvernementales, les organisations non gouvernementales et la communauté scientifique pour développer des stratégies permettant de diminuer le trafic d’animaux sauvages.</p>
<p>Une première étape serait d’inviter les compagnies de vente en ligne qui ne l’ont pas encore fait à ajouter l’interdiction de la vente d’animaux sauvages à leurs conditions d’utilisation. Il faut aussi essayer de mettre en place des filtres permettant de détecter toute annonce frauduleuse. Ces filtres consisteraient en des programmes capables de détecter et de signaler les annonces comportant les noms des espèces inscrites à l’annexe I de la CITES ou interdites à la vente dans le cadre des législations locales. Bien sûr, l’élaboration de ces filtres nécessiterait une collaboration des différents acteurs agissant dans le domaine de la conservation pour mettre en place une telle base de données. Il faut surtout réussir à l’actualiser chaque fois que les vendeurs changent les qualificatifs qu’ils utilisent pour décrire leurs produits, ce qui constitue un défi considérable.</p>
<p>Une seconde requiert l’organisation de campagnes de sensibilisation visant à informer non seulement le grand public mais surtout les consommateurs de ces produits. Cette démarche aurait pour objectif de réduire la demande en expliquant l’impact de ces activités sur la biodiversité, mais aussi l’éventuelle implication de ces consommateurs dans des activités illégales, ce qui pourrait les amener à changer de comportement.</p>
<p>Enfin, une réflexion plus globale sur les sanctions pénales liées au trafic d’animaux sauvages devrait être entreprise. De <a href="https://blogs.worldbank.org/fr/voices/commerce-illegal-des-especes-sauvages-faire-appliquer-la-loi-pour-y-mettre-fin">l’avis de nombreux experts</a>, les sanctions liées à ce genre de crime sont dans de nombreuses régions du monde en inadéquation non seulement avec les dégâts causés à la nature, mais aussi avec les profits générés par ce trafic dont le chiffre d’affaires annuel est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01639625.2010.483162">estimé à plus de 20 milliards de dollars</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sadek Atoussi a reçu des financements de Ministère de l'enseignement supérieur
Cleveland zoo metroparks</span></em></p>Le commerce illégal d’espèces sauvages, comme les perroquets d’Afrique, risque d’accélérer leur l’extinction et représente une sérieuse menace pour la biodiversité.Sadek Atoussi, Maitres de conférences en écologie, Université 8 Mai 1945 GuelmaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1469662020-10-08T17:49:45Z2020-10-08T17:49:45ZDébat : Colonialisme vert, une vérité qui dérange<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361938/original/file-20201006-14-1wc6o6y.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C2767%2C1833&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ethiopie, le parc naturel Simien</span> <span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le « monde d’après » sera écologique ou ne sera pas. La formule n’est pas métaphorique. Sauf changement radical, dans un futur proche, la planète que nous connaissons ne sera plus. Pour prendre l’indispensable virage écologique, beaucoup comptent sur les institutions internationales : le WWF (Fonds mondial pour la nature), l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) ou encore l’Unesco. Pourtant, ces prestigieuses organisations sont loin de remplir la mission qu’elles disent poursuivre.</p>
<h2>Là où l’Européen s’adapte, l’Africain dégrade</h2>
<p>Il est encore, en Europe, des agriculteurs et des bergers qui peuplent et façonnent les montagnes. Ces derniers nous montrent la voie de la sobriété écologique ; à ce titre, les institutions conservationnistes les soutiennent toujours davantage. En France par exemple, dans les <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1153/">Cévennes</a>, en 2011, l’Unesco a classé au Patrimoine mondial de l’humanité des « paysages façonnés par l’agro-pastoralisme durant trois millénaires ». Et depuis, l’organisation plaide pour le « renouveau contemporain de l’agro-pastoralisme » et la « perpétuation des activités traditionnelles (des bergers et des agriculteurs) ». Voici donc une histoire européenne d’adaptation à l’environnement.</p>
<p>Mais il y aurait aussi des histoires de dégradation. Ici, nous sommes en Afrique. Du nord au sud du continent, bien des montagnes sont également protégées par les institutions internationales de la conservation. Protégées… des agriculteurs et des bergers. Dans les montagnes éthiopiennes du <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/9">Simien</a>, par exemple, « les activités agricoles et pastorales […] ont sévèrement affecté les valeurs naturelles du bien », nous dit l’Unesco. Selon ses experts, « les menaces pesant sur l’intégrité du parc sont l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols ». Et c’est sur leurs recommandations qu’en 2016, l’Éthiopie a accepté d’expulser les quelque <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/regard-sur-l-info/regard-sur-l-info-la-creation-d-une-nouvelle-forme-de-colonialisme-le-colonialisme-vert_4096379.html">2 500 cultivateurs</a> et bergers qui vivaient au cœur du parc national du Simien.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361926/original/file-20201006-18-1eu4kgd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avant : le village de Gich, Simien (2013).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Après : le plateau de Gich, après l’expulsion (2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le cas éthiopien n’est pas une exception. L’Afrique compte environ <a href="https://www.afrique-tourisme.com/parcs-nationaux-afrique/">350 parcs nationaux</a>. Au XX<sup>e</sup> siècle, plus d’un million de personnes en ont été expulsées pour faire place à l’animal, à la forêt ou à la savane. Ces <a href="https://www.researchgate.net/publication/42763474_Eviction_for_Conservation_A_Global_Overview">expulsions</a> sont toujours d’actualité. Pis, dans certains cas, les plus atroces, les éco-gardes financés par des ONG occidentales abattent les <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/tomwarren/wwf-world-wide-fund-nature-parks-torture-death">habitants coupables</a> d’avoir pénétré dans un parc pour y chasser du petit gibier, en temps de disette.</p>
<p>Aujourd’hui encore, dans les parcs africains, des millions d’agriculteurs et de bergers sont punis d’amendes voire de peine de prison pour avoir labouré leur terre, coupé des arbustes ou emmené leur troupeau pâturer en altitude. Voilà ce qu’est le colonialisme vert. Une entreprise globale qui consiste à naturaliser l’Afrique par la force, c’est-à-dire à la déshumaniser.</p>
<h2>« Ce que peut l’histoire »</h2>
<p>À cet égard, malheureusement, les archives ne mentent pas. À la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les colons qui prennent le chemin de l’Afrique laissent derrière eux une Europe en pleine transformation. Les paysages du Vieux Continent périssent sous les coups de l’urbanisation et de la révolution industrielle, et les Européens sont alors persuadés de retrouver en Afrique la nature qu’ils ont perdue chez eux. Ainsi naissent les premières réserves de chasse qui deviennent, dans les années 1930, des <a href="https://inpn.mnhn.fr/programme/espaces-proteges/presentation">parcs nationaux</a>. Et dans chacun d’entre eux, du parc Albert au Congo jusqu’au Kruger en Afrique du Sud, les colons expulsent les Africains ou au moins, les privent du droit à la terre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/362452/original/file-20201008-14-bmv8mh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le parc national de Simien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Blanc</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Puis vient l’indépendance. Mis au chômage forcé, de nombreux administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Ils sont recrutés par l’Unesco ou l’UICN et, ensemble, ils décident de mettre sur pied une banque dont la première fonction serait de lever des fonds pour « faire face à l’africanisation des parcs », écrit alors Ian Grimwood, un ancien de la Rhodésie et du Kenya. Cette banque voit le jour en 1961 sous le nom de World Wildlife Fund : le WWF.</p>
<p>Ses experts se déploient alors dans tous les parcs d’Afrique où désormais, ils doivent composer avec des chefs d’États indépendants. Pour ces derniers, les parcs et la reconnaissance internationale qui les accompagne sont un moyen efficace de dynamiser l’industrie touristique et, aussi, de planter le drapeau national dans des territoires que l’État peine à contrôler : dans les maquis, chez les nomades, en zones sécessionnistes. Ainsi se tisse l’alliance entre l’expert et le dirigeant. Mais pour l’habitant, l’histoire se répète : expulsion, criminalisation, violence.</p>
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<p>Aujourd’hui, le discours a changé. Depuis la fin des années 1980, les nouveaux « consultants » en patrimoine recommandent le « départ volontaire » des occupants des parcs, et la mise en place d’une « conservation communautaire ». Le discours est policé. Il ne peut cependant masquer la continuité des pratiques : tandis qu’en Europe les institutions internationales et leurs experts valorisent <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2007/02/22/les-tribus-victimes-de-l-ecologie">l’harmonie entre l’homme et la nature</a>, en Afrique ils réclament encore l’expulsion d’habitants qui seraient trop nombreux, et destructeurs.</p>
<p>Cette réalité est choquante. Pourtant, elle rythme le quotidien des millions d’agriculteurs et de bergers qui vivent dans et autour des parcs africains. Voici, en matière d’écologie, ce que peut l’histoire, pour reprendre la belle formule de <a href="https://www.college-de-france.fr/site/patrick-boucheron/inaugural-lecture-2015-12-17-18h00.htm">Patrick Boucheron</a>. L’histoire peut nous aider à voir ce que l’on préférerait ignorer : le fait que l’Unesco, le WWF ou encore l’UICN conduisent des politiques similaires à celles de l’époque coloniale.</p>
<h2>Une cécité de convenance</h2>
<p>Au moins trois raisons expliquent la méconnaissance de cette histoire, et l’agacement qu’elle suscite chez certains : il y a le mythe ; la science ; et enfin, notre vie quotidienne.</p>
<p>D’abord, le mythe. L’idée d’un continent exclusivement naturel est aussi absurde que celle selon laquelle l’homme africain ne serait pas rentré dans l’histoire. Seulement, trop de produits culturels continuent de nous faire croire à l’Éden africain : des romans comme <em>Les racines du ciel</em> de Romain Gary jusqu’à <em>Out of Africa</em> ; des magazines et des guides tels que le <em>National Geographic</em> ou le <em>Lonely Planet</em> ; ou encore des films comme le <em>Roi Lion</em>. Tous décrivent une Afrique chimérique : une planète verte, vierge, sauvage. Mais cette Afrique n’existe pas. L’Afrique est habitée, cultivée. Et ses parcs ne sont pas vides : ils ont été vidés.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Out of Africa</em>, Wolfgang Amadeus Mozart, concerto pour clarinette en la majeur, K. 622.</span></figcaption>
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<p>La puissance du mythe nous renvoie ensuite aux croyances scientifiques. Les forêts primaires sont une illustration criante du phénomène. En réalité, elles n’existent presque nulle part sur le continent, puisque les Africains façonnent les forêts comme les Européens. Seulement, des personnalités comme <a href="https://doi.org/10.1068/a40158">Al Gore</a> diffusent des chiffres totalement faux, selon lesquels la forêt primaire « africaine » aurait été détruite par ses occupants, siècle après siècle. Et ces chiffres sont pris pour argent comptant par les experts internationaux qui les diffusent, ensuite, dans les parcs africains. La plupart de ces experts ignorent tout des <a href="http://www.theses.fr/2001PA082012">réalités locales</a>. Il n’empêche. Partout, ils recommandent l’expulsion ou au moins la <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/05/08/au-c-ur-de-l-afrique-la-guerre-au-nom-de-la-nature_6039073_3212.html">criminalisation</a> d’agriculteurs et de bergers qui ne participent pas, eux, à la crise écologique.</p>
<p>C’est là, enfin, toute l’incohérence des politiques globales de la nature. Avec son livre <em>Une vérité qui dérange</em>, malgré le caractère fantasque de certains chiffres, l’ancien vice-président des États-Unis participe bel et bien à la lutte contre le changement climatique. Il est d’ailleurs l’un des rares « experts » à en décrire si finement les ravages sociaux. En revanche, Al Gore ne dit jamais rien des entreprises polluantes que sont, par exemple, Google et Apple. Car celui-ci finance la première et participe à l’administration de la seconde. Ceux qui protègent sont aussi ceux qui détruisent.</p>
<p>Ce paradoxe n’est pas le fruit d’un complot orchestré par des multinationales malveillantes et des États retords. Il est le résultat de « notre » mode de vie quotidien. Les habitants des parcs africains ne dégradent pas la nature. Ils consomment leur propre nourriture. Ils vont à pied. Ils n’ont ni électricité, ni <em>smartphone</em>. Et pourtant, ils sont les premières cibles des institutions internationales de la conservation. Pourquoi ? Pour nier l’évidence. S’en prendre à ceux qui vivent d’une agriculture de subsistance permet d’éviter de remettre en cause l’exploitation effrénée des ressources de la planète entière. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-01546412/">Préserver la nature</a> dans les parcs africains, c’est, en fait, s’exonérer des dégâts que cause partout ailleurs notre mode de vie consumériste et capitaliste. Voici la matrice du colonialisme vert. Et cette vérité dérange car l’accepter, ce serait reconnaître que, pour enfin amorcer le virage écologique, il faudrait s’en prendre non plus à la paysannerie (africaine), mais à nous-mêmes.</p>
<hr>
<p>Cet article résume le livre que l'auteur vient de consacrer à ce sujet : <a href="https://editions.flammarion.com/Catalogue/hors-collection/essais/linvention-du-colonialisme-vert"><em>L'invention du colonialisme vert. Pour en finir avec le mythe de l'Eden africain</em>, Paris, Flammarion, 2020</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Blanc a reçu des financements de l'ANR CE-27 PANSER. </span></em></p>Au nom d’une vision fantasmée d’une Afrique sauvage et paradisiaque, les organisations internationales qui orientent la gestion des parcs naturels africains vident ceux-ci de leurs habitants humains.Guillaume Blanc, Maître de conférences à l'université Rennes 2. Chercheur à Tempora et chercheur associé au Centre Alexandre Koyré et à LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences po Bordeaux), Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1473212020-10-06T18:56:22Z2020-10-06T18:56:22ZDébat : Des zoos, pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361638/original/file-20201005-22-k4uqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visiteurs et babouins de Guinée s’observant mutuellement au Parc zoologique de Paris. </span> <span class="attribution"><span class="source">F-G.Grandin/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Que Pierre Gay, ex-directeur du Bioparc de Doué-la-Fontaine, me pardonne de lui emprunter ainsi le titre du <a href="https://www.delachauxetniestle.com/livre/des-zoos-pour-quoi-faire-2">livre qu’il a publié il y a une quinzaine d’années</a>. Cette question résume très bien les nombreux débats qui refont surface depuis les annonces de la ministre de la Transition écologique <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/spectacles/cirque/les-animaux-sauvages-dans-les-cirques-itinerants-vont-progressivement-etre-interdits-en-france_4122101.html">d’interdire progressivement</a> les spectacles d’animaux sauvages itinérants ainsi que les delphinariums.</p>
<p>Mais pourquoi donc faudrait-il maintenir des lions, des singes et des éléphants en captivité dans les parcs zoologiques, alors qu’on refuse désormais de les voir en cage dans les cirques ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Le 29 septembre 2020, la ministre de l’Environnement Barbara Pompili annonce l’interdiction « progressive » des animaux sauvages dans les cirques itinérants (LeHuffPost/Youtube).</span></figcaption>
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<p>La communauté des parcs zoologiques est vaste puisqu’elle regroupe plus de 1200 établissements à travers le monde, dont près de 400 en Europe ; la France en <a href="http://www.afdpz.org/animation/zoos_france.html">compte à elle seule 94</a>, dont une dizaine de zoos publics.</p>
<p>La réponse des zoos face à ces polémiques tient en <a href="https://www.zoobeauval.com/protection-des-animaux/">quelques mots</a> : « Nous participons à la conservation de la biodiversité ! ».</p>
<p>En plus de divertir, ces lieux éduqueraient ainsi les visiteurs, leur offrant la possibilité de voir de très près des animaux sauvages, sans cela uniquement « visibles » grâce aux documentaires animaliers.</p>
<h2>Sensibiliser le public</h2>
<p>Depuis une trentaine d’années, de nombreux parcs zoologiques et aquariums européens et nord-américains considèrent comme une de leurs priorités la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.2151-6952.2007.tb00274.x">sensibilisation</a> de leurs visiteurs aux menaces qui pèsent sur la faune sauvage.</p>
<p>Ils auraient tort de ne pas le faire, étant donné le nombre considérable de personnes qui s’aventurent dans leurs allées chaque année. <a href="https://www.zooactu.com/coulisses/frequentation-zoos-classement-2019/">En 2019</a>, 1,6 million de personnes se sont pressées au ZooParc de Beauval et plus de 560 000 au Parc zoologique de Paris. Ces visiteurs viennent souvent en famille et présentent des profils socioprofessionnels <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/zoo.20186">extrêmement variés</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361632/original/file-20201005-20-1kit1rk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Atelier pédagogique au Parc zoologique de Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F-G.Grandin/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Pour ces visiteurs, voir, entendre et parfois sentir l’odeur d’un animal sauvage est assurément une expérience marquante, propice à éveiller des passions et à donner l’envie d’agir contre la disparition annoncée de l’espèce…</p>
<p>Cela encore davantage lorsque des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cura.12188">équipes pédagogiques</a> sont présentes et communiquent au public des <a href="https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante">chiffres alarmants</a> sur le statut de conservation de ces animaux.</p>
<h2>Maintenir des populations animales viables</h2>
<p>Les zoos travaillent aussi, collectivement (en un grand réseau international), à maintenir des populations saines d’animaux en captivité. Ils utilisent des <a href="https://www.species360.org/">outils démographiques complexes</a> en vue de choisir les individus qui pourront se reproduire, afin de réduire autant que possible la consanguinité des animaux captifs.</p>
<p>Il s’agit d’un défi considérable puisque le nombre d’individus fondateurs des populations captives d’animaux est souvent très faible – inférieur <a href="https://www.nature.com/articles/6800923.pdf">à 50 individus</a> – et qu’il est interdit depuis 1973, signature de la <a href="https://cites.org/fra/app/index.php">Convention</a> sur le commerce international de la faune et la flore sauvage menacées d’extinction, de capturer des animaux menacés dans la nature pour les placer dans les zoos.</p>
<p>Grâce aux efforts humains et financiers des zoos, des centaines d’animaux ont d’ores et déjà pu être réintroduits au sein d’aires protégées dans leur milieu naturel : cheval de Przewalski en Mongolie, singe tamarin-lion doré au Brésil, oryx algazelle au Tchad ou encore <a href="http://rapaces.lpo.fr/sites/default/files/gypa-te-barbu/3044/le-r-seau-eep-vautour-moine-programme-levage-et-de-recherche-pour-soutenir-les-projets-de-r.pdf">vautour moine en Lozère</a>.</p>
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<span class="caption">Chevaux de Przewalski à la Réserve zoologique de la Haute-Touche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F-G.Grandin/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Le succès de ces quelques programmes de renforcement des populations sauvages n’a été possible qu’après de longues périodes de réacclimatation à la vie sauvage de ces animaux nés en captivité (parfois sur plusieurs générations), avec pour <a href="https://portals.iucn.org/library/node/44952">prérequis</a> que les menaces pesant sur leur espèce soient circonscrites dans les aires de relâcher.</p>
<p>Les zoos agissent également en finançant des programmes de conservation en milieu naturel, reversant une bonne partie de leur chiffre d’affaires à des associations qui s’évertuent à circonscrire les menaces qui pèsent sur les animaux dans leur environnement, comme en témoignent les <a href="https://www.eaza.net/assets/Uploads/Conservation-snapshots/FINAL-Conservation-Database-2019-SC.png">22,6 millions</a> d’euros reversés à des associations environnementales par les membres de l’Association européenne des zoos et aquariums en 2019.</p>
<h2>Favoriser la recherche</h2>
<p>Enfin, les parcs zoologiques ouvrent leurs portes à des scientifiques désireux de mieux connaître la biologie, ainsi que les capacités cognitives des animaux ; c’est par exemple le cas au <a href="http://wkprc.eva.mpg.de/english/index.htm">zoo de Leipzig</a>.</p>
<p>Des projets de recherche se développent chaque jour sur la faune captive, comme en témoignent les nombreuses publications scientifiques qui impliquent des personnels de parcs zoologiques (plus de <a href="https://www.jzar.org/jzar/article/view/486">3345 publications</a> impliquant des zoos européens entre 1998 et 2018).</p>
<p>Des données précieuses sur les besoins nutritionnels, la reproduction ou encore les comportements sociaux sont ainsi obtenues au sein des parcs zoologiques, et s’avèrent bien utiles aux gestionnaires des <a href="https://www.pnas.org/content/116/19/9658">parcs nationaux et réserves naturelles</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361640/original/file-20201005-16-y6aovj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un singe tamarin-lion doré et son petit né en 2020 à la Ménagerie, le zoo du Jardin des plantes à Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E.Baril/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>Garantir le bien-être des animaux</h2>
<p>Les parcs zoologiques ont donc quatre missions : <a href="http://www.afdpz.org/index.php?option=com_content&view=article&id=49&Itemid=69">divertissement, éducation, conservation, et recherche</a>. Or, celles-ci ne sont légitimes qu’à condition de garantir le bien-être des animaux.</p>
<p>Mais que penser de tous ces grands prédateurs – loups, ours, tigres – encore présents dans la majorité des zoos, et qui font les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=YuZFzTpcbfY">cent pas dans leurs enclos</a>, empruntant inlassablement le même parcours dans un espace bien trop réduit pour eux qui, en milieu naturel, parcourraient des dizaines de kilomètres par jour ?</p>
<p>Comment ces zoos peuvent-ils éthiquement accepter de maintenir en captivité – et de présenter au public – des animaux pour lesquels une dégradation de la qualité de vie est <a href="https://psycnet.apa.org/record/2004-12137-006">avérée par des indicateurs objectifs</a> ?</p>
<p>Comme en atteste la place grandissante qu’occupe le bien-être animal dans les activités de <a href="https://www.eaza.net/about-us/areas-of-activity/animal-welfare/">l’Association européenne des zoos et aquariums</a>, la qualité de vie des animaux présents dans les parcs zoologiques est devenue un enjeu central.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361647/original/file-20201005-24-1anv3at.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le nouvel enclos de la Réserve zoologique de la Haute-Touche héberge, sur plus de 4 hectares, différentes espèces originaires d’Asie : markhors et takins de Mishmi, mais aussi pandas roux, muntjacs de Reeves, grues à cou blanc et cerfs du père David.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F-G. Grandin/MNHN</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>De nombreux protocoles d’évaluation systématique de la <a href="https://www.springer.com/gp/book/9783642359545">bientraitance</a> voient le jour dans les zoos, se basant sur un suivi de la physiologie, de la santé et des comportements des animaux, en lien avec les conditions dans lesquelles ils vivent.</p>
<h2>Améliorer la relation avec les humains</h2>
<p>Dans ce contexte, les zoos veillent également à améliorer la relation entre les humains et les animaux captifs.</p>
<p>Ils utilisent de plus en plus souvent le renforcement positif consistant à récompenser un animal dès qu’il exécute une action voulue dans le but d’obtenir sa coopération lors des soins, et ainsi d’éviter des anesthésies extrêmement stressantes. Cette méthode, appelée « entraînement médical », vise à instaurer des interactions non conflictuelles entre animaux et vétérinaires ou soigneurs.</p>
<p>À la Ménagerie, le zoo du Jardin des plantes à Paris, j’ai eu l’opportunité de coordonner un projet de recherche qui a montré que les orangs-outans comprennent extrêmement bien les <a href="https://www.mdpi.com/2076-2615/9/6/300">gestes de leurs soigneurs</a>, ce qui leur permet de répondre à des sollicitations complexes telles qu’« ouvrir la bouche », « présenter son ventre pour une échographie » ou même « uriner sur un test de grossesse ».</p>
<p>Quelques zoos cherchent également à mieux comprendre comment les animaux captifs sont affectés par la présence de visiteurs humains, souvent bien <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/zoo.21366">trop bruyants</a>. Je vous laisse, par exemple, imaginer les réactions vocales d’une classe d’enfants rencontrant, au cours d’une visite scolaire au zoo, un jeune orang-outan <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2012-3-page-625.htm">amateur de galipettes</a>…</p>
<p>Aujourd’hui, il est crucial pour la communauté des zoos d’offrir les meilleures conditions de captivité possible aux animaux. <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/parc-zoologique-de-paris-zoo-de-vincennes/6-une-nouvelle-espece-de-zoo/">Certains</a> font ainsi le choix de présenter moins d’animaux, de ne conserver que ceux qui sont les plus menacés en milieu naturel et de sélectionner les espèces qui s’adaptent le mieux à la vie en captivité… Quitte à offrir aux animaux des possibilités d’échapper au regard du public, en se dissimulant s’ils en ressentent le besoin.</p>
<p>Ne soyez donc pas étonné·es de ne pas voir de tigres de Sibérie ou d’éléphants d’Afrique lors de votre prochaine visite au zoo. Ils ne sont probablement plus là du tout… ou bien ils sont cachés !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147321/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey Maille travaille pour le Muséum national d’histoire naturelle, institution publique en charge de trois parcs zoologiques sous tutelle du ministère de la Transition écologique : la Ménagerie (le zoo du Jardin des plantes), le Parc zoologique de Paris et la Réserve zoologique de la Haute-Touche. </span></em></p>Comment les parcs zoologiques justifient-ils le fait de maintenir des animaux sauvages en captivité en ce début de XXIe siècle ?Audrey Maille, Maîtresse de conférences, éthologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1461352020-09-21T19:15:46Z2020-09-21T19:15:46ZSuivre le patrimoine à la trace pour mieux comprendre l’histoire des objets<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/358917/original/file-20200920-14-um73ll.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2162%2C1450&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Minutes notariales médiévales conservées aux Archives départementales du Vaucluse (photo 2016)</span> <span class="attribution"><span class="source">Pauline Lemaigre-Gaffier</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les sciences du patrimoine travaillent à dénaturaliser les objets patrimoniaux. Loin de s’enfermer dans une sage fascination pour ces objets, dont la légitimité est liée à leur dépôt dans de prestigieuses institutions de conservation, elles s’attachent à rendre raison de leur biographie, de leur fabrication, de leurs différents usages, statuts et modes de valorisation – patrimoniale, muséale, marchande.</p>
<p>Elles articulent des savoirs, des méthodes et des instruments issus d’un large spectre de disciplines – des sciences humaines aux sciences de la nature en passant par les sciences de la matière pour mettre en évidence le caractère construit de ces objets – qu’ils soient des archives, des œuvres d’art, des pièces d’un patrimoine ethnographique ou naturel. Elles rendent ainsi sensible leur caractère ancien mais aussi leur historicité. Le travail des différents spécialistes consiste donc à suivre le patrimoine à la trace, titre de la <a href="https://www.dim-map.fr/journee-thematique-tapho-2/">journée d’étude</a> organisée par les autrices de cet article le 29 mars 2019, dans le cadre du <a href="https://www.dim-map.fr/">« DIM Matériaux anciens et patrimoniaux »</a>.</p>
<h2>Biographie des objets</h2>
<p>L’idée de <a href="https://journals.openedition.org/imagesrevues/5925?lang=fr">biographie des objets</a> apparaît en 1986 sous la plume <a href="https://www.arjunappadurai.org/">d’Arjun Appadurai</a> dans l’introduction d’un ouvrage collectif qui a fait date – <a href="https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1989_num_44_5_283647_t1_1149_0000_001"><em>The Social life of Things</em></a>.</p>
<p>Dans le même volume, <a href="http://web-facstaff.sas.upenn.edu/%7Ecavitch/pdf-library/Kopytoff_CulturalBiography.pdf">Igor Kopytoff</a> en donne une définition particulièrement frappante. Il met en équivalence biographie des objets et biographie des personnes pour attirer l’attention sur les processus de valorisation qui jalonnent l’existence des premiers comme celle des secondes.</p>
<p>Il y propose notamment l’exemple d’un tableau d’Auguste Renoir qui pourrait finir tragiquement dans un incinérateur, disparaître dans une collection privée ou une réserve de musée inaccessible, ou encore, quitter la France pour les USA ou le Nigéria. Chacune de ces destinées aurait de multiples conséquences en même temps qu’elles provoqueraient de vives réactions – révélatrices de l’enchevêtrement des enjeux politiques, esthétiques et historiques dans les jugements de valeur déterminant notre rapport à l’art.</p>
<p>Dans une perspective plus générale, <a href="https://www.college-de-france.fr/site/benedicte-savoy/">Bénédicte Savoy</a>, titulaire depuis 2017 de la Chaire d’histoire culturelle des patrimoines artistiques en Europe au Collège de France, revendique une autre histoire de l’Europe à travers l’analyse de la constitution et des circulations de son patrimoine artistique. Elle envisage « la question des musées, des collections, de la <em>cultural property</em> […] comme un fait anthropologique et politique majeur de notre époque et un défi pour l’avenir ».</p>
<h2>La part d’ombre des objets</h2>
<p>Face cet « héritage qui nous écrase » (Paul Valéry), elle appelle chercheurs et citoyens à s’intéresser autant à la <a href="https://www.college-de-france.fr/site/benedicte-savoy/inaugural-lecture-2017-03-30-18h00.htm">face « nocturne » du patrimoine</a> qu’à sa face « diurne ». Dévoiler cette part d’ombre implique en particulier de rattacher les objets déposés dans nos musées « à l’histoire de leur venue chez nous ». Son objectif est dès lors de promouvoir au présent des formes de partage de ces objets entre leurs espaces successifs d’appropriation et d’usage : son travail d’historienne nourrit la réflexion politique et juridique qu’elle mène depuis plusieurs années et qui a récemment abouti sur des <a href="https://bj.ambafrance.org/Telecharger-l-integralite-du-Rapport-Sarr-Savoy-sur-la-restitution-du">propositions concrètes autour de la restitution du « patrimoine africain »</a>.</p>
<p>Ces recherches centrées sur le parcours des objets patrimoniaux permettent de prendre conscience de la portée structurante dans notre imaginaire culturel et politique des notions de « musée » et de « patrimoine ».</p>
<p>Reconstituer l’origine, le parcours et les usages des objets patrimoniaux pose la question des modalités de collaboration entre spécialistes des sciences du patrimoine, tant l’éventail de disciplines convoquées est large. Cependant, on retrouve dans les discours et les pratiques des historiens de l’art, des archéologues, des physiciens, des chimistes, des paléontologues qui travaillent sur ces objets la notion commune de trace. Comme l’écrit <a href="https://laviedesidees.fr/Tim-Ingold-ou-l-art-de-l.html">Tim Ingold</a> dans <a href="http://www.zones-sensibles.org/livres/tim-ingold-une-breve-histoire-des-lignes/"><em>Une brève histoire des lignes</em></a>, la trace est d’abord « une marque durable laissée dans ou sur une surface solide par un mouvement continu ». Point d’entrée matériel dans le passé, les traces peuvent donc être comprises comme des <a href="https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001397/document">« empreintes » laissées sur les objets</a> voire par les objets eux-mêmes. Souvent additive – la peinture sur une toile, un graffiti –, la trace peut aussi être soustractive – la matière ôtée par grattage, incision, gravure. Ainsi, c’est la <a href="https://journals.openedition.org/trivium/4171">présence ou l’absence de quelque chose</a> qui atteste de propriétés de l’objet examiné.</p>
<h2>Traces matérielles</h2>
<p>Les traces matérielles, dont les objets sont porteurs et/ou révélateurs, orientent l’examen et l’analyse, dans les différentes étapes des processus d’authentification ou d’attribution des objets – œuvres d’art, vestige archéologique, fossile ou document d’archive. Elles ont vocation à être identifiées, caractérisées puis inscrites dans un ensemble de données disponibles et actualisables. Interprétées par les spécialistes comme des indices, la combinaison de ces derniers permet de dresser la biographie sociale, culturelle et politique des objets.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yR9GEU11um0">examiner au plus près les signatures inscrites dans les tableaux</a> du XVIII<sup>e</sup> siècle, comme l’a récemment entrepris Charlotte Guichard, ne permet pas seulement d’authentifier ces œuvres – au sens où il s’agirait de les attribuer avec le plus de certitude possible à tel ou tel peintre. Réfléchir à des formes d’inscription dans la matière contribue à expliquer comment et dans quelle intention celle-ci a été travaillée.</p>
<p>Dans cette perspective, la signature ne revêt pas une signification univoque, extérieure au tableau. La « griffe du peintre » est appréhendée dans son contexte, restituée par exemple comme marque d’atelier et plus seulement comme empreinte individuelle du génie créateur. Les archéologues et anthropologues attentifs aux gestes disparus peuvent aussi utiliser les vestiges pour en <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-lhistoire/une-prehistoire-si-moderne-si-universelle-24-lethnologie-prehistorique-selon-andre-leroi-gourhan">inférer des usages et des techniques de production</a>.</p>
<p>Ils ne s’attachent pas seulement à reconstituer des objets, à les dater et à les classer. S’appuyant sur une pratique expérimentale, que la <a href="https://www.dailymotion.com/video/x2qxw8t">physico-chimie</a> peut nourrir, ils reconstituent le parcours propre de ces outils qu’ils considèrent comme de véritables témoins d’une vie sociale passée.</p>
<p>Cependant, les traces matérielles dont l’objet est porteur ne se donnent pas toujours à voir comme telles. Elles peuvent résulter d’un processus d’élaboration par les différents spécialistes qui examinent et analysent les objets. À ce titre, l’utilisation croissante d’équipements scientifiques pour caractériser les matériaux anciens réinterroge l’identification et le choix des caractéristiques matérielles qui peuvent être traitées comme des traces.</p>
<p>Dans le cas du <a href="http://www.cnrs.fr/fr/fin-du-mystere-de-lamulette-son-alteration-cachait-le-secret-de-sa-fabrication">rayonnement synchrotron</a> par exemple, la précision des techniques et le caractère massif des données obtenues posent la question de l’identification de la trace ou des traces sur le matériau examiné, dont l’analyse permettra de développer des connaissances pertinentes.</p>
<p>L’appropriation des traces se poursuit par leur collecte et leur réunion au sein de collections dont la constitution n’est pas sans effets sur les objets eux-mêmes comme sur l’institution qui les conserve. Dans la longue durée, musées et institutions patrimoniales ont ainsi construit leur identité tout en légitimant la constitution de nouvelles disciplines comme l’histoire de l’art ou l’<a href="https://archeologie.culture.fr/sources-archeologie/en">archéologie</a>.</p>
<p>Nous ne pouvons donner ici qu’un bref aperçu des travaux des sciences du patrimoine, mais, nous voudrions, pour conclure, insister sur l’importance et le caractère heuristique de la notion de trace. Qu’elles soient considérées comme mineures, accidentelles, éphémères, les traces font l’objet de pratiques d’examen, de qualification, de mise en mémoire et de traitement qui permettent d’explorer les ressorts, finalement peu visibles, des processus de patrimonialisation. Elles mettent également en lumière le renouvellement de pratiques d’archivage et de mémoire, jusqu’aux plus récentes, avec la création <a href="https://www.icom-musees.fr/sites/default/files/2018-09/Vol57n3%2C2004.pdf">d’espaces de mémoire et d’exposition virtuels</a>, redoublant partiellement et monumentalisant les espaces usuels.</p>
<hr>
<p><em>La Région Île-de-France finance des projets de recherche relevant de Domaines d’intérêt majeur et s’engage à travers le dispositif Paris Région Phd pour le développement du doctorat et de la formation par la recherche en cofinançant 100 contrats doctoraux d’ici 2022. Pour en savoir plus, visitez <a href="https://www.iledefrance.fr/des-aides-la-recherche-pour-13-domaines-dinteret-majeur">iledefrance.fr/education-recherche</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les sciences du patrimoine s’attachent à la biographie, la fabrication, les usages, statuts et modes de valorisation des objets patrimoniaux.Cynthia Colmellere, Maître de conférences en sociologie, CentraleSupélec – Université Paris-SaclayPauline Lemaigre-Gaffier, Maîtresse de conférences en histoire moderne, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1329142020-03-15T08:42:13Z2020-03-15T08:42:13ZPodcast : Pourquoi le yaourt nous fait du bien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/318343/original/file-20200303-66069-1rydews.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=260%2C0%2C8232%2C5592&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans un gramme de yaourt, on dénombre quelque 10&nbsp;millions de probiotiques, ces micro-organismes qui vont coloniser notre intestin.</span> <span class="attribution"><span class="source">Puhhha / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le yaourt est un aliment bon pour la santé parce qu’il est riche en probiotiques, ces micro-organismes essentiels au bon fonctionnement de notre intestin. Un déséquilibre de notre microbiote intestinal, constitué d’un bon millier d’espèces différentes, peut en effet mener à des problèmes d’allergies ou de diabète, voire à des maladies en apparence très éloignées de notre système alimentaire, comme la dépression ou la schizophrénie. Associés aux prébiotiques, les fibres qui vont nourrir les bactéries de notre intestin, ces probiotiques favorisent ainsi une bonne santé intestinale, et donc une bonne santé générale.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/6lrIsktRhB94VfaPTJrqmE"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-pourquoi-le-yaourt-nous-fait-du-bien/id1516230224?i=1000476394975"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>_La preuve par 3 : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Christophe Lavelle, biophysicien et épigénéticien, chercheur au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle, revient sur la place importante de la fermentation dans notre alimentation (objet de ce premier épisode), les modifications biochimiques qu’elle entraine dans les aliments, ainsi que ses bénéfices (réels ou supposés) pour la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Lavelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le lait frais fermenté va enrichir le microbiote intestinal, améliorant ainsi nos capacités digestives, immunitaires et même neurologiques.Christophe Lavelle, Chercheur en biophysique moléculaire, épigénétique et alimentation, CNRS UMR 7196, Inserm U1154, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.