tag:theconversation.com,2011:/us/topics/cout-49465/articlescoût – The Conversation2023-08-30T16:30:24Ztag:theconversation.com,2011:article/2119582023-08-30T16:30:24Z2023-08-30T16:30:24ZAutomobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?<p>En avril 2023, La Commission européenne a adopté un <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/transport-emissions/road-transport-reducing-co2-emissions-vehicles/co2-emission-performance-standards-cars-and-vans_fr">règlement</a> interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO<sub>2</sub>. En réponse, le gouvernement français encourage l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a> en offrant des subventions à l’achat et en conservant des taxes sur l’électricité moins élevées que celles équivalentes sur l’essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l’accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.</p>
<p>L’ampleur de la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition</a> à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/recherche?text=nouveau+v%C3%A9hicules+automobiles">1,5 million de véhicules neufs vendus</a>. Pour l’ensemble de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint <a href="https://www.oica.net/category/sales-statistics/">11,2 millions</a> soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.</p>
<p>En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l’UE pour atteindre la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180305STO99003/reduction-des-emissions-de-co2-objectifs-et-actions-de-l-union-europeenne">neutralité carbone</a>.</p>
<p><iframe id="1GSlQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1GSlQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le taux d’évolution des émissions de CO<sub>2</sub> diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO<sub>2</sub>/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO<sub>2</sub>/km en 2050, avec peu d’automobiles thermiques encore en circulation.</p>
<p><iframe id="L4p2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L4p2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’ici la fin de l’année 2034, du point de vue de l’économiste, c’est le <a href="https://theconversation.com/topics/cout-49465">coût</a> relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d’opter pour l’un ou l’autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d’utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd’hui encore assez peu <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitifs</a>.</p>
<h2>L’électrique peu attrayant en zone non urbaine</h2>
<p>Le coût d’acquisition intègre ce que l’on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d’immatriculation. On le rapportera au nombre d’années d’utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacun des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO<sub>2</sub> ; pour un électrique, le coût d’achat et l’installation d’un chargeur à domicile.</p>
<p>Les coûts d’exploitation comprennent, eux, ceux de l’énergie (essence, diesel ou électricité), de l’entretien et l’assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d’abonnement à un chargeur hors domicile.</p>
<p>Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la <a href="https://www.transportpolicy.net/standard/international-light-duty-worldwide-harmonized-light-vehicles-test-procedure-wltp/">méthodologie</a> utilisée par l’UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.</p>
<p>En moyenne, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d’une voiture thermique. Son coût d’exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu’en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s’il effectue plus de 9 000 km par an.</p>
<p><iframe id="CmFmY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CmFmY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.</p>
<p><iframe id="wFnce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wFnce/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l’utilisation combinée que pour l’urbaine, c’est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d’arrêts et de départs, les récupérations d’énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s’y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.</p>
<h2>Le consommateur en manque d’alternatives</h2>
<p>Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lesquels la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO<sub>2</sub>. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère car elle est équipée d’une batterie de grande capacité, donc coûteuse.</p>
<p>La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d’accélération, d’autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d’achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d’immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO<sub>2</sub> ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d’évoluer au fil du temps.</p>
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<p>Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l’industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d’employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d’entretien des voitures et assurer l’approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d’approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.</p>
<p>La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d’alternatives moins chères jusqu’à ce qu’un marché des véhicules d’occasion se développe suffisamment.</p>
<h2>Les retrofits comme solutions ?</h2>
<p>Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d’ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO<sub>2</sub> (et d’autres polluants) pendant de nombreuses années après l’échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d’occasion) se déplacent de l’Europe vers des régions qui ne disposent pas d’une législation environnementale similaire.</p>
<p>Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».</p>
<p>Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c’est moins que le prix d’une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d’accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d’offrir un plus grand choix aux consommateurs, d’accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d’exportation des thermiques usagés hors Europe. C’est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.</p>
<h2>Une réussite environnementale ?</h2>
<p>La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO<sub>2</sub> des véhicules particuliers qu’à condition que l’électricité soit produite à partir de sources d’énergie propres. En Europe, les <a href="https://app.electricitymaps.com/map">émissions varient considérablement d’un pays à l’autre</a>, de 28 g/CO<sub>2</sub>/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO<sub>2</sub>/kWh en France, à 469 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Allemagne et jusqu’à 826 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Pologne.</p>
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<p>En France, en raison de l’usage du nucléaire et d’autres sources d’énergie sans carbone les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l’achat, la taxe sur l’électricité inférieure à celle de l’essence ou du gazole et les émissions de CO<sub>2</sub> plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d’émissions de CO<sub>2</sub> gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2019-rapport-la-valeur-de-laction-pour-le-climat_0.pdf">rapport Quinet</a>. Il ne tient de plus pas compte de l’évolution des polluants autres que le CO<sub>2</sub> produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.</p>
<p>En Pologne en revanche, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d’un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif.André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris UniversitéRobin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British ColumbiaYannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029332023-07-13T16:03:27Z2023-07-13T16:03:27ZInsécurité alimentaire : au-delà du prix des aliments, il faut s’attaquer aux obstacles systémiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520632/original/file-20230412-18-1auiz5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C1905%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une baisse des prix des denrées alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d'accès économique à la nourriture, mais ne s'attaquera pas aux causes profondes de l'insécurité alimentaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>L’augmentation des prix des aliments et la stagnation des revenus ont été identifiées comme des <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/consommation-durable-pour-tous">obstacles majeurs à la sécurité alimentaire</a>. Environ une <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">famille sur six, soit 15,9 % des foyers, au Canada souffre d’insécurité alimentaire</a>.</p>
<p>Les barrières économiques, comme les prix des aliments, ne sont pas les seuls obstacles à la sécurité alimentaire. Notre étude, publiée par le <a href="https://foodsecurecanada.org/fr/ressources-et-nouvelles/nouvelles-et-medias/rapport-de-recherche-une-consommation-durable-pour-tous">Réseau pour une alimentation durable</a>, montre que les barrières systémiques telles que le colonialisme, le racisme et d’autres systèmes d’injustice sont parmi les causes profondes de l’insécurité alimentaire au Canada.</p>
<p>Selon l’<a href="https://www.fao.org/3/y7352e/y7352e00.htm">Organisation pour l’alimentation et l’agriculture</a> des Nations unies, la sécurité alimentaire repose sur l’accès économique, physique et social à la nourriture.</p>
<p>L’accès <em>économique</em> implique des facteurs tels que le revenu, la pauvreté et l’accessibilité à la nourriture. L’accès <em>physique</em> est lié aux infrastructures et aux équipements tels que les routes et les transports. L’accès <em>social</em> consiste à s’assurer que les personnes ont accès à toutes les ressources nécessaires au sein de la société pour obtenir des aliments nutritifs et culturellement appropriés. L’insécurité alimentaire survient lorsque l’une de ses composantes est compromise.</p>
<h2>La sécurité alimentaire et ses obstacles interconnectés</h2>
<p>Nos travaux de recherche sur l’insécurité alimentaire révèlent trois obstacles majeurs qui entravent l’accès aux aliments :</p>
<ul>
<li><p>L’accessibilité financière ;</p></li>
<li><p>Les politiques qui perpétuent la disparité salariale et de richesse ; et</p></li>
<li><p>Les formes systémiques de discrimination telles que le colonialisme et le racisme.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats démontrent que les personnes vivant avec un faible revenu nécessitent des solutions durables qui répondent de manière globale à toutes les formes d’accès à l’alimentation.</p>
<p>Notre étude a identifié la question de l’abordabilité comme le principal obstacle à l’accès à l’alimentation. L’<a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230221/dq230221a-fra.htm">Indice des prix à la consommation</a> montre que les prix des aliments ont augmenté de 10,4 % en 2022. De même, le <a href="https://cdn.dal.ca/content/dam/dalhousie/pdf/sites/agri-food/30083%20Food%20Price%20Report%20FR%20-%20Digital.pdf">Rapport annuel sur les prix alimentaires au Canada en 2023</a> indique que les prix des aliments se retrouvent au cœur des préoccupations des Canadiens et des Canadiennes, et a pour effet d’accroître la pression sur la sécurité alimentaire des ménages.</p>
<p>L’inégalité des revenus au Canada a augmenté au cours des <a href="https://www.conferenceboard.ca/hcp/caninequality-aspx/#:%7E:text=Key%20Messages-,Income%20inequality%20in%20Canada%20has%20increased%20over%20the%20past%2020,income%20Canadians%20also%20lost%20share">20 dernières années</a>. La <a href="https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/services/prestations/faire-demande-pcu-aupres-arc.html">Prestation canadienne d’urgence</a> (PCU) est une politique visant à réduire les effets de la perturbation de l’emploi pendant la pandémie. Pour de nombreuses personnes qui <a href="https://hungercount.foodbankscanada.ca/assets/docs/FoodBanks_HungerCount_FR_2021.pdf">participent au mouvement d’activisme alimentaire</a>, la PCU est un exemple de mesure de revenu de base pouvant remédier à l’inégalité des revenus. Cependant, les <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">statistiques récentes</a> montrent qu’elle n’a pas amélioré la sécurité alimentaire pour ceux et celles qui en bénéficient.</p>
<p>Cela suggère que les politiques futures doivent mieux aborder les disparités de revenus. Les politiques doivent également aborder la raison pour laquelle certains groupes – comme les Autochtones, la nouvelle population immigrante et les personnes en situation de handicap – font systématiquement <a href="https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/programmes/reduction-pauvrete/document-information.html">partie des personnes vivant avec de faibles revenus</a>, par rapport à d’autres groupes.</p>
<h2>Discrimination, racisme et colonialisme</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Première nation autochtone canadienne Wet’suwet’en pêchant le saumon près de la chute d’eau du canyon de Moricetown, en Colombie-Britannique" src="https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514287/original/file-20230308-26-j0wigj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les communautés autochtones ont du mal à maintenir des pratiques telles que la chasse et la pêche, nécessaires à l’obtention d’une nourriture culturellement appropriée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Divers systèmes de discrimination, tels que le racisme et le colonialisme, ont en outre un impact sur l’accès à la nourriture. <a href="https://proof.utoronto.ca/resource/household-food-insecurity-in-canada-2021/">Les groupes les plus touchés par l’insécurité alimentaire</a> au Canada sont les personnes autochtones (30,7 %), arabes et asiatiques occidentales (27,6 %) et noires (22,4 %). Notre étude souligne également que le racisme et le colonialisme ont un effet marqué sur la relation que les personnes <a href="https://www.ledevoir.com/societe/618969/des-mots-pour-mieux-dire-l-alliance-des-non-blancs">BIPOC</a> entretiennent avec la nourriture. Une personne ayant participé à l’étude a déclaré ce qui suit : </p>
<blockquote>
<p>Le colonialisme a un impact permanent sur la façon dont on perçoit la nourriture, les portions et nos relations avec la nourriture. Cet impact doit être remis en question afin qu’on puisse évoluer vers une consommation durable.</p>
</blockquote>
<p><a href="https://foodsecurecanada.org/fr/alimentation-pensionnat-autochtone">Le colonialisme historique et permanent</a> a séparé les peuples autochtones de leurs terres et de leurs systèmes alimentaires. Cela a créé des obstacles majeurs à l’accès aux aliments qui font partie intégrante de la santé et du bien-être des communautés autochtones. Ces communautés ont également des difficultés à maintenir des pratiques telles que la chasse et la pêche, nécessaires à l’obtention d’aliments culturellement appropriés. </p>
<p>Notre étude a également révélé que les initiatives communautaires menées par les personnes noires, de couleur et autochtones se heurtent à des obstacles dans l’obtention de subventions et de financements en raison des structures et processus eurocentriques inclus dans les procédures de demande et d’établissement de rapports. Cela limite le nombre de programmes spécifiques à la culture ou au patrimoine que les organisations peuvent offrir à leurs communautés.</p>
<h2>Une feuille de route vers la sécurité alimentaire pour tous</h2>
<p>Une baisse des prix des produits alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d’accès économique à la nourriture, mais ne s’attaquera pas aux causes profondes de l’insécurité alimentaire. Il est essentiel de s’attaquer aux obstacles systémiques pour garantir l’accès économique, physique et social à la nourriture pour tous, à tout moment. Ces trois types d’accès à la nourriture sont interconnectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un homme choisit de la nourriture dans un supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514289/original/file-20230308-24-tblgx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il est essentiel de s’attaquer aux obstacles systémiques pour garantir l’accès économique, physique et social à l’alimentation pour tous, à tout moment.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les personnes qui ont participé à notre étude ont souligné certaines initiatives qui représentent un pas dans la bonne direction. Par exemple, en 2021, la ville de Toronto a approuvé le <a href="https://www.bfstoronto.ca/bfs-plan"><em>Toronto Black Food Sovereignty Plan</em></a> (Plan de souveraineté alimentaire pour les personnes noires de Toronto). Il s’agit d’un programme quinquennal dirigé par la communauté et axé sur la recherche et la création de solutions à long terme à l’insécurité alimentaire des personnes noires de Toronto.</p>
<p>L’une des personnes interrogées en a décrit l’importance :</p>
<blockquote>
<p>Le plan vise à défendre le droit des personnes d’ascendance africaine à une alimentation saine et culturellement appropriée, produite par des méthodes écologiquement saines et durables, ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles et à construire leurs propres institutions pour faire progresser la capacité et la résilience des communautés en matière d’accès à l’alimentation.</p>
</blockquote>
<p>Il ne suffit pas d’identifier les obstacles systémiques à la sécurité alimentaire pour que les choses changent. Pour trouver des solutions à long terme, il faudra que les personnes élues et à la tête du secteur procèdent à des changements institutionnels majeurs. Comme le propose le <a href="https://www.fao.org/publications/sofi/2021/fr/">rapport de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture</a> des Nations unies (FAO), la lutte contre l’insécurité alimentaire passe par l’inclusion et la prise en compte des inégalités structurelles.</p>
<p>Notre étude affirme que toute solution doit être élaborée de manière démocratique, juste et inclusive. Ces approches devraient prendre en compte les connaissances traditionnelles autochtones et s’attaquer au racisme, au colonialisme et à d’autres systèmes de discrimination. Pour atteindre la sécurité alimentaire, les Canadiens et les Canadiennes doivent se concentrer sur les causes sous-jacentes de l’insécurité alimentaire et pas seulement sur les économies réalisées à la caisse de l’épicerie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202933/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nous remercions tout particulièrement Juliette Clochard du Réseau pour une alimentation durable pour la traduction de l'article original en français. Pour le rapport « Une consommation durable pour tous: Retour sur l'accessibilité des aliments produits durablement au Canada dans le contexte de la COVID-19 », le Réseau pour une alimentation durable a reçu du financement en vertu du Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nous remercions tout particulièrement Juliette Clochard du Réseau pour une alimentation durable pour la traduction de l'article original en français. Pour le rapport « Une consommation durable pour tous: Retour sur l'accessibilité des aliments produits durablement au Canada dans le contexte de la COVID-19 », le Réseau pour une alimentation durable a reçu du financement en vertu du Programme de contributions pour les organisations sans but lucratif de consommateurs et de bénévoles d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada.</span></em></p>Une baisse des prix des produits alimentaires pourrait immédiatement remédier au manque d’accès économique à la nourriture, mais ne s’attaquera pas aux causes profondes de l’insécurité alimentaire.Farzaneh Barak, Research scientist, School of Human Nutrition, McGill UniversityMonika Korzun, McCain Foundation Postdoctoral Fellow at Faculty of Agriculture, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2064232023-05-30T16:11:42Z2023-05-30T16:11:42ZLes politiques publiques doivent-elles sauver des vies ou des années de vie en plus ?<p>Les dépenses publiques pour réduire la mortalité doivent-elles tenir compte de l’âge ? Par exemple, à la suite d’une intense vague de chaleur ou d’une violente épidémie, convient-il d’éviter d’abord le décès d’enfants, d’adultes ou de vieilles personnes ? Dit autrement, pour un budget donné doit-on chercher à sauver le plus grand nombre de vies possibles, sans opérer de distinction d’âge parmi elles, ou sauver le plus grand nombre d’années de vie possibles en privilégiant la population qui bénéficie d’une espérance de vie plus longue car plus jeune ?</p>
<p>La question est vivement débattue chez les économistes. Elle y prend la forme d’un choix de l’emploi de la valeur d’une vie humaine uniforme ou de la valeur d’une année de vie humaine, deux notions qui peuvent être mises en regard des dépenses publiques pour évaluer leur pertinence et les comparer. Nous préconisons de compter selon les années de vie gagnées – donc selon l’âge – lorsque les aléas frappent avant tout les personnes âgées. Comme dans le cas des canicules ou du Covid-19. Rappelons qu’en France <a href="https://www.inserm.fr/wp-content/uploads/2017-11/inserm-rapportthematique-surmortalitecaniculeaout2003-rapportfinal.pdf">86 % des décès de la canicule de 2003</a> et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5432505?sommaire=5435421">83 % des décès de l’épidémie du SARS-CoV-2</a> ont affecté des personnes de 70 ans et plus.</p>
<h2>Quelle est la « valeur statistique d’une vie » ?</h2>
<p>Avant d’argumenter ce choix, nous devons revenir à quelques notions et principes de base du calcul économique. Afin de mieux répartir les dépenses publiques pour sauver des hommes, l’économie appliquée a besoin de chiffres. Pour décider quelles actions mener contre les accidents de la route ou contre le tabagisme, il est nécessaire de comparer leurs coûts aux bénéfices en termes de vies humaines épargnées. Et comme le coût s’exprime en euros, il faut bien aussi exprimer les bénéfices en euros.</p>
<p>On arrive ainsi à la notion consacrée de « valeur statistique d’une vie ». Attention, il ne s’agit pas du prix d’une vie : depuis la fin de l’esclavage, il n’y a plus de marché, donc de prix des vies humaines. Il ne s’agit pas plus d’une valeur de <em>la</em> vie, et encore moins de <em>la</em> valeur de <em>la</em> vie. Il s’agit d’une valeur statistique à double titre. En premier lieu, elle reflète la diminution d’un risque individuel de décès qui résulte d’une politique publique. À ce titre, elle ne doit pas être confondue avec une valeur des vies humaines. En second lieu, elle concerne un individu non identifié.</p>
<p>Imaginons une société de 100 000 individus qui envisagent de financer un projet public de sécurité. Supposons que chacun soit prêt à payer 100 euros en moyenne pour réduire la probabilité de décès de 3/100 000 à 1/100 000, soit 2 décès en moins pour l’ensemble de cette société. On en déduira une « valeur statistique d’une vie » de 5 millions d’euros (100.000x100/2). Ou, selon une formulation bien meilleure mais plus longue, « le coût d’évitement d’une mort anonyme additionnelle » de 5 millions d’euros.</p>
<p>Cette approche statistique constitue un instrument d’aide à la décision publique visant à réduire le risque de mortalité et à le faire le plus intelligemment possible. L’État ne peut pas consacrer exclusivement son budget à sauver des vies humaines. Il est important d’estimer s’il convient de dépenser un peu plus pour prévenir les maladies cardio-vasculaires que pour les soigner, pour lutter contre l’alcool et l’héroïne, ou encore pour réduire les accidents de la route et d’avion. L’enjeu est d’épargner le plus de vies possible avec un budget donné.</p>
<p>Bien entendu, la mort ne peut pas être perpétuellement évitée. Intuitivement, la valeur d’un individu pour retarder sa mort dépend du temps gagné – un an c’est mieux qu’une semaine – et de l’âge – un an de plus à 40 ans c’est mieux qu’un an de plus à 80 ans. D’où la seconde notion, celle de « valeur statistique d’une année de vie », pour désigner la perte d’une année de vie en moins.</p>
<h2>Trois millions d’euros en moyenne pour une vie sauvée en plus</h2>
<p>Une des méthodes largement utilisées pour estimer ces valeurs consiste à demander aux individus eux-mêmes ce qu’ils sont prêts à payer pour une réduction du risque. Les montants déclarés sont ensuite agrégés et les moyennes calculées.</p>
<p>Le recensement le plus complet des études portant sur la valeur d’une vie humaine sauvée est celui produit par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012. Il couvre les quelque 1000 études académiques faites sur le sujet ; il les classe selon le type de risque pris en compte (transports, santé, environnement), selon le type d’enquêtes (questionnaire administré face à face, par téléphone, par échanges de courriels, etc.), selon la méthode (analyse contingente dans laquelle on demande à l’interviewé la somme d’argent qu’il est prêt à consacrer pour une réduction de X de son risque de décès au cours de l’année prochaine ; ou l’analyse conjointe où on demande à l’interviewé son choix entre deux situations qui lui sont proposées et qui diffèrent par le risque et par la somme d’argent qu’il doit payer). Ce recensement a abouti à une <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/environment/la-valorisation-du-risque-de-mortalite-dans-les-politiques-de-l-environnement-de-la-sante-et-des-transports_9789264169623-fr">valeur moyenne statistique d’une vie de 3 000 000 euros</a> pour l’ensemble de l’OCDE.</p>
<p>À côté de ces nombreuses estimations de la valeur statistique d’une vie, celles qui portent sur l’année de vie sont plus rares. Citons comme exemple une étude, portant sur plus d’un millier de personnes interrogées en 2010 dans plusieurs pays européens, qui aboutit à un montant de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1470160X10002116">40 000 euros pour la valeur d’une année de vie</a>. La question portait sur leur consentement à payer pour un gain d’espérance de vie de 3 mois ou de 6 mois selon un scénario de réduction de la pollution plus ou moins ambitieux.</p>
<p>Derrière ce type de résultats, il faut imaginer des protocoles aussi précis que complexes (en particulier pour expliquer les difficiles notions de risque et de probabilité) et des jeux de questions testées avec rigueur et formulées avec soin. Il faut savoir aussi que les valeurs obtenues dans les réponses sont dispersées parmi les individus soumis à la même enquête.</p>
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<p>Plus élevée pour les individus plus riches, par exemple. Idem pour les valeurs moyennes obtenues d’une enquête à l’autre selon les protocoles choisis et les questions posées. Elles sont plus élevées pour un programme de santé que pour un projet d’aménagement routier. Pour tenir compte des progrès théoriques et de la multiplication des travaux appliqués, les valeurs officiellement recommandées ou adoptées par les administrations évoluent d’ailleurs avec le temps.</p>
<p>En France, la valeur statistique d’une vie est ainsi passée de la première référence en1970 à la plus récente en 2013 <a href="https://jeromemathis.fr/livre/">d’un peu moins de 300 000 d’euros d’aujourd’hui à un peu plus de trois millions</a> d’aujourd’hui. L’un des auteurs de cet article a d’ailleurs dirigé les réflexions et les travaux qui ont abouti en 2013 au choix de ce montant ainsi qu’au montant de 160 000 euros pour la valeur statistique de l’année de vie. Le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/archives/Elements-pour-une-r%C3%A9vision-de-la-valeur-de-la-vie-humaine.pdf">rapport</a> qui justifie ces valeurs précise qu’il est utile de recourir à l’année de vie perdue pour compléter les analyses et les calculs quand « la question de l’âge se pose ». Il ne recommande pas toutefois dans ce cas d’employer uniquement cette valeur. Il convient désormais de trancher ce ni oui ni non.</p>
<h2>Fair innings</h2>
<p>Pourquoi proposons-nous d’opter en faveur d’une valeur tenant compte de l’âge ?</p>
<p>Examinons d’abord les conséquences d’un tel choix. Les personnes âgées ayant moins d’années à vivre devant elles, le passage d’une comptabilité en valeur d’une vie perdue à une comptabilité en année de vie perdue conduit à retenir proportionnellement moins de projets de réduction du risque de mortalité en leur faveur. Par exemple, dans le choix entre un projet qui évite des décès de canicule et un projet qui évite des décès d’accident de la route et donc bénéficie à une population plus équilibrée en âge, le premier sera économiquement plus avantageux, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528259/original/file-20230525-21-nbbprx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En France, la valeur statistique d’une vie est ainsi passée de la première référence en1970 à la plus récente en 2013 d’un peu moins de 300 000 d’euros d’aujourd’hui à un peu plus de trois millions d’aujourd’hui.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/label-tag-string-shape-card-space-paper-mockup-design-space-wallpaper-awxrs">Wallpaperflare</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le choix d’une valeur ou d’une autre relève ainsi d’un souci de justice intergénérationnelle, soit celui de privilégier les vieilles générations soit celui de privilégier les jeunes générations.</p>
<p>Privilégier ces dernières et non l’inverse repose sur l’idée que chacun disposerait d’une durée d’existence semblable égale à l’espérance de vie de sa classe d’âge. Toute personne qui décèderait plus tôt subirait une injustice que la collectivité devrait prévenir. Ce <a href="https://www.jstor.org/stable/27504067">principe</a> est défendu par un économiste de la santé anglais, Alan Harold Williams. Il s’est inspiré des réflexions d’un <a href="https://philpapers.org/rec/HARTVO-4">philosophe compatriote</a>. En référence au sport national de l’Angleterre, il porte le nom d’argument du <em>Fair innings</em>, ce dernier terme désignant une manche du jeu de cricket pour l’équipe du batteur.</p>
<p>Il pose que l’évitement de décès de personnes ayant franchi ou s’approchant du cap de la vieillesse n’est pas acceptable s’il peut seulement être obtenu en coûtant des vies à ceux qui en sont loin. Une telle situation apparaît quand la société s’est fixé un budget contraint pour les dépenses de santé et de sécurité civile. Plus largement, l’argument du <em>Fair innings</em> rejoint l’idée d’une <a href="https://hal-univ-paris-dauphine.archives-ouvertes.fr/halshs-03670001/">réduction légitime des inégalités de durée de vie</a> entre les individus.</p>
<p>Observons que ce principe n’est pas sans références imagées. Par exemple à travers la formulation populaire « d’années de bonus » pour qualifier celles au-delà de l’espérance de vie. Ou même dans la Bible spécifiant que « Les jours de nos années <a href="https://lire.la-bible.net/76/detail-traduction/chapitres/verset/Psaumes/90/10/SEG">s’élèvent à 70 ans</a> » et suggérant que ceux qui vivent plus longtemps n’ont pas à en tirer orgueil car <a href="https://www.bibliaplus.org/fr/commentaries/4/commentaire-biblique-par-albert-barnes/psaume/90/10">ils n’y sont pour rien</a>.</p>
<h2>Courbe en U renversé</h2>
<p>Dès lors, quelle valeur du coût d’une année de vie en moins évitée choisir ?</p>
<p>Une première façon consiste à la déterminer à partir de la « valeur statistique d’une vie » en la saucissonnant. Pour un individu de 40 ans bénéficiant d’une espérance de vie de 78 ans, la valeur d’une tranche d’une année de vie est égale à la « valeur statistique d’une vie » divisée par 38 (i. e., 78 – 40). Mais pour tenir compte dans le temps de l’arbitrage entre consommer aujourd’hui ou demain, il est nécessaire d’actualiser le nombre d’années de vie au dénominateur. C’est l’approche suivie dans le rapport cité plus haut qui aboutit au montant de 160.000 euros en prenant un taux d’actualisation de 3 %.</p>
<p>Cette façon de faire est très commode car on dispose d’un beaucoup plus grand nombre de travaux qui déterminent directement la valeur statistique « d’une vie » plutôt que « d’une année de vie ». Une de ses principales faiblesses est que le résultat est très sensible au taux d’actualisation alors qu’il n’a pas été observé. Il résulte d’un choix des experts et ce choix comporte donc une part d’arbitraire.</p>
<p>Une seconde méthode repose encore sur la « valeur statistique d’une vie » mais considère qu’elle n’est pas indépendante de l’âge. Un grand nombre d’enquêtes et de modèles laissent penser en effet que c’est bien le cas. Ils montrent que la valeur d’une vie en fonction de l’âge prend approximativement la forme d’un U renversé. Elle augmente rapidement au cours des jeunes années, se stabilise à l’âge adulte et diminue plus ou moins vite au cours de la vieillesse. La forme précise du U renversé et donc la valeur d’une année de vie selon l’âge, qui n’est donc plus constante contrairement à la première méthode, diffère cependant beaucoup selon les études.</p>
<p>Une troisième façon consiste à repérer à travers des questions auprès des individus comment leur déclaration sur la valeur d’années de vie additionnelles varie selon leur âge. Il existe cependant extrêmement peu de travaux en France ou ailleurs procédant de cette façon.</p>
<p>En attendant que ce type d’enquêtes directes se développent ou d’autres avancées de la recherche, nous suggérons d’employer l’une des deux autres méthodes. Mais nous recommandons que la présentation des résultats pour évaluer telle ou telle dépense publique soit accompagnée d’une étude de sensibilité au taux d’actualisation et courbes de U renversés choisies.</p>
<p>Concluons par deux observations qui rejoignent les débats et réflexions actuelles sur la fin de vie. En premier lieu, la pondération des vies sauvées par le nombre d’années de vie gagnées doit naturellement tenir compte de la qualité de vie au cours de ces années gagnées. C’est un autre pan bien fourni de la recherche économique qui prolonge ceux mentionnés ici. Il s’est notamment développé dans le secteur de la santé. En second lieu, notre proposition doit être discutée et débattue au-delà des experts de la question et de l’administration. Il ne s’agit pas d’un choix technocratique. Les citoyens doivent y être associés et en délibérer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs travaux ont tenté d’apporter des réponses à ce dilemme qui reste largement débattu chez les économistes.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLEmile Quinet, Professeur émérite Ecole des Ponts-ParisTech et membre associé de Paris School of Economics, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1700812021-10-18T18:51:31Z2021-10-18T18:51:31ZPhilharmonie à Paris, Confluences à Lyon… plus de transparence pour des renégociations qui peuvent coûter cher<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426782/original/file-20211016-7324-rqluu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1588%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des renégociations, la facture pour la réalisation de la Philharmonie de Paris a plus que doublé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre Dalbéra / FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://www.cae-eco.fr/Renforcer-l-efficacite-de-la-commande-publique">rapport</a> pour le Conseil d’analyse économique (CAE) daté d’avril 2015, nous nous interrogions, avec le prix « Nobel » d’économie Jean Tirole, sur les moyens de renforcer l’efficacité de la commande publique. Il nous semblait que la grande marge de manœuvre laissée aux parties contractantes pour renégocier leurs contrats et faire face aux événements imprévus devait s’accompagner d’une transparence accrue. Il s’agit par-là d’assurer un meilleur contrôle des dépenses de la commande publique en France, évaluées à <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouveau-guide-pour-eclairer-et-relancer-la-commande-publique">8 % du PIB</a> en mai dernier par la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.</p>
<p>La commande publique peut être définie comme l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques afin de satisfaire leurs besoins. Les contrats peuvent prendre différentes formes (des marchés publics ou des concessions essentiellement) et concernent la fourniture de biens, de services et/ou d’infrastructures.</p>
<p>Les directives qui s’appliquent en Europe depuis 2016 (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030590222?init=true&page=1&query=2014%2F23%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/23/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616160">2014/24/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616263?init=true&page=1&query=2014%2F25%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/25/UE</a>) vont bien dans le sens de davantage de transparence. En instaurant une obligation de publication d’information sur les modifications de contrats publics pendant leur exécution, ces directives permettent l’accès à de nouvelles données.</p>
<p>Elles ouvrent la voie à de nouvelles recherches, notamment sur l’influence de la crise du Covid-19 sur l’exécution des contrats. Une étude a été lancée il y a quelques semaines sur ces questions à l’Institut d’administration des entreprises Paris Sorbonne. Les tout premiers résultats sont présentés ici.</p>
<h2>Dérapages réguliers</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, l’analyse économique insiste sur l’incomplétude de ces contrats. Cette approche, développée en particulier par deux prix « Nobel », l’Américain <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2009/williamson/facts/">Oliver E. Williamson</a> en 2009 et le Britannique <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2016/hart/facts/">Oliver D. Hart</a> en 2016, permet d’expliquer la fréquence des renégociations de contrats publics. Incomplets, ils doivent souvent être adaptés au cours de leur exécution.</p>
<p>Différentes raisons peuvent être invoquées lors des discussions : ici des contrats mal conçus, là des événements imprévus, ailleurs des comportements opportunistes, de la corruption, ou encore un phénomène de malédiction du vainqueur (s’il a emporté la mise, c’est peut-être car il a surestimé les retombées qu’ils pouvaient obtenir). Elles entraînent souvent des surcoûts importants pour la partie publique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">61 millions d’euros devaient être engagés, les dépenses publiques pour le musée Confluences à Lyon ont finalement été de 330 millions d’euros.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://yab.be/2019/10/11/musee-des-confluences-in-lyon-8-september-2019/">Yab.be</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Quelques exemples de « dérapages » impressionnants paraissent régulièrement dans la presse. Parmi les cas d’écoles, on retrouve celui de La <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-philharmonie-de-paris-reclame-des-millions-a-larchitecte-jean-nouvel-1397879">Philharmonie de Paris</a> dont les travaux, chiffrés à 173 millions d’euros au lancement du projet en 2006, ont atteint un montant final de 386 millions d’euros. La construction du <a href="https://www.20minutes.fr/lyon/1496835-20141208-lyon-musee-confluences-scandale-financier">Musée des Confluences</a> à Lyon reposait sur un programme de 61 millions d’euros, qui a ensuite frôlé les 330 millions d’euros.</p>
<p>Comme le notait un <a href="http://www.lemoniteur.fr/article/marches-publics-des-avenants-plus-transparents-32883780">consultant en marchés publics en 2015</a> :</p>
<blockquote>
<p>« On en est arrivé à un point tel que plus personne ne prend au sérieux l’estimation initiale des grands chantiers. »</p>
</blockquote>
<h2>Écarts significatifs entre pays européens</h2>
<p>Pour la première fois, les directives européennes votées en 2014 et appliquées depuis 2016 s’intéressaient à la phase d’exécution des contrats et non plus seulement à leur passation.</p>
<p>Si une modification des contrats est autorisée, et ce dans une large mesure, ces textes obligent aussi les contractants publics à publier de l’information sur les évolutions décidées par les parties. En France, la transposition du droit européen oblige l’acheteur à publier un avis de modification du marché ou du contrat de concession au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), lorsque les contrats sont passés selon une procédure formalisée.</p>
<p>Le graphique ci-dessous reporte les modifications de contrats publics que l’on peut recenser dans la <a href="http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/TED.htm">base Tenders electronic daily (TED)</a>, construite à partir du JOUE. Il fait état d’écarts importants entre pays de l’Union européenne.</p>
<iframe title="Des écarts significatifs apparaissent dans l'Union quant au nombre de renégociations, y compris entre des pays qui semblent bien transmettre l’information" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-tHYE2" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tHYE2/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Les chiffres suggèrent que certains pays seraient immuns aux renégociations contractuelles. Il semble cependant plus probable que ces pays ne jouent pas le jeu de la transmission d’informations sur ces dernières. Reste que des écarts significatifs apparaissent également entre les pays qui semblent bien transmettre l’information, par exemple entre la France et l’Allemagne.</p>
<p>Ces écarts peuvent s’expliquer par le nombre de contrats passés, par une surtransposition des directives européennes dans certains pays (avec des règles nationales qui imposeraient par exemple de publier de l’information sur toutes les renégociations contractuelles, même celles n’ayant aucun impact financier sur les contrats), par des caractéristiques conjoncturelles propres à certains pays, ou encore par des traditions différentes de rédaction et de renégociation des contrats.</p>
<h2>Un effet déstabilisateur du Covid ?</h2>
<p>Bien qu’imparfaites, ces données permettent de mener de premières analyses des modifications de contrats et de leurs conséquences financières en France, pays pour lequel la base semble bien renseignée. Depuis 2016, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses. Le faible nombre de renégociations enregistrées en 2016 et 2017 s’explique toutefois sans doute par une remontée d’information encore imparfaite.</p>
<iframe title="En France, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-tYvvy" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tYvvy/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Il est important de noter que la très grande majorité des modifications de contrats a entraîné des augmentations de la dépense publique. Elles restent pour la plupart contenues à des augmentations de moins de 20 % du montant des marchés. Néanmoins, certaines entraînent des hausses substantielles du montant des marchés, de plus de 50 %.</p>
<iframe title="La très grande majorité des modifications de contrats a entraîné une augmentation de la dépense publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-1LkyZ" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1LkyZ/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="350" width="100%"></iframe>
<p>Les données TED permettent aussi de comprendre plus en détail les raisons des renégociations. En effet, l’autorité publique doit fournir une justification, en quelques lignes, pour chaque modification.</p>
<p>Une analyse textuelle permet ainsi de mettre en évidence l’effet déstabilisateur de la crise du Covid-19. En France, plus de 25 % des contrats renégociés depuis décembre 2019 l’ont été à cause de la crise sanitaire, mais ce pourcentage monte à plus de 70 % pour le Royaume-Uni et reste a contrario très faible en Allemagne.</p>
<iframe title="Le Covid 19 n'a pas eu partout le même effet déstabilisateur sur les contrats de commande publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-phYTB" src="https://datawrapper.dwcdn.net/phYTB/4/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>De nouveau, ces écarts entre pays questionnent. Si l’on peut suspecter des erreurs méthodologiques, on peut également s’interroger sur les caractéristiques des contrats, sur la nature des relations contractuelles et sur le statut des renégociations dans ces différents pays.</p>
<h2>Recherches à venir</h2>
<p>Cette première étape vers plus de transparence est louable. Cependant, les données TED ne permettent pas d’avoir une vision claire du caractère conflictuel ou coopératif des modifications de contrats. Or, cette question est essentielle. Les modifications de contrats, même coûteuses, reflètent-elles la bonne relation de la relation contractuelle et la volonté des acteurs d’aller vers plus d’efficacité en adaptant le contrat à des situations nouvelles ? Ou les modifications sont-elles subies, résultant d’un manque de préparation du contrat ou de comportements opportunistes des acteurs ?</p>
<p>Afin d’en savoir plus sur le sujet, l’IAE de Paris-Sorbonne vient de lancer une étude par questionnaire auprès des acheteurs publics en Europe. Nous pensons que la crise du Covid-19 peut agir comme un révélateur de la qualité de la relation contractuelle qui lie les parties.</p>
<p>Ce type de choc exogène pousse, en outre, à s’interroger sur le caractère plus ou moins rigide et/ou flexible des contrats qui peut influencer leur capacité à s’adapter à des contingences non prévues au moment de leur signature.</p>
<p>Nous nous saisirons de ces questions, et nos travaux viseront à compléter ces toutes premières statistiques grâce à des données plus fines. Elles permettront de mieux comprendre les caractéristiques des renégociations contractuelles, facette primordiale de la commande publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Saussier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions du droit exigent de publier davantage d’informations sur l’exécution des contrats de commande publique, dont le coût dérape régulièrement.Stéphane Saussier, Chair professor, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1669782021-08-30T20:50:18Z2021-08-30T20:50:18ZFaillites : le coût de la fin du « quoi qu’il est coûte » reste très difficile à évaluer<p>Face à la crise économique liée aux mesures sanitaires, le gouvernement a mis en place différents dispositifs d’aides, dont l’objectif est de permettre aux entreprises (viables ou non) de faire face à leurs échéances. Un an demi après leur instauration, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé la levée de ces aides. « Le “quoi qu’il en coûte”, c’est fini », a-t-il déclaré à l’occasion de la Rencontre des entrepreneurs de France du Medef, le 25 août.</p>
<p>La fin des aides de l’État laisse donc craindre une recrudescence des faillites qui avaient été jusqu’alors limitées. En effet, selon le <a href="https://www.altares.com/fr/publications/etudes-defaillances-sauvegardes-entreprises">rapport Altares</a> 2021, celles-ci ont augmenté de 14,2 %, mais ce chiffre reste en recul de 48 % par rapport à la période 2017-2019.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-defaillances-dentreprise-un-risque-finalement-limite-pour-leconomie-et-les-comptes-publics-165834">Les défaillances d’entreprise, un risque finalement limité pour l’économie et les comptes publics</a>
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<p>Certes, il est difficile de prévoir le nombre de défaillances qui surviendront après la levée des mesures d’aides. Pour l’année 2021, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) s’attend à un chiffre de <a href="https://www.msn.com/fr-fr/finance/economie/fran%C3%A7ois-asselin-cpme-anticipe-jusqu%C3%A0-100000-d%C3%A9faillances-dentreprises-sur-lann%C3%A9e-%C3%A0-venir/ar-BB1g8k9m">60 000 à 100 000</a> alors qu’Altares prévoit entre 33000 et 35000 défaillances.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, il ne fait guère de doute que ces défaillances vont être coûteuses. Mais quels sont ces coûts ? Et sommes-nous réellement capables de les mesurer ?</p>
<p>Les coûts sont à la fois directs et indirects. En ce qui concerne les coûts directs, ils sont constitués par les frais des mandataires de justice. D’autres éléments sont à incorporer à ces coûts tels que ceux perçus par le commissaire à l’exécution du plan. Quel est l’ordre de grandeur de ces coûts ? Plusieurs <a href="https://www.jstor.org/stable/2327126">études</a> apportent des éléments de réponse.</p>
<h2>Cinq types de coûts indirects</h2>
<p>Premièrement, leur étendue est variable selon les pays et représente entre 1 et 10 % de la valeur de la firme. Deuxièmement, ils sont inversement proportionnels à la taille de l’entreprise (plus lourds pour les PME comparativement aux grandes entreprises). Troisièmement, ils ne sont pas supportés de façon identique par tous les acteurs en fonction de la règle de priorité et de la législation en vigueur.</p>
<p>En revanche, contrairement aux coûts directs, les coûts indirects restent d’une extrême complexité, non pas à définir mais à mesurer. On peut circonscrire cinq types de coûts indirects.</p>
<p>Le premier est celui de la perte du chiffre d’affaires faisant suite à la perte de clients. Devant l’incertitude d’être approvisionné et de ne pas bénéficier d’un service après vente, un client se détournera d’une entreprise en redressement judiciaire, augmentant conséquemment ses difficultés.</p>
<p>Le deuxième se porte de l’autre côté du spectre avec les fournisseurs. Percevant la difficulté d’un client, les fournisseurs infèrent la possibilité de perdre leurs créances en raison de l’ordre de priorité des créanciers dans le redressement judiciaire. Par conséquent, ils vont exiger des délais de paiement plus rapides.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1430554350565351430"}"></div></p>
<p>Le troisième tient dans l’attitude du personnel. En effet, dans un redressement judiciaire, on assiste très souvent à des licenciements qui traduisent un double coût : celui d’une perte de compétence et de formation financée par l’entreprise et celui de la démotivation des salariés restants qui sont dans la crainte de perdre leurs emplois si la situation venait à empirer encore. Le coût pour la firme est d’autant plus important que les meilleurs de ses salariés partent car ces derniers sont les plus employables et recherchés par les compétiteurs.</p>
<p>Le quatrième coût est appelé par les Américains fire sale (vente précipitée). Pour résoudre leurs problèmes de cash, les firmes vont chercher à désinvestir de façon sous optimale en vendant leurs actifs à vil prix.</p>
<p>Le cinquième coût est lié à l’asymétrie d’information et au risque. En effet, les dirigeants, qui ont un meilleur accès à l’information que les actionnaires, peuvent soit retarder la faillite pour préserver leurs avantages, soit extraire des avantages importants avant leur mise à l’écart. Un exemple célèbre met en évidence que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0304405X9800004X">plus de 50 % de la valeur de la compagnie aérienne Eastern Airline a été détruite</a> pendant le redressement judiciaire en raison du comportement opportuniste du dirigeant dans les années 1990.</p>
<h2>Qu’y a-t-il derrière le « quoiqu’il en coûte » ?</h2>
<p>Dans les années 1980, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1540-6261.1984.tb03893.x">étude</a> avait tenté d’évaluer plus précisément ces coûts indirects en mesurant d’une part, le différentiel de la baisse du chiffre d’affaires des entreprises ayant fait faillite comparativement à la moyenne des ventes du secteur et d’autre part, l’écart entre le montant réel des ventes et les prévisions réalisées trois ans avant la faillite. Ces coûts pourraient ainsi représenter de 6,6 à 8,1 % de la valeur de la firme. La difficulté d’une telle approche reste toutefois l’accès aux données.</p>
<p>Une seconde méthode consiste à mesurer les coûts indirects en utilisant les données boursières au travers des coûts de réputation et des effets de contagion. On mesure les variations de cours boursier des clients et fournisseurs des sociétés ayant fait faillite. On capte ainsi la perte de valeur subie par les partenaires des entreprises ayant fait faillite (effet contagion). Les résultats font ressortir des pertes de l’ordre de 1 à 3 % de la valeur boursière des fournisseurs et des clients.</p>
<p>S’il reste difficile de prévoir le nombre exact des faillites en 2021, il n’en reste pas moins vrai qu’il serait très utile de pouvoir mesurer les coûts de ces faillites pour l’ensemble des acteurs. Cela aurait deux mérites. Le premier serait de savoir ce qu’il convient de mettre derrière le « quoiqu’il en coûte ». Le second serait de permettre des comparaisons avec nos partenaires pour savoir où nous situer au sein de cette crise mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166978/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les redressements judiciaires liés à la levée des mesures d’aide annoncée par le gouvernement entraîneront des coûts à la fois directs et indirects variables selon le type d’entreprise concernée.Eric Séverin, Professeur des Universités Finance - Comptabilité, Université de LilleDavid Veganzones, Assistant professor, management & finance, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1605172021-05-30T20:42:41Z2021-05-30T20:42:41ZImpact du réchauffement climatique sur le PIB : pourquoi les statistiques se trompent<p>Depuis la parution du premier rapport du GIEC sur le changement climatique en 1990, les publications scientifiques sur ses conséquences potentiellement dévastatrices se sont multipliées : <a href="https://theconversation.com/cette-chaleur-insoutenable-qui-menace-les-regions-tropicales-119943">températures insoutenables</a> dans les régions tropicales, <a href="https://eltahir.mit.edu/wp-content/uploads/2020/06/2020_JCLI_Mediterranean_Hotspot.pdf">sécheresses</a>, possible déstabilisation des calottes polaires et <a href="https://www.pnas.org/content/pnas/116/23/11195.full.pdf">hausse majeure du niveau marin</a>…</p>
<p>Pourtant, face à ces perspectives alarmantes, la plupart des estimations des dommages économiques associés suggèrent que la perte de PIB mondial serait limitée à <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/pdf/10.1093/reep/rex027">quelques pour cent</a>. Nettement moins que les 4,5-6 % de pertes liées à l’<a href="https://fas.org/sgp/crs/row/R46270.pdf">épidémie de Covid-19</a>. Autrement dit, tout cela ne serait pas bien grave.</p>
<p>Ces deux visions semblent difficilement conciliables. Les méthodes employées pour évaluer les potentiels dommages climatiques ont déjà été <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcc.558">sévèrement critiquées</a> pour leur manque de fondements scientifiques, mais la croyance qu’un réchauffement global de 3 ou 4 °C n’est qu’un problème mineur <a href="https://alaingrandjean.fr/2021/02/25/changement-climatique-de-pib/">reste courante chez bien des économistes</a>.</p>
<h2>Des projections fondées sur une approche statistique</h2>
<p>Parmi les méthodes les plus fréquentes, l’approche statistique a le vent en poupe. Il s’agit généralement d’établir empiriquement un lien entre le PIB et une ou plusieurs variables climatiques (température, précipitation…) utilisées comme indicateurs de l’ensemble des impacts climatiques. Ce lien est établi à partir des données disponibles sur les dernières décennies, puis employé pour projeter le PIB futur avec ou sans changement climatique.</p>
<p>Ainsi, une <a href="https://www.nature.com/articles/nature15725">étude parue en 2015</a> a proposé une relation entre température moyenne annuelle et croissance du PIB à l’échelle des pays. Dans cette hypothèse, un réchauffement global de 4 °C en 2100 conduirait à une réduction du PIB mondial d’au moins 23 %. </p>
<p>Ce chiffre peut sembler élevé, mais il s’agit d’une perte de PIB <em>potentiel</em>, c’est-à-dire par rapport à ce qu’il aurait été à cette même date sans changement climatique. Le scénario socioéconomique utilisé comme référence postulant la poursuite d’une forte croissance au XXI<sup>e</sup> siècle, le monde n’en serait pas moins plus « riche » qu’aujourd’hui.</p>
<p>Une <a href="https://media.rff.org/archive/files/document/file/RFF%20WP-18-17-rev.pdf">autre étude</a>, parue en 2018, estime quant à elle que le climat joue sur le niveau de PIB et non pas sur sa croissance. Dans ce cas, les conditions météorologiques annuelles peuvent exercer un choc sur une économie, mais n’affectent pas la trajectoire projetée et la perte de PIB mondial en 2100 serait limitée à seulement 1-2 %.</p>
<h2>Démonstration par l’absurde</h2>
<p>De notre point de vue, ces projections sous-estiment l’une comme l’autre les dommages potentiels d’un réchauffement global de cette ampleur.</p>
<p>Or, si l’on peut éprouver des difficultés à se figurer les nouvelles conditions climatiques et environnementales pour un réchauffement de 4 °C, faute de situation analogue dans un passé récent, nous pouvons avoir une bonne idée de ce à quoi elles ressembleraient pour un refroidissement de 4 °C : car cela correspondrait à un retour à la dernière période glaciaire, pour laquelle nous disposons non seulement de simulations climatiques, mais également de nombreuses données de terrain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1085284516095295488"}"></div></p>
<p>Aussi, afin de souligner encore le caractère irréaliste des projections de dommages obtenues par approche statistique, nous avons adopté une approche originale de <a href="https://esd.copernicus.org/articles/11/1073/2020/">démonstration par l’absurde</a> et appliqué les méthodologies des deux études citées précédemment à un hypothétique refroidissement de 4 °C en 2100.</p>
<p>Nous avons ensuite confronté les projections de PIB obtenues à ce que la littérature scientifique nous dit du visage de notre planète au maximum de la dernière ère glaciaire, il y a 20 000 ans. Nous n’avons pas considéré les calottes glaciaires de plusieurs kilomètres, qui recouvraient alors le Canada et les pays scandinaves, car leur croissance requiert des millénaires et non pas quelques décennies.</p>
<p>En utilisant l’hypothèse que la température affecte le niveau de PIB, nous avons obtenu une perte de PIB potentiel mondial de moins de 2 % en 2100. Les pays essuyant le maximum de pertes sont ceux du nord, avec par exemple – 8 % pour le Canada ou la Norvège, alors que ceux du sud connaissent une augmentation de PIB de 1-2 %.</p>
<p>En nous fondant sur une relation entre température et croissance annuelle du PIB, nous avons obtenu un effondrement complet du PIB des pays du nord, mais une forte croissance du PIB dans les régions tropicales. Au niveau global, les gains au sud font plus que compenser les pertes au nord et le PIB mondial progresse de 36 % par rapport au scénario de référence.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7d831pietmg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Dans le film <em>Le Jour d'après</em>, sorti en 2004, une série de catastrophes climatiques se produisent. (Films Exclu, 2018)</span></figcaption>
</figure>
<h2>Des résultats irréalistes</h2>
<p>Contrairement à ce que suggèrent ces chiffres, les conditions dans un tel scénario seraient dramatiques pour une bonne partie de l’humanité. Citons quelques éléments majeurs :</p>
<ul>
<li><p>Le Canada et les pays scandinaves seraient enfouis sous une couche de neige permanente et croissante de plusieurs mètres et verraient leur température moyenne annuelle diminuée d’environ 20 °C ; les régions alpines, les pays baltes, une partie des îles britanniques, de la Pologne et de l’Allemagne seraient également enterrés sous la neige. Il est donc assez peu vraisemblable que les populations et les activités humaines pourraient s’y maintenir à leurs niveaux actuels.</p></li>
<li><p>Les températures hivernales en Europe de l’Ouest chuteraient de 10 à 20 °C, le sol gelé en permanence jusqu’à la latitude de Bordeaux, la végétation naturelle actuelle remplacée par de la steppe ou de la toundra et de <a href="https://www.ipsl.fr/Actualites/Actualites-scientifiques/Tempetes-de-poussieres-sur-l-Europe-au-dernier-maximum-glaciaire">gigantesques tempêtes de sable</a> surviendraient. </p></li>
</ul>
<p>Maintenir une agriculture serait extrêmement difficile, sinon impossible, les infrastructures endommagées par le froid, les besoins énergétiques pour le chauffage exploseraient… En bref, là encore, difficile d’imaginer que la population européenne puisse se maintenir à son niveau actuel.</p>
<ul>
<li><p>En Chine, le sol gelé s’étendrait jusqu’à Pékin, le froid empêcherait la céréaliculture dans les plaines du nord, le débit du Yangtze serait diminué de moitié avec un impact majeur sur la production hydroélectrique.</p></li>
<li><p>Dans les tropiques, la diminution des températures serait modérée (2-3 °C), ce qui pourrait favoriser les pays concernés, mais ce refroidissement s’accompagnerait de perturbations sérieuses du cycle hydrologique, avec une forte diminution de la mousson et une expansion des déserts sur plusieurs centaines de kilomètres.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats obtenus en liant température et niveau de PIB ne sont donc absolument pas réalistes et disqualifient clairement cette approche. Pour le Canada par exemple, comment imaginer que les conséquences du passage à un climat polaire permanent en quelques décennies à peine n’affecteraient pas sa croissance et se limiteraient à une perte de 8 % de PIB potentiels ?</p>
<p>Ceux obtenus avec un impact sur le taux de croissance semblent plus plausibles, du moins pour les pays du nord. Mais les projections d’augmentation du PIB des pays en zone tropicale, outre qu’elles ne prennent pas en compte l’impact sur l’économie mondiale d’un effondrement complet de la plupart des pays de l’OCDE, ne sont pas crédibles : nous avons par exemple conclu à une augmentation de plus de 300 % du PIB des pays sahéliens, difficilement conciliable avec une expansion du Sahara de plus de 400 km vers le sud.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1098423295110729729"}"></div></p>
<p>L’utilisation de ces approches statistiques aboutit donc à des projections de PIB absurdes dans le cadre d’un hypothétique retour en période glaciaire à la fin du siècle. Il n’y a aucune raison de supposer que ce type de méthodologie puisse nous fournir des projections plus fiables dans le cas d’un réchauffement global qui pourrait être de même amplitude que celui qui nous sépare de la dernière période glaciaire.</p>
<h2>Pourquoi ces résultats absurdes ?</h2>
<p>Les raisons potentielles de l’échec de ces approches, détaillées dans notre article, sont nombreuses. Citons-en quelques-unes, non exhaustives :</p>
<ul>
<li><p>Les moyennes annuelles, à l’échelle d’un pays, des températures ou des précipitations sont probablement de mauvais indicateurs des phénomènes climatiques susceptibles d’occasionner des dommages, notamment les événements extrêmes. Il serait sans doute judicieux d’utiliser aussi les variations de températures et/ou précipitations.</p></li>
<li><p>Par construction, certains facteurs de risque climatiques majeurs ne sont pas pris en compte : changement de l’extension des glaciers et du pergélisol, modification du niveau marin et de la géochimie de l’océan ou bascule des écosystèmes, etc. Sans compter les bouleversements induits sur les relations socioéconomiques entre les États.</p></li>
<li><p>La façon de gérer les cas où la température d’un pays sort de son intervalle historique est problématique. Deux cas de figure sont possibles :</p></li>
</ul>
<p>Premier cas de figure : la nouvelle température se trouve dans l’intervalle historique d’autres pays ; on utilise alors la relation température-PIB établie pour ces autres pays. La validité de cette stratégie est indémontrable et reste assez douteuse, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté technique et du coût pour adapter des infrastructures initialement conçues pour durer des décennies à un climat radicalement différent. Par ailleurs, les écosystèmes ont leur vitesse d’évolution propre et peuvent mettre des siècles à atteindre un équilibre avec un nouveau climat.</p>
<p>Second cas de figure : La nouvelle température sort des conditions jamais observées dans aucun pays. Dans ce cas, on plafonne cette température à la valeur maximale (ou minimale) de l’échantillon de calibration, ce qui conduit potentiellement à une importante sous-estimation des dommages.</p>
<p>Ainsi, en admettant que des relations empiriques PIB-variable(s) climatique(s) établies sur quelques décennies soient fondées, ce qui reste très discutable, les conclusions que nous pouvons en tirer apparaissent très limitées : sur les dernières décennies, avec un climat encore assez stable, l’effet de la variabilité météorologique interannuelle sur le PIB semble relativement faible. </p>
<p>En sachant que seuls les impacts pour lesquels la température moyenne annuelle est effectivement un indicateur pertinent sont pris en compte. Aussi, nous estimons que ce type d’approche statistique ne peut permettre d’évaluer de façon réaliste les conséquences les plus graves d’un changement climatique de grande ampleur et ne devrait pas être utilisé pour cela.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160517/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noëlle Woillez a reçu des financements de l’État français (bourse de recherche doctorale) et de l’Union européenne (post-doctorat). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Godin est membre du Centre de recherche en économie de l’Université Sorbonne Paris Nord (CEPN). Il a reçu des financements de l’État italien (bourse de recherche doctorale).</span></em></p>Pour souligner le caractère irréaliste des projections statistiques dans l’évaluation des dommages causés par les dérèglements climatiques, un passage par l’absurde peut s’avérer très probant.Marie-Noëlle Woillez, Chargée de recherche sur les impacts du changement climatique, Agence française de développement (AFD)Antoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1493802020-11-09T19:16:38Z2020-11-09T19:16:38ZTransformation digitale : le management de portefeuille de projets devient incontournable en entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/367245/original/file-20201103-23-1gietut.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C3343%2C1998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’évolution du contexte sanitaire a fortement impacté les DSI qui ont dû souvent revoir les priorités de déploiement des projets, et contribue à replacer encore plus la question du management de portefeuille de projets au cœur des réflexions des organisations.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1450067">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Plusieurs <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-les-depenses-it-devraient-atteindre-3-8-billions-de-dollars-en%C2%A02019-73206.html">études et recherches</a> montrent que <a href="https://www.itespresso.fr/budget-it-une-annee-2020-sous-le-signe-du-cloud-213773.html">l’investissement croissant</a> dans les systèmes d’information (SI) ou dans les technologies de l’information (TI ou IT en anglais) a un impact bénéfique sur la performance globale des entreprises.</p>
<p>Les projets de transformation digitale (applications SaaS, services cloud, infrastructures big data, etc.) fleurissent maintenant depuis plusieurs années dans la plupart des secteurs d’activités, mettant sous pression de plus en plus les directions des systèmes d’information (DSI). L’une des explications repose sur les bénéfices de ces projets.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://www.ey.com/fr_fr/consulting/la-transformation-digitale-au-sein-des-organisations">dans l’étude du cabinet de conseil EY</a> auprès de la communauté du think tank français sur l’innovation digitale <a href="https://www.ebg.net/qui-sommes-nous/reseauxEBG.php">EBG</a>, 88 % des répondants considèrent que la transformation digitale constitue un enjeu important et 65 % une source de création de valeur. Le cabinet PWC, dans une autre <a href="https://www.francenum.gouv.fr/comprendre-le-numerique/transformation-digitale-et-transformation-des-competences-bonnes-pratiques">étude de 2019</a>, montre que la transformation digitale est l’un des trois enjeux majeurs pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).</p>
<p>La crise sanitaire de la Covid-19 accélère également la <a href="https://www.silicon.fr/covid-19-scenarios-it-crise-337667.html">digitalisation</a> d’une partie des activités au sein des entreprises, que cela soit par les outils permettant le télétravail, les outils collaboratifs, le renforcement des infrastructures en SI, la gestion de la sécurité des applications, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1317017294132940801"}"></div></p>
<p>L’évolution du contexte a ainsi fortement impacté les DSI qui ont dû souvent revoir les priorités de déploiement des projets. Cela contribue à replacer encore plus la question du management de portefeuille de projets au cœur des réflexions des organisations.</p>
<p>C’est dans le cadre d’une recherche avec un doctorant CIFRE au sein d’un cabinet de conseil que ce sujet majeur est ici analysé pour les projets de déploiement de SI.</p>
<h2>La difficile évaluation des projets</h2>
<p>Les projets de transformation digitale impliquent des investissements matériels, logiciels, de la formation et le recrutement du personnel, l’acquisition de nouvelles compétences, l’accompagnement par des cabinets spécialisés, etc. Or, il existe <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263786317306336">plusieurs modèles</a> concernant l’évaluation des projets (<em>Cost Benefit Graphical, risk management matrix, Analytic Hierarchical Process</em>, etc.) et la plupart reposent sur une approche « financière » classique dans les grands principes.</p>
<p>Ces modèles cherchent ainsi à démontrer le rapport « coût/bénéfices/risques » en identifiant les critères qui semblent les plus pertinents (qui sont parfois très nombreux et donc en réalité peu applicables au sein des organisations) et qui permettent d’évaluer le retour sur investissement des projets. L’un des objectifs est également de pouvoir réaliser une comparaison afin de pouvoir les hiérarchiser entre eux.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263786317310785">L’approche reste relativement théorique</a> car elle repose sur une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263786317306336">approche multicritères complexe</a> avec une incomplétude et une fiabilité non exhaustive en matière d’indicateurs.</p>
<p>Cela s’explique par les difficultés à prévoir le niveau des ressources à mobiliser et d’évaluer les délais qui, dans la très grande majorité des cas, ne sont pas ou peu respectés. À cela vient s’ajouter l’imprévisibilité de l’évolution des technologies (IA, big data, <em>deep learning</em>, etc.), du fait notamment des progrès techniques, des innovations inhérentes au secteur et des interrelations complexes entre les différents projets (par exemple les technologies liées à l’IA supposent des SI permettant de collecter une très grande masse de données, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367248/original/file-20201103-19-1sstr8q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’approche par le rapport « coût/bénéfices/risques » reste relativement théorique car il est difficile de prévoir et d’évaluer les délais..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/comptabilit%C3%A9-taxes-r%C3%A8glement-615384/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Enfin, l’évaluation des bénéfices peut également s’avérer complexe, soit au niveau de leur mesure (gains directs et indirects mesurables vs perçus), soit au niveau de la temporalité. De plus, les gains de l’implémentation de certains projets peuvent également relever d’une perception biaisée selon la manière dont le projet a été décidé.</p>
<h2>La nécessité d’une vision globale</h2>
<p>Manager un portefeuille de projets liés à la transformation digitale des organisations suppose une réflexion approfondie sur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263786320300053">l’alignement stratégique entre les SI déployés et la stratégie de l’entreprise</a>. De <a href="https://theconversation.com/comment-les-digital-natives-sont-elles-devenues-les-entreprises-les-plus-innovantes-du-monde-94677">nombreux exemples</a> ont montré comment de nouvelles technologies ont pu conduire à l’arrivée de nouveaux entrants dans certains secteurs et des changements de modèles économiques dans d’autres (Amazon, Netflix, Uber, etc.).</p>
<p>Cette problématique est importante car les projets sont souvent coûteux et longs et viennent donc dans un processus d’arbitrage vis-à-vis d’autres ressources ou d’autres projets hors de la DSI. Il est donc de plus en plus courant de voir au sein des organisations, notamment de grandes entreprises, une direction de la transformation se créer afin d’avoir une vision globale des projets et de proposer des arbitrages au comité de direction.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367255/original/file-20201103-23-b21k1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans les grandes entreprises, on assiste de plus en plus à la création de direction de la transformation afin de disposer d’une vision plus globale des projets.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1436183">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les décisions et les arbitrages dans le management de portefeuille de projets pour les organisations sont d’autant plus cruciaux car ils comportent aussi une très forte part d’irréversibilité. En effet, l’implémentation d’un projet notamment basé sur des SI et son degré d’appropriation par les différentes <em>business units</em> de l’organisation vont créer des routines parfois fortement ancrées qui seront très difficiles à modifier.</p>
<p>À cela s’ajoutent les problématiques de gouvernance et les jeux de pouvoir internes entre les <em>business units</em> elles-mêmes et les <em>business units</em> et la DSI lorsqu’il s’agit d’effectuer des arbitrages en matière de ressources.</p>
<h2>Une compétence dynamique</h2>
<p>Des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0263786320300053">recherches plus récentes</a> tendent à montrer que le management de portefeuille de projets relève d’une véritable capacité dynamique. D’une part, les organisations qui sont capables de gérer de manière agile et réactive leur portefeuille de projets bénéficient d’un avantage concurrentiel.</p>
<p>D’autre part, il s’agit bien d’une compétence dynamique au sens où les projets, notamment avec l’utilisation des <a href="https://theconversation.com/le-long-chemin-vers-la-generalisation-des-methodes-agiles-107295">méthodes agiles</a>, sont lancés de plus en plus souvent en parallèle les uns des autres et sont soumis à de multiples aléas internes et externes.</p>
<p>Il convient donc de s’inspirer des principes des méthodes agiles en les adaptant aux caractéristiques des projets basés sur des SI. Cela peut alors nécessiter une organisation différente au sein des entreprises pour faire face à une très grande complexité compte tenu de la multiplicité des projets qui coexistent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Tran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor des technologies entraîne une multiplication des projets dans les directions des systèmes d’information, incitant les organisations à se doter de compétences spécifiques pour les coordonner.Sébastien Tran, Directeur de l'École de Management Léonard de Vinci (EMLV), Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1476152020-10-12T18:37:37Z2020-10-12T18:37:37ZCroissance : la délicate évaluation de la contribution des plates-formes numériques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361940/original/file-20201006-14-o61zcz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4467%2C3236&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les services numériques gratuits se substituent de plus en plus souvent à des biens traditionnels payés par les utilisateurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1063277">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec la digitalisation, les biens numériques ont envahi tous les domaines de notre vie quotidienne. Notre univers devient ainsi peuplé de <em>digital goods</em>, en réalité de simples programmes informatiques, tels que la recherche en ligne, les logiciels, les images, les vidéos en continu, les musiques, les objets connectés, la cartographie numérique, etc.</p>
<p>Dans ce contexte, il semble donc important de comprendre ce qu’il se passe d’un point de vue économique quant à ces nouveaux biens : quels sont leurs coûts ? Comment se forment les prix ? Quelle est leur contribution au PIB ?</p>
<h2>Une copie du bien ne coûte presque rien</h2>
<p>Les biens numériques ont d’abord été analysés par leur coût de production – comme les autres biens. La numérisation facilite l’abstraction et la virtualisation d’un support (texte, image, vidéo, etc.) en fabriquant une image (un avatar) qui le représente dans le monde virtuel.</p>
<p>Cette opération exige des coûts fixes élevés, mais le coût variable reste faible et le coût marginal décroît rapidement pour devenir insignifiant. Autrement dit, le développement d’un nouveau logiciel est coûteux, mais une fois ce logiciel développé, une copie additionnelle ne coûte pratiquement rien. Or, la copie d’un bien numérique n’est autre que le bien lui-même.</p>
<p>Par exemple, le géant américain de la distribution en ligne Amazon a construit une infrastructure solide pour vendre des produits sur Internet : capacité informatique massive, service de données, réseau logistique étendu. Une fois cette infrastructure installée, elle est utilisée pour écouler des produits très différents à des coûts marginaux de plus en plus faibles : livres, produits artisanaux, vidéos en ligne, produits alimentaires (grâce au <a href="https://www.lesechos.fr/2017/06/whole-foods-la-plus-grosse-acquisition-jamais-faite-par-le-geant-du-net-157023">rachat de l’entreprise</a> de distribution alimentaire biologique, Whole Foods).</p>
<p>Les services en ligne, dont le prix monétaire est nul (le client ne peut pas acheter l’infrastructure informatique d’Amazon), sont financés par des commissions payées par les utilisateurs professionnels des plates-formes, ou par la publicité. Pour les services financés par la publicité, les consommateurs fournissent gratuitement des données sur leur comportement actuel et des indications sur leur comportement futur. Les séries de données obtenues sont a priori un bien non-rival : le fait que plusieurs entreprises accèdent à ces données ne prive aucunes d’entre elles.</p>
<p>Cependant, la contradiction entre leur prédisposition au partage et la possibilité d’ériger des formes de protection (contrats, barrières techniques) permet de les qualifier de biens quasi privés.</p>
<p>Les données se <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/18/le-big-data-bouleverse-la-prediction-economique_5511835_3234.html">transforment en marchandises</a> lorsque les plates-formes les regroupent, les classent et les analysent pour en extraire de la valeur. Une fois traitées et affinées par les algorithmes et les applications spécifiques, elles vont influencer les stratégies de captation de la valeur : filtrer les contenus triés par les algorithmes, capter l’attention des consommateurs et étendre les parts de marché.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361942/original/file-20201006-16-z0o857.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les données deviennent des marchandises une fois qu’elles sont regroupées, classées et analysées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/boule-http-www-crash-63527/">Gerd Altmann/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>L’histoire économique nous enseigne que la terre, le travail et la monnaie correspondaient à des groupes sociaux, à savoir les propriétaires fonciers, les travailleurs et les capitalistes. Les plates-formes représentent le groupe social qui a éclipsé en partie l’État dans la gestion des données massives. Données que les usagers des plates-formes mettent sur le marché, non pas en vue de vendre, mais en cliquant pour s’informer, se divertir, acheter, etc. En retour, ces derniers bénéficient de prestations difficiles à quantifier.</p>
<h2>Mesurer la contribution au PIB</h2>
<p>On considère ici les services gratuits rendus par certaines plates-formes numériques, notamment les services d’information et de divertissement. Quelle est leur contribution au PIB ? Pour tenter de le savoir, des économistes américains ont tenté en 2019 une procédure en <a href="https://www.nber.org/papers/w25695">deux étapes</a> : évaluer la contribution apportée au PIB américain par le réseau social Facebook, puis évaluer sur un échantillon de participants dans un laboratoire universitaire aux Pays-Bas les services rendus par huit plates-formes numériques (Instagram, Snapchat, Skype, WhatsApp, digital Maps, LinkedIn, Twitter et Facebook).</p>
<p>La somme offerte à ces participants pour renoncer à ces services pendant un mois varie de 1 à 500 euros. Chaque participant devait ainsi prendre huit décisions. Ce test a rassemblé 426 participants, soit au total plus de 400 décisions pour chaque service numérique.</p>
<p>Dans la première étape, n’ont été retenus que les utilisateurs de Facebook et la combinaison des réponses a permis d’estimer la courbe de demande. Le réseau social a été créé en 2003 et est devenu un service gratuit cette année-là. Sur la période 2003-2017, la contribution de Facebook au bien-être, appréciée sous forme monétaire aux États-Unis, a été estimée à 231 milliards de dollars (en dollars de 2017), ce qui représente une moyenne de 16 milliards de dollars par an. Le surplus de bien-être pour chaque utilisateur sur la même période 2003-2017 est de 1 143 dollars.</p>
<p>On peut estimer que ce chiffre est élevé lorsqu’on sait que l’utilisateur moyen se connecte à Facebook au moins une fois par mois pour un temps de connexion de 40 minutes. Dans ce contexte, le PIB estimé augmenterait de 1,54 point de pourcentage, soit 0,11 point de pourcentage en moyenne par an et la productivité augmenterait dans la même proportion.</p>
<p>Le service numérique rendu par Facebook a trois caractéristiques. C’est une innovation permettant au plus grand nombre d’utilisateurs de devenir membres d’un réseau social (pas d’effet de rivalité), c’est un bien non inflationniste (la tendance la plus courante est que les prix des produits vraiment nouveaux diminuent rapidement au début, mais ici le bien est gratuit) et il accroît le bien-être des participants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361946/original/file-20201006-14-122jdo5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Facebook propose un service numérique innovant, non inflationniste et qui augmente le bien-être des participants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1448595">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La seconde étape a permis d’observer des évaluations très hautes pour WhatsApp de sorte que le prix de renoncement à ce service s’est établi à 535,73 euros. Ne pas l’utiliser constitue une véritable frustration : cette plate-forme offre un service indispensable de communication avec la famille comme avec les collègues de travail. Facebook affiche un prix de renoncement de 100 euros, Maps de 60 euros, alors que Skype et Twitter n’atteignent qu’un euro.</p>
<p>D’autres plates-formes offrent en effet des possibilités de relation similaires. Les estimations indiquent que si WhatsApp n’est utilisé que par deux millions d’individus aux Pays-Bas, ce qui correspond en gros à la population des 15-24 ans, sa contribution au PIB serait de 0,82 point de pourcentage par an. C’est un chiffre important quand on sait que le nombre réel d’utilisateurs est proche de 10 millions.</p>
<p>De plus, le PIB officiel fait une double erreur de comptage. Si WhatsApp se substitue au téléphone traditionnel, le PIB enregistre la baisse des services téléphoniques, mais oublie de comptabiliser les gains de bien-être procurés par ce service numérique.</p>
<p>Les limites de l’évaluation du PIB apparaissent d’autant plus grandes que des biens numériques gratuits se substituent de plus en plus souvent à des biens traditionnels payés par les utilisateurs.</p>
<p>L’approche par le bien-être ne doit cependant pas masquer les biais sociologiques. Selon le philosophe français Michel Serres, les liens sociaux se transforment et l’espace métrique est remplacé par l’<a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/michel-serres-l-informatique-joue-un-role-essentiel-pour-transformer-les-sciences-humaines-773579.html">espace topologique</a>. Les voisins ne sont plus ceux des lieux d’habitation, ils sont ceux qui font partie du même réseau.</p>
<p>Sur cette base, Facebook met en œuvre un alignement avec ce principe en proposant des affichages qui sont triés pour convenir aux profils des individus et il s’applique également aux amis qui sont les plus en accord avec des usagers. Avec les conséquences de que l’on connaît en matière de création de <a href="https://www.liberation.fr/planete/2016/11/15/bulles-de-filtre_1528661">bulles de filtre</a> qui multiplient les isolats sociaux. Il n’est pas certain que cela contribue in fine au bien-être…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’approche par la mesure du bien-être, qui visait à dépasser le seul calcul du coût de production, reste encore incomplète pour évaluer le poids des services en ligne gratuits dans le PIB.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1401782020-06-08T18:13:15Z2020-06-08T18:13:15ZWilliamson, une vie de recherche dédiée à la nature et aux frontières de l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340028/original/file-20200605-176542-ztgoaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1118%2C789&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les travaux de l’économiste américain ont servi à démontrer la supériorité de la firme sur le marché en matière de création de valeur compte tenu de l’existence de coûts de transaction.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oliver_E._Williamson.jpg">Siivetjasilmat / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Oliver E. Williamson est un économiste américain, né le 27 septembre 1932 à Superior, une ville du Wisconsin et décédé le 21 mai 2020 à Oakland, près de Berkeley (sa ville de cœur où il était professeur), en Californie.</p>
<p>Il obtint aux côtés d’Elinor Ostrom le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2009 pour « son analyse de la gouvernance économique, et notamment des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13501780902940729">frontières de l’entreprise</a> ».</p>
<p>Il fut un auteur prolifique de 1963 à 2016, bénéficiant d’une grande influence en économie, et tout particulièrement dans ces deux sous-champs disciplinaires que constituent l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-institutional-economics/article/close-relation-between-organization-theory-and-oliver-williamsons-transaction-cost-economics-a-theory-of-the-firm-perspective/3E1944A19555DA0C019CEA24DB9D816F">économie des institutions et l’économie des organisations</a>, mais aussi en management, et dans une moindre mesure en science politique, en droit et en sociologie.</p>
<h2>De l’intérêt de l’entreprise</h2>
<p>La contribution majeure de Williamson consiste à proposer une analyse heuristique (qui s’intéresse à la manière de découvrir les faits) des structures de gouvernance que sont l’entreprise, le marché, et ce qu’il nommera plus tard les « <a href="https://www.jstor.org/stable/2393356?seq=1#metadata_info_tab_contents">formes hybrides</a> ».</p>
<p>Ces organisations hybrides ne sont ni des entreprises ni des marchés, mais une sorte de <a href="https://books.google.fr/books/about/Markets_and_Hierarchies.html?id=JFi3AAAAIAAJ&redir_esc=y">synthèse des deux</a>, à l’image des réseaux de coopération interfirmes.</p>
<p>Pour développer son analyse économique, il s’appuie sur le droit et notamment sur le courant américain dit du « pluralisme industriel » (avec l’idée qu’il existe plusieurs sources de droit dans la régulation des relations professionnelles) ainsi que sur la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/theorie-des-organisations/">théorie des organisations</a>, qui s’étend des travaux d’Herbert Simon, prix Nobel d’économie en 1978 fondée sur la psychologie cognitive à l’analyse stratégique du Français Michel Crozier.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans cet ouvrage, Williamson étudie la notion de coût de transaction et son impact sur l’existence et l’organisation de la firme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Free Press (1987)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’une certaine manière, l’approche williamsonienne cultive ce que l’on recherche de plus en plus en sciences sociales : la <a href="https://classiques-garnier.com/la-theorie-de-la-firme-comme-entite-fondee-sur-le-pouvoir-tfep.html">pluridisciplinarité</a>.</p>
<p>Ces travaux, qui ont fait l’objet de nombreuses études empiriques (c’est-à-dire s’appuyant sur l’expérience et les données) au niveau international, ont eu le grand mérite d’éclairer une question centrale en économie industrielle, celle des frontières de l’entreprise : quand un agent économique doit-il décider de ne plus utiliser le marché pour réaliser une transaction, mais recourir à l’intégration, c’est-à-dire à l’entreprise ?</p>
<p>Cette question cardinale des débats modernes en économie de l’entreprise a permis de proposer des <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Economic_Institutions_of_Capitalism.html?id=lj-6AAAAIAAJ&redir_esc=y">outils d’arbitrage rigoureux</a> entre la sous-traitance et la réalisation en interne d’une activité économique dans des économies développées fondées sur la spécificité des actifs (qu’ils soient physiques, humains ou immatériels).</p>
<p>Williamson s’est attaché à comprendre la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché dans ces situations économiques où l’allocation optimale des ressources spécifiques n’est plus garantie en raison de la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.5.2.25">rationalité limitée</a> (une multitude de facteurs cognitifs, organisationnels et environnementaux affectant la prise de décision) et du comportement potentiellement opportuniste des agents économiques.</p>
<p>L’entreprise émerge alors comme l’institution du capitalisme la plus efficace pour générer la création de valeur économique et minimiser ce que Williamson nomme « les <a href="https://creation-entreprise.ooreka.fr/astuce/voir/644129/couts-de-transaction">coûts de transaction</a> » (à savoir, dans ce cas précis, les coûts associés à l’internalisation des aléas contractuels comme les retards ou reports de délais, des dépenses supplémentaires ou les manques à gagner).</p>
<p>Ainsi Williamson élabore les bases constitutives d’une théorie de l’entreprise en tant que hiérarchie fondée sur le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00213624.2019.1573094">contrat de travail</a>.</p>
<h2>L’entreprise comme institution hiérarchique</h2>
<p>Ainsi « la subordination » justifie la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché, notamment en matière juridique, car elle permet aux employeurs de bénéficier d’une autorité hiérarchique (en somme de pouvoir donner des directives légitimes aux employés avec une probabilité très forte d’acceptation et sans coûts supplémentaires) permettant d’allouer les ressources sans recourir au mécanisme des prix.</p>
<p>Pour Williamson, c’est la firme qui constitue la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_theories_economiques_de_l_entreprise-9782707176790.html">meilleure structure de gouvernance</a> pour assurer le bon déroulement de la transaction, lorsque les actifs sont générateurs de valeur, à travers la relation d’emploi.</p>
<p>Force est de constater que le rapport salarial est au cœur du capitalisme et que le contrat de travail, qui fait émerger le rapport formel de subordination, est une propriété invariante des entreprises modernes que l’on retrouve au cœur des régulations sociales des pays développés.</p>
<p>C’est ce qu’évoquent par exemple en France l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007035180">arrêt</a> de la Chambre sociale du 13 novembre 1996 et les interprétations jurisprudentielles associées ainsi que les débats récents suscités par les <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/les-ordonnances-macron-une-revolution-ou-une-regression_1945612.html">ordonnances Macron</a> de 2017 sur la notion de subordination.</p>
<p>Ainsi la théorie de l’entreprise de Williamson dévoile une approche réaliste qui complète les travaux initiaux du prix « Nobel » d’économie 1991, Ronald Coase, lequel constitue aux côtés de John R. Commons l’un des économistes ayant le plus influencé l’œuvre williamsonienne.</p>
<p>L’analyse des structures de gouvernance ne doit pas être déconnectée de celle de l’environnement institutionnel – c’est-à-dire de l’ensemble des règles influant sur la production d’une nation –, car ces règles structurent les attributs des transactions qui, eux-mêmes, déterminent le type de contrat à mettre en œuvre.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour Williamson, l’entreprise est une institution où s’opère une régulation hiérarchique. Markets and Hierarchies : A Study in the Internal Organizations, 1975.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editeur : Free Press</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Williamson propose alors une théorie de la firme en tant qu’institution hiérarchique fondée sur un ordre privé interne, propre à l’entreprise. À la régulation marchande se substitue une régulation autoritaire.</p>
<p>L’autorité est source de valeur dans l’organisation. Elle permet de diviser et de diriger le travail de l’employé, mais aussi de régler les différends à moindres coûts. L’autorité fixe les règles du jeu à l’intérieur de la firme. Mais l’organisation ne s’arrête pas aux règles formelles.</p>
<p>La logique collective privée relève du domaine de la gouvernance, c’est-à-dire, pour Williamson, des moyens par lesquels la firme « transmet les ordres, remédie aux conflits et réalise des gains collectifs mutuels ».</p>
<p>Williamson est un penseur majeur de l’entreprise qui a influencé un grand nombre de chercheurs contemporains en économie des organisations, à l’image des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/19/nobel-d-economie-la-reconnaissance-d-un-nouveau-champ-disciplinaire_5016429_3232.html">travaux</a> des prix « Nobel » 2016 Oliver Hart et Bengt Holmström, qui développeront l’œuvre williamsonienne à travers ce que l’on appellera la formalisation des contrats incomplets et l’analyse des contrats incitatifs.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://virgilechassagnonblog.wordpress.com/2020/05/25/nomination-pour-le-prix-2020-du-meilleur-jeune-economiste/">Virgile Chassagnon</a> a été nominé au « Prix 2020 du Meilleur Jeune Economiste ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virgile Chassagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le prix « Nobel » d’économie 2009, décédé en mai dernier, a notamment proposé des outils d’arbitrage entre la sous-traitance des activités (le marché) et leur réalisation en interne (l’entreprise).Virgile Chassagnon, Professeur des Universités en Economie (FEG-CREG), Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1380692020-05-17T18:09:47Z2020-05-17T18:09:47ZRéduire les coûts visibles : le mauvais réflexe des PME en temps de crise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334655/original/file-20200513-156633-150mvtx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1257%2C26%2C4606%2C3050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’absentéisme, les accidents du travail ou les défauts de qualité sont autant de coûts difficiles à prendre en compte pour les dirigeants des PME.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/woman-using-calculator-doing-finance-home-585387518">wutzkohphoto / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Face aux impacts économiques de la crise sanitaire, les petites et moyennes entreprises (PME) semblent particulièrement exposées. Une <a href="https://www.cpme.fr/espace-presse/communiques-de-presse/enquete-cpme-limpact-devastateur-du-coronavirus-sur-les-tpe-pme">enquête</a> d’avril 2020 de la Confédération des petites et moyennes entreprises, révèle que 55 % des dirigeants de ce type de structure redoutent la faillite.</p>
<p>Dans le cadre de nos différentes recherches-interventions actuelles au sein de PME en difficultés, nous observons un même phénomène : la réduction drastique des coûts tous azimuts pour essayer d’améliorer la survie de l’entreprise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1259014805341511680"}"></div></p>
<p>Certaines entreprises de taille intermédiaire et certains grands groupes usent des mêmes pratiques (réduction des coûts) mais leur dimension et la mobilisation de leurs ressources plus conséquentes leur permettent d’éviter le pire.</p>
<p>En adoptant ce réflexe, les gérants de PME risquent d’entraîner leur entreprise dans un cycle négatif infernal. Nous allons tenter d’expliquer ce phénomène.</p>
<h2>Les coûts cachés, danger pour l’entreprise</h2>
<p>Les modèles usuels dominants de décisions économiques au sein des PME observées prennent en compte dans la plupart des cas des informations et des indicateurs que les modèles comptables budgétaires et financiers traditionnels ont construits au fil du temps.</p>
<p>Ces modèles simplistes ne détectent pas ou cachent des signaux pertinents indispensables pour prendre des décisions de meilleure qualité, c’est-à-dire durablement efficaces et efficientes permettant à l’entreprise d’améliorer sa survie à court terme et son développement à moyen et long terme.</p>
<p>Si l’on prend la route comme analogie à l’itinéraire de la PME, on perçoit les dangers parfois mortels (disparition d’entreprise, destruction d’emplois fermes) que font courir certains des outils tels que les tableaux de bord comptables, budgétaires et financiers constitués des seuls coûts et performances visibles.</p>
<p>Ces derniers masquent les dangers sur « la route de la performance durable » que font courir les coûts cachés non calculés et non surveillés tels que des surcroîts d’absentéisme, d’accidents du travail, de maladies professionnelles, de rotation du personnel, de défaut de qualité et de productivité directe.</p>
<p>Ces outils de pilotage imprudent constituent des déformations importantes de ce qui se passe réellement dans l’organisation et entraînent des décisions destructrices de valeur pour l’entreprise. Le dirigeant de la PME est ainsi condamné à conduire en état d’insuffisance de visibilité. Il en résulte de nombreuses erreurs de conduite et des accidents plus ou moins graves sur le parcours de la performance durable. </p>
<p>Lorsqu’une PME se trouve en difficulté financière grave ou chronique, les « experts », les consultants, les conseillers, les contrôleurs se penchent au chevet de la PME souffrante. Les prescriptions sont classiques et datent de plusieurs siècles : couper les ressources visibles c’est-à-dire les flux financiers. À l’imprudence d’une gestion accidentée succède la mutilation de certaines parties de la PME entraînant la restriction du précieux afflux sanguin : le financement.</p>
<h2>Un réflexe : couper les coûts visibles</h2>
<p>Nous avons observé au cours de nos travaux ce que ces remèdes provoquent au sein de la PME. On réduit les charges, les dépenses, désormais déclarées inutiles, et l’on choisit ainsi le scénario de l’amputation de l’entreprise.</p>
<p>La conséquence est bien connue : la productivité diminue du fait des freinages plus ou moins conscients, plus ou moins organisés, ainsi que la qualité des produits, les délais de livraison et de réponse aux attentes des clients ou des usagers s’allongent.</p>
<p>Les clients risquent de se détourner de l’entreprise en s’orientant vers la concurrence. Alors le découragement s’installe. Les personnels les plus dynamiques et compétents regardent les offres d’emploi. Les moins compétents ou moins combatifs se replient sur eux-mêmes.</p>
<p>Une nouvelle vague de baisse de productivité, de reconnaissance, d’absentéisme, de climat social délétère, de stress enclenche une nouvelle spirale régressive de dégradation des performances économiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/arrets-de-travail-et-ras-le-bol-managerial-106106">Arrêts de travail et « ras-le-bol » managérial</a>
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<p>Bref, en comprimant trop tard et trop brutalement les coûts visibles, seuls reconnus par les plans comptables normés, les procédures budgétaires et des modèles d’analyse financière, les agents de la soi-disant rationalisation des charges et des coûts de revient ont provoqué une énorme dilatation des coûts cachés.</p>
<p>En effet, ces coûts de dysfonctionnements ignorés par le système d’information et de pilotage économique de l’entreprise ne sont ni mesurés, ni surveillés, ni analysés, ni interprétés.</p>
<p>C’est par ces fuites et lacunes du système de contrôle de gestion des ressources de l’entreprise que s’échappe une large partie de la valeur ajoutée.</p>
<p>Rappelons le niveau élevé de ces <a href="https://www.cairn.info/revue-accra-2018-2-page-71.htm">coûts cachés</a> : entre 20 000 euros à 70 000 euros par personne et par an sur un vaste échantillon de près de 2 000 entreprises diagnostiquées par l’Institut de socio-économique des entreprises et des organisations (Iséor).</p>
<p>C’est également ce niveau de montants de coûts cachés que nous retrouvons dans notre champ de recherche, c’est-à-dire les PME en difficultés. Cette précieuse substance économique manque à l’irrigation sanguine de l’entreprise qui risque ou finit par disparaître.</p>
<h2>D’autres modèles de décision sont possibles</h2>
<p>Pourtant, d’autres schémas sont envisageables et ont été expérimentés dans le cadre de nos recherches-interventions sur des PME en difficultés.</p>
<p>Le dirigeant de la PME doit surveiller simultanément ses coûts-performance visibles avec sa comptabilité, son suivi budgétaire et ses tableaux de bord financiers ainsi que ses coûts-performances cachés.</p>
<p>Ce type de management permet de convertir les ressources cachées sous forme de coûts cachés (non maîtrisés, non surveillés) en coûts visibles d’investissement incorporel.</p>
<p>Par exemple, on peut imaginer que coûts tels que des heures perdues liées à l’absentéisme, des heures et de la surconsommation de matières premières liées à des défauts de qualité de produits, des réunions inutiles, des pertes de clients liées à un manque de vigilance, des non-créations de chiffres d’affaires rentables par manque de nouveaux produits ou services, etc. soient en partie recyclés pour former le personnel à la qualité, afin d’accélérer la création de nouveaux produits attendus par le marché.</p>
<p>Cela permettra de redresser le niveau de chiffre d’affaires et par conséquent de la valeur ajoutée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171537351560105985"}"></div></p>
<p>Le résultat de ce scénario stratégique est que la structure du coût intégral (coût visible + coût caché) des activités et des produits se transforme. Les coûts cachés diminuent, ce qui permet d’autofinancer l’investissement incorporel profitable (développement des compétences, nouveaux produits qui permettent d’augmenter de manière significative la valeur ajoutée crée par la PME et assurer son redressement financier).</p>
<p>En conclusion, nos travaux de recherche sur des PME en difficultés nous montrent qu’il faut se méfier de l’effet pervers de la lutte contre certains coûts qui dilatent le coût réel par une extension des coûts cachés.</p>
<p>Beaucoup de mesures classiques prises au titre du redressement de la PME ont cet effet. Un autre scénario semble plus rationnel : on laisse augmenter les coûts visibles, à condition que cet accroissement s’accompagne d’une récupération de coûts cachés, jusqu’à ce que la nouvelle structure des coûts, mieux connue, favorise l’amélioration de l’efficacité, de la productivité et de l’autofinancement, facteurs de survie de la PME.</p>
<p>Vouloir obtenir une baisse brutale de certains coûts provoque souvent l’effet inverse de celui recherché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Combaudon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les modèles de gestion dominants font l’impasse sur les coûts cachés et provoquent une destruction de valeur significative pour les entreprises.Christophe Combaudon, Associate professor, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1295782020-01-13T21:56:04Z2020-01-13T21:56:04ZClimat des affaires : les entreprises se préparent au ralentissement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309090/original/file-20200108-107200-17y8am6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C191%2C5476%2C3509&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plus des trois quarts des entreprises américaines envisagent une récession avant la mi-2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">Erkipauk / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est tiré de la dernière enquête Duke University–Grenoble École de Management qui mesure chaque trimestre, depuis plus de 20 ans, le climat des affaires tel qu’il est perçu par les responsables financiers des entreprises à travers le monde. L’enquête recueille plus de 1 000 réponses anonymes d’entreprises de tous secteurs et de toutes tailles. C’est désormais la plus grande enquête de ce type dans le monde. Une analyse détaillée par pays peut être envoyée à chaque participant. Vous pouvez consulter les <a href="http://www.grenoble-em.com/climat-des-affaires">résultats complets de cette enquête</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les résultats de notre enquête trimestrielle de climat des affaires montrent que les entreprises se préparent à traverser une période de faible croissance d’ici à 2021 et ce partout à travers le monde. Aux États-Unis par exemple, 52 % des entreprises de notre panel parient sur une récession dès la fin 2020 alors que 76 % l’envisagent avant la mi-2021. Elles sont nombreuses à nous indiquer que les incertitudes entourant l’élection présidentielle américaine de 2020 pourraient ralentir leurs investissements.</p>
<p>En Europe aussi le ralentissement est anticipé pour la fin de l’année 2020. Si l’ensemble des secteurs pouvait être touché, c’est dans la santé, le conseil, le transport que les anticipations sont les plus pessimistes avec une éventuelle récession dès l’été 2020. À l’inverse, dans les secteurs de la tech et de la production manufacturière, le retournement n’est pas envisagé avant les premiers mois de 2021.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309077/original/file-20200108-107204-9t26qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Climat des affaires : niveau d’optimisme moyen des responsables financiers en Europe et aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Enfin, les perspectives de croissance semblent particulièrement difficiles en Asie où les entreprises s’attendent déjà à une baisse de leurs chiffres d’affaires dans les mois qui viennent.</p>
<h2>Comment s’adaptent les entreprises ?</h2>
<p>C’est dans ce contexte que nous avons interrogé les entreprises pour connaître leurs décisions financières à quelques mois d’un éventuel ralentissement. Les résultats sont frappants : 56 % des entreprises américaines déclarent avoir déjà pris des mesures afin de traverser au mieux la période de baisse d’activité. Parmi ces mesures, nous notons que près d’un tiers des entreprises ont d’ores et déjà commencé à ralentir leurs investissements (31 %) tout en renforçant leur situation bilantielle par des politiques de désendettement importantes (59 % d’entre elles).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309081/original/file-20200108-107214-1x9fs3j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Les entreprises cherchent également à contrôler leurs coûts, pour 58 % d’entre elles. Enfin, il semble que les entreprises favorisent la détention de liquidité afin de compenser une éventuelle baisse de chiffre d’affaires. Nous retrouvons un schéma similaire en Europe, néanmoins les entreprises sont encore plus nombreuses à chercher une réduction des coûts (78 % d’entre elles) ce qui peut passer en particulier pour 37 % des entreprises par un report des embauches prévues.</p>
<h2>Une conjoncture favorable à court terme</h2>
<p>Malgré les anticipations de ralentissement à moyen terme, les entreprises perçoivent encore un climat des affaires favorable pour les premiers mois de 2020. Aux États-Unis par exemple, le climat des affaires rebondit légèrement pour atteindre 67 contre 65,5 au trimestre précédent (sur une échelle de zéro à cent) indiquant toujours une croissance soutenue de l’économie.</p>
<p>En Europe, notre indicateur de climat des affaires ressort à 60 pour le 4<sup>e</sup> trimestre 2019 contre 57 au trimestre précédent. L’optimisme est toujours particulièrement élevé en France (70) et en Allemagne (64).</p>
<p>Au Royaume-Uni en revanche, le climat des affaires reste dégradé (52) depuis de nombreux trimestres et l’économie britannique pourrait même être déjà entrée en récession selon plusieurs entreprises qui ont répondu à notre enquête. La sortie effective de l’Union européenne pourrait rapidement rajouter des incertitudes à ce contexte morose. Conséquence immédiate : 75 % des entreprises britanniques s’attendent à devoir puiser dans leurs réserves de liquidité au cours de l’année 2020, en particulier pour faire face au choc du Brexit.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309080/original/file-20200108-107249-1tcnlar.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<h2>L’Asie sensible à la guerre commerciale</h2>
<p>Les États-Unis affichent toujours le niveau de climat des affaires le plus favorable dans le monde alors que l’Asie enregistre une forte baisse depuis quelques trimestres. L’optimisme en Asie semble très sensible à la guerre commerciale que mènent la Chine et les États-Unis. Ainsi, le climat des affaires s’établit à 52 ce trimestre en Asie contre 54 au trimestre précédent contre plus de 65 avant l’été. Les entreprises asiatiques anticipent une baisse de chiffre d’affaires (-1 %), d’investissement (-3 %) et de bénéfice dès le début de l’année 2020.</p>
<p>Le climat des affaires ressort à 58 en Amérique latine pour le 4<sup>e</sup> trimestre avec un rebond significatif au Brésil (65 contre 56 au trimestre précédent). Les entreprises anticipent une hausse du chiffre d’affaires moyen d’environ 7 %. C’est au Chili que la confiance est au plus bas (40) pointant vers un recul marqué de la croissance dans le pays.</p>
<p>Enfin, en Afrique le climat des affaires se dégrade un peu plus pour s’établir à 44 ce trimestre contre 46 au trimestre précédent. Les entreprises du continent continuent néanmoins d’investir et anticipent une hausse du chiffre d’affaires moyen d’environ 4,5 %.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309083/original/file-20200108-107255-1pq0mgl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=455&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Climat des affaires mondial pondéré par le PIB (PIB à prix constants en USD).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque mondiale</span></span>
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<hr>
<p><em>Pour voir les résultats complets de cette enquête : <a href="https://www.cfosurvey.org/release/">cfosurvey.org/release/</a>. Prochaine enquête du 9 mars au 30 mars 2020 : <a href="http://ceocfo.org/French.htm">ceocfo.org/French.htm</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aux États-Unis ou encore en Europe, les entreprises revoient actuellement leurs politiques financières face à une période attendue de croissance plus faible.Philippe Dupuy, Professeur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1142132019-03-27T21:32:57Z2019-03-27T21:32:57ZLiberté et progrès : et si nous étions en train de nous tromper de voie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/265549/original/file-20190325-36283-1t98zx0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C1%2C976%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le principe du marché autorégulateur a été sérieusement mis à mal ces 20 dernières années.</span> <span class="attribution"><span class="source">StunningArt/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous vivons un moment tout à fait inédit qui est entré en tension avec tous les grands enjeux de notre époque. Se font face une révolution technocapitaliste qui annonce une promesse de liberté et de progrès, et une réalité d’un monde sans croissance où la pauvreté augmente, où la démocratie vacille. Dès sa naissance, des contradictions irréductibles étaient inscrites au cœur du projet technocapitaliste, et elles apparaissent aujourd’hui au grand jour. Pour les dépasser, deux voies se présentent à nous : celle de l’élitisme individualisé d’un côté et celle de l’intelligence collective de l’autre.</p>
<h2>Un capitalisme post-marché</h2>
<p>Plus d’un siècle après Adam Smith, le modèle néoclassique de l’<a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/microeconomie-theorie-de-l-equilibre-general/">équilibre général</a> démontre qu’en situation de concurrence parfaite tout surprofit tend à disparaître. Cet équilibre repose sur deux conditions. La première est celle dite des rendements décroissants qui limitent la possibilité pour une entreprise de grandir indéfiniment. La deuxième est l’existence du mécanisme des prix qui permet à chacun de disposer des informations nécessaires pour agir en toute rationalité. Ainsi l’économie de marché peut tenir sa promesse d’être le modèle le plus efficace et le plus juste, aussi bien en termes économique que social.</p>
<p>Or, dans l’économie technocapitaliste qui est la nôtre, les technologies numériques associées aux nouvelles logiques financières transforment en profondeur la structure de coûts des entreprises et éloignent le lien qui existait entre augmentation des ventes et des profits d’un côté et variation des coûts de l’autre. Qu’il s’agisse d’externaliser la totalité des coûts directs sur des sous-traitants mal payés, de créer des plates-formes numériques qui se contentent de mettre en contact l’offre et la demande ou – et c’est l’innovation la plus originale – de faire <a href="https://journals.openedition.org/lectures/15238">travailler gratuitement leurs clients</a> ; distribuer des produits à une personne ou à des milliers coûte à peu près le même prix. Ainsi, ces modèles sont un véritable défi lancé à la théorie du marché car, dans l’économie technocapitaliste, c’est le monopole qui devient la forme naturelle du marché !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265544/original/file-20190325-36260-1sap9iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les technologies numériques associées aux nouvelles logiques financières transforment en profondeur la structure de coûts des entreprises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">William Potter/Shutterstock</span></span>
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<p>Pour s’attaquer au mécanisme des prix, le coup de génie aura été de créer ce que beaucoup nomment « l’économie de la gratuité ». De plus en plus souvent, lorsque nous achetons un produit, nous ne le payons pas, du moins pas directement, pas en totalité, pas immédiatement. En l’absence de cette précieuse information, le consommateur a de plus en plus de difficultés à relier son comportement de consommation avec sa réelle capacité d’achat. C’est ainsi que le pouvoir cognitif du mécanisme des prix s’efface pour laisser place à des comportements irrationnels.</p>
<p>Avec la disparition des deux conditions premières du modèle concurrentiel néoclassique, il n’aura fallu qu’une vingtaine d’années au système technocapitaliste pour mettre à bas le principe du marché autorégulateur et voir naître un capitalisme radical émancipé du marché, un capitalisme post-marché.</p>
<h2>Une désintégration sociale</h2>
<p>Comme le montrent les récents propos de Christine Lagarde, même le FMI <a href="https://www.lesechos.fr/05/12/2018/lesechos.fr/0600283662532_christine-lagarde-appelle-a-stopper-la-course-au-moins-disant-fiscal.htm">reconnaît les risques sociaux</a> du torrent technocapitaliste :</p>
<blockquote>
<p>« Les entreprises ont maintenant une présence planétaire […]. Sans une coopération internationale réimaginée, on peut craindre que dans 20 ans, les inégalités ne surpassent ce qu’elles étaient pendant l’âge d’or du capitalisme. »</p>
</blockquote>
<p>Ce monde numérisé génère un « stress » social de grande ampleur car pour la première fois dans l’histoire, la technologie situe massivement la relation capital/travail dans un rapport de substituabilité et non plus de complémentarité. C’est aux deux bouts de la chaîne des emplois que la demande de travail est devenue la plus forte. Tout en haut se situent les « experts » qui agissent encore en complémentarité et restent capables de créer une énorme richesse en quelques décisions ou quelques clics. </p>
<p>Tout en bas se trouve un monde à faible productivité que la technologie n’arrive pas encore à remplacer (ce sont ces emplois, mal payés, qui ont explosé ces dernières années). Et, au milieu se trouvent ceux où la substituabilité est la plus importante et qui sont donc les plus menacés. Dans un <a href="https://www.lesechos.fr/15/10/2018/lesechos.fr/0302414107049_le-mirage-salarial-de-la-silicon-valley.htm">article récent</a>, Lucas Mediavilla montre qu’en 20 ans, les salaires de neuf salariés sur dix ont diminué dans la Silicon Valley et que la richesse se concentre autour d’une petite minorité de travailleurs ultra-qualifiés. Dans le berceau du technocapitalisme, son impact social est déjà devenu négatif.</p>
<p>L’essor des plates-formes numériques a remis au goût du jour un modèle social qui avait été balayé par la deuxième révolution industrielle et que l’on croyait disparu à jamais. La plate-forme numérique a sorti le travail de l’entreprise, elle n’en est plus responsable. C’est aux employés d’apporter le capital nécessaire à la réalisation du travail (VTC, bien immobilier, vélo), et à en supporter les risques associés. Ils sont autoentrepreneurs, payés à la course et supposés assumer toutes les cotisations sociales. Dans ce nouveau monde, le travail n’est plus le lieu essentiel où se joue le lien social et la construction de son identité. La fragilisation des sociétés salariales est en train de briser le cercle vertueux qui permettait la création de richesses économiques, l’augmentation du niveau de vie et un puissant mouvement <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=471949">d’émancipation individuelle</a>.</p>
<h2>Le piège environnemental</h2>
<p>Les géants de l’industrie numérique se vantent à longueur de journée de leurs <a href="http://www.energie.sia-partners.com/20160421/les-gafa-catalyseurs-du-developpement-des-energies-renouvelables">« immenses efforts »</a> en matière environnementale, tout en participant largement à une exploitation toujours plus grande de ressources limitées ou encore à l’augmentation des flux et de leur vitesse pour optimiser leur chaîne de valeur (ne serait-ce que le transport ou la consommation d’énergie).</p>
<p>La science économique commence à mieux cerner la notion de capital naturel et son évolution liée aux interactions entre l’homme et son environnement. Tous ces travaux nous disent que le cycle économique est borné en amont par les quantités de ressources exploitables, et en aval par la capacité des écosystèmes à absorber les déchets. Les économistes sont convaincus que, dans le domaine de l’environnement, la priorité n’est pas la prise en compte de la rareté des ressources mais le traitement de la question des « poubelles pleines ». </p>
<p>Les solutions proposées paraissent convaincantes (TVA verte, prix du CO<sub>2</sub>, etc.). Mais, là encore, l’efficacité de ces mesures se heurte au fait que le nombre de produits augmente plus vite que la diminution de leur taux de charge. Enfin, il nous précipite au-delà des frontières écologiques car ce nouveau monde produit un <em>Homo festivus numericus</em> qui s’arrange avec la promesse selon laquelle l’innovation dernier cri va lui permettre de réduire son empreinte carbone tout en ignorant superbement le coût pour la planète lié à la fabrication de cette innovation. Entre un franchissement de frontière et une réduction de consommation, <em>festivus numericus</em> préférera toujours franchir la frontière.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265550/original/file-20190325-36270-1b2lbu8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le nombre de produits disponibles sur le marché augmente plus vite que la diminution de leur taux de charge.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Labrador Photo Video/Shutterstock</span></span>
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<p>C’est là l’explication ultime de l’incompatibilité entre ce nouveau capitalisme et les frontières écologiques. En faisant de chacun un <em>festivus numericus</em>, ce système crée des comportements d’hyper-consommation, d’hypermobilité, totalement incompatibles avec une quelconque maîtrise des externalités environnementales.</p>
<h2>La déformation sociale du temps</h2>
<p>L’une des plus grandes singularités de cette nouvelle forme de capitalisme est qu’il <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2018-2-page-371.htm">déforme socialement le temps</a>. Cette déformation s’effectue sous la pression de deux grands phénomènes. Le premier relève d’un changement de nature du temps, le deuxième est d’ordre sociologique, voire anthropologique, c’est le principe d’accélération du temps.</p>
<p>Lorsque Gary Becker publie <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/ecoj.12157">« A Theory of the Allocation of Time »</a>, il indique que, pour obtenir le maximum de satisfaction, l’individu va combiner une quantité de dépenses et une quantité de temps. Et il fait preuve d’un grand esprit visionnaire lorsqu’il nous dit que dans le monde moderne, c’est le prix relatif du temps qui est amené à augmenter par rapport à celui des autres dépenses. C’est toute une conception de la société qui change alors, car ce qu’il nous dit c’est que toutes les activités qui dépensent beaucoup de temps sans apporter de satisfaction économique supplémentaire seront amenées à disparaître.</p>
<p>Ceci explique, par exemple, le remplacement progressif du bénévolat (gratuit) par la philanthropie des plus fortunés (inscrite dans une logique d’optimisation fiscale). Ou encore le développement de travaux autour de l’économie de l’attention qui ont pour ambition de capter toujours plus le temps des individus via les interfaces numériques et les jeux vidéo. Le succès de ces travaux est éclatant : dans un reportage récent sur Arte, on peut entendre que, arrivé à l’âge de 21 ans, un jeune aura passé <a href="https://gaite-lyrique.net/evenement/jeux-video-les-nouveaux-maitres-du-monde">10 000 heures à jouer</a> sur un écran, autant qu’au collège et au lycée !</p>
<p>C’est à l’ensemble de la société que l’on demande maintenant d’accélérer. La globalisation, la technologie, tout cela nous entraînent dans des rythmes toujours plus rapides. Et cette accélération désynchronise tous les plans de nos vies. <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=845616">Hartmut Rosa</a> nous explique que l’évolution actuelle relève d’une dialectique entre des forces d’accélération et des institutions vouées à dépérir dès lors qu’elles deviennent un frein à celles-ci. Il rejoint ici la thèse de <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=954256">Zygmunt Bauman</a> selon laquelle le système va chercher à éliminer tous les obstacles qui se présentent sur sa route et qui l’empêchent d’accélérer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265547/original/file-20190325-36244-1tmhoac.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Selon des experts, les jeunes passeraient environ 10 000 heures à jouer devant un écran jusqu’à leurs 21 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sezer66/Shutterstock</span></span>
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<p>Cette déformation sociale du temps contribue à dissoudre tous nos repères. Il faut relire <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=822930">Émile Durkheim</a>, <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=790764">Simone Weil</a> et <a href="https://catalogue.univ-amu.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=1015818">Hanna Arendt</a> pour anticiper les conséquences du vide que créent nos sociétés liquides. Elles brisent tous les repères, toutes les bornes à partir desquelles les personnes avaient construit leur vie. Durkheim parle alors d’anomie. Et cette situation peut-être désastreuse comme le pressent Hanna Arendt !</p>
<h2>Sortir de l’impasse</h2>
<p>Deux voies semblent émerger, tout aussi révolutionnaires l’une que l’autre.</p>
<p>La première est prométhéenne, grâce aux nouvelles technologies le corps et l’esprit humains seront réagencés pour rattraper notre retard par rapport au rythme imposé par la société liquide et dépasser les contradictions du monde technocapitaliste. C’est ce que l’on appelle le projet <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/02/01/la-resistible-ascension-du-transhumanisme_5417893_3232.html">transhumaniste</a>, qui consiste à « augmenter l’homme ». Ses prophètes utilisent une phraséologie sociale pour justifier leur vision. Pour eux, seul le transhumanisme pourra éviter que les creusements des inégalités ne conduisent au règne absolu d’une élite richissime. Tous les grands noms du technocapitalisme investissent des <a href="https://iatranshumanisme.com/2015/02/08/google-la-strategie-secrete-pour-transformer-lhumanite/">sommes colossales</a> sur ces sujets et certains hommes politiques relaient d’ores et déjà leurs ambitions.</p>
<p>La deuxième est sans doute la voie la plus révolutionnaire, la plus politique, puisqu’elle consiste non plus à demander de s’adapter à un contexte, mais bien de changer le contexte lui-même en utilisant la puissance de l’intelligence collective. La vraie question n’est plus technologique, mais bien sociale : comment remettre en marche cette intelligence pour transformer l’ordre des choses, alors que toute l’évolution récente a atomisé nos sociétés ? Parce que l’éloignement nous désengage de notre citoyenneté, cette voie s’appuie sur l’idée que c’est dans la proximité que se situent les nouveaux enjeux car c’est à ce niveau que pourront être repensées nos façons de nous nourrir, de nous loger, de nous chauffer, de nous déplacer, et de manière générale, d’améliorer notre quotidien. Cette voie nous propose de revoir en totalité comment nos besoins premiers seront satisfaits tout en dépassant les trois conséquences majeures de l’évolution technocapitaliste : l’épuisement de notre capital naturel, le creusement des inégalités et la dépolitisation du monde.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=870&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/265542/original/file-20190325-36283-1guifjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Dès 2010, <a href="https://www.cairn.info/autoproduction-accompagnee--9782749212135.htm">Daniel Cérézuelle et Guy Roustang</a> percevaient que les dépenses à base de temps prendraient dans l’avenir de plus en plus d’importance en lieu et place de dépenses à base de biens et services. Et ils voyaient dans la relocalisation partielle de nos enjeux premiers une solution aux déséquilibres de notre monde. C’est cette voie qui doit être reprise et amplifiée et c’est dans celle-ci que peut se retrouver une complémentarité fructueuse entre les avancées technologiques (FabLab en réseaux en particulier), l’intelligence collective et une économie de marché refondée. D’ores et déjà, de nombreux territoires expérimentent ces nouvelles approches et c’est à la puissance publique et aux citoyens d’en permettre un changement d’échelle significatif, seul à même de nous permettre de dépasser l’impasse technocapitaliste.</p>
<hr>
<p><em>Renaud Vignes est l’auteur de l’ouvrage <a href="https://citizenlab.fr/produit/limpasse/">« L’impasse »</a> (Editions CitizenLab) duquel a été tiré cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Vignes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Découvrez des extraits de « L’impasse », le dernier livre de Renaud Vignes, maître de conférences associé à Aix-Marseille Université.Renaud Vignes, Maître de Conférences associé, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1036932018-09-23T19:20:59Z2018-09-23T19:20:59ZL’économie collaborative est-elle bonne pour l’environnement ? Conversation avec Aurélien Acquier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237501/original/file-20180921-88806-o7uco4.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C4%2C1328%2C748&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aurélien Acquier (ESCP Europe) dans l'émission Fenêtres Ouvertes sur la Gestion</span> </figcaption></figure><p>Vous avez pu lire un excellent texte signé <a href="https://theconversation.com/profiles/aurelien-acquier-277530">Aurélien Acquier</a>, <a href="https://theconversation.com/profiles/damien-demailly-277573">Damien Demailly</a> et <a href="https://theconversation.com/profiles/valentina-carbone-277575">Valentina Carbone</a> dans The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/leconomie-collaborative-est-elle-source-de-progres-environnemental-61543">« L’économie collaborative est-elle source de progrès environnemental ? »</a>.</p>
<p>Ce texte rappelle un acquis essentiel des sciences de gestion : elles sont aussi – pour ne pas dire d’abord… – les sciences qui traitent de l’art de composer collectivement avec les tensions et les paradoxes, en situations toujours complexes.</p>
<p>Pour poursuivre la réflexion, on ne saurait donc que conseiller de jeter également un coup d’œil au numéro 270 de la Revue Française de Gestion et à son dossier spécial titré : <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2018-1.htm">« Management des paradoxes »</a>… évidemment.</p>
<p>Bon visionnage !</p>
<p><strong>L’interview d’Aurélien Acquier</strong></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zxJemsi82rM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>Présentation d’Aurélien Acquier</strong></p>
<p>Docteur ès sciences de gestion de Mines ParisTech–PSL Research University et titulaire d’une Habilitation à Diriger les Recherches délivrée à l’IAE de Paris–Paris 1 Panthéon Sorbonne, <a href="https://theconversation.com/profiles/aurelien-acquier-277530/articles">Aurélien Acquier</a> est Professeur à ESCP Europe.</p>
<p>A la frontière entre stratégie et théorie des organisations, ses <a href="https://www.cairn.info/publications-de-Acquier-Aur%C3%A9lien--27289.htm">travaux</a> portent sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) en lien avec la régulation des organisations complexes (chaînes de valeur globales, firmes multinationales, économie collaborative). Il est l’auteur de nombreux articles dans les revues internationales les plus réputées, dont la <a href="https://www.cairn.info/resultats_recherche.php?searchTerm=Aur%C3%A9lien+Acquier&ID_REVUE=RFG">Revue Française de Gestion</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103693/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les sciences de gestion traitent de l’art de composer collectivement avec les tensions et les paradoxes, en situations toujours complexes. Démonstration.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/939902018-04-09T04:12:47Z2018-04-09T04:12:47ZEnseignement supérieur : quel est le coût de la réussite en premier cycle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/213666/original/file-20180407-5581-1cja14f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C1493%2C886&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au-delà des chiffres : quelle efficacité budgétaire ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/33096926974/2662d9c3ff/">Egmo2017/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Les moyens consacrés à l’enseignement supérieur sont souvent résumés en un chiffre, celui de la dépense moyenne d’éducation par étudiant. Pour 2014 par exemple, <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/10/EESR10_ES_01-la_depense_d_education_pour_l_enseignement_superieur.php#ILL_EESR10_ES_01_03">elle s’élève à 11 834 euros</a>. Ce chiffre ne dit rien, cependant, des différences de dépense selon les filières de formation. Loin d’être uniforme, la dépense par étudiant varie ainsi de 10 576 euros pour un étudiant à l’université à 15 052 euros pour un étudiant de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) :</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/1c0e0408-ba53-4a98-b1d6-45830b95810f?src=embed" title="Évolution de la dépense moyenne" width="100%" height="532" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Si cette dépense différenciée entre les formations pose la question des <a href="https://theconversation.com/un-etudiant-combien-ca-coute-des-inegalites-dans-lenseignement-superieur-91502">inégalités de traitement entre les étudiants</a>, elle soulève également celle de son efficacité.</p>
<h2>La réussite, mesure de la performance des formations</h2>
<p>Une formation de premier cycle contribue à la réalisation de plusieurs objectifs simultanément (acquisition de connaissances, certification de compétences, formation du citoyen, etc.). Néanmoins, son objectif premier est bien la réussite des étudiants, qui doit garantir l’atteinte des autres objectifs de la formation.</p>
<p>Dans le cas des diplômes (licence, DUT et BTS), la réussite peut facilement être mesurée par le taux d’obtention du diplôme. Le nombre d’inscriptions étant normalement limité à 3 années en DUT et en BTS, et à 5 années en licence, nous avons pris en compte le taux d’obtention du diplôme en 2 ou 3 ans pour <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/7/EESR7_ES_16-parcours_et_reussite_en_sts_iut_et_cpge.php#ILL_EESR7_ES_16_02">le DUT</a> et <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/7/EESR7_ES_16-parcours_et_reussite_en_sts_iut_et_cpge.php#ILL_EESR7_ES_16_01">le BTS</a>, et en 3, 4 ou 5 ans pour <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/8/EESR8_ES_17-les_parcours_et_la_reussite_en_licence_licence_professionnelle_et_master_a_l_universite.php#ILL_EESR8_ES_17_02">la licence</a>.</p>
<p>La réussite en CPGE, en revanche, ne peut être mesurée par le taux de réussite au diplôme : d’abord parce qu’aucun diplôme n’est délivré à la fin de la formation, ensuite parce que, comme leur nom l’indique, elles ont pour objectif de préparer les étudiants à <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid20182/classes-preparatoires-aux-grandes-ecoles-c.p.g.e.html">intégrer les grandes écoles et les écoles d’ingénieurs</a>. Dès lors, la réussite peut être mesurée par le <a href="https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/7/EESR7_ES_16-parcours_et_reussite_en_sts_iut_et_cpge.php#ILL_EESR7_ES_16_03">taux d’intégration dans les écoles de niveau bac+5</a> après 2 ou 3 ans, puisque comme pour le DUT ou le BTS, le nombre d’inscriptions est normalement limité à 3 années. Les données étant communiquées par filière (scientifique, économique, littéraire), nous avons réalisé une moyenne pondérée en fonction de <a href="http://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html#Les%20%C3%A9tudiants">la proportion d’étudiants inscrits dans chacune des filières</a>.</p>
<p>Quelle que soit la formation de premier cycle, les taux de réussite retenus n’intègrent pas les réorientations, bien que, dans de nombreux cas, elles débouchent pourtant sur une réussite de l’étudiant. En effet, pour les formations quittées, il s’agit bien d’un échec, puisque leur objectif premier n’est pas atteint, et que rien n’indique qu’une intégration directe dans la nouvelle formation n’aurait pas permis à l’étudiant d’atteindre le même résultat.</p>
<p>Sur la base du suivi de cohorte des nouveaux inscrits en 2008 (dernier disponible), nous avons obtenu les taux de réussite suivants :</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/7afe7dd9-806f-4f33-a676-347d1cd9dbe7?src=embed" title="Taux de réussite" width="100%" height="475" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<h2>Le coût de la réussite</h2>
<p>L’évolution de la dépense moyenne par étudiant confirme l’existence, depuis de nombreuses années, d’une différence notable de coût entre les différentes formations. Si la dépense par étudiant en BTS ou en CPGE est directement exploitable, la dépense par étudiant à l’université est en revanche plus problématique, car elle agrège des étudiants inscrits dans différentes formations. En particulier, depuis l’entrée en vigueur de la LOLF en 2006, il n’est plus possible de repérer les dépenses des IUT, désormais intégrées à celles des universités.</p>
<p>Puisque la dépense par étudiant en IUT est <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid29490-cid70859/une-priorite-la-reussite-des-etudiants-mesure-3.html">supérieure d’environ 20 %</a> à la dépense par étudiant à l’université, nous avons pu, en prenant en compte la part des effectifs inscrits en DUT, distinguer la dépense par étudiant en DUT de la dépense par étudiant dans les autres formations universitaires. En revanche, faute d’information sur la répartition de la dépense entre les différentes formations universitaires (notamment entre licence et master), nous avons conservé ce dernier chiffre comme estimation de la dépense par étudiant en licence.</p>
<p>Par ailleurs, nous avons retenu dans nos calculs la dépense moyenne par étudiant en 2014. En effet, cette année est à la fois la dernière pour laquelle les informations sont disponibles et celle de la mise en œuvre d’un changement dans le mode de calcul réalisé pour permettre une meilleure évaluation de la dépense à l’université.</p>
<p>Afin d’évaluer le coût de la réussite, nous avons calculé la dépense moyenne par année réussie, c’est-à-dire le rapport de la dépense totale réalisée pour l’ensemble des étudiants ayant intégré en même temps la première année de la formation, sur le nombre total d’années réussies dans la formation (nombre d’années validées ayant conduit à l’obtention du diplôme ou à l’intégration d’une école de niveau bac+5).</p>
<p>Calculer la dépense totale réalisée pour l’ensemble d’une cohorte nécessiterait de pouvoir retracer précisément année après année <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid71415/parcours-et-reussite-en-licence-et-en-master-a-l-universite.html">le parcours réalisé dans la formation</a>. Le détail du parcours des nouveaux entrants n’étant pas disponible pour une même cohorte et pour chacune des formations de premier cycle, nous avons utilisé les taux de réussite en faisant l’hypothèse que les étudiants n’ayant pas réussi ont quitté la formation au bout d’une année. Cette méthode conduit à minorer légèrement la dépense totale (en particulier pour la licence où certains étudiants sont inscrits de nombreuses années sans jamais parvenir à valider leur diplôme), mais elle donne néanmoins une approximation satisfaisante de la dépense totale.</p>
<p>En reprenant l’ensemble des résultats précédents, nous avons obtenu les niveaux de dépense par diplôme suivants :</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/06e51116-e884-4888-b463-7fe19c894961?src=embed" title="Dépense moyenne" width="100%" height="480" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<h2>L’efficacité de la dépense d’éducation</h2>
<p>La principale évolution entre la dépense par étudiant et la dépense par année réussie concerne la licence. En effet, si elle présente une dépense plus faible que les autres formations de premier cycle, la licence affiche aussi un taux de réussite bien plus faible avec 47 % au bout de 5 ans. La dépense par année réussie s’élève ainsi à 16 332 euros, un montant 57 % plus élevé que celui de la dépense par étudiant. Le modèle de la licence, qui conjugue un accès de droit pour tous les bacheliers (non remis en cause par la <a href="https://theconversation.com/reforme-universitaire-les-nostalgiques-du-tirage-au-sort-et-les-defis-de-la-loi-ore-94448">loi ORE</a>) et une faible dépense par étudiant, présente ainsi une efficacité globale plutôt moyenne.</p>
<p>Les trois autres formations de 1<sup>er</sup> cycle (DUT, BTS et CPGE) fonctionnent sur un modèle différent de celui de la licence, puisque les étudiants sont sélectionnés à l’entrée et bénéficient d’une dépense par étudiant plus importante. Ce modèle conduit à une réussite nettement plus importante avec des taux compris entre 69 % et 81 % au bout de 3 ans. La dépense par année réussie est ainsi seulement 19 % à 33 % plus élevée que la dépense par étudiant correspondante.</p>
<p>Si elle ne bouleverse pas le classement de ces trois formations, la prise en compte de la réussite tend cependant à augmenter les écarts :</p>
<ul>
<li><p>Avec une dépense par étudiant relativement limitée et le taux de réussite le plus élevé, le DUT affiche une dépense par année réussie de 14 893 euros, plus faible que dans les autres formations de premier cycle, et donc signe d’une efficacité plus forte.</p></li>
<li><p>Le BTS affiche une dépense par année réussie de 17 583 euros, légèrement supérieure à celle de la licence, signe d’une efficacité plutôt moyenne.</p></li>
<li><p>Finalement, avec une dépense par étudiant plus élevée et un taux de réussite compris entre celui du BTS et celui du DUT, les CPGE affichent une dépense par année réussie de 20 016 euros, nettement supérieure à celle des autres formations de premier cycle, signe d’une plus faible efficacité.</p></li>
</ul>
<p>Cette évaluation de l’efficacité des formations doit néanmoins être étudiée au regard de la population étudiante accueillie et de sa capacité à réussir des études supérieures. <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid122969/parcours-et-reussite-en-licence-et-en-paces-les-resultats-de-la-session-2016.html">Les taux de réussite en licence</a> illustrent les différences de réussite selon le type de baccalauréat et la mention obtenue :</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/9c9198e7-2fae-4854-a5fe-0b05952abc87?src=embed" title="Réussite en licence selon le bac et la mention" width="100%" height="426" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>Ainsi, les bacheliers généraux réussissent mieux que les bacheliers technologiques, qui réussissent eux-mêmes mieux que les bacheliers professionnels. De même, les étudiants ayant obtenu les meilleures mentions au baccalauréat réussissent mieux dans les études supérieures. Ce constat peut être étendu aux autres formations de premier cycle.</p>
<p><a href="http://www.education.gouv.fr/cid57096/reperes-et-references-statistiques.html#Les%20%C3%A9tudiants">La population étudiante accueillie</a> diffère significativement d’une formation de premier cycle à l’autre :</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/6a12a776-5cd5-4771-a35b-164e5744f566?src=embed" title="Répartition des nouveaux entrants" width="100%" height="475" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<p>La prise en compte de la population étudiante accueillie au sein des différentes formations sélectives de premier cycle (DUT, BTS et CPGE) permet alors d’améliorer la compréhension de leur efficacité :</p>
<ul>
<li><p>Le DUT accueille près d’un quart de bacheliers technologiques, qui réussissent dans 64,6 % des cas. L’efficacité du DUT, déjà supérieure à celle des autres diplômes de premier cycle, apparaît ainsi d’autant plus forte.</p></li>
<li><p>Le BTS accueille une proportion importante de bacheliers technologiques et de bacheliers professionnels. Si la dépense par année réussie est plus importante, elle contribue à faire réussir ces étudiants (77,4 % et 60,7 % respectivement). L’efficacité des BTS apparaît ainsi finalement plutôt correcte.</p></li>
<li><p>Les CPGE accueillent une population étudiante très majoritairement <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid52352/que-deviennent-les-bacheliers-apres-leur-bac.html">composée de bacheliers généraux ayant reçu de meilleures mentions au baccalauréat</a>. L’efficacité des CPGE, déjà inférieure à celle des autres formations de premier cycle, apparaît ainsi particulièrement faible.</p></li>
</ul>
<p>Dans une perspective plus globale, il ressort que la dépense par année réussie est plus élevée pour les formations en lycée (BTS et CPGE) que pour les formations de premier cycle à l’université (licence et DUT). Sachant que la dépense par étudiant à l’université intègre l’ensemble des coûts de la recherche, l’intégration des seuls moyens consacrés à la formation montrerait une efficacité encore plus marquée en faveur des formations universitaires que sont le DUT et la licence.</p>
<hr>
<p><em>Les datavisualisations de cet article ont été réalisées par Diane Frances</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93990/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Lamy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La dépense moyenne d’éducation par étudiant en France ne dit rien des écarts et de l’efficacité relative des budgets par filière. Analyse des chiffres.Aurélien Lamy, Maître de conférences en Sciences de gestion, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/904342018-02-08T21:02:25Z2018-02-08T21:02:25ZLe coût de l’information favorise les fake news<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/205483/original/file-20180208-180821-v1n09w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Acquérir des informations de qualité coûte cher.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/WYd_PkCa1BY">G Crescoli/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Les <em>fake news</em>, le nouveau grand combat des Français ? Selon un <a href="http://www.lefigaro.fr/medias/2018/01/11/20004-20180111ARTFIG00302-79-des-francais-favorables-a-une-loi-sur-les-fakenews.php">article du Figaro</a> publié le 11 janvier dernier, 79 % des français seraient favorables <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2018/01/03/les-premiers-details-de-la-loi-anti-fakenews-voulue-par-emmanuel-macron_a_23322841/?utm_hp_ref=fr-homepage">à une loi sur les <em>fake news</em> sur Internet durant les périodes électorales</a>, telle que proposée par le président Macron durant ses vœux à la presse.</p>
<p>Mais pour combattre les <em>fake news</em>, il faut d’abord s’interroger sur les raisons de leur existence et agir à ce niveau. Nous allons voir qu’une cause possible de l’existence de <em>fake news</em> est liée à l’imperfection de l’information et, par là même, aux coûts de l’acquisition d’informations vérifiées.</p>
<h2>L’existence d’asymétrie d’information</h2>
<p>Un élément central dans nombre de théories économiques est la présence d’asymétrie d’information, si bien que le <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2002-3-page-311.htm">prix de la banque de Suède en 2001</a> a été remis à trois économistes pour leurs travaux sur le sujet. Ce terme renvoie au fait que, lors d’un échange de quelque nature qu’il soit, certains individus disposent d’informations importantes que d’autres individus ne possèdent pas.</p>
<p>Un exemple connu est celui donné par l’économiste George Akerlof dans un très célèbre article publié en 1970, intitulé <a href="https://www.jstor.org/stable/1879431"><em>Markets for Lemons</em></a>.</p>
<p><a href="https://www.economist.com/news/economics-brief/21702428-george-akerlofs-1970-paper-market-lemons-foundation-stone-information">Il prend l’exemple du marché automobile d’occasion</a>. Au cœur de ce marché, certains vendeurs proposent des véhicules d’occasion tout à fait corrects et d’autres proposent des véhicules que l’on peut qualifier de véritables guimbardes, des « lemons ». Les vendeurs de ces derniers ne disent pas clairement à leurs clients que leurs véhicules présentent des problèmes. On parle alors de vices cachés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N78gTX7VOwM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Explication (en anglais) de la théorie d’Akerlof.</span></figcaption>
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<p>Dans cette situation, l’information est asymétrique : le vendeur connaît le mauvais état de ses véhicules alors que l’acheteur pense avoir affaire à un véhicule tout à fait correct.</p>
<h2>Pourquoi l’information n’est pas parfaite ?</h2>
<p>L’accès de l’ensemble des individus à une information parfaite est une hypothèse difficilement atteignable. En effet, l’acquisition d’information n’est pas aisée. Elle est coûteuse.</p>
<p>Par coût, les économistes n’entendent pas uniquement les coûts directs ou comptables, c’est-à-dire en termes de sommes d’argent. Les économistes parlent de <a href="http://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1967_num_18_5_407791">coût d’opportunité</a>. Le coût d’opportunité renvoie à la valeur du renoncement que l’on consent en effectuant une action.</p>
<p>Prenons un exemple simple pour l’illustrer : un étudiant diplômé d’une licence se questionne sur une poursuite d’études en master. Le coût direct lié à cette décision serait la somme des dépenses liées à la poursuite d’études (inscription à l’université, hébergement, transports, etc.). Le coût d’opportunité de cette décision correspondrait à ce coût direct, augmenté du possible salaire que l’individu en question pourrait toucher s’il décidait de travailler au lieu de poursuivre ses études.</p>
<p>Ainsi, l’acquisition d’information (ou, dans l’exemple précédent, de connaissances intellectuelles), est coûteuse à la fois en termes comptables (enquêtes à réaliser, déplacements, abonnements divers, formation, etc.) et en termes d’opportunité. En effet, le temps passé à chercher des informations pourrait être mis à profit pour réaliser d’autres actions, possiblement rémunérées ou en tout cas apportant plus d’utilité à l’individu.</p>
<h2>Le coût des informations favorise les <em>fake news</em></h2>
<p>Un média qui veut acquérir une information dans le but de la diffuser doit passer par plusieurs étapes coûteuses.</p>
<p>Il doit d’abord <a href="https://www.24hdansuneredaction.com/presse/9-les-sources/">identifier une source</a> qui lui fournira cette information. Il y a donc un coût de prospection : il faut contacter différents individus, surveiller les réseaux sociaux, analyser les médias concurrents, etc.</p>
<p>Il doit ensuite <a href="http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=44599">vérifier la qualité des sources</a> de cette information. Il faut pour cela réaliser une enquête en amont. C’est l’action la plus coûteuse. Elle requiert l’embauche d’un journaliste ou d’un enquêteur, et il peut également être nécessaire d’organiser des déplacements, d’avoir recours à des expertises ou à des traductions.</p>
<p>Soulignons par ailleurs que tout ce travail doit être réalisé le <a href="http://www.leparisien.fr/espace-premium/culture-loisirs/la-course-a-l-info-a-detraque-le-systeme-17-03-2015-4609253.php">plus rapidement possible</a>, ou en tout cas plus vite que les médias concurrents. Il s’agit d’être parmi les premiers à révéler l’information, afin de bénéficier d’une plus grande diffusion, et donc de davantage de retombées en termes de revenus.</p>
<p>Dans ce contexte, les coûts d’opportunité sont bien plus importants que les simples coûts directs : pendant qu’un média mobilise ses équipes pour vérifier la véracité d’une information, il ne peut enquêter sur d’autres informations, qui sont pourtant aussi à la base de son revenu.</p>
<p>Pour faire face à cette situation, certains médias peuvent décider d’avoir recours à des <em>fake news</em>, dans le but de minimiser les coûts et le temps passé à chercher des informations diffusables car vérifiées. Ils peuvent le faire soit de façon directe (en inventant de toutes pièces une information), soit indirecte (en reprenant une information sans la vérifier). Ils sont ainsi en mesure de diffuser constamment de nouvelles informations…</p>
<h2>Réduire les coûts de l’info par la vertu</h2>
<p>La littérature économique – voir la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165410101000180">revue de littérature dressée par Paul M. Healy et Krishna Palepu</a> sur le sujet et la fin de l’article de Akerlof cité plus haut par exemple – proposent des solutions plus ou moins techniques afin de limiter les coûts liés à l’information, via l’application de mécanismes ou l’envoi de signaux divers. C’est notamment le rôle joué par les des labels, les systèmes de bonus/malus dans les contrats de type assurance, ou encore les périodes de garantie après-vente.</p>
<p>Mais une autre possibilité est envisageable, si l’on se tourne vers la philosophie, et plus particulièrement vers l’épistémologie, la branche de la discipline qui étudie l’acquisition des connaissances et donc des informations.</p>
<p><a href="https://www.andrew.cmu.edu/user/kk3n/epistclass/Sosa%20-%20Raft%20and%20Pyramid.pdf">Dans un travail de 1980</a> le philosophe américain Ernest Sosa propose une forme d’épistémologie aisément transposable aux médias et à l’information. Celle-ci est aujourd’hui reprise dans les travaux du philosophe français <a href="http://journals.openedition.org/educationdidactique/380?lang=fr">Roger Pouivet</a>.</p>
<p>D’après ces théories, lorsqu’un individu fait preuve de qualités intellectuelles telles que le courage intellectuel, l’impartialité ou l’équilibre réfléchi, c’est-à-dire l’équilibre entre laxisme et rigidité intellectuelle, il permet la transmission de la vérité, du savoir et de croyances fiables.</p>
<p>La notion de confiance devient alors centrale et la grande question à laquelle il faut répondre est en fait : pouvons-nous avoir confiance en telle personne, en ayant connaissance de ses vices et vertus ?</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205103/original/file-20180206-88769-mdvvyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Si Émile Zola ne s’était pas emparé de l’affaire Dreyfus après de premières révélations faites par un contre-espion, le procès aurait-il été révisé ? <em>L’Aurore</em> du jeudi 13 janvier 1898.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/File:J%E2%80%99accuse.jpg">Émile Zola/Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’on peut répondre à cette question, il devient dès lors un peu plus simple de juger de la probable véracité d’une information.</p>
<h2>Utiliser les vertus pour limiter les <em>fake news</em></h2>
<p>Il suffirait donc désormais de s’interroger sur la personne (physique ou morale) qui transmet l’information dont on souhaite évaluer la véracité. Il faudrait alors se demander non pas comment tel informateur, tel utilisateur de Twitter, tel expert tenant un blog ou tel média concurrent s’est procuré l’information avant de la diffuser, mais plutôt s’il est digne de confiance.</p>
<p>Il est par exemple évident qu’une information postée ou reprise sur le <a href="https://twitter.com/Elysee">compte Twitter officiel de l’Elysée</a> sera plus fiable qu’une information postée ou reprise sur le <a href="https://twitter.com/le_gorafi">compte Twitter du Gorafi</a>.</p>
<p>En agissant de la sorte, l’ensemble des coûts liés à la vérification des sources pourrait de ce fait être fortement réduit, rendant l’utilisation de <em>fake news</em> non rationnelle.</p>
<p>Si certains médias agissent déjà de la sorte, d’autres semblent moins attachés à ce principe, à l’image du grand média américain <em>Fox News</em>, qui <a href="https://www.lesechos.fr/18/06/2017/lesechos.fr/030375987524_parcours-d-une---fakenews-----d-un-article-parodique-russe-a-fox-news.htm">a repris en 2017 une fake news</a> développée par un site parodique russe avant d’être partagée sur les réseaux sociaux et certains tabloïds.</p>
<p>Certes, cette approche présente des limites. Ainsi, un individu disposant a priori de vertus intellectuelles peut malgré tout être remis en question. Le récent <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/01/19/arrivee-d-antoine-petit-apres-le-depart-precipite-d-anne-peyroche-a-la-tete-du-cnrs_5243990_1650684.html">cas d’Anne Peyroche</a>, ex-directrice du CNRS, cible d’une enquête visant son intégrité scientifique illustre bien le problème : de par son statut notamment, on aurait pu croire cette responsable tout à fait vertueuse.</p>
<p>En définitive, il incombe aux diffuseurs d’informations d’envoyer des signaux forts vers leur auditoire, en développant leurs vertus intellectuelles et en les mettant en avant. Par exemple, en rendant publique « l’identité des annonceurs et de ceux qui les contrôlent », suivant le <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2018/01/15/exclusif-fakenews-francoise-nyssen-devoile-les-premiers-elements-de-la-loi_a_23332053/">souhait d’Emmanuel Macron</a>.</p>
<p>Parmi les vertus à mettre en avant figurerait notamment la rigueur intellectuelle, qui consisterait à ne reprendre que des informations fiables émanant de sources dans lesquelles ils auraient eux-mêmes confiance. Nous pourrions alors faire d’une pierre deux coups : limiter l’utilisation des fake news et augmenter le niveau d’information de l’ensemble des individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90434/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Grandjean ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’acquisition d’informations vérifiées coûte cher. Ce prix élevé serait une cause de l’existence des fake news. Comment le diminuer ?Julien Grandjean, Doctorant en Sciences économiques au Bureau d'économie théorique et appliquée (BETA) - Chargé d'enseignement à la faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion de Nancy, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.