tag:theconversation.com,2011:/us/topics/danemark-34603/articlesDanemark – The Conversation2024-02-18T15:48:19Ztag:theconversation.com,2011:article/2230282024-02-18T15:48:19Z2024-02-18T15:48:19ZComprendre l’histoire de l’UE par ses élargissements successifs : de 1957 à 1973<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574680/original/file-20240209-30-l743oe.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C2478%2C1891&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En jaune, les trois pays qui rejoignent en 1973 les six pays (en bleu) membres de la CEE depuis sa création en 1957.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kolja21/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Les élections au Parlement européen se tiendront du 6 au 9 juin prochain. Vingt-sept pays sont concernés. Si l’on s’est habitué, ces dernières années, à la formule « les Vingt-Sept » pour désigner les membres de l’Union, ce nombre n’a en réalité cessé de varier : de six en 1957, il est passé à neuf en 1973, dix en 1981, douze en 1986, quinze en 1995, vingt-cinq en 2004, vingt-sept en 2007, vingt-huit en 2013… et à nouveau vingt-sept en 2016 avec la sortie du Royaume-Uni. Dans la perspective du scrutin de juin prochain, nous avons demandé à l’historien Sylvain Kahn, chercheur au Centre d’histoire de l’Europe de Sciences Po et auteur, entre autres nombreuses publications, d’une <a href="https://youtu.be/spoWemEOoYU?si=cZRyNRn4WxaUE2pW">Histoire de la construction de l’Europe depuis 1945</a> (PUF, 2021), de revenir sur ces différents élargissements, dans une série d’articles dont nous vous proposons ici le premier épisode.</em></p>
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<p>L’élargissement est constitutif de l’histoire de l’intégration européenne. La Communauté économique européenne comptait six membres lors de sa création en 1957. Entre 1973, année de l’adhésion du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark, et 2013, année de l’adhésion de la Croatie, vingt-deux pays supplémentaires ont rejoint la CEE puis l’Union européenne.</p>
<p>L’histoire des élargissements commence à la fin des années 1960 : De Gaulle parti, l’histoire de l’intégration européenne se poursuit sans dirigeant souverainiste. Son successeur élu le 15 juin 1969, Georges Pompidou, avait été l’un de ses plus proches collaborateurs puis son premier ministre. Dès son arrivée à l’Élysée, il prit son monde par surprise en <a href="https://www.georges-pompidou.org/projet-leurope-georges-pompidou-construction-europeenne">proposant une relance de la construction européenne</a>.</p>
<h2>Le sommet de La Haye, première étape d’un processus long de plusieurs décennies</h2>
<p>À l’initiative de Pompidou, les 1<sup>er</sup> et 2 décembre 1969, <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/d1cfaf4d-8b5c-4334-ac1d-0438f4a0d617/01b8a864-db8b-422c-915e-a47d5e86593e">La Haye accueillit un sommet européen des six chefs d’État et de gouvernement</a>. Le président français y annonça son fameux <a href="https://www.cairn.info/france-europe--9782804160166-page-93.htm">triptyque</a> : « achèvement » (de la PAC), « élargissement » (au Royaume-Uni), « approfondissement » (par <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/history/emu/html/index.fr.html">l’Union économique et monétaire</a> d’une part et la coopération en politique étrangère d’autre part).</p>
<p>Avec le recul, ce sommet de La Haye donna le « la » d’un mouvement qui allait se déployer sur la durée. Entre 1973 et 2013, il y eut <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/les-elargissements-de-l-union-europeenne-de-6-a-27-etats-membres/">quatre vagues d’élargissement</a> : aux pays industrialisés du nord-ouest dans les années 1970 ; aux pays méditerranéens, plus agricoles, en sortie de dictature, dans les années 1980 ; aux pays plus périphériques, très prospères, neutres et sociaux-démocrates du nord-est dans les années 1990 ; et aux pays d’Europe centrale et orientale ex-communistes, devenus démocratiques et capitalistes, dans les années 2000.</p>
<p>Chacune de ces vagues s’est déroulée de façon intriquée à des réformes institutionnelles allant dans le sens d’un approfondissement du système politique européen, selon quatre tendances fortes : des augmentations (relatives) du budget communautaire ; un accroissement des prérogatives tant du Parlement que du Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement ; une extension et une simplification de la prise de décision à la majorité qualifiée ; et un achèvement toujours plus affiné des politiques communautaires.</p>
<p>Sanctuariser la politique agricole et intégrer le Royaume-Uni (sommet de La Haye) vont de pair dans les années 1970 ; démultiplier la politique régionale et intégrer les pays ibériques se font ensemble par la Commission Delors dans la décennie suivante ; pour le tandem Kohl-Mitterrand, rendre l’euro irréversible avec <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/history/emu/html/index.fr.html">l’Union économique et monétaire</a> et lancer l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale sont les deux faces d’une même politique ; aujourd’hui, c’est le couplage entre, d’une part, le développement d’une défense et d’une diplomatie européennes et, d’autre part, <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/292425-lue-decide-douvrir-les-negociations-dadhesion-avec-lukraine-et-la-mo">l’élargissement à l’Ukraine et à la Moldavie</a> qui est en cours avec la Commission Von der Leyen.</p>
<h2>Les calculs de Georges Pompidou</h2>
<p>Revenons au sommet de La Haye de décembre 1969. Derrière le slogan du « triptyque » le changement proposé par Pompidou est un approfondissement dans la continuité.</p>
<p>Achever la PAC était dans la logique du traité de Rome et de la politique qu’il mena comme premier ministre de De Gaulle.</p>
<p>La coopération en politique étrangère proposait une démarche analogue à celle du <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/a70e642a-8531-494e-94b2-e459383192c9">plan Fouchet de 1961</a> : des consultations formalisées entre ministres des Affaires étrangères. Le plan est cette fois un rapport, rendu en 1970 et le diplomate qui lui donne son nom est cette fois belge : <a href="https://mjp.univ-perp.fr/europe/docue1970davignon.htm">Étienne Davignon</a>.</p>
<p>Le projet d’Union économique et monétaire est, lui, une vraie nouveauté. Le premier ministre luxembourgeois Pierre Werner et le vice-président de la Commission Raymond Barre sont chargés de concevoir sa mise en œuvre concrète, dans le respect des lignes rouges de la France pompidolienne : ne pas donner à l’institution supranationale qu’est la Commission un rôle plus important que celui des gouvernements des États membres.</p>
<p>Dans cette opération politique par laquelle Pompidou se démarque, le nouveau président français misait surtout sur l’élargissement au Royaume-Uni ; c’est ce qui l’intéressait le plus. Sur la scène politique communautaire, en ouvrant la CEE au Royaume-Uni, Pompidou escomptait compliquer toute évolution de la construction européenne vers davantage de supranationalité, sans que la France n’en soit rendue responsable. Il pensait aussi apporter un contrepoids à la RFA, dont il <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2003-3-page-163.htm">observe avec une pointe d’inquiétude</a> le rôle renouvelé – même si lors des célébrations du dixième anniversaire du traité de l’Élysée en janvier 1973, il assure Willy Brandt du soutien plein et entier de la France à l’<em>Ostpolitik</em>, ce nouveau cours de la politique étrangère ouest-allemande.</p>
<p>Accessoirement, sur la scène politique hexagonale, le président Pompidou a donné des gages aux centristes favorables à la construction européenne qu’il a jugé bon de faire revenir au gouvernement (Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Duhamel et René Pleven, le chef du gouvernement de la déclaration Schuman et du <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/46061">plan pour une Communauté européenne de défense en 1950</a> !). La nomination de Maurice Schumann au poste de ministre des Affaires étrangères est un choix très habile : ce dernier est à la fois un gaulliste historique, un européiste exempt de tout reproche et un anglophile.</p>
<p>Florentin, Pompidou met en porte-à-faux le tout nouveau Parti socialiste qui se veut plus européen que la majorité gaulliste. Le PS <a href="https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00054/francois-mitterrand-defend-une-europe-democratique.html">appelle à voter blanc ou à s’abstenir</a> lors de la ratification de ce premier élargissement par référendum. Tenu en 1972, il se soldera par une victoire du oui à 68 % (la question posée était : « Approuvez-vous, dans les perspectives nouvelles qui s’ouvrent à l’Europe, le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République, et autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la Grande-Bretagne, du Danemark, de l’Irlande et de la Norvège aux Communautés européennes ? »</p>
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<figcaption><span class="caption">Information première du 24 avril 1972, référendum sur l’Europe (Archive INA).</span></figcaption>
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<p>À un autre niveau d’analyse, plus structurel, l’entrée du Danemark, du Royaume-Uni et de la République d’Irlande (les Norvégiens, pour leur part, <a href="https://www.cvce.eu/education/unit-content/-/unit/02bb76df-d066-4c08-a58a-d4686a3e68ff/8bf94809-5b45-4840-8a90-9a33b4479419">rejettent par référendum</a> l’adhésion proposée par leur gouvernement) parachève cette association politico-économique qu’est la CEE du traité de Rome de 1957. Ces pays furent historiquement les berceaux de trois mouvements majeurs : le décollage économique de l’Europe d’une part ; l’émancipation du politique et de l’individu d’autre part, notamment par rapport à la sphère religieuse et à l’Église ; et la démocratie moderne.</p>
<p>Ce premier ensemble élargi est celui de l’Europe des plus fortes densités, de la diversité sociale, économique et culturelle, des centres de décision où s’invente et se développe le capitalisme. Roger Brunet, dans un <a href="https://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M202/Brunet.pdf">article devenu célèbre</a>, a expliqué ce phénomène de la dorsale européenne, baptisée <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9galopole_europ%C3%A9enne">« banane bleue »</a> par les médias. En schématisant, l’Europe des Six (1957) puis des Neuf (1973) est l’Europe la plus urbaine, auréolée de ses périphéries plus rurales, arrière-pays moins urbanisés, moins métropolitains, moins industrialisés et agricoles. Dans l’histoire pluriséculaire des Européens, ces périphéries ont été agrégées à ces centres par des États déterminés et coercitifs, d’abord princiers ou royaux, puis s’étant parés du drapeau de la nation au cours de leur processus historique de consolidation et d’extension.</p>
<h2>Le Royaume-Uni, un État membre peu commode</h2>
<p>À un troisième niveau d’analyse, l’adhésion du Royaume-Uni réparait un accroc à l’histoire récente de ces Européens. Les Six fondateurs avaient bien cherché à être sept, tant dans la <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/qu-est-ce-que-la-ceca/">Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca, 1951)</a> que dans la CEE (traité de Rome 1957). Les Britanniques avaient snobé cette Europe communautaire, lui préférant le Commonwealth et pensant la mettre en difficulté en créant en 1960, <a href="https://www.efta.int/about-efta">l’AELE</a>, une zone de libre-échange comprenant l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la Suède et la Suisse.</p>
<p>Finalement, leurs dirigeants s’étaient convaincus que leur pays, alors à la peine économiquement (<a href="https://www.cairn.info/une-histoire-du-royaume-uni--9782262044275-page-347.htm">« l’homme malade de l’Europe » disait-on du Royaume-Uni</a>), avait plus à gagner ou moins à perdre en se trouvant dans le Marché commun plutôt qu’en dehors. Pour autant, les <a href="https://laviedesidees.fr/L-anomalie-Brexit">spécificités britanniques n’avaient pas disparu comme par enchantement</a> avec ce revirement de Londres.</p>
<p>La première de celles-ci était que l’agriculture avait au Royaume-Uni une place bien moindre que dans les autres pays membres. Une autre était que la souveraineté du Parlement avait dans la culture politique britannique une place particulièrement prégnante qui s’accommodait mal avec la supranationalité. À la fin des années 1970, le Royaume-Uni finançait 20 % des ressources communautaires et était destinataire de moins de 10 % de ses dépenses. Dans la mesure où son PNB représentait 16,5 % de celui de la CEE, et où la politique agricole commune était le principal poste du budget européen, cette répartition lui paraissait injustifiée.</p>
<p>Le problème était délicat. Du point de vue de la spécificité de l’économie britannique, il y avait clairement une anomalie. Mais du point de vue de l’esprit et du fonctionnement d’ensemble, la démarche communautaire excluait les comptes d’épicier ou d’apothicaire ; elle reposait sur une solidarité d’ensemble dont chacun, au final, tirait un grand bénéfice. D’autant plus que les Britanniques savaient tout cela en candidatant, et que les montants en jeu étaient modestes. Les dépenses de la CEE étaient de l’ordre de 1 % du PNB de la zone CEE.</p>
<p>En votant à une large majorité pour le parti conservateur de Margaret Thatcher le 3 mai 1979, les Britanniques font de ces deux éléments un conflit politique au sein de la CEE. <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-3-page-69.htm">Thatcher souhaitait une rupture radicale avec trente-cinq années d’État-providence</a>, voulait en finir avec le secteur public, le pouvoir syndical et la récurrence des grèves ; elle disait vouloir déréguler le marché du travail pour lutter contre le chômage. Elle promettait de casser l’inflation pour redonner à l’épargne sa valeur et prônait la fierté patriotique et les valeurs victoriennes. En cohérence avec sa doctrine, elle voyait dans les décisions supranationales de la CEE résultant des négociations entre États et des compétences qu’ils avaient dévolues à la Commission à la fois une extension contre-productive de la bureaucratie et une limitation illégitime de la souveraineté parlementaire britannique. Intransigeante, indifférente aux sondages et aux pressions, on la surnommait la « Dame de fer ».</p>
<p>À son premier conseil européen, <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/20741/dublin_novembre_1979__fr_.pdf">celui de Dublin des 29 et 30 novembre 1979</a>, Margaret Thatcher demande comme ses prédécesseurs une réduction de la contribution britannique au budget communautaire, dont les trois quarts sont alors alloués à la politique agricole commune. Mais, à la différence de ceux-ci, elle refuse tout compromis. Dans une conférence de presse célèbre, en marge dudit conseil, expliquant longuement et patiemment la position du gouvernement britannique, elle eut cette formule restée fameuse : « We are asking for a very large amount of our own money back ». En France, cette formule est passée à la postérité sous une forme remaniée : <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/05/11/30-novembre-1979-margaret-thatcher-i-want-my-money-back_648386_3214.html">« I want my money back. »</a></p>
<p>Commence alors un autre chapitre de l’histoire de la construction européenne…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223028/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pendant ses seize premières années, la CEE a compté six membres : la France, la RFA, l’Italie et les trois pays du Bénélux. En 1973, elle est rejointe par le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, européaniste au Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200782024-01-07T15:34:43Z2024-01-07T15:34:43ZEn Suède, la multiplication des autodafés du Coran met à l’épreuve le pari multiculturel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567329/original/file-20231225-19-xykc6z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C313%2C2160%2C1807&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’activiste et politicien dano-suédois Rasmus Paludan pendant un autodafé du Coran devant l’ambassade de Turquie à Stockholm le 21&nbsp;janvier 2023.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasmus_Paludan#/media/Fichier:Rasmus_Paludan_burning_the_Koran_2023-01-21_(2).jpg">Tobias Hellsten/ToHell.Wikipedia </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Entre l’enlisement de la guerre en Ukraine et les effets de l’embrasement de la bande de Gaza, l’année 2023 a été caractérisée, partout en Europe, par une dégradation du climat sécuritaire et par de brusques recompositions du cadre des relations diplomatiques. En Suède, des tensions sans précédent ont marqué l’actualité, assorties d’inquiétudes palpables et, hélas, justifiées, relatives à la sécurité des ressortissants suédois à l’étranger.</p>
<p>Cet été, à <a href="https://edition.cnn.com/2023/06/28/europe/sweden-quran-protest-intl/index.html">Ankara</a>, à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1342756/coran-brule-en-suede-manifestation-devant-la-mosquee-al-amine-a-beyrouth.html">Beyrouth</a> et à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1342773/pakistan-des-milliers-de-personnes-protestent-contre-lautodafe-dun-coran-en-suede.html">Islamabad</a>, des manifestants ont mis le feu au drapeau suédois ; en <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20230720-des-partisans-de-moqtada-al-sadr-ont-incendi%C3%A9-l-ambassade-de-su%C3%A8de-%C3%A0-bagdad">Irak</a> et au <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/liban-un-cocktail-molotov-lance-contre-l-ambassade-de-suede-20230810">Liban</a>, les désordres ont été suivis de violences contre les ambassades du pays.</p>
<p><a href="https://www.tf1info.fr/international/direct-belgique-deux-personnes-decedees-dans-une-fusillade-a-bruxelles-2273181.html">Le 17 octobre, à Bruxelles</a>, un islamiste se revendiquant de l’État islamique a abattu deux supporters de l’équipe suédoise de football venus assister au match Belgique-Suède. Cet attentat a confirmé le bien-fondé des craintes de Stockholm. Depuis l’été, le gouvernement avait en effet recommandé à ses ressortissants de se montrer très précautionneux lorsqu’ils se trouvent à l’étranger : un choc pour un pays identifié depuis des décennies à des politiques migratoires généreuses et au souci du dialogue interculturel.</p>
<h2>Provocations anti-islam et menaces d’attentats</h2>
<p>Cette flambée d’hostilité tient à une cause : les autodafés du Coran, d’abord <a href="https://www.euronews.com/2019/04/25/denmark-s-quran-burning-politician-gathering-support-for-election-candidacy">organisés au Danemark</a> depuis la fin des années 2010, et qui ont désormais la Suède pour théâtre habituel.</p>
<p>L’initiateur de cette modalité de provocation anti-islamique est un citoyen dano-suédois, <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/05/31/rasmus-paludan-le-visage-danois-de-l-extreme-xenophobie_5469724_4500055.html">Rasmus Paludan</a>, avocat de profession, aujourd’hui âgé de 41 ans. Leader du parti danois « Ligne dure » (<em>Hart Stram</em>), Paludan a émergé il y a quelques années comme un pourfendeur de « l’islamisation des sociétés européennes » et du brassage des cultures. Sa formation a récolté 1,8 % des suffrages aux élections législatives danoises de 2019. Après que son parti s’est vu exclu de la vie politique du pays pour avoir manipulé les listes de signatures nécessaires pour déposer des candidatures, Paludan s’est tourné vers la Suède, où les <a href="https://information.tv5monde.com/international/suede-la-question-de-limmigration-au-coeur-des-legislatives-29998">enjeux liés à l’immigration se trouvent</a> au cœur des débats de société depuis une dizaine d’années. </p>
<p>Son premier exploit, en 2020, a eu pour cadre Rosengården, un quartier de Malmö dont près de 90 % des habitants sont d’origine étrangère, épicentre des <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-39047455">révoltes urbaines des années 2015-2017</a>. L’action incendiaire de Paludan a entraîné une <a href="https://www.nst.com.my/world/world/2020/08/620385/riot-sweden-amidst-quran-burning-rally">recrudescence des violences</a>, ce qui lui a valu un arrêté d’interdiction de séjour sur le sol suédois. Sa condition de binational lui a toutefois permis de contourner la décision de justice et de concentrer son activité sur la Suède, où il a fait des émules, dont un réfugié irakien, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/qui-est-salwan-momika-le-bruleur-de-coran-a-l-origine-d-une-crise-diplomatique-entre-la-suede-et-le-monde-musulman-20230721">Salwan Momika</a>.</p>
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<p>Les autodafés se sont vite multipliés, même si Paludan et Momika (qui s’est spécialisé dans la diffusion en direct des autodafés sur la plate-forme TikTok) restent les protagonistes les plus médiatisés de cette forme de contre-liturgie. Les sites où ils se déroulent sont choisis pour exacerber les tensions entre autochtones et immigrés : lieux de culte dédiés à l’islam, quartiers à haute concentration d’étrangers, ambassades de pays musulmans…</p>
<p>Au printemps 2022, Paludan s’est engagé dans une « tournée électorale » (d’après ses propres mots) à travers la Suède : une série de profanations dûment autorisées, qui ont occasionné d’une part des échauffourées violentes dans plusieurs villes, et d’autre part une dégradation de l’image du pays au Moyen-Orient. Une énième provocation, aux abords de l’ambassade de Turquie en janvier 2023, a suscité des réactions particulièrement virulentes d’Ankara, au point de compromettre le premier point de l’agenda de politique étrangère du gouvernement : l’adhésion à l’OTAN.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.letemps.ch/monde/adhesion-de-la-suede-a-l-otan-un-coran-brule-a-stockholm-seme-la-zizanie">Parlement turc a réagi en demandant le rejet de la demande de la Suède</a>, formalisée sept mois auparavant (rappelons qu’un pays ne peut pas rejoindre l’Alliance atlantique si l’un des pays membres s’y oppose ; la Turquie, qui a intégré l’OTAN en 1952, peut donc bloquer à elle seule l’entrée de la Suède). Pendant quelques jours, l’Institut suédois (agence officielle de diplomatie culturelle) comptabilisera 350 000 interventions <em>par heure</em> sur les médias sociaux en turc, dénonçant l’affront à la foi musulmane effectué par Paludan sans que les autorités suédoises n’interviennent. La plainte contre Paludan déposée auprès de la police par un citoyen suédois sera classée sans suite.</p>
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<p>Pour autant, les provocateurs ne cessent pas leurs actions. En juin, à l’ouverture des festivités de <a href="https://www.lepoint.fr/societe/qu-est-ce-que-l-aid-el-kebir-la-grande-fete-musulmane-28-06-2023-2526640_23.php">l’<em>Aid al-Adha</em></a>, un autodafé sous protection policière est organisé par Momika devant la grande mosquée de Stockholm. Il déclenchera un déluge de protestations, la Ligue des États arabes et l’Organisation de coopération islamique s’insurgeant contre l’intolérable… tolérance de la justice suédoise. Au Pakistan, en Iran et en Irak, où l’auteur d’un tel geste encourrait la peine de mort, des milliers d’individus manifestent pour exiger le boycott de la Suède, voire la vengeance à l’égard du pays.</p>
<p>Du fait de ces menaces, l’agence suédoise de contre-espionnage (SÄPO) a décidé au mois d’août de relever au niveau 4 (sur 5) le seuil d’alerte contre les attaques terroristes visant le pays : un retour au climat de 2016, lorsque la guerre en Syrie avait provoqué un bond historique du nombre des réfugiés en Suède, doublée de l’aggravation des tensions dans les banlieues. Et en octobre, nous l’avons dit, <a href="https://www.touteleurope.eu/societe/attentat-a-bruxelles-deux-suedois-tues-le-suspect-abattu-la-france-renforce-sa-securite/">deux Suédois mouraient à Bruxelles</a> sous les balles d’un homme qui les avait visés expressément du fait de leur nationalité.</p>
<h2>Des causes endogènes, et une nouvelle fracture du spectre politique</h2>
<p>Bien que l’activisme anti-islam, y compris dans la forme de la profanation du Coran, soit le fait d’acteurs transnationaux, c’est en Suède qu’il se manifeste de la manière la plus voyante. Les tensions interethniques qui secouent le pays depuis la crise migratoire des années 2015-2016 et la prolifération des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/guerre-des-gangs-en-suede-des-victimes-toujours-plus-jeunes_6054725.html">règlements de comptes entre gangs</a>, ont participé à créer un terrain favorable. Selon le gouvernement, la Russie aurait également <a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jul/26/russia-using-disinformation-to-imply-sweden-supported-quran-burnings">fait jouer ses réseaux</a> pour attiser les conflits entre Suédois installés de longue date et nouveaux arrivants, afin de déstabiliser ce pays qui a pris le parti de l’Ukraine depuis le début de la guerre en février 2022 et a mis fin à deux siècles de neutralité pour rejoindre l’OTAN.</p>
<p>La polémique sur l’islam s’inscrit surtout dans une période marquée par un tournant en matière de politique intérieure : la percée, en septembre 2022, du Parti populiste des <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n178/article/lessor-des-democrates-de-suede-ou-la-fin-de-lexception-suedoise">« Démocrates de Suède »</a> (SD), qui fait de la lutte contre l’immigration – sur la base du postulat de la guerre des civilisations – l’axe de son discours. Depuis l’installation de l’exécutif dirigé par le libéral-conservateur Ulf Kristersson, les SD lui assurent une majorité par leur appui externe, tout en s’efforçant d’insuffler dans l’action du gouvernement leurs thèmes de prédilection. Leur dernière proposition en date est la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/polemique-l-extreme-droite-suedoise-en-guerre-contre-les-mosquees">démolition de nombre des mosquées existant dans le pays</a>.</p>
<p>La généralisation des autodafés n’a fait qu’exacerber la préoccupation du monde islamique face à la banalisation de ce type d’agissements ; mais la cible de la colère des représentants des communautés musulmanes est avant tout l’indifférence des autorités, qui détonne avec le cas de la France – mais aussi de voisins scandinaves, tels que la Finlande – où de tels projets sont <a href="https://www.20minutes.fr/france/704393-20110411-france-il-brule-urine-coran-trois-mois-sursis-requis">immédiatement jugulés</a>. Comment expliquer la posture passive des responsables suédois face à ce phénomène, à l’heure où la situation en matière politique de sécurité apparaît (d’après le <a href="https://europeanconservative.com/articles/news/swedish-pm-delivers-a-grim-christmas-speech/">discours de Noël 2022 du premier ministre Kristersson</a>) comme « la pire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale » ?</p>
<h2>Les raisons culturelles de l’inaction des autorités</h2>
<p>La cause technique le plus souvent invoquée pour expliquer la généralisation des autodafés en Suède est l’absence d’un arsenal juridique qui les interdit. Le blasphème et la diffamation de la religion ont été rayés des textes de loi il y a plus de 50 ans. C’est donc autour de l’enjeu de la possibilité formelle d’enrayer cette provocation, plutôt que sur ses causes, ou son bien-fondé, que la discussion s’est cristallisée.</p>
<p>À ce jour, les tribunaux ont rechigné à mobiliser deux articles pertinents du code pénal qui répriment, respectivement, « les comportements vexatoires » et « l’incitation à la haine raciale ». Le premier exige que l’impact choquant du geste soit avéré – et non seulement probable – alors que dans le second cas de figure, l’interprétation qui prévaut chez les magistrats est que l’injure à l’égard d’un culte n’est pas assimilable à la discrimination d’un groupe ethnique.</p>
<p>La pratique, et plus généralement une approche antinormative de la liberté d’expression, découragent finalement l’activation de ces dispositifs légaux. C’est pourquoi les cours administratives d’appel ont été amenées à annuler des interdictions policières prononcées contre les actions de Paludan ou de Momika.</p>
<p>Face à une indignation qui fédère <a href="https://www.europe1.fr/international/coran-brule-le-president-turc-erdogan-fustige-la-suede-4191624">Erdogan</a>, <a href="https://www.aa.com.tr/fr/monde/poutine-le-non-respect-du-coran-est-un-crime-r%C3%A9prim%C3%A9-par-la-l%C3%A9gislation-russe-/2933734">Poutine</a> et <a href="https://www.euractiv.fr/section/international/news/un-coran-brule-au-coeur-du-blocage-hongrois-pour-laccession-de-la-suede-a-lotan/">Orban</a>, mais aussi le <a href="https://www.letemps.ch/monde/le-conseil-des-droits-de-l-homme-condamne-les-autodafes-du-coran">Conseil des droits de l’homme de l’ONU</a>, l’opposition sociale-démocrate semble pencher vers un réajustement de l’arsenal juridique, alors que les déclarations des partis au gouvernement oscillent entre la critique des autodafés et le refus de « céder aux diktats étrangers ».</p>
<p>Il convient de rappeler que si le principe de la liberté d’expression représente depuis le XVIII<sup>e</sup> siècle un pilier de l’identité nationale, une législation souvent poussée par des urgences politiques en a restreint la portée. Depuis 1933, par exemple, le port de vêtements révélant une appartenance politique est interdit aux citoyens suédois. En 1996, un homme ayant arboré, lors de la fête nationale, un drapeau suédois orné de figures mythologiques et du mot <em>Valhalla</em> avait ainsi été condamné en justice. En 2014, les collages de l’artiste Dan Park – mettant en scène la pendaison de trois individus de couleur, identifiés par leur nom, comme après un lynchage – <a href="https://hyperallergic.com/154676/sentenced-swedish-artist-dan-park-incited-against-an-ethnic-group/">lui valurent</a> une lourde amende, six mois de prison et la destruction de ses œuvres.</p>
<p>La réticence à modifier la loi s’explique aujourd’hui par le rejet de l’idée que la sphère du sacré puisse être l’objet de tutelles ou d’interdits <em>ad hoc</em>. S’attaquer à un « symbole » – a statué le parquet dans le cas de l’autodafé organisé devant l’ambassade turque – n’est jamais illégal, pour autant que la manifestation n’a pas pour cible des croyants en chair et en os. Cette position est au cœur de l’exception suédoise, par rapport à la France, au Royaume-Uni ou au Danemark – capable de défendre farouchement le droit au blasphème lors de l’épisode des caricatures de Mahomet (2005), mais qui vient d’adopter, le 7 décembre, une <a href="https://fr.euronews.com/2023/12/08/le-danemark-interdit-de-bruler-le-cora">loi</a> qui pénalise le « traitement inapproprié » (incendie ou profanation) de textes religieux dans l’espace public.</p>
<p>Dans un spectre politique polarisé, la querelle a contribué à raidir les positions. Si les SD y ont vu l’occasion de s’ériger en défenseurs d’une vertu nationale – la tolérance, étendue aux expressions extrêmes du droit de réunion – le gouvernement se livre à un équilibrisme périlleux : dénoncer l’instrumentalisation du thème de l’islamophobie par des puissances étrangères souvent fort peu démocratiques et tolérantes par ailleurs, tout en se dissociant d’une manifestation du rejet de l’Autre aussi repoussante.</p>
<p>Une enquête publique a été lancée en août pour examiner le pour et le contre de la révision des normes sur la liberté d’expression : elle rendra ses conclusions le 1<sup>er</sup> juillet 2024. En s’appuyant sur des dispositifs consensuels bien rodés, l’establishment tâche de sortir d’une impasse qui place la Suède dans une position excentrée – et inconfortable – par rapport à la manière dont la majorité des pays occidentaux conçoivent l’équilibre entre droit d’expression des individus et sensibilité des communautés de foi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Piero S. Colla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Suède, des activistes très hostiles à l’islam brûlent des Corans en public, ce qui vaut au pays des critiques véhémentes venues des pays musulmans mais aussi des menaces terroristes très réelles.Piero S. Colla, Chargé de cours à l’université de Strasbourg, laboratoire « Mondes germaniques et nord-européens », Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922772022-11-17T17:23:47Z2022-11-17T17:23:47ZLes ressources du Groenland, entre protection de l’environnement et tentation du profit<p>Le Groenland est au cœur de l’intrigue dans la <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/06/02/borgen-le-pouvoir-et-la-gloire-sur-netflix-une-femme-au-pouvoir-quelques-mandats-plus-tard_6128567_3246.html">série danoise <em>Borgen, le pouvoir et la gloire</em></a>, qui fait suite aux trois saisons de <em>Borgen. Une femme au pouvoir</em> (diffusée avec succès dans plus de 60 pays), une saga qui s’inscrit <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2020-4-page-217.htm">dans la lignée des séries politiques</a>, de <em>West Wing</em> à <em>House of Cards</em>. Les scénaristes imaginent qu’on découvre une forte réserve de pétrole dans le sous-sol du Groenland, ce qui attise les appétits des investisseurs et des grandes puissances.</p>
<p>Ce « pays vert », vaste territoire de près de 2,2 millions de kilomètres carrés, est rattaché au Danemark de longue date, rattachement souvent mal vécu par les habitants, après avoir même été une colonie danoise jusqu’en 1953. En 1979, l’île a accédé au statut de « territoire autonome » et son économie dépend toujours fortement des subsides versés par Copenhague.</p>
<p>Si certains Groenlandais réclament une autonomie plus grande voire l’indépendance, et dénoncent une « colonisation » danoise (effectuée dès le XVIII<sup>e</sup> siècle par des missionnaires danois comme Hans Egede, surnommé « l’Apôtre du Groenland » et fondateur de la ville de Nuuk, aujourd’hui capitale du territoire), la population locale de 57 000 habitants se trouve dans une situation difficile, marquée par la corruption et un taux de suicide élevé chez les Groenlandais, affectés souvent par la dépression, l’alcoolisme et le désespoir lié au climat gris et froid et au manque de perspectives.</p>
<h2>Des matières premières convoitées</h2>
<p>Le Groenland, à l’heure du réchauffement climatique et de la fonte des glaces (sa calotte glaciaire a <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/02/01/depuis-vingt-ans-la-calotte-glaciaire-du-groenland-a-perdu-4-700-milliards-de-tonnes_6111857_3244.html">perdu 4,7 millions de milliards de litres d’eau</a> depuis 2002), est devenu un territoire de plus en plus <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">convoité, notamment pour ses réserves d’eau très pure</a>.</p>
<p>À tel point que certains entrepreneurs, voyant dans ce trésor une manne financière juteuse, vont jusqu’à vendre cette eau au même prix que des grands vins de Bordeaux, comme l’explique un article du journal <em>Le Monde</em>. « Il les vend jusqu’à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/emploi/comment-les-icebergs-finissent-dans-des-bouteilles-vendues-plus-de-10-euros-le-litre_AN-201908030050.html">12 euros</a> l’unité la [bouteille], en Chine, dans les pays du Golfe, aux États-Unis ou encore au Danemark. La marque Inland Ice, distribuée aussi dans les restaurants gastronomiques, promet une eau qui a <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/groenland-la-ruee-vers-l-eau-des-icebergs_6136525_3234.html">« la pureté de la préhistoire » et le « goût d’il y a cent mille ans</a> ». M. Vildersboll, qui travaillait auparavant dans l’industrie pétrolière, y voit un « nouveau pétrole ».</p>
<p>Outre cet « or bleu », le Groenland regorge de richesses minières dans son sous-sol, comme le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">fer, le nickel, l’or et les métaux rares, comme le cobalt</a>, très convoitées aujourd’hui car nécessaires à la fabrication des téléphones portables. Jeff Bezos et Bill Gates sont d’ailleurs sur le coup, toujours selon <em>Le Monde</em> : </p>
<blockquote>
<p>« KoBold Metals, l’entreprise dont ils sont actionnaires et qui utilise l’intelligence artificielle pour explorer de nouveaux gisements, a lancé, en mars, ses premiers forages près de la baie de Disko, dans le sud-ouest du pays, afin d’y prospecter du nickel, du cuivre et du cobalt. »</p>
</blockquote>
<p>L’île contient également de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/au-groenland-plongee-dans-la-mine-de-rubis-de-l-extreme_6136397_3234.html">l’uranium, un gisement de rubis</a> et de la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/29/la-farine-de-roche-un-nutriment-prometteur-issu-de-la-fonte-des-glaces-du-groenland_6136569_3234.html">farine de roche, boue riche en limon</a> qui pourrait, « selon les recherches d’un géologue danois, contribuer à rendre fertiles des régions arides dans le monde ».</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/09/06/au-groenland-le-sable-pour-nouvel-horizon_6140426_3244.html">Enfin, le Groenland recèle d’importants gisements de sable</a>, précieux alors que le sable qui vient à manquer est très convoité pour la construction de bâtiments.</p>
<p>Le Groenland, dont le nom signifie « pays vert », pourrait par ailleurs <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/14/le-groenland-pret-a-tirer-profit-du-rechauffement-climatique_6022862_3244.html">profiter du réchauffement climatique pour se lancer dans l’agriculture</a>.</p>
<h2>Au cœur d’enjeux géopolitiques majeurs</h2>
<p>Le pays est aussi le centre <a href="https://theconversation.com/comment-les-dereglements-climatiques-ont-fait-entrer-le-groenland-dans-la-mondialisation-143911">d’enjeux géopolitiques</a> majeurs : en effet, comme l’analyse le journaliste Julien Bouissou, « dans une région qui fait officiellement partie de la sphère d’influence américaine depuis la doctrine Monroe de 1823, et la signature d’un traité entre Copenhague et Washington en 1951, <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/07/28/le-groenland-nouvel-eldorado-des-terres-rares_6136429_3234.html">l’industrie minière peut servir de cheval de Troie à l’influence chinoise</a> ».</p>
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<p>L’île est convoitée à la fois par les États-Unis, la Russie et la Chine. « En 2018, le Groenland a […] refusé un prêt chinois pour financer la construction de deux aéroports. Dans le même temps, Washington a avancé ses pions. En 2020, les États-Unis, qui disposent déjà sur place, à Thulé, d’une base militaire avec des systèmes d’alerte avancés contre les missiles balistiques et d’une station de surveillance des satellites, ont ouvert leur premier consulat à Nuuk. »</p>
<p>De plus, le pays se situe proche de la nouvelle « Route du Nord » qui permettrait, grâce à la fonte des glaces de l’Arctique, aux navires-cargos porte-conteneurs venus de Chine de faire le trajet vers l’Europe plus rapidement que par les routes maritimes jusque-là existantes.</p>
<h2>Vers une « exception environnementale » ?</h2>
<p>En juillet 2021, le gouvernement autonome du Groenland, dirigé par une majorité écologiste, a toutefois <a href="https://www.novethic.fr/actualite/energie/energies-fossiles/isr-rse/climat-le-groenland-met-fin-a-l-exploration-petroliere-sur-son-territoire-150037.html">décidé d’interdire l’exploration et l’exploitation pétrolières sur l’île</a>, afin d’éviter de porter atteinte à l’environnement naturel. C’est une décision historique, un renversement copernicien, qui consiste à faire passer les impératifs écologiques avant ceux du profit économique.</p>
<p>Se pose en effet l’enjeu de la préservation de la nature et de l’écosystème au Groenland, où l’urbanisation et l’extraction minière croissantes provoquent une extinction progressive de la flore et la faune (avec la disparition des baleines notamment).</p>
<p>Faut-il donc faire passer avant l’enjeu du profit économique, celui de la <a href="https://journals.openedition.org/chrhc/5296">préservation du patrimoine mondial, comme le prône l’Unesco</a> ? Cette institution culturelle internationale qui a <a href="https://www.youtube.com/watch?v=1VNtLQU2MYk">créé en 1972 la liste du patrimoine culturel et naturel mondial</a>, y a classé en 2004 le fjord d’Ilulissat, site naturel remarquable et seul vestige dans l’hémisphère nord de la dernière période glaciaire du quaternaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=389&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489757/original/file-20221014-26-sn86yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=489&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Fjord Ilulissat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fjord_glac%C3%A9_d%27Ilulissat#/media/Fichier:Greenland_Ilulissat-36.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/arctique/etudes-de-cas/ilulissat">Ce classement est générateur de tourisme</a>, qui pose comme sur d’autres sites classés dans le monde la question de la tension entre préservation et <a href="https://theconversation.com/en-laponie-les-consequences-paradoxales-du-tourisme-sur-le-peuple-sami-128736">mise en tourisme</a>. L’impératif de préservation porte par ailleurs non seulement sur la nature, mais aussi sur la culture du Groenland : protection de la langue vernaculaire, l’inuktitut groenlandais (ou kalaallisut), langue rare de la famille eskimo-aléoute, aujourd’hui menacée d’extinction du fait de l’urbanisation et de la mondialisation culturelle.</p>
<p>Est-ce à dire qu’il faudrait créer une « exception environnementale », de même qu’existe une « exception culturelle » ? Rappelons que <a href="https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2013-2-page-183.htm">c’est la France qui a popularisé cette notion d’exception culturelle</a>, qui signifie que la culture ne doit pas être considérée comme une marchandise comme une autre, un simple objet de profit, mais comme un bien supérieur, auquel tout le monde doit avoir accès. L’Unesco a ensuite universalisé cette conception, en adoptant en 2005 la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2006-2-page-11.htm">Convention sur la diversité culturelle</a>, entrée en vigueur en 2007.</p>
<p>Le Groenland pourrait-il alors faire valoir à la fois l’exception culturelle et l’exception environnementale, c’est-à-dire faire passer les impératifs de préservation de son environnement naturel exceptionnel et de sa culture inuite avant les enjeux rapaces de profit financier ? Aux Groenlandais d’en décider.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le pays qui regorge de ressources précieuses en eau, en sable, en fer, en or, en nickel, en pétrole… tente de freiner leur exploitation.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1844972022-06-28T17:02:11Z2022-06-28T17:02:11ZLes allocations étudiantes au Danemark, un modèle à suivre ?<p>La crise sanitaire que nous venons de traverser amène à nous interroger collectivement sur le modèle de financement des études. Les jeunes les <a href="https://theconversation.com/avoir-20-ans-en-2020-quand-le-covid-19-revele-les-inegalites-entre-les-jeunes-148292">plus précaires</a>, notamment ceux qui doivent travailler en parallèle de leurs études pour les financer, sont ceux qui ont potentiellement été les plus touchés par la crise sanitaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-jeunesse-des-jeunesses-peut-on-vraiment-parler-de-generation-covid-171165">« Une jeunesse, des jeunesses » : peut-on vraiment parler de « Génération Covid » ?</a>
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<p>Cette situation concerne un nombre important d’étudiants, puisqu’en France 23 % des étudiants exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire sans aucun lien avec leurs études (calculs réalisés à partir de l’étude publiée par <a href="http://www.ove-national.education.fr/publication/activite-remuneree-2020/">l’Observatoire de la vie étudiante</a> en 2020).</p>
<p>À rebours du modèle français dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription – mais ne sont pas non plus aidés financièrement à hauteur du coût de leurs études par l’État – existent deux autres <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-2-page-119.htm">modèles de financement des études</a>. D’un côté, nous trouvons le modèle libéral, qui caractérise les pays anglo-saxons (États-Unis, Angleterre, Australie, etc.) dans lequel les étudiants doivent s’acquitter de frais d’inscription importants, où ils peuvent s’endetter pour financer leurs études et dans lequel il existe à la fois des bourses sur critères sociaux et académiques. De l’autre côté, nous trouvons le modèle social-démocrate dans lequel les étudiants ne payent pas de frais d’inscription et reçoivent des allocations pour financer leurs études.</p>
<h2>Modèle par répartition</h2>
<p>Dans ces deux modèles de financement de l’enseignement supérieur, libéral et social-démocrate, les taux d’accès et de réussite dans le supérieur sont relativement plus élevés que dans les pays du modèle dit conservateur, caractérisant notamment la France. La part des dépenses consacrée à l’enseignement supérieur y est également plus importante (mesurée en pourcentage du PIB, dépenses publiques et privées confondues).</p>
<p>Se retrouvant pris entre deux modèles antagonistes, l’un reposant sur le financement collectif et la solidarité intergénérationnelle – via notamment l’impôt sur le revenu – et l’autre sur les contributions individuelles des étudiants – via notamment le recours au crédit – le modèle français ne parvient pas à garantir des chances d’accès et de réussite des étudiants similaires à ceux des pays du nord de l’Europe.</p>
<p>Si la France a récemment fait le choix d’instaurer des <a href="https://theconversation.com/hausse-des-frais-dinscription-en-fac-une-tendance-contre-productive-111545">frais d’inscription</a> dans plusieurs établissements et filières sélectives, ainsi que pour les étudiants extra-communautaires, il est possible de prendre exemple sur ce qui se fait dans les pays scandinaves pour mettre en place un modèle de financement de l’enseignement supérieur par répartition – par analogie avec le système des retraites et par opposition à un système par capitalisation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/attirer-les-meilleurs-etudiants-etrangers-genese-dune-politique-selective-108010">Attirer les « meilleurs » étudiants étrangers : genèse d’une politique sélective</a>
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<p>Un tel choix de société a justement été fait il y a plusieurs décennies au Danemark. Jusqu’au début des années 1960, le financement des parcours de formation était réservé aux étudiants méritants et issus d’une catégorie sociale défavorisée, celui-ci étant alors composé de bourses et de prêts d’une somme modeste. Le système a connu un premier bouleversement en 1970 avec la création d’une agence nationale chargée des bourses et des prêts.</p>
<p>Dans les années 1980, à la suite de la suppression des prêts subventionnés en 1975 (qui furent par la suite réintroduits en 1982), les dettes des étudiants ainsi que la durée des études ont augmenté sensiblement. Pour réduire l’échec à l’université et l’ensemble des problèmes lié à l’augmentation de la dette, le gouvernement décide, en 1988, de mettre en place un système de bourses universelles. Celles-ci sont assorties de conditions de réussite.</p>
<p>À partir de 1993, le montant de l’allocation dépend des conditions de vie de l’étudiant mais est indépendant du revenu des parents. Ce système est combiné à des prêts subventionnés par l’État et à la suppression des prêts bancaires. Bien que ce système ait ensuite connu de nombreuses réformes, sa philosophie est restée inchangée.</p>
<h2>Égalité des chances</h2>
<p>Si le revenu des étudiants n’excède pas 1820 euros, ceux-ci perçoivent une bourse (versée durant 12 mois) d’un montant allant de 130 à 362 euros par mois s’ils vivent chez leurs parents et de 840 euros s’ils ne vivent plus chez leurs parents (les chiffres sont issus de <a href="https://www.education.gouv.fr/eurydice-reseau-europeen-sur-les-systemes-educatifs-3182">Eurydice</a> – 2021). Des compléments sont octroyés aux étudiants qui deviennent parents, à ceux qui sont parents célibataires ou à ceux qui sont en situation de handicap.</p>
<p>Historiquement, le calcul de l’allocation délivrée aux étudiants s’est fait sur la base du <a href="https://www.jstor.org/stable/1503432">budget réel des étudiants</a> en tenant compte des besoins des étudiants dans de nombreux domaines (logements, nourriture, vêtement, assurances, sport, téléphone, etc.).</p>
<p>Pour preuve, pendant la crise sanitaire, les étudiants ont eu le droit à un complément de bourse d’un montant de 130 euros versé en octobre 2020. De plus, les étudiants bénéficient de nombreuses réductions dans les transports publics, pour la culture, pour les dépenses de santé et d’assurance, de déductions d’impôts, de places en résidences universitaires, etc.</p>
<p>Un tel système permet alors aux étudiants de se consacrer pleinement à leurs études, sans avoir besoin de travailler à côté de leurs études pour les payer. Le financement de l’enseignement supérieur au Danemark permet aux étudiants de <a href="https://www.cairn.info/devenir-adulte--9782130557173.htm">trouver leur voie</a> en privilégiant l’autonomie et l’égalité des chances. Il permet aux jeunes de mieux se projeter dans leur avenir.</p>
<p>À l’opposé d’une logique en termes d’investissement individuel entraînant des retombées monétaires, l’éducation est vue dans ce pays comme un investissement qui bénéficie à la société dans son ensemble et dont les retombées sont non seulement individuelles, mais avant tout collectives. Les étudiants eux-mêmes participent à ce financement collectif dans la mesure où leurs bourses sont sujettes à imposition.</p>
<p>Un tel système est-il transposable en France ? Tout d’abord, il ne faut pas perdre de vue que les <a href="http://data.uis.unesco.org/">caractéristiques démographiques</a> des deux pays ne sont pas les mêmes, le Danemark comptant moins de 310 000 étudiants en 2019, quand la France en comptait plus de 2 685 000. Nous avons étudié la <a href="https://journals.openedition.org/ei/6233">faisabilité d’un tel modèle</a> dans le cas français en termes financiers. Si le coût que cela représenterait pour les finances publiques est important (24 milliards d’euros par an), il relève avant tout d’un choix de société.</p>
<p>Néanmoins, il est important de garder en tête que les caractéristiques des systèmes d’enseignement supérieur des deux pays sont différentes. D’une part, il existe au Danemark une sélection à l’entrée à l’université. Et, d’autre part, la bourse est délivrée sous conditions de réussite. Ces deux garde-fous sont à ne pas omettre si l’on souhaite importer dans le débat public français l’idée d’une allocation d’études pour les étudiants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léonard Moulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les études sont conçues au Danemark comme un investissement qui bénéficie à la société dans son ensemble, d’où un modèle de financement de l’enseignement supérieur par répartition.Léonard Moulin, Research fellow, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758692022-01-28T12:15:04Z2022-01-28T12:15:04ZQuels sont les accords qui encadrent les interventions militaires au Mali ?<p>Le 9 janvier dernier, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) annonçait une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/10/les-dirigeants-de-la-cedeao-placent-le-mali-sous-embargo-pour-sanctionner-le-maintien-de-la-junte-au-pouvoir_6108802_3212.html">série de sanctions sévères</a> contre le Mali, suite à la proposition par le gouvernement de transition d’un chronogramme prévoyant que des élections seraient tenues « dans un délai de quatre ans ». Aux yeux de la Cédéao, cette proposition revient à permettre à la junte qui <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/05/31/au-mali-la-semaine-ou-le-colonel-goita-s-est-couronne-president_6082131_3212.html">s’est emparée du pouvoir en mai 2021</a> de prolonger pour plusieurs années sa présence au pouvoir.</p>
<p>Dans la nuit même, le colonel Maïga, porte-parole du gouvernement, intervenait à la télévision nationale pour dénoncer des sanctions « illégales et illégitimes » et annoncer un « plan de riposte » des autorités maliennes comprenant des mesures de réciprocité.</p>
<p>Quelques semaines plus tard, on constate que ce plan comprend une importante dimension juridique, puisque le gouvernement malien a multiplié les offensives sur ce point.</p>
<h2>La bataille des arguments juridiques</h2>
<p>Le premier ministre Choguel Maïga a d’abord annoncé qu’une <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20220116-le-premier-ministre-malien-annonce-une-plainte-contre-les-sanctions-de-la-c%C3%A9d%C3%A9ao">série de plaintes</a> pourraient être déposées devant des juridictions internationales contre les sanctions promulguées par la Cédéao.</p>
<p>Ensuite, les tensions diplomatiques se sont succédé autour des accords militaires existants entre le Mali, la France et, plus largement, les pays européens : dénonciation d’une <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20220113-le-mali-d%C3%A9nonce-une-violation-de-son-espace-a%C3%A9rien-par-un-avion-militaire-fran%C3%A7ais">violation de l’espace aérien</a> par un avion militaire français le 12 janvier, <a href="https://www.aa.com.tr/fr/afrique/le-mali-refuse-le-survol-de-son-territoire-%C3%A0-un-avion-militaire-allemand/2480741">refus de survol du territoire</a> pour un avion allemand le 20 janvier, annonce d’une demande de <a href="https://malijet.com/a_la_une_du_mali/266089-discours-a-la-nation-du-61eme-anniversaire-de-l-armee-malienne-d.html">« relecture de certains accords de coopération militaire »</a> par le président de la transition, Assimi Goïta.</p>
<p>Enfin, le 24 janvier, un <a href="https://www.facebook.com/matdmali/photos/a.378838225881471/1385779478520669/">communiqué du gouvernement malien</a> demande le départ du contingent danois de la Force Takuba, qui serait présent au Mali sans base juridique et sans consentement de la partie malienne. Un départ obtenu le 27 janvier, malgré les protestations des pays européens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1486463525585399809"}"></div></p>
<p>Il est évident que, de part et d’autre, les arguments juridiques sont facilement instrumentalisés dans un contexte politique devenu très tendu. En témoigne le fait que ces accusations soient publiques et évitent volontairement les canaux diplomatiques. En invoquant la légalité des interventions internationales, c’est aussi et surtout leur légitimité que le gouvernement malien cherche à dénoncer.</p>
<p>En cela, il se place sur le même terrain que la France et les pays européens, qui ont toujours fondé leur légitimité en se réclamant de la légalité internationale et se retrouvent pris au piège de leurs propres arguments. Surtout, cela met en lumière la dimension complexe et peu transparente de ce cadre juridique inédit, qui nécessite d’être mieux compris pour analyser la situation actuelle.</p>
<h2>L’Opération Serval et les différentes bases légales invoquées</h2>
<p>Le 11 janvier 2013, près d’un an après le début des hostilités dans le Nord du Mali et la prise des principales villes par une coalition composée de groupes djihadistes affiliés à <a href="https://www.franceculture.fr/theme/aqmi">AQMI</a> et de groupes indépendantistes touarègues, la France lance une opération militaire d’urgence à travers des frappes aériennes et la mobilisation de forces spéciales, auxquelles viendront s’ajouter 4 000 hommes au sol.</p>
<p>Sans préjuger de sa légitimité, revenons sur les arguments juridiques avancés pour justifier l’opération Serval, qui sont importants dans le cadre des tensions actuelles. En droit international, le recours à la force est clairement interdit par la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/un-charter">Charte des Nations unies</a>. Une intervention militaire sur un territoire étranger est toutefois permise à travers deux exceptions (autorisation du Conseil de sécurité, exercice de la légitime défense), ou bien si cette intervention est effectuée à la demande de l’État concerné. Pour justifier son intervention au Mali en 2013, la France a successivement invoqué ces trois raisons.</p>
<p>En effet, dès le lendemain de l’intervention, le <a href="https://www.elysee.fr/francois-hollande/2013/01/12/declaration-de-m-francois-hollande-president-de-la-republique-sur-lintervention-militaire-francaise-au-mali-a-paris-le-12-janvier-2013">président Hollande indique</a> que celle-ci s’effectue « à la demande du président du Mali et dans le respect de la Charte des Nations unies ». Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/186790-conference-de-presse-de-m-laurent-fabius-ministre-des-affaires-etrange">mentionne</a> quant à lui une situation de « légitime défense » tirée de l’article 51 de la Charte des Nations unies, avant de corriger son propos <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/186791-extraits-dun-entretien-de-m-laurent-fabius-ministre-des-affaires-etra">deux jours plus tard</a> et de s’appuyer sur la <a href="https://www.un.org/press/fr/2012/CS10870.doc.htm">résolution 2085</a>, adoptée en décembre 2012 et prévoyant la mise en œuvre de la <a href="http://www.au-misahel.org/historique-de-loperation-misma/">Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA)</a>. Le 14 janvier, l’ambassadeur de France auprès des Nations unies <a href="https://undocs.org/fr/S/2013/17">transmet un courrier</a> au Conseil de sécurité indiquant que « la France a répondu […] à une demande d’aide formulée par le Président par intérim de la République du Mali, M. Dioncounda Traoré » pour lutter contre les groupes terroristes dans le pays.</p>
<p>Aucun État n’a contesté la légalité de l’intervention française, pas plus que les <a href="https://www.ejiltalk.org/french-military-intervention-in-mali-its-legal-but-why-part-i/">spécialistes du <em>jus ad bellum</em></a>. En revanche, les arguments soulevés ont provoqué d’importants débats, voire des controverses.</p>
<p>En premier lieu, l’argument de la légitime défense a été rejeté de manière quasi unanime, en l’absence d’agression <a href="https://dictionnaire-droit-humanitaire.org/content/article/2/agression/">au sens du droit international</a>. Plusieurs chercheurs ont ensuite <a href="http://www.afdsd.fr/wp-content/uploads/2019/07/AFDSDactes13-Traversac.pdf">critiqué</a> le fait que la France s’appuie sur une autorisation donnée par le Conseil de sécurité : cette justification relève d’une lecture très extensive de la résolution 2085, puisque celle-ci autorisait le déploiement d’une force militaire, mais sous conduite africaine.</p>
<p>Ainsi, un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2604235">consensus est apparu</a> pour considérer la demande des autorités maliennes comme base légale de l’intervention, <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315796307-18/french-military-intervention-mali-exactly-fran%C3%A7afrique-definitely-postcolonial-isaline-bergamaschi-mahamadou-diawara">malgré quelques critiques</a> portant sur la légitimité du président de l’époque (Diocounda Traoré était président par intérim depuis le <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2012/03/22/01003-20120322ARTFIG00511-mali-le-president-renverse-par-un-coup-d-etat-militaire.php">coup d’État</a> ayant renversé Amadou Toumani Touré en mars 2012).</p>
<p>En avril 2013, à travers l’adoption de la <a href="https://undocs.org/S/RES/2100(2013)">résolution 2100</a> créant la <a href="https://minusma.unmissions.org/">Minusma</a>, le Conseil de sécurité reconnaît implicitement la légalité de l’intervention en saluant la « célérité des forces françaises » et en soulignant que celle-ci est conduite « à la demande » des autorités maliennes. Depuis, que ce soit sur le plan juridique ou politique, la présence française a été constamment justifiée par cet argument, rappelé avec vigueur lors <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/pau-emmanuel-macron-reunit-les-chefs-d-etat-du-g5-sahel-340941">du sommet du G5 Sahel</a> à Pau en 2020.</p>
<p>La France, pourtant active sur le dossier malien au sein du Conseil de sécurité, n’a pas voulu (ou n’a pas pu) faire adopter un mandat du Conseil de sécurité pour encadrer son intervention. Cela rompt avec la politique poursuivie depuis la fin des années 2000 en matière d’opérations extérieures, qui cherchait systématiquement <a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.4324/9781315796307-18/french-military-intervention-mali-exactly-fran%C3%A7afrique-definitely-postcolonial-isaline-bergamaschi-mahamadou-diawara">l’obtention d’un mandat des Nations unies</a> pour renforcer le cadre légal et la légitimité de l’opération.</p>
<h2>La conclusion postérieure d’accords dits SOFA</h2>
<p>Le cadre juridique de l’intervention militaire française a depuis évolué et s’est fortement épaissi et complexifié, du fait des transformations du dispositif et de l’adoption de plusieurs accords relatifs au statut des forces armées.</p>
<p>Tout d’abord, un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027376103">accord sous forme d’échanges de lettres</a> est publié en avril 2013 pour fixer le « statut du détachement français dans le cadre de ses missions au Mali ».</p>
<p>Communément appelé SOFA (<em>Status of Forces Agreement</em>), ce type d’accord est courant et généralement conclu de manière bilatérale ou multilatéral afin de fixer le cadre juridique applicable à un détachement militaire présent à l’étranger : liberté de circulation, compétence juridictionnelle en cas de faute, dispositions en matière de douanes, taxes, etc. Ainsi, un SOFA n’a pas vocation à justifier la légalité d’une intervention militaire, mais plutôt à encadrer son déploiement. D’ailleurs, de nombreux SOFA sont conclus entre États sans existence d’intervention militaire.</p>
<p>Pourtant, l’accord conclu entre la France et le Mali en 2013 mentionne plusieurs aspects concernant la base légale de cette intervention, en rappelant l’existence des résolutions du Conseil de sécurité et en soulignant à nouveau « la demande expresse » du gouvernement malien. Là encore, cela rompt avec la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r3860.asp">pratique initiée après 2008 et la révision des accords de défense</a> avec les pays africains, où les SOFA sont systématiquement distingués des accords d’assistance militaire. Le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl3498-ai.pdf">nouveau traité de coopération</a> signé en 2014 entre la France et le Mali n’y changera rien. Bien que sa signature soit concomitante au lancement de l’opération Barkhane, il est sans préjudice de l’accord conclu en 2013, qui <a href="http://www.senat.fr/rap/l15-358/l15-3586.html">continue à s’appliquer</a> aux contingents de la nouvelle opération.</p>
<p>Ce choix de mêler justification légale de l’intervention et encadrement juridique des forces au Mali est d’autant plus surprenant que la même année, la France a signé deux accords distincts avec le Niger pour le déploiement de ses opérations, l’un relatif « au régime juridique de l’intervention », l’autre concernant le statut des forces.</p>
<h2>Takuba : un objet juridique non identifié</h2>
<p>Une nouvelle évolution intervient en 2020 avec la mise en œuvre du groupement de forces spéciales <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/06/11/takuba-l-embryon-d-une-force-europeenne_6083722_3212.html">Takuba</a>. Sans lien avec l’Union européenne, ce dispositif repose sur une structure juridique complexe, mêlant là aussi justification légale de l’intervention et statut des forces, accords bilatéraux et multilatéraux.</p>
<p>Tout d’abord, dans une lettre adressée le 27 novembre 2019 à plusieurs pays européens, Ibrahim Boubacar Keita, alors président, sollicite une « assistance militaire » au sein de la force Takuba, encore en gestation et dont l’existence sera officialisée quelques mois plus tard. En février 2020, la France soumet au Mali un projet de protocole additionnel à l’accord de 2013, qui prévoit l’application d’un SOFA type contenant les mêmes dispositions à l’ensemble des contingents européens déployés.</p>
<p>Entériné par un échange de lettres en mars 2020, ce protocole prévoit que chaque pays contributeur de Takuba doit conclure un accord spécifique avec le Mali et solliciter l’accord de la France pour intégrer la nouvelle force. Il fixe donc un cadre général, au sein duquel des relations bilatérales doivent être nouées entre le Mali et chaque État contributeur. La conclusion de ces accords bilatéraux est très simple sur la forme : un échange de lettres entre le pays contributeur et le Mali, contenant en annexe le SOFA, puis une notification à la partie française.</p>
<p>Ainsi, si Takuba est une opération présentée comme multilatérale, elle est juridiquement une juxtaposition de coopérations bilatérales, inscrites toutefois dans un cadre commun et homogène. La même année, un protocole similaire est signé avec le Niger. Toutefois, aucun accord bilatéral entre un pays contributeur de Takuba et le Niger n’a été publié à ce jour.</p>
<p>Le cadre juridique de Takuba est donc une réplique de celui adopté en 2013 pour Serval puis Barkhane. La légitimité de l’intervention des pays européens est alors fondée sur sa légalité, matérialisée par la demande de la partie malienne, qui est exprimée à travers la conclusion bilatérale d’un SOFA. Ce choix est aujourd’hui lourd de conséquences du fait des changements politiques ayant eu lieu au Mali, et des volontés de renégociations des accords.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-decision-de-la-france-de-retirer-ses-troupes-du-sahel-appelle-a-une-approche-moins-militaire-163874">La décision de la France de retirer ses troupes du Sahel appelle à une approche moins militaire</a>
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<p>Au-delà de ces aspects juridiques, la situation présente doit conduire à réfléchir à l’efficacité de ces dispositifs, plus de neuf ans après le début de l’intervention française. En s’attaquant à la base légale de la présence danoise, c’est la légitimité de l’ensemble de Takuba que le gouvernement malien <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/01/26/mali-la-task-force-takuba-victime-collaterale-de-la-defiance-de-la-junte-envers-la-france_6111057_3212.html">remet en cause</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/x18wBmUaFFM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Du fait de la structure juridique de ces accords, construits autour d’un texte unique mêlant demande d’assistance et statut des forces, la renégociation de termes et dispositions techniques est aujourd’hui impossible sans une nouvelle discussion sur la base légale des interventions et l’invitation de la partie malienne, sur lesquelles se fonde la légitimité des interventions européennes. Cette discussion, même sur des points très techniques, conduirait <em>in fine</em> le gouvernement de transition à confirmer ou à retirer clairement sa demande d’assistance, au-delà des postures et joutes verbales, forçant ainsi les pays contributeurs à en tirer les conséquences.</p>
<p>Enfin en cas de poursuite de la coopération militaire, toujours officiellement souhaitée par les différentes parties, une plus grande transparence sera nécessaire. En partie dévoilés par la brouille diplomatique avec le Danemark, ces accords étaient jusque-là réservés aux initiés et certains sont toujours confidentiels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Antouly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Mali accueille sur son territoire plusieurs contingents de militaires étrangers. Après l’annonce du départ forcé des troupes danoises, le cadre juridique de ces interventions interroge.Julien Antouly, Doctorant en droit international (CEDIN) et Coordinateur de projets (LMI MaCoTer), Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1634672021-07-07T19:04:19Z2021-07-07T19:04:19ZOpération « Dunhammer » : le cheval de Troie danois en Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409685/original/file-20210705-17-1d963ip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1019%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mette Frederiksen, la première ministre du Danemark, arrive au sommet européen à Bruxelles le 25 juin 2021, alors que son pays est sous le feu des critiques pour avoir aidé les services américains à espionner plusieurs dirigeants de l'UE.</span> <span class="attribution"><span class="source">Olivier Matthys/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Dimanche 30 mai 2021, une chaîne publique de télévision danoise, <em>Danemarks Radio</em> (DR), en coopération avec d’autres médias (le journal <em>Le Monde</em>, la chaîne suédoise <em>SVT</em>, la chaîne norvégienne <em>NRK</em>, les chaînes allemandes <em>NDR</em>, <em>WDR</em> et le quotidien allemand <em>Suddeutsche Zeitung</em>) révèle l’existence d’un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/02/accuse-d-espionnage-au-profit-des-etats-unis-le-danemark-ne-nie-pas_6082549_3210.html">accord secret</a> passé entre l’agence de sécurité nationale des États-Unis, la NSA (National Security Agency) et le service danois de renseignement de la défense, le Forsvarets Efterretningstjeneste (FE).</p>
<p>Cet accord, qui s’appuie sur un rapport commandé par le FE dénommé « Opération Dunhammer » et livré en 2015, révèle l’existence d’une coopération secrète américano-danoise qui a duré de 2012 à 2014. Cette opération a permis à la NSA et au FE d’accéder, via le logiciel XKeyscore, aux données SMS, appels, trafic Internet et autres services de messagerie de plusieurs hauts responsables politiques européens (français, norvégiens, suédois et allemands), dont la chancelière allemande <a href="https://www.dw.com/fr/nsa-espionnage-allemagne-merkel-danemark/a-57729842">Angela Merkel</a>.</p>
<h2>Un scandale international</h2>
<p>Les révélations effectuées par ces médias après neuf mois d’enquête semblent éclairer sous un angle nouveau le limogeage, en août 2020, du chef du FE, Lars Findsen, de son prédécesseur, Thomas Ahrenkiel et de trois autres agents. La ministre danoise de la Défense Trine Bramsen, nommée en juin 2019, qui a été informée de cette affaire en août 2020, reprocherait notamment au FE la mise sur écoute des ministères danois des Affaires étrangères et des Finances ainsi qu’un fabricant d’armes du pays – et ce, au profit de la NSA.</p>
<p>Ces révélations ont eu pour effet une véritable levée de boucliers côté européen. Berlin, Stockholm et Oslo ont rapidement <a href="https://www.sudouest.fr/international/europe/espionnage-d-allies-europeens-les-etats-unis-et-le-danemark-sommes-de-s-expliquer-3501619.php">demandé des explications complémentaires</a> au gouvernement danois, tandis que Paris <a href="https://www.breakingnews.ie/world/frances-macron-says-u-s-spying-on-european-allies-is-not-acceptable-1135340.html">mettait explicitement en garde</a> ses partenaires danois et américain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1399117981683232769"}"></div></p>
<p>Pour autant, il convient de rappeler que, bien que ces révélations soient déroutantes, de telles pratiques d’espionnage sont en réalité anciennes. Dès la fin de la guerre froide et la disparition de l’ennemi soviétique, la NSA change rapidement son fusil d’épaule, intensifiant ses pratiques de surveillance et d’interception en direction de citoyens et d’États alliés.</p>
<h2>Une pratique qui n’a rien de nouveau</h2>
<p>Par le passé, le monde entier a longtemps sous-estimé les révélations faites dès les années 1970-1980 sur la <a href="https://www.tallandier.com/livre/nsa/">NSA</a>. Ces programmes portaient les noms de <em>Fairview</em>, <em>Lithium</em>, <em>Oakstar</em>, <em>Stormbrew</em> ou <em>Blarney</em>. Ce dernier programme, par exemple, reposait initialement sur un programme mis en place entre la NSA et AT&T (entreprise de télécommunications américaine) en 1978 dont l’objet était déjà à l’époque, l’espionnage des communications, via les câbles, routeurs et commutateurs internationaux, de nombreux pays dont la France.</p>
<p>En 1995, un ancien officier du Centre de la sécurité du Canada (CSE) dénonçait dans un ouvrage intitulé <a href="https://www.christian-sauve.com/2000/02/spyworld-mike-frost-and-michel-gratton/"><em>Spyworld : How CSE Spies on Canadians and the World</em></a>, les pratiques canado-américaines d’espionnage mondial et domestique à travers la station canadienne de Leitrim (Ontario), spécifiquement en charge des entreprises et des responsables politiques européens.</p>
<p>En 1998, le service d’études du Parlement européen (STOA, Scientific and Technological Options Assessment) charge une fondation nommée <a href="https://omegaresearchfoundation.org/about">Omega</a>, basée à Manchester, de réaliser une étude sur l’« évaluation des techniques de contrôle politique ». Le <a href="http://vadeker.net/humanite/geopolitique/rapport_echelon_controle_politique.html">rapport rendu par Omega</a> préconise de focaliser des recherches spécifiquement focalisées sur la question de l’espionnage électronique au niveau international et de la situation juridique des Européens face à cette menace. </p>
<p>Le STOA lança alors une étude globale intitulée <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/1999/168184/DG-4-JOIN_ET%281999%29168184_EN.pdf">« Development of surveillance technology and risk of abuse of economic information »</a>, destinée à la <a href="https://www.europarl.europa.eu/committees/fr/libe/about">commission des Libertés publiques et des Affaires intérieures du Parlement européen</a>. Cette étude fut constituée à partir de quatre rapports distincts confiés à quatre experts indépendants (dont un français). Ses conclusions suscitèrent notamment des débats enflammés à l’Assemblée nationale en France. Élisabeth Guigou, alors garde des Sceaux, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20000224.OBS2335/echelon-mais-quel-espionnage-industriel.html">déclara</a> à l’époque :</p>
<blockquote>
<p>« Le réseau ÉCHELON a été détourné à des fins d’espionnage économique et de veille concurrentielle. »</p>
</blockquote>
<p>Une enquête sera diligentée par la DST sur ce réseau (dont il sera question plus loin dans l’article), mais celle-ci n’aboutira pas et sera classée sans suite en juillet 2001.</p>
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<p>Il faudra attendre la révélation de <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/affaire-snowden-revelations-demande-d-asile-ce-qu-il-faut-savoir-7798344558">l’affaire Snowden</a> par le <em>Guardian</em>, le 6 juin 2013, pour mettre à nu les pratiques massives de surveillance de la NSA. Durant plusieurs jours, le monde entier assistera éberlué aux révélations d’un analyste qui mettra sous les projecteurs la plus secrète des agences de renseignement américaines.</p>
<h2>NSA : la domination via l’information</h2>
<p>L’Armed Forces Security Agency (AFSA), créée en 1949 et <a href="https://livre.fnac.com/a2048716/Eric-Denece-Renseignement-et-contre-espionnage">rebaptisée NSA en 1952</a> est à l’origine du réseau ÉCHELON qu’elle coordonne et qui est un réseau de surveillance mondial des télécommunications créé pendant la guerre froide.</p>
<p>Ce réseau né en 1941 et formalisé en 1943, qui regroupe cinq partenaires anglo-saxons, les <a href="http://www.opex360.com/2018/02/06/renseignement-five-eyes-club-ferme-ouvert-a-france/">Five Eyes</a>, permet une surveillance géographique totale de l’ensemble des émissions électromagnétiques et des communications internationales. Ainsi, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande entretiennent, par leur appartenance au réseau <em>Five Eyes</em>, des <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/18574/cyber-la-guerre-permanente">relations particulières entre eux et avec les États-Unis</a>. En acceptant de partager et de coopérer, tout en évitant de s’espionner mutuellement, ces États s’alignent donc sur la stratégie cybernétique américaine. Parmi ces acteurs, le Royaume-Uni est le partenaire le plus important pour les États-Unis.</p>
<p>Un deuxième cercle d’États considérés comme très proches, les <em>Third Party Nations</em>, ou pays tiers, possèdent également des installations d’écoutes sur leur territoire (Allemagne, Danemark, Grèce, Italie, Japon, Norvège, Corée du Sud, Thaïlande, Turquie et même Chine suite a la normalisation diplomatique sino-américaine de 1972). D’autres États entretiennent par ailleurs d’excellentes relations avec la NSA (Israël, Pays-Bas, France).</p>
<p>Membre des <em>Third Party Nations</em>, le Danemark présente l’avantage de posséder un positionnement géographique idéal. La NSA était au fait, depuis le milieu des années 1990, qu’une « dorsale Internet » de communication existait sous Copenhague. Cette « dorsale Internet », qui correspond à un très gros câble transfrontalier, permet les échanges internationaux et constitue une source de renseignements importants.</p>
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<p>La NSA tire pleinement partie de l’emplacement géographique particulier de certains États en échange de l’accès à des capacités importantes d’interceptions, de financements et technologies avancées. Un centre de traitement des informations utiles à la collecte d’informations sur le vieux continent a ainsi été construit au Danemark, à l’est de Copenhague, <a href="https://www.datacenterdynamics.com/en/news/danish-whistleblower-details-nsa-collaboration-submarine-cable-spying-surveillance-data-center/">sur l’île d’Amager</a>. Ce site est idéalement situé dans les eaux territoriales danoises, à la jonction des embranchements de câbles sous-marins reliant de nombreux États entre eux (Allemagne, Suède, Norvège, Pays-Bas, Grande-Bretagne).</p>
<h2>Union européenne : Alliée ou vassale des États-Unis ?</h2>
<p>Le Danemark, <a href="https://www.state.gov/u-s-relations-with-denmark/">allié stratégique des États-Unis</a>, est un contributeur inconditionnel des opérations militaires étasuniennes dans le monde (Afghanistan, Irak, Libye et Syrie). Sujet d’inquiétude grandissant qui nécessite le soutien d’une grande puissance, l’Arctique, dont une partie est sous souveraineté danoise, agit comme un attracteur à puissances (Chine, Japon, Russie, Canada…) au vu des richesses que ce territoire recèle. Seul pays européen nordique à entre membre à la fois de l’UE et de l’OTAN, le Danemark a donc naturellement, ces dernières années, privilégié ses relations avec les États-Unis en établissant avec eux une alliance stratégique solide et profonde.</p>
<p>Le coût politique et économique des récentes révélations n’est pas encore connu. Ce qui est sûr, c’est qu’elles refroidiront, au moins de manière temporaire, les relations entre le Danemark et les autres États de l’UE.</p>
<p>Au-delà, un constat s’impose : il est impossible d’empêcher les États-Unis d’espionner l’Europe. Aucun État ne peut échapper ou s’opposer à l’omniprésence numérique américaine.</p>
<p>Si pour sa part, l’Europe s’est bien dotée d’une agence de cybersécurité créée en 2004 dont l’acronyme est <a href="https://www.enisa.europa.eu/">ENISA</a> (European Network and Information Security Agency), ses moyens sont cependant limités en moyens et en personnel (85 membres). Basée à Héraklion en Grèce, cette agence mène plutôt des actions incitatives et de conseil aux États membres et aux entreprises pour améliorer leur sécurité numérique. En résumé, elle ne possède aucune capacité d’action transnationale concrète et la faiblesse des moyens consacrés à son fonctionnement par les États membres reflète le côté éminemment national de la souveraineté numérique.</p>
<p>Consciente de ses insuffisances au niveau étatique, l’Europe a plutôt misé sur une stratégie de protection des données de ses citoyens et de son économie numérique. Depuis les révélations de l’affaire Snowden en 2013, l’UE a opté pour la mise en place de réglementations adéquates (RGPD en mai 2018) qui fait désormais d’elle un modèle de référence mondial.</p>
<p>Ce qui peut paraître choquant au premier abord n’est en réalité qu’une simple illustration du fonctionnement concret des relations internationales où seul l’intérêt national prévaut. L’espionnage n’est qu’une réalité contemporaine usitée par l’ensemble des acteurs étatiques en direction et à destination de tous. Pour paraphraser Sir Henry John Temple, plus connu sous le nom de Lord Palmerston : « Les États-Unis n’ont pas d’amis ou d’ennemis permanents, ils n’ont que des intérêts permanents ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163467/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mourad Chabbi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De récentes révélations sur l’espionnage par les États-Unis, avec l’aide danoise, de plusieurs hauts responsables européens jettent une lumière crue sur les pratiques de Washington vis-à-vis de l’UE.Mourad Chabbi, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1439112020-08-10T21:16:44Z2020-08-10T21:16:44ZComment les dérèglements climatiques ont fait entrer le Groenland dans la mondialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/351268/original/file-20200805-20-1wtdsxd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C478%2C3244%2C1890&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le village d’Oqaatsuk, situé sur l'une de berges de la baie de Disko, en 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Norbert Rouland</span></span></figcaption></figure><p>En ce mois d’août, une petite expédition française du nom d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=jeRxL4fTey0">Unu Mondo</a> – qui se donne pour but d’étudier les effets du réchauffement climatique et la fonte de la banquise – se trouve au sud du Groenland. Elle va en remonter la côte ouest pour se diriger ensuite vers le Canada, empruntant le fameux passage du Nord-Ouest.</p>
<p>La région arctique a été ces dernières semaines à nouveau au centre de l’attention, suite à la publication d’une étude scientifique évoquant la <a href="https://www.nature.com/articles/s41558-020-0818-9">disparition d’ici la fin du siècle</a> des ours polaires en raison du réchauffement climatique.</p>
<iframe src="https://www.google.com/maps/embed?pb=!1m18!1m12!1m3!1d24630059.92771151!2d-73.80873701988536!3d67.86538440113804!2m3!1f0!2f0!3f0!3m2!1i1024!2i768!4f13.1!3m3!1m2!1s0x4ea20dbbe3c07715%3A0x34cf9d830114e218!2sGroenland!5e0!3m2!1sfr!2sfr!4v1596619855732!5m2!1sfr!2sfr" width="100%" height="450" frameborder="0" style="border:0;" allowfullscreen="" aria-hidden="false" tabindex="0"></iframe>
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Et l’on se souvient bien sûr de toutes ces photos montrant des ours à la dérive sur une plaque de banquise… Même si ces mammifères sont d’excellents nageurs, les effets des dérèglements climatiques sont incontestables et de mieux en mieux documentés. J’ai pu moi-même le constater lors d’un <a href="https://amubox.univ-amu.fr/s/DWi29Xn3jmca98B">voyage dans cette zone au mois de juin 2017</a>.</p>
<p>Revenu au Groenland dans des endroits où j’étais allé, il y a une quarantaine d’années, en compagnie de l’ethnologue et géographe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Malaurie">Jean Malaurie</a> quand la mer gelait en octobre, j’apprends qu’elle ne gelait plus du tout…</p>
<p>Suivant les estimations de l’Institut météorologique danois en juillet 2019, le Groenland avait perdu <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/breves/calotte-glaciaire-groenland-50-ans-fonte-groenland-vus-satellites-nasa-1119/">197 gigatonnes</a> de glace de surface, plus que la moyenne d’une année entière depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Polar bears could go extinct by 2100. (The Hindu/Youtube, juillet 2020).</span></figcaption>
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<h2>« Donnez-moi l’hiver »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351269/original/file-20200805-16-qaygwx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chiens de traineaux à Ilulissat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Norbert Rouland</span></span>
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<p>Au Groenland, l’utilisation des chiens de traineaux n’a plus qu’un caractère sportif ou touristique. Lors de mes premiers voyages, les chiens vivaient à côté des hommes. Aujourd’hui, ceux qui restent sont parqués dans des terrains vagues en lisière des petites villes, comme à Ilulissat dans la région de la baie de Disko.</p>
<p>Décédé il y a près d’un siècle, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Knud_Rasmussen">Knud Rasmussen</a>, le plus grand ethnologue des Inuits déclarait : « Donnez-moi l’hiver, donnez-moi les chiens, et gardez tout le reste ». Que dirait-il aujourd’hui, où les motoneiges ont remplacé les chiens ?</p>
<h2>Une pêche plus abondante, une petite agriculture</h2>
<p>Mais le passé n’avait pas que des avantages. On mourait en général jeune dans cette région ; et les anciens devaient se sacrifier, partant seuls sur la banquise. Aux jeunes de vivre pour nourrir femmes et enfants. Aujourd’hui, ce sont eux qui se suicident. Ils jouissent d’un confort sans commune mesure avec les temps anciens. Mais, tous branchés à Internet, ils souffrent de la comparaison avec des environnements plus cléments. L’alcoolisme et les violences familiales font des ravages.</p>
<p>Assistés par les subventions du Danemark, les Groenlandais rêvent d’indépendance. Son éventualité fait partie des conséquences « positives » du réchauffement climatique, rarement soulignées par les médias.</p>
<p>Les Groenlandais apprécient désormais des hivers moins rigoureux et, depuis quelques années, la pêche des cabillauds est plus abondante suite au réchauffement de l’eau. Dans le Sud-Ouest, on pratique une petite agriculture et les Groenlandais rêvent de pouvoir cultiver sur place des légumes et des fruits, importés du Danemark à des prix très élevés.</p>
<h2>Des changements bienvenus</h2>
<p>Mais les enjeux économiques les plus importants concernent les potentielles richesses contenues dans le sous-sol, et notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/terres-rares-30956">terres rares</a>, ces minéraux qui interviennent dans la construction du matériel informatique et de nos téléphones. Elles sont d’ores et déjà un enjeu géopolitique du XXI<sup>e</sup> siècle et vont connaître une demande en constante augmentation. À l’heure actuelle, la Chine en a le quasi-monopole.</p>
<p>Le Groenland renfermerait également les troisièmes réserves d’uranium au monde et pourrait figurer parmi les dix ou cinq premiers exportateurs à l’horizon 2030.</p>
<p>L’exploitation de ce minerai constitue un bon exemple des risques liés à la modernisation de la zone. Elle pourrait permettre au Groenland l’accession à l’indépendance, mais comporte de nombreux risques, liés notamment à l’arrivée d’une main-d’œuvre étrangère, potentiellement déstabilisante.</p>
<p>Conscients de ces risques, les Groenlandais avaient interdit en 1983 l’extraction du minerai. Une interdiction levée par le Parlement en 2013, à seulement quelques voix de majorité. Les partisans de l’extraction ont fait valoir que la tolérance zéro datait d’une époque quasi coloniale. Ils avancèrent aussi que s’il fallait stopper le développement industriel pour préserver le climat, il n’était pas juste de priver les Groenlandais de l’exploitation d’une telle ressource.</p>
<p>À la liste des changements vus d’un œil favorable par les habitants de la région, il faut également mentionner une circulation maritime facilitée. Ainsi, la route du Nord, qui longe tout le littoral de la Russie, est devenue navigable. Du côté canadien, le passage du Nord-Ouest est beaucoup plus accessible qu’auparavant.</p>
<p>Pour des milliers d’euros, des touristes fortunés l’empruntent désormais sur des bateaux de <a href="https://theconversation.com/navigation-arctique-quels-risques-pour-les-navires-croisieristes-82170">croisière de luxe</a>. Cette navigation n’est toutefois aussi aisée que dans les mers chaudes : la nuit polaire reste longue, le brouillard et les icebergs fréquents et les hauts-fonds assez nombreux.</p>
<h2>La présence chinoise</h2>
<p>Si les <a href="https://www.academia.edu/36730452/LArctique_russe_reconqu%C3%AAte_dun_front_pionnier">Russes s’intéressent au Groenland</a>, ils sont, comme l’Union européenne, en retard sur la Chine. Depuis 2010, les contacts entre le Groenland et Pékin – au niveau bilatéral et dans le cadre des relations entre le Danemark et la Chine – se sont multipliés.</p>
<p>En 2011, le ministre groenlandais de l’Industrie et des Ressources naturelles se rend dans la capitale chinoise où il est reçu par le vice-premier ministre. En 2012, une délégation groenlandaise rencontre, au Danemark, le président Hu Jintao. En 2014, le vice-ministre groenlandais des Affaires étrangères en visite à Pékin s’entretient avec les représentants de deux entreprises minières chinoises. En 2016, le président Xi Jinping réaffirme la volonté chinoise de renforcer les liens entre la Chine et le Danemark.</p>
<p>Notons enfin que la base de données <a href="http://www.wanfangdata.com/">Wanfang data</a> – la plus grande base de données d’articles scientifiques en chinois – comporte plus de <a href="http://www.observatoire-arctique.fr/analyses-regionales/evaluation-de-montee-puissance-interets-chinois-groenland/">800 articles consacrés au Groenland</a>.</p>
<p>Pékin cherche aujourd’hui à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/arctique-une-ambition-chinoise_6024717_3210.html">prendre toute sa place en Arctique</a>, imaginant qu’une de ses « nouvelles routes de la soie » passe par la région. Et, comme les Russes (un drapeau russe a été planté sous le pôle Nord à 4700 m de profondeur), ils sont opposés à une internationalisation de la région qui pourrait la limiter.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-chine-a-la-conquete-des-poles-142342">La Chine à la conquête des pôles</a>
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<p>Situé près du continent nord-américain, mais aussi de la Russie par la voie du détroit de Béring, appartenant à l’Europe par son intégration au Danemark (mais il s’est retiré de l’Union européenne afin de ne pas subir le contingentement de sa pêche), convoité par la Chine, le Groenland est entré pour la première fois de son histoire dans la mondialisation.</p>
<p>Le réchauffement climatique et les multiples changements qu’il initie sont en grande partie cause de cette évolution que personne ne soupçonnait encore au siècle dernier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Norbert Rouland ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des ours polaires est loin d’être le seul bouleversement qui anime la région arctique.Norbert Rouland, Professeur de droit. Ancien membre de l'Institut universitaire de France (Chaire anthropologie juridique), professeur émérite, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1350182020-03-30T19:46:50Z2020-03-30T19:46:50ZLa Suède est très relax face au coronavirus. Voici la science derrière cette décision<p>Un nombre croissant de médecins et de scientifiques suédois <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/mar/23/swedish-pm-warned-russian-roulette-covid-19-strategy-herd-immunity?CMP=Share_AndroidApp_Gmail">tirent la sonnette d’alarme</a> à propos de l’approche de leur gouvernement concernant le Covid-19. Contrairement à ses voisins nordiques, la Suède a adopté une stratégie relativement détendue, partant apparemment du principe qu’une réaction excessive est plus dommageable qu’une réaction insuffisante.</p>
<p>Bien que le gouvernement interdise maintenant les <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/3Jgxj9/senaste-nytt-om-coronaviruset">rassemblements de plus de 50 personnes</a>, cette directive exclut des lieux comme les écoles, les restaurants et les centres d’entraînement qui restent ouverts. Et ce, malgré le fait que 3 046 personnes ont été testées positives. Bien que la Norvège ait le plus grand nombre de cas confirmés (3 066) en Scandinavie, le nombre de décès par le Covid-19 en Suède est de loin le plus élevé (92), par rapport à la Norvège (15) et au Danemark (41).</p>
<p>Les gens prennent maintenant position. Certains affirment que critiquer publiquement les autorités ne sert qu’à saper la confiance du public à un moment où l’unité est nécessaire. D’autres sont convaincus que la Suède s’achemine vers une catastrophe et que la direction doit impérativement changer.</p>
<p>La vérité est que de toutes ces opinions, aucune ne découle de l’expérience directe d’une pandémie mondiale. Personne ne sait avec certitude ce qui nous attend.</p>
<p>En cas d’épidémie, les modèles de prévision <a href="https://theconversation.com/how-to-model-a-pandemic-134187">aident à orienter le choix des interventions</a>. Ils évaluent les impacts sociaux et économiques probables et estiment les besoins des hôpitaux lorsque la demande sera à son maximum. Tous les modèles de prévision nécessitent des données d’entrée, idéalement dérivées de l’expérience passée dans des scénarios comparables. Et nous savons que la qualité de ces données d’entrée sur le Covid-19 est médiocre.</p>
<p>La plupart des modèles de prévision actuels pour le coronavirus utilisent des données recueillies en Chine et en Italie ainsi que d'épidémies qui ont eu lieu avec d’autres maladies infectieuses telles que le virus Ebola, la grippe et d’autres coronavirus (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_respiratoire_aigu_s%C3%A9v%C3%A8re_li%C3%A9_au_coronavirus">SRAS</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/coronavirus_du_syndrome_respiratoire_du_Moyen-Orient">MERS</a>). Mais les données démographiques et les modèles d’interactions sociales diffèrent d’un pays à l’autre. La Suède a une faible population et une seule véritable zone métropolitaine. Idéalement, nous aurions besoin de données suédoises sur la propagation communautaire du Covid-19, mais cela nécessite des programmes de dépistage qui n’existent pas actuellement.</p>
<p>Le peu de données fiables sur le coronavirus en Suède concerne les admissions à l’hôpital et les décès. Ces dernières peuvent être utilisées pour obtenir une estimation de la transmission communautaire, fournissant approximativement combien de décès surviennent parmi les personnes infectées. Mais avec un décalage de deux semaines entre le diagnostic et le décès, il s’agit d’un instrument peu fiable pour guider la prise de décision.</p>
<p>En Suède, les autorités de la santé publique <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/contentassets/1887947af0524fd8b2c6fa71e0332a87/skattning-av-vardplatsbehov-folkhalsomyndigheten.pdf?fbclid=IwAR3Dij1B7jGicxFmRtw7EODymicfo_54W0DoFz6n3Dh7ax9MSte9wnorVF4">ont publié des simulations</a> pour guider les « besoins de pointe ». C’est dans cette mesure que les hôpitaux devront renforcer leur capacité à traiter un nombre élevé de patients très atteints du Covid-19 qui auront probablement besoin de soins spécialisés dans les semaines à venir. D’après ces simulations, il est clair que le gouvernement suédois prévoit <a href="https://doi.org/10.25561/77482">beaucoup moins d’hospitalisations par tranche de 100 000 habitants</a> que dans d’autres pays, dont la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni.</p>
<p>Le nombre correspondant de décès en Suède prévu dans les simulations du Royaume-Uni est beaucoup plus élevé que celles du gouvernement suédois. Il semble que les autorités suédoises estiment qu’il y a beaucoup de personnes infectées sans symptômes et que, parmi celles qui se présentent dans les différents services cliniques, une sur cinq seulement devra être hospitalisée. À ce stade, il est difficile de savoir combien de personnes sont asymptomatiques, car il n’existe pas de dépistage structuré en Suède et aucun test d’anticorps pour vérifier qui a réellement contracté le Covid-19 et s’en est remis.</p>
<p>Mais il serait néanmoins dévastateur de sous-estimer les besoins des services hospitaliers.</p>
<h2>Une propagation inégale</h2>
<p>Comme dans de nombreux autres pays, la propagation de le Covid-19 est assez inégale en Suède. La plupart des cas ont été diagnostiqués et traités dans la <a href="https://www.expressen.se/nyheter/flera-nya-dodsfall-i-sverige-i-dag-/">grande région de Stockholm</a>, et dernièrement aussi dans le comté de Jämtland, au nord du pays, une destination très prisée des skieurs. En revanche, certaines autres zones géographiques sont relativement épargnées, du moins pour le moment. Dans la troisième plus grande ville de Suède, Malmö, seuls quelques malades ont été hospitalisés au moment de la rédaction du présent rapport.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323595/original/file-20200327-146683-1dpoxe1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le coronavirus va s’aggraver en Suède.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Lightspring/Shutterstock</span></span>
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<p>Il ne fait aucun doute que l’épidémie va se propager, mais la rapidité de cette propagation fait l’objet d’opinions divergentes. Les autorités nationales de santé publique sont également <a href="https://www.folkhalsomyndigheten.se/the-public-health-agency-of-sweden/">sceptiques quant à la nécessité d’un verrouillage</a> du pays, mais des <a href="https://www.aftonbladet.se/nyheter/a/LAOM2q/uppgifter-diskuterar-isolering-av-stockholm">discussions sont en cours</a> pour mettre en place une telle intervention dans la région de la capitale.</p>
<p>Plusieurs arguments viennent soutenir la stratégie suédoise. Parmi ceux-ci figure la nécessité de maintenir les écoles ouvertes afin de permettre aux parents qui occupent des postes clés dans les secteurs des soins de santé, des transports et de l’approvisionnement alimentaire de rester au travail.</p>
<p>Malgré la propagation rapide d’autres maladies infectieuses chez les enfants, les complications de le Covid-19 <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/mar/23/can-kids-catch-coronavirus-what-we-know-about-covid-19-and-children">sont relativement rares</a> chez les enfants. Un confinement à long terme est également susceptible d’avoir des implications économiques majeures qui, à l’avenir, pourraient nuire aux soins de santé en raison du manque de ressources. Cela pourrait éventuellement <a href="https://theconversation.com/coronavirus-why-lockdown-may-cost-young-lives-over-time-134580">causer encore plus de décès et de souffrances</a> que la pandémie ne le fera à court terme.</p>
<h2>Immunité collective</h2>
<p>Les meilleures estimations du taux de létalité de le Covid-19 – la proportion des personnes infectées qui meurent – sont actuellement de <a href="http://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.03.09.20033357v1">0,5-1,0 %</a>. En comparaison, la grippe espagnole de 1918-1919 avait un taux de 3 % dans certaines régions du nord de la Suède. Il y a un siècle, la Suède se remettait de la Première Guerre mondiale, même si le pays est resté neutre.</p>
<p>Les systèmes de transport et de communication internes étaient moins développés que dans de nombreux autres pays à l’époque, ce qui a contribué à ralentir la propagation de l’épidémie. À court terme, cela a été perçu comme une bonne chose. Mais parce que l’immunité collective – par laquelle suffisamment de personnes ont été infectées pour devenir immunisées contre le virus – n’avait pas été atteinte au départ, il y a eu <a href="https://www.jstor.org/stable/44446153?seq=1#metadata_info_tab_contents">au moins deux autres épidémies</a> du virus de la grippe espagnole en un an. La deuxième vague d’infections a eu un taux de mortalité plus élevé que la première.</p>
<p>En tirant la leçon de cette expérience, de nombreuses personnes en Suède sont maintenant optimistes quant à la possibilité d’obtenir une immunité collective. Par rapport à la grippe espagnole, le Covid-19 est moins grave, de nombreuses personnes infectées étant considérées comme asymptomatiques. Bien que cela contribue à une propagation plus rapide, <a href="https://www.technologyreview.com/s/615375/what-is-herd-immunity-and-can-it-stop-the-coronavirus/">cela signifie également que le seuil d’immunité collective est d’environ 60 %</a>. Cela peut être réalisé rapidement dans les pays qui n’ont pas de stratégies d’atténuation ou de suppression intensives.</p>
<p>Cela peut également réduire le risque de nouvelles vagues de l’épidémie. Ainsi, lorsque nous examinerons les leçons tirées de la pandémie de Covid-19 à l’avenir, il est probable que l’on examinera attentivement le succès ou l’échec de l’approche initiale relativement détendue de la Suède. Elle tient compte non seulement des pertes en vies humaines dues à la pandémie, mais aussi des conséquences sociales et économiques négatives à plus long terme et des décès qu’elles pourraient provoquer.</p>
<p>Ainsi, compte tenu de la propagation inégale et relativement modeste du virus en Suède à l’heure actuelle, sa stratégie initiale pourrait ne pas se révéler imprudente. Mais la Suède devra sans doute imposer des restrictions plus strictes en fonction de la manière dont le virus se propage, en particulier dans les zones métropolitaines ou lorsque le système de santé sera soumis à de trop fortes pressions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135018/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul W Franks reçoit des fonds de recherche de Boehringer Ingelheim, Eli Lilly, Janssen, Novo Nordisk A/S, Sanofi Aventis et Servier et a reçu des honoraires de consultation de Eli Lilly, Novo Nordisk et Zoe Global Ltd et a des options d'achat d'actions dans Zoe Global Ltd.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peter M Nilsson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Suède a adopté une stratégie relativement détendue face au Covid-19, partant du principe qu'une réaction excessive est plus dommageable qu'une réaction insuffisante.Paul W Franks, Professor of Genetic Epidemiology, Lund UniversityPeter M Nilsson, Professor of Internal Medicine - Epidemiology, Lund UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290232019-12-20T16:26:16Z2019-12-20T16:26:16ZPodcast : Mon beau sapin, roi des forêts (et du commerce international !)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/307445/original/file-20191217-58292-h68dqr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=229%2C30%2C4604%2C3371&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et vous, êtes-vous plutôt sapin naturel ou artificiel&nbsp;?</span> <span class="attribution"><span class="source">VK Studio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus, ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer en effet à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? </p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>(Re)lisez l’article de François Lévêque sur la croissance mondiale du sapin de Noël publié en décembre 2019</strong></p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204269351303622656"}"></div></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308103/original/file-20191220-11904-rpbaqx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Sapin de Noël, saumon fumé et volailles : trois produits phares des fêtes de fin d’année sur lesquels les consommateurs devraient une nouvelle fois se ruer pour le réveillon 2019. Mais aussi trois produits particulièrement révélateurs des dynamiques de l’industrie et du commerce mondial de ces dernières décennies, comme vous l’explique François Lévêque, professeur d’économie à Mines ParisTech-PSL, dans cette série exceptionnelle de podcasts signés The Conversation France… Interviews menées par Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise.</em></p>
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<p><em>Un grand merci à toute l’équipe du <a href="https://www.scandleparis.com">Scandle</a>, 68 rue Blanche dans le IX<sup>e</sup> arrondissement de Paris, pour l’accueil dans son studio, et à Julian Octz pour le visuel du podcast.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment l’arbre de Noël a-t-il conquis le monde ? Décryptage historique avant de trancher la grande question : faut-il acheter aujourd’hui acheter un sapin naturel ou artificiel ?François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279282019-12-09T19:42:35Z2019-12-09T19:42:35ZL’inimaginable croissance du sapin de Noël<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303974/original/file-20191127-112526-klwxsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C13%2C961%2C652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vous n'êtes pas sûr de payer votre sapin au juste prix ? L'équation d'Hotelling modifiée par Faustmann peut vous aider !</span> <span class="attribution"><span class="source">Aleksandra Suzi / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Qui aurait pu hier se douter de l’avenir commercial quasi-planétaire du sapin de Noël ? Ni Martin Luther qui l’éclaira de chandelles pour célébrer la naissance de Jésus ni même, beaucoup plus tard, le Prince Albert qui décora l’arbre de Noël du Château de Windsor. Comment imaginer à ces époques reculées qu’il serait un jour cultivé au Danemark pour l’exportation, transporté par hélicoptère en Oregon et fabriqué en plastique par la Chine ? Faisons un tour joyeux de cette manifestation symptomatique de la croissance de l’économie de marché et du commerce international. Vous pourrez alors mieux choisir entre sapin naturel et artificiel, entre consommation locale et globale.</p>
<h2>« O Tannenbaum »</h2>
<p>La légende veut que Martin Luther, se promenant en forêt la veille de Noël, ait entre-aperçu les étoiles briller à travers les branches d’un sapin. Il coupa un jeune arbre, le ramena à la maison, y posa des bougies et conta à son fils qu’il lui rappelait Jésus quittant les astres pour <a href="https://www.whychristmas.com/customs/trees.shtml">rejoindre la terre des hommes</a>. Depuis, dit-on, le sapin du Moyen Age autour duquel les villageois dansaient quitta les places publiques pour gagner l’intimité des foyers allemands, puis des autres pays protestants. Il arriva en Grande-Bretagne au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle. Il y devint populaire grâce au Prince Albert, l’époux saxon de la reine Victoria, la presse <em>people</em> de l’époque suivant déjà les faits et gestes de la famille royale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303954/original/file-20191127-112517-fz3g2b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La reine Victoria, le Prince Albert et leurs enfants admirent le sapin de Noël royal, décembre 1848.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.webstermuseum.org/christmas.php">Wikimedia</a></span>
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<p>Mais cette origine anticatholique du sapin de Noël <em>at home</em> se mélange à bien d’autres. C’est comme le père Noël, une invention qui réunit caractères archaïsants et croyances de toutes sortes et dont les autorités ecclésiastiques se sont aujourd’hui accommodées. Sachez tout de même qu’en 1951 encore, un (faux) père Noël a été pendu sur le parvis de la cathédrale de Dijon, fait divers dont s’est emparé Claude Lévi-Strauss dans un <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-pere-noel-supplicie-claude-levi-strauss/9782021335279">petit texte</a> d’une intelligence pétillante et profonde.</p>
<p>Que vous le considériez comme un <a href="https://www.contrepoints.org/2017/12/28/192471-capitalisme-et-sapin-de-noel">totem non confessionnel de la fête du solstice</a> d’hiver ou comme un symbole de la Nativité, il y a des chances que vous achetiez encore un sapin cette année. Il brille la nuit de Noël en France dans près d’un <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">foyer sur quatre</a>.</p>
<h2>Nordmann danois pour le suédois Ikea</h2>
<p>Votre sapin proviendra-t-il du royaume du Danemark ? Pourquoi de ce pays ? Parce qu’il y est cultivé à grande échelle et que le Danemark est le <a href="https://www.caminteresse.fr/questions/dou-viennent-les-sapins-de-noel/">premier exportateur européen</a>. Parenthèse avant d’aller plus loin : l’arbre de Noël n’est plus aujourd’hui prélevé en forêt, il est devenu agricole. Si jamais une telle inquiétude vous avait traversé l’esprit, ne craignez pas d’appauvrir la forêt en achetant un sapin naturel.</p>
<p>C’est bien d’ailleurs parce qu’il n’est pas forestier que le sapin de Noël ne vient pas de Norvège ou de Suède, pays aux vastes ressources ligneuses et aux grandes industries du bois. En plus, à cause des conditions climatiques, il y pousserait moins vite et <a href="https://www.thelocal.dk/20161223/how-danish-christmas-trees-became-big-business">gèlerait souvent sur pied</a>.</p>
<p>Deux chiffres : le Danemark produit une dizaine de millions de sapins de Noël chaque année pour une consommation intérieure <a href="http://www.terradaily.com/reports/Danish_Christmas_Tree_Shortage_Threatens_Prices_Across_Europe_999.html">dix fois moindre</a>. Leur culture s’est révélée attractive dans les années 1990 avec l’entrée du Royaume dans l’Union européenne et son système de subventions agricoles.</p>
<p>Les cultivateurs danois ont aussi pris très tôt le virage du sapin de Nordmann (<em>Abies nordmanniana</em>). Vous savez, celui qui une fois coupé garde longtemps ses aiguilles mais n’embaume pas la pièce d’une délicate odeur de miel et de résine contrairement à l’épicéa (<em>Picea abies</em>). Plus cher, il a cependant conquis le cœur des Français. En l’occurrence plutôt des Françaises car si les femmes consacrent 45 minutes quotidiennes au ménage, les <a href="http://delitsdopinion.com/wp-content/uploads/2016/05/r%C3%A9partition-2.jpg">hommes sont à 15</a>. Pratiquement absent des foyers modernes des années 1960, le Nordmann a progressivement imposé ses cônes dressés et son feuillage à revers argenté.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303959/original/file-20191127-112539-1gulhyo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=421&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait de l’étude Kantar pour Val’hor et France AgriMer « les achats de sapins de Noël en 2018 ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2019.04.04-achats-sapins-de-noel.pdf">TNS Sofres</a></span>
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<p>Si vous achetez votre sapin chez Ikea, il sera danois. Le distributeur suédois est le <a href="http://www.eisenia.coop/actualites/sapin-de-noel/">plus grand acheteur et vendeur</a> mondial d’arbres de Noël.</p>
<p>Il en a fait un produit d’appel. Vous le paierez 24,99 euros en caisse avec vos autres achats, y compris les babioles plus ou moins volumineuses et dispendieuses que vous n’envisagiez absolument pas d’acquérir mais qui se retrouvent tout de même au fond de votre chariot. Un bon de 20 euros vous sera remis, à dépenser lors de votre prochaine visite d’ici février prochain. N’espérez cependant pas faire une bonne affaire avec votre sapin au prix imbattable de 4,99 euros. En retournant en magasin pour toucher votre bon vous repartirez encore une fois avec vos babioles superfétatoires plus ou moins volumineuses et dispendieuses. En plus si vous allez chez Ikea en <a href="https://www.lebonbon.fr/paris/news/pourquoi-ikea-est-un-piege-a-couple/">couple</a> cela ne vous rapprochera pas. Il n’existe pas d’études économétriques sur le nombre de disputes et de ruptures causées par Ikea mais même sans chiffres je me permets de vous suggérer de vous y rendre sans votre conjoint·e.</p>
<h2>Hauteur et prix du sapin</h2>
<p>L’avantage tout de même d’Ikea est de proposer une seule taille de sapin, un mètre quarante. Pas d’hésitation entre l’achat d’un arbre de Noël plus petit mais moins cher ou plus cher mais plus grand. D’autant que la relation théorique entre prix et taille du sapin de Noël passe par des calculs hyper compliqués. Si je vous dis qu’elle obéit à la règle d’Hotelling modifiée Faustmann cela ne vous dira rien. Je vous livre alors quelques explications.</p>
<p>Harold Hotelling, grand économiste-statisticien américain, a établi que le prix d’une ressource naturelle devrait augmenter au rythme du taux d’intérêt. L’intuition est que son propriétaire arbitre entre exploiter maintenant ou exploiter demain. Si le prix de demain est inférieur à ce que lui rapporterait le produit de sa vente placée à la banque, il préférera évidemment vendre aujourd’hui. La différence de prix entre un Nordmann de 10 ans avec ses 20 cm de plus et un Nordmann de 9 ans dépend donc du taux d’intérêt.</p>
<p>Martin Faustmann, un forestier allemand, entre en jeu car les arbres, une fois coupés peuvent être replantés, ce qui n’est évidemment pas le cas du charbon ou du pétrole qu’Hotelling avait plutôt en tête. Si le cultivateur de sapin de Noël vend ses Nordmann à 10 ans et non à 9 ans, il perd l’année de croissance des nouveaux plants qu’il aurait semés sur la parcelle récoltée. Si vous voulez en savoir plus et aimez les équations, reportez-vous à <a href="https://www.jstor.org/stable/1245083?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’article</a> « A Hotelling-Faustmann Explanation of the Structure of Christmas Tree » de l’<em>American Journal of Agricultural Economics</em>. Les économistes académiques américains sont formidables car ils ont publié sur tous les sujets.</p>
<h2>L’Oregon et les camions mexicains</h2>
<p>Restons aux États-Unis. Cela ne vous étonnera pas que le plus grand producteur et consommateur de sapins de Noël de la planète les cultive de façon industrielle. <a href="https://www.noblemountain.com">Noble Mountain Tree Farm</a>, par exemple, élève le sapin noble (<em>Abies procera</em>), le Douglas vert (<em>Pseudotsuga menziesii</em>) et autres pin sylvestre (<em>Pinus sylvestris</em>) sur près de 2 000 hectares. Une fois coupés, ils sont enlevés par hélicoptère et embarqués en camion ou en container réfrigérés pour les livrer partout dans le reste des États-Unis, en Amérique centrale et même beaucoup plus loin, à Doha, Singapour et Saïgon.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=897&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303961/original/file-20191127-112489-1sojapb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1127&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Hélitreuillage des sapins dans des camions de transport dans l’Oregon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.noblemountain.com/logistics.htm">Noble Mountain Tree Farm</a></span>
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<p>En revanche, vous n’auriez pas imaginé un instant que le sapin de Noël cultivé dans l’Oregon puisse être l’otage d’un conflit commercial entre le Mexique et les États-Unis. Une <a href="http://www2.southeastern.edu/orgs/econjournal/index_files/JIGES%20JUNE%202011%20NAFTA%20and%20the%20U.S.-Mexican%20Trucking%20Dispute.pdf">longue dispute</a> sur l’accès des camions mexicains au réseau routier fédéral en est à l’origine.</p>
<p>L’accord de libre-échange nord-américain prévoyait cette ouverture pour 2000. Pour des raisons plus ou moins convaincantes (véhicules moins sûrs, chauffeurs insuffisamment expérimentés, passage de drogue et de clandestins, etc.), les États-Unis ont traîné des pieds et le Mexique a fini par se lasser. En 2009, son gouvernement a imposé des surtaxes à l’importation pour plusieurs milliards de dollars sur près de 100 produits dont le sapin de Noël. Que vient faire là notre petit résineux ? La faute à deux membres du Congrès élus de l’Oregon qui se sont sans cesse <a href="https://www.oregonlive.com/business/2011/10/post_61.html">opposés à l’accès des camions mexicains</a>. Il y a une certaine logique au ciblage des mesures de rétorsion commerciales.</p>
<h2>Les fabrications chinoises</h2>
<p>On retrouve encore notre petit sapin pris dans les filets du conflit commercial entre les États-Unis de Donald Trump et la Chine de Xi Jinping. Plus précisément les guirlandes et autres articles de Noël. Pas le sapin lui-même direz-vous car la Chine n’en cultive pas ; et ce pour une bonne raison : Noël n’y est pas fêté et le symbole du Nouvel An chinois est un animal, pas un arbre, et la couleur de circonstance le rouge, non le vert (à propos, la prochaine année sera placée sous le signe du Rat et débutera le 5 février.) La Chine n’en produit pas moins pour l’exportation des sapins factices en plastique et toutes les décorations qui vont avec. Elle en est même de très très loin la premier fabricant mondial.</p>
<p>Dès la première salve du conflit, les États-Unis ont imposé une taxe de 10 % sur les importations de décorations de Noël. Rien en revanche sur les sapins en chlorure de polyvinyle ou en polyuréthane. Ne me demandez pas la logique de ce traitement différencié. Je ne la connais pas. Ne me demandez pas non plus pourquoi la surtaxe sur les articles de Noël a été retirée l’été dernier. Donald Trump se serait-il ému à l’idée que les petits enfants d’Amérique trouveraient un sapin moins abondamment décoré ?</p>
<p>La fabrique chinoise des accessoires de Noël est bien sûr assez éloignée des histoires racontées aux petits enfants. Ni elfes aux oreilles pointus ni lutins espiègles aidant le père Noël, mais des ouvriers travaillant à la chaîne et des machines découpant le PVC en millions d’aiguilles factices. La fabrication ne se situe pas non plus quelque part au-delà du cercle polaire. Elle se tient à 300 km de Shanghai. À Yiwu, précisément. Près d’un millier d’entreprises d’articles de Noël s’y côtoient. Elles réalisent à elles seules <a href="https://www.icontainers.com/us/2018/12/18/is-your-christmas-made-in-china/">60 % de la production mondiale</a> de sapins en plastique, guirlandes lumineuses, étoiles dorées, et autres personnages et boules de Noël. Pour un aperçu des chaînes de fabrication et des usines de cet atelier du monde de la Nativité, regardez la vidéo de <em>National Geographic</em>, <a href="https://video.nationalgeographic.com/video/i-didnt-know-that/00000144-0a29-d3cb-a96c-7b2db4c20000">« I did not know that : how Christmas trees are made »</a>. Plutôt quand vos jeunes enfants seront couchés. Maintenant vous saurez.</p>
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<h2>Sapin naturel vs sapin factice</h2>
<p>Aux États-Unis, le <em>fake christmas tree</em> se rapproche du volume des ventes du sapin naturel et continue de progresser. Son prix avantageux – une utilisation pour deux Noël suffit à le rendre moins coûteux – ne semble pas la principale raison de cette croissance. Sa baisse n’entraîne d’ailleurs qu’un <a href="https://academic.oup.com/ajae/article-abstract/75/3/730/48090?redirectedFrom=fulltext">très faible effet de report</a> sur l’achat de sapin naturel. C’est plus la commodité (pas d’aiguilles à balayer, pas de trajet chaque début décembre pour se le procurer) qui est à l’origine de son succès outre-Atlantique.</p>
<p>Sa part reste en revanche stable en France, autour de <a href="https://www.tns-sofres.com/publications/les-achats-de-sapins-de-noel-en-2018">20 % des sapins de Noël</a> achetés chaque année. Ce qui est une bonne nouvelle pour les producteurs nationaux car par ailleurs les importations du Danemark ou d’ailleurs ne représentent qu’un cinquième des volumes. Les Français semblent rester attachés au sapin en bois d’origine locale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303966/original/file-20191127-112489-1g77dbv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Aux États-Unis, de plus en plus de fake Christmas trees ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yeexin Richelle/Shutterstock</span></span>
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<p>Leur comportement est-il pour autant mieux respectueux de la planète ? Quel sapin est le plus vert ? Le naturel ou le factice ? A priori le sapin de Noël naturel puisqu’il capte du dioxyde de carbone en poussant grâce à la photosynthèse, alors que son rival en dégage car la chaîne qui va du pétrole plus du sel au PVC est très gourmande en énergie. Mais cet avantage peut basculer selon deux principaux paramètres : le nombre d’années de réutilisation et les distances de transport, et donc les émissions polluantes, pour acheminer les sapins au point de vente puis chez soi. Plus vous garderez longtemps votre sapin en plastique moins pèsera le fait qu’il vienne de Chine ou que vous l’ayez acheté loin de chez vous.</p>
<p>Inversement, plus les distances de transport de votre sapin naturel sont grandes, moins le bilan carbone sera favorable. En plus, ce match vert dépend également d’autres facteurs à l’instar du traitement de fin de vie (poubelle ou recyclage) et des dommages à l’environnement autres que les émissions de carbone (effets des produits phytosanitaires et biodiversité). Les analyses de cycle de vie réalisées sur nos deux sapins aboutissent ainsi à des résultats qui peuvent être différents selon les paramètres pris en considération et les valeurs retenues. Un point de bascule <a href="https://8nht63gnxqz2c2hp22a6qjv6-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2018/11/ACTA_2018_LCA_Study.pdf">à 5 ans</a> ou <a href="https://ellipsos.ca/lca-christmas-tree-natural-vs-artificial/">à 20 ans</a> de réutilisation selon les sources, par exemple. Bref… difficile de s’y retrouver.</p>
<p>Mon conseil : optez pour le sapin naturel dès lors que vous ne le jetterez pas à la poubelle, mais le déposerez à un point de collecte ou dans une déchèterie près de chez vous. Si vous avez un doute achetez un <a href="https://franchementbien.fr/un-sapin-francais-label-rouge/">sapin Label rouge</a> il viendra de France ou un <a href="https://www.plantezcheznous.com/professionnel-jardin/france-sapin-bio-producteurs-sapins-noel-bio/">sapin bio</a>, plus vert encore.</p>
<p>Et puis, ne faites pas comme le petit sapin <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">envieux et grincheux</a> du conte d’Andersen qui ne sait pas profiter des instants présents. Passez donc de joyeuses fêtes de Noël avec ou sans arbre décoré de guirlandes chinoises.</p>
<blockquote>
<p>« Dans la forêt croissait un joli petit Sapin… (si impatient de grandir qu ») il ne prenait point plaisir aux jeux de lumière du soleil, ni au chant et aux mouvements des oiseaux, ni aux nuages flottants qui passaient au-dessus de lui, roses le matin, rouges et pourpres le soir… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=942&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303968/original/file-20191127-112512-1jqsqgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait du livre « Le sapin merveilleux et autres contes d’hiver et de printemps », d’après Hans Andersen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9683757m/f6.image">Gallica.bnf.fr/Larousse (1910)</a></span>
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<p><em>François Lévêque a récemment publié « Les habits neufs de la concurrence » aux Éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arbre qui brillera dans un foyer français sur quatre fin décembre n’est pourtant pas épargné par les turbulences de la mondialisation…François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173872019-05-22T18:45:37Z2019-05-22T18:45:37ZKierkegaard : un penseur pour le XXIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/275939/original/file-20190522-187176-cjdrx8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1272%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statue de Søren Kierkegaard dans les jardins de la bibliothèque royale, Copenhague.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Kierkegaard_20090502-DSCF1492.jpg">Arne List / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dérives du capitalisme, disparition de la biodiversité ou montée de populismes, dans un monde à réinventer, comment la pensée existentielle de Kierkegaard pourrait-elle nous aider à faire face aux défis du XXI<sup>e</sup> siècle ?</p>
<h2>Kierkegaard et le paradoxe de la modernité</h2>
<p>Søren Kierkegaard (1813-1855) était, à bien des égards, un penseur très éloigné des défis moraux contemporains. Alors que son père avait quitté le milieu paysan pour faire fortune dans le commerce des textiles à l’âge d’or du Danemark, Kierkegaard s’est détourné de ce bon exemple pour étudier la théologie et la philosophie, et a dilapidé la fortune dont il avait hérité, consacrant sa vie et ses ressources, selon ses propres mots « à la rédaction d’ouvrages superflus » aux titres énigmatiques comme <em>Ou bien… ou bien</em> et <em>La maladie à la mort.</em></p>
<p>Il n’avait qu’une idée très vague de la vie de ses concitoyens pauvres, et encore moins de ce que pourrait être la misère des individus résidant dans des endroits ravagés par des désastres naturels ou des conflits armés. Il n’aurait jamais pu envisager les enjeux moraux impliqués par le réchauffement climatique, la migration et l’accueil des réfugiés, ou la modification génétique du vivant. Il était certes l’une des premières grandes critiques de la presse avec son <em>Compte rendu littéraire</em>, mais il était loin d’imaginer les développements techniques du XXI<sup>e</sup> siècle, avec les réseaux sociaux, les algorithmes et la collecte de données personnelles. Aussi est-ce légitime de se demander si Kierkegaard a encore quelque chose à nous enseigner.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275940/original/file-20190522-187157-m3sno6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait de Soren Kierkegaard.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:S%C3%B8ren_Kierkegaard_(1813-1855)_-_9642115677.jpg">Royal Library, Denmark/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Il est vrai que la philosophie peut souvent sembler très éloignée de notre vie quotidienne. Dans un monde où, de plus en plus, la course à la performance entraîne l’épuisement professionnel (d’après une <a href="https://newsroom.malakoffmederic-humanis.com/actualites/malakoff-mederic-presente-la-10eme-edition-de-son-barometre-sante-et-qualite-de-vie-au-travail-d197-63a59.html#notes-bas-page">enquête de 2018</a>, 56 % des salariés en France seraient en situation de fragilité, et où les nouvelles technologies de l’information et de la communication exigent de nous une disponibilité et une connectivité permanente, nous avons peu de temps pour philosopher. Pourtant, c’est précisément dans ce contexte que la philosophie de Kierkegaard peut nous apporter un nouveau regard sur nous-mêmes, et le sens de notre existence et de nos engagements.</p>
<p>On pourrait croire que la nôtre est une société où tout le monde s’occupe de savoir qui l’on est et quel sens l’on donne à ses actions. Nous vivons à l’ère des « selfies », d’Instagram et de Facebook, qui nous permettent de vivre dans un effort permanent de représentation et de réinvention. On pourrait également croire que la communication entre les individus a été largement facilitée par le développement des nouvelles technologies. Et pourtant, on constate qu’il y a bien un paradoxe majeur : alors que nos possibilités d’expression et de représentation n’ont jamais été aussi étendues, de <a href="https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/04/16/une-perte-de-sens-totale-le-blues-des-jeunes-ingenieurs-face-au-climat_5450927_4401467.html">plus en plus de voix s’élèvent</a> pour décrier la perte de sens de notre monde moderne, et le sentiment d’une perte d’identité et de reconnaissance.</p>
<p>D’où provient ce paradoxe ? Kierkegaard déjà, voici près de deux siècles, disait que le problème est qu’on « se laisse escroquer son moi par “les autres” ». L’œuvre de Kierkegaard vise à nous réveiller de la torpeur dans laquelle nous nous trouvons parfois, plongés dans nos engagements quotidiens, dans les rôles que nous jouons au sein de la société, voire aujourd’hui dans les cercles de nos connaissances virtuelles. Mais si ces engagements peuvent nous permettre de nous identifier, Kierkegaard nous dit que bien trop souvent, ils nous aliènent de nous-mêmes.</p>
<h2>Réapprendre à se voir pour exister avec plus de compétence</h2>
<p>La société occidentale est souvent critiquée pour son individualisme. Dans ce contexte, l’appel de Kierkegaard (qui reprend celui de Socrates) peut paraître démodé : Kierkegaard nous dit qu’il faut (ré)apprendre à se connaître et à se regarder soi-même. Dans un monde où la représentation de soi est omniprésente, Kierkegaard nous demande de réfléchir sérieusement sur le regard que nous portons sur nous-mêmes. Acceptons-nous de nous voir tels que nous sommes vraiment, et non pas selon les filtres que nous renvoient nos représentations extérieures ? Cela implique aussi de se poser des questions difficiles sur l’adéquation entre nos convictions, nos paroles et nos actions.</p>
<p>Si le monde moderne lamente l’absence de sens et d’authenticité dans nos manières d’être et dans nos engagements, Kierkegaard nous invite à l’introspection comme premier pas vers un nouvel engagement éthique dans le monde. Il voulait aider ses lecteurs à « exister avec plus de compétence ». Or, si nous accordons beaucoup de prix à des compétences techniques, pratiques ou professionnelles, ce que nous oublions souvent, c’est qu’« exister est un art ».</p>
<p>Dans nos vies professionnelles surtout, alors que nous sommes continuellement sollicités pour développer nos compétences techniques, pour acquérir de nouveaux savoirs, pour créer de la valeur, rares sont les moments où nous pouvons prendre le recul nécessaire pour réfléchir sérieusement à nous-mêmes et à ce qu’exister avec compétence veut dire. Kierkegaard disait déjà, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, que « le malheur de notre temps est qu’il a appris trop de choses et a oublié ce qu’exister veut dire et ce que signifie l’intériorité ». Aujourd’hui, nous avons conscience du besoin de nous reconnecter avec nous-mêmes. La croissance du marché du bien-être atteste d’un besoin grandissant de retrouver cette signification perdue : d’après le <a href="https://globalwellnessinstitute.org/industry-research/2018-global-wellness-economy-monitor/">Global Wellness Institute</a>, en 2017 le bien-être représentait un marché global de 4 200 milliards de dollars. Mais ce phénomène traduit également la marchandisation du bonheur.</p>
<h2>Se voir comme concerné</h2>
<p>Comment la pensée kierkegaardienne peut-elle nous aider à affronter les enjeux moraux de nos sociétés contemporaines ? Si l’on doit tout d’abord réapprendre à se voir, c’est pour ensuite apprendre à se voir comme concerné par le monde qui nous entoure. Or, si les gens débattent souvent passionnément sur des sujets comme le changement climatique ou la décroissance, s’ils proclament leur indignation lorsqu’on parle de guerres ou de famine, ces sujets restent bien souvent de simples abstractions intellectuelles. C’est l’appropriation subjective qui nous fait défaut pour agir et modifier nos comportements. Il est bien trop facile de rationaliser les problèmes, de dire que nous-mêmes, nous ne pouvons rien faire pour les résoudre, et de dissocier nos actes de nos paroles et de nos convictions.</p>
<p>Changer de perspective, se voir comme concerné, pourrait-il réellement avoir une incidence sur le monde ? Une récente publication de Markus Moos a suggéré que la pensée existentialiste pourrait être une approche fructueuse pour faire face au changement climatique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/existentialism-a-guiding-philosophy-for-tackling-climate-change-in-cities-108649">Existentialism: A guiding philosophy for tackling climate change in cities?</a>
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<p>S’il ne cite pas Kierkegaard, une approche kierkegaardienne pourrait nous aider à répondre à la question : comment inciter les gens à faire des choix éco-responsables ? Ne serait-ce pas en responsabilisant les individus, plutôt qu’en imposant des règles ou normes ? Certes, cela ne pourra se faire sans le développement des infrastructures nécessaires, et donc une volonté politique plus large. Mais une telle volonté commence par l’engagement de chacun qui accepte de faire face à lui-même et à se voir comme concerné par le monde qui l’entoure.</p>
<p>Si l’éthique existentielle nous impose un (parfois très inconfortable) examen de nous-mêmes et l’énorme responsabilité de se voir comme individuellement concerné, c’est parce qu’elle s’appuie sur notre liberté. Il dépend de nous de créer le monde social, moral et économique dans lequel nous vivons, et dans lequel nous vivrons demain. Nous ne pourrons certainement pas résoudre tous les problèmes du monde en un tour de main, mais il ne dépend que de nous de choisir de nous engager. C’est ainsi, nous dit Kierkegaard, que nous pourrons apprendre « à user du monde sans en abuser. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117387/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mélissa Fox-Muraton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La philosophie peut souvent sembler très éloignée de notre vie quotidienne, pourtant la voix de Kierkegaard, penseur du XIXᵉ siècle résonne encore aujourd’hui.Mélissa Fox-Muraton, Professeur de Philosophie, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1044922018-10-08T16:29:54Z2018-10-08T16:29:54ZComment la torture déchire les sociétés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/239471/original/file-20181005-72110-8y6cr6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4913%2C3245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utö, Finlande, graffiti. La torture est un processus qui ne se limite pas à l'acte ni au moment où celui-ci survient mais qui se poursuit sur des générations.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/VBe9zj-JHBs"> aaron blanco tejedor/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Munir est un Kurde d’une quarantaine d’années. Nous nous sommes vus plusieurs fois chez lui, avec sa famille, et à la clinique où il suit une thérapie. Il a mis longtemps avant d’accepter de se confier.</p>
<p>Même si sa femme savait qu’il voyait un médecin pour enrayer les effets à long terme de la torture qu’il avait subie en tant que militant kurde sous le régime de Saddam Hussein en Irak, elle ignorait les détails de ce qui s’était passé lors de ses différentes incarcérations. Encore moins savait-elle qu’il avait été violé dans les locaux d’une unité du Mukhabarat, le tristement célèbre service de renseignement du régime.</p>
<p>Munir évoque son séjour en prison en ces termes : « J’ai tout perdu là-bas, y compris ma virilité ». Les séquelles de sa détention ont provoqué maintes disputes entre lui et sa femme, qui s’étonnait de son manque d’intérêt pour les rapports sexuels. Le temps qu’il a passé en prison et la façon dont cette période affecte sa relation conjugale font de son emprisonnement un marqueur temporel synonyme d’émasculation, à la fois à cause du viol et de l’image négative qu’il renvoie à sa femme.</p>
<p>Munir est l’une des nombreuses personnes que j’ai rencontrées dans le cadre de mon travail de <a href="https://sov.hypotheses.org/722">recherche ethnographique</a> auprès des patients et des professionnels de santé d’une ONG danoise en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01459740.2018.1462807">2003-2004 et 2016-2018</a>.</p>
<h2>Accepter le traumatisme des victimes</h2>
<p>Depuis plus de 30 ans, cette ONG offre un suivi médical interdisciplinaire aux victimes de la torture. Mon champ de recherches se situe donc au cœur de ce que Didier Fassin et Richard Rechtman appellent <a href="https://press.princeton.edu/titles/8917.html"><em>L’ Empire du Traumatisme</em></a>, c’est-à-dire l’ensemble des études psychiatriques, manuels et théories qui ont fait du traumatisme de la victime un concept culturellement et moralement acceptable.</p>
<p>De nombreux Danois se plaignent du fait que, sur les quelque 160 000 réfugiés ayant obtenu le droit de résider dans le pays, beaucoup ne font pas l’effort de s’intégrer : ils n’apprennent pas le Danois, ne travaillent pas et n’ont pas, dans l’ensemble, un <a href="https://www.b.dk/nationalt/danskerne-rykker-til-hoejre-to-ud-af-tre-vil-begraense-muslimsk-indvandring">comportement « typiquement » danois</a>. Pourtant, le sentiment d’appartenance à un pays ne se manifeste pas toujours par des <a href="http://www.manchesteruniversitypress.co.uk/9780719089589">gestes culturels familiers</a>, comme le fait de serrer la main aux personnes des deux sexes, de boire de l’alcool ou d’envoyer les jeunes enfants à la crèche au lieu de s’en occuper à la maison.</p>
<p>Ce que les détracteurs de l’immigration ont tendance à oublier, c’est que le travail de réadaptation à la vie quotidienne est l’une des principales difficultés auxquelles sont confrontées les victimes de la torture ou de toute autre forme de traumatisme – <a href="https://www.integrationsviden.dk/familie-sundhed/traumer-1/traumeundersogelse-undersogelse-af-indsatsen-for-flygtninge-med-traumer-i-danmark/#.Vff0qhHtlBc">un tiers des réfugiés installés au Danemark ont été torturés ou témoins d’actes de torture</a> –, mais aussi leurs thérapeutes.</p>
<p>Il est essentiel de comprendre pourquoi ce processus est si difficile, non seulement pour les victimes, mais aussi pour leur famille.</p>
<h2>La torture constitue une inversion fondamentale des rapports sociaux</h2>
<p>En effet, les réfugiés souffrant de traumatismes ont souvent du mal à tisser de nouveaux liens sociaux dans leur pays d’accueil parce que leurs repères ont été profondément bouleversés, au point qu’ils risquent de ne jamais se reconstruire.</p>
<p>Comme l’écrit le philosophe autrichien <a href="https://www.ushmm.org/research/publications/academic-publications/full-list-of-academic-publications/at-the-minds-limits-contemplations-by-a-survivor-on-auschwitz-and-its">Jean Améry</a>, la torture constitue une inversion fondamentale des rapports sociaux.</p>
<p>En se fondant sur sa propre expérience dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, il explique que la torture ne se limite <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17456902">jamais au lieu et au moment précis</a>) où un individu est victime d’un bourreau. L’expérience provoque une <a href="https://forskning.ruc.dk/da/publications/ofre-i-lidelsens-moralske-%C3%B8konomi-humiliation-retaliation-and-sac">remise en question si profonde</a> de ce qui fait de nous des êtres humains qu’elle peut fondamentalement fausser <a href="https://www.cambridge.org/core/books/emotions-and-mass-atrocity/4F0A9C1E28E837B008C021FA0479B277">notre existence sociale</a>, y compris, et surtout, les relations avec l’entourage proche et moins proche.</p>
<p>Pour mieux comprendre les répercussions de la torture subie par Munir, nous pouvons nous appuyer sur la façon dont l’anthropologue Shahla Talebi dépeint la violence et le sentiment de perte à travers le cas d’une Iranienne, emprisonnée pendant le règne du Shah puis sous la République islamique, qui s’est suicidée après sa sortie de prison. Shahla Talebi a elle-même connu la torture et <a href="https://www.jstor.org/stable/10.2979/jmiddeastwomstud.2011.7.1.39?origin=JSTOR-pdf&seq=1#page_scan_tab_contents">des conditions de détention atroces à Téhéran pendant dix ans</a>. Dans son livre <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=20116"><em>Ghosts of Revolution</em></a>, elle explique que la vie après la torture peut paraître insupportable, et que c’est ce qui a poussé sa codétenue à se suicider :</p>
<blockquote>
<p>« La gravité des séquelles qui résultent de nombreuses formes de violence, y compris les attentes et les jugements de la société relatifs à son sexe, l’empêchent de redéfinir sa subjectivité dans sa vie actuelle et au-delà de ces séquelles. »</p>
</blockquote>
<h2>Répercussions sur les proches et les générations futures</h2>
<p>Munir ne s’est pas suicidé, mais il mène un combat difficile pour redéfinir sa subjectivité en tant qu’homme, et passer de son statut de militant kurde à celui de père aimant et d’époux responsable. En dépit de son secret, il conserve – selon ses propres mots – une relation d’amitié et de tendresse très forte avec sa femme mais veille à ne jamais parler devant elle et leurs enfants des violences qu’il a subies. La façon dont il s’occupe de sa famille est clairement influencée par ce souvenir occulté, et le sentiment d’avoir perdu sa virilité. Le traumatisme de son viol ne ressurgit donc pas seulement lors de ses moments d’intimité avec sa femme mais aussi dans ses efforts continuels pour prendre soin des siens.</p>
<p>L’anthropologue Veena Das nous offre un moyen de comprendre le ressenti de Munir – ce mélange de découragement et d’instinct protection – en nous invitant à <a href="http://anthropology.jhu.edu/2015/01/01/affliction-health-disease-poverty">prendre en compte les forces conjointes des liens de parenté, de la politique et de la souffrance</a> qui envisagent la torture comme un acte singulier alors qu’elle est constamment ancrée dans l’ordinaire. Elle affecte les liens sociaux, au sein de la famille et ailleurs.</p>
<h2>La thérapie est-elle efficace ?</h2>
<p>Tout en soulignant combien le processus de guérison et de redéfinition de soi peut être complexe, des études récentes concluent que même si la thérapie n’est pas efficace pour le survivant lui-même, elle l’est lorsqu’on mesure ses effets à l’échelle de la famille : les <a href="https://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-018-3145-3">enfants des survivants qui reçoivent une aide médicale accèdent en général à une meilleure situation économique et sociale</a>.</p>
<p>Parallèlement, d’autres études indiquent que le traumatisme causé par la torture augmente le <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.2007.120634">risque de violence au sein de la famille</a>, ce qui rejoint l’analyse de Jean Améry selon laquelle elle bouleverse profondément les rapports sociaux.</p>
<p>Le personnel soignant auprès duquel j’effectue mon travail de recherche est confronté à ces défis depuis des années. Il existe donc une sorte de paradoxe dans le fait d’essayer de réduire les effets secondaires de la torture, tout en sachant qu’ils sont très difficiles à traiter. Comme indiqué précédemment, le bénéfice d’une prise en charge psychologique n’est parfois même pas perceptible avant la deuxième génération. Comment ce paradoxe s’exprime-t-il dans le cadre de la thérapie et au-delà ?</p>
<h2>Le mur</h2>
<p>Une psychothérapeute confirmée m’a raconté qu’elle venait de mettre en place un programme avec une patiente qui lui avait expliqué ce que ces rendez-vous à la clinique lui donnaient la possibilité de se laisser aller, de craquer, tout en ayant la sensation qu’il y avait un mur dans son dos, de sorte que même si elle s’effondrait, il y avait toujours quelque chose ou quelqu’un derrière elle pour l’aider à se relever et à reconstruire sa relation avec ses enfants.</p>
<p>Lors des séances de thérapie, elle n’avait pas à sauver les apparences, ni à expliquer pour quelles raisons elle se sentait mal parce que les médecins le savaient déjà.</p>
<p>Cette femme et sa thérapeute reconnaissent toutes deux l’aspect symbolique de ce mur. Il signifie que le patient et son médecin s’accordent sur ce qu’implique la souffrance de la victime et sur le fait que rien ne peut l’empêcher de s’effondrer, mais qu’ils admettent aussi que cet effondrement fait partie du processus de reconstruction des repères sociaux fracturés du survivant. À terme, cela permet la guérison de la personne elle-même ou, à défaut, de ses enfants.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en collaboration avec la Plateforme Internationale <a href="http://www.fmsh.fr/en/research/24279">Violence et Sortie de la Violence</a> (FMSH). Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lotte Buch Segal a reçu des financements de NOS-HS de 2014-2017. GRANT_NUMBER: 219988</span></em></p>Les « anti-migrants » oublient que la réadaptation à la vie quotidienne est l’un des principaux obsctacles auxquels sont confrontées les victimes de la torture ou de toute autre forme de traumatisme.Lotte Buch Segal, Professeure assistante en anthropologie, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH), University of CopenhagenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1041292018-10-02T15:44:49Z2018-10-02T15:44:49ZCes histoires qui marquent : des récits ancestraux aux scénarios d’Hollywood<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238546/original/file-20180930-48659-w3ehgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1820%2C3994%2C2682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><span class="source">Kevin Angelso/Unsplash</span></span></figcaption></figure><p><em>Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site <a href="https://www.cahiersdelimaginaire.com/votrelaboratoirecreatif-sylviegendreau/">Les cahiers de l’imaginaire</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les réseaux sociaux ont bouleversé notre façon de communiquer et de percevoir le monde qui nous entoure. Et ce, dans tous les domaines de l’activité humaine.</p>
<p>L’industrie touristique n’échappe pas à cette règle. Une destination touristique est devenue un lieu virtuel où l’on partage les expériences de ceux qui l’ont visité. Plusieurs nomades digitaux en ont fait un blogue ou une chaîne YouTube à succès.</p>
<p>Si le compte rendu en ligne du voyage – sous forme d’images, de vidéos, de brefs témoignages écrits – nous satisfait, alors il se pourrait que nous planifiions à notre tour un périple vers cette destination.</p>
<p>Pour ceux qui tentent de mettre en valeur les attraits touristiques de leur région, se contenter d’expliquer et d’illustrer ce qui constitue sa valeur intrinsèque, la richesse de son patrimoine culturel ou sa géographie ne suffit plus.</p>
<p>Une analyse critique a récemment été menée par un organisme danois du tourisme <a href="http://denmark.dk/en/practical-info/visit-denmark">VisitDenmark</a> afin de déterminer comment celui-ci devait désormais envisager son développement.</p>
<h2>Les cinq conclusions de l’étude</h2>
<ul>
<li><p>Les usagers de la plate-forme en ligne doivent avoir l’impression que leurs participations virtuelles ont un impact sur leurs propres expériences et une influence sur celles des autres. Un lien étroit et continu doit s’établir entre eux et les responsables des campagnes de marketing de VisitDenmark.</p></li>
<li><p>VisitDenmark et ses usagers doivent élaborer conjointement des récits qui façonneront l’image de marque de VisitDenmark afin de lui donner un caractère spécifique et original. Ces récits seront construits en étroite collaboration. Ils évolueront et, à l’aide de photos, de vidéos et de témoignages écrits, ils façonneront progressivement l’image de la marque.</p></li>
<li><p>Un dialogue constant avec les usagers de la plate-forme doit être maintenu, alimenté sur une base quotidienne. Les usagers doivent sentir qu’ils participent pleinement et qu’ils ont une influence réelle sur l’élaboration des contenus. Le rapport recommande de se concentrer d’abord, par souci d’économie, sur les influenceurs les plus performants.</p></li>
<li><p>Les usagers sont l’élément clé du dispositif de mise en marché. Ils seront d’autant plus motivés qu’ils tireront un gain, un sentiment de reconnaissance ou pourront compter sur l’appui de la plate-forme pour obtenir de l’information additionnelle. Les usagers d’<a href="https://www.instagram.com/nouvelleecolecreativite/">Instagram</a>, par exemple, participeront d’autant plus aisément à une campagne qu’ils seront en mesure d’être eux-mêmes mis en valeur et d’élargir ainsi leur réseau d’influence.</p></li>
<li><p>La création d’une marque est devenue une entreprise à la fois individuelle et collective. Le rôle de VisitDenmark devrait alors être celui d’un médiateur. Le médiateur qui tente de transmettre une expérience personnelle et émotionnelle. Les usagers doivent pouvoir s’identifier avec le profil social, le rôle incarné par VisitDenmark. À leur tour, les usagers doivent être perçus comme des conteurs qui personnifient le récit ou les récits incarnés par VisitDenmark.</p></li>
</ul>
<p>Dans les recommandations, un des éléments qui ressort avec le plus de force est le storytelling.</p>
<p>Les usagers sur les réseaux sociaux sont à leur manière, et à une échelle très variable selon l’intensité de leurs interventions, des conteurs. Ils partagent leur histoire avec d’autres. S’il s’agit d’une bonne histoire, elle sera rapidement partagée. Une bonne histoire, compte tenu de sa possibilité d’essaimage rapide, recèle un énorme pouvoir d’influence.</p>
<p>Certains affirment que nous ne sommes pas des <em>homo sapiens</em>, mais des <em>homo narrans</em> : celui qui raconte.</p>
<p>Historiquement, l’homme a toujours partagé des récits avec ses semblables. Ces récits ont contribué à définir les rôles de chacun au sein d"une communauté. Ils ont permis le partage des connaissances. Ils ont fixé les interdits, inculqué le sens des valeurs. Sans oublier un élément essentiel : ces récits ont su divertir.</p>
<p>Certains <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/conl.12398">chercheurs</a> insistent pour que l’on distingue deux termes. En anglais, il s’agit de <em><strong>Story</strong> et de <strong>Narrative</strong></em>.</p>
<ul>
<li><p><strong><em>Story</em></strong> : ce que l’auteur d’un récit raconte à son auditoire, le compte rendu d’un événement, d’une série d’événements.</p></li>
<li><p><strong>Narrative</strong> : ce qui est reçu, compris, interprété par celui qui lit, qui écoute ou qui voit. L’auditeur, le spectateur ou le lecteur réagit, interprète, et s’accapare un récit selon son bagage de connaissances, sa personnalité et son degré d’attention.</p></li>
</ul>
<p>Ainsi, le storytelling est constitué du dipôle suivant : le conteur et celui qui écoute. Les deux sont indissociables.</p>
<p>On peut aussi distinguer deux styles. Un storytelling orienté vers celui qui écoute. Il s’agirait alors d’un storytelling extroverti dirigé principalement vers l’auditeur : un dispositif cherchant principalement à construire des récits en sollicitant la participation active des participants.</p>
<p>Ou un <strong>storytelling introverti</strong> orienté vers la médiation d’un récit à partir d’un ou de plusieurs conteurs qui ont une histoire à transmettre.</p>
<p>Pour le <strong>storytelling extroverti</strong>, dans le cas de VisitDenmark par exemple, l’image de marque est construite à partir de ce que des visiteurs ont vécu en tant qu’étrangers à un territoire donné, le Danemark, dans ce cas-ci. Le storytelling permet le développement de liens émotionnels avec une marque. Il induit un processus d’identification avec le récit et ses protagonistes. Un récit convaincant permet de susciter l’achat du produit.</p>
<p>L’époque actuelle avec ses changements sociaux et culturels effrénés est propice à la revitalisation des modes traditionnels de storytelling.</p>
<h2>Une tradition ancestrale</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238550/original/file-20180930-48641-z2p7c4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ethan Hu/Unsplash.</span>
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</figure>
<p>Des chercheurs finnois, en collaboration avec des organismes nationaux, remettent au goût du jour le storytelling au sein même des sociétés qui l’ont depuis longtemps pratiqué.</p>
<p>Ils utilisent le storytelling comme instrument de médiation pour ériger des ponts entre un récit (basé sur une tradition ancestrale) et la revitalisation d’un patrimoine écologique (préservation de certaines espèces animales) ou culturel. Il s’agit dans ce cas d’un système introverti.</p>
<p>Le storytelling a joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’espèce humaine. En tant que système de transmission des savoirs, il a permis de développer des avantages concurrentiels déterminants par rapport à d’autres espèces. D’ailleurs, cette pratique est ancrée dans notre patrimoine génétique. Il suffit qu’on nous raconte une bonne histoire pour que nous recevions notre dose de dopamine, ce neurotransmetteur qui nous procure une sensation de plaisir.</p>
<p>Dans sa forme traditionnelle, le storytelling se présente dans sa forme orale. Il s’agit de raconter une histoire dans l’espace public. Le groupe auquel s’adresse le conteur est restreint. Sa prestation incite le public à interagir. Il s’agit de participants qui réagissent, interrogent et parfois donnent leur avis. Le récit évolue dans le temps, il s’adapte.</p>
<p>Sous cette forme ancestrale, le storytelling est un dispositif narratif holistique qui prend en considération un contexte large : l’environnement dans son ensemble, la nature, la survie de la communauté, etc.</p>
<p>Parmi les exemples cités par les chercheurs finnois : À Madagascar, <em>Akon’ ny ala</em> (l’écho des forêts). Une série radiophonique en dix épisodes qui a pour objectif d’illustrer, sous forme de récits, les points de convergences entre les traditions propres aux communautés de l’île et la préservation des lémuriens.</p>
<p>Ou encore au Kenya, sous la coordination de l’université d’Helsinki, la réhabilitation d’anciennes coutumes de storytelling au sein de la communauté Dassanetch pour favoriser la passation des savoirs traditionnels entre les générations. Les sessions de storytelling sont enregistrées et ensuite diffusées dans les écoles.</p>
<p>Les sociétés traditionnelles ont développé le storytelling en tant que dispositif de transfert de connaissances et de consolidation sociale et culturelle. Le caractère intégrateur des récits permet de synthétiser de manière particulièrement efficace les connaissances à transmettre. Leur contenu émotionnel facilite l’appropriation des contenus transmis. Il suscite l’émotion et incite l’auditeur ou le spectateur à se projeter dans la vie du ou des héros du récit.</p>
<p>Enfin, le caractère interactif, la mise en scène des récits, qui se déroule en groupe, permet aux participants d’interagir. Le storytelling favorise ainsi les échanges et les débats.</p>
<p>La pratique du storytelling crée des espaces de rencontre, renforce les liens au sein d’un groupe. Tout en demeurant un espace plus libre et plus permissif que, par exemple, un simple groupe de discussion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238548/original/file-20180930-48653-3e458j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Cette semaine j’ai assisté à la conférence de Matthew Luhn à la soirée de lancement du Coopérathon. Il possède plus de 20 ans d’expérience dans la création d’histoires et de personnages pour les Studios d’animation Pixar. Matthew a participé, entre autres, à la conception d’<em>Histoire de jouets</em> et <em>Le monde de Nemo</em>.</p>
<p>Avec plus de 20 ans d’expérience et des dizaines de films, séries télévisées et jeux vidéo à son actif pour Pixar (<em>Les Simpsons</em>, ILM, etc.), Matthew Luhn est devenu un expert pour aider des marques comme Adidas, Target, Coke, Procter & Gamble, Facebook, Warner Brothers, Sony et Google à développer des histoires qui auront du succès. Il conseille les personnes qui souhaitent améliorer leurs qualités de concepteurs d’histoires ou apprendre les techniques de persuasion d’un conteur remarquable.</p>
<p>Pour l’exercice de cette semaine, j’ai préparé un exercice basé sur les secrets et techniques qu’il a confié lors de sa conférence pour avoir de nouvelles idées et construire vos personnages. <a href="https://www.cahiersdelimaginaire.com/cahier-d-exercices/de-sylvie-gendreau-exercice-no-95">C’est ici</a>.</p>
<p>Vous pouvez aussi lire la série sur le Storytelling de cet été : <a href="https://theconversation.com/vous-voulez-innover-essayez-le-storytelling-99718">Vous voulez innover ? Essayez le storytelling !</a>, <a href="https://theconversation.com/quelle-est-votre-histoire-100004">Quelle est votre histoire ?</a> et j’en publierai un autre d’ici quelques semaines sur la mise en images.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104129/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les réseaux sociaux ont bouleversé notre façon de communiquer et de percevoir le monde qui nous entoure.Sylvie Gendreau, Chargé de cours en créativité et innovation, Polytechnique MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1034882018-09-19T19:31:41Z2018-09-19T19:31:41ZMise en œuvre de l’économie circulaire, les leçons d’une étude internationale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237060/original/file-20180919-158213-18tltqn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Traitement de déchets électroniques en vue de leur recyclage. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/turkey-may-152015-recycling-plant-izmit-496310098">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 1<sup>er</sup> août 2018, l’humanité est entrée en situation de dette écologique. Chaque année, le <a href="https://theconversation.com/la-terre-va-t-elle-sarreter-de-tourner-apres-le-1er-aout-100687">« jour du dépassement »</a>, marquant la date théorique à laquelle les ressources naturelles de la planète produites annuellement sont consommées, survient de plus en plus tôt. Parmi les solutions plébiscitées pour réduire notre empreinte écologique, l’<a href="http://cmr.berkeley.edu/browse/articles/60_3/">économie circulaire fait des émules</a>.</p>
<p>Dénonçant le fonctionnement linéaire de notre système économique, cette approche s’inspire des écosystèmes naturels pour proposer de <a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/concept">nouvelles manières</a>, plus vertueuses, de produire et de consommer.</p>
<p>À partir du principe selon lequel les déchets des uns peuvent devenir les ressources des autres, les entreprises sont invitées à réorganiser leurs flux en <a href="https://www.jstor.org/stable/24987406">boucles fermées</a>.</p>
<p>Engager les entreprises dans une coopération créatrice de valeur autour des déchets implique cependant des changements cognitifs (de nouvelles façons de penser), puis organisationnels (de nouvelles manières de structurer les procédés industriels et la gestion des déchets).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1039132838858293248"}"></div></p>
<h2>Une pensée plus écosystémique</h2>
<p>Regarder les entreprises voisines comme des partenaires potentiels avec lesquelles échanger des déchets <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652604000836">n’est pas courant</a>. L’économie circulaire implique pourtant une relocalisation des flux, avec la mise en place d’échanges matériels et énergétiques sur les territoires.</p>
<p>Ces coopérations reposent sur une approche écosystémique où la priorité est donnée à la recherche d’opportunités de symbioses. Ces dernières correspondent à des coopérations environnementales par lesquelles les entreprises partagent ou échangent des déchets pour réduire leur impact écologique entre les acteurs. L’économie circulaire se pense donc surtout à un niveau inter-organisationnel ; la confiance <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1086026615575333">joue ici un rôle prépondérant</a> dans sa mise en œuvre. </p>
<p>Le manque de communication entre les entreprises sur leurs résidus et la culture du secret industriel compliquent cependant l’identification de ces opportunités de coopération.</p>
<p>Dans ce contexte, des structures comme les associations ou les clubs d’entreprises <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652609004132;https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1530-9290.2011.00437.x">peuvent être utiles</a>, comme nous l’avons souligné dans une <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0008125617752693?journalCode=cmra">étude</a> parue en 2018 et portant sur la mise en œuvre de projets d’économie circulaire en France et à l’étranger (Canada, Danemark).</p>
<p>Nos travaux portent plus particulièrement sur l’association dunkerquoise <a href="http://www.ecopal.org/">Écopal</a>, le <a href="http://www.cttei.com/">Centre de transfert technologique en écologie industrielle</a> (CTTÉI) québécois ou encore le <a href="https://symbiosecenter.dk/en/">Symbiosis Center Danemark</a>. Ces structures agissent comme plateformes d’intermédiation et permettent aux acteurs du territoire de se rencontrer et de développer des <a href="https://www.jstor.org/stable/258259">stratégies collectives</a>.</p>
<p>Avec leur vue d’ensemble, ces structures sont intéressantes pour chercher et activer les opportunités de coopération en connectant les entreprises en fonction des flux disponibles. « Ce dont les entreprises ont le plus besoin, c’est la mise en relation », souligne ainsi Pauline Nackaerts, ancienne animatrice environnement d’Écopal. En centralisant l’information, en pilotant les actions collectives et en absorbant une partie des coûts liés à la recherche et à la négociation des partenariats, Écopal est ainsi devenu, depuis une quinzaine d’années, un levier stratégique dans l’écosystème dunkerquois.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’économie circulaire, qu’est-ce que c’est ?</span></figcaption>
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<h2>Les déchets comme ressources potentielles</h2>
<p>Les déchets sont des flux souvent mal maîtrisés, méconnus, et généralement sous-estimés. Augmenter la circularité des procédés industriels reste donc un réel défi pour beaucoup d’entreprises qui <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/MD-05-2012-0392">perçoivent difficilement leur potentiel</a> de création de valeur.</p>
<p>Réutiliser des déchets ou leur trouver des débouchés est loin d’être aujourd’hui une priorité stratégique. Un changement de posture s’impose donc chez les managers.</p>
<p>Démontrer et communiquer, exemples à l’appui, le potentiel de création de valeur de l’économie circulaire peut les aider à franchir le pas, en particulier au sein des PME qui disposent de ressources et de compétences limitées pour gérer leurs déchets. Coûts de gestion des déchets moindres, ressources moins coûteuses et disponibles localement, investissements et infrastructures partagés : l’économie circulaire représente une source d’économies potentielle.</p>
<p><a href="http://fr.euronews.com/2015/06/26/symbiose-industrielle-le-modele-danois">Dans la ville danoise de Kalundborg</a>, une trentaine de coopérations matérielles et énergétiques – parmi lesquelles des échanges de vapeur, eau de refroidissement, gypse, sable, lignine, bioéthanol, etc. – permettent de réaliser annuellement 80 millions d’euros d’économies.</p>
<p>Envisager son territoire comme un écosystème et penser les déchets comme des ressources contribuent ainsi à l’émergence d’un nouveau modèle.</p>
<p>L’économie circulaire implique également des mutations organisationnelles affectant les procédés industriels et la manière dont les déchets sont gérés. Mettre en pratique ses principes requiert donc du temps et des ressources.</p>
<p>Pour l’entreprise, il convient d’analyser ses procédés industriels, de répertorier ses flux entrants et sortants, de rechercher des opportunités de correspondance entre ses flux et ceux des autres entreprises situées à proximité, d’établir les partenariats et leurs modalités…</p>
<p>De nombreuses questions se posent : les échanges seront-ils rentables ? Comment échanger et transporter les flux ? À quelle fréquence ? Des modifications techniques, organisationnelles ou logistiques sont-elles requises dans les entreprises ? Un traitement préalable des flux est-il nécessaire ? La valorisation envisagée des flux est-elle conforme à la réglementation ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1015226666703081472"}"></div></p>
<h2>Pour une mise en œuvre progressive</h2>
<p>Comme les échanges de déchets peuvent être complexes à développer <em>ex nihilo</em>, une mise en œuvre graduelle ponctuée d’étapes intermédiaires assurant des « victoires rapides » peut être envisagée avec la recherche d’opportunités de mutualisation.</p>
<p>Les projets de gestion collective des déchets constituent un premier palier pour les entreprises. Ces solutions sont généralement perçues comme moins risquées puisqu’elles concernent uniquement la mise en commun des déchets pour <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-industrielle-2015-4-page-151.htm">exercer un contre-pouvoir</a> à l’égard des prestataires de traitement des déchets.</p>
<p>Moins engageante que les pratiques de substitution (où le déchet d’une entreprise intègre le processus de production d’une autre), la mutualisation permet, sans bouleverser les procédés industriels, de créer de la valeur économique et environnementale pour les participants grâce à des économies sur les coûts de stockage, de transport et de traitement de leurs déchets, tout en réduisant leur empreinte écologique.</p>
<p>Depuis dix ans, Écopal propose à ses adhérents des collectes mutualisées : près de 80 sont organisées chaque année ; elles concernent les déchets d’équipements électriques et électroniques, les déchets industriels dangereux, archives confidentielles, papiers et cartons, entretien des séparateurs à hydrocarbure et des dispositifs de prétraitement des eaux grasses.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"891208958517665793"}"></div></p>
<p>Une centaine d’entreprises y participe, réalisant en moyenne une économie de 4 800 € par an, une somme non négligeable pour les PME. À mesure que les entreprises s’engageront dans l’économie circulaire, elles apprendront à trouver des solutions alternatives pour leurs déchets.</p>
<p>Il n’est toutefois pas rare que les opportunités détectées échouent par manque de rentabilité, en raison de procédés industriels non adaptés ou du statut juridique des matières résiduelles. Aucune recette unique n’existe, le contexte, les contraintes et les spécificités des entreprises doivent impérativement être pris en compte sous peine d’échec assuré.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En France, au Canada et au Danemark, des initiatives de recyclage et de gestion des déchets montrent les vertus, et les limites, d’une approche systémique de l’économie locale.Anne-Ryslène Zaoual, Maître de Conférences, Université d'ArtoisXavier Lecocq, Professeur de management stratégique, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/840302017-10-22T19:40:16Z2017-10-22T19:40:16Z« Y’a le bon cholestérol puis y’a le mauvais cholestérol ». Vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189300/original/file-20171008-25749-51kufk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Viennoiserie danoise, bon ou mauvais cholestérol ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/froderik/9708366595/in/photolist-fMTV9X-fNbsE9-qW642o-FAfBw3-5fJYUN-6Za4V3-YCH6s7-r5RSdZ-cvNFbW-8kfZrz-ragSvd-qb3Wb3-fMTSHk-83BfHj-Vm6kou-jrGBd6-qv6Wxe-ragys2-dJFuww-cw54rA-9nivhg-YUQouK-rrMPvo-jrYEJU-dRByja-q3NHkM-XRvYrs-9nwJ3N-SycHZC-ejDta3-dQaMx9-jRkU3L-8ohpfB-eLC5M9-Txs5Gd-nevoKd-a6mtZG-eLCboW-UqZUDy-9J4mXD-9J7edS-XT4ZNW-9J7fdf-bCGgQa-cxU8zC-XvwBr7-apf5JJ-8E7Y6t-8YmGSs-exUsXr">Fredrik Rubensson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Selon une <a href="https://academic.oup.com/eurheartj/article/38/32/2478/3608700/Extreme-high-high-density-lipoprotein-cholesterol">étude danoise</a>, les personnes ayant une concentration extrêmement importante de soi-disant « bon cholestérol « ont un taux de mortalité 65 % plus important que celles ayant une concentration normale. Cela signifie-t-il que le bon cholestérol vient de passer du statut de héros à celui de grand méchant ? Est-il possible de considérer qu’un bon cholestérol existe ?</p>
<p>On entend toujours parler du cholestérol dans les médias. Les études scientifiques reportent fréquemment que cette molécule et les médicaments qui le contrôlent, comme les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Statine">statines</a>, sont impliqués dans beaucoup de maladies : au-delà des maladies cardiaques, ils pourraient induire la <a href="http://www.aston.ac.uk/news/releases/2017/august/study-suggests-statins-linked-to-lower-rates-of-breast-cancer/">maladie d’Alzheimer</a> mais aussi des <a href="http://www.aston.ac.uk/news/releases/2017/august/study-suggests-statins-linked-to-lower-rates-of-breast-cancer/">cancers</a>. Le cholestérol est cependant essentiel à la vie, et se trouve dans l’ensemble du corps. C’est une substance grasse produite dans le foie, que l’on retrouve également dans de nombreux aliments tels que les <a href="https://heartuk.org.uk/cholesterol-and-diet/low-cholesterol-diets-and-foods/dietary-cholesterol">glaces à la crème ou les graisses animales</a>.</p>
<p>Le cholestérol ne peut pas voyager seul dans le sang car il ne se dissout pas dans le plasma du sang (composé majoritairement d’eau). Pour se déplacer par le sang, il se lie avec des protéines pour former des lipoprotéines. <a href="https://www.bhf.org.uk/heart-health/risk-factors/high-cholesterol">Deux types principaux de lipoprotéines co-habitent</a> : les Lipoprotéines à faible densité : LDL (de l’anglais Low-Density Lipoproteins) et celles à haute densité : les HDL (de l’anglais : High-Density Lipoproteins). Les LDL sont ce que nous appelons communément le <em>mauvais cholestérol</em> car elles permettent de diffuser le cholestérol du foie vers les organes du corps. Les HDL sont donc considérés comme du <em>bon cholestérol</em> car elles font le chemin inverse, elles ramènent le cholestérol vers le foie pour le détruire.</p>
<p>Le transport du cholestérol dans le sang peut conduire à la formation d’un amas de matériaux graisseux sur les parois des artères, augmentant le risque d’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK343489/">accident vasculaire cérébral et d’arrêt cardiaque</a>. Ce risque est particulièrement haut chez des personnes ayant un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2747394/">rapport LDL/HDL élevé</a>. En considérant ce rapport, un <a href="http://www.webmd.com/cholesterol-management/guide/hdl-cholesterol-the-good-cholesterol#1">taux de HDL élevé réduirait ces risques</a>. De nouvelles preuves scientifiques suggèrent que ce ne serait pas si simple.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184692/original/file-20170905-13718-1405bi9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Leslipoproteins à haute densité (HDL) transportent le cholestérol vers le foie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/highdensity-lipoproteins-hdl-one-five-major-564979207?src=j_TGnZ03hJ8FTHGKSUPAFw-1-6">ibreakstock/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des résultats surprenants</h2>
<p>Dans cette nouvelle étude danoise, l’analyse a porté sur plus de 116 000 personnes. Un échantillon sanguin a été prélevé en début d’expérience, pour mesurer leur taux de cholestérol. Ils ont été ensuite suivis pendant plusieurs années, jusqu’à 23 ans.</p>
<p>Pendant cette période, plus de 10 000 participants sont décédés. Une fois les données analysées, les chercheurs ont trouvé quelque chose de très intéressant. La courbe de corrélation entre le taux de HDL et la mortalité avait une forme de <em>U</em>. Cela signifie que les personnes avec un taux extrêmement élevé ou extrêmement faible avaient plus de chance de mourir.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=851&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189299/original/file-20171008-25784-1lfnes9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1069&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résulats de l’étude, les courbes en forme d’U montrent un taux de mortalité plus élevé chez les personnes ayant un taux de HDL très faible ou très élevé.</span>
</figcaption>
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<p>Autre découverte : les hommes et les femmes ne sont pas égaux face au cholestérol. La quantité idéale de HDL chez les hommes est environ 25 % plus basse que chez les femmes.</p>
<p>Ces recherches vont donc bien dans le sens de ce qui était déjà admis : une concentration élevée de HDL est un facteur de risque pour une mort prématurée, mais le fait que des concentrations trop basses le soit aussi est nouveau. Mais alors, que conseiller à la population ?</p>
<h2>Un facteur génétique ?</h2>
<p>Aucune étude n’est parfaite, et bien que celle-ci s’appuie sur une population très large, elle n’est basée que sur un seul échantillon de sang au moment du recrutement. De plus, elle n’étudie qu’une frange de la population (des personnes de type caucasien, descendantes de danois). De plus, très peu de gens ont un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24627418">taux de HDL très élevé</a> : dans cette étude seulement 216 hommes et 218 femmes parmi les 116 000.</p>
<p>En revanche, l’étude nous offre l’opportunité de reconsidérer ce que ne nous savons réellement à propos des HDL. De nombreuses observations montrent une relation entre taux de HDL et risques cardiaques mais <a href="http://www.bmj.com/content/349/bmj.g4379">cette relation n’est pas causale</a>. En effet augmenter le niveau de HDL grâce à des médicaments ne diminue pas les risques de maladies cardiaques ou de mort prématurée.</p>
<p>Il est possible qu’une mutation génétique soit la cause des taux extrêmes de HDL, ce qui expliquerait le nombre si faible de personnes atteintes. Les HDL, comme la plupart des protéines, ont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27160732">différentes formes</a>, il est également envisageable qu’un de ces sous-types de protéine soit la clé pour prévenir les risques cardiaques, d’autres recherches devront être menées pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.</p>
<p>Les médecins devraient être alertés de cette étude et considérer que s’ils observent des taux extrêmes de HDL chez leurs patients, il serait pertinent de les suivre attentivement.</p>
<p>Il est cependant peu probable que beaucoup de lecteurs de cet article ont un taux de HDL suffisamment élevé pour leur causer des soucis et il semble qu’il soit toujours une bonne idée de considérer que le bon cholestérol est bon pour le cœur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84030/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Brown ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le cholestérol est impliqué dans de nombreuses maladies, parfois mortelles. On parle souvent de bon ou de mauvais cholestérol, peut‑on réellement faire ce distingo ?James Brown, Senior Lecturer in Biology and Biomedical Science, Aston UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/845792017-10-01T20:35:31Z2017-10-01T20:35:31ZFlexi-sécurité : le territoire comme maille pertinente<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188162/original/file-20170929-21580-v3gj6q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Compte tenu des spécificités françaises, c'est au niveau du territoire qu'il faut envisager la flexisécurité (ici Dunkerque)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/12799144444/cb7b03c11f/">STINFLIN Pascal via Visualhunt.com </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Avec les <a href="http://bit.ly/2yLo5Be">ordonnances « Loi Travail »</a>, le débat repart de plus belle, entre les « pro » et les « anti » flexi-sécurité. Mais celle-ci (qui revient en grâce après avoir été précautionneusement écartée pendant les cinq dernières années) n’est que la partie émergée de l’iceberg.</p>
<p>Il semble primordial de s’interroger sur le <a href="http://bit.ly/2yx2RpR">niveau pertinent</a> auquel doivent être examinées ces questions dans notre pays, en rappelant quelques éléments de contexte, majeurs pour mieux comprendre la situation.</p>
<h2>Le modèle : la flexi-sécurité danoise</h2>
<p>L’exemple danois est régulièrement mis en avant pour vanter les mérites d’une flexi-sécurité quasi parfaite, dont il conviendrait de s’inspirer pour « inventer » son équivalent français.</p>
<p>Construite sur une grande fluidité du marché du travail, elle se traduit, d’une part (côté « flexi »), par une législation du travail relativement peu développée (il n’y a par exemple pas de salaire minimum) compensée par la place incontournable des partenaires sociaux (avec un taux de syndicalisation de 80 %). D’autre part (côté « sécurité »), le taux de chômage maîtrisé <a href="http://bit.ly/2fWd3kX">à 6,2 %</a> (<a href="http://bit.ly/2jz1XRN">qui n’est pas le plus bas parmi les pays européens, contrairement à une idée reçue</a>) s’explique grâce à une forte rotation des emplois et une dotation généreuse des politiques, dites « actives », du marché du travail (<a href="http://bit.ly/2yKDIcf">plus de 1,8 % du PIB</a>).</p>
<p>Le premier point de vigilance, évident, est que le Danemark n’est pas la France. Tout, ou presque, y diffère : géographie, économie, culture, civilisation…</p>
<h2>Le salariat, une norme qui se transforme</h2>
<p>Depuis la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, c’est pour et avec le salariat que s’est construit le code du travail. Si en 2017 la norme conceptuelle du salariat reste le CDI à temps plein, dans la pratique, les formes de travail évoluent largement.</p>
<p>Ainsi, qui visons-nous avec la sécurisation des « salariés » ? Ceux qui sont déjà en poste, en CDI ? Ceux qui sont demandeurs d’emploi de longue durée ? Ceux qui n’entrent pas dans les statistiques du chômage parce qu’enchaînant des petits emplois précaires ? Différentes analyses économiques, notamment celle des <a href="https://travailemploi.revues.org/2340">marchés transitionnels du travail</a>, montrent une segmentation de plus en plus marquée de la population active, selon qu’elle occupe (ou non) un emploi et le statut de ce dernier.</p>
<p>Ajoutons à cela les enjeux liés à la révolution numérique en cours qui transforme non seulement le contenu même du travail mais accentue la porosité croissante <a href="http://bit.ly/1OyAmw8">des sphères professionnelle et privée</a>, sans oublier les craintes de destruction d’emplois liées à la robotisation… On comprendra que le chantier « emploi » ne fait que commencer…</p>
<h2>En France, beaucoup de PME et des salariés peu mobiles</h2>
<p>Dans les débats autour de la Loi Travail, l’omniprésence du Medef, relayée par les journalistes et attisant l’hostilité des syndicats de salariés, occulte la réalité de notre tissu économique : les PME et TPE sont au nombre de 3,7 millions, soit <a href="http://bit.ly/2fCB83q">99,9 % des entreprises françaises, pour 46,2 % de l’emploi salarié</a>.</p>
<p>Or il y a bel et bien une spécificité PME, caractérisée par un <a href="http://bit.ly/2xKPe8M">mix de proximité</a>, avec un dirigeant aux multiples casquettes, généralement aussi propriétaire de son entreprise, sur le terrain avec ses salariés et ses clients, sur un marché souvent local (selon, bien évidemment, l’activité) et dans un horizon de court terme.</p>
<p>Quant aux salariés, dans les grands groupes comme dans les PME, ils s’avèrent relativement peu mobiles géographiquement, puisque <a href="http://bit.ly/2hB32gL">seulement 2 % des salariés déménagent chaque année pour des raisons professionnelles</a>.</p>
<h2>La bonne maille : le territoire</h2>
<p>Tous ces facteurs – un « modèle » danois très éloigné de notre réalité française ; un salariat qui se transforme ; un tissu économique de PME et une faible mobilité géographique des salariés – nous incitent à considérer la notion de territoire avec une attention renouvelée.</p>
<p>En effet, les entreprises, notamment les PME, sont capables d’imaginer des solutions viables qui concilient intelligemment flexibilité et sécurité. La flexibilité concerne évidemment l’entreprise, qui veut – et doit – rester adaptable dans un environnement économique toujours plus compétitif et incertain ; mais elle concerne aussi les salariés, qui, souvent, seraient en attente d’une organisation de travail plus flexible (par exemple horaires aménagés ou télétravail).</p>
<p>Inversement, les deux parties sont demandeuses de sécurité : les salariés, qui souhaitent bénéficier d’un contrat stable à temps plein ; mais aussi les entreprises, qui veulent fidéliser leur main-d’œuvre et disposer des compétences adéquates à l’instant t.</p>
<p>À travers une <a href="http://bit.ly/2yx2RpR">étude sur les pratiques spontanées de flexi-sécurité entre petites et moyennes organisations sur un territoire</a>, une condition majeure apparaît : celle d’une proximité géographique (sur un périmètre spatial restreint d’une trentaine de kilomètres) doublée d’une proximité organisée, véritable coopération faite de confiance et de solidarité au sein du réseau d’entreprises ainsi constitué, mais aussi entre entreprises et salariés, et même entre salariés.</p>
<p>Le territoire apparaît ainsi comme une maille pertinente pour penser les questions d’emploi : loin d’un simple découpage administratif, il se traduit certes par un espace géographique, mais aussi et surtout par, d’une part, une dimension symbolique basée sur les représentations (« l’espace vécu »), ainsi que, d’autre part, ses acteurs, individuels et collectifs, qui le constituent, agissent et interagissent en son sein.</p>
<p>Dépassons le faux débat d’une flexi-sécurité opposant employeurs et salariés, pour réfléchir, sur un territoire donné, à des actions collectives bénéfiques à tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84579/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Albert-Cromarias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au-delà des débats entre « pro » et « anti » flexi-sécurité, le niveau pertinent auquel doivent être examinées ces questions dans notre pays semble être celui du territoire.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/830862017-08-27T19:41:11Z2017-08-27T19:41:11ZTotal achète Maersk Oil : décryptage en cinq points d’une acquisition à 7,45 milliards<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183517/original/file-20170827-27515-1c82pp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le renforcement de Total dans la zone de la Mer du Nord (ici au large de l'Ecosse) est un des points forts de cette fusion.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/92819961@N04/8436391932/in/album-72157632662891009/">Berardo62 / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Total a <a href="http://www.total.com/en/media/news/press-releases/total-acquiert-maersk-oil-pour-7-45-milliards-de-dollars-dans-le-cadre-dune-transaction-en-actions-et">annoncé</a> le 21 août l’acquisition de Maersk Oil. Il s’agit de la plus grosse opération engagée par la <a href="http://publications.total.com/total-acteur-majeur-energie/">quatrième compagnie gazière et pétrolière internationale</a> depuis la fusion d’Elf avec TotalFina au début des années 2000. Les conseils d’administration de Total et de <a href="http://www.maersk.com/en/the-maersk-group/about-us">A.P. Møller–Mærsk</a> ont approuvé le rachat de Maersk & Gas A/S (Maersk Oil), filiale à 100 % du conglomérat danois par le groupe pétrolier français pour un montant de 7,45 milliards de dollars (6,3 milliards d’euros).</p>
<p>La transaction sera financée par émission d’actions Total pour 4,95 milliards de dollars (97,5 millions d’actions seront émises) et une reprise de dette de Maersk Oil (par Total) pour 2,5 milliards de dollars. En outre, Total a proposé à A.P. Møller Holding A/S (principal actionnaire A.P.M Møller–Mærsk) un siège au sein de son conseil d’administration, sous réserve toutefois de l’approbation par ses actionnaires. Quelles sont les motivations de cette opération pour Total dans le contexte actuel avec un baril de pétrole évoluant autour des 50 dollars ?</p>
<p>Cinq éléments principaux se dégagent de notre analyse :</p>
<h2>1. Une priorité : créer de la valeur pour les actionnaires</h2>
<p>Maersk Oil est la filiale la plus importante et la plus rentable du <a href="http://www.maersk.com/en/the-maersk-group/about-us">pôle énergie de A.P.M Møller–Mærsk</a> : Maersk Oil, Maersk drilling, Maersk Supply Service et Maersk Tankers. En 2016, elle a réalisé 4,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires, environ 14 % des revenus du groupe danois (35,5 milliards de dollars à fin 2016) et généré 477 millions de dollars de résultat opérationnel après impôt.</p>
<p><a href="http://files.shareholder.com/downloads/ABEA-3GG91Y/5052092660x0x954061/7EB88BAD-F1AE-4E86-9B95-FF32017D31F9/APMM_Interim_Report_Q2_2017.pdf">Les résultats à fin juin 2017</a> sont même encore plus positifs avec un résultat net opérationnel après impôts de 519 millions de dollars pour des revenus à hauteur de 2,7 milliards de dollars. Maersk Oil est donc à même de générer des projets à forte rentabilité.</p>
<p>Plus intéressant encore, le <a href="http://linvestisseurfrancais.com/club/lexique-bourse-finance-comptabilite/cash-flow-operationnel/">cash-flow opérationnel</a> dégagé par Maersk Oil avoisine le milliard de dollars à fin juin 2017 (961 millions de dollars) ce qui nous laisse entendre que la projection de 1,3 milliard de dollars de cash-flow opérationnel pour 2018 annoncée par Patrick Pouyanné, Président directeur-général de Total dans sa présentation du 21 août est tout à fait crédible. La combinaison des deux acteurs devrait permettre non seulement d’augmenter les volumes de production mais également de réaliser des synergies opérationnelles, commerciales et financières.</p>
<p>Au niveau des volumes, le <a href="http://www.total.com/fr/medias/actualite/communiques/total-acquiert-maersk-oil-pour-7-45-milliards-de-dollars-dans-le-cadre-dune-transaction-en-actions-et">communiqué de presse du 21 août</a> précisait :</p>
<blockquote>
<p>« Une production supplémentaire, principalement constituée de liquides, de 160 000 barils équivalents pétrole par jour (bep/j) en 2018, acquise à un prix moyen de 46 000 dollars par baril par jour, offrant une forte marge avec un point mort en terme de cash-flow inférieur à 30 dollars par baril. Cette production croîtra à plus de 200 000 bep/j d’ici le début des années 2020 ».</p>
</blockquote>
<p>Quant aux synergies, Patrick Pouyanné indique qu’elles devraient se matérialiser dès la finalisation de l’acquisition attendue au premier trimestre 2018 pour atteindre les 400 millions de dollars par an en 2020. Un montant qui nous semble réalisable et justifié par 200 millions de dollars de synergies sur les coûts, 100 millions de dollars grâce à des synergies fiscales (notamment en Norvège), le reste provenant d’économies réalisées sur les achats et sur l’activité de trading.</p>
<h2>2. Vers un meilleur rééquilibrage des risques géopolitiques</h2>
<p>En rachetant Maersk Oil, Total pourra bénéficier du fort ancrage du danois dans la mer du Nord (plus de 80 % dans cette zone) et ajouter près d’un milliard de barils équivalents pétrole de <a href="http://gaffney-cline-focus.com/i-know-what-reserves-are">réserves 2P/2C</a> avec 85 % dans les pays OCDE, essentiellement au Royaume-Uni, en Norvège, au Danemark, aux États-Unis (Golfe du Mexique).</p>
<p>Un portefeuille d’actifs de qualité et extrêmement complémentaire géographiquement à celui de Total et qui permettrait aux deux acteurs réunis d’avoir une position renforcée au Royaume-Uni où ils seraient en seconde position en termes de réserves.</p>
<p>Total pourrait notamment bénéficier d’une présence significative grâce au champ de gaz de Culzean au large de l’Écosse, non loin du hub de Elgin-Franklin déjà opéré par Total.</p>
<p>De même, Maersk Oil apporterait à Total un accès privilégié à la Norvège et ensemble, ils se placeraient en troisième position en matière de réserves. Enfin Total deviendrait un acteur majeur au Danemark, pays d’origine du groupe Maersk, avec 90 % de la production pétrolière et gazière.</p>
<p>En outre, grâce à la présence de Maersk dans le golfe du Mexique et en Algérie, Total pourrait renforcer sa position sur ces deux territoires stratégiques et deviendrait la seconde compagnie internationale en Algérie.</p>
<p>Des activités d’exploration et de développement sont également en cours en Angola, au Kenya. Enfin Maersk Oil apporte d’autres opportunités au Kazakhstan, Kurdistan iraquien et au Brésil notamment. Si certains de ces actifs sont moins stratégiques, ils pourront toutefois être développés ou cédés en cas de besoin.</p>
<h2>3. Une mutualisation des compétences humaines et techniques</h2>
<p>Au-delà d’un portefeuille d’actifs complémentaires, Maersk Oil emploie aussi environ 3000 collaborateurs. Un personnel bénéficiant d’une expertise technologique, géologique et opérationnelle et qui a déjà eu l’occasion de travailler avec Total au Qatar par exemple.</p>
<p>En effet Maersk Oil y a perdu le contrat d’exploitation du champ pétrolier offshore d’Al-Shaheen en juin 2016. Un contrat repris par la suite par Total avec une participation de 30 % dans la concession du champ pétrolier géant à compter du 14 juillet 2017, <a href="http://www.total.com/fr/medias/actualite/communiques/qatar-total-obtient-une-participation-de-30-dans-la-concession-du-champ-geant-dal-shaheen-pour-une">pour une durée de 25 ans.</a></p>
<p>Au final, si Maersk Oil rejoint définitivement Total, il est probable que certaines équipes déjà expérimentées et familières avec ce champ reprennent leurs activités opérationnelles.</p>
<p>Après avoir restructuré ses effectifs de l’ordre de 2 000 personnes en 2015 et gelé les embauches par la suite, Total accueillera donc de nouveaux salariés. Total et Maersk Oil partagent des valeurs communes : privilégier la sécurité des opérations, former et recruter des hommes et des femmes capables d’utiliser des technologies de pointe et désireux de relever « les <a href="http://www.total.com/fr/engagement/employeur-responsable">défis d’un avenir énergétique responsable</a> ».</p>
<p>À notre avis, la similarité des cultures est un point fort qui devrait faciliter l’intégration de Maersk Oil et aider les deux acteurs à mutualiser leurs expertises.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183518/original/file-20170827-27547-unj5v5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La tour Total à Paris, La Défense.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mustangjoe/9256137228/in/photolist-f6W87U-hgq1Bu-3pFaeU-6dgTmr-51LQW7-o6eDUD-pXFzuX-Vz15h8-WJV9F3-Vz14JV-6UBNd9-VwmejL-ab97te-WJV9nY-VyZT4M-Vz15Lz-WAR6dc-d6hJTW-6dmdg9-gcNZvM-e72g9Z-5bSYyi-dtAXJo-bs4BoD-6AhVbb-9gcNrR-RRaaYK-9gfTso-6dh2nB-d6hJYY-6AdN3R-d6hK4b-cUZWgJ-kk5iUs-ekEYkH-dRK74e-9AztDB-6dh15v-8zG23f-ewUUbu-6Lnrmf-oVjqay-ems9KP-6Likjz-d6T5cs-7b4cHS-6dgSa2-jFs3Tw-cUZMUJ-cXpztj">Joe deSousa/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>4- Une acquisition sans impact significatif sur l’endettement net</h2>
<p>Nous pensons que les modalités de la transaction énoncées précédemment sont attractives pour Total qui peut ainsi réaliser une acquisition majeure sans augmenter significativement son <a href="https://www.compta-facile.com/endettement-net-financier-definition-calcul-interet/">taux d’endettement net</a>.</p>
<p>Un point fondamental pour le groupe pétrolier français qui a réussi à réduire ce que les anglo-saxons appellent le <a href="http://moneyweek.com/videos/what-is-net-gearing/"><em>net gearing</em></a> de 31,3 % en 2014 à 20,3 % au 30 juin 2017.</p>
<p>En effet, comme le précisait Patrick Pouyanné, président directeur-général de Total dans le <a href="http://publications.total.com/2017-Q2/2T-17-resultats-final.pdf">communiqué de presse du 27 juillet 2017</a> sur les résultats au 30 juin :</p>
<blockquote>
<p>« Total affiche un bilan renforcé en ramenant le ratio d’endettement à 20 %. Ainsi, en ligne avec sa stratégie, le Groupe dispose de marges de manœuvre pour tirer parti de l’environnement de coûts bas permettant de lancer des projets rentables et d’acquérir des ressources dans des conditions attractives. »</p>
</blockquote>
<p>Une opportunité que Total a saisi lorsque A.P.M Møller–Mærsk a annoncé son intention de restructurer sa branche énergie suite à la perte cumulée de 1,9 milliard de dollars essuyée pour l’exercice 2016.</p>
<p>Total aura réussi à convaincre A.P.M Møller–Mærsk d’accepter son offre sur Maersk Oil sans paiement en numéraire mais en apportant ses titres. Selon le PDG de Total, l’impact de l’acquisition de Maersk Oil sera très faible sur cet endettement net. Il a indiqué lors des questions des analystes le 21 août que celui-ci ne dépasserait pas les 22 %. Le groupe souhaite en effet maintenir son endettement dans la zone des 20 %.</p>
<p>À notre avis, le fait que la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/industrie-du-petrole-qui-sont-les-supermajors-150323"><em>supermajor</em></a> (avec un chiffre d’affaires de 149,7 milliards de dollars en 2016) apporte ses titres aura certainement contribué à convaincre le danois de céder sa filiale la plus profitable. Un choix judicieux de Total également qui fait ainsi entrer à son capital un actionnaire à long terme.</p>
<h2>5. Un projet stratégique à long terme qui ne remet pas en cause les investissements prévus</h2>
<p>En s’associant avec Maersk Oil, Total espère atteindre les <a href="http://www.total.com/fr/medias/actualite/communiques/total-acquiert-maersk-oil-pour-7-45-milliards-de-dollars-dans-le-cadre-dune-transaction-en-actions-et">3 millions de barils équivalent par jour dès 2019</a>. Cet objectif, même s’il est important, ne constitue pas une fin en soi.</p>
<p>Total cherche à grossir certes mais aussi à abaisser son point mort et à créer de la valeur pour ses parties prenantes, ses actionnaires en particulier. Nous pensons que cette acquisition a pu être réalisée à un coût raisonnable : 7,45 milliards de dollars, ce qui correspond à la fourchette basse d’une introduction en bourse de Maersk Oil telle qu’elle avait été envisagée avant la perte de la concession au Qatar.</p>
<p>Selon <em>Reuters</em> dans <a href="http://www.dailymail.co.uk/wires/reuters/article-3663913/Qatar-oil-contract-loss-raises-questions-Maersk-Oils-future.html">« Qatar oil contract loss raises questions over Maersk Oil’s future »</a>, la perte de ce contrat, un des plus gros de Maersk Oil (représentant 40 % de sa production) risquait de mettre en cause la possibilité de réaliser une introduction en bourse pour Maersk Oil, à l’époque évaluée entre 7,5 et 14,3 milliards de dollars.</p>
<p>En outre, Maersk Oil affiche un point mort (niveau qui permet d’équilibrer les comptes exprimés ici en dollars par baril) très compétitif dans le secteur. Dans son <a href="https://globenewswire.com/news-release/2017/08/16/1086449/0/en/Interim-Report-Q2-2017.html">rapport financier sur les résultats du deuxième trimestre 2017,</a> le groupe A.P.M Møller–Mærsk précise que</p>
<blockquote>
<p>« Maersk Oil a su adapter son portefeuille, son organisation et ses niveaux de coûts pour tenir compte de la baisse des cours du pétrole et ramener son point mort sous les 40 dollars par baril en 2016 avec un objectif de 40 à 45 dollars pour 2017 suite à la sortie du Qatar. »</p>
</blockquote>
<p>Ce niveau de point mort nous semble donc très bas et attractif pour Total par rapport à un investissement dans le Bassin Permien américain par exemple vers lequel les <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/01/18/l-investissement-repart-dans-le-petrole-de-schiste-americain_5064892_3234.html">investissements des majors et autres compagnies pétrolières affluent en 2017</a>. En effet, comme l’indique le <a href="https://blogs.letemps.ch/laurent-horvath/category/petrole-schiste/">géoéconomiste de l’énergie, Laurent Horvath</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Avec l’arrivée d’Exxon ou de Chevron, le Bassin Permien ressemble de plus en plus à une bulle spéculative dont les derniers entrés pourraient payer des fortunes pour des terrains de moins en moins prolifiques. » et où « selon les champs pétroliers le seuil de rentabilité nécessite un baril entre 65 et +100$. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, compte tenu de ces conditions d’acquisitions favorables, Patrick Pouyanné a rassuré les parties prenantes en indiquant que les investissements, ce qu’on appelle <a href="http://www.investopedia.com/terms/c/capitalexpenditure.asp">Capex</a> (Capital Expenditure), resteraient dans la fourchette initialement prévue de 16 à 17 milliards de dollars pour 2017 et de 15 à 17 milliards de dollars pour la période 2018–2020 et ce même avec l’acquisition de Maersk Oil.</p>
<p>Cette opération semble donc avoir été négociée à des conditions attractives pour Total qui prendra des positions dominantes dans les pays de l’OCDE avec 80 % de présence en mer du Nord et accueillera de nouvelles forces hautement qualifiées. L’objectif de production de 3 millions de barils équivalent par jour devrait être atteint dès 2019.</p>
<p>Cette acquisition s’inscrit parfaitement dans la stratégie à long terme de Total et confortera davantage la 4<sup>e</sup> position mondiale du <em>supermajor</em> sans altérer la solidité de son bilan ni augmenter son <em>gearing</em>. Elle permet de diversifier les risques pays et d’offrir à Total des actifs de haute qualité complémentaires à son portefeuille actuel. L’aspect humain et la culture commune des deux acteurs sont un autre facteur important qui facilitera l’intégration.</p>
<p>Les synergies de l’ordre de 400 millions de dollars par an à partir de 2020 et l’apport de cash-flow opérationnel supplémentaire de 1,3 milliard de dollars en 2018 nous semblent réalisables compte tenu des derniers résultats annoncés par Maersk Oil à fin juin 2017. L’acquisition nous paraît donc justifiée, même dans un contexte de baril évoluant autour des 50 dollars et pouvant rester durablement dans cette zone de prix.</p>
<p>Pour l’instant, la transaction est soumise à l’approbation des actionnaires et à celle des autorités compétentes. Total espère une issue positive pour le 1<sup>er</sup> trimestre 2018. En attendant, les marchés semblent légèrement revaloriser Total puisque l’action clôturait à 43,445 euros au 25 août 2017 contre 42,65 euros au 18 août 2017 avant l’annonce. Un signal qui tend à confirmer que l’opération sera relutive aussi bien en termes de bénéfice net par action que de cash-flow par action du groupe dès sa finalisation comme le précise son PDG. Au 25 août, la capitalisation boursière de Total franchit ainsi les 108 milliards d’euros et se rapproche de celle de LVMH à 110,5 milliards d’euros, devenue première capitalisation boursière du CAC 40 depuis mai 2017.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Chaboud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelles sont les motivations de l’achat de Maersk Oil pour Total dans le contexte actuel avec un baril de pétrole évoluant autour des 50 dollars ? Analyse financière et stratégique.Isabelle Chaboud, Professeur associé d’analyse financière, d’audit et de risk management - Directrice de Programme pour le MSc in Fashion Design & Luxury Management- Responsable de la spécialisation MBA "Brand & Luxury Management", Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/770232017-05-08T20:07:30Z2017-05-08T20:07:30ZTemps de travail en Europe : les vrais chiffres<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/167582/original/file-20170502-17275-1crmd4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=103%2C0%2C1684%2C858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De quel temps parle-t-on ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/chronom%C3%A8tre-gestion-du-temps-temps-2061849/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">DR.</span>
</figcaption>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
<hr>
<p>Le temps de travail est un terme trompeur. En effet, s’il est souvent mobilisé au cours de conflits ou de controverses, il désigne en réalité la « durée reconnue de l’emploi », plutôt que le « temps de travail ».</p>
<h2>De quel temps parle-t-on ?</h2>
<p>En effet, ses estimations statistiques excluent le travail domestique, qui regroupe pourtant un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2123967">nombre d’heures supérieur au travail salarié en France</a>. Les femmes à temps partiel, sujettes à une division inégale des tâches domestiques ou à une situation monoparentale, passent toujours <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1372773?sommaire=1372781">plus de temps en travail domestique qu’en travail salarié</a>. En outre, le temps de travail réduit la notion de « temps » à la seule durée, laissant de côté d’autres dimensions temporelles (horaires, rythme, prévisibilité…).</p>
<p>De plus, il est aveugle au contenu effectif des tâches. Par exemple, dans les années 2000, certaines industries ont augmenté le nombre de secondes effectives de travail accompli par minute. Une réduction du temps d’emploi peut donc s’accompagner d’une intensification de l’activité… c’est-à-dire une hausse du temps de travail. Le nombre d’heures non-déclarées ou non-comptées (comme pour les cadres supérieurs salariés payés à la journée et non à l’heure) achèvent de brouiller les pistes lorsque l’on tente d’identifier les durées d’emploi réelles.</p>
<p>La durée d’emploi ne doit pas non plus faire oublier la qualité d’emploi. À ce titre, on assiste depuis une décennie à la montée des horaires « atypiques », c’est-à-dire qui ne correspondent pas à la norme d’emploi à plein temps et en semaine. Le travail le dimanche et le temps partiel, par exemple, sont en croissance sur le continent européen.</p>
<h2>Une baisse généralisée de la durée d’emploi</h2>
<p>Quoiqu’il en soit, une fois ces précautions d’usage prises, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281175">durée d’emploi a baissé dans tous les pays industrialisés depuis le début du siècle, sans exception</a>. Depuis 1950, pour des pays comme les USA, le Japon, l’Allemagne ou la France, la diminution avoisine 25 %. Cette baisse tendancielle s’explique par des évolutions de la durée d’emploi au niveau journalier ou hebdomadaire (un temps de travail légal ou conventionnel, selon les pays), mais aussi annuelle (les congés payés) et tout au long de la vie (selon l’âge d’entrée et de sortie du marché du travail). Néanmoins, il y a une corrélation solide entre les durées quotidiennes, hebdomadaires et annuelles passées en emploi : les trois évoluent le plus souvent de concert. Il est toutefois notable que la variation des durées d’emploi n’est que rarement corrélée à l’évolution de la productivité. Il ne s’agit pas d’un processus mécanique, qui serait tiré par des évolutions technologiques, mais bien plutôt de conflits sociaux qui trouvent leur résolution par l’application conventionnelle des revendications salariées ou par des législations favorables.</p>
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<p><em>Le temps passé en emploi, en heures par an (échelle verticale). Source : OCDE. L’Allemagne est à l’avant-garde de sa réduction.</em></p>
<h2>Deux groupes de pays</h2>
<p>Globalement, depuis le milieu des années 1990, deux groupes de pays peuvent être distingués en Europe. Dans le premier, qui regroupe notamment le Royaume-Uni, la Grèce et le Portugal, la durée d’emploi s’est légèrement accrue dans les années 1990-2000 avant de retomber. Dans le second, qui regroupe les pays du cœur de l’Europe et de Scandinavie, la durée d’emploi n’a cessé de diminuer. La manière dont cette réduction s’est opérée varie. En France, elle a eu lieu via la législation sur les 35 heures hebdomadaires, qui a créé plusieurs centaines de milliers d’emplois – malgré des possibilités importantes d’accommodements à l’époque – et est progressivement détricotée depuis. En Allemagne, c’est plutôt un effet de composition qui est à l’œuvre, c’est-à-dire l’adoption d’emplois à temps partiel par les nouveaux entrants sur le marché du travail ou les chômeurs en reprise d’emploi.</p>
<p>Cette dynamique divergente est entretenue par des écarts importants entre pays européens à deux niveaux. D’abord, l’<a href="https://data.oecd.org/emp/part-time-employment-rate.htm">ampleur du secteur à temps partiel</a> oppose des pays comme les Pays-Bas (39 % de salariat à temps partiel, dont 75 % des salariées) et les pays baltes (moins de 10 % de salariat à temps partiel). Derrière la durée d’emploi moyenne se cachent des réalités très différentes entre salariés et salariées.</p>
<h2>Temps plein et temps partiel</h2>
<p>Le temps partiel lui-même peut inclure <a href="http://ec.europa.eu/eurostat/web/gdp-and-beyond/quality-of-life/average-number-of-usual-weekly-hours-of-work-in-main-job">des réalités très différentes</a>, puisque les personnes salariées à temps partiel en Allemagne travaillent 19h par semaine en moyenne, contre 24h pour leurs homologues en Suède. Ensuite, des écarts aussi importants séparent le travail à temps plein dans des pays comme la Grèce (44,5h en moyenne) et le Danemark (sous les 40h). Ainsi, le ratio entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein doit être pensé en articulation avec la norme nationale du temps partiel et du temps plein. Cela conduit à des temporalités distinctes selon les pays : par rapport à la moyenne des pays européens, la France a ainsi des salariés à temps plein aux horaires faibles, et des salariés à temps partiel aux horaires élevés, tandis que l’Allemagne est dans une situation rigoureusement inverse.</p>
<p>Afin d’évaluer les durées d’emploi de chaque pays, le raisonnement le plus approprié semble être à l’échelle de l’année. Cela permet de tenir compte des durées légales et conventionnelles quotidiennes et hebdomadaires, mais aussi d’inclure les congés payés et les jours fériés, qui varient aussi fortement en Europe. Car si le Royaume-Uni célèbre 8 jours fériés, la Finlande dispose de 15 chaque année. De même, les jours ouvrables de congés payés annuels oscillent entre 20 et 28 (hors ancienneté) sur le continent.</p>
<h2>Les Français et leur productivité</h2>
<p>Un discours récurrent accuse les Français de travailler moins en emploi que leurs homologues européens. Généralement, cette admonestation a un fond moral, il s’agit de présenter comme une tare le fait de moins travailler qu’ailleurs. Cette vision fait l’impasse sur le constat évident que les pays les plus développés sont ceux dans lesquels la durée d’emploi est la plus réduite. Mais en plus, ce discours est fragile : les seules données montrant une durée d’emploi plus faible des Français par rapport à leurs homologues européens se cantonnent aux salariés à plein temps.</p>
<p>En comparant tous les salariés de l’OCDE, les <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=ANHRS">Français travaillent plus en emploi</a> (1 482h/an en 2015) que leurs collègues allemands (1 371h), hollandais (1 419h), norvégiens (1 424h) ou danois (1 457h). Et au niveau des travailleurs indépendants, la France est un des pays qui les conduit à travailler le plus durement. De même, contrairement à des préjugés ravivés depuis la crise des pays périphériques, les Grecs sont les plus gros travailleurs d’Europe avec 2 042 heures annuelles effectuées en emploi. Les écarts les plus importants d’Europe, entre l’Allemagne et la Grèce, s’élèvent à 671 heures d’emploi. Cela représente plus de 80 journées de huit heures.</p>
<p>En revanche, une spécificité française souvent passée sous silence est la <a href="https://data.oecd.org/lprdty/gdp-per-hour-worked.htm">productivité des salariés</a>, qui produisent une quantité de richesse élevée par heure de travail (5<sup>e</sup> d’Europe). <a href="http://www.economist.com/news/britain/21646235-if-britain-cannot-get-more-its-legion-cheap-workers-recovery-will-stall-bargain?fsrc=scn/tw/te/pe/ed/bargainbasement">Comme le résumait <em>The Economist</em></a>, « les Français pourraient arrêter le vendredi et toujours produire plus que ne le font les Britanniques en une semaine ». Cette boutade montre que la durée d’emploi pose aussi, en creux, la question de la production et de la distribution des revenus.</p>
<p>Ainsi, les durées d’emploi varient entre pays européens. Chaque norme nationale est le fruit de luttes salariales, de choix politiques et de compromis sociaux. Cependant, ces marchés de l’emploi sont parfois manipulés dans le champ politique afin d’asséner des comparaisons simplistes, qui tentent de présenter la durée d’emploi de certains pays comme un modèle, et les salariés des autres comme des retardataires.</p>
<p>Face à ces usages outranciers, on ne peut que plaider pour des comparaisons raisonnables prenant en compte toutes les informations disponibles sur chaque durée nationale d’emploi, ses formes et son contenu productif. Et ne pas oublier ce qu’enseigne l’histoire sociale : la durée normale d’emploi ne relève pas du déterminisme technologique, mais du choix politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77023/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hadrien Clouet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse des différentes composantes de ce qu’on appelle le « temps de travail »… et de quelques surprises.Hadrien Clouet, Doctorant en sociologie, CENTRE DE SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS, associé au LABORATOIRE INTERDISCIPLINAIRE POUR LA SOCIOLOGIE ECONOMIQUE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/705042017-01-03T22:04:41Z2017-01-03T22:04:41ZDe Tokyo à Hambourg, villes et citoyens mènent l’innovation face aux changements climatiques<p>Un an après la <a href="http://www.cop21.gouv.fr/en/">COP21</a> et l’adoption de l’<a href="http://unfccc.int/paris__agreement/items/9485.php">Accord de Paris</a>, les décideurs internationaux peinent à transformer leurs objectifs en actes concrets. Pour preuve, ce titre évocateur d’une rencontre organisée dans le cadre de la récente COP22 de Marrakech : <a href="http://cop22.ma/fr/">« Transformer les promesses de Paris en action »</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, en effet, si la communauté internationale cherche son second souffle dans la lutte contre les changements climatiques, les villes et les communautés locales se positionnent, elles, en première ligne.</p>
<h2>Les villes à l’assaut du défi climatique</h2>
<p>Depuis plusieurs années, des acteurs locaux – villes et régions – bénéficient d’un poids de plus en plus important dans les négociations internationales. Décideurs politiques et chercheurs reconnaissent la vulnérabilité et, dans une certaine mesure, la part de responsabilité des villes dans la dégradation de l’environnement.</p>
<p>Comme l’a montré le récent sommet <a href="https://mayorssummit2016.c40.org/">des maires du C40</a> qui s’est tenu à Mexico, les édiles des grandes métropoles mondiales sont intéressés par la mise en place de modes de vie urbains résilients, qui se caractérisent par des usages « bas carbone ».</p>
<p>Les collectivités locales contrôlent des secteurs clefs des politiques environnementales. Les villes, notamment, concentrent de fortes populations et des activités économiques dont elles tirent une influence politique importante. Elles occupent ainsi une position stratégique pour l’élaboration de solutions innovantes face au changement climatique.</p>
<p>À Tokyo, par exemple, le gouvernement métropolitain a mis en place le premier marché de <a href="http://www.kankyo.metro.tokyo.jp/en/climate/cap_and_trade.html">permis d’émissions de CO₂</a> au niveau d’une ville. Il concerne principalement les bâtiments commerciaux et industriels de l’agglomération, gros consommateurs d’énergie. Lorsque les établissements les plus énergivores ne parviennent pas à respecter les limites d’émissions de CO₂ établies en amont, ces derniers doivent alors acheter des crédits aux immeubles conformes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149960/original/image-20161213-1610-1m0ajhz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les habitants de Bogota en Colombie profitent de l’hebdomadaire « Ciclovia », le dimanche sans voiture.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/94/Ciclovia_Bogotana_en_Avenida_Chile.JPG/1280px-Ciclovia_Bogotana_en_Avenida_Chile.JPG">Lombana/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En Corée du Sud, le projet <a href="http://english.seoul.go.kr/policy-information/urban-planning/seoul-station-7017-project/1-seoul-station-7017-project/">Station 7017</a> de Séoul devrait prochainement reconvertir une vielle route surélevée en passage piétonnier, reliant le centre-ville aux autres quartiers ainsi qu’à la gare centrale. Cette initiative devrait non seulement valoriser certains quartiers isolés mais aussi végétaliser des zones métropolitaines particulièrement denses.</p>
<p>Plus proches de nous, citons l’exemple de Hambourg. La cité allemande met actuellement en place un ambitieux projet de ville sans voiture : sur les vingt prochaines années, un réseau routier « vert » pour les cyclistes et les piétons va être développé ; il reliera la ville à ses banlieues, mais aussi aux parcs, aires de jeux, cimetières et autres espaces publics. Ces routes vertes rendront obsolète l’usage de la voiture, feront barrage à certains désastres naturels comme les inondations et pourront favoriser l’<a href="http://www.hamburg.de/gruenes-netz/">absorption du dioxyde de carbone</a>.</p>
<h2>L’énergie citoyenne</h2>
<p>Chacun dispose d’un incroyable potentiel pour lutter contre le changement climatique. C’est particulièrement vrai dans le secteur énergétique, comme l’indiquent nombre d’études <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301421506004824">à ce sujet</a> : « l’énergie citoyenne » facilite l’implantation de projets d’énergie renouvelable et la régulation de la demande énergétique, permettant ainsi de réduire les émissions de gaz à effet de serre.</p>
<p>Cette idée a inspiré la très récente conférence <a href="http://www.wcpc2016.jp/en/">World Community Power Conference</a> qui s’est tenue à Fukushima (Japon) les 3 et 4 novembre 2016, au moment même où l’Accord de Paris était ratifié. L’événement, une première mondiale, organisé par la <a href="http://communitypower.jp/">Japan Community Power Association</a>, l’<a href="http://www.isep.or.jp/en">Institute for Sustainable Energy Policies</a> et le <a href="http://www.wwindea.org/">World Wind Energy Association</a>, réunissait universitaires, représentants politiques locaux et membres de la société civile (dont des écoles) et du monde de l’entreprise pour imaginer comment les communautés de citoyens et agents de la vie économique et politique, pouvaient devenir acteurs du développement durable à l’échelle locale.</p>
<p>Les participants ont abordé différentes questions, de la démocratie énergétique à la coopération régionale en passant par les bénéfices potentiels des projets d’énergie citoyenne pour les pays en voie de développement. Les freins à la coopération entre les gouvernements locaux, leurs citoyens et le monde des affaires ont également été débattus.</p>
<p>Le choix de Fukushima pour cette conférence est hautement symbolique : <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/seisme-et-tsunami-au-japon-en-2011_1492023.html">dévastée en 2011</a> par un tremblement de terre suivi d’un tsunami, cette agglomération nipponne et toute sa région ont subi un désastre nucléaire dont les conséquences sont toujours en cours d’évaluation. Peu après cette catastrophe, les autorités locales ont décidé d’adopter la proposition de passer au <a href="http://www.climatechangenews.com/2014/01/31/fukushima-to-use-100-renewable-energy-by-2040/">100 % énergies renouvelables d’ici à 2040</a>.</p>
<p>Pour atteindre cet objectif, les habitants, les entreprises et les collectivités locales travaillent de concert pour développer les énergies solaire et éolienne.</p>
<p>Cette collaboration se concrétise par divers projets impliquant les citoyens. Dans le cadre du Fukushima Airport Solar Power Project, par exemple, les citoyens ont été partiellement mis à contribution en vue d’<a href="http://techon.nikkeibp.co.jp/english/NEWS_EN/20140616/358981/?ST=msbe&P=2">investir</a> dans l’achat et l’installation de panneaux solaires pour fournir 1,2 MW d’électricité à l’aéroport. Une autre initiative émanant de la préfecture, la Fukushima Ryozen Citizens’ Joint Power Plant, a de même été financée par le contribuable local pour aider les paysans de la région à mettre en place des fermes solaires. Cette centrale fournit actuellement environ <a href="http://www.japanfs.org/en/news/archives/news_id034604.html">50 KWs</a>.</p>
<p>La mobilisation des communautés locales permet ainsi la promotion des énergies renouvelables et l’élimination progressive du recours aux énergies fossiles. Elle renforce également la sécurité énergétique, et favorise l’engagement démocratique et l’autonomie locale. De ce pouvoir citoyen découle d’autres avantages potentiels, comme la création d’emplois et de nouvelles sources de revenus, le bien-être de la communauté, la réduction de la précarité énergétique ou encore une <a href="http://www.foeeurope.org/community-Power-benefits-briefing-011213">baisse des tarifs de l’énergie</a>.</p>
<h2>Un « pouvoir citoyen » en devenir</h2>
<p>S’il n’existe aujourd’hui pas de définition précise du concept d’énergie citoyenne (ou <em>« community power »</em> en anglais), on peut cependant dire ici qu’il implique une participation du citoyen dans la production et l’usage de systèmes énergétiques renouvelables, de même qu’un certain contrôle sur ces activités.</p>
<p>C’est ainsi le cas lorsque des citoyens sont propriétaires – même partiellement – d’une entreprise productrice d’énergie renouvelable par exemple sous la forme d’une coopérative. De même, si le citoyen participe à la gestion et l’organisation de l’entreprise, possède un droit de regard sur ses décisions opérationnelles ou encore siège en tant que membre de son conseil d’administration.</p>
<p>Et les communautés qui profitent de cette énergie renouvelable et des profits réalisés dans le cadre de cette production relèvent aussi de ce concept. On le voit, les citoyens cessent ici d’être uniquement des consommateurs pour devenir acteurs et producteurs du service. Cette large définition de l’« énergie citoyenne » tient compte d’une réalité polymorphe due aux particularismes locaux et aux différents <a href="http://www.clientearth.org/reports/community-power-report-250614.pdf">obstacles</a> administratifs et bureaucratiques à dépasser.</p>
<p>Le partage d’expériences locales peut aider à promouvoir ce modèle. Au Danemark, une loi prévoit que les réseaux de chaleur doivent être la propriété de coopératives municipales ou citoyennes. La même règle s’appliquait par le passé à la production d’électricité. Mais avec l’ouverture du marché énergétique en application du droit européen, de nouveaux investisseurs privés ont pénétré le secteur des énergies renouvelables suscitant des protestations de la part des communautés locales. Ces évènements montrent comment l’implication des citoyens peut faciliter l’acceptation des projets au niveau local.</p>
<p>L’exemple danois illustre l’importance de la structure du marché pour les énergies renouvelables. Le récent projet de la Commission européenne <a href="http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4009_fr.htm">« Une énergie propre pour tous les Européens »</a>, qui défend l’idée que les « Les consommateurs seront des acteurs dynamiques et centraux sur les futurs marchés de l’énergie », tient compte de ces réflexions.</p>
<h2>La déclaration de Fukushima</h2>
<p>Pour la déclaration finale de la Conférence de Fukushima – <a href="http://www.wcpc2016.jp/en/about/declaration">« For the future of the earth »</a> – l’énergie citoyenne doit devenir le modèle incontournable « de la production mondiale de l’énergie renouvelable du futur ».</p>
<p>Pour atteindre cet objectif, les participants de la Conférence se sont engagés à promouvoir et échanger leurs bonnes pratiques ainsi qu’à travailler avec les collectivités locales sur des schémas directeurs pour les énergies renouvelables et avec les institutions nationales et internationales pour en permettre le développement dans de bonnes conditions. Ils se sont également engagés à promouvoir l’énergie citoyenne dans les pays en développement à travers le transfert de connaissance.</p>
<p>Cette déclaration constitue avant tout un instrument de <em>« soft power »</em> (« droit mou ») puisqu’elle ne comporte aucune dimension contraignante. Elle montre cependant une manière intéressante d’associer citoyens et politiques dans la lutte contre le changement climatique. Les efforts entrepris par ces initiatives citoyennes ne sont pas seulement cruciaux pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (qui vise à maintenir la hausse globale des températures sous la barre des 2 °C), ils rendent aussi les structures de gouvernance plus démocratiques.</p>
<p>Les réformes promouvant la <a href="http://www.localpower.org/documents/report_worldsurvey06.pdf">décentralisation énergétique</a> dans de nombreux pays vont dans ce sens. Dès 2010, des agences internationales de développement ont montré comment la décentralisation énergétique pouvait contribuer à la poursuite des <a href="http://www.un.org/fr/millenniumgoals/">objectifs du Millenaire pour le développement.</a></p>
<p>En organisant la gouvernance énergétique au niveau local, le contrôle des ressources s’opère plus près des citoyens. Ce changement donne aux collectivités locales la possibilité d’innover et de lancer d’ambitieux programmes énergétiques sans que cela soit le fait uniquement des communautés ou villes les plus riches.</p>
<p>La Conférence de Fukushima a jeté les bases d’une organisation des mouvements d’énergie citoyenne ; les années à venir seront déterminantes pour démontrer ses effets d’échelle et son universalisme. La prochaine conférence aura lieu au Mali, en Afrique, un continent où le développement socio-économique et la sécurité énergétique sont tout aussi importants que les défis de la lutte globale contre le changement climatique.</p>
<hr>
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<p><em>Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site du <a href="https://www.axa-research.org">Axa Research Fund</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70504/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Magali Dreyfus est actuellement professeur invité au GRIPS (National Graduate Institute for Policy Studies) à Tokyo (Japon). Dans le cadre de ses travaux sur les villes et le changements climatique, Magali Dreyfus a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche. </span></em></p>Plus rapides que la communauté internationale, les villes et les communautés locales se positionnent en première ligne dans la lutte contre le changement climatique.Magali Dreyfus, Research Fellow, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.