tag:theconversation.com,2011:/us/topics/demographie-20955/articlesdémographie – The Conversation2024-01-25T14:51:43Ztag:theconversation.com,2011:article/2216672024-01-25T14:51:43Z2024-01-25T14:51:43Z« Réarmement démographique » ou comment rater la cible (de communication) ?<p>« Permettre un réarmement démographique » : l’expression employée par le président Emmanuel Macron pour décrire son plan de relance de la natalité et de lutte contre <a href="https://theconversation.com/oui-messieurs-la-fertilite-masculine-decline-aussi-avec-lage-191911">l’infertilité</a> a suscité de vives réactions. Il ne s’agit pas ici de juger la pertinence de ce plan annoncé lors de sa conférence de presse du <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ySrRVE3m_SU">16 janvier 2024</a>. Notre objectif est d’analyser ce que cette formule révèle de la difficulté de décideurs, gouvernementaux notamment, à comprendre la psychologie des comportements (et changements comportementaux). Sans cette compréhension, ils s’avèrent incapables de déterminer quelles conditions et caractéristiques doivent être respectées pour qu’une communication à visée persuasive soit efficace.</p>
<p>Ce travers s’était déjà exprimé lors de la pandémie de Covid-19 avec de multiples déclarations et <a href="https://theconversation.com/les-lecons-des-sciences-comportementales-pour-assurer-un-confinement-efficace-134831">mesures incitatives</a> ou coercitives aux résultats à l’efficacité nuancée (avec des dommages collatéraux parfois conséquents, comme une <a href="https://theconversation.com/appeler-a-la-peur-pour-proteger-la-population-et-obtenir-leffet-inverse-133946">montée importante de l’anxiété</a> pouvant aller <a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19098/pandemie-2020">jusqu’à des symptômes</a> rappelant des <a href="https://datacovid.org/lefficacite-mitigee-des-appels-a-la-peur-dans-les-communications-du-covid19/">états de stress post-traumatique</a>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence d’Emmanuel Macron, mardi 16 janvier 2024.</span></figcaption>
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<p>La phrase d’Emmanuel Macron au sujet du « réarmement démographique » pour permettre « une France plus forte » « par la relance de la natalité » a pu être perçue comme réactionnaire. Elle a provoqué la colère de nombreuses personnalités politiques, notamment à la gauche de l’échiquier politique, mais aussi plus largement de diverses associations féministes ou concernées par les <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/rearmement-demographique-tolle-des-feministes-apres-les-propos-d-emmanuel-macron-20240117">droits des femmes et des familles</a>. Ce parti pris de formulation a occulté certaines mesures qui auraient pu être accueillies plus favorablement (par exemple, le plan de lutte contre l’infertilité attendu par <a href="https://www.midilibre.fr/2024/01/17/le-plan-de-lutte-contre-linfertilite-existe-maintenant-il-faut-le-mettre-en-oeuvre-estime-le-pr-samir-hamamah-11701559.php">certains spécialistes de la reproduction</a>) et a amoindri l’effet d’une perspective qui aurait pu avoir une connotation positive (la vie au travers de naissances à venir).</p>
<h2>Une rhétorique guerrière anxiogène</h2>
<p>Indépendamment d’un jugement sur le fond, la terminologie adoptée explique en partie ces réactions et marques de résistance. Tout d’abord, du fait de la rhétorique guerrière. L’historienne <a href="https://www.huffingtonpost.fr/life/article/parler-de-rearmement-demographique-est-extremement-inquietant-selon-cette-historienne_228477.html">Marine Rouch</a> a ainsi repéré « une sémantique ‘viriliste et guerrière’ qui n’a rien d’anodin ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747527169121648875"}"></div></p>
<p><em>Le caractère guerrier de la métaphore a suscité de nombreuses réactions</em></p>
<p>Déjà mobilisé lors du Covid, ce lexique guerrier, par ses références en France à la <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/radiographies-du-coronavirus/quand-crise-sanitaire-rime-avec-rhetorique-guerriere-5878741">première et à la Seconde Guerre mondiale</a>, avait alors frappé les esprits (« Nous sommes en guerre » avait martelé Emmanuel Macron). Implicitement et symboliquement également, l’idée de réarmement fait référence à la guerre et peut se révéler anxiogène, a fortiori dans le contexte actuel où guerres et conflits armés réactivent, partout dans le monde, et en particulier sur le continent européen, des <a href="https://www.lexpress.fr/societe/stress-angoisses-les-repercussions-de-la-guerre-en-ukraine-sur-la-sante-mentale-des-francais_2169594.html">angoisses qu’on croyait oubliées</a>.</p>
<p>Ce choix est dommageable, car une rhétorique guerrière entraîne un imaginaire anxiogène. Or, lorsque les individus ont peur, leur réponse inconsciente est souvent un <a href="https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2005-1-page-97.htm">mécanisme de défense psychologique d’évitement ou de déni</a>. Autrement dit, une réaction défensive destinée à diminuer l’inconfort psychologique ressenti, mais qui est à l’opposé de celle recherchée. En effet, faire face à une situation stressante nécessite de développer des efforts, cognitifs en particulier, et une stratégie dite d’adaptation. L’individu stressé peut préférer ne pas voir la réalité, la déformer ou encore discréditer la source de l’information <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/32044643/coping_as_a_mediator_of_emotion-libre.pdf">pour se protéger psychologiquement</a>. Ces réactions compromettent bien sûr l’efficacité persuasive.</p>
<h2>Un discours infantilisant et moralisateur</h2>
<p>Le message a aussi été perçu comme infantilisant. En filigrane, certaines et certains y ont entendu que les femmes ne seraient pas suffisamment matures pour décider par elles-mêmes de décisions relatives à la natalité. <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/rearmement-demographique-les-propos-demmanuel-macron-suscitent-la-colere-des-feministes-27efe6ce-b5ec-11ee-be97-0ca6f5a426b0">Cela a pu être vu comme</a> une « tentative de contrôler le corps des femmes », une volonté de « mettre les ventres des femmes au service de l’État ». <a href="https://rmc.bfmtv.com/actualites/societe/laissez-nos-uterus-en-paix-tolle-des-feministes-sur-le-rearmement-demographique_AD-202401170680.html">« Laissez nos utérus en paix ! »</a> a lancé de son côté la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.</p>
<p>Ce message était instillé par ailleurs dans une communication descendante, dont le caractère directif, voire autoritaire, apparait dans la qualification « d’injonctions natalistes » <a href="https://www.bfmtv.com/societe/les-propos-de-macron-sur-le-rearmement-demographique-font-un-tolle-a-gauche-et-chez-des-associations-feministes_AD-202401170648.html">utilisée de nombreuses fois à son propos</a>. De ce fait, le message, a priori incitatif, avait tout pour engendrer de la <a href="https://www.cairn.info/marketing-social-et-nudge--9782376875482-page-75.htm">réactance (mécanisme de défense psychologique)</a> en raison d’une liberté qui pouvait sembler menacée. Ainsi, la députée écologiste Sandrine Rousseau a <a href="https://www.leparisien.fr/politique/macron-sur-la-natalite-les-uterus-des-femmes-ne-sont-pas-une-affaire-detat-fustige-rousseau-18-01-2024-WQI2PVOP5RASJGTJ6OD42PM5XA.php">réagi</a> :</p>
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<p>« Chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou de ne pas en faire » et</p>
<p>« Les femmes font absolument ce qu’elles veulent de leur corps ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, le discours émanait d’un représentant des pouvoirs publics envers lesquels la méfiance des Français est grandissante. <a href="https://cdn.reseau-canope.fr/archivage/valid/N-2305-11464.pdf">Cette absence de confiance envers l’émetteur</a> ne pouvait que renforcer la résistance par une diminution de la crédibilité perçue de la source du message.</p>
<h2>Le délicat recours aux normes sociales</h2>
<p>De même, une composante morale transparaît de ce discours incitatif. Délibérément ou involontairement convoquée, la responsabilité individuelle est ainsi associée à un devoir de reproduction de chaque Français(e). Ce « bon » comportement apparaît de façon plus ou moins explicite comme la clé pour revendiquer un statut de « bon » ou « bonne » citoyen(ne). Or, la stimulation d’un devoir de conformité à des normes sociales est indissociable de la responsabilité morale individuelle. Une communication incitative en faveur de la natalité cherche donc à amener les récepteurs et réceptrices à se conformer à ce qui est présenté comme la norme du groupe, de la communauté. Les cibles ressentent de ce fait une pression sociale. L’individu exposé à cette forme d’influence sociale cherchera donc <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/002200275800200106">à se soumettre</a> pour obtenir l’approbation sociale ou éviter la désapprobation sociale.</p>
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<p>Toutefois, le recours explicite ou implicite aux normes sociales exige d’être utilisé avec précaution. D’une part, certaines cibles ayant déjà internalisé une norme morale conforme à leurs valeurs, comme celle de faire des enfants, risquent finalement d’être rebutées par la volonté de persuasion – <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/45767255/Enhancing_or_Disrupting_Guilt_The_Role_o20160519-4175-57fjrw-libre.pdf">notamment si cette dernière est perçue comme manipulatrice</a>. Elles peuvent aussi ressentir une menace sur leur liberté individuelle et <a href="https://www.cairn.info/marketing-social-et-nudge--9782376875482-page-75.htm">développer de la réactance situationnelle</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-prefere-se-passer-des-journalistes-des-quil-le-peut-221367">« Emmanuel Macron préfère se passer des journalistes dès qu’il le peut »</a>
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<p>De surcroît, en appeler à la responsabilité individuelle peut entrer en conflit avec la perception d’une nature infantilisante du message délivré. Il est en effet paradoxal de demander aux cibles de se conduire en adultes responsables et « en même temps » de leur délivrer un message perçu comme infantilisant. « nouveau, la contradiction dans les intentions perçues réduit la persuasion recherchée.</p>
<p>En outre, il existe <a href="https://d1wqtxts1xzle7.cloudfront.net/47395178/Recycling_the_Concept_of_Norms_to_Reduce_Littering_in_Public_Places-libre.pdf">deux types de normes</a>. D’une part, les normes injonctives – fondées sur la perspective de récompenses ou sanctions sociales. D’autre part, les normes descriptives – qui résultent de ce que font les membres de la communauté et de ce qui est considéré comme le comportement « normal ». Ce second type de norme se base fortement sur l’exemple. Or sur ce point, Emmanuel Macron est dans l’impossibilité de se présenter comme <a href="https://theconversation.com/devoir-dexemplarite-detricoter-les-cols-roules-des-politiques-192891">l’exemple à suivre</a>. Cela affaiblit l’effet de norme descriptive et peut sembler paradoxal, comme n’a pas manqué de le noter le collectif féministe <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/rearmement-demographique-les-propos-demmanuel-macron-suscitent-la-colere-des-feministes-27efe6ce-b5ec-11ee-be97-0ca6f5a426b0">Nous Toutes</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Un homme cisgenre de 46 ans sans enfants qui vient nous donner des leçons sur la façon dont on doit utiliser nos utérus… »</p>
</blockquote>
<p>De plus, la mobilisation de normes sociales ou morales risque d’activer des émotions négatives chez celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas les suivre : culpabilité et honte notamment. Il est alors question de réponses affectives de valence négative, susceptibles de déclencher elles aussi des comportements de défense, d’évitement, de déni, voire le fameux effet « boomerang » consistant à <a href="https://books.google.fr/books/about/Communication_and_Persuasion.html?id=j_FoAAAAIAAJ">prendre le contre-pied</a> exact de ce qui est préconisé.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1747945785809932547"}"></div></p>
<h2>La confiance, pierre angulaire de la persuasion ?</h2>
<p>En conséquence, et comme le précise la philosophe Cristina <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-06579-000">Bicchieri</a>, pour espérer convaincre en recourant à toutes ces mécaniques d’influence sociale, il ne faut rien négliger. En particulier, Bicchieri pointe la nécessité de :</p>
<blockquote>
<p>« prévoir comment les gens vont interpréter un contexte donné, quels indices ressortiront comme saillants et comment des indices particuliers sont liés à certaines normes ».</p>
</blockquote>
<p>Comme le souligne le chercheur en philosophie de la santé, <a href="https://theconversation.com/les-francais-es-face-a-leur-responsabilite-133726">David Simard</a>, les Français ont un rapport complexe et ambigu à l’autorité et à l’État. De tendance facilement contestataire, ils valorisent la liberté individuelle mais en oublient parfois son corollaire, la responsabilité individuelle. De même, ils ne supportent pas les injonctions mais reprochent facilement à l’État de ne pas définir et/ou de <a href="https://theconversation.com/debat-quand-le-libre-choix-cache-la-societe-disciplinaire-que-denoncait-michel-foucault-138089">ne pas faire respecter des règles</a>. Cela rend l’exercice de la communication incitative encore plus compliqué, surtout à une époque où la confiance dans les élites, dans les médias, dans la Science, dans les politiques semble sérieusement altérée.</p>
<p>Or, en matière de communication liée à la santé (natalité et infertilité s’y rattachent), les chercheurs en psychologie sociale <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21613380">Gabriele Prati</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21957983/">Luca Pietrantoni et Bruna Zani</a> ont montré que cette <a href="https://theconversation.com/politique-une-histoire-de-confiance-186487">confiance</a> représente une clé essentielle de l’efficacité persuasive.</p>
<p>Pour espérer persuader les Français de faire plus d’enfants, il faudrait donc avant toute chose faire (re)naître la confiance… Cela semble passer tout d’abord par une meilleure maîtrise de la psychologie comportementale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221667/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les recherches en communication apportent un éclairage critique sur la rhétorique du « réarmement démographique » utilisée par Emmanuel Macron.Marie-Laure Gavard-Perret, Professeure des universités en gestion, Grenoble IAE, laboratoire CERAG, spécialiste du marketing social et de la communication persuasive et préventive. Co-responsable de la chaire de recherche Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE., Grenoble IAE Graduate School of ManagementMarie-Claire Wilhelm, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, CERAG, co-responsable de la Chaire Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165612023-10-30T19:07:41Z2023-10-30T19:07:41ZSuisse et Pologne : des enjeux électoraux parfois proches mais des votes contrastés<p>Lors des élections fédérales du 22 octobre, les <a href="https://theconversation.com/topics/suisse-28580">Suisses</a> ont <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/suisse-la-droite-populiste-remporte-les-elections-legislatives-loin-devant-les-socialistes_6139815.html">renforcé</a> une majorité sortante populiste, au détriment des écologistes. L’enjeu phare du scrutin, cette fois, n’a pas été l’environnement, mais l’immigration. Elle avait aussi été l’un des thèmes principaux des législatives <a href="https://theconversation.com/topics/pologne-32416">polonaises</a> qui, une semaine plus tôt, ont donné une large et surprenante <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/18/le-message-le-plus-important-des-elections-legislatives-en-pologne-est-que-la-montee-du-populisme-de-droite-et-anti-europeen-peut-etre-stoppee_6195224_3232.html">avance</a> à la coalition centriste pro-européenne sur le parti conservateur populiste au pouvoir depuis 2015.</p>
<p>La Suisse n’est certes pas la Pologne, plus de quatre fois moins peuplée avec près de 9 millions d’habitants contre près de 38 millions en Pologne. C’est une économie avancée, très attachée à sa neutralité géopolitique, membre de l’Association européenne de libre-échange, mais pas de l’Union européenne qu’elle ne souhaite pas intégrer. La Pologne, elle, considérée comme la plus grande économie émergente de l’Union européenne par le Fonds monétaire international ; est un membre très engagé de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord.</p>
<h2>Composer avec une démographie déclinante</h2>
<p>La Pologne et la Suisse ont cependant des traits communs, à commencer par une démographie déclinante. Leur taux de fécondité est similaire : respectivement 1,46 et 1,50 enfant par femme en 2021 selon les Nations unies. Cela se traduit, en Pologne, par un taux de croissance annuel moyen de la population négatif entre 2011 et 2021 (-0,08 % par an, contre +0,31 % en Europe et +1,12 % dans le monde).</p>
<p>Tandis qu’en Suisse, sur la même période, ce taux a crû de <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/?country=Suisse">+0,95 %</a> grâce à un flux constant d’immigration depuis plusieurs décennies, mais qui suscite désormais des <a href="https://www.rts.ch/info/suisse/14156289-une-suisse-a-dix-millions-dhabitants-ca-change-quoi-pour-vous.html">inquiétudes</a>. Selon l’Office fédéral de la statistique suisse, la part des résidents étrangers dans la population totale est passée de 14 % en 1980 à 26 % en 2022. 82 % d’entre eux sont issus d’Europe, d’abord d’Italie et d’Allemagne (14 % dans les deux cas), puis du Portugal (11 %).</p>
<p>De son côté, la Pologne, jadis pays d’émigration qui a alimenté les marchés du travail américain et européen, ne recourt que depuis peu à l’immigration – de façon <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2023/06/26/en-pologne-une-reforme-de-la-politique-dimmigration-en-cours/">sélective</a> – pour pallier son déclin démographique. Selon Eurostat, elle est devenue le pays de l’Union européenne qui délivre le plus de permis de résidence aux étrangers (Biélorusses, Russes et Turcs en tête) : 970 000 permis en 2021, soit plus d’un tiers du total accordé par l’ensemble des 27. En 2022, le pays a accueilli plus de 1,3 million d’Ukrainiens, en majorité des femmes et des enfants fuyant la guerre déclenchée par la Russie.</p>
<h2>Le pouvoir d’achat, l’autre enjeu majeur</h2>
<p>L’économie polonaise, étroitement liée aux <a href="https://theconversation.com/pologne-le-ralentissement-economique-se-traduira-t-il-dans-les-urnes-215613">chaînes de valeur allemandes</a>, est plus touchée par la récession chez sa grande voisine de l’Ouest (-0,5 % prévue en 2023) que la Confédération helvétique. Il faut dire que l’Europe, et l’Allemagne en particulier, compte moins pour la Suisse que pour la Pologne (graphique 1) : respectivement 46 % et 15 % en 2021 des exportations suisses y sont destinées, contre 83 % et 28 % de celles de la Pologne. Le FMI <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/October/">prévoit</a> une croissance du PIB en 2023 de 0,6 % en Pologne et 0,9 % en Suisse (respectivement 5,1 % et 2,7 % en 2022).</p>
<p><iframe id="OTKIx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OTKIx/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Toutefois, l’inflation, qui pèse sur le pouvoir d’achat, a plus augmenté en Suisse d’où elle part, il est vrai, de très bas : elle y a quasiment quintuplé (2,8 % en 2022 contre 0,6 en 2021) tandis qu’elle triplait en Pologne (14,4 % en 2022 contre 5,1 en 2021). À côté de l’immigration, le prix croissant des assurances maladie, toutes privées dans la Confédération helvétique, est ainsi <a href="https://www.bloomberg.com/news/newsletters/2023-10-20/swiss-election-health-care-costs-driving-voters?cmpid=BBD102023_prognosis&utm_medium=email&utm_source=newsletter&utm_term=231020&utm_campaign=prognosis">devenu</a> l’un des principaux thèmes de la dernière campagne électorale.</p>
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<p>La Suisse n’en reste pas moins l’un des pays avancés les plus riches au monde. Son PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat a certes connu une baisse relative depuis 1960 (il était alors 6,5 fois supérieur à la moyenne mondiale). Il n’en dépasse pas moins, aujourd’hui encore, celui des États-Unis et se situe largement au-dessus de la moyenne européenne (graphique 2).</p>
<p><iframe id="P6vcn" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/P6vcn/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le maintien du haut revenu helvétique tient notamment à la spécialisation très dynamique du pays dans le commerce international (graphique 3). Celle-ci est marquée par un engagement fort dans les produits chimiques et électroniques. La Suisse y dégage des excédents croissants, surtout grâce à ses exportations de <a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">produits de santé</a> : de produits pharmaceutiques d’abord, et, en amont, de produits de la chimie organique, ainsi que d’équipements de technologie médicale.</p>
<p><iframe id="hGa0y" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hGa0y/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autant d’observations qui attestent que les réalités économiques, en Europe comme ailleurs, ne priment pas toujours dans les choix électoraux.</p>
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<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie suisse, voir les pages interactives <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216561/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deniz Unal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré des enjeux démographiques similaires, les récents scrutins suisses et polonais n’ont pas porté au pouvoir des majorités ayant les mêmes points de vue sur l’immigration.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129222023-09-24T15:32:40Z2023-09-24T15:32:40ZLe pays le plus peuplé du monde peut-il fournir des emplois à sa jeunesse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548687/original/file-20230917-36057-kzuxov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5356%2C3551&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mumbai, août 2017. Les Indiens migrent en grand nombre des campagnes aux villes, et dernièrement des villes aux campagnes, dans l’espoir de trouver un emploi.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/mumbai-india-august-8-2017-falling-1107077855">Emmanuel Nalli/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques mois, l’Inde est officiellement devenue le <a href="https://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/breves/inde-pays-le-plus-peuple">pays le plus peuplé du monde</a>, comptant 1,4 milliard d’habitants. Alors qu’elle a longtemps été considérée comme un pays pauvre, son économie surpasse désormais celle de son ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, et se classe au cinquième rang mondial, tandis que son taux de croissance est <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/inde-le-pib-a-progresse-de-7-2-en-2022-23-20230531">l’un des plus élevés au monde</a>.</p>
<p>Ces indicateurs peuvent faire oublier les fragilités structurelles de l’économie indienne, au premier rang desquelles l’emploi et la pauvreté. <a href="https://pip.worldbank.org/country-profiles/IND">45 % de sa population vit avec moins de 3,65 dollars par jour</a>, et elle ne se place qu’au <a href="https://www.imf.org/external/datamapper/PPPPC@WEO/IND?zoom=IND&highlight=IND">127ᵉ rang mondial en termes de PIB par habitant</a>. Les taux de croissance spectaculaires de l’économie indienne au cours des vingt dernières années n’auront permis qu’une amélioration modeste des conditions de vie d’une vaste majorité d’Indiens. L’emploi est le principal canal de transmission de la croissance économique vers l’amélioration des conditions de vie ; or il est devenu un sujet majeur d’inquiétude.</p>
<h2>Une croissance sans emploi ?</h2>
<p>Une expansion économique qui ne créerait pas d’emplois ne saurait induire du développement humain. Et en Inde, l’élasticité emploi de la croissance, c’est-à-dire la variation en pourcentage du nombre d’emplois pour 1 % de croissance, n’a cessé de baisser depuis les années 1970. Elle était de 0,44 au début des années 2000, ce qui signifie que moins d’un demi-emploi est créé pour chaque point de croissance, et a continuellement décliné depuis, jusqu’à devenir négative en 2014 : la croissance détruisait alors des emplois.</p>
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<p>La croissance était alors qualifiée de « sans emploi » ou <a href="https://www.almendron.com/tribuna/wp-content/uploads/2013/03/Joblessness_Informalization_in_India.pdf">« jobless growth »</a>. Elle s’établit depuis aux alentours de 0,01. Cela signifie qu’un taux de croissance de 7,2 %, (celui enregistré sur l’année fiscale 2022-2023) permettrait de créer <a href="https://www.cmie.com/kommon/bin/sr.php?kall=warticle&dt=20220425122826&msec=57">6 millions d’emplois</a>, tandis que la population active croît de 10 millions d’individus par an, et alors que seuls 4 Indiens sur 10 en âge de travailler cherchent ou ont un emploi.</p>
<p>Cette fin de transition démographique et cet accroissement associé de la population active soulignent l’acuité de la question de l’emploi.</p>
<h2>L’emploi repose avant tout sur le secteur manufacturier</h2>
<p>La piètre capacité de la croissance indienne à créer des emplois trouve son origine d’une part dans le développement bridé du secteur manufacturier, et d’autre part dans l’essor précoce du secteur des services.</p>
<p>Au cours des années 1970, l’introduction conjuguée de deux législations a entravé la croissance des unités de production et leur capacité à bénéficier d’économies d’échelle.</p>
<p>Premièrement, les <a href="https://www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.detail?p_lang=fr&p_isn=5215">amendements de l’« Industrial Disputes Act »</a> en 1976 et 1984, ont introduit des rigidités sur le marché du travail, incitant les entreprises à recourir au travail informel, par ailleurs moins onéreux. Le coût moyen du travail baissant, les industries ont préféré utiliser ce facteur aux dépens du capital. L’intensité capitalistique du secteur était donc relativement faible, de même que la productivité du travail.</p>
<p>D’autre part, une réglementation a été introduite au cours des années 1970 et 1980 pour réserver la production de certains biens à de petites unités, ce qui a entravé l’accroissement de la taille des unités de production.</p>
<p>La conjugaison de ces deux phénomènes – salaires bas et protection des petites unités de production – a découragé le recours au capital et limité la capacité de ces industries à bénéficier d’économies d’échelle. L’emploi dans le secteur manufacturier était alors relativement abondant, mais la productivité du travail y était faible.</p>
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<p>Au moment où, dans les années 1990 et au début des années 2000, l’Inde s’est lancée, en partie sous l’égide du FMI, <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2006-3-page-189.htmInternational">dans l’ouverture et la libéralisation de son économie</a>, les mesures de protection de ces petites industries ont été retirées. Ces dernières se sont alors trouvées confrontées non seulement à la concurrence interne mais également à celle des importations.</p>
<p>Elles ont cherché à accroître leur taille, en privilégiant le recours au capital au détriment du travail. La croissance du secteur manufacturier qui s’en est suivie s’est appuyée sur une hausse de la productivité du travail, tandis que son contenu en emplois a été faible. Ainsi, entre 2011 et 2018, le secteur manufacturier a connu un taux de croissance moyen de 5,8 %, <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.IND.MANF.KD.ZG?end=2019&locations=IN&start=2011">tout en détruisant 3 millions d’emplois</a>. </p>
<h2>Un transfert intersectoriel de la main-d’œuvre trop lent</h2>
<p>La croissance de l’emploi dans le secteur manufacturier est essentielle pour l’amélioration du niveau de vie d’une grande partie de la population indienne, grâce au transfert intersectoriel de main-d’œuvre. Étant donné que 44 % de la population active est employée dans le secteur primaire – qui, par ailleurs, ne contribue qu’à 17 % du PIB – la productivité et donc la rémunération du travail agricoles sont faibles. Cette surabondance de main-d’œuvre peut en partie s’expliquer par le rôle d’assurance que joue le secteur agricole en Inde. L’emploi étant aux deux tiers informel, les travailleurs ne bénéficient d’aucun filet de sécurité, si ce n’est le travail sur la terre.</p>
<p>Ainsi, malgré une baisse tendancielle depuis trente ans de la part de la main-d’œuvre dans l’agriculture, celle-ci a à nouveau augmenté à partir de 2020 et suite aux mesures de confinement liées à l’épidémie de Covid-19. De nombreux Indiens, privés de moyens de subsistance, sont retournés dans leur village pour travailler dans les exploitations agricoles familiales. Un transfert de main-d’œuvre de l’agriculture vers l’industrie permettrait d’augmenter la productivité et donc les revenus agricoles, tandis que les rémunérations dans l’industrie sont en moyenne plus élevées.</p>
<p>De plus, compte tenu du niveau moyen de qualification de la main-d’œuvre indienne, un tiers de la population active n’a pas reçu d’instruction élémentaire. L’emploi manufacturier semble le plus à même d’absorber ces travailleurs. L’amélioration du niveau de vie de près d’un Indien sur deux dépend de ce transfert de main-d’œuvre, et donc de la création d’emplois dans l’industrie, création bien faible sur la période récente.</p>
<h2>La faible contribution du secteur des services</h2>
<p>Le secteur des services aurait également pu permettre la création d’emplois, si sa croissance n’avait pas reposé depuis les années 1980 sur des secteurs de niche extrêmement productifs requérant un niveau élevé de qualifications, tels que les services financiers, de communication ou aux entreprises. La part de ce sous-secteur dans la valeur ajoutée et l’emploi dans les services était, en 1983, respectivement de 9 % et 5 %. En 2012, il représentait 30 % de la valeur ajoutée dans les services mais n’employait que 10 % de la main-d’œuvre du secteur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1701131135097733325"}"></div></p>
<p>L’expansion du secteur n’a pas conduit à une création massive d’emplois. Dans de nombreux pays comparables, les parts du secteur des services dans le PIB total et dans l’emploi sont équivalentes. En Inde, le secteur des services contribue aujourd’hui à 48 % de la création de valeur ajoutée, mais <a href="https://data.worldbank.org/indicator/NV.SRV.TOTL.ZS?locations=IN">n’emploie que 31 % de la main-d’œuvre</a>.</p>
<p>Non seulement la source de la croissance dans les services ne permet pas une création massive d’emplois, mais encore ces emplois requièrent un niveau élevé de qualification, que peu de travailleurs indiens possèdent. Nous l’avons dit : 78 % de la population active <a href="https://data.oecd.org/eduatt/adult-education-level.htm">n’a pas dépassé le niveau secondaire</a>.</p>
<h2>L’emploi : l’enjeu central de l’avenir économique de l’Inde</h2>
<p>La création d’emplois dans l’industrie est un enjeu crucial pour l’économie indienne afin d’absorber les nombreux nouveaux entrants sur le marché du travail, de permettre le transfert de la main-d’œuvre de l’agriculture vers d’autres secteurs et donc l’amélioration des conditions de vie, et de rendre la croissance soutenable en favorisant la demande intérieure, l’économie indienne étant peu tournée, pour l’instant, vers les exportations.</p>
<p>L’importance du développement du secteur manufacturier a été reconnue par le gouvernement au travers de la mise en place de plans visant à stimuler cette industrie tels que <a href="https://www.makeinindia.com/">« Make in India »</a> ou encore le volet industriel du programme <a href="https://www.investindia.gov.in/fr-fr/atmanirbhar-bharat-abhiyaan">« Atmanirbhar Bharat »</a> ou Inde autonome, ainsi que l’assouplissement du droit du travail.</p>
<p>Entre 2020 et 2022, le secteur manufacturier a, à nouveau créé huit millions de nouveaux emplois. Bien que ces chiffres soient encourageants, ils ne sont, pour l’instant, pas à la mesure du défi, compte tenu de l’entrée massive d’actifs sur le marché du travail. L’emploi est un enjeu central de l’expansion économique et de la stabilité politique de l’Inde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212922/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Bros ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Inde connaît une rapide croissance économique, mais peine à créer des emplois en nombre suffisant pour les millions de jeunes actifs qui arrivent chaque année sur le marché du travail.Catherine Bros, Professeur des universités en économie, Université de Tours - LEO, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087972023-09-10T14:55:21Z2023-09-10T14:55:21ZEn matière de goûts cinématographiques, Paris et la province ne jouent pas dans la même salle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547273/original/file-20230908-27-fr2p37.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1987%2C1133&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Que Paris existe, et qu'on puisse choisir de vivre ailleurs sera toujours un mystère pour moi. »
(Woody Allen, _Midnight in Paris_, 2011).</span> <span class="attribution"><span class="source">Allociné</span></span></figcaption></figure><p>On ne regarde pas les mêmes films à Paris que dans le reste de la France.</p>
<p>Il y a quelques mois, des journalistes de France Inter s’étonnaient des <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite/en-toute-subjectivite-du-jeudi-06-avril-2023-4610037">« films qui cartonnent hors de Paris mais dont les médias ne parlent pas »</a>, rebondissant sur le constat de leurs confrères et consœurs du <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/bac-nord-dun-cote-les-bodins-de-lautre-a-paris-ou-en-province-on-naime-pas-les-memes-films-19-03-2022-ZL3T7JDQRNCGRJHMCBW7UT4DWY.php"><em>Parisien</em></a> ou du <a href="https://www.lepoint.fr/cinema/cinema-les-bodin-s-un-carton-qui-ne-passe-pas-par-la-capitale-01-12-2021-2454613_35.php#11"><em>Point</em></a>, questionnant ces films à succès « qui ne passent pas à la capitale ».</p>
<p>Parmi les stéréotypes habituels gravitant autour de la vie à Paris, on évoque souvent l’argument économique : les salaires plus élevés à Paris qu’en Province (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4479260">à Paris, le revenu des ménages les plus aisés est le plus élevé de France métropolitaine</a>) ; l’argument démographique : Paris ville la plus peuplée de France (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4171583">l’agglomération parisienne représentant 1/6 de la population française</a>) ou encore l’argument (souvent désuet-fantasmé) des intellectuels à Paris (<a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/12/21/heureux-comme-un-intellectuel-americain-a-paris_6064048_4500055.html">« le prestige intellectuel parisien »</a>). Les données chiffrées sont parfois interprétées dans le sens que l’on veut bien leur donner, à tort ou à raison, et il s’est installé dans l’imaginaire collectif cette fracture entre Paris et le reste de la France, ou encore comme certains aiment l’appeler, « la Province ».</p>
<h2>Paris et la Province face à leurs différences culturelles</h2>
<p>Dans les faits, il existe bel et bien une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-crise-qui-vient-laurent-davezies/9782021086454">fracture territoriale entre régions, départements et villes, qui tend à se creuser</a>. La concentration de l’emploi dans les aires métropolitaines depuis des décennies, la succession de crises financières, de crises du logement et des politiques publiques valorisant les grands centres urbains au détriment des milieux ruraux <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">sont bien souvent tenus comme responsables de cette fracture</a>. Le sentiment « d’être les oubliés », voir un sentiment de <a href="https://www.ladepeche.fr/2022/04/20/richard-ferrand-il-ny-a-pas-de-territoires-oublies-10246859.php">« mépris pour la « France d’en bas »</a>, <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-france-des-territoires-defis-et-promesses/">s’est développé dans les territoires</a>, et cette scission est encore plus marquée quand il est question de mener des comparaisons entre Paris et Province.</p>
<p>Cette fracture s’appuie sur des faits : par exemple, depuis la fin des années 90, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283880">part des emplois « qualifiés » (c’est-à-dire cadres et professions intellectuelles supérieures) a doublé à Paris</a>, et en <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3196776">2014, 34,7 % des postes étaient des emplois qualifiés, contre 14,2 % en province</a>. L’exode des cerveaux vers la capitale se poursuit rapidement et sûrement ; et on constate d’ailleurs que dans bien des études menées sur le territoire métropolitain (Elabe, Insee), on segmente les réponses : Paris/région parisienne vs reste de la France.</p>
<p>Les modes de consommation alimentaire n’y échappent pas (<a href="https://investir.lesechos.fr/budget/vie-pratique/ou-consomme-t-on-le-plus-de-produits-bio-en-france-1927360#:%7E:text=Paris%20en%20t%C3%AAte%20du%20classement,Maritimes%20(5%2C6%25)">c’est à Paris que les produits bio ont la plus grande part de marché</a>, mais plus surprenantes encore sont les préférences en matière cinématographique. A quoi sont-elles dues ?</p>
<h2>Qu’est ce qu’on a fait aux Parisiens ?</h2>
<p>À y regarder de plus près, à Paris, les comédies françaises sont communément boudées au profit d’autres genres cinématographiques : les films d’auteur, les polars, les thrillers, ou au profit de productions étrangères : les productions type blockbuster, ou les œuvres étrangères diffusées en version originale (VO).</p>
<p>À titre d’exemples extrêmement parlants, la comédie en trois volets <em>Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu</em> (2014) de Philippe de Chauveron a réalisé plus de 80 % de ces entrées en « régions » (le nom subtil donné à la Province) et la tétralogie de <em>Les Tuche</em> d’Olivier Baroux plus de 90 % pour le second opus.</p>
<p>Et les chiffres sont encore plus vertigineux quand on parle de la saga « Les Bodins » de Frédéric Forestier (<em>Les Bodin’s en Thaïlande</em>, 2021), diffusés dans <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/les-bodins-ne-passe-meme-pas-sur-les-champs-elysees-paris-snobe-t-il-le-film-qui-cartonne-en-province-27-11-2021-FDMNZSCERBEIFK7SNUDPCYOFDY.php">seulement deux salles parisienne</a>, ou encore <a href="https://jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19635&view=2"><em>Les Municipaux</em></a>, des comédies grand public qui enregistrent moins de 2 % des entrées à Paris.</p>
<p>En guise de contre-exemple, le thriller <em>Boîte Noire</em> (2021) de Yann Gozlan avec Pierre Niney a réalisé près d’un <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20696">tiers de ses entrées à Paris</a>. Les deux œuvres oscarisées danoise et coréenne, <em>Drunk</em> (2020) de Thomas Vinterberg et <em>Parasite</em> (2019) de Bong Joon Ho, initialement diffusées dans les salles en VO à leur sortie, ont respectivement enregistré <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=20748">35 %</a> et <a href="https://www.jpbox-office.com/fichfilm.php?id=19435">42 %</a> de leurs entrées en France dans des salles parisiennes.</p>
<h2>Comprendre la fracture cinématographique, une mission impossible ?</h2>
<p>Difficile de trouver une explication qui éluciderait ces différences de goûts cinématographiques entre la capitale et le reste de la France. Néanmoins, plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender ces disparités.</p>
<p>Un premier facteur serait lié aux modes de consommation de l’activité cinéma. <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1389917/Le+public+du+cin%C3%A9ma+en+2020.pdf/a6ca1f24-d2f0-8340-4b62-322be9f14347?t=1633512274915">Le cinéma est une pratique collective</a>, souvent familiale. Par ailleurs, les comédies grand public/comédies familiales françaises sont le type d’œuvre « cible » des entrées en salle en régions. Si nous corrélons cela avec des données démographiques, nous notons que Paris représente le taux le plus faible de ménages comprenant un couple avec enfant(s), <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2011101?geo=COM-75056#chiffre-cle-2">16,6 % en 2020</a> contre <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039855?sommaire=5040030#tableau-figure3_radio2">34 % pour les chiffres nationaux</a>, donc très peu de familles.</p>
<p>Une autre clé de lecture de cet écart en termes de goûts cinématographiques peut être celle de la <a href="https://www.cairn.info/la-methodologie-de-pierre-bourdieu-en-action--9782100703845-page-79.htm">perspective sociologique de la distinction</a> de <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">Bourdieu (1979)</a>, une référence en sociologie appliquée à la culture. Ce <a href="https://www.cairn.info/sociologie-du-cinema--9782707144454.htm">point de vue montre</a> « une homologie entre caractéristiques des films (esthétiques, économiques, symboliques) et les caractéristiques sociales des publics (en termes notamment de capital culturel et de genre) », soit une stratification sociale des goûts en matière cinématographique.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=533&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547278/original/file-20230908-17-7uyds2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=670&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : Insee, 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2023, le <a href="https://www.bfmtv.com/people/cinema/on-a-fait-un-peu-le-deuil-de-paris-pourquoi-les-comedies-francaises-font-plus-rire-en-regions_AV-202304290120.html">réalisateur Philippe Guillard</a> (<em>Pour l’honneur</em> (2023), <em>Papi Sitter</em> (2020)) expliquait qu’il était compréhensible que les films type « comédies grand public » ne fonctionnent pas à Paris « puisqu’ils utilisent des codes que seuls les gens de province comprennent ». Paris converge de plus en plus vers un modèle commercial et culturel qui trahit les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/livres/jerome-fourquet-et-jean-laurent-cassely-laureats-du-prix-du-livre-deconomie-2021-1372880">goûts et les préférences de ces classes</a> : les <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Distinction-1954-1-1-0-1.html">goûts dépendent de la classe sociale</a> et des <a href="https://www.cairn.info/revue-sociologie-2017-4-page-369.htm">pratiques associées</a>. Une large portion des emplois qualifiés et des professions intellectuelles supérieures vivent à Paris, et les CSP+ vont deux fois plus au cinéma que les autres CSP : le syllogisme est rapide.</p>
<h2>Lost in Frenchlation</h2>
<p>Concernant la part de visionnage des œuvres étrangères diffusées en version originale – plus importante dans la capitale qu’en Province – plusieurs explications se côtoient. Dans un article de [<em>Télérama</em>](https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889#:~:text=Parmi%20ses%20plusieurs%20dizaines%20de,le%20Path%C3%A9%20Wepler%20(18%C3%A8me), le délégué général de l’AFCAE (Association française des cinémas d’art et d’essai) et responsable programmation des plus gros cinémas indépendants de la ville de Paris expliquait l’importance de tenir des « standards parisiens » comme le fait de proposer les films en VO – en 2016, <a href="https://vodkaster.telerama.fr/actu-cine/la-v-o-v-f-cine-un-truc-de-parisiens-de-riches-de-snobs/1275889">61 % des multiplexes VO se situaient à Paris et périphérie parisienne</a> – qui permet selon lui de maintenir une « forme d’élitisme et de noblesse vis-à-vis des spectateurs locaux ».</p>
<p>Par ailleurs les goûts cinématographiques se forgent par l’éducation à l’image, notamment des jeunes publics. Malgré le <a href="https://www.cnc.fr/cinema/education-a-l-image">dispositif national du CNC</a>, des disparités se maintiennent au niveau social et géographique, et l’offre cinématographique est fortement territorialisée : la région parisienne se caractérise par une forte concentration des écrans induisant une diffusion plus large que dans le reste du pays (<a href="https://www.cairn.info/revue-culture-etudes-2022-3-page-1.htm">1 200 écrans pour la région Île-de-France sur les 6 300 écrans en métropole</a>), et le nombre moyen d’entrées en salles des spectateurs de l’agglomération parisienne est <a href="https://www.cnc.fr/documents/36995/1617915/Le+public+du+cin %C3 %A9ma+en+2021.pdf/2ea9dbee-4d5b-0a53-08a4-d761db46d860?t=1663767518046">deux fois plus élevé que dans les zones rurales</a>.</p>
<p>Cela facilite par ailleurs grandement l’accessibilité physique – au sens géographique – des Parisiens aux salles de cinéma quand il est question pour d’autres de prendre la voiture, les <a href="https://books.openedition.org/pufr/644?lang=fr">cinémas ayant été progressivement poussés hors des centres-villes depuis près d’un siècle</a>.</p>
<p>Cette éducation au cinéma se présente comme une approche compréhensive des diverses œuvres audiovisuelles ; on « apprend » à apprécier les différents genres cinématographiques, et pas seulement le cinéma populaire, plus accessible, comme on apprend à apprécier la musique classique ou les sorties du dimanche dans les musées parallèlement à d’autres loisirs.</p>
<p>Cette scission en matière de goûts cinématographiques entre Paris et la Province, plus qu’une fracture territoriale, représente bien une fracture sociale ; et bien souvent, les représentations présentes dans les œuvres coïncident aux codes de lecture dont seuls les publics correspondants disposent. Néanmoins, les explications de cette scission sont multiples et additionnelles et il est nécessaire de s’éloigner des questions de distinction de classes et de l’opinion publique (« Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ») car cette fracture est le fruit de données croisées entre capitaux économiques et capitaux culturels qui la façonnent.</p>
<p>Il ne s’agit pas ici de postuler que la seule <a href="https://www.cairn.info/La-culture-des-individus%20--%209782707149282-page-94.htm">culture légitime serait celle que les catégories de population les plus aisées cautionnent et consomment</a>, par opposition à une culture dite populaire qui aurait moins de valeur ou moins de sens – on sait depuis l’émergence des <em>cultural studies</em> (1964) que la réalité est bien <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/le-cinema-est-le-dernier-endroit-ou-la-pop-culture-rencontre-la-culture-legitime-2823244">plus poreuse et plus nuancée</a>. D’ailleurs, cette différence d’appréciation ne peut être généralisée à tous les films diffusés en salles. Par exemple, les films Star Wars (<em>Star Wars : Les derniers Jedi</em>, 2017 ; <em>Star Wars : Le Réveil de la Force</em>, 2015) semblent faire l’unanimité, ils arrivent en tête du nombre d’entrées à Paris et partout ailleurs en France.</p>
<p>Les goûts en matière cinématographique divisent autant qu’ils rassemblent. Dans une France où les tensions sociales sont omniprésentes, la quête de rationalité en la matière n’est pas forcément souhaitable, et le tableau des pratiques culturelles, s’il offre un baromètre politique intéressant, doit s’apprécier au-delà de la fréquentation des salles obscures ; il s’agirait plutôt d’accepter qu’autrui puisse être touché par une œuvre que nous ne trouvons pas à notre goût, sans jugement qui aggraverait cette fracture.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Manon Chatel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs clés de lecture et facteurs explicatifs permettent de mieux appréhender des succès à géométrie variable en fonction du territoire où les films sont projetés.Manon Chatel, Doctorante contractuelle en Sciences de Gestion (Marketing territorial), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2048722023-08-17T20:51:29Z2023-08-17T20:51:29ZQuel âge avez-vous vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532731/original/file-20230619-23-nyre08.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5184%2C3445&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déterminer l'âge d'un individu implique de prendre en compte les différents âges de sa vie. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/fille-et-trois-garcons-sur-escalier-2105199/">Sameer Daboul/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Donnée quantitative, l’âge civil, c’est-à-dire calculé à partir de la date de naissance enregistrée à l’état civil, <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstl.1693.0007">est à la base de la démographie</a> depuis que les premiers démographes ont établi, il y a plus de trois siècles, le <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/etudes-enquetes-historiques/l-ombre-demesuree-de-halley/">lien entre mortalité et âge</a>.</p>
<p>L’utilisation privilégiée de cette variable dans l’exploitation et la mise en lumière de tous les phénomènes démographiques peut laisser entendre que l’âge civil est le déterminant de tous ces comportements. Cependant, si cette notion de temps écoulé entre la naissance et le phénomène étudié est aujourd’hui banale, elle ne doit pas masquer les différentes réalités qu’elle recouvre selon les locuteurs, les lieux et les époques.</p>
<p>L’<a href="https://www.researchgate.net/publication/302180578_Age_biologique_age_demographique_age_sociologique_estimation_de_l%E2%80%99age_des_enfants_inhumes">âge social</a> est le reflet de la place qu’occupe, à un moment donné, un individu au sein de la société à laquelle il appartient.</p>
<p>Cet âge, qui lui assigne des droits et des devoirs, est une donnée relative selon la perception que les acteurs ont des continuités ou des discontinuités de leur propre vie, et celle que le groupe social a des étapes qui rythment le cycle de vie, <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-demographie-historique-2003-1-page-169.htm">comme l’ont montré les travaux de Tamara Haraven</a>.</p>
<img id="http://classes.bnf.fr/ema/grands/131.htm" align="centre">
<p>Par exemple, un âge social-clé est celui de la majorité, variable d’une société à l’autre. Ainsi, selon le <a href="https://books.openedition.org/pumi/23572?lang=fr">droit romain</a>, les filles accédaient à la majorité civile (âge légal à partir duquel une personne est reconnue comme pleinement capable et responsable) et matrimoniale (âge à partir duquel le consentement des parents au mariage n’est plus exigé) à 12 ans et les garçons à 14 ans, proche de l’âge de la puberté. Mais au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordonnance_de_Blois">XVIᵉ siècle, avec l’édit d’Henri III</a>, la majorité matrimoniale <a href="https://www.editions-jclattes.fr/livre/histoire-du-mariage-en-occident-9782709615662/">s’en éloigne</a>, passant respectivement à 25 et à 30 ans, et la majorité civile à 25 ans (jusqu’en 1789).</p>
<p>Actuellement, l’âge de la majorité varie de 15 à 21 ans dans le monde. Dès lors, les adolescents peuvent être considérés comme des non-adultes ou comme des adultes, selon que le droit en vigueur les engage ou non dans les activités de leurs aînés et les exposent précocement à certains risques (exercices militaires, activités professionnelles, maternités précoces, etc.).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’âge de la majorité civile dans le monde en 2023" src="https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525680/original/file-20230511-12732-hulhqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=394&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’âge de la majorité civile dans le monde en 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Majorit%C3%A9_civile#/media/Fichier:Age_of_Majority_-_Global.svg">Par CookieMonster755/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’âge légal de mariage des femmes dans le monde en 2016" src="https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532729/original/file-20230619-22-xivcnr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’âge légal de mariage des femmes dans le monde en 2016.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.globalwomenconnected.com/wp-content/uploads/2016/03/GLobal-women-connected-legal-age-to-marry.png">Professor Joyce Harper/GlobalWomenConnected</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’âge biologique</h2>
<p>Enfin, l’âge biologique est une autre mesure du temps qui sépare la naissance du moment étudié. Celle-ci est toutefois très variable d’un individu à l’autre car elle repose sur des indicateurs biologiques de croissance pour les sujets immatures (les enfants et les adolescents), ou de vieillissement pour les adultes.</p>
<p>Il s’agit d’une caractéristique moins liée au type de société que l’âge social, mais elle peut grandement varier en fonction des conditions de vie des individus. Ainsi, sur le temps court de quelques générations, on a pu constater un <a href="https://hal.science/hal-02270381v1/file/La%20Rochebrochard%201999%2C%20Popul.pdf">abaissement de l’âge moyen de la puberté</a> et une accélération des processus de croissance en relation avec l’amélioration récente de l’alimentation, de l’hygiène et des soins médicaux.</p>
<p>Bien que chacun grandisse et vieillisse à des rythmes différents, ces processus restent circonscrits dans un schéma évolutif bien défini qui autorise une liaison statistique – faible – entre un stade biologique et un âge civil. Par exemple, la perte des premières dents de lait intervient généralement entre 5 et 7 ans, mais certains enfants les perdent plus tôt ; d’autres, plus tard. Il faut tenir compte des cas atypiques, et on ne peut donc pas dire avec certitude qu’un sourire édenté correspond à un enfant de 5-7 ans.</p>
<p>Alors que la relation entre âge social et âge civil dépend fortement de la société et de sa législation, la relation entre les indicateurs d’âge biologiques et l’âge civil des individus ne peut se définir que par leur corrélation statistique. Celle-ci est calculée au moyen de « données de référence », c’est-à-dire issues d’un échantillon d’individus pour lesquels on connaît simultanément les deux âges.</p>
<h2>Comment estimer l’âge en l’absence d’état civil ?</h2>
<p>L’âge est une notion fondamentale pour de nombreuses spécialités relevant des sciences humaines, sociales ou médicales. Toutefois, il arrive qu’il ne puisse pas être directement mesuré, soit parce qu’il n’y a pas d’état civil, soit parce que celui-ci est très déficient. L’estimation indirecte de l’âge, quels que soient les objectifs disciplinaires poursuivis, repose sur un même principe méthodologique, qui consiste à comparer des indicateurs biologiques, de croissance pour les enfants et de vieillissement pour les adultes, observés sur des individus vivants ou décédés, à des tables de référence reliant le stade biologique observé à un ou plusieurs âges calendaires.</p>
<p>Ces tables sont construites à partir de petits échantillons de population, de sexes et d’âges connus, sur lesquelles des caractères de croissance ou de sénescence ont été observés et classés en fonction de l’âge atteint par chacun des individus considérés.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Table d’estimation de l’âge des jeunes enfants à partir des éruptions dentaire" src="https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530868/original/file-20230608-23-qptkll.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Table d’estimation de l’âge des jeunes enfants à partir des éruptions dentaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.jstor.org/stable/2061560">Nicholas Townsend & E. A. Hammel, Age Estimation from the Number of Teeth Erupted in Young Children : An Aid to Demographic Surveys, 1990</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530869/original/file-20230608-19-hgjrvf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cliché panoramique de la dentition d’un enfant âgé de 4 ans et 4 mois, présentant à la fois la dentition visible, et les germes des dents permanentes, incluses dans la machoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anonyme</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Travailler à partir de sources anciennes</h2>
<p>Dès lors, deux écueils sont à éviter. L’un est de nature biologique et nécessite d’accepter le postulat que les processus de croissance et de sénescence sont invariables dans le temps et dans l’espace. L’autre, de nature statistique, résulte de la faible corrélation entre l’âge biologique et l’âge civil.</p>
<p>Bien que l’un et l’autre soient une expression du temps écoulé entre la naissance et l’observation, l’âge biologique suit des rythmes individuels et son estimation s’inscrit dans une fourchette chronologique assez large. Parfois beaucoup trop large pour que la réponse – correcte statistiquement – garde sa pertinence par rapport à la demande sociale ; mais taire la marge d’incertitude expose à un risque d’erreur qui peut être lourd de conséquences individuelles, sociales, voire pénales.</p>
<p>Un certain nombre de travaux ont d’ores et déjà été réalisés pour pallier au mieux ces inconvénients ; une nouvelle méthode statistique <a href="https://www.jstor.org/stable/40926968">a récemment été proposée</a>, <a href="https://www.cepam.cnrs.fr/methodes/paleodemographie-approches-demographiques-et-sanitaires/la-paleodemographie/">améliorée</a>, et appliquée en <a href="https://www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_2013_num_110_1_14245">anthropologie biologique</a> comme nous l’avons fait par exemple sur des <a href="https://bmsap.revuesonline.com/articles/lvbmsap/abs/2017/02/lvbmsap2017291p70/lvbmsap2017291p70.html">sites antiques et médiévaux bas-normands</a>.</p>
<p>En effet, pour les époques anciennes, les sources écrites permettant de connaître l’âge au décès des populations sont très peu nombreuses, ce qui a incité les paléodémographes à utiliser les informations livrées par les squelettes humains mis au jour par les archéologues.</p>
<p>Son principe trouve(rait) d’autres applications concrètes, car de nombreuses disciplines sont confrontées à l’arbitraire du calendrier et de l’état civil et doivent tenter de rapprocher des temps biologiques d’une division normée du temps.</p>
<h2>Des enjeux très contemporains</h2>
<p>Or, la corrélation imparfaite entre âge biologique et âge civil n’a pas toujours été perçue à sa juste mesure, même quand les enjeux le nécessitaient. C’est par exemple le cas avec l’épineuse question de la <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2010-3-page-115.htm">détermination de l’âge des mineurs isolés</a> à partir de critères osseux et dentaires. Ce n’est que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29804941/">très récemment</a> que le manque de fiabilité des résultats obtenus et la nécessité de prendre correctement en compte leur marge d’erreur ont été admis.</p>
<p>Toutes les méthodes disponibles sont imparfaites. Comme indiqué plus haut, outre qu’elles doivent éviter plusieurs sortes de biais, la réponse la plus adéquate ne saurait être fournie qu’avec une évaluation correcte de l’incertitude, évaluation nécessairement de nature probabiliste. La méthode statistique, introduite pour la paléodémographie, adaptée aux aspects très spécifiques de la problématique médico-légale (flux des sujets examinés à la demande de la justice par un service donné, questions éthiques, etc.), <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25534455/">peut être préconisée</a>. Elle pourra conclure par exemple que, dans telles circonstances, la personne examinée a sept chances sur dix d’avoir plus de 18 ans.</p>
<p>On notera qu’à travers la détermination d’un âge civil, c’est bien souvent une question d’âge social qui est en jeu, qu’il s’agisse d’évaluer la fiabilité des âges déclarés ou d’étudier la démographie de populations ne disposant pas d’un bon état civil. Le reconnaître nécessite un changement de paradigme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Nous avons tous plusieurs âges, civil, social et biologique, qui recouvrent différentes réalités selon les locuteurs, les lieux et les époques.Isabelle Seguy, Chercheur, Institut National d'Études Démographiques (INED)Daniel Courgeau, Directeur de recherche émérite, Institut National d'Études Démographiques (INED)Henri Caussinus, Professeur émérite, statistique mathématique, Université Fédérale Toulouse Midi-PyrénéesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099122023-07-24T14:01:29Z2023-07-24T14:01:29ZLa RDC connaît l'une des croissances démographiques les plus rapides au monde : pourquoi ce n'est pas une bonne nouvelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537894/original/file-20230717-234969-3ox3j8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">rdc demo</span> <span class="attribution"><span class="source">Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>_Le profil démographique d'un pays est important car il détermine son rythme de développement : il présente des opportunités et des risques. Pour de nombreux pays en développement, le défi consiste à gérer un profil démographique qui exerce une pression sur les ressources disponibles et certaines couches de la population. La République démocratique du Congo est l'un des pays qui doit relever ce défi. Jacques Emina, qui a <a href="https://www.researchgate.net/profile/Jacques-Emina">étudié la démographie</a> dans le pays au cours des deux dernières décennies, décortique les chiffres. _</p>
<h2>Quels sont les défis démographiques de la RDC ? Quels en sont les facteurs?</h2>
<p>Avec <a href="https://www.macrotrends.net/countries/COD/democratic-republic-of-congo/population">102 millions</a> d'habitants en 2023, la République démocratique du Congo est le <a href="https://atlasocio.com/classements/demographie/population/classement-etats-par-population-afrique.php">quatrième pays le plus peuplé d'Afrique</a> après le Nigeria, l'Éthiopie et l'Égypte. C'est le <a href="https://atlasocio.com/classements/demographie/population/classement-etats-par-population-monde.php">15e pays le plus peuplé</a> au monde. </p>
<p>On estime que d'ici 2050, la RDC comptera <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/sites/www.un.org.development.desa.pd/files/wpp2022_summary_of_results.pdf#page=9">215 millions d'habitants</a> et rejoindra les 10 pays les plus peuplés du monde. Cela n'est pas si surprenant, compte tenu de la taille du pays : <a href="https://ins.cd/wp-content/uploads/2022/06/ANNUAIRE-STATISTIQUE-2020.pdf#page=30">2,3 millions de kilomètres carrés</a>. Ce qui en fait le deuxième plus grand pays d'Afrique (derrière l'Algérie).</p>
<p>La population du pays est le résultat d'une croissance supérieure à la moyenne par rapport aux autres pays du continent. La population de la RDC a augmenté de <a href="https://www.macrotrends.net/countries/COD/democratic-republic-of-congo/population-growth-rate">3,3 % en 2022</a>. La moyenne du continent est de <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/sites/www.un.org.development.desa.pd/files/wpp2022_summary_of_results.pdf#page=17">2,5 %</a>. Le taux de croissance moyen de la population mondiale était de <a href="https://www.un.org/development/desa/pd/sites/www.un.org.development.desa.pd/files/wpp2022_summary_of_results.pdf#page=17">0,8 % en 2022</a>. </p>
<p>La croissance démographique de la RDC a de graves conséquences sur le bien-être de ses habitants. Sans des politiques qui tiennent compte du profil démographique du pays - une population croissante et <a href="https://www.britannica.com/place/Republic-of-the-Congo/Demographic-trends">un nombre très élevé de jeunes par rapport aux personnes en âge de travailler</a> - les conditions sociales telles que la pauvreté et la faim vont s'aggraver.</p>
<p>Deux raisons principales expliquent la forte croissance de la population : la diminution du nombre de décès et le nombre élevé de naissances. </p>
<p>Au cours des dernières décennies, la RDC a connu une baisse constante de la <a href="https://data.unicef.org/country/cod/">mortalité des enfants de moins de cinq ans</a>, bien que celle-ci reste relativement élevée par rapport à la moyenne mondiale. En 1995, la mortalité des enfants de moins de cinq ans était estimée à 175 décès pour 1 000 naissances vivantes. Ce chiffre est tombé à 87 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2018. La même année, le <a href="https://data.unicef.org/topic/child-survival/under-five-mortality/">taux mondial de mortalité des enfants de moins de cinq ans</a> était de 40 décès pour 1 000 naissances vivantes.</p>
<p><a href="https://www.worldometers.info/demographics/democratic-republic-of-the-congo-demographics/#life-exp">L'espérance de vie en RDC</a> a également augmenté, passant de 49 ans en 1995 à 62 ans en 2023. Au niveau mondial, l'espérance de vie est actuellement de <a href="https://www.worldometers.info/demographics/life-expectancy/">73 ans</a>.</p>
<p>En ce qui concerne le nombre de naissances, les femmes congolaises ont en moyenne <a href="https://www.prb.org/international/indicator/fertility/table">6,2 enfants</a> au cours de leur vie. Cela représente quatre naissances de plus que la moyenne mondiale de 2,3 bébés. </p>
<p>Le taux de fécondité de la RDC est déterminé par quatre facteurs principaux.</p>
<p>Premièrement, les valeurs culturelles encouragent les gens à avoir des enfants. Les familles nombreuses sont appréciées. <a href="https://dhsprogram.com/pubs/pdf/sr218/sr218.e.pdf">L'enquête démographique et sanitaire la plus récente du pays</a> a révélé que les femmes congolaises voulaient en moyenne <a href="https://dhsprogram.com/pubs/pdf/sr218/sr218.e.pdf#page=6">six enfants</a> et les hommes en voulaient sept. </p>
<p>Deuxièmement, un début précoce de la maternité signifie un plus grand nombre d'années procréation. En RDC, <a href="https://dhsprogram.com/pubs/pdf/sr218/sr218.e.pdf#page=6">plus de 30 % des filles</a> sont mariées avant l'âge de 18 ans. Environ un quart des jeunes femmes accouchent avant leur 18e anniversaire, contre <a href="https://data.unicef.org/topic/child-health/adolescent-health/">14 % dans le monde</a>. Et <a href="https://dhsprogram.com/pubs/pdf/sr218/sr218.e.pdf#page=5">27 %</a> des adolescentes congolaises âgées de 15 à 19 ans ont des enfants. </p>
<p>Troisièmement, <a href="https://dhsprogram.com/pubs/pdf/sr218/sr218.e.pdf#page=7">très peu de femmes utilisent des méthodes contraceptives</a> en RDC. Le pourcentage de femmes en âge de procréer qui utilisent une forme efficace de contraception moderne a été estimé à environ <a href="https://www.unicef.org/drcongo/media/3646/file/COD-MICS-Palu-2018.pdf#page=107">7 % en 2018</a>. Ce chiffre était de 4 % en 2007. </p>
<p>Le quatrième facteur de croissance démographique est l'absence de politique démographique nationale. Celle-ci comprend généralement un ensemble de mesures destinées à influencer l'évolution démographique. </p>
<h2>Quel est l'impact de cette situation ?</h2>
<p>La démographie galopante de la RDC a plusieurs conséquences.</p>
<p>La première est un taux de dépendance élevé. Cela se produit lorsqu'il y a beaucoup plus de personnes économiquement dépendantes que de personnes économiquement actives en raison du profil démographique par âge du pays. La population économiquement active est confrontée à une charge plus importante pour soutenir les personnes économiquement dépendantes, en particulier les enfants. Les enfants de moins de 15 ans représentent <a href="https://www.britannica.com/place/Republic-of-the-Congo/Demographic-trends">41,6 %</a> de la population totale de la RDC. Cela signifie que les personnes qui ont un emploi âgées de 15 à 64 ans portent un lourd fardeau dans un contexte où les <a href="https://www.worldbank.org/en/country/drc/overview">revenus sont faibles</a>. </p>
<p>Le pays est également confronté à d'importants défis en matière de planification. Les <a href="https://www.unicef.org/drcongo/en/what-we-do/education">taux de fréquentation scolaire</a> sont passés de 52 % en 2001 à 78 % en 2018. Néanmoins, <a href="https://www.unicef.org/drcongo/en/what-we-do/education">7,6 millions d'enfants âgés de 5 à 17 ans ne sont toujours pas scolarisés</a>. </p>
<p>La RDC est à la traîne en ce qui concerne d'autres indicateurs clés du développement humain :</p>
<ul>
<li><p>Elle fait partie des cinq nations les plus pauvres du monde. En 2022, <a href="https://www.worldbank.org/en/country/drc/overview">62 % des Congolais (60 millions de personnes)</a> vivaient en-dessous du seuil de pauvreté (moins de 2,15 USD par jour). Environ une personne sur six vivant dans l'extrême pauvreté en Afrique subsaharienne vit en RDC. </p>
<ul>
<li>Le pays est confronté à des <a href="https://theconversation.com/military-interventions-have-failed-to-end-drcs-conflict-whats-gone-wrong-205586">troubles politiques et conflits armés</a> depuis six décennies. <a href="https://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2023/06/GPI-2023-Web.pdf">L'indice mondial de la paix</a> - qui mesure le degré de pacification des nations et des régions - classe la RDC parmi <a href="https://www.visionofhumanity.org/wp-content/uploads/2023/06/GPI-2023-Web.pdf#page=11">les pays les moins pacifiques</a> du monde, après l'Afghanistan, le Yémen, la Syrie et le Soudan du Sud.</li>
<li>Le pays présente l'un des <a href="https://data.unicef.org/topic/maternal-health/maternal-mortality/">taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde</a> avec 547 décès pour 100 000 naissances vivantes. La moyenne mondiale est de 223 décès pour 100 000 naissances vivantes. </li>
<li>C'est l'un des pays les plus touchés par la faim au monde. Son score à <a href="https://www.globalhungerindex.org/">l'indice global de la faim </a> - qui mesure et suit les niveaux de la faim dans le monde - s'élève à <a href="https://www.globalhungerindex.org/drc.html">37,8</a>, ce qui est qualifié “d'alarmant”. </li>
</ul></li>
</ul>
<h2>Quelles sont les interventions nécessaires ?</h2>
<p>Le profil démographique d'un pays peut offrir des opportunités, ce que l'on appelle un dividende démographique. C'est le cas lorsqu'un pourcentage élevé de la population est jeune et qu'il y a des emplois pour eux. </p>
<p>Mais la RDC ne profite pas de cette opportunité et continuera dans cette lancée à moins qu'elle :</p>
<ul>
<li><p>n'investisse dans le capital humain en améliorant ses systèmes d'éducation et de santé. La plupart des Congolais <a href="https://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/can-t-afford-be-sick-assessing-cost-ill-health-north-kivu-eastern">paient de leur poche</a> pour les soins de santé. L'éducation est gratuite, mais le <a href="https://2017-2020.usaid.gov/democratic-republic-congo/education">système est faible</a> en raison de la faiblesse des allocations budgétaires.</p></li>
<li><p>ne conçoive une politique démographique pour orienter la dynamique démographique. Cette politique inclurait des mesures relatives aux naissances, aux migrations et aux lieux de résidence. Ces politiques devraient être liées à une politique nationale de développement intégré.</p></li>
<li><p>ne progresse dans le domaine de l'égalité entre les hommes et les femmes. Il s'agit notamment d'augmenter le nombre de filles inscrites dans les écoles secondaires, de décourager les mariages d'enfants et de permettre aux jeunes mères d'aller à l'école.</p></li>
<li><p>n'améliore la gouvernance et lutte contre la corruption afin de promouvoir l'investissement dans l'éducation, la santé et l'emploi.</p></li>
<li><p>ne mette en place des systèmes de données qui peuvent soutenir des politiques fondées sur des données avérées.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/209912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Emina does not work for, consult, own shares in or receive funding from any company or organisation that would benefit from this article, and has disclosed no relevant affiliations beyond their academic appointment.</span></em></p>En l'absence de politiques tenant compte d'une population croissante avec peu de personnes en âge de travailler, la pauvreté et la faim pourraient augmenter en RDC.Jacques Emina, Professor of population and development studies, University of Kinshasa Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2064542023-06-05T15:47:29Z2023-06-05T15:47:29ZLes couples de même sexe sont-ils de plus en plus nombreux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/528592/original/file-20230526-11069-1jdpul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C2998%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, environ 150 000 couples de même sexe habitent ensemble. Cela représente 1 % des couples cohabitants.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/vs-fjU4sQos">Tallie Robinson / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Désormais reconnus juridiquement dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">cinquantaine de pays</a>, les couples de même sexe sont également mieux repérés par la <a href="https://theconversation.com/sante-cardiovasculaire-et-minorites-sexuelles-vers-une-meilleure-prise-en-compte-en-france-205873">statistique</a> publique. Exploitant les derniers recensements et enquêtes, nous avons examiné leurs caractéristiques en Europe, au Canada, aux États-Unis et en Australie. Les couples de même sexe sont-ils en augmentation ? Les tendances sont-elles les mêmes pour les couples de femmes et d’hommes ? Quel est le pourcentage de couples mariés ? Où habitent-ils ? Ces caractéristiques varient-elles beaucoup selon les pays ?</p>
<p>Premier constat : partout où les statistiques sont disponibles, celles-ci révèlent une <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">augmentation de la fréquence</a> des couples de même sexe cohabitants. Leur fréquence a triplé aux États-Unis entre 2000 et 2021 pour atteindre 1,8 % des ménages comprenant un couple. Au Canada, ils représentaient 1,1 % des familles comprenant un couple en 2021, contre seulement 0,5 % pour les couples de même sexe en 2001. On observe la même tendance en Australie avec 1,4 % des couples au recensement de 2021 contre 0,3 % à celui de 2001.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion de couples de même sexe parmi l’ensemble des couples" src="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=732&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528331/original/file-20230525-29-65n14z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=920&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Wilfried Rault, 2023, Population & Sociétés, n° 607</a></span>
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</figure>
<p>L’augmentation de la fréquence des couples de même sexe est également perceptible en Europe. En Allemagne, leur part a plus que doublé entre 2010 et 2019 pour atteindre 0,7 % des couples à cette dernière date. En Espagne, elle est passée de 0,7 % en 2013 à 1 % en 2020. Le même type d’évolution a été observé au Royaume-Uni : les ménages comprenant un couple de même sexe représentaient 1 % des ménages conjugaux en 2015 et 1,4 % en 2018. En France, on comptait 170 000 personnes en couple de même sexe cohabitant en 2011, contre près de 305 000 personnes en 2020, soit 1 % des couples cohabitants.</p>
<h2>Les couples de femmes augmentent plus</h2>
<p>L’augmentation du nombre de <a href="https://theconversation.com/marcher-dans-la-rue-double-peine-pour-les-lesbiennes-123021">couples de femmes</a> est plus marquée que celle de couples d’hommes. Minoritaires en Espagne (39 % des couples de même sexe en 2020) et en France (43 % en 2020), les couples de femmes sont aussi nombreux que les couples d’hommes en 2021 au Canada et en Australie, et ils sont majoritaires aux États-Unis (52 %).</p>
<p>La sociodémographie des couples de même sexe révèle ainsi une augmentation sensible de leur nombre, celle-ci provenant à la fois d’une amélioration des outils de la statistique et d’une hausse de ces situations conjugales qui sont davantage acceptées socialement. Il est également possible que des personnes qui dissimulaient leur situation conjugale dans un contexte plus défavorable la déclarent désormais.</p>
<p>Une limite importante à la plupart de ces recensements est à noter : ils reposent sur la composition du logement et ne tiennent pas compte des configurations conjugales non cohabitantes, qui concernent plus souvent les couples de même sexe. En France par exemple, l’enquête <a href="https://books.openedition.org/ined/15898?lang=fr">Famille et logements</a> réalisée en 2011 a permis d’établir que les couples non cohabitants étaient 4 à 5 fois plus fréquents chez les personnes en couple de même sexe que chez celles en couple de sexe différent.</p>
<p>Les personnes en couple de même sexe sont, aussi, en moyenne, plus jeunes que celles en couple de sexe différent. En Australie, la moitié des personnes en couple de même sexe a moins de 40 ans (49 ans pour les personnes en couple de sexe différent).</p>
<p>De tels écarts apparaissent également en France où les femmes et les hommes en couple de même sexe ont en moyenne 41 et 44 ans respectivement, contre 51 et 53 ans pour les femmes et hommes en couple de sexe différent. La part de personnes en couple de même sexe est ainsi plus élevée dans les jeunes générations : 2 % des 25-29 ans sont en couple de même sexe, c’est deux fois plus que le pourcentage sur l’ensemble des couples (1 %). Leur part tombe à 0,4 % parmi les 60-75 ans en couple.</p>
<h2>Des couples moins souvent mariés</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Proportion de couples de même sexe et de sexe différent mariés, pacsés et en union libre en France selon l’âge (%)" src="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528333/original/file-20230525-15-dtvyq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Wilfried Rault, 2023, Population & Sociétés, n° 607</a></span>
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</figure>
<p>Les couples de même sexe sont, en moyenne, moins souvent mariés que les couples de sexe différent. Aux États-Unis, 89 % des couples de sexe différent sont mariés (2019), mais seulement 58 % des couples de même sexe – depuis 2015 ils peuvent se marier dans tous les États du pays. Au Canada, où le mariage a été ouvert aux couples de même sexe en 2005, les écarts sont également marqués (74 % contre 37 % en 2021). Il en est de même en France où le mariage de deux personnes de même sexe est possible depuis 2013 : 73 % des couples de sexe différent sont mariés en 2020, contre 40 % des couples de femmes et 37 % des couples d’hommes. Ces différences sont en partie imputables au fait que ces couples sont plus jeunes et plus récents, donc moins enclins à avoir déjà eu recours au mariage. <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">Ils ont aussi une moindre préférence pour le mariage à âge identique</a>.</p>
<p>Les couples de même sexe vivent moins souvent avec des enfants que les couples de sexe différent, surtout les hommes, même si la tendance générale est à la hausse. En Australie, en 2016, un quart des ménages constitués d’un couple de femmes comprenait également au moins un enfant, et en 2021, 38 %. Pour les hommes, la proportion est passée de 4 % à 7 %.</p>
<p>On observe ces mêmes tendances dans tous les pays étudiés. Au Canada, en 2021, 23 % des couples de même sexe résident avec des enfants, avec, là-aussi, des disparités très fortes entre les couples de femmes et les couples d’hommes : 33 % des premiers vivent avec des enfants et 11 % des seconds. C’est la même chose en France en 2020 où 27 % des couples de femmes et 6 % des couples d’hommes vivent avec au moins un enfant dans le ménage. Ceci explique par ailleurs pourquoi les <a href="https://doi.org/10.3917/popu.1904.0499">couples de femmes sont un peu plus souvent mariés que les hommes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux femmes avec un bébé" src="https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528596/original/file-20230526-15-7em0f0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En France, 27 % des couples de femmes cohabitants et 6 % des couples d’hommes cohabitants vivent avec au moins un enfant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/uaQpinemVoo">Kenny Eliason/Unsplash</a></span>
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</figure>
<h2>Les métropoles, forces d’attractivité</h2>
<p>L’attractivité des grandes métropoles pour les minorités sexuelles a été observée de longue date. Du fait de <a href="https://theconversation.com/comment-les-touristes-lgbt-se-cachent-pour-mieux-voyager-163097">l’anonymat qu’elles permettaient</a>, mais aussi parce que celles-ci étaient pourvues en lieux de sociabilités et d’espaces de rencontres, les grandes villes ont très tôt représenté des lieux où il était plus facile de vivre une <a href="https://theconversation.com/etre-gay-en-guadeloupe-entre-homophobie-et-prejuges-raciaux-136884">sexualité souvent stigmatisée et réprimée</a>. Femmes et hommes en couple de même sexe vivent nettement plus souvent dans les grandes métropoles que les personnes en couple de sexe différent. Au recensement de 2021, 42 % des couples de même sexe canadiens résidaient dans l’une des trois plus grandes unités urbaines du pays (Toronto, Montréal, Vancouver) contre 34 % des couples de sexe différent. Cette tendance se retrouve dans les autres pays de l’étude pour lesquels l’information est disponible.</p>
<p>Aux États-Unis, les États de l’ouest du pays et ceux comprenant de grandes métropoles (État de New York, Washington DC, Massachusetts, Floride, Californie) sont des lieux de forte implantation des couples de même sexe. Tandis qu’ils représentent 1,5 % de l’ensemble des ménages conjugaux dans l’ensemble des États-Unis en 2019, le pourcentage de couples de même sexe est bien plus élevé dans certaines aires urbaines (≥2,4 %) : San Francisco, Portland, Seattle et Orlando.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-match-de-pedes-homophobie-ordinaire-et-heterosexualite-imposees-97710">Un « match de pédés » : homophobie ordinaire et hétérosexualité imposées</a>
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<h2>Une déconcentration favorisée avec le numérique ?</h2>
<p>En France, en 2020, les couples de même sexe sont plus nombreux en région parisienne et dans la ville de Paris que dans le reste du territoire. Tandis que 2,6 % des hommes et des femmes en couple hétérosexuel résident à Paris et 14,6 % dans l’agglomération parisienne, c’est le cas respectivement de 15,8 et 30 % des hommes et 6,1 % et 18,4 % des femmes en couple de même sexe. Ces dernières sont donc moins concentrées à Paris et plus réparties dans l’ensemble du territoire que les couples d’hommes. Cette répartition différente est observée dans tous les pays où de telles statistiques sont disponibles. Les couples de même sexe sont plus présents dans les départements des grandes métropoles du pays, notamment en Loire-Atlantique, Gironde, Rhône, Haute-Garonne, Hérault, Bouches-du-Rhône.</p>
<p>L’acceptation sociale croissante et l’essor de sociabilités fondées sur des espaces numériques pourraient favoriser une relative déconcentration. Le pourcentage de couples de même sexe qui vivent à Paris est d’ailleurs plus faible en 2020 qu’il ne l’était en 2011. On observe une telle déconcentration dans d’autres pays, au Canada notamment.</p>
<p>Dans l’ensemble, les caractéristiques des couples de même sexe se rapprochent de celles des couples de sexe différent sur plusieurs points. Pour autant, <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/25008/population.societes.530.site.rencontres.conjoint.fr.pdf">leurs spécificités</a> restent fortes et les expériences individuelles distinctes. Si la reconnaissance juridique et sociale des couples de même sexe figure parmi les grandes transformations de la famille et de la vie privée depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle, le processus de banalisation des minorités sexuelles est <a href="https://www.ined.fr/fichier/rte/General/Publications/Grandes%20enqu%C3%AAtes/Virage/virage-chapitre10.pdf">loin d’être abouti</a>.</p>
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<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié par l’auteur dans « Population et Sociétés » n° 607, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2023-1-page-1.htm">« Les couples de même sexe dans les pays occidentaux. Mieux reconnus et plus nombreux »</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Wilfried Rault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se basant sur des recensements récents, une étude de l’INED fait le point sur la démographie des couples de même sexe en Occident.Wilfried Rault, Directeur de recherche à l'INED, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2039662023-05-15T18:00:52Z2023-05-15T18:00:52ZMigrations africaines : et si on relisait Jean-Christophe Rufin ?<p>En 1991, alors que l’URSS était sur le point de disparaître, l’écrivain, politologue et diplomate Jean-Christophe Rufin, entré depuis à l’Académie française, publia un ouvrage <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1992_num_57_1_4109_t1_0169_0000_2">qui fit date</a> et dont le titre, <a href="https://www.hachette.fr/livre/lempire-et-les-nouveaux-barbares-9782709623360"><em>L’Empire et les nouveaux barbares</em></a>, ferait sans doute froncer les sourcils aujourd’hui. Il n’y avait pourtant aucune raison d’y voir malice puisque son essai se voulait « une longue métaphore latine » inspirée du regard de l’historien romain <a href="https://journals.openedition.org/etudesanciennes/131">Polybe</a> sur la chute de Carthage.</p>
<p>« L’affrontement Est-Ouest est mort ; l’affrontement Nord-Sud le remplace », proclamait Rufin en 1991. Cet affrontement Nord-Sud lui apparaissait inévitable du fait des dynamiques démographiques contrastées des deux zones.</p>
<p>Le livre comportait notamment une carte en noir et blanc intitulée « L’équateur démographique ». « Il suffit de représenter sur une carte les taux d’accroissement annuels de la population : un équateur humain apparaît », constatait l’auteur. En effet, de part et d’autre d’une limite fixée en fonction du taux naturel d’accroissement de la population à plus ou moins 15 ‰ (en 1988) se révélaient deux hémisphères, distinguant ainsi un Sud et un Nord.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/524387/original/file-20230504-17-jm9y9g.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’Équateur démographique (selon Jean-Christophe Ruffin, 1991). Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Christophe Ruffin</span></span>
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<p>Nous avons entrepris de redessiner cette carte à partir des <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/tous-les-pays-du-monde-2022/">données de 2022</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte du monde de la croissance démographique en 2022" src="https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521290/original/file-20230417-18-p3z5dv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Croissance démographique des pays du monde en 2022. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Bouquet</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il en ressort qu’il n’y a plus véritablement d’équateur marquant la limite des 15 ‰, mais une sorte d’îlot continental (en vert) centré sur l’Afrique et affichant pour certains pays des taux d’accroissement naturel supérieurs à 30 ‰ (jusqu’à 37 ‰ au Niger).</p>
<p>Un certain nombre de pays, notamment en Amérique latine et en Asie, ont changé de catégorie et sont passés (en rouge) de l’autre côté de ce que J.-C. Rufin appelle le <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/430/"><em>limes</em></a>, terme évoquant les frontières du monde romain à l’Antiquité. Géographiquement, il ne s’agit donc plus tout à fait d’un équateur, et le « Sud » de l’auteur est aujourd’hui circonscrit dans des limites plus étroites qu’en 1991. Pour autant, l’idée de <em>limes</em> qui lui sert de fil rouge tout au long de son ouvrage peut demeurer d’actualité.</p>
<p>L’intérêt de relire <em>L’Empire et les nouveaux barbares</em> trente ans après sa première publication vient précisément du fait que J.-C. Rufin, avec son regard croisé de géopolitologue et d’humanitaire, avait pressenti que la « menace communiste » allait être remplacée, aux yeux des pays capitalistes du Nord, par une « menace migratoire » que les pays riches chercheraient à toute force à juguler :</p>
<blockquote>
<p>« Le nouveau <em>limes</em> contemporain entre Nord et Sud marque l’avènement en douceur d’une morale de l’inégalité, d’une sorte d’<em>apartheid</em> mondial. Dans l’idée de <em>limes</em>, il y a plus ou moins implicitement l’intention de définir et de protéger la civilisation du Nord. »</p>
</blockquote>
<p>Cette frontière entre le rouge et le vert symbolise non seulement l’écart entre les taux d’accroissement naturel mais aussi, et surtout, le creusement des inégalités entre le Nord et le Sud – ce qui suscite, chez un certain nombre d’habitants du Sud, la tentation de la migration vers le Nord.</p>
<h2>Le Nord a-t-il entretenu un « malthusianisme naturel » ?</h2>
<p>L’essai de J.-C. Rufin souligne l’impact qu’a eu, deux siècles durant, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-2007-2-page-253.htm">l’œuvre du philosophe britannique Thomas Malthus (1766-1834)</a>. Malthus craignait le déséquilibre qui pourrait s’établir si la population croissait plus vite que les ressources nécessaires à sa subistance. Une vision qui a été remise au goût du jour au XX<sup>e</sup> siècle au vu de l’accroissement rapide de la population africaine.</p>
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<p>Rufin lui-même avait à la fin des années 1980 failli être expulsé d’Éthiopie pour avoir proposé, en sa qualité de responsable d’Action contre la Faim, d’intégrer un volet « planification familiale » dans l’aide d’urgence apportée à ce pays frappé par des famines récurrentes et engagé dans une longue guerre contre l’Érythrée. Dans son texte de 1991, il pointait le risque que les pays du Nord, effrayés par la croissance démographique de ceux du Sud, décident de laisser les « fléaux malthusiens » (c’est-à-dire les maladies, les famines et les guerres) décimer ces populations sans intervenir pour leur prêter assistance.</p>
<p>Cette crainte qu’il exprimait en 1991 a été souvent remise en avant depuis, notamment au sein des pays du Sud.</p>
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<p>Ainsi, la gestion de la pandémie du sida a prêté le flanc à la critique quand, en 2001, les laboratoires pharmaceutiques du Nord ont intenté une <a href="https://www.msf.fr/actualites/pretoria-chronique-d-un-mauvais-proces">action en justice</a> pour tenter d’interdire à ceux du Sud de fabriquer des traitements à bas prix pour les pays les plus touchés, dont l’Afrique du Sud. La pression de l’opinion internationale a toutefois fini par faire céder les grands laboratoires qui ont accepté en avril 2001 de vendre aux pays du Sud en situation d’urgence sanitaire leurs traitements à prix coûtant.</p>
<p>D’autres graves épidémies ont frappé l’Afrique, notamment Ébola, qui a causé la mort d’au moins 20 000 personnes en Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016. Mais dans ce cas précis, le Nord <a href="https://ebolaresponse.un.org/fr/action-contre-ebola">n’a pas ménagé ses efforts</a> pour aider à juguler ce fléau.</p>
<p>De même, la pandémie du Covid (2020-2022) a donné lieu à une vaste opération de solidarité coordonnée par l’OMS pour la distribution gratuite de plus d’un milliard de doses de vaccins (<a href="https://www.who.int/fr/initiatives/act-accelerator/covax#:%7E:text=Le%20COVAX%20est%20co%2Ddirig%C3%A9,%2C%20%C3%A0%20l%E2%80%99%C3%A9chelle%20mondiale.">initiative COVAX</a>). Le continent africain a d’ailleurs été <a href="https://theconversation.com/epidemie-de-Covid-19-en-afrique-quelles-specificites-192046">relativement peu touché par le virus</a>.</p>
<p>En termes de « malthusianisme naturel », il est vrai que les guerres en Afrique ont causé des millions de morts (2 millions au Biafra, 6 millions en RD Congo, <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2328747-20180831-afrique-1995-2015-guerres-tue-5-millions-enfants-moins-cinq-ans">plus de 5 millions d’enfants en vingt ans</a>). Par ailleurs, il est clair que les famines n’épargnent pas le Sud. Dans certaines régions – le Sahel, la Corne de l’Afrique, le sud de Madagascar –, elles sont récurrentes. Mais, là encore, la communauté internationale se mobilise assez vite, de même que lors des catastrophes naturelles (cyclones, inondations). Les interventions sont parfois rendues compliquées par les guerres, mais il est tout à fait excessif d’accuser le Nord d’avoir, dans toutes ces situations, « traîné » pour résoudre les problèmes.</p>
<p>Pour autant, ces fléaux ont pu alimenter des théories du « complot blanc » pour exterminer les populations africaines. On n’a d’ailleurs pas oublié que <a href="https://www.liberation.fr/france/2014/05/20/jean-marie-le-pen-craint-le-remplacement-des-populations-francaises-par-l-immigration_1022863/">Jean-Marie Le Pen, en 2014, avait évoqué « Monseigneur Ébola »</a> pour résoudre l’explosion démographique. La diffusion de ces théories du complot s’appuie également sur le détournement de certains propos tenus par des personnalités notables du Nord, comme <a href="https://observers.france24.com/fr/afrique/20210115-que-montre-r%C3%A9ellement-cette-vid%C3%A9o-d-un-m%C3%A9decin-pr%C3%A9tendant-que-bill-gates-veut-%C3%A9liminer-3-milliards-d-humains">Bill Gates</a>.</p>
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<h2>Des « zones tampons » face aux mouvements migratoires Sud-Nord ?</h2>
<p>L’abandon du Sud craint par J.-C. Rufin aurait pu passer, selon ses termes, par « une politique sélective consistant à n’assister que les États-tampons, ceux qui sont situés le long du <em>limes</em> et doivent assurer sa stabilité ».</p>
<p>Plusieurs décisions pourraient apparaître comme des illustrations de cette prévision. Un premier exemple est venu de <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2017-3-page-23.htm">l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie en 2016</a> afin de « bloquer » les migrants désireux de demander l’asile en Europe. La Turquie apparaissait donc bien comme un État-tampon, à qui l’Europe a versé deux fois 3 milliards d’euros, accordé de larges facilités pour l’obtention de visas, et promis un examen bienveillant de sa demande d’adhésion à l’UE. Ce Pacte migratoire a été renouvelé en 2021.</p>
<p>En 2010, l’Italie avait failli conclure un accord similaire avec la Libye. Mais le pays est devenu depuis un État failli et l’UE a entrepris de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gkvJRPtQ5dc">« repousser ses frontières au sud du Sahara »</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’à Agadez (Niger), ville considérée comme l’une des plaques tournantes des migrations subsahariennes, l’UE a obtenu des autorités qu’elles punissent les passeurs de façon drastique. Pour compenser le « manque à gagner » (car les populations de cette région vivaient du trafic de migrants), elle a débloqué en 2017 un <a href="https://www.iom.int/fr/news/loim-au-niger-aide-plus-de-10-000-migrants-rentrer-chez-eux-en-2017">premier programme d’aide (30 millions d’euros</a>.</p>
<p>Parallèlement, le HCR (Haut-Commissariat aux Réfugiés) et l’OFPRA (Office français de Protection des Réfugiés et Apatrides) ont délocalisé leurs antennes au Niger et dans d’autres pays sahéliens, notamment au Tchad, pour instruire les dossiers de candidats à l’asile dans ce qui pouvait effectivement apparaître comme une nouvelle « zone-tampon ».</p>
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<p>Il est également un territoire du Sud qui n’est pas géographiquement un État-tampon mais qui a été démarché par un pays du Nord pour accueillir des migrants : le Rwanda. <a href="https://theconversation.com/envoi-de-tous-les-migrants-indesirables-au-rwanda-quand-le-royaume-uni-bafoue-le-droit-dasile-197626">L’accord passé le 14 avril 2022 entre le Royaume-Uni et le Rwanda</a> (et validé par la Haute Cour de Londres le 19 décembre 2022) prévoyait que toute personne entrée illégalement dans le pays pourrait être relocalisée au Rwanda, moyennant un financement de 120 millions de livres (144 millions d’euros). Qualifié de scandaleux par de nombreuses associations de défense des droits humains, ce programme n’est pas très éloigné de ce qui avait été mis en place en Turquie, au Niger et au Tchad.</p>
<h2>L’apartheid mondial ?</h2>
<p>Sur le terrain de la croissance démographique, il a fallu attendre assez longtemps après l’ouvrage de J.-C. Rufin pour voir d’autres auteurs briser le tabou du malthusianisme. Avec des titres qui ont alimenté les controverses, Serge Michailof, dans <a href="https://www.iris-france.org/66253-africanistan-lafrique-en-crise-va-t-elle-se-retrouver-dans-nos-banlieues/"><em>Africanistan. L’Afrique en crise va-t-elle se retrouver dans nos banlieues ?</em></a> (2015) puis Stephen Smith dans <a href="https://www.grasset.fr/livres/la-ruee-vers-leurope-9782246803508"><em>La Ruée vers l’Europe. La jeune Afrique en route pour le Vieux Continent</em></a> (2018) allaient dans le même sens. Leurs textes ont soulevé les protestations de certains chercheurs qui les ont <a href="https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180209.OBS1958/la-jeunesse-africaine-est-elle-un-danger-pour-l-europe.html">accusés de faire « le jeu de l’extrême droite »</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-ruee-vers-leurope-nest-pas-inscrite-dans-la-demographie-africaine-112564">« La ruée vers l’Europe » n’est pas inscrite dans la démographie africaine</a>
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<p>Pourtant ni l’un ni l’autre, pas davantage que Rufin, ne peuvent être suspectés de soutenir la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/28/le-grand-remplacement-genealogie-d-un-complotisme-cameleon_6111330_3232.html">théorie du « grand remplacement »</a>. Ils sont simplement dans leur rôle de chercheurs et ils exercent leur métier avec la rigueur et les nuances que l’on attend d’eux.</p>
<p>On en revient alors à « l’apartheid mondial », dont Rufin parlait en début d’ouvrage, ce creusement abyssal des inégalités entre le Nord et le Sud qui entraîne des tentations migratoires toujours plus sensibles.</p>
<p>De part et d’autre du nouveau <em>limes</em> qui a remplacé son « équateur démographique », ces « différences » ne cessent de s’accroître depuis trente ans et justifieront peut-être une révision de la <a href="https://www.unhcr.org/fr/en-bref/qui-nous-sommes/la-convention-de-1951-relative-au-statut-des-refugies">Convention de Genève</a> qui élargirait le droit d’asile aux migrants économiques (voire climatiques). Il n’est pas sûr que les opinions publiques du Nord y soient prêtes…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203966/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Bouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 1991, Jean-Christophe Rufin annonçait que le Nord allait tout faire pour se fermer aux migrants cherchant à le rejoindre depuis les pays du Sud. Une prophétie que les faits n’ont pas démentie.Christian Bouquet, Chercheur au LAM (Sciences-Po Bordeaux), professeur émérite de géographie politique, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2030252023-04-05T19:17:40Z2023-04-05T19:17:40ZPourquoi le système de retraite ne bénéficie-t-il pas aujourd’hui d’importantes réserves ?<p>La rencontre entre Élisabeth Borne et les représentants syndicaux, la première depuis la présentation de la <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> le 10 janvier, a tourné court ce mercredi 5 avril. À la veille de la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/transports-energie-ecoles-a-quoi-s-attendre-pour-la-greve-du-6-avril_AV-202304050385.html">onzième journée de mobilisation</a> contre le projet gouvernemental de relèvement de l’âge de départ de 62 à 64 ans, la Première ministre espérait un « apaisement ». La réunion aura été <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/direct-retraites-elisabeth-borne-doit-rencontrer-l-intersyndicale-qui-reclame-le-retrait-de-la-reforme_5753093.html">« inutile »</a> selon Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT. « Nous lui avons redit combien sa réforme était injuste et brutale », ajoute pour sa part Cyril Chabanier, président de la CFTC, qui prendra part aux défilés demain en attendant que l’intersyndicale soit reçue par <a href="https://theconversation.com/topics/emmanuel-macron-30514">Emmanuel Macron</a> une fois rendue la décision du Conseil Constitutionnel.</p>
<p>Au cours des dernières journées de manifestations, les syndicats ont pu se réjouir de la présence de plus en plus massive dans les cortèges de <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/reforme-des-retraites-la-mobilisation-des-jeunes-se-durcit_5737799.html">lycéens, étudiants et jeunes actifs</a>. La retraite paraît pour eux bien lointaine, même hypothétique, craignent certains.</p>
<p>Semble en tout cas se dessiner pour eux un système de <a href="https://theconversation.com/le-systeme-de-retraite-sera-t-il-aussi-genereux-avec-les-generations-futures-quavec-les-retraites-actuels-202060">moins en moins généreux</a> par rapport à celui appliqué aux retraités actuels. Comment en est-on arrivé là ? Il ne s’agit pas ici de débattre de l’opportunité actuelle d’une réforme et de sa dimension ou non impérative. De nos <a href="https://www.cairn.info/revue-economique-2022-3-page-429.htm">recherches</a> émane un questionnement en particulier : pourquoi le régime n’est-il pas aujourd’hui doté de réserves importantes ?</p>
<p>Dans un système par répartition, les pensions des retraités actuels sont financées avec les cotisations payées par les travailleurs actuels. Le mécanisme, également appelé « pay as you go », s’avère ainsi, par construction, vulnérable aux chocs démographiques, qu’il s’agisse d’une baisse de la natalité ou de l’allongement de l’espérance de vie. Cela a justifié des réformes dans <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/retraites/reforme-des-retraites-qu-en-est-il-dans-les-autres-pays-europeens-339f2b50-a0ae-11ed-be8f-4d2939631a03">plusieurs pays d’Europe</a> ces dernières années.</p>
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<p>Il ne faudrait cependant pas confondre équilibre à chaque date et soutenabilité. Cette dernière est le critère essentiel. Le dispositif est dit soutenable si les ressources disponibles (les réserves et les cotisations actuelles et futures) sont suffisantes pour faire face aux engagements pris vis-à-vis des retraités actuels et futurs. Un système de retraite ne doit ainsi pas nécessairement présenter un équilibre financier chaque année. Il pourrait présenter des déficits dans les années ou décennies futures, à condition que le niveau actuel des réserves soit suffisant à satisfaire la condition de soutenabilité, c’est-à-dire, que le taux de croissance de l’endettement soit inférieur au taux d’intérêt.</p>
<p>Or, cette variable d’ajustement que sont les réserves semble bien avoir été oubliée par les politiques publiques.</p>
<h2>Considérer les bons indicateurs</h2>
<p>Le débat public se focalise généralement sur le taux de remplacement, c’est-à-dire le ratio entre la première retraite et le dernier salaire pour un individu. Ce n’est cependant pas la variable qui renseigne quant à la soutenabilité ou à l’équité d’un système. Il s’agit du taux de rendement implicite des cotisations (TRI).</p>
<p>Le TRI est le taux de rendement qui permet d’égaliser la valeur des cotisations versées avec les retraites perçues, en tenant compte de la probabilité de survie. Pour être équitable, le système de retraite devrait garantir le même TRI à tous les individus. Considérons deux individus qui ont exercé la même profession, cotisé exactement les mêmes montants pendant 40 ans, mais l’un entre 22 ans et 62 ans et l’autre de 25 ans à 65 ans. Ils devraient ainsi percevoir une retraite différente du fait que l’un restera moins longtemps à la retraite. Leur taux de remplacement ne serait ainsi pas le même, mais leur TRI identique.</p>
<p>En voulant équilibrer le système à chaque période, les décideurs politiques ont en fait permis à des générations de bénéficier d’un TRI très élevé, quand celles et ceux qui partiront dans les décennies à venir obtiendront des TRI très faibles. Cela semble problématique du point de vue de l’équité entre les générations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1641180236099321857"}"></div></p>
<p>Concilier équité et soutenabilité n’est pourtant pas impossible. Telle est la leçon que nous tirons d’un modèle théorique que nous avons construit à partir d’hypothèses macroéconomiques standards (pour les initiés, il s’agit d’un modèle à générations imbriquées avec une fonction de production Cobb-Douglas, où les retraites sont calculées avec des règles actuarielles). Une règle en découle : si le TRI de chaque individu était fixé au niveau du taux de croissance de la masse salariale, alors le système de retraite serait soutenable et donc capable de faire face aux différents chocs démographiques, tout en permettant de garantir une équité entre les générations.</p>
<p>Avec cette règle, le système de retraite aurait pu accumuler des réserves importantes pendant le baby-boom, utilisables pour financer les déficits générés pendant la période de vieillissement démographique.</p>
<h2>Pas besoin d’être devin</h2>
<p>Certes, on pourrait objecter que pour calibrer le tout, il faudrait pouvoir anticiper les <a href="https://theconversation.com/topics/demographie-20955">évolutions démographiques</a> futures, ce qui paraît bien délicat. Une prédiction parfaite est même irréalisable.</p>
<p>A cette objection, on peut répondre d’abord en considérant que le problème du vieillissement démographique était connu depuis longtemps : à la page 60 (49 dans la version anglaise) du <a href="https://digitallibrary.un.org/record/722922?ln=fr#record-files-collapse-header">rapport de la World Population Conference</a> organisée par les Nations unies à Bucarest en août 1974, on peut ainsi lire :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=201&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518527/original/file-20230330-28-n1nquh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=253&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<p>Les erreurs de prédiction restaient néanmoins importantes, peut-on rétorquer. Par exemple, en <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/lifeexpectancies/articles/howhaslifeexpectancychangedovertime/2015-09-09">Angleterre et au Pays de Galles</a>, on estimait en 1980 une augmentation de l’espérance de vie à la naissance de 2,4 ans pour chaque sexe à l’horizon 2012. Elle a, dans les faits, été de 6,1 ans pour les femmes et 8,4 ans pour les hommes.</p>
<p>Nos simulations numériques montrent que pour garantir la soutenabilité du système, prédire partiellement les évolutions démographiques suffit : anticiper seulement 20 % de l’augmentation future de l’espérance de vie aurait permis de générer des réserves suffisantes pendant le baby-boom.</p>
<h2>Payer des erreurs passées ?</h2>
<p>Le cadre que nous avons déployé n’est sans doute pas parfait et demande des développements futurs. Il n’intègre par exemple pas une variable démographique importante que constituent les flux migratoires. Il suggère néanmoins que quelque chose a été manqué par le passé : les pays dotés de systèmes par répartition ne semblent ainsi pas avoir accumulé de réserves suffisantes pour faire face au problème du vieillissement démographique.</p>
<p>D’après l’<a href="https://doi.org/10.1787/data-00519-fr">OCDE</a>, en 2008, seuls le Japon, la Corée et la Suède possédaient des réserves excédant 20 % du PIB. Ailleurs, le montant élevé des cotisations a été utilisé pour payer les pensions avec un taux de rendement des cotisations élevé.</p>
<p>Peut-être les économistes avaient-ils eux aussi sous-estimé le rôle des réserves. La littérature semble davantage les considérer comme une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-246X.2009.01327.x">option</a>, au mieux comme une <a href="https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/978-0-8213-9478-6">politique utile</a>.</p>
<p>Ainsi est-il, légitime de se demander s’il est juste que les générations futures, non représentées dans les prises de décision antérieures, aient à payer pour les erreurs économiques des politiques passées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Riccardo Magnani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Accumuler des réserves lorsqu’il y avait beaucoup d’actifs par rapport aux retraités aurait été un bon moyen de garantir à la fois la soutenabilité financière et l’équité entre les générations.Riccardo Magnani, Maître de Conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2009582023-03-05T16:50:15Z2023-03-05T16:50:15ZL’emploi des seniors : une culture des âges à faire évoluer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512922/original/file-20230301-20-g8wehi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Plutôt que de vouloir chasser les seniors de la vie active, l'OCDE propose de mettre en avant leur capacité à mener une vie productive, « au bénéfice tant de l’individu que de la collectivité ».</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/mains-vieille-dactylographie-545394/">Steve Buissine / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La France reste loin de la moyenne de l’Union européenne en termes de taux d’emploi des seniors. Avec <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-seniors-sur-le-marche-du-travail-en-2021">56 %</a> des personnes âgées de 55 à 64 ans en emploi en 2021, le pays pointe au seizième rang des 27, dont la moyenne est à 60,5 %. Ce taux étant calculé sur la population totale (et non sur les seuls actifs comme l’est le calcul du taux de chômage), une explication à cela réside dans le fait que l’âge de départ à la retraite y est des plus « jeunes » : 62 ans.</p>
<p>En quelques années, après l’abaissement de l’âge de départ de 65 ans à 60 ans en 1982, un nouveau modèle d’emploi semble s’être mis en place en France. Une seule génération (30-54 ans) se devait d’être au travail avec l’idée qu’il fallait, par tous les moyens, d’un côté inciter les jeunes à se former et de l’autre, évincer les « seniors » de l’emploi.</p>
<p>Dès 1998, l’OCDE propose toutefois une <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/economics/maintaining-prosperity-in-an-ageing-society_9789264163133-en">autre stratégie</a> d’action. Plutôt que de considérer directement l’âge, il s’agirait plutôt de proposer une gestion des parcours et des temps sociaux avec l’avancée en âge. Plutôt que de parler de « senior », on parlera alors de <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-17.htm">« vieillissement actif »</a>. Est mis en avant « la capacité des personnes avançant en âge à mener une vie productive dans la société et l’économie au bénéfice tant de l’individu que de la collectivité ». En 2001, le <a href="https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/fr/ec/00100-r1.%20ann-r1%20cor2.f1.html">Conseil européen</a>, réuni à Stockholm, précise de nouveaux objectifs, en lien avec la <a href="https://www.europarl.europa.eu/summits/lis1_fr.htm">stratégie dite « de Lisbonne »</a> établie un an auparavant. Est visé un taux d’emploi global de 70 % pour 2010, 50 % pour les 55-64 ans.</p>
<p>Le bilan global semble un échec. En 2013, l’<a href="https://www-cairn-info.fr/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-17.htm">analyse comparative</a> menée par la sociologue Anne-Marie Guillemard mettait déjà en évidence une grande disparité entre les pays membres à la fois dans leur capacité à maintenir les seniors sur le marché du travail et dans la mise en œuvre d’un vieillissement actif en emploi. Elle établissait que les trajectoires professionnelles différenciées de fin de carrière et les capacités des seniors à durer en emploi dépendaient des options de politiques de protection sociale, d’emploi et de formation retenues. Les options choisies révèlent en fait des cultures vis-à-vis de l’âge différentes selon les pays, élément que nous souhaiterions mettre en perspective dans les débats actuels.</p>
<h2>Comment inclure, comment indemniser ?</h2>
<p>La même auteure a proposé une <a href="https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/les-defis-du-vieillissement--9782200249205-page-101.htm">typologie</a> culturelle de la façon dont est saisie la question des deuxièmes parties de carrière. Quatre groupes s’y articulent selon deux dimensions : le niveau d’indemnisation du non-travail et les politiques d’inclusion ou d’exclusion des actifs vieillissants du marché de l’emploi.</p>
<p><iframe id="WkKHt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/WkKHt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La culture de la « régulation par le marché du travail » se retrouve notamment dans les pays anglo-saxons, où les actifs vieillissants sans ressources financières n’ont pas d’autre choix que de se maintenir sur le marché du travail. Ils subissent alors de plein fouet la conjoncture du marché du travail. La possibilité de se maintenir ou le rejet est fonction du niveau de l’offre et de la demande de la main d’œuvre.</p>
<p>La « culture du devoir d’activité et du maintien en emploi », elle, se retrouve particulièrement au Japon où les salariés vieillissants bénéficient de plusieurs opportunités de maintien sur le marché du travail. C’est la catégorie qui correspond le plus à l’application du concept de vieillissement actif au sens de l’OCDE. Les hommes japonais sortaient ainsi du marché du travail en 2020 à un <a href="https://stats.oecd.org/OECDStat_Metadata/ShowMetadata.ashx?Dataset=PAG&Lang=fr">âge moyen de 68,2 ans</a>, le plus élevé des pays de l’OCDE avec la Nouvelle-Zélande.</p>
<p>Les pays scandinaves ainsi que les Pays-Bas sont ceux qui correspondent le mieux à la « culture du droit au travail à tout âge ». Le modèle propose des programmes préventifs de maintien de l’employabilité et de la capacité de travail. Des actions de réinsertion et de réhabilitation sont proposées à tous les âges permettant de se maintenir au travail.</p>
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<p>La France, elle, avec un niveau d’indemnisation élevé du risque de non-travail associé à une politique d’exclusion des actifs vieillissants du marché du travail, semble davantage touchée par une « culture de la sortie précoce ». Présente sur plusieurs décennies, elle a établi une norme, une sorte de privilège dont chaque actif vieillissant souhaite profiter comme ses prédécesseurs. Le niveau élevé et la durée des indemnités du non-travail contribuent à la réduction de l’offre de travail pour les actifs vieillissants. L’inactivité et le chômage sont finalement incités et accompagnés par les pouvoirs publics et les employeurs.</p>
<h2>L’image des seniors à valoriser</h2>
<p>Deux cultures des âges apparaissent les plus appropriées pour faire face au vieillissement de la population et atteindre l’équilibre des finances publiques : celles « du droit à tout âge » et « du devoir d’activité et du maintien en emploi ». Ces cultures suggèrent une approche d’inclusion, qui consiste à prévenir et organiser le travail des actifs vieillissants. L’idée est de favoriser le maintien des capacités à tout âge et la prolongation de la période active. Il s’agit de valoriser l’emploi des seniors alors que, en France, l’<a href="https://theconversation.com/valoriser-lemploi-des-seniors-le-prealable-oublie-de-la-reforme-des-retraites-197141">image des seniors</a> est souvent associée à une charge économique, un problème de cohésion interne et un risque de productivité.</p>
<iframe style="border-radius:12px" src="https://open.spotify.com/embed/episode/6xRT3ZQDtEKBBHqVfFAagk?utm_source=generator" width="100%" height="352" frameborder="0" allowfullscreen="" allow="autoplay; clipboard-write; encrypted-media; fullscreen; picture-in-picture" loading="lazy"></iframe>
<p>Les dernières <a href="https://acompetenceegale.com/wp-content/uploads/2022/10/ETUDE_EMPLOI_SENIORS_A-COMPETENCE-EGALE116007.pdf">études</a> sur la représentation des seniors mettent en lumière les principaux freins perçus tant par les candidats que les recruteurs : l’âge, leurs prétentions salariales, leur adaptabilité, leur flexibilité, leur familiarité avec les nouvelles technologies et enfin la fragilité de leur santé. La discrimination des candidats âgés à l’embauche générerait même une forme d’<a href="https://theconversation.com/seniors-comment-travailler-plus-longtemps-quand-personne-ne-vous-recrute-plus-198464">« invisibilisation »</a>.</p>
<p>Comment passer en France d’une culture d’exclusion du marché de l’emploi des actifs vieillissants à une culture d’inclusion ? Ce changement de paradigme nécessite une stratégie multidimensionnelle qui, au-delà de la réforme en débat, implique autant les politiques publiques que les organisations. Cette révolution culturelle des mentalités s’opère lentement et nécessite la réforme des modalités d’attribution et des niveaux d’indemnisation du non-travail ainsi qu’un changement de représentation à l’égard des actifs vieillissants. Ce dernier passera par la diffusion des bonnes pratiques organisationnelles facilitant l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail pour tous, objet de nos <a href="https://www.researchgate.net/publication/273526922_Assessment_and_improvement_of_employee_job-satisfaction_a_full-scale_implementation_of_MUSA_methodology_on_newly_recruited_personnel_in_a_major_French_organisation">travaux passés</a> et à venir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bérangère Gosse est membre du bureau de l'association Référence RH et de la commission QVCT de l'ANDRH Rouen. </span></em></p>Quatre types culturels d’accompagnement des fins de carrière ont pu être identifiés dans les pays développés et le modèle français ne semble pas le plus approprié au contexte démographique.Bérangère Gosse, Maître de conférences en GRH, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1930452022-10-25T14:41:28Z2022-10-25T14:41:28ZImmigration Canada discrimine les étudiants d’Afrique francophone. Voici ce que Québec devrait faire pour y mettre fin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/491684/original/file-20221025-232-1oli3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C37%2C4977%2C3285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une jeune femme d'origine africaine à Québec, avec le château Frontenac en arrière-plan. En 2021, le gouvernement canadien a rejeté 72 % des candidatures provenant de pays africains ayant une forte population francophone, contre 35 % pour l’ensemble des autres régions du monde.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La campagne électorale québécoise s’est terminée sur un verdict sans appel. La Coalition Avenir Québec (CAQ) a été reportée au pouvoir face à une opposition divisée et en retrait.</p>
<p>L’heure est au bilan et à l’élaboration des nouvelles orientations du gouvernement. Notamment en matière d’immigration.</p>
<h2>Une campagne pénible sur le thème de l’immigration</h2>
<p>Il a beaucoup été question d’immigration durant cette campagne. Rarement en des termes qui élevaient le débat, malheureusement. Le premier ministre François Legault a <a href="https://www.24heures.ca/2022/09/09/propos-de-francois-legault-sur-limmigration-et-la-violence-un-amalgame-dangereux-et-nuisible">amalgamé l’immigration à des mœurs violentes</a> pouvant heurter les « valeurs » des Québécois. L’ancien ministre de l’Immigration, Jean Boulet a démontré sa <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1920110/immigration-montreal-jean-boulet-emploi-francais">méconnaissance des chiffres de son propre ministère</a> lors d’une sortie gênante. En voulant rectifier le tir, le premier ministre en a rajouté en qualifiant une hausse des seuils d’immigration au-delà de <a href="https://www.ledevoir.com/politique/quebec/759547/la-situation-n-est-pas-si-dramatique-a-rouyn-noranda-dit-legault">50 000 immigrants par année de « suicidaire »</a>.</p>
<p>Il est tout à fait légitime pour un État de mesurer les impacts de différents seuils d’immigration. Mais si le nouveau gouvernement veut se faire rassembleur, il devrait éviter d’avoir recours à des sifflets à chiens pour les amateurs de théories du déclin.</p>
<p>En tant que professeur dans le domaine de la sociologie politique, je m’intéresse aux dynamiques et transformations sociopolitiques au Québec et au Canada.</p>
<h2>Discrimination systémique à Immigration Canada</h2>
<p>Lors de son deuxième mandat, le gouvernement caquiste doit aborder les enjeux liés à l’immigration d’une façon moins frileuse et plus ambitieuse.</p>
<p>Paradoxalement, dans un contexte où plusieurs partis à l’Assemblée nationale adhèrent à une forme ou à une autre de nationalisme, aucune formation ne semble s’inquiéter de la diminution du poids démographique du Québec et de la francophonie au sein de la fédération canadienne, confirmée par les <a href="https://www.statcan.gc.ca/fr/sujets-debut/langues">dernières données publiées par Statistique Canada</a>.</p>
<p>Or, le développement de la francophonie canadienne et des institutions francophones au Québec devra passer, entre autres choses, par une immigration en provenance des pays d’Afrique francophone et par une plus grande ouverture à l’égard de celle-ci.</p>
<p>En lien avec ce premier enjeu, un deuxième doit être abordé et dénoncé de façon beaucoup plus frontale par l’Assemblée nationale à Québec, soit celui des obstacles posés par le gouvernement fédéral, par Immigration Canada pour être précis, aux étudiants·e·s de la francophonie noire africaine qui cherchent à étudier dans une institution francophone au Québec.</p>
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<img alt="Pavillon des Sciences biologiques de l'UQAM" src="https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491944/original/file-20221026-8248-gvf4je.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le pavillon des Sciences biologiques de l'UQAM, au centre-ville de Montréal. Comme toutes les autres institutions universitaires francophones au pays, elle reçoit moins d’étudiants africains qu’elle le pourrait en raison de pratiques discriminatoires d’Immigration Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Ces étudiants·e·s subissent un taux de refus nettement supérieur aux étudiants·e·s appliquant dans les institutions anglophones : ce taux se situe autour de 60 % au Québec, 45 % en Ontario et 37 % en Colombie-Britannique. Les étudiants·e·s d’Afrique francophone sont surreprésentés parmi ces refus. En 2021, le <a href="https://www.affairesuniversitaires.ca/articles-de-fond/article/permis-detudes-le-haut-taux-de-refus-cause-des-maux-de-tete/">gouvernement canadien a rejeté 72 % des candidatures provenant de pays africains ayant une forte population francophone</a>, contre 35 % pour l’ensemble des autres régions du monde.</p>
<p>Cette situation est documentée et connue à Immigration Canada. Mais combattre cette forme de discrimination ne semble pas la priorité du ministère.</p>
<p>Ça ne semble pas être une priorité du Parti libéral du Canada non plus, en dépit de sa profession de foi antiraciste dans bien d’autres dossiers. Cette situation cause un préjudice d’abord aux étudiants·e·s en question, puis aux établissements d’enseignement supérieur au Québec. C’est pour cette raison que l’Assemblée nationale doit s’en saisir vigoureusement.</p>
<h2>Racisme et francophobie</h2>
<p>Durant les premiers mois où cette situation a été révélée, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1843320/immigration-refus-etudiants-africains-francophones-trudeau-discrimination">deux arguments ont été mis de l’avant par le fédéral pour la justifier</a> : un problème algorithmique (ceux-ci ont le dos large) ; puis, la crainte que ces étudiants·e·s ne retournent pas dans leur pays.</p>
<p>Cette deuxième affirmation avait le mérite d’être claire. Pire, lorsqu’il s’agit de la francophonie noire africaine, le <a href="https://www.la-liberte.ca/2022/07/17/delais-deraisonnables-en-immigration-pour-lafrique-francophone/">traitement discriminatoire des demandes va au-delà des seuls étudiants</a>. C’est l’ensemble des dossiers qui semble faire l’objet de délais déraisonnables. De nombreux chercheurs africains devant participer à des congrès, comme celui sur sur le sida, qui se tenait cet été à Montréal, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2022-06-17/conference-sur-le-sida-a-montreal/les-visas-tardent-a-etre-approuves.php">ont vu leur demande de visas refusée ou ne l’ont pas reçu à temps, une situation dénoncée par les organisateurs</a>.</p>
<p>Encore là, le gouvernement libéral a l’indignation à géométrie variable.</p>
<p>Dernièrement, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1925267/racisme-immigration-canada-etudiants-etrangers-gouvernement">Immigration Canada a confessé du bout des lèvres</a> qu’il y avait du racisme, jumelé à de la francophobie, à son ministère. Cela survient près d’un an après que ces pratiques aient été <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1843905/demandes-permis-etudes-afrique-refus-universites-cegeps-immigration-canada">dénoncées par les institutions d’enseignement supérieur francophones</a>.</p>
<p>L’Assemblée nationale du Québec doit dénoncer à l’unanimité cette discrimination.</p>
<h2>Québec doit également rectifier le tir</h2>
<p>Dans ce dossier, le gouvernement québécois doit lui aussi faire un examen de conscience.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/reforme-jolin-barette-comment-marginaliser-le-quebec-pour-les-nuls-126634">signaux envoyés par Québec</a> ces dernières années n’ont pas été attrayants pour les étudiants internationaux. Dans le cadre d’une mesure incompréhensible, le gouvernement a alourdi et allongé le temps de résidence nécessaire au Québec pour les étudiants internationaux souhaitant y demander la résidence permanente ou la citoyenneté.</p>
<p>Or, à la fin de leurs études ces étudiants·e·s bénéficient d’un réseau favorable à leur insertion professionnelle, sociale et culturelle. Pour reprendre une formule du premier ministre Legault, créer des embûches à ces étudiants·e·s est « suicidaire » pour l’attrait des <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2020-03-02/le-quebec-perd-la-course-aux-etudiants-etrangers">universités québécoises face à leurs rivales des autres provinces</a>.</p>
<h2>Jouer les régions contre Montréal nuit aux institutions francophones à Montréal</h2>
<p>Un troisième enjeu gagnerait à être réévalué par la nouvelle ministre de l’Éducation supérieure, Pascale Déry.</p>
<p>À la fin de son premier mandat, la CAQ a pris la décision de favoriser la régionalisation des étudiants internationaux dans certains domaines d’études au moyen <a href="https://www.lesoleil.com/2022/05/19/80-m-pour-attirer-les-etudiants-etrangers-en-region-2da5c096943f56d231eeeb2fe086e0ad">d’incitatifs financiers s’ils étudient en région</a>.</p>
<p>C’est, en soi, une excellente nouvelle. Les étudiants·e·s internationaux en région dynamisent le tissu social et culturel et ils revitalisent des institutions d’enseignement indispensables à la vitalité des régions. Cependant, on peut se demander s’il est pertinent de jouer les régions contre Montréal sur cet enjeu. Afin de freiner le déclin des institutions d’enseignement francophones à Montréal (<a href="https://www.ledevoir.com/societe/education/763977/education-baisse-du-nombre-d-etudiants-dans-les-universites-du-quebec">toutes connaissent une baisse d’inscriptions cet automne</a>), le gouvernement provincial peut aussi agir en les aidant à attirer des étudiants internationaux francophones à Montréal.</p>
<p>Jouer les régions contre Montréal est de bonne guerre en campagne électorale, mais si le gouvernement est sérieux à l’égard de la situation du français à Montréal, il doit se doter d’un plan pour contribuer au rayonnement de l’enseignement supérieur en français également dans la métropole.</p>
<h2>Francophonie métropolitaine : le temps est à l’ambition</h2>
<p>En 1967 et 1968, la création du réseau des Cégeps et de l’Université du Québec a favorisé la démocratisation de l’accès à l’éducation en français au Québec.</p>
<p>En 2022, l’objectif de la nouvelle ministre de l’Éducation supérieure pourrait être de faire de ce réseau d’éducation publique un pôle de référence pour la francophonie au Canada et dans le monde. Une première étape de ce programme devrait consister dans un appui systématique aux universités francophones dans leurs tentatives d’attirer des étudiants de la francophonie canadienne.</p>
<p>Dans un contexte où les campus francophones hors Québec subissent des <a href="https://rccfc.ca/2020/05/19/rccfc-est-preoccupe-quant-a-lavenir-du-campus-saint-jean-en-alberta/">compressions alarmantes</a> et où règnent un <a href="https://fr.scribd.com/document/528157735/Rapport-Renouveau-de-la-francophonie-a-l-Universite-d-Ottawa-une-responsabilite-collective#from_embed">climat de francophobie</a> à l’Université d’Ottawa, qui a pourtant, sur papier, le mandat de célébrer la francophonie, le gouvernement québécois doit se montrer plus attrayant, plus agressif et plus ambitieux.</p>
<p>En somme, la CAQ doit se doter d’une stratégie cohérente, ambitieuse et moins frileuse en matière d’éducation publique supérieure et d’immigration durant ce deuxième mandat.</p>
<p>L’élaboration d’une telle stratégie pourrait faire l’objet d’une concertation impliquant la ministre Pascale Déry, la nouvelle ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, ainsi que Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie ainsi que de l’Innovation et du Développement économique de la région de Montréal. Il faut leur souhaiter de l’ambition dans l’appui au rayonnement des institutions d’éducation publique supérieures, que ce soit à Montréal ou en région.</p>
<p>Ces institutions devront être reconnues et appuyées comme des vecteurs au cœur de l’intégration sociale et culturelle au Québec. Cette stratégie devrait se montrer ambitieuse également en ce qui a trait au développement de collaborations avec les universités de la francophonie africaine, et elle devra envoyer un signal clair en condamnant de façon unanime les pratiques discriminatoires à Immigration Canada.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193045/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédérick Guillaume Dufour ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Immigration Canada discrimine les étudiants en provenance des pays d’Afrique francophone, nuisant ainsi au développement des institutions universitaires du Québec. Le gouvernement doit réagir.Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926942022-10-18T16:41:57Z2022-10-18T16:41:57ZXXᵉ congrès du PCC : le modèle économique chinois est-il compatible avec les ambitions de puissance et de modernité ?<p>C’est devant un public acquis à sa cause que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/xi-jinping-40074">Xi Jinping</a>, 69 ans, a ouvert ce dimanche 16 octobre le XX<sup>e</sup> Congrès du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/parti-communiste-chinois-45164">Parti communiste chinois</a>. Briguant samedi prochain un troisième mandat à la tête du pays, ce qui ferait de lui le dirigeant le plus puissant depuis Mao, il s’adressait à quelque 2 300 délégués d’un appareil politique qui met tout en œuvre pour <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20221016-chine-au-congr%C3%A8s-du-pcc-le-pr%C3%A9sident-xi-jinping-pr%C3%B4ne-l-unit%C3%A9-derri%C3%A8re-lui">montrer son unité</a>.</p>
<p>Il a souligné ses objectifs de faire de la Chine une puissance de premier plan au niveau mondial ainsi qu’un grand pays moderne. Son économie peut-elle seulement relever ce défi ?</p>
<p>La question de l’évolution du modèle de développement semble aujourd’hui cruciale pour Pékin. La politique économique actuelle est-elle soutenable ? Le régime peut-il accepter une plus faible croissance ? On constate en fait d’importantes faiblesses structurelles : ralentissement économique, contraintes démographiques, inégalités, problèmes environnementaux. Elles existaient avant l’arrivée de Xi Jinping au pouvoir mais ses méthodes autoritaires en ont aggravé les conséquences.</p>
<p>Pour maintenir le cap d’une croissance élevée, les autorités ont, ces dernières années, fait le choix de continuer de soutenir les investissements mais souvent dans des secteurs peu productifs comme l’immobilier. Elles ne pourront cependant pas pallier éternellement une demande en berne pour des raisons tant démographiques que sociales. Le modèle économique chinois, sujet de nos <a href="https://journals.openedition.org/lectures/51163">recherches</a>, semble se trouver donc face à un impératif de réformes qu’il repousse depuis presque deux décennies.</p>
<h2>L’investissement, indispensable moteur de l’économie</h2>
<p>Repartons quelques années en arrière. À la mort de Mao en 1976, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> reste un pays très pauvre, souffrant de sous-investissement. Deng Xiaoping, leader réformiste, accède bientôt au pouvoir et lance toute une série de mesures à partir de 1978 visant à construire une « économie socialiste de marché ».</p>
<p>La stratégie d’ouverture et d’attraction des capitaux étrangers, aidée par l’abondance de main-d’œuvre bon marché, a permis de soutenir de forts taux de croissance. Ils reposent ainsi principalement sur l’investissement et le commerce extérieur, mais très peu sur la consommation des ménages qui reste à un niveau assez faible. En effet, le taux d’épargne est très élevé en raison de la faiblesse de la protection sociale et donc de la nécessité de constituer une épargne de précaution.</p>
<p><iframe id="64X9E" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/64X9E/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cependant, les investissements sont devenus de moins en moins rentables. Au début des années 2000, une réorientation semblait déjà impérative. Dès 2004, le premier ministre Wen Jabao annonce le nécessaire ré-équilibrage de la croissance afin d’améliorer l’efficacité de ces investissements et d’accroître la consommation. Si la Chine veut éviter de tomber dans « la trappe des pays à revenu intermédiaire », il faudrait augmenter les revenus des ménages, mais aussi permettre une <a href="http://faculty.econ.ucdavis.edu/faculty/woo/Woo-Articles%20from%202012/Woo.China-Middle%20Income%20Trap.JCEBS%202012.pdf">croissance plus qualitative</a> en s’appuyant sur des technologies de production d’un niveau supérieur. <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_de_la_chine-9782707192127">Peu de mesures cependant voient le jour</a>, reportées un peu plus par la crise financière de 2007.</p>
<p>Pékin a, de fait, continué d’ériger la croissance en objectif premier. L’une des particularités de l’économie de la Chine est que le taux d’évolution de la production d’une année sur l’autre n’est pas tant quelque chose de mesuré à la fin d’une année ou même une prévision anticipée, qu’un objectif à tenir, fixé par le gouvernement. Pour atteindre les cibles qu’elles se donnaient elles-mêmes, les autorités ont poursuivi leur soutien massif à l’investissement, au détriment d’une évolution du modèle économique.</p>
<h2>L’immobilier plutôt que la productivité</h2>
<p>Le <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/05e0fbe4-fcdb-4041-94a0-420076567622/files/730ca0e9-0cf4-4478-9fdb-4341bfad6b81">secteur immobilier</a> a alors progressivement endossé un rôle central. L’urbanisation et la nécessité sociale d’être propriétaire pour pouvoir se marier stimulaient la demande : les gouvernements locaux en ont profité pour s’enrichir grâce aux ventes de terrains.</p>
<p>Non seulement l’activité de ce secteur permet d’atteindre le taux de croissance fixé par le gouvernement, mais il permet aussi de lisser les cycles liés à la conjoncture. Lorsqu’il y a un risque de surchauffe, la décision est prise de contraindre l’activité du secteur, via par exemple une hausse des taux d’intérêt ou en demandant un apport minimum élevé. Au contraire, tout est fait pour la soutenir lorsque la croissance faiblit.</p>
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<p>L’importance de la demande a cependant également entraîné une hausse des prix, surtout dans les plus grandes villes, ce qui a incité à la spéculation. Face aux possibilités de profits rapides, il y a alors eu un phénomène en chaîne qui a, en quelque sorte, dirigé vers ce secteur des investissements qui auraient été plus productifs ailleurs.</p>
<p>Le secteur immobilier au sens strict représente aujourd’hui 14 % du PIB, 30 % si on inclut les secteurs concernés en amont (le ciment ou l’acier par exemple) et en aval (la décoration, l’ameublement). On observe, de fait, une très forte interdépendance entre ces secteurs, ce qui les fragilise en cas de difficultés. Or, c’est précisément ce qui arrive aujourd’hui.</p>
<h2>Des menaces qui planent sur le secteur financier</h2>
<p>Cette course à la croissance et aux investissements s’est en effet faite au prix d’un fort endettement, à tel point qu’en 2020, le gouvernement a décidé de durcir la réglementation. Ont été définies <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/immobilier-cette-crise-rampante-qui-menace-la-chine-1870011">« trois lignes rouges »</a> qui limitent le niveau d’endettement des entreprises.</p>
<p>Si cette décision vise à assainir, à juste titre, un marché en surchauffe, elle a néanmoins accru les problèmes d’entreprises déjà pénalisées par la crise liée au coronavirus. Le gouvernement doit donc relâcher un peu les contraintes et retarder une fois de plus des réformes de fond.</p>
<p>Le risque de transmission de la crise à d’autres secteurs est d’autant plus important qu’une partie des emprunts s’est fait grâce au « shadow banking », cette finance de l’ombre qui, bien que plus contrôlée que par le passé, n’en demeure pas moins réelle. À la différence des grandes banques qui ont la capacité de surmonter une crise de liquidité, nombre de petites banques s’avèrent fragiles et ne résisteraient pas à un défaut des entreprises auxquelles elles ont prêté.</p>
<p>Au risque de défaut des promoteurs s’ajoute d’ailleurs le risque de boycott des acheteurs, qui ne veulent plus payer pour des appartements dont la construction se trouve souvent suspendue. La plupart des logements sont en effet vendus sur plan et l’évolution des travaux dépend de l’état des finances du promoteur.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont les gouvernements locaux qui assurent la solidité de l’ensemble et qui soutiennent le marché en achetant un très grand nombre de logements. Les autorités de la ville de Suzhou (agglomération de plus de quatre millions d’habitants située dans la province de Jiangsu au sud du pays) ont, par exemple acheté <a href="https://www.scmp.com/business/china-business/article/3195883/local-chinese-governments-snap-new-homes-bid-buoy-battered">5000 appartements</a> en septembre. Cela correspond à la moitié des appartements vendus dans le mois.</p>
<p>Pareille politique peut permettre aux promoteurs immobiliers d’honorer leurs engagements en terminant les appartements et en payant les fournisseurs, mais ce n’est qu’une solution provisoire.</p>
<h2>Une démographie pénalisante</h2>
<p>Cette crise de l’immobilier a été aggravée par la <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/briefings-de-lifri/vieille-detre-riche-chine-face-defi-de-demographie">situation démographique</a>. La population chinoise vieillit. Dès le début des années 1970, des restrictions des naissances ont été mises en place, augurant la politique de l’enfant unique décidée en 1979.</p>
<p>Des assouplissements récents ont tenté d’initier un virage avec le droit à un 2<sup>e</sup> enfant en 2015 et l’incitation à avoir un 3<sup>e</sup> enfant en 2021. Mais les tentatives du gouvernement pour relancer la natalité sont des échecs pour des raisons financières et sociales. En l’absence d’une véritable politique de redistribution et d’une hausse des salaires, avoir un enfant voire deux enfants supplémentaires s’avère trop coûteux en termes d’éducation, de santé et de logement. De plus, la société évolue et les jeunes couples se sont habitués à l’idée de n’avoir qu’un enfant et de lui offrir la meilleure éducation possible.</p>
<p>Le taux de fécondité est ainsi de <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SP.DYN.TFRT.IN?locations=CN">1,7 enfant par femme</a> alors qu’un taux de 2,1 est nécessaire au renouvellement de la population. La Chine non seulement perdra donc à l’avenir les avantages d’une population jeune en termes de dynamisme, de capacité d’innovation… mais elle devra également assumer la charge d’une population âgée. Elle connait en fait les problèmes de transition démographique des pays riches alors qu’elle ne se situe en 2020, qu’au 72<sup>e</sup> rang mondial en termes de PIB par habitant, selon les données du FMI.</p>
<p>La montée du chômage (18 % chez les 18-24 ans), ne peut en outre que pénaliser une relance de la démographie. Tous ces éléments pèsent sur la demande de nouveaux logements.</p>
<h2>Ce que le parti semble devoir concéder</h2>
<p>Trois éléments paraissent donc indispensables pour permettre une croissance chinoise plus qualitative : éviter les investissements non rentables, ceux qui ne visent qu’à soutenir artificiellement le taux de croissance ; augmenter les revenus des ménages afin de faire de la consommation intérieure le moteur de la croissance ; et poursuivre l’amélioration du niveau technologique de la production.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=846&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490145/original/file-20221017-8495-2sqo68.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1063&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Or, ce dernier point se heurte à la dépendance vis-à-vis de la technologie américaine et à l’impact de l’interdiction de certaines exportations des États-Unis vers la Chine. D’une façon générale, le climat des affaires se trouve très dégradé par la brutalité et l’imprévisibilité des décisions de Xi Jinping. Le renforcement du contrôle sur le secteur du numérique ou l’interdiction de l’important secteur des entreprises donnant des cours particuliers par exemple, ont instauré une méfiance qui pourrait à l’avenir peser non seulement sur les investissements étrangers mais aussi sur la prise de risque des entrepreneurs chinois.</p>
<p>Dans un contexte où l’application d’une politique zéro Covid très stricte et contraignante entraîne de nombreuses critiques de la part de la population, l’objectif du gouvernement reste d’assurer le maintien du parti communiste au pouvoir, sans que les pays étrangers puissent mettre des obstacles au développement du pays. C’est le sens du projet « Une ceinture, une route », mais aussi de l’activisme de la Chine au plan international. Sur ce point encore, après des années de discrétion de la part des dirigeants, les méthodes agressives de Xi Jinping entament la crédibilité de la Chine.</p>
<p>En résumé, les problèmes économiques ne seront surmontés que si le gouvernement et donc le parti communiste acceptent un taux de croissance plus faible et une politique de redistribution. Celle-ci, même si elle reste conforme à l’idéal communiste, n’en reste pas moins à l’état de projet incertain, les déclarations de Xi Jinping sur la prospérité commune restant très générales.</p>
<p>Le dirigeant chinois, comme ses prédécesseurs, reste profondément marqué par l’éclatement de l’URSS, attribué à un affaiblissement du Parti communiste soviétique. Tout est donc fait aujourd’hui pour que le Parti communiste chinois renforce son influence et son contrôle. La question est de savoir si cela sera à l’avenir compatible avec la poursuite du développement économique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192694/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary-Françoise Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La croissance chinoise, qui repose sur des investissements de moins en moins rentables, dépend aujourd’hui de la mise en œuvre de réformes repoussées depuis presque deux décennies.Mary-Françoise Renard, Professeur d’économie, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1920462022-10-11T19:16:32Z2022-10-11T19:16:32ZÉpidémie de Covid-19 en Afrique : quelles spécificités ?<p>Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les nombres de cas et de décès en Afrique se sont avérés très inférieurs <a href="https://theconversation.com/Covid-19-que-sait-on-de-la-propagation-du-sars-cov-2-en-afrique-164908">à ce qui était observé sur les autres continents</a>. Le continent africain a en effet été cinq fois moins touché en moyenne que l’Europe, avec, toutefois, d’importantes variations géographiques. Cette observation inattendue a conduit à se demander s’il y a une <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pntd.0010735">spécificité du continent africain face à cette maladie</a>, ou si cette particularité observée ne résulterait pas d’autres facteurs.</p>
<p>Un point important à prendre en compte pour évaluer l’ampleur de l’impact du Covid est la capacité de surveillance épidémiologique des pays, qui dépend directement des systèmes de santé nationaux. Au-delà de toute considération qualitative, cette capacité peut être évaluée en premier lieu en se basant sur le <a href="https://data.worldbank.org/indicator/SH.MED.BEDS.ZS">nombre de lits d’hôpitaux par habitant</a>.</p>
<p>En Afrique, ces capacités sont très variables d’un pays à l’autre mais ne dépassent pas 3,2 ‰ au nord de l’Afrique et 2,7 ‰ au Sud – une densité faible en comparaison de l’Europe, où le nombre de lits d’hôpitaux est en moyenne de 5,5 ‰. Ces capacités sont particulièrement faibles en Afrique de l’Ouest, où il ne dépasse pas 0,4 ‰ (Mauritanie) et peut descendre jusqu’à 0,1 ‰ (Mali).</p>
<p>Cette analyse suggère une forte sous-estimation du nombre des cas et des décès, d’un facteur 8,5 en moyenne par comparaison à l’Europe. Ce biais est particulièrement marqué en Afrique de l’Ouest (Nigeria, Burkina Faso, Tchad, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Niger, Sénégal, Guinée, Mali) et en Afrique de l’Est (Ouganda, Éthiopie, Madagascar) où la sous-estimation peut atteindre des facteurs 10 à 20, parfois au-delà.</p>
<p>Néanmoins, cela ne suffit pas à expliquer entièrement les différences observées.</p>
<p>Un second facteur, démographique, peut être identifié. Il a pu être évalué en prenant en compte la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus (sur lesquelles le Covid-19 a un impact plus fort). Cette proportion, plus faible en Afrique, permet cette fois d’expliquer une large part des différences observées.</p>
<p>Une fois ces deux facteurs pris en compte, nombre de cas et de décès sont du même ordre de grandeur qu’en Europe : lacunes du système de surveillance et spécificité démographie apparaissent donc comme les facteurs prédominants. À l’échelle du continent, les analyses ne font pas ressortir d’autres facteurs significatifs (épidémiologiques, géographiques ou climatiques) susceptibles de contribuer à cette spécificité africaine.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quatre cartes permettent de montrer que réseaux de surveillance sanitaire et démographie sont les deux facteurs majeurs pour expliquer la spécificité de l’Afrique" src="https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=536&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=536&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=536&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488552/original/file-20221006-14-y23r1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=673&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Distributions statistiques et géographiques des nombres de cas (à gauche) et de décès (à droite). Sans prendre en compte la sous-estimation des réseaux de surveillance et la démographie (en haut), on observe une très forte disparité entre l’Europe et l’Afrique. Les différences sont considérablement réduites en prenant en compte ces effets (en bas).</span>
<span class="attribution"><span class="source">N. Thenon, M. Peyre, M. Huc, A. Touré, F. Roger, S. Mangiarotti</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>La théorie du chaos pour analyser une dynamique épidémique</h2>
<p>Pour étudier l’évolution temporelle de l’épidémie sur le continent africain, nous avons réalisé une analyse de sa dynamique pour dix-sept pays en nous appuyant sur la technique de modélisation globale employant la théorie du Chaos (ou théorie des systèmes dynamiques non linéaires). Trouvant sa source dans les travaux d’Henri Poincaré à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, elle est parfaitement adaptée pour travailler sur les comportements déterministes présentant une forte sensibilité aux conditions initiales et donnant lieu à des évolutions imprévisibles à long terme.</p>
<p>Contrairement aux approches mathématiques classiques, la théorie du chaos s’appuie sur l’« espace des phases » (ou des états) : un « espace » qui décrit les états successivement « visités » par le système étudié. Son intérêt vient de ce qu’il peut contenir toutes les solutions du système étudié, et offrir (théoriquement) la représentation complète d’une dynamique indépendamment des conditions initiales.</p>
<p>Cette technique de modélisation est ainsi bien adaptée aux événements peu prévisibles comme les épidémies de maladies transmissibles en général et de maladies émergentes en particulier.</p>
<p>De façon pratique, une <a href="https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/est-il-possible-de-retrouver-les-equations-qui-gouvernent-la-dynamique-dun-systeme">approximation algébrique des équations qui gouvernent l’épidémie a pu être obtenue, indépendamment des conditions initiales et directement à partir des observations</a>.</p>
<p>L’approche a été précédemment <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0960077915002933">testée sur l’épidémie de peste de Bombay (1896-1911)</a> et <a href="https://aip.scitation.org/doi/10.1063/1.4967730">sur celle d’Ebola d’Afrique de l’Ouest (2013-2016)</a>.</p>
<p>Appliquée à la Chine dès les premières semaines de l’épidémie, elle avait permis d’obtenir un <a href="https://labo.obs-mip.fr/multitemp/bulletin-gpom-epidemiologic/">premier modèle chaotique dès le 5 février 2020</a>, mettant en évidence la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/epidemiology-and-infection/article/chaos-theory-applied-to-the-outbreak-of-covid19-an-ancillary-approach-to-decision-making-in-pandemic-context/07A53305F996B2B9498F25606DB83B0B">forte imprévisibilité de l’épidémie ainsi qu’un risque important de redémarrages</a>. La stratégie zéro-Covid a permis de revenir rapidement à un niveau de propagation très bas, mais l’<a href="https://theconversation.com/omicron-les-problemes-que-pose-un-variant-trois-fois-moins-severe-mais-deux-fois-plus-transmissible-174587">arrivée du variant Omicron</a> a conduit à un tel redémarrage début 2022.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Selon les paramètres employés, la modélisation montre la possibilité de redémarrage de l’épidémie (sous forme de pics différents)" src="https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=133&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488565/original/file-20221006-18-k605tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=167&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Simulations du nombre de nouveaux cas journaliers de Covid-19, en Chine, sur une période de 80 jours (à compter du 1ᵉʳ janvier 2020). Un des modèles obtenus en mai 2020 pour la dynamique de l’épidémie montrait, par les comportements intermittents obtenus, que des redémarrages étaient possibles en fonction des mesures sanitaires mises en œuvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Mangiarotti, M. Peyre, Y. Zhang, M. Huc, F. Roger et Y. Kerr</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Application au cas de l’Afrique</h2>
<p>Dans l’étude présentée ici, cette approche a été appliquée en <a href="https://coronavirus.jhu.edu/map.html">partant des nombres de nouveaux cas ou de décès dus au Covid-19 en Afrique</a>.</p>
<p>L’analyse a permis de mettre en évidence des dynamiques chaotiques pour de nombreux pays : l’état de départ détermine rigoureusement le comportement à venir mais la moindre différence à ce niveau, de même que les moindres perturbations qui y feront suite, vont modifier entièrement la succession des états, ce qui le rend imprévisible.</p>
<p>Des modèles chaotiques ont pu être obtenus pour la majorité des pays africains étudiés. Ils montrent qu’en première approximation l’évolution de l’épidémie dépend essentiellement de quelques variables principales dont les couplages rendent l’évolution imprévisible à long terme – variables non identifiables ici puisqu’on ne recourt qu’aux observations des nombres de cas et aux décès.</p>
<p>Fait original, ces modèles montrent une certaine diversité dans leurs dynamiques chaotiques. Le plus inattendu est celui du Ghana, qui présente un comportement dit « bistable » : pour des conditions épidémiques, sanitaires et des stratégies d’atténuation identiques, la progression de la maladie peut se développer à des niveaux épidémiques différents, tout en présentant une superposition des distributions du nombre de nouveaux cas journaliers.</p>
<p>Ce résultat est important car il montre l’importance des mesures prises en début d’épidémie mais aussi la possibilité de relâcher en partie la sévérité des contraintes une fois le régime ramené à un bas niveau.</p>
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<h2>Impact des politiques d’atténuation</h2>
<p>Pour suivre l’impact des politiques d’atténuation, on s’appuie communément sur le « nombre de reproduction » ou R0 (nombre des personnes contaminées, en moyenne, par personne déjà infectée) ; s’il est inférieur à un, l’épidémie va décroître, s’il est supérieur, elle va progresser. Quoique très important, il ne permet pas de distinguer l’effet des mesures prises – pharmaceutiques (vaccination, médication) ou d’atténuation (masques, etc.).</p>
<p>Les mesures d’atténuation visent justement à réduire le transfert du virus en diminuant les contacts journaliers entre individus : être capable d’estimer leur variation peut donc apporter une information directe sur l’efficacité des mesures adoptées. Nous avons développé une méthode pour reconstruire l’évolution du nombre de contacts depuis le début de l’épidémie à partir du nombre de nouveaux cas journaliers, pour la même sélection de dix-sept pays africains.</p>
<p>Le nombre de contacts ainsi reconstruit a ensuite pu être comparé à d’autres indices :</p>
<ul>
<li><p>L’indice de sévérité, développé par l’Université d’Oxford, qui vise à rendre compte du niveau de contrainte des politiques d’atténuation mises en œuvre à l’échelle des pays.</p></li>
<li><p>Les indices de mobilité, mis à disposition par le Google Community Mobility Reports, qui informe sur les variations de niveau de mobilité et de confinement.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats montrent une chute abrupte du nombre de contacts en début d’épidémie, souvent directement suivie par une décroissance plus lente. Ce qui peut être attribué à la fois aux efforts d’information sur l’évolution en temps réel de l’épidémie (et recommandations associées) dont l’effet peut être très rapide sur les comportements de la population, et aux contraintes mises en œuvre pour limiter les flux entrants et minimiser les contacts. Certaines de ces contraintes peuvent nécessiter une réorganisation sociale et ainsi être plus lentes à se mettre en place – leur effet est donc progressif et possiblement retardé.</p>
<p>La diminution du nombre de contacts en début de pandémie a généralement été suivie d’oscillations plus ou moins amples, dont la relation avec les mesures d’atténuation n’est pas évidente à comprendre. Divers éléments peuvent permettre d’expliquer les différences observées entre nombre des contacts reconstruits, niveau des contraintes mises en œuvre et niveau de mobilité.</p>
<p>Dans la plupart des cas, les politiques d’atténuation semblent avoir permis de maintenir le nombre de contacts à un niveau suffisamment bas pour éviter des reprises rapides de l’épidémie, et ce malgré la remontée des activités attestée par les indices de mobilité. Un tel comportement apparaît tout à fait cohérent avec le régime bistable obtenu pour le Ghana.</p>
<p>Une augmentation très nette du nombre de contacts est aussi observée dans tous les pays début 2022, ce qui coïncide avec l’<a href="https://theconversation.com/comment-le-variant-omicron-ba-2-a-repousse-les-limites-initiales-du-Covid-19-177292">arrivée du variant Omicron</a>, moins virulent mais plus contagieux. Cette augmentation ne peut donc pas être interprétée comme un effet des politiques de restriction, mais comme une évolution de la dynamique de l’épidémie.</p>
<p>Il serait intéressant d’appliquer cette approche à d’autres contextes, notamment en Asie du Sud-Est où l’efficacité de la stratégie zéro Covid est difficile à évaluer. L’évaluation de cette stratégie demanderait également de considérer les aspects économiques et sociaux.</p>
<h2>Durabilité</h2>
<p>La pandémie de Covid-19 présente nombre de similitudes avec des pandémies précédentes (difficultés à identifier et comprendre les modes de transmission dominants, controverses sur les traitements, défiance vis-à-vis des vaccins, etc.)… Mais elle présente aussi des spécificités inédites : rapidité de progression mondiale, prédominance apparente dans les pays riches, réactivité aussi bien dans les stratégies d’atténuation (confinements, fermetures des frontières…) que médicales (développement de nouveaux vaccins). Elle se caractérise également par la production d’une masse de données considérable et une circulation fulgurante de l’information quasiment en temps réel.</p>
<p>Cette réactivité nous a toutefois un peu fait oublier qu’une épidémie ne peut pas être réduite à un problème biologique. Le rôle de l’homme et de ses activités en amont (perte de biodiversité, productions agricoles uniformisées et intensives, conditions sanitaires pouvant favoriser la propagation des virus et leur transfert à l’homme, etc.) ne peut être oublié. Cette tendance montre l’importance de considérer la <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">santé comme un tout intégré – « Une seule santé » (One Health) –</a> et incluant ses différents niveaux (santé humaine, animale, végétale) à l’échelle planétaire. Les épizooties et les épidémies émergentes des dernières décennies (H5N1, Ebola en Afrique de l’Ouest, SARS, MERS, etc. et aujourd’hui le Covid-19) montrent de façon criante que cette problématique n’a rien d’une vue de l’esprit.</p>
<p>Les défis générés sont tout aussi grands que les enjeux qu’ils sous-tendent. D’où la nécessité de disposer de nouvelles approches, capables de mieux appréhender la problématique épidémiologique, dans sa diversité et sa complexité.</p>
<p>Point crucial : les comportements épidémiologiques sont essentiellement dynamiques. Une épidémie n’est pas une succession d’états épidémiques indépendants… Il faut donc comprendre comment ces états successifs sont reliés. Or, ceci est tout particulièrement difficile dans le cas de maladies émergentes, les composantes de cette dynamique (populations humaines, animales ou végétales) comme le rôle des facteurs en jeu (conditions environnementales, climatiques, etc.) n’étant pas toujours bien identifiés – ni même accessibles à l’observation. Et leurs couplages sont souvent mal connus et complexes.</p>
<p>Les outils les plus en vogue actuellement pour traiter les problèmes d’une telle complexité sont basés sur l’intelligence artificielle. Ils ont montré une très grande puissance pour de nombreuses applications mais requièrent généralement d’énormes jeux de données pour disposer d’un appui statistique suffisant. Or, l’émergence de nouveaux virus ne permet pas cela, surtout en début d’épidémie lorsque son développement reste local, mais pas seulement.</p>
<p>En effet, la propagation de l’épidémie contribue à augmenter le nombre de sites où des observations sont menées et donc à disposer de très gros jeux de données quoique de courte durée. Cette augmentation ne permet généralement pas de compenser la courte durée d’observation : il y a une trop grande diversité des contextes géographiques, sociétaux, sanitaires, etc. La variabilité est trop grande.</p>
<p>De plus, en début d’épidémie émergente, on ne dispose pas des tests capables d’identifier de façon fiable la maladie en jeu. De même, le nombre des personnes asymptomatiques est très difficile à évaluer et leur rôle à estimer.</p>
<p>Ces difficultés montrent l’importance des approches capables de s’attaquer à la complexité de la situation et à la frugalité des données… le tout dans des situations où les connaissances sont limitées. C’est dans cette optique que se placent les analyses basées sur la théorie du Chaos, dont nous confirmons ici la pertinence.</p>
<hr>
<p><em>Nathan Thénon, diplômé de l’École nationale vétérinaire de Toulouse (2021), a également participé à l’élaboration de cet article. En utilisant les outils de modélisation du Chaos développés au Centre d’études spatiales de la biosphère, il a contribué à l’analyse de données de l’épidémie de Covid-19 présentée ici. Mireille Huc est ingénieure CNRS. Elle est responsable de la maintenance du package en langage <a href="https://CRAN.R-project.org/package=GPoM">R Global Polynomial Modelling (GPoM)</a>, la plate-forme numérique dédiée à l’extraction d’équations de la dynamique à partir de séries observationnelles utilisée dans cette analyse.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le Covid n’a pas eu en Afrique la même ampleur qu’en Europe notamment. Pourquoi ? Deux facteurs clés ont été identifiés. Et la théorie du Chaos a prouvé son intérêt pour modéliser de telles épidémies.Sylvain Mangiarotti, Researcher at Centre d'Etudes Spatiales de la Biosphère (CESBIO), Institut de recherche pour le développement (IRD)Abdoulaye Touré, Professeur agrégé en santé publique, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, CiradMarisa Peyre, Deputy head of ASTRE research unit, epidemiologist, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1896092022-09-01T17:48:05Z2022-09-01T17:48:05ZZones rurales contre zones urbaines : deux France s’opposent-elles vraiment dans les urnes ?<p>À la suite des élections présidentielle et législatives de 2022, de nombreux commentateurs ont mis en avant le clivage entre les ruraux et les urbains pour rendre compte des résultats du vote. Ce discours médiatique est produit principalement par des commentateurs qui pointent depuis des années, cartes à l’appui, le fossé – croissant – entre le vote des grandes villes et le vote d’une <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">« France périphérique »</a>. Il y aurait une <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/jerome-fourquet-l-etat-de-la-france-d-apres-05-05-2022-2474389_32.php">opposition politique</a> entre une France des métropoles, multiculturaliste, gagnante de la mondialisation et une France éloignée des grands pôles urbains, perdante de la mondialisation, subissant un déclin industriel et économique.</p>
<p>Mais existe-t-il véritablement deux France opposées sur le plan électoral ? Si tel est le cas, l’origine de cette fragmentation est-elle essentiellement liée au contexte économique local ou à la composition de ces territoires ?</p>
<h2>Dispersion des populations selon les territoires</h2>
<p>Il est vrai que les cartes et les données sur les gradients d’urbanité semblent <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/04/13/50-cartes-pour-lire-le-premier-tour-de-la-presidentielle-de-2022/">corroborer cette hypothèse</a>. Cependant, d’autres géographes minimisent au contraire <a href="https://metropolitiques.eu/Apres-les-elections-geographies-plurielles-d-une-France-en-desequilibre.html">l’effet prédictif de cette opposition géographique</a>. Pour eux, derrière les espaces de vie, se cacherait une réalité sociale plus complexe de nature à impacter le vote.</p>
<p>En effet, certains politistes et géographes mettent en avant depuis des années le rôle de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1041.htm">composition sociodémographique à un niveau très local</a> pour rendre compte du vote.</p>
<p>La variation du vote en fonction du lieu de vie lors des derniers scrutins serait d’abord le résultat d’une dispersion de <a href="https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/tag/gradient-durbanite/">populations dotées de certaines caractéristiques</a> comme l’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle, l’âge, le niveau de diplôme ou le revenu. Le lieu de vie ne serait alors que l’arbre qui cache la forêt.</p>
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<h2>Une nouvelle classification des communes</h2>
<p>Pour contribuer à cette discussion, nous utilisons une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039991?sommaire=5040030">nouvelle typologie de l’Insee</a> (2020) qui répartit les communes en six territoires.</p>
<p>Elle distingue les communes rurales – soit 33 % de la population – en quatre catégories suivant leur densité et leur dépendance à un pôle d’emploi correspondant à une aire de plus de 50 000 habitants. Celle-ci est mesurée par les trajets domicile-emploi. Deux catégories du rural correspondent à la péri-urbanité (dépendant d’un pôle d’emploi) et deux à la ruralité <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5039991?sommaire=5040030">(autonome)</a>.</p>
<p>Par exemple, en région parisienne, dans le département des Yvelines, Versailles est classée comme de l’« urbain dense », Rambouillet comme de « l’urbain intermédiaire », Montfort l’Amaury comme du « rural sous forte influence d’un pôle » (donc du péri-urbain), et il faut aller plus à l’Ouest, dans l’Eure-et-Loir pour trouver des communes rurales sous faible influence d’un pôle ou autonomes.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-r-comme-ruralite-159848">« Les mots de la science » : R comme ruralité</a>
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<h2>Deux espaces de compétition électorale</h2>
<p>En croisant cette typologie avec le score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle obtenu au niveau des communes, nous constatons qu’il existe deux espaces de compétition électorale distincts en France : celui des communes à dominante urbaine et les autres – rurales et péri-urbaines (cf. figure 1).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle par zone de résidence (moyenne de l’ensemble des communes par catégorie)" src="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481812/original/file-20220830-33445-95ihm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1 – Score des principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle par zone de résidence (moyenne de l’ensemble des communes par catégorie).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ministère de l’Intérieur, Élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022 -- Résultats définitifs du 1ᵉʳ tour ; ANCT, Observatoire des territoires, Catégories du rural et de l’urbain(https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/categories-du-rural-</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans les grandes villes et leur proche couronne, la compétition s’est jouée entre Emmanuel Macron – qui y a fait ses meilleurs scores – et Jean-Luc Mélenchon. On retrouve Marine Le Pen loin derrière les deux premiers candidats dans ces territoires. La compétition prend une autre forme dans la péri-urbanité et la ruralité puisque le premier tour s’est joué, quant à lui, entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.</p>
<p>Le Président sortant a récolté moins de suffrages à l’extérieur des communes denses, tout en se maintenant à un niveau relativement élevé, mais plus faible que celui de sa rivale. La candidate du RN a obtenu ses meilleurs scores dans les communes rurales sous faible influence d’un pôle urbain. Jean-Luc Mélenchon, quant à lui, a vu son score baisser drastiquement de 10 points de pourcentage hors des communes urbaines denses.</p>
<p>Ce fossé électoral entre l’urbain dense – dans lequel résident 37,9 % des Français – et le reste des espaces est souvent expliqué par des variables socio-économiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vote-metropolitain-et-ses-fractures-lexemple-de-montpellier-181188">Le vote métropolitain et ses fractures : l’exemple de Montpellier</a>
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<h2>Un déclassement social et économique ?</h2>
<p>Selon plusieurs hypothèses, certains territoires auraient été <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">délaissés</a> par les pouvoirs publics et les investisseurs privés qui leur préféreraient les « villes-monde ». Derrière ce que l’on présente parfois comme le <a href="https://www.revuepouvoirslocaux.fr/fr/article/periurbain-le-choix-n-est-pas-neutre-617">choix individuel</a> d’habiter dans la péri-urbanité, se cacherait en réalité un double déclassement social et culturel : ces habitants résideraient dans les espaces péri-urbains en raison de la contrainte économique imposée par l’augmentation du coût des loyers dans les métropoles et par une <a href="https://www.cairn.info/la-france-peripherique--9782081347519.htm">stratégie d’évitement</a> de certaines populations issues de l’immigration. Tout ceci générerait un mécontentement social qui se traduirait dans les urnes avec une plus grande propension à voter pour des partis protestataires.</p>
<p>La limite de ces explications a été cependant mise en évidence par l’économiste <a href="https://livre.fnac.com/a15606204/Laurent-Davezies-L-%C3%89tat-a-toujours-soutenu-ses-territoires">Laurent Davezies en 2021</a>. Selon lui, la France, un état centralisé, investit massivement dans ses territoires et assure une solidarité fonctionnelle. Les métropoles contribuent plus au budget de l’état qu’elles ne reçoivent et inversement les territoires ruraux sont des nets bénéficiaires de l’argent public.</p>
<p>Bien que la mondialisation, puis la crise économique de 2008, aient <a href="https://journals.openedition.org/lectures/14875">affecté de manière disproportionnée</a> les territoires loin des grandes agglomérations, il nous semble ainsi exagéré de parler d’« abandon » ou de prendre quelques cas de délocalisations d’entreprises pour généraliser une opposition binaire entre une France heureuse et une France malheureuse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/france-peripherique-abstention-et-vote-rn-une-analyse-geographique-pour-depasser-les-idees-recues-175768">« France périphérique », abstention et vote RN : une analyse géographique pour dépasser les idées reçues</a>
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<h2>Pas de gouffre territorial sur le plan économique</h2>
<p>La lecture de données économiques et sociales par catégories d’habitation nous invite aussi à être dubitatifs face à la thèse opposant deux France (cf. tableau 1 ci-dessous).</p>
<p>En effet, on constate que c’est dans les grandes villes (urbain dense) que le niveau du revenu médian est le plus élevé, mais qu’il ne diffère pas de manière importante des communes des espaces péri-urbains. Néanmoins, il existe un écart relativement important entre les espaces ruraux éloignés des grands pôles urbains et celui de l’urbain dense – 3000 euros par an.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Indicateurs socio-économiques par catégorie d’habitation (moyenne par commune)" src="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482067/original/file-20220831-4982-9t9z6y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tableau 1 – Indicateurs socio-économiques par catégorie d’urbanisation (moyenne par commune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Insee, Statistiques locales -- Indicateurs : cartes, données et graphiques et ANCT, L’Observatoire des Territoires (observatoire-des-territoires.gouv.fr). Données téléchargées le 10/08/2022</span></span>
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<p>De même, le taux de chômage est plus élevé dans les espaces urbains que péri-urbains ou ruraux. Le taux d’emploi précaire est le plus faible dans la péri-urbanité, le plus élevé dans les zones rurales autonomes, mais l’écart avec les villes n’est pas immense (deux à trois points de pourcentage). Il y a un certain écart dans le niveau de création d’entreprises, mais là encore, pas de gouffre territorial. La part des familles monoparentales, indicateur parfois utilisé pour <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-puzzle-francais-un-nouveau-partage-politique/">mesurer l’exclusion sociale</a>, est plus importante dans les grandes villes par rapport aux communes rurales. Enfin, le nombre d’allocataires du RSA est plus élevé dans les grandes villes que dans les communes péri-urbaines ou rurales, sauf dans les communes peu denses et éloignées des pôles d’emploi.</p>
<p>La fracture territoriale qu’on observait dans les urnes ne semble pas se retrouver sur le plan économique et social, à la lecture des données ci-dessus. De manière générale, ce ne sont pas les espaces où le RN a fait son meilleur score (péri-urbanité) que la situation économique et sociale est la plus dégradée (cf. tableau 1 ci-dessus).</p>
<p>Par exemple, dans le département du Nord, Marine Le Pen obtient de bien meilleurs scores dans les zones péri-urbaines (37 % dans le rural sous faible influence d’un pôle) où le revenu médian est plus élevé et le chômage plus faible que dans les grandes villes du département (22 100 euros vs 20 800). En effet, son score est plus faible dans les grandes villes du département comme Lille (12 %), Dunkerque (30 %), Douai (28 %) ou Valenciennes (25 %).</p>
<h2>Rester prudent face aux discours ambiants</h2>
<p>La présentation de ce faisceau d’indicateurs nous invite donc à considérer avec prudence les discours opposant une France bien lotie des villes d’un côté, et une France abandonnée des campagnes et de la péri-urbanité de l’autre. Un sondage pilote réalisé dans le cadre du projet dont nous faisons partie, <a href="https://www.norface.net/project/rude/">« Rural Urban Divide in Europe »</a> (RUDE), indique également que les ruraux et les péri-urbains sont plus satisfaits de leur lieu de vie que les urbains (87 % des ruraux sont d’accord avec l’affirmation « mon lieu de vie me rend heureux » contre 72 % des urbains).</p>
<p>Alors, si l’écart dans l’attitude électorale des citoyens issus d’espaces géographiques divers ne se fonde pas principalement sur le contexte économique et social, d’où pourrait-il provenir ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coq-maurice-et-autres-bruits-de-la-campagne-une-vision-fantasmee-de-la-ruralite-127241">Coq Maurice et autres « bruits de la campagne », une vision fantasmée de la ruralité</a>
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<h2>Une politique du ressentiment</h2>
<p>Il nous semble que la <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-03393105">crise des « gilets jaunes »</a> dont les premières manifestations étaient concentrées dans la France du péri-urbain et des villes moyennes, a mis en lumière au sein de cette population le sentiment d’être laissée pour compte et loin des prises de décision.</p>
<p>Un sondage pilote sur un échantillon restreint mené dans le cadre du projet « RUDE » nous invite à développer cette hypothèse (<em>cf. Figure 2</em>).</p>
<p>Même s’il n’y a pas d’écarts socio-démographiques flagrants entre les villes d’un côté, et les communes péri-urbaines et rurales de l’autre, en termes de niveau de vie, il y a un écart de perception au niveau du ressentiment de ces populations vis-à-vis des urbains. Dans la lignée des <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo22879533.html">travaux pionniers de Katherine Cramer</a> sur la polarisation entre les électeurs ruraux et urbains du Wisconsin, on pourrait parler dans le cas français ce qu’elle décrit comme une « politique du ressentiment ».</p>
<p>Celle-ci prend quatre formes : la conscience d’appartenir à un lieu de vie spécifique et distinct des autres, le sentiment d’être moins bien doté en ressources publiques que les autres, d’avoir moins d’attention de la part des décideurs politiques, et de ressentir que son mode de vie n’est pas respecté par les élites urbaines. Le second graphique présente l’opinion des répondants à un sondage pilote en fonction de leur auto-identification à un lieu de vie.</p>
<p>Les réponses font apparaître, chez les personnes issues des zones rurales, un plus grand sentiment d’appartenance à leur zone géographique : sept ruraux sur dix déclarent avoir des valeurs similaires aux autres ruraux, seulement cinq sur dix pour les urbains. Les trois quarts des ruraux considèrent que les enjeux qui touchent leur lieu d’habitation sont ignorés par les responsables politiques, soit moitié plus que les urbains. L’écart est encore plus prononcé sur la question des ressources publiques : 84 % des ruraux considèrent qu’ils sont les derniers à profiter des dépenses publiques contre 31 % des urbains. Enfin, il existe un fort sentiment chez les ruraux que leur mode de vie n’est pas respecté par les urbains. La réciproque n’est pas vraie, seul un quart des urbains ont le sentiment que les ruraux ne respectent pas les spécificités liées à leur mode de vie.</p>
<h2>Prendre en compte la perception des individus</h2>
<p>Cette brève analyse de données descriptives ne clôt aucunement le débat sur le lien entre les lieux de vie et le vote et ne fournit pas une « preuve » que la composition socio-économique des territoires n’influe aucunement le comportement politique des électeurs à un niveau plus localisé. Elle invite à prendre en considération d’autres pistes d’explication. Elle montre l’utilité, en complément des cartes, de recourir aux données mises à disposition par l’Insee au niveau des communes, mais également à des enquêtes d’opinion prenant en compte l’appartenance objective et subjective à un lieu, pour comprendre les dynamiques électorales.</p>
<p>Surtout, elle nous invite également à prendre au sérieux le clivage entre l’urbanité d’un côté et la ruralité et la péri-urbanité de l’autre en y intégrant une dimension éminemment subjective : la perception que les individus ont de leurs intérêts et de leur situation locale par rapport à celle des autres.</p>
<p>La mise en évidence de ce clivage dans les représentations peut non seulement constituer une variable explicative du comportement électoral, mais potentiellement une source d’explication de la crise de la confiance dans la démocratie libérale que l’on observe depuis maintenant des années.</p>
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<p><em>Marion Mattos, Étudiante en Master « Progis », Sciences Po Grenoble, Université Grenoble Alpes, a contribué de manière significative à cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189609/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Brookes a reçu des financements de l'ANR "The rural-urban divide in Europe – RUDE" coordonnée par l'agence européenne NORFACE. </span></em></p>L’origine de la fragmentation du vote est-elle essentiellement liée au contexte économique local ou à la composition de ces territoires ?Kevin Brookes, Post-doctorant à Sciences Po Grenoble - Laboratoire PACTE, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1876432022-08-29T18:11:43Z2022-08-29T18:11:43ZDéclin démographique biélorusse : compte à rebours pour le pays ou pour le régime ?<p>Depuis 2020, deux crises profondes – l’une politique, l’autre sanitaire – ont mis à rude épreuve le système en place en Biélorussie, pays structurellement fragile de l’espace post-soviétique.</p>
<p>Les deux dernières années ont en effet vu l’exacerbation des fractures et des violences internes (<a href="https://theconversation.com/bielorussie-quelle-issue-au-bras-de-fer-entre-le-regime-et-le-mouvement-contestataire-146620">répression brutale</a> par le pouvoir du mouvement de contestation des résultats de l’élection présidentielle du 9 août 2020), auxquelles se sont ajoutées de significatives <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/BY/indicateurs-et-conjoncture">difficultés économiques</a>, les effets d’une pandémie de Covid-19 <a href="https://www.la-croix.com/Monde/En-Bielorussie-Loukachenko-moque-coronavirus-2021-10-25-1201182219">longtemps niée par les autorités</a> et, depuis le 24 février 2022, l’isolement accru du pays lié à son rôle dans la guerre en Ukraine.</p>
<p>L’ensemble de ces bouleversements font plus que jamais ressortir les nombreux talons d’Achille de la Biélorussie. L’une des principales faiblesses du pays est toutefois peu connue : il s’agit de son évolution démographique.</p>
<h2>Un déclin démographique structurel, accentué par les crises récentes</h2>
<p>Le <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-73065-9_16">déclin démographique</a> de la Biélorussie est attesté par tous les indicateurs, qu’il s’agisse du taux de natalité, du taux de fécondité ou de l’espérance de vie. Comme la plupart des pays issus de l’ex-URSS, le pays voit sa population diminuer. Celle-ci est passée de <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codePays=BLR&codeStat=SP.POP.TOTL&codeTheme=1">10 239 050 habitants en 1993</a> à <a href="https://www.populationdata.net/pays/belarus-bielorussie/">9 408 405 habitants en 2020</a>.</p>
<p>L’une des explications tient à l’émigration. Une partie des Russes qui résidaient à l’époque soviétique en République socialiste soviétique de Biélorussie <a href="https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_1995_num_26_4_2762">sont retournés en Russie</a> (5 600 personnes pour la seule année 1990 et plus de 13 000 en 1994) après l’effondrement de l’URSS, tandis que certains jeunes travailleurs qualifiés émigrent, notamment en Europe, aux États-Unis et au Canada, à la recherche de meilleures conditions matérielles de vie et pour fuir le régime autoritaire instauré par Alexandre Loukachenko depuis son arrivée au pouvoir en 1994.</p>
<p>Cette tendance au décroissement de la population a été indéniablement accélérée par la répression en cours depuis l’été 2020, largement médiatisée en Occident courant 2020 mais passée sous un silence relatif depuis le début de la guerre en Ukraine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1397430087348330500"}"></div></p>
<p>Au moins <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115982">37 000 personnes</a> ont été interpellées entre mai 2020 et mai 2022 en lien avec la crise post-électorale consécutive à la reconduction du président Alexandre Loukachenko. Certaines ont été condamnées à de lourdes peines de prison. Bon nombre de celles n’ayant effectué qu’un court séjour au commissariat ou en maison d’arrêt auraient <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/09/15/bielorussie-passages-tabac-et-tortures-systematiques-de-manifestants">subi des violences</a> pendant leur détention.</p>
<p>Ce contexte de violences et de persécutions se conjugue avec une <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/STUD/2022/653663/EXPO_STU(2022)653663_EN.pdf">détérioration notable de la situation économique</a>, notamment due au durcissement des <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-belarus/">sanctions occidentales</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JOGFT2BdUEc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bélarus : des sanctions économiques pour mettre le régime « à sec financièrement » (Euronews, 22 juin 2021).</span></figcaption>
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<p>Dans ce contexte, de nombreux Biélorusses, jeunes et éduqués pour la plupart, font le choix de quitter le pays. Selon les statistiques officielles, la population biélorusse a diminué de 94 121 personnes entre le 1<sup>er</sup> janvier 2021 et le 1er janvier 2022, passant de <a href="https://www.belstat.gov.by/ofitsialnaya-statistika/solialnaya-sfera/naselenie-i-migratsiya/naselenie/statisticheskie-izdaniya/index_46933/">9 349 645 à 9 255 524 habitants</a>.</p>
<p>Les principaux pays de destination sont la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Géorgie et, plus étonnant peut-être, l’<a href="https://www.forbes.com/sites/kenrapoza/2022/07/03/techies-from-russia-belarus-find-solace-in-uzbekistan-can-they-attract-western-outsourcers/?sh=7b0e005b7bb2">Ouzbékistan</a>, etc. Bien qu’il soit difficile de déterminer le nombre exact de réfugiés et de migrants, car ils voyagent avec une variété de visas, traversant parfois les frontières illégalement, certaines statistiques sont inquiétantes. Le gouvernement polonais, par exemple, a accueilli <a href="https://www.schengenvisainfo.com/news/poland-has-hosted-15000-refugees-from-belarus-in-2021/">15 000 réfugiés</a> en provenance de Biélorussie en 2021. La Lituanie, pour sa part, a délivré plus de <a href="https://www.nytimes.com/2021/11/23/world/europe/lithuania-migrants-belarus-middle-east.html">6 700 visas « humanitaires » à des Biélorusses</a> en 2021.</p>
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<p>La pandémie de Covid-19 – dont l’impact réel est difficile à estimer, notamment en raison de la fiabilité douteuse des chiffres fournis par le gouvernement – semble également avoir contribué à la diminution de la population. La Biélorussie affiche un taux de mortalité des personnes infectées de <a href="https://www.donneesmondiales.com/europe/bielorussie/sante.php">0,7 %</a> – un ratio « honorable » dont Alexandre Loukachenko s’est vanté en cherchant à justifier sa <a href="https://tass.ru/mezhdunarodnaya-panorama/13493941/amp">gestion de la crise sanitaire</a>. Pourtant, en réalité, il n’a mis en œuvre aucune mesure sanitaire pour empêcher la propagation du virus et n’a jamais encouragé la vaccination de la population. Aujourd’hui, <a href="https://ourworldindata.org/Covid-vaccinations">moins de 3 % des Biélorusses sont vaccinés contre le Covid-19</a>.</p>
<p>Plusieurs études soulèvent les doutes quant à la fiabilité des chiffres annoncés par les autorités. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-022-09345-z.pdf">article paru dans <em>Nature</em></a> affirme ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« La mortalité biélorusse de juin 2020 a été de 29 à 39 % supérieure aux estimations tandis que la mortalité Covid-19 signalée pour juin 2020 n’était que de 157 cas. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZcF2Sw7xdZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">coronavirus. En Biélorussie, tout est presque normal, Ouest France, 31 mars 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>Enfin, les événements des cinq derniers mois en Ukraine ne peuvent qu’exacerber le problème démographique en Biélorussie. Les craintes quant à une potentielle <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/la-bielorussie-va-t-elle-entrer-en-guerre-contre-l-ukraine-aux-cotes-de-la-russie_5038811.html">implication directe de Minsk dans le conflit ukrainien</a> poussent les Biélorusses – notamment ceux qui pourraient être concernés par une éventuelle mobilisation en cas d’entrée en guerre officielle du pays contre l’Ukraine, perspective à laquelle la population est <a href="https://amp.euroradio.fm/ru/ne-hotyat-voevat-i-zhdut-bednyh-vremyon-chto-dumayut-belorusy-o-voyne-v-ukraine">majoritairement opposée</a> – à chercher de meilleures perspectives ailleurs. Depuis les premiers jours du déclenchement de l’offensive, Alexandre Loukachenko s’est positionné en tant qu’allié majeur de la Russie en renouvelant régulièrement des <a href="https://zn.ua/amp/WORLD/lukashenko-opredelilsja-s-rolju-belarusi-v-vojne-rossii-protiv-ukrainy.html">déclarations</a> d’approbation de son homologue russe et en multipliant les gestes de soutien.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/alexandre-loukachenko-un-dictateur-vassal-de-vladimir-poutine-dans-la-guerre-en-ukraine-179639">Alexandre Loukachenko, un dictateur vassal de Vladimir Poutine dans la guerre en Ukraine</a>
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</p>
<hr>
<p>Bien que Minsk n’ait jamais envoyé d’hommes combattre aux côtés des troupes russes en Ukraine, la Biélorussie fournit à la Russie toute l’infrastructure nécessaire pour conduire la guerre et fait désormais office de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/07/02/avec-l-invasion-de-l-ukraine-la-vassalisation-acceleree-de-la-bielorussie-par-la-russie_6133039_3210.html">base arrière</a> pour le Kremlin. Le 25 juin, Vladimir Poutine a d’ailleurs <a href="https://www.lefigaro.fr/international/guerre-en-ukraine-la-russie-va-livrer-a-la-bielorussie-des-missiles-capables-de-transporter-des-charges-nucleaires-annonce-poutine-20220625">annoncé</a> que son pays livrerait à la Biélorussie « dans les prochains mois » des missiles capables de transporter des charges nucléaires…</p>
<h2>La démographie, vrai cheval de bataille du régime…</h2>
<p>Paradoxalement, si la tendance démographique actuelle est potentiellement désastreuse sur le long terme pour la Biélorussie, et donc pour son régime, elle facilite toutefois le maintien à court terme de ce même régime.</p>
<p>Loukachenko conduit depuis 1997 une politique nataliste qui regroupe une multitude de mesures par exemple, le <a href="https://mrik.gov.by/gosudarstvennaya-programma-zdorove-naroda-i-demograficheskaya-bezopasnost-respubliki-belarus">Programme national de santé publique et de sécurité démographique</a> de la République du Bélarus 2016-2020. La politique nataliste biélorusse compte parmi les plus généreuses au monde, ce qui témoigne de la prise de conscience par le régime des risques encourus par un État dont la démographie décline.</p>
<p>Les efforts visant à empêcher, ou au moins à ralentir, la fuite des cerveaux se manifestent également à travers l’autorisation dès 2007 d’un système d’enseignement supérieur en deux étapes très éloigné des programmes de licence et de master adoptés en Europe. Alors que le reste de l’Europe continue de s’intégrer en introduisant des normes communes pour l’enseignement supérieur, la Biélorussie, elle, se dirige vers une forme d’<a href="https://euroradio.fm/en/belarus-abolishes-baccalaureate-prevent-brain-drain">auto-isolement</a> car les jeunes éduqués se trouvent dissuadés de partir puisque leurs diplômes ne sont pas reconnus à l’étranger.</p>
<p>En décembre 2020, Loukachenko a <a href="https://iz.ru/export/google/amp/1107069">déclaré</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le plus gros problème du pays est démographique. Par conséquent, tout doit être fait pour les enfants. Le capital maternité a été étendu, de même que l’accès des familles à des logements. Ce sera un désastre si nous n’augmentons pas notre population. »</p>
</blockquote>
<p>La même année, le régime a mis en place des restrictions à la sortie du territoire national, officiellement dans le cadre de la pandémie de coronavirus. Seuls les citoyens en possession d’un document confirmant leur autorisation de séjour permanente dans un État étranger ont été <a href="https://www.euractiv.fr/section/affaires-publiques/news/le-belarus-restreint-les-possibilites-de-quitter-son-territoire/">autorisés à quitter la Biélorussie</a>.</p>
<p>En effet, les départs de jeunes sont une catastrophe économique pour un pays déjà fragile, doté de maigres ressources naturelles, caractérisé, entre autres, par une faible diversification géographique et sectorielle des exportations (très fortement dépendantes de la Russie) ainsi que par un sous-développement du secteur privé (<a href="https://www.coface.com/Economic-Studies-and-Country-Risks/Belarus">50 % de la valeur ajoutée totale, deux tiers de l’emploi total</a>). L’exode menace notamment le secteur florissant des nouvelles technologies, pierre angulaire de la communication de Loukachenko concernant le développement économique du pays.</p>
<p>Le programme <a href="https://www.park.by/en/">Belarus Hi-Tech Park</a>, conçu en 2005, avait ainsi pour but de créer une pépinière technologique dans un pays qui avait traditionnellement favorisé l’agriculture. Le programme a favorisé l’émergence d’une communauté informatique dynamique qui, en 2018, représentait environ <a href="https://www.zdnet.com/article/brain-drain-why-tech-workers-have-been-leaving-belarus-behind/">5,7 % du PIB</a>, donnant naissance à des sociétés comme <a href="https://eu.wargaming.net/en">Wargaming.net</a>, entreprise de développement de jeux vidéo de stratégie fondée en 1998 par le Biélorusse Victor Kisly, et <a href="https://www.viber.com/fr/">Viber</a>, une application de messagerie populaire qui fait maintenant partie du groupe Rakuten.</p>
<p>Selon les statistiques officielles biélorusses, en 2020 le secteur informatique a généré un record de 2,7 milliards de dollars d’exportations de produits et de services, en hausse de 25 % par rapport à 2019. La Biélorussie bénéficie depuis quelques années d’une image de <a href="https://president.gov.by/en/belarus/economics/it-country">« plaque tournante informatique de l’Europe de l’Est »</a>. Les autorités soulignent dans leur <a href="https://president.gov.by/en/belarus/economics/it-country">communication récente</a> que « selon le classement Global Services 100, la République de Biélorussie est classée 13<sup>e</sup> sur 20 pays leaders dans le domaine de l’externalisation informatique et des services de haute technologie ».</p>
<p>Toutefois, ce secteur particulièrement prometteur a été mis à mal courant 2021. Un nombre record d’entreprises informatiques ont été fermées : alors que 427 entreprises informatiques étaient enregistrées en 2021, un total de 261 entreprises avait été « <a href="https://www.intellinews.com/index.php/what-will-happen-to-the-hi-tech-park-234175/ ?source=belarus">liquidées</a> » et l’un des plus grands développeurs de jeux mobiles au monde, Say Games, a quitté le Hi-Tech Park. Quant à Wargaming, elle a <a href="https://wargaming.com/en/news/business-operations-worldwide/">fermé</a> ses studios de Saint-Pétersbourg et Moscou ainsi que de toutes ses autres filiales en Russie et Biélorussie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1409125644366123009"}"></div></p>
<p>L’exode de spécialistes en informatique aura des implications majeures non seulement pour l’économie biélorusse, mais également pour la réputation que ce pays essaye de se forger depuis des années. Il pourra, en revanche, profiter aux pays voisins. Varsovie a ainsi mis en place le programme <a href="https://www.gov.pl/web/poland-businessharbour-en/poland-business-harbour-the-polish-goverments-programme">Business Harbor</a>, qui vise à faciliter l’installation des Biélorusses en Pologne.</p>
<h2>Ou seulement de la poudre aux yeux ?</h2>
<p>Certains aspects de l’évolution démographique de la Biélorussie – vieillissement de la population, exode des jeunes, <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-73065-9_16">fécondité</a> nettement plus élevée dans les zones rurales que dans les zones urbaines – favorisent le maintien du régime de Loukachenko.</p>
<p>Celui-ci appuie en effet sa légitimité politique sur le soutien apporté par la « vieille garde », notamment les générations ayant vécu la période soviétique, souvent nostalgiques de la grandeur de l’URSS. Dès lors, les départs de jeunes éduqués, qui comptent souvent parmi les plus contestataires, représentent un certain soulagement pour un gouvernement qui considère avec anxiété le renouvellement des générations.</p>
<p>Les travailleurs du secteur de l’informatique, par exemple, en tant que classe moyenne à mobilité importante, sont majoritairement hostiles au pouvoir de Loukachenko. Même avant l’élection, des spécialistes en informatique avaient développé des plates-formes alternatives de dépouillement des voix. Après les événements du 9 août 2020, ils ont créé une base de données pour suivre les personnes détenues par le régime. Le président biélorusse a <a href="https://eng.belta.by/economics/view/lukashenko-speaks-about-pros-and-cons-of-having-hi-tech-park-147322-2022/">déclaré</a> en début d’année 2022 que « les services spéciaux étrangers avaient une emprise sur les employés du Hi-Tech Park biélorusse. Ils ont fourni un financement sur la base légale et ont ensuite donné l’ordre de renverser et de détruire le régime ».</p>
<p>Reste à savoir ce que le pouvoir biélorusse décidera de privilégier dans les prochaines années (si, bien sûr, les bouleversements en cours dans la région ne l’emportent pas avant) : son maintien au pouvoir ou l’avenir de son pays ? Cette question reste plutôt rhétorique au regard des choix politiques effectués ces dernières années…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187643/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katsiaryna Zhuk ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En Biélorussie, la natalité, surtout dans les villes, baisse, et l’émigration, surtout des jeunes, vide le pays de ses forces vives. Un processus qui n’est pas forcément pour déplaire au régime…Katsiaryna Zhuk, Professeur en géopolitique et design informationnel, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1798792022-03-28T18:30:42Z2022-03-28T18:30:42ZLe phénomène des réfugiés contraint les entreprises à étendre leurs responsabilités<p>Depuis plus de trois semaines, nous assistons au plus grand mouvement de population depuis la Seconde Guerre mondiale. En effet, le conflit russo-ukrainien se solde déjà, à l’heure où nous rédigeons ces lignes, par environ <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/update_on_idp_figures_in_ukraine_18_march_eng.pdf">6,5 millions d’Ukrainiens</a> « déplacés internes », et <a href="https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine">3,8 millions ayant dû fuir leur pays</a>. Un chiffre vertigineux auquel il faut ajouter un <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-des-milliers-de-russes-fuient-vers-la-finlande_4997001.html">nombre indéterminé de Russes</a> ayant d’ores et déjà fui le régime autoritaire de Moscou.</p>
<p>Il nous semble que ce bouleversement de l’ordre international doit nous amener à repenser à la fois la politique d’accueil et d’intégration mais aussi, comme nous le mettions en évidence dans un <a href="https://scholar.google.com/citations?view_op=view_citation&hl=en&user=Rl8a2IQAAAAJ&citation_for_view=Rl8a2IQAAAAJ:UebtZRa9Y70C">article</a> publié en 2017 dans le <em>European Management Review</em>, le rôle de l’entreprise face au phénomène de <em>migration forcée</em> qui ne fera que prendre plus d’ampleur dans les prochaines décennies.</p>
<p>Déjà massives, ces migrations forcées vont encore s’amplifier et mettre nos sociétés à l’épreuve. Les études scientifiques, telles que celles recensées dans le <a href="https://ambafrance.org/IMG/pdf/resume_pour_decideurs_du_volume_2_du_6e_rapport_d_evaluation_du_giec.pdf">rapport du GIEC en date du 28 février 2022</a>, permettent effectivement d’esquisser un schéma implacable qui prend ses racines dans le dérèglement climatique, l’artificialisation et la pollution des sols en lien avec l’urbanisation et les monocultures intensives, et la <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-la-biodiversite-participe-aussi-a-notre-autonomie-strategique-1357203">perte de biodiversité associée</a>. Plus encore que les conflits armés pour le contrôle des ressources, ce sera d’abord la montée des eaux et l’effondrement de la productivité agricole qui alimenteront de façon structurelle les déplacements de population dans les années à venir.</p>
<p><iframe id="QnvGL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QnvGL/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Songeons d’ailleurs que l’indice FAO (l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation) des prix alimentaires à son plus haut niveau historique (et qui a depuis été dépassé) <a href="https://necsi.edu/s/food_crises.pdf">a certainement joué comme un déclencheur des printemps arabes</a>. Tout sauf le fruit du hasard, tant agriculture (et prix des biens agricoles) et phénomènes migratoires sont intimement liés. Or, dès lors que l’hypothèse d’accélération des phénomènes de migrations forcées dans les prochaines décennies est acceptée, alors ne pas mettre en œuvre une politique adaptée visant la gestion efficiente de ces flux massifs aurait tous les atours d’une impréparation coupable.</p>
<h2>Tentations opportunistes</h2>
<p>Bien naturellement, la politique migratoire restera une décision régalienne qui, dans nos régimes démocratiques, ne pourra se faire sans acceptation sociale, que ce soit au niveau de l’Union européenne ou de ses États membres. Elle se révèle d’autant plus nécessaire qu’elle permet de se prémunir de certaines hésitations et tractations, comme nous en avions été témoins <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/migrants-apres-le-refus-de-l-italie-la-corse-propose-d-accueillir-les-600-refugies-de-l-aquarius-781494.html">dans le cas de l’Aquarius</a>, susceptibles d’aggraver des situations humanitaires dramatiques. Son autre vertu est de couper court à certaines tentations aussi malvenues qu’opportunistes en provenance, cette fois, des entreprises. Rappelons-nous, par exemple, des propos de Thomas Enders, l’ancien PDG d’Airbus, <a href="https://www.reuters.com/article/uk-europe-migrants-germany-employment-idUKKCN0SJ0PN20151025">lors de la crise des réfugiés de 2015</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons avoir le courage d’une dérégulation comme celle que nous connaissons jusqu’à présent aux États-Unis […] Si le seuil d’entrée sur le marché du travail est trop élevé, l’intégration des immigrés dans la société échouera […] Il vaut mieux entrer sur le marché du travail avec des mini-jobs ou des emplois mal payés que rien et être condamné à la sécurité sociale, à ne rien faire et à la frustration. »</p>
</blockquote>
<p>Si, à première vue, la position de Thomas Enders est louable en cela qu’elle pense l’intégration des migrants par le travail, elle semble néanmoins frappée du sceau d’un certain opportunisme financier. En effet, la proposition de Thomas Enders reviendrait à œuvrer à la constitution d’une <a href="https://www.revue-ballast.fr/marx-et-limmigration-mise-au-point/">« armée de réserve industrielle » au sens de Marx</a>, c’est-à-dire à favoriser un surnuméraire de travailleurs potentiels, notamment au niveau des emplois peu qualifiés. Un tel déséquilibre se traduirait par une pression accrue sur les salaires et les salariés, dans un contexte où les syndicats allemands venaient tout juste d’obtenir un accord historique sur le <a href="https://www.captaineconomics.fr/-salaire-minimum-allemagne-merkel">salaire minimum</a>.</p>
<p>Dans le cas de l’Allemagne, cette pression salariale a depuis été <a href="https://www.bundesbank.de/resource/blob/885576/f7a2d4dbe302d666b50e0c452d0290cd/mL/2022-02-21-dkp-02-data.pdf">démontrée empiriquement</a>. En effet, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/comment-lallemagne-a-integre-ses-refugies-1347849">cinq ans après la vague migratoire de 2015</a>) et le <a href="https://www.lecho.be/economie-politique/europe/general/wir-schaffen-das-trois-mots-qui-ont-bouleverse-l-allemagne/10248443.html">« wir schaffen das »</a> (« nous y parviendrons ») de la chancelière Angela Merkel pour exprimer le volontarisme allemand en termes d’intégration, la moitié des nouveaux arrivants avait trouvé un travail, mais la plupart du temps dans des services à faible qualification (hôtellerie, livraison, restauration…), et pour un salaire moyen inférieur de 45 % à la moyenne allemande. Difficile de ne pas y voir l’expression concrète de la position exprimée par Thomas Enders.</p>
<p>Or, si l’opportunisme des entrepreneurs peut se concevoir sur le plan de l’efficacité productive de court terme, notamment dans un contexte concurrentiel, il n’est pas garanti que ce soit le mode d’intégration le plus efficient sur le long terme. L’économiste allemand Herbert Brücker et ses coauteurs, par exemple, ont récemment mis en exergue de nombreux <a href="https://fis.uni-bamberg.de/handle/uniba/51202">leviers d’amélioration</a> qui auraient permis de mieux gérer l’intégration des migrants. Certains de ces leviers impliquent d’ailleurs directement les entreprises : développement de programmes linguistiques, renforcement de l’apprentissage, et création d’emplois non pas de subsistance, mais proposant au contraire de réelles perspectives d’existence à long terme.</p>
<p>Au-delà du cas allemand, une réflexion plus générale quant au rôle et les responsabilités nouvelles des entreprises nous est imposée par un début de XXI<sup>e</sup> siècle qui semble consacrer la fin de la <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20220317-la-guerre-en-ukraine-pr%C3%A9cipite-la-fin-de-la-mondialisation-heureuse">« mondialisation heureuse »</a> et l’émergence d’un monde « en silos ».</p>
<h2>La démographie, une préoccupation stratégique</h2>
<p>Le <a href="https://www.dni.gov/index.php/gt2040-home/gt2040-media-and-downloads">dernier rapport</a> du National Intelligence Council, le renseignement national américain, souligne la possibilité de voir le monde se constituer « en silos », autour de blocs régionaux mus par des intérêts économiques partagés, mais aussi des gouvernances et valeurs sociétales communes, ou du moins, compatibles. Les ambitions chinoises (sur le plan économique comme systémique), le bellicisme russe, et même les velléités souverainistes occidentales, sont autant de signaux qui accréditent cette thèse.</p>
<p>Dans un tel monde, les États seront nécessairement amenés à réduire leurs interactions économiques. Et donc, à revoir le périmètre de leur indépendance stratégique, sans pour autant perdre de vue les objectifs impérieux en matière de transition écologique et énergétique. Il faut donc s’attendre à une redéfinition des chaînes d’approvisionnement, une dynamique de <a href="https://theconversation.com/relocalisations-en-europe-les-peco-seront-ils-les-grands-gagnants-155919">relocalisation</a> et de <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">réindustrialisation</a>, de même que la montée en puissance d’une agriculture raisonnée et de modes de production moins intensifs en hydrocarbures, et davantage en main-d’œuvre.</p>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">Réindustrialiser, mais pour quoi faire ?</a>
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</em>
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<p>À cet égard, l’émergence d’un monde « en silos » repositionne naturellement la question de la démographie au rang des préoccupations stratégiques majeures. Le <a href="https://ecfr.eu/wp-content/uploads/power-atlas.pdf">dernier rapport</a> du European Council on Foreign Relations ne dit d’ailleurs pas autre chose :</p>
<blockquote>
<p>« Une population importante ne fait pas, en soi, d’un État une grande puissance – en fait, la surpopulation peut être une profonde vulnérabilité –, mais il est probablement impossible dans le monde moderne d’atteindre et de maintenir le statut de grande puissance sans cela. »</p>
</blockquote>
<p>Par extension, l’émergence d’un monde « en silos » doit nous amener à repenser nos modes de développement hérités d’une époque de mondialisation et de financiarisation accélérées. Une époque où, comme le souligne la sociologue néerlando-américaine Saskia Sassen dans son livre de 2014 <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/NRF-Essais/Expulsions"><em>Expulsions</em></a>, les facteurs de production – notamment le facteur humain – étaient disponibles en abondance, mais pouvaient surtout faire l’objet d’une exploitation rentable à l’autre bout du monde par le jeu de la sous-traitance en cascade et d’un dumping social érigé au rang de facteur de compétitivité.</p>
<p>À l’inverse de cette grande tectonique des plaques, mais aussi des comportements opportunistes dépeints en amont, la migration forcée, mais aussi la réelle intégration économique de l’ensemble des populations européennes, permettra de se doter des compétences et de la solidarité nécessaires à notre croissance tout en permettant de poser les premiers jalons d’une autonomie stratégique.</p>
<p>Il s’agit là non seulement d’un impératif de stabilité sociale mais aussi, de façon peut-être encore plus pragmatique, de créer une demande intérieure solvable. Ce changement d’attitude ne relève pas simplement d’une attitude désintéressée, altruiste ou d’une supposée responsabilité sociale, mais plutôt d’une forme de responsabilité politique nouvelle à laquelle les entreprises doivent s’astreindre… dans leur propre intérêt et celui de toutes les nations européennes.</p>
<p>D’aucuns pourraient y voir un lien avec les travaux de l’économiste britannique John Hobson, ou plus proche de nous des Américains <a href="https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/guerres-commerciales-sont-guerres-classes-comment-montee-inegalites-fausse">Matthew Klein et Michael Pettis</a>, qui soulignent que les marchés nationaux – en l’espèce européen – « sont capables d’une extension indéfinie pour autant que le revenu ou pouvoir de s’approprier des marchandises est réparti de manière équitable ».</p>
<h2>Retour au libéralisme intégré</h2>
<p>Nous l’avons vu, le contexte géopolitique et environnemental, source de chocs migratoires, devrait se traduire par un « retour au libéralisme intégré » tel que décrit par le géographe et économiste britannique <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/oso/9780199283262.001.0001/isbn-9780199283262">David Harvey</a>. Ainsi, adopter une perspective plus planificatrice et « social-démocrate » apparaît probablement comme la voie la moins risquée si la priorité politique est donnée au maintien d’une certaine stabilité économique et industrielle, ainsi qu’à la préservation de la cohésion sociale.</p>
<p>Dès lors, le travail ne doit pas être vu que sous l’angle de son coût rapporté à son utilité, ou comme une consommation différée. Il doit, au contraire, s’envisager comme un facteur d’intégration qui, dans toute sa complémentarité, participe à l’autonomie stratégique autant que militaire ou économique.</p>
<p>À cette aune, les entreprises ne sont plus uniquement des lieux de transformation et des centres de profits, mais des maillons essentiels de construction de l’indépendance stratégique. Dans ces entreprises repensées, il s’agit autant d’investir dans une production responsable et durable que dans la formation professionnelle et citoyenne, notamment des nouveaux arrivants. Ainsi, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises s’enrichira d’une responsabilité politique sans laquelle, dans un monde dont les référents hérités de la fin de la Seconde Guerre mondiale vacillent déjà, nulle cohésion sociale ni autonomie stratégique ne sera possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179879/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’expérience de l’Allemagne après 2015 montre que de nombreux décideurs voient dans les migrants une « armée de réserve industrielle » qui permet de compresser les salaires.Philippe Naccache, Professeur Associé, INSEEC Grande ÉcoleJulien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797122022-03-27T17:23:48Z2022-03-27T17:23:48ZLes immigrés menacent-ils vraiment les finances publiques ?<p><em>Les immigrés peuvent être perçus comme une menace pour les finances publiques du fait des prestations sociales qu’ils reçoivent. Mais c’est oublier qu’ils y contribuent aussi, par les impôts, taxes et cotisations qu’ils versent. Lionel Ragot, conseiller scientifique au CEPII et professeur d’économie à l’université Paris Nanterre, nous explique, en répondant aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du CEPII, pourquoi les immigrés ne sont ni un fardeau ni une aubaine pour les finances publiques.</em></p>
<hr>
<p><strong>On entend parfois dire que les immigrés sont attirés par la générosité de notre système de protection sociale. Est-ce le cas ?</strong></p>
<p>Il faut tout d’abord souligner que les flux d’immigrés en France sont, à proportion de sa population résidente, parmi les <a href="http://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=911">plus faibles des pays développés</a>. Avec un taux d’immigration de 0,4 % en 2018, notre pays accueille proportionnellement deux fois moins d’immigrés que l’Allemagne et même trois fois moins que la Suède. On est donc loin de flux massifs et incontrôlés qui déferleraient chaque année sur le territoire français, attirés par un niveau de vie plus élevé et une protection sociale généreuse.</p>
<p>Ensuite, il s’avère que la population immigrée a connu, comme celle des natifs, une amélioration des niveaux de qualification au cours des quarante dernières années, avec une baisse conséquente du poids des faiblement qualifiés (diplôme inférieur au baccalauréat) et un accroissement du poids des moyennement et hautement qualifiés, au point que la part des hautement qualifiés (diplôme supérieur ou égal à bac+3) parmi les immigrés (21,7 %) est en 2020 légèrement supérieure à celle des natifs (20,1 %).</p>
<p><iframe id="AIcvU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AIcvU/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La frange de la population la plus susceptible de faire appel aux aides sociales s’est donc fortement réduite. Toutefois, il n’en reste pas moins vrai que si la part des faiblement qualifiés a fortement diminué pour les deux populations, elle est restée à un niveau sensiblement plus élevé dans la population immigrée (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4187349#tableau-figure1_radio1">57,3 % contre 48,9 %</a> en 2020).</p>
<p><strong>Mais si les immigrés sont en moyenne moins qualifiés que les natifs, cela implique qu’ils bénéficient plus des prestations sociales et contribuent moins aux recettes publiques. Dès lors, cela devrait creuser le déficit public, non ?</strong></p>
<p>Le niveau de qualification est effectivement une des caractéristiques importantes, avec l’âge, pour déterminer la contribution nette d’un individu aux finances publiques, à savoir la différence entre l’ensemble des contributions qu’il verse sous forme de prélèvements obligatoires aux administrations publiques (impôt sur le revenu, TVA, cotisations sociales, CSG, etc.) et tous les bénéfices qu’il en retire (prestations sociales, dépenses d’éducation, de santé, pensions de retraite, etc.).</p>
<p>Un individu faiblement qualifié (FQ dans le graphique 1 ci-dessous), peu importe qu’il soit natif ou immigré, a une contribution nette positive, mais sensiblement plus faible que celle d’un individu hautement qualifié (HQ dans le graphique 1) durant sa vie active (entre 20 et 60 ans). Par la suite, une fois la retraite arrivée, la contribution nette devient négative (comme lorsque l’on est jeune) pour les deux catégories d’individus.</p>
<p>L’opinion publique discerne très bien ces différences liées au niveau de qualification et comme elle a à l’esprit que les immigrés sont en moyenne moins qualifiés que les natifs, elle en déduit que la population immigrée dans son ensemble pèse sur les finances publiques.</p>
<p><iframe id="iRr52" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iRr52/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais si, entre 20 et 60 ans, un immigré en moyenne verse effectivement moins de prélèvements obligatoires et perçoit plus de prestations publiques diverses qu’un natif, cela ne signifie pas que l’impact sur les finances publiques des immigrés considérés dans leur ensemble soit plus défavorable que celui des natifs. Tout dépend de la structure par âge des deux populations.</p>
<p>Or, comparativement aux natifs, les immigrés sont concentrés sur les âges où l’on est en activité, entre 20 et 60 ans (graphique 2), c’est-à-dire aux âges où la contribution nette est positive, même si elle est inférieure à celle des natifs. Cet effet structure par âge favorable compense en grande partie la structure par qualification défavorable.</p>
<p><iframe id="hDXpV" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hDXpV/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Notre dernière <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/wp/2018/wp2018-04.pdf">étude</a> sur données françaises met ainsi en évidence une contribution nette des immigrés généralement négative sur le budget entre 1979 et 2011, mais d’ampleur très faible, comprise dans une fourchette de plus ou moins 0,5 % du PIB. Il en résulte que durant toute cette période, l’immigration en France n’a jamais déterminé l’ampleur et l’évolution du solde budgétaire primaire. Il faut noter que cette neutralité budgétaire des immigrés n’est pas spécifique à la France, on la retrouve pour la plupart des <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/social-issues-migration-health/perspectives-des-migrations-internationales-2021_39869f8f-fr">pays de l’OCDE</a>.</p>
<p><strong>Faut-il déduire de cette spécificité démographique de la population immigrée qu’elle pourrait constituer une solution face au vieillissement de la population française, en particulier pour le financement des retraites ?</strong></p>
<p>En rajeunissant instantanément la population française, une politique migratoire plus ambitieuse (à structure par âge inchangée des flux migratoires) aurait effectivement des <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2011/let311.pdf">effets positifs sur les comptes de l’assurance vieillesse et ceux de l’assurance maladie</a> (les plus affectés par le vieillissement démographique).</p>
<p>Un individu hautement qualifié ayant une contribution nette budgétaire sensiblement plus élevée, on comprend alors les recommandations pour une politique migratoire plus sélective (en faveur des plus qualifiés).</p>
<p>Cependant, une politique migratoire plus ambitieuse ne constitue pas la solution face au vieillissement démographique. Elle peut en réduire le fardeau fiscal comme on vient de le voir, mais elle ne peut en aucun cas contrecarrer ce processus de vieillissement.</p>
<p>Car pour maintenir constant le ratio de dépendance (le ratio des plus de 65 ans sur les 16-64 ans), il faudrait doubler la population tous les 40 ans via les flux migratoires, ce qui aboutirait en 2050 à une part des immigrés dans la population de plus de 50 % (contre 10 % en 2020). En effet, si un flux supplémentaire d’immigrés plus jeunes produit bien l’effet recherché initialement sur le ratio de dépendance, ces immigrés finissent eux aussi par vieillir, ce qui nécessiterait des flux migratoires encore plus importants par la suite pour que ce ratio n’augmente pas.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII–The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La contribution nette des immigrés au budget est généralement négative depuis 1979 mais ce déficit reste de faible ampleur, dans une fourchette de plus ou moins 0,5% du PIB.Lionel Ragot, Conseiller scientifique au CEPII, professeur d'économie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresIsabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1773962022-03-23T19:23:15Z2022-03-23T19:23:15ZChine : quels effets peut-on attendre de la nouvelle politique de trois enfants ?<p>Malgré un développement économique spectaculaire au cours des trente dernières années, la République populaire de Chine a d’importants retards à combler avant de figurer parmi les pays les plus avancés de la planète. En 2020, elle se plaçait encore au 79e rang mondial en termes de PIB par habitant et au 85e en ce qui concerne l’indice de développement humain.</p>
<p>Alors même que son économie montre des signes d’essoufflement, la Chine doit en parallèle <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-1-page-1.htm">faire face à des défis démographiques</a> propres aux pays les plus développés.</p>
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<li><p>Une fécondité très basse, passée <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2016-7-page-1.htm">sous le seuil de remplacement des générations</a> dans la première moitié des années 1990, et tombée à 1,3 enfant par femme en 2020.</p></li>
<li><p>La réduction attendue de 70 millions de la population d’âge actif (20-64 ans) entre 2020 et 2035. La part de personnes actives dans la population totale devrait passer de 65 % à 57 %.</p></li>
<li><p>Un <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-5-page-56.htm">vieillissement démographique rapide</a>, la part de personnes âgées de 65 ans ou plus étant susceptible de passer de 12 % à 21 % en quinze ans.</p></li>
</ul>
<p>La <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/31/la-chine-autorise-les-familles-a-avoir-trois-enfants_6082175_3210.html">« politique de trois enfants »</a>, annoncée en mai 2021 après la publication des résultats préliminaires du septième recensement national de la population (2020), vise à atténuer ces tendances. En quoi consiste-t-elle précisément ? Quels résultats peut-on en attendre ?</p>
<h2>Favoriser les naissances</h2>
<p>L’<a href="http://www.gov.cn/zhengce/2021-07/20/content_5626190.htm">objectif du gouvernement chinois</a> est de parvenir à un « développement démographique équilibré sur le long terme » permettant de garantir un « développement économique durable ».</p>
<p>Le deuxième amendement de la Loi de 2002 sur la population et la planification des naissances, adopté en août 2021, prévoit diverses mesures visant à lever les obstacles à une remontée de la fécondité, devenus flagrants après <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/le-taux-de-natalite-au-plus-bas-en-chine-1379557">l’échec de la « politique de deux enfants »</a> lancée en 2015 (figure 1).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447015/original/file-20220217-7720-n1oaw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Remarques sur les estimations : Des incertitudes quant au niveau réel de la fécondité en Chine existent depuis les années 1990. Elles sont alimentées par les incohérences relevées entre les différentes sources et renforcées par l’opacité des méthodes employées par l’administration statistique pour ajuster l’indice synthétique de fécondité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? _Population & Sociétés_, n° 596</span></span>
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<p>En 2020, la Chine n’a enregistré que 12 millions de naissances, soit près de 3 millions de moins qu’en 2019 (14,7 millions), et le chiffre le plus bas depuis 1960 – quand elle comptait deux fois moins d’habitants qu’aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-two-child-policy-isnt-the-answer-to-its-ageing-population-problem-68234">China's two-child policy isn't the answer to its ageing population problem</a>
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<p>Ces mesures, qui s’apparentent à celles mises en place dans <a href="https://www.demogr.mpg.de/papers/working/wp-2006-010.pdf">plusieurs pays d’Europe</a>, ont pour principal objectif d’alléger les contraintes économiques et matérielles liées à l’arrivée d’un enfant dans un couple tout en favorisant l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle pour les femmes. L’amendement de 2021 n’énonce cependant que des principes généraux, les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles mesures étant, comme cela a été le cas pour les précédentes, laissées à l’appréciation des gouvernements des provinces.</p>
<p>Le premier amendement de la loi en 2015 avait levé trois freins majeurs à une relance de la fécondité : la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vOMMPsiVZDc">limitation à un enfant</a> (ou deux voire trois dans certains cas), l’incitation à retarder le mariage et la procréation et l’obligation de pratiquer la contraception pour les couples en âge d’avoir des enfants.</p>
<p>L’amendement de 2021 marque un changement d’approche radical en jetant les bases <a href="http://www.npc.gov.cn/npc/c30834/202109/9ab0af08773c465aa91d95648df2a98a.shtml">d’une politique nataliste</a>. Il apporte deux modifications majeures : d’une part, la possibilité d’un troisième enfant offerte à tous les couples, quels que soient leur milieu de résidence (urbain ou rural) ou leur appartenance ethnique. D’autre part, un changement de langage concernant l’âge au mariage et à la naissance des enfants, qui doit désormais être « approprié ».</p>
<p>Bien qu’aucun âge seuil ne soit préconisé à ce stade, il s’agirait donc de contrer la hausse rapide de l’âge moyen des femmes au premier mariage, et donc à la naissance de leur premier enfant (tableau), afin, comprend-on, de maximiser le nombre de celles effectivement en couple aux âges les plus féconds.</p>
<p>Le caractère non obligatoire de la pratique contraceptive et le libre choix de la méthode employée, introduits par l’amendement de 2015, ont par ailleurs été réitérés. La pratique du planning familial « conformément à la loi » reste toutefois une obligation légale et des récompenses – dont la nature n’est pas spécifiée – sont prévues pour les couples qui adhèrent aux nouvelles dispositions.</p>
<p>Enfin, l’interdiction des échographies et des avortements visant à sélectionner le sexe de l’enfant à naître est maintenue. Il s’agit en effet, ainsi que le précise la décision du Comité central du Parti communiste chinois et du Conseil des Affaires d’État lors de laquelle la « politique de trois enfants » a été approuvée, de tenter de ramener le rapport de masculinité à la naissance à un niveau normal en mettant fin à l’élimination des fœtus féminins. Ce rapport, bien qu’en baisse depuis la fin des années 2000, reste en effet très déséquilibré : 111,3 garçons pour 100 filles à la naissance en 2020 (tableau), contre environ 105 attendus dans des circonstances normales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=318&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447017/original/file-20220217-19-7mqtnm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=400&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : tableau repris de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? Population & Sociétés, n° 596. Cliquer pour zoomer.</span>
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<p>Une autre nouveauté introduite par l’amendement de 2021 vise à améliorer la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4729105/">prise en charge de la stérilité</a>. L’accélération de ce phénomène, qui concernerait désormais 15 % à 20 % des femmes et 10 % à 12 % des hommes d’âge fécond (soit près de cent millions de personnes) et régulièrement présenté comme l’une des causes de la faible fécondité, est devenue une préoccupation majeure du gouvernement. La Décision du 26 juin 2021 prévoit l’encadrement et le développement des traitements de la stérilité et de procréation médicalement assistée.</p>
<h2>Faciliter l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle</h2>
<p>L’inégale répartition des tâches entre hommes et femmes au sein de la famille et les discriminations des femmes dans le monde du travail comptent parmi les causes de la faible fécondité en Chine. C’est pourquoi l’égalité des sexes, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle et la protection des femmes sur le marché du travail ont été placées au cœur de l’amendement de 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chinas-three-child-policy-is-unlikely-to-be-welcomed-by-working-women-162047">China's three-child policy is unlikely to be welcomed by working women</a>
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<p>L’article 25 qui, en 2002, prévoyait que « les citoyens retardant leur mariage et la naissance de leur(s) enfant(s) pouvaient bénéficier d’une prolongation des congés de mariage et de maternité » stipule, depuis 2015, que cette prolongation peut bénéficier à toutes les femmes se conformant aux nouvelles dispositions. L’amendement de 2021 réitère la possibilité d’allonger le congé de maternité – sans toutefois préconiser de durée au-delà des 128 jours légaux – et prévoit la mise en place d’un congé parental destiné à encourager l’investissement des pères dans le soin de leurs enfants en bas âge.</p>
<p>Limiter l’impact d’une naissance sur les possibilités d’emploi, le salaire et la carrière des femmes est une autre préoccupation du gouvernement chinois. Il s’agit en particulier de lutter contre les discriminations des femmes à l’embauche, les inégalités de salaires à poste égal et les licenciements abusifs à la suite d’un congé de maternité, afin notamment de ne pas léser celles qui deviennent mères. Deux aspects de la loi ont été renforcés en ce sens.</p>
<ul>
<li><p>D’une part, la protection effective des femmes enceintes et des mères sur le marché du travail. L’article 26, révisé en 2015, stipule depuis 2021 que « l’État garantit les droits et intérêts des femmes en matière d’emploi et soutient celles dont la carrière est affectée par la naissance d’un enfant ».</p></li>
<li><p>D’autre part, le développement des services de garde d’enfants en bas âge tant au sein des collectivités locales qu’au sein des entreprises.</p></li>
</ul>
<p>La Décision du 26 juin stipule également que les entreprises devront en outre adapter les conditions de travail de leurs salariés afin de leur permettre de maintenir un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_Yv6-kyl1x4?wmode=transparent&start=57" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Réduire la charge financière pesant sur les familles</h2>
<p>Une autre modification majeure vise à alléger la charge financière, souvent rédhibitoire, que représente aujourd’hui l’arrivée d’un enfant pour les familles chinoises.</p>
<p>Cet allègement sera opéré d’une part en augmentant leurs revenus grâce au versement de prestations sociales aux familles qui ont des enfants « conformément à la Loi » et à la mise en place d’avantages fiscaux. Il sera opéré d’autre part en réduisant les dépenses consacrées à la prise en charge de leurs dépendants (enfants et personnes âgées).</p>
<p>Enfin, des mesures préférentielles sont également prévues concernant l’attribution d’un logement, l’accès à l’emploi pour les parents et à l’éducation pour les enfants. Ces principes généraux seront toutefois soutenus par une reformulation des politiques sociales et fiscales, destinée à favoriser les familles avec des enfants mineurs (notamment ceux âgés de moins de trois ans).</p>
<p>Un autre objectif consiste à réduire les coûts qui incombent aux parents pour la scolarité de leurs enfants. Il s’agit notamment de normaliser l’accès aux ressources éducatives en le rendant moins dépendant des capacités financières des familles. Cela passe par la réglementation des enseignements extra-scolaires – source d’importantes dépenses pour les parents qui cherchent à accroître les compétences de leurs enfants dans un <a href="http://www.lejournalinternational.info/chine-apercu-systeme-scolaire/">système éducatif</a> devenu très élitiste.</p>
<p>La Décision du 26 juin 2021 précise également qu’afin d’alléger la charge financière des familles et ainsi leur permettre de centrer davantage leurs dépenses sur leurs enfants, il s’agira de limiter leur implication financière et matérielle dans la prise en charge de leurs parents âgés. Ces mesures devraient inclure un accès prioritaire aux maisons de retraite pour les parents des couples adhérant aux nouvelles dispositions légales, de même qu’une réduction des frais médicaux et des services à la personne.</p>
<h2>Quels effets peut-on attendre ?</h2>
<p>Cette nouvelle politique, dont les modalités de mise en œuvre au niveau local restent à définir, ne sera cependant pas forcément en mesure de lever tous les obstacles à une remontée de la fécondité, révélant ainsi les limites de l’interventionnisme politique du gouvernement chinois en matière démographique.</p>
<p>Si les mesures adoptées au niveau local s’avèrent suffisamment incitatives, elles pourraient certes montrer leur efficacité concernant les arbitrages économiques et familiaux (coûts élevés de l’éducation, faible protection des femmes sur le marché du travail, sous-développement des infrastructures d’accueil pour enfants en bas âge, perspective de devoir prendre en charge ses parents âgés). Plus encore que la politique de contrôle des naissances à proprement parler, ce sont ces arbitrages qui, depuis les années 1990, ont tiré la fécondité chinoise à la baisse.</p>
<p>En revanche, la nouvelle politique n’aura guère de prise sur les aspirations individuelles des jeunes adultes, qui déterminent fortement leurs comportements de reproduction. L’allongement de la durée des études, notamment pour les femmes, une quête d’épanouissement personnel – qui passe désormais avant le souhait de fonder une famille – ou l’autonomisation vis-à-vis des parents en matière de décisions matrimoniales et familiales, sont autant de facteurs expliquant que les jeunes se marient et font des enfants de plus en plus tard. En effet, si elle reste faible en comparaison d’autres pays de la région, la part de célibataires à 30 ans a quintuplé pour les femmes entre 2000 et 2015 (passant de 2 % à 10 %) et doublé pour les hommes (passant de 10 % à 20 %).</p>
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
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<p>L’autorisation d’un troisième enfant échouera aussi à relancer significativement la fécondité à court terme, notamment parce que faire un troisième enfant suppose d’en avoir préalablement fait un premier, puis un deuxième. Or, en 2015, seule une femme d’âge fécond sur quatre avait deux enfants (figures 2 et 3). Si l’on applique ce pourcentage aux effectifs de celles recensées en 2020, cela signifie que moins de 85 millions d’entre elles seraient concernées par cette nouvelle possibilité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447020/original/file-20220217-19-1hic54a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=837&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Source : figure reprise de Isabelle Attané, 2022, Trois enfants pour tous en Chine ? <em>Population & Sociétés</em>, n° 596.</span>
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<p>Bien que l’amendement de 2021 n’apporte aucune précision sur ce point, il est donc vraisemblable que les mesures incitatives devront bénéficier à toutes les naissances sans distinction de rang, pour cibler notamment les parents d’enfants uniques et les couples sans enfant.</p>
<p>En outre, il reste à craindre que le gouvernement chinois continue, comme cela a été le cas depuis les années 1970, d’user de la contrainte pour parvenir à ses objectifs en matière démographique. Cet amendement ne comporte en effet aucun signe de relâchement du contrôle susceptible d’être exercé sur les couples.</p>
<p>Enfin, les avantages accordés à ceux qui se conformeront aux nouvelles dispositions suggèrent que la stigmatisation sociale des autres pourrait perdurer, de même que les pénalités auxquelles ils pourraient être soumis à l’instar de celles appliquées dans le cadre de la politique de l’enfant unique (amendes, sanctions professionnelles ou administratives, etc.).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Attané ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Après avoir longtemps cherché à limiter les naissances, le gouvernement chinois les encourage aujourd’hui avec sa nouvelle « politique de trois enfants » adoptée en 2021.Isabelle Attané, Directrice de recherche (sinologie et démographie), Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1797272022-03-23T19:22:47Z2022-03-23T19:22:47ZLes aires protégées, instrument d’un « colonialisme vert » en Afrique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453802/original/file-20220323-13-8p2d30.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans le parc de Waza au Cameroun, une des aires protégées d’Afrique centrale. </span> <span class="attribution"><span class="source">Amcaja / Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte d’<a href="https://theconversation.com/en-2100-plus-dun-terrien-sur-trois-africain-84217">accroissement démographique</a> sans précédent sur le continent africain, les moyens de préserver la biodiversité sont au cœur de vifs débats, notamment au sein de la Convention pour la diversité biologique, dont la <a href="https://www.cbd.int/sbstta/sbstta-24/post2020-monitoring-en.pdf">proposition phare</a> vise à classer 30 % des territoires nationaux en aires protégées, dont 10 % en conservation stricte.</p>
<p>En 2020, dans son essai <a href="https://editions.flammarion.com/linvention-du-colonialisme-vert/9782081504394"><em>L’Invention du colonialisme vert</em></a>, Guillaume Blanc s’en prenait à l’<a href="https://www.iucn.org/fr">UICN</a>, au <a href="https://www.wwf.fr/">WWF</a> et à l’<a href="https://fr.unesco.org/">Unesco</a> impliqués dans les parcs naturels en Afrique.</p>
<p>Il accuse les gestionnaires de parcs d’exclure et de violenter les populations locales, de créer de la misère pour satisfaire un fantasme de nature vierge au seul profit de touristes occidentaux. Il affirme que :</p>
<blockquote>
<p>« Cet idéal d’une nature débarrassée de ses habitants guide la majorité des aires protégées du continent. »</p>
</blockquote>
<p>et que :</p>
<blockquote>
<p>« Les parcs nationaux ne protègent pas vraiment la nature puisque la consommation touristique nuit à la biodiversité. »</p>
</blockquote>
<p>Les parcs nationaux sont ici au cœur du débat et deux grandes questions agitent les milieux de la conservation en Afrique :</p>
<ul>
<li><p>Est-il légitime de restreindre des droits d’usage pour des motifs de conservation ?</p></li>
<li><p>Quel modèle d’aire protégée, ou stratégie alternative de préservation de la biodiversité, peut concilier efficacité et prise en compte des droits humains et fonciers ?</p></li>
</ul>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/debat-colonialisme-vert-une-verite-qui-derange-146966">Débat : Colonialisme vert, une vérité qui dérange</a>
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</p>
<hr>
<h2>Une nature sous pressions multiples</h2>
<p>Les pressions sur l’environnement sont croissantes du fait de l’augmentation des populations en zones rurales qui accroît la <a href="https://www.thenewhumanitarian.org/fr/actualites/2013/11/25/les-forets-ivoiriennes-rongees-par-les-conflits-fonciers">concurrence pour le foncier</a>, des opportunités offertes par la demande agricole mondiale (cacao ou palmier à huile), de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/economie-africaine/le-charbon-de-bois-le-plus-grand-ennemi-de-la-foret-africaine_3740227.html">fabrication du charbon de bois</a>, de la demande urbaine en viande de brousse, de la <a href="https://theconversation.com/a-sapphire-rush-has-sent-at-least-45-000-miners-into-madagascars-protected-rainforests-69164">ruée de mineurs artisanaux sur les pierres précieuses</a> ; ou du décalage entre les maigres revenus paysans et la valeur commerciale de l’ivoire ou du bois de rose.</p>
<p>En outre, les communautés locales sont parfois <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01414375/document">enrôlées dans les réseaux de braconnage</a>. En Afrique, si comme partout ailleurs la demande internationale pousse à la surexploitation de ressources, la majorité des activités portant atteinte à la biodiversité <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.1098/rstb.2012.0405">est le fait de petits producteurs</a>, qui produisent pour les marchés locaux tout autant que pour les marchés étrangers.</p>
<p>La création de nouvelles aires protégées reste du domaine des gouvernements africains, même si certains instruments qualifiés d’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/canadian-yearbook-of-international-law-annuaire-canadien-de-droit-international/article/abs/lechange-dettecontrenature-un-instrument-utile-de-protection-de-lenvironnement/04FED364D04FD43FDD7AD893E744443D">« échange dette contre nature »</a>, par lesquels un pays créditeur réduit la dette d’un pays débiteur, influencent parfois la décision de création.</p>
<p>Le constat général est peu encourageant, avec une majorité d’aires protégées en Afrique sous-financée : peu de recettes touristiques et une gestion défaillante. De plus, les recettes liées aux droits d’accès ont nettement baissé ces dernières années avec la crise sanitaire. Des chercheurs <a href="https://www.conservation.cam.ac.uk/files/waldron_report_30_by_30_publish.pdf">estiment de 103 à 178 milliards de dollars les besoins budgétaires</a> pour atteindre la cible de 30 %.</p>
<h2>Une gestion de plus en plus « déléguée » à des opérateurs privés</h2>
<p>Compte tenu de ces difficultés financières, certains États optent pour une « gestion déléguée » des parcs à des ONG spécialisées. Face à la montée en puissance de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/03/03/en-rdc-21-ecogardes-du-parc-des-virunga-tues-en-2020_6071805_3212.html">réseaux de braconnage parfois lourdement armés</a>, on observe parallèlement une tendance à la « militarisation » de la conservation dans certains parcs. Des actes de violence sur les populations de la part d’éco-gardes <a href="https://www.survivalinternational.fr/actu/12341">ont été rapportés</a> en Afrique.</p>
<p>La gestion déléguée échoit souvent à African Parks, une ONG sud-africaine habituée aux contextes difficiles, mais la militarisation est vécue différemment par les populations selon les contextes. D’après une <a href="https://www.economist.com/middle-east-and-africa/2020/10/22/african-governments-are-outsourcing-their-natural-areas">enquête</a> de 2020 sur la gestion du parc national de Zakouma (Tchad), les populations locales sont demandeuses de protection vis-à-vis des groupes armés qui les rackettent, et elles collaborent avec l’ONG pour signaler les incursions des Janjawid soudanais.</p>
<p>Quant à l’efficacité, plusieurs <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0232993">publications</a> montrent que les ressources fauniques sont mieux préservées dans les aires protégées avec de hauts niveaux de protection. En outre, difficile de ne pas évoquer les expériences de conservation basée sur les communautés : <em>Conservancies</em> en Namibie, programme <em>Campfire</em> au Zimbabwe, <em>Village Land Forest Reserves</em> en Tanzanie, et certaines forêts communautaires sans exploitation du bois d’œuvre. Ces espaces à gestion communautaire ou participative peuvent être vus comme des alternatives ou des compléments aux aires protégées à protection stricte. Néanmoins, leurs résultats en matière de conservation sont <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X06001343">parfois jugés moins solides</a> et il y a, au moins en Afrique australe, une tendance à la recentralisation de la gestion sous l’influence d’ONG internationales.</p>
<p>Le déplacement de populations pose un problème auquel il faut se garder d’apporter une réponse tranchée a priori. Dans tous les pays du monde, les expropriations sont considérées légitimes pour réaliser des infrastructures (routes, barrages…), dès lors que des indemnisations financières correctes sont versées aux ayants droit.</p>
<p>Mais ce statut d’ayant droit est source de contentieux <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1523-1739.2012.01846.x">au sein des aires protégées où l’on trouve des migrants</a> fuyant l’insécurité ou attirés par des terres et des ressources perçues comme disponibles. Les détenteurs de droits fonciers coutumiers peuvent avoir accepté ou subi l’installation de ces familles. Les politiques des gestionnaires d’aires protégées vis-à-vis des migrants vont varier, allant d’un « cantonnement » toléré à des actions d’éviction pure et simple.</p>
<h2>Une diversité d’outils et d’approches pour les aires protégées</h2>
<p>Réduire les aires protégées à un outil de spoliation, c’est oublier la <a href="https://doi.org/10.1016/j.biocon.2017.11.025">diversité de leur statut et de leur gouvernance</a>. L’UICN classe les 200 000 aires protégées recensées dans le monde en 6 catégories.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453568/original/file-20220322-25-120wud2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.iucn.org/theme/protected-areas/about/protected-area-categories">Adapté des données IUCN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Seules les catégories de 1 à 3 sont dédiées à une conservation stricte, car c’est parfois la seule option pour protéger des espèces menacées d’extinction. Les autres catégories incluent des activités économiques. La catégorie 4 est la plus fréquente en Afrique, et les catégories 5 et 6 dépendent des interactions avec les humains. Les parcs nationaux eux-mêmes peuvent être de catégorie 2, 4 ou 6. Outre ces catégories de gestion, le mode de gouvernance précise qui prend les décisions.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=167&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=167&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=167&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=210&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=210&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/453569/original/file-20220322-13-1618xsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=210&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.iucn.org/sites/dev/files/content/documents/governance_of_protected_areas_from_understanding_to_action.pdf">Adapté des données IUCN</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les trois dernières catégories sont majoritaires même si des spécificités existent : en Afrique du Sud, <a href="https://www.protectedplanet.net/country/ZAF">56 % des aires protégées sont privées</a> tout comme l’est majoritairement le foncier.</p>
<p>Les aires protégées ne visent donc pas à « protéger un Éden où l’homme est exclu ». La majorité des aires protégées créées depuis une trentaine d’années intègre des activités humaines. <a href="https://www.afd.fr/fr/ressources/evaluation-des-contributions-des-interventions-aires-protegees-de-lafd-la-conservation-et-au-developpement-2000-2017-synthese-du-rapport-final">Une évaluation</a> des projets d’appui à des aires protégées financées entre 2000 et 2017 par l’AFD montre qu’une double finalité de conservation et de développement est toujours privilégiée.</p>
<p>Dans le monde, seulement <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">15 % des espaces sont des aires protégées</a> et beaucoup d’autres initiatives de conservation existent. Si l’on retient l’objectif mondial de 30 %, il serait peu réaliste de viser 30 % d’aires protégées « excluantes » au niveau de chaque État, mais plutôt considérer 30 % d’espaces où l’objectif de conservation encadre des activités de production compatibles avec un haut niveau de préservation de la biodiversité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419815/original/file-20210907-14-130igsm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte présentant la répartition des aires protégées au niveau mondial. Actuellement, plus de 22,5 millions de km² sur terre et 28 millions de km² en milieux marins et côtiers sont aujourd’hui protégés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.protectedplanet.net/en">protectedplanet.org</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Ne pas se cantonner aux aires protégées</h2>
<p>Sur cet objectif particulier de 30 % – qui sera examiné et débattu lors de prochaines négociations (COP15) organisées par les Nations unies pour coordonner la sauvegarde de la biodiversité au niveau mondial –, il faudrait revenir sur les <a href="https://www.iucn.org/commissions/world-commission-protected-areas/our-work/oecms/oecm-reports">« autres mesures de conservation efficace par zone »</a> (AMCE) que de précédentes négociations (COP14) avaient défini comme « zone géographiquement délimitée, autre qu’une aire protégée, qui est réglementée et gérée de façon à obtenir des résultats positifs et durables à long terme pour la conservation in situ de la diversité biologique […] ».</p>
<p>L’UICN <a href="https://portals.iucn.org/library/node/49125">précise</a> que « si les aires protégées doivent avoir un objectif de conservation primaire, cela n’est pas nécessaire pour les AMCE. Les AMCE peuvent être gérées pour de nombreux objectifs différents, mais elles doivent aboutir à une conservation efficace ». Par exemple, une politique de protection des bassins versants peut conduire à une protection efficace de la biodiversité.</p>
<p>Un compromis possible consisterait ainsi à intégrer les AMCE dans la cible des 30 %, ce qui rendrait non seulement ce seuil plus acceptable, mais qui permettrait aussi sa hausse régulière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/biodiversite-proteger-30-de-la-planete-quid-des-70-restants-175779">Biodiversité : protéger 30 % de la planète… quid des 70 % restants ?</a>
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<p>Les aires protégées ne peuvent répondre seules à l’ensemble des défis que pose la crise de la biodiversité. Une réflexion sur l’ensemble du territoire d’un pays considérant l’interface entre les différentes activités est nécessaire pour renouveler notre point de vue sur la nature et redéfinir des stratégies de conservation de la biodiversité plus efficaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Karsenty est membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Nature et l'Homme</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Didier Bazile est membre du Conseil Scientifique de la FRB, du Comité français de l'UICN et du Comité français de l'IPBES.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christian Leclerc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Réduire les aires protégées à un outil de spoliation, c’est oublier la diversité de leur statut et de leur gouvernance. On recense aujourd’hui dans le monde 200 000 aires protégées.Alain Karsenty, Économiste de l’environnement, chercheur et consultant international, CiradChristian Leclerc, Ethno-biologiste, CiradDidier Bazile, Chercheur spécialiste de la conservation de l’agrobiodiversité, chargé de mission biodiversité, CiradLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1779352022-03-16T21:04:09Z2022-03-16T21:04:09ZVieillissement démographique de la France : à quoi s’attendre d’ici un demi-siècle ?<p>Les projections de population publiées récemment par l’Insee <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">annoncent la poursuite du vieillissement démographique de la France</a> dans les 50 prochaines années. Tous les scénarios conduisent à une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2496228">hausse importante de la proportion de personnes âgées d’ici 2070</a>. Sur quelles bases repose ce pronostic ? Examinons-les en passant en revue les différents scénarios envisagés.</p>
<p>L’Insee a publié en novembre 2021 de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">nouvelles projections</a> de population pour la France à l’horizon 2070. D’après le scénario central – le plus probable, et prolongeant les tendances démographiques récentes –, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1<sup>er</sup> janvier 2070, contre 67,4 millions au 1<sup>er</sup> janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite jusqu’à 68,1 millions en 2070.</p>
<h2>Doublement des 75 ans ou plus d’ici 2070</h2>
<p>Entre 2021 et 2070, la population n’augmente qu’après 75 ans (figure 1) : elle double à ces âges, l’espérance de vie progressant et les générations nées avant 1946 étant remplacées par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5760764">celles un peu plus nombreuses nées de la fin du baby-boom au milieu des années 1990</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=557&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448933/original/file-20220228-13-101c3dn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=699&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la population de la France d’ici 2070 d’après différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entre 60 et 75 ans, les effectifs restent à peu près les mêmes. En revanche, en dessous de 60 ans, ils diminuent de 10 %.</p>
<p>La projection centrale est complétée par <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">26 scénarios alternatifs</a> combinant <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893639">différentes hypothèses</a> d’évolution de la fécondité, de la mortalité et des migrations.</p>
<p>Le scénario central retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui d’aujourd’hui ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 2010 ; et un solde migratoire (entrées moins sorties du territoire) de +70 000 personnes par an.</p>
<p>Selon les hypothèses de fécondité « haute » (2,0 enfants) ou « basse » (1,6), la population en 2070 varie de plus ou moins 4 millions autour des 68 millions d’habitants du scénario central ; de même, selon qu’on fixe le solde migratoire à 20 000 par an (hypothèse « basse ») ou 120 000 (hypothèse « haute »), elle varie de plus ou moins 4 millions.</p>
<p>Les variantes en matière d’évolution de la mortalité ont un impact plus limité : plus ou moins 2,4 millions. Au total, en combinant les hypothèses haute ou basse de chaque composante, la fourchette va de 58 à 79 millions d’habitants en 2070 (figure 2).</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la population de la France d’ici 2070 d’après différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’incertitude sur les effectifs varie selon les âges (figure 3). Elle est la plus forte pour les générations qui ne sont pas encore nées en 2021. Par exemple, l’effectif des 0-19 ans en 2070 est de 14 millions selon le scénario central, mais avec une fourchette large, de 11 à 17 millions, selon les scénarios bas et haut, soit plus ou moins 25 % autour de la projection centrale.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Pyramide des âges de la France en 2021 et 2070, selon les scénarios bas, central et haut.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En revanche, pour les personnes de 75 ans ou plus, qui sont donc déjà nées en 2021, les scénarios extrêmes conduisent à des chiffres de 10 à 14 millions en 2070, soit plus ou moins 18 % autour de la projection centrale, 12 millions. C’est essentiellement l’hypothèse de mortalité qui fait varier les effectifs des 75 ans ou plus entre 2021 et 2070.</p>
<p>Mais quel que soit le scénario, leur nombre augmente très fortement (de 89 % dans le scénario central), l’espérance de vie progressant et les générations nées de 1969 à 1994 se substituant aux générations creuses nées avant 1946.</p>
<h2>Incertitude plus importante pour les naissances que pour les décès</h2>
<p>Le scénario central conduit à un nombre annuel de naissances diminuant de 80 000 (-10 %) d’ici 2070 par rapport au niveau d’aujourd’hui (740 000 naissances en 2020 ; 660 000 en 2070) (figure 4a). En revanche, le nombre annuel de décès augmente de 160 000, passant de 610 000 en 2019 (avant la pandémie de Covid-19) à 770 000 en 2070, soit une hausse de 25 % (figure 4b).</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Naissances et décès annuels en France selon différents scénarios.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces chiffres varient selon le scénario, avec une fourchette plus large pour les naissances que les décès. Tous les scénarios conduisent par ailleurs à une hausse très importante des décès entre aujourd’hui et 2045 : les générations nombreuses du baby-boom, qui atteignent des âges très élevés à cette période, seront en train de s’éteindre.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">Naissances et décès en France de 1970 à 2070 (scénario central).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de 2035, le nombre de décès dépasse le nombre de naissances dans le scénario central (figure 5). Le solde naturel (différence entre les nombres de naissances et de décès), devenu négatif, se creuse ensuite et atteint -110 000 en 2070.</p>
<p>Ce solde varie fortement selon les scénarios : entre -330 000 et +160 000. Mais comme tous les scénarios incluent l’hypothèse d’un solde migratoire positif (de 20 000 à 120 000 par an), la population est encore croissante en 2070 dans une partie d’entre eux (11 sur 27).</p>
<h2>Retour sur 50 ans d’évolution des projections</h2>
<p>Comment les hypothèses sur lesquelles reposent les projections publiées par l’Insee ont-elles évolué depuis 50 ans ? Elles ont beaucoup changé pour ce qui est de l’espérance de vie (voir <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374368?sommaire=1374377">ici</a> et <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2018-3-page-1.htm?ref=doi">ici</a>).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1286&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448939/original/file-20220228-13-1x51rf4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution de l’espérance de vie à la naissance en France depuis 1950, observations et projections (scénario central).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’espérance de vie à la naissance tous sexes confondus était de 72 ans en 1970 (contre dix ans de plus en 2021 : 82 ans). Le diagnostic en 1970 était qu’elle avait pratiquement atteint ses limites ou en était proche.</p>
<p>Après avoir beaucoup augmenté au sortir de la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950, gagnant près de 5 mois par an pendant cette décennie, l’espérance de vie a progressé plus lentement dans les années 1960, ce ralentissement confortant la vision d’un plafond biologique (figure 6 ci-contre).</p>
<p>La projection publiée en 1970, dont l’horizon est 1995, prolonge la tendance à la hausse de l’espérance de vie, d’abord au même rythme que dans la décennie 1960, puis à un rythme décroissant. La projection suivante, publiée en 1979, est plus pessimiste et considère que l’espérance de vie va progresser plus lentement encore, puis plafonner à 73,8 ans en 2000, tous sexes confondus. Ces deux projections se sont révélées très en deçà de l’évolution réelle.</p>
<p>Le constat que les plafonds même rehaussés sont régulièrement dépassés au bout de quelques années conduit à l’abandon de l’idée même de plafonnement dans les projections publiées à partir de 1995. Celles-ci extrapolent la tendance récente sur toute la période de projection, sans fixer de limite. Elles correspondent assez bien à l’évolution observée pour l’instant.</p>
<h2>La fécondité : stable depuis la fin du baby-boom</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448940/original/file-20220228-21-1gdokyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Hypothèses centrales des projections démographiques de la France depuis 1970 pour la fécondité et les migrations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Toulemon, Élisabeth Algava, Nathalie Blanpain, Gilles Pison, 2022, Population & Sociétés, n° 597</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant la fécondité, les projections ont en revanche peu changé en 50 ans (voir tableau ci-contre). Mis à part la projection publiée en 1970, sensiblement plus élevée que les autres (on est encore dans la période du baby-boom, même s’il est sur sa fin), les révisions sont légères, et tantôt à la hausse, tantôt à la baisse, reflétant à chaque fois la tendance récente de l’indicateur de fécondité.</p>
<p>Ce dernier, stable sur le long terme depuis la fin du baby-boom, enchaîne en effet des périodes de baisse et de hausse, entre 1,7 et 2,0 enfants en moyenne par femme.</p>
<p>Pour le solde migratoire, les hypothèses ont sensiblement évolué en 50 ans : de 130 000 par an dans la projection de 1970, le solde passe à 0 dans les deux suivantes (publiées en 1979 et 1986), en lien avec l’arrêt de la migration de travail en 1973. Il varie ensuite du simple au double dans les projections suivantes, entre 50 000 et 100 000 par an (voir tableau au-dessus).</p>
<p>Que nous apportent ces nouvelles projections publiées par l’Insee ? Elles confirment le vieillissement de la population dans les prochaines décennies, à un rythme rapide d’ici 2040, puis ralenti ensuite. Si la taille de la population projetée d’ici 2070 est fortement conditionnée par les hypothèses retenues, tous les scénarios conduisent, sans exception, à une hausse importante de la proportion de personnes âgées à cet horizon.</p>
<p>L’ampleur des variations entre les scénarios rappelle les incertitudes sur l’évolution de la population à long terme, tout en confirmant la poursuite inéluctable du vieillissement.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">d’un article publié par les auteurs dans Population et Sociétés n° 597</a>, « La population française devrait continuer de vieillir d’ici un demi-siècle », qui détaille les changements entre ces projections et les projections précédentes publiées en 2016.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Toulemon a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nathalie Blanpain et Élisabeth Algava ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les dernières projections de l’Insee annoncent la poursuite du vieillissement de la population dans les prochaines décennies. Sur quelles bases repose ce pronostic ?Laurent Toulemon, Directeur de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Élisabeth Algava, Statisticienne et démographe à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), chercheuse associée, Institut National d'Études Démographiques (INED)Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Nathalie Blanpain, Statisticienne et démographe à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et chercheuse associée, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749752022-01-25T19:42:48Z2022-01-25T19:42:48ZPrésidentielle 2022 : une « vraie » politique du vieillissement reste à inventer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440836/original/file-20220114-15-i037t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Repenser le vieillissement de la société et ses enjeux politiques et sociétaux devrait être à l'agenda de la campagne présidentielle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/vieille-personnes-ag%C3%A9es-homme-3688950/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>À ce jour, le vieillissement de la population n’apparaît pas comme un thème central de la campagne présidentielle. Il est vrai que durant le quinquennat Macron (2017-2022), les deux réformes envisagées, l’une visant la refonte du système des retraites, l’autre l’instauration d’une politique de soutien au grand âge, ont été toutes deux <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/12/15/emmanuel-macron-confirme-l-abandon-de-la-reforme-des-retraites-avant-l-election-presidentielle_6106216_823448.html;https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/11/30/loi-grand-age-histoire-d-une-promesse-non-tenue_6104180_3224.html">abandonnées</a> en cours de route ce qui est à même de refroidir bien des ardeurs.</p>
<p>Certes, la situation sanitaire n’a pas été aisée pour mener deux politiques nécessitant des mesures d’envergure susceptibles de modifier l’architecture d’une partie du système de protection sociale, d’autant que la réforme des retraites avait suscité un <a href="https://reporterre.net/Retraites-sept-semaines-d-un-mouvement-social-inedit">vaste mouvement de protestation sociale</a> tout au long de l’année 2020.</p>
<p>Quant à la loi appelée dans un premier temps « Grand âge et autonomie », puis <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/autonomie/article/generations-solidaires">« Générations solidaires »</a>, elle s’est simplement transformée en diverses mesures intégrées à la loi 2022 de financement de la sécurité sociale.</p>
<p>Et pourtant, il s’agissait d’un projet de loi déjà à l’ordre du jour sous le quinquennat Sarkozy, puis sous le quinquennat Hollande, qui n’avait alors débouché que sur une loi d’« adaptation de la société au vieillissement » avec une ambition budgétaire bien moindre (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031700731/">loi ASV du 28 décembre 2015</a>).</p>
<p>En réalité, mettre à l’agenda public la question du vieillissement revient à se heurter à la nécessaire mobilisation de ressources budgétaires conséquentes.</p>
<p>Ainsi, sur la question des retraites, le Conseil d’orientation des retraites estime dans son <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/562">dernier rapport de juin 2021</a> que le déficit du régime avait atteint 13 milliards en 2020. Et sur la question de la prise en charge de la dépendance, le <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/remise-du-rapport-libault-sur-la-concertation-grand-age-et-autonomie">rapport Libault</a> préparatoire à la réforme estimait en 2019 un besoin de financement de l’ordre de 9,2 milliards par an d’ici 2030.</p>
<h2>Un débat politique focalisé sur les dépenses de protection sociale</h2>
<p>Cette situation aboutit à ce paradoxe : alors que le corps électoral âgé est surreprésenté, avec une participation électorale augmentant continûment jusqu’à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3140794">75-80 ans :</a> et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?</p>
<p>Le coût budgétaire d’une telle politique, constitue évidemment une raison incitant les candidats les plus sérieux à être prudents dans leurs promesses. Et a contrario, cela conduit régulièrement les principaux acteurs du monde professionnel et de la société civile à réclamer une « vraie » réforme dans le champ de la vieillesse et à déplorer le manque de moyens.</p>
<p>Pourtant, une « vraie » réforme ne peut se limiter aux enjeux de protection sociale. Ces derniers sont bien évidemment très importants et c’est d’ailleurs grâce au système de protection sociale, notamment de sécurité sociale, que les personnes âgées bénéficient aujourd’hui <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/protection-sociale-paie-cout-vieillissement-de-population">d’un niveau de vie plus élevé</a> en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE.</p>
<p>Et la transformation récente de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) en caisse de sécurité sociale indique que la dynamique se poursuit (cf. l’ordonnance du 1<sup>er</sup> décembre 2021). Mais on est là sur une approche et des réponses qui reposent sur une « solidarité froide », de nature macro-économique, qui néglige la question de la place et du rôle des personnes âgées dans les sociétés modernes.</p>
<h2>Une représentation sociale négative des plus âgés</h2>
<p>La protection sociale ne peut être en réalité qu’un élément de réponse aux enjeux soulevés par le vieillissement de la population. Non seulement elle nécessite d’importants moyens financiers qui tendent à annihiler les velléités de réforme et à susciter des crispations sociales, mais en outre elle contribue à forger une représentation sociale négative des plus âgés.</p>
<p>Ces derniers deviennent une catégorie cible bénéficiaire d’aides toujours plus importantes, générant un grisonnement des dépenses sociales susceptible de déboucher à terme sur un hypothétique <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/05/29/francois-de-closets-la-generation-predatrice-du-toujours-plus-devrait-avoir-honte_6041118_3232.html">conflit</a> entre générations.</p>
<p>Dans ce contexte, les sociétés modernes condamnent les personnes âgées à vouloir rester jeunes pour tenter d’échapper <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/personnes-agees/article/reussir-la-transition-demographique-et-lutter-contre-l-agisme">à l’âgisme ambiant</a>.</p>
<p>Ce n’est donc pas un hasard si la « silver économie » a le vent en poupe depuis quelques années dans la mesure où elle promeut l’idée que le vieillissement ne représente pas un coût mais une <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/silver-economie-definition">richesse pour la société</a>. Il s’agit toutefois là d’une alternative trompeuse car si elle inverse effectivement la représentation des seniors (qui passent du statut de bénéficiaires d’aides à celui d’agents économiques), elle les enferme dans un rôle réducteur de simple consommateur.</p>
<h2>Une politique du vieillissement à inventer</h2>
<p>Le vrai défi pour l’avenir consiste à inventer une politique du vieillissement capable de redonner une place à part entière aux personnes vieillissantes, pas seulement en tant que bénéficiaires d’aides ou pour garder les petits-enfants.</p>
<p>La « révolution de l’âge » nécessiterait de repenser l’ensemble des fondements de la politique menée en direction des personnes âgées qui avaient pourtant été posés dans le cadre d’un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/couv/aplat/9782343030586.pdf">rapport public</a> publié en… 1962 (cf. rapport de la Commission d’Etudes des Problèmes de la Vieillesse appelé plus communément « Rapport Laroque »).</p>
<p>Mais depuis, malgré l’existence de nombreux programmes et rapports, l’État semble avoir perdu la capacité à impulser une politique globale susceptible de tenir compte de l’avancée des <a href="https://pur-editions.fr/product/8558/vieillesses-et-vieillissements">connaissances sociologiques sur le vieillissement</a>.</p>
<p>En l’occurrence, trois enjeux nous paraissent primordiaux pour définir une « vraie » politique du vieillissement. Ces enjeux reposent sur l’idée centrale qu’une politique du vieillissement n’est pas une politique s’adressant aux seules personnes âgées : c’est un projet de société visant l’ensemble des individus dont on sait, dès leur naissance, qu’ils sont tous amenés à vieillir…</p>
<h2>Sensibiliser toute la population</h2>
<p>Le premier enjeu serait ainsi de définir une politique de l’avancée en âge tout au long de la vie. Les problèmes liés à la vieillesse ne sont pas propres aux « vieux » : ils surviennent au fil de l’avancée en âge du fait d’événements qui se sont greffés bien antérieurement dans leur histoire de vie. On n’est pas vieux, on le devient. C’est donc bien en amont que se dessinent les inégalités qui ne vont que s’amplifier au moment de la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3322051">retraite</a>.</p>
<p>Par ailleurs, il est nécessaire de promouvoir une société créatrice de liens sociaux. L’isolement social n’est pas propre aux plus âgés. Néanmoins, comme l’ont révélé la <a href="https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/mort-sociale-luttons-contre-l-aggravation-alarmante-de-l-isolement-des-aines">canicule de l’été 2003 et de multiples études</a>, la population âgée est particulièrement vulnérable dans les sociétés fondées sur la mobilité. Pourtant, le réseau « villes amies des aînés », qui consiste à inciter les pouvoirs publics locaux à mieux prendre en compte les besoins de la population vieillissante, démontre qu’il est possible de repenser la manière dont les territoires favorisent – ou non – les <a href="http://www.villesamiesdesaines-rf.fr/">liens entre les âges</a>.</p>
<p>Par ailleurs, rappelons que la sur-technologisation des sociétés modernes ne constitue pas une solution : l’Insee rapporte ainsi qu’en 2019, 26,7 % des personnes âgées de 60-74 ans et 67,2 % des plus 75 ans étaient en situation d’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397">illectronisme</a>.</p>
<p>Il faut aussi reconnaître aux personnes, fussent-elles vieillissantes, une pleine citoyenneté. Une telle évidence a pourtant été contredite durant la crise sanitaire qui a conduit l’État à brider la liberté des plus âgés au nom de leur supposée vulnérabilité, particulièrement pour ceux résidant en Ehpad comme le rappelait <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/274054-confinement-dans-les-ehpad-les-reserves-du-comite-dethique">l’avis</a> du Conseil consultatif national d’éthique ou le <a href="https://defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2021/05/rapport-les-droits-fondamentaux-des-personnes-agees-accueillies-en-ehpad">rapport du Défenseur des droits</a>.</p>
<p>La tentation sanitaire et sécuritaire tend à prendre le dessus et à occulter le fait que les personnes âgées sont avant tout des adultes capables de faire preuve d’autonomie au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de se gouverner selon ses propres lois. Il a en effet été démontré que si l’on excepte les troubles sévères, l’individu dispose toujours de ressources, parfois non verbales, pour exprimer son point de vue pour peu que la <a href="https://alzheimer-ensemble.fr/sz-content/uploads/2020/04/reperes_alzheimer_02.pdf">société le sollicite</a>. Dans tous les cas, il ne fait pas de doute que le renouvellement générationnel contribuera de toute façon à ce que les « nouveaux vieux » soient amenés à défendre avec ardeur leur volonté de rester des citoyens à part entière jusqu’à la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/28/des-personnalites-s-organisent-pour-imposer-un-debat-sur-la-vieillesse-a-la-presidentielle_6107513_3224.html">fin de leur vie</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174975/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je suis président du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
</span></em></p>Alors que le corps électoral âgé est surreprésenté et qu’une partie des élus sont eux-mêmes âgés, comment se fait-il que le vieillissement ne soit pas au cœur de l’agenda politique ?Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1723262021-11-23T20:08:30Z2021-11-23T20:08:30ZL’immigration, un levier de croissance et d’innovation mal activé en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433110/original/file-20211122-21-1xatnef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C102%2C1088%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Actuellement, près de 4 diplômés étrangers sur 10 rentrent dans leur pays d'origine après l’obtention du diplôme en France.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.erasmusplus-jeunesse.fr/blog/422/45/EMIS-Egalite-Mixite-Integration-par-le-Sport.html">Université de Franche Comté</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Plaider pour plus d’immigration n’est certainement <a href="https://www.lepoint.fr/politique/immigration-securite-les-cinq-pretendants-lr-rivalisent-de-fermete-15-11-2021-2451925_20.php">pas à la mode</a> en France. Pourtant, c’est ce que fait un groupe d’économistes, auquel nous avons participé, dans une toute récente <a href="https://www.cae-eco.fr/limmigration-qualifiee-un-visa-pour-la-croissance">note</a> du <a href="https://www.cae-eco.fr/p-conseil-d-analyse-economique">Conseil d’analyse économique</a> (CAE), organisme placé auprès du premier ministre et ayant pour mission« d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique ».</p>
<p>À la suite d’un travail collaboratif incluant d’autres économistes, engagé depuis septembre 2020, la note conclut que l’immigration en France est moins qualifiée, moins diversifiée et moins nombreuse que celle d’autres pays développés.</p>
<p>Les auteurs reviennent ainsi sur le contraste entre un débat public dominé par les questions identitaires et sécuritaires, et un consensus scientifique de plus en plus solide sur les effets économiques positifs de l’immigration, surtout ceux sur la croissance économique à long terme.</p>
<p>Parmi ces effets, ceux qui passent par les liens entre immigration et innovation font l’objet d’un <a href="https://www.cae-eco.fr/immigration-internationale-et-innovation-mise-en-perspective-de-la-situation-francaise">focus</a> accompagnant la note, qui résume les résultats des études internationales les plus récentes et fait le point sur la France (d’autres focus approfondissent le rapport entre migration et <a href="https://www.cae-eco.fr/immigration-et-finances-publiques">finances publiques</a> ou le <a href="https://www.cae-eco.fr/immigration-et-difficultes-de-recrutement">marché de travail</a>, ainsi que l’impact économique de l’<a href="https://www.cae-eco.fr/quel-est-limpact-economique-de-laccueil-des-refugies">accueil des réfugiés</a>).</p>
<h2>Paradoxe français</h2>
<p>Comment l’immigration peut-elle soutenir l’innovation des pays d’accueil ? L’évidence empirique met en évidence trois mécanismes. Le premier est celui du transfert des connaissances, qui a fait l’objet de nombreuses études historiques : depuis toujours, les mouvements migratoires des scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs plus ou moins affirmés ont joué un rôle clé dans la diffusion des savoirs techniques, permettant aux pays d’accueil soit de rattraper leur retard par rapport aux pays d’origine soit de garder leur leadership en profitant de toutes opportunités d’innovation.</p>
<p>Deuxièmement, les jeunes migrants hautement qualifiés – surtout dans les domaines STEM (science, technology, engineering and mathematics) – complètent l’offre de travail des natifs, qui souvent ne suffit pas à satisfaire la demande des secteurs à plus haute intensité en recherche et développement (R&D). Parmi ces migrants, on retrouve en effet en grande partie les <a href="https://theconversation.com/la-france-est-elle-aujourdhui-un-grand-pays-dimmigration-170309">étudiants étrangers</a>, qui à la fois soutiennent le système de formation supérieure du pays d’accueil (surtout dans les disciplines STEM) et peuvent en intégrer le marché du travail.</p>
<p>Enfin, la migration constitue une source de diversité au sein des équipes de R&D, ainsi que des entreprises et dans les grands centres urbains, ce que plusieurs études associent à une plus grande créativité et à plus d’innovation. Dans ce champ, la mobilité internationale interne aux entreprises multinationales joue un rôle aussi remarquable que celle caractérisant les réseaux scientifiques globaux.</p>
<p>Quel profit tire la France de cette mobilité internationale des talents ? À première vue, l’Hexagone est très bien placé, étant, selon les <a href="https://doi.org/10.1787/e2eea916-en">données de l’OCDE</a>, parmi les premiers cinq pays de destinations des étudiants internationaux, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, et au coude-à-coude avec l’Allemagne. Le même constat vaut pour les scientifiques, surtout dans le domaine académique : nos évaluations, sur la base des <a href="https://orcid.org/">données ORCID</a>, suggèrent que le poids des immigrés sur le total des auteurs scientifiques (STEM et non-STEM) est presque le même en France qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni ; et qu’il ne cesse de s’accroître, malgré des infléchissements avant l’année 2000 (figure 1).</p>
<iframe title="Figure 1 -- Auteurs scientifiques présumés immigrés" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-iASgD" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iASgD/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="578" width="100%"></iframe>
<p>Toutefois, quand on passe aux indicateurs plus proches de l’innovation, le panorama s’assombrit. En figure 2, on voit que le poids des inventeurs étrangers dans les brevets internationaux déposés par les entreprises et d’autres organisations françaises reste beaucoup plus limité qu’aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Canada. Sur cet indicateur, la France vient en outre de se faire dépasser par l’Allemagne.</p>
<iframe title="Figure 2 -- Inventeurs de brevets présumés immigrés" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-FLCjK" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FLCjK/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="578" width="100%"></iframe>
<p>Le constat est le même en ce qui concerne les dépôts de brevet par les universités, ce qui suggère que la présence internationale parmi les étudiants et les scientifiques actifs sur le sol français ne se traduit pas par une contribution à l’innovation comparable à celle d’autres pays. D’où vient ce paradoxe ?</p>
<h2>« Système à points » canadien</h2>
<p>La note et le focus du CAE mettent en avant différentes explications complémentaires. Parmi elles, on retrouve notamment la plus faible orientation STEM des étudiants étrangers en France en raison d’une politique d’attraction qui vise plutôt à renforcer la francophonie que la compétitivité. En outre, un manque de coordination entre politiques universitaire et migratoire complique l’accès au marché du travail des étrangers diplômés en France.</p>
<p>À ce propos, les enquêtes menées par le <a href="https://www.cereq.fr/le-cereq-activites-scientifiques-groupes-de-travail-et-seminaires/groupe-de-travail-sur">groupe de travail</a> sur l’enseignement supérieur du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) indiquent que, au cours des 20 dernières années, la part des doctorants étrangers en France est <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/NI19_13_1196116.pdf">passée de 27 % à 42 %</a>, mais aussi que près de <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/documents/NI_Insertion_Docteurs_1141785.pdf">40 % des diplômés étrangers rentrent chez eux</a> après l’obtention de leur diplôme.</p>
<p>À partir de ce constat, la note du CAE formule plusieurs recommandations pour la réforme des politiques migratoires en France, dont la plupart visent explicitement à renforcer l’immigration hautement qualifiée et à y mettre au centre le système d’éducation supérieure. Parmi elles, la note propose d’intensifier la concession des « passeports talent », tout en ciblant certains pays qui ont un excédent de jeunes diplômés et restent peu représentés parmi les pays d’origine des immigrants en France.</p>
<p>La note suggère également d’augmenter l’attractivité de l’enseignement supérieur français aux yeux des étudiants étrangers. De même, il s’agit de faciliter la transition études-emploi en étendant l’octroi d’un titre de séjour à l’issue des études, notamment des très qualifiés, sans y adjoindre comme actuellement des critères de salaire minimum, ou d’adéquation du travail aux qualifications.</p>
<p>Enfin, la note prône l’introduction en France d’un « système à points » inspiré au modèle canadien, qui donne plus de poids au capital humain des candidats à l’immigration et de leur conjointe ou conjoint. Ce système s’appuie sur des indicateurs mesurés par le niveau d’études, l’expérience et les compétences linguistiques), en plus des critères habituels comme les liens personnels et familiaux, ou encore une offre d’embauche.</p>
<p>Il ne s’agit pas de remplacer les migrants actuels avec des autres. Cela n’arrangerait rien, car le volume de l’immigration en France est déjà faible (292 000 entrants en 2019, soit 0,41 % de sa population, là où la moyenne européenne et des pays de l’OCDE est de 0,85 % ; avec un stock de résidants à l’étranger vieillissant qui ne dépasse pas 13 %, contre 13,6 % aux États-Unis, 13,7 % au Royaume-Uni et 16,1 % en l’Allemagne). Il s’agit plutôt d’en enrichir la composition par pays et qualifications, à partir du constat que l’immigration, loin d’être un fardeau socio-économique, constitue une source puissante d’innovation et de croissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172326/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francesco Lissoni a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ref: ANR-17-CE26-001600).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ernest Miguélez a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ref: ANR-17-CE26-001600).</span></em></p>Le manque de coordination entre politiques universitaire et migratoire grippe les mécanismes qui, ailleurs, permettent de recueillir les fruits de la mobilité internationale des talents.Francesco Lissoni, Professor of Economics, Université de BordeauxErnest Miguélez, Chargé de recherche CNRS, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1676472021-11-18T21:33:06Z2021-11-18T21:33:06ZConnaissez-vous Françoise d’Eaubonne, la pionnière de l’écoféminisme ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/432613/original/file-20211118-26-1r79vz1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portrait de la penseuse écoféministe en 1964. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_d%27Eaubonne#/media/Fichier:Fran%C3%A7oise_d'Eaubonne_wikip%C3%A9dia.jpg">Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, la découverte de l’« écoféminisme » est pour beaucoup récente, se manifestant ces derniers mois <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/sep/23/eco-feminist-sandrine-rousseau-shocks-french-politics-in-bid-for-greens-presidency">sous les traits de Sandrine Rousseau</a>, la candidate à la primaire du parti EELV.</p>
<p>Si l’on attribue souvent ce mouvement au monde anglo-saxon – où il s’est largement développé depuis les années 1970 – c’est cependant une figure française, Françoise d’Eaubonne, qui est à l’origine du terme et du concept. Cette penseuse est aussi, et surtout, comme la plupart des figures du mouvement d’ailleurs, une femme d’action.</p>
<h2>Une infatigable militante</h2>
<p>Née en 1920 au sein d’une famille bourgeoise, désargentée et fortement politisée, elle est d’abord autrice de romans et d’essais qu’elle écrit dès l’âge de 13 ans ; elle en publiera plus d’une centaine.</p>
<p>Infatigable militante, elle s’engage au Parti communiste après la Seconde Guerre mondiale, pour le quitter dix ans plus tard, s’insurgeant contre la <a href="https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social1-2015-2-page-75.htm?contenu=resume">position du parti préconisant aux soldats de rester dans les rangs de l’armée mobilisée lors de la guerre d’Algérie</a>. Elle signera en 1960 le Manifeste des 121, pour le droit à l’insoumission.</p>
<p>Fortement influencée par Simone de Beauvoir qui deviendra son amie, elle participe dans les années 1970 à la création du Mouvement de libération des femmes (MLF), signe le manifeste des 343 appelant à la légalisation de l’avortement, co-fonde le Front homosexuel d’action révolutionnaire et participe à l’attentat contre la centrale de Fessenheim.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=867&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/432620/original/file-20211118-26-yj3fd0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1090&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les éditions Le Passager clandestin ont réédité l’ouvrage de Françoise d’Eaubonne en 2020.</span>
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<p>En 1974, elle publie <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/boomerang/le-feminisme-ou-la-mort/"><em>Le Féminisme ou la mort</em></a> dans lequel elle emploie pour la première fois le terme d’« écoféminisme ».</p>
<p>Elle crée dans la foulée le Front féministe, rebaptisé plus tard Écologie et féminisme. Elle peaufine sa pensée écoféministe dans <a href="https://libre-solidaire.fr/Ecologie-et-Feminisme-Revolution-ou-mutation"><em>Écologie et féminisme. Révolution ou mutation ?</em></a>, démontrant la proximité et l’imbrication des causes environnementales et féministes au sens large.</p>
<h2>L’écoféminisme, une pensée en action</h2>
<p>Le parcours de vie et l’œuvre de Françoise d’Eaubonne témoignent du profond engagement intellectuel et politique que réclame l’écoféminisme : au-delà de l’élaboration conceptuelle, il est surtout question d’agir pour la cause des femmes, des minorités et de l’environnement.</p>
<p>Dans ce contexte, le corps occupe une place centrale : elle en souligne l’importance dans un texte court, <a href="https://www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1978_num_20_1_1293"><em>De l’écriture, du corps et de la révolution</em></a> où l’on peut lire :</p>
<blockquote>
<p>« Les coups, les opérations à vif, l’avortement, l’accouchement, il a tout vécu en défiant l’ennemi et se redressait en chantant. »</p>
</blockquote>
<p>Il s’agit d’incarner la connexion de l’être humain avec la nature, reconnaître que nous ne sommes pas en dehors ni au-dessus du monde naturel ; comme le souligne la philosophe Terri Field dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1086026600131002">article de mars 2000</a> : « Il est de l’intérêt des philosophes de l’environnement de commencer à théoriser l’incarnation avec une perspective spécifiquement écoféministe ».</p>
<p>L’incarnation, le corps, constituent les éléments centraux de cette approche : ils sont les moyens par lesquels nous, humains, nous connectons, ressentons, comprenons et in fine prenons soin – ou non – de notre environnement.</p>
<h2>Répondre aux urgences sociales et environnementales</h2>
<p>En 1965, un <a href="https://www-legacy.dge.carnegiescience.edu/labs/caldeiralab/Caldeira%20downloads/PSAC,%201965,%20Restoring%20the%20Quality%20of%20Our%20Environment.pdf">rapport scientifique</a> alertait déjà la Maison Blanche d’un potentiel dérèglement climatique et de graves problèmes environnementaux.</p>
<p>Dès 1972, Françoise d’Eaubonne annonçait les prémices de sa théorie écoféministe en concluant dans son ouvrage <em>Le Féminisme : Histoire et actualité</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Le prolongement de notre espèce est menacé aujourd’hui grâce à l’aboutissement des cultures patriarcales, par une folie et un crime. La folie : l’accroissement de la cadence démographique. Le crime : la destruction de l’environnement. »</p>
</blockquote>
<p>La principale thèse de l’autrice peut se résumer ainsi : la double exploitation de la femme et de la nature par l’homme – entendu respectivement comme genre masculin et genre humain – a généré une « bombe démographique » qui conduira à la destruction de notre environnement.</p>
<p>Pour elle, ni le socialisme ni le capitalisme n’ont réussi à offrir de véritables résultats dans la protection de l’environnement, parce que ni l’un ni l’autre ne remettent en cause le sexisme universel qui sous-tend l’ordre des sociétés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/atcUk7ioWKk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Extrait de l’émission « Apostrophes » avec Françoise d’Eaubonne. (Vincent Cespedes/Youtube, 2021).</span></figcaption>
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<p>Pour elle, la solution consisterait en une prise totale de pouvoir des femmes sur leur pouvoir de procréation pour limiter drastiquement la croissance démographique et par conséquent les besoins de production et d’exploitation des ressources naturelles.</p>
<p>C’est cette attention centrale portée aux femmes en tant que « procréatrices » qui cristallisera les nombreuses critiques des mouvements féministes et environnementalistes, <a href="https://muse.jhu.edu/article/448630/summary">qui taxeront Françoise d’Eaubonne d’essentialiste</a>.</p>
<p>Ces attaques témoignent d’une mécompréhension de la complexité de la tâche que s’est fixée Françoise d’Eaubonne : reconnaître une réalité naturelle (ce sont les femmes qui portent et mettent les enfants au monde), tout en les désessentialisant (elles ne sont pas naturellement faites pour devenir mères).</p>
<p>Pour elle, l’assignation à la procréation et à la maternité relève bien d’une construction sociale ; le contrôle démographique par les femmes elles-mêmes les <a href="https://scholar.google.com/scholar?output=instlink&q=info:gwRR3hGJowgJ:scholar.google.com/&hl=en&as_sdt=0,5&scillfp=8274182088153763540&oi=lle">libérerait du « “handicap” de la grossesse »</a>.</p>
<h2>L’épineuse question démographique</h2>
<p>Les positions de Françoise d’Eaubonne sont souvent présentées comme néo-malthusiennes et vivement critiquées à ce titre : les politiques de contrôle démographique apparaissent comme des répressives, réduisant les libertés, notamment celle d’avoir des enfants.</p>
<p>La thèse selon laquelle le contrôle démographique viendrait pallier l’épuisement des ressources est également depuis longtemps réfutée par nombre d’économistes, selon lesquels le <a href="https://web.archive.org/web/20141030234332/http:/bora.cmi.no/dspace/bitstream/10202/304/1/WP%201997_16%20Catherine%20Marquette-07112007_1.pdf">progrès technologique apporterait la solution au problème</a>.</p>
<p>De nombreux travaux scientifiques (comme <a href="https://www.bmj.com/content/337/bmj.39575.691343.80">ici en 2008</a> et <a href="https://www.researchgate.net/profile/Simone-Marsiglio-3/publication/349882478_Population_growth_and_climate_change_A_dynamic_integrated_climate-economy-demography_model/links/6045ebcc92851c077f249183/Population-growth-and-climate-change-A-dynamic-integrated-climate-economy-demography-model.pdf">là en 2021</a>) montrent cependant que des politiques démographiques bien menées seraient plus efficaces que d’autres mesures, comme la réduction technologique des émissions de gaz à effet de serre par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/8-milliards-dhumains-sommes-nous-trop-nombreux-sur-terre-81225">8 milliards d’humains : sommes-nous trop nombreux sur Terre ?</a>
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<p>Les autrices et auteurs ne s’aventurent toutefois pas à dévoiler le contenu de telles politiques démographiques : la question reste centrale mais personne n’ose l’aborder tant elle est épineuse et cela à double titre. Premièrement, d’un point de vue historique <a href="https://www.routledge.com/Earth-Follies-Feminism-Politics-and-the-Environment/Seager/p/book/9780367190477">comme le souligne la géographe Joni Seager</a>, « le contrôle de la population est un euphémisme pour le contrôle des femmes ».</p>
<p>Deuxièmement, d’un point de vue idéologique, cette approche remet en cause les institutions et l’ordre social établi. Si Malthus prônait le retardement de l’âge du mariage et l’imposition de limites au nombre d’enfants par famille, se situant ainsi dans une structure patriarcale, d’Eaubonne propose la prise en main totale des femmes sur la procréation, renversant l’ensemble du système.</p>
<p>Il s’agirait d’opérer une « mutation de la totalité », une révolution féministe qui comprendrait la disparition du salariat, des hiérarchies compétitives et de la famille, promouvant un « nouvel humanisme ».</p>
<p>Pour d’Eaubonne, <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/boomerang/le-feminisme-ou-la-mort/">« ce grand renversement »</a> ne serait « pas le “matriarcat”, certes, ou le “pouvoir aux femmes”, mais la destruction du pouvoir par les femmes. Et enfin l’issue du tunnel : la gestion égalitaire d’un monde à renaître (et non plus à “protéger” comme le croient encore les doux écologistes de la première vague). Le féminisme ou la mort. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167647/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Vial est également chercheure associée à l'Institut d'Asie Orientale, Ecole Normale Supérieure de Lyon.</span></em></p>En 1974, la penseuse et militante française publie « Le Féminisme ou la mort », où apparaît pour la première fois le concept d’écoféminisme. Retour sur un parcours littéraire et politique singulier.Virginie Vial, Professeure d'économie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703092021-11-01T18:27:24Z2021-11-01T18:27:24ZLa France est-elle aujourd’hui un grand pays d’immigration ?<p><em>Le thème de l’immigration s’impose comme le <a href="https://www.20minutes.fr/politique/3141723-20211006-presidentielle-2022-pourquoi-immigration-impose-comme-sujet-debut-campagne">sujet du début de campagne présidentielle</a> – bien qu’il ne soit pas parmi les préoccupations principales des Français. Pour démêler le vrai du faux et décrypter au mieux le débat public, Anthony Edo, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), dresse un panorama de l’immigration en France et de ses récentes évolutions. Il répond aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du CEPII.</em></p>
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<p><strong>Quelle est l’ampleur du flux migratoire en France par rapport à nos voisins européens ?</strong></p>
<p>Avec environ <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/6b4c9dfc-fr.pdf?expires=1635846174&id=id&accname=ocid35103460&checksum=CF8E24C3EC21CF2A68CCC1662A330F41">277 000</a> entrées d’immigrés permanents en 2018 pour <a href="https://data.oecd.org/fr/pop/population.htm">67 millions</a> d’habitants, le taux d’immigration en France s’établit à 0,4 %. Proportionnellement à sa population, la France accueille ainsi deux fois moins d’immigrés que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, et trois fois moins que la Suède ou l’Autriche. Elle se trouve donc au bas du classement des pays d’Europe occidentale, au même niveau que l’Italie et le Royaume-Uni.</p>
<iframe title="Taux d'immigration par pays" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-AIcvU" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AIcvU/5/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Concernant les <a href="https://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=migr_asyappctza&lang=en">demandes d’asile</a>, depuis la crise des réfugiés en 2015 et jusqu’en 2019, la France a enregistré en moyenne 1 650 demandes pour 1 million d’habitants chaque année, soit un taux de demandes d’asile équivalent à 0,17 % de sa population. Ce qui la place en deçà de la Belgique, et surtout loin derrière l’Allemagne et la Suède dont les demandes d’asile ont été respectivement deux à trois fois plus élevées, mais devant d’autres pays d’Europe de l’Ouest comme l’Espagne ou le Royaume-Uni.</p>
<p><strong>Pour autant, les entrées d’immigrés augmentent. À quel rythme ?</strong></p>
<p>En effet, d’après l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212">Insee</a>, la France accueillait 211 000 immigrés (définis comme des personnes nées étrangères à l’étranger) en 2010 ; elle en accueille 272 000 en 2019, soit une croissance annuelle de 3 % en moyenne sur la dernière décennie.</p>
<p>Mais pour porter un regard objectif sur la situation migratoire française et retrouver le sens des proportions, il est important de tenir compte des immigrés qui décident de quitter le territoire chaque année. En France, le solde migratoire (entrées – sorties des immigrés) est passé de 142 000 en 2010 à 198 000 en 2017, ce qui correspond à un taux d’immigration net de 0,22 % en 2010 et de 0,30 % en 2017. Une augmentation qu’il faut évidemment constater, mais qui reste pour le moins modeste.</p>
<iframe title="Taux d'immigration net" aria-label="Graphique en barres empilées" id="datawrapper-chart-jsZYk" src="https://datawrapper.dwcdn.net/jsZYk/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="352" width="100%"></iframe>
<p><strong>Cette augmentation est-elle tirée par l’accueil d’un plus grand nombre de réfugiés depuis la crise des migrants de 2015 ?</strong></p>
<p>En partie seulement, puisque le nombre de <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Derniers-chiffres-cles">premiers titres de séjours</a> délivrés pour motif humanitaire, qui a doublé depuis 2010 pour s’établir à près de 40 000 en 2019, a suivi exactement la même progression que ceux accordés pour raisons économiques. La hausse des entrées d’immigrés extra-communautaires en France est donc aussi liée à la montée de l’immigration économique.</p>
<iframe title="Admission au séjour par motif des ressortissants extra-communautaires" aria-label="Graphique en barres empilées" id="datawrapper-chart-I9r09" src="https://datawrapper.dwcdn.net/I9r09/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="488" width="100%"></iframe>
<p>Mais ce sont surtout les titres de séjour accordés aux étudiants étrangers ressortissants de pays extra-communautaires qui ont contribué à la croissance des nouvelles admissions au séjour délivrées depuis 2010. Cette progression porte même le nombre de titres « étudiants » délivrés en 2019 à 90 500, soit à hauteur de celui des titres pour motif « familial »qui représente historiquement la plus grande part des flux d’entrées d’étrangers extra-communautaires.</p>
<p><strong>Le principal motif d’immigration est donc lié au regroupement familial ?</strong></p>
<p>Non, car il ne faut pas confondre immigration pour motif familial et regroupement familial. La différence entre ces deux termes fait constamment l’objet de confusions dans le débat public. Le regroupement familial n’est qu’une composante de l’immigration pour motif familial : il permet à un ressortissant étranger d’un pays extra-communautaire régulièrement installé en France d’être rejoint, sous réserve de remplir certaines conditions (de logement et de ressources), par les membres de sa famille (son conjoint et ses enfants mineurs).</p>
<p>Les chiffres du regroupement familial ne comptabilisent donc pas les titres de séjour délivrés à des membres de famille de Français ou de ressortissants de l’Union européenne.</p>
<p>D’ailleurs sur les 90 068 nouveaux titres de séjour délivrés en <a href="https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Actualites/Focus/Les-chiffres-cles-de-l-immigration-2019-en-28-fiches">2019</a> au titre de l’immigration familiale, le regroupement familial n’en constitue qu’une part très limitée : un peu plus de 12 000 personnes, soit 13 % du total des titres « familiaux » (et 4 % du total des premiers titres de séjour).</p>
<p>C’est bien l’entrée des familles de Français sur le territoire national qui demeure le flux le plus important de l’immigration familiale représentant plus de la moitié des admissions au séjour pour motif familial.</p>
<p><strong>Tout ce qui vient d’être évoqué concerne les flux d’immigrés. Qu’en est-il en matière de présence immigrée ? Comment se situe la France par rapport aux autres pays européens ?</strong></p>
<p>En <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3633212">2020</a>, l’Insee a recensé 6,8 millions d’immigrés en France, soit 10,2 % de la population totale. Ces chiffres sont les plus élevés que la France ait connus depuis le recensement de la population française de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374014?sommaire=1374025">1911</a>. Parmi eux, 4,3 millions sont de nationalité étrangère et 2,5 millions, soit 36 % des immigrés, ont acquis la nationalité française à la suite de leur naturalisation.</p>
<p>Pour mener des comparaisons en matière migratoire, les instituts internationaux comme l’OCDE adoptent une définition légèrement différente de celle de l’Insee : ils définissent les immigrés comme des individus nés à l’étranger (incluant ainsi les enfants d’expatriés nés français à l’étranger). Selon cette définition, la part des immigrés dans la population française est de 11,7 % en <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/docserver/9789264309234-fr.pdf">2017</a>, ce qui place la France au niveau de l’Espagne et des Pays-Bas, mais derrière l’Allemagne (16,1 %), la Belgique (14,0 %) ou la Suède (20,5 %).</p>
<iframe title="Part des immigrés dans la population en 2017" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-yLkbY" src="https://datawrapper.dwcdn.net/yLkbY/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="319" width="100%"></iframe>
<p>Comparée à ses voisins européens, la France se caractérise donc par des flux d’immigrés modérés et une part d’immigrés dans sa population relativement modeste.</p>
<p><strong>La France étant un vieux pays d’immigration, quelle en est l’incidence sur l’origine de sa population ?</strong></p>
<p>Parce que la France est un vieux pays d’immigration et que son immigration familiale s’est développée depuis le milieu des années <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374014?sommaire=1374025">1970</a>, elle a la particularité d’être l’un des pays d’Europe avec la plus forte proportion d’enfants d’immigrés. Même un apport migratoire modéré peut donc, comme c’est le cas en France depuis <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238437?sommaire=4238781#titre-bloc-27">45 ans</a>, conduire sur plusieurs décennies à modifier les origines de la population du pays d’accueil.</p>
<p>Ainsi, en 2017, 15,1 % de la population française est composée de personnes nées en France d’un ou deux parents nés à l’étranger ; une proportion plus forte qu’en Belgique (11,4 %) ou en Suède (10,1 %) et deux fois plus élevée qu’en Allemagne (7,7 %).</p>
<iframe title="Part des descendants d'immigrés dans la population en 2017" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-xzMdP" src="https://datawrapper.dwcdn.net/xzMdP/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="319" width="100%"></iframe>
<p>La France est même l’un des rares pays de l’OCDE (avec Israël et quelques pays d’Europe de l’Est ayant appartenu au bloc soviétique) dont la part des personnes nées sur place d’au moins un parent né à l’étranger est supérieure à celle des personnes nées à l’étranger. Au total, plus d’un quart de la population française est ainsi immigré ou descendant direct d’immigré.</p>
<p>Dans ce contexte, l’un des enjeux majeurs de la campagne présidentielle sera de s’interroger sur les politiques publiques à mettre en œuvre pour atteindre un haut niveau d’intégration économique et sociale, une condition indispensable à la cohésion nationale.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne », un partenariat CEPII – The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si le nombre de titres de séjour délivrés en France progresse, c’est principalement parce qu’elle accueille de plus en plus d’étudiants étrangers.Anthony Edo, Economiste, CEPIIIsabelle Bensidoun, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1671502021-09-28T18:44:26Z2021-09-28T18:44:26ZCampagnes françaises et immigration : un peu plus de 4 % des habitants ont des origines de plus en plus variées<p>Que représente aujourd’hui l’immigration dans les campagnes françaises ? Comment se répartit-elle sur le territoire national et quelles sont ses caractéristiques ? Exploitant les recensements de population, nous examinons ici comment la population immigrée a évolué dans les campagnes françaises depuis les années 1970, à la fois en nombre, en part de la population, et dans ses origines.</p>
<p>En France métropolitaine, les habitants immigrés ou étrangers représentent une faible part (respectivement 4,3 % et 2,5 %) mais constante de la population des campagnes depuis les <a href="https://camigri.hypotheses.org/">années 1970</a>. S’ils résident principalement dans les régions frontalières, dans l’ouest de la France ou à proximité des grandes et moyennes agglomérations, leur répartition spatiale est de plus en plus homogène et concerne l’ensemble des campagnes.</p>
<p>Les immigrés d’Europe du Sud, d’Europe de l’ouest et du nord, et du Maghreb, sont les plus nombreux ; ils se différencient notamment par la taille des ménages dans lesquels ils vivent, plus petits pour les Européens. Mais d’autres groupes ont vu leurs effectifs augmenter et participent à la lente croissance des effectifs des immigrés et des étrangers, et à une diversification de leurs origines géographiques depuis au moins les années 1990.</p>
<p>La population des campagnes françaises évolue principalement sous l’effet des <a href="https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/kiosque/rapport-2018-les-mobilites-residentielles-en-france-tendances-et-impacts-territoriaux">mobilités résidentielles</a>]. Depuis les années 1970-1980, les arrivées compensent majoritairement les départs – ainsi que le déficit naturel lié à ce que les décès restent un peu plus nombreux que les naissances. Elles contribuent à l’évolution de la composition sociale et des origines géographiques. Les arrivées concernent principalement des Français de naissance mais aussi des immigrés ; par exemple des retraités venus de pays du nord de l’Europe attirés par les conditions de vie agréables et le faible coût de l’immobilier, des actifs en particulier européens venus travailler dans l’agriculture ou dans le bâtiment, plus récemment des <a href="https://doi.org/10.4000/remi.15550">exilés</a> du Proche et du Moyen-Orient, d’Asie et d’Afrique.</p>
<h2>Un poids actuel comparable à celui des années 1970</h2>
<p>Les campagnes françaises comptaient environ <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">714000 immigrés</a> (personnes nées étrangères à l’étranger) en 2015, soit 4,3 % de leur population. Cette proportion est moindre que celle pour l’ensemble de la population de la France (9,3 %) et que celle dans les autres espaces à dominante urbaine (11,1 %). Autre constat, la population immigrée des campagnes a connu une double tendance depuis les années 1960 (figure 1).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=829&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418887/original/file-20210901-19-1tkkqop.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure reprise de Julie Fromentin et Pierre Pistre, 2021, L’immigration dans les campagnes françaises : des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm](https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">Population et Sociétés n° 591, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans une majorité de territoires, elle est aujourd’hui à peu près <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-creuset-francais-gerard-noiriel/9782757857786">équivalente en volume et en proportion</a> à celle du milieu des années 1970, période principale de l’immigration de travail dans l’industrie, y compris rurale, et dans l’agriculture.</p>
<p>Dans les autres territoires, peu concernés par cette immigration de la fin des Trente Glorieuses, une progression mesurée est enregistrée seulement à partir des années 1990. Cette deuxième tendance a pour conséquence que la population immigrée des campagnes françaises est répartie de manière plus homogène aujourd’hui que dans les années 1970.</p>
<p>C’est également le cas pour les personnes de nationalité étrangère. Elles représentaient 487000 habitants des campagnes en 2015 – soit 2,5 % de leur population (contre 7,8 % dans les autres espaces à dominante urbaine) –, et leur distribution dans les intercommunalités (EPCI, établissements publics de coopération intercommunale) apparaît également plus homogène que dans les années 1970 (figure 1).</p>
<h2>Une inégale répartition dans les campagnes françaises</h2>
<p>Aujourd’hui la proportion d’immigrés dans les campagnes est plus élevée dans certaines régions (figure 2), d’abord dans celles proches des frontières belge, allemande, suisse, et dans une moindre mesure italienne et espagnole, en raison surtout des mobilités domicile-travail facilitées entre pays membres de l’Espace Schengen.</p>
<figure class="align-center ">
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<span class="caption">Figure reprise de Julie Fromentin et Pierre Pistre, 2021, L’immigration dans les campagnes françaises : des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">Population et Sociétés n° 591, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Elle est également plus élevée dans les campagnes proches des grandes agglomérations – notamment Paris, Lyon ou Toulouse – et participe ainsi à la poursuite des dynamiques de périurbanisation. Un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00764869/">troisième espace d’implantation</a> correspond aux arrière-pays du sud et de l’ouest du territoire national, à la façade méditerranéenne et au Sud-Ouest, où se trouvent surtout des immigrés originaires de pays de la péninsule ibérique, et aussi du nord et de l’ouest de l’Europe.</p>
<p>En outre, ces logiques de répartition spatiale se doublent de différences selon la nationalité des immigrés (figure 3).</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Figure reprise de Julie Fromentin et Pierre Pistre, 2021, L’immigration dans les campagnes françaises : des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">Population et Sociétés n° 591, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans les campagnes à proximité des grandes et moyennes agglomérations, surtout dans la moitié nord du pays, les immigrés qui ont acquis la nationalité française sont surreprésentés par rapport à la moyenne nationale (40 % des immigrés) ; il s’agit souvent d’immigrés ayant effectué des migrations internes en France où <a href="https://doi.org/10.4000/eps.8992">ils résident depuis longtemps</a>. À l’inverse, les immigrés de nationalité étrangère sont surreprésentés dans les zones frontalières du Nord et de l’Est, en Corse, au cœur de la Bretagne et dans le centre-ouest. Ces régions sont souvent des terres d’immigration plus récente, de retraités ou de travailleurs européens principalement.</p>
<h2>Des populations aux origines géographiques variées</h2>
<p>Les pays de naissance des immigrés sont très variés (tableau). Les Européens du Sud représentent plus de 30 % des immigrés dans les campagnes françaises – contre 18 % dans les espaces à dominante urbaine. Connaissant une baisse régulière de leurs effectifs depuis les années 1970, ils vivent le plus souvent aujourd’hui dans de petits ménages d’une ou deux personnes (respectivement 15 % et 44 % des individus immigrés), une proportion équivalente à celle du reste du territoire national (57 %). Ils sont par ailleurs surreprésentés dans le sud du pays où se sont installés de nombreux Espagnols, Portugais et Italiens <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/histoire-et-geopolitique/immigration-dans-les-campagnes-francaises_9782738116833.php">dès le début du XXᵉ siècle</a>, pour des motifs aussi bien politiques qu’économiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Tableau repris de Julie Fromentin et Pierre Pistre, 2021, L’immigration dans les campagnes françaises : des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">Population et Sociétés n° 591, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Environ un quart des immigrés sont originaires d’Europe du Nord et de l’Ouest, et ils partagent avec ceux du Sud le fait de vivre majoritairement dans de petits ménages (64 %). Les Britanniques représentent à eux seuls 11 % des immigrés des campagnes et sont surtout installés dans la France de l’Ouest ; leurs effectifs ont fortement augmenté dans les années 1990 et 2000, puis se sont tassés <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4632406">après la crise économique de 2007-2008</a>. Les immigrés originaires du Benelux sont également bien représentés (8 % des immigrés) et en progression depuis les années 1970.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des Anglais installés en Vendée sont interviewés dans le contexte du Brexit (YouTube, 2020).</span></figcaption>
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<p>Même s’ils sont proportionnellement deux fois moins nombreux que dans les espaces à dominante urbaine (16 % contre 32 %), les immigrés originaires du Maghreb constituent aussi une part importante. Environ deux tiers d’entre eux vivent dans des ménages de trois personnes ou plus. Ils sont localisés en premier lieu à proximité des grandes et moyennes agglomérations, et leurs effectifs dans les campagnes progressent de manière régulière depuis les années 1970.</p>
<p>Enfin, plus du quart des immigrés des campagnes (27 %) sont originaires d’autres pays. Les Européens de l’Est représentent notamment 6 % des immigrés et sont en croissance depuis la décennie 2000, dans le contexte de migrations de travail (bâtiment, agriculture…) facilitées par l’élargissement de l’Union européenne. Les personnes originaires du Proche et du Moyen-Orient comptent pour 5 % des immigrés, et leurs effectifs progressent depuis les années 1970. Nés dans d’autres pays d’Afrique, en Amérique ou encore en Asie, les immigrés restants sont moins nombreux mais contribuent à la diversification des origines nationales dans les campagnes depuis au moins les années 1990 (figure 4).</p>
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<span class="caption">Figure reprise de Julie Fromentin et Pierre Pistre, 2021, L’immigration dans les campagnes françaises : des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-7-page-1.htm">Population et Sociétés n° 591, p. 1-4</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des origines qui ne cessent de se diversifier</h2>
<p>La croissance des populations immigrées et étrangères récemment dans les EPCI des campagnes (figure 1 et tableau) s’est accompagnée d’une augmentation du nombre d’origines nationales différentes (figure 4). Par exemple, le nombre médian de pays de naissance différents par EPCI est passé de 42 à 62 entre les recensements de 1999 et 2015 ; la tendance est la même pour les nationalités (de 26 à 41) et concerne aussi bien les territoires d’immigration ancienne que récente. Seul un EPCI sur dix des campagnes (inférieur ou égal au 1<sup>er</sup> décile – D1) compte désormais moins de 40 pays de naissance et moins de 25 nationalités.</p>
<p>Ces chiffres restent logiquement inférieurs à ceux enregistrés dans les espaces à dominante urbaine (médiane par EPCI : 100 pays de naissance et 77 nationalités en 2015), du fait d’un nombre d’immigrés et d’étrangers bien plus important. Mais les écarts ont tendance à se réduire et le nombre d’origines nationales plafonne aujourd’hui à environ 140 pays de naissance et 120 nationalités dans les EPCI urbains les plus internationalisés (supérieur ou égal au 9<sup>e</sup> décile – D9). Les campagnes françaises n’échappent pas à la mondialisation dans ses dimensions démographiques et migratoires.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur les résultats du projet de recherche CAMIGRI et est adapté d’un article publié par les auteurs dans <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2021-6-page-1.htm">« L’immigration dans les campagnes françaises. Des effectifs limités mais des origines qui ne cessent de se diversifier »</a>, Population et Sociétés n° 591.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Fromentin est membre du projet CAMIGRI.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Pierre Pistre est membre du projet CAMIGRI.</span></em></p>Les campagnes françaises comptaient environ 714 000 immigrés en 2015, or cette population a fortement évolué à la fois en nombre, en part de la population, et dans ses origines.Julie Fromentin, Docteure en géographie, Institut National d'Études Démographiques (INED)Pierre Pistre, Maître de conférences en géographie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.