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Ebola – The Conversation
2023-02-16T09:43:59Z
tag:theconversation.com,2011:article/200053
2023-02-16T09:43:59Z
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Virus Marburg en Guinée équatoriale : pourquoi l’OMS a convoqué une réunion d’urgence
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510532/original/file-20230216-26-ey1fpa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C216%2C2096%2C1219&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à transmission colorisée de particules du virus de Marburg (bleu, fausses couleurs) récoltées dans le surnageant de cellules VERO E6 infectées.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marburg_Virus_Particles_(32039075078).jpg">NIAID - Integrated Research Facility à Fort Detrick, Maryland, États-Unis.</a></span></figcaption></figure><p>Le 13 février, les autorités de Guinée équatoriale ont confirmé <a href="https://www.afro.who.int/countries/equatorial-guinea/news/equatorial-guinea-confirms-first-ever-marburg-virus-disease-outbreak">une flambée du virus Marburg dans l’est du pays</a>. Moins de 24 h plus tard, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) convoquait une réunion d’urgence sur la question.</p>
<p>Appartenant à la même famille que le virus Ebola (Filoviridae), <a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">le virus Marburg est responsable de graves fièvres hémorragiques</a> chez l’être humain. L’OMS indique que sa létalité est de l’ordre de 50 % (<a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/Marburg-virus-disease">elle varie de 24 % à 88 % selon les études</a>). Elle dépend notamment de la quantité de particules virales transmises au moment de l’infection et de la qualité de prise en charge des patients. </p>
<p>Que faut-il savoir sur la situation en Guinée équatoriale ? Pourquoi l’OMS a-t-elle convoqué une réunion en urgence ? La situation est-elle préoccupante ?</p>
<h2>Quand l’alerte a-t-elle été donnée ?</h2>
<p>L’alerte a été donnée dès le 7 février, dans le district de la province de Kie Ntem, dans l’est de la Guinée équatoriale. Cette partie du pays est frontalière avec le Cameroun au nord, et le Gabon à l’est. Il s’agit d’une zone plutôt rurale et forestière, avec de petites villes et villages, sans grand centre urbain. </p>
<p>Plusieurs malades ont présenté les mêmes symptômes, et des décès groupés sont survenus, ce qui a déclenché l’alerte. Dans un tel cas de figure, des prélèvements sont effectués et envoyés dans des centres de référence, en l’occurrence l’Institut Pasteur de Dakar, le centre de référence pour les fièvres hémorragiques dans cette région. Les analyses ont confirmé que le virus impliqué était le virus Marburg. </p>
<p>C’est la première fois qu’une flambée est confirmée en Guinée équatoriale : il s’agit donc d’une véritable émergence, dans un pays a priori sans historique de virus de fièvres hémorragiques. Les derniers cas de Marburg ont été enregistrés en 2021 en Guinée-Conakry et au Ghana, deux pays éloignés de la Guinée équatoriale.</p>
<p>Pour l’instant, 9 décès sont survenus, et 16 cas suspects ont été enregistrés (deux cas suspects concernent des personnes au Cameroun, à la frontière avec la Guinée équatoriale).</p>
<h2>Pourquoi une telle réunion d’urgence ?</h2>
<p>Avant tout, il est important de préciser que la réunion du 14 février n’a pas été convoquée pour alerter sur une éventuelle urgence de santé publique de portée internationale.</p>
<p>L’objet de ce meeting, auquel ont participé les spécialistes du virus Marburg de nombreux pays, était, entre autres choses, de faire le point sur les vaccins contre cet agent infectieux et les traitements en cours d’élaboration : état des recherches et développements, des essais cliniques, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1625461099091951617"}"></div></p>
<p>À l’heure actuelle, en effet, il n’existe aucun traitement spécifique pour la maladie du virus de Marburg (ni préventif ni curatif). Mais diverses pistes sont explorées, que ce soit par la recherche académique ou le secteur pharmaceutique. Des personnes du monde entier possédant des données sur des vaccins ou des traitements à l’étude ont donc été invitées : chercheurs, représentants de firmes pharmaceutiques, etc. </p>
<p>L’idée était de déterminer au plus vite les conditions les plus pertinentes pour mettre en place d’un essai clinique de phase 3, dans le cadre de l’épidémie en cours, afin de récolter des données cliniques de terrain concernant l’efficacité des candidats vaccins ou médicaments jugés pertinents. </p>
<p>L’obtention de telles données de terrain est en effet le seul moyen de répondre à la question « est-ce que le vaccin (ou le médicament) est efficace pour prévenir ou traiter la maladie ? ».</p>
<h2>Quelles sont les prochaines étapes ?</h2>
<p>Afin de mettre en place un tel essai, plusieurs prérequis sont nécessaires. </p>
<p>Il faut sélectionner les candidats vaccins et médicaments les plus pertinents, discuter avec les experts qui les mettent au point pour connaître leur niveau de développement (<a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">préclinique, phase 1, phase 2…</a>), déterminer quelles quantités de doses sont disponibles (ce qui peut nécessiter de faire des tests de stabilité pour vérifier la fiabilité des doses qui ont été stockées depuis longtemps), mettre en place les chaînes logistiques destinées à acheminer les doses sur le terrain, etc.</p>
<p>Les discussions concernent aussi la validation du protocole d’évaluation clinique : quels critères d’efficacité retenir (innocuité, effet sur le nombre de cas, protection contre l’infection, contre les formes fatales, etc.), quel type d’essais mettre en place, combien de patients devront être inclus pour que l’analyse statistique soit robuste, etc.</p>
<p>Une fois ces questions tranchées, l’investigateur principal et le promoteur de l’étude doivent rédiger le protocole de l’essai. Il s’agit de détailler les produits utilisés, la méthodologie, la notice d’information qui sera donnée et lue aux patients, ainsi que le questionnaire de consentement (rédigés dans la ou les langues ad hoc).</p>
<p>Le dossier est ensuite soumis aux autorités de Guinée équatoriale, ainsi qu’au comité national d’éthique, qui doivent donner leur accord. Enfin, des contrats devront être établis avec les firmes qui développent le (ou les) candidat(s) vaccin(s) retenu(s). Une fois que tout est validé et signé, la recherche peut débuter. </p>
<p>Mais ce n’est pas tout : pour que ce type de projet soit un succès, il faut aussi s’assurer de l’engagement communautaire. Cela signifie engager des démarches auprès de la communauté où se déroule l’épidémie, afin d’expliquer pourquoi, en parallèle de la prise en charge des malades, il est important d’effectuer des travaux de recherche. Cette partie repose sur l’expertise de socioanthropologues.</p>
<p>Ces nombreuses étapes prennent du temps, c’est la raison pour laquelle cette réunion a été convoquée très rapidement, moins de 24 h après l’alerte. </p>
<p>L’OMS et les experts souhaitaient éviter de reproduire ce qui s’est passé <a href="https://theconversation.com/ebola-que-se-passe-t-il-en-ouganda-192448">en Ouganda durant la flambée d’Ebola</a> qui a touché ce pays entre septembre 2022 et janvier 2023. Il n’avait en effet pas été possible d’évaluer l’efficacité du candidat vaccin retenu à cette occasion, car le temps que l’essai clinique se mette en place, l’épidémie était terminée. L’idée cette fois est de réagir encore plus rapidement. </p>
<p>Rappelons qu’en 2015, en Guinée, il avait été possible de mettre en place un essai clinique de phase 3 durant une épidémie d’Ebola, ce qui avait permis de tester l’efficacité clinique du vaccin sur le terrain. Les résultats obtenus, convaincants, ont permis par la suite d’utiliser ce vaccin lors d’épidémies ultérieures. </p>
<h2>Quels vaccins et médicaments pourraient être retenus ?</h2>
<p>Actuellement <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/blue-print/william-dowling_whomarvac_vaccines_14feb23.pdf?sfvrsn=df284d46_3#page=4">cinq candidats vaccins sont en développement</a>. Deux ont déjà fait l’objet d’essais cliniques de phase I pour lesquels les données sont disponibles : celui développé par la firme Sabin et celui de la firme Janssen.</p>
<p>Le vaccin de Janssen nécessitant l’administration de deux doses, il est possible que celui de Sabin soit le mieux positionné pour intégrer un essai clinique dans le contexte de la flambée actuelle. Mais nous avons besoin de plusieurs options et stratégies vaccinales.</p>
<p>En ce qui concerne les thérapies potentielles, deux pistes principales se détachent : les anticorps monoclonaux, déjà utilisés pour lutter contre Ebola, et le Remdesivir, une molécule qui perturbe la réplication de l’ARN, le matériel génétique de certains virus de fièvres hémorragiques (Marburg, Ebola, Lassa…).</p>
<p>De ces deux approches, cependant, celle des anticorps monoclonaux semble la plus prometteuse en l’état actuel des connaissances, car contre Ebola les anticorps se sont avérés plus efficaces que le Remdesivir.</p>
<h2>Comment seront mis en place les essais ?</h2>
<p>En ce qui concerne les thérapies potentielles, le standard est de faire un essai dit « randomisé ». Des patients sont tirés au sort, puis un groupe reçoit la prise en charge standard (le « standard of care »), tandis que l’autre groupe reçoit la même prise en charge avec, en plus, une des molécules à évaluer (anticorps monoclonal, Remdesivir, ou autres molécules, selon ce qui aura été décidé). </p>
<p>Durant l’essai, un comité d’évaluation indépendant, constitué de scientifiques qui ne sont pas parties prenantes, est invité à analyser régulièrement les données. Si une des molécules testées s’avère efficace (c’est-à-dire largement supérieure au traitement donné à l’autre groupe), l’essai peut être interrompu : ladite molécule est alors délivrée à tous les malades. À l’inverse, si les données intermédiaires ne sont pas satisfaisantes, l’essai peut être arrêté pour « futilité » (tout le monde est alors à nouveau traité selon la prise en charge standard).</p>
<p>Une des approches d’évaluation du vaccin est la méthode dite en « anneaux » : on vaccine les contacts des malades, puis les contacts des contacts, afin d’estimer l’efficacité du candidat vaccin en matière de prévention de la maladie (un groupe à un temps immédiat, un autre groupe à un temps légèrement retardé).</p>
<p>En Guinée équatoriale, une grande inconnue concerne le nombre de malades à venir et la durée de l’épidémie. En effet, pour pouvoir conduire des analyses statistiques robustes et être en mesure de conclure à un niveau d’efficacité, il est nécessaire de pouvoir inclure dans l’essai un nombre de sujets suffisant. Il n’est pas certain que ce sera le cas. </p>
<p>Toutefois, même s’il ne s’avérait pas possible d’obtenir ces résultats lors de cette épidémie, tous ces efforts n’auront pas été vains : lors de la prochaine flambée,le protocole sera prêt et disponible pour récolter des données qui serviront à mieux nous armer contre les suivantes…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric D'Ortenzio ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une épidémie due au virus Marburg, causant des fièvres hémorragiques, est en cours en Guinée équatoriale. L’Organisation mondiale de la Santé a convoqué une réunion d’urgence. Que faut-il savoir ?
Eric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Directeur du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, Inserm
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tag:theconversation.com,2011:article/192448
2022-10-17T15:47:32Z
2022-10-17T15:47:32Z
Ebola : que se passe-t-il en Ouganda ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489849/original/file-20221015-27-4dqz96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2556%2C1920&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Microphotographie de virus Ebola (en rouge, fausses couleurs) à la surface d’une cellule.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/38903968760/">National Institute of Allergy and Infectious Diseases</a></span></figcaption></figure><p>La dernière épidémie d’ampleur de maladies à virus Ebola s’était déroulée en Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016. Due à la souche Zaïre de ce virus responsable de terribles fièvres hémorragiques, elle avait provoqué plus de 11 000 décès, principalement en Sierra Leone, au Libéria et en Guinée. Depuis le début du mois de septembre, c’est un pays d’Afrique de l’Est, l’Ouganda, qui fait face au virus Ebola, mais cette fois, la souche Soudan est impliquée. </p>
<p>Le premier patient confirmé, un homme de 24 ans, est tombé malade le 11 septembre. Originaire d’un village du sous-comté de Madudu, district de Mubende, dans le centre de l’Ouganda, il a été pris d’une fièvre élevée accompagnée de divers symptômes : convulsions toniques, perte d’appétit, douleurs à la déglutition, douleurs thoraciques, toux sèche, diarrhées et vomissements sanguinolents, saignements oculaires.</p>
<p>Il a été admis à l’hôpital régional de référence le 15 septembre, où il a été isolé. Le 19 septembre, les analyses ont confirmé qu’il avait été infecté par la souche Soudan du virus Ebola (SUDV). Le patient est décédé le même jour. L’épidémie a été officiellement déclarée par les autorités sanitaires ougandaises le 20 septembre. Au 9 octobre 2022, 68 cas (dont 48 cas confirmés) et 37 décès (dont 17 confirmés) ont été recensés en lien avec cette flambée. </p>
<p>Comment a-t-elle commencé ? Que sait-on de la souche Soudan qui en est responsable ? Faut-il craindre une épidémie d’ampleur ?</p>
<h2>Un risque national élevé selon l’OMS</h2>
<p>Malgré la réaction rapide du gouvernement ougandais et son expérience certaine des épidémies de maladie à virus Ebola, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère que le risque global concernant l’épidémie en cours est élevé au niveau national. </p>
<p>Le fait que l’épidémie ait été détectée chez des personnes vivant autour d’une mine d’or locale en activité en milieu forestier pourrait en effet compliquer la situation : la mobilité des orpailleurs et négociants est probablement élevée, et la déclaration de l’épidémie peut provoquer la fuite de certaines personnes d’ores et déjà en période d’incubation.</p>
<p>Parmi les 68 cas recensés jusqu’ici, 48 sont des cas confirmés et 20 des cas probables. On dénombre presque autant d’hommes que de femmes parmi les malades, qui ont été recensés dans cinq districts : Mubende, Kyegegwa, Kasanda, Kagadi et Bunyangabu. Un décès a notamment été reporté dans la capitale Kampala. 37 décès ont été enregistrés, dont 17 parmi les cas confirmés, ce qui signifie que le taux de létalité est, pour l’instant, de 29 % (parmi les cas confirmés).</p>
<p>Les enquêtes préliminaires visant à retracer l’origine de cette contamination ont révélé qu’au cours des deux premières semaines de septembre, plusieurs décès dus à une maladie inconnue étaient survenus dans des communautés des sous-comtés de Madudu et Kiruma. Certaines de ces personnes décédées avaient été en contact avec le patient index, et tous les cas sont désormais considérés comme des cas probables d’Ebola causés par le virus Soudan. À ce jour, 1 110 contacts ont été répertoriés dont 657 sont encore suivis, les autres ayant terminé leur période de suivi de 21 jours recommandée par l’OMS.</p>
<h2>Qu’est-ce que le virus Ebola Soudan ?</h2>
<p>Le virus Ebola Soudan appartient, comme les autres virus Ebola connus, à la famille des Filovirus, qui doit son nom à l’apparence filamenteuse des virus qui la composent. </p>
<p>Le premier Filovirus a été identifié en 1967 en Europe : il s’agit <a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">du virus Marburg</a>. Des employés de laboratoires qui avaient été en contact avec des singes verts provenant d’Ouganda, ou avec leurs tissus (notamment dans le cadre de la préparation de cultures de cellules) avaient alors déclaré des symptômes de fièvre hémorragique. Sur les 31 personnes contaminées, 7 étaient décédées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/plus-de-50-ans-apres-son-emergence-le-virus-marburg-garde-une-part-de-mystere-169380">Plus de 50 ans après son émergence, le virus Marburg garde une part de mystère</a>
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<p>Le virus Ebola a quant à lui été découvert en 1976, lors de la survenue d’une double épidémie au Soudan du Sud ainsi qu’en République démocratique du Congo (RdC, alors République du Zaïre). On connaît aujourd’hui six virus Ebola : le virus Ebola (EBOV), aussi appelé « sous-type Ebola Zaïre », le sous-type virus Sudan (SUDV), le sous-type virus Reston (RESTV), le sous-type Forêt de Taï (TAFV), le sous-type Bundibugyo (BDBV) et le sous-type Bombali (BOMV). À l’exception des souches Reston et Bombali, les quatre autres souches d’Ebola sont pathogènes pour l’être humain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Microphotographie par microscopie électronique à balayage d’une particule de virus Ebola (fausses couleurs)." src="https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=515&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489851/original/file-20221015-15-vf12jv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Microphotographie par microscopie électronique à balayage d’une particule de virus Ebola (fausses couleurs).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/43492898261/">National Institute of Allergy and Infectious Diseases</a></span>
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</figure>
<p>Les virus Ebola pathogènes pour l’être humain provoquent des fièvres hémorragiques sévères et souvent fatales : le taux de létalité des maladies à virus Ebola est de 50 % en moyenne, mais en fonction de la souche incriminée, il peut varier de 25 % à 90 %. Le taux de létalité du SUDV est quant à lui estimé à environ 50 % selon le Centers for Disease Control des États-Unis, tandis que l’OMS considère qu’il est compris entre 41 % et 100 %.</p>
<p>La période d’incubation de la maladie fluctue de 2 à 21 jours, et la survenue des symptômes peut être soudaine. En raison de la similarité desdits symptômes avec ceux d’autres affections, il peut être difficile de distinguer cliniquement la maladie à virus Ebola de maladies infectieuses telles que le paludisme, la fièvre typhoïde et la méningite.</p>
<p>La maladie se déroule typiquement en deux phases. La phase dite « sèche » comprend des symptômes tels que la fièvre, la fatigue, les douleurs musculaires, les maux de tête et les maux de gorge. Elle est suivie de la phase dite « humide » qui comprend vomissements et diarrhées, d’éruptions cutanées et de symptômes d’altération des fonctions rénale et hépatique. Dans certains cas, le patient peut également présenter des hémorragies internes et externes. Les personnes infectées ne peuvent pas transmettre la maladie avant de développer des symptômes, et elles restent infectieuses tant que leur sang contient le virus.</p>
<p>Sur les 44 épidémies de maladies à virus Ebola déclarées depuis 1976, 8 ont été causées par le SUDV, dont l’épidémie actuelle. La majorité des autres flambées a été causée par le virus Zaïre, la plus importante ayant été celle de 2014-2016 qui a sévi en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée (28 610 cas, 11 308 décès).</p>
<h2>Une maladie d’origine animale</h2>
<p>La maladie à virus Ebola est une maladie zoonotique, c’est-à-dire transmise à l’être humain par les animaux. Les chauves-souris frugivores (<em>Pteropodidae</em>) sont soupçonnées d’être le réservoir naturel du virus, qui peut également infecter les chimpanzés, les gorilles, les singes, les antilopes de forêt ou les porcs-épics. La transmission animal-humain se fait via le contact avec les animaux infectés lors des activités vivrières telles que la chasse ou la cuisine. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Une chauve-souris appartenant à la famille des Pteropodidae, la roussette paillée africaine (Eidolon helvum)." src="https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=598&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489850/original/file-20221015-22-f0bqfj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=751&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chauve-souris appartenant à la famille des Pteropodidae, la roussette paillée africaine (Eidolon helvum).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Straw-coloured_fruit_bat#/media/File:Bat_Week_2017_-_Congressional_Reception_(37237943654)_(cropped).jpg">Kayt Jonsson / USFWS</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La transmission interhumaine se réalise par contact direct avec le sang ou les fluides corporels d’une personne malade ou décédée d’Ebola, ainsi que via des objets contaminés par les liquides organiques infectés (draps, habits, seringues). Le virus Ebola peut entrer dans l’organisme via des lésions cutanées ou les muqueuses. Les professionnels de santé sont donc particulièrement à risque lors des soins, et doivent porter des équipements de protection personnelle.</p>
<p>Les données montrent que <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa1509773">la transmission sexuelle, de l’homme à la femme, est plausible</a>. En effet, le virus peut persister dans le sperme des survivants plusieurs mois après la guérison, et <a href="https://doi.org/10.1093/cid/ciw601">cette persistance est associée à un risque élevé de transmission</a>. La transmission sexuelle de la femme à l’homme est également possible, mais moins probable.</p>
<p>Les femmes enceintes qui sont atteintes d’Ebola aigu et se rétablissent de la maladie peuvent encore être porteuses du virus dans le lait maternel ou dans les liquides et tissus liés à la grossesse. En revanche, les femmes qui tombent enceintes après avoir survécu à la maladie d’Ebola ne risquent pas d’être porteuses du virus.</p>
<h2>Aucun traitement disponible contre la souche Soudan</h2>
<p>Deux traitements ont été approuvés en 2020 par la Food and Drugs Administration (FDA) américaine pour le traitement du virus Ebola Zaïre : Inmazeb, une combinaison de trois anticorps monoclonaux, et Ebanga, un anticorps monoclonal humain isolé chez un survivant de l’épidémie d’Ebola.</p>
<p>En revanche, aucun traitement n’existe actuellement contre la souche Soudan : ces thérapies sont en effet inefficaces contre des virus autres que la souche Zaïre. Le seul moyen d’améliorer le taux de survie des malades est de leur fournir des soins de soutien – réhydratation par voie orale ou intraveineuse – et de traiter les symptômes spécifiques.</p>
<p>Un cocktail de deux anticorps monoclonaux à large spectre de neutralisation semble toutefois constituer un candidat prometteur, puisqu’il a montré, chez les furets et les primates non humains, une haute efficacité contre infection par les virus Zaïre, Soudan, et Bundibugyo (MBP134). Des évaluations complémentaires seront toutefois nécessaires. Des essais de phase clinique chez l’humain seront développés grâce aux importants financements fournis par <a href="https://aspr.hhs.gov/newsroom/Pages/Sudan-ebolavirus-Sept2022.aspx">l’Administration for Strategic Preparedness and Response</a>, une agence opérationnelle du service de santé publique des États-Unis dont l’objet est la prévention et la réponse aux catastrophes pouvant impacter négativement la santé.</p>
<h2>Où en sont les vaccins ?</h2>
<p>À ce jour, aucun vaccin approuvé contre la souche Soudan n’existe. A contrario, deux vaccins contre le virus Zaïre sont autorisés par les autorités de santé internationales : ERVEBO, un vaccin vivant atténué contenant la glycoprotéine de surface du virus Ebola Zaïre (produit par Merck Sharp & Dohme B.V) et Zabdeno/Mvabea (du laboratoire Janssen), un vaccin administré en deux doses. </p>
<p>La deuxième dose du Zabdeno/Mvabea cible non seulement la souche Zaïre, mais aussi d’autres filovirus, dont la souche Soudan et le virus Marburg. Cependant la protection conférée contre ces derniers virus n’a pas été démontrée par des données cliniques. En outre, malgré sa potentielle capacité d’induire une réponse contre le SUDV après la deuxième dose, la longueur du schéma vaccinal (les deux doses doivent être espacées de 8 semaines environ ) rend ce vaccin inadapté à l’usage dans des contextes épidémiques où la réponse doit être rapide, comme en cela est actuellement le cas en Ouganda.</p>
<p>Pour remédier à ce problème, six candidats vaccins ciblant la souche Soudan sont actuellement en cours de développement, dont trois ont atteint la phase clinique. L’OMS est en train de mettre en place un essai clinique en Ouganda pour tester deux de ces candidats. </p>
<p>Le premier est un vaccin à dose unique spécifique contre le SUDV, développé par GSK, qui en a cédé la licence en 2019 au Sabin Vaccine Institute. Le deuxième candidat est un vaccin bivalent à adénovirus de chimpanzé contenant les glycoprotéines du virus Zaïre et SUDV. Ce vaccin est développé par l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni. </p>
<p>L’essai ougandais sera lancé au plus tard avant la fin du mois d’octobre 2022. D’ici là, beaucoup d’incertitudes demeurent quant à l’évolution de l’épidémie…</p>
<hr>
<p><em>Les informations contenues dans cet article proviennent d’une note de connaissances de l’ANRS sur l’épidémie de maladie à Ebola due au virus Soudan – Ouganda (coordonnée par Yazdan Yazdanpanah, Éric D’Ortenzio et Marion Fanjat, et rédigée par Nicolas Pulik, Erica Telford, et Inmaculada Ortega-Perez).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Depuis début septembre, l’Ouganda fait face à une flambée d’Ebola due cette fois à la souche Soudan de ce virus mortel. Une situation à risque pour le pays, selon l’Organisation mondiale de la Santé.
Nicolas Pulik, Chargé de développement international - ANRS|Maladies infectieuses émergentes, Inserm
Erica Telford, Chargée de mission - Dépt. Innovation - ANRS | Maladies infectieuses émergentes, Inserm
Eric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Responsable du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, Inserm
Inmaculada Ortega-Perez, Chargée de mission-département innovation ANRS MIE at ANRS, Inserm
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tag:theconversation.com,2011:article/181757
2022-05-02T19:05:25Z
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Sur la piste de l’origine du Covid-19
<p>Alors que le virus du Covid-19 (coronavirus SARS-CoV-2) continue de circuler et de faire des victimes dans le monde, son <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00732-0">origine</a> demeure inconnue. Chaque communauté scientifique avance son <a href="https://theconversation.com/en-2022-tirons-les-lecons-des-controverses-sur-les-origines-du-sars-cov-2-173102">hypothèse</a>. Certaines suggèrent la possibilité d’un échappement du virus d’un <a href="https://theconversation.com/origine-de-la-covid-19-lhypothese-de-laccident-de-laboratoire-doit-elle-etre-etudiee-dun-point-de-vue-scientifique-160825">laboratoire</a>.</p>
<p>Une autre hypothèse, qui s’appuie sur des études récentes en lien avec le marché chinois de <a href="https://www.science.org/content/article/do-three-new-studies-add-proof-covid-19-s-origin-wuhan-animal-market">Wuhan</a> et d’autres réalisées au <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-26809-4">Cambodge</a>, <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04532-4">Laos, Japon, Chine et Thaïlande</a>, est celle d’une évolution à partir d’un virus ancestral présent chez les chauves-souris, de la famille des Rhinolophes notamment, chez des animaux domestiques ou sauvages, puis du passage du virus de ces animaux à l’homme. En effet, au cours de ces différentes études, plusieurs virus ayant des séquences génétiques très proches du SARS-CoV-2 ont été isolés chez ces chauves-souris.</p>
<h2>Un chaînon manquant</h2>
<p>S’il est maintenant avéré que certaines espèces de chauves-souris hébergent naturellement ces coronavirus, l’identité du ou des animaux domestiques ou sauvages qui auraient servi de relais entre ces dernières et l’homme – chaînons manquants – reste un mystère. Le Pangolin, initialement suspecté, apparaît maintenant plus comme une « victime collatérale » que comme un de ces fameux chaînons manquants. En effet, une séquence du génome de coronavirus qui a été détecté chez des Pangolins était bien apparentée à celle du SARS-CoV-2, mais le reste du génome en était <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/la-question-de-lorigine-du-sars-cov-2-se-pose-serieusement">génétiquement trop éloigné</a>. </p>
<p>D’autre part, les pangolins sur lesquels des virus génétiquement proches du SARS-CoV-2 ont été isolés avaient la plupart du temps été confisqués sur des marchés d’animaux vivants, en bout de chaîne commerciale, et avaient donc été en contact prolongé avec d’autres espèces animales. Il est fort probable qu’ils aient été contaminés le long de cette filière et non dans leur milieu naturel. Les élevages de <a href="https://theconversation.com/origine-du-virus-de-la-covid-19-la-piste-de-lelevage-des-visons-153219">visons</a> ont également été suspectés en Chine.</p>
<p>Enfin, les Pangolins et les Rhinolophes ne partagent pas les mêmes habitats, ce qui rend très improbable un éventuel contact entre les deux espèces, au cours duquel le virus serait passé d’une chauve-souris à un pangolin. Civettes et/ou chiens viverrins pourraient quant à eux constituer un réservoir intermédiaire pour le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16140765/">SARS-CoV-1</a>). Les rongeurs ou primates peuvent également être porteurs de pathogènes à potentiel zoonotique, tels que les Hantavirus qui peuvent notamment entraîner une fièvre hémorragique avec syndrome rénal grave ou les Filovirus, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2002324118">dont le virus de la maladie Ebola</a>. Ce dernier est transmis à l’homme par les animaux sauvages, notamment la roussette, le porc-épic et les primates tels que les chimpanzés ou les gorilles, et se propage ensuite dans la population humaine essentiellement par contact direct avec le sang, les sécrétions et autres fluides corporels des personnes infectées. Le taux de létalité moyen des cas est d’environ 50 %.</p>
<p>En 2013, de premiers cas de maladie à virus Ebola (MVE) étaient détectés en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34424896">Afrique de l’Ouest</a>. Cette émergence engendrera plus de 10 000 décès principalement en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.</p>
<h2>La consommation de viande de brousse : une pratique à risque</h2>
<p>Les risques de transmission des animaux à l’homme, phénomène dit de <em>spillover</em>, que ce soit pendant la chasse, la manipulation des animaux ou la consommation de la viande sauvage sont donc réels et potentiellement dévastateurs.</p>
<p>C’est à la caractérisation et la quantification de ce risque, au Cambodge, que le projet <a href="https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2022/surveillance-des-coronavirus-une-application-concrete-de-l-approche-one-health-au-cambodge">ZooCov</a>, a exploré au travers d’une approche <a href="https://www.oie.int/fr/ce-que-nous-faisons/initiatives-mondiales/une-seule-sante/">« Une seule Santé »</a>, pendant presque deux ans et depuis le début de la pandémie, si oui, et comment, des pathogènes tels que les coronavirus pouvaient être transmis des animaux sauvages, chassés et consommés, à l’homme.</p>
<p>En effet, en Asie du Sud Est, le commerce d’animaux sauvages et la consommation de viande de brousse sont une pratique courante. Souvent opportuniste, cette consommation vient dans certaines communautés compléter un régime pauvre en protéines. Elle peut également être régulière et ciblée. Au Cambodge, sur 107 familles interviewées pendant ZooCov, 77 % déclaraient avoir consommé de la viande de brousse le <a href="https://umr-astre.cirad.fr/actualites/2022/surveillance-des-coronavirus-une-application-concrete-de-l-approche-one-health-au-cambodge">mois précédent</a>.</p>
<p>L’utilisation à des fins médicinales est également très répandue. Au Vietnam, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35356028/">l’analyse des rapports</a> de confiscations de Pangolins et produits dérivés réalisée entre 2016 et 2020 par les autorités vietnamiennes font état de 1 342 Pangolins vivants (6 330 kg), 759 pangolins morts ou de carcasses (3 305 kg), et de 43 902 kg d’écailles.</p>
<p>Mais, cette consommation revêt également un aspect culturel et social encore mal appréhendé. Pour des classes aisées, et souvent dans les grandes villes, cette consommation peut être motivée par un besoin de reconnaissance sociale, des croyances selon lesquelles le consommateur de cette viande <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(20)30063-3/fulltext">s’approprie les vertus</a> physiques ou physiologiques de l’animal consommé, ou bien par une volonté de s’inscrire en faux face à la consommation d’une viande industrielle néfaste pour la santé. L’élevage de faune pour répondre à cette demande, et/ou à la <a href="https://www.who.int/publications/i/item/WHO-2019-nCoV-fur-farming-risk-assessment-2021.1">production de fourrure</a> est également répandu.</p>
<p>Au Cambodge, dans les provinces de Stung Treng et du Mondolkiri où des aires protégées forestières subsistent, plus de 900 personnes qui vivent en périphérie de ces forêts ont été interviewées pour tenter d’analyser les structures et fonctionnements des filières commerciales, illégales, de viande de brousse. Des analyses statistiques sont en cours pour identifier les personnes les plus à risque d’être en contact avec de tels pathogènes. On sait d’ores et déjà que les personnes exposées sont principalement des hommes jeunes, et de la classe moyenne. Certaines communautés sont également plus exposées que d’autres. Des enquêtes sociologiques ont également permis de mieux comprendre le contexte actuel – l’encadrement juridique, les profils des acteurs de ce commerce, leurs freins et leurs motivations, liés au commerce d’animaux sauvages et leur consommation, et l’évolution de ce contexte au fil des différentes crises sanitaires (Grippe aviaire, Ebola, SARS-CoV-1…).</p>
<h2>Quelles populations peuvent-elles être en danger ?</h2>
<p>Ces crises successives semblent avoir peu d’impact sur les pratiques de ces communautés. Au-delà d’une consommation régulière, un quart des familles interviewées rapportaient encore une activité de chasse ou de piégeage, et 11 % déclaraient vendre de la viande de brousse et/ou des animaux sauvages. Par ailleurs, et dans les mêmes sites d’étude, plus de 2 000 prélèvements d’animaux sauvages faisant l’objet de trafic, ou d’une consommation de subsistance – chauve-souris, rongeurs, tortues, singes, oiseaux, cochons sauvages, etc. ont été analysés. Certains des échantillons ont été testés positifs pour des coronavirus notamment, et sont en cours d’analyses à l’Institut Pasteur du Cambodge (IPC) pour séquencer le génome et en apprendre plus sur son origine, son évolution et son potentiel zoonotique. Enfin, des prises de sang ont été réalisées sur plus de 900 personnes enquêtées dans la même zone pour savoir si ces dernières avaient été en contact avec un/des coronavirus. Les analyses sont encore en cours, mais on sait d’ores et déjà que ces personnes n’avaient pas, au moment de l’enquête, été exposées au SARS-CoV-2.</p>
<p>La crise Covid l’a clairement démontré : il est essentiel de détecter précocement ces émergences pour mettre en place le plus rapidement possible des mesures qui empêchent la propagation des pathogènes. Et si beaucoup de questions subsistent quant aux mécanismes d’émergence, il en va logiquement de même pour les systèmes de surveillance à mettre en place pour les surveiller. Les résultats du projet ZooCov seront utilisés pour développer un système de détection précoce des évènements de <em>spill-over</em> des virus zoonotiques, notamment en renforçant le système de surveillance de la santé de la faune sauvage déjà existant au Cambodge et mis en place par le <a href="https://cambodia.wcs.org/Initiatives/Wildlife-Health.aspx">Wildlife Conservation Society</a> (WCS). D’autres importants projets de recherche et de développement contribueront à la compréhension de ces phénomènes d’émergences, à leur prévention et à leur détection précoce.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient les ministères de la Santé, de l’Agriculture et de l’Élevage, et de l’Environnement du Cambodge, ainsi que tous les partenaires du projet : Institut Pasteur du Cambodge (IPC), Wildlife Conservation Society (WCS) Flora and Fauna International (FFI), Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Hongkong University (HKU), Réseau GREASE, International Development Enterprise (iDE), World Wildlife Fund (WWF), Elephant Livelihood Initiative Environment (E.L.I.E), BirdLife International, Jahoo, World Hope International.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181757/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Chevalier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), la Région Occitanie et la Fondation Pasteur</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Roger et Julia Guillebaud ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Dans l’hypothèse d’une origine animale du virus, il manque toujours l’intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain.
Véronique Chevalier, Veterinarian epidemiologist, Cirad
François Roger, Directeur régional Asie du Sud-Est, vétérinaire et épidémiologiste, Cirad
Julia Guillebaud, Ingénieure de recherche , Institut Pasteur
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tag:theconversation.com,2011:article/174983
2022-02-24T18:49:32Z
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L’augmentation de la population mondiale responsable des crises sanitaires ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446467/original/file-20220215-21-h6a5xt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C8%2C5439%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Densité de l'habitat urbain de Ngor, Dakar (Sénégal). </span> <span class="attribution"><span class="source">© IRD - Seydina Ousmane Boye </span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Ebola, chikungunya mais aussi sida ou grippes aviaires… Les risques et enjeux liés aux maladies infectieuses émergentes ou ré-émergentes sont désormais bien établis pour l’homme. Avec l’accélération depuis les années 1940 des épidémies, qui ont connu une multiplication par dix, anticiper l’essor de nouveaux pathogènes zoonotiques (provenant des animaux) à travers le monde est devenu le principal défi de santé publique actuel.</p>
<p>Ce qui est moins mis en avant, c’est comment les transformations de l’environnement que nous provoquons les favorisent.</p>
<p>De nombreuses études montrent pourtant que l’émergence de maladies infectieuses zoonotiques est étroitement liée à la modification des paysages par notre espèce.</p>
<p>Ainsi, les altérations du paysage, en particulier la déforestation et le développement agricole, la déstructuration des écosystèmes aquatiques ou encore la fragmentation des forêts périurbaines qui perturbe l’interface homme-animal-environnement, tout comme les changements climatiques, sont les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29770047/">principaux moteurs de l’émergence des maladies infectieuses (MIE)</a>.</p>
<p>Il existe en effet une « géographie » des pathogènes : les attributs naturels du paysage, comme l’altitude ou la présence de plans d’eau, influent sur leur localisation et leur diffusion – par exemple en jouant un rôle de barrières géographiques, empêchant le déplacement des hôtes.</p>
<p>Des modifications rapides des territoires (déforestation, agriculture, expansion agricole…) peuvent donc bouleverser l’étendue spatiale initiale des hôtes et des réservoirs de pathogènes. Avec pour conséquence la possibilité d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22681449/">augmenter la probabilité de contact entre l’homme et un hôte ou un réservoir</a>, et ainsi favoriser le passage de micro-organismes potentiellement infectieux encore inconnus de l’animal à l’être humain (zoonose).</p>
<p>Développer des approches paysagères pour détecter le risque d’émergence de maladies nécessite d’intégrer plusieurs types de données spatiales :</p>
<ul>
<li><p>La complexité du paysage, en utilisant des systèmes d’information géographique (SIG),</p></li>
<li><p>Des données de télédétection,</p></li>
<li><p>La distribution des maladies infectieuses émergentes,</p></li>
<li><p>La distribution des environnements immédiats de ces MIEs.</p></li>
</ul>
<p>Les modèles mathématiques aident à intégrer ces données afin de prédire les zones les plus à risque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445954/original/file-20220211-17-ointc1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentation des liens entre les différentes crises environnementale, climatique et sanitaire sur fond de forte croissance démographique au niveau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gauthier Dobigny et Geneviève Michon, IRD ; Angela Jimu, Cirad ; Jean-Louis Duprey, projet CAZCOM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment prédire de façon réaliste les futures épidémies ?</h2>
<p>Les <a href="https://www.nature.com/articles/nature06536">maladies infectieuses d’origine animale (zoonoses) représentent plus de 70 % des MIEs</a> de ces dernières décennies. L’identification de leurs zones à risque d’émergence à travers le monde est donc primordiale… mais difficile puisqu’elles dépendent tant de la distribution spatiale des hôtes et réservoirs de pathogènes que de leur interaction avec l’homme. Ce n’est toutefois pas impossible.</p>
<p>Dans une étude récente, nous montrons qu’en incluant les facteurs écologiques, climatiques et paysagers (avec les modifications induites par l’homme), il est possible d’identifier ces potentielles zones à risque et de prédire les futurs points chauds d’émergence. Une telle approche pourrait servir de référence à des systèmes de surveillance et d’alerte précoce.</p>
<p>Pour trois groupes de maladies zoonotiques virales majeures (filovirus, hénipavirus et coronavirus), nous avons pu cartographier les zones à haut risque d’émergence en nous basant sur la distribution spatiale des réservoirs et des hôtes ainsi que sur les données de l’OMS sur leur distribution. Et à chaque fois, nous avons constaté que la croissance démographique au sein de paysages modifiés par l’homme était un facteur prédictif commun à leur émergence. Ce que nous développons ci-dessous.</p>
<p>Il est à noter que malgré les questionnements mondiaux actuels liés à l’origine du Covid-19, le déplacement des empreintes géographiques des agents pathogènes et/ou des hôtes infectés par ces derniers suite à la perturbation des écosystèmes conduit toujours à des émergences de maladies infectieuses.</p>
<h2>Des spécificités liées à chaque famille de virus</h2>
<p>Nos <a href="https://assets.researchsquare.com/files/rs-1104482/v1/7a773300-0666-441c-8ea2-071d1661a071.pdf">travaux</a> montrent que les précipitations et l’augmentation de la température minimale nocturne favoriseraient l’émergence des épidémies liées aux Filovirus (Ebola, virus de Marburg…).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=537&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445716/original/file-20220210-26283-zknz1d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=675&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif de l’émergence de maladies à Filovirus, Jagadesh et coll. 2021.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cependant, nous avons aussi constaté que 69 % des points chauds d’émergence détectés à travers le monde dépendaient non seulement de ces facteurs climatiques (température et précipitation) mais aussi de facteurs humains tels que l’augmentation de la population sur un paysage modifié.</p>
<p>De même, outre les facteurs climatiques et de modification des sols, les points chauds d’émergence des hénipavirus (Virus Nipah) sont dépendants, eux, d’une faible altitude et d’une faible pluviométrie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445719/original/file-20220210-46662-1937avp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif de l’émergence de maladies à Henipavirus (en rouge) modélisé avec la distribution spatiale des réservoirs mammaliens (en gris).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jagadesh et coll. 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On a également constaté que les émergences de maladies dues au virus Ebola et aux coronavirus sont associées aux paysages impactés par l’homme.</p>
<p>Pour les <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-019-12499-6">épidémies d’Ebola, il semble qu’elles ne seraient pas directement liées à la densité de population</a>, comme précédemment proposé. Seraient plutôt prépondérants des effets de l’augmentation de la population sur le paysage : urbanisation, déforestation, exploitation minière, fragmentation des terres et chasse.</p>
<p>En revanche, la densité de population semble être significativement et directement liée aux points chauds d’émergence des coronavirus (SARS et MERS). Des études mettent en avant le rôle de l’exposition aux fluides corporels de mammifères infectés élevés dans des espaces confinés pour la viande de brousse et les activités récréatives, respectivement.</p>
<p>Les <a href="https://kilpatrick.eeb.ucsc.edu/wp-content/uploads/2013/04/Wolfe-et-al-2005-EID.pdf">restaurants et marchés de viande de brousse</a> « saveur sauvage » sont souvent situés dans des villes densément peuplées, où la demande en protéines exotiques est élevée et où les cas de maladies sont donc plus susceptibles d’être signalés.</p>
<p>Qu’il soit direct ou indirect, l’effet de la densité de population reste crucial dans la propagation des épidémies et représente donc un facteur important à prendre en compte.</p>
<h2>Les effets du changement climatique</h2>
<p>Des données récentes montrent que l’augmentation de la température et les précipitations saisonnières imprévisibles dues au changement climatique ont également un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11356-020-08896-w">effet indirect sur l’émergence des maladies</a> : via de soudains changements écologiques de leur réservoir, la perte de biodiversité et la migration des petits mammifères hôtes.</p>
<p>Par exemple, la température minimale est le facteur limitant pour le développement des parasites et la distribution des vecteurs dans la transmission du paludisme, mais aussi pour d’autres épidémies comme la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et le Zika. Cette dépendance spatiale directe aux températures minimales est inquiétante…</p>
<p>En effet, avec le changement climatique, l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/255982715_Observed_Climate_Variability_and_Change">augmentation des températures minimales nocturnes allongent les périodes sans gel dans la plupart des régions de moyenne et haute latitude</a>. Ce qui pourrait potentiellement augmenter l’étendue latitudinale des zones à risque d’émergence.</p>
<h2>Des spécificités régionales : le cas de l’Inde</h2>
<p>Il est intéressant de noter que les zones à risque d’émergence de maladies à coronavirus, principalement situées en Inde, dépendraient de l’augmentation de la température minimale nocturne, du changement de la couverture terrestre induit par l’homme… et seraient les seules à être directement positivement impactées par la densité de population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445957/original/file-20220211-17-we2vhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Risque prédictif d’émergence de maladies Coronaviridae (en rouge) modélisé avec la distribution spatiale des réservoirs mammaliens (en gris).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jagadesh et coll. 2021</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Compte tenu de la densité de population et de la connectivité dans un pays comme l’Inde, l’émergence d’un coronavirus pourrait donc conduire à une épidémie comme celle du SARS. Ces résultats soulignent la nécessité d’une surveillance active des pathogènes zoonotiques dans les régions à haut risque.</p>
<p>Des études ont émis l’hypothèse que la déforestation et les inondations, dans les plaines du bas Gange et les marais de faible altitude, causant la destruction des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S187603411930084X?via%3Dihub">habitats de chauves-souris frugivores (famille des Pteropodidae) réservoirs du virus Nipah</a>, pourrait être à l’origine de l’émergence du virus.</p>
<p>L’engrenage est implacable. Les rapides changements de leurs habitats entraînent la famine des chauves-souris. Elles vont donc migrer vers des arbres fruitiers, se trouvant le plus souvent à proximité d’habitations humaines, entraînant leur contamination et donc une exposition accrue à l’agent pathogène.</p>
<p>Nos résultats soutiennent cette hypothèse d’un risque accru d’épidémies de virus Nipah associées aux plaines de basse altitude, aux inondations et aux changements rapides d’habitat induits par l’homme.</p>
<h2>Quelles solutions ?</h2>
<p>Les solutions pourraient résider dans des mesures dissuasives strictes à l’égard de l’exploitation forestière et de la déforestation conduisant à la fragmentation du paysage. Elles dissuaderaient les chasseurs en leur coupant l’accès aux forêts tropicales et en réglementant le commerce de la viande de brousse.</p>
<p>Plus important encore, un engagement mondial pour limiter la monoculture extensive et le pâturage du bétail est nécessaire. Une surveillance active est également essentielle dans les régions à haut risque pour détecter les événements épidémiques humains sous-déclarés. Enfin, une surveillance active ciblée de l’émergence de pathogènes zoonotiques, tenant compte de l’influence des paysages modifiés par l’homme et du climat, pourrait prévenir les futures épidémies et pandémies.</p>
<p>Mais, finalement, la question fondamentale de la démographie humaine mondiale et sa répartition spatiale reste le point central de toutes ces crises environnementale, climatique et sanitaire.</p>
<h2>Les futures initiatives internationales seront OneHealth</h2>
<p>L’ancienne directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, déclarait que des <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-021-01259-z">leçons avaient été apprises lors de son passage à l’OMS</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les acteurs de la santé publique doivent élargir leur vision de la sécurité sanitaire au-delà des maladies infectieuses et reconnaître l’importance cruciale de la santé animale, de l’approche “OneHealth”, de la sécurité alimentaire et d’une relation harmonieuse avec la nature. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis le début de la crise du Covid-19, un foisonnement d’initiatives OneHealth a vu le jour afin de mieux comprendre les relations entre les crises climatiques, de biodiversité et sanitaire.</p>
<p>En France, <a href="https://prezode.org/">PREZODE</a> (<em>Preventing zoonotic disease emergence</em>) est une initiative internationale annoncée par le président de la République française lors du One Planet Summit en janvier 2021, impliquant l’Inrae, le Cirad et l’IRD. En cours de construction, elle a pour but de mieux comprendre et prévenir l’émergence et la propagation des zoonoses.</p>
<p>L’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) ont également annoncé la création d’un panel d’experts de haut niveau sur l’approche <a href="https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/one-health">« Une seule santé » (OneHealth)</a>.</p>
<p>Ce panel va alimenter en mars la tripartite (OMS, FAO, OIE) et le PNUE avec une feuille de route sur la <a href="https://extranet.who.int/sph/sites/default/files/document-library/document/French.pdf">gouvernance des zoonoses</a> et des futures épidémies. Le tout selon une approche globale de la santé pour éviter les impacts de pandémies éventuelles, tout en garantissant la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des communautés les plus vulnérables.</p>
<p>Pour autant, la question de la démographique humaine reste très souvent étonnamment absente de ces approches OneHealth malgré son rôle central, direct ou indirect, dans les futures crises sanitaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodolphe Gozlan a reçu des financements de Université de Guyane. Bourse de thèse pour Mlle Soushieta Jagadesh</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marine Combe et Soushieta Jagadesh ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Les changements des paysages et du climat sont les principaux moteurs du passage de virus de l’animal à l’homme. Alors que la population humaine va croissant, comment identifier les zones à risque ?
Rodolphe Gozlan, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Marine Combe, Chargée de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Soushieta Jagadesh, Doctoral Student, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/169380
2021-10-17T15:58:25Z
2021-10-17T15:58:25Z
Plus de 50 ans après son émergence, le virus Marburg garde une part de mystère
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426802/original/file-20211017-19-p7z5jb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2100%2C1219&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Micrographie électronique à balayage colorisée de particules du virus Marburg (bleu - fausses couleurs) bourgeonnant à la surface de cellules infectées (orange - fausses couleurs).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Marburg_Virus_Particles_(30971360137).jpg">NIAID Integrated Research Facility Fort Detrick, Maryland / Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Cet été, un habitant du village de Temessadou M’Boket, en Guinée, est tombé malade. Atteint de fièvre, de maux de têtes et d’hémorragies, il est décédé le 5 août. Les analyses ont révélé qu’il avait été victime du virus Marburg, un virus de la famille des Filovirus, à laquelle appartient également le virus Ebola.</p>
<p>C’était la première fois que ce virus était détecté dans ce pays d’Afrique de l’Ouest : jusqu’ici, les rares cas diagnostiqués l’avaient été plus à l’est du continent (en République démocratique du Congo, en Ouganda et au Kenya notamment) ou dans le Sud (Afrique du Sud).</p>
<p>Si le suivi de plus de 155 personnes contacts n’a pas mis en évidence d’autre cas suspect, la vigilance reste de mise. Où en est la situation, et pourquoi la surveillance des virus de cette famille est-elle si importante ?</p>
<h2>Un virus responsable de graves fièvres hémorragiques</h2>
<p>L’histoire médicale du virus Marburg commence étonnamment en Europe, comme l’indique son nom : ce virus a été découvert pour la première fois en 1967, simultanément en Allemagne, dans la ville de Marburg ainsi qu’à Francfort, et en Yougoslavie (aujourd’hui Serbie), à Belgrade. Des employés de laboratoires sont tombés malades après avoir été en contact avec des singes verts provenant d’Ouganda, ou avec leurs tissus (notamment dans le cadre de la préparation de cultures de cellules). Trente et une personnes ont été infectées et ont développé des fièvres hémorragiques. Les malades étaient dans un premier temps les personnels des laboratoires, puis l’infection s’est propagée aux membres du personnel médical qui avaient soigné les premiers patients, ainsi qu’à leurs familles. On a déploré à l’époque sept victimes.</p>
<p>Après cette première flambée, le Marburg n’est réapparu qu’en 1975, lorsqu’un voyageur, probablement exposé au Zimbabwe, est tombé malade à Johannesburg, en Afrique du Sud. Le virus y a été transmis à son compagnon de voyage ainsi qu’à une infirmière. Depuis, quelques cas sporadiques d’infection par ce virus ont été détectés. Il a également été <a href="https://datawrapper.dwcdn.net/rGbOz/4/">responsable de deux grandes épidémies</a> en République démocratique du Congo en 1999, où il a infecté 154 personnes et fait 128 victimes, ainsi qu’en Angola en 2005, où il a tué 227 personnes sur 252 infections recensées.</p>
<p>On sait aujourd’hui que le virus Marburg est un virus à ARN qui appartient à une famille de virus appelée Filovirus (Filoviridae). Jusqu’à présent, trois genres de cette famille de virus ont été identifiés : Cuevavirus, Marburgvirus et Ebolavirus (dont on connaît six espèces, dont quatre provoquent des maladies chez l’être humain). Les Filovirus peuvent provoquer une fièvre hémorragique grave chez les primates, dont l’être humain (ainsi que chez le porc dans le cas de la souche Ebola Reston).</p>
<h2>Une fièvre hémorragique rare, mais grave</h2>
<p>La maladie à virus Marburg se traduit par une fièvre hémorragique qui touche à la fois les humains et les primates non humains (les singes verts à l’origine de la flambée européenne étaient peut-être en phase d’incubation lorsqu’ils ont été importés).</p>
<p>Après une période d’incubation de 2 à 21 jours, l’apparition des symptômes est soudaine et marquée par de la fièvre, des frissons, des céphalées et des myalgies. Vers le cinquième jour après l’apparition des symptômes, une éruption de boutons, plus marquée sur le tronc (poitrine, dos, ventre), peut apparaître. Le malade peut ressentir des douleurs thoraciques, un mal de gorge, des douleurs abdominales, et être pris de nausées, de vomissements ou des diarrhées. Les symptômes s’aggravent à mesure que le temps passe. La dégradation de l’état du patient passe généralement par une jaunisse, une inflammation du pancréas, une perte de poids importante, un délire, un choc, une insuffisance hépatique, une hémorragie massive et un dysfonctionnement de plusieurs organes.</p>
<p>Sa létalité a varié en fonction des épidémies : selon l’OMS, elle se situe entre <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/Marburg-virus-disease">24 % et 88 %</a>. Elle dépend beaucoup de la qualité de la prise en charge des patients et des infrastructures disponibles, ainsi que de l’inoculum viral (la quantité de particules virales) au moment de la transmission. L’une des difficultés est que le diagnostic clinique de la maladie du virus de Marburg peut s’avérer compliqué : de nombreux signes et symptômes sont similaires à ceux d’autres maladies infectieuses comme le paludisme ou la fièvre typhoïde, ou encore d’autres fièvres hémorragiques virales qui peuvent être endémiques dans la région (comme la fièvre de Lassa ou Ebola).</p>
<p>Il n’existe pas de traitement spécifique pour la maladie du virus de Marburg, ni préventif ni curatif. La seule solution est de procurer aux malades un traitement hospitalier de soutien, qui comprend l’équilibrage de leurs liquides et électrolytes, le maintien de l’état d’oxygénation et de la pression artérielle, le remplacement du sang perdu et des facteurs de coagulation, ainsi que le traitement de toute complication infectieuse. Des traitements expérimentaux ont été validés dans des modèles de primates non humains, mais n’ont encore jamais été essayés chez l’Homme.</p>
<h2>Des virus qui se propagent relativement difficilement</h2>
<p>Heureusement – étant donné leur létalité – les virus des fièvres hémorragiques appartenant à la famille des Filovirus ont un taux de reproduction de base relativement peu élevé. Il est compris entre 1 et 2. Autrement dit, dans une population non immunisée, sans mesure de protection, une personne malade n’infecte en moyenne qu’une à deux autres personnes. Pour mémoire, le nombre de reproduction du virus de la grippe est compris entre 2 et 3, et celui du variant Delta du coronavirus SARS-CoV-2 <a href="https://www.larevuedupraticien.fr/article/variants-delta-et-delta-plus-encore-toutes-les-cartes-en-main">pourrait atteindre 6</a>).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/J9g2Kei7xjE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Ceci s’explique par le mode de transmission de ces virus : pour qu’une personne soit contaminée, elle doit avoir eu un contact étroit avec un malade (ou avec ses fluides corporels, notamment le sang). Lors des épidémies à Filovirus, les personnes qui nourrissaient, lavaient, soignaient ou travaillaient de très près avec les patients infectés étaient donc particulièrement exposées au risque d’être elles-mêmes infectées. Un autre facteur important de propagation de ces maladies a probablement été la transmission en milieu hospitalier, par contact avec des fluides corporels infectés – via la réutilisation de seringues, d’aiguilles ou d’autres équipements médicaux non stérilisés contaminés par ces fluides. À l’inverse, lorsque les contacts étroits entre des personnes non infectées et des personnes infectées sont réduits au minimum, le nombre de nouvelles infections à Filovirus est plus faible.</p>
<p>La survenue d’une flambée de ces maladies dans un pays demeure cependant toujours une source de préoccupation. Si la détection est précoce, le traçage des contacts et l’isolement des patients et des contacts permettent d’interrompre efficacement les chaînes de transmission. Mais tout retard constitue un risque majeur pour la santé publique. Or, les infrastructures de diagnostic et de prise en charge ne sont pas disponibles dans toutes les régions du continent. Les conséquences ne sont donc pas les mêmes selon l’endroit où surviennent les premières infections.</p>
<p>Dans les régions où les dispositifs de détection font défaut, les malades symptomatiques ou pas, peuvent propager la maladie sans être détectés, en particulier dans les centres-ville. La grande épidémie d’Ebola survenue en Afrique de l’Ouest en 2014-2016 en est l’exemple : elle avait débuté dans un petit village guinéen, situé dans la même préfecture que le premier cas de Marburg de 2021, avant de se répandre dans plusieurs pays, particulièrement dans les grandes villes.</p>
<p>Il s’agit vraisemblablement d’un cas isolé, mais la source de contamination reste encore non identifiée. L’hypothèse principale est que la contamination aurait pu être due à la faune. De nombreuses équipes d’investigation et de recherche y compris celle du Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée, ainsi que de l’Institut National de Sante Publique y travaillent.</p>
<p>Une autre source potentielle de risque épidémique a récemment été avancée pour expliquer l’épidémie d’Ebola survenue en 2021, non loin de l’épicentre de celle de 2016 : le virus à l’origine de cette seconde flambée <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-03901-9">aurait survécu, latent, dans le corps d’un rescapé de la maladie</a>, puis aurait été transmis à une personne qui a développé des symptômes. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1434837729297248259"}"></div></p>
<p>Les données sur le virus de Marburg sont limitées. Cependant, comme ce virus est de la même famille que le virus qui cause la maladie à virus Ebola, on peut supposer que la persistance du virus dans les fluides corporels peut être similaire (un cas probable de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/4971902/">transmission du virus Marburg par le sperme</a> a été documenté lors de la flambée de 1967 : la femme d’un patient était tombé malade deux mois après la guérison de son mari. Des analyses avaient alors mis en évidence la présence de particules virales potentiellement infectieuses dans le sperme de ce dernier).</p>
<h2>Un virus bien caché</h2>
<p>C’est une autre des difficultés de la lutte contre les Filovirus : si leur origine zoonotique est quasi certaines, le (ou les) réservoir(s) naturel(s) du virus Marburg, comme celui du virus Ebola, n’ont pas encore été complètement identifiés. Par « réservoir naturel » on entend l’animal (ou les animaux) dans lequel le virus survit, mais sans le rendre malade.</p>
<p>Les indices convergent toutefois vers les chauves-souris : le virus Marburg a en effet été isolé à plusieurs reprises chez des chauves-souris du genre <em>Rousettus</em>, en Ouganda. L’hôte réservoir serait notamment la chauve-souris frugivore africaine, <em>Rousettus aegyptiacus</em>, car lorsqu’elle est infectée par le virus de Marburg, elle ne présente aucun signe évident de maladie. C’est elle qui contaminerait les primates, y compris les humains. Le virus de Marburg peut peut-être infecter d’autres espèces, mais des recherches sont encore nécessaires pour le déterminer.</p>
<p>Lors d’une épidémie ou d’un cas isolé chez l’être humain, on ne sait pas exactement comment le virus se transmet du réservoir naturel à l’être humain. Toutefois, pour deux cas survenus chez des touristes en visite en Ouganda en 2008, la voie d’infection la plus probable semble avoir été le contact non protégé avec des excréments ou des aérosols de chauve-souris.</p>
<p>Une chose est certaine : l’apparition de maladies d’origine zoonotique ne doit plus nous surprendre.</p>
<h2>Des maladies émergentes qui deviennent endémiques</h2>
<p>Le développement économique et la mondialisation conduisent l’être humain à « agresser » de plus en plus les forêts, qui sont le creuset d’un grand nombre de germes. La conséquence est que certaines de ces maladies émergentes sont devenues endémiques dans de nombreux pays. C’est par exemple le cas de la fièvre Lassa, endémique dans la zone frontalière entre la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone et également au Nigeria.</p>
<p>Les dernières connaissances scientifiques sur la maladie à virus Ebola montrent que des cas sporadiques peuvent apparaître à tout moment. Une étude à partir d’échantillons prélevés entre 1997 et 2012 en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale a montré une séroprévalence d’environ 6 % de la fièvre Marburg, suggérant ainsi <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31913767/">la circulation des filovirus en dehors des zones qui ont déjà notifié des cas</a>. Il est donc essentiel que les systèmes de santé disposent d’outils de diagnostic et soient adaptés à la prise en charge précoce des patients infectés, pour éviter une diffusion large de la maladie. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cles-pour-empecher-les-futures-pandemies-152143">Les clés pour empêcher les futures pandémies</a>
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<p>Il faut également accélérer la recherche de traitements et de vaccins, et développer l’approche One Health (« une seule santé ») qui tient compte des liens étroits existant entre la santé humaine, celle des animaux et l’état écologique global. C’est l’une des missions de l’<a href="https://www.anrs.fr/fr/anrs/presentation-anrs/lanrs-en-bref">ANRS Maladies infectieuses émergentes</a>, créée en janvier : cette agence autonome de l’Inserm soutient notamment de nombreux projets sur les fièvres hémorragiques virales. </p>
<p>La pandémie de Covid-19 nous l’a durement rappelé : si l’on veut éviter que de nouvelles flambées de pathogènes émergents ne se transforment en épidémies d’ampleur, il est primordial de rester vigilant, et de se tenir prêt à toute éventualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
En août dernier, le virus Marburg, un virus de fièvre hémorragique de la même famille qu’Ebola, a tué en Guinée. Connu depuis 1967, il n’avait encore jamais été repéré en Afrique de l’Ouest.
Eric D'Ortenzio, Médecin, Epidémiologiste, Responsable du département Statégie & Partenariats, ANRS I Maladies infectieuses émergentes, Inserm
Abdoulaye Touré, Professeur agrégé en santé publique, Université Gamal Abdel Nasser de Conakry (UGANC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162008
2021-07-18T16:50:02Z
2021-07-18T16:50:02Z
Pourquoi la population a-t-elle résisté aux mesures contre le virus Ebola en RDC ?
<p>Les réponses politiques aux pandémies telles que le Covid-19 et Ebola ont déclenché de nombreuses formes de <a href="https://www.caritasdev.cd/v3/index.php/actualites/329-ebola-en-rdc-la-resistance-communautaire-continue-d-entraver-la-riposte-au-nord-kivu">résistance</a> dans le monde entier. Cette résistance a souvent été tournée contre les mesures de <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20200327-rdc-kinshasa-entamera-samedi-confinement-total-trois-semaines">confinement</a> et autres <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/04/03/rd-congo-le-respect-des-droits-est-essentiel-dans-la-lutte-contre-le-covid-19">restrictions imposées à la liberté de mouvement</a> des personnes. Mais, dans le cas de la pandémie d’Ebola dans l’Est de la République démocratique du Congo (2018-2020), l’urgence sanitaire a donné naissance à une <a href="https://s3.amazonaws.com/ssrc-cdn1/crmuploads/new_publication_3/from-biolegitimacy-to-antihumanitarianism-understanding-people-s-resistance-to-ebola-responses-in-the-democratic-republic-of-the-congo.pdf">défiance populaire contre l’action humanitaire au sens large</a>.</p>
<p>Les habitants de la province du Nord-Kivu, particulièrement touchée, ne semblaient pas seulement sceptiques quant à l’existence de la nouvelle épidémie, malgré son <a href="https://www.who.int/fr/news/item/25-06-2020-10th-ebola-outbreak-in-the-democratic-republic-of-the-congo-declared-over-vigilance-against-flare-ups-and-support-for-survivors-must-continue">impact dévastateur</a> (le bilan officiel fait état de 2 287 décès). Certains d’entre eux sont allés jusqu’à <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/05/16/ebola-en-rdc-plus-de-1-100-morts-l-onu-denonce-le-delire-total-des-rumeurs_5462905_3212.html">s’attaquer à des Centres de Traitement d’Ebola (CTE)</a>, aux agents de santé et aux soignants (selon le ministère congolais de la Santé, il y a eu 132 attaques contre les équipes de la riposte, qui se sont soldées par 4 morts et 38 blessés parmi les membres des équipes sanitaires et les patients), ce qui a sérieusement perturbé la réponse de l’État à l’épidémie et restreint l’accès aux communautés touchées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1119678226337542144"}"></div></p>
<p>Cette réaction violente doit être analysée en tenant compte des nombreux problèmes structurels et cycliques que la région subit depuis plusieurs décennies. Elle a exprimé une hostilité à plusieurs niveaux à l’encontre des donateurs internationaux, des humanitaires et des autorités congolaises, jugées incapables d’assurer la sécurité et d’instaurer une paix durable dans les zones touchées par un conflit prolongé. Depuis l’année 2014, la ville de Beni, au Nord-Kivu, est le théâtre de plusieurs exactions. Les personnes meurent sans savoir pourquoi elles sont tuées. Très souvent ces crimes ne sont pas revendiqués mais <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/republique-democratique-du-congo/rdc-reprise-des-massacres-beni-au-moins-36-civils-tues-la-machette-6712902">portent la signature du groupe armé des Forces démocratiques alliées (ADF selon le sigle anglais)</a>.</p>
<h2>Les diverses causes de la résistance aux mesures anti-Ebola</h2>
<p>Les <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/09/1052112">attaques visant les CTE</a>, les agents de santé et les humanitaires apportant leur aide ont été conduites par divers acteurs, notamment des groupes armés, des chefs coutumiers, des patients et leurs familles.</p>
<p>Si une grande partie de la population est restée méfiante face à la riposte à Ebola, une infime partie des habitants voulaient d’une part que les centres soient protégés pour que leurs proches continuent de recevoir les soins appropriés et, d’autre part, pour ceux qui y étaient engagés, conserver leur travail.</p>
<p>Les différentes attaques se fondaient sur des croyances selon lesquelles la maladie aurait été inventée par des acteurs extérieurs pour : a) <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/ebola-en-rdc-l-onu-denonce-le-delire-total-des-rumeurs-20190511">exterminer la population</a> ; b) <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/la-chasse-aux-rumeurs-enjeu-vital-de-la-lutte-contre-ebola-en-rdc_136816">tester les nouveaux vaccins des multinationales</a> ; ou c) capter les <a href="https://theconversation.com/ebola-au-congo-rdc-quand-un-conflit-oublie-devient-un-danger-pour-la-sante-internationale-121995">financements des bailleurs de fonds</a> au profit des organisations internationales, des ONG et du gouvernement central de Kinshasa.</p>
<p>Mais il convient de souligner que, au-delà de ce discours sur les origines et les objectifs de la réponse, les populations locales ont profité de l’attention portée à la pandémie pour <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/14/en-rdc-comment-ebola-est-devenu-une-maladie-politique_5436156_3212.html">demander une amélioration de leurs conditions de vie globales</a>. La crise sanitaire provoquée par le virus Ebola a été utilisée comme un espace de protestation et d’expression de la frustration face à la définition des priorités dans le cadre des réponses humanitaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UB1IOnDYSyU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les explications de cette résistance s’appuient généralement sur deux points de vue différents. Le premier est ce que nous appelons une <a href="https://journals.openedition.org/anthropologiesante/1796">interprétation culturaliste</a>, qui considère la résistance aux réponses à Ebola comme une manifestation d’une vision du monde « arriérée » véhiculée par des populations elles aussi « arriérées ». Cette vision du monde devrait être renversée par des campagnes de sensibilisation, afin de se conformer aux réponses humanitaires rationnelles du type top-down.</p>
<p>L’autre point de vue est une perspective <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2017-4-page-477.htm">socio-anthropologique</a> qui soutient que les réponses à Ebola doivent s’adapter aux réalités locales afin d’être efficaces et durables. Les deux points de vue reflètent la conviction que la résistance aux réponses à Ebola cache quelque chose d’irrationnel, d’exotique, de particulièrement africain et d’apolitique, que la première perspective veut voir effacer et la seconde intégrer aux politiques existantes.</p>
<p>Mais il y a plus. La résistance à la riposte au virus Ebola dans l’Est de la RD Congo n’est pas seulement devenue une expression de refus <a href="https://journals.openedition.org/jda/4403?gathStatIcon=true&lang=en">« face aux schémas impersonnels et déshumanisants des interventions sanitaires »</a>. C’était aussi un moyen d’exprimer des revendications politiques et de demander, plus largement, l’amélioration des conditions de vie existantes. Les habitants du Nord-Kivu ont dénoncé la façon dont leur corps était traité dans les centres de santé (selon qu’on est une personne internée ou suspectée, le soin s’est apparenté à un enfermement) pour revendiquer leur droit à une vie et une existence décentes.</p>
<h2>Des populations qui expriment un besoin de reconnaissance</h2>
<p>La résistance de la population locale à ces mesures peut être considérée comme une forme d’activisme politique exprimant la contestation d’un humanitarisme local et international sélectif et inefficace.</p>
<p>L’insuffisance ou même l’incapacité de la stratégie de réponse à reconnaître et à s’adapter au contexte local (voir par exemple le manque de connaissance des langues locales, l’exclusion des membres de la famille lors des funérailles des victimes d’Ebola ou l’ignorance des rituels de mort, l’hyper-sécurisation et la militarisation des interventions de réponse, les conflits d’intérêts face à une équipe composée principalement d’étrangers, etc.) n’ont fait que renforcer la volonté de résistance.</p>
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<p>Les appels populaires ne s’adressaient pas seulement aux interventions sanitaires en tant que telles mais exprimaient également des <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/07/18/en-rdc-la-difficile-lutte-contre-le-virus-ebola_1740693/">revendications politiques plus profondes</a>. Les habitants du Nord-Kivu ont compris que la maladie à virus Ebola mobilisait les institutions internationales bien plus que les phénomènes qui les tuaient à une échelle bien plus large, tels que les conflits armés, le paludisme et toutes ces épidémies liées aux problèmes d’hygiène et d’assainissement – autant de questions que l’État congolais a <a href="https://www.dw.com/fr/face-aux-massacres-letat-congolais-critiqu%C3%A9-dans-lest/a-54899930">depuis longtemps cessé de traiter</a>.</p>
<p>Cette résistance populaire contre la riposte à Ebola pendant l’épidémie (2018-2020) au Nord-Kivu a montré comment de tels actes ne peuvent être détachés de leur sens plus large et de leur contexte local. Déclarer Ebola comme une catastrophe sanitaire, c’était, sans le dire explicitement, révéler les liens entre le virus Ebola et la politique. En effet, cela a mis en évidence la façon dont toutes les autres catastrophes, qui constituaient déjà la toile de fond de la vie de la population locale depuis plusieurs années, ont été ignorées par les autorités congolaises et par la communauté internationale.</p>
<p>Les soins et la prévention préconisés dans le cadre de la lutte contre Ebola visaient à sauver des vies, mais ces efforts contrastaient fortement avec le manque de protection offert par ailleurs à des habitants habitués à côtoyer des atrocités au quotidien et pour qui rester en vie relevait souvent du miracle. Pour toutes les personnes vivant dans la zone touchée, l’imprévisibilité d’Ebola n’a pas constitué une rupture, une discontinuité dans leur mode de vie habituel. Pour elles, les conditions matérielles et de sécurité comptent autant que les conditions biologiques de la vie. Cela nous enseigne que s’il est de bon ton de se préoccuper d’une vie menacée dès que possible, cela devrait être le cas pour toutes les vies en danger, quelle qu’en soit la cause.</p>
<p>Il ressort de tout ceci que les théories complotistes (extermination de la population, détournement des fonds, tester les vaccins, etc.) ont été à la base de plusieurs actions de résistance. Le bilan humain de 4 morts est à déplorer. S’appuyant sur l’une ou l’autre théorie, les personnes impliquées dans les actes de résistance nous livrent toutefois un message – à savoir que si nous voulons sauver des vies, nous devons prêter une attention particulière à tout ce qui les met en danger. Qu’il s’agisse d’un virus ou des nombreuses autres menaces auxquelles ces populations font face au quotidien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162008/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Si les populations du Nord-Kivu ont résisté aux mesures prises pour contrer l’épidémie d’Ebola, c’est parce que, à leurs yeux, les autres fléaux auxquels elles sont confrontées ne sont guère traités.
Aymar Nyenyezi Bisoka, Assistant professor, Université de Mons
Koen Vlassenroot, Professor in political and social sciences, Ghent University
Ramazani K. Lucien, Doctorant en sciences politiques et sociales, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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tag:theconversation.com,2011:article/156525
2021-03-05T21:31:30Z
2021-03-05T21:31:30Z
« Retour sur… » : Comment expliquer l’émergence accrue des « nouvelles maladies » ?
<p><em><strong>« Retour sur… »</strong>, un podcast pour décrypter l’actualité avec les expert·e·s.</em></p>
<hr>
<p>Encore inconnue il y a quelques mois, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/covid-19-82467">Covid-19</a> polarise depuis l’hiver 2020 toute notre attention. Pas un jour sans que les scientifiques découvrent quelque chose à son sujet ou qu’on se désole de ne pouvoir s’en débarrasser plus vite. Si ses conséquences sur la santé mondiale lui donnent un retentissement inédit, la Covid-19 est toutefois une maladie émergente parmi d’autres.</p>
<p>Ces dernières années, d’autres maladies infectieuses ont en effet suscité la peur – <a href="https://theconversation.com/la-mysterieuse-disparition-du-premier-virus-sras-et-pourquoi-il-nous-faudra-un-vaccin-pour-nous-debarrasser-du-deuxieme-137957">SRAS</a>, <a href="https://theconversation.com/mers-comment-ce-virus-a-emerge-et-ce-que-lon-peut-faire-56374">MERS</a>, <a href="https://theconversation.com/zika-dengue-west-nile-ces-virus-exotiques-qui-nous-menacent-120683">Zika</a>, <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ebola-24917">Ebola</a>, etc. Pour mieux comprendre comment apparaissent ces « nouvelles maladies » et ce que l’on sait de leurs causes – notamment en lien avec les perturbations environnementales (changement climatique, atteintes à la biodiversité) –, nous accueillons pour ce nouvel épisode Marisa Peyre, épidémiologiste au Cirad et spécialiste des maladies émergentes.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/6041f0571e60fa0a6a35516c?cover=true&ga=false" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/covid-19-comment-expliquer-l"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on SoundCloud" width="268" height="70"></a></p>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5wthUs3iFD4KhjcdjRnqX8"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a></p>
<p><a href="https://podcasts.apple.com/us/podcast/covid-19-comment-expliquer-l%C3%A9mergence-accrue-nouvelles/id1552192504?i=1000511685911"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<hr>
<p><em>Conception, Jennifer Gallé. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156525/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Entretien avec l’épidémiologiste Marisa Peyre pour mieux comprendre comment apparaissent les nouvelles maladies et en identifier les causes.
Jennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation France
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tag:theconversation.com,2011:article/155876
2021-03-04T19:07:34Z
2021-03-04T19:07:34Z
La Guinée face à la résurgence de l’épidémie d’Ebola
<p>Le 14 février dernier, les autorités sanitaires de la Guinée ont déclaré le pays <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/ebola-la-guinee-de-nouveau-en-situation-depidemie-1290268">« en situation d’épidémie »</a> après la confirmation de sept cas d’infection au virus Ebola, dont trois morts. C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui se retrouve dans une situation délicate, avec un risque réel de résurgence de l’épidémie d’Ebola cinq ans après une première vague meurtrière qui avait fait <a href="https://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/01/14/24490-loms-annonce-fin-lepidemie-debola-afrique-louest">plus de 11 000 morts</a>.</p>
<p>Entre mars 2014 et décembre 2015, une épidémie nationale due au virus Ebola s’était déclarée en Guinée (une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/03/23/guinee-deja-5-morts-dans-la-resurgence-du-virus-ebola_4888691_3212.html">résurgence</a> a été enregistrée en 2016 dans la préfecture de Nzérékoré, mais elle a été rapidement circonscrite). La maladie s’est alors très vite répandue dans les pays voisins, notamment le Liberia et la Sierra Leone, avec respectivement 10 066 et 12 666 cas. Face à la propagation rapide du virus, des restrictions de mouvement avaient été imposées, les frontières fermées et les liaisons aériennes suspendues.</p>
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<h2>Les dangers pour la région et au-delà</h2>
<p>Cette année, le virus est apparu dans la <a href="https://www.unicef.org/wca/fr/communiqu%C3%A9s-de-presse/r%C3%A9surgence-debola-en-guin%C3%A9e-lunicef-r%C3%A9affirme-son-soutien-au-gouvernement">sous-préfecture de Gouécké</a>, une localité à forte mobilité vers le chef-lieu de région, Nzérékoré. Étant une zone de production agroforestière, la circulation des personnes et des produits y représente un facteur de risque important de propagation de la maladie. Déjà, un contact du patient zéro a été <a href="https://reliefweb.int/report/guinea/guin-e-rapport-de-situation-sur-l-pid-mie-de-la-maladie-virus-ebola-mve-21-f-vrier">identifié à Conakry</a> : il aurait auparavant parcouru une distance d’environ mille kilomètres. Cela signifie que le risque de propagation du virus vers d’autres préfectures ou d’autres pays est réel. C’est cette crainte qui motive la fermeture des frontières et le ralentissement des flux commerciaux et touristiques.</p>
<p>À la fin de l’épidémie de 2014, la Guinée avait procédé à une analyse des risques d’épidémies et de catastrophes auxquels les populations pourraient faire face. <a href="https://anss-guinee.org/wp-content/uploads/2019/01/RAPPORT-VF-VRAM-draft-1-Version-du-21_11_18-Revue-DrT.pdf">Cette analyse</a> avait mis en exergue le risque non négligeable de résurgence de certaines maladies, notamment celle due au virus Ebola. Au total, ce sont neuf maladies zoonotiques prioritaires (rage, anthrax, Ebola, dengue, brucellose, grippe aviaire, fièvre jaune, fièvre Lassa, fièvre de la vallée du Rift) qui ont été <a href="https://www.thecompassforsbc.org/sites/default/files/project_examples/GUIDE%20DE%20GESTION%20MULTISECTORIELLE%20DES%20ZOONOSES%20PRIORITAIRES%20EN%20GUINEE%2021082019.pdf">identifiées</a> et mises sous surveillance dans le cadre de l’approche intégrée une seule santé. Il n’est donc pas surprenant que le virus Ebola refasse aujourd’hui surface en Guinée.</p>
<h2>Une capacité de riposte améliorée</h2>
<p>Au sortir de l’épidémie en 2016, le gouvernement guinéen a mis en place l’<a href="https://anss-guinee.org/">Agence nationale de sécurité sanitaire</a> (ANSS), l’institution nationale en charge de la gestion des épidémies, urgences et catastrophes sanitaires. L’agence a été dotée de 38 centres de traitement des épidémies pour la prise en charge des cas de maladies à potentiel épidémique, conformément à la subdivision administrative du pays. Pour la gestion des cas d’épidémie dans les communautés, 17 centres de santé améliorés <a href="https://www.invest.gov.gn/document/liste-de-projet-du-ministere-de-la-sante">ont été construits</a>.</p>
<p>La capacité nationale en termes de laboratoires et de logistique a été améliorée. Le pays compte désormais un réseau de cinq laboratoires certifiés à Conakry, capables de détecter les principales maladies à potentiel épidémiques. Deux laboratoires de proximité ont été installés dans les préfectures de <a href="https://www.agpguinee.com/politique-fr_Guin__eEbola___le_laboratoire_de_Gueck__dou_a_fourni_un_premier_r__sultat_relevant_la_pr__sence_du_virus_.html">Guéckédou</a> et de <a href="https://www.africaguinee.com/articles/2016/01/25/kindia-un-laboratoire-mobile-offert-par-la-russie-et-rusal-l-enseignement">Kindia</a>. Les moyens de déplacement (motos et voitures) ont été renforcés pour assurer une meilleure mobilité des équipes d’intervention.</p>
<p>Pour les interventions d’urgence dans la riposte contre les épidémies, la gestion de l’agence a été déconcentrée. En plus de la direction nationale, des équipes d’alerte et de riposte aux épidémies ont été installées au niveau des régions (<a href="https://gn.ambafrance.org/Conakry-presentation-de-l-equipe-regionale-de-riposte">équipes régionales d’alerte et de riposte aux épidémies</a> (ERARE)) et des préfectures (<a href="https://anss-guinee.org/welcome/epare">équipes préfectorales d’alerte et de riposte aux épidémies</a> (EPARE)). La capacité des équipes de vaccination a été renforcée en vue de la mise en œuvre des activités de dépistage.</p>
<h2>Quelques leçons tirées des précédentes épidémies et appliquées aujourd’hui ?</h2>
<p>Les expériences de la riposte contre l’épidémie de 2014 et la participation des équipes guinéennes à la riposte contre Ebola en RDC ont renforcé les capacités nationales en matière de gestion des épidémies.</p>
<p>Le principe de réactivité dans les interventions est l’une des leçons tirées de la gestion des épidémies antérieures. Les épidémies se propagent vite, avec les lots de rumeurs qui les soutiennent. L’ANSS a déjà <a href="https://www.france24.com/fr/afrique/20210223-la-guin%C3%A9e-commence-sa-campagne-de-vaccination-contre-ebola">acquis les vaccins</a> pour prévenir la propagation du virus. Les centres de traitement des épidémies sont en alerte. Avec l’expérience issue de la gestion de la Covid-19, un système de visioconférence est mis en place pour la coordination des interventions dans les différentes préfectures. Des mesures ont également été mises en œuvre pour mobiliser et impliquer les ressortissants communautaires dans la gestion de la crise au côté de l’ANSS. </p>
<p>Les médias sont aussi mis à contribution pour contrecarrer les rumeurs sur l’existence de la maladie, sur les comportements préventifs ou encore celles liées à l’implication des autorités politiques. Pour ce faire, des informations sur l’épidémie sont régulièrement partagées avec eux à travers les réseaux sociaux de l’agence auxquels ils sont membres.</p>
<p>L’épidémie de 2014 a été marquée par la persistance des réticences communautaires. Celles-ci se matérialisent par le refus d’identification des personnes-contacts ; le fait de cacher et/ou de soigner les malades au sein de la communauté ; de procéder au transport et à la toilette des corps de personnes mortes d’Ebola ; l’exposition pour raison d’oraisons funèbres de corps suspects ou avérés ; les enterrements communautaires non sécurisés ; le refus de laisser les agents de la Croix-Rouge désinfecter les lieux supposés être infectés, etc. ; et des violences verbales et physiques à l’endroit des acteurs qui ne partagent pas ces convictions. Ces réticences, quelles que soient leur forme et leur nature, ont pour cause l’ignorance de la maladie, les idées reçues et les erreurs d’intervention des acteurs. Les conséquences sont notables sur la propagation du virus et l’aggravation de l’épidémie.</p>
<p>Il est souvent arrivé que ce ne sont pas les messages qui posaient problème, mais les personnes qui les véhiculaient. Les gens ont souvent tendance à ne pas faire confiance aux personnes n’appartenant pas à leur propre communauté. De même, le recrutement hâtif de jeunes inexpérimentés au sein des communautés n’est pas sans conséquence. Il a été observé durant l’épidémie de 2014 que les protocoles de désignation des membres des équipes communautaires (comités de veille villageois/quartier) n’étaient pas respectés. Les nouvelles recrues manquaient de légitimité, de motivation et de disponibilité. Les actions qu’elles ont menées ne reposaient sur aucun indicateur de résultat. La dimension genre a été souvent ignorée dans la constitution des équipes communautaires.</p>
<p>Il a été observé que des personnes-contacts quittent leurs habitations dès lors que (a) les agents de suivi ne sont pas dignes de confiance et sont considérés comme des étrangers dans la localité ; (b) la maladie jugée mortelle est associée à leur localité ; (c) le contact est victime de commérage ou de stigmatisation. Souvent, les personnes qui fuient leur localité auront déjà développé trois types de peurs qui les inciteront à partir : la peur de subir le même sort que le défunt, la peur d’aller au Centre de traitement d’Ebola (CTE) considéré comme un mouroir, la peur de la stigmatisation. Les chauffeurs de taxi sont les premiers complices des personnes qui quittent leurs localités en cachette.</p>
<p>Le dispositif de gestion des morts d’Ebola perturbe les pratiques funéraires. De ce fait, des cas de décès communautaires ne sont pas signalés pour permettre une prise en charge digne et sécurisée (EDS) par les spécialistes. Les populations accusaient les agents en charge de l’EDS de ne pas être assez réactifs. Cela pose le problème de la conservation des corps. Aussi, les familles se réservent le devoir « sacré » de faire la première toilette du corps avant les rituels communautaires.</p>
<p>Enfin, le déploiement massif d’agents et de véhicules pour la riposte en un même endroit à la fois provoque un sentiment d’envahissement chez les populations. Cet esprit de compétition entre les partenaires de la riposte est préjudiciable à l’esprit d’équipe et de partage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Saikou Oumar Sagnane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Face à la résurgence des cas d’Ebola en Guinée, l’Afrique de l’Ouest, en plus de la Covid-19, fait face à une deuxième menace grave de santé publique.
Saikou Oumar Sagnane, Assistant d’enseignement en Sociologie et anthropologie, Université Général Lansana Conté de Sofonia-Conakry
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tag:theconversation.com,2011:article/155679
2021-02-21T17:21:55Z
2021-02-21T17:21:55Z
Retour d’Ebola en Afrique de l’Ouest : les leçons à retenir du passé, en six questions clés
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/385402/original/file-20210221-19-1hll00l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1024%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chaque professionnel de santé vérifie le bon état des combinaisons de protection de ses collègues.</span> <span class="attribution"><span class="source">Sumy Sadurni / AFP via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/ebola-virus-disease-nzerekore-guinea-february-2021">En Guinée, Ebola frappe à nouveau</a>. La dernière flambée en Afrique de l’Ouest s’était produite entre 2014 et 2015 et avait touché le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée. Cette épidémie d’Ebola, la <a href="https://time.com/5939733/guinea-ebola-epidemic/">plus meurtrière au monde</a>, avait justement débuté en Guinée. Elle avait fait plus de 11 300 morts, <a href="https://www.isglobal.org/en/ebola">dont plus de 500 professionnels de santé</a>.</p>
<p>Mais sept ans plus tard, la situation des pays d’Afrique de l’Ouest est très différente. </p>
<p>Indication claire que la volonté politique de stopper l’épidémie est bel et bien là, le Liberia et la Sierra Leone <a href="https://apnews.com/article/liberia-julius-maada-bio-health-guinea-ebola-virus-ede99ac43739832a3cf56041868e1cfa">ont déjà</a> mobilisé et activé leurs plans nationaux de réponse.</p>
<p>Les pays de la région bénéficient non seulement de l’expérience du passé, mais aussi de nouveaux outils pour lutter contre le virus Ebola. Ils disposent d’une main-d’œuvre expérimentée, de réseaux de laboratoire plus développés. Les organisations régionales, telles que l’<a href="https://ecfr.eu/special/african-cooperation/mano-river-union/">Union du fleuve Mano</a>, un organisme régional chargé des questions économiques et de sécurité, ou la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), sont également plus proactives.</p>
<p>En 2018, par exemple, une réunion de planification s’est tenue à Freetown, en Sierra Leone, afin de préparer la transmission transfrontalière. Une plate-forme whatsapp a été développée pour permettre un suivi en temps réel des épidémies. Elle est maintenant opérationnelle et est utilisée pour transmettre les mises à jour de la Guinée aux équipes de surveillance et d’intervention des pays membres.</p>
<p>Cependant, comme me l’a fait remarquer Pierre Formenty, le chef de l’équipe de l’Organisation mondiale de la santé chargée des virus et des fièvres hémorragiques : la pire erreur que l’on puisse faire à propos du virus Ebola est de le sous-estimer ou de croire que l’on sait tout sur lui.</p>
<p>Expert en maladies infectieuses, j’ai dirigé plusieurs équipes nationales de réponse sanitaire lors de précédentes épidémies d’Ebola. Une leçon fondamentale que m’ont apprise ces expériences est que le succès d’une stratégie de lutte ne dépend pas des informations les plus évidentes à disposition, mais plutôt sur certaines questions plus subtiles qui demeurent sans réponse. Cela, je l’ai appris à la dure.</p>
<p>Un incident particulier m’est resté en mémoire. Au début du mois d’août 2014, j’ai rencontré le représentant de l’OMS au Liberia qui m’a demandé comment se portait West Point, le plus grand bidonville du Liberia, situé à Monrovia, la capitale du pays. Je lui ai répondu, sûr de moi, que la situation y était très calme et qu’il n’y avait pas de transmission d’Ebola en cours. En réalité, au moment précis où je lui parlais, le virus Ebola se transmettait activement dans la zone, et des enterrements secrets avaient lieu au petit matin. Résultat : à West Point, le nombre de cas a explosé.</p>
<p>Il est donc crucial de ne jamais cesser les investigations, et de continuer à interroger les gens.</p>
<p>À cet effet, j’ai compilé une série de questions clés essentielles pour définir les stratégies de préparation à l’épidémie. Des questions auxquelles chacun des pays de la région devrait s’attacher à répondre.</p>
<h2>Questions biologiques clés</h2>
<p>Les personnes chargées de la surveillance et du traçage des contacts doivent répondre à certaines questions biologiques essentielles.</p>
<p>1) La première question à se poser est la suivante : durant combien de temps le premier cas identifié a-t-il été malade avant de décéder ?</p>
<p>Connaître la réponse à cette question est crucial pour que les pays voisins puissent déterminer les fenêtres de temps durant lesquelles une personne infectée, ou un de ses contacts, aurait pu passer leurs frontières. Durant l’épidémie de 2014-2015, de nombreux cas d’infection ont résulté de la dissémination de la maladie par des gens se déplaçant pour échapper au virus ou pour chercher de l’aide.</p>
<p>Le virus Ebola ne tue pas en 24 h : sa période d’incubation est comprise entre deux et 21 jours. À mesure que le virus se multiplie dans leur corps, la maladie des personnes infectées s’aggrave. Certaines études sur l’épidémie précédente en Guinée ont mis en évidence que la durée moyenne entre l’apparition des symptômes et le décès <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4434807/">était de huit jours</a>.</p>
<p>Disposer d’une frise chronologique est donc crucial pour pouvoir déterminer à qui les personnes infectées ont pu transmettre le virus.</p>
<p>2) Seconde question majeure : quelle est la source de l’infection ? Comment les victimes ont-elles été infectées ?</p>
<p>Le savoir aide les équipes de surveillance à déterminer si une personne infectée était le cas index, c’est-à-dire le premier cas, et à identifier ses contacts. Dans le cas où la source n’est pas connue, cela signifie qu’il pourrait y avoir d’autres cas non identifiés aux alentours.</p>
<p>Une fois que le virus a infecté une première personne, premier cas est infecté, nous savons <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/ebola/frequently-asked-questions">qu’il se propage</a> d’un être humain à l’autre par contact direct avec une personne infectée, ou par contact avec des liquides corporels, des cadavres ou des matériaux contaminés.</p>
<p>3) La dernière – et plus importante – question est la suivante : à quelle souche d’Ebola avons-nous affaire ?</p>
<p>Des vaccins sont disponibles pour la <a href="https://www.medscape.com/viewarticle/922973">souche Ebola Zaïre</a>, mais pas pour les autres.</p>
<p>Les rapports que j’ai reçus jusqu’ici indiquent que l’épidémie en cours en Guinée est due à la souche Zaïre.</p>
<h2>Questions épidémiologiques clés</h2>
<p>Plusieurs questions épidémiologiques cruciales nécessitent aussi de recevoir une réponse rapide :</p>
<p>1) Combien de contacts a eu le malade identifié ? Autrement dit, combien de personnes cet individu infecté a-t-il rencontrées jusqu’à présent ?</p>
<p>Il est crucial d’identifier 100 % de ses contacts, car en manquer un seul peut faire courir le risque d’une épidémie. Il faut pour cela retracer les déplacements des malades, interroger les familles, les amis et les lieux où ils auraient pu se faire soigner. La recherche des contacts nécessite un complexe travail de détective.</p>
<p>Dans le cas de la récente épidémie en Guinée, les personnes infectées avaient assisté <a href="https://time.com/5939733/guinea-ebola-epidemic/">à l’enterrement d’une infirmière</a>. Avoir connaissance de cet événement est crucial, car cela permet à l’équipe de commencer à cartographier la propagation potentielle de la maladie. Le fait que l’événement ait été un enterrement, qui plus est celui d’une infirmière, indique qu’il s’agit d’une situation super-propagatrice. En effet, les proches qui assistent aux funérailles ont souvent parcouru de longues distances pour s’y rendre, et peuvent même venir d’autres pays.</p>
<p>Sachant cela, des mesures peuvent être prises, notamment en alertant les pays voisins. En 2016, les contrôles aux frontières ont fonctionné : des personnes infectées, qui avaient fui la Guinée pour se réfugier chez des parents au Liberia, ont pu être identifiées.</p>
<p>Dans le cas présent, le fait que la victime ait été une infirmière suggère qu’une épidémie plus importante, non détectée, pourrait être en cours.</p>
<p>2) Que sait-on des caractéristiques démographiques la démographie du malade à l’origine de l’alerte (âge, origine ethnique, profession et activités économiques) ?</p>
<p>Connaître ces éléments permet de déterminer avec qui la personne a pu entrer en contact. Par exemple, en 2014, un individu infecté en Guinée est passé en Sierra Leone pour se faire soigner par un guérisseur traditionnel de son groupe ethnique. Cela a ouvert la voie à la plus grande épidémie de Sierra Leone, qui s’est ensuite propagée au Liberia.</p>
<p>3) Quels ont été les déplacements de la personne infectée, et combien d’endroits a-t-elle visités une fois tombée malade ?</p>
<p>Une carte de transmission doit être établie, répertoriant tous les mouvements du malade et lieux où la transmission a pu être possible, y compris les hôpitaux, les cliniques et les endroits où exercent les guérisseurs traditionnels. Si le cas index s’est déplacé en utilisant les transports publics, les journaux de bord des véhicules et les déplacements des autres passagers doivent être consultés.</p>
<p>Au Liberia, nous avons travaillé avec les syndicats des transports, visité les hôpitaux et examiné les dossiers des patients. Nous avons travaillé avec des motards assurant des prestations commerciales afin d’établir des cartes de transmission complexes permettant de déterminer le nombre total de contacts, les lieux où ils se sont produits et le statut des personnes concernées.</p>
<p>La raison pour laquelle cette approche est essentielle est que le contrôle du virus Ebola repose sur un principe de « tout ou rien » : il est nécessaire d’identifier 100 % des contacts et de les tracer afin de s’assurer qu’aucun n’a échappé à la surveillance, tombant malade et mourant au sein de sa communauté, ce qui pourrait initier une nouvelle chaîne de transmission.</p>
<p>Tant que chacune de ces questions restera sans réponse, les pays voisins de celui où s’est déclarée l’épidémie doivent agir comme si elle concernait leur propre territoire : au Liberia, un <a href="https://frontpageafricaonline.com/county-news/liberia-health-authorities-testing-suspected-ebola-case-urge-calm/">cas suspect provenant de Guinée a déjà été signalé</a>.</p>
<h2>Les prochaines étapes</h2>
<p>Les gouvernements de ces pays doivent maintenir les niveaux élevés de vigilance et de préparation qu’ils ont mis en place. Tout doit être fait pour éviter que le virus Ebola ne pénètre dans les zones les plus densément peuplées.</p>
<p>La surveillance doit être particulièrement renforcée dans les villes frontalières. Les équipes de surveillance doivent être attentives aux symptômes suivants : fièvre, maux de tête, douleurs articulaires et rougeur des yeux. Les activités de surveillance doivent également s’attacher à identifier les groupes ethniques auxquels appartiennent les malades. Il est préférable de détecter tous les cas potentiels, plutôt que de risquer d’en manquer un.</p>
<p>Lorsqu’ils sont disponibles, les <a href="https://investor.regeneron.com/news-releases/news-release-details/regenerons-antibody-cocktail-regn-eb3-inmazebr-first-fda">médicaments</a> et <a href="https://www.who.int/groups/icg/ebola-virus-disease/ebola-stockpiles">vaccins</a> capables de traiter la maladie doivent pouvoir être déployés rapidement.</p>
<p>Les épidémies dues au virus Ebola commencent et se terminent au sein de la communauté. Pour cette raison, il est essentiel d’en impliquer les membres, de les informer, et de leur donner les moyens de s’exprimer, pour qu’elles puissent signaler toute anomalie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155679/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mosoka Fallah ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Ebola a déclenché une nouvelle épidémie en Guinée. Face à cette flambée, les pays d’Afrique de l'Ouest sont mieux préparés qu’ils ne l’étaient sept ans en arrière.
Mosoka Fallah, Part-time lecturer at the Global Health & Social Medicine, Harvard Medical School, and Lecturer at the School of Public Health, College of Health Sciences, University of Liberia
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tag:theconversation.com,2011:article/136707
2020-05-13T18:56:45Z
2020-05-13T18:56:45Z
Comment réinventer les rites funéraires en temps de Covid-19 ?
<p>Face à l’épidémie de Covid-19 en Afrique, se préparer à la prise en charge des malades oblige également à anticiper les décisions concernant la manière dont seront réalisés les rites funéraires. L’anthropologie a bien montré que ceux-ci commencent dès l’apparition des premiers signes annonciateurs de la mort. Ils se poursuivent après l’enterrement jusqu’à <a href="https://books.google.fr/books/about/Rites_de_mort.html?id=-1bsPAAACAAJ&redir_esc=y">l’ancestralisation</a>.</p>
<p>Ils englobent un ensemble de rituels, de cérémonies, de soins qui sont autant d’impératifs culturels ou religieux perçus comme importants à respecter. Le respect des règles de biosécurité nécessaires à la prévention de la transmission de la maladie en contexte épidémique a un impact direct sur les différentes pratiques funéraires. C’est aussi important pour l’accompagnement de fin de vie que pour le traitement du corps des défunts ou les cérémonies collectives.</p>
<h2>Qu’avons-nous appris de l’épidémie d’Ebola ?</h2>
<p>Les études épidémiologiques ont montré que certains rites funéraires contribuaient à la propagation de l’épidémie d’Ebola. D’où la mise en place de procédures d’« enterrements sécurisés » confiés à des <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/272720/9789242549607-fre.pdf">agents sanitaires spécialisés</a>. Ces agents devaient réaliser un dépistage de la maladie Ebola pour tous les défunts, avec – durant la période épidémique —, une obligation de déclaration de la cause du décès. Ils devaient aussi respecter, entre autres, l’interdiction de déplacement et de manipulation des corps par les familles.</p>
<p>Dans tous les pays où elles ont été appliquées, ces modalités de soins mortuaires et d’inhumation ont heurté de manière frontale les pratiques funéraires habituelles. Les habitants y ont souvent vu un <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=64872">manque de respect</a> à l’égard des défunts, de la famille, et plus largement des populations. La prise en compte des valeurs et pratiques sociales des populations a <a href="http://www.who.int/csr/resources/publications/ebola/safe-burials/fr/">conduit l’OMS</a> et d’autres institutions à faire évoluer les procédures d’enterrement et à recommander des <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/149397/WHO_EVD_GUIDANCE_Burials_14.2_fre.pdf">« enterrements dignes et sécurisés »</a> (EDS) ou des « inhumations sans risque et dans la dignité ». La dignité́ renvoie ici au respect des pratiques culturelles et religieuses en accord avec la famille des victimes. La sécurisation veut dire le respect des règles de biosécurité.</p>
<p>Malgré ces <a href="https://www.canal-u.tv/video/smm/ebola_ce_n_est_pas_une_maladie_pour_rire.13710">efforts croissants d’humanisation, amorcés depuis 2003</a> à l’initiative d’anthropologues <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01090299/">lors des épidémies précédentes</a>, ces mesures n’ont pas toujours été acceptées. Elles ont même parfois conduit à des révoltes violentes – y compris des assassinats – à l’encontre d’acteurs sanitaires ou de fonctionnaires de l’État.</p>
<h2>Ce que nous savons du Covid-19</h2>
<p>Dans l’état actuel des connaissances sur le SARS-CoV-2 (Covid-19), le risque infectieux lié à la manipulation des cadavres <a href="https://www.chp.gov.hk/files/pdf/grp-guideline-hp-ic-precautions_for_handling_and_disposal_of_dead_bodies_en.pdf">serait comparable</a> à celui du VIH (sida), du VHC (hépatite C), du SARS-CoV (syndrome respiratoire aigu sévère, SARS), du H5N1 (grippe aviaire) ou encore du MERS-CoV (syndrome respiratoire du Moyen-Orient).</p>
<p>Dans un premier <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/331538/WHO-COVID-19-lPC_DBMgmt-2020.1-eng.pdf">document d’orientation provisoire</a>, l’OMS précise qu’il n’existe pas de preuve qu’il y a un risque d’infection suite à une exposition aux corps de personnes décédées du Covid-19. Néanmoins, jusqu’à plus amples informations, un principe de précaution est appliqué.</p>
<p>Nous tenons à souligner que ces recommandations de l’OMS ne prennent pas en compte la phase importante d’accompagnement de fin de vie. Or, une réflexion complémentaire devra impérativement être produite sur ce moment essentiel des rites funéraires pour les familles et le respect de la dignité de la personne.</p>
<h2>Que faire aujourd’hui ?</h2>
<p>Les pratiques recommandées de l’OMS sont globalement moins contraignantes que celles en vigueur lors de l’épidémie d’Ebola. Toutefois, leur application va nécessiter des ajustements aux pratiques habituelles. Il s’agit, d’une part, de mettre en œuvre des règles de biosécurité par les thanatopracteurs professionnels et coutumiers qui devront être munis d’Équipements de protection individuelle (EPI) adéquats, de savons et d’antiseptiques. D’autre part, il faut interdire à tous les proches tout contact physique avec le corps une fois que celui-ci est apprêté, appliquer une distance d’un mètre avec la dépouille. La mise à distance des personnes âgées, de plus de 60 ans ou médicalement vulnérable du fait d’une maladie, est également indiquée. Cette application pourrait s’avérer encore plus complexe du fait de la déclinaison locale des recommandations élargissant les interdits par souci d’accroître localement le respect d’un principe de précaution, notamment pour les professionnels de la santé ou de la thanatopraxie.</p>
<p><strong>Adapter l’interdiction des regroupements à l’impératif social d’accompagner « son mort »</strong></p>
<p>Les recommandations formulées pour les rites funéraires viennent par ailleurs en complément des mesures d’interdiction des regroupements. En milieu urbain comme en milieu rural, selon le prestige social du défunt, il est habituel que plusieurs dizaines voire centaines de personnes soient présentes à la cérémonie. La spontanéité et le sentiment d’obligation sociale de participer à l’événement incitent à penser qu’il sera peut-être difficile d’interdire ces regroupements.</p>
<p>Au Sénégal, les témoignages rapportés des inhumations de deux célébrités nationales (<a href="http://aps.sn/actualites/article/pape-diouf-enterre-dans-la-stricte-intimite-familiale">M. Papa Mababa Diouf dit Pape Diouf</a> à Dakar, puis <a href="http://aps.sn/actualites/article/golbert-diagne-inhume-dans-l-intimite-familiale-a-saint-louis">M. Alioune Badara Diagne</a> dit Golbert à Saint-Louis), fin mars 2020, dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire Covid-19, montrent que la population s’est abstenue de participer aux inhumations, respectant ainsi scrupuleusement les interdictions.</p>
<p>C’est à travers les réseaux sociaux qu’une part importante des messages de condoléances ont été exprimés. Les usages généralisés de la téléphonie mobile et de la communication par Internet pourraient ainsi pallier, en attendant de trouver mieux, les regroupements funéraires. Ces médias sont déjà couramment employés pour le partage de photos mortuaires ou de vidéos de cérémonies qui sont envoyées aux membres de la famille qui résident à l’étranger ou inversement, comme en Italie, pour apposer de signes de condoléances sur des cercueils (par exemple des dessins d’enfants), ou envoyer aux morts, par téléphone, des paroles d’accompagnement tout juste avant l’inhumation ; ils ont été fréquemment utilisés dans les pays confrontés à l’épidémie d’Ebola.</p>
<p><strong>Prendre également en compte les rites funéraires syncrétiques</strong></p>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/jafr_0399-0346_2002_num_72_2_1314">Les recherches en anthropologie</a> ont montré une grande <a href="https://www.jstor.org/stable/20065095?seq=1">variété de pratiques funéraires</a>, au-delà des seules religions instituées ou importées, avec de fréquents processus de déclinaisons locales, lignagères ou familiales des éventuelles recommandations faites par des dignitaires religieux.</p>
<p>Des pratiques rituelles valorisées par la culture ou les pratiques syncrétiques peuvent être mises en œuvre par des proches (familles, lignages, groupes culturels, groupes d’initiés…) indépendamment des responsables religieux. Elles concernent aussi bien le traitement du corps que sa durée de conservation avant l’inhumation et les cérémonies qui entourent la période du décès. Le réaménagement de tels rites, dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, doit être abordé localement en tenant compte de ces différentes pratiques.</p>
<p><strong>Anticiper pour éviter les réactions de désapprobation sociale, les polémiques ou les violences</strong></p>
<p>Afin de prévenir l’émergence de polémiques voire de conflits liés aux aménagements des rites funéraires, il est nécessaire de promouvoir des débats sur le sujet, au plus tôt et avant même une augmentation du nombre des décès. Il importe d’y associer les responsables religieux de différentes confessions, les « chefs traditionnels » et autres leaders locaux (membres d’associations de femmes, de jeunes, de chasseurs, de syndicats, etc.) afin de les informer des risques sanitaires liés aux pratiques et rites funéraires ; de les inviter à une réflexion et à l’élaboration d’adaptations des pratiques permettant de marquer le respect qui est dû au défunt tout en garantissant l’application des mesures sanitaires ; et, enfin, de leur demander d’informer de manière claire les populations dont ils sont les référents spirituels, moraux ou politiques.</p>
<p><strong>Co-construire les modalités d’adaptation et les pratiques de résilience</strong></p>
<p>Les efforts ne seront jamais suffisants pour se préparer à la diversité des situations qui ne manqueront pas d’émerger. Aussi, il est important que les comités de lutte contre les épidémies prennent l’initiative d’élaborer des procédures d’accompagnement des mourants et d’aménagement des rites funéraires, articulant mesures bio-sanitaires et impératifs socio-culturels, sur la base d’un travail interdisciplinaire avec des autorités religieuses et traditionnelles et des chercheurs en anthropologie expérimentés sur ce sujet.</p>
<p>Les expériences de diverses institutions et les recherches en anthropologie montrent en effet l’importance de renforcer la capacité des équipes d’intervention à élaborer, avec les familles, des adaptations et des pratiques de résilience au cas par cas, et cela sans jamais transiger sur le respect des impératifs de biosécurité, de la dignité du défunt et des exigences culturelles ou religieuses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Firmin Kra est Doctorant en Anthropologie de la santé à l'Université Alassane Ouattara, associé à la Chaire Unesco de Bioéthique et membre du Réseau Anthropologie des Epidémies Emergentes. Il a reçu des financements de l'IRD dans le cadre d'une Jeune Equipe Associée à l'IRD (JEAI) sur le programme "Rites funéraires et épidémies en Côte d'Ivoire". Il bénéficie actuellement d'une bourse doctorale de l'IRD et est rattaché au Laboratoire Population, Environnement et Développement (LPED). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marc Egrot est le référent scientifique pour le LPED (Laboratoire Population Environnement Développement) de la Jeune équipe associée à l'IRD (JEAI) intitulée Rites Funéraires et Épidémies en Côte d'Ivoire (<a href="https://www.ird.fr/la-recherche/jeunes-equipes-associees-a-l-ird-jeai/jeunes-equipes-associees-a-l-ird-jeai/jeai-en-cours-de-soutien-par-zone-geographique/afrique-de-l-ouest-et-centrale/jeai-rif-pic-cote-d-ivoire-2017-2019">https://www.ird.fr/la-recherche/jeunes-equipes-associees-a-l-ird-jeai/jeunes-equipes-associees-a-l-ird-jeai/jeai-en-cours-de-soutien-par-zone-geographique/afrique-de-l-ouest-et-centrale/jeai-rif-pic-cote-d-ivoire-2017-2019</a>) coordonnée par la Chaire Unesco de Bioéthique de l'Université Alassane Ouattara (UAO) à Bouaké en Côte d'Ivoire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bernard Taverne, Francis Akindès, Gabriele Laborde-Balen et Khoudia Sow ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
L’accompagnement de fin de vie et le traitement du corps des défunts demeurent des aspects importants de la gestion de la crise du Covid-19. Voici comment on pourrait s’y prendre.
Bernard Taverne, Anthropologue, médecin, U1175, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Firmin Kra, Doctorant en anthropologie de la santé, Université Alassane Ouattara de Bouaké
Francis Akindès, Professeur de sociologie, Université Alassane Ouattara de Bouaké
Gabriele Laborde-Balen, Anthropologue, Centre Régional de Recherche et de Formation à la prise en charge Clinique de Fann (CRCF, Dakar), Institut de recherche pour le développement (IRD)
Khoudia Sow, Chercheuse en anthropologie de la santé (CRCF), Institut de recherche pour le développement (IRD)
Marc Egrot, Anthropologue, médecin et chargé de recherche à l'IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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tag:theconversation.com,2011:article/135835
2020-04-26T18:52:21Z
2020-04-26T18:52:21Z
Les difficiles pistes à suivre pour essayer de développer rapidement un vaccin contre le SARS-CoV-2
<p>Le Covid-19 a soudainement arrêté les échanges économiques et sociaux à travers le monde. Pour l’instant, les administrations doivent mettre en place des politiques de confinement social pour minimiser l’impact de la pandémie. Mais à plus long terme, un vaccin contre le SARS-CoV-2 est la <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-yves-levy-si-le-sars-cov-2-persiste-seul-un-vaccin-pourra-diminuer-le-risque-de-pandemie-136067">meilleure garantie</a> d’un retour à une situation normale.</p>
<p>Dans le meilleur des cas, le développement d’un nouveau vaccin <a href="https://vaccination-info-service.fr/Generalites-sur-les-vaccinations/Qualite-securite-et-efficacite-des-vaccins/Securite-et-qualite-des-vaccins">s’étend sur quelques années</a>. Mais pour faire face à l’urgence de la situation, les sociétés de biotechnologies et les agences du médicament se sont lancées dans des programmes de recherche audacieux pour disposer d’un vaccin contre le Covid-19 aussi vite que possible.</p>
<p>Mon <a href="https://peccoud.org">programme de recherche</a> utilise la <a href="https://lejournal.cnrs.fr/billets/labc-de-la-biologie-de-synthese">biologie de synthèse</a> pour développer de nouveaux processus de fabrication de produits biologiques. Je suis fasciné par cet effort sans précédent de pousser les limites des stratégies de développement de vaccins. Des groupes de recherche publics et privés ont adopté des technologies d’avant-garde, comme les <a href="https://theconversation.com/demain-vacciner-grace-a-ladn-125267">vaccins à ADN</a>, les <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2019/09/msc190192/msc190192.html">vaccins a ARN</a> ou les <a href="https://www6.inrae.fr/productions-animales/2008-Volume-21/Numero-1-2008/Les-vecteurs-viraux-outils-modernes-de-vaccination">vaccins vectorisés</a>. Comme ces types de vaccins n’ont jamais été testés à grande échelle, ces programmes de recherche, s’ils sont fructueux, pourraient fournir des outils essentiels pour combattre les futures épidémies de Covid-19 et d’autres virus qui émergeront un jour ou l’autre.</p>
<h2>Comment marchent les vaccins</h2>
<p>Lorsque le corps rencontre un virus pour la première fois, il lui faut environ 2 à 3 semaines pour mettre en place <a href="https://www.msss.gouv.qc.ca/professionnels/vaccination/piq-immunologie-de-la-vaccination/fonctionnement-du-systeme-immunitaire/">l’immunité adaptative</a> qui produit entre autres des anticorps. Ça laisse au virus tout le temps nécessaire pour se reproduire et pour rendre quelqu’un très malade.</p>
<p>Toutefois, le système immunitaire a une mémoire qui lui permet de réagir beaucoup plus vite à un virus auquel il a déjà été exposé. Ça lui permet de neutraliser l’envahisseur avant qu’il n’ait le temps de s’établir.</p>
<p>Le principe du vaccin est de donner au corps l’occasion de monter des mécanismes de défense contre un virus qu’il pourrait rencontrer un jour. Cette préparation ne conduit <a href="https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Aspects-scientifiques/Epidemiologie/Mesure-de-l-efficacite-vaccinale">pas toujours à des défenses impénétrables</a> ; il arrive que la réponse immunitaire au vaccin soit faible et que la protection qui en résulte soit seulement partielle, mais une protection partielle est toujours bonne à prendre.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=458&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323043/original/file-20200325-168889-1r37mj7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=576&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les vaccins existent depuis environ 150 ans, et leurs bases scientifiques ont peu changé, jusqu’à récemment.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/Vaccine-Opposition-History/30ff2f6680e941ee9c6dd66c1cb9c951/1/0">AP</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La méthode traditionnelle pour produire un vaccin consiste à cultiver le virus et injecter aux patients une préparation de virus dit « inactivé », qui ne peut pas les rendre malades. Leur corps détecte néanmoins des molécules virales qui suffisent à déclencher la réaction d’immunité adaptative ainsi que la mémoire immunitaire. Après avoir été exposé à ces virus « morts », le système immunitaire serait donc à l’avenir capable de reconnaître et de se défendre contre le virus s’il venait à le rencontrer.</p>
<p>Le problème, c’est qu’il peut être compliqué de développer un processus industriel de culture d’un nouveau virus. À supposer qu’un tel processus soit disponible, il y a des chances pour qu’il soit lent, assez difficile et peut-être même dangereux. À titre d’exemple, la production du vaccin pour la grippe se fait en cultivant le virus dans des millions d’œufs de poule. Un cycle de production prend des mois. De plus, quand on a affaire à un virus pour lequel on n’a ni vaccin ni traitement, ce n’est pas forcément une bonne idée de cultiver ce virus à grande échelle. Un accident industriel qui occasionnerait une fuite pourrait aggraver une situation déjà précaire.</p>
<p>Dans le combat contre le SARS-CoV-2, chaque jour compte. Plus de <a href="https://www.pourlascience.fr/sr/covid-19/vaccin-contre-le-covid-19-ou-en-est-on-19195.php">100 groupes privés et publics</a> se tournent vers de nouvelles méthodes avec l’espoir qu’elles seront plus rapides et plus sûres que l’approche traditionnelle.</p>
<h2>Les vaccins à base de protéines</h2>
<p>Plutôt que d’injecter le virus entier, il est possible de vacciner une personne en n’injectant que l’un des éléments du virus. Les composants les plus communément utilisés sont les protéines qui se trouvent à la surface du virus. Lorsqu’un virus entre dans le corps, ces protéines de surfaces sont les premières à être détectées par le système immunitaire. Produire une seule protéine est plus simple, plus rapide, et potentiellement moins dangereux que de produire le virus lui-même.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323024/original/file-20200325-168918-dqvp4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En utilisant les protéines qui se trouvent à la surface du virus, il est possible de produire un vaccin sans cultiver le virus lui-même, ce qui peut-être dangereux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/coronavirus-3d-realistic-model-isolated-on-royalty-free-illustration/1211861940?adppopup=true">Ayvengo/iStock</a></span>
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<p>Deux sociétés, <a href="https://www.sanofi.fr/fr/Actualites/nos-actualites/covid-19-une-contribution-scientifique-majeure-de-sanofi">Sanofi</a> et <a href="https://theconversation.com/antiviraux-et-vaccins-le-point-sur-les-pistes-pour-freiner-le-coronavirus-134469">Novawax</a>, développent des vaccins basés sur la protéine en forme de pointe qui donne au virus SARS-CoV-2 sa forme caractéristique.</p>
<p>Les vaccins à base de protéines, dits vaccins « recombinants », sont déjà utilisés contre des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cervarix">infections virales communes comme le HPV</a>. Ils sont beaucoup plus simples à produire que des vaccins à base de virus entiers. Ceci étant, le développement d’un processus industriel peut quand même prendre un an, et une fois développé, chaque cycle de production prend plusieurs semaines.</p>
<p>Aujourd’hui, on a besoin d’une solution plus rapide pour le Covid-19. Les vaccins expérimentaux en développement à l’heure actuelle sont soit à base de virus porteurs, soit à base de gènes (ADN ou ARN).</p>
<h2>Vaccins à base de gènes</h2>
<p>Théoriquement, le moyen le plus simple d’obtenir un vaccin serait de faire produire la protéine du virus par les cellules du patient lui-même. À cet effet, les chercheurs se tournent vers la génétique.</p>
<p>L’approche la plus évidente utilise l’ADN. Les virus introduisant naturellement leur bagage génétique dans les cellules et utilisant la machinerie cellulaire pour produire les protéines virales, il est possible de faire produire artificiellement une protéine virale à nos cellules. Pour cela, le gène codant pour la protéine virale est injecté dans les cellules du patient en espérant qu’une petite fraction de cet ADN atteigne le noyau de la cellule dans lequel le gène sera transcrit en ARN qui pourrait être, à son tour, traduit en protéine par la cellule. Cette protéine d’origine virale intégrerait alors la membrane plasmique de la cellule, où elle serait détectée comme une <a href="https://www.em-consulte.com/en/article/87766">protéine anormale par le système immunitaire</a>. En pratique, il est difficile de faire produire suffisamment de protéine par cette voie. Trop peu d’ADN atteint le noyau cellulaire pour produire la protéine virale en quantité suffisante pour conduire à une réponse immunitaire satisfaisante.</p>
<p><a href="https://dx.doi.org/10.3390%2Fijms19113605">Aucun vaccin à ADN</a> pour usage humain n’a encore été approuvé par la Food and Drug Administration (FDA), l’équivalent américain de <a href="https://ansm.sante.fr/Dossiers/Vaccins/L-ANSM-et-les-vaccins/(offset)/0">l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament</a>. Mais il y a des progrès encourageants. Par exemple, en 2016, plusieurs groupes ont obtenu des <a href="https://www.revmed.ch/RMS/2016/RMS-N-536/Virus-Zika-de-la-recherche-au-vaccin">vaccins expérimentaux contre le Zika virus</a> en utilisant cette stratégie. Aujourd’hui, la société <a href="https://www.lepoint.fr/sante/un-vaccin-anti-zika-bientot-teste-sur-des-humains-17-02-2016-2019114_40.php">INOVIO Pharmaceuticals, Inc</a> poursuit cette direction pour développer un vaccin à ADN contre le SARS-CoV-2 connu sous le nom de <a href="https://www.news-medical.net/news/20200414/96/French.aspx">INO-4800</a>.</p>
<p>Le facteur limitant l’efficacité des vaccins à ADN est la difficulté à faire parvenir l’ADN dans le noyau cellulaire où il puisse être transcrit en ARN. Par conséquent, les vaccins à ARN offrent une stratégie alternative qui évite ce goulot d’étranglement. En effet, l’ARN peut être traduit en protéine dès qu’il entre dans la cellule. Cette méthode produit donc une <a href="https://doi.org/10.1038/nrd.2017.243">réponse immunitaire plus forte</a> que l’ADN.</p>
<p>Malheureusement, <a href="http://www.societechimiquedefrance.fr/ARN.html">l’ARN est beaucoup moins stable que l’ADN</a>. Il a tendance à se dégrader très rapidement.</p>
<p>Cette limitation ne décourage pas plusieurs groupes de tenter cette approche. En particulier, <a href="https://www.modernatx.com/modernas-work-potential-vaccine-against-covid-19">Moderna</a> a développé aux États-Unis un candidat nommé mRNA-1273, qui est suffisamment prometteur pour que le National Institutes of Health <a href="https://investors.modernatx.com/news-releases/news-release-details/moderna-announces-first-participant-dosed-nih-led-phase-1-study">initie un essai clinique le 16 mars</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323048/original/file-20200325-168894-1itau83.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le 16 mars 2020, Jennifer Haller, une Américaine, est la première personne à tester le vaccin expérimental de Moderna.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.apimages.com/metadata/Index/APTOPIX-Virus-Outbreak-Vaccine/6edb4126639e4c1b970ba42a45a4c226/18/0">Ted S. Warren/AP</a></span>
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</figure>
<p>Un des avantages des vaccins à ADN et ARN est leur processus de fabrication qui est assez simple et standardisé (le même processus de fabrication peut être utilisé pour différents vaccins). Les <a href="https://doi.org/10.1089/hum.2017.159">vaccins à ADN sont produits dans des bactéries</a> qui poussent en 12 heures. Pour leur part, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.smim.2013.05.001">vaccins à ARN sont produits par une réaction biochimique</a> qui ne prend que quelques heures dans un tube a essai. Les vaccins à base de gènes, ADN et ARN, pourraient être produits beaucoup plus rapidement que les vaccins produits par des cellules animales, dont les cultures sont toujours beaucoup plus lentes.</p>
<h2>Les vaccins à base de virus porteurs</h2>
<p>Le principal problème des vaccins à base de gènes est de faire parvenir l’ARN ou l’ADN dans les cellules où ils peuvent être lus par la machinerie cellulaire et aboutissent à l’expression d’une protéine virale. Une solution élégante à cette difficulté consiste à utiliser un virus non pathogène (qui ne provoque pas de maladie) comme vecteur pour livrer le gène aux cellules. Les virus sont doués pour pénétrer dans les cellules. Une fois qu’un virus porteur d’un gène du SARS-CoV-2 est à l’intérieur d’une cellule, il peut utiliser la machine cellulaire pour produire la protéine virale et déclencher une réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2.</p>
<p>Cette technique est employée par <a href="https://gmpnews.net/2020/03/cansino-bio-is-starting-human-testing-of-a-recombinant-vaccine-against-covid-19/">CanSino Biologics</a>, une société basée a Hongkong. Ils ont inséré dans un <a href="https://www.cdc.gov/adenovirus/index.html">adénovirus</a> le gène qui code pour la protéine en pointe du SARS-CoV-2. Il y a quelques années, ils avaient utilisé une approche similaire pour produire le <a href="https://www.fiercepharma.com/vaccines/china-s-cansino-pushes-coronavirus-vaccine-into-clinical-testing-as-moderna-doses-1st">premier vaccin contre Ebola</a>. Le gouvernement chinois a démarré des <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04313127">essais cliniques de l’adénovirus modifié pour en faire un vaccin anti-coronavirus</a>.</p>
<p>La production de vaccins vectorisés est plus lente que la production de vaccins à ADN ou ARN, car elle implique la culture de cellules animales. Cependant, la production de ce type de vaccins bénéficie de processus industriels standardisés qui reposent sur des virus optimisés pour être faciles à produire en quantités industrielles.</p>
<h2>Contrôler l’épidémie avec des vaccins imparfaits</h2>
<p>Il est indéniable que la vitesse des programmes de développement de vaccins anti-Covid-19 est sans précédent, mais cela ne garantit pas pour autant qu’un vaccin sera disponible rapidement. Le fait que différentes approches soient poursuivies simultanément peut donner l’impression d’une certaine confusion et peut-être même d’efforts désespérés en réponse à l’urgence de la situation. En réalité cette diversité d’approches complémentaires est très rassurante, car elle augmente les chances de succès.</p>
<p>Il est peu probable que les premiers vaccins soient très efficaces et faciles à produire en quantités suffisantes pour répondre à une demande globale. L’hypothèse la plus raisonnable est que plusieurs vaccins vont émerger de ces programmes. L’efficacité de ces premiers vaccins risque d’être limitée comme l’est celle du <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/archives/grippe-en-pleine-activite-et-efficacite-moderee-du-vaccin-les-gestes-de-protection-rappeles">vaccin contre la grippe</a>. Mais ces vaccins pourront sans doute être produits avec différentes infrastructures industrielles. Même si ces vaccins n’assurent pas une protection à 100 % des individus vaccinés, ils pourront <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunit%C3%A9_gr%C3%A9gaire">contrôler l’épidémie actuelle et prévenir le développement d’épidémies futures</a> dans la mesure où ils peuvent être produits rapidement en quantités suffisantes pour vacciner de larges fractions de la population.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été adapté de l’anglais avec l’aide <a href="https://www.linkedin.com/in/agn %C3 %A8s-candiotti-ab3322104/">d’Agnès Candiotti</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>JP holds an equity stake in GenoFAB Inc., a company that may benefit or may be perceived to benefit from the publication of this article. </span></em></p>
Pour développer rapidement un vaccin contre le coronavirus, des technologies d’avant-garde qui n’ont pas encore été testées à grande échelle sont explorées.
Jean Peccoud, Professor, Abell Chair in Synthetic Biology, Colorado State University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/136311
2020-04-21T16:33:28Z
2020-04-21T16:33:28Z
Repenser fondamentalement le concept de santé publique
<p>Le terme de santé publique est devenu depuis le début de cette année l’un des plus employés tant par les spécialistes que par le grand public ou par nos dirigeants.</p>
<p>Jamais nous n’avons autant entendu parler de santé publique. Sur toutes les lèvres, l’expression fait la une des médias, est brandie par toutes les autorités, tous les gouvernements. En son nom, des mesures exceptionnelles sont appliquées sur une grande partie de la planète (état d’urgence sanitaire, confinement) malgré leur impact radical sur l’économie ou la vie quotidienne.</p>
<p>Professionnel de santé publique, je n’aurais jamais pensé que le domaine dans lequel j’exerce et que j’essaie de défendre depuis si longtemps serait ainsi « projeté en haut de l’affiche », comme le disait Charles Aznavour.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329379/original/file-20200421-82677-s5uoxm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plus de 34 millions d’occurrences sur l’expression « santé publique » au 21 avril 2020.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.com/search?q=sant%C3%A9+publique&source=lnms&tbm=nws&sa=X&ved=2ahUKEwitzZ2e-fjoAhUuyIUKHQDXANcQ_AUoAXoECBUQAw&biw=1173&bih=576">Google, 21 avril</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais quelle est la réalité de la santé publique ? Comment est-elle perçue et reçue pendant cette crise ?</p>
<h2>Revoir comment agir sur la santé d’une population</h2>
<p>Tout d’abord comment définir la santé publique ? Les définitions sont multiples. Dans un petit ouvrage précédent, j’avançais que la santé publique était une nécessaire alliance entre connaissances scientifiques, décision politique et mobilisation collective pour construire ensemble une <a href="https://www.presses.ehesp.fr/produit/sante-publique-questions/">société en santé</a>.C’est un effort collectif d’une communauté, d’un pays pour protéger et promouvoir la santé de sa population.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=794&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329380/original/file-20200421-82658-1805k84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=998&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Affiche « vintage » de sensibilisation à la syphilis. États-Unis, non datée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/pictures/160000/velka/vintage-public-health-poster-1460196211W9p.jpg">Public domain</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Je reste convaincu que cette définition reste valable et devra nous animer dans « l’après-crise ».</p>
<p>Mais, pour mieux comprendre ce que nous vivons, il me semble important de revoir la notion même de santé.</p>
<h2>La notion de santé</h2>
<p>Il est temps de faire évoluer la définition très abstraite et utopiste d’un complet état de bien-être physique, mental et social, qui fut élaborée par l’OMS lors l’adoption de <a href="https://www.who.int/fr/about/who-we-are/constitution">sa constitution en 1946</a>.</p>
<p>Les épisodes que nous vivons depuis de nombreuses années, y compris en lien avec le changement climatique, montrent l’importance majeure des interactions avec notre environnement. Dès les années 60, le chercheur René Dubos complète et corrige la définition de l’OMS en <a href="https://www.worldcat.org/title/homme-et-ladaptation-au-milieu/oclc/25393631">proposant</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Un état physique et mental relativement exempt de gêne ou de souffrance qui permet à l’individu de fonctionner aussi efficacement et aussi longtemps que possible dans le milieu où le hasard ou le choix l’ont placé ».</p>
</blockquote>
<p>Ainsi le milieu (l’environnement) prend toute sa place, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif.</p>
<p>Si on s’intéresse de plus près à la situation engendrée par cette pandémie, il est peut-être également temps de reprendre un schéma très classique en santé publique lorsque l’on s’intéresse aux maladies transmissibles.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/329378/original/file-20200421-82658-1ceog2u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le schéma de la santé publique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Chambaud</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ce schéma, très simple, illustre un fait essentiel pour comprendre la situation induite par l’irruption de ce virus et les mesures qui peuvent être prises pour lutter contre la propagation de la maladie. Nos interventions peuvent avoir trois cibles : soit agir sur le virus (en trouvant des thérapeutiques efficaces), soit renforcer les défenses de l’hôte (en l’occurrence l’espèce humaine, notamment par le vaccin), soit agir sur l’environnement (par exemple en cassant la chaîne de transmission par l’intermédiaire des fameux « gestes barrière » ou en permettant d’éviter un passage de l’animal à l’homme).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-ou-la-pandemie-dune-biodiversite-maltraitee-134712">Covid-19 ou la pandémie d’une biodiversité maltraitée</a>
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<p>Cette vision associant l’agent pathogène, l’hôte et l’environnement ne se limite pas à la santé humaine. Elle est couramment admise et utilisée également dans les domaines de la santé animale ou de la santé végétale.</p>
<p>La situation dans laquelle nous sommes plongés vient surtout nous rappeler qu’il faut nécessairement aborder cette crise en ayant en tête l’interdépendance de toutes les composantes de notre environnement, popularisée par le concept de <a href="https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/one-health-ambitions-defis-et-difficultes-dune-approche-incontournable-pour-la-sante">« one health »</a> afin de rendre lisible et cohérente la stratégie de contrôle mais aussi de prévention.</p>
<p>Et c’est également rappeler, comme le font régulièrement les historiens des épidémies comme <a href="https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200302.OBS25535/les-grandes-epidemies-suscitent-un-melange-de-terreur-et-de-fascination.html">Patrick Zylberman</a>, que l’espèce humaine vit dans un écosystème. C’est en analysant ces interactions qu’il nous faut nous interroger sur les choix de société qui sont devant nous.</p>
<h2>Une coopération entre pays qui n’est pas à la hauteur</h2>
<p>Nous assistons à une pandémie, c’est-à-dire la propagation mondiale d’une <a href="https://www.who.int/csr/disease/swineflu/frequently_asked_questions/pandemic/fr/">nouvelle maladie</a>. Face à cette situation, certaines solidarités ponctuelles se sont manifestées : envoi par la France de matériel médical vers la Chine <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/le-ministere-et-son-reseau/actualites-du-ministere/informations-coronavirus-covid-19/coronavirus-declarations-et-communiques/article/envoi-de-fret-medical-en-solidarite-avec-la-chine-a-destination-des-structures">fin février</a>, transferts de certains patients français vers des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/l-allemagne-la-suisse-le-luxembourg-ces-pays-qui-accueillent-des-malades-francais_2121720.html">hôpitaux allemands, suisses ou luxembourgeois</a>, fonds de solidarité pour les pays de l’Union européenne les plus touchés.</p>
<p>Ces exemples ne masquent toutefois pas l’immense diversité, voire la divergence, des mesures prises par chaque pays. Cette crise est inédite par l’ampleur de ses conséquences, y compris bien au-delà du champ sanitaire. il est donc compréhensible que chaque État souhaite récupérer son autorité de décision.</p>
<p>Pourtant ce contexte montre en parallèle l’intensité et la force de la <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/coronavirus-recherche-mondiale-mobilisee-2020-02-01-1201075651">collaboration internationale entre chercheurs</a> qui avait déjà fait ses preuves lors de l’apparition de l’épidémie du VIH, qui s’est amplifiée avec la crise d’Ebola et qui prend toute son ampleur à l’occasion de cette pandémie.</p>
<p>La communauté scientifique internationale possède maintenant tous les outils et moyens pour communiquer en temps réel. Les échanges sont instantanés. Les productions de résultats sont rapides et la science ouverte progresse. Un effet collatéral de ce que nous vivons sera d’accélérer cette ouverture.</p>
<p>Avec, également, toutes les limites de ce que peut produire la science pour répondre aux attentes immédiates de la population, des décideurs et parfois des professionnels de santé eux-mêmes devant un phénomène inconnu. Quelle est l’efficacité réelle des masques ? Le virus va-t-il disparaître à l’été ? Quels traitements sont efficaces ? Quand arrivera le vaccin ?</p>
<p>Il est pourtant essentiel de mieux coordonner nos actions au plan international. Cela passe probablement par une réflexion sur le <a href="https://theconversation.com/1957-1968-que-nous-enseignent-les-precedents-pics-pandemiques-grippaux-136487">rôle et les missions de l’OMS</a>, largement critiquée pour sa lenteur à agir par les États membres de cette organisation après l’épidémie de H1N1 ou lors de la <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2015/05/11/ebola-le-retard-et-les-defaillances-de-l-oms-critiques-par-des-experts-de-l-onu_4631278_1651302.html">propagation du virus Ebola</a>. Au moment où son rôle devrait être renforcé et sa capacité d’agir confortée, le Président des États-Unis fait le choix de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/15/gel-des-subventions-americaines-en-sanctionnant-l-oms-donald-trump-joue-sur-les-critiques-traditionnelles-du-parti-republicain_6036625_3210.html">l’asphyxier financièrement</a>.</p>
<p>Cela vaut également pour nos institutions européennes, l’organisme de coordination européen dans le domaine de la surveillance de la santé, le <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en">European Centre for Disease Prevention and Control</a> (ECDC), étant totalement inaudible. Et nous devons également balayer devant notre porte, car la voix de l’expertise en santé publique européenne est faible, même si nous avons fait un effort pour rédiger une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00038-020-01362-x">position commune</a>.</p>
<h2>Construire une seule santé pour tous</h2>
<p>Les défis auxquels nous sommes confrontés dans le domaine de la santé ne connaissent pas de frontières. Les inégalités de santé existent dans tous les pays. Les maladies chroniques se développent dans chaque société, quelle que soit leur niveau de développement. L’impact de l’environnement sur la santé se manifeste partout et grandit au fur et à mesure que les connaissances évoluent. Et, maintenant, nous réapprenons que les épidémies peuvent encore frapper notre planète, avec une vitesse de propagation multipliée par l’intensité et la rapidité des transports.</p>
<p>Dans ce contexte, nous découvrons également l’importance de développer des réponses appropriées, liées aux connaissances, mais aussi tenant compte des histoires et cultures de chaque communauté. Nous nous interrogeons sur les délocalisations de la <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/penurie-de-masques-enquete-sur-une-faillite-detat-3956884">fabrication de masques</a> ou de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/les-delocalisations-a-l-origine-de-la-penurie-de-medicaments-en-france-20190811">médicaments</a>, mais nous interrogeons peu sur la dépendance et la vulnérabilité des pays du continent africain.</p>
<p>Et nous aurons à choisir entre un modèle du « chacun pour soi », érigeant des barrières illusoires, et une vision solidaire pour créer les conditions de sociétés plus justes et plus équitables.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-double-peine-economique-en-vue-pour-les-pays-en-developpement-136480">Covid-19 : double peine économique en vue pour les pays en développement</a>
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<h2>La santé publique « d’après »</h2>
<p>On le martèle régulièrement : nous ne sortirons pas de cette crise comme nous y sommes entrés. Cela vaut pour tous les secteurs de notre société. Nous aurons des choix à faire sur nos modèles de développement économique, sur nos priorités, sur les modes de coopération ou d’isolement entre pays et, bien évidemment, sur l’attention que nous portons à la santé et à ses menaces.</p>
<p>La santé publique couvre un champ de connaissances qui ne se résume pas à l’épidémiologie. C’est une manière globale de promouvoir et de protéger la santé au niveau des populations, des communautés.</p>
<p>Nous aurons besoin de revisiter nos modalités de formation, de réajuster nos thèmes et nos modalités de recherche, de conforter, de faire connaître et reconnaître nos expertises. Nous aurons aussi besoin d’entrer dans un véritable dialogue avec les décideurs, sans attendre une nouvelle crise mondiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136311/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Chambaud est directeur de l'EHESP</span></em></p>
Jamais nous n’avons autant entendu parler de santé publique, mais sait-on vraiment ce dont il s’agit ?
Laurent Chambaud, Médecin de santé publique, École des hautes études en santé publique (EHESP)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/135172
2020-04-21T16:33:02Z
2020-04-21T16:33:02Z
Mieux préparée grâce à l’expérience Ebola, la Guinée peut buter sur le défi du confinement
<p>Au mois de février, alors que l’épidémie semblait circonscrite en Chine, l’analyse des risques effectuée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire et ses partenaires techniques avait conclu que le <a href="http://apanews.net/news/le-risque-de-propagation-du-coronavirus-est-tres-faible-en-guinee-expert">risque d’importation du virus en Guinée était faible</a>. Cela n’a pas empêché les autorités sanitaires de mettre en <a href="https://www.africaguinee.com/articles/2020/03/06/4-cas-suspects-de-coronavirus-testes-en-guinee-des-mesures-fortes-annoncees">alerte maximale</a> les grands points d’entrée dans le pays que sont l’aéroport et le port de Conakry ainsi que les ports miniers des préfectures de Boké et Boffa. Cette réactivité s’explique en bonne partie par le souvenir encore très récent de l’épidémie d’Ebola.</p>
<h2>L’expérience d’Ebola</h2>
<p>En mars 2014, le <a href="https://www.who.int/csr/disease/ebola/one-year-report/guinea/fr/">virus Ebola avait fait son apparition</a> en Guinée, dans le petit village de Guéckédou, une préfecture de la région sud du pays, à la frontière libérienne et sierra-léonaise. La maladie s’est rapidement propagée dans les deux pays frontaliers et a touché plus des deux tiers des préfectures de la Guinée. L’épidémie a pu être arrêtée dans le pays en décembre 2015, après avoir infecté <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ebola-virus-disease">3 811 personnes, dont 2 543 sont mortes</a>.</p>
<p>Pour lutter contre la maladie, le président de la République avait déclaré l’état d’urgence sanitaire et créé une équipe nationale de <a href="http://www.pathexo.fr/documents/articles-bull/2016_109_218-235.pdf">coordination de la lutte contre Ebola</a>. Cette équipe a développé une <a href="http://www.ecole-valdegrace.sante.defense.gouv.fr/layout/set/print/content/download/6357/74518/file/07%20Migliani%20R.%20Maladie%20%C3%A0%20virus%20Ebola%20en%20Guin%C3%A9e-%20d%C3%A9cembre%202013%20%C3%A0%20novembre%202015.M%C3%A9decine%20et%20arm%C3%A9es%202016-2-149-60.pdf">stratégie</a> basée sur la détection des cas, leur prise en charge, la communication et mobilisation sociale, le cerclage, la désinfection des domiciles et la recherche active des cas perdus de vue.</p>
<p>Les expériences accumulées dans la gestion de l’épidémie d’Ebola ont aidé à définir les actions à mener pour endiguer la propagation du nouveau coronavirus. Au cours des réunions de coordination de la riposte contre le Covid-19, les stratégies initiées sont <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/03/17/coronavirus-la-guinee-capitalise-sur-son-experience-de-l-epidemie-d-ebola_6033432_3212.html">souvent justifiées en référence aux expériences issues d’Ebola</a>.</p>
<p>Premièrement, l’équipe de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, qui avait aussi géré l’épidémie d’Ebola, a capitalisé sur cette expérience en démarrant la riposte plus tôt que pendant Ebola. En effet, pendant Ebola, le premier malade avait été confirmé, nous l’avons dit, en mars 2014, et c’est seulement <a href="https://ebolaresponse.un.org/fr/guinee">au mois d’août</a> que l’état d’urgence avait été déclaré. L’équipe de coordination pour la riposte contre la maladie avait été mise en place le mois suivant alors que l’épidémie avait déjà atteint son premier pic dans la région sud du pays.</p>
<p>Cette fois-ci, la coordination est mieux organisée autour de l’Agence, avec des pouvoirs renforcés par un décret présidentiel pour empêcher les conflits de leadership.</p>
<p>De plus, l’une des conséquences de l’épidémie d’Ebola a été le renforcement du système de santé avec le <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2017-4-page-487.htm">développement de la santé communautaire</a>. En 2014, Ebola avait révélé au grand jour la faiblesse du système de santé guinéen. Le président a demandé l’organisation d’<a href="http://www.visionguinee.info/2014/06/25/demarrage-a-conakry-des-travaux-sur-les-etats-generaux-de-la-sante/">états généraux de la santé</a> en vue d’établir une analyse situationnelle du système de santé. Les recommandations issues de ces travaux ont fait du développement de la santé communautaire une priorité du gouvernement.</p>
<p>Cette priorité a été inscrite dans la <a href="https://extranet.who.int/countryplanningcycles/sites/default/files/planning_cycle_repository/guinea/guinee_-_politique_nationale_sante_aout_2015.pdf">politique nationale de santé</a> et dans le nouveau <a href="http://extwprlegs1.fao.org/docs/pdf/gui158099.pdf">plan décennal de développement sanitaire 2015-2024</a>, qui vise à améliorer l’accès et l’utilisation des services de santé.</p>
<p>Les <a href="https://reliefweb.int/report/guinea/guinea-coronavirus-covid-19-situation-report-no-4-31-march-7-april-2020">recommandations stratégiques actuelles</a> contre le Covid-19 encouragent fortement l’utilisation de ce dispositif public qui semble plus pérenne.</p>
<p>L’<a href="https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2017-n78-lsp03015/1039345ar/">expérience tirée de la lutte contre Ebola</a> en Afrique permet d’examiner toutes les modalités de la riposte, notamment de mieux comprendre les <a href="https://journals.openedition.org/anthropologiesante/1796">réticences</a> de certaines communautés face aux acteurs de la riposte.</p>
<p>Enfin, au lieu d’engager une campagne nationale d’emblée, les enseignements d’Ebola ont permis de privilégier, avec la <a href="https://reliefweb.int/report/guinea/guinea-coronavirus-covid-19-situation-report-no-4-31-march-7-april-2020">mise en place de plates-formes dans les préfectures</a>, une « approche risque » consistant à identifier progressivement les zones d’intervention.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-mondialisation-des-infox-et-ses-effets-sur-la-sante-en-afrique-lexemple-de-la-chloroquine-134108">La mondialisation des infox et ses effets sur la santé en Afrique : l’exemple de la chloroquine</a>
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<h2>Le défi du confinement</h2>
<p>La vie sociale en Guinée et, spécialement, à Conakry, se caractérise par une forte promiscuité dans les modes de vie et d’habitation. Généralement, les familles vivent ensemble dans des concessions exiguës et les membres du foyer prennent leur repas ensemble autour du même bol. Les cours sont communes, les salons fréquentés par les enfants du voisinage. Les conditions d’hygiène ne sont pas des meilleures, à Conakry par exemple : l’écoulement des eaux usées et <a href="http://guineeactuelle.com/toilettes-publiques-a-conakry-entre-vetuste-manque-deau-et-dhygiene-de-veritables-risques-pour-la-sante-publique">l’utilisation de toilettes publiques</a> sont monnaie courante.</p>
<p>L’<a href="http://comssa.org/wp-content/uploads/formidable/2/-2.pdf">insuffisance du système de transport public</a> favorise l’utilisation massive des moyens de transport collectifs privés. Depuis quelques années, l’État annonce l’interdiction des surcharges de véhicules, par exemple en limitant le nombre de passagers à quatre pour les taxis. Mais ces mesures n’ont jamais été appliquées avec succès en raison de la <a href="https://guineematin.com/2017/05/16/circulation-routiere-et-corruption-de-la-police-sale-temps-pour-les-conducteurs-de-mototaxis-a-kaloum/">corruption de la police routière</a>. Elles constituent seulement, pour les agents, une occasion de rançonner les conducteurs indélicats.</p>
<p>Par ailleurs, la Guinée est un pays où <a href="http://www.stat-guinee.org/www.old/DSRP/PDF/Pauvrete%20Inegalite%20Guinee_fVer2_%2021%2008%20%202012.pdf#page=8">plus de 50 %</a> de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. De très nombreux habitants sont obligés de sortir au quotidien pour trouver de quoi vivre et faire vivre leurs familles. Les marchés publics grouillent de monde. Les stands des marchands débordent sur les rues. Les clients se bousculent pour se frayer du chemin et les vendeuses s’entassent dans des hangars.</p>
<p>Les mesures de distanciation sociale annoncées dans le discours du président de la République présentent des difficultés d’application au vu du contexte social de la Guinée. Un confinement des citoyens serait difficile à respecter. Si cette mesure venait à être décidée, les conséquences économiques et sociales ne se feraient pas attendre.</p>
<p>Le gouvernement est-il prêt à courir ce risque ? Pour le moment, les <a href="http://www.guinee-plurielle.com/2020/03/guinee-adresse-a-la-nation-suite-au-coup-d-etat-constitutionnel-de-alpha-conde.html">gestes barrière sanitaires sont privilégiés</a>. Les autres mesures adoptées vont du suivi rapproché des voyageurs entrant dans le pays à la fermeture des établissements scolaires et universitaires ainsi que des lieux de culte.</p>
<p>Le dispositif de riposte, qui comporte un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01090291/document">quadrillage communautaire</a>, est également inspiré de l’expérience d’Ebola. Sous peine d’anéantir les efforts consentis, cette dynamique doit être renforcée et maintenue. Les autorités sanitaires devront également s’appliquer à surveiller de manière systématique les changements contextuels, sociaux et comportementaux pour adapter les stratégies de manière optimale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Saikou Oumar Sagnane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’expérience d’Ebola rend la Guinée mieux outillée face au Covid-19, mais les mesures de distanciation sociale risquent de se révéler impraticables.
Saikou Oumar Sagnane, Assistant d’enseignement en Sociologie et anthropologie, Université Général Lansana Conté de Sofonia-Conakry
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/134699
2020-04-13T19:41:08Z
2020-04-13T19:41:08Z
Repenser notre rapport à une nature à bout de souffle
<p>Trois mois environ se sont écoulés depuis la découverte du nouveau coronavirus 2019 (Covid-19) ; aujourd’hui, le nombre de cas et de décès ne cesse d’augmenter dans le monde pour s’établir, <a href="https://google.com/covid19-map/?hl=fr">à l’heure où nous publions cet article</a>, à plus de 120 000 victimes. Ces dernières décennies, la fréquence des épidémies n’a cessé d’augmenter. Entre 1980 et 2013, <a href="https://doi.org/10.1098/rsif.2014.0950">12 012 foyers ont été enregistrés</a>, comprenant 44 millions de cas individuels et touchant tous les pays du monde.</p>
<p>Si les flux de populations, les densités démographiques et la mondialisation ont contribué en partie à la <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/2/2/96-0201_article">propagation rapide du Covid-19</a>, ses liens intrinsèques avec le <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0090032.g001">changement climatique et la perte de la biodiversité</a> sont les plus frappants.</p>
<h2>Des activités humaines perturbatrices</h2>
<p>Les écosystèmes non perturbés maintiennent une diversité d’espèces en équilibre et peuvent souvent avoir un <a href="https://doi.org/10.1016/s0020-7519(00)00141-7">effet régulateur sur les maladies émergentes</a>.</p>
<p>Cependant, les pertes de biodiversité dues à la dégradation des habitats naturels (en particulier les zones forestières) augmentent la proximité de la faune sauvage avec les humains et leurs animaux domestiques, entraînant des risques sanitaires en raison d’une <a href="https://doi.org/10.1111/j.1523-1739.1988.tb00336.x">transmission accrue des maladies dites « zoonotiques »</a>.</p>
<p>La maladie de Chagas, également appelée trypanosomiase américaine, apparue en Amérique latine en est la parfaite illustration. En raison d’une mauvaise gestion des terres déboisées, les populations de triatomes (l’insecte vecteur de cette maladie) ont été poussés à quitter leurs hôtes naturels sauvages pour impliquer les êtres humains et les animaux domestiques dans leur <a href="https://doi.org/10.1017/S003118200700323X">cycle de transmission</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WfeGwlGuPrM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Vidéo explicative sur la maladie de Chagas. (Inserm/Youtube, 2016).</span></figcaption>
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<p>L’autre exemple saisissant concerne le virus Nipah, un paramyxovirus émergent zoonotique, dont les chauves-souris frugivores sont les hôtes naturels. En 1988, il a provoqué une épidémie à grande échelle chez les <a href="https://doi.org/10.1016/S1386-6532(02)00268-8">éleveurs de porcs malaisiens</a>.</p>
<p>L’empiètement croissant des exploitations agricoles sur les habitats de la faune sauvage a accru le contact entre le bétail et les animaux sauvages avec, pour conséquence, une grande majorité des <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2001.0889">maladies émergentes du bétail</a> contractées par des animaux sauvages.</p>
<p>L’urbanisation croissante et l’intensification de l’agriculture modifient l’utilisation des terres : le modèle d’établissement humain est ainsi modifié et la fragmentation de l’habitat peut offrir des possibilités d’échange et de transmission de parasites aux humains qui étaient jusqu’alors non infectés. Des travaux avancent que l’épidémie du virus Ebola (2013-2015) en Afrique de l’Ouest a commencé en <a href="https://doi.org/10.1068/a4712com">raison de la déforestation</a>.</p>
<h2>L’Afrique en première ligne</h2>
<p>Il faut par ailleurs rappeler que sur les 736 millions de personnes extrêmement pauvres dans le monde, c’est-à-dire ayant un revenu de <a href="https://www.inegalites.fr/L-extreme-pauvrete-dans-le-monde-recule">1,9 dollar par jour</a>, <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/about/annual-report">413 millions</a> vivent au sud du Sahara.</p>
<p>L’émergence des pandémies s’ajoute aux nombreux fléaux qui touchent une Afrique déjà très vulnérable. Par manque d’opportunités économiques, ces populations pauvres sont poussées à surexploiter leurs ressources limitées pour survivre, ce qui aggrave par exemple les processus de désertification. La déforestation, qui a augmenté régulièrement au cours des deux dernières décennies, est liée pour <a href="https://www.ecohealthalliance.org/">31 % à l’émergence des épidémies</a>, telles que les virus Ebola et Zika.</p>
<p>Dans un contexte de changement global où la probabilité de fortes pluies et de longues périodes de sécheresse est de plus en plus fréquente dans le monde, les capacités productives des sols se réduisent, conduisant à une dégradation des conditions de vie des populations, tout particulièrement dans les régions arides subsahariennes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-afrique-subsaharienne-limmense-defi-de-la-desertification-83696">En Afrique subsaharienne, l’immense défi de la désertification</a>
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<p>Au Sénégal, cette dégradation affecte <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-017-04282-8">64 % des terres arables</a> ; ses principales causes étant l’érosion (à 74 %) et la salinisation. Entre 2000 et 2010, ce sont <a href="http://www.fao.org/3/i1757f/i1757f.pdf">3,4 millions d’hectares de forêt</a> qui ont été, chaque année, rayés de la carte africaine.</p>
<p>Il faut également évoquer les déplacements, souvent dans de mauvaises conditions, de larges groupes de personnes en quête de nouveaux endroits ; un phénomène qui <a href="https://www.who.int/globalchange/climate/summary/en/index5.html">intensifie la vulnérabilité des populations déplacées</a> aux menaces biologiques, telles que la rougeole, le paludisme, les maladies diarrhéiques et les infections respiratoires aiguës.</p>
<p>Le <a href="https://www.who.int/globalchange/climate/summary/en/index5.html">changement climatique a modifié et accéléré</a> les modes de transmission de maladies infectieuses telles que le Zika, la malaria et la dengue, provoquant à leur tour des déplacements de populations.</p>
<p>La pauvreté pousse aussi les gens à élargir leur champ d’activités pour tenter de survivre. Ils avancent toujours plus profondément dans la forêt pour agrandir leur couverture géographique et la gamme d’espèces de gibier à chasser et aussi pour trouver du bois destiné à la fabrication du charbon de bois. Ils s’enfoncent toujours plus profondément dans les mines pour extraire des minéraux. Autant d’usages qui les exposent aux risques d’exposition au virus Ebola et à d’autres agents pathogènes zoonotiques dans ces zones reculées.</p>
<p>L’onde de choc du Covid-19 en l’Afrique pourrait représenter un lourd fardeau compte tenu des systèmes de santé déjà fragiles.</p>
<h2>D’abord un problème environnemental</h2>
<p>L’humanité subit aujourd’hui de plein fouet les conséquences de ses activités destructrices sur les écosystèmes. Les effets combinés de l’utilisation des terres, de la perte de la biodiversité et du changement global perturbent les écosystèmes naturels et peuvent augmenter, on l’a vu, le risque de transmission de maladies aux communautés humaines.</p>
<p>Les <a href="https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment-Fr">rapports de la plate-forme IPBES</a> (le « GIEC de la biodiversité ») rappellent à ce sujet que l’extinction d’espèces a été multipliée par 100 depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1125389965557403648"}"></div></p>
<p>Les facteurs précis à l’origine de la pandémie de Covid-19 restent inconnus à l’heure actuelle, mais un large examen des déterminants écologiques et socio-économiques complexes peut nous aider à mieux comprendre ce qui s’est déjà passé et à être à l’affût de ce qui pourrait arriver – y compris la détermination des régions et des populations à risque.</p>
<p>Pour cela, il faudra des approches intégrées et multidisciplinaires de la recherche scientifique, avec des échanges entre des disciplines comme la parasitologie, l’épidémiologie, l’entomologie, l’écologie, la climatologie, la géographie, les sciences du sol et les sciences sociales, pour obtenir des résultats pratiques de prévention. Au-delà de la gestion de la crise actuelle, il faudra réfléchir aux facteurs qui favorisent l’émergence de ces épidémies.</p>
<p>La crise sanitaire actuelle doit nous amener à repenser notre rapport à une nature à bout de souffle. L’heure n’est plus à l’incantation, mais désormais à une action collective globale. Il ne suffira pas toutefois de dénoncer les méfaits de notre société de consommation, il faudra décider clairement quoi lui substituer. C’est notre conception même de l’écologie qu’il faut remettre en cause. Il est temps de raisonner autrement, de vivre autrement. Il y a urgence écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134699/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dr. Sougueh Cheik a reçu des financements pour la recherche scientifique de l'institut de Recherche pour le Développement. </span></em></p>
L’humanité subit aujourd'hui de plein fouet les conséquences de ses activités destructrices sur les écosystèmes.
Sougueh Cheik, Docteur en sciences de l’environnement (écologie des sols), iEES-Sorbonne Université UPMC PARIS VI, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/135461
2020-04-02T18:40:55Z
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Essais cliniques : on peut concilier éthique, qualité et urgence même en temps de crise sanitaire
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325085/original/file-20200402-74908-1ddlxgj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1294%2C867&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un biologiste stocke un échantillon dans un laboratoire. </span> <span class="attribution"><span class="source">Franck Fife / AFP</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été coécrit avec Christophe Longuet, praticien attaché, service des maladies infectieuses de l’Hôpital de la Croix Rousse (Hospices Civils de Lyon).</em></p>
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<p>En France chaque année, dans la plus grande discrétion, des milliers de patients participent à des essais cliniques qui permettent de tester des produits de santé (médicaments, vaccins, dispositifs médicaux) qui les aideront à affronter la maladie. </p>
<p>C’est grâce à des essais cliniques menés avec rigueur que la mise au point de vaccins contre les maladies épidémiques, si souvent décriés lorsque les épidémies ne sont pas d’actualité, a notamment abouti à l’éradication de la variole et à la quasi-élimination de la poliomyélite dans le monde. Outre les succès obtenus dans le domaine de la vaccination, la recherche thérapeutique antivirale a aussi de belles victoires à son actif, avec par exemple la mise au point des antirétroviraux contrôlant le VIH ou des traitements qui désormais guérissent l’hépatite C.
Comme nous l’avions mentionné <a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">dans une précédente publication</a>, grâce à son encadrement réglementaire, de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000508831">loi Huriet-Sérusclat</a>) jusqu’à la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000025441587">loi Jardé</a>), la France n’a connu jusqu’ici que peu d’accidents lors d’essais cliniques.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, le grand public a découvert que certains agents infectieux, connus des seuls scientifiques hors des périodes d’épidémie, pouvaient se répandre et tuer de manière foudroyante. Ces virus émergents ou réémergents posent de nouveaux défis à la recherche médicale. Face à l’urgence, et sous la pression du pouvoir politique, qui se fait le relais de la pression médiatico-sociale, la communauté scientifique doit adapter ses normes et pratiques. Mais jusqu’où ? </p>
<p>Nous nous proposons ici de rappeler comment se construisent les essais cliniques, selon quelles méthodologies et comment des essais cliniques ont pu être réalisés de manière conclusive en situation d’urgence sanitaire lors des récentes épidémies d’Ebola en Afrique de l’Ouest et Centrale.</p>
<h2>Quelles méthodologies pour des essais cliniques fiables ?</h2>
<p>Aujourd’hui, la méthodologie des essais cliniques repose essentiellement sur la réalisation d’essais cliniques « randomisés contrôlés ». Ceux-ci permettent de comparer des groupes de patients recevant différents traitements, en parallèle. </p>
<p>Lors d’un essai clinique randomisé contrôlé, un premier groupe de patient est défini comme le groupe « expérimental ». Il est composé de patients recevant le traitement à évaluer, dont on souhaite étudier la sécurité d’utilisation et l’efficacité. Lorsque plusieurs médicaments sont à l’étude en même temps, il peut exister plusieurs groupes expérimentaux.</p>
<p>Le second groupe est défini comme groupe « contrôle ». Il s’agit de patients recevant le traitement de référence s’il existe, c’est-à-dire un traitement ayant déjà une efficacité démontrée dans la pathologie d’intérêt ou un placebo, s’il n’existe aucun traitement de référence. Ce groupe permet de refléter l’évolution de la pathologie lorsque le traitement expérimental n’est pas administré.</p>
<p>Lorsqu’un essai est réalisé sans groupe contrôle, il est alors difficile de déterminer l’effet réel du traitement. En effet, si l’état des patients s’améliore, on ne peut savoir si la raison en est que le traitement est efficace ou si c’est parce que, même en absence de traitement, leur état se serait malgré tout amélioré. Or ce dernier cas signifie que le traitement ne modifie pas l’évolution naturelle de la maladie, et est donc inefficace…</p>
<p>Le terme « randomisé », enfin, signifie que l’attribution du traitement à administrer est décidée, pour chaque patient, par un tirage au sort rendant ce choix imprévisible. Cette randomisation permet d’obtenir des groupes de patients homogènes et équilibrés ayant donc les mêmes probabilités d’amélioration, de guérison, d’aggravation ou de décès. Du fait de cet équilibre initial, si une différence (de sécurité d’utilisation ou d’efficacité) est mise en évidence à la fin de l’essai, elle pourra alors être attribuée à la différence de traitement.</p>
<p>Lorsqu’un essai est réalisé sans randomisation, il peut exister des déséquilibres initiaux entre les groupes de traitement. Il est alors plus difficile de déterminer l’origine de la différence observée à la fin de l’essai : est-elle liée à l’effet du traitement ? Au déséquilibre initial ? Ou un peu à chaque facteur ?</p>
<p>Des méthodes d’analyses statistiques peuvent être utilisées pour essayer de prendre en compte et corriger les éventuels déséquilibres initiaux. Mais il persistera toujours un doute quant aux conclusions d’un tel essai.</p>
<h2>Le nombre de patients à inclure, un critère essentiel</h2>
<p>Une partie importante dans la préparation de l’essai consiste à déterminer le nombre nécessaire de patients qu’il faudra inclure et suivre avant de pouvoir analyser les résultats de l’essai. Ce nombre doit être fixé avant le début de l’étude pour organiser la logistique : nombre de centres investigateurs à impliquer, quantité de produits à l’essai à utiliser…</p>
<p>Pour calculer le nombre de patients à inclure dans une étude, et ainsi éviter de le sur- ou sous-estimer, il existe des impératifs et des hypothèses statistiques à respecter. Ce point est particulièrement important. En effet, surestimer ce nombre consiste à inclure plus de patients qu’il n’en faudrait (statistiquement) pour conclure et arrêter l’étude. Des patients vont alors continuer de recevoir, à tort, le traitement le moins efficace. À l’inverse, sous-estimer ce nombre consiste à inclure moins de patients qu’il n’en faudrait (statistiquement) pour conclure. Les données ne sont alors pas suffisantes pour conclure si l’un des traitements est supérieur à l’autre. Les patients inclus dans l’étude ont donc été traités « pour rien », puisque les données ne sont pas assez précises pour obtenir une conclusion fiable.</p>
<p>Tous les patients inclus dans l’essai doivent être analysés, qu’ils aient reçu ou non, complètement ou partiellement, le traitement prévu. Il s’agit du principe d’analyse « en intention de traiter ». Les arrêts de traitement, les décès (ou tout autre évènement pouvant conduire à exclure les patients de l’analyse) ne doivent jamais être considérés comme dus au hasard, et exclus de l’analyse. Leur exclusion risque de détruire la comparabilité initiale, obtenue par la randomisation, et de favoriser le groupe expérimental, en ne gardant que les bons répondeurs.</p>
<h2>Un contexte d’urgence sanitaire</h2>
<p>Les épidémies récentes de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest et Centrale montrent comment les acteurs médicaux et scientifiques ont su s’adapter pour concilier les impératifs de qualité des soins, de santé publique et de recherche médicale éthique en situation d’urgence sanitaire.</p>
<p>Avec plus de 28 000 cas et 11 300 morts en quelques mois en Afrique de l’Ouest, cette épidémie qui dura de décembre 2013 à la fin 2015, la plus meurtrière à ce jour, a été une course contre la montre pour tous les acteurs concernés.</p>
<p>L’urgence a d’abord été une urgence de santé publique et humanitaire, avec comme objectifs de détecter, isoler et soigner rapidement les personnes infectées. Mais l’ampleur de l’épidémie a rendu possible et indispensable de tester chez l’être humain de nouveaux vaccins et traitements identifiés chez l’animal, lors de phases précliniques, ou déjà utilisés chez l’humain pour d’autres infections virales. Ces nouvelles molécules ont pu être évaluées en temps record dans des essais cliniques <a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">de phase I et II (étude de l’efficacité du nouveau médicament, sa posologie et sa pharmacodynamique)</a>. Certaines études thérapeutiques ont été randomisées, d’autres pas, car il était estimé par leurs promoteurs que les traitements étudiés offraient un meilleur espoir de survie (ce que les analyses statistiques ultérieures n’ont en général pas montré).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/essais-cliniques-pratiques-et-reglementation-en-france-53331">Essais cliniques : pratiques et réglementation en France</a>
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<p>Durant l’épidémie de MVE d’Afrique de l’Ouest, certains traitements prometteurs ont été identifiés et l’efficacité d’un vaccin a pu être démontrée lors d’une étude de phase III randomisée – vaccination immédiate versus vaccination différée – selon l’approche vaccinale dite « en ceinture », consistant à vacciner les personnes-contacts ou résidant autour des malades.</p>
<p>D’autres avancées ont été obtenues toujours dans le cadre de cette urgence sanitaire. Des consortiums internationaux d’institutions de recherche ont été créés et des mécanismes de financement accéléré de la recherche en situation d’urgence ont été mis en place. Des protocoles d’études randomisées adaptatives ont été développés, permettant de gagner du temps dans la soumission de nouveaux essais, et permettant d’ajouter ou d’interrompre un bras de traitement en cours d’essai, en fonction du résultat des analyses intermédiaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/face-a-lepidemie-debola-la-question-des-traitements-experimentaux-97274">Face à l’épidémie d’Ebola, la question des traitements expérimentaux</a>
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<h2>Un cadre éthique respecté</h2>
<p>Sur le plan éthique, les protocoles de recherche ont été soumis à une double approbation, celle des comités d’éthique des pays promoteurs, notamment en Europe et en Amérique du Nord, et celle des comités d’éthique des pays où a eu lieu la recherche, principalement la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone. </p>
<p>Il a fallu mettre en place des procédures innovantes pour recueillir le consentement libre et éclairé de malades en situation de stress et de vulnérabilité extrêmes, isolés dans des centres de traitement Ebola avec un personnel en équipement de protection intégrale. Les consentements écrits originaux ne pouvant pas sortir de la zone contaminée pour leur archivage, en raison du risque infectieux important, ils ont été photographiés à distance. En l’absence de proches au lit des malades, les équipes soignantes ont été garantes de leur choix éclairé, en toute indépendance vis-à-vis des équipes de recherche.</p>
<p>Ces avancées ont permis de réaliser lors de la récente épidémie d’Ebola en République Démocratique du Congo (2018-2020), la première étude randomisée de phase II-III, à plusieurs bras de traitements (groupe de participants recevant le même traitement ou la même absence de traitement, conformément au protocole), au cours de laquelle deux traitements <a href="https://www.nature.com/articles/s41579-019-0233-2">ont montré de manière rigoureuse leur efficacité</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-en-recherche-biomedicale-les-regles-simposent-a-tous-134829">Pourquoi en recherche biomédicale, les règles s’imposent à tous ?</a>
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<h2>Concilier éthique, qualité et urgence n’est pas impossible en temps de crise</h2>
<p>L’expérience acquise lors des flambées de maladie à virus Ebola démontre qu’une recherche alliant éthique et qualité peut se faire dans des conditions extrêmes, qui mettent à l’épreuve les systèmes de santé et les codes sociaux. </p>
<p>Ainsi, malgré la quasi-absence des systèmes de santé des pays affectés par ces épidémies et la déstructuration massive du tissu social des populations atteintes, qui ne pouvaient plus approcher les vivants ni honorer leurs morts, la connaissance de la maladie et l’identification de traitements a malgré tout progressé. Ces résultats ont été rendus possibles grâce au travail d’équipes de recherche internationales impliquant des personnels locaux : médiateurs (dénommés les « Champions » par les investigateurs du projet vaccinal <a href="https://presse.inserm.fr/epidemies-debola-en-2018-ou-en-est-la-recherche-vaccinale/32181/">« PreVac »</a> – Partnership for Research on Ebola VACcination), techniciens de recherche, chercheurs, agents de santé, etc.</p>
<p>C’est la même approche qui a été utilisée mise en place pour pouvoir démarrer, en un temps record, des essais thérapeutiques randomisés adaptatifs multicentriques à plusieurs bras dans le contexte actuel de pandémie de Covid-19.</p>
<p>Pour conclure, rappelons les trois grands principes qui fondent une éthique de la recherche sur l’être humain : le respect de la personne, autant que faire se peut dans son autonomie, la bienveillance pour maximiser les avantages et minimiser les dommages possibles et la justice, pour permettre une participation de tous à ces recherches. </p>
<p>Comme le stipule la charte éthique du <a href="https://www.inserm.fr/connaitre-inserm/programmes-recherche/reacting-research-and-action-targeting-emerging-infectious-diseases">consortium REACTing</a></p>
<blockquote>
<p>« Face à ces défis, la recherche conduite en situation épidémique impose de mener une réflexion éthique, afin d’assurer le respect des normes éthiques tout en tenant compte des spécificités culturelles, des systèmes de santé et des normes en matière de soins de santé au niveau local, ainsi que de la complexité des conditions de recherche et de la vulnérabilité des participants. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/135461/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Une course contre la montre s’est engagée pour trouver des solutions afin d’endiguer la pandémie de Covid-19. Mais ce n’est pas une raison pour abandonner la rigueur scientifique des essais cliniques.
François Hirsch, Membre du comité d'éthique de l'Inserm, Inserm
Paul de Boissieu, Assistant hospitalier universitaire, CHU Bicêtre, APHP, Université Paris-Saclay
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tag:theconversation.com,2011:article/134712
2020-03-25T19:23:53Z
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Covid-19 ou la pandémie d’une biodiversité maltraitée
<p>Le monde est frappé de manière globale par l’épidémie du Covid-19. Elle touche chacun d’entre nous, nous craignons pour notre santé, celle de nos proches ou des personnes fragiles. Pour nous tous, le Covid-19 a pris infiniment plus d’importance en quelques semaines que les crises du climat ou de la biodiversité. Celles-là même qui monopolisaient récemment l’attention mondiale avec des évènements catastrophiques comme les <a href="https://theconversation.com/fact-check-pas-500-millions-mais-un-million-de-milliards-danimaux-morts-en-australie-129677">incendies forestiers en Australie</a>, par exemple.</p>
<p>Ces crises environnementales – qui nous réservent de graves problèmes à court et moyen terme – semblent pourtant infiniment moins graves au temps présent que cette épidémie menaçant de pouvoir nous toucher immédiatement dans notre corps.</p>
<p>Il faut cependant souligner que le Covid-19, tout comme d’autres épidémies majeures (sida, Ebola, SRAS, etc.), n’est pas sans rapport avec la crise de la biodiversité et du climat que nous connaissons.</p>
<p>Que nous disent ces pandémies de l’état de la biodiversité ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1238471750045884418"}"></div></p>
<h2>Nouveaux agents pathogènes</h2>
<p>Nous détruisons les milieux naturels à un rythme accéléré : <a href="https://ipbes.net/global-assessment">100 millions d’hectares de forêt tropicale</a> coupés entre 1980 et 2000 ; plus de <a href="https://ipbes.net/global-assessment">85 % des zones humides</a> supprimées depuis le début de l’époque industrielle.</p>
<p>Ce faisant, nous mettons en contact des populations humaines, souvent en état de santé précaire, avec de nouveaux agents pathogènes. Les réservoirs de ces pathogènes sont des animaux sauvages habituellement cantonnés aux milieux dans lesquels l’espèce humaine est quasiment absente ou en petites populations isolées. Du fait de la destruction des forêts, les villageois installés en lisière de déboisement chassent et envoient de la <a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">viande contaminée vers des grandes villes</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’Ebola, par exemple, a trouvé son chemin vers les grands centres humains. Ce que l’on appelle la <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/document-enquete-sur-le-trafic-de-viande-de-brousse_3824973.html">viande de brousse</a> est même exporté vers d’autres pays pour satisfaire la demande d’expatriés et étend ainsi le risque sanitaire très loin des zones d’endémie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">Comment les changements environnementaux font émerger de nouvelles maladies</a>
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<p>Nous chassons sans vergogne des espèces exotiques et sauvages pour des raisons sottement récréatives : <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/full/10.1098/rspb.2008.1475">attrait du rare</a>, repas exotiques, pharmocopées naïves, etc. Le commerce des animaux rares alimente les marchés et là encore permet la contamination des grands centres urbains. L’épidémie du SRAS (syndrome respiratoire aiguë sévère) était advenue du fait ce type de circonstances, par la proximité entre chauve-souris, carnivores et consommateurs humains crédules.</p>
<p>En 2007, la conclusion d’un <a href="https://cmr.asm.org/content/20/4/660">article scientifique majeur</a> sur cette épidémie du SRAS dénonçait :</p>
<blockquote>
<p>« La présence d’un réservoir important de virus de type SARS-CoV dans les chauves-souris Rhinolophidae combiné avec l’élevage pour la consommation de mammifères exotiques dans le sud de la Chine est une bombe à retardement. »</p>
</blockquote>
<p>Cette bombe à retardement semble avoir explosé en novembre 2019 avec le Covid-19…</p>
<h2>Le danger des zoonoses</h2>
<p>La consommation et l’import-export d’animaux exotiques ont deux conséquences majeures.</p>
<p>Ils augmentent d’une part le risque d’épidémie en nous mettant en contact avec des agents infectieux rares. Mais souvent ces agents infectieux sont spécialisés sur une espèce et ne peuvent pénétrer notre corps, vaincre notre système immunitaire, voire même pénétrer et utiliser nos cellules, comme dans le cas des virus. Les trafics mettant en présence divers animaux permettent aux agents infectieux portés de recombiner et d’être ainsi capable de franchir la barrière entre espèces, comme cela a été le cas pour le <a href="https://jvi.asm.org/content/84/7/3134">SRAS</a> et comme cela semble être peut être le cas <a href="https://theconversation.com/covid-19-lanalyse-des-genomes-revelerait-une-origine-double-du-virus-133797">pour le Covid-19</a>.</p>
<p>Au-delà de la crise actuelle du Covid-19, ce risque n’est pas marginal : Il faut rappeler que plus des deux tiers des maladies émergentes sont des <a href="https://www.nature.com/articles/nature06536">zoonoses</a>, c’est-à-dire des maladies dont le réservoir de l’agent infectieux est un animal ; parmi ces zoonoses, la majorité provient d’animaux sauvages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-chauves-souris-source-inepuisable-de-virus-dangereux-pour-les-humains-134332">Les chauves-souris, source inépuisable de virus dangereux pour les humains ?</a>
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<p>Capturer et vendre ces animaux exotiques exerce d’autre part une pression énorme sur les <a href="https://theconversation.com/coronavirus-has-finally-made-us-recognise-the-illegal-wildlife-trade-is-a-public-health-issue-133673">populations sauvages</a>. C’est le cas du [pangolin], récemment mis en lumière par le Covid-19. Ces mammifères (huit espèces en Afrique et en Asie) sont braconnés pour leur viande et leurs écailles malgré leur statut protégé : <a href="https://theconversation.com/fact-check-le-pangolin-a-t-il-pu-servir-de-vecteur-au-covid-19-131726">plus de 20 tonnes sont saisies chaque année par les douanes, amenant à une estimation d’environ 200 000 individus tués chaque année pour ce trafic</a>.</p>
<p>Nous nous mettons ainsi doublement en danger : « création » de maladies émergentes et destruction d’une biodiversité fragile qui assume des rôles dans les équilibres naturels dont nous bénéficions.</p>
<p>Les circonstances de l’émergence de ces nouvelles maladies peuvent être encore plus complexes. C’est ainsi que les virus du Zika ou de la dengue sont transmis par des <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/chikungunya-dengue-zika-le-moustique-vecteur-de-ces-maladies-est-sous">moustiques exotiques transportés par les humains</a> par le biais du commerce international dans le monde entier.</p>
<p>Le commerce de pneus usagés dans lesquels de l’eau s’accumule et permet aux larves aquatiques des moustiques de se développer et d’être transportées est notamment incriminé. Dans ce cas, la maladie ne se répand pas par un premier contact direct entre espèce humaine et animaux réservoirs suivi par une transmission intra-humaine, mais il est transmis à l’espèce humaine par des moustiques vecteurs, ces derniers se déplaçant efficacement avec notre aide.</p>
<p>Jamais le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aedes_albopictus">moustique-tigre</a> ou d’autres moustiques exotiques n’auraient quitté l’Asie sans notre aide !</p>
<h2>« Un monde, une santé »</h2>
<p>Cette <a href="https://www.who.int/features/qa/one-health/fr/">initiative</a> mondiale – « One Health » en anglais – préconise de gérer la question de la santé humaine en lien avec l’environnement et la biodiversité. Elle identifie trois objectifs principaux : lutter contre les zoonoses (maladies transmissibles des animaux aux humains et inversement) ; assurer la sécurité sanitaire des aliments ; lutter contre la résistance aux antibiotiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=574&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322996/original/file-20200325-168894-1igvm1s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=721&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le concept « Une santé » – lier la santé humaine avec la santé animale et la santé de l’environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fourni par les auteurs</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette initiative nous rappelle avec vigueur que nous ne pouvons pas vivre dans un cocon artificiel, où nous ne serions jamais en contact avec la biodiversité, qu’elle soit sauvage, élevée ou cultivée. Deux des trois cibles de l’initiative « Un monde, une santé » – sécurité alimentaire et zoonoses – sont directement impliqués dans l’actuelle crise du Covid-19. Nous ne devrions pas créer des circuits alimentaires farfelus, qu’il s’agisse d’importer des espèces exotiques dans des conditions sanitaires incontrôlées ou de nourrir les animaux d’élevage avec des produits inappropriés, comme l’a montré la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enc%C3%A9phalopathie_spongiforme_bovine">maladie de la vache folle</a> avec la consommation de farines animales.</p>
<h2>Prévenir les pandémies</h2>
<p>Une fois de plus, quand il s’agit de biodiversité, les causes des crises sont connues et les remèdes aussi : quand allons-nous enfin appliquer les remèdes ?</p>
<p>La solution serait d’arrêter la destruction de l’environnement dans les pays du Sud – la déforestation, le transport d’animaux exotiques, le commerce mondial de n’importe quelle <a href="https://theconversation.com/en-direct-des-especes-quelles-sont-les-grenouilles-presentees-dans-lassiette-78269">denrée ou espèce vivante</a> – pour gagner quelques pour cent de rentabilité par rapport à des productions locales ou des circuits courts… On commence à entendre ici et là que <a href="https://www.courrierinternational.com/article/idees-apres-le-coronavirus-plus-rien-ne-sera-tout-fait-pareil">« le monde ne sera pas le même après le Covid-19 »</a>. Alors, intégrons à ce « monde de l’après » un plus grand respect de la biodiversité dans nos nouvelles règles de société… pour notre plus grand bénéfice immédiat !</p>
<p>Le monde que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants sera affecté par de nouvelles pandémies, c’est <a href="https://www.marianne.net/societe/coronavirus-la-disparition-du-monde-sauvage-facilite-les-epidemies">malheureusement déjà sûr</a>… La question reste à savoir de combien de pandémies il sera question. Cela dépendra de nos efforts pour préserver la biodiversité et les équilibres naturels, partout sur la planète. Espérons qu’au-delà des drames humains actuels, le Covid-19 ait au moins l’effet positif de provoquer cette prise de conscience.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en collaboration avec les <a href="http://isyeb.mnhn.fr/fr">chercheurs de l’ISYEB</a> (Institut de systématique, évolution, biodiversité du Muséum national d’Histoire naturelle, Sorbonne Universités). Ils proposent ici une chronique scientifique de la biodiversité, « En direct des espèces ». Objectif : comprendre l’intérêt d’explorer le Vivant et de décrire la biodiversité.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134712/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Le Covid-19, comme d’autres épidémies majeures, n’est pas sans rapport avec la crise de la biodiversité et du climat que nous traversons.
Philippe Grandcolas, Directeur de recherche CNRS, systématicien, ISYEB - Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité (CNRS, SU, EPHE, UA), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Jean-Lou Justine, Professeur, UMR ISYEB (Institut de Systématique, Évolution, Biodiversité), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/134332
2020-03-23T18:43:13Z
2020-03-23T18:43:13Z
Les chauves-souris, source inépuisable de virus dangereux pour les humains ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/322061/original/file-20200321-22622-kvsi73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On compte plus de 1 200 espèces différentes de chauves-souris dans le monde. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/d08bdf84-47d1-47d4-9bc8-0ceb6d037ea9">mmariomm/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs semaines, nos yeux sont braqués sur un ennemi invisible qui s’attaque à la santé de millions de personnes, emporte la vie d’un trop grand nombre d’entre elles, bouleverse notre organisation sociale, terrasse l’économie mondiale et paralyse la vie politique.</p>
<p>De mémoire, jamais un phénomène, quel qu’il soit, n’aura autant déstabilisé la société humaine que le virus SARS-CoV-2 et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/covid-19-82467">pandémie de Covid-19</a> qu’il provoque. Mais où était caché cet ennemi si redoutable jusqu’ici pour avoir échappé si longtemps au regard vigilant et inquisiteur des scientifiques ?</p>
<p>Et voilà que réapparaissent au-devant de la scène ces petits mammifères volants, les chauves-souris, véritables ailes protectrices des virus mortels et refuges rêvés de nombreuses légendes et superstitions. Une chauve-souris, du genre <em>Rhinolophus</em>, serait en effet suspectée d’héberger le virus responsable de la pandémie de Covid-19, et de l’avoir déversé, <a href="https://doi.org/10.1002/jmv.25731">directement ou indirectement via un pangolin</a>, dans le système respiratoire des humains, son nouveau lieu de prédilection.</p>
<h2>Une image contrastée dans l’imaginaire collectif</h2>
<p>Animaux nocturnes ailés, les chauves-souris ont toujours été <a href="http://revel.unice.fr/loxias/index.html?id=1538">associées au diable</a>, aux personnages et aux fêtes sataniques dans les sociétés occidentales, engendrant peur et répulsion. Le diable, représenté avec des ailes de chauves-souris, Dracula, le vampire, et la fête Halloween en sont les exemples les plus connus.</p>
<p>À l’inverse, en Asie, et plus particulièrement en Chine, les <a href="https://research.britishmuseum.org/pdf/chinese_symbols_1109.pdf#page=2">chauves-souris évoquent le bonheur et la longévité</a> depuis des temps très anciens. Mais – et cela on le sait grâce aux avancées considérables des technologies scientifiques et aussi à la faveur des perturbations de notre environnement liées aux activités humaines (réchauffement climatique, déforestation, agriculture intensive) – les chauves-souris se sont progressivement muées en <a href="https://www.nature.com/articles/nature22975.pdf">véritables réservoirs de nouveaux virus pathogènes</a> pour l’homme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film « La chauve-souris du diable » (1940), de Jean Yarbrough. (Arcadès/Youtube).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Réservoirs de nombreux virus émergents, vecteurs de zoonoses</h2>
<p>La place des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zoonoses-24219">zoonoses</a> (ces maladies transmises par les animaux) en santé publique ne cesse de croître. On estime désormais qu’environ <a href="https://agriculture.gouv.fr/zoonoses-emergentes-et-reemergentes-enjeux-et-perspectives-analyse-ndeg66">75 % des maladies émergentes</a> apparues depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle relèvent de cette catégorie.</p>
<p>Toutes les espèces animales, qu’elles soient sauvages ou domestiques, abritent une quantité impressionnante de virus sans développer de symptômes, d’où le qualificatif de « réservoirs ». C’est notamment le cas des chauves-souris qui hébergent naturellement sans être malades de très nombreux virus dont certains se sont avérés <a href="https://doi.org/10.1016/j.coviro.2018.12.007">particulièrement pathogènes pour l’être humain</a>, causant des épidémies meurtrières partout dans le monde.</p>
<p>Plusieurs coronavirus ont ainsi été détectés chez les chauves-souris insectivores du genre <em>Rhinolophus</em>, principalement en Asie. Parmi eux, le SARS-CoV, le MERS-Cov et désormais le SARS-CoV-2 ont été responsables d’épidémies massives de <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-2012-7">syndrome respiratoire aigu sévère</a>.</p>
<p>Bien qu’une transmission directe de la chauve-souris à l’être humain soit quasi certaine, l’implication d’autres espèces animales intermédiaires – civettes ou pangolins – est envisagée. Ainsi, sur la base de fortes similitudes entre le génome du virus responsable de l’épidémie de Covid-19 et celui d’un <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.02.17.951335v1">virus isolé chez un pangolin</a>, l’hypothèse de l’implication de ces petits mammifères à écailles dans la chaîne de transmission entre les chauves-souris et l’être humain a été émise.</p>
<p>Prenons l’exemple du virus de la rage, responsable depuis plusieurs siècles de milliers de cas chaque année. Même si le réservoir est la chauve-souris, la transmission du virus aux hommes transite la plupart du temps par les carnivores sauvages ou domestiques, comme le renard ou le chien. Ou encore, les <a href="https://science.sciencemag.org/content/268/5207/94">virus Hendra</a> et <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(99)04299-3/fulltext">Nipah</a>, qui ont provoqué, dans les années 1990, des épidémies d’encéphalite en Australie et en Malaisie avec un taux de mortalité compris entre 40 et 60 %.</p>
<p>Là aussi, la contamination à l’homme a été relayée par d’autres espèces animales, les chevaux pour Hendra et les cochons pour Nipah. Enfin, les célèbres <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0001407919309409">virus Ebola</a> et Marburg ont pour réservoir des chauves-souris frugivores d’Afrique. Les victimes humaines auraient été contaminées soit directement auprès des <a href="https://www.nature.com/articles/438575a">chauves-souris</a>, soit au cours de la manipulation de <a href="https://science.sciencemag.org/content/303/5656/387">chimpanzés ou de gorilles morts</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"512227110618791937"}"></div></p>
<h2>Des caractéristiques particulièrement favorables aux virus zoonotiques</h2>
<p>Au total, plus de 60 virus ont été détectés à partir d’organes, du sang ou des excréments de chauves-souris, un nombre bien plus élevé que chez les autres espèces animales.</p>
<p>Plusieurs caractéristiques exceptionnelles prédisposent ces animaux à héberger puis transmettre un nombre aussi élevé de virus.</p>
<p>Premièrement, <a href="http://chauves-souris.e-monsite.com/pages/l-histoire-des-chauves-souris/classification-des-chiropteres/">l’ordre des Chiroptères</a> (les chauves-souris donc) comprend plus de 1 200 espèces, soit environ 20 % de l’ensemble des mammifères. Il s’agit du 2<sup>e</sup> plus important ordre taxonomique parmi les mammifères, après celui des rongeurs.</p>
<p>Les chauves-souris font également partie des mammifères les plus anciens – la majorité des espèces se seraient formées il y a plus de 100 millions d’années. La profusion d’espèces ainsi que leur ancienneté ont abouti à une grande diversité génétique entre les espèces, qui a fait le lit de l’extraordinaire diversité virale observée chez ces animaux.</p>
<p>Deuxièmement, les chauves-souris sont caractérisées par une grande diversité de taille (certaines font 2 mètres d’envergure quand d’autres pèsent à peine 3,5 grammes), de régime alimentaire (insectivore, frugivore et même hématophage) et de mode de vie (certaines sont sédentaires et d’autres sont migratrices).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les chauves-souris vampires », vidéo sur les hématophages. (National Geographic Wild France, 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette diversité biologique leur a permis de coloniser des zones géographiques et des écosystèmes très variés. Par le biais de contacts multiformes avec les habitants et les animaux spécifiques de chaque partie du monde, cette présence ubiquitaire a indéniablement contribué à la diversité extrême des virus hébergés par ces animaux.</p>
<p>Troisièmement, les chauves-souris présentent des caractéristiques physiologiques propices à la persistance des virus à long terme. D’une part, elles ont une longévité de plusieurs dizaines d’années, jusqu’à 40 ans pour certaines espèces (<em>Myotis lucifugus</em> par exemple), ce qui est exceptionnel pour des animaux de petite taille. Cette longévité explique en partie pourquoi ces animaux sont infectieux pendant de longues périodes.</p>
<p>D’autre part, les espèces des régions tempérées entrent en hibernation pendant plusieurs mois aux saisons froides. L’état d’hibernation s’accompagne d’une hypothermie, d’une diminution du rythme cardiaque (jusqu’à 1 battement cardiaque par minute) et d’un ralentissement général du métabolisme qui contribueraient à la persistance du virus dans l’organisme. Enfin, les défenses immunitaires des chauves-souris sont essentiellement supportées par une immunité innée très efficace qui interviendrait de manière significative dans le contrôle et la durabilité de l’infection virale.</p>
<p>Quatrièmement, la plupart des espèces ont un mode de vie grégaire et vivent en colonies de centaines, voire de milliers d’individus, conditions optimales pour une large diffusion des virus au sein des colonies. En outre, les colonies englobent souvent plusieurs espèces différentes de chauves-souris, ce qui accroît la diversité virale suite aux transferts interespèces nombreux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=363&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322070/original/file-20200321-22598-1nyjid3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=456&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sortie d’une colonie de chauves-souris à la tombée de la nuit au Mexique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chiroptera#/media/Fichier:Bat_cave_in_El_Maviri_Sinaloa_-_Mexico.jpg">Tomas Castelazo/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, les chauves-souris vivent souvent en contact avec les populations humaines. De nombreuses espèces séjournent dans des gîtes naturels fréquentés par les êtres humains (grottes, caves, frondaisons des arbres) ou des endroits créés par les hommes (toits des maisons, combles mines désaffectées…). De même, les espèces frugivores consomment fréquemment les fruits des arbres fruitiers cultivés dans les villages.</p>
<p>Les habitants des régions tropicales forestières d’Afrique et d’Asie chassent et consomment régulièrement ces animaux. Ainsi, la manipulation des animaux chassés ou capturés, l’arrivée en abondance de ces animaux sur les arbres fruitiers des villages et leur proximité lors de leurs séjours dans les environnements fréquentés par les communautés humaines constituent autant de sources d’exposition propices à la transmission de virus.</p>
<h2>Un suivi rigoureux pour prévenir les épidémies</h2>
<p>Bien que les chauves-souris soient des réservoirs riches en virus pathogènes pour l’homme, elles occupent néanmoins une niche écologique précieuse au sein de notre planète et jouent un rôle primordial, voire vital, dans le fonctionnement de la biosphère.</p>
<p>Il est donc urgent et impératif de multiplier les recherches visant à identifier et caractériser régulièrement les virus hébergés par ces mammifères volants, et élucider les modalités et les mécanismes génétiques, environnementaux et anthropologiques de leurs transmissions aux êtres humains, seuls moyens pour proposer et mettre en œuvre des stratégies de prédiction et de prévention des épidémies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Leroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La profusion d’espèces de chauves-souris ainsi que leur ancienneté ont abouti à une grande diversité génétique à l’origine de l’extraordinaire variété virale observée chez ces animaux.
Éric Leroy, Directeur de recherche, virologue, spécialiste des zoonoses virales, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/130967
2020-02-12T19:23:00Z
2020-02-12T19:23:00Z
Comment les changements environnementaux font émerger de nouvelles maladies
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314988/original/file-20200212-61929-706ziq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1397%2C928&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Région de Lambaréné, Gabon : à la recherche du réservoir du virus Ebola, des scientifiques autopsient des chauves-souris et recueillent des échantillons biologiques qui seront analysés au Centre de Recherches Médicales de Franceville.</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Jacques Lemasson / IRD</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’épidémie de coronavirus Covid-19 en cours, qui a débuté à Wuhan à la fin de l’année dernière, illustre bien la menace que représentent les maladies infectieuses émergentes, non seulement pour la santé humaine et animale, mais aussi pour la stabilité sociale, le commerce et l’économie mondiale.</p>
<p>Or de nombreux indices portent à croire que la fréquence des émergences de nouveaux agents infectieux pourrait augmenter dans les décennies à venir, faisant craindre une crise épidémiologique mondiale imminente. En effet, les activités humaines entraînent de profondes modifications de l’utilisation des terres ainsi que d’importants bouleversements de la biodiversité, en de nombreux endroits de la planète.</p>
<p>Ces perturbations se produisent dans un contexte de connectivité internationale accrue par les déplacements humains et les échanges commerciaux, le tout sur fond de changement climatique.</p>
<p>Il s’agit là des conditions optimales pour favoriser le passage à l’être humain de micro-organismes pathogènes provenant des animaux. Or, selon l’OMS, les maladies qui résultent de telles transmissions comptent parmi les plus dangereuses qui soient.</p>
<h2>Identifier les nouvelles menaces</h2>
<p>Fièvre hémorragique de Crimée-Congo, virus Ebola et maladie du virus de Marburg, fièvre de Lassa, coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) et syndrome respiratoire aiguë sévère (SRAS), Nipah et maladies hénipavirales, fièvre de la vallée du Rift, Zika…</p>
<p>Toutes ces maladies ont en commun de figurer sur la liste <a href="http://origin.who.int/blueprint/priority-diseases/en/">« Blueprint des maladie prioritaires »</a>, établie par l’OMS en 2018.</p>
<p>Les maladies listées ici sont considérées comme des urgences sur lesquelles doivent se concentrer les recherches. Elles présentent en effet un risque de santé publique à grande échelle, en raison de leur potentiel épidémique et de l’absence ou du nombre limité de mesures de traitement et de contrôle actuellement disponibles.</p>
<p>Cette liste comporte également une « maladie X » : ce terme énigmatique désigne la maladie qui sera responsable d’une épidémie internationale d’ampleur, causée par un pathogène actuellement inconnu. L’OMS ne doute pas qu’elle puisse survenir, et demande donc à la communauté internationale de se préparer en prévision d’un tel scénario catastrophe.</p>
<p>Actuellement, la réponse des autorités de santé publique face à ces maladies infectieuses émergentes consiste à « prendre de l’avance sur la courbe », c’est-à-dire à identifier les facteurs environnementaux susceptibles de déclencher l’émergence. Malheureusement, notre compréhension de la façon dont font surface les nouvelles menaces infectieuses demeure encore limitée.</p>
<p>Mais une chose est sûre, les animaux seront très probablement impliqués dans les prochaines épidémies. Car c’est un autre point commun des maladies de cette liste dressée par l’OMS : toutes peuvent être classées comme des infections virales zoonotique.</p>
<h2>Les animaux largement impliqués dans les nouvelles épidémies</h2>
<p>Au cours des quatre dernières décennies, <a href="http://dx.doi.org/10.1038/nature06536">plus de 70 % des infections émergentes</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11516376">se sont avérées être des zoonoses</a>, autrement dit des maladies infectieuses animales transmissibles à l’être humain.</p>
<p>Au plus simple, ces maladies incluent un seul hôte et un seul agent infectieux. Cependant, souvent <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2992712/">plusieurs espèces sont impliquées</a>, ce qui signifie que les changements de biodiversité ont le potentiel de modifier les risques d’exposition à ces maladies infectieuses liées aux animaux et aux plantes.</p>
<p>On pourrait à ce titre penser que la biodiversité représente une menace : puisqu’elle recèle de nombreux pathogènes potentiels, elle accroît le risque d’apparition de nouvelles maladies.</p>
<p>Pourtant, curieusement, la biodiversité joue également un rôle protecteur vis-à-vis de l’émergence des agents infectieux. En effet, l’existence d’une grande diversité d’espèces hôtes peut <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/08-0942.1">limiter leur transmission</a>, par un <a href="https://jeb.biologists.org/content/213/6/961">effet de dilution</a> ou par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16519242">effet tampon</a>.</p>
<h2>La perte de biodiversité augmente la transmission des agents pathogènes</h2>
<p>Si toutes les espèces avaient le même effet sur la transmission des agents infectieux, on pourrait s’attendre à ce qu’une baisse de la biodiversité entraîne de façon similaire une baisse de la transmission des agents pathogènes. Or il n’en est rien : ces dernières années, les études montrent de façon concordante que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18959321">pertes de biodiversité ont tendance à augmenter la transmission des agents pathogènes</a>, et la fréquence des maladies associées.</p>
<p>Cette tendance a été mise en évidence dans un grand nombre de systèmes écologiques, <a href="https://www.researchgate.net/publication/23191519_Multiple_causes_of_variable_tick_burdens_on_small-mammal_hosts">avec des types hôtes-agents</a> <a href="https://www.researchgate.net/publication/226343190_Invaders_interfere_with_native_parasite-host_interactions">et des modes de transmission très différents</a>. Comment s’explique cette situation ? La perte de biodiversité peut modifier la transmission des maladies de plusieurs façons :</p>
<p>1) En changeant l’abondance de l’hôte ou du vecteur. Dans certains cas, une plus grande diversité d’hôtes peut augmenter la transmission des agents, en augmentant l’abondance des vecteurs ;</p>
<p>2) En modifiant le comportement de l’hôte, vecteur ou parasite. En principe, une plus grande diversité peut influencer le comportement des hôtes, ce qui peut avoir différentes conséquences, qu’il s’agisse d’une augmentation de la transmission ou de l’altération de l’évolution des dynamiques de virulence ou des voies de transmission. Par exemple, dans une communauté plus diverse, le ver parasitaire qui est <a href="https://www.who.int/topics/schistosomiasis/fr/">responsable de la bilharziose</a> (maladie qui affecte plus de 200 millions de personnes dans le monde) a plus de chance de se retrouver <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2660983/">dans un hôte intermédiaire inadéquat</a>. Ceci peut réduire la probabilité de transmission future à l’humain de 25 à 99 % ;</p>
<p>3) En modifiant la condition de l’hôte ou du vecteur. Dans certains cas, dans des hôtes à fortes diversités génétiques, les infections peuvent être réduites, voire induire des résistances, ce qui limite de fait la transmission. Si la diversité génétique se réduit parce que les populations diminuent, la probabilité qu’apparaissent des résistances diminue également.</p>
<p>Dans ce contexte, la perte de biodiversité en cours est d’autant plus inquiétante. Les estimations actuelles suggèrent par exemple qu’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/14645837">au moins 10 000 à 20 000 espèces d’eaux douces</a> ont disparu <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20882010">ou sont à risque de disparaître</a>. Les taux de déclins observés actuellement rivalisent avec ceux des grandes crises du passé, telles que celle qui a marqué la transition entre Pléistocène et Holocène, voici 12 000 ans, et qui s’est accompagné de la disparition de la mégafaune, dont le mammouth laineux était un des représentants emblématiques.</p>
<p>Mais la perte de biodiversité n’est pas le seul facteur influant sur l’émergence de nouvelles maladies.</p>
<h2>Le changement climatique et les activités humaines</h2>
<p>C’est le déplacement de l’empreinte géographique des pathogènes et/ou de l’hôte qu’ils infectent qui conduit <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29770047">à l’émergence de nouvelles maladies infectieuses</a>. À ce titre, l’imprévisibilité croissante du climat mondial et les interactions locales homme-animal-écosystème, de plus en plus étroites dans certains endroits de la planète, jouent un rôle majeur dans l’émergence de nouvelles infections au sein des populations humaines.</p>
<p>Ainsi, l’augmentation des températures moyennes aurait eu un effet significatif sur <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-12-1116">l’incidence de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo</a>, causée par un virus transmis par les tiques, ainsi que sur la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30111605">durabilité du virus Zika</a>, transmis par les moustiques dans les régions subtropicales et tempérées.</p>
<p>La <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/11/12/04-0789_article">consommation de viande de brousse</a> et le commerce d’animaux, résultant de la demande croissante en protéines animales, provoquent aussi des changements importants dans les contacts entre les êtres humains et les animaux. Des études ont démontré que les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0029505">flambées de SRAS</a> et <a href="http://doi.wiley.com/10.2903/j.efsa.2014.3884">d’Ebola</a> étaient directement liées à la consommation de viande de brousse infectée. En outre, la fièvre de Lassa et les maladies dues aux virus Marburg et Ebola prospèrent en Afrique de l’Ouest et du Centre, où la consommation de viande de brousse <a href="http://doi.wiley.com/10.1046/j.1523-1739.1995.951107.x">est quatre fois supérieure à celle de l’Amazonie</a>, pourtant plus riche en biodiversité.</p>
<p>Autre risque : l’expansion de l’agriculture et de l’élevage. Afin de répondre à la demande toujours croissante des populations humaines, de nouveaux espaces doivent être conquis, en déforestant et en défrichant. Or on sait que cette réaffectation des terres <a href="https://jeb.biologists.org/content/213/6/955">peut déclencher l’émergence des maladies infectieuses</a>, en favorisant les contacts avec des organismes jusqu’ici rarement rencontrés. Ainsi, dans les îles de Sumatra, la migration des chauves-souris fruitières causée par la déforestation dû aux incendies de forêt a conduit à l’émergence de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18835214">maladie de Nipah</a> chez les éleveurs et les personnels des abattoirs en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3586606/">Malaisie</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-lextraction-de-lor-fait-proliferer-des-bacteries-devoreuses-de-chair-123116">Quand l’extraction de l’or fait proliférer des bactéries dévoreuses de chair</a>
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<h2>Des émergences inévitables</h2>
<p>Les relations entre la biodiversité des espèces hôtes et celle des parasites et microbes pathogènes sont complexes. En modifiant la structure des communautés, tous ces changements environnementaux risquent d’entraîner une modification des schémas épidémiologiques existants.</p>
<p>Dans ce contexte, les populations humaines peuvent se retrouver au contact d’un animal porteur d’un virus capable de les contaminer. Un cycle d’infections peut alors se mettre en place. Il débute par des cas sporadiques de transmission de l’animal à l’être humain, appelé « virus chatter » (« bavardage viral »). Ensuite, à mesure que les cycles se multiplient, l’émergence de la transmission interhumaine devient inévitable.</p>
<p>Une fois l’épidémie déclenchée, la rapidité de réaction est primordiale. Outre les mesures sanitaires de rigueur, lorsque le temps manque pour mener des études épidémiologiques appropriées les modélisations mathématiques peuvent être d’un grand secours pour évaluer rapidement l’efficacité de la prévention, et anticiper l’évolution de la maladie.</p>
<p>Mais appréhender la complexité des interactions entre réservoir naturel, agent pathogène et hôte(s) intermédiaire(s) reste un défi de taille lorsqu’il s’agit d’intervenir rapidement pour arrêter la transmission de la maladie. L’exemple du COVID-19 l’illustre une nouvelle fois : plus de deux mois après les premières infections, <a href="https://theconversation.com/fact-check-le-pangolin-a-t-il-pu-servir-de-vecteur-au-covid-19-131726">les divers maillons animaux</a> de la chaîne de transmission de l’épidémie restent à identifier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130967/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodolphe Gozlan a reçu des financements publiques de l'Université de Guyane et du Labex CEBA au cours des 5 dernières années. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Soushieta Jagadesh a reçu des financements de Universuté de Guyane. </span></em></p>
Ebola, Nipah, SRAS, fièvre de Lassa, Covid-19, Zika… Transmises par les animaux, ces dangereuses maladies ont toutes émergé récemment. Pourquoi ? Une future épidémie d’ampleur est-elle à craindre ?
Rodolphe Gozlan, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Soushieta Jagadesh, Doctoral Student, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/131007
2020-02-03T15:52:02Z
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Coronavirus : stopper la pandémie réelle, et celle de la peur
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/313340/original/file-20200203-41541-16aal1m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des étudiants cambodgiens font la queue pour se désinfecter les mains afin d'éviter le coronavirus à Phnom Penh, Cambodge.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Heng Sinith</span></span></figcaption></figure><p>L’apparition du nouveau coronavirus en Chine s’accompagne de nombreuses questions quant à l’habileté des instances gouvernementales à gérer des infections nouvellement transmises entre les animaux et les humains.</p>
<p>Le virus, connu sous le nom de 2019-nCov, qui a maintenant été détecté dans de nombreux pays autres que la Chine, aurait pour <a href="https://www.cnn.com/2020/01/29/health/bats-viruses-coronavirus-scn/index.html">origine les chauves-souris</a>.</p>
<p>Le nouveau coronavirus se transmet entre humains, ce qui fait croire à certains qu’il pourrait devenir la prochaine grande pandémie. <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/30-01-2020-statement-on-the-second-meeting-of-the-international-health-regulations-(2005)-emergency-committee-regarding-the-outbreak-of-novel-coronavirus-(2019-ncov)">Avec la déclaration de l’état d’urgence par l’Organisation Mondiale de la Santé le 30 janvier 2020</a>, une pandémie de peur vient également de voir le jour.</p>
<p>Les parents d’une commission scolaire en Ontario <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/coronavirus-chinese-stigma-york-regional-school-board-1.5443128">ont lancé récemment une pétition</a> exigeant que les enfants de familles dont un membre a visité récemment la Chine ne puissent aller à l’école pour une période de 18 jours (on estime que la période d’incubation du virus se situe entre deux jours et deux semaines). La demande a été rejetée, en raison du fait que le virus n’est pas chinois (il a simplement pour origine la Chine) et que la pétition était discriminatoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312998/original/file-20200131-41532-13v8jwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un piéton porte un masque de protection à Toronto après la confirmation officielle du premier cas présumé de coronavirus au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Frank Gunn</span></span>
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<p>La décision peu habituelle du gouvernement chinois de mettre en quarantaine des millions de gens et d’imposer des interdictions de voyager (répétée depuis par d’autres pays) a également <a href="https://www.washingtonpost.com/health/unprecedented-chinese-quarantine-could-backfire-experts-say/2020/01/24/db073f3c-3ea4-11ea-8872-5df698785a4e_story.html">fait sourciller de nombreux infectiologues</a>. Alors que l’<a href="https://www.vox.com/2020/1/28/21079946/coronavirus-china-wuhan-deaths-pandemic">aptitude du virus à se transmettre et à causer des symptômes sévères demeure incertaine</a>, il est difficile de savoir si de telles actions sont justifiées ou plutôt exagérées et coûteuses.</p>
<p>Le virus pourrait muter à nouveau ou se propager dans des pays à faibles revenus ou intermédiaires qui n’ont pas les infrastructures de surveillance ou de contrôle des maladies infectieuses afin de répondre de façon efficace à une épidémie. Cette incertitude, attisée par la désinformation sur les réseaux sociaux, crée une crainte injustifiée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lepidemie-de-coronavirus-a-lheure-des-medias-sociaux-130915">L’épidémie de coronavirus à l’heure des médias sociaux</a>
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<h2>Risque pour l’économie</h2>
<p>Les événements actuels relèvent autant de la sociologie que de la biologie et ont des répercussions à la fois politiques et économiques. La semi-quarantaine chinoise est déjà perçue comme une <a href="https://www.economist.com/international/2020/01/29/chinas-coronavirus-semi-quarantine-will-hurt-the-global-economy?cid1=cust/dailypicks1/n/bl/n/20200129n/owned/n/n/dailypicks1/n/n/NA/390473/n">menace pour l’économie mondiale</a>. Elle pourrait avoir des conséquences sur la santé pires que celles du virus lui-même.</p>
<p>Le SRAS et l’Ebola ont permis de tester l’efficacité de la gouvernance mondiale et celui de chaque État à répondre aux pandémies. La situation s’est améliorée depuis avec la mise en place de nouvelles règles sanitaires internationales, qui ont été utilisées pour déclarer la situation d’urgence. Au pays, l’Agence de Santé publique du Canada coordonne depuis 2004 ces règles sanitaires.</p>
<p>Cette amélioration dans la réponse est notable avec le coronavirus. En effet, la Chine a rapporté les cas détectés très rapidement et l’information a été partagée dès le départ. Mais des défis de gouvernance demeurent, ainsi qu’une prise de conscience de l’importance par l’OMS d’adopter une <a href="https://www.who.int/features/qa/one-health/fr/">approche multifactorielle pour contrer les pandémies, appelée « Un monde, une santé »</a>.</p>
<p>Cette stratégie considère que la santé des humains, des animaux et de l’environnement est profondément imbriquée. En pratique, les connaissances d’experts dans les sciences de la santé humaine, animale et de l’environnement sont combinées avec celles des sciences sociales et humaines afin de développer une <a href="https://www.oie.int/fileadmin/Home/eng/Media_Center/docs/EN_TripartiteZoonosesGuide_webversion.pdf">infrastructure qui permettra de partager l’information et de coordonner les actions afin de répondre plus efficacement à une menace</a>.</p>
<h2>Gouvernance améliorée</h2>
<p>En tant qu’experts en santé publique, nous venons de créer au pays un nouveau réseau transdisciplinaire « Un monde, une santé », ou Réseau 1SS, qui a pour but d’améliorer la gouvernance pour les maladies infectieuses et la résistance aux antimicrobiens tant au niveau local que national et international.</p>
<p>Ce réseau nécessite trois actions : la surveillance (détection), la réponse (coordination et collaboration entre les différents secteurs) et l’équité (avec une emphase sur les plus vulnérables). Elles pourraient toutes être améliorées.</p>
<p>À l’exception de l’influenza (la grippe), il existe très peu de systèmes de surveillance permettant de détecter des infections chez les animaux et les humains. Il est donc difficile de détecter et de suivre à la trace les <a href="http://www.emro.who.int/fr/about-who/rc61/zoonotic-diseases.html">maladies zoonotiques en émergence</a> – les zoonoses étant des infections qui sont transmissibles entre les animaux et les humains.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24712724">Un système de surveillance intégré permettrait de détecter des pathogènes ayant nouvellement infecté une autre espèce animale plus rapidement</a>. Il pourrait également ralentir la progression initiale du pathogène et aussi permettre de mieux informer le public sur les meilleures méthodes de prévention. Le risque d’une pandémie de la peur serait ainsi diminué.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312989/original/file-20200131-41532-degywa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militants sud-coréens des droits des animaux organisent un rassemblement pour demander au gouvernement chinois de limiter la consommation d’animaux sauvages par ses habitants à Séoul. Les pancartes portent la mention « Causes du coronavirus de Wuhan, arrêtez de manger des animaux sauvages. »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kang Min-ji/Yonhap via AP</span></span>
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<p>La coordination entre différents secteurs et paliers gouvernementaux demeure toutefois problématique pour les maladies infectieuses en général, et les maladies zoonotiques en particulier. Les communautés locales sont rarement ou peu amener à s’engager activement.</p>
<p>Lors de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest entre 2013 et 2016, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5394636/">sentiment de méfiance envers les intervenants est apparu suite à un manque de communication efficace avec les communautés</a>. L’ignorance des différences dans les cultures locales a limité le travail des intervenants en santé publique pour promouvoir des cérémonies d’enterrement plus sécuritaires. L’anthropologie, qui permet d’étudier les normes et pratiques culturelles, est depuis considérée comme un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5873540/">élément essentiel à la réponse efficace aux épidémies et aux pandémies</a>.)</p>
<p>Un manque de mécanismes institutionnels au niveau gouvernemental supérieur pose aussi des défis de coordination. La réponse au SRAS au Canada en 2002 a été affaiblie par la <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/migration/phac-aspc/publicat/sars-sras/pdf/sars-e.pdf">fragmentation des mandats de différents départements gouvernementaux</a>. La situation s’est toutefois améliorée au Canada par la suite.</p>
<h2>Santé publique, santé animale et agriculture</h2>
<p>Les trois grandes agences internationales responsables de la santé publique, de la santé des animaux et de l’agriculture ont récemment fait de grands progrès pour intégrer la <a href="https://www.who.int/foodsafety/zoonoses/final_concept_note_Hanoi.pdf?ua=1">surveillance et la gouvernance pour les infections au niveau mondial</a>.</p>
<p>Il y a toutefois encore place à l’amélioration pour développer de meilleures méthodes de gouvernance pour répondre aux épidémies de zoonoses en <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1758-5899.12505">utilisant les principes de « Un monde, une santé »</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312984/original/file-20200131-41495-1ppvzvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS, s’exprime lors d’une conférence de presse à Genève après qu’une urgence mondiale ait été déclarée concernant le 2019-nCov.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean‑Christophe Bott/Keystone via AP</span></span>
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<p>Peu de gens se préoccupent du sort des nations les plus vulnérables qui sont souvent les plus affectées par les épidémies. Toutes actions et réponses aux épidémies devraient promouvoir l’équité en termes de santé et incorporer l’idée des <a href="https://unsdg.un.org/resources/leaving-no-one-behind-unsdg-operational-guide-un-country-teams-interim-draft">Nations-Unies de « ne laisser personne de côté » grâce aux objectifs de développement durable</a>.“</p>
<p>Il faudra également comprendre les précurseurs socio-économiques qui mènent à l’apparition de zoonoses. La présence de compagnies minières étrangères et l’exploitation forestière ont joué un rôle important lors de l’<a href="https://www.oxfordscholarship.com/view/10.1093/oso/9780198835356.001.0001/oso-9780198835356-chapter-10">épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest</a> en contribuant aux conflits et en augmentant le risque d’exposition des humains aux chauves-souris porteuses du virus, tout en permettant à ces industries de s’enrichir.</p>
<p>Le rôle important que jouent les sciences sociales dans l’approche « Un monde, une santé » est mis à l’avant-plan afin de distinguer les impacts des facteurs historiques, politiques et économiques sur les zoonoses.</p>
<p>Tout ceci démontre qu’une réponse efficace aux épidémies telle que celle causée par le 2019-nCoV doit se faire avec l’approche « Un monde, une santé ». Notre nouveau Réseau-1SS canadien regroupe des experts de nombreuses disciplines. Il travaille en coordination avec des partenaires impliqués dans les politiques au niveau fédéral et dans d’autres réseaux mondiaux. Le but est de maximiser l’expertise disponible et de développer de nouvelles connaissances pour une meilleure gouvernance face aux risques posés par les maladies infectieuses.</p>
<p>Alors que la portée et le danger réels du nouveau coronavirus demeurent inconnus, le succès d’une initiative comme ce réseau est réel. Et l’objectif est très clair : stopper à la fois la pandémie et celle de la peur. Les deux objectifs peuvent être assurément atteints.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131007/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arne Ruckert reçoit un financement des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Carabin reçoit des fonds des Instituts canadiens de la santé, des National Institutes of Health (États-Unis), du Fonds de recherche du Québec - Santé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ronald Labonte reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada et des National Institutes of Health. Ronald Labonte est membre du Mouvement pour la santé du peuple.</span></em></p>
L'épidémie de coronavirus en Chine fait craindre une prochaine grande pandémie mondiale. Alors que l'OMS déclare une urgence mondiale, elle alimente également une pandémie de peur.
Arne Ruckert, Part-Time Professor, Social Determinants of Health, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Hélène Carabin, Canada Research Chair and Full Professor, Epidemiology and One Health, Université de Montréal
Ronald Labonte, Professor and Distinguished Research Chair, Globalization and Health Equity, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
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tag:theconversation.com,2011:article/121995
2019-08-28T19:39:38Z
2019-08-28T19:39:38Z
Ebola au Congo-RDC : quand un conflit oublié devient un danger pour la santé internationale
<p>Le 17 juillet dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l’épidémie de fièvre hémorragique à virus Ebola comme une « <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1047721">urgence de santé publique de portée internationale</a> ».
Cette épidémie a déjà fait un millier de victimes et continue de se répandre, malgré la rapidité de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/detail/17-11-2018-who-statement-on-latest-attacks-in-the-democratic-republic-of-the-congo">la réponse de la communauté internationale et le volontarisme des autorités congolaises</a> pour y mettre fin. </p>
<p>Selon les acteurs étatiques et non-étatiques qui interviennent dans la riposte contre l’épidémie, il y a des raisons techniques à la base de la propagation d’Ebola, comme la nature du virus et l’organisation et la gestion de la riposte. </p>
<p>Mais s'y ajoutent également des raisons contextuelles <strong>trop souvent ignorées, liées à la violence inhérente à certaines parties du pays</strong>. </p>
<p>L’insécurité constante émanant de l’action des groupes armés limite ainsi les interventions médicales. </p>
<p>La population se méfie par ailleurs de l'arrivée soudaine des intervenants et de leur intérêt pour des régions qui connaissent des massacres depuis plusieurs années dans l’indifférence totale de la communauté internationale. </p>
<p>Enfin, l’état délabré du système de santé dans ces zones de guerre est un facteur aggravant. </p>
<h2>Le pivot de Beni</h2>
<p>Ce versant contextuel d’Ebola constitue en fait la source principale à la base de sa propagation.</p>
<p><a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1048421">Beni, l’épicentre de l’épidémie d’Ebola</a> en RDC, est ainsi en proie à la violence des groupes armés depuis plusieurs décennies déjà, comme d’ailleurs une bonne partie de l’est de la RDC. </p>
<p>Mais la particularité de Beni, c’est qu’en plus des groupes armés congolais, la ville est, depuis près d’une dizaine d'années, <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20160816-rdc-adf-beni-tuerie-ouganda-rebelles">en proie à une rébellion ougandaise </a>qui opère sur le sol congolais. </p>
<p>Cette rébellion, qui a des racines dans la communauté islamique ougandaise, est connue pour des <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190604-rdc-douzaine-morts-nouveau-massacre-beni">massacres, mutilations, pillages et enlèvements des populations civiles</a>. La Mission des Nations Unions en RDC et l’armée congolaise se sont montrées impuissantes face à ce groupe armé, et particulièrement face aux <a href="https://fr.africanews.com/2019/07/21/rdc-un-chef-coutumier-et-4-civils-tues-dans-deux-attaques-a-beni/">massacres à la machette</a> qui sont devenus sa marque de fabrique. </p>
<p>Cette impuissance mêlée à un certain désintérêt a fini par produire <a href="https://www.voaafrique.com/a/la-guerre-de-kivu-un-conflit-oubli%C3%A9-au-coeur-de-l-afrique-/4583461.html">l’oubli de cette région</a> par le gouvernement congolais et par les acteurs internationaux. </p>
<p>Il a fallu attendre l’apparition d’Ebola en 2018 dans le Nord-Kivu pour qu’on commence à s’y intéresser à nouveau. Plus cette épidémie se répand et résiste à son éradication, plus on parle de cette région et de la nécessité de multiplier les efforts pour la vaincre.</p>
<p>En outre, Béni est situé dans une zone propice à une propagation rapide du virus à travers l'Afrique des Grands Lacs et en Afrique centrale. Avec ses neuf voisins et les mouvements des populations en RDC, une épidémie non maîtrisée pourrait très vite se diffuser au reste du monde. </p>
<h2>Soupçons sur le business des multinationales</h2>
<p>On comprend alors pourquoi l’annonce de l'apparition du virus d’Ebola au Nord-Kivu a suscité <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/07/1048611">l’afflux des centaines de millions de dollars en très peu de temps</a> et une volonté farouche de l’éradiquer. </p>
<p>Mais on comprend aussi pourquoi les populations de Beni se sont montrées méfiantes envers le personnel médical, et regardent avec suspicion cet « afflux de millions » et « des jeeps des ONG » dans leur zone. </p>
<p>Trop longtemps délaissées, beaucoup parmi les populations locales estiment que personne n'est venu pour les sauver et qu'au contraire, les médecins ont inventé cette maladie pour «se faire» de l'argent et décimer la population avec leurs vaccins. </p>
<p>De plus, les ONG qui arrivent se retrouvent au cœur d'une zone abandonnée depuis longtemps, sans équipes médicales disponibles, matériel ou personnel formateur alors qu'il y existait pourtant des structures de santé. Mais celles-ci sont depuis trop longtemps dévastées, le plus souvent totalement abandonnées. </p>
<p>Comme un peu partout en RDC, ces mêmes structures se sont effondrées à cause de l’application des programmes d’ajustement structurel imposés aux pays africains par les bailleurs des fonds (Banque mondiale et le Fonds monétaire international) dans les années 1980 pour réduire les dépenses de l’État dans les secteurs sociaux. </p>
<p>Les <a href="http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/045101.pdf">résultats ont été catastrophiques pour les populations pauvres </a> dépendantes de ces secteurs. </p>
<h2>Face à la cacophonie internationale</h2>
<p>De plus, les récentes critiques du ministère congolais de la Santé envers les ONG et les firmes pharmaceutiques <a href="https://www.bbc.com/afrique/region-49234555">renforcent les soupçons de la population</a> qui se demande si elle n'est pas utilisée comme cobaye au profit de multinationales qui ne seraient là que pour «faire du business». </p>
<p>Lorsque le ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga, a démissionné, en juillet 2019, il a en effet dénoncé la guerre des firmes pharmaceutiques qui tentent d’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/26/ebola-en-rdc-le-ministre-de-la-sante-demissionnaire-revele-les-tentatives-d-introduction-illegale-d-un-vaccin-experimental_5493900_3212.html">introduire un vaccin expérimental</a> pourtant considéré comme non conforme par le gouvernement congolais. </p>
<p>Il a également fustigé les interventions non cordonnées des ONG internationales et la rétention d’informations dues principalement à la course aux financements.</p>
<p>La population de Beni vit au quotidien cette cacophonie. </p>
<p>Pourtant, encore aujourd’hui dans la presse mondiale, ces problèmes contextuels sont considérés comme déconnectés de l'épidémie d'Ebola, voire relevant de l'accessoire, alors qu’ils sont en réalité au centre de sa propagation. </p>
<p>Ces facteurs, qui font d’Ebola un problème également politique, montrent que des millions de dollars ne sont pas nécessairement suffisants pour organiser une riposte efficace contre la maladie. </p>
<p>Si la communauté internationale ne s’engage pas sérieusement pour essayer de trouver une issue politique à la situation à Beni, Ebola pourra certes être éradiqué, mais d’autres menaces pourraient encore émerger dans cette zone et menacer la santé publique, voire la sécurité dans la région.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aymar Nyenyezi Bisoka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans l'est du Congo, soumis à une violence débridée depuis des décennies, les populations se méfient de l'afflux soudain de l'aide internationale.
Aymar Nyenyezi Bisoka, Post-doctoral researcher, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
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2019-08-19T05:38:09Z
2019-08-19T05:38:09Z
Une vie avant la recherche : « Je suis médecin avant d’être anthropologue »
<p><em>Tout en menant une ethnologie des premiers programmes communautaires de traitement du VIH/SIDA en Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina Faso dès 1994, Vinh Kim Nguyen a participé, en tant que médecin et activiste, au combat pour l’accès aux <a href="https://link.springer.com/article/10.1057%2Fsth.2009.12">thérapies antirétrovirales en Afrique</a>. Il suit également de près l’<a href="https://www.jeuneafrique.com/804911/societe/ebola-en-rdc-loms-declare-letat-d-urgence-sanitaire-mondiale/">épidémie d'Ebola</a>. Il revient pour The Conversation sur son engagement, qui ne se cantonne pas à la seule recherche académique.</em></p>
<hr>
<p>Comme beaucoup de gens j'ai toujours été fasciné par la découverte de l'autre, par le voyage, par la richesse de tout ce qui est l'humain dans sa diversité culturelle.</p>
<p>Cela remonte à mes 18 ans – j'étais SDF, et on m'a proposé de partir au Mali dans le cadre d'un programme (<a href="http://jeunessecanadamonde.org/">Jeunesse Canada Monde</a>) l'équivalent des Peace Corps aux États-Unis ou de volontaires civils en France. Quatre mois passés dans un village au Mali à creuser des latrines et construire une école ont été une initiation aux questions humanitaires, politiques et culturelles qui sont au coeur de la santé mondiale aujourd'hui. J'y ai connu la pauvreté, l'inégalité, et l'injustice certes, mais aussi la solidarité, le partage, le rire. J'avais en réalité trouvé un foyer.</p>
<h2>La lutte conte le VIH</h2>
<p>Revenu d'Afrique, j'ai enchaîné les petits boulots qui m'ont permis d'entreprendre des études universitaires. J'ai étudié la biologie, et la philosophie politique; j'ai milité pour le désarmement nucléaire et contre l'apartheid. La survenue de l'épidémie du Sida m'a interpellé sur le plan personnel, mais aussi politique et a fourni une motivation pour poursuivre des études en médecine. Beaucoup plus tard, devenu médecin spécialiste du VIH, au début des années 90, j'ai été frappé par la discordance de l'épidémie en Afrique et l'attention qu'on y portait. Je m'étais impliqué dans une association de lutte contre le VIH en Afrique, par le biais d'un ami qui lui-même a succombé à la maladie peu de temps après.</p>
<p>L’effet des nouvelles trithérapies, <a href="https://www.aides.org/traitement-vih-sida">arrivées dès 1994</a>, a marqué un changement sans commune mesure: dans mon service, on est passé de deux décès par semaine en moyenne à, en 1995, deux décès dans toute l'année. Mais rien sur le <a href="https://journals.openedition.org/faceaface/500">continent africain</a>. Ce fut le début d'un long parcours, celui de la lutte pour l'accès aux traitements pour le VIH – une lutte qui a été fondatrice pour la Santé mondiale, et qui a entériné l'engagement des communautés comme pilier de toute lutte contre les épidémies.</p>
<h2>Le tournant Ebola</h2>
<p><a href="https://www.who.int/csr/disease/ebola/one-year-report/virus-origin/fr/">L’épidémie d'Ebola de 2014</a> - qui a fait plus de 11 000 morts - a cependant créé un nouveau « wake up call » pour moi, une confrontation à beaucoup de choses.</p>
<p>Ainsi je croyais que l'épidémie du VIH avait fait émerger une nouvelle vision de la santé publique et de la santé mondiale. On y avait ainsi appris qu'on ne pouvait pas lutter contre une épidémie sans l'adhésion des personnes concernées et sans dispositif d'engagement communautaire, de dialogue et d'inclusion, et de promotion des gens concernés dans la réponse elle-même.</p>
<p>Mais <a href="https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/2225/files/2019/03/VinKim-Ebola-NEJM2019.pdf">Ebola a marqué un tournant</a>, notamment en <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/republique-democratique-du-congo/ebola-le-cap-de-mille-morts-franchi-en-republique-democratique-du-congo_3428199.html">République démocratique du Congo</a>. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gc2MqH6PK8Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L'auteur en conversation avec Shalini Randeria de l'institut pour les sciences humaines (Vienne) sur la menace épidémique dans les zones de conflits (en anglais)</span></figcaption>
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<h2>Le retour d'une vision répressive</h2>
<p>J’ai assisté au retour d'une vision de la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1157213/ebola-epidemie-nouvelle-strategie-rdc-joanne-liu-msf">santé publique coercitive</a>, répressive avec des discours <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2014-4-page-97.htm">d'exclusion et de la violence</a>.</p>
<p>Est-ce que cela est lié aux tournants politiques que nous vivons depuis 2016 avec le regain du populisme et de styles autoritaires de gouvernement ?</p>
<p>Quoiqu'il en soit, j'en ressens d'autant plus le besoin en tant qu'anthropologue de la santé de m'engager auprès des personnes concernées et comme mes collègues, de lutter contre ces <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/14/en-rdc-comment-ebola-est-devenu-une-maladie-politique_5436156_3212.html">dérives autoritaires</a>.</p>
<p>Car je suis médecin avant d'être anthropologue. Et je suis anthropologue parce que je suis médecin. </p>
<h2>Chercher à comprendre ses patients</h2>
<p>Et vouloir être un bon médecin est un médecin qui cherche à comprendre ses patients, par juste celui qu'on a en face de nous au moment de le consulter, mais le patient dans son vécu, dans sa communauté, dans sa vie qui finalement et heureusement est beaucoup plus important pour lui. </p>
<p>Continuer d'exercer la médecine pour moi évite de rester dans une bulle académique, ce qu'on voit parfois avec certains scientifiques qui sont détachés de la réalité quotidienne des gens. Il faut savoir sortir de la clinique et rencontrer ses patients et leurs familles pour voir, constater, apprendre.</p>
<p>S'engager dans cette démarche en tant que chercheur est avant tout, pour moi, une question d'ethos personnelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vinh Kim Nguyen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
« Avec Ebola j'ai assisté au retour d'une vision de la santé publique coercitive ».
Vinh Kim Nguyen, Professeur d'anthropologie de la santé, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)
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2019-05-31T15:20:20Z
2019-05-31T15:20:20Z
Trois solutions radicales pour arrêter la propagation d'Ebola en Afrique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277246/original/file-20190530-69071-cyxa9s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des professionnels de la santé enterrent un enfant mort du virus Ebola dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo. La propagation du virus ne donne aucun signe d'essoufflement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hugh Kinsella Cunningham/EPA</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Virus_Ebola">Le virus Ebola</a> terrorise une fois de plus une nation africaine. L’épidémie actuelle en <a href="https://theconversation.com/ebola-returns-to-the-drc-for-the-10th-time-heres-what-we-know-101048">République démocratique du Congo</a> (RDC) continue de s’étendre depuis sa première apparition il y a de cela 10 mois. À la mi-mai, on décomptait 1847 cas (dont 1759 confirmés et 88 probables). Au total, on compte 1223 décès (dont 1135 confirmés et 88 probables), et 487 personnes y ont survécu.</p>
<p>Les décès dus à cette épidémie représentent 10 % du nombre total des décès enregistrés en Afrique de l’Ouest lors de l’épidémie de <a href="https://www.cdc.gov/vhf/ebola/history/2014-2016-outbreak/index.html">2014</a>, qui avait fait plus de 11 000 victimes.</p>
<p>Si cette épidémie n’a pas suscité autant d’attention à l’international, c’est en partie à cause de nouveaux développements prometteurs, plus spécifiquement le <a href="https://theconversation.com/ebola-vaccine-is-key-in-ongoing-efforts-to-contain-the-drc-outbreak-110924">vaccin</a> anti-Ebola expérimental qui a été administré à 100 000 personnes. De plus, de nouveaux traitements expérimentaux pour les patients infectés ont été mis en œuvre.</p>
<p>Des leçons ont également été tirées depuis l’épidémie de 2014 dont la propagation ultra-rapide a été en partie due à la lenteur de l’intervention internationale et la mauvaise affectation des fonds. Cette fois, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réagi <a href="https://www.who.int/ebola/drc-2018/treatments-approved-for-compassionate-use-update/en/">avec célérité</a>.</p>
<p>Ces bonnes nouvelles ne peuvent cependant masquer le fait que l’épidémie d’Ebola en cours demeure l’une des plus complexes, mortelles et impitoyables qui soient.</p>
<p>Il est important de comprendre pourquoi. Et tout aussi important que les autorités responsables adoptent des approches radicales afin d’enrayer l’épidémie. Certaines méthodes - comme le versement d’allocations aux dirigeants locaux ou l’incorporation de groupes de rebelles dans le processus préventif - ont déjà été essayées ailleurs et devraient être reproduites.</p>
<h2>Un environnement complexe et des occasions manquées</h2>
<p>Tour d’abord, étudions le climat politique. Dans ce cas, l’Ebola s’étend en pleine zone de guerre. En une convergence terrifiante, le virus s’est en premier propagé au <a href="https://www.amnesty.org/en/get-involved/take-action/demand-justice-for-the-victims-of-beni-killings-in-drc/">Béni</a>, épicentre d’un conflit persistant qui a fait des victimes tant au sein de la population civile que parmi les Casques bleus.</p>
<p>Combattre l’Ebola est compliqué et risqué, même sans la menace de violences. Dans une zone de guerre, la tâche s’avère pratiquement impossible : le personnel sanitaire se bat contre le virus tout en étant ciblé par des forces rebelles.</p>
<p>Le ministère congolais de la Santé <a href="https://fr.sputniknews.com/afrique/201905281041271073-la-psychose-gagne-lest-de-la-rdc-en-proie-au-virus-ebola/">a déjà recensé 132 attaques contre des équipes sanitaires</a>, qui ont causé la mort de quatre personnes et fait des dizaines de blessés.</p>
<p>Les attaques sont quasi quotidiennes. Récemment, <a href="https://www.theguardian.com/global-development/2019/feb/28/arsonists-attack-ebola-clinics-in-drc-as-climate-of-distrust-grows">deux centres de traitement</a> opérés par Médecins sans frontières ont été pris d’assaut en l’espace d’une semaine. Et l’un des <a href="https://afro.who.int/news/who-hero-laid-rest">médecins</a> de l’OMS a été assassiné par une milice armée.</p>
<p>De plus, les leçons essentielles à la survie apprises à la suite de l’épidémie en Afrique de l’Ouest ne sont pas mises en pratique. Il est vrai que les circonstances rencontrées en RDC rendent certaines mesures difficiles à appliquer.</p>
<p>Par exemple, une des plus importantes conclusions tirées de l’épidémie de 2014 est l’importance du rôle que joue la peur dans les communautés touchées par l’Ebola. Au <a href="https://theconversation.com/ebola-in-the-drc-expert-sets-out-critical-lessons-learnt-in-liberia-108707">Liberia</a>, les gens étaient au départ tellement effrayés par le personnel médical qu’ils refusaient d’être soignés et ne respectaient pas les consignes interdisant la mise en quarantaine auto-imposée.</p>
<p>En tant que l’un des coordinateurs principaux de la lutte nationale contre l’Ebola au Liberia, l’une de mes tâches principales a été d’apaiser la crainte généralisée. Nous l’avons fait en impliquant les gens des communautés locales. Nous les avons embauchées pour nous aider de diverses manières, y compris en les envoyant à la recherche des cas infectés et en menant les négociations auprès des membres hostiles à notre intervention.</p>
<p>Mais le manque de confiance persiste, illustré par d’inquiétants <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(19)30063-5/fulltext">rapports </a> indiquant que beaucoup refusent de se faire vacciner. Nous ne savons pas encore pourquoi. Les gens sont pourtant réceptifs à d’autres types de traitements contre l’Ebola.</p>
<p>Mes expériences précédentes m’ont appris que le personnel sanitaire doit trouver un moyen de briser les barrières pour ouvrir la voie à l’efficacité des campagnes de vaccination - et de s’assurer que la résistance initiale ne se transforme pas en rejet systématique des protocoles de soin en général.</p>
<p>La tragédie est évidente: l’épidémie d’Ebola en cours est en voie de dissémination à un rythme soutenu. Et le risque de contagion aux pays voisins ainsi qu’une internationalisation possible sont des perspectives terrifiantes.</p>
<h2>Trois solutions non conventionnelles</h2>
<p>Il nous a fallu réfléchir en dehors des conventions de l’intervention d’urgence. </p>
<p>Tout d’abord, regardons du côté des dirigeants et des leaders des communautés touchées. Ils peuvent motiver les responsables communautaires (chefs, guérisseurs, femmes, prêtres) en leur versant des allocations fixes afin qu’ils dirigent leurs efforts dans leurs villages et villes respectifs. Cela permettra de créer un réseau de messagers inspirant confiance et capables de communiquer effectivement avec une population effrayée et confuse. Nous l’avons fait au Liberia. Et cela peut être accompli en RDC, malgré les défis que représente l’état de guerre.</p>
<p>Au Liberia, nous avons motivé une bande locale qui présentait des symptômes d’infection en leur offrant de la drogue illégale. Méthode peu conventionnelle - il n’existe pas de mode d’emploi pour ce type d’intervention - mais ça a fonctionné: nous avons négocié la mise en quarantaine de 32 sans-abris faisant partie de leur bande. Nous avons également offert de la nourriture à des voleurs armés en échange d’un droit de passage vers le bidonville de West Point.</p>
<p>Deuxièmement, la nourriture peut servir à motiver une réponse communautaire et une mise en quarantaine volontaire. La nourriture a historiquement été utilisée comme arme de guerre, mais nous l’avons détournée au Liberia afin de l’utiliser pour endiguer l’Ebola. Nous avons réussi en collaboration avec le Programme alimentaire mondial. Nous avons fourni de la nourriture pour tous les habitants de villages contaminés par l’Ebola. Les dirigeants de ces villages ont décidé que pendant 21 jours, personne ne quitterait le village ou n’y entrerait. En offrant de la nourriture et en satisfaisant les besoins de base de leurs villages, les dirigeants locaux ont acquis l’autorité nécessaire pour inciter leurs administrés à contenir l’épidémie.</p>
<p>Troisièmement, il faut employer tous les moyens nécessaires pour motiver les forces rebelles et les rendre parties prenantes de la lutte. Une tierce partie de confiance - comme la Communauté de développement d'Afrique australe, l’OMS, ou autre organisme - doit convaincre le gouvernement central de leur permettre d’aller à la rencontre des factions belligérantes et de leur donner les ressources nécessaires à une action au niveau de leurs territoires respectifs.</p>
<p>Idéalement, il faudrait demander aux diverses factions une trêve de 42 jours afin de permettre une intervention massive. Cela s’est fait au Salvador grâce aux efforts de <a href="https://www.unicef.org/french/publications/files/Jim-Grant-LR.pdf">James P. Grant</a>, distingué ancien président de l’UNICEF, aujourd’hui décédé. Il a mis en route les « Jours de tranquillité » afin que les factions acceptent un cessez-le-feu le temps d’immuniser les populations. Il a réussi en se servant de l’influence de l’Église catholique.</p>
<p>En RDC, les principaux acteurs pourraient être rassemblés afin de soutenir un cessez-le-feu de 42 jours contre Ebola.</p>
<p>Si nous voulons gagner le combat en cours contre l’Ebola, il nous faut utiliser des approches non conventionnelles, au risque de susciter la controverse. Le fait est que les gens pauvres et négligés sont les plus exposés aux maladies infectieuses, et ne font pas confiance aux autorités. La méfiance envers l’autorité, la guerre civile, et l’Ebola constituent un cocktail explosif et ce, malgré les réponses coûteuses et les contre-mesures médicales.</p>
<p>Le temps presse…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117735/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mosoka Fallah est consultant pour MERCK/MSD en tant qu'expert africain dans le processus de validation du vaccin contre Ebola. </span></em></p>
Les faits sont incontestables : l'épidémie actuelle d'Ebola est en expansion et ne donne aucun répit. La méfiance envers l’autorité, la guerre civile et le virus constituent un cocktail explosif.
Mosoka Fallah, Part-time lecturer at the Global Health & Social Medicine, Harvard University, and Lecturer at the School of Public Health, College of Health Sciences, University of Liberia
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2019-04-23T21:40:17Z
2019-04-23T21:40:17Z
Côte d’Ivoire : pourquoi le risque Ebola n’a pas été pris au sérieux par les consommateurs de gibier
<p>De 2013 à 2015, l’épidémie d’Ebola qui a sévi pour la première fois en Afrique de l’Ouest a fait 28 646 cas confirmés, probables et suspects notifiés, dont 11 323 décès. La Guinée, le Libéria et la Sierra Leone ont cumulé à eux seuls 28 616 cas dont 11 310 décès, avec un ratio cas/décès de 3811/2543 pour la Guinée, 10 675/4809 pour le Libéria et 14 124/3956 pour la Sierra Leone. </p>
<p>Face au risque de contamination bien réel en raison de la proximité géographique de la Côte d’Ivoire avec ces pays, le gouvernement a pris, en urgence, des mesures préventives. Au nombre de ces mesures figure l’interdiction de la chasse, de la commercialisation et de la consommation du gibier couramment appelé la « viande de brousse ». Cette restriction s’est étendue de mars 2014 à septembre 2016.</p>
<p>Mais en dépit des campagnes de sensibilisation et des sanctions prévues par cette mesure, l’interdiction n’a jamais été strictement observée. Bien au contraire, des stratégies de contournement ont été échafaudées par les populations.</p>
<p>Cette obstination trouve son explication dans le contexte sociopolitique ivoirien qui a nourri les représentations de la maladie. Elle s’est révélée être une forme de contestation du discours officiel.</p>
<h2>Ebola, un avatar du « complot permanent orchestré par les anciennes puissances coloniales »</h2>
<p>La guerre de 2002 s’est soldée par la crise post-électorale de 2010 à 2011 avec l’intervention militaire décisive de la France et le transfert de l’ex-président Laurent Gbagbo à la CPI, récemment relâché. Ses partisans et nombre d’observateurs de la vie politique ivoirienne crient au complot. L’extrapolation de cette situation à l’échelle continentale a ravivé les débats sur la France-Afrique et les relations Nord-Sud.</p>
<p>Les interventions des anciennes puissances coloniales sur le continent africain et leur rôle dans la déstabilisation de certains régimes ont modelé l’idée du complot permanent, dépoussiéré à l’occasion de cette épidémie. C’est cette perception de type « complotiste » qui a constitué le ferment de la violation de l’interdiction relative au gibier. Les propos ci-dessous, recueillis auprès de deux consommateurs de gibier à Abidjan (Côte d’Ivoire), témoignent de la forte prégnance de la théorie du complot dans l’imaginaire populaire.</p>
<blockquote>
<p>« Je dis toujours ça : c’est la politique des Blancs… C’est les mêmes qui vont quitter là-bas pour dire telle maladie est chez vous. C’est eux qui trouvent toujours remède pour ça. C’est la politique française. On est habitué à eux. »</p>
<p>« La Guinée a toujours refusé les Français. Ils ont toujours refusé. Ils ne voulaient pas la France chez eux jusqu’à présent. Mais la France se force de rentrer là-bas, mais eux ils refusent. Donc c’est les conneries tout ça là. C’est pour ça ils ont mis Ebola chez eux. L’Amérique, la France, la Russie, tous, c’est les mêmes choses. »</p>
</blockquote>
<p>L’épidémie d’Ebola est donc perçue comme un signifiant dont le signifié est l’impérialisme des ex-puissances coloniales. C’est pourquoi nombre d’Ivoiriens ont estimé, qu’au regard de l’idylle entre la communauté internationale et le président Alassane Ouattara, il n’y avait pas à craindre le pire.</p>
<p>L’idée que l’épidémie se propage à la tête du client a renforcé celle du complot – théorie qui a psychologiquement galvanisé les irréductibles consommateurs du gibier. Mais l’interdiction, assortie de sanctions sévères, a conduit commerçants et consommateurs à mobiliser un système de communication crypté.</p>
<h2>L’usage de codes et d'expressions pour la commercialisation et la consommation clandestines</h2>
<p>Passer une commande de gibier dans les restaurants qui continuaient ce commerce était désormais subordonné à l’utilisation d’un mot de passe durant toute la période de l’interdiction. Une diversité de codes facilitait ce commerce. Les plus utilisés étaient : « débo », « secret », « la viande d’hier », « Déborah », « ancien », « cure-dents », « ebo », « le vieux », et des expressions comme « Donne-moi même chose », « Donne-moi ma commande que je t’ai demandé ».</p>
<p>« Ebo », « Déborah », etc., étaient des formes de parodies de l’appellation de l’épidémie visant à la dédramatiser en la tournant en dérision. Quant aux termes « ancien », « le vieux », « la viande d’hier », ils faisaient allusion au gibier prisé antérieurement.</p>
<p>Une restauratrice d’un célèbre lieu de consommation du gibier dans la capitale économique ivoirienne raconte :</p>
<blockquote>
<p>« Quand tu arrives, “Donne-moi secret” ; “Ah, et mon plat que j’ai commandé ?”, “Donne-moi le vieux”. Ils disent, “Est-ce qu’il y a ancien ?”, “Est-ce qu’il y a Deborah ?”, “Est-ce qu’il y a secret ?” C’est comme ça, ils appelaient. »</p>
</blockquote>
<p>Toutefois, ces codes et ces expressions fonctionnaient dans un cadre relationnel particulier.</p>
<h2>Le cadre relationnel, pivot du marché noir du gibier</h2>
<p>Le fonctionnement de ce système s’appuyait sur des relations amicales et familiales, cimentées par la confiance, la solidarité et la confidentialité entre les consommateurs et les restaurateurs. La détention du seul code n’était pas une garantie suffisante pour se faire servir du gibier.</p>
<p>En plus du mot de passe, il fallait être connu du restaurateur ou se faire accompagner par un habitué des lieux. La suspicion générale qui planait entretenait la méfiance des restaurateurs qui rechignaient à servir la « viande de brousse » à un quidam se présentant avec un code.</p>
<blockquote>
<p>« C’était la confiance même parce que c’était risqué. Si elle ne te connaît pas et que tu viens lui dire, même si tu dis le nom, elle ne va pas te servir. Ou bien tu es accompagné de ton ami que la femme connaît. »</p>
</blockquote>
<p>(Propos d’un consommateur d’Odiénné, nord-ouest de la Côte d’Ivoire).</p>
<p>Au regard de ce qui précède, l’obsession, l’attachement des Ivoiriens à la viande de brousse ne peuvent être réduits à de simples besoins nutritionnels.</p>
<h2>Consommer de la « viande de brousse », c’est bien plus que se nourrir</h2>
<p>Ce goût prononcé pour le gibier est lié à trois représentations sociales de sa consommation.</p>
<p>Le premier est relatif à la préservation des espaces de création de liens sociaux. En effet, ces espaces que sont les « maquis » (appellation des restaurants populaires ivoiriens) favorisent le renforcement des liens entre les consommateurs de gibier à l’occasion de rencontres et d’activités festives.</p>
<p>Le second trouve son fondement dans la préservation des valeurs culturelles. En Côte d’Ivoire, certaines communautés, notamment celles des régions forestières et de savane, accordent une place de choix à cette ressource devenue un produit social.</p>
<p>Elle fait partie intégrante de l’identité culturelle et a une importance capitale dans les cérémonies coutumières de certains peuples. Les risques valent donc la peine pour ces populations qui refusent de sacrifier leur identité culturelle sur l’autel d’une urgence sanitaire qu’elles ne perçoivent pas comme telle.</p>
<p>Le troisième est la perception de la consommation du gibier en zone urbaine comme un indicateur de l’ascendance sociale.</p>
<p>En définitive, ce sont les représentations du risque Ebola en Côte d’Ivoire, construites à l’aune du contexte sociopolitique, qui ont conduit à la banalisation et à la dédramatisation de l’épidémie, favorisant la violation des mesures interdisant les activités liées au gibier.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270944/original/file-20190425-121245-1w6g760.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Toily Anicet Zran est soutenu par la Fondation Croix-Rouge française, dédiée à l’action humanitaire et sociale. Elle accompagne les chercheurs depuis la conception de leur projet de recherche jusqu’à la mise en valeur de leurs travaux, et la promotion de leurs idées.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la <a href="https://www.fondation-croix-rouge.fr/">Fondation Croix-Rouge française</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115279/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Toily Anicet Zran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En dépit des campagnes de sensibilisation, de la médiatisation de l’épidémie et des sanctions prévues, l’interdiction n’a jamais été strictement observée en Côte d’Ivoire. Voici pourquoi.
Toily Anicet Zran, Enseignant-chercheur, Maître-Assistant, Université Alassane Ouattara de Bouaké
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/111252
2019-02-06T22:57:15Z
2019-02-06T22:57:15Z
Ebola 2014, laboratoire de Trump et Breitbart avant les fake news de la campagne 2016 ?
<p>Si la politique est un terrain de jeu particulièrement fécond pour la diffusion de fake news, les questions de santé ne sont pas en reste, que ce soit les vaccins ou les grandes épidémies. Ayant travaillé avec une anthropologue de la santé, Laetitia Atlani-Duault de l’IRD, sur les conversations sur Twitter et Facebook au pic de l’épidémie d’Ebola de l’automne 2014, j’avais décidé de reprendre notre corpus pour étudier la manière dont certaines rumeurs et mensonges avaient circulé, notamment en Afrique.</p>
<p>Mais en regardant de plus près les choses, concernant les informations manipulées ayant circulé aux États-Unis à cette époque, c’est une troublante découverte que nous avons faite. Tous les ingrédients qui ont fait de la campagne présidentielle américaine de Donald Trump le poison délétère que chacun connaît étaient déjà réunis deux ans avant, au sujet d’Ebola. Au point qu’on peut légitimement se demander si Ebola n’a pas été consciemment un terrain d’expérimentation des arguments de campagne sécuritaires du candidat soutenu par l’« alt right » et une façon de roder leurs techniques de fabrication des fake news.</p>
<h2>Quand l’« alt right » et Donald Trump s’emparaient d’Ebola</h2>
<p>Alors que Donald Trump n’est encore officiellement candidat à aucune investiture politique, il s’est montré dès le début de l’épidémie particulièrement actif sur Twitter à son sujet. En deux mois et demi, il a martelé dans plus de 40 tweets qu’il fallait fermer les frontières aériennes américaines aux vols en provenance des pays touchés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257373/original/file-20190206-86195-983hm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tweets Trump octobre.</span>
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<p>Il a fustigé la faiblesse supposée criminelle du Président Obama qui refusait de prendre une telle mesure. Le traitant d’incompétent, de « dumb », « stupid », etc. Autant de sobriquets infamants qu’il utilisera plus tard contre sa rivale démocrate Hillary Clinton.</p>
<p>Le site dit d’information de Steve Bannon, éminence grise du candidat Trump quelques trimestres plus tard, a lui aussi été hyperactif sur le sujet. Le correspondant de <em>Breitbart</em> au Texas a relayé avec complaisance, et sur un ton anxiogène, toutes les rumeurs ayant pu surgir au sujet de contaminations Ebola intervenues aux États-Unis, quitte à démentir après et annoncer que non, finalement, il n’y avait pas de cas d’Ebola. L’important était d’entretenir un climat anxiogène.</p>
<p>C’est ce même correspondant qui va se mettre à compter le nombre de vols ou de passagers autorisés à atterrir sur le sol américain en provenance des pays touchés, pour sous-entendre l’ampleur de la menace qui pèse sur ses concitoyens.</p>
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<span class="caption">Tweet de Bob Price.</span>
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<p>Et le plus troublant est la façon dont Breitbart va indexer ses articles. Pas de trace du mot « santé », pas d’« Ebola », pas d’« épidémie », non, aucun de ces mots-clés qu’on pouvait s’attendre à voir figurer. En lieu et place, « border », c’est-à-dire « frontière ». Ici, le plus souvent la frontière aérienne (il faut stopper les vols en provenance des pays touchés), mais les commentaires des internautes au pied des articles et d’autres médias « alt right » n’hésitent pas à élargir le spectre à la frontière canadienne ou mexicaine, avec association à Daech. Sans parler de l’idée saugrenue que des djihadistes pourraient se faire volontairement inoculer Ebola, puis viendraient passer la frontière et agir comme des bombes humaines disséminant la mort autour d’eux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=514&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257464/original/file-20190206-174894-le0rm2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=646&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mail online associant Ebola au terrorisme islamiste.</span>
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<p>Un vaste amalgame frontière, insécurité, terrorisme, Ebola se développe donc dans la sphère de la droite réactionnaire américaine à l’automne 2014.</p>
<h2>La fabrication de fake news</h2>
<p>Si l’on s’entend sur une définition des fake news comme des informations fausses, souvent sensationnelles, forgées de toutes pièces et diffusées sous le couvert de reportages journalistiques, alors on constate que – dès l’automne 2014 – Ebola a permis de déployer des savoir-faire en la matière qu’on va retrouver à s’épanouir en 2016. Contentons-nous de détailler un exemple afin d’entrer dans le détail des procédés à l’œuvre.</p>
<p>Les autorités sanitaires annoncent toutes depuis longtemps que la transmission d’Ebola se fait par un contact avec les fluides corporels des personnes touchées, excluant donc la transmission par inhalation d’air où aurait respiré un malade (transmission « airborne » en anglais). Pour tout manipulateur d’angoisse, c’est fort dommage car rien de mieux qu’une impalpable transmission possible, planant dans l’air, invisible, pour provoquer la panique. L’« alt right » va donc s’y employer, quitte à fabriquer un mensonge diffusé sur les réseaux socionumériques selon des modalités qui prendront leur plein essor deux ans plus tard. Reprenons brièvement le modus operandi.</p>
<p>Le CIDRAP (Center for infectious disease research and policy) de l’université du Minnesota fait paraître sur son blog, le 17 septembre 2014, un « commentary » cosigné par deux chercheuses en santé d’une université à Chicago au sujet de la méthode optimale de protection des personnels de santé en lien direct avec des malades infectés. Commentaire qui « reflète l’opinion personnelle des auteures », comme cela est écrit bien en évidence.</p>
<p>Spécialiste des systèmes de protection de santé, Lisa Brosseau pense que les sécrétions corporelles contaminantes peuvent se volatiliser sous forme de gouttelettes susceptibles d’être inhalées à la respiration. Donc, elle conclut que le port d’un masque simple pourrait ne pas suffire pour les soignants. Article technique, aride, où les mots sont choisis et prudents, il va être instrumentalisé à des fins de généralisation abusive.</p>
<p>Le 2 octobre suivant, sur un blog à bonne diffusion, un premier article sort s’inspirant de ce texte initial : « Ebola pourrait devenir airborne. » Plusieurs citations du texte de Brosseau sont faites, mais en omettant le contexte et en faisant croire que cela nous concerne tous et non pas seulement les personnels soignants en lien direct avec les malades.</p>
<p>Faute d’impact suffisant, le même site republie, le 10 octobre, un article quasi similaire dans son contenu mais avec deux changements importants : il indique que c’est le CIDRAP qui atteste de cette découverte et, selon le titre, qu’il y a « une preuve scientifique qu’Ebola soit transmissible par l’air. » Cette version plus anxiogène – et plus déformante – du texte initial va servir de base à l’orchestration manipulatoire par l’« alt right ».</p>
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<span class="caption">Un faux tweet du compte université Minnesota.</span>
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<p>Deux jours après, <em>Breitbart</em> publie un article intitulé : « Medical research org. CIDRAP : Ebola transmittable by air ». Cet article va être republié sur des sites de la même mouvance comme <em>The Inquisitr</em>, relayé sur les comptes de la fachosphère américaine et aussi sur un compteur Twitter usurpateur de l’université du Minnesota.</p>
<p>L’imitation est grossière, mais qu’importe : l’enjeu est d’accréditer au début que le contenu de l’article de <em>Breitbart</em> est véridique puisque même l’université qui héberge le centre de recherche CIDRAP relaie l’information sur son compte Twitter.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257371/original/file-20190206-86220-tdpaoh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Université du Minnesota vrai et faux compte Twitter.</span>
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<p>À partir de là, c’est un discours de peur qui est mis en scène sur les réseaux socionumériques, comme dans ce photomontage grotesque concernant Air France, la compagnie d’un pays connu pour ses liens forts avec l’Afrique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=528&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257372/original/file-20190206-86210-kyma0q.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=663&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ebola, Air France et les ailes de la mort.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien sûr, l’université du Minnesota et le CIDRAP vont publier des démentis, mais qu’importe, le mal est fait. D’ailleurs, le 30 novembre 2015, Breitbart republiera un article sur Ebola en s’auto-citant un an avant et en signalant de nouveau que le CIDRAP avait reconnu scientifiquement la contamination par l’air…</p>
<h2>Et même la Russie est au programme</h2>
<p>En regardant ce procédé de fake news on serait en droit de dire, pour que le parallèle avec l’élection de 2016 soit complet, qu’il faudrait un ingrédient russe à ce cocktail sulfureux. Et bien on l’a trouvé aussi. Le blog de syndication de publications d’où la manipulation est partie, la première fois comme un pétard mouillé, puis la seconde fois avec plus de mensonges, est outrageusement pro-russe.</p>
<p><em>Zero Hedge</em>, c’est son nom, est dénoncé comme organe d’ingérence étrangère dès cette époque, le <a href="https://streetwiseprofessor.com/how-do-you-know-that-zero-hedge-is-a-russian-information-operation-heres-how/">20 novembre 2014</a>, par l’universitaire Craig Pirrong en des termes lucides et explicites :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai souvent écrit que <em>Zero Hedge</em> suivait le <em>modus operandi</em> d’une opération d’agit-prop soviétique, qu’il colportait de manière fiable la propagande russe. Mon premier post sur ce sujet, il y a presque exactement trois ans, faisait déjà ressortir le parallèle entre <em>Zero Hedge</em> et <em>Russia Today</em>. Il y a quelques jours, <em>Zero Hedge</em> a publié un article qui illustre parfaitement comment il diffuse de la propagande russe calomniant les États-Unis et d’autres ennemis de la Russie, tels que l’Ukraine. »</p>
</blockquote>
<p>Et tout son texte est à l’avenant. Il écrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Entrer dans une publication web très lue, telle que <em>Zero Hedge</em>, qui est ensuite relayée par de nombreuses autres sources et largement tweetée, garantit que le mensonge devient viral. […] <em>Zero Hedge</em> est une importante courroie de transmission qui diffuse l’histoire des propagandistes russes aux consommateurs occidentaux d’informations. Ça arrive souvent. »</p>
</blockquote>
<p>Nous sommes bien trois ans avant les accusations du procureur Mueller sur l’influence étrangère russe dans la campagne présidentielle !</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Face à tant de données convergentes, il est impossible de parler de coïncidences. Il faut y voir lucidement ce qui est : un système organisé de manipulation de la peur qui instrumentalisait Ebola pour défendre un agenda sécuritaire qui allait marteler la question de la frontière comme marqueur de différenciation politique.</p>
<p>Parti en quête de propos mensongers sur Ebola, nous sommes tombés nez à nez avec Donald Trump, <em>Breitbart</em>, un site russophile et des fake news. Tout ce petit monde se faisait visiblement les griffes en attendant de déployer son idéologie xénophobe et ses armes de manipulation massive à une plus vaste échelle à l’occasion de l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111252/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Arnaud Mercier a reçu des financements de l'IRD et de l'INSERM dans le cadre de cette étude sur Ebola dirigée par Laetitia Atlani-Duault. </span></em></p>
En quête de propos mensongers sur Ebola en 2014, nous sommes tombés sur Donald Trump, Breitbart, un site russophile et des fake news. Ce petit monde se faisait les griffes en attendant l’élection.
Arnaud Mercier, Professeur en Information-Communication à l’Institut Français de presse (Université Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/104663
2018-11-07T21:47:42Z
2018-11-07T21:47:42Z
Chercheur à Montpellier, voici pourquoi j’ai choisi de revenir en Guinée
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243788/original/file-20181104-83638-vx827n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C7%2C5275%2C3508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le chercheur guinéen Alpha Keita, dans le laboratoire à l'Institut national de santé publique, à Conakry. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Tendero/Divergence-images.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>J’ai 38 ans, je suis né en Guinée. J’y suis devenu médecin, puis je suis parti étudier en France. J’ai soutenu ma thèse de sciences à l’université d’Aix-Marseille. S’est alors posée, pour moi, une question d’importance. Allais-je poursuivre ma carrière de chercheur en France, ce qui me garantissait des moyens conséquents pour mes travaux ? Ou bien revenir dans mon pays, avec les aléas liés à <a href="https://www.populationdata.net/palmares/idh/">son faible niveau de développement</a> ?</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/ebola-24917">Ebola</a> a décidé pour moi.</p>
<p>En 2015, l’épidémie de fièvre hémorragique qui frappe la Guinée pour la première fois de son histoire se trouve hors de contrôle. <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/biosecurite-biosurete-laboratoire/fiches-techniques-sante-securite-agents-pathogenes-evaluation-risques/virus-ebola.html">Le virus</a>, mortel deux fois sur trois, menace mes compatriotes, mes amis, ma famille. Comme ma spécialité est la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiologie">microbiologie</a>, autrement dit l’étude des microbes, je me porte volontaire, depuis la France, pour me rendre sur place.</p>
<p>Je suis envoyé en zone de forêt tropicale, berceau de l’épidémie. J’y analyse les tubes de sang ou les écouvillons (sorte de cotons-tiges) de salive prélevés sur les personnes se présentant avec de la fièvre. Cet examen, capital, permet de savoir lesquelles sont porteuses du virus Ebola, et d’isoler ainsi les sources d’une contagion potentielle.</p>
<p>Quand l’<a href="https://afro.who.int/fr/news/guinee-declaration-de-la-fin-de-lepidemie-de-la-maladie-virus-ebola">épidémie est enfin jugulée</a>, l’année suivante, je sais que ma place, désormais, se trouve en Guinée. Plus tard, ma femme et moi <a href="http://icmigrations.fr/2018/11/14/0002/">prenons la décision ferme de ré-emménager</a> ensemble à Conakry, la capitale, avec nos deux filles. Notre choix surprend, parce que la vie quotidienne y est difficile. L’électricité manque, mais aussi l’eau, les routes, les transports publics, le ramassage des ordures.</p>
<p>Seulement j’ai un projet qui me porte. Dans mon pays, Ebola peut flamber à nouveau à tout moment. Je voudrais que ce jour-là nous soyons capables, dans nos laboratoires, de faire les diagnostics suffisamment vite pour repérer à temps les premiers malades et stopper la propagation du virus. Et que plus jamais la Guinée ne connaisse un <a href="https://afrique.tv5monde.com/information/video-guinee-le-traumatisme-ebola">événement aussi traumatisant</a>.</p>
<h2>Le virus Ebola, identifié bien avant ma naissance</h2>
<p>Je vois le jour à une époque où Ebola n’existe pas. Certes le virus est identifié dès 1976, bien avant ma naissance. Mais dans mon enfance, les maladies redoutées par les parents sont la rougeole et le paludisme. Ma mère est infirmière, mon père est médecin, mais Ebola n’a jamais touché la Guinée et à Conakry, personne n’en parle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien avec Alpha Keita, chapitre 1 : L’enfance en Guinée.</span></figcaption>
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<p>Petit, je n’aime pas l’école. Tout change après le grave accident qui survient, à la maison, quand j’ai 7 ans. En déplaçant un réchaud à pétrole qui nous sert à cuisiner, je renverse du combustible sur mon T-shirt. Alors je le retire et dans l’idée de le faire sécher, je l’approche de la flamme… Je reste hospitalisé trois mois, entre la vie et la mort. À ce moment-là, mon père est parti en Allemagne, où il se forme à la chirurgie pédiatrique.</p>
<p>Une fois que je suis transportable, mon père nous fait venir à Berlin, ma mère, ma sœur aînée et moi, pour que je sois mieux soigné. Je fréquente une école franco-allemande. Nous sommes en 1989, nous assistons à la chute du Mur. Mon père achète, pour 1 deutchmark, un morceau en béton du « rideau de fer ». À notre retour à Conakry, je mets les bouchées doubles dans l’école privée que je fréquente. Je me hisse parmi les cinq meilleurs de la classe, puis je deviens premier. Je suis miraculé, plus jamais je ne laisserai passer ma chance.</p>
<h2>Le soir sur le magnétoscope, je regarde des opérations chirurgicales</h2>
<p>Le soir, mon père revient du Centre hospitalier universitaire (CHU) avec des vidéos tournées au bloc opératoire à des fins de formation. Il est devenu chef du tout premier service de chirurgie pédiatre. Il glisse la cassette dans le magnétoscope puis il m’installe à côté de lui, sur le canapé. À l’écran, on le voit entouré de ses élèves, opérant un bébé d’une hernie ombilicale – cette bosse qui se forme parfois au niveau du nombril. Je ne suis pas choqué par les images mais curieux, au contraire. Le lendemain, tandis qu’en récréation mes camarades commentent le dernier épisode des Tortues Ninja, je gagne l’attention de tous – et un silence respectueux – avec mon récit de l’enfant dont on a recousu le nombril.</p>
<p>Mon diplôme de médecine en poche, à 27 ans, je veux tracer ma propre route et devenir chercheur. Ce qui implique de partir à l’étranger me former. Cependant mes parents n’ont pas les moyens de financer de telles études. Si la fonction de chirurgien dans le public est prestigieuse, le salaire, lui, est dérisoire. Quant à ma mère, elle vient d’une famille d’intellectuels – son père a été un haut cadre de l’administration guinéenne après l’indépendance – mais n’est pas pour autant fortunée.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien avec Alpha Keita, chapitre 2 : Les études en France.</span></figcaption>
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<p>C’est grâce à ma sœur aînée, qui travaille déjà en Belgique à cette époque, que je peux payer une chambre en cité universitaire à Nancy, puis un studio à Marseille. Son salaire est modeste, plus encore une fois divisé en deux. Mes comptes sont si serrés qu’un hiver où la note d’électricité monte trop haut, je dois me passer de chauffage. Les conditions s’améliorent, heureusement, lorsque j’obtiens une bourse pour ma thèse de sciences, dans l’unité du Pr Didier Raoult.</p>
<p>J’ai en tête d’être utile à la Guinée, alors je choisis la microbiologie en me spécialisant dans les maladies infectieuses et tropicales. Je consacre <a href="http://www.theses.fr/2013AIXM5044">ma thèse</a> au sujet qu’on me propose, une bactérie émergente probablement responsable de diarrhées et dont je n’ai jamais entendu parler, <em>Tropheryma whipplei</em>. Mon terrain d’étude est le Sénégal, et tout ce temps, j’acquiers des connaissances transposables à la Guinée.</p>
<h2>La nationalité française, pour ma femme et mes filles</h2>
<p>Entre temps, je me suis marié. Avec ma femme, Bintou Konaté, nous nous connaissons depuis le lycée. Elle aussi a terminé ses études de médecine à Conakry. En France, elle a obtenu un <em>master</em> en santé publique puis passé l’équivalence pour le diplôme d’infirmière. Ensuite, elle exerce dans un établissement pour personnes âgées, près de Toulouse. Nos deux filles, six et un ans, sont nées en France et y ont grandi. Toutes trois ont obtenu la nationalité française, en plus de la nationalité guinéenne. Ce n’est pas mon cas – avec mes activités professionnelles à cheval sur plusieurs pays, je n’entre pas dans les cases prévues pour la naturalisation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243789/original/file-20181104-83638-1owrjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Alpha Keita chez lui, à Conakry, avec sa femme Bintou Konaté et leur plus jeune fille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alain Tendero/Divergence-images.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2014, pour mon premier poste de chercheur, je suis accueilli à l’Institut français de recherche pour le développement (IRD), pour une année. Le poste est situé à Dakar, capitale du Sénégal. Dans cette zone où circule le parasite du paludisme, les agents de santé assimilent un peu trop rapidement une fièvre à une crise de paludisme, c’est pourquoi j’y étudie les autres causes possibles, dans l’idée de limiter les erreurs de diagnostic. J’ai 34 ans, ma carrière de microbiologiste commence.</p>
<p>Cette année-là, démarre en Guinée la redoutable épidémie de <a href="http://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ebola-virus-disease">maladie à virus Ebola</a>, qui s’étend rapidement à deux pays voisins. Dans les quartiers de Conakry où vivent mon père et ma mère, il y a des victimes. Cette épidémie d’Ebola deviendra la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/01/14/ebola-une-epidemie-qui-a-tue-plus-de-11-000-personnes-en-moins-de-deux-ans_4847211_4355770.html?">plus meurtrière de toutes en Afrique</a> et changera, du même coup, mon destin.</p>
<p>Au lieu de signer pour une année supplémentaire à Dakar, je me porte volontaire en France auprès de l’<a href="https://twitter.com/EPRUS">EPRUS</a>, l’Établissement de préparation aux urgences sanitaires – aujourd’hui intégré à l’agence nationale de santé publique. Cet organisme envoie alors des équipes en Guinée pour aider à combattre le virus Ebola. Ma candidature est d’abord refusée, car je n’ai pas la nationalité française. Mais les postulants sont rares, Ebola effraie. Je suis finalement affecté à Macenta, à plus de 700 kilomètres de Conakry, en septembre de l’année 2015.</p>
<h2>Si je m’éclabousse avec un prélèvement, je suis foutu</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=645&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243805/original/file-20181104-83638-7qvtxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=811&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus de 700 kilomètres séparent Macenta de Conakry.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Guinee_carte.png">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pendant 34 jours, je vais faire tourner le laboratoire monté avec l’aide de l’Institut Pasteur, à deux pas du centre abritant les malades. En fait de centre… il s’agit du terre-plein de la gare routière qui a été réquisitionné. Les tentatives pour climatiser les tentes ont manifestement échoué, il y fait facilement 40 degrés. Ce laboratoire est l’unique plateau diagnostic de la région, couvrant à lui seul dix préfectures.</p>
<p>Quand j’arrive, le centre tourne à plein régime. Je prends la mesure du danger quand j’enfile pour la première fois la tenue de cosmonaute, cette combinaison intégrale obligatoire pour manipuler les prélèvements réalisés sur les patients. Si je l’ai mal fermée et que je m’éclabousse avec un tube de sang contenant le virus, me dis-je, je suis foutu. Cette expérience marque, pour moi, la fin de l’insouciance. Pour être tout à fait honnête, je devrais plutôt dire… de l’inconscience.</p>
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<figcaption><span class="caption">Entretien avec Alpha Keita, chapitre 3 : Le retour en Guinée.</span></figcaption>
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<p>Puis je suis recruté par l’IRD, à nouveau. Chercheur historique sur le VIH, Éric Delaporte décide de proposer un suivi médical <a href="https://theconversation.com/les-oublies-debola-71228">aux personnes qui survivent à Ebola</a> – la Guinée en comptera 1 270 à la fin de l’épidémie. Je rejoins <a href="http://www.transvihmi.ird.fr/">son équipe</a>, placée sous l’égide de l’IRD, de l’Inserm et de l’université de Montpellier. Nous commençons par recevoir les <a href="http://www.rfi.fr/emission/20181021-ebola-guinee-serie-24patients-gueris">« guéris »</a> en consultation à l’hôpital universitaire de Conakry. Puis les financements nous permettent de louer un petit bâtiment à proximité et enfin, de construire un centre dédié, le <a href="https://cerfig.org/">Centre de recherche et de formation en infectiologie de Guinée (Cerfig)</a>. Celui-ci ouvre ses portes en novembre 2017. J’y assume la responsabilité de la partie laboratoire, en cours d’installation.</p>
<h2>Le choix de nous « repatrier »</h2>
<p>Depuis septembre, je suis « repatrié », avec toute ma famille. À vrai dire je n’emploie pas souvent ce mot qui s’oppose à « expatrié » dans l’esprit des chercheurs, lesquels parlent aussi de <a href="http://icmigrations.fr/2018/11/14/0001/">« migration de retour »</a>. Il s’agit des ressortissants des pays du Sud <a href="http://geopolis.francetvinfo.fr/repats-le-retour-des-cerveaux-en-afrique-154621">qui s’y réinstallent</a> après avoir travaillé dans ceux du Nord. L’aînée de mes filles vient de faire sa rentrée au CP, dans le lycée français de Conakry.</p>
<p>Ici, nous avons nos parents, nos proches, ce qui est un grand réconfort. Nous évoluons sans effort dans la culture dans laquelle nous avons grandi. Parce que nos compétences sont rares, elles sont davantage valorisées qu’en France. Parfois, pourtant, je suis tenté de renoncer, de repartir à Montpellier. Par exemple, lorsque j’apprends que des dizaines de tubes de sangs prélevés sur les guéris d’Ebola ont été irrémédiablement perdus, le congélateur ayant subi une trop longue coupure d’électricité. Ou lorsque je récupère notre voiture au port de Conakry, après son transit par les douanes, le coffre intégralement vidé de ses bagages.</p>
<p>Mais j’ai trouvé en Guinée un petit groupe de chercheurs de ma génération, parmi lesquels d’autres « repatriés » <a href="https://theconversation.com/chercheur-a-lyon-voici-pourquoi-jai-choisi-de-revenir-en-guinee-106475">comme Abdoulaye Touré</a>, directeur du Cerfig. Nous partageons la même aspiration : que le pays s’équipe de laboratoires aux standards internationaux et mène ses propres études sur la santé. Depuis l’indépendance de la Guinée en 1958 et jusqu’à Ebola, il n’y avait pas eu d’investissement permettant à des chercheurs comme moi de publier leurs travaux dans des revues scientifiques de référence. Or depuis quatre ans, des financements sont arrivés, d’institutions françaises, américaines, japonaises ou internationales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/243790/original/file-20181104-83657-9d5hcj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Abdoulaye Touré (à gauche) et Alpha Keita, à Conakry.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alain Tendero/Divergence-images.com</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Le prochain Einstein sera Africain</h2>
<p>L’an dernier, j’ai été distingué comme l’un <a href="https://nef.org/alpha-kabinet-keita-rattrape-par-ebola/">des 52 « ambassadeurs » de la science</a> sur le continent africain par le <a href="https://nef.org/fr/a-propos/">Next Einstein Forum</a>, une organisation dont le pari est que le prochain Einstein sera africain. Je ne crois pas être le prochain Einstein… mais ce titre est une forme de reconnaissance qui me permet d’agir en <a href="https://guinee7.com/jeunes-scientifiques-exceptionnels-africains-le-guineen-dr-alpha-kabinet-keita-selectionne/">faveur de la recherche en Guinée</a>, notamment sur Ebola.</p>
<p>La maladie à virus Ebola a fait 2 544 victimes en l’espace de deux ans en Guinée – pays qui compte cinq fois moins d’habitants que la France. Dans mes rêves les plus fous, un tel drame ne pourra plus advenir car le <a href="https://www.ird.fr/la-recherche/laboratoires-mixtes-internationaux-lmi/lmi-respire-recherche-enseignement-soins-securite-en-pathologie-infectieuse-re-emergente">laboratoire mixte international</a> (LMI) dont je fais partie sera parvenu à lever le mystère sur la source du virus Ebola. J’y travaille, en tout cas, aux côtés de Martine Peeters. Spécialiste du VIH, cette virologue a découvert en 2015 que deux des quatre souches responsables du sida ont été transmises à l’homme par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25733890">des gorilles du Cameroun</a>. Concernant Ebola, la communauté scientifique <a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/57933/AVF_168_3_233.pdf?sequence=1">soupçonne que des chauve-souris jouent ce rôle</a>. Si l’enquête que nous, chercheurs, menons pour le confirmer aboutissait, alors nous saurions d’où vient précisément la menace et nous pourrions mieux nous en protéger.</p>
<hr>
<p><em>Ce témoignage a été recueilli en Guinée grâce à une bourse de reportage <a href="https://health-fr.journalismgrants.org/news/2018/10-reportages-sur-la-sant%C3%A9-mondiale-bient%C3%B4t-publi%C3%A9s-dans-des-m%C3%A9dias-fran%C3%A7ais">sur la santé globale</a> du <a href="https://ejc.net">Centre européen du journalisme</a> attribuée à Estelle Saget (journaliste) et Alain Tendero (photographe). Leur travail est consacré à <a href="https://innovation.journalismgrants.org/projects/they-have-returned-to-fight-ebola">deux chercheurs guinéens revenus au pays pour combattre Ebola</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alpha Kabinet Keita ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le mot « repatrié » s’applique aux personnes qui décident de rentrer en Afrique alors qu’elles ont un travail en Europe. Récit d’un scientifique mobilisé dans la lutte contre Ebola.
Alpha Kabinet Keita, Microbiologiste, professeur assistant à l'université de Conakry, chercheur à l'université de Montpellier, Inserm U1175, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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