tag:theconversation.com,2011:/us/topics/empreinte-environnementale-36298/articlesempreinte environnementale – The Conversation2023-12-19T19:22:39Ztag:theconversation.com,2011:article/2163982023-12-19T19:22:39Z2023-12-19T19:22:39ZProduits « biosourcés » : greenwashing ou plus-value environnementale ?<p>La mention « biosourcé » se multiplie sur les emballages, mais qu’y a-t-il derrière ce terme ? Un produit <a href="https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-16575/produits-biosources-vocabulaire/fa178684/1459">est dit « biosourcé »</a> lorsqu’il est issu – entièrement ou en partie – de <a href="https://theconversation.com/quel-role-de-la-biomasse-dans-la-transition-ecologique-205311">biomasse</a>, c’est-à-dire de ressources agricoles, forestières ou marines. La France jouit d’un gisement considérable puisqu’une très grande partie de son territoire est couvert de forêts ou de surfaces agricoles <a href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-la-foret-francaise">(plus de 80 %)</a>.</p>
<p>Rappelons toutefois que l’usage des matières <a href="https://theconversation.com/bienvenue-dans-le-monde-du-biosource-112719">biosourcées</a> n’est pas nouveau, nos ancêtres y avaient déjà recours il y a des milliers d’années – le chanvre pour fabriquer des cordes, le lin pour les bandages des momies, le bois pour construire des maisons et des bateaux, la paille pour s’isoler du froid, l’huile d’olive pour le savon de Marseille, la garance pour la teinture ou encore le cuir pour confectionner des vêtements et des chaussures…</p>
<p>Les produits pétrosourcés ont ensuite pris le pas pendant des décennies, jusqu’à ce que l’épuisement des ressources et la prise de conscience des pollutions engendrées et du changement climatique nous poussent à nous y intéresser à nouveau. C’est en effet le principal motif qui justifie leur actuel regain : ils constituent une alternative précieuse aux ressources non renouvelables, pétrolières mais également minérales.</p>
<p>D’autres bénéfices liés à leur usage s’observent au cas par cas : stockage de carbone, allègement des matériaux, diminution de la toxicité (colles moins émettrices de COV), baisse de l’écotoxicité (lubrifiants agricoles, crème solaire)… Par ailleurs, ils répondent aussi à un enjeu de souveraineté en valorisant une ressource nationale, et peuvent présenter des avantages techniques par rapport à leurs équivalents conventionnels.</p>
<p>Pour autant, il reste important de pouvoir vérifier cette plus-value environnementale, qui n’est pas systématique. De <a href="https://theconversation.com/biodegradable-compostable-biosource-quelles-differences-75728">nombreuses confusions</a> sont également possibles autour des produits biosourcés, il est donc utile de lever quelques idées reçues sur le sujet.</p>
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<h2>Le biosourcé, partout autour de nous</h2>
<p>Le biosourcé peut être mobilisé dans n’importe quel secteur. On observe en priorité sa présence dans le bâtiment : construction en bois (qui concerne environ <a href="https://franceboisforet.fr/wp-content/uploads/2023/10/ENQUETE_CONSTRUCTIONBOIS_ACTIVITE2022_V2.pdf">1 logement sur 15 en France</a>, isolants biosourcés, matériaux d’aménagement d’intérieur, peintures. D’autant plus que ces produits sont largement encouragés par la réglementation, que ce soit par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924">loi climat et résilience</a> ou la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/reglementation-environnementale-re2020">réglementation environnementale 2020</a>, qui entend limiter l’impact carbone des constructions – entre autres par le recours au biosourcé.</p>
<p>On les retrouve aussi dans les équipements de transport comme les voitures (matériaux composites). Autres secteurs historiques du biosourcé, les emballages (les palettes en bois ou le carton par exemple), mais également l’habillement. Dans ce dernier domaine, le coton est la fibre biosourcée majoritaire mais le lin et le chanvre, qui sont des substituts locaux avec moins d’impacts, sont à nouveau recherchés.</p>
<p>Et enfin ils sont en grande proportion, dans l’hygiène de maison (détergent) et humaine, notamment les cosmétiques, très souvent fabriqués à partir d’extraits de plantes.</p>
<h2>Biosourcé, biodégradable, bio ?</h2>
<p>Levons à présent quelques confusions sur le biosourcé, en particulier liées au préfixe « bio » et à la multiplication, en général, des mentions environnementales, qui rend parfois difficile d’y voir clair.</p>
<p>Précisons en premier lieu qu’un objet biosourcé n’est pas forcément constitué à 100 % de carbone biosourcé. Dès lors qu’il en contient, même un très faible pourcentage, il peut se présenter comme biosourcé. En général, les industriels n’abusent pas de cette mention, mais les dérives sont possibles, c’est pourquoi il est leur est recommandé de préciser le pourcentage sur l’emballage.</p>
<p>Il ne faut pas confondre le biosourcé, qui fait référence à l’origine du produit, et le biodégradable, qui concerne sa fin de vie. Un produit biosourcé peut ne pas être biodégradable – une bouteille en PET (polytéréphtalate d’éthylène) biosourcé – et un produit pétrosourcé l’être – un sac de compost en PBAT (polybutylène adipate téréphtalate). Par ailleurs, il est à noter que la fin de vie et en particulier le recyclage peuvent parfois être complexifiés pour les matériaux composites (association de plusieurs matériaux). C’est le cas lorsqu’un plastique est mélangé avec des fibres végétales.</p>
<p>Les produits biosourcés peuvent laisser croire, parce qu’ils sont souvent présentés comme « naturels », qu’ils sont nécessairement bons pour la santé. Cette non-toxicité n’a rien de systématique : rappelons que la nature contient des molécules toxiques (venins, champignons…), et que certains produits biosourcés ne sont pas si « naturels » : ils peuvent tout à fait être passés par un cycle industriel et avoir été largement modifiés – c’est le cas des plastiques biosourcés. Et même s’ils apparaissent peu transformés, il est possible qu’ils aient subi des traitements toxiques – comme les textiles d’ameublement, qui sont traités au feu, par exemple.</p>
<p>Enfin, ne mélangeons pas biosourcé et « bio » : la biomasse qu’il contient peut résulter ou non d’une agriculture biologique.</p>
<h2>L’indispensable analyse cycle de vie</h2>
<p>Au-delà de ces confusions sémantiques, il faut s’interroger sur la plus-value environnementale du biosourcé, qui n’est pas systématique. Le fait d’utiliser de la biomasse en substitution d’une matière non renouvelable est un levier possible pour réduire l’impact environnemental d’un produit. Néanmoins, la réalité de cette réduction dépend de nombreux facteurs et doit donc, au cas par cas, être passée au crible d’une analyse de cycle de vie rigoureuse.</p>
<p>Prenons un exemple : le stockage du carbone dans les objets biosourcés, notamment pour ceux en bois, est souvent évoqué comme l’une de leurs vertus. Cela vaut seulement si le produit a une longue durée de vie. Tant que le carbone est dans un produit, il n’est pas dans l’atmosphère et ne contribue pas au changement climatique. Un gobelet en carton à usage unique stockera du carbone sur une très courte durée, sans effet sur le climat. Il s’agit donc de mesurer les effets tout au long du cycle de vie et d’approfondir l’écoconception afin de prendre en compte en amont, comme pour les autres produits, les impacts environnementaux.</p>
<p>Sans une démarche d’ACV, il peut être difficile d’affirmer qu’il n’y a pas eu de transfert de pollution : l’impact peut être ailleurs si le procédé utilisé consomme beaucoup d’énergie – surtout si elle est fossile. Cela doit aussi s’accompagner d’une réflexion sur l’utilisation : le produit est-il vraiment nécessaire ? L’Agence de la transition écologique (Ademe), qui accompagne ce type de projets, privilégie les usages à enjeu, tels que le bâtiment ou les transports.</p>
<p>Même s’il n’est pas lié au caractère biosourcé d’un produit, l’Écolabel européen est un label de confiance, reconnu. Il permet aux consommateurs d’identifier facilement les produits les plus respectueux de l’environnement en prenant en compte l’impact sur tout le cycle de vie du produit, mais aussi leur performance à l’usage.</p>
<h2>Biomasse, un équilibre à préserver</h2>
<p>Comme évoqué en introduction, les produits biosourcés répondent enfin un enjeu de souveraineté, en favorisant le recours à la biomasse produite sur le territoire, dans l’idée de relocaliser des filières plus résilientes et des chaînes d’approvisionnement plus robustes en cas d’aléas ou de crise.</p>
<p>Pour autant, que la biomasse mobilisée soit locale ne doit pas empêcher de s’interroger sur sa potentielle concurrence avec les surfaces dédiées à l’alimentation. Cet aspect doit être systématiquement considéré, afin d’éviter qu’une surface de terres trop importante soit exclusivement consacrée à des cultures non alimentaires.</p>
<p>L’enjeu et les surfaces concernées pour des produits biosourcés ne sont bien sûr pas les mêmes que pour l’énergie – dont les débats sur les biocarburants sont un exemple parlant – ou la viande. Mais il demeure essentiel de garder une visibilité sur le développement, à terme, de chaque filière biosourcée : quelle surface doit-elle représenter pour préserver l’équilibre entre les différents usages ?</p>
<p>À l’Ademe, nous vérifions ainsi que les projets que nous accompagnons n’excèdent pas les capacités de production des régions dans lesquelles ils sont implantés : qu’il n’y a pas de conflits d’usages évidents. Cette préoccupation implique aussi de valoriser au maximum les co-produits : un arbre ne sera pas entièrement mobilisé pour la seule construction bois, il faut donc que les chutes soient dédiées à d’autres usages (ameublement, panneaux, papeterie, énergie).</p>
<p>Au-delà de l’alimentation, il s’agit d’équilibrer les différents usages de la biomasse : elle n’est pas qu’une ressource dont on tire un produit, mais a également des fonctions de puits de carbone, de refuges pour la biodiversité ou encore de loisirs (dans le cas des forêts). N’oublions pas que la condition préalable est de prendre soin de l’écosystème. Au risque, sinon, de perdre à l’avenir cette biomasse et d’accélérer le dérèglement climatique en prétendant le combattre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216398/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les confusions sont nombreuses autour de la notion de produits biosourcés. Ceux-ci ont un rôle à jouer dans la transition écologique, mais pas à n’importe quelle condition.Florian Rollin, Ingénieur produits biosourcés, Ademe (Agence de la transition écologique)Grégoire David, Ingénieur performance environnementale des produits biosourcés, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2166952023-11-07T23:20:39Z2023-11-07T23:20:39ZCollectivement, nous ne consacrons que 45 minutes par jour aux activités les plus polluantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/556674/original/file-20231011-23-q2o40b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3997&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En étudiant les heures consacrées à certaines activités mondialement, on obtient une image de la manière dont nous utilisons collectivement le temps.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Pourquoi nous sentons-nous impuissants dans nos efforts pour résoudre les grandes crises de durabilité du XXI<sup>e</sup> siècle ? Entre la nécessité impérieuse d’<a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/">atténuer avec succès les effets du changement climatique</a> et celle de progresser dans la réalisation des <a href="https://sdgs.un.org/fr/goals">objectifs de développement durable</a> axés sur la personne, les enjeux de l’anthropocène – <a href="https://doi.org/10.1038/nature14258">l’ère dans laquelle nous vivons aujourd’hui</a> – peuvent sembler insurmontables. </p>
<p>Pourtant, malgré le rôle central des interventions humaines dans la création d’options durables, aucune représentation globale et approfondie de ce que fait la population mondiale n’a été réalisée en termes précis et chiffrés. </p>
<p>Nous présentons cette image en cartographiant l’utilisation du temps par les gens à l’échelle mondiale, grâce à la collecte de nombreuses sources de données afin d’offrir des perspectives interdisciplinaires sur les aspects fondamentaux du comportement et du vécu humains.</p>
<p>Nos résultats suggèrent que les solutions aux crises de durabilité sont éminemment réalisables, concrètement, si l’on donne aux gens les motivations politiques et économiques appropriées.</p>
<h2>L’étude de l’emploi du temps des gens</h2>
<p>En tant que chercheurs issus de la science du système terrestre, nous nous efforçons d’aligner l’étude de l’être humain sur les approches utilisées pour examiner le reste du système terrestre. Pour ce faire, nous quantifions l’ensemble des activités humaines en unités de temps, en fonction de leurs résultats physiques. </p>
<p>Le temps est une mesure robuste parce qu’il s’agit d’une quantité universelle et physique : les huit milliards d’habitants de la planète disposent tous des mêmes 24 heures par jour pour se consacrer à toute une série d’activités. </p>
<p>Les activités que nous choisissons d’entreprendre, le temps que nous y consacrons et la technologie utilisée façonnent continuellement notre planète, nos sociétés et notre expérience subjective de la vie. </p>
<h2>Compréhension de la situation dans son ensemble</h2>
<p>À l’instar du <a href="https://earthobservatory.nasa.gov/features/CarbonCycle">cycle mondial du carbone</a>, qui permet de comprendre en un clin d’œil comment et où le carbone se déplace sur la Terre, nous avons entrepris de créer une vue d’ensemble de ce que fait l’humanité à l’aube de l’anthropocène. </p>
<p>En combinant et normalisant un large éventail de données sur la façon dont les gens occupent leur temps – compilées à partir d’enquêtes nationales sur l’emploi du temps, de statistiques économiques, de paramètres sur l’éducation des enfants, de dispositifs portables de mesure du sommeil – nous décrivons ce que fait la population dans son ensemble sur une période moyenne de 24 heures : la <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0270583">Journée humaine mondiale</a>.</p>
<p>L’observation la plus immédiate est la suivante : à l’échelle mondiale, une grande majorité du temps est consacrée à des activités que nous classons comme étant directement centrées sur la personne.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une femme portant un masque chirurgical et des sacs marche dans une rue" src="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553755/original/file-20231013-16-7xsr3m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’habitant moyen de la Terre consacre près de sept heures par jour à des activités telles que la socialisation, l’utilisation des médias, les repas et l’exercice physique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>En plus des neuf heures de sommeil et de l’heure et demie vouée aux besoins biologiques et aux soins de santé, l’habitant moyen de la planète consacre près de sept heures par jour à la détente passive, aux relations sociales, à l’utilisation des médias, aux repas, à l’exercice physique, aux jeux et à la pratique religieuse. Quant à l’éducation et à la recherche, elles ne représentent qu’une heure.</p>
<p>Nous identifions également un ensemble d’activités dévolues au fonctionnement et à la gestion de nos sociétés et de nos économies. Les tâches de gouvernance, de droit, de finance, de commerce, d’opérations bancaires et de paiement de factures occupent une heure. Une autre heure est utilisée pour les trajets quotidiens et les déplacements d’un lieu à l’autre.</p>
<h2>Moins de quatre heures par jour</h2>
<p>Au total, il reste un peu plus de trois heures pendant lesquelles nous modifions délibérément la Terre et nos environnements. Près des trois quarts de ce temps sont consacrés à notre système alimentaire et à l’entretien des zones habitées. </p>
<p>Le temps restant – environ les 45 dernières minutes de la journée de l’individu moyen – est employé à l’extraction des ressources, à la fabrication et à la construction, qui représentent les aspects les plus destructeurs de la civilisation industrialisée sur le plan écologique. En effet, l’extraction de tous les matériaux et la production entière d’énergie, y compris l’extraction et le raffinage de tous les combustibles fossiles, n’occupent que six minutes.</p>
<p>Avec un peu plus d’une demi-heure consacrée à la construction et à la fabrication, ces 45 minutes pour l’approvisionnement, l’expansion et l’entretien de l’environnement bâti constituent un chiffre étonnamment bas pour des activités responsables de la production et de la consommation d’<a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1613773114">environ 70 gigatonnes de matériaux</a> par an. Cela met en évidence l’efficacité de l’industrie moderne et l’ampleur de ses répercussions.</p>
<p>En comparaison, une minute seulement est accordée à la gestion des déchets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="deux personnes en tenue de sécurité se promènent sur le terrain extérieur d’une usine" src="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553756/original/file-20231013-19-qn21af.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Seulement 45 minutes de la journée humaine moyenne sont consacrées aux activités qui déterminent l’essentiel de notre impact sur la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Utilisation de notre temps</h2>
<p>Nos résultats ne suggèrent pas que l’extraction de matériaux et la fourniture d’énergie sont des activités sans importance. Elles représentent encore des milliards d’heures de travail par an et contribuent au fonctionnement de notre civilisation moderne.</p>
<p>Mais le temps consacré à ces activités est relativement faible par rapport à l’ensemble de notre vie quotidienne – au même titre que celui que nous passons collectivement à nettoyer nos maisons et à laver la vaisselle. </p>
<p>Dans ce contexte, il est possible d’imaginer une modification de la composition de ces activités dans une large mesure (par exemple, en <a href="https://doi.org/10.1016/j.joule.2017.07.005">construisant des systèmes d’énergie renouvelable</a> plutôt qu’en continuant à extraire des combustibles fossiles) sans perturber les schémas généraux de la vie humaine. </p>
<p>Bien entendu, cela requerra des incitations économiques et politiques importantes, mais ce qui est clair, c’est que nous disposons du temps nécessaire pour y parvenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216695/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Galbraith a reçu des financements du CRSNG.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>William Fajzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La combinaison de différentes approches de l’utilisation du temps permet de dresser un tableau interdisciplinaire de la journée humaine mondiale.William Fajzel, PhD student, Earth and Planetary Science, McGill UniversityEric Galbraith, Professor of Earth Science and Canada Research Chair in Human-Earth System Dynamics, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2018342023-06-15T07:15:35Z2023-06-15T07:15:35ZLes entreprises peuvent-elles atteindre une véritable durabilité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517772/original/file-20230327-18-bi2555.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C2%2C1897%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour que les approches des entreprises en matière de développement durable fonctionnent réellement, elles doivent être sincères et authentiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il est rare qu’une journée passe sans que l’on entende parler de la fragilité de nos écosystèmes naturels et des <a href="https://doi.org/10.1111/conl.12713">répercussions que l’activité économique linéaire</a> a sur eux. </p>
<p>Cet état de fait n’est pas récent – il perdure au moins depuis que le <a href="https://www.clubofrome.org/publication/the-limits-to-growth/">club de Rome nous a mis en garde</a>, dès 1972, qu’une croissance économique infinie et un développement démographique rapide sont incompatibles avec la vie sur Terre. </p>
<p>La situation actuelle est, sans équivoque, alarmante. Malgré de <a href="https://unfccc.int/process/bodies/supreme-bodies/conference-of-the-parties-cop">nombreuses conférences historiques</a> et d’innombrables promesses visant à rendre l’activité économique plus compatible avec les capacités de notre planète, les progrès environnementaux des trois dernières décennies ne permettent pas de pallier les défis posés par le dérèglement climatique.</p>
<p>Alors que l’action climatique s’est surtout concentrée sur les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, nous commençons enfin à prendre conscience de <a href="https://theconversation.com/biodiversity-treaty-un-deal-fails-to-address-the-root-causes-of-natures-destruction-196905">l’impact des activités humaines et industrielles sur la perte de biodiversité</a>. </p>
<p>L’érosion de la biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer. Les <a href="https://ipbes.net/assessing-knowledge">services que nous rend la biodiversité sont innombrables</a>. La nature n’a pas besoin de nous, mais nous avons besoin d’elle. </p>
<p>Nous croyons qu’un changement de paradigme est possible et qu’une partie de ce changement impliquera l’intégration d’une véritable approche de la durabilité dans les organisations. Mais pour que cette approche fonctionne, il faut qu’elle soit à la fois vraie et authentique.</p>
<h2>Un rapport historique</h2>
<p>Allen White, cofondateur de la <a href="https://www.globalreporting.org/"><em>Global Reporting Initiative</em></a>, a décrit le rapport <a href="https://cdn.unrisd.org/assets/library/reports/2022/manual-sdpi-2022.pdf"><em>Authentic Sustainability Assessment</em></a> des Nations unies comme un véritable <a href="https://cdn.unrisd.org/assets/legacy-files/301-info-files/B70382A13E0AE0BDC125841F003C46AC/SDPI---Allen-White-Keynote-Speech.pdf">« moment Brundtland »</a>, en référence au <a href="https://www.britannica.com/topic/Brundtland-Report">rapport historique de 1987</a> sur le développement durable. </p>
<p>White soutient que les historiens se souviendront de cette publication dans dix ans comme d’un grand moment historique dans la trajectoire du développement durable. De nombreux autres dirigeants et experts de l’écosystème du développement durable s’accordent sur <a href="https://sustainablebrands.com/read/new-metrics/un-releases-manual-for-companies-to-conduct-authentic-context-based-sustainability-assessments">l’importance et la pertinence de ce rapport</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un papillon monarque, aux ailes orange et aux veines noires, déploie ses ailes sur la tige d’une plante" src="https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513018/original/file-20230301-16-tq9bgn.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La perte de biodiversité exacerbe le changement climatique en inhibant la capacité de la Terre à se protéger et à se régénérer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span>
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</figure>
<p>Publié en novembre 2022, ce rapport constitue le premier guide complet sur l’utilisation des limites planétaires comme point de référence dans la reddition de comptes des entreprises en matière de développement durable. <a href="https://doi.org/10.1126/science.1259855">Les limites planétaires</a> fixent les frontières à l’intérieur desquelles l’humanité peut se développer et vivre en toute sécurité, sans épuiser les ressources de la Terre. </p>
<p>Ce rapport est l’aboutissement de <a href="https://r3dot0.medium.com/unrisd-ushers-in-a-new-era-of-authentic-sustainability-assessment-with-the-release-of-its-84a1d6761927">plus de quatre années de recherche</a>, de consultation et de plaidoyer en faveur d’une nouvelle génération d’outils de responsabilisation. Il s’agit, dans sa forme la plus simple, d’un engagement à faire entrer l’évaluation de la durabilité organisationnelle dans une nouvelle ère d’authenticité.</p>
<p>En filigrane, le rapport soutient que les pratiques des entreprises actuelles sont inauthentiques et insuffisantes pour parvenir à une véritable durabilité.</p>
<h2>Indicateurs de durabilité</h2>
<p>Le concept d’<a href="https://sdpi.unrisd.org/platform/">indicateurs de performance en matière de développement durable (IPDD)</a> est au cœur du rapport <em>Authentic Sustainability Assessment</em>. Ces indicateurs mesurent les performances en matière de développement durable des entreprises, des organisations à but non lucratif et d’autres organisations économiques en utilisant une approche nouvelle et améliorée. </p>
<p>Ces indicateurs s’éloignent de l’ancienne approche de divulgation qui repose sur l’idée d’extraire des ressources infinies d’une planète finie (postulat d’un modèle économique linéaire). Les rapports qui reprennent cette approche désuète comprennent la <a href="https://www.globalreporting.org/"><em>Global Reporting Initiative</em></a>, le <a href="https://www.sasb.org/"><em>Sustainability Accounting Standards Board</em></a> et le plus récent <a href="https://www.ifrs.org/groups/international-sustainability-standards-board/"><em>International Sustainability Standards Board</em></a>. </p>
<p>La nouvelle approche des IPDD interroge les conditions sous-jacentes qui compromettent le développement durable. Pour ce faire, les IPDD proposent de respecter les limites planétaires de façon holistique, qu’elles soient sociales, économiques ou environnementales.</p>
<p>La divulgation conventionnelle consiste à comparer des organisations similaires du même secteur ou de la même zone géographique et à divulguer ses « bonnes » performances par rapport aux années précédentes. </p>
<p>Les IPDD, quant à eux, comparent les entreprises à un seuil de durabilité scientifiquement établi et basé sur le contexte.</p>
<h2>Seuils de durabilité</h2>
<p>La performance d’une organisation en matière de durabilité s’exprime en termes d’impact de l’organisation sur des actifs vitaux, tels que les limites planétaires et les seuils sociaux, par rapport aux normes de durabilité. Cela garantit le bien-être de toutes les parties prenantes, humaines et naturelles, qui contribuent à l’équilibre social, économique et environnemental. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une foule de personnes en costume regarde un grand écran sur lequel est inscrit l’indice composite S&P TSX" src="https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513019/original/file-20230301-16-sfctap.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les marchés boursiers demandent de plus en plus aux entreprises cotées en bourse de divulguer leurs performances en matière de développement durable ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Tijana Martin</span></span>
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</figure>
<p>Selon le rapport, c’est seulement en comparant les impacts réels aux impacts normatifs que l’on peut évaluer la véritable durabilité. </p>
<p>Prenons l’exemple de l’eau, une <a href="https://theconversation.com/ipcc-report-half-the-world-is-facing-water-scarcity-floods-and-dirty-water-large-investments-are-needed-for-effective-solutions-175578">denrée de plus en plus rare</a>. Une organisation qui réduit sa consommation d’eau de 35 % ou qui est la plus économe en eau par rapport à ses concurrents ne nous dit rien sur la durabilité de cette consommation d’eau.</p>
<p>Une organisation peut être la meilleure de son secteur en matière d’économie d’eau et pourtant avoir des résultats médiocres en matière de durabilité. La durabilité ne se mesure pas à l’effort, mais à la capacité des écosystèmes – comme les limites planétaires, la pollution et la biodiversité.</p>
<p>Les IPDD recommandent plutôt de comparer la consommation d’eau à la capacité des écosystèmes et aux besoins réels en eau des espèces vivantes. C’est précisément cet équilibre entre la consommation réelle et la disponibilité des ressources, à la lumière de la capacité des écosystèmes, qui déterminera la véritable durabilité d’une organisation.</p>
<h2>Vers une véritable durabilité</h2>
<p>Au fil du temps, les entreprises seront de plus en plus tenues de divulguer leur impact sur le développement durable. Ce sera le cas pour les grandes entreprises européennes à partir de 2024, à la suite de l’adoption de la directive <a href="https://finance.ec.europa.eu/capital-markets-union-and-financial-markets/company-reporting-and-auditing/company-reporting/corporate-sustainability-reporting_en"><em>Corporate Sustainability Reporting</em></a>.</p>
<p>Les marchés boursiers évoluent également dans cette direction, obligeant les entreprises cotées en bourse à divulguer leurs performances en matière de développement durable aux <a href="https://sseinitiative.org/esg-disclosure/">États-Unis</a> et au <a href="https://www.cpacanada.ca/en/business-and-accounting-resources/financial-and-non-financial-reporting/sustainability-environmental-and-social-reporting/publications/a-primer-for-environmental-social-disclosure">Canada</a>. </p>
<p>L’adoption généralisée et concertée des IPDD dans le monde peut, dans le cadre de cette dynamique croissante de divulgation des performances en matière de développement durable, favoriser un développement durable authentique à la hauteur des défis à relever. </p>
<p>Nous devons être collectivement ambitieux et tirer parti de la pertinence et de l’originalité de ces nouveaux indicateurs, qui pavent une nouvelle voie vers la réalisation d’une durabilité authentique.</p>
<hr>
<p><em>Ghani Kolli, associé chez Credo Impact, a co-écrit cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201834/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sofiane Baba a régulièrement reçu des financements d'organismes subventionnaires tels que le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), le Fonds de recherche - Société et Culture du Québec (FRQSC) et le MITACS.</span></em></p>Les progrès récents dans la manière dont les organisations mesurent les performances en matière de durabilité pourraient conduire à une approche véritablement authentique de la durabilité.Sofiane Baba, Professeur agrégé en management stratégique, Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038362023-05-15T18:02:13Z2023-05-15T18:02:13ZEcoIndex : que vaut cet outil qui mesure le score environnemental des sites web ?<p>En 15 ans, le trafic <a href="https://theconversation.com/envoyer-moins-de-courriels-un-geste-symbolique-mais-inefficace-pour-le-climat-197171">Internet</a> a été <a href="https://global-internet-map-2022.telegeography.com/">multiplié par environ 500 de 2002 à 2017</a>. Les émissions de CO<sub>2</sub> associées ont été évaluées à <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/07/2019-01.pdf">762 millions de tonnes en 2018</a>.</p>
<p>Imaginons donc qu’à l’image du Nutri-score, nous disposions, pour mesurer notre empreinte environnementale lorsque nous cliquons sur une page web, d’un outil permettant d’attribuer une note entre A et G à la requête HTTP. Supposons également que ces requêtes soient archivées, année après année, dans une base de données publique comme le <a href="https://httparchive.org/">HTTParchive</a>. En explorant régulièrement cette base, nous pourrions suivre l’évolution de l’empreinte environnementale des requêtes HTTP.</p>
<p>C’est l’ambition que poursuit <a href="https://www.ecoindex.fr/a-propos/">EcoIndex</a>, créé en 2014 et qui fait référence à la fois à un ensemble de <a href="https://theconversation.com/sobriete-energetique-ecoresponsabilite-numerique-de-quoi-parle-t-on-exactement-195461">bonnes pratiques</a> pour construire un site web et à un outil logiciel qui permet d’évaluer plusieurs facteurs pour une URL donnée : son efficacité environnementale absolue à l’aide d’une fonction de score sur une échelle de 0 à 100 (plus le score est élevé, meilleur c’est) ; sa performance écologique relative à l’aide d’une note allant de A à G comme ce que l’on connaît pour les dispositifs ménagers ou alimentaires (Nutri-Score) ; l’empreinte technique de la page (poids, complexité, etc.) ; et l’empreinte environnementale associée (gaz à effet de serre générés, ressources en eau consommées).</p>
<p>Son objectif est d’aider le plus grand nombre à prendre conscience de <a href="https://theconversation.com/empreinte-numerique-en-hausse-que-peut-vraiment-le-gendarme-des-telecoms-201818">l’impact environnemental</a> des requêtes HTTP et de proposer des solutions concrètes pour le réduire. Si ce modèle fondé sur les métriques techniques de la page évoquées précédemment est plutôt simple à comprendre, il a aussi ses limites.</p>
<h2>L’empreinte environnementale d’une requête HTTP</h2>
<p>Tentons d’abord de comprendre en quoi consiste ledit modèle. Il faut savoir qu’estimer l’empreinte carbone des activités humaines ne peut pas se faire directement : la méthode employée repose en général sur un modèle d’activité ciblée, relatif au domaine étudié. C’est le cas pour EcoIndex, qui ne concerne que les requêtes HTTP et pas l’ensemble des activités du web. Cette métrique s’appuie sur le concept « 3-tiers » qui considère trois paramètres : client, serveur et réseau.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YWHzwUjWQho?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La vidéo en ligne, compatible avec une sobriété numérique ? (Maxime Efoui-Hess, The Shift Project, 5 juillet 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>La version « historique » d’EcoIndex consiste en un plug-in à installer sur le navigateur et fonctionne de la manière suivante : l’usager fournit une URL à EcoIndex, qui la transfère du côté serveur. Celui-ci retourne au navigateur une page HTML contenant les réponses à la requête. Le plug-in mesure l’empreinte de l’application, en nombre d’éléments de la page web (le nombre de balises HTML, noté <em>dom</em>), en nombre de requêtes dans la page renvoyée (<em>requests</em>) et enfin calcule le nombre d’octets de la page HTML retournée (<em>size</em>) et qui ont transité dans le réseau.</p>
<p>Ces valeurs sont introduites dans l’algorithme d’EcoIndex pour mesurer les performances et l’empreinte environnementale.</p>
<h2>Le « modèle 3-tiers » et ses limites</h2>
<p>L’analyse complémentaire d’un expert est indispensable pour une évaluation opérationnelle complète et fiable de la performance environnementale. En effet, EcoIndex ne prend pas en compte l’impact de l’ordinateur qui effectue la requête ou d’un parcours utilisateur. Seule une requête isolée de tout usage est analysée, comme le Nutri-score ou les machines à laver.</p>
<p>De même, quand la requête est résolue du côté du serveur dans un centre de données (par exemple chez Google quand l’URL est http://www.google.com, EcoIndex ne prend pas en compte l’impact environnemental de ce serveur au sens classique des analyses de cycle de vie (ACV), ni des différents équipements réseau qui sont traversés <a href="https://ecoinfo.cnrs.fr/category/acv/">entre le terminal utilisateur et le centre de données</a>.</p>
<p>Cependant, il permet de discuter des modèles et de leurs attributs qui caractériseraient de manière significative l’impact environnemental du web, réduit à la dimension des requêtes HTTP. Les autres côtés positifs d’EcoIndex sont que le chargement, la création et l’affichage de la page dans le navigateur ne sont pas simulés et que les trois paramètres <em>dom</em>, <em>requests</em> et <em>size</em> rendent compte d’une architecture qui gouverne le fonctionnement macroscopique d’une requête sur le web, donc EcoIndex fait sens.</p>
<h2>Un outil aux calculs imparfaits</h2>
<p>Dans le cadre du dispositif, la performance environnementale est calculée sur la base normalisée de valeurs constantes fixées une fois pour toutes et cachées dans le modèle sans tenir compte de variations dans le temps – par exemple d’une période à l’autre comme un confinement, des vacances, etc., ni de la localisation géographique de l’utilisateur.</p>
<p>De plus, ce ne sont pas directement les paramètres <em>dom</em>, <em>requests</em> et <em>size</em> qui sont considérés mais des valeurs correspondant à des quantiles, c’est-à-dire un petit nombre de valeurs qui ont été déterminées en récupérant les trois paramètres sur les URL d’une base de données d’URL qui fait référence, le HTTParchive.</p>
<p>On peut s’interroger sur la stabilité dans le temps de ces quantiles : sont-ils les mêmes en 2023 qu’en 2020, date de leur détermination pour l’EcoIndex historique ? A priori les sites web sont régulièrement revus pour adopter, au fil du temps, de meilleures pratiques d’écoconception – il n’y a pas de raison pour que les quantiles soient fixés une fois pour toutes.</p>
<h2>Des notes arbitraires ?</h2>
<p>Autre remarque mineure, pour certains sites comme ceux des grands média, qui sont dynamiques, la valeur d’Ecoindex a de grandes chances d’évoluer de jour en jour, mais sans doute pas de manière trop brutale en passant par exemple de la note de A à G.</p>
<p>En effet, un site web, même dynamique, respecte toujours peu ou prou le même gabarit constitué d’éléments modifiables (texte, images, fond, couleurs). On remplace un texte par un autre, une image par une autre, sans modifier fondamentalement les choses… Vis-à-vis de ce phénomène, EcoIndex nous semble robuste car ce « gabarit » ne change pas.</p>
<p>Cependant, les notes A-G correspondent aux plages d’EcoIndex 100-81 pour A, et 10-0 pour G, sans que l’on sache vraiment de quoi il s’agit : comment ces différentes bornes ont-elles été déterminées ? Équivalent-elles aux quantiles pour les mesures d’EcoIndex du HTTParchive ? Elles en sont proches mais ne coïncident pas exactement.</p>
<h2>D’autres paramètres à introduire</h2>
<p>Enfin, le modèle historique ne se prête pas, a priori, à l’introduction de nouveaux attributs autres que les 3-tiers dans le modèle.</p>
<p>Nous pourrions pourtant envisager d’y ajouter des notions de mix énergétique et proposer un nouvel indicateur EcoIndex+ qui fournit des notes tournées vers A pour les énergies décarbonées utilisées côté client et côté serveur et des notes autour de G si les énergies mises en jeu sont carbonées. Si la requête HTTP passe par un mobile 4/5G, on pourrait également agréger l’impact en CO<sub>2</sub> de l’opérateur, ce qui conduirait à une vision plus riche de l’EcoIndex+.</p>
<p>Pour être plus exhaustif dans les attributs à injecter dans EcoIndex+, il est nécessaire que la communauté s’accorde sur ces nouveaux critères et ensuite d’établir des méthodes de calcul capables de traiter un grand nombre d’attributs à l’aide de l’apprentissage automatique.</p>
<h2>Un indicateur qui reste à améliorer</h2>
<p>Sous l’angle des métriques d’impact environnemental et des bonnes pratiques d’écoconception des sites web, EcoIndex est une démarche simple qui participe à la compréhension des problématiques relatives à la place du numérique dans le réchauffement climatique. L’indicateur est particulièrement intéressant dans la logique d’amélioration des versions successives des sites web.</p>
<p>Du chemin reste cependant à parcourir pour, d’une part, approfondir nos connaissances et mieux saisir les relations entre les différents modèles de haut niveau de type architecture 3-tiers et les analyses de terrain de type cycle de vie d’un produit ou équipement numérique.</p>
<p>D’autre part, il conviendrait de questionner le modèle initial par des approches de sciences des données, c’est-à-dire, explorer ces dernières, les analyser pour obtenir une nouvelle métrique plus fine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Trystram est membre du GDS CNRS EcoInfo. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurent Lefèvre est membre du GDS EcoInfo.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Cérin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>EcoIndex est un indicateur d’impact, encore à perfectionner, qui vise à déterminer un score environnemental aux sites web que nous consultons.Denis Trystram, Professeur des universités en informatique, Université Grenoble Alpes (UGA)Christophe Cérin, Professeur des universités, Université Sorbonne Paris NordLaurent Lefèvre, Chercheur en informatique, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2040062023-05-08T13:12:50Z2023-05-08T13:12:50ZCrise climatique : un délai dangereux et intentionnel de l’action politique<p>Les médias ont fait état, dans les dernières semaines, de la publication du plus récent rapport synthèse du GIEC – un rapport final d’alerte. Les auteurs ne peuvent pas être plus clairs sur l’état du climat. Et ce ton menaçant des scientifiques est nouveau, voire effrayant. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/decarbonisation-dici-2030-un-objectif-quasi-impossible-mais-necessaire-184502">Décarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire</a>
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<p>Mais pourquoi la réaction et l’action politique sont-elles si tièdes et si lentes, malgré d’innombrables rapports similaires ? </p>
<p>En 2016, Alex Steffen, un Américain qui étudie et écrit sur le développement durable, a utilisé pour la première fois le terme <a href="https://medium.com/@AlexSteffen/predatory-delay-and-the-rights-of-future-generations-69b06094a16">« predatory delay »</a>, que l’on peut traduire par « délai dangereux et intentionnel ». Ce terme fait référence aux tactiques politiques intentionnelles mises en place dans le but de ralentir ou de bloquer l’action concrète pour contrer les changements climatiques et abandonner des produits pétroliers. </p>
<p>Alors que ce comportement politique était clairement pointé du doigt il y a 7 ans, il est encore plus important d’en parler aujourd’hui. Pourquoi ? Parce qu’il est clair que nous n’avons plus beaucoup de temps pour modifier les trajectoires des pires scénarios climatiques. Ce n’est pas de l’inaction dont on parle ici, mais bien d’un programme intentionnel de délai qui peut être observé tant au Québec qu’ailleurs dans le monde.</p>
<p>Experte en stabilisation du carbone dans les écosystèmes, je suis également avide de solutions pour accélérer l’action pour réduire les émissions à gaz à effet de serre afin de freiner les changements climatiques. </p>
<h2>Rediriger la responsabilité</h2>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.1017/sus.2020.13">étude de 2020</a>, d’un groupe de chercheurs en sciences sociales de Berlin, d’Angleterre et des États-Unis, a capté mon attention cette semaine, à la suite de la présentation du rapport GIEC. L’article décortique en profondeur les quatre types de discours politiques qui caractérisent le délai dangereux et intentionnel et les stratégies qui y sont associées. </p>
<p>Un premier discours, très fréquent, vise la redirection de la responsabilité ailleurs que sur les politiciens, par exemple sur l’individu qui doit limiter son empreinte carbone en achetant un véhicule électrique. Ce type de discours sous-entend aussi que les autres pays émettent davantage de GES que que le nôtre, ou que d’autres provinces ou pays emboîteront le pas si nous sommes les premiers à poser des actions. Tout ça, c’est du délai intentionnel.</p>
<p>D’autres types de discours incluent la proposition de solutions non efficaces ou non transformatives afin de distraire la population des actions concrètes (visant la réduction des émissions). Les exemples qu’on peut lire incluent les avions électriques, l’énergie de fusion ou la capture directe de carbone de l’atmosphère. Ces mesures sont, pour le moment, utopiques ou embryonnaires. </p>
<h2>Beaux parleurs, petits faiseurs</h2>
<p>Un autre angle de ce discours inclut l’affirmation que les combustibles fossiles font partie de la solution. Ou la multiplication des programmes de compensation des émissions, au sein desquels <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/18/revealed-forest-carbon-offsets-biggest-provider-worthless-verra-aoe">se multiplient les fraudes</a>. Une enquête récente a démontré que Verra, qui domine la certification de crédits carbone sur le marché volontaire, n’aurait aucun impact sur le climat pour 90 % de ses projets. </p>
<p>La mise en place de cibles à long terme (comme l’atteinte de la <a href="https://theconversation.com/decarbonisation-dici-2030-un-objectif-quasi-impossible-mais-necessaire-184502">carboneutralité d’ici 2030</a>) sans moyens concrets pour y arriver fait également partie de ce type de discours. Et le <a href="https://climateactiontracker.org/countries/canada/">Canada en est un champion</a>. Par exemple, nous venons d’approuver un mégaprojet d’exploitation de gaz et pétrole (<a href="https://iaac-aeic.gc.ca/050/evaluations/proj/80154?culture=fr-CA">Bay du nord</a>), même si notre performance pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris est hautement insuffisante. </p>
<p>Enfin, la proposition de solutions « à petits pas », qui sont très prudentes, mais conservent toutes les structures de pouvoir en place sans transformation, est une autre tactique. Ce discours est caractérisé par de beaux messages mais peu d’avancées. Un exemple est la promotion des carburants d’aviation durable, qui sont mélangés avec les carburants standards. Mais pour le moment, ils ne représentent que <a href="https://www.aviationtoday.com/2021/08/05/sustainable-aviation-fuels-arent-sustainable-not-yet-least/">moins de 1 % du marché</a>, et plusieurs chaînes de production <a href="https://theicct.org/wp-content/uploads/2021/06/Alt-aviation-fuel-sustainability-mar2021.pdf">ne sont pas réellement durables</a> </p>
<h2>Limiter les coûts, mais à quel prix ?</h2>
<p>On peut entendre aussi que les coûts sont trop élevés ; il serait injuste pour la société québécoise ou pour les individus de payer si cher pour des solutions visant à réduire les émissions. Il s’agit d’un discours très réussi, parce qu’une partie vocale de la population est tout à fait d’accord que l’on paie déjà trop d’impôt et que le gouvernement intervient trop. </p>
<p>On parle des coûts à court terme et on ignore, au bénéfice de la prochaine élection, les avantages que ces actions pourraient avoir sur notre santé ou sur la résilience des communautés à long terme. Ce discours politique mise sur le maintien du niveau de vie des citoyens ou sur la perte d’emplois pour justifier les délais intentionnels. Au lieu d’essayer éduquer la société sur les risques réels à venir, ou de travailler sur la justice sociale pour résoudre les iniquités environnementales, on choisit une position très conservatrice qui est une tactique de délai.</p>
<h2>Pour le bien des générations futures</h2>
<p>Un autre discours que l’on peut lancer consiste à mettre en cause la possibilité de trouver des solutions visant la réduction des émissions. On peut laisser entendre que les changements nécessaires sont impossibles, que les sociétés seraient trop perturbées par de telles transformations. Ce discours nie l’atténuation des émissions pour suggérer que nous devons nous adapter aux changements climatiques qui en résultent. Et, souvent, l’idée que les nouvelles technologies nous aideront à atteindre cette adaptation future est renforcée. « On verra plus tard ». Ce discours n’engage pas la société vers les solutions qui existent, mais il distrait la société vers les solutions qui n’existent pas encore.</p>
<p>Ces discours et leurs variations sont très convaincants, et ont bien servi les politiciens au Québec et Canada depuis des décennies. Les auteurs de <a href="https://doi.org/10.1017/sus.2020.13">l’étude</a> suggèrent que l’identification des discours intentionnels de délai pourrait aider les gens à y résister et à s’organiser différemment face à ces stratégies. </p>
<p>Mais Alex Steffen, qui est à l’origine du terme délai intentionnel, est franc. Il suggère que ce délai profite surtout aux politiciens et aux individus plus âgés, qui ignorent leurs obligations envers la société en général, et en particulier envers les générations futures. </p>
<p>Soyons francs, identifions le délai intentionnel, et parlons-en.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204006/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alison Munson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des tactiques politiques intentionnelles sont mises en place dans le but de ralentir ou de bloquer l’action concrète pour contrer les changements climatiques et abandonner des produits pétroliers.Alison Munson, Écologie forestière, écologie urbaine, sols urbains, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1981412023-01-19T11:48:20Z2023-01-19T11:48:20ZPourquoi il est grand temps de quitter les villes<p><em>Si le processus d’urbanisation globalisée ne semble pas vouloir marquer le pas, le géographe Guillaume Faburel nous invite à considérer le débranchement urbain dans son texte « Vider les villes ? », dont nous vous proposons des extraits. Retrouvez cette réflexion et bien d’autres dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ecologies-9782348076886">le livre collectif « Écologies. Le vivant et le social », publié aux éditions de la Découverte</a>.</em></p>
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<p>Vider les villes ? Voilà bien a priori une hérésie. La ville, c’est le progrès et l’émancipation. Tous les grands moments de notre civilisation y sont chevillés, des cités-États aux villes-monde et métropoles d’aujourd’hui. Pourquoi diable vouloir les vider ?</p>
<p>Simplement parce que tous les mois à travers le monde l’équivalent d’une ville comme New York sort de terre. À moins de croire dans le solutionnisme technologique et le durabilisme des transitions, il est temps de rouvrir une option envisagée dès les années 1970 : la désurbanisation de nos sociétés. Voici peut-être l’unique solution face à la dévastation écologique. Un seul « s » sépare demeure et démesure, celui de notre propre survie.</p>
<p>Aujourd’hui, 58 % de la population mondiale est urbaine, soit près de 4,4 milliards d’habitants (dont presque 40 % résidant aux États-Unis, en Europe et en Chine), contre 751 millions en 1950. Cette proportion est même annoncée à 70 % en 2050 par l’Organisation des Nations unies (ONU).</p>
<p>[…]</p>
<p>Avec plus de vingt millions d’habitants, Mumbaï a vu sa superficie bâtie presque doubler entre 1991 et 2018, perdant ainsi 40 % de son couvert végétal. Dhaka, dont la population de l’agglomération excède aussi vingt millions d’habitants, a vu disparaître 55 % des zones cultivées, 47 % des zones humides et 38 % du couvert végétal entre 1960 et 2005. Pendant que la superficie bâtie augmentait de 134 %.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499586/original/file-20221207-12-amtpnt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne de Dacca, capitale du Bangladesh, la ville la plus densément peuplée au monde, avec 43 797 habitants au km carré. Elle manque d’espaces verts et l’air y est irrespirable pour ses 15 millions d’habitants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Plus près de nous, le Grand Paris est le chantier d’aménagement le plus important de l’histoire de la capitale depuis le Second Empire (XIX<sup>e</sup> siècle), avec pas moins de deux cents kilomètres de lignes de métro supplémentaires, cent soixante kilomètres de tunnels à percer, soixante-huit gares à construire, quatre-vingt mille logements par an à sortir de terre.</p>
<p>En France d’ailleurs, la population urbaine a augmenté de 20 % entre 1960 et 2018, pour officiellement dépasser les 80 % de la population hexagonale en 2020, ramenés toutefois à 67 % en ne tenant plus uniquement compte de l’influence des villes mais aussi de la taille des peuplements (critère de densité des constructions). Près de la moitié vit dans l’une des vingt-deux grandes villes (dont quatre millionnaires en nombre d’habitants), à ce jour officiellement dénommées métropoles. Et, depuis ces centres métropolitains jusqu’aux couronnes périurbaines, comme dans un bon tiers des périmètres de villes moyennes et d’inter-communalités (elles-mêmes grossissantes par volontarisme réglementaire), l’urbanisation croît deux fois plus vite en surface qu’en population (et même trois fois dans les années 1990, soit annuellement la taille de Marseille, un département tous les dix ans, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur en cinquante ans).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». Au programme, un mini-dossier, une sélection de nos articles les plus récents, des extraits d’ouvrages et des contenus en provenance de notre réseau international. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>La métropolisation du monde</h2>
<p>Les foyers premiers ainsi que le modèle principal de cette croissance sont assurés par les grandes agglomérations, au premier chef les sept villes-monde (New York, Hongkong, Londres, Paris, Tokyo, Singapour et Séoul) et leurs épigones, cent vingt métropoles internationales. Elles représentent en cumul 12 % de la population mondiale pour 48 % du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il y a donc du capital à fixer et de la « richesse » à produire… À condition de continuer à grossir. Tokyo a déjà un PIB supérieur à celui du Canada, Paris à celui de la Suisse…</p>
<p>Engagée depuis une quarantaine d’années dans les pays occidentaux, la métropolisation représente le stade néolibéral de l’économie mondialisée : polarisation urbaine des nouvelles activités dites postindustrielles et conversion rapide des pouvoirs métropolitains aux logiques de firme marchande.</p>
<p>Elle incarne l’avantage acquis ces dernières décennies par les grandes villes : articulation des fonctions de commandement (ex : directions d’entreprises) et de communication (ex : aéroports, interconnexions ferroviaires, etc.), polarisation des marchés financiers (ex : places boursières et organismes bancaires), des marchés d’emplois de « haut niveau » – que l’Insee qualifie de métropolitains depuis 2002 (conception-recherche et prestations intellectuelles, commerce interentreprises et gestion managériale, culture et loisirs) ou encore de marchés segmentés de consommation (tourisme, art, technologies…).</p>
<p>[…]</p>
<h2>Une empreinte environnementale et sanitaire déplorable</h2>
<p>Or, occupant seulement 2 % de la surface de la Terre, le fait urbain décrit produit 70 % des déchets, émet 75 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), consomme 78 % de l’énergie et émet plus 90 % de l’ensemble des polluants émis dans l’air pour, souvenons-nous, 58 % de la population mondiale.</p>
<p>Pour les seuls GES, vingt-cinq des cent soixante-sept plus grandes villes du monde sont responsables de près de la moitié des émissions urbaines de CO<sub>2</sub> – la fabrication du ciment représentant près de 10 % des émissions mondiales, en augmentation de 80 % en dix ans. À ce jour, 40 % de la population urbaine mondiale vit dans des villes où l’exposition à la chaleur extrême a triplé sur les trente-cinq dernières années.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/canicule-et-urbanisme-arretons-de-densifier-nos-villes-142504">Canicule et urbanisme : arrêtons de densifier nos villes !</a>
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<p>Plusieurs mégapoles s’enfoncent annuellement de plusieurs centimètres sous le poids de la densité des matériaux de construction et du pompage des nappes phréatiques (Mexico, Téhéran, Nairobi, Djakarta…). La prévalence des maladies dites de civilisation est nettement plus importante dans les grandes villes, responsables de quarante et un millions de décès annuels à travers le monde (cancers, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, diabète et obésité, troubles psychiques et maladies mentales).</p>
<p>Enfin, selon le Fonds monétaire international, à l’horizon de la fin du siècle, 74 % de la population mondiale (annoncée en 2100 urbaine à 80 %) vivra des canicules mortelles plus de vingt jours par an. Un point de comparaison : la canicule de 2003 en France, 15 000 morts, en dix-huit jours. D’ailleurs, en France, les pollutions atmosphériques des grandes villes sont responsables de 50 000 morts annuellement.</p>
<p>Le secteur du bâtiment-travaux publics (BTP), toutes constructions confondues (mais à 90 % dans les aires définies comme urbaines), représente 46 % de la consommation énergétique, 40 % de notre production de déchets et 25 % des émissions de GES. L’autonomie alimentaire des cent premières villes est de trois jours (98 % d’alimentation importée) et Paris, par tous ses hectares nécessaires, a une empreinte écologique trois cent treize fois plus lourde que sa propre superficie.</p>
<p>[…]</p>
<p>Si l’on croise les données de nos impacts écologiques avec celles des limites planétaires, on constate que l’empreinte moyenne de chaque Français va devoir être divisée par quatre à six pour prétendre à la neutralité carbone à horizon de 2050. Pour ce faire, loin du technosolutionnisme ambiant et du durabilisme du verdissement, l’autonomie, comprise comme autosubsistance et autogestion, est le seul moyen de se figurer l’ensemble de nos pressions et de les contenir par l’autodétermination des besoins, au plus près des ressources et de leurs écosystèmes. Ceci, sans pour autant négliger nos interdépendances sociales et quelques-unes de nos libertés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458411/original/file-20220418-118857-54wjei.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une pancarte sur une statue indique « Grand Péril Express » à côté d’un drapeau du mouvement Extinction-Rebellion lors d’une manifestation contre les projets d’urbanisation des terres agricoles en Île-de-France, devant l’Hôtel de Ville de Paris, le 10 octobre 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Samson/AFP</span></span>
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<p>Or pour faire autonomie, toute ville devrait produire 100 % de son énergie, qui plus est renouvelable (or, à ce jour, Lyon, Bordeaux ou Rennes n’en produisent par exemple que 7 % à 8 % , non renouvelables), remettre en pleine terre entre 50 % et 60 % des sols pour la production vivrière et le respect du cycle de l’eau (à ce jour, entre 1 % et 1,5 % dans les villes labellisées Métropoles françaises), ou encore restituer aux écosystèmes au moins 15 % des sols urbanisés pour la biodiversité. Tout ceci est infaisable morphologiquement et, quoi qu’il en soit, impensable dans le cadre d’une ville devenue médiation première du capital.</p>
<p>Nous n’avons en fait pas d’autre choix que de nous affranchir des grandes centralités et de leurs polarités, comme certains espaces périurbains commencent à le faire ; en déconcentrant et en relocalisant, en décentralisant, sans omettre de décoloniser quelques habitudes et modes de vie.</p>
<p>Mais comment passer de l’ère de taire l’inconséquence de nos écologies urbaines à l’âge du faire des géographies posturbaines, sans pour autant rétrécir la société par le jeu des identités et le retour de quelques barbelés ? Quelles sont les conditions d’une désurbanisation sans perte d’altérité, et sans oublier cette fois la communauté biotique ?</p>
<h2>Bientôt, le débranchement urbain ?</h2>
<p>Cette autre géographie est d’ores et déjà en construction, à bas bruit. Les espaces plus ouverts, ceux des campagnes, offrent d’autres possibilités, sous condition de révision de quelques comportements, particulièrement ceux liés à nos mobilités, connectivités et divertissements. En France, cela correspond au foisonnement d’alternatives au sein des espaces dessinés par les treize mille petites villes et petites villes de proximité, bourgs et villages centre, auxquels il faut ajouter les milliers d’autres villages, hameaux et lieux-dit : néoruralités qui connaissent leur septième vague d’installation, néopaysanneries dynamiques, zones à défendre, communautés existentielles/intentionnelles, écolieux et fermes sociales…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-un-tournant-rural-en-france-151490">Vers un tournant rural en France ?</a>
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<p>Permaculture et autosubsistance vivrière, chantiers participatifs et autoconstruction bioclimatique, épiceries sociales ambulantes et médiathèques villageoises itinérantes, fêtes locales et savoirs vernaculaires… sont clairement ici en ligne de mire. Et l’on pourrait imaginer des foires locales aux logements, puisque près de trois millions sont vacants dans les périphéries, alors que ce secteur est prétendument en crise. Et, toute cette effervescence ne concerne pas moins de 30 % du territoire hexagonal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=847&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1064&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1064&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506055/original/file-20230124-24-rmc7wp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1064&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Paru le 12 janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editionsladecouverte.fr/ecologies-9782348076886">Éditions de la Découverte</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Là serait la raison du débranchement urbain : cesser d’être les agents involontaires des méga-machines urbaines en recouvrant de la puissance d’agir, non plus pour faire masse contre la nature mais pour faire corps avec le vivant. Le triptyque habiter la terre, coopérer par le faire, autogérer de manière solidaire peut constituer la matrice d’une société écologique posturbaine. À condition de vider les villes, les grandes, et de cheminer enfin vers le suffisant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198141/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Faburel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si 58 % de la population mondiale est urbaine, il y a incompatibilité de ce mouvement d'urbanisation avec la sauvegarde de la planète.Guillaume Faburel, Professeur, chercheur à l'UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966202022-12-21T18:19:42Z2022-12-21T18:19:42ZCadeaux de Noël : la fabrication de nos appareils numériques a une énorme empreinte carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502191/original/file-20221220-26-ecence.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches,
cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La période des fêtes arrive à grands pas et vous cherchez à offrir des appareils électroniques à vos proches ? Téléphones intelligents, consoles vidéos, tablettes, liseuses, montres connectées, ordinateurs, batteries externes ; le moins qu’on puisse dire, c’est que les options sont nombreuses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-construction-mieux-vaut-preconiser-le-bois-pour-reduire-lempreinte-carbone-des-batiments-180752">En construction, mieux vaut préconiser le bois pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments</a>
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<p>Mais, en tant que consommateurs de ces produits, sommes-nous vraiment conscients de l’énorme coût carbone associé à tout le cycle de vie de notre cadeau, de la fabrication, à l’utilisation et à la fin de vie de ces appareils électroniques ? Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">article publié récemment</a>, mes collègues et moi avons montré que l’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques (regarder des films et de séries en diffusion en continu, écouter de la musique, envoyer des courriels, faire des rencontres en visioconférence) est dominée par la fabrication des appareils électroniques.</p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur les impacts environnementaux des systèmes économiques, nous pensons qu’il est important d’alerter les utilisateurs de services numériques sur les enjeux associés à la production de leurs appareils électroniques. Nous fournissons également quelques trucs et astuces à celles et ceux qui souhaitent offrir un produit électronique comme cadeau.</p>
<h2>Une production effrénée de produits électroniques et de déchets</h2>
<p>Le trafic de données numériques est passé de <a href="https://twiki.cern.ch/twiki/pub/HEPIX/TechwatchNetwork/HtwNetworkDocuments/white-paper-c11-741490.pdf">100 Go par jour en 1992 à 46 000 Go par seconde en 2017, et pourrait atteindre 150 000 Go par seconde avant la fin de 2022</a>. La numérisation de notre société s’est également accompagnée d’une utilisation intensive d’appareils électroniques.</p>
<p>En 2019, les quatre milliards d’utilisateurs de services numériques dans le monde possédaient <a href="https://www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/">34 milliards d’appareils numériques</a>. Le nombre d’appareils électroniques connectés à l’internet devrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652621031577">200 milliards d’unités d’ici 2030</a>.</p>
<p>La production effrénée d’appareils électroniques produite chaque année génère aussi une quantité importante de déchets électroniques à traiter en fin de vie. On estime que le monde a généré <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 millions de tonnes de déchets électroniques en 2019, dont seulement 17 % ont été recyclés</a>. En moyenne, un Canadien génère <a href="https://globalewaste.org/map/">20 kg de déchets électroniques par an</a>.</p>
<h2>L’empreinte carbone des appareils électroniques</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">Dans un article publié récemment</a>, nous avons créé plusieurs profils d’utilisation de services numériques (intensif, modéré et consciencieux) afin de comparer l’empreinte carbone des utilisateurs en fonction d’un certain nombre de paramètres. On parle notamment du nombre d’appareils électroniques achetés, le modèle et le temps que les consommateurs décident de les garder.</p>
<p>Uniquement à cause de la fabrication des appareils électroniques, l’empreinte carbone varie de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">90 kg à 327 kg d’éq. CO₂ par an</a>.</p>
<p>Pour mettre ces chiffres en perspective, il suffit de les relativiser par rapport au budget carbone disponible pour chaque habitant de la terre (<a href="https://www.unep.org/emissions-gap-report-2020">2,1 t éq. CO₂ par an</a>) afin de respecter les accords climatiques. À titre comparatif, les émissions par personne des Québécoises et Québécois représentent en moyenne <a href="https://unfccc.int/documents/194925">près de 10 t éq. CO₂ par an</a>. On estime ainsi que le poids annuel de la fabrication des appareils électroniques dans le budget carbone des utilisateurs varie entre 4 % (utilisateur consciencieux) à 16 % (utilisateur intensif).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication des appareils électroniques en fonction des profils des utilisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
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<p>Le budget carbone des utilisateurs peut être encore plus compromis lorsqu’on y ajoute la consommation d’électricité des appareils électroniques. Un utilisateur intensif en Alberta consommerait ainsi 25 % de son budget carbone (électricité très carbonée). <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">Ces chiffres s’élèvent à 17 % pour le même profil d’utilisation au Québec (électricité bas carbone)</a>.</p>
<p>N’oublions pas qu’il faut également ajouter à ce budget carbone ce que nous mangeons, les transports que nous utilisons, nos vacances, nos voyages d’affaires, nos vêtements, le chauffage de notre maison, et j’en passe. Bref, vous avez compris que chaque choix de consommation est important dans l’équation de notre budget carbone, budget que nous souhaitons respectueux des objectifs climatiques mondiaux.</p>
<p>À la lumière de ces résultats, acheter moins de produits électroniques et surtout prolonger leur durée de vie sont les deux actions les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone des utilisateurs des services numériques.</p>
<p>Bien que cette solution semble triviale, l’obsolescence technologique rapide et les pressions sociales incitent les utilisateurs à acheter régulièrement de nouveaux appareils électroniques au lieu de les conserver plus longtemps.</p>
<p>Aux États-Unis, par exemple, les téléphones intelligents sont remplacés, en moyenne, <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">après 2,75 ans d’utilisation</a>. À l’échelle mondiale, <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pdf">1,43 milliard de téléphones intelligents</a> ont été vendus en 2021. Ces chiffres renforcent la nécessité d’une utilisation plus raisonnée des produits numériques.</p>
<h2>D’où provient cette empreinte carbone aussi élevée ?</h2>
<p>L’impact carbonique élevé des produits électroniques provient notamment de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1190-modelisation-et-evaluation-du-poids-carbone-de-produits-de-consommation-et-biens-d-equipement.html">la production de cartes et de composants électroniques de puissance et de contrôle, ainsi que de la production d’écrans pour les produits concernés</a>.</p>
<p>L’extraction et la transformation de minéraux indispensables à la fabrication des produits électroniques (or, argent, cuivre, cobalt, lithium, terres rares et autres) nécessitent une grande quantité d’énergie.</p>
<p>En outre, la production de composants et l’assemblage de produits finis sont en grande partie réalisés en Chine (<a href="https://arxiv.org/abs/2102.02622">61 % de la production du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour 2015</a>), où la production d’électricité est très carbonée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication de certaines marques et modèles de téléphones intelligents. Le transport, l’utilisation et les étapes de fin de vie ne sont pas inclus dans l’évaluation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Au-delà de la culpabilisation des utilisateurs des TIC</h2>
<p>Si l’action individuelle peut réduire notre empreinte écologique liée à la fabrication des appareils électroniques, elle est largement insuffisante pour l’émergence d’une industrie numérique compatible avec les limites planétaires. Les États et les entreprises ont donc un rôle fondamental à jouer.</p>
<p>Les gouvernements doivent, entre autres, créer des lois pour lutter contre le gaspillage de ressources matérielles et énergétiques. Par exemple, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/indice-reparabilite">exiger que les fabricants des produits électroniques affichent le niveau de réparabilité de leurs produits</a> et même interdire la commercialisation des produits non réparables et non recyclables.</p>
<p>Les entreprises doivent d’adopter des modèles économiques cohérents avec les enjeux environnementaux et sociaux de notre époque.</p>
<p>Aujourd’hui, le modèle économique utilisé par la plupart des fabricants des appareils électroniques est largement basé sur <a href="https://www.qqf.fr/infographie/49/obsolescence-programmee">l’obsolescence programmée (technique, esthétique et logicielle)</a>. En d’autres mots, c’est une stratégie qui vise à créer, chez les consommateurs, un besoin constant l’amenant à racheter de nouveaux biens.</p>
<p>Ces pratiques sont vraisemblablement en contradiction avec les efforts actuels pour développer une industrie numérique cohérente avec une trajectoire de neutralité carbone.</p>
<h2>Offrir des produits numériques</h2>
<p>Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches, n’oubliez pas de considérer au moins trois aspects dans votre décision.</p>
<p>En premier lieu, assurez-vous que votre cadeau sera réellement utilisé. Il est dommage de mobiliser autant de matières premières et d’énergie pour fabriquer des appareils qui seront très peu, voire jamais utilisé. <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5942-evaluation-de-l-impact-environnemental-de-la-digitalisation-des-services-culturels.html">L’empreinte carbone d’une liseuse</a>, par exemple, est amortie entre 50 et 100 livres lus. Ainsi, pour une personne qui lit, disons cinq livres par an, il faut garder la liseuse de 10 à 20 ans pour que chaque livre électronique supplémentaire ait moins d’impact carbone que le format papier.</p>
<p>Deuxièmement, achetez de préférence des produits reconditionnés. Par exemple, en moyenne, un téléphone intelligent reconditionné est <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pd">jusqu’à 8 fois moins impactant pour l’environnement que le neuf</a> (82 kg de matières économisées et 87 % de gaz à effet de serre en moins). C’est bon pour la planète, mais aussi pour le porte-monnaie !</p>
<p>Enfin, cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter. Il faut choisir ceux qui sont <a href="https://tcocertified.com/fr/criteria-overview/">plus facilement réparables</a>, <a href="https://www.ecoconso.be/fr/content/label-ange-bleu-blauer-engel-pour-le-materiel-informatique">efficaces d’un point de vue énergétique</a>, émettent moins de carbone et fabriqués dans le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/nouveau-monde-fairphone-2-le-smartphone-anti-geek_2383230.html">respect des droits de l’humain</a>.</p>
<p>La prochaine fois que quelqu’un vous offrira un produit électronique, vous saurez désormais qu’il a un impact très important sur la planète. Assurez-vous au moins de lui donner la plus longue vie possible !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196620/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luciano Rodrigues Viana a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Boucher a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mohamed Cheriet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques est dominée par la fabrication des appareils électroniques. À l’approche de Noël, une prise de conscience s’impose.Luciano Rodrigues Viana, Doctorant en sciences de l'environnement, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jean-François Boucher, Professeur, Eco-consulting, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Mohamed Cheriet, Full Professor, System Engineering Department & General Director, CIRODD: Interdisciplinary Research Centre on the Opérationnalisation of Sustainability Development, École de technologie supérieure (ÉTS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909432022-11-04T14:36:45Z2022-11-04T14:36:45ZChangements climatiques : quel avenir pour le soccer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495129/original/file-20221114-26-yqdh7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5028%2C3360&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y aura-t-il encore une Coupe du monde de soccer en 2100 ? Quel impact la pollution a-t-elle sur la performance des joueurs ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ces dernières années, de nombreux rassemblements sportifs majeurs ont été bousculés par des événements météorologiques extrêmes : un <a href="https://www.rugbyworldcup.com/2019/news/505639/typhon-hagibis-les-matches-affectes">typhon qui force le report de plusieurs rencontres</a> lors de la Coupe du monde de rugby 2019 au Japon, <a href="https://www.nytimes.com/2020/01/06/sports/Australian-Open-fire.html">air irrespirable lors de l’Open de tennis d’Australie 2020</a> à cause des feux de brousse, <a href="https://www.lapresse.ca/sports/jeux-olympiques/2019-11-01/jo-2020-tokyo-ne-bloquera-pas-la-delocalisation-du-marathon">délocalisation du marathon olympique</a> plus au nord pour fuir la chaleur accablante de Tokyo. Le constat est similaire pour les <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-les-jeux-olympiques-dhiver-sont-ils-amenes-a-disparaitre-175964">Jeux olympiques d’hiver, dont l’avenir est incertain</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-les-jeux-olympiques-dhiver-sont-ils-amenes-a-disparaitre-175964">Changement climatique : les Jeux olympiques d’hiver sont-ils amenés à disparaître ?</a>
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<p>Et le soccer n’est, lui, pas épargné.</p>
<p>Le 20 novembre prochain, les meilleures sélections nationales, dont le Canada, se rassembleront au Qatar pour s’affronter lors de la 22<sup>e</sup> édition de la Coupe du monde de soccer. Pour la première fois de son histoire, l’événement, qui, par ailleurs, fait l’objet de plusieurs <a href="https://reporterre.net/Football-Coupe-du-monde-au-Qatar-un-desastre-humain-et-ecologique">critiques sociales et environnementales</a>, se tiendra à la fin de l’automne en raison des fortes chaleurs qui affectent le pays pendant l’été et qui pourraient affecter la santé des spectateurs et des athlètes.</p>
<p>Y aura-t-il encore une Coupe du monde de soccer en 2100 ? Quel impact la pollution a-t-elle sur la performance des joueurs ? Devons-nous faire un choix entre l’amour du ballon rond et la lutte contre les changements climatiques ?</p>
<p>Chercheurs en sciences de l’activité physique, nous proposons d’apporter un éclairage sur les impacts des changements climatiques sur le soccer de demain.</p>
<h2>Le soccer : victime ou bourreau des changements climatiques ?</h2>
<p>La combinaison des données historiques et des scénarios d’émission actuels révèle que l’élévation du niveau des océans, l’intensification des vagues de chaleur, l’augmentation des risques de <a href="https://www.geo.fr/environnement/incendies-en-foret-quest-ce-que-les-megafeux-211041">mégafeux</a> et d’inondations et la détérioration de la qualité de l’air <a href="https://www.rapidtransition.org/resources/playing-against-the-clock/">constituent des menaces majeures pour la pratique du soccer amateur et professionnel</a>. Cependant, le soccer n’est pas qu’une simple victime des changements climatiques. En effet, il y contribue largement, comme en témoigne l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652619312181?via%3Dihub">empreinte carbone annuelle des joueurs du Premier League (Championnat d’Angleterre de football), estimée à 29 tonnes d’équivalent CO₂</a>, et ce, seulement pour les déplacements.</p>
<p>Cela représente près de 3 fois l’empreinte carbone annuelle des citoyens britanniques, et dépasse largement l’<a href="https://www.2tonnes.org">objectif global de 2 tonnes par personne</a>, fixé pour atteindre les engagements de l’Accord de Paris (COP21).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485611/original/file-20220920-3560-c12wfn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Interruption d’un match au Brésil en raison d’un incendie, en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran YouTube</span></span>
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<h2>Chaleur, intempéries, inondations : quels impacts sur la pratique ?</h2>
<p>À court terme, les préoccupations concernent surtout la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17430437.2021.1984426">faible qualité de l’air et la chaleur</a>, ce qui serait à même d’<a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wcc.760">affecter la santé des spectateurs, des travailleurs du milieu sportif et des athlètes, ainsi que leurs performances</a>. Certaines associations sportives comme la <a href="https://www.mlssoccer.com/">Major League Soccer (MLS)</a> ou <a href="https://albertasoccer.com/">Alberta Soccer</a> au Canada imposent déjà des seuils de sécurité afin d’encadrer la tenue des événements <a href="https://www.mlssoccer.com/news/how-mls-measures-and-manages-extreme-heat-conditions-matches#:%7E:text=If%20the%20WBGT%20temperature%20reads,is%20safe%20to%20do%20so.">lors des épisodes de forte chaleur</a> et de <a href="https://albertasoccer.com/wp-content/uploads/2016/11/Alberta-Soccer-Air-Quality-Monitoring-Guidelines-November-2016.pdf">pics de pollution</a>.</p>
<p>Puisqu’il est estimé que ces conditions seront de plus en plus fréquentes dans un avenir rapproché (le <a href="https://atlasclimatique.ca/map/canada/plus30_2060_85#lat=50.48&lng=-110.77&z=7">mercure devrait dépasser les 30 °C</a> plus de 50 jours par année dans plusieurs villes canadiennes, dont Montréal et Toronto, d’ici 2050-2080), il est possible d’estimer une plus grande émergence des reports et d’annulations d’entraînements et de matchs. À cela s’ajoutent l’impact potentiel des incendies sur les infrastructures ainsi que la détérioration des terrains en gazon naturel en raison des vagues de sécheresse et des restrictions d’arrosage l’été. Ces terrains pourraient aussi être affectés par des conditions de plus en plus difficiles en hiver.</p>
<p>En Angleterre, en 2013, une étude rapportait déjà une <a href="https://www.sportandrecreation.org.uk/news/industry/alliance-survey-bad-weather-and-lack-of-facil">perte de 3 à 13 semaines d’utilisation de certains terrains naturels à cause de précipitations plus intenses</a>. À plus long terme, la montée des océans et les inondations plus fréquentes seraient susceptibles de représenter une menace opérationnelle temporaire ou définitive pour les activités des clubs et donc compromettre l’avenir du soccer dans certaines régions du monde si les émissions de gaz à effet de serre <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2022-04-04/nouveau-rapport-du-giec/trois-ans-pour-agir.php">poursuivent leurs tendances actuelles</a>.</p>
<p>Selon un rapport qui se base sur des modélisations, les <a href="https://www.rapidtransition.org/resources/playing-against-the-clock/">stades de 23 équipes professionnelles d’Angleterre pourraient être confrontés à des inondations partielles ou totales lors de chaque saison d’ici 2050</a>. De tels événements sont déjà survenus à <a href="https://www.lemonde.fr/football/article/2014/10/07/ligue-1-le-stade-de-montpellier-ravage-par-les-inondations_4501921_1616938.html">Montpellier en France (2014)</a> et <a href="https://www.theguardian.com/football/2015/dec/09/carlisle-united-community-rallies-round-flood-hit-football-club">Carlisle en Angleterre (2015)</a>, rendant les terrains inutilisables pendant plusieurs mois.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des hommes portant des planches pataugent sur un terrain de soccer inondé" src="https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491937/original/file-20221026-4274-y3g6d9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des hommes portant des planches pataugent sur un terrain de soccer inondé dans le quartier de Jukyty, à Asuncion, au Paraguay, le 4 avril 2019. Plus de 20 000 personnes ont été évacuées après que des pluies torrentielles ont provoqué d’importantes inondations.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Jorge Saenz)</span></span>
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</figure>
<p>Dans certains contextes, les terrains synthétiques offrent une alternative intéressante lorsqu’un terrain naturel est indisponible ou trop dégradé ; de plus, ils peuvent être utilisés sur une plus longue période de l’année. Toutefois, les données démontrent que ces terrains sont sujets à générer des îlots de chaleur, avec une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1754337114553692">température de surface qui peut être de 12 à 22 °C plus élevée que la température d’un gazon naturel</a>. Ce niveau de température augmente le stress thermique vécu par les athlètes et, par le fait même, les risques pour leur santé et leurs performances. Il en est de même pour la santé des arbitres, des entraîneurs et des spectateurs.</p>
<h2>Impacts sur la santé et la performance des joueurs</h2>
<p>La pollution de l’air impacte négativement la <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/24/12928">quantité et la qualité des passes</a>, la <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/24/12928">distance parcourue et les efforts à haute intensité</a> réalisés par les joueurs professionnels. Les pics de pollution pourraient même drastiquement réduire le nombre de buts marqués au cours des matchs.</p>
<p>Il existe des évidences empiriques, observées depuis plusieurs décennies, que les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/1612197X.2014.888245">chances de gagner sont plus élevées lorsqu’on joue à domicile</a>. Dans une ville polluée, cette augmentation est <a href="https://ideas.repec.org/a/sae/jospec/v23y2022i3p277-300.html">accentuée lorsque l’équipe adverse provient d’une ville moins polluée</a>. Pourquoi ? Parce que l’équipe d’accueil est habituée à une pollution de l’air moyenne plus importante, et sa performance en est donc moins affectée.</p>
<p>La chaleur et la déshydratation peuvent également affecter les performances des athlètes et, en conséquence, la qualité des matchs et du spectacle offert. Or, des <a href="https://bjsm.bmj.com/content/49/9/609">analyses effectuées sur les matchs de la Coupe du monde 2014 au Brésil semblent indiquer</a> que la qualité du jeu n’était pas affectée par la chaleur accablante. Cependant, ces résultats doivent être interprétés prudemment, puisque les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19807723/">athlètes de haut niveau tolèrent généralement mieux la chaleur et la déshydratation que les individus non entraînés</a>.</p>
<p>Il est donc possible de penser que les effets néfastes sur la santé et la performance seraient plus importants chez des athlètes amateurs, ou alors chez des joueurs plus âgés ayant des conditions de santé particulières.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="équipe de soccer féminine au japon -- joueuses boivent de l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491752/original/file-20221025-14-pypzme.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les joueuses de l’équipe du Japon s’hydratent pendant leur entraînement, à la veille du match entre le Japon et la Nouvelle-Zélande lors de la Coupe du monde de football féminin à Bochum, en Allemagne, le 26 juin 2011.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Martin Meissner)</span></span>
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<h2>Besoin urgent de changement : d’une approche réactive à une approche proactive</h2>
<p><a href="https://www.football-ecology.org/fr/">Le soccer, par son envergure et sa capacité à toucher un large public, peut jouer un rôle majeur dans la transition écologique actuelle</a>, notamment par des stratégies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.</p>
<p>La Fédération internationale de football association (FIFA) a été l’une des premières fédérations sportives internationales à s’engager dans la <a href="https://unfccc.int/sites/default/files/resource/Sports_for_Climate_Action_Declaration_and_Framework.pdf">Convention-Cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques – Le sport au service de l’action climatique</a>, en développant <a href="https://digitalhub.fifa.com/m/a6e93d3f1e33b09/original/FIFA-Climate-Strategy.pdf">sa propre stratégie pour le climat</a>. Concrètement, la FIFA a établi plusieurs initiatives qui s’articulent autour de trois objectifs principaux : (1) rendre le soccer prêt pour l’action climatique ; (2) protéger les tournois emblématiques des impacts négatifs des changements climatiques et (3) assurer le développement d’un soccer résilient.</p>
<p>Dans la foulée, afin d’atténuer les impacts des changements climatiques sur son fonctionnement, le monde du soccer va très rapidement devoir passer d’une approche réactive à une approche proactive, en mettant des actions en place :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.rapidtransition.org/resources/sweat-not-oil-why-sports-should-drop-advertising-and-sponsorship-from-high-carbon-polluters/">Interdire les commanditaires issus des énergies fossiles</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://pubs.acs.org/doi/pdf/10.1021/acs.est.1c03422">Réorganiser les compétitions</a> pour diminuer les déplacements des athlètes et partisans, en obligeant les ligues professionnelles nationales à recommander les <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/le-vrai-du-faux-football-existe-t-il-des-clubs-europeens-qui-contrairement-au-psg-prennent-le-train-plutot-que-l-avion-pour-leurs-deplacements-sportifs_5320999.html">déplacements en train</a>pour les courts trajets ;</p></li>
<li><p>Favoriser les <a href="https://doi.org/10.1016/j.erss.2019.02.016">transports en commun ou partagés</a> pour les partisans, et les athlètes amateurs ;</p></li>
<li><p>Réduire la vulnérabilité des pratiquants et des spectateurs en adaptant la réglementation et les activités : pauses-fraîcheur plus fréquentes, possibilité de faire plus de changements pendant les matchs, révision des règles concernant la durée des matchs en cas d’égalité, déplacement des matchs à des moments plus frais dans la journée.</p></li>
</ul>
<p>Puisque le soccer n’est pas le seul sport à être à la fois victime et bourreau des changements climatiques, une action urgente du monde sportif dans son ensemble est nécessaire pour continuer de pratiquer de manière plaisante et sécuritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190943/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Deshayes a reçu des financements des Fonds de Recherche du Québec - Santé dans le cadre de son doctorat.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bernard Paquito a reçu des financements des Fonds de Recherche du Québec - Santé et de la Fondation cancer du sein du Québec.</span></em></p>Y aura-t-il encore une Coupe du monde de soccer en 2100 ? Quel impact la pollution a-t-elle sur la performance des joueurs ? Éclairage sur les impacts des changements climatiques sur le soccer de demain.Thomas Deshayes, Chercheur postdoctoral en sciences de l'activité physique, Université de Sherbrooke Paquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789582022-03-29T13:18:59Z2022-03-29T13:18:59ZMobilité académique post-pandémie : les profs vont-ils recommencer à voyager ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453982/original/file-20220323-27-yb6umk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C1%2C976%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La quantification de l'émission des gaz à effet de serre dans le cadre d'activités de recherche doit devenir systématique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Avant la pandémie de Covid-19 et les restrictions à la mobilité, le secteur de l’aviation commerciale était responsable de l’émission de plus d’un <a href="https://ourworldindata.org/co2-emissions-from-aviation">milliard de tonnes de CO₂ par année</a>, soit environ 2,5 % des émissions annuelles mondiales.</p>
<p>Bien que le rôle non négligeable de l’aviation dans les changements climatiques soit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920902000135">étudié</a> et <a href="https://www.ipcc.ch/report/aviation-and-the-global-atmosphere-2/">connu</a> depuis plusieurs années, les chercheurs universitaires étaient, à tout le moins avant la pandémie, de <a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">grands émetteurs de GES</a> (gaz à effet de serre). En effet, les chercheurs parcourent d’ordinaire de nombreux kilomètres en avion en raison de leur hypermobilité internationale pour la recherche et la dissémination du savoir.</p>
<p>En parallèle de nos recherches respectives en sciences de l’environnement, nous nous intéressons depuis quelques années à la <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">quantification des émissions</a> de GES liées à cette mobilité et à la <a href="https://recherche-resp-research.github.io/">sensibilisation</a> à ses impacts.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-universitaires-sont-de-gros-emetteurs-de-gaz-a-effet-de-serre-voyagent-ils-trop-120156">Les universitaires sont de gros émetteurs de gaz à effet de serre. Voyagent-ils trop?</a>
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<h2>Une hypermobilité freinée par la pandémie</h2>
<p>Les incitatifs à la mobilité pour les chercheurs sont nombreux. Les conférences, <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6">principale raison</a> pour voyager, sont souvent perçues comme un incontournable pour <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsif.2018.0580">mettre en lumière sa recherche</a> et élargir son réseau de contacts. La participation à ces évènements et, plus globalement, l’internationalisation de la recherche sont d’ailleurs des critères d’évaluation importants lors de l’embauche ou pour la progression de carrière des chercheurs, et ce, même si les bénéfices réels de cette hypermobilité <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ece3.8201">sont contestés</a>. La mobilité est ainsi souvent considérée comme une partie intégrante de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2210539513000400">culture et des pratiques académiques</a>.</p>
<p>Le monde académique, comme toutes les sphères de la société, a évidemment été grandement chamboulé depuis mars 2020. Les universitaires ont rapidement dû s’adapter à une nouvelle réalité, et tant l’enseignement que la recherche ont pris un virage virtuel. Les conférences se sont aussi adaptées et ont <a href="https://www.science.org/content/article/covid-19-forces-conferences-online-scientists-discover-upsides-virtual-format">basculé pour la plupart</a> vers des formats virtuels ou hybrides.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Conférencier sur scène avec vue arrière du public dans la salle de conférence" src="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454754/original/file-20220328-17419-3pxf6a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La pandémie de Covid-19 a chamboulé l’organisation de conférences.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
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<p>Ces nouveaux formats de conférences semblent faire <a href="https://labos1point5.org/les-enquetes/enquete1-resultat">consensus</a>, même pour ceux qui, avant la pandémie, étaient réticents à utiliser des technologies alternatives aux rencontres en personne. Un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-00513-1">sondage</a> mené par la revue <em>Nature</em> en 2021 montre d’ailleurs qu’une majorité de chercheurs souhaite qu’à l’avenir, toutes les conférences offrent une composante virtuelle plutôt que d’être uniquement en personne, comme c’était la norme avant la pandémie. Ceci permettrait non seulement de <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-27251-2">réduire les émissions de CO₂</a> dues aux déplacements, parfois longs et coûteux, mais favoriserait aussi une <a href="https://www.nature.com/articles/s41893-021-00823-2">meilleure accessibilité</a> aux conférences et l’inclusion de chercheurs issus de pays défavorisés.</p>
<h2>Quantifier ses émissions de GES</h2>
<p>Alors que nous sortons lentement de cette pandémie, le moment semble opportun pour réaliser une véritable transition vers des modes de pratique et de diffusion de la recherche plus écologiques. Depuis quelques années, diverses initiatives ont ainsi émergé au Québec et ailleurs pour réduire les impacts environnementaux de la mobilité académique.</p>
<p>Une première étape importante vers cette transition est la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-020-00857-z">quantification des émissions de GES</a>. De nombreuses universités québécoises ont entamé ce processus, mais celui-ci n’est pas systématique. L’<a href="https://reports.aashe.org/institutions/participants-and-reports/">inventaire</a> concerne généralement seulement les émissions directes des universités, comme la consommation de combustibles pour le chauffage ou les émissions dues à l’électricité consommée sur les campus. On ignore souvent les autres sources d’émission, comme les déplacements quotidiens et les déplacements académiques. Il est d’ailleurs difficile de quantifier les émissions liées aux déplacements académiques puisque ceux-ci <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ab33e6/meta">ne sont pas non plus systématiquement documentés</a> par les universités.</p>
<p>Une fois le bilan GES bien établi, il est nécessaire de procéder à une internalisation des coûts environnementaux de la recherche. Par exemple, les coûts en GES pourraient être pris en compte pour permettre le remboursement d’un moyen de transport plus cher, mais plus écologique. En Amérique du Nord, le train serait jusqu’à <a href="https://peterkalmus.net/books/read-by-chapter-being-the-change/read-by-chapter-chapter-9-leaving-fossil-fuel/">5 fois moins polluant</a> par kilomètre parcouru que l’avion, mais bien souvent plus dispendieux. Le choix des pratiques de recherche devrait ainsi pouvoir être guidé en partie par des motivations environnementales.</p>
<p>Les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont établi un <a href="https://frq.gouv.qc.ca/app/uploads/2021/04/plan-action-responsabilite-environnementale_vf.pdf">Plan d’action sur la responsabilité environnementale en recherche</a>, qui requiert que les demandes de subvention soient accompagnées d’une évaluation des impacts environnementaux de la recherche et d’une réflexion sur la réduction de ces impacts. Cependant, pour l’instant, la mobilité n’est pas obligatoirement incluse dans cette évaluation, et l’adoption de mesures de mitigation n’est pas non plus obligatoire.</p>
<h2>La prise de conscience est amorcée</h2>
<p>De nombreuses universités et centres de recherche européens ont mis en place des <a href="https://www.unige.ch/communication/communiques/2019/deplacements-en-avion-politique-ambitieuse-de-lunige/">politiques institutionnelles</a> <a href="https://www.unine.ch/files/live/sites/durable/files/CO2/rapport_co2_final_20210327.pdf">contraignantes</a> sur les voyages au cours des dernières années. Dans la plupart des cas, seuls les transports terrestres sont remboursés si la destination est située à distance raisonnable de l’institution.</p>
<p><a href="https://ethz.ch/content/dam/ethz/associates/services/organisation/Schulleitung/mobilitaetsplattform/Factsheet%20air%20travel%20ETH%20Zurich.pdf">D’autres politiques</a> <a href="https://hal.inria.fr/hal-02340948/document">non contraignantes</a> s’accompagnent d’un <a href="https://tyndall.ac.uk/about/travel-strategy/">arbre d’aide à la décision</a>, qui encourage à considérer les retombées réelles du voyage, la possibilité de déléguer un collaborateur sur place ou encore, de participer virtuellement. Une politique de ce type a d’ailleurs été adoptée par le <a href="https://www.concordia.ca/content/dam/artsci/geography-planning-environment/docs/Flying_Less_Policy_GPE_June1_2019.pdf">département de géographie, d’urbanisme et d’environnement de l’Université Concordia</a>.</p>
<p>L’Université de Colombie-Britannique a de son côté mis à la disposition des chercheurs un <a href="https://greentravel.arts.ubc.ca/climate-aviation/">site web</a> permettant de prendre des décisions éclairées quant aux déplacements académiques. Elle a inscrit la réduction des émissions dues au déplacement académique dans son plan de réduction des émissions de GES. Cependant, à notre connaissance, aucune politique institutionnelle contraignante concernant les déplacements académiques n’existe pour l’instant au pays.</p>
<p>La prise de conscience récente des impacts environnementaux de la mobilité académique a permis d’amorcer une discussion <a href="https://www.science.org/content/article/why-some-climate-scientists-are-saying-no-flying">parmi les chercheurs</a> sur la nécessité de réduire leurs émissions de GES. La pandémie a accéléré la transition vers de nouveaux modes d’internationalisation de la recherche moins gourmands en GES.</p>
<p>Que restera-t-il de ces nouvelles pratiques dans un monde post-pandémie ? En regard du dernier rapport <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">particulièrement alarmant</a> du GIEC, la réponse à cette question sera primordiale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178958/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Arsenault a reçu du financement du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Talbot a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mathilde Jutras est membre du comité intersectoriel étudiant des Fonds de recherche du Québec. Elle a reçu du financement du Conseil national de recherche en sciences naturelles et génie du Canada (CRSNG) et des Fonds de recherche du Québec - Fond nature et technologie (FRQNT).</span></em></p>Depuis la pandémie, les chercheurs universitaires voyagent moins, et émettent donc moins de gaz à effet de serre. Les conférences virtuelles ou hybrides sont-elles là pour rester ?Julien Arsenault, Candidat au doctorat en géographie, Université de MontréalJulie Talbot, Professeure agrégée en géographie / Associate professor in geography, Université de MontréalMathilde Jutras, PhD candidate, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765832022-03-27T17:24:52Z2022-03-27T17:24:52ZÀ quoi devrait ressembler le futur « score environnemental » dans l’alimentaire<p>La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire-0">loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et à l’économie circulaire</a>, votée en 2020, prévoit à son article 15 la conception et la mise en place d’un système d’affichage environnemental sur les produits alimentaires. Un projet repris par l’article 2 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924">loi climat et résilience</a> du 22 août 2021.</p>
<p>Après le NutriScore, qui informait les consommateurs sur la qualité nutritive des produits, le score environnemental a pour but de guider les Français dans le choix d’aliments respectueux de l’environnement, et ce à tous points de vue.</p>
<p>Dans la foulée du vote de la loi, une expérimentation a été coordonnée par un comité de pilotage composé de l’Agence de la transition écologique et des trois ministères concernés (transition écologique ; agriculture et alimentation ; économie, finances et relance), au moyen d’un appel à projets invitant les acteurs privés à proposer une méthodologie d’affichage environnemental.</p>
<p>18 projets ont alors vu le jour au cours des deux dernières années, ainsi que d’autres initiatives développées en parallèle. Ont ainsi surgi le <a href="https://www.planetscore.eu/">PlanetScore</a>, l’<a href="https://docs.score-environnemental.com/">Ecoscore</a>, ou encore la <a href="https://lanoteglobale.org/">Note Globale</a>. Toutes sont intéressantes, mais toutes présentent aussi des lacunes.</p>
<p>Un Conseil scientifique indépendant a été mis en place pour identifier les bases scientifiques des démarches d’affichage environnemental et évaluer leurs impacts potentiels sur les consommateurs. <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/affichage-environnemental-produits-alimentaires-rapport-final-conseil-scientifique.pdf">Son avis</a> a été remis au comité de pilotage, qui s’est appuyé dessus pour construire son propre rapport, remis récemment au Parlement et au Sénat.</p>
<p>L’objectif final étant d’établir des recommandations pour construire, à horizon 2023, un indicateur officiel fiable, lisible et juste.</p>
<h2>Des consommateurs en demande</h2>
<p>Pendant longtemps, la question de l’affichage environnemental était difficile à aborder. Le manque de données, la difficulté de construire une analyse cycle de vie robuste et la réticence des entreprises rendaient l’exercice délicat. Désormais, la demande de la part des consommateurs, le progrès dans les méthodologies de mesure et l’apparition de nouveaux acteurs du numérique rendent cet indicateur incontournable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"807600577404354561"}"></div></p>
<p>Il entend aider les consommateurs à intégrer la dimension environnementale à leurs choix alimentaires sur deux aspects : d’un côté, à distinguer au sein d’une même catégorie d’aliments les plus performants sur le plan environnemental selon le mode de production, la transformation et la distribution ; et à percevoir entre deux catégories d’aliments la plus vertueuse, afin de contribuer à faire évoluer le régime alimentaire du consommateur – par exemple en privilégiant les légumineuses à la viande.</p>
<p>On imagine la difficulté à construire un tel indicateur : quels enjeux environnementaux intégrer ? Quelles données utiliser et comment ? Quelles méthodes d’évaluation des impacts ? Quel score et sous quel format ?</p>
<h2>Trois niveaux de précision</h2>
<p>Parce que l’affichage environnemental a un coût face auquel les entreprises ne sont pas toutes égales, il ressort des travaux que trois niveaux de descriptions seront possibles.</p>
<p>Un premier niveau, accessible à tous à bas coût, repartira de la base de données publiques <a href="https://agribalyse.ademe.fr/">Agribalyse</a>, qui donne des valeurs sur 2800 produits génériques (un yaourt ou des pâtes, par exemple) et 500 produits agricoles représentatifs de la diversité alimentaire. De là, le distributeur affinera avec quelques paramètres facilement accessibles : la recette réelle de son produit, l’emballage, l’origine des ingrédients, le mode de production (biologique, conventionnel…). Une telle valeur devrait être accessible à moins de 5 euros par référence et déployable à grande échelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1328975742647083010"}"></div></p>
<p>Un deuxième niveau que pourront choisir d’adopter certaines entreprises, intégrera plus de précisions, avec une dizaine de paramètres environ selon les filières – par exemple l’alimentation ou l’accès au pâturage de la vache qui a produit le lait vendu. Une information plus coûteuse à collecter, mais intéressante au niveau environnemental.</p>
<p>Le troisième niveau intégrera l’analyse cycle de vie complète, en allant encore davantage dans le détail : on pourra préciser par exemple la distance entre la ferme et la laiterie ou le mode de stockage du fumier. On gagne en précision, mais les coûts augmentent fortement pouvant atteindre jusqu’à 10 000 euros par référence. Aussi seuls les plus motivés et ceux qui « auront les moyens » pourront atteindre ce niveau de précision.</p>
<h2>Une méthodologie globale</h2>
<p>Pour mesurer ces impacts, l’analyse cycle de vie est privilégiée, et dans le cadre de référence reconnu au niveau européen du <em>product environmental footprint</em> (agrège plusieurs impacts sur l’air, l’eau, le sol, etc.) – auxquels quelques ajustements seront apportés. Car le cadre actuel ne permet pas de prendre pleinement en compte des éléments importants pour le secteur alimentaire, comme la plus grande biodiversité dans les parcelles en agriculture biologique vis-à-vis du conventionnel.</p>
<p>Une telle analyse est construite en suivant deux étapes : quantifier les émissions de polluants et les usages de ressources pour toutes les étapes du cycle de vie du produit ; puis regrouper les émissions de polluants et les utilisations de ressources en un nombre limité d’impacts environnementaux.</p>
<p>Au-delà du PEF, la construction des indicateurs environnementaux doit donc être complétée sur 5 grands axes en priorité : la toxicité ou l’écotoxicité du produit, le stockage de carbone dans le sol, la biodiversité locale, les emballages et la contribution à la surpêche pour les produits de la mer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1173805778458873856"}"></div></p>
<p>Deux façons sont envisageables pour faire ces ajustements : soit en les intégrant au maximum à la logique de l’ACV soit en réalisant des ajustements externes, une fois l’ACV calculée, à travers un système de bonus-malus, comme l’ont fait le PlanetScore et l’Ecoscore chacun à leur manière. Cette 2<sup>e</sup> option n’est pas privilégiée par les 2 rapports, car les labels concernent seulement une partie ou une étape du cycle de vie, et l’application d’un bonus global n’est donc pas rigoureuse. Par exemple, un « bonus bio » pour combler les limites de l’ACV ne devrait concerner qu’une étape du cycle de vie (la production agricole) et que certains aspects environnementaux comme la toxicité – mais pas les émissions de GES.</p>
<p>Aussi, il est recommandé de ne pas multiplier les indicateurs complémentaires aux PEF afin d’éviter les doubles comptages, de respecter les périmètres entre indicateurs et les pondérations dans le score final (par exemple entre impact climat et biodiversité). Le risque étant au final d’affecter de manière injustifiée le score de certains produits.</p>
<p>D’autres informations sur des aspects non environnementaux, comme les conditions de travail ou le bien-être animal, pourront être ajoutées, mais séparées du score environnemental en lui-même.</p>
<h2>Le score et la forme de l’affichage</h2>
<p>Enfin, à quoi devra ressembler le score ? Comme c’est le cas pour l’électroménager, une lettre (A, B, C, D, E, F…) permettra d’évaluer la qualité environnementale du produit par rapport aux autres catégories. Dans cet affichage transversal, les végétaux ressortiront forcément plus vertueux que les produits animaux : un fruit bio, même suremballé et venu de l’autre bout du monde, se verra logiquement attribuer une lettre plus avantageuse qu’un steak de bœuf.</p>
<p>Afin d’obtenir une analyse plus fine que les 5 ou 6 lettres, une note sur 100 pourrait compléter le dispositif et faciliter l’analyse au sein d’une même catégorie : 2 viandes de poulet pourraient avoir la même lettre « C », une avec un score de 60/100 et l’autre de 70/100, afin de valoriser la viande de meilleur impact environnemental par rapport à une autre. Ensuite, 3 sous-scores viendront préciser l’impact du produit a priori sur le climat, la biodiversité et les ressources.</p>
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<figcaption><span class="caption">Agribalyse, du champ à l’assiette, améliorons nos pratiques (Ademe/YouTube, 31 juillet 2020).</span></figcaption>
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<p>Visuellement, le bilan de l’expérimentation préconise un affichage « interprétatif, synthétique et coloré » afin qu’il ait un effet sur le consommateur. Certains aliments, sur lesquels les données manquent, pourraient être écartés du dispositif, comme les repas en poudre.</p>
<h2>Le score officiel, demain sur les emballages ?</h2>
<p>Le score officiel ne correspondra donc pas à l’un des projets existants, mais fera une synthèse entre les propositions, en s’appuyant sur les recommandations du Conseil scientifique.</p>
<p>Avant qu’il soit pleinement opérationnel, des travaux doivent être menés pendant environ un an afin de finaliser et tester la méthode de calcul.</p>
<p>Au-delà des aspects techniques et calculatoires, ces travaux ont mobilisé largement les professionnels et ONG et permis de questionner la notion de « performance environnementale » dans le secteur alimentaire. Les discussions ont été riches, parfois sensibles, soulevant des questions de transparence, d’accès aux données et d’objectivation des allégations environnementales existantes.</p>
<p>Nul doute que le débat va se poursuivre, à l’échelle européenne notamment où les travaux français sont regardés avec attention.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176583/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vincent Colomb ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des travaux menés par l’Ademe dans le cadre d’une expérimentation esquissent le futur score environnemental pour les produits alimentaires.Vincent Colomb, Expert évaluation environnementale et écoconception, filières alimentaires, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1725742021-12-03T14:17:10Z2021-12-03T14:17:10ZCruches de plastique, boîtes de carton ou sacs de plastique – lequel de ces contenants à lait est meilleur pour l’environnement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/435081/original/file-20211201-15-svhvr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4998%2C3235&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’empreinte environnementale des contenants de lait varie considérablement.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Jonathan Hayward</span></span></figcaption></figure><p>Si vous êtes un Canadien qui fait une consommation de lait moyenne, vous en buvez probablement <a href="https://agriculture.canada.ca/fr/secteurs-agricoles-du-canada/production-animale/centre-canadien-dinformation-laitiere-ccil">plus de 60 litres par an</a>. Cela représente environ deux milliards de contenants chaque année.</p>
<p>L’emballage de tout ce lait dépend de l’endroit où vous vivez, et de nouvelles recherches montrent qu’un type de contenant est meilleur que les autres pour l’environnement.</p>
<p>Il existe un éventail particulièrement vaste de contenants pour le lait. Au Canada, les plus courants sont les cruches rigides en polyéthylène haute densité, les boîtes en carton plastifié et les sacs de lait. Les bouteilles en verre réutilisables sont rares, et c’est tant mieux, car elles présentent un <a href="https://doi.org/10.31025/2611-4135/2020.14025">potentiel de réchauffement planétaire plus élevé</a> que les autres contenants de boissons.</p>
<p>Mes collègues et moi, tous des chimistes et des physiciens spécialisés en recherche sur les matériaux et le stockage de l’énergie, avons étudié des enjeux de consommation liés à la durabilité. Nous avons récemment évalué <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2021.129347">l’impact environnemental des cruches de plastique, des cartons et des sacs de lait</a> à Toronto et à Halifax, et nous avons constaté que les sacs étaient l’option la plus écologique.</p>
<p>Selon un rapport de 2010 de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la plupart des contenants de lait vendus en Amérique du Nord sont des <a href="http://www.fao.org/docrep/012/k7930e/k7930e00.pdf">cruches de plastique (68 %), suivis des boîtes (24 %) et des sacs (7 %)</a>. À l’inverse, les sacs dominent dans les pays d’Afrique méditerranéenne (72 %) et l’ancienne Union soviétique (54 %).</p>
<p>L’entreprise chimique américaine DuPont <a href="https://www.selection.ca/arts-et-culture/voici-pourquoi-les-canadiens-preferent-le-lait-en-sac/">a commercialisé les sacs à lait en plastique polyéthylène</a> au Canada en 1967. Cette innovation a pris son essor dans les années 1970, lorsque le Canada s’est converti au système métrique, car le volume pouvait y être modifié plus facilement que pour les cartons et les cruches.</p>
<h2>L’impact du contenant</h2>
<p>Notre étude consistait en une analyse du cycle de vie d’une grande variété de contenants de lait — les types et les tailles qu’on trouve généralement à Toronto et à Halifax. Nous avons évalué les intrants énergétiques, les émissions de gaz à effet de serre et l’eau utilisée pour les produire, les transporter et s’en débarrasser.</p>
<p>Nous avons constaté que la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre les plus importantes provenaient de la production du papier et des polymères plastiques, bien plus que du transport et du traitement ou de l’élimination des matériaux. Les polymères se retrouvent dans les cruches de lait, les bouchons à vis, ce qui plastifie le carton, les sacs de lait et leurs attaches, et le papier fait partie du carton.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Du lait dans des sacs et des cartons dans une épicerie" src="https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433558/original/file-20211123-20-1v4hsie.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le lait en sac est devenu populaire au Canada dans les années 1970.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bagged_Milk_in_Store_(3293358107).jpg">(Kevin Qiu/wikimedia)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les deux villes, les sacs nécessitent moins d’énergie et d’eau par litre de lait et produisent moins de gaz à effet de serre que les cruches ou les boîtes. Cela est dû principalement au fait que les sacs ne pèsent que 20 à 30 % du poids des cruches ou des cartons pour un volume égal.</p>
<p>Les différences sont importantes. Pour la même quantité de lait, si on les compare aux cruches ou aux cartons, les sacs ne consomment qu’environ 20 à 30 % de l’énergie, n’utilisent qu’environ 2 % (par rapport aux cartons) et 40 % (par rapport aux cruches) de la quantité d’eau et ne produisent que de 20 à 40 % des gaz à effet de serre engendrés par les autres contenants.</p>
<p>Même lorsque les sacs sont enfouis ou incinérés et que les cruches ou les cartons sont entièrement recyclés, l’impact environnemental des sacs demeure plus faible.</p>
<h2>Exclusions et comparaisons</h2>
<p>Nous avons omis plusieurs petits éléments dans le cadre de notre étude, notamment les matériaux et les processus associés à l’étiquetage, comme les encres et l’impression. Nous avons également exclu les cruches dans lesquelles on place le sac de lait pour pouvoir l’utiliser. Une autre étude a montré que <a href="https://www.techylib.com/en/view/cockeysvilleuterus/life_cycle_assessment_of_example_packaging_systems_for_milk">leur impact était faible</a> et, d’après mon expérience, elles peuvent durer plusieurs années. Une question importante que nous avons ignorée, c’est l’incidence des différents contenants sur l’océan et la vie marine.</p>
<p>Les résultats de notre recherche ont été validés par une comparaison avec des études antérieures menées au Royaume-Uni et <a href="http://www.fao.org/docrep/012/k7930e/k7930e00.pdf">dans plusieurs autres pays</a>. Nos calculs de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre étaient compatibles avec les leurs.</p>
<p>On utilise beaucoup d’eau pour la production, le traitement et le transport des contenants, mais une quantité considérable d’eau est récupérée par le recyclage. La consommation nette d’eau est la petite différence entre ces grands nombres et n’est donc pas très précise. Cependant, nous avons constaté que les cartons utilisent un volume d’eau très important : près de 20 litres d’eau sont nécessaires pour produire le carton pour chaque litre de lait.</p>
<p>Notre comparaison avec d’autres pays nous a permis d’observer que l’énergie consommée par les sacs de lait au Royaume-Uni était presque quatre fois supérieure à notre résultat. C’est parce que les sacs utilisés au Royaume-Uni viennent du Canada. Cela nous incite à souligner l’importance de l’emplacement des consommateurs dans une évaluation du cycle de vie. Cependant, nos chiffres étaient essentiellement les mêmes pour Toronto et Halifax, ce qui indique que l’impact plus faible pour les sacs à lait s’applique à n’importe quel endroit dans les régions du sud du Canada.</p>
<p>Autrement dit, le sac à lait aurait le moins d’impact sur les consommateurs canadiens parmi tous les contenants si tout le monde pouvait en acheter. Pour l’instant, on n’en trouve pas dans l’ouest du pays. L’utilisation de sacs dans l’Ouest canadien pourrait permettre d’économiser jusqu’à 5 000 tonnes de plastique par an.</p>
<h2>Du lait gaspillé ?</h2>
<p>Ces nouvelles informations inciteront-elles les gens à se tourner vers le lait en sac ? Au Canada, celui-ci se vend uniquement en quantités de quatre litres, ce qui peut être trop pour certains et risque d’occasionner du gaspillage, annulant ainsi tout avantage environnemental.</p>
<p>Des sacs de lait individuels d’un litre sont désormais <a href="https://www.brodowin.de/der-betrieb/unsere-produkte/mehr-zur-einwegverpackung/">vendus en Allemagne</a>. Bien qu’ils soient plus lourds que les nôtres, ils demeurent préférables aux cruches ou aux boîtes.</p>
<p><a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/11/7/2152">L’impact environnemental du gaspillage du lait</a> est encore plus important que celui de son emballage. Aux États-Unis, le lait représente environ 13 % des pertes alimentaires, et le gaspillage de lait par les consommateurs produit environ dix millions de tonnes d’équivalent de dioxyde de carbone par an.</p>
<p>Le Canada a pour objectif <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">d’interdire le plastique à usage unique</a> d’ici 2030, mais on ne sait pas si les sacs de lait seront inclus dans les produits bannis. Notre analyse suggère que le plastique reste la meilleure option pour avoir du lait avec peu de déchets.</p>
<p>Si un ménage canadien moyen passait des cruches ou des cartons aux sacs, l’économie d’énergie hebdomadaire équivaudrait à une brassée de linge dans une sécheuse. Pour ceux qui se soucient de l’environnement, c’est un début.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172574/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mary Anne White a reçu un financement (2010-2016) du programme FONCER du CRSNG, pour le projet DREAMS (Dalhousie Research in Energy, Advanced Materials and Sustainability) dont est issu le projet d'analyse des contenants de lait, dans le cadre d'un cours de deuxième cycle dont elle était la coordonnatrice, « Sustainable Materials Issues ».</span></em></p>Le lait est disponible en cruches, en carton, en sacs et en bouteilles de verre. Une nouvelle analyse révèle quel type de contenant a la plus petite empreinte environnementale dans son cycle de vie.Mary Anne White, Professor emerita, Department of chemistry, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1675432021-09-20T20:44:47Z2021-09-20T20:44:47ZImpact environnemental du numérique : les internautes peu enclins à changer leurs habitudes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/419964/original/file-20210908-23-1l9t3n3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C16%2C1194%2C750&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique pourraient augmenter de 60&nbsp;% d’ici 2040.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xvrtv">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Cloud, vidéo à la demande, réseaux sociaux, webconférence, 5G, intelligence artificielle, blockchain, cryptomonnaies, Internet des objets… Ces technologies, outils et pratiques créent des opportunités de marché sans précédent pour les entreprises, et colonisent le quotidien des individus. Mais derrière ces évolutions « digitales » et « virtuelles » se cache un monde moins connu fait de serveurs, d’immenses bâtiments climatisés 24h/24, de câbles et autres relais qui consomment plus de <a href="https://printemps21.ch/wp-content/uploads/2020/07/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial.pdf">4 % de la consommation mondiale d’énergie primaire</a>.</p>
<p>Le numérique était ainsi à l’origine de <a href="https://theshiftproject.org/article/pour-une-sobriete-numerique-rapport-shift/">3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre</a> dans le monde en 2018. 44 % de cette empreinte serait due à la <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555-syn.pdf">fabrication des terminaux</a>, des centres informatiques et des réseaux et 56 % à leur utilisation. Et l’évolution est exponentielle : rien qu’en France, on estime que ces émissions pourraient <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/quel-est-l-impact-du-numerique-sur-l-environnement-20210609">augmenter de 60 % d’ici 2040</a>, atteignant 6,7 % des émissions totales du pays. À titre de comparaison, la part du transport aérien est de 4,7 %.</p>
<h2>Les Français peu informés</h2>
<p>Le problème est suffisamment sérieux pour que les acteurs privés du numérique et les pouvoirs publics s’en saisissent. Des opérateurs comme Orange communiquent par exemple de plus en plus sur les <a href="https://bienvivreledigital.orange.fr/category/environnement/">« éco-gestes » numériques</a> en faveur de l’environnement. De leur côté, les GAFAM souhaitent se montrer vertueux en <a href="https://www.google.com/intl/fr/about/datacenters/cleanenergy/">mettant en avant l’énergie verte</a> qui fait fonctionner leurs immenses centres de données et leurs efforts pour réduire leur impact environnemental.</p>
<p>En France, le Sénat a lancé en 2020 une <a href="http://www.senat.fr/commission/dvpt_durable/mission_dinformation_sur_lempreinte_environnementale_du_numerique.html">mission d’information</a> relative à l’empreinte environnementale du numérique et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a publié un <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/4098-face-cachee-du-numerique-9791029716904.html">guide pratique</a> sur le sujet.</p>
<p>Toutefois, comme le montre notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S109499682030075X">étude</a> récente, non seulement les internautes français se sentent assez peu informés de l’impact environnemental du numérique, mais lorsqu’ils le sont, ils ne souhaitent pas pour autant changer leurs habitudes. Ils attribuent la responsabilité d’agir aux entreprises et aux pouvoirs publics.</p>
<p>Plusieurs raisons sont mises en évidence pour justifier ce rejet de la responsabilité individuelle : les pratiques concernées (Internet mobile, réseaux sociaux, vidéo en streaming, etc.) sont tellement ancrées dans les habitudes et dans les esprits qu’elles constituent une « norme sociale » dont il serait difficile – voire stigmatisant – de s’éloigner ; la croyance que chaque progrès technique génère sa part de pollution et qu’il faudrait l’accepter au vu de ses nombreux bénéfices ; un certain scepticisme sur la réalité du problème (pour un répondant à notre étude, « après tout, 3,7 % des gaz à effet de serre, ça ne fait pas beaucoup ! ») ; un sentiment d’impuissance (« me désabonner de Netflix ne résoudra pas le problème »).</p>
<p>Pourtant, la plupart se déclarent sensibles aux questions environnementales.</p>
<h2>Inconfort psychologique</h2>
<p>Ces motivations paradoxales génèrent de la dissonance cognitive : les internautes sont attachés aux bénéfices apportés par le numérique et enclins à adopter de plus en plus de services digitaux mais ils en perçoivent simultanément les effets délétères sur l’environnement.</p>
<p>Dans l’enquête que nous avons menée, nous avons étudié l’intention d’adopter une solution simple permettant aux internautes de réduire leur impact écologique : adopter un moteur de recherche « vert » qui compense ses émissions de gaz à effet de serre à la place du moteur habituel.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/419965/original/file-20210908-16-1y69mgh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Me désabonner de Netflix ne résoudra pas le problème ». Les répondants de notre étude se disent sceptiques quant aux solutions pour réduire leur empreinte environnementale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stockcatalog/40970937195">Stock Catalog/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Nos résultats montrent plusieurs voies par lesquelles les individus peuvent réagir pour surmonter leur dissonance cognitive : certains vont tout simplement minimiser la gravité de la menace environnementale (ce qui revient à nier le problème), d’autres vont développer du scepticisme quant à l’efficacité de la solution proposée, d’autres, enfin, acceptent de changer leur comportement et d’adopter la solution proposée (dans le cas testé, utiliser un moteur de recherche écologique à la place de Google).</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Nos résultats ont plusieurs implications pratiques. D’abord, les parties prenantes concernées (start-up du numérique, GAFAM, pouvoirs publics, ONG environnementales, etc.) doivent davantage communiquer pour sensibiliser les consommateurs. L’impact écologique des pratiques « virtuelles » étant très abstrait dans l’esprit des consommateurs, les campagnes de sensibilisation gagneraient à décomposer la chaîne de valeur écologique en étapes clés pour aider les individus à visualiser le lien entre les comportements en ligne et leurs effets environnementaux tangibles.</p>
<p>Mais face à l’ubiquité du numérique, informer le grand public n’est pas suffisant et peut même se révéler contreproductif selon la manière dont les individus gèrent la dissonance cognitive. En termes de R&D, les entreprises doivent donc se concentrer sur le développement de solutions innovantes moins nocives pour l’environnement mais tout aussi fonctionnelles.</p>
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<figcaption><span class="caption">Réduire l’empreinte environnementale d’Internet : peut-on compter sur les consommateurs ? (FNEGE Médias, juillet 2021).</span></figcaption>
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<p>Elles doivent également reconsidérer le modèle économique typique d’un accès illimité au contenu numérique et inclure les coûts environnementaux indirects résultant de la consommation de données. Par exemple, les fournisseurs de services peuvent envisager de prendre en compte les niveaux d’utilisation dans leur modèle de tarification, voire adopter une tarification incitative en offrant aux consommateurs des remises lorsque leur consommation est réduite.</p>
<h2>Quelques conseils…</h2>
<p>Enfin, il est essentiel d’aider les consommateurs à réguler leurs propres comportements numériques, par exemple en leur fournissant des services ou des applications en ligne qui les aideraient à mieux contrôler leur comportement en ligne (par exemple, le temps d’écran d’Apple).</p>
<p>De nombreux conseils peuvent être proposés pour réduire simplement son empreinte : trier ses e-mails, éviter d’envoyer de gros fichiers joints à de trop nombreux destinataires, enregistrer dans les favoris l’adresse des sites web fréquemment visités, compresser les fichiers avant de les déposer sur le cloud, sélectionner les photos et les vidéos déposées sur les espaces partagés, éviter de streamer des vidéos en 4K alors qu’une résolution HD est suffisante, mais aussi, conserver plus longtemps ses équipements (smartphone, ordinateur).</p>
<p>Le défi de la pollution numérique requiert la participation active de tous les acteurs, et pas uniquement des internautes. On ne peut leur proposer sans arrêt de nouveaux usages toujours plus gratifiants et créateurs de valeur (gain de temps, praticité, etc.) mais générant une consommation toujours plus forte d’énergie, et en même temps leur demander d’en supporter seuls les conséquences. La <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/41/3/840/2907543">responsabilisation des consommateurs</a> ne doit pas occulter celles des entreprises et des États ; tous les trois doivent agir de concert pour promouvoir des modèles économiques et des styles de vie plus sobres.</p>
<hr>
<p><em>Laurent Bertrandias et Leila Elgaaied-Gambier ont remporté le prix du meilleur article de recherche 2021 décerné par le jury de la <a href="https://www.tbs-education.fr/tbs/responsabilite-societale-developpement-durable/anedd/retour-sur-la-15e-edition-2-2021/">15ᵉ édition des Assises nationales étudiantes du développement durable</a> (ANEDD), auquel participait The Conversation France</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, le consommateur ne se sent pas responsable des effets sur l’environnement de ses activités digitales.Laurent Bertrandias, Professeur de marketing, TBS EducationLeila Elgaaied-Gambier, Associate professor, TBS EducationYohan Bernard, Maître de conférences en Sciences de gestion et du management, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1560652021-02-28T17:28:12Z2021-02-28T17:28:12ZQue penser de la feuille de route « Numérique et environnement » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386853/original/file-20210228-144318-1sq6jxw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le secteur du numérique a doublé son empreinte carbone en un peu plus de 15 ans. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/energy-use-greenhouse-gas-emissions-digital-1112856647">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement a publié le 23 février 2021 sa feuille de route « Numérique et environnement », dont le sous-titre est : <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2021/Feuille_de_route_Numerique_Environnement.pdf">« Faisons converger les transitions »</a>. Disons-le d’emblée : si quelques avancées sont notables, les ambitions sont très en deçà de ce qui serait nécessaire.</p>
<p>Un tel positionnement est malheureusement cohérent avec les reculades successives du gouvernement, notamment au regard des objectifs de l’accord de Paris, raison pour laquelle il a été récemment condamné pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique <a href="https://theconversation.com/affaire-du-siecle-les-promesses-climatiques-risquent-dengager-ceux-qui-les-font-154800">dans le cadre de l’Affaire du siècle</a>.</p>
<h2>Que contient la feuille de route numérique ?</h2>
<p>Cette stratégie numérique consiste en 17 mesures, regroupées sous trois chapitres : connaître les implications écologiques du numérique ; soutenir un numérique plus sobre (« Green IT ») ; « innover » dans le domaine d’un usage du numérique au service de la planète (« IT for green »). Les catégories sont classiques, ce sont les mêmes qui ont cours depuis plus de 15 ans.</p>
<p>« Connaître pour agir » consiste principalement en l’instauration d’un pouvoir de collecte de données par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (<a href="https://www.arcep.fr/">Arcep</a>), autorisant la mise en place d’un « baromètre environnemental » pour les acteurs du numérique, et de lancer des travaux de prospective, avec l’Ademe, notamment sur l’impact de la 5G et de l’Internet des objets.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1364231063443300356"}"></div></p>
<p>« Soutenir un numérique plus sobre » désigne la diffusion de « bonnes pratiques » auprès des Français, l’amélioration des filières de recyclage et de réemploi des matériels, diverses mesures d’efficacité (centres de données, etc.) et, plus intéressant, la demande d’une analyse des pratiques commerciales et la formalisation d’engagements des acteurs du secteur.</p>
<p>Enfin l’innovation vise la « GreenTech », « à fort potentiel », avec un fonds de 300 millions dédié.</p>
<h2>Qu’en penser ?</h2>
<p>« Connaître pour agir » est évidemment nécessaire. L’histoire des controverses technologiques ne manque cependant pas d’exemples montrant que l’on peut <a href="https://www.editions-lepommier.fr/les-marchands-de-doute-poche">utiliser le prétexte du défaut de connaissances pour ne pas agir</a>.</p>
<p>Dans le domaine du numérique, les chiffres globaux ne font pas débat, et ils sont plus qu’alarmants : le secteur a <a href="https://theshiftproject.org/lean-ict/">doublé son empreinte carbone en un peu plus de 15 ans</a>, ce qui constitue la <a href="https://ourworldindata.org/emissions-by-sector">plus mauvaise performance, tous secteurs confondus</a>. Il eût peut-être fallu produire des connaissances avant le lancement de la 5G, par exemple.</p>
<p>Le chapitre sur la sobriété numérique mélange sobriété et efficacité. La sobriété renvoie à l’utilité d’un usage, quand l’efficacité se rapporte à la quantité de matière ou d’énergie nécessaire pour assurer cet usage. Faire durer les produits plus longtemps ou soutenir les centres de données « écologiquement vertueux » sont de l’ordre de l’efficacité, s’ils ne remettent pas en cause l’évolution des usages, tels que promus par les entreprises du numérique – par exemple, davantage de vidéo à haute définition, de jeu vidéo en ligne, davantage d’objets « autonomes » dont certains sont de grande taille tels que les automobiles.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/le-volume-de-dechets-electroniques-explose-et-leur-taux-de-recyclage-reste-ridicule-143701">« Collecter, recycler et réemployer »</a> les terminaux jette une lumière crue sur le retard accumulé depuis plus de dix ans en France par rapport aux objectifs de la directive sur les déchets électriques et électroniques, qui cherchait déjà à favoriser l’écoconception et dont nous <a href="https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/la-face-cachee-du-numerique">avions souligné les faiblesses</a> ; rappelons encore à ce sujet que la récente loi antigaspillage pour une économie circulaire <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire-1">ne répond toujours pas à ces objectifs</a>.</p>
<p>La principale faiblesse des dispositifs actuels consiste à faire des producteurs les responsables de l’organisation des filières de fin de vie (réemploi, recyclage, etc.)… alors qu’ils n’y ont aucun intérêt économique : moins la filière leur coûtera cher, mieux ils se porteront. Nous avions proposé que les éco-organismes <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00957825">soient plutôt aux mains des associations ou des collectivités territoriales</a>, dont l’intérêt est très différent.</p>
<p>Les pratiques commerciales sont un point clé sur lequel on attend avec impatience de voir le contenu des propositions, <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2021/Feuille_de_route_Numerique_Environnement.pdf#page=23">comme y invite la feuille de route</a> « Numérique et environnement » ; savoir en particulier si ces propositions seront contraignantes, et si elles feront école dans d’autres secteurs touchés par la même fuite en avant des consommations, à l’insu des usagers.</p>
<p>Retenons que les sommes immenses dont les entreprises du numérique disposent pour développer de nouveaux usages ne sont pas considérées dans le texte de la feuille de route comme une variable pertinente d’analyse : aucune donnée chiffrée n’est fournie à ce sujet, aucune analyse du secteur n’est fournie.</p>
<p>Il semble toutefois que l’idée d’utiliser les infrastructures numériques (les centres de données notamment) pour freiner la croissance de la production et du transit des données affleure sous certaines propositions : ainsi <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2021/Feuille_de_route_Numerique_Environnement.pdf#page=23">l’idée de bonnes pratiques</a> dans tous les compartiments de l’usage des données, qui pourraient devenir juridiquement contraignantes.</p>
<p>Le chapitre sur l’innovation est une suite de vœux pieux : mettre la donnée, l’innovation numérique, etc., au service de l’environnement, sans jamais expliquer ni pourquoi ni comment. Et sans rappeler que l’innovation numérique est d’abord au service de la croissance, laquelle est le <a href="https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2019/EN/COM-2019-224-F1-EN-MAIN-PART-1.PDF">facteur numéro un de ralentissement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre</a> en Europe. </p>
<p>C’est aussi la raison pour laquelle le bilan environnemental du numérique est négatif quand on additionne les effets cumulés de l’efficacité énergétique, la « green tech » (changements sectoriels favorables à l’environnement), la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0921800919320622">croissance du secteur numérique</a> et la croissance qu’il permet dans les autres secteurs.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>D’abord, prendre la mesure de l’énorme <a href="https://www.lescahiersdelinnovation.com/vers-le-market-push/">technopush</a> issu du monde numérique, et de son pouvoir colossal de conviction.</p>
<p>L’ambition des acteurs du numérique est toujours la même : faire basculer des milliards de personnes dans une manière « digitalisée » de communiquer (espaces publics, visuels, « immersifs », « sociaux », etc.) et de commander (une action suivie d’effets), deux champs bien identifiés par le spécialiste de la cybernétique Norbert Wiener, dès les années 1950. L’ancien directeur général de l’OMC, Pascal Lamy soulignait pour sa part que la mondialisation économique, débutée dans les années 1970, repose sur deux innovations : <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2011/06/30/pascal-lamy-la-demondialisation-est-un-concept-reactionnaire_1542904_3234.html">Internet et le conteneur</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386475/original/file-20210225-13-16iiesr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fftelecoms.org/etudes-et-publications/etude-arthur-d-little-2020-economie-des-telecoms/)">FFT</a></span>
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</figure>
<p>Dans les deux cas, nous sommes en situation de ce qu’<a href="https://maisouvaleweb.fr/ivan-illich-2-0-dissidence-dans-la-pensee-numerique/">Ivan Illich appelait le « monopole radical »</a> : une difficulté croissante à utiliser d’autres moyens – à l’image de l’usage du vélo dans les zones pavillonnaires où la voiture est reine.</p>
<p>Que vaudront les « bonnes pratiques » préconisées par la feuille de route « Numérique et environnement » dans un tel contexte ? Et le réemploi des terminaux ?</p>
<p>Ce qu’il importe d’empêcher, avant tout, c’est la numérisation de tout ce qui peut l’être. Et c’est également un enjeu de souveraineté, dans la mesure où ces systèmes sont bien <a href="https://theconversation.com/le-numerique-cet-impense-du-pacte-vert-europeen-143575">peu contrôlés par l’Europe</a>.</p>
<p>Que faire donc ?</p>
<p>L’urgent est de « socialiser les choix » en matière d’évolution des modes de vie. Parmi les mesures que nous avions proposées au Conseil national du numérique, l’obligation faite à tout metteur sur le marché, avant commercialisation, de <a href="https://materiologiques.com/fr/essais-2427-4933/315-limperatif-de-la-sobriete-numerique-lenjeu-des-modes-de-vie-9782373612585.html">produire de manière publique cette prospective que la feuille de route appelle de ses vœux</a>, afin d’éclairer les implications sociales et écologiques à long terme du produit. Gageons que Samsung vendrait moins de téléphones 5G et 8K si les acheteurs se rendaient compte des implications collectives d’un tel choix… Il pourrait aussi être question de « dénumériser » partiellement les modes de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156065/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage de la stratégie du gouvernement français pour maîtriser l’empreinte environnementale de la croissance numérique.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1549632021-02-14T17:07:51Z2021-02-14T17:07:51ZÉnergie, climat : la transition est-elle vraiment « en panne » en France ?<p>Alors que le tribunal administratif de Paris vient de reconnaître dans le cadre de l’« <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/14/les-juges-francais-doivent-oser-defendre-le-droit-a-un-environnement-sain-et-un-climat-stable_6066258_3232.html">Affaire du siècle</a> » une « carence fautive » de l’État face au changement climatique, la transition énergétique est aujourd’hui présentée comme « en panne ». En tous cas, insuffisante par rapport aux engagements pris, notamment avec l’<a href="https://unfccc.int/fr/process-and-meetings/l-accord-de-paris/qu-est-ce-que-l-accord-de-paris">Accord de Paris</a>.</p>
<p>Et pourtant la France a beaucoup œuvré pour la conclusion de cet accord. Et elle dispose d’une feuille de route détaillée pour la décarbonation de son économie : la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">stratégie nationale bas carbone</a>. Suite à la publication en 2018 du <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">rapport 1,5 °C du GIEC</a>, cette stratégie a été revue pour marquer l’adoption de l’objectif plus ambitieux de « neutralité carbone » en 2050. Pour atteindre cette neutralité, la France <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/18222_SNBC_10-points_A4_oct2020.pdf">devra diviser par 6</a> ses émissions de gaz à effet de serre (par rapport à 1990).</p>
<p>Comment <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-grand-public-2020/">expliquer cet écart</a> à la fois entre les intentions et les actes et entre les actes et les <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/maitriser-lempreinte-carbone-de-la-france/">résultats concrets</a> ?</p>
<p>Est-ce par manque de vision, de volonté politique, de moyens, ou d’adhésion des citoyens ? Est-ce encore parce que, comme l’avancent certains, les lobbys industriels feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour freiner cette transition qui menacerait leurs modèles d’activité et leurs profits ? La réalité est, comme toujours, plus complexe !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Observatoire climat énergie" src="https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383409/original/file-20210209-15-1dnsdwx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les émissions nettes de gaz à effet de serre en France.</span>
</figcaption>
</figure>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SCcssPYHT8E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du rapport annuel 2020 du Haut Conseil pour le climat. (HCC/Youtube, juillet 2020).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Les « quatre piliers » de la transition</h2>
<p>Toutes les explications déjà avancées ont sans doute une part de vérité. Mais ce serait facilité, ou paresse, que de s’arrêter là et de ne pas examiner avec plus de soin les leviers de la transition, mais aussi les difficultés rencontrées et les défis à relever.</p>
<p>Pour les difficultés, on pourrait les résumer en reprenant le titre de l’ouvrage du sociologue Michel Crozier paru en 1979 : <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/04/30/on-ne-change-pas-la-societe-par-decret-de-michel-crozier-un-neo-pragmatisme_3145845_1819218.html">on ne change pas la société par décret</a>. Pour les solutions, il y a tout lieu de penser qu’il n’y a aucune formule miracle, ni du côté des options à mettre en œuvre, ni de celui des moyens à mobiliser par les politiques publiques.</p>
<p>Il faut cesser par exemple d’opposer solutions technologiques et solutions comportementales : le débat entre « technophiles » et « comportementalistes » est certainement plus paralysant qu’utile. Le défi climatique est tellement difficile à relever qu’il demandera ET des changements de comportement ET des innovations technologiques ET des améliorations des institutions pour la gouvernance de la transition.</p>
<p>Exclure une de ces options serait le plus sûr moyen de rater la cible.</p>
<p>Toutes les études de prospective explorant les voies de la <a href="https://www.iddri.org/fr/projet/trajectoires-de-decarbonation-profonde-2050">« décarbonation profonde »</a> des économies concourent pour identifier quatre leviers principaux : la sobriété, l’efficacité, la décarbonation de l’énergie et, enfin, les « transferts d’usage » – soit le remplacement des équipements alimentés aux énergies fossiles par ceux utilisant de l’électricité ou des gaz décarbonés.</p>
<h2>Pilier 1 : la sobriété, nécessaire, mais non suffisante</h2>
<p>C’est pour faire face aux chocs pétroliers que les premières mesures de sobriété énergétique ont été avancées dans les années 70. Les citoyens étaient incités – voire contraints – à réduire leurs consommations via des changements de comportement.</p>
<p>C’était l’époque de la « chasse au gaspi » et des campagnes de l’Agence française de la maîtrise de l’énergie (l’actuelle <a href="https://www.ademe.fr/">Ademe</a>) demandant aux automobilistes de réduire l’allure et aux habitants de mettre un pull ! Plus tard dans les années 2000, avec la conscience grandissante de la nécessité de réduire la consommation d’énergie pour lutter contre le réchauffement climatique, la sobriété énergétique gagne de l’importance. En France, c’est notamment l’association <a href="https://negawatt.org/IMG/pdf/sobriete-scenario-negawatt_brochure-12pages_web.pdf">NegaWatt</a> qui popularise ce concept.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jXIaQLCVB2M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Réussir la transition énergétique en France avec le scénario négaWatt. (Association négaWatt/Youtube, 2017).</span></figcaption>
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<p>La <a href="https://www.larevuedelenergie.com/la-sobriete-dans-les-scenarios-de-transition/">sobriété énergétique</a> regroupe à la fois des comportements individuels (porter un pull plutôt que surchauffer en hiver son logement à 21 ou 22 degrés) et collectifs (aménagement des territoires en faveur des mobilités douces). Elle concerne tous les secteurs, peut s’appliquer par différents moyens avec plus ou moins d’intensité. Elle suppose un effort d’information et d’éducation important, permettant de limiter les gaspillages et de réaliser, au passage, des économies financières.</p>
<p>La généralisation de ces comportements n’est toutefois pas sans poser problème : tout le monde ne souhaite pas ou ne peut pas être sobre par un simple effort de volonté.</p>
<p>Il y a ceux qui sont dans une situation de précarité. Dans les situations les plus extrêmes, certains ménages sont contraints à sous-chauffer leur logement ou à limiter leurs déplacements. Il y a aussi ceux qui n’ont pas les moyens techniques de devenir plus sobres en énergie. Pensons à la <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/mouvement-des-gilets-jaunes-pourquoi-la-france-rurale-est-en-premiere-ligne-148291">dépendance à l’automobile</a> de beaucoup des gilets jaunes. Enfin une partie de la population ne souhaite pas faire ces efforts et préfère le confort du statu quo.</p>
<h2>Pilier 2 : l’efficacité à la rescousse !</h2>
<p>Si la sobriété énergétique permet de réduire les consommations énergétiques par des changements de comportements, l’efficacité énergétique y parvient grâce à des améliorations technologiques, à niveau de confort inchangé. Tout comme la sobriété, elle concerne tous les secteurs.</p>
<p>Pour reprendre l’exemple précédent du chauffage, l’installation d’une chaudière performante, permettra, moyennant investissement, de réduire les consommations sans pour autant modifier la température de chauffe du logement. Les <a href="https://www.ademe.fr/lademe/priorites-strategiques-missions-lademe/scenarios-2030-2050">scénarios de l’Ademe</a> indiquent que si « partout et toujours » les équipements les plus efficaces étaient employés, alors nous obtiendrions une très forte réduction des consommations énergétiques.</p>
<p>Mais les potentiels mobilisables ne sont pas toujours les potentiels théoriques et l’efficacité énergétique rencontre aussi des difficultés d’application et de résultats.</p>
<p>L’isolation des parois peut par exemple représenter un investissement très important avec, parfois, un <a href="https://theconversation.com/renovation-energetique-en-france-des-obstacles-a-tous-les-etages-147978">faible retour sur investissement</a>, ce qui limite son application.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318658567738712066"}"></div></p>
<p>Plus important peut-être : lorsque les mesures sont appliquées, les gains énergétiques sont souvent compensés par des gains dits de confort : “le logement est mieux isolé et, à facture égale, il y fait plus chaud… on va enfin pouvoir se chauffer correctement !”</p>
<p>Il faut alors parvenir à combiner les actions de sobriété et d’efficacité énergétique pour obtenir des résultats significatifs. Et reconnaître l’importance d’une offre énergétique décarbonée…</p>
<h2>Pilier 3 : « en même temps », décarboner les énergies</h2>
<p>Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C comme le préconisent les experts du GIEC <a href="https://www.ipcc.ch/sr15/">dans leur rapport</a> de 2018, il faut viser la neutralité carbone mondiale, soit l’équilibre entre les émissions résiduelles et les absorptions de carbone induites par l’homme dans les forêts, les sols ou des réservoirs souterrains. Et cela peu après le milieu du siècle.</p>
<p>La France et l’Europe ont fixé cet objectif dès 2050. Il impose clairement de changer du tout au tout nos sources d’énergie en remplaçant quasi totalement les énergies fossiles par des énergies non carbonées.</p>
<p>Parmi ces dernières, les <a href="https://www.irena.org/publications/2020/Sep/Reaching-Zero-with-Renewables">énergies éolienne et solaire</a> ont aujourd’hui « le vent en poupe ». Elles sont abondantes, mais présentent l’inconvénient d’être intermittentes. Cette variabilité naturelle, pour des énergies transformées en électricité, pose le problème de l’adéquation en permanence entre l’offre et la demande sur le réseau.</p>
<p>Il existe d’autres sources renouvelables « pilotables » (c’est-à-dire produisant « à la demande »), comme l’hydraulique et la biomasse. Elles sont utiles, mais présentent des limites en matière de capacités : le potentiel hydraulique est largement équipé en France, la production des bioénergies entre en compétition avec l’agriculture pour l’utilisation des sols ou le maintien des forêts.</p>
<p>Il faut donc explorer de nouveaux systèmes technologiques qui permettront de <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/climat-environnement/stockage-denergie-accompagner-deploiement-des-energies-renouvelables">stocker, en grande quantité et de manière intersaisonnière</a>, voire interannuelle, les “énergies renouvelables variables” lorsqu’elles sont en excédent. Et elles seront d’autant plus souvent excédentaires que les capacités installées seront importantes. Les stations de pompage, les batteries (y compris celles des véhicules électriques), l’hydrogène et le méthane de synthèse constituent les principales « briques technologiques » à explorer.</p>
<p>Ces systèmes énergétiques du futur constituent un élément central dans le débat entre les tenants d’un <a href="https://negawatt.org/Scenario-negaWatt-2017-2050">futur 100 % renouvelables</a> et ceux qui maintiennent que le <a href="https://www.sfen.org/rgn/ppe-scenarios-retrouver">nucléaire constitue un atout</a> maître pour la décarbonation à long terme des systèmes énergétiques. Cela parce que c’est une source d’énergie bas carbone, dense et pilotable.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"839138655306461184"}"></div></p>
<p>Mais pour ce faire, le nucléaire devra retrouver des conditions de compétitivité économique qui ont été perdues avec les premiers réacteurs de troisième génération. Ceux-ci pourront-ils être optimisés ou l’avenir viendra-t-il de l’innovation et des nouveaux concepts – les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Petits_r%C3%A9acteurs_modulaires">petits réacteurs modulaires</a> ou encore la « quatrième génération » avec les <a href="https://www.encyclopedie-energie.org/reacteurs-sels-fondus/">réacteurs à sels fondus</a> ?</p>
<p>Le débat sur l’équilibre à trouver <a href="https://theconversation.com/debat-pour-une-juste-estimation-du-cout-du-tout-renouvelable-114723">entre renouvelables et nucléaire</a> s’inscrit dans de multiples dimensions : le rapport des potentiels renouvelables à la demande totale ; les coûts des différentes options de production, et de plus en plus des dispositifs associés (stockage, électrolyseurs pour produire de l’hydrogène, usines de gaz de synthèse) ; la question de la sûreté des installations et des déchets. Enfin, dans une perspective internationale, on ne peut ignorer les enjeux industriels de la maîtrise des différentes technologies.</p>
<h2>Pilier 4 : s’assurer que les usages sont adaptés aux énergies de demain</h2>
<p>Dans tous les cas, les équipements chez l’utilisateur devront être adaptés pour consommer principalement de l’électricité et du gaz décarboné.</p>
<p>C’est particulièrement le cas du transport terrestre qui représente aujourd’hui en France le premier secteur pour les émissions de CO<sub>2</sub>. Pour les véhicules légers utilisés principalement pour de courts trajets quotidiens et qui restent de nombreuses heures à l’arrêt, la conversion du parc de véhicules thermiques vers l’électrique <a href="https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/scenarios-technologiques-larret-commercialisation-des-vehicules-thermiques-en-2040">a commencé</a>, et elle devra s’accélérer. Elle permettra par ailleurs de stocker, via les batteries des véhicules, de l’énergie renouvelable intermittente.</p>
<p>Concernant les trajets de plus longue distance et/ou pour des véhicules plus lourds, la conversion du parc vers des <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/tribune-actualite-energies/mobilite-hydrogene-la-france-va-t-elle-reussir-sa-montee-en-puissance">véhicules à « hydrogène »</a> équipés de piles à combustible, constitue une solution… à condition évidemment que l’hydrogène soit produit à partir d’une électricité elle-même décarbonée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lhydrogene-sera-vraiment-revolutionnaire-si-il-est-produit-a-partir-des-renouvelables-145804">L’hydrogène sera vraiment révolutionnaire si il est produit à partir des renouvelables</a>
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<p>La difficulté est ici de savoir comment synchroniser le développement de ces nouvelles solutions énergétiques, d’une part avec le déploiement des énergies renouvelables, d’autre part avec le développement des infrastructures de recharge ou, pour l’hydrogène, de transport-distribution.</p>
<p>Le timing des différents investissements doit absolument être maîtrisé, au risque de perdre des technologies dans la <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/innovation-en-france-la-vallee-de-la-mort-entre-laboratoire-et-entreprise_1534780.html">« vallée de la mort des innovations »</a>.</p>
<p>Dans le cas de la mobilité hydrogène, le projet <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/30/hydrogene-creer-un-reseau-regional-c-est-avancer-malgre-des-incertitudes-techniques-et-financieres-elevees_6057918_3232.html">Zero Emission Valley</a> en Auvergne Rhône-Alpes fait précisément le pari du développement en phase de la production d’hydrogène vert et du déploiement des bornes de recharge pour les véhicules compatibles.</p>
<h2>« Que fleurissent les cent fleurs ! » (Mao Tse Toung)</h2>
<p>S’il est clair que la transition passe par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9sinvestissement_des_%C3%A9nergies_fossiles">désinvestissement des énergies fossiles</a>, qui permettra de dégager d’énormes potentiels de financement, l’investissement dans les solutions décarbonées doit aujourd’hui rester diversifié.</p>
<p>Car aucun des quatre piliers ne constitue en lui-même une « balle en argent » qui permettrait de terrasser les énergies fossiles ! Répétons-le : aucune technologie n’apporte de solution miracle, car chacune se heurte à des contraintes d’acceptabilité, de potentiel, d’économie, de fiabilité ou de sécurité.</p>
<p>Les quatre piliers ne peuvent donc constituer que des éléments complémentaires dans un « bouquet » de solutions.</p>
<p>C’est bien de ce point de vue qu’il faut se garder de l’opposition entre les tenants de « la sobriété au-dessus de tout » (les comportementalistes) et les tenants de « la technologie avant tout » (les technophiles). Devant l’urgence qui augmente et les difficultés rencontrées, seules des stratégies mobilisant tous les moyens, dans un équilibre efficace, mais adaptatif, peuvent conduire à un (relatif) succès.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154963/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Carine Sebi ont bénéficié de financements dans le cadre de la chaire « Energy for Society » de Grenoble École de management. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Criqui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le défi climatique est si dur à relever qu’il réclame ET des changements de comportement ET des innovations technologiques ET des améliorations des institutions pour la gouvernance de la transition.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Carine Sebi, Professeure associée et coordinatrice de la chaire « Energy for Society », Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1533302021-01-19T18:28:16Z2021-01-19T18:28:16ZUne alimentation bonne pour moi et la planète ? Tout dépend de là où j’habite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/378874/original/file-20210114-24-19mbwyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=86%2C43%2C5630%2C3742&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon la région du monde dans laquelle vous vivez, un régime de saison n’aura pas les mêmes conséquences sur votre alimentation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/map-world-made-different-kinds-spices-261572543?src=oZWIsGzwCwvEGtn5Q0vT2g-1-3">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Je souhaiterais que les gens envisagent la nourriture qu’ils mangent non seulement du « champ à l’assiette » mais aussi de la « graine à l’âme ». J’ai étudié comment rendre l’approvisionnement alimentaire mondial durable depuis plus de 30 ans, on me demande donc souvent quel est le meilleur régime alimentaire pour la planète.</p>
<p>Le problème, c’est que la plupart des gens veulent des réponses faciles à cette question. Malheureusement, il n’y en a pas !</p>
<p>Par exemple, j’ai souvent pensé à devenir végétarien pour des raisons éthiques et environnementales. Mais je n’ai pas envie de manger à la place de la viande du soja ou d’autres aliments importés de l’autre bout du monde, du fait des émissions carbone générées pour les acheminer.</p>
<p>Et si nous devons reconnaître le dilemme éthique que représente le fait de manger des animaux, qu’en est-il des animaux du sol ? Pourquoi écraser, trancher et découper en dés des mini-bêtes dans les exploitations agricoles est acceptable, mais pas lorsqu’il s’agit de grosses bêtes ? Si je suis cette logique jusqu’au bout, dois-je devenir un « fruitarien », qui ne mange que des fruits bio cultivés près de chez lui ?</p>
<h2>Un défi plein de contradictions</h2>
<p>Lorsqu’on cherche à suivre un régime durable, on se heurte rapidement à de nombreuses contradictions. Un concept comme celui des <a href="https://theconversation.com/uk/topics/food-miles-6475">« kilomètres alimentaires »</a> peut être alors utile pour déterminer l’empreinte carbone de certains aliments dans nos assiettes. C’est simple à comprendre, mais cela peut aussi n’avoir aucun sens. Après tout, il ne s’agit pas seulement de la distance parcourue, mais aussi du coût environnemental de ce voyage et de la façon dont il a été produit à l’origine.</p>
<p>On peut, par exemple, défendre que l’agneau néo-zélandais consommé en France a moins d’impact sur l’environnement que l’agneau produit localement. La production d’agneau néo-zélandais implique <a href="https://www.nzagrc.org.nz/beef-sheep-sector,listing,390,what-options-are-available-to-limit-emissions-growth.html">moins d’intrants « riches » en carbone</a> tels que les engrais. Il existe également un système de transport très efficace en Nouvelle-Zélande, qui repose sur des fermes plus grandes et des camions plus gros. Il permet de produire et de transporter plus de viande avec moins de terre et moins d’émissions. Il en résulte une réduction des gaz à effet de serre <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/uknews/1553456/Greener-by-miles.html">par kilogramme de viande</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293171/original/file-20190919-53503-155dbm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’agneau néo-zélandais est commercialisé dans le monde entier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/stunning-landscape-scene-agriculture-rural-area-1091831573?src=jT4il7RQjLYjQ_bFAlTaqg-1-1">Klanarong Chitmung/Shutterstock</a></span>
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<p>Ce n’est toutefois pas parce que c’est compliqué qu’il faut abandonner. De toute évidence, manger moins de viande et davantage de fruits et de légumes aurait des bénéfices sur notre santé et sur la planète. Se nourrir avec des produits de saison, des produits frais directement venus des champs, est également pertinent, notamment car cela reconnectera les consommateurs avec les produits et la terre. Cela nous force à nous confronter au fait que toutes les cultures ne poussent pas au même moment dans l’année. Les fraises sont un cadeau de l’été, les légumes verts du printemps.</p>
<p>Mais à quoi ressemble un régime de saison pour quelqu’un qui vit en climat tempéré, comme la France ? Avec l’aide de la technologie, nous pouvons faire pousser en France de nombreuses cultures exotiques qui, en théorie, ne pourraient pas pousser dans un tel climat. Le problème est qu’une grande partie de cette activité fait appel à des technologies gourmandes en carbone, comme les serres chauffées au gaz ou les champs couverts de rangées de tunnels en plastique.</p>
<p>À quoi ressemblerait notre alimentation si nous cultivions tous nos aliments en respectant les saisons naturelles et le climat de notre région ?</p>
<h2>La saisonnalité à l’épreuve de l’hiver</h2>
<p>À cet égard, l’été est formidable. Nous pouvons nous régaler d’un large éventail de fruits et de légumes et suivre facilement les conseils de santé qui nous recommandent de consommer une grande variété d’aliments. L’été français offre ainsi des fraises, des radis, des tomates ou des myrtilles.</p>
<p>Salades, puddings d’été… le vert aussi est à l’honneur. De nombreuses récoltes peuvent d’ailleurs être conservées pour l’hiver à venir. Et pourtant, en été, lorsque la plupart de nos produits naturels sont abondants, la France importe encore une grande partie de sa nourriture.</p>
<p>À l’approche de l’automne, à moins que les cultures ne soient protégées par une serre ou un tunnel, beaucoup des denrées alimentaires les plus délicates commencent à dépérir. Nous devenons alors dépendants de racines – comme la betterave, la carotte, la pomme de terre, le rutabaga et le panais – et des brassicacées feuillues – comme le chou de Bruxelles, le chou, le chou-fleur et le chou frisé. Sans oublier les poireaux et les bettes à carde ! C’est alors le moment de cultiver ce que les Danois appellent « l’hygge », un art de vivre qui permet de rester positif lors des longs hivers. En créant par exemple une ambiance conviviale et chaleureuse à base de ragoûts, de soupes et de bouillons réconfortants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293173/original/file-20190919-53515-mnzt0h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’autome, la période des brassicacées et des racines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/HfH5yd70ox8">Arnaldo Aldana/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les choses deviennent plus austères à mesure que l’hiver avance. C’est l’une des raisons pour lesquelles nos ancêtres organisaient des fêtes au moment du solstice d’hiver, pour se donner du courage en attendant le printemps. Sans compter qu’à la fin du mois de février et courant mars, alors que nous commençons à penser aux jours plus doux, s’étend une période de creux (« la soudure ») : les cultures d’automne qui ont survécu à l’hiver commencent à décliner ; les cultures printanières ne sont pas encore là.</p>
<p>Le chou brocoli à jet violet – aussi connu sous le nom d’asperge du pauvre – fait partie des quelques délicatesses prêtes à être consommées en hiver. Il est également possible de conserver les aliments d’une saison à l’autre, mais cela nécessite de l’énergie. Il existe des savoir-faire traditionnels qui nécessitent moins d’énergie, mais réclament des connaissances et du temps, un bien de plus en plus rare.</p>
<p>Combien de personnes font en effet des bocaux avec leur surplus de fruits et légumes ? Consommer des aliments locaux de saison en grande quantité tout au long de l’année implique de restructurer les systèmes de production alimentaire et les chaînes d’approvisionnement traditionnelles.</p>
<p>Celles-ci ont été mises à mal par la concentration de l’offre alimentaire entre les mains de quelques acteurs. L’hiver met à l’épreuve notre capacité à préserver les richesses de l’été et de l’automne, et le printemps nous soulage avec ses artichauts, pommes de terre nouvelles, rhubarbe, roquette, oseille et épinards. Puis le cycle recommence.</p>
<p>Encore une fois, s’approvisionner de façon réellement durable n’est pas un jeu d’enfant. Il faut pour cela faire revivre les connaissances et les processus culturels que les supermarchés nous ont fait oublier. Mais les avantages d’un approvisionnement alimentaire local et saisonnier sont grands pour la nature et notre santé. Renouer avec la terre et ses rythmes saisonniers fait du bien à tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sean Beer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À quoi ressemblerait notre alimentation si nous cultivions nos aliments en respectant les saisons naturelles et le climat de notre région ?Sean Beer, Senior Lecturer in Agriculture, Bournemouth UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1517982021-01-06T19:21:41Z2021-01-06T19:21:41ZDans la plaine de Crau, l’empreinte des Romains se voit encore sur le sol et la végétation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/373965/original/file-20201209-21-1mevu28.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=318%2C2%2C875%2C547&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une bergerie de la plaine de Crau, datant du XIXe siècle et encore exploitée.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Lionel Roux/Maison de la transhumance</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure où l’on invite souvent à « ré-ensauvager » nos paysages, on peut légitimement s’interroger sur la réussite de tels projets. L’emprise actuelle de l’humain sur la nature, mais aussi celle qu’il y a laissée dans le passé – comme les bergers romains quand ils gardaient leur troupeau sur les bords de la Méditerranée – rendent ce vœu peut-être illusoire.</p>
<p>On désigne comme « <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2351989419306031">écologie historique</a> » la discipline scientifique qui s’intéresse aux conséquences des activités humaines passées sur la composition et le fonctionnement des écosystèmes actuels. De nombreux travaux relevant de ce domaine ont déjà démontré la forte rémanence des perturbations anthropiques sur le très long terme.</p>
<p>Nos massifs forestiers sont ainsi toujours marqués dans leur composition floristique par la présence de villas romaines pourtant <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10980-008-9229-4">abandonnées depuis plus de 1600 ans</a>. Et certaines prairies d’Europe du Nord voient encore leur constitution et leur richesse influencées par la densité des populations à l’âge du Fer, il y a plus de 2000 ans.</p>
<p>Mais dans leur très grande majorité, ces travaux ne concernent que le sol et la végétation d’une <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1890/05-1314">seule époque historique</a>, et pour un nombre très limité de sites. Ils ne permettent pas de reconstruire la dynamique temporelle de cicatrisation après l’abandon de ces anciennes occupations, ce que l’on appelle plus communément « le retour de la nature ».</p>
<p>En attendant de pouvoir voyager dans le temps, nous pouvons néanmoins le remonter à travers l’espace. Il faut pour cela qu’une activité humaine se soit répétée à l’identique sur une longue période en différents lieux d’un même habitat. Une telle collection de sites historiques proches permet alors d’étudier le retour de la végétation naturelle de sites ayant des dates d’abandon différentes. C’est un cas exceptionnel en écologie historique car de nombreuses pratiques anciennes ne se perpétuent pas sur le long terme. Elles disparaissent, se « modernisent » ou sont effacées par d’autres usages, empêchant leur enregistrement archéologique. Nous avons rencontré ce cas dans la plaine de Crau.</p>
<h2>Dans la plaine de Crau, la marque du pastoralisme</h2>
<p>Ancien delta de la Durance, la plaine de Crau est située dans le département des Bouches-du-Rhône entre la Camargue et l’étang de Berre, au sud de la chaîne des Alpilles. Elle est considérée comme la seule steppe d’Europe occidentale, un vaste espace couvert essentiellement d’herbes, encore appelé localement « coussoul » du latin « cursorium, l’espace que l’on traverse, que l’on foule du pied.</p>
<p>Plus que son sol maigre ou le climat méditerranéen qui y règne, ce sont plusieurs milliers d’années de pratique du pastoralisme associant <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0959683609348841">pâturage ovin itinérant et feux courants</a> qui sont à l’origine de cette végétation. Au fil des siècles s’est donc constitué un écosystème unique au monde, abritant une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S030147970500318X">très grande richesse biologique</a> hélas menacée aujourd’hui par l’installation de cultures intensives et de sites militaires ou industriels.</p>
<p>Pour abriter les troupeaux, des bergeries y ont été construites depuis l’époque romaine avec la présence systématique d’un enclos attenant pour trier, sélectionner ou encore soigner les bêtes. Ces bergeries ont été régulièrement abandonnées en fonction des aléas historiques locaux mais toujours reconstruites plus ou moins selon le même principe et en réutilisant bien souvent les matériaux des structures précédemment délaissées à proximité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1310312527318986752"}"></div></p>
<h2>Les anciens enclos comme marqueurs</h2>
<p><a href="https://www.persee.fr/doc/galia_0016-4119_1995_num_52_1_3152">Grâce à l’aide d’archéologues</a>, il a été possible d’étudier les sols et la végétation actuelle de plus d’une trentaine de sites utilisés durant l’époque antique (200 av. J.-C. – 475 apr. J.-C.) et l’époque moderne (> 1500 apr. J.-C.) entre les XVII<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles.</p>
<p>Pour la période des grandes invasions et durant tout le Moyen-âge (475 – 1500), l’instabilité politique n’a pas permis la création et l’occupation de bergeries. Nous avons étudié la végétation dans les anciens enclos de ces dernières, facilement repérables grâce à la persistance de murets ou de fondations en galets.</p>
<p>Au printemps, durant le pic de floraison, nous avons identifié l’ensemble des plantes d’une surface standard. Le sol a également été échantillonné à quelques centimètres de profondeur pour analyser des variables chimiques constituant des marqueurs des anciennes activités humaines, comme le taux de phosphore disponible ou de carbone organique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/373969/original/file-20201209-21-15ex09o.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fondation d’une ancienne bergerie romaine dans la plaine de Crau.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Henry/IMBE</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Carbone, phosphore et fertilité</h2>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10021-020-00581-w">Nos résultats</a> ont montré que même après plus de 2000 ans d’abandon pour les sites de l’époque du Haut-Empire romain, la végétation est toujours marquée par les activités humaines anciennes au sein de ces enclos, comme si l’empreinte de la concentration des brebis refusait de s’effacer. La composition floristique change rapidement les décennies suivant l’abandon, mais elle reste finalement différente de la végétation steppique témoin où aucun enclos ne semble avoir été construit.</p>
<p>L’absence de retour au stade initial ou de « résilience » de cette végétation sur le très long terme peut alors s’expliquer par la rémanence des impacts de la concentration des brebis sur le sol.</p>
<p>Même après deux millénaires d’abandon, le sol des anciens enclos romains demeure significativement plus riche en carbone et en phosphore. Deux éléments apportés par les déjections des brebis durant leur concentration dans ces enclos. Les sécheresses récurrentes peuvent alors expliquer la très lente minéralisation de la matière organique excédentaire déposée.</p>
<p>Pour le phosphore, il est connu pour être peu mobile dans le sol, contrairement à l’azote qui est un élément nutritif prélevé très rapidement sous forme de nitrates par les plantes, ou lessivé par les précipitations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1103037331991416832"}"></div></p>
<p>La diminution très lente de ces éléments a pour conséquence une véritable succession d’espèces de plantes sur le très long terme. Les plantes typiques des enclos, qui aiment les sols très riches en matières organiques, laissent alors progressivement la place à celles typiques de la steppe lorsque la fertilité du sol diminue.</p>
<p>La cohabitation de ces différents types d’espèces mène à une sorte de « nouvel écosystème » dont la végétation est aujourd’hui encore significativement plus riche que la steppe alentour !</p>
<h2>Des perturbations rémanentes</h2>
<p>On comprend alors que ces résultats interrogent fortement la capacité des écosystèmes à revenir à leur état initial, après une perturbation finalement très légère à l’aune des pressions anthropiques contemporaines.</p>
<p>On peut ainsi se demander dans combien de temps la nature deviendra résiliente aux effets de l’agriculture industrielle ou de l’urbanisation rampante !</p>
<p>En matière de « ré-ensauvagement » comme de restauration écologique active des espaces naturels dégradés, il ne faut pas se fixer un état de référence figé tel une <a href="https://www.liberation.fr/evenements-libe/2020/09/21/liberer-ou-restaurer-la-nature_1800081">carte postale ou une peinture ancienne</a>. La très longue rémanence des perturbations, les évolutions socio-économiques ou climatiques actuelles semblent avoir à jamais changé la donne.</p>
<p>En revanche, la résilience globale de la nature est toujours à l’œuvre et de « nouvelles natures » vont s’offrir à nous. À l’image de celle des Romains dans la steppe de Crau, notre empreinte sera indélébile pour les millénaires à venir.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été rédigé en collaboration avec Frédéric Henry, ex-doctorant à l'Université d'Aix-Marseille, professeur de biologie au collège et au lycée</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arne Saatkamp a reçu des financements de la région PACA (pour le projet de recherche Gévoclé) et de l’Union européenne à travers le dispositif de coopération de voisinage CBCMED (pour le projet de recherche GREATMED).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thierry Dutoit ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ré-ensauvager la nature est un projet irréalisable, tant la rémanence des perturbations anthropiques est forte, même des millénaires plus tard.Thierry Dutoit, Directeur de recherches au CNRS en ingénierie écologique, Université d’Avignon, Institut méditerranéen de la biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université (AMU)Arne Saatkamp, Maître de conférences, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1521022020-12-22T19:51:15Z2020-12-22T19:51:15ZTravailler moins sauvera-t-il la planète ? Oui, mais à certaines conditions<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/376330/original/file-20201222-17-9u9bo4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=32%2C11%2C1769%2C1128&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une semaine de travail de quatre jours pourrait réduire notre empreinte carbone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/picture-man-hat-jumping-old-suitcase-349707182">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’idée de la semaine de quatre jours fait son chemin dans les esprits. Récemment, <a href="https://www.washingtonpost.com/news/the-switch/wp/2016/08/26/amazon-is-piloting-teams-with-a-30-hour-work-week/">plusieurs grandes compagnies</a> aux États-Unis ont essayé de travailler en horaires réduits. En France, certaines entreprises comme <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/welcome-to-the-jungle-passe-a-la-semaine-de-4-jours.N1033104">Welcome to the Jungle</a> ont déjà commencé à instaurer ce système.</p>
<p>De nombreuses recherches, dont des <a href="https://assets.henley.ac.uk/defaultUploads/Journalists-Regatta-2019-White-Paper-FINAL.pdf">travaux conduits</a> par mes collègues et moi-même, ont montré des bénéfices clairs, tels que l’amélioration de la satisfaction et de la productivité des employés, des économies dans les frais de déplacement et une baisse des absences pour maladie.</p>
<p>Néanmoins, l’intérêt que suscite la semaine de quatre jours n’est plus seulement lié à la question du bien-être des travailleurs, mais également à l’impact environnemental qu’aurait une telle mesure.</p>
<h2>Travailler moins, une aubaine pour le climat</h2>
<p>Plusieurs rapports et commentateurs ont identifié les différentes manières dont une semaine de quatre jours pourrait réduire l’empreinte carbone. En s’appuyant sur les données de 29 pays de l’OCDE entre 1970 et 2007, une <a href="https://econpapers.repec.org/bookchap/elgeechap/14843_5f12.htm">étude publiée en 2012</a> révélait qu’une réduction de 10 % des heures de travail ferait chuter l’empreinte écologique de 12,1 %, l’empreinte carbone de 14,6 % et les émissions de CO<sub>2</sub> de 4,2 %.</p>
<p>D’où ces économies proviennent-elles ? La voie la plus directe via laquelle la semaine de quatre jours pourrait réduire les émissions est la diminution des trajets entre le domicile et le travail à forte intensité de carbone, et <a href="https://assets.henley.ac.uk/defaultUploads/Journalists-Regatta-2019-White-Paper-FINAL.pdf">notre étude</a> soulignait qu’il y avait là un potentiel significatif de dividende « vert ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294554/original/file-20190927-185369-cbc0og.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les bouchons, néfastes pour la santé des personnes et la planète.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jevanto Productions/Shutterstock</span></span>
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<p>Notre recherche était fondée sur un échantillon de 505 chefs et propriétaires d’entreprises, représentant une variété d’organisations de tailles différentes, et un autre à part de 2063 adultes, représentatif du Royaume-Uni en matière d’âge, de genre et de religion. Nous avons demandé à chacun d’entre eux comment une semaine de quatre jours affecterait leurs habitudes de déplacement, puis nous avons appliqué leurs réponses aux données de l’enquête nationale sur le trafic routier.</p>
<p>Nous avons découvert qu’en ramenant ces résultats à l’échelle du Royaume-Uni, une semaine de travail de quatre jours réduirait de 898 millions le nombre de kilomètres hebdomadaires parcourus par les salariés se rendant au travail, ce qui diminuerait la consommation de carburant et les frais de déplacement. Dans ce scénario, le kilométrage en voiture pourrait chuter de près de 9 %. Plus de la moitié (51 %) des employés ont déclaré qu’ils conduiraient moins leur voiture, contractant la distance hebdomadaire parcourue de 16 à 30 kilomètres.</p>
<p>La diminution du temps de transports aurait d’autres bénéfices, notamment en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412017318263">matière de santé</a>, en réduisant la demande de produits et de services de santé très émetteurs tels que les traitements hospitaliers, les visites chez le médecin généraliste ou les médicaments. La diminution du stress et de l’anxiété liés aux bouchons aura également des effets positifs sur la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11116-017-9766-2">santé mentale</a>, particulièrement <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1068/a46267">chez les femmes</a>.</p>
<p>Avec trois jours de week-end, les travailleurs auront davantage l’opportunité de faire du sport, de passer du temps dehors ou de faire d’autres activités qui améliorent leur <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17439760.2017.1374436">bien-être physique et mental</a>. Cela se traduit là aussi par un recours moindre aux services de santé polluants.</p>
<p>Travailler un jour de moins dans la semaine signifie aussi moins de besoins en biens et en services que l’on utilise au bureau. Les ordinateurs et les machines fonctionneront plus longtemps, la papeterie et les uniformes seront être remplacés moins souvent, le personnel de ménage nettoiera moins régulièrement, etc.</p>
<p>C’est potentiellement un cercle vertueux, car un meilleur cadre de vie, moins pollué, peut améliorer les niveaux de productivité. C’est pourquoi les avantages environnementaux d’une semaine de quatre jours peuvent également être considérés comme un <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.102.7.3652">investissement dans le capital humain</a>.</p>
<h2>Du bon usage de son temps libre</h2>
<p>Mais une semaine de quatre jours pourrait aussi avoir des conséquences tout autres. Il est nécessaire d’instaurer des politiques et des stratégies pour minimiser les effets négatifs et optimiser les dividendes « verts ».</p>
<p>Les bénéfices nets dépendent de la façon dont les travailleurs utilisent ces trois jours de temps libre. S’ils emploient ce jour de congé supplémentaire à partir en week-end en avion, conduire une voiture de sport de luxe ou regarder la télévision à la maison avec le chauffage ou la climatisation au maximum, ces heures de travail réduites pourraient même devenir <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652617301300">néfastes pour l’environnement</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294558/original/file-20190927-185359-1qqhlbq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une semaine de travail plus courte risque d’entraîner un plus grand nombre de longs week-ends de vacances – en avion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MiniStocker/Shutterstock</span></span>
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<p>Une semaine raccourcie ne sera pas non plus si bénéfique si le travail de cinq jours est condensé en quatre avec des horaires démentiels (comme cela s’est produit dans une expérience dans <a href="https://www.governing.com/columns/utahs-demise-of-the-four-day-work-week.html">l’État américain de l’Utah</a>). Les employés seront alors amenés à hiérarchiser les tâches et à travailler plus longtemps, ce qui entraîne de <a href="https://edition.cnn.com/2016/09/15/health/four-day-workweek/index.html">l’anxiété, un stress lié aux performances</a> et donc une augmentation de la demande de soins.</p>
<p><a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/housing/bulletins/housingaffordabilityinenglandandwales/2018">Les prix inabordables de l’immobilier</a> dans de nombreuses régions du Royaume-Uni (comme de la France), couplés à la faible croissance des salaires, signifient aussi que la perte de revenus liée à la semaine de quatre jours obligera certains travailleurs à les compléter par des emplois annexes. Ce qui annihilerait les avantages environnementaux de ce supposé jour de congé.</p>
<h2>Les conditions pour que ça marche</h2>
<p>Bien utilisées, les nouvelles technologies – à l’image de l’intelligence artificielle ou de la robotique – pourraient aider à obtenir des <a href="https://theconversation.com/if-robots-take-our-jobs-what-will-it-mean-for-climate-change-123507">gains de productivité</a> pour assurer les mêmes résultats que la traditionnelle semaine de travail de 5 jours sans perte d’emploi ni de revenus.</p>
<p>Si les employés doivent passer leur surplus de temps libre à améliorer leur santé et leur bien-être, nous aurons également besoin d’investissements supplémentaires dans des <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2019/jun/21/help-the-planet-work-a-four-day-week">infrastructures</a> moins gourmandes en carbone. Cela implique des transports publics plus efficaces, davantage de parcs, de bibliothèques, de centres communautaires et d’installations sportives.</p>
<p>Il est donc essentiel que les salariés comprennent l’ensemble des enjeux de cette proposition. Les diverses structures économico-sociales devraient <a href="https://theconversation.com/working-four-day-weeks-for-five-days-pay-research-shows-it-pays-off-100375">apporter leur soutien</a> ainsi que des programmes de formation appropriés devraient être mis en place.</p>
<p>Chacun doit être prêt à changer ses perspectives et à modifier son comportement de manière positive. À cette condition seulement, la semaine de quatre jours pourra produire les bénéfices escomptés pour les travailleurs, leur famille, leurs employeurs et l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anupam Nanda's research has been sponsored by UK and international public and private funding bodies and companies, including Innovate UK, Research Councils UK, the Real Estate Research Institute in the US, UK Foreign and Commonwealth Office, UK Department of Energy and Climate Change, the Investment Property Forum and the Royal Institution of Chartered Surveyors. He is also on the Board of Trustees of the Reading Real Estate Foundation.</span></em></p>Les bénéfices nets de la semaine de quatre jours dépendront de ce que feront les travailleurs de leur troisième jour de week-end.Anupam Nanda, Professor of Urban Economics & Real Estate, University of ManchesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1467232020-09-30T17:32:24Z2020-09-30T17:32:24ZInégalités de niveaux de vie, inégalités d’émissions carbone : une comptabilisation qui arrange les investisseurs<p>Dans le cadre des débats internationaux sur les réponses à apporter au réchauffement climatique, l’attribution de la responsabilité des émissions de gaz à effet de serre (GES) est une question difficile, délicate et politiquement très sensible. C’est particulièrement le cas quand on s’interroge sur la différence de responsabilité individuelle entre les plus hauts et les plus bas revenus, que ce soit au niveau mondial ou d’un pays particulier.</p>
<p>Cette interrogation conduira à des conclusions différentes selon la méthode de comptabilisation des émissions choisie. En effet, hormis les difficultés techniques, la manière de comptabiliser les émissions d’un individu ou d’un territoire permet tout aussi bien de masquer que de dévoiler des injustices, présentes et passées.</p>
<p>Quand il s’agit de différencier les responsabilités individuelles en fonction du revenu, la méthode habituellement utilisée est intitulée « <a href="https://www.pnas.org/content/pnas/107/12/5687.full.pdf">comptabilité à la consommation</a> ».</p>
<p>Comme son nom l’indique, elle vise à attribuer à un individu (ou groupe d’individus) l’ensemble des émissions liées à sa (leur) consommation. La difficulté consiste à identifier toutes les émissions, directes et indirectes, liées au bien ou service consommé. Dans le cas du transport automobile par exemple, les émissions directes et indirectes désignent respectivement celles qui sont liées à l’usage (les émissions dues à la consommation d’essence) et celles liées à la fabrication du véhicule.</p>
<p>Les contributions utilisant cette méthode conduisent à certaines conclusions communes, mais aussi à des différences de résultats sensibles.</p>
<h2>Convergences et variabilités des résultats</h2>
<p>Il y a consensus sur le fait que l’empreinte carbone d’un individu augmente avec son niveau de vie, que celui-ci soit mesuré en termes de revenu ou de dépenses de consommation. Et s’il existe indiscutablement d’autres facteurs explicatifs (par exemple, le climat, le fait de vivre en ville ou à la campagne, l’instruction, etc.), il ressort que le niveau de vie est le facteur le plus important. Soulignons en passant que selon une <a href="http://www.oecd.org/environment/consumption-innovation/42183878.pdf">étude de l’OCDE</a>, le niveau de vie est également un déterminant significatif d’autres empreintes environnementales, comme celles liées à la consommation d’eau et la production de déchets.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359524/original/file-20200923-24-127b7sd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Selon les études des économistes Chancel et Piketty ou de Oxfam au niveau mondial, les 10 % des revenus les plus élevés émettent 50 à 60 fois plus de GES que les 10 % des revenus les plus bas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixy.org/5785840/">Pixy</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un autre consensus concerne le fait que, avec la méthode comptable évoquée, l’empreinte carbone augmente moins vite que le revenu. En d’autres mots, si le revenu d’un individu augmente de 1 %, ses émissions totales augmentent de moins de 1 %. Ce sont surtout les émissions liées au chauffage et au transport (des postes très intensifs en carbone) qui augmentent moins que proportionnellement.</p>
<p>En revanche, le rapport des empreintes carbone entre extrêmes de la distribution des revenus varie grandement selon les études. Selon les études des économistes <a href="http://piketty.pse.ens.fr/files/ChancelPiketty2015.pdf">Chancel et Piketty</a> et de <a href="https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/mb-extreme-carbon-inequality-021215-fr.pdf">Oxfam</a> au niveau mondial, l’individu moyen appartenant aux 10 % des revenus les plus élevés émet 50 à 60 fois plus de GES que l’individu moyen appartenant aux 10 % des revenus les plus bas.</p>
<p>Au niveau de pays développés comme la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf-articles/actu/carbonevf.jpg.pdf">France</a> et la <a href="https://www.uantwerpen.be/images/uantwerpen/container2453/files/CSB%20WP%202020/CSBWorkingPaper2005.pdf">Belgique</a>, les écarts sont beaucoup plus réduits. Les émissions moyennes d’un individu appartenant aux 10 % des revenus les plus élevés sont deux à quatre fois plus importantes que celles de l’individu appartenant aux 10 % des revenus les plus bas.</p>
<p>Grâce à leur système de redistribution, les inégalités de niveau de vie sont bien moindres dans ces deux pays que dans l’ensemble du monde (il n’existe pas de réel système mondial de redistribution), avec en conséquence des inégalités en termes d’empreinte carbone bien moindre également.</p>
<p>Il importe de souligner que les chiffres précités sous-estiment grandement les différences d’empreinte carbone au sein d’une population, car on compare des individus moyens. Or, les 10 % des revenus les plus bas ne constituent pas un groupe homogène, et c’est encore plus vrai pour les 10 % des revenus les plus élevés.</p>
<p>En comparant les deux extrêmes de la distribution des revenus, Chancel et Piketty arrivent à des contrastes saisissants. Un États-unien ou un Luxembourgeois appartenant au pourcent des revenus les plus élevés émet en moyenne autour de 300 tCO<sub>2</sub>e/an (tonne de CO<sub>2</sub> équivalent par an), soit cinquante fois plus que la moyenne mondiale, et 3 000 fois plus qu’un Hondurien ou un Rwandais appartenant au pourcent des revenus les plus bas. Remarquons en passant que le niveau d’émission soutenable par individu est estimé à 1,3 tCO<sub>2</sub>e/an.</p>
<h2>Responsabilité des investisseurs</h2>
<p>La comptabilité à la consommation sur laquelle repose les études précitées présente une particularité que l’on pourrait considérer comme une faille. En effet, soit les émissions liées aux investissements (la formation de capital fixe) sont ignorées, soit elles sont attribuées au consommateur. Ceci exonère l’investisseur de toute responsabilité.</p>
<p>Une autre méthode, dite « comptabilité à la demande », attribue les émissions de GES liées aux investissements à l’investisseur, car il en est le décideur et le principal bénéficiaire. On commence à la retrouver dans certains articles de recherche, bien que la dénomination n’ait pas encore réellement émergé dans la littérature. Avec cette « comptabilité à la demande », les émissions attribuées au consommateur se limitent alors à celles, directes et indirectes, liées à la production effective des biens et services qu’il consomme, sans y inclure celles liées au capital qui a servi à les produire.</p>
<p>Il y a ainsi séparation de la demande en sa composante consommation et sa composante formation de capital, la première affectée au consommateur, la seconde à l’investisseur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/360029/original/file-20200925-16-1e8nejx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Avec la comptabilité à la consommation, l’investisseur est exonéré de toute responsabilité en termes d’émission carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/investmentzen/30356347702">Investment Zen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En tenant compte à la fois des fonctions d’investisseur et de consommateur des individus, il est probable que la comptabilité à la demande accentue le différentiel de responsabilité dans les émissions de GES entre les plus hauts et les plus bas revenus observé avec la comptabilité à la consommation.</p>
<p>Le <a href="http://www.wiod.org/home">projet WIOD</a>, soutenu par l’Union européenne et mené entre 2009 et 2012, permet la décomposition des émissions entre consommation et investissement. Pourtant, la littérature scientifique ne semble pas proposer d’étude mettant en évidence les émissions liées aux investissements, comme l’envisage la comptabilité à la demande. On peut s’interroger sur ce manque d’intérêt.</p>
<p>Peut-être le financement de la recherche considère-t-il rarement comme prioritaires des études qui porteraient un regard critique sur l’impact sociétal des investisseurs. On ne peut qu’espérer que cette lacune soit bientôt comblée.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-écrit avec Louis Possoz, ingénieur, membre fondateur du groupe <a href="https://quelfutur.org/Groupe-ORMEE">QuelFutur</a>, groupe de réflexion scientifique interdisciplinaire sur l’urgence environnementale</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Germain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En imputant toute la responsabilité des émissions de CO₂ au consommateur, la méthodologie néglige celle des détenteurs du capital. Cette prise en compte pourrait révéler des inégalités plus marquées.Marc Germain, Maître de conférences en économie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1446902020-08-20T18:23:58Z2020-08-20T18:23:58ZQuel rôle joue le marketing dans le changement climatique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353368/original/file-20200818-20-18yhwy0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C25%2C1176%2C772&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’offre d’un produit plus écologique ne réduit pas toujours le niveau général des émissions de carbone d’une entreprise…</span> <span class="attribution"><span class="source">Song_about_summer / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le calcul de l’empreinte carbone est devenu une procédure standard, aujourd’hui systématiquement déclarée par les entreprises en accord avec les normes comptables internationales, afin de permettre aux consommateurs de réaliser des achats mieux informés. Le marketing peut jouer un rôle important dans ce processus, à travers le développement de produits et services présentant une faible empreinte carbone (autrement dit, l’impact sur le climat mesuré en équivalent d’émission de dioxyde de carbone).</p>
<p>Notre analyse commence par une observation : réduire l’empreinte carbone d’un produit a un impact sur les coûts d’une entreprise, mais aussi sur la demande. Si des produits plus écologiques sont souvent plus chers à produire, les consommateurs tendent à préférer les produits présentant une faible empreinte carbone.</p>
<h2>Stratégie marketing optimale</h2>
<p>Prenons une entreprise qui choisit d’adapter son empreinte carbone et le prix de son produit (ou service) pour répondre aux préoccupations environnementales de ses consommateurs. Premier cas de figure : baisser son empreinte carbone réduit son prix à l’unité. Dans cette situation, la solution optimale pour l’entreprise est donc de supprimer le gaspillage pour améliorer son efficacité. Cet allégement « écologique » des coûts est d’autant plus intéressant pour la firme si la baisse de l’empreinte carbone diminue ses coûts et accroît la demande (grâce aux meilleures performances environnementales du produit).</p>
<p>Deuxième cas de figure : réduire l’empreinte carbone augmente le prix à l’unité. Il faut alors envisager un compromis entre l’effet du coût et l’effet de la demande. En effet, sans effet positif sur la demande, baisser l’empreinte carbone ne fait qu’accroître les coûts pour l’entreprise ; une stratégie inefficace ! Mais si les consommateurs se montrent sensibles aux meilleures performances environnementales du produit, se lancer dans une production durable plus coûteuse afin d’en réduire l’empreinte carbone peut devenir la solution optimale pour l’entreprise.</p>
<p>Les préoccupations relatives au climat renforcent l’effet de la demande et donc la motivation des entreprises de se lancer dans une production durable plus chère. Cependant, l’effet du coût pousse aussi les firmes à augmenter leurs prix, ce qui réduit la demande. Ce sont ces effets secondaires de l’offre et de la demande, considérés conjointement, qui déterminent la profitabilité relative de l’ajustement de l’empreinte carbone et du prix.</p>
<p>Dans un marché où l’effet de la demande supplante l’effet du coût, l’augmentation des préoccupations environnementales incite les entreprises à concevoir des produits plus écologiques, avec une empreinte carbone plus basse. Dans la pratique, cependant, le renforcement des préoccupations environnementales n’amène pas forcément les firmes à proposer des produits plus écologiques sur le marché, car l’effet du coût pourrait surpasser l’effet de la demande.</p>
<p>La stratégie marketing optimale détermine l’impact global d’une firme sur le climat : l’empreinte carbone organisationnelle. Cet impact environnemental intégral est le résultat de la multiplication de l’empreinte carbone d’un produit par le nombre total des ventes.</p>
<p>Contre toute attente, on constate que l’offre d’un produit plus écologique pour répondre aux préoccupations environnementales ne réduit pas forcément le niveau général des émissions de carbone d’une entreprise. Pourquoi ? Parce que l’effet de la demande qui résulte d’une meilleure empreinte carbone peut se traduire par une augmentation des ventes… et donc par une empreinte carbone organisationnelle plus élevée. L’entreprise qui propose un produit plus écologique est victime de son propre succès.</p>
<p>Concevoir des produits plus écologiques risque alors d’entrer en conflit avec les objectifs environnementaux imposés par la loi. Il s’agit là d’un potentiel point de clivage entre les missions des négociants et celles de leurs responsables, chargés de réduire l’impact environnemental de l’entreprise.</p>
<h2>« Démarketing »</h2>
<p>Les gouvernements tendent de plus en plus à mettre un prix sur les émissions de carbone, afin de contraindre les entreprises à payer pour leur impact sur le climat ; des coûts qui, sinon, devraient être assumés par la société. Nous avons étudié la façon dont les plafonds et taxes affectent la stratégie marketing optimale.</p>
<p>Les systèmes de plafonnement permettent à une entreprise de choisir entre deux options : ajuster sa stratégie marketing pour respecter la limite imposée par les régulations au niveau organisationnel, ou conserver sa stratégie marketing et ses décisions actuelles vis-à-vis de l’empreinte carbone et de la tarification, et acheter des crédits d’émission de carbone.</p>
<p>Bien qu’un plafonnement obligatoire des émissions carbone réduise l’empreinte carbone organisationnelle et les profits de l’entreprise, son impact sur l’empreinte carbone au niveau du produit demeure ambigu. En effet, l’entreprise est incitée à augmenter son empreinte carbone ; elle réduit alors volontairement les ventes pour respecter la limite imposée (c’est le « démarketing »).</p>
<p>Ainsi, la réglementation sur le carbone au niveau organisationnel peut avoir comme conséquence perverse d’augmenter l’empreinte carbone au niveau du produit. En revanche, acheter des crédits d’émission carbone ne réduit que les profits et n’a aucun impact sur la stratégie marketing optimale.</p>
<p>Une alternative aux plafonnements est les taxes sur le carbone, qui mettent un prix sur l’empreinte carbone organisationnelle sans restreindre les émissions globales. En règle générale, une taxe sur le carbone diminue les profits d’une entreprise, mais son impact sur l’empreinte carbone organisationnelle est ambigu, car les ventes d’un produit à l’empreinte carbone plus basse augmentent, ce qui accroît les émissions de carbone globales.</p>
<h2>Encourager l’adoption de technologies écologiques</h2>
<p>L’obligation de respecter les réglementations sur le carbone pourrait encourager les investissements dans les technologies écologiques qui permettent à une entreprise de créer son produit avec une faible empreinte carbone, à prix réduit.</p>
<p>Notre analyse démontre que, lorsque la mise en place de régulations sur le carbone est incertaine, il est plus difficile d’obtenir les conditions nécessaires pour que de nouvelles technologies soient adoptées. La simple menace des réglementations sur le carbone pourrait donc conduire à l’adoption de technologies plus écologiques, à la conception de produits plus « verts » et à une empreinte carbone organisationnelle générale plus basse.</p>
<p>Cette découverte comporte une implication politique importante : la pression des réglementations peut inciter les responsables marketing et les entreprises à prendre les bonnes décisions concernant le climat et à proposer des produits plus écologiques. C’est le lien classique entre la réglementation et la promotion de l’innovation.</p>
<p>Les préoccupations environnementales des consommateurs et des gouvernements incitent à réduire l’empreinte carbone des produits et des organisations. Toutefois, dans de nombreuses situations plausibles, l’augmentation de la demande pour les produits à l’empreinte carbone plus faible peut accroître les émissions de carbone globales (les négociants sont victimes de leur propre succès).</p>
<p>Il est important de noter que cette logique s’applique au-delà des émissions de carbone, par exemple à l’impact d’autres polluants sur l’eau, à l’empreinte plastique et aux empreintes sur l’environnement en général, qui jouent tous un rôle important dans la gestion de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).</p>
<hr>
<p><em>Cet article de Daniel Halbheer, professeur associé en marketing à HEC Paris, s’appuie sur son papier académique <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0022242920932930">« Carbon Footprinting and Pricing Under Climate Concerns »</a>, publié dans le Journal of Marketing en 2020 et écrit avec Marco Bertini (ESADE), Stefan Buehler (University St. Gallen), et Donald R. Lehmann (Columbia Business School)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144690/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Halbheer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les comportements vertueux adoptés par les entreprises peuvent parfois générer des effets contre-productifs. Démonstration.Daniel Halbheer, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1434702020-07-27T19:20:04Z2020-07-27T19:20:04Z« CO₂ score », le retour risqué de l’étiquetage environnemental<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/349586/original/file-20200727-27-1mbgo46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=261%2C18%2C5511%2C3863&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’affichage environnemental obligatoire était déjà envisagé en 2007, mais le projet n’a finalement jamais abouti.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/girl-choosing-bottle-oil-grocery-section-1508855891">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Parmi les <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf">149 propositions</a> de la Convention citoyenne pour le climat figure le CO<sub>2</sub> score, cette mesure d’information du consommateur dédiée à lui indiquer si ce « qu’il mange ou achète est bon pour le climat ».</p>
<p>Facile à comprendre, crédible grâce à la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJRDM-12-2013-0218/full/html">présence de bonnes et mauvaises notes</a>, ce dispositif est un levier de consommation responsable. Par un effet d’entraînement, il contribue à changer les pratiques des entreprises comme cela a été observé <a href="https://www.editions-ems.fr/revues/decisions-marketing/articlerevue/1586-l%E2%80%99%C3%A9tiquetage-environnemental-des-produits-et-services-enjeux-et-d%C3%A9fis.html">dans le cas de l’étiquette énergie</a>.</p>
<p>Pour autant, aucun pays ne l’a rendu obligatoire sur l’ensemble des produits et services. En 2007, à la suite du Grenelle de l’environnement, le gouvernement envisageait d’imposer un affichage environnemental généralisé des produits et services. Après les votes du Parlement en 2009 et 2010, cette mesure d’information obligatoire des acheteurs devait entrer en vigueur 2011. Or il n’en fut rien. Elle fut remplacée par une expérimentation nationale d’un an qui déboucha sur… pas grand-chose.</p>
<p><a href="https://www-sciencedirect-com.hub.tbs-education.fr/science/article/pii/S0959652617311319">Analyser les raisons de cet échec</a> est particulièrement intéressant aujourd’hui si l’on souhaite éviter que le CO<sub>2</sub> score ne termine à son tour au cimetière des bonnes idées jamais mises en œuvre.</p>
<p>L’engagement 217 du Grenelle de l’environnement de créer un droit des consommateurs à « disposer d’une information environnementale sincère, objective et complète portant sur les caractéristiques globales du couple produit et emballage » figure dans <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000020950500&cidTexte=LEGITEXT000020950462&dateTexte=20090806">à l’article 54 de la loi Grenelle</a> adoptée le 3 août 2009 : « La mention des impacts environnementaux des produits et des offres de prestation de services en complément de l’affichage de leur prix sera progressivement développée ». L’État n’est pourtant jamais parvenu à rendre obligatoire ce dispositif. Trois raisons principales expliquent cet échec.</p>
<h2>Des opposants actifs</h2>
<p>Une expérimentation nationale a été mise en place en 2011-2012 auprès d’entreprises volontaires pour tester la faisabilité et l’efficacité d’un tel dispositif. À l’époque, certaines entreprises pionnières s’appuyaient sur leur démarche d’affichage environnemental pour se différencier au sein de leur filière et n’avaient donc pas intérêt à ce qu’elle soit généralisée. D’autres participaient à l’expérimentation afin de mieux pouvoir en contrôler les aboutissements. Le soutien des associations de défense de l’environnement n’a pas contrebalancé du lobbying des grands secteurs industriels.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont également dû faire face à un adversaire bien involontaire : l’Union européenne. Alors que la France réfléchissait aux suites à donner à l’expérimentation nationale, une autre menée à l’échelle européenne à partir de 2013 a justifié l’attentisme. Enfin, le projet d’un affichage obligatoire a subi le jeu politique : en 2013, même si les fonctionnaires du ministère et des entités affiliés restaient mobilisés, la nouvelle équipe gouvernementale n’a pas défendu le projet initial du Grenelle, porté par des adversaires politiques.</p>
<h2>La difficulté de simplifier</h2>
<p>En 2007, l’idée était de fournir un outil permettant aux consommateurs de distinguer les produits bons pour l’environnement de ceux qui l’étaient moins. Afin de donner une indication la plus objective possible, c’est la méthode de l’analyse en cycle de vie, encore en construction, qui s’est imposée. Cette méthode consiste à évaluer les effets environnementaux de la vie du produit en partant de l’extraction des matières premières nécessaires à sa fabrication jusqu’à son élimination ou sa valorisation.</p>
<p>Progressivement, le but de départ a dérivé vers celui de proposer une mesure la plus exacte et complète possible. Les groupes de travail avec les experts de la plate-forme Ademe/Afnor se sont épuisés à définir des référentiels précis que les opposants pouvaient toujours contester.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1173805778458873856"}"></div></p>
<h2>Un calendrier trop ambitieux</h2>
<p>La France souhaitait alors jouer un rôle pionnier sur les questions environnementales. Avec le recul, il apparaît que l’ambition de généraliser un affichage environnemental des produits à échéance 2011 représentait un défi immense, l’élaboration des référentiels produits et des bases de données étant extrêmement longue : ce n’est qu’en 2014 que la première version de la <a href="http://www.base-impacts.ademe.fr/">base de données publique Impacts</a> a été publiée. Les référentiels ne couvraient alors que 50 % des catégories de produits.</p>
<p>Avec ces éléments en tête, quels conseils donner pour qu’une véritable suite soit donnée à la préconisation de la Convention citoyenne pour le climat ?</p>
<h2>S’accorder sur un socle technique</h2>
<p>Puisque certains produits se voient attribuer de mauvaises notes d’impact, le classement des produits doit paraître le plus juste possible aux entreprises. Il est essentiel de désamorcer les contestations possibles sur les référentiels techniques en obtenant au départ un consensus sur le socle méthodologique. Dans le cas de l’expérimentation française de 2007, les groupes de travail étaient composés d’experts volontaires. Peu d’entreprises étaient engagées et leur nombre a diminué avec le temps.</p>
<p>La Convention citoyenne semble avoir anticipé cette difficulté en prévoyant un délai de mise au point d’une méthode de calcul harmonisée. Les méthodologies déjà en place, comme celle du <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/Guide%20m%C3%A9thodologique%20sp%C3%A9cifique%20pour%20les%20collectivit%C3%A9s%20pour%20la%20r%C3%A9alisation%20du%20bilan%20d%E2%80%99%C3%A9missions%20de%20GES.pdf">bilan d’émissions de gaz à effet de serre</a>, pourront lancer la dynamique avant l’adoption de méthodologies déclinées par produit.</p>
<h2>Réduire le coût pour les entreprises</h2>
<p>Les entreprises peuvent opposer que le CO<sub>2</sub> score menace leur compétitivité en générant des coûts élevés de mise en œuvre. Il est donc essentiel de privilégier une solution simple, peu coûteuse, voire « clé en main ». L’exemple concluant des services de transport peut servir de base de réflexion.</p>
<p>Les entreprises du secteur, y compris les transporteurs routiers étrangers opérant en France, sont assujettis à un affichage carbone. Mais elles ont le choix entre plusieurs méthodes plus ou moins contraignantes. La plus simple et la moins coûteuse consiste à apposer une valeur générique de CO<sub>2</sub> du mode de transport. C’est aussi souvent la moins favorable en matière d’affichage, ce qui peut inciter les entreprises à adopter un mode d’évaluation plus précis.</p>
<h2>Ne pas perdre de temps</h2>
<p>Si l’étiquetage des produits est un dispositif plein de promesses, il n’a encore jamais été mis en place en conditions réelles. Sur de tels sujets, les actes de consommation <a href="https://journals-sagepub-com.hub.tbs-education.fr/doi/full/10.1177/1469540511415468c">sont difficiles à estimer par enquêtes d’opinion</a>. En 2011, l’expérimentation avait pour objectif d’apporter la preuve de l’impact du dispositif. Cela s’est révélé impossible puisque le caractère systématique de l’affichage est <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJRDM-12-2013-0218/full/html">l’une des clés de son efficacité</a>.</p>
<p>Pour le CO<sub>2</sub> score, une nouvelle tentative pourrait connaître le même écueil. Pour autant, la mesure figure dans les premières places des propositions du collectif de la convention citoyenne. C’est un signal fort envoyé aux pouvoirs publics et aux entreprises qui révèle les attentes des consommateurs sur le sujet. Faute de mieux, c’est le contexte enthousiaste de sa genèse qui devra asseoir la légitimité d’un affichage obligatoire.</p>
<h2>Appel à la vigilance citoyenne</h2>
<p>La mise en œuvre concrète du CO<sub>2</sub> score rencontrera certainement les obstacles qui ont conduit à l’échec de la précédente tentative d’affichage environnemental des produits. Il revient donc aux citoyens de la Convention et aux ONG d’être particulièrement attentifs. Il faudra veiller aux mesures concrètes qui seront proposées par les groupes de travail ainsi qu’aux décrets d’application, en espérant que l’esprit des conventionnés se retrouvera dans le résultat final.</p>
<p>Mais à terme, ce sera bien aux consommateurs d’utiliser cette information lors de leurs achats afin d’inciter les producteurs à limiter leur impact et écarter du marché les produits les moins respectueux de l’environnement.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été coécrit avec Yohan Bernard, Maître de conférences HDR à l’université de Franche-Comté et Agnès François-Lecompte, Maître de conférences HDR à l’université de Bretagne occidentale</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143470/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bertrandias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Convention citoyenne pour le climat préconise la généralisation de l'affichage carbone. Pour aboutir, la mesure devra éviter les écueils des précédentes tentatives.Laurent Bertrandias, Professeur de marketing, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1425072020-07-26T17:19:13Z2020-07-26T17:19:13ZUn œnotourisme de plus en plus responsable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/346857/original/file-20200710-34-10pjlrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C27%2C6006%2C3980&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les vacances sont aussi l’occasion de vivre des expériences touristiques en phase avec ses valeurs et aspirations.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/young-black-woman-eating-grape-600w-1331944316.jpg">David Prado Perucha / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La sensibilité des citoyens aux enjeux environnementaux pousse le secteur viticole à se réinventer. Si cela passe avant tout par une transformation des modes de production vers des procédés plus durables (limitation des engrais ou des intrants chimiques, récupération de l’eau dans la cuverie, toits végétaux… etc.), une nouvelle façon de concevoir le tourisme du vin émerge aussi.</p>
<p>Ainsi, au-delà de l’organisation de visites et de dégustations, les vignobles investissent dans de véritables infrastructures touristiques écoresponsables aussi bien en matière d’hôtellerie que de restauration locale et gastronomique.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/un-oenotourisme-de-plus-en-plus-responsable?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/5ow4BDERKjh8fDeXH44Vfp?si=a0Q_p1_tTjKg1oNsGC9pGw"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a></p>
<p>C’est en misant sur l’innovation et la conception d’expériences insolites que le secteur compte attirer de plus en plus de touristes, en s’adaptant dans le même temps à une demande qui mute au rythme des évolutions sociétales.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em><strong>La preuve par trois :</strong> les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Laurence Cogan-Marie, professeur à la School of Wine & Spirits Business de Burgundy School of Business, décrypte pour nous les évolutions à l’œuvre dans le secteur de l’œnotourisme. Au travers de trois analyses, nous verrons comment les acteurs viticoles s’adaptent à la demande et investissent dans un tourisme durable, local mais aussi digitalisé</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142507/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Cogan-Marie ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le secteur du vin a bien saisi l’importance de prendre le virage de la transition écologique et mise désormais sur le développement d’expériences touristiques durables et responsables.Laurence Cogan-Marie, Professeur d'œnotourisme, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1417102020-07-05T16:43:18Z2020-07-05T16:43:18ZLe digital apporte-t-il des solutions écologiques et économiques pour l’industrie du vêtement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344763/original/file-20200630-103649-3vg4dl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6048%2C4019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La standardisation à outrance des tailles pousse les clients à acheter plusieurs modèles quitte à les retourner plus tard.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/jean-pants-hand-od-woman-600w-1501555706.jpg">Iam_Anupong / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Vous arrive-t-il de commander en ligne plusieurs vêtements ou plusieurs tailles d’un même vêtement pour les essayer chez vous et renvoyer ce qui ne convient pas ? Vous pratiquez alors ce que l’on appelle le <a href="https://corp.narvar.com/blog/the-bedroom-is-the-new-fitting-room">« bracketing »</a>.</p>
<p>Une étude du marché américain datant de 2018 montre que <a href="https://see.narvar.com/rs/249-TEC-877/images/Consumer-Report-Returns-2018-4.3.pdf">41 % des consommateurs</a> utilisent régulièrement cette façon de consommer. La simplicité et la facilité des retours renforceraient la fidélité des clients à l’entreprise.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344749/original/file-20200630-103636-be0pea.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">57 % des consommateurs échangent ou remplacent le produit qu’ils retournent, dont 41 % auprès du même distributeur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://see.narvar.com/rs/249-TEC-877/images/Consumer-Report-Returns-2018-4.3.pdf">Narvar Consumer report 2018</a></span>
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</figure>
<p>Mais si ce mode de consommation est apprécié par les consommateurs, notamment quand le retour est gratuit, il s’avère nettement moins intéressant pour les entreprises et pour la planète.</p>
<p>En effet, les offres proposant un retour gratuit augmentent effectivement le volume des ventes. En revanche, les retours massifs des produits et les possibles pertes d’expédition rendent ces promotions <a href="https://www.researchgate.net/publication/341259835_Free_Shipping_Promotions_and_Product_Returns">non rentables</a>.</p>
<p>Par ailleurs, des problèmes écologiques émergent. Lorsqu’un vêtement revient à l’entrepôt, il subit des traitements additionnels à répétition avant d’être remis en vente : il doit être nettoyé à nouveau, réparé, reconditionné et préparé pour son nouveau propriétaire potentiel. Tout cela sans compter les milliers de kilomètres qu’il aura parcourus.</p>
<p>Face à ces constats, la digitalisation et l’intelligence artificielle apportent des <a href="https://digital-society-forum.orange.com/fr/les-actus/1259-boostee-par-lia-la-mode-entame-sa-revolution-verte">solutions concrètes</a>. Elles permettent de garantir de meilleures ventes dans un système plus durable, bouleversant toute la chaîne : depuis la création des modèles jusqu’au service après-vente.</p>
<h2>Mieux comprendre la demande</h2>
<p>La complexité des tailles, les différences des corpulences d’un pays à l’autre et leur évolution dans le temps, ainsi que l’âge et l’évolution de la mode, constituent autant de facteurs qui rendent les prévisions complexes et l’optimisation de la production difficile.</p>
<p>La standardisation de l’approche mondiale est au cœur du sujet. En effet, avoir des ventes sur toute la planète d’une façon optimisée et responsable, exige une estimation adaptée, voire personnalisée, de la demande par région.</p>
<p>L’entreprise de mode Bestseller India travaille ainsi avec le géant technologique IBM sur la solution Watson permettant d’analyser le marché indien et de <a href="https://www.ibm.com/blogs/client-voices/ai-boosts-fashion-forecasting/">prévoir la demande</a>. En effet, selon IBM, « les nombreux États de l’Inde et les centaines de religions, de cultures et de dialectes font que les goûts des consommateurs en matière de couleurs, de styles, d’habillement et de vêtements peuvent changer tous les quelques kilomètres ».</p>
<p>La <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Zozo-la-marque-japonaise-qui-scanne-les-corps-part-a-l-assaut-du-monde,1008077.html">société Zozo</a> cherche à développer une connaissance fine de la demande dans le but de construire une alternative à la standardisation des tailles. Cette nouvelle approche est fondée sur une base de données gigantesque. Pour cela elle propose aux clients d’autoscanner en 3D leur morphologie à l’aide d’une sorte de pyjama doté de QR codes qui leur est envoyé.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/y9inemTb9bY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La solution de scan à l’aide de QR code développée par l’entreprise japonaise Zozo.</span></figcaption>
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<p>Au-delà des tailles, il y a aussi la compréhension des tendances, couleurs, motifs, styles, coupes… et sur ce sujet l’intelligence artificielle est aussi au rendez-vous. La <a href="https://www.heuritech.com/fr/heuritech-suite/">société Heuritech</a> analyse des millions d’images par jour sur Internet pour déterminer et anticiper les tendances de demain et ce pays par pays.</p>
<p>Ainsi, le marché de la mode subit actuellement une vraie révolution technologique l’impactant depuis le design jusqu’à la commercialisation.</p>
<h2>Limiter les retours au maximum</h2>
<p>Les taux de retours élevés proviennent en partie de la complexité à trouver la bonne taille, ou de la bonne adaptation à la corpulence qui varie énormément d’une personne à l’autre et d’une région à l’autre.</p>
<p>Les détaillants perdent des <a href="https://www.whichplm.com/the-future-of-fashion-ai-changing-fashion-retail-industry/">centaines de milliards de dollars</a> chaque année à cause des retours. Les retours de vêtements prennent environ 3 fois plus de temps à être inspectés qu’un produit sortant d’usine.</p>
<p>Par ailleurs, la multiplication des périodes de soldes et de promotions notamment lors du « Black Friday » encourage la surconsommation et les achats compulsifs (et donc les <a href="https://www.bbc.com/news/business-50556886">retours</a>) le tout accentué par des campagnes de publicité portant sur la gratuité des frais de port.</p>
<p>Dans ce sens de nombreuses initiatives visant la réduction des taux de retour fleurissent.</p>
<p>La solution <a href="https://www.youtube.com/watch?v=k-LhFBHlKdA">Bold Metrics</a> par exemple utilise l’intelligence artificielle au service des distributeurs et des marques. L’objectif est d’améliorer la recommandation de taille pour réduire les retours, augmenter la durabilité et dynamiser la chaîne d’approvisionnement. L’outil permet de prédire avec précision les mesures corporelles des clients, pour répondre aux exigences d’un monde de plus en plus personnalisé.</p>
<p>À l’heure actuelle, nombreuses sont les applications qui existent pour vous aider à mesurer vous-même votre taille : <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vhRGAhIOFag">MySizeID</a> ou le logiciel <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wwPkH-dm2dE">3D body-scanner</a> ou encore l’application <a href="https://www.youtube.com/watch?v=weIIcvIz-8A">Sizer</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/weIIcvIz-8A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation de l’application Sizer.</span></figcaption>
</figure>
<p>En conclusion, le digital peut proposer de nombreuses solutions pour réduire la tendance du bracketing et ses effets néfastes en matière économique et écologique.</p>
<p>Ces options ne sont que le début d’une évolution importante déjà enclenchée. Les idées d’optimisation des processus pourraient néanmoins s’opposer à une gabegie énergétique due aux ordinateurs ayant à gérer ces milliers d’informations.</p>
<p>Les initiatives en faveur de l’environnement auront donc à prendre en compte l’empreinte carbone des nouveaux outils technologiques dans leur globalité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le nombre important de retours des vêtements vendus en ligne engendre des problèmes. Pour faire face, des outils apparaissent et tentent d’apporter des réponses.Christian Rivet, Professeur associé en marketing, Grenoble École de Management (GEM)Marianela Fornerino, Professeure au Département Marketing, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293702020-01-19T20:22:11Z2020-01-19T20:22:11ZEmpreinte carbone : les trois thermomètres de l’action climatique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309981/original/file-20200114-151848-1pabm60.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C4256%2C2605&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les émissions de CO₂ liées aux énergies fossiles et aux industries représentent 70 % des émissions de gaz à effet de serre totales.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/power-plant-coal-mine-poland-coalfired-1551527720">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Pour chaque pays, il existe trois façons de mesurer les rejets de gaz à effet de serre : l’empreinte territoriale calcule les rejets de gaz à effet de serre à l’intérieur des frontières d’un pays ; l’empreinte de consommation, ceux résultant des usages finaux de biens et services ; et l’empreinte d’extraction, ceux issus de l’énergie fossile extraite du pays.</p>
<p>Ces trois empreintes ne s’additionnent pas. Elles constituent trois thermomètres bien distincts, donnant des images complémentaires : d’après les dernières estimations portant sur l’année 2019, l’empreinte territoriale de la France était, tous gaz à effet de serre confondus, de 6.5 tonnes de CO<sub>2eq</sub> par habitant, pour une empreinte de consommation de 9 tonnes et une empreinte d’extraction de 0,03 tonne.</p>
<p>A l’amont de la COP de Glasgow, ces trois thermomètres ont été remis à jour. Leur examen permet de mieux comprendre la difficulté de rehausser l’ambition des contributions nationales des différents pays en matière de réduction des émissions.</p>
<h2>L’empreinte territoriale</h2>
<p>Le thermomètre communément utilisé pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre d’un pays est l’inventaire national, réalisé en France par le Centre interprofessionnel technique de la pollution atmosphérique (<a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">Citepa</a>).</p>
<p>Lors des COP, c’est lui qu’on utilise pour négocier les engagements des différents pays et qu’on retrouve dans les “contributions nationales déterminées” déposées auprès des Nations unies.</p>
<p>Chaque État est souverain sur son territoire et donc directement responsable de son empreinte territoriale. Un système de « monitoring, reporting, verification » (MRV) qui devrait être renforcé dans le cadre de l’application de l’accord de Paris permet leur suivi.</p>
<p>Ces inventaires sont calculés à partir de méthodes harmonisées par le GIEC. La partie la plus robuste est celle concernant le CO<sub>2</sub> d’origine énergétique ou résultant de procédés industriels. Les marges d’incertitude sont bien plus élevées pour les émissions et les absorptions liées aux changements d’usage des sols et aux rejets de gaz à effet de serre hors CO<sub>2</sub> dont l’agriculture est la première source. Il reste beaucoup de progrès à faire pour fiabiliser et standardiser les méthodes de calcul de cette partie des inventaires.</p>
<p>La récente édition du <a href="https://www.globalcarbonproject.org/carbonbudget/">Global Carbon Budget</a> donne une image complète de ces empreintes territoriales pour le CO<sub>2</sub> jusqu’en 2020. Cette année-là, les rejets de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère résultant de l’usage d’énergie fossile et de procédés industriels ont atteint 34,8 gigatonnes de CO<sub>2</sub>, soit 4,5 tonnes par habitant : ce qu’on émet en produisant 3 tonnes d’acier ou en roulant 20 000 km dans une voiture de moyenne gamme. En 2021, les émissions mondiales devraient remonter à 36,4 Gt, pratiquement le niveau prévalant en 2019, avant le déclenchement de la pandémie du Covid.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433243/original/file-20211122-13-18d7iw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian de Perthuis</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les quatre premiers émetteurs – Chine, États-Unis, Union européenne, Inde – contribuent pour 60 % à ces rejets. Les émissions sont en recul en Europe et aux États-Unis. En Chine, elles sont reparties en hausse depuis 2018 après s’être stabilisées au début de la décennie 2010. Elles sont en accélération en Inde qui est sur le point de dépasser les émissions de l’Union européenne.</p>
<p>Le “reste du monde” demeure le premier émetteur mondial de CO<sub>2</sub>. Les émissions y augmentent rapidement dans les pays producteurs et exportateurs d’énergie fossile, dans les pays moins avancés qui parviennent à décoller et, avant la crise du Covid-19, dans les transports internationaux.</p>
<p>Hausse des émissions dans les pays émergents, recul dans les pays industrialisés. Ne s’agirait-il pas d’un phénomène de vases communicants, les émissions économisées dans les pays riches étant simplement transférées dans les autres pays via les délocalisations et le commerce international ? Pour répondre à la question, il convient d’examiner l’empreinte de consommation, notre deuxième thermomètre.</p>
<h2>L’empreinte de consommation</h2>
<p>Avec la globalisation des économies, les chaînes de valeur se sont allongées. Ceci a pour effet de dissocier le lieu où sont utilisés les biens et services de celui où apparaissent les émissions : si le véhicule que j’achète est d’origine étrangère, les émissions associées à sa fabrication apparaîtront dans l’inventaire du pays d’origine. S’il est monté en Europe à partir de tôles importées, les émissions se partageront entre pays d’origine pour la fabrication des tôles et le pays européen où se trouve l’usine de montage.</p>
<p>L’empreinte de consommation recense les émissions résultant de l’usage des biens et services dans une économie. Pour la calculer, il convient de corriger les émissions observées sur le territoire des effets du commerce extérieur : celles incluses dans les importations doivent être ajoutées ; celles incluses dans les exportations doivent être retranchées.</p>
<p>Au niveau micro-économique, l’empreinte de consommation se calcule à partir des bases de données comme celle de l’Ademe qui fournit les facteurs d’émission de l’ensemble des biens et services consommés. Les méthodes pour reconstituer l’empreinte carbone d’un ménage ou d’une organisation sont standardisées et permettent l’établissement de <a href="https://www.associationbilancarbone.fr/">bilans carbone</a>.</p>
<p>Ces bilans ne peuvent pas s’agréger, car cela conduirait à compter plusieurs fois les mêmes émissions. Pour passer à l’échelle macro-économique, les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-01/empreinte-carbone-methodologie-012020.pdf">méthodologies</a> sont plus compliquées. On utilise des matrices entrées-sorties issues de la comptabilité nationale, avec des coefficients techniques moyens par secteur réestimés à intervalles périodiques. Avec l’accélération de la transition énergétique, les hypothèses de fixité de ces coefficients techniques sont hardies, surtout quand il s’agit de se projeter dans l’avenir.</p>
<p>Deux bases de données permettent de comparer l’empreinte territoriale des pays avec leur empreinte de consommation pour le CO<sub>2</sub> d’origine énergétique : <a href="https://www.oecd.org/sti/ind/carbondioxideemissionsembodiedininternationaltrade.htm">celle de l’OCDE</a> et celle du <a href="https://www.icos-cp.eu/GCP/2019">Global Carbon Budget</a> qui a été utilisée pour construire le graphique figurant le niveau de l’empreinte de Consommation en 2019 (abscisse) et son évolution depuis 2005 (ordonnée). A noter que les données n’intègrent pas les émissions de CO<sub>2</sub> résultant de l’usage des sols, notamment celles résultant des échanges de produit ayant un impact sur la déforestation tropicale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=494&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433244/original/file-20211122-27-1yw6rb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=621&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian de Perthuis</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Sans surprise, l’empreinte de consommation des pays émergents du G20 est généralement plus faible que leurs émissions territoriales. Ces pays exportent plus d’émission de CO<sub>2</sub> qu’ils n’en importent via le commerce international. C’est le cas de l’Inde, de la Russie, de l’Afrique du Sud et surtout de la Chine, de loin le premier exportateur mondial d’émissions de CO<sub>2</sub> incorporées dans les biens manufacturés.</p>
<p>Symétriquement, l’Union européenne est le premier importateur net d’émissions de CO<sub>2</sub>, avec une empreinte de consommation qui dépasse de 18 % les émissions de son territoire (16 % au Japon et 6 % aux États-Unis).</p>
<p>Depuis 2005, l’empreinte de consommation augmente cependant dans tous les pays émergents du G20, exception faite de l’Afrique du Sud et du Mexique. La hausse est particulièrement marquée en Chine où l’empreinte de consommation a progressé de plus de 80 %, soit nettement plus que les émissions territoriales. Cela reflète la stratégie de réorientation de l’économie sur le marché intérieur afin de satisfaire une demande domestique très dynamique.</p>
<p>Symétriquement, l’empreinte de consommation a baissé dans l’ensemble des pays industrialisés membres du G20. Elle a été particulièrement marquée dans l’Union européenne et aux États-Unis. En France, l’empreinte de chaque habitant a été réduite de 27 % sur la période, soit pratiquement au même rythme que les émissions territoriales par tête (29 %).</p>
<p>Le constat d’ensemble se dégageant du tableau est clair : depuis 2005, le commerce international ne semble pas avoir joué le rôle de vases communicants entre pays riches et pays émergents pour les émissions de CO<sub>2</sub> hors usage des terres. Le dynamisme des émissions dans les pays émergents a reposé sur celui de leur demande domestique. L’enjeu primordial de la transition bas carbone y sera de la satisfaire demain en réduisant leurs émissions. Dans les pays riches, les réductions des émissions territoriales se sont traduites par des baisses de l’empreinte de consommation.</p>
<h2>L’empreinte d’extraction</h2>
<p>Tout à l’amont des chaînes de valeur, l’empreinte carbone d’extraction constitue le miroir de l’empreinte de consommation. Elle calcule les émissions de CO<sub>2</sub> qui résulteront de l’extraction des énergies fossiles, que ces énergies soient utilisées dans les pays exploitant les gisements ou à l’étranger. Techniquement, l’empreinte carbone des producteurs d’énergies fossiles est plus facile à calculer que l’empreinte de consommation, car il n’y a que trois produits à considérer dont les facteurs d’émission sont bien connus : le charbon, le pétrole et le gaz d’origine fossile.</p>
<p>Dans son rapport « Production Gap », le programme des Nations unies pour l’environnement (<a href="https://www.unenvironment.org/fr">UNEP</a>) a calculé l’empreinte carbone de production pour l’année 2019. Les résultats sont reproduits sur le graphique ci-dessous.</p>
<p>Avec ce troisième thermomètre, se dessine une nouvelle cartographie des émissions mondiales de CO<sub>2</sub>. Deux nouveaux venus figurent dans le top-6 des émetteurs de CO<sub>2</sub> : l’Arabie saoudite et l’Australie, pays moyennement peuplés, mais gros exportateurs d’énergie fossile. L’Europe et le Japon disparaissent de la liste des principaux émetteurs, car ils importent la plus grande partie de leur énergie fossile.</p>
<p>En Europe de l’Ouest, le pays à l’empreinte d’extraction la plus élevée est la Norvège, devenue le troisième exportateur mondial de gaz naturel. Le Royaume-Uni, qui fut le premier producteur mondial d’énergie fossile, pointe à la 23<sup>e</sup> place. Quant à la France, son empreinte d’extraction est devenue symbolique à la suite de la fermeture des houillères et de l’épuisement du gisement de gaz de Lacq.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433245/original/file-20211122-19-11fcnqm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Christian de Perthuis</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Dans son rapport sur l’empreinte d’extraction, l’UNEP pointe du doigt l’enjeu de la sortie des énergies fossiles. Les pays exportateurs d’énergie fossile peuvent en effet baisser leurs émissions territoriales tout en alimentant la hausse des émissions à l’extérieur de leurs frontières via ces exportations.</p>
<p>Il convient donc de s’assurer que l’évolution des empreintes d’extraction est compatible avec les trajectoires conduisant à limiter le réchauffement bien en dessous de 2 °C. Cette discussion a été amorcée à la COP26 récemment tenue à Glasgow. Elle n’est pas prête de s’achever. Il subsiste un écart béant entre, d’un côté les objectifs déclarés sur le climat d’un côté, et de l’autre les plans de production et d’exportation d’énergie fossile.</p>
<h2>La complémentarité des trois thermomètres</h2>
<p>Pour guider les politiques climatiques, les inventaires nationaux rapportant l’ensemble des émissions territoriales de chaque pays restent l’outil pivot. Avec le “cadre de transparence renforcé” de l’Accord de Paris (article 13), les différents pays seront soumis en la matière à des exigences accrues à partir de 2024. C’est un volet important de la négociation climatique, aux dimensions géopolitiques généralement sous-estimées.</p>
<p>Mais l’inventaire national ne dit pas tout des émissions d’un pays. Il convient de le compléter avec les deux autres thermomètres.</p>
<p>L’empreinte de production est d’une grande utilité pour guider l’action climatique de la vingtaine de producteurs et/ou exportateurs d’énergie fossile comptant pour plus de 80 % des émissions mondiales. Ce sont également les pays qui auront à opérer les reconversions du tissu économique et social les plus complexes vu leur degré de dépendance aux fossiles.</p>
<p>Dans les pays d’Europe de l’Ouest, l’empreinte de consommation apporte un éclairage précieux. Elle permet de surveiller les risques de “fuites de carbone” qui pourraient résulter de l’accélération des actions de réduction des émissions territoriales.</p>
<p>Pour parer à tous risques, la Commission européenne travaille sur deux instruments importants : un mécanisme à la frontière mettant sur un pied d’égalité les producteurs européens qui payent les quotas de CO<sub>2</sub> et les importateurs qui en sont exonérés ; un renforcement de la régulation sur la déforestation importée.</p>
<p>En France, la question de l’utilisation de l’empreinte de consommation a fait l’objet d’un <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/maitriser-lempreinte-carbone-de-la-france/">rapport très complet</a> du Haut Conseil pour le climat (HCC).</p>
<p>Ce rapport fournit une masse d’information très précieuse pour la conduite de l’action climatique. Il se base malheureusement sur des données qui ont fait l’objet de <a href="https://christiandeperthuis.fr/2021/11/22/lempreinte-climatique-des-francais-de-nouvelles-estimations-officielles/">révisions</a> conséquentes. Il serait judicieux de revisiter ses conclusions à la lumière des informations plus récentes aujourd’hui disponibles grâce au travail conduit depuis sa publication par la <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/estimation-de-lempreinte-carbone-de-1995-2020">statistique publique</a>.</p>
<p>L’une des conclusions parfois tirée du rapport du HCC serait de substituer l’empreinte de consommation aux données de l’inventaire pour mieux guider la politique climatique. Sans aucun doute, l’empreinte climatique des Français reste bien trop élevée. Sa baisse depuis 2005 est beaucoup trop lente. Mais quand une transition n’est pas assez rapide, c’est rarement en changeant de thermomètre qu’on peut l’accélérer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129370/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian de Perthuis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour bien comprendre les enjeux de la décarbonation des pays, il convient de calculer leur triple empreinte carbone.Christian de Perthuis, Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1268802019-11-17T20:44:06Z2019-11-17T20:44:06ZPourquoi les universités doivent déclarer l’état d’urgence écologique et climatique<p>Les universités s’enorgueillissent de préparer leurs étudiants à un avenir brillant. Mais face à un climat en crise, où les catastrophes d’une ampleur et d’un impact « sans précédent » <a href="https://theconversation.com/le-changement-climatique-va-t-il-nous-priver-dassurance-124824">deviennent la norme</a>, à quel avenir promettre nos étudiants ? Face à la dégradation de l’environnement et à la <a href="https://theconversation.com/apres-le-rapport-de-lipbes-trouver-des-pistes-pour-sauver-la-biodiversite-117887">perte très importante de biodiversité</a>, les universités et autres établissements d’enseignement <a href="https://theconversation.com/lenseignement-superieur-et-la-recherche-acteurs-essentiels-dans-la-lutte-contre-les-changements-climatiques-51754">devraient prioriser</a> la préparation adéquate de leurs étudiants et de leur personnel à des temps de plus en plus difficiles.</p>
<p>Les changements climatiques et la destruction de l’environnement affectent tous les aspects de la vie, y compris ce dont nous avons le plus besoin ou ce à quoi nous tenons le plus : l’eau, la nourriture, les écosystèmes, la faune, la sécurité, le logement, l’énergie, les transports, la santé, les collectivités et l’économie. Les besoins humains fondamentaux de nombreuses personnes, en particulier les <a href="https://theconversation.com/inegalites-face-au-changement-climatique-la-balle-est-dans-le-camp-des-plus-riches-116616">plus vulnérables</a>, sont déjà menacés.</p>
<p>Affronter les <a href="https://theconversation.com/au-nigeria-sous-les-conflits-ethniques-une-crise-environnementale-sans-precedent-95454">conflits induits par le climat</a>, les <a href="https://theconversation.com/le-refugie-climatique-nouvel-avatar-de-la-migration-forcee-64342">migrations massives</a>, les <a href="https://theconversation.com/les-changements-globaux-aggravent-le-risque-dexpansion-du-paludisme-115951">effets sur la santé</a>, les coûts économiques et la dégradation de l’environnement représentent des défis d’une ampleur extraordinaire. Il n’y a tout simplement pas de plus grand défi que d’affronter l’urgence écologique et climatique : les universités doivent à leurs étudiants d’être à l’avant-garde de ces questions.</p>
<h2>Des étudiants inquiets pour leur avenir</h2>
<p>Par les voix de <a href="https://theconversation.com/cri-du-coeur-de-greta-thunberg-oui-les-adultes-doivent-en-faire-plus-dit-une-ethicienne-124329">Greta Thunberg</a>, des <a href="https://theconversation.com/greve-scolaire-pour-le-climat-les-lyceens-bousculent-lagenda-111009">grèves scolaires pour le climat</a> et des « Fridays for the future », des jeunes du monde entier appellent haut et fort à un changement de société. Des pancartes de protestations émergent partout : « Pourquoi étudier pour l’avenir alors que personne ne fait assez pour sauver notre avenir ? », « Le changement climatique est pire que les devoirs », « si vous n’agissez pas comme des adultes, nous le ferons », ou encore « le climat change, pourquoi pas nous ? »</p>
<p>Les universités ont un rôle particulier à jouer pour la planète. En tant que grandes institutions, leur empreinte carbone et environnementale est importante, ce qui devrait constituer en soi une incitation suffisante pour agir. Mais il leur incombe également la responsabilité d’être honnêtes avec leurs étudiants, car les emplois qu’ils chercheront après leur diplôme seront <a href="https://theconversation.com/climat-une-initiative-pour-former-les-futurs-employes-et-faire-pression-sur-les-entreprises-117329">fondamentalement remodelés par un climat</a> de plus en plus variable et par certains extrêmes climatiques sans précédent par leur intensité et leur fréquence.</p>
<p>En tant qu’établissements d’enseignement, les universités ont par ailleurs un potentiel inégalé. Plusieurs millions d’étudiants à travers le monde obtiennent leur diplôme chaque année. Ils sont et seront de plus en plus touchés par les changements climatiques. L’humanité a besoin de citoyens engagés qui comprennent les innombrables implications des perturbations climatiques et peuvent y faire face dans l’urgence.</p>
<h2>Des institutions déclarent l’urgence climatique</h2>
<p>Le défi climatique exige la collaboration de penseurs créatifs et critiques, de communicateurs et de spécialistes des problèmes à résoudre, de leaders et de collaborateurs, d’entrepreneurs et de chercheurs, de scientifiques et de philosophes.</p>
<p>C’est une crise civilisationnelle et existentielle. Le partage et la production des connaissances devraient être massivement orientés en ce sens. Toutes les disciplines universitaires doivent tenir compte des défis de l’incertitude face à un climat en évolution.</p>
<p><a href="https://www.europapress.es/catalunya/noticia-universidades-publicas-catalanas-suman-demanda-declarar-emergencia-climatica-20190923112749.html">Plusieurs institutions</a>, telles que la Southern Connecticut State University aux États-Unis, les universités de Bristol, Exeter, Glasgow et Lincoln ainsi que les universités de Keele et Newcastle au Royaume-Uni et l’Université polytechnique de Catalogne en Espagne ont déjà déclaré une urgence climatique.</p>
<p>Ces universités ouvrent la voie aux côtés de millions de jeunes dans le monde, de gouvernements locaux et nationaux et du secteur privé.</p>
<p>Plus qu’une démonstration symbolique, la déclaration d’une crise environnementale et climatique a de réelles implications.</p>
<h2>Diminuer leur empreinte carbone</h2>
<p>En tout premier lieu, cela implique de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et leur empreinte écologique. Les universités se fixeraient en la matière des objectifs transparents, en seraient tenues responsables et en rendraient compte régulièrement.</p>
<p>En adoptant des pratiques durables dans tous les aspects de leur fonctionnement, de la restauration au transport et aux déplacements, en passant par les investissements, la conception et l’entretien des bâtiments ou la gestion des déchets et de l’énergie, entre autres, les universités tendraient à devenir plus durables sur le plan environnemental et serviraient d’exemple aux autres organisations.</p>
<h2>S’adapter aux impacts du changement climatique</h2>
<p>Afin de s’adapter au changement climatique, les universités doivent mettre en place des mesures pour s’assurer que leurs étudiants, leur personnel et leurs visiteurs sont au mieux préparés aux risques et aux impacts liés au climat : inondations, vagues de chaleur, pénurie d’eau, cyclones tropicaux, feux de brousse, ainsi que les troubles sociaux, le déclin de la productivité et les conséquences sur la santé qui résulteront inévitablement du fait de la détérioration de notre climat.</p>
<p>Il est tout aussi important de préparer les étudiants à être réceptifs aux nouvelles possibilités qui peuvent se présenter à certaines périodes dans certaines régions en raison des changements climatiques.</p>
<h2>Intégrer le changement à toutes les disciplines</h2>
<p>Pour cela, il est indispensable d’intégrer l’action écologique et climatique <a href="https://theconversation.com/universite-comment-introduire-le-developpement-durable-dans-les-formations-126135">à toutes les disciplines</a>. Les universités veilleraient à ce que tous les étudiants, quels que soient leur discipline et leur niveau d’études, comprennent les impacts climatiques spécifiques et les mesures correctives possibles.</p>
<p>Cela se refléterait dans les programmes d’études, les classements des universités, les attributs des diplômés, ainsi que dans les mesures du rendement du personnel, y compris celles des cadres supérieurs.</p>
<p>Les activités interdisciplinaires d’enseignement et de recherche sur les défis environnementaux mondiaux, la résilience et les solutions seraient prioritaires et feraient l’objet d’investissements. L’action collective, l’engagement communautaire, les partenariats, le partage des meilleures pratiques et les plates-formes ouvertes pour l’innovation seraient encouragés.</p>
<h2>Un appel à toutes les universités</h2>
<p>L’ampleur des défis qui attendent l’humanité exige des dirigeants courageux et engagés, des investissements dévoués, une transformation organisationnelle et structurelle et, surtout, des changements fondamentaux dans les comportements économiques et humains. Les universités ont un rôle vital à jouer pour s’assurer que l’augmentation de la température mondiale <a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/11/pr_181008_P48_spm_fr.pdf">reste inférieure à 1,5 °C</a>, et elles devraient s’y employer résolument.</p>
<p>Inspirés par notre jeunesse, nous appelons les cadres universitaires, les membres du conseil d’administration, le personnel universitaire et non universitaire, ainsi que les étudiants à déclarer l’état d’urgence écologique et climatique. Il n’y a pas de plus grand enjeu pour l’avenir de l’humanité et le moment est venu d’en déclarer l’urgence.</p>
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<p><em><a href="https://www.met.psu.edu/people/mem45">Michael E. Mann</a> (Penn State University), <a href="https://www.climatechangecommunication.org/portfolio-view/john-cook/">John Cook</a> (George Mason University), <a href="https://sydney.edu.au/business/about/our-people/academic-staff/christopher-wright.html">Christopher Wright</a> (University of Sidney), <a href="https://climate.anu.edu.au/about/people/academics/professor-will-steffen">Will Steffen</a> (Australian National University), <a href="https://www.usc.edu.au/staff-repository/professor-patrick-d-nunn">Patrick Nunn</a> (University of the Sunshine Coast), <a href="https://alumni.uq.edu.au/story/5888/professor-opha-pauline-dube">Pauline Dube</a> (University of Botswana), <a href="https://www.bris.ac.uk/expsych/people/stephan-lewandowsky/">Stephan Lewandowsky</a> (University of Bristol), <a href="https://www.notredame.edu.au/research/nulungu/staff/Anne-Poelina">Anne Poelina</a> (University of Notre-Dame Australia), et <a href="https://www.cisl.cam.ac.uk/directory/katherine-richardson">Katherine Richardson</a> (University of Cambridge) sont co-auteurs de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126880/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Onze universitaires du monde entier déclarent que les universités ont la responsabilité de préparer les étudiants à un avenir incertain.Jean S. Renouf, Lecturer in Politics and International Relations, Southern Cross UniversityJean Jouzel, Directeur émérite de Recherche au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (CEA-CNRS-UVSQ)/Institut Pierre Simon Laplace, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1245092019-10-02T17:53:45Z2019-10-02T17:53:45ZInterface, spécialiste des dalles de moquettes et… pionnier de l’économie circulaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294978/original/file-20191001-173358-4yi7cq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C30%2C1156%2C725&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Entre 1996 et 2017, cette multinationale dit avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 96%.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rosenfeld Media / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Il est fort probable que vous n’ayez jamais entendu parler de l’entreprise Interface. Pourtant, cette multinationale basée à Atlanta aux États-Unis, cotée au Nasdaq et leader mondial de la fabrication de dalles de moquettes, est sans conteste l’un des pionniers de l’économie circulaire. À ce titre, l’entreprise vient de sortir sa première dalle de moquette <em>climate negative</em>, dont l’empreinte carbone est de moins 2 kg !</p>
<p>Tout commence en 1994 quand le CEO d’Interface, Ray Anderson, doit répondre à une demande insolite émanant de clients de l’entreprise : des architectes américains souhaitent en effet qu’Anderson fasse un discours sur la politique environnementale de l’entreprise. Comme le patron d’Interface l’avouera lui-même par la suite : « je ne voulais pas faire ce discours. Je n’avais aucune vision environnementale ».</p>
<p>Pour Ray Anderson, cette sollicitation sera le déclencheur d’une prise de conscience radicale de l’irresponsabilité de son entreprise envers le monde naturel. La lecture de « L’écologie du commerce » de l’éco-entrepreneur <a href="https://www.commercemonde.com/2018/11/ecologie-de-marche/">Paul Hawken</a> constitue une vraie révélation, une « épiphanie » pour le patron d’Interface qui, à partir de ce moment-là, décide d’engager son entreprise dans une refondation complète, un total changement de paradigme. Tout en maintenant sa position de leader sur son marché, ce qui sera le cas…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/D9hetZuPzS4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Ray Anderson from The Corporation », vidéo Realityforachange (en anglais), 2011.</span></figcaption>
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<p>Un quart de siècle plus tard, Interface estime avoir quasiment atteint son objectif <em>Mission zero</em> pour 2020, à savoir aucun impact négatif sur l’environnement. Les <a href="https://www.interface.com/US/en-US/about/press-room/2017-EcoMetrics-Release-en_US">chiffres</a> (pour 2017) parlent d’eux-mêmes : sur la base de 1996, l’entreprise annonce avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 96 %, sa consommation d’eau de 88 %, l’utilisation d’énergies renouvelables a augmenté de 88 % au niveau du groupe et de 100 % pour son usine de Scherpenzeel aux Pays-Bas.</p>
<p>Quant à la part de matériaux recyclés et biosourcés utilisés dans les produits, elle a augmenté de 56 % depuis 1996. Si ce dernier chiffre semble moins impressionnant que les précédents, précisons que l’entreprise dispose de cinq usines de production sur quatre continents, dont une en Thaïlande. Dans ce contexte, il est clair que l’environnement réglementaire européen est <a href="https://theconversation.com/en-europe-les-initiatives-se-multiplient-pour-en-finir-avec-le-tout-jetable-67006">largement plus favorable</a> à ce type de démarche et qu’il s’agit ici des chiffres à l’échelle du groupe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-europe-les-initiatives-se-multiplient-pour-en-finir-avec-le-tout-jetable-67006">En Europe, les initiatives se multiplient pour en finir avec le tout jetable</a>
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<p>Allant toujours de l’avant, Interface a défini il y a quelques années sa stratégie <a href="https://www.interface.com/US/en-US/campaign/climate-take-back/Climate-Take-Back"><em>Climate Take Back</em></a> pour 2030 qui vise à passer du rôle d’entreprise restauratrice à celui d’entreprise régénératrice qui contribue, par ses produits, à fournir des solutions aux enjeux climatiques. Il n’est plus question de ne plus avoir d’impacts négatifs sur l’environnement, mais d’avoir un impact positif, tout en produisant des dalles de moquette !</p>
<p>Cet objectif semble à première vue bien ambitieux, voire utopique… À vrai dire, il en était de même en 1995 quand l’entreprise affirma qu’il était possible de quitter le modèle linéaire de production <em>take, make, waste</em> afin de « boucler la boucle » !</p>
<h2>Quelques enseignements</h2>
<p>Ce qui frappe d’emblée est le produit dont il est question, la dalle de moquette. On associe en effet difficilement ce produit à l’innovation. Quant aux impacts environnementaux, ils sont multiples : dérivés du plastique pour la fibre, sous-couche à base de goudron, colle utilisée, etc.</p>
<p>La grande force d’Interface est l’accent continuellement mis sur l’innovation, avec de très lourds investissements en R&D. L’entreprise possédait déjà cette culture d’innovation avant d’engager sa démarche de durabilité, et elle s’est « naturellement » appropriée les enjeux de durabilité dans une vision de l’innovation disruptive et de long terme. Ainsi, et à titre d’exemple, l’entreprise parviendra-t-elle à recycler le nylon alors que tout le monde s’accordait pour dire dans les années 1990 que cela était impossible ?</p>
<p>« Il y a toujours une solution », aime-t-on répéter chez Interface : depuis le lancement de <em>Mission zero</em>, les innovations se sont succédé à un rythme soutenu, et ce pour toutes les composantes du produit. Quant à la stratégie d’innovation d’Interface, elle repose sur deux intuitions remarquables : la première est le lien que l’entreprise fera d’emblée entre innovation et design, dans une approche décrite par la pionnière du biomimétisme Janine Benyus. Ainsi, les designs aléatoires imités des couverts forestiers en automne permettront de remplacer plus aisément des parties d’une surface de moquette tout en se distinguant par leur design unique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eLh5sx-Y9U8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Biomimicry in action – Janine Benyus », vidéo Ted Talks (en anglais), 2018.</span></figcaption>
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<p>L’autre élément véritablement pionnier a été la volonté, dès le départ, d’associer les fabricants de fibre (responsables de près des deux tiers des émissions au long du cycle de vie) à la démarche. C’est ainsi qu’Interface travaillera étroitement avec le fabricant italien Aquafil sur des projets toujours plus innovants, jusqu’à créer en 2011 <a href="http://net-works.com"><em>Net-Works</em></a>. Ce business inclusif soutient des populations pauvres aux Philippines et au Cameroun en les rémunérant pour la collecte de filets de pêche abandonnés qui sont un fléau pour la biodiversité marine, filets qui sont ensuite réintégrés par Aquafil dans le processus de production et revendus à Interface.</p>
<p>Cette culture de l’innovation irrigue l’ensemble de l’organisation : toujours à la recherche de recyclabilité et de nouveaux matériaux biosourcés, Interface a fait de la supply chain (chaîne d’approvisionnement) une fonction clé qui contrôle d’ailleurs la production ! En liant constamment innovation, design, marketing et développement durable, l’entreprise a conservé sa position de leader sur le marché. On doit également souligner l’importance de la collaboration constante de l’entreprise avec les meilleurs experts (dès le départ de l’aventure avec Paul Hawken, Janine Benyus ou encore l’ONG suédoise <a href="https://thenaturalstep.org"><em>The Natural Step</em></a>).</p>
<h2>Défis permanents</h2>
<p>On peut ensuite légitimement se demander pourquoi le modèle déployé par Interface n’est pas plus largement dupliqué, même si l’entreprise a été jusqu’à créer une filiale de conseil au Royaume-Uni. L’un des éléments clés est sans conteste le charisme de Ray Anderson son fondateur et de l’impulsion unique qu’il a donnée, soutenue par une culture d’entreprise très horizontale qui mobilise l’ensemble des employés et des parties prenantes clés. Malgré sa taille, Interface a gardé un esprit pionnier, toujours prête à apprendre de ses échecs (les « successful failures »).</p>
<p>Par ailleurs, Interface a dynamisé ses principaux concurrents, contribuant à fortement élever les standards environnementaux du secteur. Quant à généraliser le modèle Interface à d’autres secteurs, outre la question de la culture d’entreprise et de leadership, se posent les enjeux de taille et de portefeuille de produits. On imagine la difficulté pour une multinationale avec une gamme étendue et diversifiée de produits d’adopter la démarche d’Interface ! C’est d’ailleurs pourquoi la démarche circulaire est en général testée pour quelques produits et sur certains sites de production. Enfin, l’engagement des fournisseurs est clairement une autre difficulté majeure.</p>
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<p>Quoi qu’il en soit de la réussite de ce modèle, les difficultés ne manquent pas et Interface doit sans cesse relever de nombreux défis. Parmi ces derniers, citons la taille : l’entreprise ne cesse de croître, et maintenir le modèle est de plus en plus délicat, notamment dans les pays en développement où la vision circulaire se heurte à de nombreux obstacles notamment institutionnels et économiques. La structure de l’actionnariat est de toute évidence une autre difficulté : étant cotée au Nasdaq, l’entreprise est soumise à un actionnariat dont les motivations sont essentiellement liées au profit.</p>
<p>Interface a dû d’ailleurs récemment adopter une stratégie de défense agressive (un <em>poison pill</em>) pour se protéger d’une OPA qui risquait de mettre en danger son modèle. Enfin, la poursuite de l’aventure, avec la nouvelle stratégie pour 2030, est un défi de tous les jours : comme me l’ont confié plusieurs responsables de l’entreprise, travailler pour Interface est exaltant, passionnant, mais aussi épuisant !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Delbard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 1995, ce fabricant américain innove pour réduire son empreinte carbone recyclant, par exemple, des filets de pêche. Prochaine étape : des produits à impact positif !Olivier Delbard, Professeur au département d'économie, de droit et de sciences sociales, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.