tag:theconversation.com,2011:/us/topics/endettement-24846/articlesendettement – The Conversation2024-03-11T16:12:40Ztag:theconversation.com,2011:article/2254692024-03-11T16:12:40Z2024-03-11T16:12:40ZDépenses publiques : la fin de 44 années de hausse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580916/original/file-20240311-16-2ihkhg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=164%2C0%2C1763%2C1035&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé début mars que les recettes fiscales seraient moins élevées d'escomptées en 2024.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iaea_imagebank/51716438624">Flickr/IAEA</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">18 février 2024</a>, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé revoir sa prévision de croissance de l’économie française à 1 % pour 2024. Le budget prévisionnel de l’État étant bâti sur une hypothèse de croissance de 1,4 % dans la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/291190-loi-du-29-decembre-2023-de-finances-pour-2024-budget-plf">loi de finances pour 2024</a> Bercy a en même temps décrété un gel de 10 milliards d’euros des dépenses étatiques pour compenser la perte de recettes fiscales et respecter l’engagement d’un déficit public de 4,4 % du PIB en 2024.</p>
<p>Auditionné par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat le 6 mars, Bruno Le Maire a dû reconnaître un déficit public 2023 <a href="https://www.budget.gouv.fr/reperes/loi_de_finances/articles/la-loi-de-finances-de-fin-de-gestion-2023">« significativement au-delà »</a> des 4,9 % du PIB inscrit dans la loi de finances de fin de gestion 2023 du fait de <a href="https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14755974_65e87523b3d8e.commission-des-finances--m-bruno-le-maire-ministre-de-l-economie-des-finances-et-de-la-souverain-6-mars-2024">recettes fiscales moindres qu’espérées en fin d’année dernière</a>.</p>
<p>Pour respecter l’engagement européen d’un déficit limité à 3 % en 2027, la loi de finances pour 2025, qui vise un déficit de 3,7 %, devra présenter une réduction de l’ensemble des dépenses publiques non pas de 12 milliards mais de 20 milliards, soit 0,7 point de PIB.</p>
<h2>La fin des « Quarante-quatre dispendieuses » ?</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/pdf/actualites/doctrine-du-quinquennat-RDF-25janvier-2017.pdf">étude</a> parue dans la Revue de droit fiscal de janvier 2018, nous avions qualifié les années 1981 à 2017 de « Trente-six dispendieuses », en prenant pour base l’exercice 1980, soit la dernière année de quasi-équilibre des finances publiques (avec un endettement de seulement 20 % du PIB).</p>
<p>Nous rappelions alors que les années 1980 avaient été marquées par une envolée des dépenses et des déficits publics, la dette publique montant à 35 % en 1990, les années 1990 par une douce insouciance budgétaire et les années 2000 par diverses stratégies de procrastination budgétaire. Enfin les années 2010 consécutives à la crise financière de 2008 ont encouragé un endettement public massif. Cette tendance a été favorisée par la diminution régulière de la charge de la dette, puisque les obligations qui arrivaient à échéance versant du 5 % d’intérêt étaient remplacées par de nouvelles obligations à intérêt nul, voire négatif.</p>
<p>Au tournant des années 2020, la crise du Covid a contraint les pouvoirs publics à soutenir l’activité « quoi qu’il en coute », en propulsant le déficit à un niveau jamais atteint en temps de paix de 9 % en 2020. Conséquence inévitable de cette envolée des déficits, l’endettement public a atteint un <a href="https://www.fipeco.fr/pdf/NiveauEvolutionDette.pdf">record de 115 du PIB %</a>, et a franchi la barre des 3 000 milliards d’euros en 2023. La dette publique par habitant de la France se situait alors au même niveau que celle de l’Italie, autour de 40 000 euros, et bien <a href="https://www.ifrap.org/budget-et-fiscalite/les-chiffres-de-la-dette-publique-depuis-1978">au-delà de la moyenne de l’Union européenne (UE) de 31 000 euros</a>.</p>
<p><iframe id="mH5tB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mH5tB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si 2023 a vu une réduction progressive des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages, l’année a également connu la plus forte hausse de l’emploi public depuis 2013, avec la création de 60 000 postes (1 % des postes), soit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7929052">plus du double de l’augmentation de l’emploi privé à 91 000 emplois (0,4 %)</a>.</p>
<p>Les annonces de Bruno Le Maire laissent ainsi entendre que 2025 sera une année charnière qui pourrait mettre un terme à cette période des « quarante-quatre dispendieuses ». En effet, ne pas imposer de contraintes aux dépenses publiques aujourd’hui, c’est accepter de subir une inévitable contrainte qui nous sera demain imposée par Bruxelles et/ou par les marchés obligataires.</p>
<h2>Une prise de conscience de l’opinion publique</h2>
<p>Depuis deux ans les ménages ont constaté la fin de cette période d’« argent gratuit » (pour désigner des taux d’emprunt proches de zéro) avec la brutale remontée des taux des prêts immobiliers, passés de <a href="https://www.banque-france.fr/fr/publications-et-statistiques/statistiques/panorama-des-prets-lhabitat-des-menages">1 % fin 2021 à 4 % aujourd’hui</a>. Parallèlement, le taux des obligations d’État est passé de 0 % à 3 %, ce qui a accéléré la prise de conscience par l’opinion publique des dangers de la dette publique. De fait, un récent sondage indique que 80 % de Français considèrent désormais que la dégradation de la dette devient un sujet urgent (et même très urgent pour 32 % d’entre eux), soit un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/sondage-exclusif-pour-reduire-la-dette-les-francais-ciblent-les-depenses-chomage-et-les-allocations-familiales-2081254">bond de 8 points depuis juin 2023</a>.</p>
<p><iframe id="Z4ACz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Z4ACz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, avec un déficit et un <a href="https://www.senat.fr/rap/l23-128-1/l23-128-12.html">endettement parmi les plus élevés de la zone euro</a> ainsi qu’un taux de prélèvement obligatoire de 46 % du PIB (soit le plus élevé des pays développés), envisager d’importantes hausses d’impôts n’est plus une option, d’autant plus qu’elles contribueraient à ralentir un peu plus la croissance et à réduire le taux d’emploi.</p>
<p>Comme le signale dans un récent entretien au <em>Monde</em> Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), réduire le déficit trop rapidement alors que l’activité freine risque d’accentuer le ralentissement la France mais on ne peut désormais plus échapper à « un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/03/04/olivier-blanchard-il-faut-etre-pret-a-soutenir-encore-l-economie_6219898_3234.html">plan crédible d’ajustement et de baisse des dépenses</a> sur cinq à huit ans ».</p>
<h2>Quelles coupes ?</h2>
<p>Comme nous le signalions dans un <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">article</a> publié le 19 février, si les dépenses publiques françaises dépassent de 8 points (58 % du PIB contre 50 %) la moyenne de l’Union européenne (50 %) c’est principalement du fait des dépenses de protection sociale (33 % du PIB contre 27 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">Comment les nouvelles règles budgétaires européennes contraindront les dépenses publiques françaises</a>
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<p>Dans les prochaines années, les dépenses contraintes concerneront principalement la charge des intérêts car la facture continuera à gonfler mécaniquement sous le double effet de l’inertie des déficits publics et de la hausse des taux des obligations après la période d’« argent gratuit ». En outre, la transition écologique nécessitera de lourds investissements, de l’ordre de 2,3 % du PIB chaque année, et les dépenses militaires doivent atteindre au moins 2 % du PIB dès 2025 pour tenir compte du nouveau contexte géopolitique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ue-les-regles-budgetaires-sont-elles-compatibles-avec-les-objectifs-du-pacte-vert-222546">UE : les règles budgétaires sont-elles compatibles avec les objectifs du Pacte vert ?</a>
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<p>Pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % visé par le président de la République Emmanuel Macron depuis 2017, le plan exposé par Bruno Le Maire le 6 mars dernier prévoit un <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/03/06/bruno-le-maire-je-crois-a-un-etat-fort-mais-pas-a-un-etat-qui-se-disperse-et-devient-une-pompe-a-fric_6220387_823448.html">nouveau tour de vis sur les prestations chômage</a>. Ces économies permettront à L’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unédic), qui administre le régime d’assurance chômage, de dégager les excédents destinés à rembourser une dette d’environ 60 milliards d’euros et à supporter les ponctions de l’État pour financer l’apprentissage et France travail (anciennement Pôle emploi).</p>
<p>Les actifs seront également mis à contribution probablement via un ticket modérateur de 100 euros sur l’utilisation de leur Compte personnel de formation (CPF). Une baisse des subventions aux centres d’apprentissage est également planifiée, sans toutefois remettre en cause un dispositif plébiscité par les étudiants et les employeurs qui s’avère in fine très rentable pour les bénéficiaires, l’économie et… les finances publiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/apprentissage-une-depense-publique-importante-pour-un-rendement-economique-et-social-eleve-220700">Apprentissage : une dépense publique importante pour un rendement économique et social élevé</a>
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<p>Dans le champ de l’assurance-maladie, une revue des dépenses de santé ciblera plus particulièrement les remboursements des transports médicaux (5,7 milliards par an). Le plan prévoit en outre un contrôle plus sévère des arrêts maladie (17 jours par an dans les collectivités locales contre 10 dans le privé). Bercy veut également s’attaquer à la prise en charge à 100 % des soins des affections de longue durée, qui coûtent 110 milliards à la Sécurité sociale, <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/sante/budget-2025-le-gouvernement-se-penche-sur-la-prise-en-charge-des-affections-longue-duree">soit 66 % des dépenses d’assurance maladie</a>.</p>
<p>Enfin le ministre de l’Économie a évoqué le chantier de la restructuration de la sphère publique à l’horizon 2032. Le gouvernement souhaiterait réduire l’empilement des échelons dans les administrations locales, la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63643">refonte des régions de 2015 n’ayant pas eu les effets budgétaires escomptés</a>. Une simplication massive des formalités administratives qui pèsent sur les entreprises et les ménages prévoit également la <a href="https://www.tf1info.fr/politique/administrative-choc-de-simplification-le-ministre-de-l-economie-bruno-le-maire-annonce-la-suppression-definitive-des-formulaires-cerfa-2288425.html">suppression de l’ensemble des 1800 formulaires Cerfa d’ici 2030</a> et un grand nettoyage dans les quelque 7 000 articles du code de commerce.</p>
<h2>Des ponctions à venir sur les retraites ?</h2>
<p>Plus généralement, le gouvernement s’interroge sur l’équité d’un système de sécurité sociale qui est aujourd’hui largement financée par les actifs. Pour limiter le coût des pensions dans le PIB, la solution est connue pour avoir été <a href="https://www.capital.fr/votre-retraite/comment-le-pouvoir-dachat-des-retraites-a-decroche-depuis-10-ans-1417342">pratiquée régulièrement dans le passé</a> : il suffit de limiter la hausse du coût des retraites en deçà de celle des salaires et de l’inflation pour réaliser des économies importantes et assez indolores.</p>
<p>Au nom de l’équité et malgré le <a href="https://www.lexpress.fr/societe/les-plus-de-60-ans-font-l-election-ils-ont-amene-emmanuel-macron-au-second-tour_2171565.html">poids électoral très lourd des retraités</a>, il semble, à notre sens, inévitable d’aligner le taux de CSG des inactifs sur celui des actifs rien ne justifiant qu’un retraité qui touche 6 000 euros par mois ne paie que 8,3 % de Contribution sociale généralisée (CGS) alors qu’une personne au smic paie 9,2 %. De même, le fameux <a href="https://theconversation.com/loi-pinel-fifa-et-titres-restaurant-trois-symboles-des-contradictions-de-la-gestion-des-niches-fiscales-218624">abattement pour « frais professionnels » (sic) des retraités devrait finir par être remis en cause</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225469/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révision des prévisions de croissance à la baisse contraint Bercy à un nouveau tour de vis budgétaire dans un contexte où les marges de manœuvre apparaissent de plus en plus limitées.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213542024-01-24T17:15:46Z2024-01-24T17:15:46ZL’économie africaine entre endettement excessif et investissements insuffisants<p>En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2 %. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3 %), est en baisse par rapport à 2022 (quand elle s’était élevée à +3,9 %).</p>
<p>Le ralentissement de la croissance de l’Afrique est imputable à plusieurs facteurs : l"essoufflement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à croissance élevée comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des États, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace de fragmentation géopolitique du continent accrue dans le contexte du conflit en Ukraine.</p>
<p>Par ailleurs, malgré un recul observé en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majeure partie d’entre eux. En moyenne, elle a atteint un pic historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Des différences de trajectoires entre les régions africaines sont à noter. Elles sont le reflet de la spécialisation des pays qui les composent.</p>
<p><iframe id="5yiHQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/5yiHQ/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les pays à l’économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6 % en 2023 et une croissance attendue de +4,6 % en 2024. Le Rwanda, l’Éthiopie, la Côte d’Ivoire et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne des pays africains, affichent par exemple des taux de croissance compris entre +6 % et +7 % en 2023, qui figurent parmi les plus élevés au monde.</p>
<p>Le deuxième groupe de pays, qui rassemble les pays dépendant de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement pâti d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0 % de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Liberia, en Sierra Leone et en Ouganda par exemple).</p>
<p>La croissance des pays pétroliers a accéléré en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré les fortes variations des cours pétroliers sur la période. Enfin, la croissance continue à se raffermir dans les pays touristiques, tels que Maurice, le Maroc et la Tanzanie.</p>
<h2>Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde</h2>
<p>Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne décroît que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste en effet particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premiers reculs en raison de la progression des pratiques contraceptives.</p>
<p>Du fait de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau antérieur à la crise sanitaire qu’en 2023, plus tardivement que dans les autres grandes régions du monde. Son rythme de progression est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien plus faible que dans les pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.</p>
<p><iframe id="nOnDW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nOnDW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un niveau d’endettement à nouveau préoccupant</h2>
<p>Le taux d’endettement public africain, ramené autour de 30 % du PIB à la veille des années 2010 à la suite de <a href="https://www.imf.org/external/np/hipc/prog2/fre/0499f.htm">l’initiative de désendettement des pays pauvres très endettés</a> (iPPTE), s’est à nouveau considérablement accru, doublant sur la période 2008‑2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et décroît progressivement depuis. Il devrait repasser sous le seuil de 60 % à l’horizon 2027, selon les projections actuelles du FMI.</p>
<p>L’accroissement régulier de l’endettement dans la région apparaît avant tout structurel, en lien notamment avec une mobilisation des ressources intérieures très insuffisante dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.</p>
<p>À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal contrôlées. De plus, les dépenses d’urgence engendrées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, plus aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de viabilité de la dette n’est désormais classé en risque faible de surendettement.</p>
<p><iframe id="MWxUW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/MWxUW/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="CVJgS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVJgS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em><strong>Note :</strong> en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7 % du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).</em></p>
<p>Toutefois, il est à noter que cette crise de la dette dépasse très largement le cadre de l’Afrique, toutes les régions du monde faisant désormais face à la hausse de leur niveau d’endettement.</p>
<p>Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers et sur le comportement des investisseurs.</p>
<p>Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des eurobonds au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, du fait de la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement sur les marchés d’émission historiques.</p>
<p>En conséquence, de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. De plus, la moindre implication de la <a href="https://theconversation.com/ou-vont-les-investissements-chinois-en-afrique-46759">Chine</a> dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse du financement des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains.</p>
<p>De fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses renchérit fortement le coût de l’emprunt et le service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) allouées au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, obérant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.</p>
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<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En 2023, l’économie africaine connaît un léger ralentissement de sa croissance économique, imputable au contexte géopolitique et aux politiques économiques nationales.Françoise Rivière, Responsable de la Cellule Economie et Stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD)Matthieu Morando, Économiste, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204062024-01-07T15:38:37Z2024-01-07T15:38:37ZMénages surendettés : comment la France a changé de philosophie<blockquote>
<p>« Que faire du crédit, sinon le risquer ? »</p>
</blockquote>
<p>La question posée par Jean-Paul Sartre dans <em>Le Diable et le Bon Dieu</em> en 1951 illustre bien la problématique qui anime chaque « homo consumericus » que nous sommes, contraints par notre pouvoir d’achat mais poussés aussi par notre vouloir d’achat et les tentations fortes de la société de consommation. L’offre de biens et services, et de <a href="https://theconversation.com/topics/credit-62431">crédits</a> pour les financer coûte que coûte, est toujours plus abondante.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">endettement</a> est utile pour financer un logement ou un équipement coûteux, tant que l’équilibre entre les intérêts (ou charges financières) et le « reste à vivre » est assuré et que l’information est précise pour l’emprunteur. Néanmoins, à chaque époque, les situations de surendettement ont constitué un enjeu socio-économique majeur. Au niveau individuel d’abord, la situation est souvent associée à un sentiment d’échec et de honte qui pousse certains à ne pas en parler autour de soi, voire à ne pas même solliciter l’aide des pouvoirs publics.</p>
<p>Au niveau collectif ensuite, le sort réservé aux surendettés au travers des âges est un indicateur utile pour comprendre le rapport des hommes au matériel et aux plus faibles. Dans l’antiquité, tout débiteur indélicat devenait l’esclave de son créancier qui détenait sur lui droit de vie ou de mort. Au Moyen-Âge, la dette devient synonyme de faute et de péché et conduit à l’emprisonnement et au déclassement social. L’ère contemporaine voit la distinction entre la faillite d’entreprise et la faillite personnelle s’établir clairement, et l’on s’étonnera certainement que, jusqu’en 1989 et la loi dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000343019">« Neiertz »</a>, il n’existait en France aucun mode organisé de traitement et de protection des personnes surendettées.</p>
<p>En 2023, dans un <a href="https://theconversation.com/qui-paye-linflation-importee-217706">contexte inflationniste</a> et alors que les séquelles de la crise sanitaire se font encore ressentir, la Banque de France a enregistré <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/info-rtl-economie-les-dossiers-de-surendettement-ont-augmente-de-8-en-2023-7900337052">8 % de dossiers de surendettement déposés en plus</a> par rapport à 2022. Celle-ci multiplie d’ailleurs les initiatives pour informer et prévenir à ce propos. Après la mise en place d’un numéro de téléphone dédié (le 34 14), elle déploie actuellement le <a href="https://www.banque-france.fr/en/node/2521#:%7E:text=Issu%20des%20travaux%20men%C3%A9s%20en,les%20publics%20en%20difficult%C3%A9%20financi%C3%A8re">dispositif test « Aide-Budget »</a> dans 11 départements avec les fournisseurs d’énergie et les bailleurs sociaux pour repérer les ménages fragiles dès les premiers impayés et les orienter vers un des 500 « Points Conseil Budget » en France. Ceux-ci délivrent des conseils confidentiels et personnalisés sur la gestion budgétaire du ménage.</p>
<p>La philosophie sous-jacente mais aussi les réalités de ce qu’est le surendettement ont néanmoins, même discrètement, radicalement évolué depuis 1989.</p>
<h2>À l’origine, un droit plus favorable aux prêteurs</h2>
<p>La procédure a beau être assez jeune, le législateur a fait preuve, en moins de 35 ans, d’une particulière nervosité juridique avec pas moins de sept réformes majeures (1995, 1998, 2003, 2005, 2010, 2014, 2018). Elles s’expliquent notamment par la forte progression du nombre de dépôts de dossiers de surendettement auprès de la Banque de France jusqu’en 2014 et par la proportion élevée de redépôts.</p>
<p><iframe id="BbCeJ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/BbCeJ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>À partir de 2014, le nombre de dossiers déposés suivait une tendance baissière particulièrement remarquable avant que la crise sanitaire ne marque une première rupture. Elle a été confirmée récemment par une hausse de 6 % des dépôts sur les neufs premiers mois de 2023. Dans l’attente d’une accalmie sur le front de l’inflation pour 2024 et d’un retour de taux d’intérêt directeurs stables, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/surendettement-malgre-l-inflation-le-nombre-de-dossiers-augmente-legerement-980470.html">chiffre de 6 % a été qualifié de « modéré »</a> par la banque de France, ce qui paraît logique quand on sait qu’en l’espace de deux années et demi, l’inflation alimentaire a atteint près de 21 %.</p>
<p>Au-delà de l’aspect conjoncturel, les évolutions juridiques en la matière marquent en réalité un profond changement de philosophie dans l’appréhension du phénomène de surendettement des particuliers, passé relativement inaperçu, en 2004, alors même qu’il a connu un certain succès.</p>
<p>Au moment de leur institution en 1989, les commissions de surendettement avaient pour principal objectif de faire en sorte que les personnes en grandes difficultés financières (et de bonne foi) puissent bénéficier d’un délai pour payer leurs dettes. Elles visaient ensuite, à permettre aux prêteurs de récupérer tout ou partie de leurs fonds. Les autorités privilégiaient donc la conciliation et les biens nommés « plans conventionnels de redressement » incluant recommandations, réaménagement des dettes et patience afin de trouver une solution devant nécessairement conduire à un remboursement des fonds prêtés sans distinction de créances.</p>
<p>Dans un contexte de fort développement du crédit à la consommation, et donc d’un surendettement plus actif (ou provoqué) que passif (ou subi), cette orientation privilégiant l’intérêt des prêteurs n’a pas permis de contenir l’explosion du nombre de surendettés entre 1995 et 2004. Cela s’explique principalement par la longueur des procédures, le manque de moyens alloués et surtout par un fort taux d’échec des plans de redressement conclus, en dépit des modifications positives mais trop timides apportées par les réformes de 1995 et 1998.</p>
<h2>Une inversion des priorités</h2>
<p>C’est alors que la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000006826545/2003-08-02/">« loi Borloo »</a>, votée en août 2003 et appliquée à partir de 2004, institue la procédure de rétablissement personnel (PRP) aussi qualifiée de « droit à la seconde chance » pour les plus fragiles. Le changement d’approche puise son inspiration dans le régime de « faillite civile » du droit local d’Alsace et de Moselle. Est ainsi introduite une solution alternative aux plans conventionnels de redressement pour les ménages dont la situation est jugée « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire sans espoir d’amélioration.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567450/original/file-20231228-25-cemnu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">C’est à Jean Louis Borloo, alors ministre de la Ville, que l’on doit une évolution légale majeure concernant les ménages surendettés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jacques Witt/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Pour ces derniers, il est possible de bénéficier d’un rétablissement personnel sous la forme d’un effacement total des dettes. Cela vaut à condition d’être de bonne foi. Celle-ci est présumée mais peut être remise en cause, par exemple, en cas d’endettement volontaire, de recours à de nouveaux crédits pendant la procédure, de dépenses superflues, somptuaires ou de gestion irresponsable.</p>
<p>Ce virage législatif va prendre quelques années à se manifester dans les chiffres. Près de vingt années après sa mise en place, il apparaît néanmoins clairement que la PRP s’est imposée comme une solution majeure à la détresse des ménages les plus endettés, au détriment des plans de redressement. Il peut s’interpréter comme une inversion de priorité des autorités publiques puisque cette procédure implique l’impossibilité définitive pour les créanciers de récupérer leur mise de fonds. Leurs pertes s’élèvent, pour l’exercice 2022, à 1,3 milliard d’euros au total, soit moins de 0,05 % du PIB, pour un montant moyen effacé de <a href="https://www.banque-france.fr/system/files/2023-02/suren-2022_enquete-typologique.pdf#page=23">20 224 euros par ménage ayant bénéficié d’une PRP</a>.</p>
<p><iframe id="scA8K" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/scA8K/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les réformes suivantes (2010, 2014) vont renforcer et simplifier le dispositif pour lui donner plus de souplesse et de visibilité tout en limitant la publicité et les abus relatifs aux pratiques des sulfureux crédits renouvables.</p>
<h2>Un endettement de plus en plus passif</h2>
<p>Amorcée en 2014, la décrue du nombre de dossiers de surendettement s’explique par le renouveau du processus législatif qui pousse à une plus large prise en charge collective des situations les plus compromises, mais aussi par une modification substantielle de l’équilibre entre endettement actif et passif. En effet, au cours des quinze dernières années, on observe une progression de la part des ménages surendettés de façon passive, accumulant des dettes de la vie courante (loyers, énergie, communication, transport, assurance, santé, éducation, alimentation, fiscalité), souvent à la suite d’accidents de la vie (accident, décès d’un proche, séparation, pertes d’emplois).</p>
<p>Aussi, la plupart (56 %) des personnes déposant un dossier de surendettement sont des personnes vivant seules. 55 % sont des femmes âgées entre 18 à 54 ans. 25 % sont au chômage. Le niveau de vie médian des ménages ayant bénéficié d’une PRP est de 859 euros. À ce titre, il est à craindre que la crise sanitaire récente puisse encore se manifester dans les statistiques en 2024, notamment dans un contexte d’arrêt des aides publiques pour les ménages les plus modestes (bouclier tarifaire, chèque énergie, prime carburant), mais aussi en raison d’une inflation qui rogne l’épargne accumulée et d’un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7713975#tableau-chomage-g1-fr">chômage qui repart à la hausse</a>.</p>
<p>Les initiatives déployées par la Banque de France sont à encourager et à démocratiser auprès de tous et partout pour enrayer la spirale du surendettement des ménages. Le secteur associatif est aussi un relais important pour toucher tous les publics. En effet, l’éducation financière personnelle et la diffusion de l’information sur des procédures de plus en plus favorables aux débiteurs sont des vecteurs importants pour limiter les comportements dangereux, orienter efficacement les personnes concernées mais aussi mettre fin au sentiment de honte lié au phénomène de surendettement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ydriss Ziane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit, hier plus favorable aux prêteurs, l’est aujourd’hui surtout pour les ménages, ce qui n’est pas neutre dans un contexte où l’endettement est de plus en plus subi.Ydriss Ziane, Maître de conférences de Finance, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2098672023-07-24T18:32:17Z2023-07-24T18:32:17ZMentez-vous à votre banquier pour obtenir un prêt ? Vous n’êtes pas les seuls…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537683/original/file-20230717-207908-66z7oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C36%2C1078%2C770&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un individu déjà endetté peut être tenté d'obtenir un nouveau prêt pour rembourser le premier, alimentant ainsi dette sa « roue de l'infortune ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1328904">Pxhere/Mohamed Hassan</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au début de l’année 2018, environ 45 % des ménages résidant en France étaient endettés, que ce soit pour des raisons privées ou professionnelles, pour un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5371255?sommaire=5371304">montant moyen 79 200 euros</a>. Cela représentait 13 % du montant total de leurs actifs. Plusieurs facteurs, sociétaux ou propres aux individus, favorisent l’endettement. Il y a, bien sûr, l’inflation, l’instabilité du taux directeur ou encore les inégalités sociales.Pour les 10 % des ménages les moins bien dotés, les dettes représentent jusqu’à 38 % de leurs actifs.</p>
<p><iframe id="thjJ0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/thjJ0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au-delà de leur situation économique, certains types de personnes exhibent des tendances au surendettement du fait de leur profil. On peut les reconnaître à trois traits :</p>
<ul>
<li><p>Leur déconnexion envers leurs besoins, buts et préférences financiers : l’emprunteur perd contact avec la réalité notamment en raison du stress financier ou des pressions de l’environnement.</p></li>
<li><p>Leur manque de rationalité, qui décrit les décisions financières sous-optimales, tel le manque de diversification d’un portfolio d’investissements, le paiement de dettes à hauts taux d’intérêt au lieu de privilégier celles à bas taux d’intérêt, ou des achats compulsifs et superflus.</p></li>
<li><p>La tendance à adopter des comportements malhonnêtes pour obtenir des fonds, surtout quand la pression due à l’endettement devient insoutenable, ou alors lorsque prévaut une avidité attisée par un marché hautement spéculatif (<em>bull market</em>) qui fait miroiter des gains substantiels faciles et rapides.</p></li>
</ul>
<p>La combinaison de ces trois traits, que nous avons désignée dans une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ijcs.12838">recherche</a> récente par le terme « dark financial profile » (profil financier obscur), ne peut conduire qu’au désastre (faillite, banqueroute, problèmes avec des usurpateurs ou des prêteurs illégaux). En effet, plus la dette devient insoutenable, plus le stress augmente, causant un fossé avec une réalité trop difficile à accepter. L’individu prend alors les mauvaises décisions financières, lesquelles accroissent sa dette.</p>
<h2>« Roue de l’infortune »</h2>
<p>Pour s’en sortir, il se précipite chez son banquier. Il ne lui dévoile pas l’entière vérité sur son souci financier, enjolive ses revenus, promet de respecter ses engagements, tout en sachant que cela est faux. S’il obtient le prêt convoité, ses mauvaises habitudes étant ancrées, il ne sortira pas plus de son pétrin, au contraire. L’argent obtenu servira à alimenter sa <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joca.12326">« roue de l’infortune »</a>. L’emprunteur devient un hamster qui tourne sa roue sans fin, dans la cage qui le confine, laquelle n’est autre que la trappe de sa dette.</p>
<p>Il faut rapprocher le triangle du <em>dark financial profile</em>, qui peut être circonstanciel (d’où le terme profil et non de personnalité) d’autres triades bien établies. Le <a href="https://ethicsncompliance.com/triangle-fraude/">triangle de la fraude</a> a pour arêtes le besoin (la pression), l’opportunité et la rationalisation. Ainsi, un conseiller financier voudra impressionner et jouir d’un niveau de vie richissime ; il misera sur la vulnérabilité des investisseurs qui croient en lui et justifiera ses actions prédatrices en blâmant leur naïveté et la faiblesse des régulateurs de marché (telle l’Autorité des marchés financiers, ou AMF, en France).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Personne réalisant des achats en ligne" src="https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537687/original/file-20230717-228067-g3zaz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Plus la dette devient insoutenable, plus le stress augmente, causant un fossé avec une réalité trop difficile à accepter.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pickpik.com/ecommerce-shopping-credit-card-payment-money-laptop-40680">Pickpik.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>De même, le <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-coaching--9782100791408-page-58.htm">triangle de Karpman</a> (1968) qualifie les rapports de force transactionnels selon trois rôles : la victime (le prêteur qui se fait avoir par les mensonges de l’emprunteur), le persécuteur ou prédateur (l’emprunteur qui trompe consciemment le prêteur, ou le prêteur usurier qui cherche à se faire rembourser, et le sauveur (le prêteur/banquier qui croit bien faire).</p>
<p>Toutes ces triades ont en commun l’effet dévastateur sur autrui, et éventuellement sur soi-même, l’interdépendance des traits, lesquels se combinent donc pour former une personnalité toxique, parfois trompeuse et privée de remords.</p>
<h2>Un risque répandu</h2>
<p>Au moment d’accorder un prêt, la banque cherchera donc à reconnaître ces <em>patterns</em> comportementaux pour ne pas se retrouver avec un client insolvable. Pour informer au mieux le prêteur, j’ai développé une échelle de mesure qui mesure la possibilité de tromperie d’un emprunteur. Elle tient compte de l’historique de crédit (<em>credit score</em>), de son profil sociodémographique et de ses résultats à ce questionnaire (article de recherche à paraître dans la revue <em>Journal of Economic Issues</em>).</p>
<p>Dans celui-ci, à l’évidence, on ne peut poser directement la question : « êtes-vous malhonnête ? » Cependant, il est possible d’obtenir une approximation de la possibilité de recourir à des mensonges en utilisant la technique reconnue du <a href="https://www.researchgate.net/publication/246699633_Linguistic_inquiry_and_word_count_LIWC"><em>linguistic inquiry and word count</em></a> (LIWC). Cette méthode fut conçue pour évaluer des récits selon quatre critères clés : la pensée formelle, l’influence, l’authenticité (fausse) et le ton émotionnel. Mon questionnaire contient donc des questions développées sur cette base scientifique.</p>
<p>Mes recherches tendent à montrer que la probabilité de tromperie d’un emprunteur est accrue par la présence d’un mauvais historique de crédit et d’un niveau de dette élevé, ainsi que par l’existence de comportements à risque. Elles démontrent que la force sous-jacente derrière la tromperie est une boucle sous la forme de comportements à risque → déconnexion → irrationalité → comportements à risque. Ainsi, il est possible de se faire une idée relativement précise de l’intention réelle ou de la capacité réelle de remboursement des emprunteurs.</p>
<p>Plus surprenant, un nombre significatif de participants à mes recherches ont admis recourir à la tromperie ou ont choisi des récits suggérant la tromperie. Le <em>dark financial profile</em> constitue ainsi le révélateur d’un risque relativement répandu. Ce point prend une importance cruciale si l’on considère l’émergence des plates-formes de prêts en ligne entre particuliers (<em>peer-to-peer lending</em>) telles LendingClub ou Prosper, ou de financement participatif (crowdfunding), surtout que le contact face à face avec tout ce qu’il implique de langage corporel y est absent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209867/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le risque de recourir à la tromperie face à un prêteur, relativement répandu, augmente notamment chez les emprunteurs pris dans la spirale du surendettement.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099832023-07-19T19:12:07Z2023-07-19T19:12:07ZLa Chine principal créancier mondial, une fragilité de plus pour les pays émergents et en développement<p>Au cours des deux dernières années, une <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/sovereign-defaults-are-at-record-high-29-03-2023">nouvelle vague de défauts souverains</a> a vu le jour dans les économies émergentes et en développement (Argentine, Biélorussie, Équateur, Ghana, Liban, Sri Lanka, Suriname, Ukraine, Zambie). Avec <a href="https://www.imf.org/external/pubs/ft/ar/2022/in-focus/debt-dynamics/">25 % des économies émergentes et 60 % des économies en développement surendettées ou présentant un risque élevé de surendettement</a> pour l’année 2022, le risque d’une série de défauts dans les EMDE reste élevé.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">resserrement de la politique monétaire américaine</a>, la hausse des primes de risque sur les dettes souveraines, la réduction des perspectives de croissance mondiale, les tensions géopolitiques inhérentes à la guerre en Ukraine et un niveau d’endettement public élevé constituent autant de vulnérabilités augmentant le risque d’épisodes de tensions sur les dettes souveraines des EMDE.</p>
<p>L’émergence de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a> comme créancier public de grande envergure constitue une vulnérabilité supplémentaire pour les EMDE. Depuis 2015, la Chine est en effet devenue le <a href="https://doi.org/10.1016/j.jinteco.2021.103539">principal créancier public des économies émergentes et en développement</a>.</p>
<p>Les prêts de la Chine s’opèrent par l’intermédiaire de différents créanciers, situés directement sous la supervision du conseil d’État chinois, dont les plus importants sont deux banques publiques : la Banque de développement de Chine et la Banque d’export-import de Chine. Ces deux banques ont, entre 2000 et 2017, réalisé à elles seules plus de 70 % des prêts transfrontaliers directs réalisés par la Chine à destination des EMDE dont plus de 90 % à destination d’États souverains ou d’entreprises d’État.</p>
<p>Alors qu’en 2000, la dette publique extérieure des EMDE détenue par les créanciers publics chinois s’élevait à moins d’un milliard de dollars, en 2017 c’est 355 milliards de dollars que les créanciers chinois détenaient (graphique 1).</p>
<p><iframe id="QKo06" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QKo06/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La politique de gestion des crises de la dette souveraine menée par la Chine dans les EMDE se fonde sur deux stratégies. La première consiste à restructurer la dette de ses débiteurs en la rééchelonnant s’ils sont proches du défaut ou en situation de défaut, tandis que la seconde repose sur l’octroi de « prêts de sauvetage » aux pays débiteurs en situation de grandes difficultés financières. Pour les EMDE, le fort endettement vis-à-vis des créanciers chinois les rend d’autant plus vulnérables que ces deux stratégies n’ont pas pour objectif de réduire le fardeau de leurs dettes.</p>
<h2>Des « prêts de secours » qui allongent la dette</h2>
<p>En effet, les créanciers publics chinois ont, sur la période 2000-2019, restructuré la dette publique extérieure de leurs débiteurs en recourant majoritairement, dans 92 % des cas, au rééchelonnement par extension de la maturité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dette-20647">dette</a> et/ou suspension temporaire des paiements (graphique 2).</p>
<p><iframe id="SYB4F" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SYB4F/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une politique similaire à celle suivie par le Club de Paris (groupe informel composé de 22 pays créanciers) sur la période 1970-1999 quand la quasi-intégralité des allègements de dette consistait en un rééchelonnement ayant pour objectif de <a href="https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.07.003">garantir la valeur faciale des créances détenues</a> plutôt que restaurer la soutenabilité de la dette publique de ses débiteurs.</p>
<p>Ensuite, au cours des années 2000, le Club de Paris, ayant la volonté de restaurer la soutenabilité de ses débiteurs, a favorisé les rééchelonnements accompagnés d’une réduction de la valeur faciale de la dette (« haircut »), dans environ 70 % des restructurations. Une telle stratégie est plus favorable pour les économies en situation de défaut car, dans les années qui suivent, cette politique se traduit par une <a href="https://doi.org/10.1111/jeea.12166">croissance économique plus élevée, une amélioration de la notation de crédit</a> et une <a href="https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2018.07.003">réduction de la pauvreté et des inégalités</a>, contrairement à une politique se fondant uniquement sur un rééchelonnement qui <a href="https://www.ifw-kiel.de/de/publikationen/journal-article/2023/debt-distress-on-chinas-belt-and-road-18013/">ne réduit pas le fardeau de la dette</a>.</p>
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<p>En revanche, pour les EMDE fortement endettées vis-à-vis de l’empire du Milieu et qui <a href="https://www.ifw-kiel.de/de/publikationen/journal-article/2023/debt-distress-on-chinas-belt-and-road-18013/">font face à des épisodes de « stress » sur leur dette</a>, la Chine leur vient en <a href="https://www.nber.org/papers/w31105">aide en leur fournissant des « prêts de secours »</a> afin d’éviter un défaut de paiement imminent. Du fait de leurs très courtes maturités, ces prêts sont très fréquemment réitérés ce qui se solde par un allongement de la dette.</p>
<p>Ces prêts sont également octroyés à des taux d’intérêt considérablement élevés par rapport à ceux pratiqués par les créanciers multilatéraux comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fonds-monetaire-international-fmi-54333">Fonds monétaire international</a> (FMI) ou la Banque mondiale : en moyenne 5 %, un <a href="https://www.nber.org/papers/w31105">taux presque deux fois plus élevés que celui proposé par le FMI</a>, alourdissant ainsi considérablement le fardeau des dettes. Ces renflouements répétés rappellent les <a href="https://doi.org/10.1111/jeea.12166">pratiques de « prêts en série » du FMI</a> au cours des dernières décennies et, plus généralement, les restructurations en série et les crédits-relais accordés par les créanciers privés <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/mac.5.3.85">pendant la crise de la dette des années 1980</a>.</p>
<p>La stratégie consistant à procéder à des rééchelonnements de dette concerne principalement les économies en développement, tandis que la Chine recourt à l’octroi de prêts de sauvetage surtout dans les économies émergentes. Cette différence d’approche peut s’expliquer, en partie, par le niveau d’exposition différent des créanciers chinois aux emprunteurs souverains dans les deux groupes de pays : seuls 20 % des créances chinoises concernent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pays-en-developpement-130323">pays en développement</a> (donc 80 % pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pays-emergents-26780">pays émergents</a>), ce qui peut expliquer que la Chine recourt pour eux à des rééchelonnements <a href="https://doi.org/10.1257/pandp.20231004">car un défaut de leur</a> part n’a qu’un impact limité sur les bilans des créanciers chinois contrairement à un défaut des économies émergentes.</p>
<h2>Une approche chinoise unilatérale</h2>
<p>Au niveau international et face à l’incapacité des EMDE à servir leurs dettes à la suite de la crise sanitaire, une initiative de suspension du service de la dette (DSSI, pour <em>debt service suspension initiative</em> en anglais) avait vu le jour le 15 avril 2020, en pleine pandémie. Celle-ci a permis aux 73 pays éligibles, qui le souhaitaient, de suspendre temporairement (jusqu’à fin 2021) les remboursements d’intérêts et de principal sur les prêts bilatéraux du G20.</p>
<p>À la recherche de solutions plus pérennes, le G20 et les 22 membres du Club de Paris ont approuvé en novembre 2020 un nouveau « Cadre commun pour le traitement de la dette au-delà de la DSSI » pour permettre une remise permanente de dette aux pays éligibles. Ce nouveau cadre suppose une adhésion au principe d’égal traitement des créanciers formalisé par le Club de Paris.</p>
<p>Les EMDE pourraient donc être rassurés par la volonté <em>de jure</em> de la Chine de se coordonner avec les autres créanciers mais, <em>de facto</em>, elle a jusqu’il y a peu privilégié une approche unilatérale dans ses restructurations, en ne prenant pas part <a href="https://doi.org/10.1016/j.inteco.2021.02.004">aux négociations multilatérales</a> organisées par le Club de Paris. De plus, une grande partie des contrats signés avec les créanciers publics chinois contiennent une <a href="https://doi.org/10.1093/epolic/eiac054">clause « No Paris Club »</a> visant à garder leurs dettes hors des restructurations collectives pour obtenir un remboursement préférentiel par rapport aux autres créanciers.</p>
<p>Le durcissement toujours en cours de la politique monétaire dans les pays avancés et les mauvaises perspectives de croissance pour l’économie mondiale font craindre de nouveaux épisodes de « stress » et défauts des EMDE sur leur dette extérieure. La situation pourrait être plus délicate encore dans ces pays si la Chine décidait de poursuivre sa politique de gestion des crises de la dette.</p>
<p>En donnant son accord de principe sur « des pertes » sur ses créances lors de la restructuration de la dette souveraine du Ghana le 17 mai 2023, la Chine a fait un premier pas dans la bonne direction. Mais lors de la décision finale sur la restructuration de la dette souveraine de la Zambie, le 23 juin 2023, après presque trois ans de négociations, elle a à nouveau opté pour sa stratégie antérieure : rééchelonnement avec une <a href="https://www.ft.com/content/e3b66798-1c5c-4c0c-8339-83a76e1e2c34">période de grâce de 3 ans sur les paiements d’intérêt et extension de la maturité de la dette</a>. Le début d’une nouvelle stratégie, que l’accord de principe pour le Ghana pouvait laisser espérer, reste encore à concrétiser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à de nombreux prêteurs internationaux, Pékin prévoit des rééchelonnements de dette mais jamais de réduction faciale du montant à rembourser pour les pays en crise.Florian Morvillier, Économiste, CEPIIErica Perego, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091702023-07-06T17:19:49Z2023-07-06T17:19:49ZCasino, une débâcle prévisible depuis plus d’une décennie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535850/original/file-20230705-20369-vloj9y.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C1%2C1004%2C677&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Casino présente aujourd’hui une dette financière abyssale de 7,4&nbsp;milliards d’euros.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Casino_Super_France_2.JPG">Wikimedia commons/Groupe Casino</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 4 juillet 2023, deux offres de reprise de Casino sont officialisées : Daniel Kretinsky et Marc Ladreit de Lacharrière, d’un côté, et Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Alexandre Zouari, de l’autre se sont portés candidats du groupe de distribution qui connaît aujourd’hui de grandes difficultés. Casino présente aujourd’hui une dette financière abyssale de 7,4 milliards d’euros (contre 5,8 milliards en 2021) et sa part de marché encore perdu environ 1,1 point en un mois pour s’établir <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/grande-distribution-leclerc-grappille-des-parts-de-marche-casino-chute-encore-1467976">à moins de 6 % en mai 2023</a>.</p>
<p>Était-il possible de prédire la chute de ce fleuron de la distribution ? Oui, car l’analyse financière complète des comptes du groupe montrait déjà les risques de défaillance de Casino, notamment en raison du surendettement déjà observé entre 2005 et 2011. En 2021, nous nous étions d’ailleurs appuyés sur ce cas à part pour établir un des fils rouges de notre ouvrage <a href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GC%5Blink%20text%5D(https://theconversation.com/fr/topics/endettement-24846)%20OI=27440100453070"><em>Les 12 travaux de l’analyste financier</em></a> (Éditions Pearson).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676153519240359936"}"></div></p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/analyse-financiere-56156">analyse financière</a>, dans sa définition la plus stricte, consiste en un examen approfondi des comptes d’une entreprise et de ses perspectives dans un but d’évaluation, de mesure de solvabilité ou de diagnostic interne. Elle est la discipline de base de tous les métiers de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/finance-20382">finance</a> au sens large, le principal outil utilisé pour comprendre, financer et évaluer les entreprises.</p>
<p>Le secteur de la distribution est plus complexe qu’il n’y paraît, il n’est pas homogène et est décomposé en une multitude de segments. Il faut tout d’abord établir un distinguo entre la distribution alimentaire et non alimentaire. Les formats de magasins sont également très divers : d’un côté les hypermarchés et de l’autre les petits magasins de proximité, notamment dans les centres-villes. Une autre segmentation existe entre les supermarchés traditionnels et les hard-discounters. Enfin, une nouvelle segmentation a émergé, celle séparant l’e-commerce du commerce physique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/casino-comment-lempire-de-la-distribution-sest-effondre-208035">Casino : comment l’empire de la distribution s’est effondré</a>
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<p>Le groupe Casino, qui a réalisé de nombreuses acquisitions dans les années 2000-2010, est présent sur tous ces segments et s’est très bien positionné en France. Sa stratégie s’est également internationalisée sur cette même période avec une prise de contrôle de distributeurs sud-américains et asiatiques. C’est, à première vue, en 2011, une belle entreprise, mais il restait à entrer dans les détails de chaque division et de chaque activité pour véritablement appréhender la complexité du groupe.</p>
<h2>Cascade de holdings</h2>
<p>En examinant les chiffres de Casino et de Carrefour, l’un de ses principaux concurrents, il était à noter que le premier s’en sortait mieux que le second sur le marché français mais subissait néanmoins une baisse de chiffre d’affaires et de marges dans ses hypermarchés. La part de marché de Casino ne progressait que marginalement malgré la bonne performance de Monoprix, comme l’indiquent les graphiques ci-dessous.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535852/original/file-20230705-7861-bph6pv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Groupe Casino : variation du chiffre d’affaires par divisions et parts de marché en France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100453070">Autrice</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Nous pouvions voir que les segments de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/grande-distribution-22123">grande distribution</a> avaient des niveaux de croissance très différents, avec des positions de marché non identiques. Par exemple, les formats d’hypermarchés et de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/supermarches-22124">supermarchés</a> stagnaient, voire déclinaient. Casino y conservait néanmoins de fortes positions dans ce qui était devenu la « vache à lait » du groupe.</p>
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<p>La structure de l’actionnariat de Casino peut également apporter des éclairages sur les difficultés actuelles. La société est détenue à 49,9 % par le groupe Rallye qui détient en outre 61,2 % des droits de vote. Rallye est une holding et Casino son principal actif. Le groupe Rallye est également coté et détenu par à 55,55 % par une autre holding, et ainsi de suite.</p>
<p>En fait, le groupe Casino est contrôlé par une cascade de holdings remontant jusqu’à Jean-Charles Naouri, son président-directeur général (P-DG). Il en décide donc la stratégie, et ce sans véritable contre-pouvoir. Il préside un conseil d’administration pléthorique de 15 administrateurs, dont seulement un tiers sont considérés comme indépendants. En plus de sa position au sein de Casino, Naouri occupe le poste de P-DG de Rallye et préside évidemment la holding familiale en haut de la pyramide.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535853/original/file-20230705-20369-qjvyfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Groupe Casino : structure de l’actionnariat et de ses holdings de tête.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100453070">Autrice</a></span>
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<p>Cette cascade de holdings a deux autres conséquences majeures sur la stratégie du groupe : d’abord, elle oblige Casino à verser d’importants dividendes, à remonter de manière régulière et continue du cash vers les holdings de tête. C’est autant d’argent non utilisé dans les investissements et le désendettement.</p>
<p>Or, ces dernières se caractérisaient déjà par un fort niveau d’endettement : Rallye avait une dette de 3,4 milliards d’euros, la foncière Euris près de 460 millions d’euros et Finatis 215 millions d’euros. Comme les remboursements de ces dettes nécessitent des flux réguliers de dividendes, près de 60 % des bénéfices du groupe Casino sont ainsi distribués aux actionnaires. En 2010, Rallye avait reçu près de 150 millions d’euros rien que pour payer les intérêts de sa dette.</p>
<p>La seconde conséquence de cette structure en cascade est d’obliger le groupe à prendre soin de ses actionnaires et de son cours de bourse. Même avec la majorité absolue des droits de vote, il était possible de noter (dans le rapport annuel du groupe) que 17,2 % des actions de Casino que détient Rallye étaient nanties pour garantir une partie de la dette que porte la holding. </p>
<p>En 2011, les actions Casino détenues par Rallye avaient une valeur d’environ 4 milliards d’euros, à comparer à la valeur de la dette de Rallye de 3,4 milliards d’euros. Si le cours de bourse venait à baisser de plus de 15 %, la valeur de l’actif deviendrait inférieure au passif. Les banques pourraient alors demander leur clause de nantissement, devenir propriétaire de 17,2 % du groupe et revendre ces actions.</p>
<h2>Un risque financier « significatif » depuis 2011</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=845&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535820/original/file-20230705-17-5lf8x7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1062&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les 12 travaux de l’analyste financier : Un récit, une enquête, une méthodologie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100453070">Éditions Pearson (2021)</a></span>
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<p>L’analyse de l’endettement à partir des bilans de Casino de 2005 à 2011 pouvait également pointer les risques de défaillance du groupe. L’endettement du groupe était déjà important et en constante augmentation, bien qu’à première vue non excessif. En effet, le <em>gearing</em> du groupe (le ratio dette financière nette/capitaux propres qui évalue la solidité financière) qui était proche de 100 % en 2005, passait à moins de 60 % en 2011 ; et le ratio de dette financière nette sur Ebitda (Bénéfices avant intérêts, impôts et dotations aux amortissements et aux provisions sur immobilisations), qui mesure la capacité de l’entreprise à rembourser sa dette, n’était que de 2,7 contre 3,5 auparavant.</p>
<p>À première vue, les ratios de solvabilité s’amélioraient donc entre 2005 et 2011 et le groupe respectait également très largement ses engagements financiers. Cependant, son ratio de couverture des frais financiers s’est dégradé, en raison de la hausse des taux d’intérêt sur cette période. Les agences de notation confirmaient cette analyse en considérant le profil économique du groupe comme « solide » et le profil de risque financier comme « significatif ».</p>
<p>La liquidité était un peu tendue, mais semblait acceptable. Sa seule trésorerie ne couvrait alors que 30 % du passif exigible à court terme, ce qui la mettait à risque de tomber en défaut de paiement à trois ans. Or, comme le groupe ne pouvait ni couper ses dividendes ni réaliser d’augmentation de capital (risque de dilution pour l’actionnaire), la seule solution était un refinancement auprès des banques et donc plus d’endettement. Casino a réussi à garder une notation financière correcte qui lui a permis de continuer à emprunter, jusqu’en mai dernier. Depuis plus d’une décennie, la messe était donc dite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209170/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Jeny ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse financière des données financières du groupe de grande distribution entre 2005 et 2011 montrait déjà plusieurs signaux de fragilité.Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2062272023-05-24T17:32:02Z2023-05-24T17:32:02ZDégradation de la note française : faut-il vraiment s’inquiéter du niveau de la dette ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/527738/original/file-20230523-28-qcb1ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1366&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour le ministre Bruno Le Maire, Fitch a fait preuve de pessimisme en dégradant la note de la dette française.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/52638607928/in/photostream/">World Economic Forum / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Bercy semble avoir coché au marqueur dans son agenda la page du 2 juin, date à laquelle l’agence de notation Standard and Poor’s doit <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/dette-bercy-suspendu-a-la-decision-de-standard-and-poors-1944717">actualiser son jugement sur la dette de la France</a>. Deviendra-t-il plus difficile pour le pays de se financer si son passif est jugé un peu moins soutenable ? La <a href="https://www.bfmtv.com/economie/dette-l-agence-fitch-abaisse-la-note-de-la-france-d-un-cran-a-aa_AD-202304280891.html">dégradation de la note</a> par une autre agence, Fitch, le 28 avril, à « AA- » avait déjà suscité des messages d’« <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/alerte-sur-la-dette-apres-la-sanction-de-fitch-20230501">alerte</a> »].</p>
<p>Certes, la <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette</a> atteignait fin 2022 <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/dette-publique">111,6 % du PIB</a> et suit une trajectoire ascendante depuis plusieurs années, avec une accélération pendant les crises des subprimes et du Covid. Pourtant, sans doute le gouvernement ne s’attendait-il d’ailleurs pas à pareille décision, Bruno le Maire, ministre de l’Économie, qualifiant l’appréciation de « <a href="https://www.bfmtv.com/economie/le-maire-regrette-l-appreciation-pessimiste-de-fitch-qui-sous-evalue-les-consequences-des-reformes_AD-202304280898.html">pessimiste</a> », « sous-évaluant les conséquences des réformes ».</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/topics/france-46334">France</a> a, de fait, voulu mettre en place des mesures pour assainir les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> et rendre la dette plus soutenable, en tête la <a href="https://theconversation.com/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a> qui avait vocation à réaliser <a href="https://www.liberation.fr/checknews/reforme-des-retraites-combien-va-t-elle-rapporter-combien-va-t-elle-couter-20230306_YYILYTCIEND7RIEZS7ZOD7RAZM/">13,5 milliards</a> d’économies. Il y avait eu aussi quelques semaines auparavant l’entrée en vigueur de la réforme de l’assurance chômage pour économiser jusqu’à <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/assurance-chomage-un-excedent-de-pres-de-9-milliards-deuros-prevu-par-lunedic-pour-2025-1460893">4,5 milliards d’euros par an à partir de 2025</a>. Plus récemment, le 26 avril, a été présenté en conseil des ministres un <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2023/04/26/presentation-du-programme-de-stabilite-2023-2027">programme de stabilité</a> pour ramener la dette à 108,3 % du PIB en 2027.</p>
<p>L’argumentaire de Fitch semble en fait porter sur la <a href="https://www.lepoint.fr/economie/abaissement-de-la-note-de-la-france-la-sanction-et-l-avertissement-de-fitch-29-04-2023-2518294_28.php#11">méthode</a> : la manière dont tout cela est mis en place est sujet à de fortes tensions sociales, ce qui augmenterait le risque de récession, d’impasse politique et consécutivement les difficultés à rembourser la dette.</p>
<p>Il ne semble cependant pas y avoir matière à s’inquiéter outre mesure : la note reste bonne. Se demander pourquoi elle le reste nous rappelle ce qu’est véritablement la dette : un instrument qui s’avère pertinent lorsqu’il permet de constituer un actif dont les générations futures tireront un bénéfice, actif que l’on sous-estime d’ailleurs sans doute. C’est pour cela qu’il peut être légitime de leur demander une contribution.</p>
<h2>La France n’est pas en faillite</h2>
<p>Précisions tout d’abord que les agences de notations sont payées pour noter les titres des acteurs privés : elles ne sont pas rémunérées pour s’intéresser aux États. C’est une sorte de vitrine qui fait parler d’elles. Au-delà des décisions de Fitch, Standard and Poor’s ou Moody’s, la troisième grosse agence de notation, il faut aussi garder en tête que la France reste encore très bien notée, de façon absolue comme relative.</p>
<p><iframe id="F2GAE" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/F2GAE/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on convertit les notes usuellement composées de lettres et de « + » et de « - » dans un format scolaire, la France obtiendrait une note entre 17 et 18 sur 20, ce qui reste, en absolu, une très bonne note, même dégradée. En relatif aussi : très peu d’États ont ce résultat-là. La France est certes derrière l’Allemagne, les Pays-Bas ou les États-Unis, mais elle est au niveau du Royaume-Uni et de la Belgique et devance les pays méditerranéens, la Chine et le Japon.</p>
<p>Or, un investisseur qui veut du « sans risque » réfléchit bien de manière relative. Les titres de dettes souveraines comptent parmi les moins risqués et l’objectif est de rester dans les mieux notées même si la note descend. Voilà pourquoi la dégradation par Fitch n’a par exemple pas eu d’impact sur l’écart de taux avec l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="7n9fU" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7n9fU/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si la France reste bien notée, c’est parce qu’il n’y a pas de récession en vue à court terme, que le pays sait lever l’impôt, qu’il n’y a pas de leader extrémiste au pouvoir… C’est aussi car elle n’a pas qu’une dette, qu’un passif : ses actifs aussi augmentent.</p>
<p>Ce fait semble trop souvent oublié. On mesure de manière courante la dette par son poids relatif au PIB, ce qui demeure une approche extrêmement discutable. On met en relation un stock avec un flux de revenus annuel. Il vaudrait mieux comparer un stock avec un stock.</p>
<p>La question qui devrait se poser est plutôt la suivante : la dette contractée a-t-elle permis d’augmenter les actifs ? S’endetter pour payer du fonctionnement ne laisse pas de trace pour l’avenir : je n’ai rien après avoir payé. Si, en revanche, l’opération a permis d’investir dans des infrastructures ou dans des entreprises, un actif se constitue en face. En raisonnant en dette sur PIB, on néglige totalement cet aspect. L’Insee nous en présente les évolutions dans les comptes de patrimoines des administrations.</p>
<p><iframe id="tF3kF" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tF3kF/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La photographie de l’économie va alors contre une idée reçue : les administrations publiques ont plus d’actifs que de passifs. On est loin, très loin d’une situation de faillite. Si l’on regarde un autre indicateur de soutenabilité, il apparaît que la France conserve d’ailleurs toujours une marge de manœuvre car le taux de croissance de l’économie additionné à l’inflation excède toujours les taux d’intérêt.</p>
<h2>Des actifs oubliés ?</h2>
<p>Une partie des actifs n’est d’ailleurs peut-être pas prise en compte au moment de dresser ce bilan. Dans l’exercice des comptes de patrimoine, l’Insee ne dénombre comme actif que ce qu’il peut valoriser. De l’immobilier, des titres financiers, des entreprises publiques, des stocks d’or, pour tout cela il existe un prix de marché. Quid d’un actif qui serait environnemental ?</p>
<p>Y faire figurer l’environnement implique de le monétiser, de le chiffrer en euros pour le comparer avec le passif dans une même unité. Même si les méthodes économiques de préférences déclarées ou révélées progressent, leurs résultats semblent encore assez insatisfaisants. Des investissements aujourd’hui qui développeraient un actif environnemental iraient au passif des comptes de patrimoine car on s’endette pour cela, mais pas dans l’actif car on ne sait pas le mesurer. Or, il y a sans doute là quelque chose de bénéfique pour les générations futures.</p>
<p>Il pourrait en être de même pour des dépenses plus souvent assimilées à des dépenses de fonctionnement comme l’éducation. Il existe un consensus autour d’une <a href="https://editions.flammarion.com/une-autre-voie-est-possible/9782081430150">règle d’or</a> chez les économistes qu’il n’est pas bon de s’endetter pour du fonctionnement pur, qui ne crée pas un actif pour l’avenir, sans accord néanmoins sur ce que l’on place derrière tous ces termes. Les dépenses d’éducation forgent pour l’avenir des citoyens éclairés, des salariés productifs qui pourront payer demain plus d’impôts. On pourrait imaginer laisser les générations futures en payer une partie car ils en ont bénéficié.</p>
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<p>D’autres éléments, qui pèsent déjà lourd sur le passif, peuvent de même être interrogés comme la dette Covid qui correspond à environ 20 points de PIB. Sans même se demander ce qui a été sauvé comme vies humaines, Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’Économie en 2001, a invité ses confrères à mesurer le « missing capital » : si l’État ne s’était pas endetté, combien d’entreprises auraient fait faillite ? Combien aurait-il manqué de capital privé au tissu productif ? En contrepartie de la dette publique du Covid, il y a des actifs privés sauvegardés, ce qui n’apparaît pas dans les comptes de patrimoine des administrations.</p>
<h2>La dette, un instrument, pas un objectif</h2>
<p>Tout cela suggère qu’on ne se pose peut-être pas bien la question. Peut-être, plutôt que de fixer des objectifs de niveau de dette (viser x % du PIB par exemple), s’agit-il de fixer des objectifs sur son utilité. Plutôt que de considérer la dette comme un objectif, il faut rappeler qu’il s’agit d’un instrument et donc questionner l’objectif qu’il sert.</p>
<p>Je suis face à un déficit du système de retraite : la dette est-elle un bon instrument pour le combler ? Je suis face à une crise énergétique : la dette est elle un bon instrument pour sauvegarder le pouvoir d’achat ? Je suis face à une crise sanitaire : la dette est-elle un bon instrument pour maintenir un tissu productif ? Je suis face à une transition écologique nécessaire : la dette est-elle un bon instrument pour décarboner l’économie ? Je veux retrouver une souveraineté médicale : la dette est-elle un bon instrument pour réindustrialiser ? Je veux anticiper des attaques cyber : la dette est-elle un bon instrument pour se doter de protections ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=988&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527733/original/file-20230523-20-hahkyt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1241&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Parfois oui, parfois non. L’idée est de se fixer un objectif de politique publique et de se demander, dans un second temps, si la dette est un instrument pertinent pour atteindre cet objectif, c’est-à-dire s’il est légitime de penser que les générations futures poursuivront aussi cet objectif et en bénéficieront.</p>
<p>Ce raisonnement semble devoir d’autant plus s’appliquer au moment où l’on sort d’une période d’argent gratuit, où les taux étaient nuls sinon négatifs. Puisque l’on va payer des intérêts sur notre dette, puisque la marge de manœuvre se réduit, va se poser de manière plus ténue encore la question de ce à quoi sert la dette. Si l’on s’engage dans une dépense publique non financée par un impôt, puisqu’elle coûte de l’argent, il faut qu’elle soit utile, que les générations futures y trouvent un actif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Heyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il ne s’agit sans doute pas tant de savoir à quel point la France est endettée mais à quel point la dette a pour corollaire des actifs, matériels ou non, dont les générations futures bénéficieront.Éric Heyer, Directeur à l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2057112023-05-16T10:12:25Z2023-05-16T10:12:25Z« Controverses » : Repenser le travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526274/original/file-20230515-26296-ummfq5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un agriculteur laboure un champ de vignes. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/629583">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches</em>.</p>
<p><em>La série « travail » s’attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au cœur des débats politiques.</em></p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/le-travail-pour-autrui-survivance-de-lesclavagisme-dans-nos-economies-150317">Le « travail pour autrui », survivance de l’esclavagisme dans nos économies</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=435&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529839/original/file-20230602-23-6srr7t.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les associations que nous formons entre des phénotypes, des accents, des vêtements, et des emplois ou des places nous viennent largement de la formation de l’économie coloniale que les Européens ont développée, à partir du XVe siècle, en recourant à l’esclavage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Slavery_in_Brazil,_by_Jean-Baptiste_Debret_(1768-1848).jpg">J.B. Debret, « L'esclavage au Brésil », 1834. Wikipédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous attribuons, en permanence, des couleurs au travail. Or, si l’on reprend son histoire, c’est le travail lui-même qui produit des couleurs.</p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/mon-salaire-est-il-vraiment-le-fruit-de-mon-travail-204833">Mon salaire est-il vraiment le fruit de mon travail ?</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Kylan Mbappé assis sur un terrain de foot, ici en 2018" src="https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C21%2C939%2C901&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=592&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526166/original/file-20230515-9834-7dmd16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=744&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un talent brut qui ne serait pas exploité par l’effort individuel n’aurait aucune valeur. Kylan Mbappé ici en 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/52/Kylian_Mbapp%C3%A9_%282%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un lien idéologique fort s’est noué entre travail et appropriation des ressources, dont la notion de propriété. Pourtant certains penseurs questionnent ce rapport entre revenu et travail.</p>
<hr>
<h2><a href="https://theconversation.com/la-dette-nouvelle-forme-de-travail-des-femmes-204323">La dette, nouvelle forme de travail des femmes</a></h2>
<p>Dans différentes régions du monde, la gestion des dettes au quotidien représente un réel travail, principalement assumé par les femmes.</p>
<hr>
<p><em>À lire aussi</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">Le beau travail, une revendication ouvrière trop souvent oubliée</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique et de l’abstention</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">Penser l’après : seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/travailler-oui-mais-pour-pouvoir-aussi-se-realiser-en-dehors-199613">Travailler oui mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors</a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/205711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
La série « travail » s'attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au coeur des débats politiques.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2043232023-05-08T18:07:57Z2023-05-08T18:07:57ZLa dette, nouvelle forme de travail des femmes<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518712/original/file-20230331-16-bbmx2i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em><a href="https://theconversation.com/fr/topics/controverses-133629">« Controverses »</a> est un nouveau format de The Conversation France. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches. La série « travail » s'attache à décrypter des aspects improbables, parfois inconnus ou impensés autour de cette notion actuellement au coeur des débats politiques</em>.</p>
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<p>« Je passe mon temps à gérer et à faire tourner la dette. Comment voulez-vous que je travaille ? » (Pushpurani)</p>
</blockquote>
<p>Femme Dalit (ex-intouchable) d’un village du Tamil Nadu (Inde), Pushpurani jongle en permanence avec dix à vingt prêts, contractés auprès de compagnies financières, de prêteurs informels, de l’élite locale et de voisines.</p>
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<p>« Pourquoi autant de retraités retournent travailler ? À cause des dettes. » (Felipe, habitant d’une <em>favela</em> de Vitoria, Brésil)</p>
</blockquote>
<p>La mère de Felipe, Dona Gê, 74 ans, confectionne des vêtements et vend des gâteaux dans la rue depuis que le remboursement des crédits absorbe 70 % de sa pension de retraite.</p>
<p>Ces témoignages illustrent les répercussions concrètes, pour les femmes de milieux populaires, d’une évolution observée à l’échelle globale ces trois dernières décennies : l’explosion de l’endettement des ménages, tiré par un accès élargi au crédit et une vulnérabilité économique accrue.</p>
<p>Dans différentes régions du monde, la gestion de la dette au quotidien s’apparente à une réelle forme de travail ; or ce « travail de la dette » est en premier lieu déployé par les femmes. Trouver les fonds pour rembourser la dette entraîne ensuite de nouvelles formes de mise au travail, un « travail pour la dette » qui, là encore, touche bien souvent les femmes.</p>
<p>Le travail de la dette et pour la dette émerge ainsi comme une nouvelle forme de travail de l’ombre, gratuit et symptomatique d’économies financiarisées. Deux thèses récentes de doctorat, l’une en <a href="https://www.theses.fr/2021UNIP7255">économie</a>, l’autre en <a href="https://www.theses.fr/s185336">socio-anthropologie</a>, et un <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">ouvrage à paraître</a> rendent compte de cette réalité en Inde et au Brésil.</p>
<h2>L’ampleur de la dette</h2>
<p>Si l’endettement des ménages reste très inégal d’un pays à l’autre, son niveau moyen a quasi doublé entre 1995 et 2021 dans les pays de l’OCDE, passant ainsi de 68 à 127 % du revenu disponible (<a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">OECD, 2023</a>. <a href="https://data.oecd.org/hha/household-debt.htm">L’accélération</a> est particulièrement manifeste dans les Suds. Selon la <a href="https://www.bis.org/statistics/about_credit_stats.htm">BRI</a>, l’endettement des ménages a bondi de 28 à 50 % du PIB dans les économies émergentes entre 2010 et 2022.</p>
<p>Mais tandis qu’au Nord les prêts immobiliers représentent le gros de l’endettement (<a href="https://abc-economie.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/822050_endettement_des_menages.pdf">84 % en France en 2021</a>), son essor dans les Suds est surtout tiré par des formes variées de crédit à la consommation, que des politiques dites d’<a href="https://journals.openedition.org/lectures/17781">inclusion financière</a> ont démocratisé à partir des années 2000, ciblant en priorité les milieux populaires et en particulier les femmes.</p>
<p>Au Brésil, d’après les données de la Banque Centrale, la part des ménages endettés auprès des établissements de crédit est ainsi passée de 44 % à 55 % entre 2010 et 2015 – avant de grimper au cours de la pandémie de Covid-19 pour atteindre 80 % en 2021.</p>
<p>Au Tamil Nadu, à la suite de deux décennies de politiques de bancarisation et de développement du micro-crédit féminin, des <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S1529-212620200000029008/full/html">données d’enquête en zone rurale</a> de <a href="https://odriis.hypotheses.org/who-we-are">l’Observatoire des dynamiques rurales et des inégalités en Inde du Sud</a> documentent une hausse de l’endettement moyen des ménages de 160 à 250 % de leur revenu annuel entre 2010 et 2016. Et la dette pèse plus lourdement sur les femmes, qui gagnent en moyenne <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0305750X20304915">22 % des revenus du ménage mais assument 37 % des dettes</a>.</p>
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<span class="caption">Une correspondante bancaire (au milieu) entourée de femmes. Cette activité remplace en quelque sorte le « distributeur » d’argent dans les villages les plus reculés. Tamil Nadu, 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dans leur vaste majorité, celles-ci visent à « joindre les deux bouts » : se nourrir, se soigner, se loger, payer les factures d’eau, de gaz et d’électricité. Elles permettent aussi de participer à des rituels, de s’équiper en biens de consommation… et de rembourser d’autres dettes.</p>
<p>À cet égard, si le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/vraie-revolution-du-microcredit_9782738132468.php">microcrédit</a> a longtemps été pensé comme une aide à la création d’entreprise et de sortie de la pauvreté, il se révèle être surtout un crédit à la consommation, permettant au mieux de lisser dans le temps recettes et dépenses, au pire agissant comme un facteur de <a href="https://www.routledge.com/Microfinance-Debt-and-Over-Indebtedness-Juggling-with-Money/Guerin-Morvant-Roux-Villarreal/p/book/9780367110840">surendettement</a>.</p>
<h2>Le travail de la dette</h2>
<p>Les femmes des milieux populaires sont en première ligne de nouvelles formes de mise au travail générées par ce recours accru à la finance. Gestionnaires des budgets familiaux, elles se voient accaparées par la gestion et le refinancement des dettes, celles contractées en leur nom propre mais aussi bien souvent celles de l’ensemble de la famille.</p>
<p>Dans le contexte français, les ethnographies d’Ana Perrin-Heredia et de Camille François le montrent bien : les femmes gèrent le <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2009-4-page-95.htm">manque et les découverts</a> et sont les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_gre_et_de_force-9782348074301">premières cibles des huissiers</a> face aux retards de loyer.</p>
<p>Gérer la dette est un réel travail : les tâches sont routinières, chronophages, et mobilisent des compétences bien spécifiques. Au Tamil Nadu, ce « travail de la dette » implique par exemple de prendre en charge des transactions de remboursement mensuelles, hebdomadaires, <a href="https://econpapers.repec.org/paper/solwpaper/2013_2f290603.htm">voire journalières</a>. Il s’agit de jongler avec cinq, dix, quinze prêts à la fois, et de suivre ces écheveaux de dettes par une incessante gymnastique mentale, qui nécessite des calculs complexes basés sur des critères de prix et de sentiments.</p>
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<span class="caption">Une responsable de groupe de microcrédit : ce travail implique de tenir à jour une multitude de documents administratifs, très souvent des archives « papiers » dans les villages.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I.Guérin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Il faut aussi négocier les montants, les prix et les délais de remboursement, afin de les adapter à l’irrégularité et à l’imprévisibilité des revenus, et ce avec un large éventail de prêteurs et de prêteuses. Outre les organisations de microcrédit et les compagnies financières, les prêts proviennent d’une myriade de prêteurs du quartier ou des bourgs voisins, qu’il s’agisse de prêteurs sur gage ou ambulants, de boutiquiers, de l’élite locale, d’amies et de voisines ou encore de parents.</p>
<p>Assurer le travail de la dette, c’est aussi faire face à des remarques désobligeantes ou méprisantes de la part des prêteurs, parfois à des insultes, tout en gardant son calme. Ne pas honorer sa dette est un signe d’irresponsabilité, de frivolité et de mauvaise gestion et empêche de s’endetter à nouveau. Pour les prêteurs, quel que soit leur profil, salir les réputations est une arme redoutable d’incitation au remboursement.</p>
<p>Il faut enfin soigner son apparence et son attitude, pour apparaître comme une femme forte et déterminée, capable de rembourser ses dettes. Et si les moyens matériels manquent, il s’agit de <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/amet.12912">monnayer son corps</a> et d’entrer dans une myriade d’échanges dette-sexe, du sourire et des attouchements à la pénétration.</p>
<h2>Travailler <em>pour</em> la dette</h2>
<p>Le travail de la dette va souvent de pair avec un travail pour la dette, visant à trouver les fonds nécessaires au paiement de dettes et d’intérêts souvent exorbitants. <a href="https://diplomatique.org.br/a-esquerda-brasileira-sobre-as-brasas-do-credito/">Dans les favelas brésiliennes</a>, cela se traduit par un allongement des journées de travail, débordant sur les soirées et les dimanches. On jongle avec deux ou trois activités pour assurer les entrées d’argent liquide. Pour les hommes, il s’agit surtout de travailler sur des chantiers dans des conditions dégradées, sans protection sociale et pour un salaire inférieur au minimum légal.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil" src="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523055/original/file-20230426-28-9lwn8p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">18 heures : Luna étend le linge après avoir passé une journée bien remplie entre le restaurant où elle cuisine (en haut de la favela) et les agences bancaires où elle finance son activité (en bas de la favela). Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">T.Narring</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour les femmes, il peut s’agir d’activités extérieures à la maison, comme femmes de ménage, ou d’activités domestiques, comme la confection de vêtements ou de gâteaux vendus ensuite sur les marchés. C’est en particulier le lot des <a href="https://www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2022-2-page-181.htm">grands-mères</a>, qui continuent à travailler après leur retraite et utilisent leur accès au crédit pour aider leurs enfants au chômage.</p>
<p>Le travail de la dette et le travail pour la dette représentent une immense source de dépossession pour les milieux populaires et de profit pour l’industrie financière, qui s’appuie sur le travail gratuit des femmes comme sur la captation d’une part considérable du revenu des familles : la part des intérêts représente 30 % au Tamil Nadu en 2016 selon l’enquête citée plus haut, 12 % au <a href="https://www.fecomercio.com.br/noticia/em-seis-meses-familias-gastaram-com-juros-o-equivalente-a-73-do-auxilio-emergencial-pago-em-2020-1">Brésil</a> en 2021.</p>
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<span class="caption">Cahier de gestion des comptes tenu par une femme dans un village au Tamil Nadu, Inde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">I. Guérin, 2021</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette exploitation ne saurait toutefois se résoudre à des logiques de prédation financière. Elle prend sa source dans un régime d’accumulation incapable d’assurer la reproduction sociale des travailleurs, où se combine à la fois l’incapacité du capital privé à fournir des salaires de subsistance et l’inefficacité de l’État à fournir une véritable protection sociale.</p>
<h2>Résistances féminines</h2>
<p>Sous des formes atténuées et diverses, on retrouve ces caractéristiques en Europe. En France, les réformes des retraites et de baisse du « coût du travail », menées dans un contexte d’austérité budgétaire, amplifient les difficultés des milieux populaires à « joindre les deux bouts ». Face à <a href="https://www.puf.com/content/Gilets_jaunes_la_r%C3%A9volte_des_budgets_contraints">ces contraintes</a> croissantes, le mouvement des « gilets jaunes » a mis en évidence la place centrale des mères dans la gestion des dettes (factures et crédits immobiliers notamment). Ces mobilisations montrent aussi que le « travail de la dette » est le support de résistances féminines et d’une parole politique, ancrée dans le quotidien des milieux populaires.</p>
<p>Car si les femmes sont des <a href="https://www.sup.org/books/title/?id=36559">actrices de l’ombre de la finance</a>, elles en sont aussi de ferventes opposantes. En <a href="https://tintalimon.com.ar/libro/una-lectura-feminista-de-la-deuda/">Argentine</a>, dans différents pays d’<a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/nos-vies-valent-plus-que-leurs-credits/">Europe</a>, mais aussi au <a href="https://www.cadtm.org/Caravane-Internationale-contre-le-microcredit">Maroc</a>, au <a href="https://www.ft.lk/opinion/%E2%80%9CLife-and-blood%E2%80%9D-of-our-country--but-we-only-have-debt/14-696863">Sri-Lanka</a>, en <a href="https://m.thewire.in/byline/isabelle-guerin-nithya-joseph-and-g-venkatasubrama">Inde</a>, et probablement ailleurs, elles s’élèvent contre la violence de la dette et son poids excessif sur leurs épaules. Ces femmes militent activement pour l’annulation de la dette mais aussi pour des politiques sociales permettant d’éviter cet endettement chronique. Il est temps de les entendre.</p>
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<p><em>À lire aussi</em></p>
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<li><p><a href="https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446">Le beau travail, une revendication ouvrière trop souvent oubliée</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/le-travail-ultime-lieu-de-fabrique-de-la-politique-et-de-labstention-178668">Le travail, ultime lieu de fabrique de la politique et de l’abstention</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/penser-lapres-seule-la-reconversion-ecologique-pourra-eviter-la-deshumanisation-du-travail-138008">Penser l’après : seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail</a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/travailler-oui-mais-pour-pouvoir-aussi-se-realiser-en-dehors-199613">Travailler oui mais pour pouvoir aussi se réaliser en dehors</a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/204323/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans différentes régions du monde, la gestion des dettes au quotidien représente un réel travail, principalement assumé par les femmes.Isabelle Guérin, Directrice de recherche à l'IRD-Cessma (Université de Paris), affiliée à l’Institut Français de Pondichéry, Institut de recherche pour le développement (IRD)Elena Reboul, Post-doctorante, Centre d'études de l'emploi et du travail, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Timothée Narring, ethnographe et sociologue de l'endettement des milieux populaires, Cessma, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2021602023-03-21T00:14:50Z2023-03-21T00:14:50ZFaillites bancaires : le retour de bâton des politiques de taux bas des banques centrales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516353/original/file-20230320-20-hvqobw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=392%2C22%2C943%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour enrayer la hausse des prix, les politiques monétaires ont conduit à resserrer l’accès au crédit.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1638987">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En rédigeant <a href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier-essai.html">l’essai</a> que j’ai consacré aux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=9drkIQNOE40">taux négatifs</a>, à l’été 2016, je suis tombé un peu par hasard, sur un rapport publié l’été précédent par le groupe des 30, think tank réunissant des grands argentiers (banquiers centraux et ministres des finances) à la retraite et quelques banquiers privés. Ouvrage stupéfiant, intitulé <a href="https://group30.org/images/uploads/publications/G30_FundamentalsCentralBanking.pdf"><em>Fundamentals of central banking. Lessons from the crisis</em></a>, en réalité véritable confession des erreurs des banquiers centraux, dans leur vision de l’économie, dans la prévention de la crise financière de 2008 et, surtout, dans sa gestion par les politiques non conventionnelles.</p>
<p>La dernière partie du rapport était consacrée aux différentes voies envisageables pour un « retour à la normale » sans qu’un consensus se dégage quant à la prévention des dérives du crédit et sans trancher, pour y remédier, entre le risque d’en faire trop/trop tôt et de plonger les économies en récession et celui d’en faire trop peu ou trop tard et de créer les conditions d’une rechute plus violente. Bizarrement, ce rapport n’a eu pratiquement aucun écho dans la sphère financière et encore moins dans le monde académique.</p>
<p>Dans l’essai précité, sous-titré <em>Le Trou Noir</em>, j’avançais l’idée que les taux zéro, qui permettent aux banques de se financer quasi gratuitement auprès de la banque centrale, voire négatifs, et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">assouplissements quantitatifs</a> (programmes de rachats massifs d’actifs privés et publics), ou« quantitative easing » (QE), tout en évitant l’écroulement d’un système surendetté, créaient effectivement les conditions d’une prochaine crise, encore plus profonde.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">politiques monétaires</a>, mises en place aux États-Unis en réponse à la crise de 2008 et dans la zone euro en 2015 pour protéger la dette souveraine des États membres, ont en effet favorisé l’accroissement incontrôlé de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endettement-24846">endettement</a>. En conséquence, des opérations à levier financier et des <a href="https://theconversation.com/bourses-un-scenario-de-bulles-localisees-se-dessine-155885">bulles d’actifs</a> se sont développées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/i2aAwJ6ElcI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Survalorisation des actifs financiers : attention danger ! (Xerfi canal, 2022).</span></figcaption>
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<p>J’ajoutais alors que tout délai pour y mettre fin, alors que les économies étaient reparties, ne ferait qu’élargir le fossé entre l’euphorie du moment et la catastrophe à venir.</p>
<h2>Trou noir, épisode 1</h2>
<p><a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/S2043-905920210000015012/full/html?skipTracking=true">À l’été 2019</a>, j’ai tenté, sans rencontrer beaucoup d’échos, de mettre en évidence la gravité, dans cette optique, de la volte-face de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reserve-federale-etats-unis-120711">Réserve fédérale américaine (Fed)</a> qui, après avoir enfin amorcé une normalisation de sa politique monétaire, avait dû se soumettre aux injonctions du président Donald Trump et de la bourse et revenir sans tarder à une politique hyperaccommodante.</p>
<h2>Trou noir, épisode 2</h2>
<p>Le schéma du trou noir semblait alors parfaitement en place. La « colère du marché » de novembre 2018, expression employée par Hervé Hannoun, autre ex-banquier central non complaisant et co-auteur d’un ouvrage percutant, <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3060168"><em>Revolution Required, the Ticking Bomb of the G7 Model</em></a>, pour désigner la baisse violente de Wall Street à l’automne 2018, était le signal de l’intolérance absolue de la sphère financière et, par ricochet, de l’économie tout entière à l’interruption du flot d’argent gratuit.</p>
<p>Les banques centrales se trouvaient donc prises à leur propre piège. Les remèdes monétaires aux déséquilibres structurels des économies occidentales étaient devenus parfaitement iatrogènes. Les arrêter déclencherait crise financière et récession ; les poursuivre aggraverait le risque d’instabilité financière ultérieure.</p>
<p>On peut toujours imaginer que cette façon de toujours repousser les « aggiornamento » douloureux aurait pu continuer de recueillir la confiance mimétique et autoproduite des marchés. Sauf que le monde financier, même s’il s’emploie à y croire avec un acharnement croissant depuis une vingtaine d’années, ne peut vivre éternellement hors du monde réel et s’expose à des retours sur terre aussi brutaux qu’imprévisibles.</p>
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<p>Dans les causes externes d’une reconnexion en forme de déraillement, il était convenu d’évoquer les risques géopolitiques, sociopolitiques (populisme), environnementaux, nucléaires… personne ou presque n’avait considéré le risque sanitaire et la double conséquence d’une pandémie, fût-elle de faible létalité, sur la conduite des affaires monétaires :</p>
<p>1/ la relance des plans de QE en 2020, ou plutôt la mise en route de <a href="https://theconversation.com/lhelicoptere-monetaire-le-dernier-recours-des-politiques-economiques-134672">l’hélicoptère monétaire</a> dans sa version « dépense publique financée par émission de dette instantanément monétisée » ; 2/ l’impact sur les capacités de production (à l’arrêt pour cause de confinement ou freinées par des goulots d’étranglement).</p>
<p>Dans un monde gavé de liquidités, ce choc d’offre, alors que la demande restait soutenue par le « quoi qu’il en coûte » général, allait créer immanquablement la résurgence d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> que la génération aux affaires pensait enterrée pour toujours. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la renaissance d’une capacité de négociation salariale, elle aussi éteinte depuis deux décennies, firent le reste.</p>
<p>Face à la flambée des prix, les taux directeurs des banques centrales, c’est-à-dire le taux auquel elles prêtent de l’argent aux banques commerciales, ont <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">commencé à remonter depuis le printemps 2022 aux États-Unis et l’été 2022 eu Europe</a>. Au plancher depuis des années, ils atteignent aujourd’hui respectivement 4,75 % et 3,5 %.</p>
<p><iframe id="Et6cW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Et6cW/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="AkVL7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/AkVL7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Avant même ce resserrement monétaire, le trilemme des banques centrales était déjà bien identifié :</p>
<ul>
<li><p>Les effets iatrogènes des politiques non conventionnelles nécessitaient d’y mettre fin sans délai.</p></li>
<li><p>Il était impératif de reconstituer des marges de manœuvre en termes de taux d’intérêt et de taille de bilan pour reconstituer un pouvoir contra-cyclique.</p></li>
<li><p>Mais la fragilité des marchés financiers (l’ampleur des opérations à levier d’endettement) rendait l’opération extrêmement périlleuse.</p></li>
</ul>
<p>Après avoir digéré les facteurs conjoncturels exceptionnels du premier semestre 2022, l’inflation, quatrième élément du puzzle, a certes bien décéléré depuis son pic de l’été 2022, mais elle semble aujourd’hui nourrie par des éléments structurels, dont la renaissance d’un pouvoir social revendicatif. Elle vient de donc de s’ajouter à ce véritable casse-tête à un moment où le secteur bancaire semble à nouveau en grande difficulté.</p>
<h2>Trou noir, épisode 3 ?</h2>
<p>Les crises financières commencent presque toujours par des crises bancaires qui ont quant à elles toujours pour cause une solvabilité insuffisante résultant d’une transformation excessive ou, plus pour le dire plus techniquement, d’une asymétrie d’exigibilité entre dettes et créances. Dans le cas de Silicon Valley Bank (SVB), il s’agirait du réemploi en titres longs (<em>treasuries</em>), valorisés au marché, de liquidités à exigibilité immédiate, déposées par les start-up californiennes. D’un côté (actif), le resserrement monétaire a sérieusement déprécié les obligations et de l’autre (passif) lesdites start-up ont brulé leur cash plus rapidement que prévu.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/faillite-de-la-silicon-valley-bank-pourquoi-les-risques-dune-nouvelle-crise-financiere-restent-limites-201650">Faillite de la Silicon Valley Bank : pourquoi les risques d’une nouvelle crise financière restent limités</a>
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<p>S’agit-il, comme on le disait en 2007 au déclenchement de la crise des subprimes, d’une fracture profonde mais étroite sans risque de propagation ? Après tout, cela ne concernerait que des banques régionales américaines, la SVB apparaissant toutefois, avant de s’écrouler, comme la 16<sup>e</sup> banque américaine en termes de bilan. Ou cela constitue-t-il, au contraire, un signal précurseur de problèmes beaucoup plus graves liés à la généralisation de l’effet de levier dans le système financier (y compris via le <em>shadow banking</em>, c’est-à-dire l’ensemble des activités financières non règlementées), favorisée par les politiques monétaires expansives menées partout dans le monde ? D’après Moody’s, les obligations représentent 80 % des actifs détenus par les banques américaines, contre seulement 40 % pour les banques européennes.</p>
<p>L’assouplissement par Donald Trump des règles bancaires instaurées par le Dodd-Franck act, pâle réplique mise en place, après la crise de 2008, du Glass Steagall act aboli par le président Bill Clinton, a servi de cadre à un nouveau laisser-aller coupable dans la surveillance des risques sur les banques « moyennes ». Révélateurs du relâchement général, les emprunts destinés à financer les <a href="https://theconversation.com/la-vague-inquietante-des-rachats-dactions-sur-les-bourses-americaines-117766">rachats d’actions</a> sont devenus les nouveaux moteurs de l’euphorie boursière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rachats-dactions-face-aux-exces-des-marches-une-regulation-encore-trop-timide-191179">Rachats d’actions : face aux excès des marchés, une régulation encore trop timide</a>
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<p>Quant au caractère « régional » de l’affaire (jusqu’au <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise-du-credit-suisse-ubs-accepte-de-doubler-la-mise-pour-racheter-la-banque_5720822.html">rachat, le lundi 20 mars, du Credit Suisse</a>, en grandes difficultés, par sa rivale UBS) il est bon de rappeler encore une fois l’intrication totale du système financier mondial.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1637699909171179520"}"></div></p>
<p>À l’été 2013, l’ancien sous-gouverneur de la Banque de France Jean-Pierre Landau avait présenté au symposium annuel des banquiers centraux, à Jackson Hole aux États-Unis, un papier intitulé <a href="http://www.jeanpierrelandau.com/wp-content/uploads/2013/05/Jackson-Hole-Print.pdf"><em>La Liquidité mondiale, publique et privée</em></a>. Sa thèse était que la surabondance de liquidité au centre du système financier mondial se propage dans toute sa périphérie, du fait des organisations bancaires transnationales et du poids des facteurs « push » qu’elle implique ; cette surliquidité fausse les prix des actifs en attisant l’appétit des investisseurs pour le risque, phénomène auquel s’ajoutent des taux réels trop bas du fait de l’accumulation de réserves de change placées en actifs sans risque des pays avancés.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516344/original/file-20230320-26-xnjl62.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><em>Taux d’intérêt négatifs, le trou noir du capitalisme financier</em>, par Jacques Ninet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://classiques-garnier.com/taux-d-interet-negatifs-le-trou-noir-du-capitalisme-financier.html">Éditions Classiques Garnier</a></span>
</figcaption>
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<h2>Épilogue</h2>
<p>Il est définitivement impossible de prédire quelles seront les conséquences d’un accident financier ou bancaire. Le diagnostic est pourtant sans appel quant à la complexification qu’introduit la lutte contre l’inflation, notamment via le rétablissement de taux réels neutres, dans la conduite des affaires monétaires du monde occidental.</p>
<p>Au-delà de la question de la nature de l’inflation et de la pertinence ou non d’une politique monétaire restrictive (ce que de toute façon elle n’est pas aujourd’hui) pour la combattre, je reste persuadé que la politique des taux zéro a été en son temps le marqueur de la pathologie profonde du capitalise financier occidental, la réponse inefficiente à la contradiction entre son besoin de croissance et le creusement inexorable des inégalités, débouchant sur un endettement, public et privé, toujours croissant.</p>
<p>La mission première des banques centrales est alors devenue la garantie de la solvabilité des États et la préservation de leur possibilité d’emprunter. Dans cette optique, de manière symétrique aux taux zéro dans la décennie 2010, la « lutte contre l’inflation » est devenue à leurs yeux, l’élément central de cette mission de « crédibilisation ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Ninet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La sphère financière réagit vigoureusement à la fin des taux bas que tentent aujourd’hui de mettre en place la Fed et la BCE pour enrayer l’inflation.Jacques Ninet, Professeur associé, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958342022-12-04T17:45:55Z2022-12-04T17:45:55ZÀ quoi ressemblerait l’économie française sans bouclier tarifaire ?<p>En 2021, les prévisions de croissance étaient de <a href="https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021">6,2 % pour 2022 et de 3,7 % pour 2023</a>, selon la Banque de France. En 2022, ces prévisions de croissance ne sont plus que de 2,85 % et 1 % pour ces deux mêmes années (<a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0273_projet-loi">prévisions inscrites dans la loi de finances 2023</a>).</p>
<p>Cette forte réduction de la croissance est due principalement à la guerre en Ukraine qui a induit des problèmes d’approvisionnement énergétique. Dans ce contexte où faible croissance et inflation coexistent, le pouvoir d’achat est alors doublement réduit, par la hausse des prix à la consommation et par une activité, au ralenti, évinçant les progressions salariales.</p>
<p>Dès la fin de l’année 2021, le gouvernement français avait mis en place un bouclier tarifaire qui réduit le prix d’achat des produits énergétiques. En 2022, avec 6,4 %, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> française est en conséquence significativement plus faible qu’en Italie (8 %), en Allemagne (8,3 %), en Belgique (10,3 %) et aux Pays-Bas (12 %).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inflation-pourquoi-la-france-resiste-pour-linstant-mieux-que-ses-voisins-191597">Inflation : pourquoi la France résiste (pour l’instant) mieux que ses voisins</a>
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<p>Cette exception française ne conduit pas son économie à croître moins que celle de ces voisins, une plus faible inflation pouvant en effet révéler une demande en berne. Ainsi, la croissance allemande est prévue à <a href="https://issuu.com/oecd.publishing/docs/allemagne-projection-ocde-perspectives-economiques">1,8 % pour 2022 et 0,3 % pour 2023</a>, selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).</p>
<h2>Il y aurait eu moins de croissance</h2>
<p>Afin d’évaluer la contribution du bouclier tarifaire dans l’explication de ces performances économiques, on doit répondre à deux questions : (<em>i</em>) que se serait-il passé si le bouclier tarifaire n’avait pas été mis en place en 2022 et en 2023 ? ; <em>(ii)</em> que se passera-t-il s’il n’est pas reconduit en 2023, sachant qu’il s’est appliqué en 2022 ?</p>
<p>Pour un coût budgétaire que nous évaluons à 58 milliards pour 2022 et 52 milliards pour 2023, le gain de croissance serait de 1,75 point pour 2022 et de 0,08 point pour 2023. Ce surplus de croissance induit par le bouclier tarifaire est obtenu dans un contexte d’inflation « contenue » : cette mesure aurait réduit l’inflation de 1,1 point en 2022 et de 1,8 point en 2023.</p>
<p><iframe id="H6UaZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H6UaZ/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Notre <a href="https://www.cepremap.fr/2022/11/loi-de-finance-2023-quel-impact-a-eu-le-bouclier-tarifaire-sur-la-croissance-linflation-la-dette-publique-et-les-inegalites/">évaluation de l’impact du bouclier tarifaire</a> sur l’inflation, publié dans une récente note du Centre pour la recherche économique et ses applications (Cepremap) est donc plus faible que celle de l’Institut national de la statistique et des études économiques (<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6524161">Insee</a>). En effet, les reports de consommation qui contractent la demande courante et donc réduisent les tensions inflationnistes sont ici pris en compte, ainsi que des baisses de marges concédées par les entreprises dans ce contexte de forte hausse des coûts.</p>
<h2>La boucle prix-salaires se serait activée</h2>
<p>Le succès du bouclier tarifaire tient à son rôle de frein dans la boucle prix-salaire. Sans cette mesure, les plus fortes tensions inflationnistes engendreraient de plus forts accroissements de salaires et une fragilisation de la croissance, les coûts plus élevés du travail réduisant l’emploi. De plus, même si l’inflation française ne représente qu’une fraction de l’inflation européenne, ce surcroît d’inflation induira à terme une plus forte hausse des taux directeurs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a> qui viendront aussi <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">freiner l’activité économique</a>.</p>
<p>Si le bouclier tarifaire, en application en 2022, n’était pas reconduit en 2023, et ce de façon non anticipée, alors les prévisions pour 2022 ne seraient pas modifiées mais celles pour l’année 2023 seraient dégradées : la croissance serait presque divisée par deux (passage de 1 % à 0,55 %) et il y aurait 0,4 point d’inflation en plus.</p>
<p>Ce surcroît d’inflation induit par la non-reconduction du bouclier tarifaire en 2023 peut sembler modeste. En effet, l’effet mécanique de l’arrêt du bouclier est inflationniste, les prix « subventionnés » devenant les prix « effectifs ». Toutefois, comme le bouclier de 2022 a permis de ne pas enclencher une boucle prix-salaire qui était au maximum de sa puissante au moment de la forte hausse des prix de l’énergie (c’est-à-dire en 2022), l’inflation s’accroît modestement par rapport au scénario avec un bouclier sur deux années.</p>
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<p>Concernant la trajectoire de la dette publique, le coût du bouclier est en partie absorbé par le surplus de croissance et donc de recettes fiscales qu’il crée : la hausse de la dette est de 2,2 points de PIB alors que le coût ex ante est de l’ordre de 3 points de PIB. La moins forte hausse des taux d’intérêt qu’il assure permet aussi de modérer les accroissements de la charge de la dette.</p>
<h2>Il y aurait eu davantage d’inégalités</h2>
<p>Le bouclier tarifaire a également permis de réduire les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/inegalites-20617">inégalités</a>. En effet, les ménages les moins favorisés sont les plus touchés par les hausses de prix de l’énergie car ils y consacrent une part plus importante de leurs revenus.</p>
<p>Avec le bouclier, un ménage favorisé (revenu parmi les 10 % des plus élevés) consomme 2,4 fois plus qu’un ménage modeste (revenu parmi les 10 % des plus bas). Sans le bouclier, les inégalités se seraient davantage accrues, un ménage favorisé pouvant consommer jusqu’à 2,5 fois plus qu’un ménage modeste. Sans le bouclier tarifaire, la crise énergétique est plus inflationniste et réduit plus fortement les possibilités de consommation de ceux pour qui le travail est la principale source de revenus, c’est-à-dire les ménages modestes.</p>
<p>Le bouclier tarifaire, en sauvant des emplois et en contenant l’inflation, aide donc davantage les ménages fortement dépendants des revenus du travail.</p>
<h2>L’indexation des salaires est-elle souhaitable ?</h2>
<p>Dans ce contexte inflationniste, certains ont défendu l’idée d’accompagner le bouclier tarifaire par une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/14/indexation-des-salaires-sur-les-prix-privilegier-la-creativite-plutot-que-l-ideologie_6149707_3232.html">indexation plus rapide des salaires sur les prix</a>. Nos estimations montrent qu’une telle indexation permet effectivement aux employés de voir leurs salaires réels horaire croître. Cependant, le nombre d’heures travaillées chute ce qui <em>in fine</em> réduit la masse salariale et la croissance. La perte de croissance est ainsi de 0,63 point en 2022 alors que le gain en 2023 est minime, 0,03 point. L’inflation est accrue de 1,1 point en 2022 et 0,2 point en 2023.</p>
<p>Ce contexte inflationniste provoque à moyen terme une hausse plus forte des taux d’intérêt, alourdissant la charge de la dette : le ratio dette sur PIB augmente de 1,6 point par rapport au scénario sans indexation. Enfin, comme l’indexation s’applique à tous salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités, ne faisant que réduire les heures travaillées de tous les employés, et donc le pouvoir d’achat de toute la population.</p>
<p>Enfin, comme l’indexation s’applique à tous les salariés, elle ne permet pas de réduire les inégalités.</p>
<h2>Quid d’une politique redistributive de relance ?</h2>
<p>Une alternative au bouclier tarifaire aurait été de distribuer un « chèque » à tous les ménages d’un montant correspondant à une dépense incompressible d’énergie. Nous supposons que cette dépense incompressible correspond à 20 % de la consommation d’énergie du consommateur médian, soit approximativement 500 euros par ménage pour un coût budgétaire de 15 milliards (25 % du coût du bouclier tarifaire).</p>
<p>Cette politique de relance est aussi redistributive car ce transfert identique pour tous représente une part plus grande de budget pour les plus modestes : 31 % de la consommation d’énergie pour les 10 % les plus pauvres, contre 14 % pour les 10 % le plus riches.</p>
<p>Nos estimations indiquent alors que cette politique augmente le taux d’inflation de 1,4 point en 2022 et 1,9 point en 2023, celui-ci étant même supérieur qu’en l’absence de bouclier car au choc d’offre inflationniste, vient s’ajouter la hausse des prix liée au supplément de demande des ménages.</p>
<p><iframe id="QFCrw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QFCrw/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ce soutien par la demande permet toutefois un certain maintien de la croissance : 0,44 point de croissance est gagné en 2022 et 0,35 en 2023, par rapport à une économie sans bouclier tarifaire. Mais si l’on fait maintenant le bilan de cette politique en la comparant au bouclier tarifaire, elle enregistre un déficit de croissance de 0,85 point en 2022 et un gain de 0,27 point pour 2023, soit un 0,45 point de croissance annuelle perdu en moyenne sur ces deux années.</p>
<p>Le bilan financier du gouvernement est aussi dégradé : même avec une réforme moins coûteuse, la croissance perdue et la plus forte hausse des taux d’intérêt, induite par le surcroît d’inflation, conduisent à une hausse de 6,8 points le ratio dette sur PIB.</p>
<p>Du côté des inégalités, cette politique redistributive permet de les réduire plus fortement puisqu’un ménage favorisé ne consommerait plus que 2,05 fois plus qu’un ménage défavorisé. Toutefois, cette réduction des inégalités se produirait dans une économie où tous les ménages consommeraient moins que dans l’économie avec bouclier tarifaire.</p>
<p>Ces analyses indiquent donc clairement que, face à un choc d’offre tel que le choc énergétique, une politique de demande redistributive telle que celle que nous avons testée est « naturellement » dominée par une politique d’offre telle que le bouclier tarifaire. Elles indiquent aussi que l’indexation des salaires fragilise la croissance et l’emploi. Le bouclier tarifaire serait donc un bon compromis entre inflation, croissance, pouvoir d’achat mais aussi inégalités, dont le creusement a également pu être limité par cette mesure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195834/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les estimations du Cepremap, la mesure gouvernementale de protection du pouvoir d’achat engendrera des gains de croissance respectifs de 1,75 et de 0,08 point en 2022 et 2023.François Langot, Professeur d'économie, Chercheur à l'Observatoire Macro du CEPREMAP, Le Mans UniversitéFabien Tripier, Professeur d'économie et chercheur à l'observatoire macro du CEPREMAP, Université Paris Dauphine – PSLJean-Olivier Hairault, Professeur d'économie et Directeur Scientifique de l'Observatoire Macro du Cepremap, Paris School of Economics – École d'économie de ParisSelma Malmberg, Doctorante en macroéconomie au CEPREMAP, Chargée d'enseignement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1953312022-11-28T19:03:20Z2022-11-28T19:03:20ZFTX : une liquidation entre spéculation effrénée, gouvernance défaillante et pratiques délictuelles<blockquote>
<p>« Vous étiez ma famille, j’aurais aimé être plus prudent ».</p>
</blockquote>
<p>Dans la lettre adressée à ses employés, Sam Bankman-Fried, 30 ans, jette un œil amer dans le rétroviseur pour regarder FTX (pour Future Exchange), deuxième plate-forme mondiale d’échange de cryptomonnaies, qu’il avait fondée en 2019. Au gré de l’évolution des marchés, elle aurait vu les collatéraux sur lesquels s’appuyaient ses emprunts chuter de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/sam-bankman-fried-tente-de-calmer-un-scandale-qui-prend-chaque-jour-de-lampleur-1882002">60 à 9 milliards de dollars</a> entre le début de l’année et le 11 novembre, jour où le groupe s’est déclaré en faillite avec ses 130 filiales et ses 520 collaborateurs.</p>
<p>La semaine précédente, la fortune du golden-boy était encore estimée par l’agence Bloomberg à <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-11/sam-bankman-fried-s-assets-go-from-16-billion-to-zero-after-ftx-collapse">16 milliards de dollars</a> : elle est depuis tombée à zéro, avec en prime un passif potentiellement gargantuesque au vu de l’avalanche de procès qui l’attend.</p>
<p>D’après les documents consultés par le <a href="https://www.ft.com/content/0c2a55b6-d34c-4685-8a8d-3c9628f1f185"><em>Financial Times</em></a>, plus de 100 000 clients ayant déposé capitaux et jetons électroniques chez FTX ont été lésés et il manquerait au moins 3 milliards de dollars pour les rembourser. John Ray, en charge de la liquidation du groupe, confesse n’avoir <a href="https://korii.slate.fr/biz/cryptos-ftx-liquidateur-enron-john-ray-jamais-vu-tel-bordel-sam-bankman-fried-comptabilite-emojis-fraudes">« jamais vu pareil échec »</a>. Et celui qui avait géré en 2001 la faillite <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/ftx-le-liquidateur-denron-aux-manettes-1880619">d’Enron</a>, une des plus retentissantes de l’histoire contemporaine, sait de quoi il parle.</p>
<h2>5 milliards en jetons créés par FTX</h2>
<p>Sam Bankman-Fried, citoyen américain vivant dans un penthouse en collectivité à Nassau aux Bahamas avait connu une fulgurante réussite en surfant sur la <a href="https://theconversation.com/le-bitcoin-bulle-speculative-ou-valeur-davenir-88292">folie du bitcoin</a>. Avec un remarquable sens du marketing, il s’était entouré de prestigieux ambassadeurs comme la joueuse de tennis Naomi Osaka, l’ancien basketteur Shaquille O’Neal et la gloire du football américain Tom Brady qui associé à son ex-<em>girl friend</em> la top-modèle Gisèle Bündchen avait même tourné en 2021 un clip publicitaire à 20 millions de dollars appâtant le chaland pour FTX par un :</p>
<blockquote>
<p>« Tu en es ? »</p>
</blockquote>
<p>« Sam » avait d’ailleurs l’habitude de ridiculiser les sceptiques qui passaient à côté de l’affaire du siècle en les gratifiant d’un « Have fun staying poor » (« Restez pauvres et amusez-vous bien »). Gros donateur du parti démocrate lors de l’élection présidentielle de 2020 et de la campagne des mid-terms (<a href="https://fr.cointelegraph.com/news/sbf-has-been-a-significant-donor-in-us-midterm-elections">avec 40 millions de dollars</a>), défenseur d’une régulation raisonnée des cryptodevises, il passait presque pour un sage à Washington. Le magazine <em>Fortune</em> le présentait même comme le futur Warren Buffet, l’homme d’affaires aux <a href="https://www.forbes.com/profile/warren-buffett/?sh=5d3ec2d94639">110 milliards de dollars</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1593262926705487872"}"></div></p>
<p>Une fois de plus le célèbre économiste <a href="https://www.lesechos.fr/1992/03/breve-histoire-de-leuphorie-financiere-de-john-kenneth-galbraith-922620">John K. Galbraith</a> avait raison :</p>
<blockquote>
<p>« le génie précède souvent la chute ».</p>
</blockquote>
<p>La panique autour de FTX a, certes, été déclenchée par le retrait très médiatisé le dimanche 6 novembre de 500 millions de dollars de la plate-forme par son principal concurrent, l’entrepreneur sino-canadien Changpeng Zhao. Reste que les ennuis de Bankman-Fried trouvent d’abord leur source dans le plongeon du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bitcoin-29386">bitcoin</a>. Son cours est passé, en un an, d’un record historique de près de 70 000 dollars à moins de 20 000 dollars, fragilisant un échafaudage particulièrement intrépide et fragile.</p>
<p><iframe id="EFhh1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/EFhh1/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Juste avant sa faillite, FTX ne disposait pour faire face aux 9 milliards de dépôts à vue de ses clients que d’un milliard de dollars d’actifs liquides, dont des stablecoins en théorie liés aux devises traditionnelles pour limiter la volatilité de leurs cours, et d’environ 3,5 milliards de placements plus ou moins liquides.</p>
<p>Tout le reste, soit près de 5 milliards de dollars, était constitué de FTT, des jetons (tokens) créés par FTX. Leur valeur intrinsèque s’avère nulle mais elle avait connu une très forte hausse depuis l’émission. Au plus haut, le cours du FTT culminait à 80 dollars, ce qui <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">valorisait FTX à 32 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>Une filiale aux Bahamas</h2>
<p>Ce n’est pas tout. Selon le site d’information <em>Coindesk</em>, « Sam » avait créé une filiale dénommée Alameda basée aux Bahamas qui investissait massivement les milliards de ses propres clients sur les cryptomonnaies avec l’effet de levier d’une dette de quelque <a href="https://www.coindesk.com/business/2022/11/06/binance-sells-holdings-of-ftx-token-as-alameda-ceo-defends-firms-financial-condition/">8 milliards de dollars</a>, à la manière d’un hedge fund (fonds spéculatif).</p>
<p>Au cours de l’été 2022, l’implosion des crypto-companies dans lesquelles Alameda avait investi, comme le fonds Arrows Capital, ou Voyager, une plate-forme de prêts, aurait poussé Bankman-Fried à renflouer Alameda en lui transférant plus de la moitié des 16 milliards de dollars de capitaux déposés par les clients de FTX.</p>
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<p>La déconfiture de l’empire FTX est ainsi la conjonction d’une volonté de croître à tout prix, du recours à un fort endettement pour investir dans des actifs extrêmement spéculatifs (et en forte baisse depuis un an), d’une gouvernance défaillante, d’un contrôle interne inexistant (<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/14/cryptomonnaies-ftx-confirme-avoir-ete-victime-d-un-piratage-apres-avoir-fait-faillite_6149793_4408996.html">600 millions de dollars</a> auraient été siphonnés par un pirate au milieu du naufrage) et surtout de pratiques délictuelles puisqu’un dépositaire ne peut en aucun cas utiliser l’argent de ses clients à sa guise. Globalement, le groupe pourrait présenter un <a href="https://www.economist.com/briefing/2022/11/17/the-failure-of-ftx-and-sam-bankman-fried-will-leave-deep-scars">passif net de l’ordre de 10 milliards de dollars</a>.</p>
<h2>« Séquence stressante »</h2>
<p>Que les traders en herbe de l’économie numérique se soient laissé aveugler par l’appât du gain n’est pas surprenant. Que la holding japonaise SoftBank, qui avait déjà défrayé la chronique en 2021 pour ses investissements hasardeux (<a href="https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/softbank-dans-le-rouge-son-vision-fund-a-fondu-de-10-mds-1847328">10 milliards de dollars de pertes</a> entre juin et septembre 2022), soit exposée à un risque de <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/softbank-renoue-avec-les-profits-grace-a-la-vente-partielle-de-ses-titres-alibaba-1878178">perte d’environ 100 millions de dollars</a>, ne l’est pas beaucoup plus…</p>
<p>Mais que Sequoia Capital, l’un des gérants les plus aguerris de la Silicon Valley, Temasek, le fonds souverain de Singapour ou encore la caisse de retraite des enseignants de l’Ontario se soient fourvoyés chez FTX posent de sérieuses questions sur le processus d’investissement des professionnels.</p>
<p>Il est désormais certain que les investisseurs institutionnels tentés par la cryptoéconomie vont y réfléchir à deux fois, ce qui va priver de carburant un bitcoin qui est déjà clairement sur une trajectoire descendante. D’autant que, comme on pouvait s’y attendre, la chute de FTX a déclenché un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/11/12/ftx-la-faillite-qui-ebranle-les-cryptomonnaies_6149585_3234.html">effet domino</a> dans le monde des cryptomonnaies. Ainsi Gemini, plate-forme des frères <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-freres-winklevoss-la-revanche-des-inventeurs-de-facebook-20210423">Winklevoss</a> (ceux qui accusent Mark Zuckerberg de leur avoir subtilisé le concept de Facebook), a immédiatement <a href="https://cryptonaute.fr/programme-recompenses-gemini-inaccessible/">gelé son programme de prêts Gemini Earn</a> qui permettait de financer des emprunteurs institutionnels en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cryptomonnaie-44057">cryptomonnaie</a>.</p>
<p>« La semaine qui vient de s’écouler a été incroyablement difficile et stressante pour notre secteur », <a href="https://twitter.com/Gemini/status/1592873283124617217?">a déploré l’entreprise</a> sur Twitter, le 16 novembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1592873283124617217"}"></div></p>
<p>BlockFi a également bloqué l’ensemble de sa plate-forme soit 3,9 milliards de dollars à fin juin répartis sur plus de 650 000 comptes. « Nous avons une exposition significative sur FTX », a reconnu son dirigeant, plusieurs médias américains indiquant qu’il envisageait de <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-11-16/blockfi-said-to-plan-imminent-bankruptcy-filing-amid-ftx-fallout">déposer le bilan</a>.</p>
<h2>Des répercussions en France</h2>
<p>La France n’est pas épargnée par l’onde de choc puisque la plate-forme d’échange tricolore <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/11/18/ftx-la-faillite-de-la-plate-forme-de-cryptomonnaies-contamine-toute-l-industrie_6150481_4408996.html"><em>Coinhouse</em></a> a confirmé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir bloqué les retraits de ses clients en invoquant « des tensions globales sur le marché crypto et une pression sur les liquidités » du fait de difficultés chez certains de ses sites partenaires.</p>
<p>Si le monde des cryptomonnaies vit désormais dans l’angoisse d’un « bank run » général (une ruée pour retirer les fonds des dépositaires), la faillite de FTX semble, <em>a contrario</em>, prouver l’immunité des marchés financiers traditionnels et du système bancaire et l’effondrement de la cryptosphère ne constitue sans doute pas une menace pour la stabilité financière globale.</p>
<p>La morale de cette faillite : que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculateurs</a> perdent leur chemise en misant inconsidérément sur le bitcoin et consorts est dans l’ordre des choses. En revanche, que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> contournent le principe fondateur qui interdit à un dépositaire d’utiliser les fonds ou les actifs de ses clients n’est pas acceptable : ses détournements doivent être punis et leurs acteurs enfin régulés par une autorité de marché.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les répercussions de la chute de la plate-forme d'échanges de cryptomonnaies américaine, qui s’est déclaré en cessation de paiement le 11 novembre dernier, s’observent jusqu’en France.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916402022-10-05T15:23:05Z2022-10-05T15:23:05ZPLF 2023 : jusqu’à quel point pouvons-nous vivre à crédit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/487738/original/file-20221003-14-6r6og2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1180%2C862&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 10 ans, les dépenses publiques sont passées de 56,3% à 59% du PIB.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/luc/398921997">Luc Legay/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la suite de la présentation en conseil des ministres, le 26 septembre, du <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/286445-projet-de-loi-de-finances-2023-plf-budget-2023">projet de loi de finances (PLF) 2023</a> et des projections 2023-27, l’opposition – a priori insoluble – entre les tenants d’une gestion budgétaire saine et le gouvernement a refait surface. Le débat se cristallise une nouvelle fois sur deux chiffres : le déficit budgétaire – 5 % et le niveau d’endettement – 111,2 %, tous deux rapportés au PIB. Au point que désormais, même la sensible réforme des retraites apparaît comme un levier pour réduire le poids de la dette par rapport au PIB.</p>
<p>Pour les premiers, la <a href="https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/projet-de-loi-de-finances-plf-2023-le-mouvement-des-entreprises-de-france-regrette-le-manque-dambition-en-matiere-de-baisse-des-depenses-publiques-et-appelle-a-une-sobriete-budgetaire">trajectoire n’est pas soutenable</a> et ne peut conduire tôt ou tard, qu’à un manque structurel de ressources de l’État, voire à sa défaillance. Pour le second, il s’agit de souligner la stabilisation des soldes avant le retour à une situation « normale » en 2027 et la capacité à mobiliser des ressources suffisantes pour répondre de manière pertinente aux priorités auxquelles doit faire face le pays.</p>
<p><iframe id="e39wv" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e39wv/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour y parvenir, l’agence France Trésor prévoit, entre autres, de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-france-va-emprunter-le-montant-record-de-270-milliards-deuros-sur-les-marches-1851744">lever 270 milliards</a>, par un programme d’émission de titres d’État, dont 159 pour financer le déficit. Or, comme l’a montré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/28/au-royaume-uni-la-banque-d-angleterre-agit-en-urgence-pour-enrayer-la-panique-financiere_6143605_3234.html">l’exemple britannique récent</a>, tout émetteur peut se retrouver rapidement confronté à l’impossibilité de lever de nouvelles ressources, indépendamment du taux exigé. Si cela devait arriver, il y aurait un risque majeur pour la stabilité financière du pays.</p>
<h2>Recettes éculées</h2>
<p>Notre propos n’est pas de prédire l’avenir, exercice d’autant plus périlleux que la multiplication des risques a fortement réduit la visibilité. Nous cherchons à reposer un cadre d’analyse, autour des questions des besoins de financement, d’une part, et des ressources durablement mobilisables – donc de la dette – d’autre part, dans un contexte de marché où l’aversion au risque s’est fortement appréciée.</p>
<p>Quels sont les enjeux de ce PLF 2023 ? Encore plus qu’au cours des 10 dernières années, de dégager les moyens de financer : des projets à long terme – tels que l’évolution du mix énergétique ; les déficits courants sachant que sur la dernière décennie les <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief108.pdf">dépenses publiques sont passées de 56,3 % à 59 % du PIB</a> alors que les recettes sont passées de 51,1 % à 52,6 % du PIB ; à défaut de rembourser la dette publique, préserver a minima la confiance des préteurs dans la qualité de la notation de la France ; enfin, au vu du contexte, pouvoir mettre en œuvre une politique conjoncturelle, nécessaire pour éviter la récession annoncée.</p>
<p>Les principales recettes auxquelles l’État a habituellement recours sont bien connues. Mais qu’en est-il de leur efficacité ?</p>
<p>S’agissant d’une reprise durable de la croissance, cette option constitue le fondement même du modèle dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et fait systématiquement partie des hypothèses prises en compte dans les modèles utilisés dans le cadre de la politique économique. Cependant, une analyse des données macro-économiques démontre la baisse tendancielle de la croissance potentielle de l’économie française (de 1,2 % à 1 % en 2025 sans réforme des retraites et de 1.5 % à 1.3 % avec une réforme, selon l’OFCE), et ce d’autant plus si l’on intègre les changements structurels dans le fonctionnement de notre économie, nés du retour de l’instabilité géopolitique en Europe combinée à une modification durable de la structure des échanges commerciaux.</p>
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<p>S’agissant d’une réduction des dépenses courantes, la combinaison entre l’accroissement de l’amplitude des chocs conjoncturels et la baisse de l’acceptabilité des conséquences de ces chocs par les agents économiques – en particulier les ménages – la rend ce type de décision politique impraticable sur le plan social.</p>
<p>L’exécutif peut alors chercher à récolter les bénéfices de l’inflation – partant du principe simple selon lequel, en gonflant les recettes de l’État, plus rapidement que ses dépenses – y compris le coût de la dette publique – l’inflation permet de dégager des recettes supplémentaires, de financer les dépenses courantes et d’amorcer un remboursement de la dette, sans effort. Toutefois, l’inflation impacte également les dépenses et le coût de la dette (à terme), ne crée malheureusement pas de richesse et confisque une partie de l’épargne.</p>
<h2>Valeur du patrimoine</h2>
<p>Nous arrivons ici au cœur de la polémique : le recours à la dette de manière structurelle semble donc par élimination le levier le plus simple à actionner. Rappelons que notre propos n’est pas ici de prendre parti pour ou contre l’usage de la dette mais d’explorer les voies permettant de financer – sous contrainte – les besoins que nous avons déterminés au début de cet article.</p>
<p>Si nous reprenons le PLF 2023, il est prévu que la dette rapportée au PIB atteigne 111,2 %. Avant de s’en alarmer, deux constats s’imposent. Tout d’abord, un prêteur appréhende son risque sous deux angles : la valeur des actifs financés et les flux de trésorerie (cash-flows) susceptibles d’être affectés au remboursement de la dette. Nous en déduisons aisément que le ratio de la dette est loin d’être un indicateur pertinent. En effet, le niveau de PIB ne présume ni des cash flows (l’excédent primaire) nécessaires au service de la dette, ni de la valeur des actifs (le patrimoine).</p>
<p>Or si à l’évidence le budget de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/09/25/20002-20130925ARTFIG00004-le-dernier-budget-excedentaire-remonte-a8230-1974.php">l’État ne dégage plus d’excédents depuis longtemps</a>, la valeur de son patrimoine est en revanche de nature à conserver la confiance des prêteurs. Sur les 10 dernières années, sa croissance moyenne en valeur a été plus rapide que celle du PIB et le patrimoine net des agents économiques (ménages, entreprises et État) représentait 9,6 fois la valeur du <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1690">produit intérieur net</a> (PIN) à fin 2020, soit un taux d’endettement net associé relativement bas à hauteur de 16 %.</p>
<p><iframe id="NYrZd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/NYrZd/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on complète cette analyse avec des éléments relatifs à la qualité des actifs, on peut comprendre le maintien de la confiance des prêteurs, même si évolution de l’écart entre les taux auxquels s’endettent aujourd’hui l’Allemagne et la France (le « spread ») souligne la <a href="https://fr.investing.com/rates-bonds/de-10y-vs-fr-10y">vigilance des investisseurs</a>.</p>
<p>Si elle ne règle pas la question d’un niveau de dette supportable, cette approche semble donc de nature à rassurer quant à la capacité de la France à mobiliser des ressources supplémentaires pour financer les besoins définis au début de cet article. Deux ombres au tableau subsistent néanmoins : d’abord, la valeur du patrimoine national peut diminuer sous l’effet de la résurgence de l’inflation ; d’autres part, et de manière plus problématique, la dette est désormais principalement détenue par l’État – conséquence directe des deux dernières crises (2009 puis 2020) – alors que l’essentiel des actifs est détenu par les ménages.</p>
<h2>Efficience de la dépense</h2>
<p>Dès lors, dans la mesure où les patrimoines ne sont pas fongibles et où il apparait socialement insupportable d’augmenter les prélèvements, deux voies nous semblent devoir être privilégiées :</p>
<ul>
<li><p>Un <a href="https://theconversation.com/une-solution-a-la-japonaise-pour-eviter-la-crise-des-dettes-souveraines-137264">scénario à la japonaise</a>, dans lequel l’État incite les ménages à acheter de la dette domestique. Toutefois, il reste à savoir si, à l’heure d’internet, le patriotisme économique sera suffisant pour mobiliser des montants significatifs, et si les conditions financières proposées ne reviendront pas à créer un prélèvement volontaire déguisé.</p></li>
<li><p>Un appel accru au privé pour financer en particulier les infrastructures et les grands projets. Les outils existent et peuvent s’avérer d’autant plus intéressants sur un plan budgétaire qu’ils peuvent permettre de monétiser des actifs « incorporels ». Ces actifs prennent alors la forme de droits à acquérir pour opérer dans un secteur, voire à renouveler périodiquement, comme c’est le cas des fréquences dans la téléphonie mobile.</p></li>
</ul>
<p>Vivre à crédit apparaît donc comme la solution la plus consensuelle : simple à mettre en œuvre y compris sur le plan social. Une condition est néanmoins indispensable pour que l’État puisse continuer à mobiliser cette ressource à bon marché et à hauteur de ses besoins : qu’elle soit potentiellement créatrice de richesse nette. Il n’est alors pas tant question de niveau de déficit que d’efficience des dépenses et des investissements et de la capacité à piloter les politiques budgétaires sur le long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le budget prévisionnel pour l’année prochaine affiche un déficit de 5 % et niveau d’endettement de 111,2 % rapporté au PIB. Une situation (pour l’instant) soutenable. Décryptage.Jean Pascal Brivady, Professeur, EM Lyon Business SchoolAbdel Mokhtari, Economiste, Chargé de cours, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1885552022-08-19T13:40:08Z2022-08-19T13:40:08ZSix façons de se préparer à la prochaine récession<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479706/original/file-20220817-15-6sjwfd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les économistes canadiens prévoient une récession dans le courant de l’année 2023.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Malgré les apparences, <a href="https://www.nationalobserver.com/2022/07/12/news/most-canadians-think-country-recession-prices-rising">et c’est ce que de nombreuses personnes croient</a>, nous ne sommes pas encore en récession. Une récession est définie comme deux trimestres successifs de croissance négative du PIB, mais il s’agit essentiellement <a href="https://www.dallasfed.org/research/economics/2022/0802/">d’une période où la croissance économique chute de manière considérable avec une augmentation du taux de chômage</a>.</p>
<p>En raison de l’absence d’une définition précise, on ne s’accorde pas toujours à dire qu’une économie est en récession. Au Canada, le gouvernement n’a pas fait de déclaration récente, mais le <a href="https://www.cdhowe.org/">C.D. Howe Institute</a>, un organisme canadien de recherche politique à but non lucratif, suit les récessions de façon indépendante.</p>
<p>Selon l’Institut, la dernière récession <a href="https://www.cdhowe.org/council-reports/cd-howe-institute-business-cycle-council-declares-end-Covid-19-recession">a commencé en mars 2020 au plus fort de la première vague de Covid-19</a>. L’Institut a déclaré la fin de la récession en août 2021. La <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/canadians-shopping-rising-food-costs-1.6483250">crise actuelle liée au coût de la vie</a> pousse de nombreux Canadiens à se demander quand aura lieu la prochaine.</p>
<h2>Une inflation galopante</h2>
<p>Les économistes sont unanimes à penser qu’une <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-canada-to-enter-moderate-and-short-lived-recession-in-2023-warns-rbc/">récession se produira probablement en 2023</a>. Cette prévision s’explique en grande partie par la hausse vigoureuse des taux d’intérêt par les <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/17/business/economy/global-central-banks-inflation.html">banques centrales du monde entier pour lutter contre l’inflation</a>.</p>
<p>Les taux d’inflation — le taux d’augmentation des prix que nous payons pour les biens et services — ont <a href="https://www.cbc.ca/news/business/canada-inflation-rate-1.6526060">atteint des niveaux jamais vus depuis quatre décennies</a>. Les taux d’inflation élevés affectent le pouvoir d’achat et les gens ont de plus en plus de mal à se procurer les produits de première nécessité, comme les denrées alimentaires. L’inflation <a href="https://www.nber.org/digest/dec97/does-inflation-harm-economic-growth">a également des répercussions négatives sur l’efficacité économique, entraînant une diminution globale de la croissance</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un gros plan d’une pompe à essence avec un prix de 208,9 visible en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477733/original/file-20220804-19-vxx1cq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’inflation a fait grimper le coût de la vie pour de nombreux Canadiens, se répercutant sur le prix de l’essence, de la nourriture et du loyer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lorsque les taux d’intérêt augmentent, il devient plus difficile de <a href="https://www.cnbc.com/2022/07/27/how-the-federal-reserve-fights-inflation-through-interest-rate-hikes.html">financer l’achat de biens plus importants, comme les voitures, les maisons et les vacances</a>. La hausse des taux d’intérêt rend plus coûteux tout achat nécessitant un financement.</p>
<p>Les dettes existantes assorties de taux d’intérêt variables entraînent également une majoration du coût de portage de ces dettes. Par conséquent, la demande de nombreux biens et services diminue, tout comme l’inflation.</p>
<h3>Que se passe-t-il lors d’une récession ?</h3>
<p>Pendant une récession, les entreprises sont obligées de réduire l’embauche, de licencier des travailleurs et de diminuer les heures de travail. Si une récession survient, des dizaines de milliers de Canadiens se retrouveront au chômage ou verront leurs heures de travail réduites.</p>
<p>Un grand nombre de ces pertes d’emploi seront concentrées dans le secteur des services, en particulier dans l’économie de petits boulots où les <a href="https://theconversation.com/workers-in-the-gig-economy-feel-lonely-and-powerless-127188">revenus ont tendance à être plus faibles et l’emploi est précaire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un masque transporte une boîte d’effets personnels devant une rangée de cubicules" src="https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477734/original/file-20220804-22-11crg9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une récession entraînera des pertes d’emploi pour de nombreux Canadiens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Une perte de revenu signifie que les gens doivent puiser dans leurs économies — en supposant qu’ils en aient — pour payer les articles essentiels comme la nourriture, le logement et le transport. Les pertes d’emploi potentielles ou la réduction des heures de travail constituent donc la plus grande conséquence d’une récession ; la plupart des gens doivent s’y préparer.</p>
<h2>Comment se préparer</h2>
<p>Avec une récession qui semble imminente, de nombreux Canadiens s’inquiètent à juste titre de l’état de leurs finances. Voici six conseils à suivre pour y faire face :</p>
<ol>
<li><p><strong>Réduisez immédiatement vos dépenses, en particulier celles consacrées aux articles non essentiels.</strong> Profitez de l’occasion pour revoir votre budget et reconsidérer les habitudes d’achat quotidiens qui se multiplient. Plutôt que de dîner au restaurant chaque jour, pensez à préparer un repas. Réexaminez ces abonnements qui sont prélevés automatiquement de votre compte chaque mois. C’est le moment idéal pour analyser et justifier vos habitudes d’achat, et pour remanier votre budget.</p></li>
<li><p><strong>Remboursez votre dette de carte de crédit maintenant.</strong> Il est important de rembourser les dettes à intérêt élevé autant que possible, le plus tôt possible. Au cours des prochains mois, les taux d’intérêt continueront à augmenter, ce qui rendra la gestion des dettes plus ardue. Des soldes moins élevés contribuent a réduire le montant des versements d’intérêts pendant toute période de perte de revenu ou d’emploi, ce qui permet de traverser plus facilement les moments difficiles pour le portefeuille.</p></li>
<li><p><strong>Prêtez une attention particulière au paiement des factures et évitez les frais de retard.</strong> Ces frais s’accumulent également avec le temps. Établissez un plan pour vous assurer que les paiements de factures sont effectués à la date d’échéance ou avant. Payer ses factures en retard entraîne des sanctions pécuniaires, ce que vous voulez toujours éviter, mais surtout en période de récession.</p></li>
<li><p><strong>Soyez prêt à perdre votre emploi</strong>. Assurez-vous que vos CV et lettres de présentation sont à jour et que vous êtes prêt à chercher un emploi. En cas de licenciement, soyez préparés à trouver un autre poste rapidement.</p></li>
<li><p><strong>Devenez plus facilement embauchable</strong>. Comme les récessions frappent généralement plus durement les personnes ayant moins d’expérience et moins de qualifications, vous devriez mettre à jour vos compétences professionnelles. Explorez les <a href="https://learning.linkedin.com/certification-and-continuing-education-programs">options virtuelles qui offrent d’excellentes possibilités de perfectionnement</a>, ou les formations en présentiel dans les collèges et universités du pays, pour parfaire votre éducation et accroître vos compétences.</p></li>
<li><p><strong>Si possible, essayez d’obtenir un emploi à l’abri de la récession.</strong> Les emplois les mieux adaptés à un ralentissement économique dépendent du niveau de compétences, mais on les trouve généralement dans le secteur public, les soins de santé et l’éducation. Bien entendu, ces emplois ne conviennent pas à tout le monde. Chacun doit envisager les options qui correspondent à ses habiletés et à ses préférences. Cette stratégie est beaucoup plus efficace lorsque vos compétences et votre CV sont mis à jour et que vous êtes bien préparé.</p></li>
</ol>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme est interviewé en virtuel sur un ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477735/original/file-20220804-23-vq7n1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Soyez prêt à commencer à chercher un nouvel emploi dans l’éventualité d’un licenciement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Prévoir le pire, espérer le meilleur</h2>
<p>Certaines de ces stratégies sont plus faciles à mettre en œuvre que d’autres. Mais la plus grande leçon de toutes est peut-être de toujours se préparer au pire. Les récessions, ou ralentissements économiques, font partie de ce que l’on appelle le <a href="https://www.businessinsider.com/personal-finance/what-is-business-cycle">cycle économique</a>, qui décrit les hauts et les bas de l’économie. Elles <a href="https://www.cdhowe.org/sites/default/files/attachments/research_papers/mixed/Commentary_366_0.pdf">se produisent généralement une fois par décennie</a> et parfois plus souvent.</p>
<p>Les gens devraient toujours être bien préparés à de tels ralentissements. Il est beaucoup plus facile d’appliquer les stratégies ci-dessus bien avant une récession, au lieu d’attendre le dernier moment. Plus on s’approche d’une récession et plus il est difficile de bien se préparer en appliquant ces stratégies.</p>
<p>Même en prévoyant le coup, les récessions peuvent être très pénibles à vivre. Mais la bonne nouvelle est qu’elles ne durent pas éternellement. La seule chose que nous pouvons faire est de prévoir le pire et d’espérer le meilleur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188555/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Avec une récession qui semble imminente, de nombreux Canadiens s’inquiètent à juste titre de l’état de leurs finances. Voici quelques moyens de vous y préparer.Walid Hejazi, Professor of International Business, Rotman School of Management, University of TorontoGeorge Georgopoulos, Associate Professor, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841932022-07-20T16:57:03Z2022-07-20T16:57:03ZEndettés et en prison : la double peine des détenus<p>La détention entrave de multiples façons l’accès aux droits. En m’intéressant aux questions apparemment banales de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03594189/">consommation, de compte bancaire ou d’endettement</a>, il m’est apparu qu’il est des droits particulièrement inaccessibles aux détenus : les droits économiques. Ces droits nous sont peu visibles, méconnus et hors de portée en détention, alors même qu’ils sont essentiels à leur insertion future.</p>
<p>Pour beaucoup de détenus, mécaniquement, quand ils entrent en détention, les impayés arrivent. Et il n’est pas facile d’éviter leur accumulation. Ces dettes sont liées à « la vie d’avant », elles concernent le non-paiement des loyers, abonnements, crédits, etc. À ces dettes s’ajoutent souvent les sanctions économiques dont certains détenus font l’objet à l’occasion du jugement de leur affaire : condamnations pécuniaires, frais de justice, dommages et intérêts, redressements fiscaux.</p>
<p><a href="https://emmaus-france.org/au-dernier-barreau-de-lechelle-sociale-la-prison/">Le rapport relatif à la pauvreté en prison</a> réalisé par Emmaüs et le Secours catholique en 2021 estime que les deux tiers des détenus sont endettés. Comment les dettes s’accumulent-elles ? Comment les détenus y réagissent-ils ? Cet endettement peut-il être évité ou pris en charge en détention ?</p>
<h2>Quand les impayés s’accumulent…</h2>
<p>Comme l’explique une assistante sociale rencontrée au centre pénitentiaire de Fresnes :</p>
<blockquote>
<p>« L’endettement, ce sont souvent des personnes qui ne veulent pas rendre leur logement. Dans les affaires criminelles, ils ne vont pas sortir pas rapidement, et c’est parfois compliqué de leur faire entendre qu’il faudrait rendre le logement. Ils vont créer une dette qui va s’accumuler de mois en mois, qu’ils vont pas pouvoir rembourser, parce qu’ils ont plus de ressources ».</p>
</blockquote>
<p>L’entrée en détention est rarement prévisible, et la privation de liberté ne suspend pas les prélèvements, les mensualités de crédit, et de façon plus générale, l’exécution des contrats.
Une coordinatrice de plusieurs points d’accès au droit situés en Île-de-France déclarait lors de mon enquête :</p>
<blockquote>
<p>« Les personnes qui arrivent en détention, leur vie continue à l’extérieur ! Et donc, leur bail, leurs contrats de consommation, leur contrat bancaire… tout ça, ça continue ! Et les détenus n’en ont pas forcément conscience… »</p>
</blockquote>
<p>En détention, les points d’accès au droit (structure que les détenus peuvent solliciter pour toutes questions administratives ou juridiques en dehors de celles concernant leur affaire pénale) informent les nouveaux arrivants de la nécessité de résilier tous les engagements économiques : en l’absence de revenus, mieux vaut en effet éviter les dépenses.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/parler-de-ladministration-penitentiaire-differemment-pour-lenvisager-autrement-170057">Parler de l’administration pénitentiaire différemment pour l’envisager autrement ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Une impossible gestion des comptes depuis la prison</h2>
<p>Pour les détenus – et en particulier ceux ayant peu de lien avec une famille à l’extérieur –, plusieurs difficultés se présentent. Il leur faut d’abord estimer et accepter la durée de la privation de liberté.</p>
<p>L’espoir d’une sortie prochaine rend par exemple difficile la restitution d’un logement, dans un contexte où la recherche d’un nouveau lieu d’hébergement sera probablement difficile à la sortie. Il faut aussi accepter de s’occuper d’autre chose que de l’affaire qui les a menés en détention. Ces enjeux de consommation apparaissent bien mineurs au regard de la situation actuelle… Le tout, dans un contexte épuisant d’acculturation aux contraintes de la détention (<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/28/surpopulation-carcerale-vers-une-annee-2022-a-hauts-risques_6111306_3224.html">surpeuplement</a>, <a href="https://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-44918.html">conditions de vie dégradées</a>, <a href="https://oip.org/analyse/la-solitude-des-femmes-detenues/">isolement</a>).</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour celles et ceux prêts à prendre en charge ces questions de consommation, d’autres problèmes se posent : comment accéder aux informations contractuelles sans accès à Internet ou aux courriers reçus à domicile ? Comment savoir où envoyer la lettre de résiliation ? Quelle est la référence de mon contrat ? Vais-je dépenser le peu d’argent dont je dispose pour financer un recommandé avec accusé de réception à ma salle de sport ? Comment restituer la voiture louée en leasing qui est à la fourrière et comment accéder à la clé restée à la fouille ? Où stocker mes affaires si je restitue l’appartement ?</p>
<p>Lorsqu’ils demandent conseil, par exemple pour obtenir une adresse ou un courrier type de résiliation, le délai de réponse écrite d’un Point d’Accès au Droit est fréquemment de 3 semaines. Il est de plusieurs mois lorsqu’il s’agit de rencontrer une assistante sociale de Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). À Fleury-Mérogis, réputée la plus grande prison d’Europe avec <a href="http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Statistique_etablissements_personnes_ecrouees_france_20220501.pdf">3623 personnes détenues</a>, selon nos entretiens, on compte 8 assistantes sociales : 3 au SPIP et 5 en unités de soin. En 2021, selon le ministère de la Justice, seules 56 % des antennes de SPIP disposaient d’une ou plusieurs assistantes sociales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/toujours-plus-de-prisons-pour-quoi-faire-160645">Toujours plus de prisons : pour quoi faire ?</a>
</strong>
</em>
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<p>C’est ainsi que fréquemment, des mois, voire des années d’impayés s’accumulent. Sur les comptes bancaires, les prélèvements sont rejetés, et les frais bancaires contribuent à dégrader encore la situation. Et finalement : « Les banques, elles clôturent les comptes des détenus !>> constate impuissante une assistante sociale de Fleury Mérogis.</p>
<p>Quand les détenus sortiront, beaucoup ne disposeront plus de compte bancaire. Sans compte, ils n’auront pas de moyen de paiement, pas de moyen d’encaisser une prestation sociale ou un revenu, pas d’autonomie budgétaire. Et si – situation fréquente – ils ne sont plus en possession de leur papier d’identité, leur insertion professionnelle, économique et sociale s’en trouvera retardée de plusieurs semaines voire de plusieurs mois.</p>
<h2>Des dette domestiques et surtout des dettes pénales</h2>
<p>Mais ce ne sont pas ces dettes domestiques qui constituent la plus grande partie de l’endettement des détenus. Ce dernier est surtout constitué des sanctions économiques liées à leur affaire tels que les dettes pénales, amendes douanières, frais de justice, dommages et intérêts aux victimes. Des redressements fiscaux complètent parfois le tableau des condamnations judiciaires.</p>
<p>Si les montants n’atteignent pas les millions évoqués par les médias qui relayent les <a href="https://www.lesechos.fr/2003/04/lescalade-des-dommages-et-interets-punitifs-stoppee-par-la-cour-supreme-des-etats-unis-664570">faits divers états-uniens</a>, il n’empêche que les <a href="https://oip.org/analyse/le-boulet-fiscal-dun-sortant-de-prison/">dizaines de milliers d’euros fréquemment prononcés</a> à l’encontre des condamnés ne sont pas sans conséquences sur des individus privés d’emploi, généralement issus de milieux pauvres, précaires et peu qualifiés. La perspective d’un emploi rémunéré au-dessus du salaire supérieur minimum est faible. Ainsi, une avocate pénale interrogée pour l’enquête énonce :</p>
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<p>« J’ai un type, la trentaine, qui écoulait du tabac, chicha, cigarettes… au cul de sa voiture. Il se fait attraper par les policiers – puis ça remonte à la douane, etc. Il se prend une procédure pénale, donc une ouverture d’enquête, etc. Première instance : c’était entre 50 000 et 60 000 euros d’amendes, ce qui était colossal pour lui ! C’était vraiment, on va dire, un [trafic] artisanal. »</p>
</blockquote>
<p>Le montant des sanctions économiques – et en particulier des amendes douanières – est un thème de discussion récurrent dans le milieu judiciaire et carcéral. L’enquête que j’ai menée montre que décalage entre le montant des condamnations et la situation socio-économique objective des condamnés désespère les professionnels qui accompagnent les détenus.</p>
<p>Et si les sanctions économiques sont énormément discutées en détention, c’est aussi que les détenus sont fortement incités à commencer leur paiement – et en particulier ceux des dommages et intérêts aux victimes le plus rapidement possible. Les juges d’application des peines interprètent en effet la bonne volonté à payer comme un gage d’insertion. Les détenus ne disposant généralement pas ou peu de ressources, ils proposent alors aux victimes – ou au fonds de garantie – une mensualité symbolique de quelques euros par mois. Ainsi, la coordinatrice du Point d’Accès au Droit du centre pénitentiaire Paris-la Santé témoigne :</p>
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<p>« J’entends vraiment des détenus qui sont très stressés et qui ne savent pas comment faire. Pour une amende de 60 000 euros, quand ils n’ont pas d’argent, c’est 10 euros par mois et ils ont l’impression que ce sera sans fin. »</p>
</blockquote>
<p>L’idée selon laquelle les détenus envisagent que le recouvrement des dettes va s’étendre sur toute la durée de leur vie provoquerait chez certains un sentiment d’injustice, et chez d’autres, des idées peu en phase avec le projet d’une réinsertion socio-économique. Ainsi que l’énonce une autre coordinatrice de PAD :</p>
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<p>« Les détenus ont pratiquement tous conscience des raisons de leur condamnation, ils ne la remettent pas en question. Mais ils trouvent vraiment ça injuste d’avoir une peine d’argent, alors que c’est des gens n’en ont jamais eu beaucoup. Pour eux, c’est comme si c’était une peine à vie. Et même s’ils se font tout petits. Il suffit qu’ils aient un compte bancaire, et il y aura des saisies sur le compte bancaire. »</p>
</blockquote>
<h2>Et la procédure de surendettement ?</h2>
<p>En France, la procédure dite de <a href="https://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2009-4-page-67.htm">surendettement</a> existe depuis environ 30 ans. Il s’agit d’une procédure administrative qui permet aux individus qui y recourent de bonne foi de bénéficier d’un plan d’échelonnement du paiement de leurs créances ou d’effacement de leurs dettes qui concilie les ressources et charges des ménages avec le remboursement des créanciers durant cinq ans.</p>
<p>Dans le cadre d’un entretien, un statisticien de La Banque de France énonce qu’environ 3 millions de ménages, soit 6,5 millions d’individus (déposants/conjoints/enfants de ces derniers) en ont bénéficié depuis sa création. En 2021, 121 000 dossiers de surendettement ont été déposés. Les détenus, décrits comme endettés voire surendettés au regard du faible niveau de leurs ressources, en bénéficient-ils ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/etudier-en-prison-aide-a-sortir-des-circuits-de-delinquance-172426">Étudier en prison aide à sortir des circuits de délinquance</a>
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<p>Entre 2011 et 2020, la Banque de France a dénombré à notre demande, 1029 dossiers jugés recevables et postés depuis un établissement pénitentiaire, soit une centaine seulement par an. C’est bien peu au regard des problèmes budgétaires des détenus. Plusieurs facteurs concourent à expliquer ce faible dépôt. D’abord, les dettes pénales, dommages et intérêts, amendes, ne sont pas effaçables. Le plan de la Banque de France prend en compte l’existence de ces dettes mais ne les traitera pas.</p>
<p>Ensuite, la procédure est contraignante pour les détenus qui récupèrent avec difficultés les relevés bancaires et états de dettes demandés. De même, nombre de détenus ne disposent plus de leurs papiers d’identité et il n’est pas aisé de les renouveler en détention. or, sans papier d’identité, il n’est pas possible d’accéder à la procédure. En dépit de la souplesse des secrétariats des commissions de surendettement de la Banque de France, qui instruisent des dossiers sans relevés bancaires (les comptes sont souvent clôturés) ou sans états de dettes (lesquelles sont de toute façon vérifiées), les détenus et les accompagnateurs sociaux privilégient le plus souvent les solutions bilatérales avec chaque créancier plutôt qu’une solution globale via la Banque de France, pourtant plus avantageuse pour le détenu dans bien des cas. Ainsi, en 2020, près de 80 % des quelque 80 dossiers jugés recevables et envoyés depuis un centre pénitentiaire ont abouti à un rétablissement personnel, c’est-à-dire à une annulation de toutes les dettes jugées effaçables.</p>
<p>Pour bien des raisons, prendre en charge les dettes en détention n’est à ce jour une priorité pour personne. Pourtant, ces dettes accumulées ne disparaissent pas à la sortie. L’État (Trésor public, CAF, Pôle emploi, etc.) est réputé être le meilleur agent de recouvrement. Il se manifeste aux ex-détenus, par exemple au moyen d’avis à tiers détenteur (ATD) sur compte bancaire quand les premiers revenus apparaissent, ou via des retenues sur prestations sociales. De même, les sociétés de recouvrement opérant sur des temporalités très longues au nom des banques créancières, des fournisseurs d’énergie, d’internet ou autres facturiers, n’abandonnent pas facilement la partie. L’insertion des ex-détenus passe non seulement par l’hébergement, l’emploi et le maintien des liens sociaux, mais aussi par l’accès aux droits économiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184193/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Ducourant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment les dettes s’accumulent-elles ? Comment les détenus y réagissent-ils ? Cet endettement peut-il être évité ou pris en charge en détention ?Hélène Ducourant, Sociologue, Laboratoire Territoires Techniques et Sociétés, Université Gustave Eiffel, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1863542022-07-05T18:50:59Z2022-07-05T18:50:59ZLe défaut de paiement, un risque limité pour la Russie<p>En réaction à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">l’invasion de l’Ukraine</a> par la Russie, de nombreux pays ont décidé de mettre en œuvre plusieurs <a href="https://theconversation.com/sanctions-commerciales-contre-la-russie-ou-en-est-lue-apres-100-jours-de-guerre-184477">paquets de sanctions</a>, dont <a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-lexclusion-de-la-plate-forme-swift-est-elle-une-arme-nucleaire-financiere-178217">l’exclusion du réseau d’échanges financiers Swift</a> ou encore le gel de ses réserves détenues à l’étranger et ce, pour un total de 300 milliards de dollars.</p>
<p>L’ensemble de ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sanctions-economiques-117926">sanctions économiques</a> a contribué à augmenter l’isolement de la Russie non seulement d’un point de vue politique mais aussi économique. Or cet isolement économique peut avoir de graves conséquences sur la stabilité financière du pays, avec entre autres un impact sur la gestion de sa dette externe, c’est-à-dire sur la part de dette détenue (environ 23 %) par les investisseurs étrangers, institutionnels et particuliers, toutes nationalités confondues.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sanctions-contre-la-russie-lexclusion-de-la-plate-forme-swift-est-elle-une-arme-nucleaire-financiere-178217">Sanctions contre la Russie : l’exclusion de la plate-forme Swift est-elle une « arme nucléaire financière » ?</a>
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<p>Une dette publique constitue un instrument financier avec un mode de fonctionnement très simple : d’un côté l’emprunteur, ici la Russie, émet des titres dits « obligataires » ou « souverains » que des investisseurs vont acheter. Ces titres constituent un contrat, dans lequel l’emprunteur, ici le pays, s’engage à respecter un échéancier de remboursement incluant non seulement le paiement de la dette elle-même (le capital) mais également des intérêts (les coupons) liés à cette dette.</p>
<h2>Pas de recours possible</h2>
<p>Cela ressemble donc fortement à n’importe quelle dette immobilière que tout individu pourrait avoir. Et, comme tout emprunteur, un pays peut être sujet à des difficultés financières augmentant le risque de défaut, autrement dit, le risque que le pays lui-même ne puisse pas rembourser les sommes empruntées.</p>
<p>Cependant, l’une des principales différences repose sur la manière de traiter ce défaut éventuel sur une partie ou la totalité de la dette. En tant qu’individu, seule la justice peut reconnaître un défaut éventuel, via l’ouverture d’une procédure judiciaire demandée par la banque ou par le créancier lui-même. Dans ce cas, la banque a alors plusieurs recours possibles pour recouvrir le montant dû (saisie de garantie par exemple).</p>
<p>A contrario, dans le cas d’une dette publique, l’État est déclaré en défaut seulement s’il se déclare lui-même en défaut de paiement ou si l’annonce est faite par des représentants de ses créanciers (généralement des agences de notation) dans un délai de 30 jours après le non-paiement des sommes dues. La justice n’a donc aucun pouvoir. De plus, un état souverain n’est pas sujet aux règles régissant la banqueroute, et ne craint aucune pénalité légale.</p>
<h2>Le défaut, une notion pas si claire</h2>
<p>Début juin, certains détenteurs d’obligations russes ont déclaré ne pas avoir perçu les intérêts de retard dus par le gouvernement russe, représentant un montant de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/la-russie-n-a-pas-paye-des-interets-dus-sur-une-dette-selon-un-comite-de-creanciers_AD-202206010554.html">1,9 million de dollars</a>. À cela s’ajoute le <a href="https://fr.euronews.com/2022/06/27/la-russie-fait-defaut-sur-sa-dette-souveraine-en-devises-etrangeres-une-premiere-en-un-sie">non-respect de l’échéance du 27 juin</a> pour le versement de 100 millions de dollars de coupons liés à deux euro-obligations qui augmente de manière significative la probabilité que le pays soit déclaré en défaut dans un futur proche.</p>
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<p>Dans ce genre de situation, connaître la définition précise du terme « défaut » et les conditions exactes pour qu’un pays soit considéré en défaut apparaît comme essentiel. Malheureusement, il faut savoir que cette notion de défaut n’est pas forcément si claire et dépend de plusieurs paramètres.</p>
<p>La littérature avance plusieurs situations pouvant s’apparenter à un défaut souverain. Cela va de la simple extension de maturité, permettant de rééchelonner la dette sur une plus longue période, cette dernière étant payée plus tard (<a href="https://investir.lesechos.fr/marches/actualites/argentine-s-p-abaisse-la-note-de-trois-crans-avec-le-reprofilage-1869527.php">exemple de l’Argentine en 2019</a>), à la répudiation partielle ou totale de cette dette (<a href="https://www.researchgate.net/profile/Aurore-Burietz/publication/309346523_A_modern_Dionysus%E2%80%99_tale_New_evidence_on_the_Greek_debt_crisis_and_the_related_costs/links/580f2f1608aea04bbcba3013/A-modern-Dionysus-tale-New-evidence-on-the-Greek-debt-crisis-and-the-related-costs.pdf">comme la Grèce en 2012</a>), en passant par une <a href="https://www.jstor.org/stable/30036034?seq=1">dégradation de la notation de crédit</a> de l’emprunteur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malgre-les-sanctions-la-monnaie-russe-est-aujourdhui-plus-forte-quavant-la-guerre-185049">Malgré les sanctions, la monnaie russe est aujourd’hui plus forte qu’avant la guerre</a>
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<p>Quelle que soit la définition, elles s’accordent toutes néanmoins sur un point commun : un État est déclaré en défaut à partir du moment où celui-ci a des difficultés à rembourser sa dette, ce qui se traduit par un changement des termes négociés au départ.</p>
<p>Ainsi, du point de vue des investisseurs, le non-paiement des intérêts pendant le mois de juin est un exemple de difficultés de la Russie à honorer les termes du contrat établi avec ses créanciers ce qui peut, selon la littérature être considéré comme un défaut. Cependant, les choses ne sont pas si simples et le contexte très particulier du cas russe doit être pris en compte avant de tirer des conclusions.</p>
<h2>Un défaut contesté par Moscou</h2>
<p>En effet, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> se défend et ne reconnaît pas être en situation de défaut. Au contraire, le gouvernement explique que les fonds ont été versés le 20 mai 2022 en prévision d’un éventuel blocage des fonds. Pour Moscou, les sanctions visant à isoler la Russie du système international de règlements et à interdire le paiement en devises étrangères auraient donc contribué à la création d’un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/aucune-raison-d-evoquer-un-defaut-de-paiement-russe-dit-le-kremlin-20220627">défaut « artificiel »</a> empêchant les détenteurs d’obligations de percevoir leurs coupons. À travers ce discours, la Russie tente de rassurer les investisseurs en mettant en avant la disponibilité des fonds qui sont simplement bloqués.</p>
<p>De manière générale, un défaut de paiement va avoir des conséquences à la fois sur les créanciers et sur l’emprunteur lui-même. Dans le cas des créanciers, ils vont devoir supporter une perte en capital, partielle ou totale, les obligeant à réévaluer le risque lié à la dette du pays en défaut et à ajuster leurs investissements en conséquence.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sanctions-commerciales-contre-la-russie-ou-en-est-lue-apres-100-jours-de-guerre-184477">Sanctions commerciales contre la Russie : où en est l’UE après 100 jours de guerre ?</a>
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<p>Dans le cas de l’emprunteur, cela peut alors se traduire par un refus des créanciers de prêter à l’avenir ou à un taux nettement plus élevé, augmentant son coût de financement futur, le tout combiné à une dégradation de sa notation de crédit reflétant le risque de crédit plus élevé. Ces difficultés de financement peuvent alors avoir un impact sur l’économie du pays, les relations entretenues avec ses différents partenaires, exposant l’État à d’éventuelles sanctions futures, qu’elles soient politiques, commerciales ou financières.</p>
<p>On peut également évoquer un risque de réputation. Cependant, on note une diminution des effets d’un défaut avec le temps. À titre d’exemple, la Grèce a fait défaut sur sa dette à cinq reprises entre 1821, quand elle a obtenu son indépendance vis-à-vis de l’Empire ottoman, et aujourd’hui, ce qui représente 90 ans durant lesquels le pays a été considéré en défaut soit pratiquement 50 % du temps. Après son défaut en 1843, elle a effectivement été exclue des marchés financiers internationaux pendant plusieurs années. Néanmoins, cela n’empêche pas les investisseurs de continuer à lui prêter de l’argent de nos jours, phénomène connu dans la littérature sous le nom de « mémoire courte » des marchés de crédit.</p>
<h2>La Russie reste peu endettée</h2>
<p>Dans le cas de la Russie, si les fonds sont effectivement bloqués comme le prétend Moscou, on peut alors penser qu’il ne s’agisse que d’une question de temps et que les versements dus seront réalisés dans un futur proche. Les conséquences resteront donc minimes, avec essentiellement un problème de gestion de liquidité pour les créanciers n’ayant pas reçu leur argent et d’éventuelles répercussions pour d’autres placements qui seront alors différés si le paiement tarde à venir (principe de contagion).</p>
<p>En revanche, si la Russie n’arrive pas à débloquer ses fonds afin d’effectuer ses paiements, on devra alors envisager des conséquences beaucoup plus importantes pour les créanciers et le pays lui-même telles qu’évoquées ci-dessus.</p>
<p>Dans ce dernier cas de figure, la Russie peut soit bénéficier d’une aide extérieure, provenant des créanciers eux-mêmes, accordant un délai à l’État pour le règlement des sommes dues, ou bien d’une tierce institution prenant le relais des créanciers en rachetant leur dette ; soit le pays devra faire face à de nouvelles sanctions venant des créanciers lésés ce qui pénalisera davantage le pays en restreignant son accès au marché du crédit.</p>
<p>Au-delà de l’effet choc que l’annonce peut avoir, il est à noter que la Russie est un des pays les moins endettés au monde : sa dette publique représente <a href="https://fr.countryeconomy.com/gouvernement/dette">environ 17 % de son PIB</a>. En comparaison, celle de la France atteint plus de 112 %. La Russie possède par ailleurs encore plus de 200 milliards en réserves internes. Ainsi, il semble peu probable dans un avenir immédiat qu’un défaut survienne, et si celui-ci devait arriver nous pourrions y voir un choix stratégique de la Russie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le montant de la dette russe détenue à l’étranger reste actuellement relativement faible, ce qui minimiserait les conséquences de son non-remboursement sur le reste de l’économie. Décryptage.Aurore Burietz, Professeur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of ManagementJérémie Bertrand, Professeur de finance, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1851152022-06-20T19:16:49Z2022-06-20T19:16:49ZLes choix financiers des grandes entreprises sont aussi une question de culture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468869/original/file-20220614-22-75uv2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1738%2C1187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La culture dans laquelle baigne une entreprise influence ses décisions en matière d’endettement.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/etats-unis-voyager-passeport-argent-5319479/">Joshua Woroniecki / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Que se passerait-il si toutes les entreprises d’un même secteur prenaient des décisions identiques ? Sans doute que leurs ratios de profitabilité seraient <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1540-6261.1984.tb03646.x">identiques</a>. Et pourtant, bien que soumises à des contraintes semblables, on reste bien loin de l’observer.</p>
<p>Une <a href="https://www.marketwatch.com/">comparaison</a> entre des géants français et étatsuniens dans les secteurs du pneumatique, des semiconducteurs et de l’hôtellerie en est un exemple criant. On peut, en effet, apercevoir des différences notables.</p>
<p><iframe id="7hYQi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7hYQi/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La variable serait-elle ainsi nationale ? On constate d’ailleurs que les ordres de grandeur des différences bougent peu entre 2017 et 2021, sauf pour l’industrie hôtelière particulièrement affectée par la pandémie liée au coronavirus.</p>
<p><iframe id="flkm4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/flkm4/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En quoi différeraient, par conséquent, les choix financiers des entreprises en France, États-Unis, Chine, Inde, Japon, Corée du Sud ou au Brésil ? Nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S105752192030257X">travaux</a> mettent en évidence de multiples liens entre culture nationale et choix financiers d’une entreprise.</p>
<h2>Culture et finance</h2>
<p>Nombre d’économistes, à l’instar du « Nobel » de 2009, Oliver Williamson, ont mis en évidence un lien fort unissant traditions, normes et valeurs d’une société avec le <a href="https://doi.org/10.1257/jel.38.3.595">développement d’un type d’institutions formelles</a>, du système légal ou encore de l’architecture financière d’un pays. Ces institutions contraignent indirectement la vie des entreprises : leur création, leur mode de financement ou encore les relations entre employeurs et employés.</p>
<p>Logiquement, certaines des <a href="https://news.hofstede-insights.com/news/national-culture-and-organisational-culture-how-are-they-different">valeurs de la culture nationale</a> se retrouvent dans le fonctionnement de l’entreprise et dans ce que l’on nomme parfois la « culture d’entreprise ». Et lors du <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-322-90995-4_4">développement à l’international</a>, la culture d’entreprise va se répandre en emmenant ces éléments avec elle.</p>
<p>Reste à savoir cependant ce que l’on entend par « culture ». Dans le champ des sciences sociales, le terme ne reçoit pas moins de <a href="https://www.routledge.com/Redefining-Culture-Perspectives-Across-the-Disciplines/Baldwin-Faulkner-Hecht-Lindsley/p/book/9780805842364">300 définitions</a>. Toutes ont néanmoins en commun la notion de valeurs et croyances partagées par un groupe : « c’est un système de sens collectif partagé par le groupe à travers lequel les valeurs, les croyances, les coutumes et les pensées collectives du groupe sont comprises ».</p>
<p>En finance, beaucoup de travaux s’inspirent de la <a href="https://digitalcommons.usu.edu/unf_research/53/">matrice des dimensions culturelles</a>, imaginée par le psychologue social néerlandais Geert Hofstede à partir de cette définition. À l’échelle d’une nation souveraine, elle est constituée de six curseurs variant entre 0 et 100 : invidualisme-collectivisme, masculinité-féminité, l’aversion à l’incertitude, distance au pouvoir, orientation long terme-court terme et indulgence-retenue.</p>
<h2>Qui s’endette sur le long terme ?</h2>
<p>En appliquant cette matrice à notre base de données financières de près de 6 000 entreprises provenant de 33 pays, nous avons trouvé des corrélations fortes avec leur structure financière.</p>
<p>Les entreprises issues de pays plus individualistes, moins masculins, moins averses à l’incertitude et plus d’orientation à long terme ont ainsi un ratio dette à long-terme sur capitaux propres plus élevé que la moyenne. C’est le cas des entreprises américaines, anglaises, canadiennes ou australiennes.</p>
<p>Symétriquement, le ratio de dette court-terme sur capitaux propres est, lui, plus élevé pour les entreprises baignant dans une culture moins individualiste, plus averse à l’incertitude et plus orienté court-terme. C’est le cas des entreprises japonaises, sud-coréennes, taiwanaises ou des pays nordiques européens.</p>
<p>Malgré la mondialisation croissante du commerce, les valeurs de la culture nationale se trouvent ainsi transposées dans la gestion financière des entreprises. Le choix d’une structure financière, qui s’avère fondamental pour évaluer la santé financière d’une entreprise car il a des effets sur son coût de financement externe, reste fortement influencé par les valeurs de la culture nationale du pays d’origine de l’entreprise.</p>
<p>C’est là un message qui s’adresse aux analystes, aux investisseurs et aux créanciers : il semble essentiel pour mieux comprendre les choix financiers des firmes, de mieux comparer leurs ratios financiers en tenant compte des valeurs de la culture nationale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vipin Mogha ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Choisir de s’endetter sur le court ou le long terme est un choix reposant sur de nombreux éléments de la culture nationale, tels que l’individualisme ou le rapport au pouvoir.Vipin Mogha, Enseignant-Chercheur en Finance et Entrepreneuriat, ESCE International Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1818712022-04-27T10:21:57Z2022-04-27T10:21:57ZLes marges de manœuvre budgétaires particulièrement limitées du second quinquennat Macron<p>Au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, la presse s’accorde à dire que son second mandat devra viser à relever de « grands défis » dans une France fracturée.</p>
<p>Réduction des inégalités, transition énergétique, réindustrialisation… La tâche apparaît aujourd’hui plus compliquée à relever qu’il y a cinq ans en raison d’une trajectoire des finances publiques nettement moins favorable. En cause, le bilan du premier quinquennat et la conjoncture économique avec la remontée des taux d’intérêt des banques centrales qui réduisent considérablement les marges de manœuvre fiscales et budgétaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1518453171655434240"}"></div></p>
<p>Les politiques fiscale et budgétaire du quinquennat qui s’achève ont connu chacune un tempo très différent. La première a fait preuve d’une grande continuité en baissant les prélèvements obligatoires des ménages comme des entreprises conformément à la doctrine annoncée par le candidat Emmanuel Macron au cours de sa campagne électorale de 2017.</p>
<p>La seconde, qui avait débuté dans l’ambition d’une maîtrise des finances publiques, fut au contraire marquée par une hausse des dépenses dès 2019, pour calmer la colère des « gilets jaunes », puis par le spectaculaire « quoi qu’il en coûte » de mars 2020 pour éviter que la récession causée par la pandémie ne se transforme en dépression.</p>
<h2>Une pression fiscale globalement en baisse</h2>
<p>Le bilan du quinquennat s’avère très favorable aux foyers fiscaux, la baisse des impôts atteignant 28 milliards d’euros : 17,5 milliards pour la taxe d’habitation, 5,4 milliards pour l’impôt sur le revenu (IR) centrés sur la classe moyenne avec notamment la défiscalisation des heures supplémentaires, 3,2 milliards pour le remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et environ <em>1 milliard pour la _flat tax</em> (nettement moins <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/25/la-flat-tax-est-une-bombe-a-retardement-pour-les-finances-publiques_5205612_3232.html">qu’initialement anticipé</a>)_.</p>
<p>En conséquence, le pouvoir d’achat des ménages aura progressé sur le quinquennat de 24 milliards d’euros, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) relevant que le revenu disponible net réel par unité de consommation moyen a progressé de <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2022/OFCEpbrief104.pdf">5,4 % de 2017 à 2021</a>, les classes populaire et moyenne (du second au septième décile) ayant même gagné plus de 7 %.</p>
<p>Pour les entreprises, le bilan est également très positif et dans le prolongement de celui de François Hollande, qui avait été marqué par une baisse surprise des prélèvements de l’ordre de <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/v1/pdf/Bilan-fiscal-budgetaire-du-quinquennat-12janvier2017.pdf">40 milliards d’euros en trois ans</a> via le Pacte de responsabilité et le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).</p>
<p>Au final, sous le premier quinquennat du président Emmanuel Macron, la baisse annoncée de 8,2 milliards d’euros de l’impôt sur les sociétés (IS) a bien été mise en œuvre. Une baisse – inattendue bien que réclamée de longues dates par les entreprises – de 10 milliards d’euros des impôts de production a même été décidée en 2020 pour améliorer la compétitivité des entreprises industrielles et réindustrialiser le pays. Au total, les entreprises ont bénéficié de 18,2 milliards d’euros de baisse de leurs prélèvements obligatoires.</p>
<p>Sur l’ensemble du premier quinquennat Macron, les baisses d’impôt se seront élevées à près de 50 milliards euros. Cependant, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le taux des prélèvements obligatoires que le candidat ambitionnait de <a href="https://www.nossenateurs.fr/seance/16897">réduire d’un point sur le quinquennat</a> est resté stable entre 2018 et 2021 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6324844">passant de 44,7 % à 44,5 %</a>.</p>
<p><iframe id="hOQLj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hOQLj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La première année du quinquennat, les dépenses publiques ont évolué à un rythme inférieur à la croissance du PIB, même si face à des dépenses étatiques sous contrôle et des dépenses locales sous contraintes, les dépenses sociales continuaient à croître plus vite que le PIB.</p>
<p>Les mesures destinées à éteindre la colère des « gilets jaunes » ont marqué le premier point d’<a href="https://www.lejdd.fr/Politique/exclusif-edouard-philippe-je-prends-des-coups-je-peux-en-donner-aussi-jaime-ca-3826445">inflexion budgétaire du quinquennat</a> fin décembre 2018. Si l’annonce du 6 décembre abandonnant définitivement toute hausse des taxes sur le carburant représentait un manque à gagner sur les recettes publiques de 4,9 milliards d’euros dès 2019, celles du 10 et 20 décembre 2018 ont eu un impact direct et durable sur les dépenses publiques d’environ <a href="https://www.ericpichet.fr/news/2019/la-doctrine-fiscale-et-budgetaire-du-quinquennat-a-l-epreuve-des-realites-sociales.html">15 milliards d’euros en 2020</a> sous forme de primes, de revalorisations et de baisses d’impôts.</p>
<h2>Un déficit structurel historiquement haut</h2>
<p>Face à l’irruption de la pandémie en mars 2020, le président Macron a annoncé un plan de soutien massif à l’économie avec le fameux « quoi qu’il coûte » qui s’est traduit par une augmentation des dépenses publiques de 140 milliards d’euros entre mars 2020 et juin 2022.</p>
<p>Conséquence de cette envolée des dépenses, la France a atteint un déficit nominal de 8,9 % du PIB en 2020 et de 6,5 % en 2021. Mais la dérive du déficit structurel, c’est-à-dire l’estimation du déficit qui écarte les effets de la conjoncture économique, apparaît beaucoup plus préoccupante.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-a-quoi-aurait-ressemble-leconomie-francaise-sans-les-mesures-de-soutien-175088">Covid-19 : à quoi aurait ressemblé l’économie française sans les mesures de soutien ?</a>
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<p>Le <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4482_projet-loi.pdf">projet de loi de finances pour 2022</a> offre un bel exemple de l’évaluation particulièrement erratique de ce solde structurel par le gouvernement : en son article liminaire, il l’estimait à – 1,3 % en 2020 (contre -9,1 % pour le déficit nominal), pour une prévision d’exécution de – 5,8 % en 2021 (pour un déficit nominal de – 8,4 %) et une anticipation de – 3,7 % en 2022 (pour une prévision de déficit nominal de – 4,8 %, un chiffre qui pourrait d’ailleurs être revu en raison de la guerre en Ukraine).</p>
<p><iframe id="CQKlC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CQKlC/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourtant, ce solde structurel est précisément celui qui devrait être le moins volatil puisque par nature insensible aux variations conjoncturelles…</p>
<p>Le ministère de l’Économie et des Finances a d’ailleurs fini par s’aligner in extremis dans le projet de loi de finances rectificatives de novembre 2021 sur les estimations de la Commission européenne pour admettre que le solde structurel se situe en réalité <a href="https://www.ericpichet.fr/assets/files/pdf/actualites/2021/Etude-PICHET-RDF-18-fevrier-2021.pdf">à 5 % du PIB</a>.</p>
<p>L’accumulation des déficits et la récession sanitaire de 2020 (avec un recul de 7,9 % du PIB) ont logiquement déclenché une hausse spectaculaire de la dette publique à 112,9 % du PIB, ce qui situe la France dans le groupe des 4 pays les plus éloignés des critères de Maastricht.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459437/original/file-20220425-12-1yd2jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dette publique et déficit structurel des huit principaux pays de la zone euro en 2022 (en % du PIB).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-rapport-public-annuel-2022">Cour des comptes (2022)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On sait qu’à la différence des particuliers et des entreprises, le niveau de la dette n’est pas l’indicateur clé de la solvabilité d’un État. Le véritable indicateur est bien la charge des intérêts de la charge rapportée au PIB, qui est actuellement très faible de l’ordre de 1,4 % du PIB.</p>
<p>Or, la hausse des taux qui <a href="https://www.ladepeche.fr/2021/12/16/les-taux-poursuivent-leur-legere-hausse-en-cette-fin-2021-9995619.php">s’est matérialisée en 2021</a> s’est accélérée en 2022. L’Obligation assimilable du Trésor (OAT) à 10 ans est ainsi passée d’un taux négatif <a href="https://www.banque-france.fr/statistiques/taux-et-cours/taux-indicatifs-des-bons-du-tresor-et-oat">à 1,4 % fin avril 2022</a>, marquant le début d’une normalisation de la courbe des taux avec la fin annoncée de la générosité des banques centrales.</p>
<h2>L’inflation, un répit de court terme</h2>
<p>L’Agence France Trésor (AFT), en charge de la dette et de la trésorerie de l’État, estime ainsi qu’une hausse d’un point des taux d’intérêt renchérirait la charge d’intérêts de 2,5 milliards d’euros la première année, 6,1 milliards d’euros la deuxième année et <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2022-02/20220223-gestion-dette-publique-et-efficience-financement-%C3%89tat-par-AFT.pdf">29,5 milliards d’euros à l’horizon de 10 ans</a>.</p>
<p>L’impact de ce choc à un horizon de 10 ans est aujourd’hui nettement plus élevé que l’estimation réalisée fin 2019 (+ 21,2 milliards d’euros). En effet, la dette de l’État à moyen et long terme qui arrivera à échéance entre 2021 et 2030 a augmenté de près de 180 milliards d’euros par rapport au niveau calculé initialement.</p>
<p><iframe id="288uS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/288uS/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est toutefois indéniable que l’inflation allégera temporairement le coût de la hausse des taux. Au cours des prochaines années, avec un taux nominal moyen du coût de la dette publique de 1,5 %, une croissance théorique de 1 %, et une inflation de 4,5 %, le déficit primaire stabilisant la dette serait de 4 %, ce qui accordera un répit – temporaire – aux finances publiques – au moins au début du prochain quinquennat.</p>
<p>Dans ces conditions, les grands perdants seront les épargnants en obligations à taux fixe (assurance-vie en euros) et les contribuables dont les revenus ne sont pas correctement indexés sur l’inflation (les retraités et les inactifs principalement).</p>
<p>Devant la dégradation de leurs comptes publics les pays les plus laxistes emmenés par la France et l’Italie ont entamé une campagne de dénigrement du Traité de Maastricht et demandé une <a href="https://www.ft.com/content/ecbdd1ad-fcb0-4908-a29a-5a3e14185966">refonte du pacte</a> en allégeant les contraintes sur le déficit et la dette publics qui nécessité l’unanimité des pays européens.</p>
<p>Cette initiative n’a pourtant que très peu de chances d’aboutir face au refus des pays dits « frugaux », constitués initialement d’un petit club autour de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Autriche de la Finlande dans la zone euro, accompagnés par la Suède et le Danemark rejoints par la Lettonie, la Slovaquie et la République tchèque. Ces pays « vertueux » ont d’ailleurs publié une <a href="https://www.politico.eu/article/eight-countries-led-by-austria-slam-calls-to-loosen-eu-fiscal-rules/">lettre</a> en septembre 2021 exigeant le respect pur et simple du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.</p>
<p>Dans ces conditions il est évident que les marges budgétaires du prochain quinquennat seront les plus limitées depuis 1945.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’allègement de la fiscalité durant le premier mandat, le « quoi qu’il en coûte » face au Covid ou encore la remontée des taux fragilise aujourd’hui la situation financière de l’État français.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742842022-01-10T19:50:08Z2022-01-10T19:50:08ZMille ans de dettes publiques : quelles leçons pour aujourd’hui ?<p>Le 20 mars 2020, en bloquant une importante enveloppe financière destinée à aider les pays membres de l’Union européenne à faire face à la pandémie de Covid-19 qui émergeait, Wopke Hoekstra, ministre néerlandais des Finances, a provoqué la <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/coronavirus-quand-les-pays-bas-regrettent-leur-manque-d-empathie-envers-l-italie-20200331">colère</a> de certains de ses homologues de l’Eurogroupe. M. Hoekstra aurait notamment demandé une enquête de l’UE pour savoir pourquoi certains pays n’avaient pas la capacité fiscale suffisante pour faire face à la crise par leurs propres moyens.</p>
<p>Devant son parlement national, il a loué pour les Pays-Bas <a href="https://www.tweedekamer.nl/kamerstukken/kamervragen/detail?did=2020D11589&id=2020Z05385">« une politique budgétaire prudente ces dernières années »</a> conduisant à « la constitution de réserves ». Il s’appuyait ainsi sur une idée importante, à savoir que les gouvernements sont les gardiens des finances de la nation. Un gouvernement qui gère mal ses finances finirait par imposer aux générations futures une dette insoutenable.</p>
<p>Pour autant, celui qui refuserait d’emprunter pour faire face à une urgence ou pour financer des investissements productifs manquerait à ses devoirs. En fin de compte, les Pays-Bas et d’autres gouvernements européens sceptiques ont accepté d’autoriser l’UE à emprunter <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/accord-decisif-pour-le-plan-de-relance-europeen-1263785">750 milliards d’euros</a> sous la forme d’obligations européennes émises conjointement. Les fonds ainsi levés avaient vocation à être répartis entre les pays membres en fonction de l’impact économique et social de la pandémie.</p>
<p>La dette publique présente donc tant une utilité qu’une part de risque. Elle permet aux gouvernements de continuer à fournir des services sociaux de base lorsque les recettes diminuent, aide à entreprendre des investissements productifs et à soutenir la demande globale. Elle permet également à l’État d’augmenter les dépenses de défense lorsqu’il est confronté à une menace militaire, d’intervenir pour stabiliser le système bancaire pendant une crise financière et de fournir une aide humanitaire après une catastrophe naturelle ou en cas d’urgence sanitaire.</p>
<p>Mais, comme tout instrument puissant, la dette publique peut aussi causer des dommages durables lorsqu’elle est mal utilisée. Elle permet aux législateurs de financer des déficits au lieu de faire des choix difficiles en matière de réduction des dépenses ou d’augmentation des impôts. Elle offre aussi un moyen aux élus en place <a href="https://www.jstor.org/stable/2296528">d’augmenter leurs dépenses avant les élections</a> pour en tirer un avantage politique. À la suite de la publication d’un <a href="https://mpra.ub.uni-muenchen.de/24376/1/MPRA_paper_24376.pdf">article controversé</a> en 2010 par les économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, un <a href="https://www.affiches-parisiennes.com/s-endetter-est-il-problematique-10291.html">débat</a> s’est également ouvert sur le lien entre niveau de dette publique et croissance.</p>
<p>C’est avec un angle historique que mes co-auteurs (Barry Eichengreen, Asmaa el-Ganainy et Kris Mitchner) et moi abordons ces questions dans un nouveau <a href="https://global.oup.com/academic/product/in-defense-of-public-debt-9780197577899?cc=us&lang=en&">livre</a>. À nos yeux, les études limitées à ces dernières années restent paralysées par le fait qu’elles se concentrent sur un nombre limité d’événements, les défaillances souveraines n’étant pas légion. Une courte échelle de temps conduit par ailleurs à sous-estimer les aspects positifs de la dette publique. L’ouvrage vise ainsi à réhabiliter la dette publique en fournissant un compte rendu équilibré de ses aspects positifs et négatifs. D’où son titre : <em>In Defense of Public Debt</em>.</p>
<h2>À l’origine des révolutions industrielles</h2>
<p>Les emprunts des États constituent une pratique qui a <a href="https://www.babelio.com/livres/Heers-La-naissance-du-capitalisme-au-Moyen-Age-Changeur/361982">au moins mille ans</a>. Elle remonte a minima à la période qui a suivi la chute de l’empire carolingien. L’Europe était alors divisée en centaines de cités-États et de royaumes engagés dans des guerres endémiques. Les souverains empruntaient pour étendre leurs territoires, mais aussi pour défendre le royaume et survivre.</p>
<p>Des prêteurs spécialisés, initialement des <a href="https://www.cairn.info/marchands-et-banquiers-du-moyen-age--9782130514794.htm">banques familiales italiennes</a>, les « banquiers lombards », commencent alors à mobiliser des ressources à une échelle sans précédent et à élaborer des contrats complexes pour répondre aux besoins financiers de l’État. Ils développent ainsi en même temps de nouveaux moyens de protéger leurs intérêts.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439125/original/file-20211231-19-1k85vff.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La famille Médicis, représentée ici en 1459 par Benozzo Gozzoli, fait partie de ces grandes maisons de banquiers italiens de la Renaissance.</span>
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<p>D’abord en Angleterre et aux Pays-Bas, les investisseurs obtiennent bientôt des protections contre les actions arbitraires du souverain. Ils créent des assemblées législatives et des parlements, dans lesquels les créanciers étaient représentés. Cela a permis notamment de faire baisser les taux d’intérêt, favorisant davantage d’emprunts. En formant des syndicats et en développant des marchés secondaires, les banques pouvaient aussi se répartir les risques.</p>
<p>Certes, les choses ne se sont pas toujours déroulées sans heurts. Il y a eu des défauts de paiement. Les investisseurs ont subi des pertes. Mais reste que ce marché a survécu, et même prospéré. Parce qu’elles étaient liquides et généralement sûres, les obligations d’État ont été largement acceptées comme garantie dans d’autres contrats de dette, ce qui permettait d’accorder davantage de prêts. Elles deviennent également la référence sur la base de laquelle étaient fixés les taux d’intérêt des prêts plus risqués.</p>
<p>La dette publique a donc fait partie intégrante du développement des marchés financiers qui ont servi de pierre angulaire aux révolutions commerciales et industrielles des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles. Ce n’est ainsi pas une coïncidence si la croissance économique moderne a d’abord émergé en Europe du Nord-Ouest, berceau des emprunts souverains modernes.</p>
<h2>Imiter l’Europe</h2>
<p>L’Histoire documente également les changements intervenus au fil du temps dans l’utilisation de la dette publique. Fréquemment, les guerres ont été à l’origine de pics d’endettement tout au long de l’histoire, notamment au XX<sup>e</sup> siècle. D’autres fins sont apparues plus récemment.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439126/original/file-20211231-58867-kdrfv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’ingénieur Charles de Freycinet, ministre des Travaux publics à la fin du XIXᵉ siècle, finance son plan de développement du chemin de fer en France par un vaste emprunt d’État.</span>
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</figure>
<p>Avec le développement des marchés financiers et les crises qui y sont liées, les États sont passés de l’emprunt pour assurer la défense nationale à l’emprunt pour assurer la stabilité économique. Ils se sont également endettés pour financer des infrastructures comme les chemins de fer. Le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/01/le-plan-freycinet-de-1879-une-autre-relance-francaise_6054307_3232.html">plan Freycinet</a> en France, d’où découle une large partie du réseau actuel, donne par exemple lieu à un grand emprunt d’État en 1881.</p>
<p>Les gouvernements européens, forts de leur succès antérieur dans le développement des marchés de la dette, ont été les premiers à déployer ces efforts. D’autres parties du monde, à commencer, au début du XIX<sup>e</sup> siècle, par les nouvelles républiques d’Amérique latine, ont suivi leur exemple, mais avec une différence importante. Ils ont emprunté principalement à l’étranger, sur les principaux marchés de capitaux mondiaux.</p>
<p>Les emprunts à l’étranger ont créé des opportunités mais aussi des dangers. Pour les rembourser, les gouvernements doivent en effet générer non seulement des recettes, mais aussi des devises étrangères, ce qui expose l’emprunteur aux incertitudes des marchés mondiaux. Une baisse du taux de change ou des prix des marchandises peut soudainement alourdir une dette libellée en devises étrangères et brusquement rendre insoutenable un remboursement auparavant viable.</p>
<p>Tout au long du XIX<sup>e</sup> siècle, les investisseurs ont alors inventé de nouveaux mécanismes pour faire respecter les contrats de dette avec les souverains étrangers. Ils se sont tournés vers les <a href="https://www.jstor.org/stable/40263939">banques d’investissement</a> ayant de l’expérience dans l’organisation d’émissions de dettes et possédant des contacts avec les gouvernements étrangers. Ils ont aussi organisé des bourses de valeurs où les obligations étrangères étaient cotées et échangées sous réserve de règles destinées à les protéger. Des comités d’obligataires ont été créés pour représenter leurs intérêts dans les négociations avec les gouvernements en retard de paiement. En dernier recours, ils faisaient pression sur leurs gouvernements pour qu’ils s’engagent dans une <a href="https://doi.org/10.1016/j.jimonfin.2008.12.011">diplomatie de la canonnière</a> en leur nom.</p>
<p>Si les défauts de paiement n’étaient pas si rares, les dettes souveraines restaient remboursées avec suffisamment de régularité et les rendements des obligations étrangères étaient suffisamment élevés pour que prêter à l’étranger reste rentable. La dette était également bénéfique pour les emprunteurs, puisque les pays qui empruntaient davantage investissaient plus et connaissaient une croissance plus rapide en moyenne.</p>
<h2>Des dettes souvent remboursées</h2>
<p>Les gouvernements des pays développés sont passés de l’emprunt pour les infrastructures à l’emprunt pour fournir des services sociaux, tels que des écoles, des bibliothèques et des hôpitaux. Au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, ils ont mis en place les premiers éléments de la sécurité sociale, une assurance chômage et des pensions de vieillesse. Ces nouvelles fonctions de l’État protégeaient les citoyens contre les risques dont ils ne pouvaient se protéger eux-mêmes. C’est la naissance de l’État-providence.</p>
<p>En parallèle, et contrairement à une idée reçue, les gouvernements qui avaient emprunté pendant les périodes difficiles ont souvent remboursé lorsque la situation était meilleure. Des dettes publiques élevées ont ainsi été réduites avec succès, que ce soit en valeur absolue ou par rapport au PIB, au XIX<sup>e</sup> siècle, dans les années 1920, après la Seconde Guerre mondiale et même, dans quelques cas, dans les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle. À partir de 1993, après la ratification du traité de Maastricht, la Belgique, la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas notamment ont achevé des réductions de dette des plus importantes.</p>
<p>L’Histoire montre par ailleurs que de nombreux pays ont réussi à résoudre les problèmes de viabilité de la dette sans connaître de bouleversements économiques, financiers et politiques majeurs. Ils y sont parvenus en adoptant des mesures d’austérité budgétaire au moment opportun (mais pas avant), en favorisant la croissance de leur économie et même parfois en gérant une inflation modeste. L’importante réduction de la dette et la reprise de la croissance économique aux États-Unis pendant la présidence de Bill Clinton (1993-2001) sont ainsi souvent attribuées à une combinaison de restrictions budgétaires et de politique monétaire accommodante.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=912&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439161/original/file-20220103-17-4hirxn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1146&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://global.oup.com/academic/product/in-defense-of-public-debt-9780197577899?cc=us&lang=en&">Oxford University Press</a></span>
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<p>Qu’est-ce à dire pour le monde post-Covid ? Le ministre Hoekstra avait raison d’affirmer que les pays doivent accroître leur marge de manœuvre budgétaire pendant les périodes fastes afin de pouvoir la déployer lors de la prochaine crise. Mais il reste douteux que cela doive se faire dans un contexte de pandémie mondiale ou de crise économique et après une décennie de taux d’intérêt quasi nuls.</p>
<p>L’UE et les États-Unis ont conçu leurs fonds de relance pour privilégier les infrastructures, la résilience et les investissements verts qui font cruellement défaut. Ils espèrent ainsi favoriser la croissance économique, ce qui leur permettra de réduire plus facilement l’encours de leur dette.</p>
<p>La récente hausse de l’inflation inquiète les banquiers centraux attachés à la stabilité des prix, mais elle pourrait aussi réduire le poids de la dette au PIB. Toutefois, il est encore trop tôt pour savoir dans quelle mesure la croissance ou l’inflation pourront aider à gérer l’héritage financier du Covid-19.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174284/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rui Esteves ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un ouvrage récemment publié propose une analyse historique des emprunts souverains qui remet en perspective leur impact positif sur le développement économique.Rui Esteves, Enseignant-chercheur en histoire économique, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1726292021-11-29T19:28:58Z2021-11-29T19:28:58ZLa dette publique, boulet des banques centrales dans la lutte contre l’inflation<p>Depuis 2008, les gouvernements ont émis des quantités importantes de dette publique – l’encours de la dette est désormais égal à <a href="https://fred.stlouisfed.org/series/GFDEGDQ188S">125 % du PIB aux États-Unis</a> et a dépassé cet été la barre des <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/11563191/2-22072021-AP-FR.pdf">100 % dans la zone euro</a>. Une part importante de cette dette a été rachetée par les banques centrales qui ont émis en contrepartie des réserves – plus de 30 % du PIB à la Réserve fédérale américaine (Fed) et 60 % à la Banque centrale européenne (BCE).</p>
<p>Jusqu’à présent, les taux d’intérêt bas ont permis un refinancement aisé des dettes publiques. En outre, l’inflation basse justifiait des opérations de soutien monétaire des banques centrales.</p>
<p>Cependant, cette situation risque de prendre fin avec la récente remontée de l’inflation des deux côtés de l’Atlantique. Certains observateurs, en particulier aux États-Unis comme <a href="https://johnhcochrane.blogspot.com/2021/06/the-end-of-end-of-inflation.html">l’économiste John Cochrane</a>, ou encore Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, s’inquiètent aujourd’hui de la capacité des banques centrales à augmenter les taux d’intérêt ou à réduire leurs réserves lorsque cela s’avèrera nécessaire pour atteindre leur objectif de stabilité des prix (un taux d’inflation proche de 2 % pour la Fed et la BCE).</p>
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<figcaption><span class="caption">Inflation : Larry Summers détaille ses craintes dans une interview accordée à Bloomberg Markets and Finance (6 novembre 2021, en anglais).</span></figcaption>
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<p>Dans le contexte d’endettement actuel, les États pourraient en effet tirer profit d’une politique monétaire accommodante menant à un niveau élevé d’inflation. La hausse des prix éroderait la valeur réelle des dettes publiques et donc les rendrait plus supportables. Ils auraient ainsi intérêt à entraver tout resserrement entrepris par les banques centrales.</p>
<p>De telles inquiétudes mettent en évidence un risque de basculement de la « dominance monétaire », dans laquelle la banque centrale n’est confrontée à aucun obstacle budgétaire pour atteindre son objectif de stabilité des prix, à une « dominance budgétaire », dans laquelle la politique monétaire cherche d’abord à fixer l’inflation pour assurer la solvabilité de l’autorité fiscale.</p>
<p>Avec un tel passage à la dominance budgétaire, l’inflation, qui est actuellement considérée comme transitoire, pourrait bien devenir plus persistante et, surtout, <a href="https://voxeu.org/article/money-and-debt-paying-crisis">plus difficile à combattre</a>. Ce risque de dominance budgétaire est d’ailleurs <a href="https://www.ft.com/content/475d6dcb-0d9b-4bc2-829b-f6166c8d434d">l’objet de dissensions</a>, notamment au sein de l’Eurosystème.</p>
<h2>« Jeu de la poule mouillée »</h2>
<p>Habituellement, lorsque la banque centrale resserre sa politique monétaire, la hausse des taux d’intérêt augmente la charge de la dette du gouvernement, qui doit alors procéder à une consolidation budgétaire sous forme de hausses d’impôt ou de réduction des dépenses publiques. Étant donné leur endettement massif, les gouvernements pourraient au contraire être tentés de ne pas réduire leurs déficits, voire d’augmenter leur endettement, pour forcer la banque centrale à revenir sur son resserrement monétaire.</p>
<p>Faut-il croire aujourd’hui à un tel scénario ? Dans nos récents <a href="https://voxeu.org/article/large-public-debts-need-not-imply-fiscal-dominance">travaux de recherche</a>, nous analysons les incitations d’un gouvernement à pousser à la dominance budgétaire ou, au contraire, à se conformer à la dominance monétaire.</p>
<p>Dans le premier cas, ce jeu a été décrit comme un « jeu de la poule mouillée » entre le gouvernement et la banque centrale par l’économiste américain Neil Wallace à la suite de ses <a href="https://econpapers.repec.org/article/fipfedmqr/y_3a1981_3ai_3afall_3an_3av.5no.3.htm">travaux</a> avec son Thomas Sargent, prix Nobel d’économie en 2011.</p>
<p>Ce jeu est celui où deux pilotes lancent leurs voitures l’une contre l’autre, le perdant étant le premier qui dévie de sa trajectoire pour éviter la collision : le gouvernement accumule ainsi les déficits alors que la banque centrale maintient sa politique monétaire restrictive jusqu’au moment où l’un cède, soit par consolidation fiscale du côté du gouvernement, soit par de l’inflation du côté de la banque centrale. Le scénario du crash dans lequel personne ne cède correspond ici au défaut souverain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433891/original/file-20211125-19-1h9o7ch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jeu de la poule mouillée, une illustration du face-à-face actuel entre gouvernements et banques centrales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:A_Game_of_Chicken_(2802043436).jpg">Damian Gadal/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ce que nous montrons, tout d’abord, est que la dominance budgétaire dans ce jeu de la poule mouillée nécessite que le gouvernement épuise sa capacité fiscale et rende un défaut crédible : il ne doit plus avoir de marges de financement, ni en termes de réduction de dépenses ni en termes de taxes supplémentaires. En effet, tant que le gouvernement dispose de marges d’ajustement, la politique monétaire peut le forcer à la consolidation fiscale afin d’éviter un défaut.</p>
<p>Comment un gouvernement peut-elle se retrouver dans une telle situation d’épuisement de sa capacité fiscale ? Des chocs comme des récessions ou des crises peuvent l’y mener via la baisse des recettes fiscales ou l’augmentation des dépenses pour le soutien à l’économie.</p>
<p>Nous montrons de plus que l’autorité fiscale peut également épuiser sa capacité fiscale de manière <em>délibérée</em>. En lieu et place d’une consolidation, le gouvernement peut décider d’enregistrer d’importants déficits et d’inonder le marché obligataire.</p>
<p>L’important stock de dette qui en résulte forcera ainsi la banque centrale à augmenter l’inflation à l’avenir pour éroder la valeur de la dette et éviter le défaut souverain. Cela se produira d’autant plus que la dette publique est initialement élevée, que les taux d’intérêt sont bas et peu sensibles à l’émission de dette publique, ou encore que les marges futures d’ajustement fiscal sont faibles.</p>
<h2>Le paradoxe de l’inflation préventive</h2>
<p>La banque centrale a-t-elle alors le pouvoir de faire pencher la balance vers la dominance monétaire ou, au moins, de réduire le coût inflationniste imposé par la dominance fiscale ?</p>
<p>Paradoxalement, la banque centrale peut avoir intérêt à s’engager dans une inflation préventive. En augmentant l’inflation actuelle, la banque centrale diminue la valeur réelle des passifs passés et ainsi rend la dette à nouveau soutenable pour le gouvernement. Ainsi, cette inflation rend coûteux et inutile une stratégie de victoire à la Pyrrhus d’émission incontrôlée de dette publique.</p>
<p>Le choix pour les banques centrales est donc entre deux options : ou bien laisser un peu filer l’inflation pour desserrer l’étau budgétaire, ou bien l’orthodoxie monétaire au risque de voir les gouvernements réagir violemment en contrecarrant leur action par des émissions massives de dette publique servant à repayer la dette passée. Cette stratégie d’inflation préemptive n’est pas sans risques : en particulier, la banque centrale peut donner l’impression de renier son objectif de stabilité des prix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172629/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’épuisement de la capacité fiscale peut conduire à un scénario de « dominance budgétaire » dans lequel la politique monétaire ajuste ses objectifs d’inflation pour préserver la solvabilité des États.Éric Mengus, Professeur associé en économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolGuillaume Plantin, Professor, Research and Faculty Dean , Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710392021-11-08T20:36:22Z2021-11-08T20:36:22ZRéformer l’économie américaine : pour Joe Biden, le temps presse<p>Élu sur un programme économique ambitieux, Joe Biden a dû gérer en priorité les conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire. En parallèle, il tente de profiter de la majorité relative dont les Démocrates disposent au Congrès jusqu’aux <a href="https://www.lalibre.be/international/amerique/2021/03/23/pourquoi-2022-sera-une-annee-importante-pour-donald-trump-NAKWIB7H7JHV7NKOXHLCYF7AXU/">élections de mi-mandat de 2022</a> pour essayer de faire adopter rapidement une série de mesures destinées à réformer l’économie américaine, quitte à revoir ses ambitions à la baisse pour convaincre <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20211028-%C3%A9tats-unis-pour-joe-biden-un-cauchemar-d%C3%A9mocrate-nomm%C3%A9-joe-manchin">certains élus de son propre camp</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
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<h2>Au Congrès : une majorité fragile</h2>
<p>Alors que la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/congres-usa.asp">Chambre des Représentants</a> leur était déjà acquise, les Démocrates se sont assuré le <a href="https://www.franceinter.fr/monde/la-georgie-bascule-la-majorite-au-senat-americain-devient-democrate-et-donald-trump-perd-gros">contrôle du Sénat</a> en remportant début 2021 les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/06/election-en-georgie-le-suspense-demeure-pour-l-obtention-des-deux-sieges-decisifs_6065318_3210.html">deux sièges de la Géorgie</a>.</p>
<p>Cette situation permet théoriquement à Joe Biden de faire adopter les réformes proposées lors de sa campagne. Cependant, si les Démocrates disposent à la Chambre d’une avance suffisante (220 sièges contre 212 aux Républicains) pour garantir une adoption assez aisée, il n’en est pas de même au Sénat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1359823907906334724"}"></div></p>
<p>En effet, l’égalité (50-50) du nombre des sénateurs issus de chacun des deux grands partis ne donne l’avantage aux Démocrates que grâce à la voix de la vice-présidente Kamala Harris, présidente es qualités du Sénat. Sauf accord avec certains Républicains, la défection du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/reformes-biden-l-incroyable-cirque-de-la-senatrice-kyrsten-sinema_2160026.html">moindre sénateur démocrate</a> se traduit donc par un blocage des lois au Congrès.</p>
<h2>Crise sanitaire : priorité au nouveau plan de sauvetage</h2>
<p>Dès son investiture en janvier 2021, Joe Biden a été confronté à la nécessité de mettre en œuvre un nouveau plan d’aide pour soutenir le pouvoir d’achat des Américains, mis en difficulté par la crise du Covid-19.</p>
<p>Dans la lignée des <a href="https://home.treasury.gov/policy-issues/coronavirus/about-the-cares-act">deux plans de relance</a> adoptés sous l’ère Trump d’un montant respectif de 2 200 (« CARES Act ») et de 900 milliards de dollars (« Consolitated Appropriations Act »), l’« American Rescue Plan Act » (ARPA) voté le 10 mars 2021 prévoit <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/10/que-prevoit-l-enorme-plan-de-relance-voulu-par-joe-biden-aux-etats-unis_6072643_3210.html">1 900 milliards de dollars de dépenses</a> supplémentaires.</p>
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<figcaption><span class="caption">Covid-19 : le Sénat américain approuve le plan de relance économique de Joe Biden (France 24, 7 mars 2021).</span></figcaption>
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<p>Ces fonds sont tout d’abord destinés à la distribution directe de nouveaux chèques à une grande partie des ménages américains, à raison de 1 400 dollars pour toute personne gagnant moins de 75 000 dollars par an (2 800 dollars en dessous de 150 000 dollars de revenus pour un couple).</p>
<p>Ce nouveau plan permet aussi de poursuivre le versement aux chômeurs d’un montant hebdomadaire de 300 dollars en complément de leurs éventuelles allocations.</p>
<p>Le reste de l’ARPA est notamment affecté au paiement des vaccins et des tests de dépistage, ainsi qu’à des subventions aux petites entreprises en difficulté pour éviter que celles-ci ne licencient leurs salariés.</p>
<p>Enfin, une enveloppe de 350 milliards de dollars est <a href="https://home.treasury.gov/news/featured-stories/fact-sheet-the-american-rescue-plan-will-deliver-immediate-economic-relief-to-families">consacrée aux États et aux territoires</a>, afin de combler certaines inégalités en matière de couverture numérique ou pour leur permettre d’assister les ménages fragilisés, par exemple en les aidant à conserver leur logement.</p>
<p>Après l’adoption de ce plan dicté par les besoins de la conjoncture sanitaire, l’administration Biden a inscrit à son agenda le train des réformes économiques structurelles promises lors de la campagne présidentielle.</p>
<h2>Promesses de campagne : plans d’investissement dans les infrastructures et soutien aux familles</h2>
<p>Les deux priorités intérieures définies par Joe Biden lors de sa campagne se traduisent par la volonté de faire adopter au Congrès <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210824-les-plans-d-investissements-de-joe-biden-avancent-au-congr%C3%A8s">deux gigantesques plans d’investissement</a>, l’un concernant une modernisation historique des infrastructures du pays, l’autre étant destiné au soutien aux familles.</p>
<p>Consensuel entre les Démocrates et une partie des Républicains, le projet de loi sur le plan d’infrastructures, le « Bipartisan Infrastructure Bill », aura néanmoins attendu le 10 août 2021 pour être <a href="https://apnews.com/article/joe-biden-business-bills-38b84f0e9fcc8e68646eedf6608c4c70">approuvé par le Sénat</a>, après des mois de négociations.</p>
<p>D’un montant de <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2021/09/29/1-trillion-infrastructure-bill-house-vote-nears-what-included/5907055001/">1 200 milliards de dollars</a> de dépenses sur huit ans (contre <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-maison-blanche-reduit-la-voilure-de-son-plan-d-infrastructures-20210521">2 250 milliards envisagés initialement</a>), le plan a obtenu l’aval définitif du Congrès le 5 novembre 2021. Un vote d’une portée symbolique forte, un an après l’élection de Joe Biden.</p>
<p>Ce <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/etats-unis-le-plan-dinfrastructures-de-joe-biden-en-5-chiffres-fous-1338208">plan d’amélioration des infrastructures</a> devrait permettre la rénovation d’ouvrages existants (routes, ponts, voies ferrées, distribution d’eau, transports publics…) et la mise en place de nouveaux équipements, notamment destinés à réduire les émissions de gaz à effet de serre, soutenir l’adaptation au changement climatique, participer à la dépollution des sols et étendre l’Internet à haut débit.</p>
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<figcaption><span class="caption">États-Unis : des infrastructures en souffrance, Reportage C dans l’air, 18 décembre 2020.</span></figcaption>
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<p>À l’issue de la négociation bipartisane, seuls 550 des 1 200 milliards de dollars devaient constituer de nouvelles dépenses, le restant correspondant aux dépenses non réalisées dans le cadre des plans d’urgence sanitaire. Ainsi, seule une <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/etats-unis-le-plan-infrastructures-vise-a-percevoir-plus-d-impots-sur-les-cryptomonnaies-20210810">taxe sur les cryptomonnaies</a> devrait être introduite pour assurer son financement.</p>
<p>De son côté, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/04/28/fact-sheet-the-american-families-plan/">l’American Families Plan</a> doit principalement mettre l’accent sur le soutien aux familles avec enfants dans le but d’améliorer la situation des nouvelles générations.</p>
<p>Cela passe notamment par l’augmentation des financements dévolus au système public d’éducation et à la formation des enseignants, et par des aides aux familles modestes avec enfants (subventions des frais de garde, mise en place de congés maternité).</p>
<p><a href="https://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20210913-etats-unis-le-plan-de-relance-de-joe-biden-frein%C3%A9-par-un-s%C3%A9nateur-d%C3%A9mocrate">L’absence de consensus parmi les élus démocrates</a> freine depuis plusieurs mois l’adoption de ce plan, mais leurs négociations internes pourraient bientôt aboutir à l’adoption d’un texte à l’ambition réduite, bien loin des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1834215/plan-infrastructures-milliards-biden-democrates">3 500 milliards de dollars</a> prévus initialement.</p>
<h2>Face-à-face tendu avec la Chine</h2>
<p>L’administration Biden a d’emblée désigné la Chine comme le <a href="https://www.state.gov/translations/french/le-secretaire-detat-antony-blinken-reaffirmer-et-reimaginer-les-alliances-de-lamerique/">principal concurrent, voire adversaire</a> des États-Unis. Dépassant le débat sur le déficit commercial américain vis-à-vis de ce pays mis en avant par son prédécesseur à la Maison-Blanche, le nouveau président se place dans une confrontation en termes de leadership mondial sur tous les aspects : économique, diplomatique, militaire et technologique.</p>
<p>Début juin, le Sénat adoptait à une large majorité un projet de loi pour répondre au défi technologique, l’« United States Innovation and Competition Act ». D’un montant global de <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KCN2DL0C2/usa-le-senat-adopte-un-projet-de-loi-pour-concurrencer-la-chine.html">250 milliards de dollars</a>, le plan promeut la recherche dans des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/06/10/joe-biden-poursuit-sans-complexe-la-guerre-commerciale-et-technologique-de-trump_6083595_3234.html">secteurs stratégiques</a> pour l’industrie du futur, tels que les semi-conducteurs, les puces électroniques, l’intelligence artificielle ou l’informatique quantique dans l’objectif de faire face à une concurrence internationale accrue, et en particulier celle de la Chine.</p>
<p>Sans abandonner les barrières douanières mises en place par Donald Trump, Joe Biden s’en démarque sur le plan diplomatique. Au lieu de poursuivre une lutte unilatérale contre la Chine, il cherche à renforcer ses alliances pour <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2021-3-page-11.htm">opposer à son principal concurrent un front le plus large possible</a>.</p>
<p>C’est ainsi qu’en juin 2021, les membres du G7 se sont entendus pour concourir au programme « <a href="https://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/economie-le-g7-fait-front-commun-pour-contrer-la-nouvelle-route-de-la-soie-chinoise">Build Back Better World</a> » (B3W) qui vise à contrer l’influence grandissante de la Chine, laquelle investit massivement dans les infrastructures des pays en développement à travers les « nouvelles routes de la soie ».</p>
<p>Dans la zone Asie-Pacifique, Biden a resserré ses relations avec ses partenaires du Quad (Inde, Japon, Australie).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/aukus-la-france-grande-perdante-du-duel-americano-chinois-168786">AUKUS : la France, grande perdante du duel américano-chinois</a>
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<p>La forte priorité donnée aux alliances dans cette zone est à l’origine du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/16/crise-diplomatique-entre-washington-et-paris-au-sujet-des-sous-marins-australiens_6094856_3210.html">couac diplomatique récent entre les États-Unis et la France</a> concernant le contrat des sous-marins australiens.</p>
<p>Quand le président américain annonce lui-même la signature d’un nouveau contrat, évinçant de fait celui conclu quelques années plus tôt par Naval Group France, c’est pour marquer des points vis-à-vis de la Chine, au risque de vexer un allié européen beaucoup moins central dans ses préoccupations.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sous-marins-australiens-le-modele-francais-dexportation-darmes-en-question-170390">Sous-marins australiens : le modèle français d’exportation d’armes en question</a>
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<h2>Imposition des multinationales : les États-Unis à la manœuvre</h2>
<p>C’est au travers de larges négociations internationales que l’administration Biden a réussi à convaincre ses partenaires de l’OCDE d’appliquer une <a href="https://www.france24.com/fr/%C3%A9co-tech/20211008-imp%C3%B4t-sur-les-multinationales-136-pays-s-accordent-sur-une-taxation-minimale-%C3%A0-15">taxation minimale sur les bénéfices des multinationales</a>. Il s’agit d’un accord historique malgré un taux minimal de 15 % bien en deçà des <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/taxation-minimale-des-multinationales-il-fallait-fermer-le-robinet-de-levitement-fiscal-analyse-l-economiste-farid-toubal_4782471.html">21 % initialement souhaités par Joe Biden</a>.</p>
<p>Cela permettra de lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, tout particulièrement des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple). Ces derniers parviennent à <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/enquete-comment-les-gafa-se-debrouillent-ils-pour-payer-si-peu-d-impots-1551450994">échapper largement à l’impôt</a> grâce au dumping fiscal de certains pays qui tirent vers le bas les taux d’imposition sur les sociétés. Or, les États-Unis ont un besoin crucial de recettes fiscales pour financer les plans d’investissement voulus par les Démocrates.</p>
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<figcaption><span class="caption">Impôt minimum mondial : vers une révolution fiscale ? France 24, 4 juin 2021.</span></figcaption>
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<p>C’est aussi une manière de ne pas laisser d’autres pays prendre des initiatives en matière d’imposition des multinationales américaines. Le Royaume-Uni ou la Turquie, pour avoir mis en place une <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">fiscalité spécifique</a> sur les grandes multinationales du numérique, sont d’ailleurs <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/taxe-gafa-washington-instaure-puis-suspend-des-droits-de-douane-pour-six-pays-europeens-1320270">menacés par les Américains</a> de mesures de rétorsion sous forme d’augmentation d’un ensemble de droits de douane.</p>
<p>L’administration Biden entend garder l’initiative sur l’évolution de la fiscalité internationale et éviter que d’autres pays suivent l’exemple français en taxant ces groupes sur la base du chiffre d’affaires réalisé sur leur territoire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/diplomatie-de-quoi-lamerique-de-joe-biden-est-elle-le-nom-168880">Diplomatie : de quoi l’Amérique de Joe Biden est-elle le nom ?</a>
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<p>Depuis le début de son mandat, Joe Biden a entrepris une réforme en profondeur de l’économie américaine tout en réinvestissant la scène internationale avec une vision du monde plus multilatérale que celle de son prédécesseur. La préservation du leadership des États-Unis reste néanmoins son objectif primordial au côté des enjeux de politique intérieure que sont la réduction des inégalités qui minent la société américaine, et la transition énergétique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Joe Biden n’a pas encore réussi à faire voter tous ses grands plans d’investissement, les blocages venant notamment de son propre camp. Un problème urgent : les élections de mi-mandat se rapprochent.Isabelle Lebon, Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen NormandieThérèse Rebière, Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1711472021-11-05T14:43:28Z2021-11-05T14:43:28Z« Squid Game » : quand la manga survivaliste rencontre le fléau de l’endettement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/430374/original/file-20211104-22501-w9a32e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C0%2C5568%2C3709&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cette fantaisie violente émerge du désespoir de l’endettement chronique.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Avis au lecteur : Cet article dévoile des éléments d’intrigue de « Squid Game ».</em></p>
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<p>La série coréenne « Squid Game », qui fait sensation sur Netflix, est-elle une <a href="https://www.nme.com/reviews/tv-reviews/squid-game-review-netflix-k-drama-3056718">allégorie du capitalisme actuel</a> ? La réaction qu’il produit évoque une forme ancienne de théâtre, les <a href="https://books.google.ca/books/about/Le_th%C3%A9%C3%A2tre_au_Moyen_%C3%82ge.html?id=z-saApnKK94C&redir_esc=y">moralités médiévales</a>, qui martelaient la menace de la damnation éternelle par les sept péchés capitaux.</p>
<p>En tant que professeure de littérature spécialisée dans le cinéma et les médias vidéo, je suis généralement à la recherche de <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/19416520.2016.1162421">« contradictions constitutives »</a> – c’est-à-dire les hypocrisies propres aux sociétés ultra-capitalistes, démocratiques et prétendument justes et qui défient la règle de droit et le bon sens.</p>
<p>Je suis donc indécise sur la manière d’interpréter l’allégorie dans la parodie d’élections au deuxième épisode de la série. Ce serait une allégorie dans la mesure où la trame narrative véhiculerait un sens profond ou caché que l’auditoire doit décoder – auquel cas, c’est sa réaction qui produit l’allégorie. Mais peut-être aussi qu’il n’y a aucune allégorie et que « Squid Game » ne fait que mettre à nu le mal et l’hypocrisie, de manière particulièrement graphique et crue.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CULt3blMFii","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Un capitalisme sans alternative</h2>
<p>En neuf épisodes, cette série-coup de poing expose le <a href="https://www.babelio.com/livres/Fisher-Le-realisme-capitaliste-ny-a-t-il-aucune-alterna/1073246">« réalisme capitaliste »</a>. Cette expression du philosophe Mark Fisher décrit l’impossibilité d’imaginer qu’il y ait quoi que ce soit hors du système politico-économique en place, ni même une alternative à ce système.</p>
<p>Or, quand on demande au créateur de la série Hwang Dong-hyuk s’il a délibérément entrepris d’exposer le capitalisme actuel à travers son côté inhumain et mortel, celui-ci se moque de l’idée même que sa série puisse comporter un message ou un sens « profond ». Il déclarait au <em>Guardian</em> :« La série est motivée par une idée simple : <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">nous nous battons pour nos vies même si les dés sont pipés</a>. »</p>
<p>La série s’inspire de ses expériences personnelles durant la <a href="https://www.banqueducanada.ca/2014/11/heritage-crise-financiere/">récession mondiale de 2009</a>. Le financement public pour ses projets de films s’était alors tari, le contraignant lui, sa mère et sa grand-mère, à s’endetter.</p>
<p>Séduit par les jeux survivalistes extrêmes dépeints dans les manga japonais et sud-coréens, Hwang s’est demandé jusqu’à quelle outrance il pourrait aller pour se maintenir en vie, lui et sa famille. Il n’a pas eu besoin de chercher bien loin pour trouver des récits édifiants.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le créateur de Squid Game, Hwang Dong-hyuk, a été influencé par le manga japonais Battle Royale, qui a également inspiré le film culte éponyme.</span></figcaption>
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<h2>Des événements réels</h2>
<p>L’histoire du héros de la série, Seong Gi-hun, est une <a href="https://www.thenation.com/article/culture/squid-game-review/">transposition d’un conflit violent – et réel – chez le fabricant automobile SsangYong en 2009</a>. Suite au licenciement de 40 % des 2 600 employés, les 1 000 grévistes avaient tenu tête pendant 77 jours au service de sécurité privé de l’entreprise allié à la police coréenne et une trentaine d’entre eux y ont perdu la vie – souvent par suicide.</p>
<p>Sous l’effet du sous-emploi et du chômage chronique et des pertes matérielles (<a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2021-coronavirus-global-debt/">aggravées par la pandémie</a>), le niveau de la dette personnelle des Sud-Coréens <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/oct/08/squid-game-lays-bare-south-koreas-real-life-personal-debt-crisis">a grimpé à 105 % du PIB</a> en 2021. Au Canada, la dette moyenne des ménages a explosé pour <a href="https://tradingeconomics.com/canada/households-debt-to-gdp">atteindre 112 % au premier trimestre de 2021, avant de retomber à 109 % au deuxième trimestre</a>.</p>
<p>« Squid Game, c’est le monde où nous vivons », a déclaré Hwang Dong-hyuk au Guardian, sans prétention ni exagération.</p>
<h2>Carcan financier</h2>
<p>Dans son rôle de Seong Gi-hun, l’acteur Lee Jung-jae incarne l’homme ordinaire qui joint les rangs des millions de travailleurs déplacés et rejetés. Pris au piège des jobines de service, réduit à travailler comme chauffeur après la faillite du restaurant où il travaillait, ce joueur compulsif au visage attachant et expressif est étranglé de dettes bancaires et usuraires.</p>
<p>Son ex-femme s’est remariée avec un homme avec une belle situation et qui prévoit s’installer aux États-Unis, avec elle et leur fille. Le nouveau mari peut se permettre de célébrer l’anniversaire de sa belle-fille dans un « steakhouse » (prononcé en anglais pour plus d’emphase), tandis que Seong Gi-hun avale un hot-dog et une galette de poisson à la cantine et ne trouve à offrir qu’un présent ridicule remporté à la galerie de jeux.</p>
<p>Joueur invétéré et éternel optimiste, Seong Gi-hun s’imagine toujours sur le point de gagner le Gros Lot – quand il parie l’argent de sa mère ou quand il <a href="https://lepetitjournal.com/seoul/a-voir-a-faire/comment-jouer-ddakji-jeu-papier-squid-game-322550">joue au ddakji</a> dans une station de métro de Séoul.</p>
<p>Mais comme tous les jeux de hasard, il est clair que cette partie de ddakji est truquée dès le départ. Il est également clair que les 456 concurrents du « jeu du calmar » (Gi-hun est le no 456) mettent leur vie en jeu dans une bataille ultime avec l’espoir de rafler le grand prix en argent, dans un suspense où les défis et les risques augmentent de jeu en jeu. Cette intrigue n’est pas sans rappeler le récit japonais <em>Battle royale</em>, <a href="https://variety.com/2021/global/asia/squid-game-director-hwang-dong-hyuk-korean-series-global-success-1235073355/">dont s’est explicitement inspiré Hwang</a>.</p>
<h2>Contradictions</h2>
<p>Ce qui est moins clair – et source de contradictions constitutives et d’ironies à gogo –, c’est la raison pour laquelle tant de téléspectateurs suivent cette série. « Squid Game » <a href="https://www.lapresse.ca/arts/television/2021-10-12/netflix/squid-game-fracasse-un-record-a-sa-sortie.php">fracasse tous les records chez Netflix</a>, devançant même le succès de la série la plus populaire, Bridgerton. <em>Bloomberg News</em> estime que « Squid Game » a rapporté <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/squid-game-un-pactole-a-900-millions-de-dollars-pour-netflix-1355775">900 millions de dollars américains</a> jusqu’à présent.</p>
<p>Cependant, sa réalisation n’a <a href="https://www.premiere.fr/Series/News-Series/Squid-Game-na-coute-que-21-millions-de-dollars-a-Netflix">coûté qu’environ 21 millions de dollars</a>, et son créateur Hwang Dong-hyuk, qui y a perdu six dents à cause du stress, ne touche aucune redevance. Et il espère d’être reconnu pour autre chose un jour.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une vue aérienne de Séoul, avec ses gratte-ciel" src="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le niveau d’endettement personnel des Sud-Coréens a grimpé à 105 % du PIB en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Un livreur coréen non identifié a déclaré au <em>Guardian</em> : « Il faut payer pour regarder [l’émission] et je ne connais personne qui me laissera utiliser son compte Netflix… De toute façon, quel intérêt à suivre une bande de types écrasés de dettes ? <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/oct/08/squid-game-lays-bare-south-koreas-real-life-personal-debt-crisis">J’ai juste à me regarder dans le miroir</a>. »</p>
<p>Pourquoi, en effet, un téléspectateur avec les mêmes difficultés financières que les personnages voudrait-il regarder « Squid Game » ? J’ai recherché sur Internet pour déterminer quelle part des 142 millions de foyers ayant visionné la série avait souscrit à la période d’essai gratuit. Je n’ai pas trouvé la réponse.</p>
<p>Hwang Dong-hyuk négocie <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-news/squid-game-creator-season-2-meaning-1235030617/">avec les bonzes de la diffusion en continu pour une éventuelle suite</a> ainsi que d’autres projets de films. <a href="https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/300-millions-d-abonnes-a-la-svod-en-2025-aux-etats-unis-39900143.htm">Compte tenu de la croissance prévue du secteur</a>, qu’est-ce que les téléspectateurs sont prêts à payer ou à sacrifier pour continuer de visionner « Squid Game » ?</p>
<p>Plus précisément, pourquoi le feraient-ils ? Je pense que la réponse à la question de l’allégorie du capitalisme actuel dépend de ce que les spectateurs voient se refléter à l’écran. Un spectateur se reconnaîtra dans un personnage, alors qu’un autre y percevra une souffrance qu’il n’imaginait même pas.</p>
<p>Ces vecteurs d’identification divergents peuvent déterminer s’il y a ou non un sens profond ou caché à « Squid Game ». Ils pourraient influencer la création de nouveaux jeux de hasard, de manipulation et de survie toujours plus affreux. Mais pour le découvrir, il faudra rester à l’écoute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171147/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elaine Chang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La popularité inattendue de l’émission coréenne « Squid Game » met en lumière notre rapport à la dette et au capitalisme, mais les contradictions vont au-delà de l’émission elle-même.Elaine Chang, Associate Professor, English and Theatre Studies, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1697442021-10-17T15:53:52Z2021-10-17T15:53:52ZEndettement public : problème ou solution ?<p><em>Depuis l’éclatement de la crise sanitaire au printemps 2020, les États se sont massivement endettés pour financer les mesures de soutien à l’économie. Faut-il s’en inquiéter ? Et si la situation était moins grave qu’elle n’y paraît ? Explications avec Thomas Grjebine, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), qui répond aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du CEPII.</em></p>
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<p><strong>Avec la crise sanitaire, les dettes publiques se sont envolées, faut-il s’en inquiéter ?</strong></p>
<p>Les dépenses publiques massives engendrées par la crise du Covid-19, financées par l’endettement des États, ont fait resurgir les inquiétudes relatives à la soutenabilité de cet endettement. Il faut dire que la dette publique est passée de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5400034">98 % du PIB en 2019 à 118 % début 2021</a> en France, et de <a href="https://www.cbo.gov/publication/56996">79 % à 102 % aux États-Unis</a>.</p>
<p>Malgré ces très fortes augmentations, la soutenabilité des dettes nationales n’est pourtant pas remise en cause car les taux sont proches de zéro et parfois négatifs, ce qui permet d’émettre de nouvelles dettes pour rembourser les anciennes sans difficulté.</p>
<iframe title="Dette des administrations publiques françaises " aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-0aXWi" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0aXWi/4/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="600" width="100%"></iframe>
<p>Cet environnement de taux bas s’inscrit dans une tendance de long terme, amorcée dans les années 1980, en lien avec une abondance d’épargne au niveau mondial et de faibles opportunités d’investissement. Cet excès d’épargne puise notamment sa source dans le vieillissement démographique et la forte montée des inégalités, qui concentre la richesse dans les mains de ménages qui ne consomment qu’une faible part de leurs revenus.</p>
<p>Cette baisse tendancielle des taux d’intérêt et leur très faible niveau actuel n’excluent pas pour autant qu’un mouvement de défiance envers certains titres souverains fasse subitement remonter les taux, comme cela s’était produit dans la zone euro en 2010-2012.</p>
<p><strong>Mais les politiques mises en œuvre par les banques centrales ne permettent-elles pas de se prémunir d’une telle évolution ?</strong></p>
<p>Oui, le fait que les banques centrales n’hésitent plus à contrôler les taux d’intérêt à long terme change la donne. Même si la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas adopté officiellement une <a href="https://theconversation.com/une-solution-a-la-japonaise-pour-eviter-la-crise-des-dettes-souveraines-137264">politique de contrôle des taux longs comme au Japon</a>, elle mène en pratique une politique qui s’en approche. On se souvient du fameux « whatever it takes » (quoi qu’il en coûte) de Mario Draghi en juillet 2012 qui avait instantanément permis de réduire les écarts de taux d’emprunt entre pays européens, une annonce qui avait été suivie par des programmes d’achats massifs d’actifs à partir de 2015 (le quantitative easing).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1254835276515553286"}"></div></p>
<p>Évidemment, officiellement, il n’est question ni de monétisation des dettes publiques – l’article 123 du traité de Lisbonne interdit à la banque centrale d’acquérir directement auprès des États les instruments de leur dette – ni d’une politique visant à réduire les spreads (les écarts de taux). Mais la frontière est mince entre un financement direct et un financement via des achats d’obligations sur le marché secondaire qui aboutissent à une baisse des spreads.</p>
<p>En pratique, la banque centrale participe de façon très active au financement des dettes publiques : aujourd’hui, près de 20 % de la dette publique française est détenue par la Banque de France ; c’est même 60 % de la dette publique émise par les pays de la zone euro entre mars et août 2020 qui a été rachetée par leurs banques centrales.</p>
<p>Par ces achats massifs d’actifs, la BCE mène ainsi implicitement une politique de contrôle des taux longs qui, si elle était pérennisée, pourrait permettre de se prémunir du risque d’une nouvelle crise des dettes souveraines. Cet édifice reste néanmoins fragile car il repose sur des compromis politiques tacites.</p>
<p><strong>Est-ce à dire qu’un risque spécifique pèse sur les pays de la zone euro ?</strong></p>
<p>La question de la dette publique se pose en des termes très différents pour les pays de la zone euro, endettés dans une monnaie qu’ils ne contrôlent pas, et des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Japon qui sont souverains monétairement.</p>
<p>Comme le soulignait l’ancien président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Alan Greenspan, en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Les États-Unis peuvent rembourser n’importe quelle dette qu’ils ont car ils peuvent toujours <a href="https://www.cnbc.com/id/44051683">créer de la monnaie pour cela</a>. »</p>
</blockquote>
<p>C’est que, dans un État souverain monétairement, État et banque centrale ne font qu’un : la séparation de leurs bilans relève d’un artifice comptable puisqu’institutionnellement la banque centrale est une sous-entité de l’État. Aux États-Unis, l’autorité monétaire est ainsi <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=12934">seulement déléguée par le Congrès à la Fed</a> qui doit lui rendre des comptes.</p>
<p>La situation est très différente pour les pays de la zone euro, d’autant plus que l’indépendance de la BCE est gravée dans le marbre des traités (alors que dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, l’indépendance de la banque centrale peut être modifiée par une simple loi). En outre, la gestion des dettes publiques est rendue plus complexe encore par la coexistence de 19 dettes souveraines pour une banque centrale.</p>
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<p>Si, faute d’accord politique, la BCE voyait ses marges de manœuvre limitées, on ne serait pas à l’abri d’une nouvelle crise des dettes souveraines – une probabilité faible mais qui existe. Une situation très différente de celle du Japon par exemple, où la question de la soutenabilité ne se pose pas malgré une dette publique atteignant près de 250 % du PIB car la banque du Japon peut acheter autant de dette publique que de besoin.</p>
<p><strong>Les États de la zone euro sont donc contraints dans la gestion de leur dette publique faute de souveraineté monétaire, mais ils sont souverains fiscalement ! Dès lors, des hausses d’impôts sur les entreprises ou sur les plus riches ne permettraient-elles pas d’améliorer la soutenabilité de leurs dettes ?</strong></p>
<p>Directement, non, car la faiblesse structurelle des taux provient en partie de l’excès d’épargne des plus riches qui achètent massivement de la dette publique. Une meilleure redistribution, par une telle hausse de la fiscalité, permettrait, en revanche, de soutenir la demande et de rendre ainsi la dette publique moins nécessaire, tout en réduisant les ratios d’endettement via le surcroît de croissance permis par cette demande supplémentaire.</p>
<p><strong>Finalement, les dettes publiques sont-elles un problème ou une solution ?</strong></p>
<p>Dans un environnement où l’épargne privée est abondante, la dette publique demeure un instrument privilégié pour combler les déficits de demande. En gros, on a besoin que quelqu’un consomme ou investisse : si le privé épargne, il faut que le public prenne le relais. Chercher à réduire la dette nominale par des politiques d’austérité serait catastrophique et risquerait de nous replonger dans l’engrenage infernal de 2010-2012.</p>
<p>Ce qui ne signifie pas que l’augmentation de l’endettement doit être sans limites puisque, surtout dans le contexte de la zone euro, il faut préserver la confiance de nos partenaires (pour que la BCE puisse continuer d’agir) et des marchés. Mais les taux bas actuels sont une opportunité pour emprunter, y compris à l’échelle européenne, et financer les investissements nécessaires à la transition écologique ainsi qu’au renforcement et au verdissement de notre appareil productif.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne », un partenariat CEPII–The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169744/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’abondance de l’épargne au niveau mondial engendre une baisse des taux qui fait de la dette un outil privilégié pour aujourd’hui combler les déficits de demande.Thomas Grjebine, Économiste, CEPIIIsabelle Bensidoun, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1667622021-08-26T18:38:58Z2021-08-26T18:38:58ZRestreindre le crédit à la consommation, l’arme anti-inflation de l’après-guerre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/418007/original/file-20210826-23-136ltr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C107%2C1024%2C665&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, le Conseil national du crédit a imposé des contrôles sur les prêts de 1948 à 1979&nbsp;pour freiner la hausse des prix.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://catalog.archives.gov/">The U.S. National Archives</a></span></figcaption></figure><p>Le retour à une activité économique normale s’accompagne actuellement de tensions inflationnistes dans de nombreux pays. Ces derniers mois, les prix américains ont ainsi augmenté de <a href="https://www.cityam.com/us-inflation-rises-faster-than-expectations-in-july/">plus de 5 % en glissement annuel</a>. Au Royaume-Uni, cette hausse a été plus lente (et a même été <a href="https://www.ft.com/content/62405c6c-1dd5-4b8b-9203-c400428aa796">légèrement inférieure aux attentes en juillet</a>), mais elle devrait s’accélérer à nouveau.</p>
<p>Cette situation ressemble beaucoup à ce qu’il s’est passé après la Seconde Guerre mondiale. À l’époque comme aujourd’hui, les gouvernements ont été confrontés à des consommateurs désireux de dépenser et à une industrie qui n’était pas encore prête à répondre à la demande. Actuellement, les mesures de restrictions désorganisent les chaînes d’approvisionnement. En 1945, les producteurs avaient besoin de temps pour reprendre leurs activités habituelles après des années de production pour la guerre.</p>
<p>Pour freiner la demande et écarter la menace de l’inflation, les autorités ont alors imposé des contrôles sur le crédit à la consommation. Un levier qui pourrait parfaitement être activé à nouveau aujourd’hui.</p>
<h2>Lisser le cycle économique</h2>
<p>Pendant la guerre, les États-Unis et le Royaume-Uni avaient adopté des mesures qui visaient à la fois à freiner la demande alimentée par le crédit et à réorienter les ressources financières vers la défense nationale.</p>
<p>Le président des États-Unis Franklin Roosevelt avait <a href="https://www.presidency.ucsb.edu/documents/message-congress-economic-stabilization-program">résumé cette politique</a> de manière très claire en 1942 :</p>
<blockquote>
<p>« Nous devons décourager le crédit et la location-vente pour encourager le remboursement des dettes, des hypothèques et des autres obligations, car cela favorise l’épargne, retarde les achats excessifs et augmente le montant dont disposent les créanciers pour acheter des obligations de guerre. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=610&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418012/original/file-20210826-25-rfg9i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=766&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les années 1940, le gouvernement américain exigeait que les crédits au détail soient remboursés dans les 90 jours.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.loc.gov/">Library of Congress</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Réserve fédérale (Fed) a donc dûment introduit des restrictions pour les prêteurs. Pour la location-vente, qui sert généralement à financer des voitures et des appareils électroménagers, les consommateurs devaient payer 33 % du prix à l’avance et rembourser le reste sur 12 mois. Le gouvernement a également restreint les comptes de crédit au détail, exigeant qu’ils soient remboursés en 90 jours.</p>
<p>Le Royaume-Uni a introduit des <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-politics-of-consumer-credit-in-the-uk-1938-1992-9780198732235?cc=gb&lang=en&">contrôles similaires</a>, limitant le crédit pour la location-vente de biens qui nécessitaient l’importation de métaux étrangers coûteux. Le crédit de location-vente a ainsi été ramené à 10 % de son total d’avant-guerre.</p>
<p>À partir de 1945, les États-Unis et le Royaume-Uni ont maintenu ces contrôles afin de limiter la demande de biens à un moment où leur offre était limitée. Ces contrôles visaient également à modérer les pics et les creux du cycle économique.</p>
<p>Les autorités estimaient en effet que le crédit à la consommation avait stimulé la croissance et l’inflation lors des précédentes phases de reprise, mais qu’il avait accentué la chute lorsque les consommateurs avaient cessé de dépenser leurs revenus et ne voulaient ou ne pouvaient pas emprunter. Cette situation, pensait-on, avait prolongé la Grande Dépression des années 1930.</p>
<h2>Des contrôles pérennisés</h2>
<p>Les États-Unis ont été les premiers à lever leurs contrôles. Le gouvernement avait eu du mal à faire respecter les règles pendant la guerre et s’était ensuite heurté à une réaction contre le pouvoir gouvernemental des entreprises, qui étaient notamment opposées aux contrôles du crédit.</p>
<p>Comme l’expliquait un <a href="https://books.google.co.uk/books?id=HEsIO8aAu6QC&pg=PA84&lpg=PA84&dq=Regulation+of+consumer+credit+by+federal+authority+is+unnecessary,+ineffective,+un-American,+unsocial,+inconsistent,+and+impractical.">groupe de banquiers au Congrès</a> en 1947 :</p>
<blockquote>
<p>« La réglementation du crédit à la consommation par l’autorité fédérale est inutile, inefficace, non américaine, non sociale, incohérente et peu pratique. »</p>
</blockquote>
<p>Les contrôles américains ont expiré en 1949, avant d’être brièvement relancés pendant la guerre de Corée en 1950-1953, mais ils se sont éteints par la suite. Néanmoins, les contrôles ont continué à faire partie du débat politique. En 1980 encore, le président Jimmy Carter les a <a href="https://fraser.stlouisfed.org/files/docs/publications/frbatlreview/pages/66421_1980-1984.pdf">brièvement réimposés pour lutter contre l’inflation</a>.</p>
<p>Les contrôles sont restés plus systématiquement en place au Royaume-Uni, où la lutte contre l’inflation s’est mêlée aux efforts pour défendre la livre sterling. Outre le maintien des restrictions sur la location-vente, le gouvernement a également plafonné par la suite le montant que les citoyens pouvaient dépenser sur des cartes de crédit à l’étranger.</p>
<p>Dans les années 1970, Londres exigeait également des banques qu’elles fassent des dépôts spéciaux à la Banque d’Angleterre contre de nouveaux prêts. Les gouvernements conservateurs et travaillistes ont continué à appliquer des mesures de contrôle du crédit jusqu’en 1982.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418013/original/file-20210826-17-1tixpfl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=515&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président américain Jimmy Carter a brièvement réintroduit les contrôles des crédits à la consommation pendant son mandat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pingnews/507815491">Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ailleurs en Europe, les gouvernements d’après-guerre ont privilégié une gestion économique plus directe qui comprenait des <a href="https://www.cambridge.org/core/books/consumer-lending-in-france-and-america/FA96366E2203CB20126876473E0B0EE0">politiques similaires</a>. En France, par exemple, le Conseil national du crédit a imposé des contrôles sur les crédits à la consommation en 1948 et les a maintenus jusqu’en 1979, exigeant parfois des acomptes pouvant atteindre 50 %.</p>
<p>Dans tous ces pays, ces mesures ont limité les emprunts des consommateurs et ont contribué à maîtriser l’inflation au cours des années 1940 et au-delà. Elles ont également fait en sorte que la croissance des salaires, plutôt que les emprunts des consommateurs, soit le moteur de la prospérité d’après-guerre.</p>
<h2>Instabilité économique et inégalités</h2>
<p>Au début des années 1980, la déréglementation a balayé ces contrôles, sous l’impulsion du nouveau libéralisme économique adopté par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Les contrôles du crédit étaient alors considérés comme une intervention indésirable de l’État. Depuis, les gouvernements restent réticents à envisager de telles mesures, cherchant plutôt à stimuler les dépenses de consommation.</p>
<p>Actuellement, comme pendant la période d’après-guerre, de nombreux consommateurs disposent d’importantes réserves de liquidités pour avoir <a href="https://commonslibrary.parliament.uk/research-briefings/cbp-9060/">épargné beaucoup plus que d’habitude</a> pendant la pandémie. Au Royaume-Uni, bien que les ménages aient réduit leurs dépenses de crédit au printemps 2020, celles-ci sont depuis <a href="https://www.bankofengland.co.uk/statistics/visual-summaries/household-credit">reparties à la hausse</a>.</p>
<p><strong>Dette des consommateurs en pourcentage du PIB au Royaume-Uni</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Consumer debt as a % of GDP" src="https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=260&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416981/original/file-20210819-15-9fxm76.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=327&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://tradingeconomics.com/united-kingdom/households-debt-to-gdp">Trading Economics</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les emprunts des consommateurs restent un moteur de la croissance économique et sont toujours considérés comme essentiels pour sortir de la pire récession de mémoire d’homme. Pourtant, les arguments à long terme en faveur des contrôles méritent d’être remis sur la table. Le crédit est source de croissance, mais aussi <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3124001">d’instabilité économique</a> et d’<a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3571907">inégalités</a>, puisque les consommateurs dépensent au lieu d’épargner, ce qui rend plus difficile la constitution d’un patrimoine. Et si le crédit augmente le pouvoir d’achat des ménages, il provoque également l’inflation lorsque l’offre se réduit.</p>
<p>La pandémie, comme la guerre, apparaît comme un moment unique pour reconsidérer notre économie dépendante de la dette. Les travailleurs britanniques, dans un contexte de <a href="https://time.com/6082457/hourly-workers-demand-pay-benefits/">pénurie de main-d’œuvre</a>, <a href="https://capital.com/uk-workers-demand-higher-wages-as-labour-shortage-deepens">exigent désormais des salaires plus élevés</a>. Or, ce sont les salaires, et non la dette, qui constituent le fondement essentiel du pouvoir d’achat des consommateurs.</p>
<p>De surcroît, à l’ère du numérique, les gouvernements se voient doter de nouveaux outils pour mettre en œuvre et superviser les contrôles du crédit. Ces restrictions peuvent également s’avérer utiles pour atteindre de nouveaux objectifs, notamment la lutte contre le changement climatique, en limitant le crédit pour les produits à forte intensité de carbone (et, d’une manière générale, en freinant les pulsions de gaspillage du capitalisme de consommation).</p>
<p>Enfin, bon nombre des ménages les plus pauvres ont recours à des emprunts excessifs pour survivre. Via les mesures d’aide, les gouvernements ont trouvé des moyens de protéger les plus vulnérables face à la récession. Ils pourraient donc prolonger ce soutien, plutôt que de dépendre de l’exploitation du crédit privé.</p>
<p>Alors que les consommateurs américains augmentaient leurs emprunts après l’expiration des contrôles au milieu des années 1950, l’économiste <a href="https://archive.org/stream/JohnKennethGalbraithTheAffluentSociety1998MarinerBooks/John%20%20Kenneth%20Galbraith%20-%20The%20Affluent%20Society%20%281998%2C%20Mariner%20Books%29_djvu.txt">John Kenneth Galbraith s’était interrogé</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’agent de recouvrement ou l’avocat des faillites peut-il être le personnage central de la bonne société ? »</p>
</blockquote>
<p>Une question qui mérite d’être posée à nouveau dans le contexte actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166762/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sean H. Vanatta est membre du conseil consultatif de FRASER .</span></em></p>Dans les années 1940, les États-Unis ou le Royaume-Uni ont durci les conditions d’accès aux prêts pour freiner la demande, le temps que l’industrie organise son retour à une activité normale.Sean H. Vanatta, Lecturer in US Economic and Social History, University of GlasgowLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594582021-04-25T16:31:15Z2021-04-25T16:31:15ZPourquoi la dette publique effraie-t-elle autant ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396260/original/file-20210421-23-1s7z5wl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7340%2C4985&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, le niveau de la dette publique approche les 120&nbsp;% du PIB.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/euro-banknotes-coins-front-national-flag-1229923981">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Un ménage surendetté prend le risque de se retrouver en défaut de paiement et de subir la saisie de ses biens par un huissier. Par analogie, un gouvernement surendetté serait également fragilisé. L’envol de la dette publique actuelle, qui <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5347882">approche les 120 % du PIB</a>, alors que les critères de Maastricht recommandent de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crit%C3%A8res_de_convergence">ne pas dépasser les 60 %</a>, a ravivé certaines inquiétudes quant à la pérennité des dépenses publiques.</p>
<p>Ces inquiétudes peuvent concerner la soutenabilité de la dette, un enrayement de la compétitivité et donc de la croissance, le retour d’une inflation incontrôlée, ou encore la charge qui pèsera sur les futures générations. Pourtant, sur ces différents points, les craintes peuvent être exagérées dans les prises de parole dans le débat public.</p>
<h2>Une dette soutenable ?</h2>
<p>Le 21 avril, dans une <a href="https://www.sudradio.fr/economie/olivier-dussopt-il-faudra-mettre-fin-au-quoiquil-en-coute-qui-augmente-la-dette/">interview</a> accordée à Sud Radio, le ministre délégué chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, a prévenu qu’« il faudra mettre fin au quoiqu’il en coûte, progressivement » pour « revenir à un niveau soutenable de dépense publique ».</p>
<p>Pourtant, si un ménage qui s’endette plus se met potentiellement dans une situation précaire, ce n’est pas forcément le cas pour un État… En France, la dette publique a augmenté de 33 points de PIB depuis 2007 alors que les charges d’intérêts ont baissé dans le même temps de 17 milliards d’euros. De même, le Japon continue d’emprunter à des <a href="https://www.bloomberg.com/markets/rates-bonds/government-bonds/japan">taux d’intérêt négatifs</a>, en dépit d’un taux d’endettement record de <a href="https://tradingeconomics.com/japan/government-debt-to-gdp">plus de 200 % du PIB</a>.</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/60364d982c4f464eb3209102?cover=true&ga=false" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/48FNi1jVeXaMGkTAo7EscM?si=9fEcxsx9RLqgN-B-uRxUMw"><img src="https://images.theconversation.com/files/321535/original/file-20200319-22606-1l4copl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=183&fit=crop&dpr=1" width="268" height="70"></a> <a href="https://soundcloud.com/theconversationfrance/faut-il-sinquieter-de-lenvolee"><img src="https://images.theconversation.com/files/359064/original/file-20200921-24-prmcs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=218&fit=crop&dpr=2" alt="Listen on SoundCloud" width="268" height="70"></a> <a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/faut-sinqui%C3%A9ter-lenvol%C3%A9e-la-dette-publique-fran%C3%A7aise/id1552192504?i=1000510470710"><img src="https://images.theconversation.com/files/321534/original/file-20200319-22606-q84y3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<p>En outre, la dette peut renforcer une économie. Les dépenses financées vont en effet permettre de stimuler la consommation en se transformant en revenus pour ses citoyens, qui pourront ensuite plus facilement supporter une augmentation d’impôt.</p>
<p>Certes, il y a évidemment une limite à ne pas dépasser. Avec un endettement élevé, la part des finances publiques dédiée au remboursement de la dette augmente, ravivant les craintes d’un défaut de paiement et faisant fuir les investisseurs. Un endettement surélevé peut par exemple provoquer l’exclusion des marchés financiers ou pousser les investisseurs à demander des taux d’intérêt exorbitants, comme la <a href="https://tradingeconomics.com/greece/government-bond-yield">Grèce</a> en a fait l’expérience en 2012. Une perspective qui apparaît toutefois assez éloignée aujourd’hui si l’on regarde l’évolution des taux d’intérêt malgré l’envol de l’endettement.</p>
<h2>Un frein à la croissance ?</h2>
<p>Les inquiétudes peuvent également concerner le poids que la dette publique fait porter sur la croissance d’un État. En 2010, deux économistes américains, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, avaient notamment montré que, lorsque le ratio dette publique/PIB d’un pays dépasse 90 %, le taux de croissance du pays en question s’en retrouve négativement affecté, notamment à long terme.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/396262/original/file-20210421-21-n6ewlz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphiques : PIB, dette et déficit public.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238363?sommaire=4238781">Insee</a></span>
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<p>Les économistes, inspirateurs des politiques d’austérité mises en place en Europe à la suite de la crise de la dette, ont d’ailleurs depuis corrigé leurs erreurs de calcul.</p>
<p>En outre, le niveau de dette ne semble pas avoir pesé sur l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers qui pourraient redouter des hausses d’impôt. En 2019, les investissements internationaux ont ainsi atteint un <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2020/06/03/bilan-record-des-investissements-etrangers-en-france-en-2019">niveau record</a>, faisant de la France le pays d’Europe le plus attractif pour les investisseurs étrangers.</p>
<h2>Une charge pour les générations futures ?</h2>
<p>Les craintes concernent aussi le fardeau laissé aux générations futures qui devront rembourser la dette actuellement levée. Par exemple, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, s’était inquiété fin 2020 « <a href="https://www.leparisien.fr/economie/pierre-moscovici-a-la-fin-il-faut-bien-que-la-dette-soit-remboursee-03-10-2020-8396331.php">pour les générations futures</a> […] qui auront à payer pour l’éternité une dette écrasante ».</p>
<p>Mais le surendettement de l’État se fait-il vraiment aux dépens de nos enfants ? En effet, ils bénéficieront également des revenus supplémentaires engendrés par les dépenses publiques plus importantes.</p>
<p>Comme le soulignait récemment l’économiste Patrick Artus :</p>
<blockquote>
<p>« Si la dette publique finance un supplément d’investissements efficaces (infrastructures, éducation, formation, recherche, soutien aux entreprises innovantes), elle génère un supplément de revenu dans le futur, et elle n’est donc pas une charge pour les générations futures ».</p>
</blockquote>
<p>Le surendettement de l’État ne va-t-il pas accélérer l’inflation ? Lorsque les dépenses publiques augmentent, cela stimule la demande et exerce une pression à la hausse sur les prix. Si l’État dépense de manière irresponsable, l’inflation pourrait même devenir incontrôlée. D’un autre côté, un pays qui traverse une période économique difficile fera face à une tendance à la baisse des prix, de telle sorte qu’un plan de relance financé par la dette publique pourrait avoir l’effet bénéfique d’éviter la déflation.</p>
<p>La question du retour de l’inflation fait d’ailleurs actuellement débat chez les économistes dans un contexte où les prévisions à ce sujet deviennent <a href="https://theconversation.com/previsions-dinflation-lanalyse-na-jamais-ete-aussi-complexe-159279">plus difficiles que jamais</a>. Si les prix peuvent monter en raison de la hausse des prix actuelle sur les matières premières, elle a en effet également perdu son moteur que constitue la dynamique salariale à l’heure où le pouvoir de négociations des syndicats s’amenuise.</p>
<p>Une chose est sûre : la corrélation traditionnelle entre hausse des prix et augmentation de la masse monétaire en circulation dans un pays ne fonctionne plus, car le déversement de liquidités des politiques monétaires des banques centrales n’ont pas relancé l’inflation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1384578114001506304"}"></div></p>
<p>Un avenir incertain pour nos enfants, l’incapacité des États à financer leurs dépenses, ou une inflation hors de contrôle, voilà qui a de quoi effrayer. Mais peut-on accuser un niveau trop élevé de la dette publique de provoquer ces scénarios catastrophiques ? La dette publique peut en effet parfois s’avérer indispensable, pour sortir d’une crise économique ou financer des projets d’avenir. Une dette publique surélevée peut par ailleurs parfois être un symptôme de maux plus profonds, tels que l’irresponsabilité de certains gouvernements…</p>
<p>Certes, déterminer si un niveau plus élevé de dette publique est néfaste ou bénéfique n’est pas chose facile. Mais tirer des conclusions en se basant uniquement sur son niveau, sans tenir compte du contexte unique que nous vivons, apparaît aujourd’hui comme trop facile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Baptiste Massenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’endettement des États pour répondre à la crise sanitaire a généré un certain nombre de craintes que les circonstances actuelles rendent infondées.Baptiste Massenot, Professeur Associé en Economie et Finance, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.