tag:theconversation.com,2011:/us/topics/entreprenants-54614/articlesentreprenants – The Conversation2022-04-20T18:13:51Ztag:theconversation.com,2011:article/1815202022-04-20T18:13:51Z2022-04-20T18:13:51ZLe soutien familial, un vecteur essentiel de bien-être chez les entrepreneurs<p>Imaginez la scène : C’est la fin de l’après-midi. Une maman participe à une réunion Zoom dans la cuisine tout en essayant de préparer le dîner pour un enfant (affamé) qui va bientôt arriver de l’école. Pendant ce temps, son époux court vers l’école primaire pour récupérer leur fils, juste après avoir terminé une importante réunion de travail. Dans une heure, il reprendra ses tâches à la maison tandis que la mère, qui viendra de terminer sa réunion sur Zoom, s’occupera de l’enfant.</p>
<p>Cette scène est devenue courante dans les foyers d’aujourd’hui, surtout depuis la crise du Covid-19 en 2020 avec l’essor des pratiques de travail à distance. L’équilibre entre les responsabilités professionnelles et familiales, appelé « équilibre travail-famille » (EFT), est ainsi devenu une préoccupation majeure de la population active d’aujourd’hui.</p>
<p>D’ailleurs, le soutien de la famille, en particulier entre conjoints, constitue un facteur important qui aide les gens à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. Les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Wendy-Casper/publication/242107991_Work_and_Family_Research_in_IOOB_Content_Analysis_and_Review_of_the_Literature_1980-2002/links/5dc03128a6fdcc212800fa0e/Work-and-Family-Research-in-IO-OB-Content-Analysis-and-Review-of-the-Literature-1980-2002.pdf">recherches</a> indiquent qu’un équilibre réussi entre vie professionnelle et vie familiale entraîne une plus grande satisfaction dans ces deux domaines.</p>
<h2>« Je réussis bien à concilier travail et famille »</h2>
<p>Mais existe-t-il des spécificités pour les entrepreneurs ? Dans notre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00472778.2019.1659675">recherche</a>, nous nous sommes concentrés sur le sentiment de bien-être des patrons français de petites et moyennes entreprises (PME), qui créent et dirigent leur propre entreprise et <a href="https://www.oecd.org/mcm/documents/C-MIN-2017-8-EN.pdf">jouent un rôle essentiel dans l’économie moderne</a>. Nous avons mesuré le sentiment de bien-être en examinant la satisfaction familiale des entrepreneurs, la satisfaction au travail, le stress lié au travail et l’incidence de l’épuisement professionnel, et nous l’avons relié à leur soutien familial.</p>
<p>Nous avons constaté que, dans l’ensemble, les entrepreneurs se sont déclarés satisfaits de leur bien-être au travail. Lorsqu’on leur a demandé d’évaluer s’ils étaient d’accord ou non, sur une échelle de 1 à 5, avec des affirmations telles que « Je suis capable de négocier et d’accomplir ce que l’on attend de moi au travail et dans ma famille » et « Les personnes qui me sont proches diraient que je réussis bien à concilier travail et famille », les patrons de PME ont obtenu une moyenne de 3,8.</p>
<p><iframe id="RPGQY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/RPGQY/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En ce qui concerne la famille, lorsque les répondants ont été invités à évaluer des éléments tels que « En général, je suis satisfait de ma vie de famille » et « Ma vie de famille est très agréable », leur score était de 3,95. Le résultat était même de 4,25 lorsqu’il s’agissait de la satisfaction au travail et la plupart de notre échantillon était d’accord avec l’affirmation « Dans l’ensemble, je suis satisfait de mon travail ».</p>
<p>Bien que la moyenne du ETF semble élevée, il existe néanmoins des variations entre les individus, pour lesquelles, nous avons voulu savoir dans quelle mesure elles étaient liées au soutien familial.</p>
<p>Pour avoir une compréhension plus nuancée et approfondie du rôle joué par le soutien familial sur le EFT et le sentiment de bien-être des entrepreneurs, nous avons examiné deux types de soutien : le soutien instrumental et le soutien émotionnel. Que signifient ces deux types de soutien ? Le soutien instrumental est constitué de comportements et d’attitudes des membres de la famille dans le but d’accomplir certaines tâches concrètes pour les entrepreneurs. Il peut s’agir par exemple de faire les tâches ménagères, de préparer le dîner ou de s’occuper des enfants. Le soutien émotionnel, quant à lui, est un comportement ou une attitude des membres de la famille visant à encourager, à comprendre, à accorder de l’attention et un regard positif sur les entrepreneurs. Cela peut se faire, par exemple, en exprimant de l’attention, de l’amour et de l’appréciation.</p>
<p>Notre étude montre qu’en général, le soutien familial est positivement lié au EFT des entrepreneurs, et que le fait d’avoir un sentiment de EFT conduit à un sentiment de bien-être plus élevé. Cependant, à notre grande surprise, nous avons constaté que si le soutien émotionnel de la famille augmente le sentiment d’EFT et de bien-être des entrepreneurs, le soutien instrumental quant à lui diminue leur sentiment d’EFT et de bien-être en général.</p>
<h2>Des avantages pas toujours évidents</h2>
<p>Le résultat de notre recherche semblait contradictoire avec ce que nous attendions. Alors que nous pensions intuitivement que tout type de soutien familial serait bénéfique aux entrepreneurs, il semble que le soutien familial ne soit pas une « one size fits all » (« taille unique »).</p>
<p>Le premier message à retenir de notre recherche est que la EFT est la clé d’une plus grande satisfaction familiale et professionnelle, et d’une diminution du stress professionnel et de l’épuisement chez les entrepreneurs de petites et moyennes entreprises. Toutefois, si le soutien familial joue un rôle important à cet égard, les avantages qu’il procure ne sont pas toujours évidents.</p>
<p>Le second message à retenir de notre recherche est que les membres de la famille doivent être conscients de quel type de soutien ils apportent aux entrepreneurs, et être conscients que tous les types de soutien ne sont pas forcément bénéfiques.</p>
<p>Si le soutien émotionnel de la famille peut être une source d’inspiration et de réconfort pour les entrepreneurs, le fait de les soutenir en effectuant leurs tâches et leurs corvées peut diminuer leur sentiment d’accomplissement dans la gestion de leurs responsabilités professionnelles et familiales, et aller à l’encontre de leur sentiment de bien-être. Ainsi, les membres de la famille devraient demander plutôt que supposer a priori quel type de soutien et d’aide serait perçu comme bénéfique pour les entrepreneurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181520/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je reconnais le soutien de mes co-auteurs de l'article original dans le Journal of Small Business Management, Y. K. Leung, et, R. Thurik. </span></em></p>Les patrons de petites entreprises apprécient particulièrement lorsque leurs proches leur apportent une aide émotionnelle, montre un récent travail de recherche.Jinia Mukerjee, Professeur Associé/Associate Professor, Montpellier Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1149312019-04-06T09:50:42Z2019-04-06T09:50:42ZD’autres plates-formes sont possibles : la piste coopérative<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/267538/original/file-20190404-123400-1ktfs2j.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C1%2C1136%2C498&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Open Food France, une plateforme spécialisée dans les circuits courts alimentaires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.openfoodfrance.org">Capture d'écran de la page d'accueil.</a></span></figcaption></figure><p>Fortement plébiscitées depuis leur apparition à la fin des années 2000, les plates-formes dites collaboratives suscitent aujourd’hui de nombreuses critiques qui conduisent certains de leurs utilisateurs à l’<a href="https://www.liberation.fr/france/2018/10/19/mobilisation-des-livreurs-deliveroo-on-etait-la-la-semaine-derniere-on-reviendra-la-semaine-prochain_1686538">action collective</a>. Les préoccupations sont croissantes concernant l’utilisation des données personnelles, mais aussi l’<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/04/15/quand-l-intelligence-artificielle-reproduit-le-sexisme-et-le-racisme-des-humains_5111646_4408996.html">éthique des algorithmes</a>. </p>
<p>Outre leur fonctionnement technologique, c’est tout le modèle socio-économique des plates-formes qui fait débat. Censées générer de la valeur pour leurs utilisateurs en organisant des transactions en pair à pair, certaines plates-formes dominantes extraient des rentes conséquentes de leur position d’intermédiaire. Il est en outre reproché à des plates-formes d’esquiver le droit du travail via le <a href="http://theconversation.com/retour-vers-le-futur-quand-le-capitalisme-de-plate-forme-nous-renvoie-au-domestic-system-preindustriel-72917">recours massif aux travailleurs indépendants</a>, de procéder à de l’<a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/comment-uber-echappe-a-l-impot-898140.html">optimisation fiscale</a> ou encore de contribuer à une marchandisation accrue de nos vies quotidiennes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"917781259350347777"}"></div></p>
<h2>Du collaboratif au coopératif</h2>
<p>Si la critique est aisée, la construction d’alternatives l’est beaucoup moins. Pourtant, des initiatives émergent. Le mouvement international de <a href="http://maisouvaleweb.fr/le-cooperativisme-de-plateforme-10-principes-contre-luberisation-et-le-business-de-leconomie-du-partage/">coopérativisme de plates-formes</a>, initié en 2014 par <a href="https://www.newschool.edu/lang/faculty/Trebor-Scholz/">Trebor Scholz</a> à la New School de New York, promeut ainsi la création de plates-formes plus éthiques et équitables. L’enjeu est simple : pourquoi les usagers des plates-formes délèguent-ils l’intermédiation à des entreprises tierces captant la valeur économique de leurs échanges alors qu’ils pourraient gérer ces plates-formes eux-mêmes ?</p>
<p>Pour ce faire, la solution serait d’adopter le modèle coopératif. Autrement dit, de créer des plates-formes possédées par leurs utilisateurs et appliquant un fonctionnement démocratique, où chaque copropriétaire dispose d’une voix, indépendamment de ses apports en capital. De plus, l’obligation de réinjecter une part des bénéfices dans le projet et l’impossibilité de réaliser une plus-value à la revente des parts permettent d’échapper à la spéculation financière.</p>
<p>De nombreuses expériences voient le jour à travers le monde. Par exemple, <a href="https://www.fairmondo.de/">Fairmondo</a>, marketplace allemande de produits équitables, propose à ses utilisateurs de prendre une part dans la coopérative. Bien que non exhaustive, la <a href="https://platform.coop/directory">liste</a> dressée par le <a href="https://platform.coop/about/consortium">Platform Cooperativism Consortium</a> donne un aperçu du périmètre du mouvement.</p>
<p>Dans leur volonté de constituer des alternatives à une économie de plate-forme concentrée voire oligopolistique dans certains secteurs, les créateurs de plates-formes coopératives font face à de nombreux défis, notamment en matière de gouvernance, de modèles économiques et d’infrastructures technologiques.</p>
<h2>Multiples challenges</h2>
<p>À partir de nos travaux de <a href="https://journals.openedition.org/apliut/4276">recherche-action</a> au sein du réseau français de plates-formes coopératives <a href="http://plateformes.coopdescommuns.org/">Plateformes en communs</a> et l’analyse de différents cas étrangers, nous avons identifié un certain nombre de caractéristiques et limites de ces plates-formes alternatives.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/267541/original/file-20190404-123426-gk1ovq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=365&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fairmondo, marketplace allemande de produits équitables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.fairmondo.de/">Capture d’écran</a></span>
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<p>Si elles partagent une opposition commune aux grandes plates-formes commerciales, il n’existe pas de modèle type de plates-formes coopératives, mais plutôt une multitude d’expérimentations encore jeunes aux structures et modes de fonctionnement très divers. Tandis que certaines sont nées dans la continuité de mobilisations anti-uberisation, à l’instar de <a href="https://coopcycle.org/fr/">Coopcycle</a>, d’autres ont été imaginées par des entrepreneurs du numérique en quête de sens, ou par des organisations de l’économie sociale et solidaire (ESS) en phase de modernisation.</p>
<p>Les challenges sont donc nombreux pour ces plates-formes coopératives qui affichent de hautes ambitions sociales et économiques et ne disposent pas de voies déjà tracées. Nous nous focalisons ici sur trois enjeux principaux : trouver des modèles économiques et financiers pérennes, fédérer des communautés, mobiliser des soutiens et des partenaires.</p>
<h2>Pérenniser les modèles économiques</h2>
<p>Dans un contexte de forte concurrence, les plates-formes alternatives n’ont pas le droit à l’erreur. Pour attirer les utilisateurs, elles doivent proposer des prestations de qualité, les maîtres mots étant une offre exhaustive, une mise en relation efficace, une simplicité d’utilisation et une esthétique attrayante. Il est cependant difficile pour les plates-formes coopératives d’attirer des investisseurs car leur lucrativité est, dans la plupart des cas, limitée par des statuts coopératifs ou associatifs. De plus, certaines optent pour une logique d’ouverture de leurs actifs, mettant par exemple leur code informatique en accès libre.</p>
<p>D’autre part, si les créateurs de plates-formes numériques alternatives sont des <a href="https://theconversation.com/manifeste-pour-les-entreprenants-par-dela-les-premiers-de-cordee-97749">entreprenants</a>, leurs modèles économiques relèvent pour l’heure davantage de l’itération que du business plan. Beaucoup de plates-formes coopératives, encore en émergence, reposent ainsi majoritairement sur un travail bénévole (permis par des revenus extérieurs : emploi à côté, épargne personnelle, allocations chômage, minima sociaux) qui risque de s’épuiser si la plate-forme ne parvient pas à dégager des rémunérations et/ou à attirer de nouveaux contributeurs.</p>
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<h2>Rassembler une communauté</h2>
<p>L’importance de créer une communauté engagée autour de la plate-forme est donc primordiale tant pour des questions de fonctionnement quotidien que de développement, et ce d’autant que l’économie de plates-formes repose sur des effets de réseau : plus une plate-forme réunira de personnes ou d’organisations, plus elle en attirera de nouvelles, car elle offrira de vastes débouchés aux utilisateurs. Il est donc difficile pour des plates-formes alternatives de percer dans des secteurs où il existe déjà des acteurs dominants.</p>
<p>Les plates-formes coopératives tentent de se différencier en constituant des communautés ayant leur mot à dire sur le fonctionnement de la plate-forme. Certaines d’entre elles, comme <a href="https://www.openfoodfrance.org/">Open Food France</a>, spécialisée dans les circuits courts alimentaires, vont jusqu’à élargir leur communauté de coopérateurs aux partenaires publics, privés et aux consommateurs finaux. Une façon pour ces derniers d’exprimer des aspirations sociétales à travers leurs choix économiques.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Les plates-formes digitales et leur stratégie d’effets de réseaux », interview de Thierry Isckia, professeur à Institut Mines-Télécom Business School (2019).</span></figcaption>
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<p>Les fondateurs des <a href="http://h2h.hoteldunord.coop/">Oiseaux de passage</a>, plate-forme coopérative qui proposera prochainement des services touristiques ancrés dans les territoires, ont également opté pour un sociétariat élargi. Ils ont ainsi choisi le statut juridique de <a href="http://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scic/les-scic/qu-est-ce-qu-une-scic.html">Société coopérative d’intérêt collectif</a>,qui permet à plusieurs catégories de parties prenantes (professionnels du tourisme, habitants, touristes) de prendre des parts dans une entreprise partagée.</p>
<p>Ces plates-formes coopératives adoptent ainsi une logique d’écosystèmes à travers l’inclusion de tous les acteurs gravitant autour d’elles. Cependant, pour l’heure, l’engagement des utilisateurs reste faible et les porteurs de projet sont bien souvent surmenés.</p>
<h2>Eviter la récupération du mouvement</h2>
<p>Encore très jeunes, les plates-formes coopératives peinent à recueillir les soutiens dont elles ont pourtant cruellement besoin. En matière financière, leurs modèles non stabilisés peinent à convaincre même les organisations publiques et d’ESS, qui préfèrent se tourner vers des plates-formes commerciales plus solides et rentables. L’autre obstacle est d’ordre politique. Dans la bataille contre l’uberisation, les plates-formes coopératives se présentent comme des alternatives, là où, pour l’heure, les pouvoirs publics semblent privilégier une approche de dialogue social avec les plates-formes dominantes.</p>
<p>Quasiment livrées à elles-mêmes, les plates-formes coopératives compensent ce manque de soutien en tentant d’unir leurs forces à travers des réseaux de pairs, à l’image du <a href="https://platform.coop/about/consortium">Platform Cooperativism Consortium</a> à l’échelle internationale ou de <a href="https://plateformes.coopdescommuns.org/">Plateformes en Communs</a> en France. En s’unissant les plates-formes coopératives sont parvenues à attirer l’attention notamment des médias, mais aussi d’un de leurs plus emblématiques « ennemis ». En mai 2018, le Platform Cooperativism Consortium annonçait ainsi l’obtention d’une <a href="https://www.shareable.net/blog/the-platform-cooperativism-consortium-awarded-1-million-googleorg-grant">bourse d’1 million de dollars</a> de la part de… la Fondation Google. Une bourse visant essentiellement à soutenir la création de plates-formes coopératives dans des pays émergents.</p>
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<p>L’annonce a évidemment créé des remous au sein du mouvement, d’aucun dénonçant une contradiction symbolique inacceptable, d’autres faisant état de craintes sur une possible récupération du modèle par Google. En tout état de cause, cet événement illustre l’absence de soutien pour le mouvement, relégué à conclure des partenariats résolument contre-nature.</p>
<p>Il semble donc essentiel à la survie des plates-formes coopératives, et plus généralement à l’existence d’alternatives aux plates-formes qui écrasent aujourd’hui le marché, que les institutions publiques et de l’ESS soutiennent activement les projets émergents, par exemple à travers des dispositifs de financement (notamment d’amorçage), des structures d’accompagnement spécialisées, des partenariats commerciaux, des prises de participation, voire même une co-construction de ces plates-formes à partir des besoins du territoire. Sans volonté politique et innovation de pratiques, la domination sans partage des plates-formes globales semble inéluctable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certaines initiatives visent à mettre en place des modèles plus éthiques et équitables.Mélissa Boudes, Professeure associée en management, Institut Mines-Télécom Business School Guillaume Compain, Doctorant en sociologie, Université Paris Dauphine – PSLMüge Ozman, Professor of Management, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132502019-03-14T11:01:26Z2019-03-14T11:01:26ZL’art d’associer des seniors et des étudiants ou l’invention d’un nouveau service social<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262977/original/file-20190309-86713-139gmvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=26%2C0%2C2150%2C1447&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le logement intergénérationnel aboutit parfois à des rencontres improbables.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ensemble2generations.fr</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 7e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 14 au 20 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<p>Nombre de seniors souffrent de solitude, et cela pèse sur leur santé : selon le Crédoc, une personne de plus de 60 ans sur trois est <a href="https://www.credoc.fr/publications/apres-60-ans-une-personne-sur-trois-est-concernee-par-la-solitude">confrontée à la solitude</a>. Cette question préoccupe leurs enfants, souvent distants de centaines de kilomètres. De leur côté, beaucoup d’étudiants peinent à trouver un logement : les 16 heures de travail hebdomadaires qui peuvent leur être nécessaires pour payer leur loyer se soldent par 50 % d’échecs dans leurs études, et si des emprunts sont contractés, ils sont difficiles à rembourser. </p>
<p>L'association <a href="http://ensemble2generations.fr">ensemble2générations</a> (E2G), créée en 2006 par Typhaine de Penfentenyo a trouvé une réponse simple à ces problèmes : loger économiquement des étudiants chez les personnes âgées. Pour un logement gratuit, l'étudiant s'engage à être présent le soir et les nuits, excepté un soir par semaine, deux week-ends par mois et trois semaines de vacances entre septembre et juin. Pour un tarif économique, il participe aux charges d'habitation et apporte des services comme aider aux démarches numériques ou accompagner son hôte dans des sorties. Le troisième tarif est un loyer solidaire (20 % en dessous du prix du marché), qui représente un complément de revenu pour la personne âgée, en plus d'une compagnie et de services spontanés.</p>
<h2>L'art subtil de l'accommodement</h2>
<p>L'idée est simple, lumineuse même, mais elle demande de surmonter bien des idées reçues et de créer la confiance. C'est là le savoir-faire développé par E2G :</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262984/original/file-20190309-86693-16z1esr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Typhaine de Penfentenyo.</span>
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<p><em>« Nous connaissons un peu ce que fut la vie de la personne âgée, son métier, son environnement culturel – nous lui avons soumis un petit questionnaire en la rencontrant à son domicile –, et nous attendons de recevoir le dossier d’un jeune qui partage le même univers. Par exemple, la musique peut être un lien puissant : plusieurs binômes sont constitués de personnes âgées mélomanes et d’étudiants musiciens. Dans bien des cas, le vivre-ensemble se crée plus facilement qu’au sein des liens familiaux. L’écart d’une génération entre deux personnes réunit deux vulnérabilités, celles d’un jeune et d’un ancien, qui s’entraident. Nous avons édité un <a href="https://www.maelenn.com/single-post/2016/10/18/ensemble2g%C3%A9n%C3%A9rations---le-livre-est-magnifique">livre</a> (téléchargeable), ensemble2générations, qui raconte ces nombreuses histoires de vies partagées. »</em></p>
<p>On peut ainsi voir des rencontres improbables, comme celle d'une jeune marocaine éprise de rugby logée chez le père d'un grand professionnel du ballon ovale, et qui a pu assister à la coupe d'Europe dans la tribune officielle. </p>
<p>L'association réunit régulièrement, séparément, les jeunes et les seniors pour s'assurer que tout va bien et faciliter les échanges d'expériences. Les visages épanouis des jeunes sur la photo ci-dessous illustrent qu'ils éprouvent la magie des relations entre grands-parents et petits-enfants.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262978/original/file-20190309-86686-1hvmo0n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<h2>Les difficultés d'un changement d'échelle</h2>
<p>Vu l'enjeu, on peut penser que l'association, qui a créé 4 200 binômes en 12 ans, devrait changer rapidement d'échelle. Elle a d'ailleurs déjà créé 29 antennes en France, grâce à des procédures systématisées : un ordinateur programmé, une charte graphique, des données réparties en 200 documents reproductibles, deux jours de formation pour le ou la responsable, une aide allant de 1 500 à 2 000 euros pour le démarrage d’une antenne, des affiches, des tracts et des dépliants. Elle a diffusé au Japon, en Corée du Sud, au Canada, à la Martinique et bientôt à la Réunion, permettant ainsi la création d'associations locales de logement intergénérationnel. Toutefois, les subventions lui sont chichement distribuées, et sont même remises en cause en ces temps d'économies, menaçant le fonctionnement, voire la survie de l'association. </p>
<p>Son action permet pourtant à la collectivité de faire rapidement des économies : un étudiant hébergé ne demande pas d'allocation logement (1 500 euros) ; l'entrée de personnes âgées en maison de retraite peut être reculée de trois ou quatre ans (coût annuel pour la collectivité 20 000 €) ; l'aide à domicile professionnelle pour une simple veille sécurisée la nuit peut être évitée et faire économiser aux familles jusqu'à 3 000 euros par mois. Selon E2G, 1 euro investi par une collectivité lui en fait économiser 12. </p>
<p>Mais l'association n'a pas encore les structures de gouvernance exigées pour bénéficier du <a href="https://www.label-adn.com">label de l’ESS</a> (Économie Sociale et Solidaire). Pour solliciter des aides de l'Europe, il faut consacrer un temps déraisonnable à la constitution des dossiers, et disposer d'une trésorerie solide vu les délais de paiement. Enfin, l'action d'E2R ne se compte guère en nombre d'emplois créés, ce qui la met en décalage avec les urgences du moment.</p>
<p>Bien qu'elle soit une initiative parmi les plus médiatisées, elle peine à obtenir les aides publiques à un niveau correspondant aux enjeux d'aujourd'hui. Cependant, un soutien de la <a href="https://www.fondationbs.org">Fondation Bettencourt-Schueller</a> pour un financement d’étude de changement d’échelle et un partenariat original avec l'association <a href="https://www.accordes.org">Accordés mieux à 2 générations</a> peuvent changer la donne. </p>
<h2>Quand l'entreprise peut servir une cause nationale</h2>
<p>En créant cette association, Jean-Renaud d'Elissagaray a une idée très simple :</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=740&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=931&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=931&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262985/original/file-20190309-86682-4f1s4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=931&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">blank.</span>
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<p>« <em>D’un côté, de nombreux salariés ont la charge, soit d’un parent âgé, soit d’un enfant étudiant. De l’autre, les compagnies d’assurance et de prévoyance ont comme clients des personnes âgées vivant seules et des jeunes professionnels à la recherche d’un logement. L’idée de proposer aux entreprises de soutenir leurs salariés qu’on nomme aidants familiaux, ou aux mutuelles leurs clients en recourant au savoir-faire opérationnel d'E2G s’est imposée naturellement. Elle permet d’aider le passage d’E2G à une autre échelle et de sécuriser son business model.</em>»</p>
<p>Il est ainsi proposé aux entreprises de souscrire un abonnement annuel à Accordés, (de 1 000 euros pour les PME à 50 000 euros pour les multinationales). Elles versent en outre à E2G une contribution annuelle forfaitaire de 400 euros par proche de salarié pris en charge. Les distinctions d'E2G ainsi que ses partenariats avec les pouvoirs publics, des collectivités locales, des fondations rassurent l’entreprise sur la qualité de la prise en charge des proches de ses collaborateurs. </p>
<p>Accordés ajoute à l’animation de projet d'E2G un volet à destination des entreprises : un interlocuteur spécifique veille au fonctionnement du dispositif auprès des salariés et assure auprès du financeur un reporting sur les opérations réalisées. Les bénéfices d'Accordés contribuent, sous forme de dons, au développement d'E2G.</p>
<p>En adoptant ce dispositif original, les entreprises pourront soulager les contraintes pesant sur leurs salariés et aider à traiter la précarité des jeunes et la solitude des seniors. Le dispositif mis en place au bénéfice des salariés trouve rapidement un retour économique favorable, selon le modèle d'Accordés. </p>
<h2>La patience des entreprenants</h2>
<p>On assisterait ainsi à la création d'un nouveau service social assuré par une association et en partie financé par le secteur privé. Cet exemple montre, à nouveau, que des entreprenants ont l'art de détecter des besoins sociaux mal pris en charge, de leur donner des réponses et d'élaborer avec persévérance une stratégie pour changer le monde dans le sens de leurs rêves.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir le compte-rendu de l'École de Paris de management <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1312-quand-les-seniors-et-les-etudiants-vivent-sous-le-meme-toit">Quand les seniors et les étudiants vivent sous le même toit</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113250/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>C'est une idée toute simple : loger économiquement des étudiants à la recherche de logement chez des personnes âgées souffrant de solitude. Mais que d'idées préconçues à surmonter !Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1119202019-02-20T23:40:13Z2019-02-20T23:40:13ZRéussir contre toute attente : le pari de la diversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259297/original/file-20190215-56208-169nods.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">DSC</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Composer un équipage de jeunes et de seniors, d’hommes et de femmes, avec ou sans handicap et participer à des courses de voile contre des équipes professionnelles, quelle drôle d’idée ! Une équipe de David peut-elle affronter sans se ridiculiser des équipes de Goliath ?</strong></em></p>
<p>Le sport de haut niveau est synonyme de performance. Il est souvent pris dans les séminaires de team building comme une source d’inspiration pour la cohésion d’une équipe. Mais on oublie souvent que ces équipes, taillées pour la performance, sont le fruit d’un processus très sélectif conduisant généralement à une grande homogénéité des profils. L’homogénéité des équipes est la voie royale pour atteindre la performance, mais une équipe hétéroclite n’a-t-elle vraiment aucune chance de faire bonne figure ?</p>
<p>Compétiteur de haut niveau en voile, Pierre Meisel s’est également intéressé, pendant ses études d’anthropologie, à la façon dont les conflits aident à faire groupe. Il a eu l’idée de participer à des compétitions de voile de haut niveau avec des équipages les plus divers possible, pour voir si, et comment, diversité pouvait rimer avec efficacité.</p>
<h2>Team Jolokia, l’équipage de la diversité</h2>
<p>Avec deux amis, il crée une association, Team Jolokia (nom d’un piment très fort), pour lancer un défi qui surprend le milieu :</p>
<blockquote>
<p>« En général, la voile est pratiquée par des hommes blancs, âgés de 30 à 45 ans, et issus de milieux aisés. Nous voulions un équipage associant des juniors et des seniors, des personnes handicapées, des étrangers, des gens aisés et des gens modestes, et bien sûr des femmes. Tous les navigateurs vous expliqueront qu’il n’y a pas de sexisme dans la voile, sauf que, jusqu’à récemment, il était impossible de s’inscrire à certaines compétitions si on pesait moins de 80 kg… »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259267/original/file-20190215-56229-1gwbhw8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">P. Meisel.</span>
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<p>Il fallait d’abord acheter un bateau. Les fondateurs jettent leur dévolu sur un Volvo Ocean, bateau de 60 pieds régulièrement utilisé pour faire le tour du monde. Pierre Meisel arrive à trouver des personnalités séduites par le défi – le lancement des projets d’entreprenants tient souvent à des rencontres heureuses.</p>
<p>Gonzague de Blignières, président du fonds Raise, se montre enthousiaste : « Votre projet, j’y crois, à condition que vous vous mettiez à plein temps dessus. » Il devient mécène dès le premier rendez-vous. Reste à trouver un assureur. Celui contacté approuve le choix du Volvo Ocean (« Joli bateau ! »), mais s’exclame, quand il apprend que l’équipage comprendra des handicapés et des personnes âgées : « Comment voulez-vous que j’assure un projet pareil ? » Une semaine plus tard il rappelle pourtant : « J’ai réfléchi : osons ensemble. »</p>
<h2>Constituer un équipage avec une vraie diversité</h2>
<p>Il fallait recruter 25 personnes, dont 12 à bord par rotation. Pour sortir du milieu relativement fermé de la voile, des associations et la presse locale de Lorient sont mobilisées, et dès la première année, 130 candidatures de présentent. Pour éviter de faire des discriminations inconscientes, positives ou négatives, un processus complexe de sélection est inventé, en se fondant sur quatre critères : aptitudes physiques, compétences nautiques (tous les postes ne demandent pas une compétence maximale), motivation pour le travail collectif, motivation pour la compétition. Un premier équipage suffisamment divers est constitué, avec, notamment, un non-voyant, un paraplégique, ou encore une menuisière aux revenus très modestes et un pilote d’Air France.</p>
<p>La majorité des équipiers restent deux ans, le renouvellement se faisant de manière continue. Ils s’engagent à consacrer 45 à 60 jours par an à l’entraînement et aux courses. Pour ceux qui ne peuvent pas choisir leur emploi du temps, les organisateurs négocient avec leurs employeurs la libération de temps contre une prestation de communication ou de formation dans leur entreprise.</p>
<h2>Gérer les conflits et travailler les points forts</h2>
<p>Les méthodes de gestion de cette diversité s’affinent progressivement et j’en citerai ici deux (pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1173-l-efficacite-dans-la-diversite-la-preuve-par-jolokia">« L’efficacité dans la diversité, le preuve par Jolokia »</a>).</p>
<p>Une grande diversité augmente le risque de conflits. Si on ne s’en occupe pas, ils minent l’ambiance et la performance, mais si on arrive à les gérer, le groupe devient très performant. Beaucoup de temps est ainsi consacré à des réunions pour exprimer ces diversités et donner un cadre de fonctionnement au groupe. Cela prend du temps sur l’entraînement proprement dit, mais permet de débusquer les effets de divers stéréotypes : ceux qu’on peut avoir sur les autres (« Une femme n’aura jamais la force ») ; sur soi-même (« Quand il y aura plus de vent, je n’y arriverai pas ») ; sur la façon dont on est vu par les autres (« Moi, junior, je ne serai pas écouté »). Chacun peut alors ajuster progressivement sa perception des autres et son apport au collectif.</p>
<p>Un enjeu majeur est de travailler sur les points forts. Si l’équipage passe son temps à répertorier ses points faibles, qui ne manquent pas, il court à la catastrophe. Il faut donc donner la priorité aux points forts et en tirer parti. Par exemple, un non-voyant compense son handicap en développant les autres sens, notamment celui du toucher, essentiel pour un barreur. L’équipier non-voyant s’est ainsi révélé un excellent barreur. De plus, il a obligé les autres à expliciter davantage chaque manœuvre, ce qui a contribué à améliorer la communication et les procédures. C’est un rôle difficile, mais essentiel, du chef d’équipe que de dégager les points forts de chacun et de convaincre le groupe de les valoriser.</p>
<p>On lira prochainement dans The Conversation France un article d’Anne Rysléne Zaoual et Vanessa Warnier présentant les résultats d’une recherche sur les facteurs d’efficacité de Team Jolokia.</p>
<h2>Des résultats qui étonnent</h2>
<p>À sa création, l’objectif de l’équipage Team Jolokia était de se classer dans la première moitié du tableau des courses de haut niveau auxquelles il participait… mais il fait beaucoup mieux, puisqu’il est régulièrement sur les podiums.</p>
<blockquote>
<p>« Je garde un souvenir précis de la Middle Sea Race. Les conditions étaient particulièrement difficiles, avec des vents à 50 nœuds et des vagues de 6 à 9 mètres. Sur 130 concurrents, 67 ont abandonné. Une fois au port, nous avons attendu les suivants pour prendre leurs amarres et les aider à faire les manœuvres. Pour nos concurrents, dont plusieurs professionnels, constater que non seulement nous n’avions pas abandonné, mais que nous étions arrivés avant eux et qu’une petite jeune femme ou un homme en fauteuil roulant se tenaient prêts à saisir leurs amarres a provoqué un changement complet de regard sur notre équipage. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/v2zOXdkOfcI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’aventure de Team Jolokia continue depuis six ans avec succès dans la compétition. Après une émission de TF1 vue par 5 millions de téléspectateurs et une bande dessinée, Marins d’audace, l’association investit dans la communication et se pose en porte-parole de la diversité. Les premières entreprises qui ont soutenu cette aventure ont été intriguées par ses résultats et ont organisé des débriefings, avec leurs équipes et l’association, sur la manière de gérer la diversité. Cette activité de sensibilisation et de formation est désormais en plein essor.</p>
<p>Pierre Meisel poursuit ainsi le rêve qu’il avait formé en tant qu’étudiant, puis marin : convaincre que la diversité peut être une richesse à condition de se donner les moyens de la gérer. Vu le nombre d’organisations confrontées à cet enjeu, c’est un champ immense qui s’offre au partage de ces expériences et de leurs enseignements.</p>
<hr>
<p><em>L’écriture de cet article a bénéficié de la complicité de Christophe Deshayes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Un équipage de jeunes et de seniors, d’hommes et de femmes, avec ou sans handicap, participe à des courses de voile contre des professionnels, et montre que la diversité peut être une vraie richesse.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1109472019-02-06T22:57:34Z2019-02-06T22:57:34ZLa mobilité ne vaut que si elle est partagée : Wimoov, l’autonomie pour tous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256690/original/file-20190131-75085-6vd1zd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Wimoov photo plateforme</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Les succès de BlaBlaCar ou Uber pourraient laisser penser que les problèmes de mobilité ont désormais trouvé leur solution. Pourtant ces plates-formes sont loin de résoudre tous les besoins et d’autres acteurs méritent d’être connus.</strong></em></p>
<p>Les nouvelles mobilités façonnent l’actualité : Uber et les taxis, BlaBlaCar et la SNCF, Tesla et les voitures autonomes. Les constructeurs automobiles et les plates-formes numériques s’activent pour redessiner le futur de la mobilité, dont les enjeux sont considérables. Mais les solutions proposées conservent à la voiture une place centrale, voire exclusive, qu’elle soit électrique, autonome ou partagée.</p>
<h2>Wimoov, une plate-forme pas comme les autres</h2>
<p>À l’écart de ce tumulte médiatique, un dispositif différent se peaufine depuis vingt ans, mobilisant toute la palette des moyens de déplacement possibles. Il répond à un besoin crucial : donner aux personnes en situation de fragilité accès à une mobilité réelle. Comment ? En élaborant avec elles des solutions adaptées à leurs usages et à leurs difficultés économique, sociale, culturelle, ou liée au handicap.</p>
<p>Wimoov constitue l’opposé des plates-formes de type Uber. Elle repose sur des plates-formes ultra-locales, là où Uber s’appuie sur une plate-forme planétaire, mobilisant réseaux numériques et intelligence logicielle. La valeur ajoutée de Wimoov est l’humain : son dispositif repose sur la compétence, l’écoute, la bienveillance et l’ingéniosité de conseillers en mobilité. Plongée dans une aventure entrepreneuriale d’un autre type…</p>
<h2>Des besoins multiples liés aux spécificités de chacun</h2>
<p>Les utilisateurs de voiture sont souvent focalisés sur une solution de mobilité « monomode » : ils ne veulent se déplacer qu’en voiture. D’autres usagers ont aujourd’hui intégré l’idée qu’il faut s’adapter à la situation, au moment, aux intempéries, aux contraintes des infrastructures publiques. Ils trouvent par eux-mêmes des solutions, mais parfois perdent beaucoup de temps dans les transports ou même renoncent à se déplacer. C’est sur ces cas que Wimoov concentre ses efforts et apporte un accompagnement unique.</p>
<p>Un conseiller en mobilité rencontre la personne pendant environ une heure pour faire un diagnostic de la manière dont elle se déplace, évaluer ses capacités physiques et psychologiques et ses difficultés : « J’ai eu un accident », « J’ai peur dans les transports. » L’association met à disposition une palette de solutions variées : vélos, scooters électriques, transports à la demande, covoiturage, autopartage, mais aussi réparation, location ou achat de véhicules à des tarifs sociaux.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">remise en selle.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle forme les gens à l’usage de ces différents moyens de transport, par exemple, en aidant une personne n’osant pas aller à son travail en vélo à trouver un itinéraire la mettant en confiance, ou en apprenant comment lire les plans de bus. Les personnes malvoyantes ou handicapées peuvent être accompagnées, à l’occasion d’un changement de travail par exemple, afin de se sentir en sécurité lors de leur premier déplacement et de pouvoir ensuite être autonomes.</p>
<h2>Une très longue route</h2>
<p>C’est à l’automne 1995 que commence l’aventure. De grandes grèves des transports paralysent le pays et trois étudiants mettent en place à Paris X Nanterre un service de covoiturage qui rencontre un grand succès. Tout s’arrête à la fin des grèves, mais ils créent en 1998 l’association Voiture & Co pour relancer le covoiturage, toujours à Nanterre. Les résultats sont probants, mais les initiateurs sont face à une alternative :</p>
<p>Florence Gilbert (directrice générale de Wimoov) : </p>
<blockquote>
<p>« Soit, forts de notre succès, nous ne faisions que du covoiturage, mais nous en voyions la limite. Soit, nous formions les gens à optimiser les différents modes de transport, et c’est cette voie que nous avons choisie. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">J.L. Avenir.</span>
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<p>En septembre 2005, ils créent une plate-forme de mobilité durable, la Maison des transports, qui devient vite un acteur local de la mobilité inclusive. Cependant, les collectivités n’ont pas de budget dédié à la mobilité inclusive et les usagers ne sont pas prêts à payer pour changer de mode de transport. Pour trouver un modèle économique viable, l’association se tourne vers les aides de retour à l’emploi : tous les organismes d’accompagnement sont confrontés aux problèmes de mobilité dans la reprise d’un emploi et leurs solutions sont partielles et disséminées.</p>
<h2>Débloquer les retours à l’emploi</h2>
<p>L’association vise la création de plates-formes d’accompagnement à la mobilité de publics en insertion. Une première expérience est lancée à La Ciotat, avec un appui de la DIRECCTE. En deux ans, 1 200 personnes sont accompagnées avec un taux de retour à l’emploi de 68 %. L’association crée ensuite avec succès une plate-forme sur un territoire rural, dans le Gers, et une autre en zone urbaine, dans les Yvelines.</p>
<p>En 2007, pour passer à l’échelle supérieure, elle entre dans le Groupe SOS, se renomme Wimoov et cherche des partenariats avec de grandes entreprises. Le premier est conclu avec Renault, qui investit dans la structure et permet d’inventer un nouveau service : l’accès des bénéficiaires de Wimoov à des concessionnaires solidaires proposant des prestations à prix réduits. Puis avec Total, elle cofonde le Laboratoire de la Mobilité inclusive afin de faire reconnaître l’ampleur de l’exclusion de la mobilité et les solutions qui existent. Les problématiques quotidiennes de mobilité pour l’accès au soin, à l’emploi, au lien social concernent 7 millions d’actifs et 5 millions de seniors. La Caisse des Dépôts investit également, et des collectivités territoriales, enfin dotées de financements pour la mobilité durable, sollicitent Wimoov.</p>
<h2>Vers un service public associatif</h2>
<p>Aujourd’hui, Wimoov comprend 27 plates-formes agissant sur 43 zones d’emplois sur l’ensemble du territoire, gérées par 130 professionnels. En 2018, elle a aidé 11 500 personnes en insertion et 520 personnes âgées à mobilité réduite ; 2 000 ont bénéficié d’un coaching mobilité ; 770 ont été accompagnées dans leurs démarches financières ; 550 ont bénéficié d’une mise à disposition d’un véhicule. Son projet est maintenant de former à la mobilité inclusive les autres opérateurs.</p>
<p>Afin d’accompagner toujours plus de publics, Wimoov vient de créer, grâce à la signature d’un contrat à impact social, un test mobilité numérique qui permet d’adapter l’accompagnement des différents bénéficiaires à leur besoin, de l’accompagnement physique seul à l’accompagnement numérique pour les plus à l’aise, en passant par l’aide à l’utilisation de l’outil numérique, qui permet de traiter deux problèmes à la fois : celui de la fracture numérique et celui de la mobilité.</p>
<p>C’est un véritable service public, capable de traiter à grande échelle des cas singuliers, qui a été inventé pas à pas. On peut douter qu’un service aussi complet, souple et économe aurait pu être mis sur pieds dans une démarche partant du haut.</p>
<p>Cependant, pour répondre à l’ampleur du phénomène, il faudrait installer 322 plates-formes (sur les 322 zones d’emploi). L’enjeu de la transition vers une mobilité durable pour tous est le grand défi de Wimoov et des acteurs qui l’accompagnent. Ce service public n’est pas un simple amortisseur social mais un développeur de l’économie. Résoudre le problème de mobilité d’un chômeur c’est permettre à celui-ci de prendre un emploi auquel il n’aurait pas eu accès. Avoir rendu une telle entreprise solvable fait sens, crée de la richesse et rend la fierté d’une mobilité retrouvée. Elle a mobilisé une ingéniosité qui n’a rien à envier à l’entrepreneuriat classique.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus voir : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1115-wimoov-inventer-la-mobilite-pour-tous">« Wimoov, Inventer la mobilité pour tous »</a>.</em></p>
<p><em>Je remercie Christophe Deshayes pour son aide précieuse dans la mise au point de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Wimoov offre un service que les grandes plates-formes numériques n’apportent pas : aider, au cas par cas, les personnes en situation de fragilité à résoudre leurs problèmes de mobilité.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088982019-01-03T00:22:45Z2019-01-03T00:22:45ZQuand des cadres réparent l’ascenseur social<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250800/original/file-20181216-185237-hqi5iz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C1920%2C1204&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Matthew Oliver, NQT Centquatre </span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Un entrepreneur, Yazid Chir, choqué face à la résignation et la honte des diplômés des quartiers difficiles devant qui toutes les portes se ferment, lance une idée : pourquoi ne pas faire parrainer ces jeunes par des cadres ? L’ampleur du succès de cette initiative montre comment les entreprenants peuvent réinventer notre monde.</strong></em></p>
<h2>L’école de la honte</h2>
<p>Le diagnostic est connu depuis longtemps. En France, l’ascenseur social est cassé et poursuivre des études ne garantit pas de s’élever dans la société. Pire, pour les diplômés des universités issus des quartiers, cela ne garantit même pas une insertion digne dans la société. Fabrique-t-on trop de diplômés ? Les entreprises pratiquent-elles une ségrégation sur des critères inavouables ? Les diplômes des universités sont-ils à ce point sans valeur par rapport à ceux des grandes écoles ?</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250799/original/file-20181216-185264-1p7q1ao.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Matthew Oliver, NQT Centquatre.</span>
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<p>Ce gâchis conduit bien entendu à des situations humaines dramatiques. C’est ce que découvre en 2005 Yazid Chir, entrepreneur et président du Medef 93, lorsqu’il rencontre un jeune Français d’origine centrafricaine né à Saint-Denis et titulaire de deux masters. Ne trouvant rien à son niveau, il cache ses diplômes pour postuler à des jobs alimentaires. <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/article/une-rencontre-avec-yazid-chir-president-de-nqt#.XA0RJydCdT1">Cela choque Yazid Chir</a>, né à Saint-Ouen d’un père chauffeur de taxi et d’une mère qui gardait des enfants, et qui après un BTS de micromécanique, a occupé différents emplois dans l’industrie avant de créer son entreprise.</p>
<blockquote>
<p>« Quand je l’ai rencontré, il avait perdu toute confiance en lui. Il avait honte devant les amis de son quartier et devant sa famille qui s’était saignée pour lui payer des études supérieures ».</p>
</blockquote>
<p>L’installation de grandes entreprises près du Stade de France, après la Coupe du Monde de football 1998 n’arrange rien : elles n’embauchent guère dans le bassin d’emploi qui leur tend les bras. À quoi cela sert-il de poursuivre des études si les meilleurs élèves n’ont pas accès à ces entreprises ? Que reste-t-il comme espoir ?</p>
<h2>Le refus de la fatalité</h2>
<p>Yazid Chir et Raynald Rimbault, délégué général du Medef 93, lancent alors une expérience de parrainage. Un jeune diplômé est pris en charge par un cadre d’entreprise, non pas pour le recruter, mais pour le conseiller et lui faire bénéficier de son réseau. Ils font un test avec 200 jeunes de niveau bac +4 et plus, en mobilisant les entreprises du département. Les résultats dépassent leurs espérances, avec 60 % de recrutements en six mois. Les bénéfices en matière d’estime de soi, de fierté de leur famille et d’espoir retrouvé sont considérables.</p>
<p>Début 2006, encouragés par le préfet de Seine-Saint-Denis et Laurence Parisot, présidente du Medef, ils créent l’association Nos Quartiers ont des Talents, qui propose à des entreprises mécènes de mettre à disposition des cadres pour parrainer ces jeunes dans leur recherche d’emploi, sans engagement de recrutement direct.</p>
<h2>L’art du parrainage</h2>
<p>L’association développe progressivement un savoir-faire du parrainage. Elle s’attache à assortir les jeunes et les parrains ou marraines. Elle prépare ces derniers à leur rôle : améliorer les CV des jeunes, les aider à préparer un entretien, ouvrir leur réseau, travailler à la confiance en soi, etc. Elle a élaboré un guide du parrainage, mis en place une plate-forme en ligne et une équipe permanente pour aider les parrains. Des réunions de lancement sont organisées pour répondre aux questions des nouveaux.</p>
<p>L’association prépare également les jeunes en organisant des visites d’entreprises, des sessions de découverte de métiers ou de secteurs, des ateliers sur les méthodes de recherche d’emploi, etc. Elle est attentive à la régularité et à la qualité de la relation entre les parrains et les jeunes, qu’elle rencontre régulièrement séparément.</p>
<p>Aux dires de <a href="https://www.lajauneetlarouge.com/article/nqt-le-reseau-des-entreprises-pour-legalite-des-chances#.XAkGGBNKg0Q">chercheurs en gestion de l’École polytechnique</a>, ce dispositif a réussi à faire quelque chose de très difficile : réaliser du sur-mesure à grande échelle. La singularité de chacun est en effet traitée avec soin. Rebaptisée <a href="http://www.nqt.fr/">NQT</a>, l’association ne se limite plus aux quartiers difficiles. Elle étend son périmètre aux territoires ruraux isolés et essaime dans toute la France et outre-mer. Depuis 2006, 45 705 diplômés ont été accompagnés par 11 710 parrains et 930 entreprises et partenaires adhérents. 70 % des jeunes trouvent un emploi dans les six mois. Sur le site de NQT, de nombreux témoignages de jeunes et de parrains montrent l’étonnante énergie qui anime cette association.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CGc78QKzDhY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Des relations qui font sens</h2>
<p>Un phénomène frappe dans cette expérience : l’engouement qu’elle rencontre chez les cadres, ce qui peut étonner pour des personnes qui se plaignent de leur surcharge d’activité. Ainsi, l’opération permet-elle aux entreprises partenaires d’afficher une activité valorisante dans leur bilan social et environnemental, mais aussi d’offrir à leurs cadres, que les études décrivent comme étant de plus en plus désabusés, une gratification inattendue et inestimable.</p>
<p>Au fil des rencontres, ils nouent des relations avec un jeune, souvent d’une origine très différente de la leur. Ils développent une empathie, se passionnent pour ses projets et pour son avenir. L’émotion qui les saisit lorsque le jeune trouve une issue à sa galère montre à quel point les parrains trouvent du sens à cette relation.</p>
<h2>Un investissement en capital social ?</h2>
<p>Comment expliquer que des cadres d’entreprises parviennent à donner aux diplômés les clés d’un emploi que ni les enseignants ni les conseillers de Pôle emploi n’ont réussi à leur donner ? Les jeunes sont des virtuoses des réseaux sociaux, mais n’ont comme « amis » que ceux qui leur ressemblent. Ce réseau ne leur permet donc pas de s’insérer dans le monde économique. Leurs enseignants leur ont transmis des connaissances théoriques, mais n’ont pas partagé avec eux leurs réseaux de relations (d’ailleurs, probablement aussi peu utiles). Plus le candidat est éloigné des schémas mentaux des recruteurs, plus le travail de connexion doit être axé sur la mise en confiance.</p>
<p>Il est important que le jeune diplômé ait davantage confiance en lui et qu’il connaisse les codes sociaux, mais ce qui est déterminant est le fait que son parcours d’entraide lui procure des références rassurant l’employeur potentiel. Il s’agit finalement ici d’un petit « pécule de capital social », qui selon <a href="http://www.sietmanagement.fr/theories-du-capital-social-le-capital-symbolique-p-bourdieu/">Bourdieu</a> ouvre bien des portes. À l’heure où les entreprises investissent à l’envi dans les start-up, les cadres parrains de NQT investissent, eux, un peu de leur capital social et en retirent une gratification personnelle et sociale pleine de sens.</p>
<h2>Économique et social : même combat</h2>
<p>L’aventure NQT illustre <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/entendez-vous-leco/entendez-vous-leco-du-jeudi-17-janvier-2019">plusieurs aspects de l’entrepreneuriat réinventé</a> que nous cherchons à faire connaître à l’École de Paris du management et dans cette chronique. Devant une situation insupportable, l’entrepreneur Yazid Chir a fait ce qu’il sait faire le mieux : refuser la fatalité, mobiliser ses réseaux, trouver le chemin. Il a fait sur le terrain social ce qu’il sait faire sur le terrain économique. Une telle envie de changer le monde est communicative et, rapidement, fleurissent de nouveaux entreprenants sur des terrains jusque-là stériles. La surprise est toujours la même. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ? Pourquoi ne pas essayer ailleurs ?</p>
<p>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1169-nos-quartiers-ont-des-talents-une-association-nous-le-prouve">Nos quartiers ont des talents, une association nous le prouve</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108898/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Yazid Chir, choqué par la résignation et la honte des diplômés des quartiers difficiles devant qui les portes se ferment, lance avec succès un parrainage des diplômés par des cadres.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1082972018-12-12T22:31:41Z2018-12-12T22:31:41Z« Les copains d’abord » : ces relations qui aident à traverser les tempêtes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249040/original/file-20181205-186082-1nhogwb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Atelier Filt</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Il faut se défier de l’affectif, car l’industrie n’est pas un monde de « bisounours », dit-on. Pour Jean‑Philippe et Catherine Cousin, ce sont au contraire les relations avec le personnel, les clients et les fournisseurs qui sont au cœur du modèle de management. Leur entreprise est efficace, réactive et étonnamment résiliente.</strong></em></p>
<p>Loin des parts de marché qu’on s’arrache, certaines entreprises, souvent de taille modeste, cherchent de nouveaux débouchés à des savoir-faire très spécifiques, sans que cela puisse vraiment s’appeler un marché. Cela suppose une curiosité, une force de conviction et une capacité d’adaptation hors normes : il faut honorer les beaux contrats quand ils arrivent et faire sans s’ils viennent à disparaître. Se développer avec de tels à-coups ne va pas de soi.</p>
<p>L’entreprise normande Filt fait partie de cette catégorie d’entreprises. Centenaire, elle fabriquait d’abord des filets de pêche et différentes tresses de marine, et développe aujourd’hui de multiples produits (filets, hamacs, filets à provisions, mèches de bougies…) pour des secteurs très variés, y compris la puériculture.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249028/original/file-20181205-186058-veyfym.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De son côté, après une expérience entrepreneuriale menée avec sa femme Catherine, qui se solde en 1999 par un dépôt de bilan, Jean‑Philippe Cousin, ingénieur textile à Lille, apprend que Filt cherche un dirigeant salarié. Lors de son entretien d’embauche, il s’enthousiasme pour la société et propose au propriétaire, un expert-comptable, de la racheter… quand il en aura les moyens. Après un long silence, l’idée fait son chemin et il prend pied chez Filt, fort de son expérience précédente que lui et sa femme considèrent comme très formatrice :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis, nous avons pris l’habitude de nous remettre en cause en permanence et de conserver un esprit de survie, même quand tout va bien : à chaque instant, nous pouvons tout perdre sur les marchés que nous avons gagnés… »</p>
</blockquote>
<h2>L’esprit de conquête</h2>
<p>Jean‑Philippe Cousin décide de développer l’export. Cela permet de conquérir des marchés sans mettre en danger la trésorerie : si en France l’entreprise est payée à 60 jours après livraison, à l’international, elle est payée avant de livrer.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249030/original/file-20181205-186064-13hsq31.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Rainbow tonga.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il participe à des salons où il obtient plusieurs centaines de contacts avec des acheteurs et intermédiaires du monde entier. Des relations très personnalisées sont nouées avec ceux qui concluent. Il refuse de vendre aux grandes surfaces avec lesquelles les relations sont impersonnelles et les marges ridicules. Les résultats sont au rendez-vous et, par exemple, un filet porte-bébé rencontre un franc succès au Japon, où ce système léger et solide convient à merveille à des mamans plutôt fluettes et des bébés costauds.</p>
<p>Ingénieur passionné, Jean‑Philippe Cousin perfectionne ses machines, là encore, en proximité avec ses opérateurs. Ils dessinent leurs idées sur un carton d’emballage, qu’ils apportent à l’usineur, au mécano-soudeur ou à l’électricien, avec lesquels ils ont des relations personnelles. Pour faciliter les reconfigurations de l’atelier, les machines sont mises sur roulettes… En revanche, les fournisseurs sont interdits de séjour pour éviter qu’ils diffusent ces innovations à leurs clients.</p>
<h2>Bâtir sur des relations authentiques</h2>
<p>Le souci d’établir des relations authentiques se retrouve dans la gestion du personnel. Jean‑Philippe Cousin : </p>
<blockquote>
<p>« Quand je recrute quelqu’un, je choisis des gens qui ne me ressemblent pas. C’était déjà le cas avec mon épouse qui est très créative, tandis que ma formation m’a rendu trop cartésien. Nous embauchons souvent des personnes ne venant pas du textile, par exemple un technicien venant de l’imprimerie, qui demande du sens de l’observation, de la minutie et du calme ; ou un ancien boulanger qui a acquis une grande rigueur pour le nettoyage et l’entretien. »</p>
</blockquote>
<p>Catherine Cousin : </p>
<blockquote>
<p>« Nous employons également des personnes handicapées. Deux jours par semaine, elles nous apportent une joie de vivre et une énergie incroyables. »</p>
</blockquote>
<p>Des couturières à domicile peuvent choisir le temps qu’elles consacrent à Filt, qui leur confie une machine à coudre ultra-moderne avec tout l’équipement.</p>
<p>Cette richesse des relations a sans doute permis à Filt de survivre à un terrible à-coup.</p>
<h2>Branle-bas de combat face à la tempête</h2>
<p>En 2011, alors qu’une grosse commande du Japon venait de gonfler le carnet de commandes, la radio annonce la catastrophe de Fukushima. Faut-il lancer la production ? Le client va-t-il maintenir sa commande ? Bonne surprise, c’est le cas. Mais c’est en fait par souci d’honorer sa parole. Croulant ensuite sous les stocks, il ne commandera plus rien. Cela fait perdre 30 % du chiffre d’affaires et le président de Filt prépare un tableau des indemnités de licenciement de tous les salariés. C’est logique pour un expert-comptable, mais Jean‑Philippe et Catherine Cousin lancent le branle-bas de combat. Jean‑Philippe Cousin : </p>
<blockquote>
<p>« J’ai joué franc-jeu avec le personnel, mais par chance, plusieurs ont pris leur retraite cette année et notre chef d’atelier a suivi sa femme à Marseille ; nous avons évité un plan social, avec seulement quatre jours de chômage technique. Les banques nous ont fait confiance et accordé des autorisations de découvert ; je leur rendais des comptes tous les mois. Nos fournisseurs, qui avaient apprécié notre comportement lors de notre dépôt de bilan, ont mis à notre disposition les bobines de fil, ne les facturant que lorsqu’elles étaient utilisées. Des clients français ont payé immédiatement au lieu de régler à 60 jours et me demandaient même de combien j’avais besoin. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le secteur dévasté du textile, ceux qui restent ont l’instinct de survie et se serrent les coudes, comme les marins de la chanson de Brassens. Jean‑Philippe finit d’acquérir Filt en 2016 et en devient président et Catherine directrice générale.</p>
<h2>Sacs et ressacs</h2>
<p>Peu après ce choc, une cliente de Californie les informe que les sacs en plastique viennent d’être interdits, et qu’on voit apparaître des filets à provisions, ceux-là même qui avaient fait la prospérité de l’entreprise dans les années 1970, mais que l’apparition des sacs plastiques avait ringardisés. Ils bondissent sur l’opportunité et Catherine conçoit des sacs aux couleurs attractives. Cependant, le savoir-faire traditionnel a disparu de l’usine, pour un produit plus technique qu’on ne l’imagine. Par bonheur, une retraitée de l’entreprise qui avait ce savoir-faire est retrouvée et revient pour le transmettre, et c’est la fête.</p>
<p>Chaque filet est signé par la personne qui le réalise. Bientôt, un QR Code permettra à l’acheteur de visionner, avec son smartphone, une vidéo de celle qui a fait le sac. Valoriser les personnes, toujours.</p>
<p>Filt a obtenu le label « Entreprise du patrimoine vivant », très prisé à l’étranger, et tous en sont très fiers. Le terme est ici particulièrement adapté, tellement l’entreprise vit et rayonne.</p>
<h2>Effet d’échelle et sens</h2>
<p>Ce modèle de management ne lui permet pas de grandir beaucoup au-delà des 26 membres actuels : Catherine veut connaître les prénoms de tous les enfants du personnel et Jean‑Philippe pouvoir débouler dans son atelier après avoir eu un client en disant : « Les gars voilà ce qu’on va faire ! » C’est cela, pour eux, les sources du sens et de l’efficacité.</p>
<p>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1303-filt-tisser-les-fils-de-l-exportation">Filt : tisser les fils de l’exportation</a>.</p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/108297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et responsable du Jardin des entreprenants</span></em></p>L’entreprise Filt montre comment les savoir-faire pointus et les relations authentiques avec le personnel, les clients et les fournisseurs sont aux sources de la réactivité et de la résilience.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1074652018-11-28T20:58:32Z2018-11-28T20:58:32ZPour la beauté du geste, les leçons de management de la Patrouille de France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246902/original/file-20181122-182047-1fbwmyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C12%2C4243%2C2771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Patrouille de France en vol.</span> </figcaption></figure><p><em><strong>La Patrouille de France est un OVNI pour un économiste, les pilotes s’engageant pendant deux à quatre ans dans une activité dont ils ne tireront guère d’avantage matériel. Et pourtant, le management de la Patrouille peut être source d’inspiration bien au-delà de cet exemple singulier.</strong></em></p>
<p>La Patrouille de France est un objet économiquement non identifié. Neuf pilotes vivent ensemble jour et nuit pendant six mois et se préparent intensément les six mois précédents. Ils doivent être des virtuoses capables d’adopter des comportements interdits à des pilotes de chasse, tout en devant se fondre dans un collectif et vivre un an sans conflit, ce qui suppose une harmonie presque inhumaine. Et tout cela pour « rien », dirait un économiste : pas d’avantage financier ni même d’accélération de carrière, simplement la beauté du geste.</p>
<p>Une séance de l’École de Paris du management a éclairé les mystères de cette organisation singulière, qui peut être une source d’inspiration pour le management du futur à l’heure où l’on parle de libération des énergies et où l’on découvre que, si la poursuite du profit reste la contrainte de base dans le monde économique, l’argent ne suffit plus, car il faut faire rêver pour vraiment motiver.</p>
<h2>Une équipe en régénération constante</h2>
<p>Cédric Tranchon : </p>
<blockquote>
<p>« Lorsque vous volez dans une formation à 2 mètres des avions voisins et au ras du sol, l’esprit d’équipe, la cohésion et la confiance sont des conditions de survie. L’organisation de la Patrouille de France repose sur ces impératifs : c’est au prix d’une synergie parfaite que nous pouvons créer et présenter une démonstration aussi technique qu’esthétique.</p>
<p>Chaque année, la patrouille est conduite par un nouveau leader. J’ai tenu ce rôle, après avoir occupé pendant un an la position de « charognard », derrière le leader. Ces deux années furent une parenthèse merveilleuse dans ma carrière d’officier pilote de chasse ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/246864/original/file-20181122-182047-1eobokz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cédric Tranchon.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous les ans, trois nouveaux pilotes arrivent et trois anciens partent. Tous changeant de poste, ils doivent s’entraîner pendant l’hiver à leurs nouveaux rôles. Le neuvième pilote, le remplaçant, peut se substituer au pied levé à n’importe lequel des équipiers, hormis au leader.</p>
<p>En recrutant les pilotes, l’équipe met en jeu son image, son fonctionnement et sa sécurité, et procède par cooptation. La quinzaine de candidats proposés par la DRH suit une journée très dense avec l’équipe, dont deux vols en place arrière qui ébranlent leurs repères : distance au sol, verticale descendante depuis 600 mètres d’altitude, capacité à tenir sa position à 2 mètres des autres sous 5 G… Une fois tous les candidats rencontrés, trois sont désignés par un vote anonyme. Les critères retenus ne sont pas techniques mais humains : saura-t-il supporter la pression ? a-t-il une vie personnelle suffisamment stable ? etc. De même, les candidats mécaniciens passent une semaine auprès de l’équipe et sont désignés par cooptation, les pilotes n’ayant pas de droit de regard sur ce choix. L’équipe peut comprendre des femmes : c’est une femme qui a succédé à Cédric Tranchon comme leader.</p>
<p>Le pilote, le mécanicien et l’avion forment un trinôme qui ne change pas de la saison, et c’est le mécanicien qui choisit son pilote. Comme, de plus, la troupe recrute son futur chef, les règles de la hiérarchie sont transgressées, ce qui n’a d’ailleurs pas été facile à obtenir.</p>
<h2>Le leader et son équipe</h2>
<p>Le leader est le chef d’orchestre. C’est aussi lui qui crée le programme de l’année. Il ne peut toutefois pas exercer son rôle de manière autoritaire, il doit au contraire faire adhérer ses pilotes, tous de fortes personnalités, à la trame qu’il entend déployer toute l’année. C’est une façon très particulière de commander, et il doit découvrir sa manière de faire dès les premiers temps de sa prise de fonction. Si l’équipe a un fonctionnement démocratique, elle ne peut pas se passer de son leader. Il est même impossible de le remplacer. Avec un autre leader, les équipiers n’arriveraient plus à tenir leur position de manière correcte : par exemple, le micro-écart entre l’instruction du leader et son exécution ne serait plus le même.</p>
<h2>Des rites pour entretenir la cohésion</h2>
<p>Comme les pilotes passent leur temps à commenter, voire à critiquer, la façon dont les uns et les autres ont mené leur vol, deux rites ont été créés pour tirer avantage de cet état d’esprit.</p>
<p>Le débriefing est permanent, à la sortie de l’avion pour saisir le ressenti à chaud d’un entraînement ou faire le point sur la sécurité d’une démonstration, et plus tard en visionnant la cassette du vol. Il se poursuit aussi de façon informelle dans la salle de repos à la fin de chaque vol. C’est un mode d’apprentissage essentiel pour les nouveaux pilotes.</p>
<p>Chaque démonstration est précédée par le rituel de la « musique », orchestré par le leader. Assis face à lui, positionnés comme dans la formation, les pilotes effectuent précisément les gestes qu’ils feront en vol, tandis que le leader détaille toutes les instructions, exactement comme il les dira à la radio. Les yeux fermés, chacun sent les autres autour de lui, tous ont le sentiment d’être dans leur avion.</p>
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<p>De nombreux autres rites façonnent l’esprit de corps. Par exemple, les « Schtroumpfs » (les nouveaux) sont mis quelques semaines en observation en place arrière, puis prennent la place avant, à la fin de cette période, avec le titulaire à l’arrière alors qu’ils n’ont pas encore touché à un Alphajet. C’est souvent le jour où nouveaux et anciens ont le plus d’émotion. Des stages de cohésion, des sorties permettent au groupe de se former indépendamment des différences d’ancienneté et de positions. À cela s’ajoutent des sorties en famille, qui facilitent la création de liens entre les conjoints des pilotes. Cela aide à supporter les contraintes de cette vie particulière, notamment pendant les six mois des démonstrations, où les pilotes sont absents du foyer au moins cinq jours sur sept.</p>
<h2>Pour la beauté du geste</h2>
<p>Qu’apporte aux pilotes ce passage par la Patrouille ? Il ne les rend pas meilleurs pilotes de chasse, car il leur faut oublier tout ce qu’ils ont fait pendant cette période. Par ailleurs, l’Armée porte une grande attention au fait de ne pas faire de favoritisme et un équipier de la Patrouille ne bénéficiera d’aucun avantage pour l’attribution de nouveaux postes.</p>
<p>Il y a bien sûr un sentiment d’émulation et d’admiration réciproque avec les formations équivalentes d’autres pays, et la fierté de marquer des événements nationaux, comme la célébration du 14 juillet, ou de représenter la France à l’étranger. Cédric Tranchon résume ainsi son sentiment :</p>
<blockquote>
<p>« Notre reconnaissance est surtout celle de cette aventure humaine unique que nous avons vécue, entre nous et avec les autres, celle du public après chaque démonstration, celle des enfants émerveillés chez qui nous avons pu éveiller des vocations. »</p>
</blockquote>
<p>C’est en cela que les pilotes de la Patrouille sont des entreprenants. Ils s’engagent dans des projets exigeants, voire même risqués, avec le but de partager entre eux et avec le public le plaisir de réussir des démonstrations admirables. On comprend que beaucoup les envient.</p>
<p>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/958-la-petite-musique-de-la-patrouille-de-france">La petite musique de la Patrouille de France</a></p>
<p>Voir aussi le livre de Yorick de Guichen et Cédric Tranchon, <a href="https://www.lisez.com/ebook/les-secrets-dun-leader/9782221156278"><em>Les secrets d’un leader. Dans les coulisses de la Patrouille de France</em></a>, Robert Laffont, 2014.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EWFkpAuWsww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Patrick Dutartre, général de l’armée de l’air, parle de concepts clés en management, mis en évidence à la tête de la Patrouille de France, transposables au sein des entreprises.</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/107465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants.</span></em></p>Des pilotes de la Patrouille s’engagent deux à quatre ans sans en attendre d’avantage matériel. Et pourtant son management peut être source d’inspiration au-delà de cet exemple singulier.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1066282018-11-14T21:07:27Z2018-11-14T21:07:27ZLibérer les énergies dans les organisations particulièrement coincées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245094/original/file-20181112-83599-3b84cv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Envol du colibri</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Une Caisse primaire d’assurance maladie lauréate du Prix du manager public et du Trophée d’or de l’innovation participative, comment est-ce possible ? C’est que Patrick Negaret, directeur général de la Caisse des Yvelines, était convaincu que ses agents étaient mûrs pour développer de nouveaux modes de management et d’engagement.</strong></em></p>
<p>Patrick Negaret : </p>
<blockquote>
<p>« À la Caisse primaire d’assurance maladie, des centaines de postes ont été supprimés depuis dix ans, mais nous sommes arrivés à la limite. J’ai lancé en 2011, à la Caisse des Yvelines, une démarche basée sur l’humain pour obtenir des gains de performance à ressources constantes, même si notre configuration, 1 350 salariés répartis dans une quinzaine de sites, ne facilitait pas une pratique managériale innovante et de proximité. Certains la qualifient <a href="https://www.manager-go.com/organisation-entreprise/entreprise-liberee.htm">“d’entreprise libérée”</a>, mais je me méfie d’appellations qui se transforment trop souvent en dogmes. J’ignore si je libère l’entreprise, mais je sais que je libère les énergies. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244834/original/file-20181109-116841-4fjsdb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">P Negaret.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un lancement avec des outils connus, mais adaptés au contexte</h2>
<p>La première étape a consisté en une adaptation au service public, appelé Progrescence, du <a href="http://www.qualiteperformance.org/comprendre-la-qualite/principes-et-fondamentaux/les-principes-du-lean-management"><em>lean management</em></a>. Les services ont été formés à cette démarche prônant la chasse au gaspillage, la maîtrise des délais, la réduction des coûts et le gain en ressources. Chacun était invité à améliorer tout ce qui pouvait l’être dans son environnement. Le plus difficile a été de convaincre les agents que leur directeur désirait vraiment les faire gagner en autonomie : jusqu’alors, ils ne pouvaient guère s’exprimer ou en subissaient les conséquences. La démarche a été expérimentée avec une équipe dont le manager était volontaire, son témoignage facilitant la diffusion de la méthode. Les résultats ont été nombreux, comme la réduction des délais d’encaissement de créances, des gains en surface de stockage et d’archivage. Un agent a même postulé à une fonction de cadre, à laquelle il n’aurait jamais aspiré dans l’ancien système, trop régi par le contrôle.</p>
<p>L’étape suivante, lancée en 2015, était celle de l’innovation participative. Les agents ont été invités à déposer leurs idées dans une plate-forme intranet, idées qui peuvent être <em>likées</em> et enrichies par les collègues. Un animateur y est dédié, accompagné d’une vingtaine de relais terrain, pour encourager au dépôt d’idées et s’assurer qu’une suite leur sera donnée. Des agents ont aussi proposé de créer des « arbres à idées » dans les services, où chacun peut déposer ses idées, qui sont débattues en équipe tous les quinze jours. Plus de 1 300 idées ont été émises en trois ans, dont 50 % par des employés : covoiturage entre agents, déclaration d’un médecin traitant pour les assurés de moins de 16 ans, codification améliorant la gestion des e-mails, etc.</p>
<h2>L’instauration d’un management bienveillant… et exigeant</h2>
<p>Puis les agents ont été invités à élaborer les principes du nouveau management de la Caisse. Après de nombreux ateliers et une réunion de deux jours avec un consultant, ils ont énoncé 10 principes d’un « management bienveillant et exigeant » : j’ai une ambition riche de sens, je (me) fixe des objectifs au bon niveau, je cultive la liberté d’action, j’incite à l’entraide, j’accepte l’erreur de l’autre, je cultive la gratitude, j’entretiens le sentiment de justice, je sais reconnaître mes maladresses, je cultive l’optimisme. Ces principes ne seraient que des vœux pieux s’ils n’avaient été énoncés par les agents eux-mêmes et s’ils n’étaient pas mis en pratique par des rites appropriés.</p>
<p>Ainsi, des groupes ont eu carte blanche pour imaginer des « microprojets susceptibles de donner de maxi-résultats ». Par exemple, un programme d’immersion permet à chacun de passer une journée dans un service de son choix, pour mieux le connaître et prendre conscience de ses contraintes. Des agents sont associés aux commissions des marchés pour choisir les prestataires de restauration collective. Pour cultiver la gratitude, un groupe a proposé que les agents puissent être remerciés par des chèques cadeaux (d’une valeur symbolique) payés par l’entreprise.</p>
<p>Un appel à volontaires a été lancé pour créer un baromètre de la qualité de vie au travail concis et fondé sur des critères simples, au lieu des 85 questions du baromètre social national de l’assurance maladie. Une enquête est dispensée tous les six mois selon huit critères, chaque campagne devant donner lieu à des mesures correctives sur les trois indicateurs les moins bien notés.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=784&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/244809/original/file-20181109-116832-ctxh1w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=985&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Walking desk.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des transformations en profondeur ont aussi été générées. Pour une plate-forme téléphonique de 65 personnes affichant un turnover et un absentéisme élevés, un salarié a émis l’idée d’y instaurer une autogestion des plannings et des horaires. Patrick Negaret a demandé à trois téléconseillers volontaires et deux représentants des organisations syndicales de l’accompagner pour visiter une entreprise avancée dans ce domaine. L’équipe a planché pendant deux mois et mis en place une gestion autonome des plannings et des horaires permettant de concilier les contraintes personnelles et professionnelles : commencer plus tard ou terminer plus tôt selon les besoins de chacun.</p>
<p>L’absentéisme a chuté de 30 %, le taux d’appels décrochés a progressé de 15 points et le taux de réponse en 48 heures s’est sensiblement accru. Cette plate-forme est aujourd’hui fière de ses résultats et montrée en exemple. Elle a même fait l’objet d’un reportage au journal télévisé de France 2.</p>
<p>Un agent a aussi fait remarquer que l’assurance maladie enjoignait sans cesse de faire de l’exercice, mais que ses agents étaient assis toute la journée. Un « bureau roulant », tapis de course placé devant un ordinateur, a alors été installé.</p>
<h2>Patience et longueur de temps</h2>
<p>Cette transformation s’est étalée sur plus de sept ans.</p>
<blockquote>
<p>« On me dit parfois que ma démarche consomme trop de temps. Mais espère-t-on progresser en se consacrant exclusivement à la production huit heures par jour pendant quarante ans ? Il est illusoire de penser que les salariés en seront durablement satisfaits et productifs. On ne décrète toutefois pas de but en blanc la libération des énergies. Depuis l’origine, je sollicite des conférenciers pour présenter des démarches innovantes, j’invite mes collaborateurs à prendre part à des associations, clubs et autres communautés collaboratives. S’y ajoutent des méthodes structurées déployées avec l’aide de consultants. »</p>
</blockquote>
<p>Si une vision romantique de la Révolution fait penser à des grands soirs et des basculements gigantesques, elle se traduit ici par la multiplication de victoires concrètes : au fur et à mesure que la confiance vient, l’imagination fleurit et la transformation s’approfondit. Quand on lit <em>L’envol du colibri</em>, ouvrage rédigé et illustré par le personnel, il est manifeste que cette vision de la transformation est portée par le personnel. Patrick Negaret peut ainsi espérer que le jour où son mandat sera terminé, le mouvement sera engagé de manière irréversible.</p>
<p>Voici un bref reportage sur l’expérience :</p>
<iframe width="100%" height="500" src="https://cpam78.fr/com/france2.mp4" frameborder="0" scrolling="no" allowfullscreen=""></iframe>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus voir : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1262-vers-un-management-decomplexe-de-l-assurance-maladie-des-yvelines">« Vers un management décomplexé de l’assurance maladie des Yvelines »</a>. « L’envol du Colibri » n’est pas en vente mais l’ouvrage est disponible auprès de la CPAM des Yvelines.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106628/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Une Caisse primaire d’assurance maladie symbole d’un management libéré, comment est-ce possible ? Patrick Negaret était convaincu que ses troupes y étaient prêtes. Chronique d’une démarche patiente.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1056822018-10-30T23:29:18Z2018-10-30T23:29:18ZSiel Bleu, ou l’incroyable succès d'entrepreneurs à but non lucratif<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/242252/original/file-20181025-71020-yeadam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=48%2C24%2C5395%2C3432&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Lors d’un stage en maison de retraite, deux étudiants en STAPS inventent des activités physiques adaptées aux personnes âgées. L’idée paraît saugrenue, mais elle connaît un rayonnement extraordinaire, au-delà du cas des seniors. Ils se fixent des ambitions si élevées qu’ils ne veulent pas se laisser distraire par des impératifs de lucrativité, et créent le Groupe Associatif Siel Bleu plutôt qu’une entreprise.</strong></em></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/242251/original/file-20181025-71011-1vrextd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Le destin de Jean‑Michel Ricard et Jean‑Daniel Muller bascule lors d’un stage en maison de retraite pendant leur cursus en STAPS à Strasbourg. Ils nouent des relations très fortes avec les résidents et découvrent que ces derniers aiment prendre quelques risques et se sentir libres, alors qu’on leur déconseille de bouger et de sortir.</p>
<h2>Le besoin révélé</h2>
<p>Cela leur donne l’idée de proposer des activités physiques adaptées aux personnes dépendantes. Ils créent l’association Siel Bleu (Sport initiative et loisirs bleu) pour développer cette activité. Ils sont peu écoutés au début. Toutefois, grâce à l’appui d’un ancien directeur adjoint de la direction départementale du travail et de l’ancien président du conseil général, maire d’une petite commune, ils montent une expérience de six mois dans douze maisons de retraite du Bas-Rhin.</p>
<blockquote>
<p>« Au bout des six mois, les directeurs de onze établissements renouvellent le contrat, mais le douzième refuse. Peu après, il nous appelle, paniqué : Les Dernières Nouvelles d’Alsace viennent lui demander des explications ; les retraités, leurs familles et le personnel font circuler une pétition ; les résidents font le siège de son bureau pour exiger le retour de Siel Bleu. La convention est signée aussitôt. »</p>
</blockquote>
<h2>À la conquête de la France</h2>
<p>Tout s’accélère alors. Le corps médical du Bas-Rhin soutient l’initiative et demande même le lancement d’un programme expérimental pour les malades d’Alzheimer, qui conduira à des résultats étonnants. La Caisse primaire d’assurance maladie les aide à toucher des personnes isolées et fragilisées, notamment en zone rurale.</p>
<p>Après des articles dans la presse nationale, Siel Bleu est appelée de toute la France et elle doit recruter. Les étudiants en « fac de sport » pourraient être intéressés à condition qu’un diplôme adapté soit créé. L’Éducation nationale refuse, mais le président de la faculté de Strasbourg soutient la création d’un DEUST Senior (diplôme d’études universitaires scientifiques et techniques) vieillissement et activités physiques. Pouvant recruter des personnes bien formées, Siel Bleu se diffuse dans toute la France. Une maison de retraite sur trois recourt maintenant à ses services.</p>
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<h2>L’exploration des vertus de l’activité physique adaptée</h2>
<p>L’esprit explorateur des fondateurs et de l’association les amène à étendre le champ d’application de l’exercice physique adapté bien au-delà du cas des personnes âgées.</p>
<blockquote>
<p>« À la demande de médecins et d’associations, nous avons réfléchi à des activités pour les personnes en situation de handicap mental ou physique ou atteintes de maladies chroniques. Nous souhaitons créer avec le corps médical un parcours de vie et de santé pour les malades du diabète, de la maladie d’Alzheimer, de la maladie de Parkinson, du VIH et de la sclérose en plaques. Nous avons lancé une étude en Alsace sur la sclérose en plaques, avec l’Inserm, les hôpitaux de Strasbourg et les deux tiers des neurologues de la région, pour montrer qu’une activité physique adaptée régulière permet d’espacer les poussées inflammatoires au début de la maladie. »</p>
</blockquote>
<p>Ils s’attachent aussi à voir comment aider à supporter les traitements contre le cancer, éviter les récidives du cancer du sein… Ils créent même l’Institut Siel Bleu pour lancer des offres thérapeutiques non médicamenteuses, l’activité physique étant pour eux le médicament du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Par ailleurs, ils proposent à un chef de chantier de mettre en place des échauffements musculaires et articulaires au moment de la prise de poste des ouvriers, 90 % des accidents de travail se produisant au cours des 55 premières minutes. Bien qu’incrédule, le chef de chantier leur laisse dix jours pour faire leurs preuves. Au bout d’une semaine, tous les compagnons suivent les échauffements, y compris le chef de chantier lui-même. La deuxième semaine, les administratifs les rejoignent… Bouygues Construction leur propose alors d’intervenir dans une centaine de lieux, et les accidents du travail baissent de 70 % à 80 %, les arrêts maladie chutent et de nombreuses personnes reprennent une activité physique pendant leur temps libre. Une entreprise dédiée à cette activité est créée, filiale à 100 % de Siel Bleu. Ses bénéfices aident à proposer les activités historiques de l’association à des publics défavorisés.</p>
<h2>Entrepreneurs et entreprenants</h2>
<p>Avec 600 salariés, Siel Bleu est présente dans 5 000 lieux et compte 120 000 pratiquants chaque semaine. Les fondateurs auraient pu exploiter financièrement ce succès, et les propositions lucratives ne leur ont pas manqué. Ils les ont refusées pour ne pas perdre de vue le sens de leur modèle original et continuer à mener des recherches ambitieuses. Ils investissent ainsi 10 % du chiffre d’affaires en R&D, ce qui ne serait pas facile à faire admettre à des investisseurs attirés par la <a href="https://theconversation.com/la-silver-economie-ou-le-vieillissement-comme-levier-du-developpement-48720">silver economy</a>. Ils ont plutôt créé une fondation pour soutenir leurs recherches.</p>
<blockquote>
<p>« L’argent n’est pas ce qui nous intéresse et d’ailleurs nous gagnons suffisamment bien notre vie. En interne, nous avons mis en place une échelle de salaires de 1 à 3. Lorsque quelqu’un progresse, tout le monde progresse en même temps. Cet esprit de solidarité est très important pour nous.</p>
<p>À part les marques, rien n’est protégé chez nous. Il est évident que nous serons copiés ici et là, mais ce n’est pas si grave si la qualité est au rendez-vous. D’ailleurs, pour l’instant, aucun de nos concurrents n’a réellement réussi à nous menacer. Il faut un vrai savoir-faire pour se développer dans notre secteur. Notre force réside dans le lien que nous avons construit avec nos bénéficiaires et nos adhérents. »</p>
</blockquote>
<p>Siel Bleu a été la première structure <a href="https://www.ashoka.org/fr/pays/france">Ashoka Fellow</a> en Europe de l’Ouest. Elle a reçu le prix de l’Entrepreneur social au Forum économique mondial en Chine. Elle a été invitée aux États-Unis dans le cadre de la réforme du système de santé lancée par Barack Obama, et a été auditionnée à Harvard pour évoquer la possibilité d’enseigner sa méthodologie dans des écoles américaines.</p>
<p>Créer 600 emplois de qualité et un mieux-être sociétal pour des dizaines de milliers de personnes est un bénéfice considérable. Combien de start-up faudrait-il pour arriver à un tel résultat ? Cette expérience montre en tout cas que la recherche de profit n’offre pas la garantie de trouver les meilleures idées, les projets les plus socialement utiles, ni même le meilleur taux de croissance.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir le compte rendu de l’École de Paris du management, <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1153-la-singuliere-aventure-de-siel-bleu">« La singulière aventure de Siel Bleu »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Ils inventent les activités physiques adaptées aux seniors, idée qui connaît un rayonnement extraordinaire. Pour atteindre leurs ambitions, ils ne veulent pas courir après le profit.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1032782018-10-17T18:56:52Z2018-10-17T18:56:52ZUn manager de l’extrême à 40 km de Paris : le pari du plein emploi aux Mureaux par le… tourisme<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240225/original/file-20181011-154561-1e605kq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1264%2C705&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Mureaux vue du ciel.</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Il est des entreprenants capables de soulever des montagnes en s’appuyant sur le meilleur des capacités individuelles et collectives des hommes. Il s’agit souvent de sportifs ou de grands aventuriers relevant des défis situés aux confins du possible… mais, depuis plus de vingt ans, c’est un autre management de l’extrême que développe Jean‑Marc Sémoulin, à 40 km de Paris.</strong></em></p>
<h2>Faire société</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240228/original/file-20181011-154539-4fszpm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>En vingt ans, Jean‑Marc Sémoulin, qui avait créé aux Mureaux (78) une association pour envoyer régulièrement un camion humanitaire en Bosnie, a progressivement transformé son association en chantier d’insertion. Le taux de réinsertion y dépasse 80 % malgré des situations initiales extrêmement difficiles. Certains sortent de vingt ans de prison avec une image dégradée d’eux-mêmes, sans diplôme ni réseau. D’autres sont des réfugiés qui ont tout à construire. Pour surmonter leurs énormes difficultés, Jean‑Marc Sémoulin leur propose de retrouver la fierté et choisi de valoriser leurs compétences : un ancien chef de bande aura des qualités de manager, un voleur de voitures sera un as de la mécanique.</p>
<p>Pour le retour à l’emploi, les candidats sont testés pendant quatre mois, puis proposés à des entreprises, sans CV ni entretien d’embauche, sur la seule parole de l’association, qui prend en charge leur salaire pendant une semaine. Cela fonctionne le plus souvent : après vingt ans de prison, une personne est souvent décidée à rattraper le temps perdu.</p>
<h2>L’ultime défi</h2>
<p>Le département des Yvelines, après avoir pris acte des 80 % de remises en emploi réussies, interpelle un jour Jean‑Marc Sémoulin : « Cela ne vous gêne-t-il pas de ne servir à rien ? » Trente personnes par an c’est, en effet, bien peu par rapport aux 150 nouveaux chômeurs.</p>
<blockquote>
<p>« C’est un électrochoc car il est impossible de transformer en “usine à insertion” l’accompagnement individualisé réservé à une trentaine. Le déclic vient d’une conférence, qui explique que ce sont nos croyances qui guident nos décisions. Si elles sont fausses, nous faisons de mauvais choix. Puis le conférencier parle de l’aura de la France pour sa gastronomie, mais également de la réputation déplorable de son accueil. Pour le Français moyen, les touristes se rendent là où il part en vacances, jamais là où il réside. Je me reconnais dans ce portrait, mais si j’avais tort ? Si des touristes venaient aux Mureaux, que cela changerait-il ? »</p>
</blockquote>
<p>Mais quel tourisme inventer aux Mureaux, une ville emblématique de toutes les relégations ? L’idée vient de s’inspirer du Puy du Fou, qui a créé de toutes pièces l’attractivité de sa commune. Faire de même aux Mureaux suppose que tous les quartiers s’engagent volontairement. La bonne réputation de Jean‑Marc Sémoulin dans tous les milieux lui permet de jouer le rôle de catalyseur.</p>
<h2>Les cuisines du monde et le sens de l’hospitalité</h2>
<blockquote>
<p>« Je pars à la rencontre de jeunes adeptes du rodéo : « Savez-vous que les Mureaux vont devenir touristiques ? » Après l’inévitable quart d’heure d’hilarité, leur imagination se met en marche. Il n’y a aucune raison de venir aux Mureaux, encore moins d’y revenir… sauf pour goûter les plats des mamans. Nous découvrons qu’une application mobile, VizEat, organise des repas chez l’habitant. Avec nos 100 nationalités, nous pouvons faire découvrir les gastronomies et les cultures du monde entier. Cette plate-forme permet de régler d’avance les questions d’argent, la transaction se faisant en ligne, et de responsabiliser les habitants puisque le visiteur note ses hôtes et la qualité de son expérience. »</p>
</blockquote>
<p>Un dirigeant de Sodexo est invité à dîner avec plusieurs anciens détenus. Il recommande l’expérience au responsable de la RSE de Renault, qui la recommande au directeur de l’usine de Flins, proche, qui n’avait jamais traversé Les Mureaux. Il s’aperçoit au cours du repas qu’il a laissé un ordinateur sur la banquette de sa voiture, mais à la fin de la soirée, sa voiture et son ordinateur l’attendent, ce qui n’aurait sans doute pas été le cas à Paris. Le bouche-à-oreille est lancé.</p>
<h2>La fabrique de la fierté</h2>
<p>Plus de 250 idées sont collectées pour faire des Mureaux une véritable ville-monde. Des Mauritaniens, ouvriers chez Renault, sont d’anciens chameliers : on pourrait proposer des promenades à chameau avec découverte des traditions de la Mauritanie et de sa gastronomie. On pourrait également faire des tours d’immeubles les plus hauts murs d’escalade de la région parisienne, en confiant l’accueil des sportifs à d’anciens sherpas tibétains qui en profiteraient pour parler de leur pays et faire goûter leur cuisine.</p>
<p>Le plus grand aérodrome d’Europe est situé aux Mureaux. Ses adhérents, pour la plupart des dirigeants d’entreprise parisiens, ont accepté d’organiser des baptêmes de l’air à un prix modéré, 30 euros, survolant le parc de Thoiry, ses éléphants et ses girafes. Les jeunes des quartiers en ressortent euphoriques, convaincus que leur ville est belle. Les pilotes partagent avec eux un moment de joie et délaissent quelques préjugés.</p>
<p>Avec l’aide de l’incubateur La Ruche Factory sont accueillis des porteurs de projets, la ville proposant un écosystème de testeurs potentiels susceptible de faciliter leur lancement. Voici même que les habitants lèvent 25 000 euros en crowdfunding pour financer l’<a href="https://www.tudigo.co/don/contribuez-au-projet-de-mobilite-aux-mureaux">étude de la création d’un téléphérique urbain</a>.</p>
<h2>Un nouveau vivre-ensemble très communicatif</h2>
<p>Tous les mois, une rencontre fait le point sur les initiatives en cours et prévues, et des habitants peuvent y présenter un projet en trois minutes. Des Journées du vivre-ensemble réunissent 650 personnes pendant dix heures dans une salle des fêtes, y compris des communautés qui s’ignorent en temps normal : Marocains et Sahraouis, élus de droite et de gauche, imams et prêtres.</p>
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<p>En un an, la ville a suscité plus de cent articles positifs.</p>
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<p>« Quelques indices révèlent que la ville a changé. Hier, quand nous voyions des poubelles déborder, nous pestions contre la mairie. Aujourd’hui, nous ramassons les détritus pour donner aux touristes une belle image de la ville. Cette dynamique est contagieuse et le taux d’incivilités a considérablement baissé. BFM Paris nous a consacré un magnifique reportage, relatant un baptême de l’air et un repas chez l’habitant. La journaliste avait les larmes aux yeux : elle s’était découvert une deuxième maman aux Mureaux. »</p>
</blockquote>
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<p>La place manque ici pour montrer la richesse des initiatives lancées et la rare clairvoyance de Jean‑Marc Sémoulin. En lisant le compte rendu de la séance de l’École de Paris, <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1298-le-pari-fou-du-plein-emploi-par-le-tourisme-aux-mureaux">« Le pari fou du plein emploi par le tourisme… aux Mureaux »</a>, on comprendra que les participants aient eu le sentiment de recevoir une leçon de management d’une force rare. Elle revisite en effet de nombreux thèmes de l’entrepreneuriat classique : engagement personnel, adaptation au terrain, inventivité, opiniâtreté, obsession de faire (re)naître la fierté chez tous les interlocuteurs, révéler les talent, faire grandir l’autre.</p>
<p>Voici également son <a href="https://www.youtube.com/watch?v=-XdA-_fU9Fc&feature=youtu.be">témoignage TEDx</a></p>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/103278/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Certains entreprenants soulèvent des montagnes en mobilisant le meilleur des capacités des hommes. Jean‑Marc Sémoulin lance un pari fou : aller vers le plein emploi aux Mureaux grâce au… tourisme.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1040702018-10-03T18:03:51Z2018-10-03T18:03:51ZInsérer des exclus : quelle école de management ! L’expérience fondatrice des Jardins de Cocagne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/238432/original/file-20180928-48634-1tvl77l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C840%2C416&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jardins de Cocagne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Christophe Goussard</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Dans les années 1970, face à la multiplication des personnes entraînées vers l’exclusion, des travailleurs sociaux décident de dépasser les approches traditionnelles d’accompagnement social et créent des activités économiques accessibles aux personnes éloignées de l’emploi, devenant des entrepreneurs d’un genre nouveau. Une expérience utile à analyser à l’heure d’un nouveau plan contre la pauvreté.</strong></em></p>
<h2>L’invention de l’insertion par l’activité économique</h2>
<p>Jean‑Guy Henckel se rappelle :</p>
<blockquote>
<p>« Une idée nouvelle, en apparence saugrenue, a germé dans différentes régions dans les années 1970. Puisque beaucoup de ceux qui voulaient travailler ne trouvaient pas d’emploi, nous allions, nous les travailleurs sociaux, créer des entreprises pour eux. Nous procédions par bricolage, comme toujours dans l’innovation sociale : l’un de nous avait été menuisier, nous avons décidé de nous lancer dans la menuiserie.</p>
<p>Nos interlocuteurs de la DDASS ont ouvert des yeux ronds lorsque nous leur avons présenté notre business plan, mais ils ont montré une grande ouverture d’esprit et nous ont appuyés. »</p>
</blockquote>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=875&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1100&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1100&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/238433/original/file-20180928-48634-sdjjnd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1100&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cette première expérience leur apprend à gérer une entreprise, à prendre en charge des personnes en difficulté devenues des salariés, à soigner la communication vers les clients… de quoi les faire prendre au sérieux par les patrons, qui les regardaient de haut.</p>
<h2>Un Jardin de Cocagne, quelle drôle d’idée !</h2>
<p>Après l’instauration du RMI en 1988, le Doubs, comme beaucoup d’autres régions, doit faire face à un afflux imprévu d’agriculteurs surendettés. Jean‑Guy Henckel envisage de créer une entreprise agricole, mais cela représente un investissement colossal.</p>
<blockquote>
<p>« Un ingénieur agronome me signale l’existence, aux États-Unis, de circuits courts de distribution pour les produits de la terre. L’idée, née au Japon, s’était diffusée jusqu’en Suisse, et, près de Genève, des maraîchers vendaient leur production à une association de citadins versant en début d’année une somme correspondant à un panier de légumes par semaine. Le concept de Jardin de Cocagne est né de la rencontre entre cette pratique et la notion d’insertion par l’activité économique.</p>
<p>Mes interlocuteurs du conseil général et de la Préfecture sont à nouveau déconcertés quand je leur présente ce projet, mais comme notre association a déjà fait ses preuves, ils misent quelques milliers de francs pour voir. »</p>
</blockquote>
<p>Il réunit d’autres financements de bric et de broc, loue des terres et achète du matériel pour pas cher. Il diffuse une centaine de tracts à Besançon pour recruter des familles prêtes à payer 2 500 F par an pour un panier hebdomadaire de légumes bios, et trouve en un temps record les 60 familles dont il a besoin. Il embauche une dizaine de RMIstes, encadrés par des techniciens qualifiés. Un principe fondateur est de pratiquer la mixité sociale : des femmes et des hommes de 18 à plus de 60 ans, des nationalités différentes, des types d’exclusion variés.</p>
<p>Les exclus s’impliquent, renaissent, se socialisent. Au bout de quelques mois, l’Agence France Presse écrit : « À Besançon, des exclus cultivent des légumes bios et les distribuent à des adhérents-consommateurs. » En quelques semaines, tous les médias nationaux viennent les interviewer. Après un passage au 20 heures de TF1, les premiers jardiniers sont sans cesse photographiés ou filmés.</p>
<h2>Le réseau Cocagne</h2>
<p>Dans toute la France, des travailleurs sociaux, des agriculteurs, des chefs d’entreprise, etc., ont envie de reproduire l’expérience. Les Jardins de Cocagne essaiment en laissant aux opérateurs des libertés pour adapter le projet au contexte, mais en leur imposant une charte avec quatre principes intangibles :</p>
<ul>
<li><p>embaucher des personnes en difficulté dans des conditions valorisantes et favoriser leur retour à l’emploi durable ;</p></li>
<li><p>respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique et faire certifier la production ;</p></li>
<li><p>commercialiser une partie de la production via un réseau d’adhérents-consommateurs ;</p></li>
<li><p>s’inscrire dans le secteur professionnel local de l’agriculture et du maraîchage.</p></li>
</ul>
<p>Une structure nationale, le réseau Cocagne, est créée en 1999. Jean‑Guy Henckel l’anime (jusque fin 2017) pour assurer l’unité de la démarche et offrir des services (formation des cadres, outils d’optimisation de la production, développement d’activités nouvelles).</p>
<h2>Une référence</h2>
<p>Une centaine de Jardins de Cocagne emploient aujourd’hui 4 000 salariés en insertion. Chaque semaine, 20 000 familles reçoivent leur panier de légumes biologiques. Les Jardins de Cocagne sont même devenus une référence en management.</p>
<blockquote>
<p>« Une quarantaine de DRH sont venus visiter un Jardin de Cocagne. Ils étaient stupéfaits de voir que des personnes qu’ils n’auraient jamais embauchées avaient un absentéisme inférieur à celui dans leurs entreprises. Le management que nous pratiquons repose sur des ingéniosités quotidiennes : l’encadrant sait qu’il faut éviter d’envoyer Untel et Untel dans le même champ avec une pelle et une pioche ; il veille à ce qu’une dame dépressive soit dans la même équipe qu’une très enjouée, etc. Ce n’est pas toujours facile, surtout s’il faut faire cohabiter 17 nationalités, mais la difficulté nous oblige à déployer des trésors d’ingéniosité. »</p>
</blockquote>
<h2>La question du retour à l’emploi</h2>
<p>Une difficulté tient au fait que les séjours des personnes en insertion sont limités à deux ans et que les organismes sont jugés sur le taux d’insertion des publics qu’ils prennent en charge.</p>
<blockquote>
<p>« Quelle chance un homme de 58 ans, alcoolique et analphabète, a-t-il de retrouver un emploi dans une entreprise normale ? Pour nos encadrants, après avoir passé des mois à aider quelqu’un à se libérer de l’alcoolisme, à régler ses problèmes avec la justice, son surendettement, et l’avoir vu retrouver le sourire, c’est décourageant de devoir le “larguer” et de le voir plonger en quelques semaines. »</p>
</blockquote>
<p>Les Jardins de Cocagne ont été inventifs et ont fortement investi dans l’accompagnement de cette phase délicate. Un tiers des personnes les quittent avec un emploi, souvent ailleurs que dans le maraîchage. Environ 20 % s’orientent vers des formations préqualifiantes ou qualifiantes. Pour les 20 à 25 % qui ne peuvent accéder ni à un emploi ni à une formation, des solutions sont cherchées pour leur permettre de vivre décemment, comme la prise en charge par la Cotorep en cas de handicap mental. Pour les plus atteints ont été créés trois lieux de vie communautaire, avec appartements individuels et activités professionnelles collectives, où ils peuvent mener une vie décente. Enfin, de vraies entreprises coopératives produisant des légumes bios ont été créées, qui accueillent des personnes formées ou ceux qui veulent devenir encadrants.</p>
<p>Pour les cas difficiles, l’Administration peut accorder des dérogations sur la durée des contrats d’insertion, mais les pratiques varient d’un fonctionnaire à l’autre et c’est un facteur de fragilité pour les organisations d’insertion : toutes n’ont pas l’expérience et l’auront des Jardins de Cocagne.</p>
<p>Certains entreprenants peuvent ainsi réussir ce que des entrepreneurs qualifiés n’essaient pas : employer des gens considérés comme non employables. Cette aventure souligne également le trait n°8 du <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">Manifeste des entreprenants</a> : l’entreprenant mène souvent son action avec l’esprit d’un… jardinier.</p>
<p>Pour en savoir plus sur la richesse inventive des Jardins de Cocagne, voir le compte rendu de l’École de Paris <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/758-la-solidarite-est-dans-le-jardin">La solidarité est dans le jardin</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104070/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est le fondateur et l'animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>L’expérience fondatrice des Jardins de Cocagne éclaire utilement les enjeux de l’« insertion par l’activité économique » à l’heure d’un nouveau plan contre la pauvreté.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1032732018-09-19T19:08:20Z2018-09-19T19:08:20ZDe l’État pompier à l’État stratège : des fonctionnaires entreprenants boostent des entreprises performantes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236463/original/file-20180914-177935-1njh5ky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C5%2C992%2C649&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le ministre Emmanuel Macron en visite chez Corlet Numérique le 21 mars 2016.</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Depuis la crise, l’État a concentré ses interventions d’urgence sur les entreprises en difficulté. Ces dispositifs (CIRI, Commissaires au redressement productif…), bien qu’utiles, ne concernent pas les entreprises prospères qui pourraient faire encore mieux. C’est ce que pensaient, en Basse-Normandie, deux fonctionnaires entreprenants qui voulaient changer les choses. Mais avec quelles compétences pouvaient-ils accompagner le développement de ces entreprises ? Voici une expérience éclairante.</strong></em></p>
<h2>Des champions cachés</h2>
<p>Bernard Quirin, cadre curieux et expérimenté, mis à la disposition du préfet de région par la Caisse des Dépôts, entreprend de repérer les entreprises qui se développent.</p>
<blockquote>
<p>« La plupart, en milieu rural, loin des autoroutes et des principales agglomérations, n’étaient pas connues des services de l’État, parce qu’elles ne demandaient pas d’aides. À quelques exceptions près, comme Isigny Sainté-Mère, le grand public ne les connaissait pas.</p>
<p>J’ai également découvert que leurs performances remarquables les propulsaient aux premiers rangs européens, voire mondiaux. Pour les désigner, le terme de “champions cachés”, popularisé par le livre de <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1040-ce-que-nous-apprennent-les-champions-caches">Stephan Guinchard</a>, s’imposait. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236464/original/file-20180914-177965-1uu6anv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il remarque aussi combien leur appréciation de l’environnement économique, plus que les perspectives de marchés, pèse sur les décisions d’investissements : la morosité ambiante les freine. Il propose alors aux préfets de région successifs de travailler sur la perception de leur environnement par les industriels, en mettant en valeur les succès des champions cachés, pour inciter les entreprises à investir davantage.</p>
<h2>Des « grands chefs à plumes » visitent les usines du bocage</h2>
<p>Seul un choc pouvait rapidement mettre en lumière des succès ignorés. Pour Bernard Quirin, le contraste entre l’impression que la plupart ont d’un territoire et son dynamisme réel devait marquer les esprits. Dans le bocage normand, Vire, aux confins du Calvados, de la Manche et de l’Orne, mal desservie, est un vrai « village gaulois de champions cachés ». Le préfet s’y rend une journée entière, en novembre 2014, accompagné des responsables des administrations. Les « grands chefs à plumes », accueillis par la presse, le député, le sénateur et les élus locaux, visitent Seprolec, puis Degrenne et y mesurent la part prise à la production de succès mondiaux comme l’enceinte Phantom de Devialet ou Thermomix.</p>
<p>Au déjeuner se pressent les entreprises les plus dynamiques, qui investissent, innovent, exportent. Certaines nouent des collaborations. Les journalistes découvrent ces « champions cachés » avec stupeur, mais l’expression les déculpabilise : ces entreprises étaient cachées, ils vont les faire connaître ! Quant aux administrations, elles s’étonnent quand les entreprises expriment leurs vrais besoins : attirer une main-d’œuvre formée et développer des projets collaboratifs. Aujourd’hui, neuf entreprises de la région prennent part au succès de l’enceinte Phantom Gold, vendue dans le monde entier.</p>
<h2>Une administration inspirante</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236466/original/file-20180914-177947-lwcb8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">A Hamouche.</span>
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<p>Le préfet est convaincu : « Des opérations “champions cachés”, j’en veux plus ! » Elles se succèdent tous les deux mois. Amine Hamouche, jeune ingénieur des mines que Bernard Quirin, nommé Référent unique pour les investissements par le ministre de l’Économie, devait former, s’y engage avec enthousiasme et a une action déterminante dans la promotion des savoir-faire, particulièrement du label EPV (entreprises du patrimoine vivant), très porteur à l’international.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=765&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236467/original/file-20180914-177935-itkiy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=961&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">P Soghomonian.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Tous deux proposent aux champions de les aider à tirer le tissu local vers le haut. Ils initient des clubs associant les entreprises les plus dynamiques, celles susceptibles de devenir des champions et celles ayant besoin d’être guidées vers l’excellence. Devenu directeur général adjoint à l’Économie de la Région Normandie, Amine Hamouche inscrit ce dispositif dans la stratégie régionale de développement économique et lance l’idée d’incubateurs : chaque champion caché identifiera une entreprise poulain qui, en étant accompagnée, deviendra à son tour un champion.</p>
<p>Cette idée serait restée utopique si des patrons ne s’étaient pas pris au jeu. Patrick Soghomonian, PDG de Seprolec, champion des cartes et des sous-ensembles électroniques, explique l’intérêt qu’il a trouvé à la démarche :</p>
<blockquote>
<p>« À ma grande surprise, une sous-préfète est venue me demander ce que j’attendais des pouvoirs publics. Je lui ai répondu : “faire de Seprolec une ETI”. Elle m’a invité à contacter Bernard Quirin, qui a été conquis : “Je ne savais pas qu’une telle entreprise pouvait exister à Vire !” À partir de là, nous avons travaillé ensemble.</p>
<p>Au départ, je pensais n’avoir besoin de rien, car je m’étais toujours débrouillé seul. Il m’a expliqué l’intérêt du CICE, dont beaucoup d’entreprises, qui n’en comprenaient pas le fonctionnement, avaient peur. Cela nous a permis, chaque année, de financer l’achat d’une machine. Puis il m’a suggéré de demander la prime à l’aménagement du territoire. Je n’avais pas le temps de passer des heures à remplir des papiers, mais il a su me convaincre et m’a aidé. Nous avons obtenu une subvention importante. Nous avons pris l’habitude d’échanger avec Bernard Quirin, puis avec Amine Hamouche. Ce dialogue m’a aidé à développer l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>Bernard Quirin et Amine Hamouche ont incité des entreprises à investir davantage : plus que la prime à l’aménagement du territoire et le CICE, ce sont les relations de confiance, leur connaissance fine du tissu industriel, leur pratique du « terrain », la qualité de leurs équipes et celle de leur veille sur les marchés et les tendances émergentes, qui le leur ont permis.</p>
<h2>Une démarche transgressive</h2>
<p>Cet activisme est décalé par rapport aux exigences des services centraux de l’État, configurés pour « suivre » des filières (aéronautique, chimie-matériaux, etc.). Pour les brillants esprits parisiens, les remontées du terrain doivent être rangées dans des cases prédéfinies. Pour Bernard Quirin, le « dialogue de gestion » seul, un exercice annuel de planification budgétaire, ne pouvait tenir lieu de stratégie. Il a convaincu son équipe d’en tirer une grande liberté d’action :</p>
<blockquote>
<p>« Tout ce qui contribue à la croissance économique dans le respect de l’intérêt général doit être entrepris ; tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé.</p>
<p>Des préfets et sous-préfets nous ont soutenus. On ne nous a jamais empêchés d’agir, bien qu’on m’ait parfois reproché d’être un électron libre qui anime une PME à l’intérieur de la structure. À la fin de ma mission, la Basse-Normandie était dans le peloton de tête des investissements. La dernière année, le volume avait même doublé. »</p>
</blockquote>
<p>Certes, leur démarche n’allait pas optimiser leurs carrières, mais les habitués de cette chronique savent que les entreprenants n’hésitent pas à prendre des risques, financiers ou de parcours, pour servir ce qu’ils pensent être le bien commun.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, voir <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1282-champions-caches-rayonnement-et-attractivite-d-une-region">« Champions cachés, attractivité et rayonnement d’une région »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103273/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants.</span></em></p>L’État intervient souvent pour soutenir les entreprises en difficulté, mais ne pourrait-il aussi pousser les entreprises prospères à faire mieux ? Deux fonctionnaires inventent une nouvelle voie.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1016812018-08-22T20:23:52Z2018-08-22T20:23:52ZLes vertus du troc de savoirs : un autre « modèle » économique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/232273/original/file-20180816-2891-1y7n0rm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tableau Offres et Demandes dans un RERS</span> </figcaption></figure><p><em>Des centaines de milliers de personnes se sont engagées dans des relations par lesquelles chacun enseigne aux autres, relations entre tous les âges et toutes les situations sociales, génératrices de fiertés individuelles et collectives au sein de l’improbable épopée des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs. Les vertus de ce modèle sont innombrables et ébranlent plusieurs de nos croyances économiques.</em></p>
<hr>
<p>À l’heure où l’économie du partage connaît un engouement comme modèle économique alternatif, mais aussi comme autre manière de consommer, l’initiative des Réseaux d’échanges réciproques des savoirs est peut-être encore plus intéressante, car elle permet de montrer qu’en matière de ces biens que sont les savoirs tout le monde peut échanger, même ceux qui croient n’être propriétaires de rien.</p>
<h2>Une expérience fondatrice</h2>
<p>Dans les années 1970, Claire Héber-Suffrin, institutrice à Orly, se rend compte que ses élèves, dits « en difficultés », ont une curiosité sur laquelle elle peut s’appuyer. Elle les emmène un jour faire un dossier sur la vie dans les HLM.</p>
<blockquote>
<p>« Un mois plus tard, l’ouvrier chauffagiste qu’ils avaient rencontré revient de lui-même dans la classe. Il souhaite voir ce que les élèves ont retenu. Pas suffisamment à son goût, car il improvise un cours passionnant pour combler les lacunes de leur exposé. Les élèves lui proposent de rester pendant l’heure suivante, où un groupe d’élèves doit faire un exposé sur les volcans avec l’aide d’une géographe professionnelle. Le chauffagiste se passionne pour les volcans et reste plus d’une heure à discuter avec la géographe après la fin de la classe. »</p>
</blockquote>
<p>Cela donne à l’institutrice l’idée de créer avec Marc Héber-Suffrin, avocat et éducateur bénévole dans un club de prévention de la cité, un dispositif dans lequel chacun peut apprendre, à condition d’enseigner. Les débuts sont enthousiasmants. Très vite, quarante personnes animent un réseau qui compte plusieurs centaines de participants. Mais certains pouvoirs établis trouvent subversive cette manière d’enseigner. Épuisée de tenir le réseau à bout de bras, Claire Héber-Suffrin abandonne, s’engage dans la préparation d’un doctorat et part s’installer à Évry.</p>
<h2>Anatomie d’un réseau d’échanges réciproques de savoirs</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232275/original/file-20180816-2918-ur73zc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Claire et Marc Héber-Suffrin.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Claire et Marc Héber-Suffrin font plus tard une nouvelle expérience, avec succès. Il formalisent alors le modèle de réseau d’échanges réciproques de savoirs. Un réseau est ancré localement et organisé en association loi de 1901, la cotisation de chaque membre étant constituée par les savoirs qu’il offre, et pas forcément par un apport monétaire. Les savoirs échangés sont multiples.</p>
<blockquote>
<p>« Ils vont de la cuisine antillaise à la broderie, en passant par la philosophie et l’informatique ou la soudure. Certains nécessitent quelques heures d’apprentissage, d’autres des séances régulières pendant une ou plusieurs années. Certains échanges se passent entre deux personnes, d’autres en groupes. »</p>
</blockquote>
<p>Souvent, les personnes arrivent avec une demande floue et ignorent quelle formation offrir en retour. Le rôle des animateurs est alors à la fois de les aider à préciser la nature de leur besoin et de leur faire découvrir ce qu’elles peuvent apporter aux autres, cette démarche n’étant pas facile pour ceux qui ont toujours été en position de demande. Il ont développé un véritable savoir-faire pour faire se rencontrer les offres et les demandes, faisant preuve parfois de créativité :</p>
<blockquote>
<p>« Deux jeunes garçons passaient leur temps à faire du patin à roulettes dans la rue voisine. Un des animateurs du réseau eut l’idée de faire appel à eux, car une demande d’apprentissage de patin était depuis un certain temps en attente. Les deux adolescents se sont laissés convaincre, avec un mélange d’appréhension et de fierté, et se sont révélés des enseignants formidables… Ils ont ensuite fait une demande pour du soutien scolaire… »</p>
</blockquote>
<h2>Un réseau de réseaux</h2>
<p>Les Réseaux d’échanges réciproques de savoir se sont multipliés, en France et à l’étranger, par capillarité, sans volonté de modèle venu du centre. Claire Héber-Suffrin parle de centralités multiples pour caractériser le fonctionnement du réseau des Réseaux. Chacun d’eux adhère à un réseau national, le Foresco (Formations réciproques, échanges de savoirs, créations collectives), qui assure la formation des animateurs, aide à la création de Réseaux, favorise les apprentissages entre Réseaux. Il est garant des principes et des méthodes d’enseignement, et anime des recherches sur la manière de les perfectionner.</p>
<p>On trouve des Réseaux dans les grandes villes comme dans les zones rurales, en France – où on en a compté jusqu’à 750 –, en Europe, au Brésil, au Québec, au Burkina Faso, au Sénégal, au Mali. Au Burundi, un Réseau de 2 000 participants dans un camp de réfugiés a permis d’échanger sur des besoins basiques – comment faire pousser des légumes sur une terre aride – tout en donnant à tous un moyen de se projeter dans l’avenir.</p>
<p>Les entreprises peuvent y recourir avec profit, comme le montre cet exemple de <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/793-le-reseau-d-echanges-reciproques-de-savoirs-une-innovation-a-la-poste-courrier">Réseau à la Poste</a>, qui a fait l’objet d’une séance de l’École de Paris du management.</p>
<h2>Au-delà de l’économie</h2>
<p>Des centaines de milliers de personnes ont été impliquées dans au moins un Réseau. Le dispositif ne peut toutefois pas fonctionner uniquement sur le bénévolat : quand un réseau local devient important, il a besoin de moyens pour fonctionner et le Foresco devrait pouvoir rémunérer des permanents, notamment pour former les animateurs des Réseaux.</p>
<p>Ils ont donc besoin de subventions, ce qui n’est pas la partie la plus facile pour le mouvement, les financeurs rapportant souvent leurs subventions au nombre d’emplois créés. Claire Héber-Suffrin explique alors inlassablement le rôle social de ces réseaux :</p>
<blockquote>
<p>« Chacun est à la fois savant et ignorant, et il n’y a pas de savoir plus grand ou plus digne qu’un autre. À l’intérieur du principe de réciprocité, chacun choisit son rythme, ses méthodes, ses contenus d’apprentissage. Tous peuvent y contribuer, jeunes, vieux, inclus, exclus. C’est une école de la citoyenneté et de la démocratie. »</p>
</blockquote>
<p>Pierre-Noël Giraud explique dans <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/homme-inutile_9782738133113.php">L’homme inutile</a> que le sentiment d’inutilité ressenti par un nombre croissant de personnes menace nos démocraties. L’utopie concrétisée par Claire et Marc Héber-Suffrin montre que des remèdes pour endiguer ce fléau peuvent se trouver au-delà de la vision économique classique. En cela, ils ouvrent une voie importante à développer.</p>
<p>Ils illustrent plusieurs caractéristiques exposées dans le <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">Manifeste des entreprenants</a> : ils aiment inventer des solutions à des problèmes que d’autres jugent insolubles et, même s’ils sont tirés par un rêve, ce ne sont pas des rêveurs : ce qu’ils font doit marcher et ils aiment l’efficacité.</p>
<p>Voir le compte rendu d’une séance très riche <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/142-offre-cours-d-economie-demande-cours-de-soudure-le-succes-des-reseaux-d-echanges-reciproques-de-savoirs">« Offre cours d’économie, demande cours de soudure » : le succès des réseaux d’échanges réciproques de savoirs</a>. Le site du réseau est <a href="https://www.rers-asso.org/">rers-asso.org</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232276/original/file-20180816-2903-175kmya.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Deux traités présentés par les dessins d’Éric Grelet.</span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/101681/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est le fondateur et l"animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>L’improbable épopée des Réseaux d’échanges réciproques de savoirs révèle les vertus d’un modèle nouveau de relation et ébranle plusieurs de nos croyances économiques.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/994662018-07-10T20:57:48Z2018-07-10T20:57:48Z« Found in translation » : quand les Voisins Malins recousent la société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226279/original/file-20180705-122277-zlffe7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cre dit Lucas Roxo</span> </figcaption></figure><p><strong>Objet de toutes les relégations, les quartiers ont tendance à se couper du reste de la société. Retisser le lien par la mobilisation des habitants eux-mêmes, assurer l’interface et même la traduction avec les institutions, voici le pari fou des Voisins Malins.</strong></p>
<p>La presse nous montre les quartiers difficiles comme des lieux d’incivilités et de trafics divers, mais ce sont surtout des lieux de solitude et de désarroi. Parlant peu le français, nombre d’habitants se sentent seuls face à la complexité administrative et ne peuvent guère faire valoir leurs droits. L’école où vont leurs enfants, les lieux culturels, et même le centre social leur paraît des univers étrangers, et quand le bureau de Poste est fermé, que les urgentistes ne viennent plus, le sentiment d’abandon s’installe.</p>
<h2>Inventer des médiations nouvelles</h2>
<p>Anne Charpy, après avoir travaillé pendant 15 ans en lien avec des quartiers populaires, a voulu lancer une initiative pour remédier à cette coupure.</p>
<blockquote>
<p>« En 2008, le maire de Grigny, très impliqué dans sa ville de presque 30 000 habitants, n’a été réélu qu’avec à peine 2 000 voix, ce qui m’a profondément marqué. Pour les décideurs dont je faisais partie, il fallait que les services soucieux d’améliorer la situation et les habitants puissent se rencontrer. Les institutions n’étant plus le lieu adéquat, nombre d’associations étant à bout de souffle, il fallait inventer quelque chose qui parte des habitants. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=831&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/226280/original/file-20180705-122265-5msnrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1044&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Anne Charpy.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors directrice du GIP Grigny-Viry-Châtillon, elle et son équipe avaient trouvé une dizaine d’habitants parlant différentes langues qui avaient accepté de servir de traducteurs, par exemple, entre les instituteurs et les familles. Une centaine de familles avaient ainsi été remises en contact avec les écoles. Puis les traducteurs eurent l’idée de traduire les contes lus lors de soirées du centre social, les rendant accessibles à davantage de personnes.</p>
<p>Ils sont ainsi devenus des passeurs entre les habitants et les institutions. Tous d’âges, de métiers ou de cultures très divers, ils devinrent les premiers Voisins Malins.</p>
<h2>Un voisin frappe à la porte pour vous aider</h2>
<p>Le rôle d’un Voisin Malin est d’aller à la rencontre des habitants en portant un message qui leur soit utile : relayer une campagne de prévention, discuter du gardiennage, réduire la facture d’énergie, etc.</p>
<blockquote>
<p>« Les sujets sont préparés avec un professionnel. L’information sur la prévention du cancer du sein a été préparée avec l’association de dépistage des cancers de l’Essonne et l’agence régionale de santé. Avant la campagne de porte-à-porte, le responsable de projet s’assure que des radiologues à proximité accepteront de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU ou de l’aide médicale. Quand une personne, sur des sujets aussi intimes, se décide à consulter, tout doit être organisé pour que sa démarche soit facilitée. »</p>
</blockquote>
<p>Parce que les sujets sont concrets et qu’ils sont abordés par un voisin mandaté par un bailleur social, la mairie ou par une entreprise d’énergie, les portes s’ouvrent. Actuellement, le taux d’ouverture des portes est de 70 à 80 %, ce que nul autre n’arrive à atteindre. Peu à peu, la confiance s’instaure. Pour le maire de Grigny, les Voisins Malins sont devenus des citoyens actifs qui font le lien entre les habitants et les autorités</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/255522190" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Devenir un Voisin Malin</h2>
<p>Les Voisins Malins sont des étudiants issus du quartier, des mères de famille, des retraités, mais aussi des actifs (comptables, femmes de ménage, petits commerçants…). Ils sont employés en CDI par l’association VoisinMalin, avec des temps partiels d’une vingtaine d’heures par mois. Les 100 Voisins Malins actuels parlent au total 36 langues et dialectes. Le rôle qu’ils jouent, la reconnaissance dont ils se sentent l’objet, favorisent l’éclosion de leurs personnalités et l’affirmation de leur charisme, comme le montre la vidéo</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/277766912" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Un management structuré</h2>
<p>Chaque quartier est sous la responsabilité d’un manager, qui recrute et forme les Voisins Malins, anime leur groupe, avec une réunion de débriefing et un entretien individuel chaque mois. Il construit les missions et prépare les messages avec les différents partenaires. Ces derniers forment les Voisins et financent ces opérations.</p>
<p>Pour installer l’association dans un nouveau quartier, le manager recherche pendant trois mois les personnes-ressources (un médecin, un épicier, la bibliothécaire, etc.) qui vont lui recommander des habitants candidats pour être Voisin Malin. Il veille aussi à ce que l’association « n’écrase » personne, et prend le temps qu’il faut pour qu’elle trouve sa place.</p>
<h2>Un marché en fort développement ?</h2>
<p>L’association a rencontré, en sept ans, 50 000 familles, ce qui représente 150 000 personnes. Elle est présente dans 14 quartiers et se développe.</p>
<blockquote>
<p>« Il existe 200 quartiers en rénovation urbaine en France, programme national qui touche environ 2 millions d’habitants. Nous estimons que nous atteindrons une taille critique quand nous serons en mesure de toucher 20 % de ces habitants, d’ici trois ans. Pour cela, nous ouvrons trois nouveaux quartiers par an dans les plus grosses zones urbaines concernées. Cela représentera, à terme, un total d’environ 200 Voisins Malins. Après quoi, nous arrêterons là notre expansion, car je n’ai nullement l’intention de me trouver à la tête de trois mille salariés ! »</p>
</blockquote>
<p>Aller vite tout en faisant bien n’est, en effet, pas facile. Anne Charpy a choisi d’aider d’autres à transposer sa méthode. Par exemple, un partenariat est en construction avec une grande association de voisins de Barcelone, créée pour résister au franquisme et qui cherche un second souffle.</p>
<p>Elle illustre les thèses du <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">manifeste des entreprenants</a> selon lesquelles l’entreprenant aime résoudre des problèmes et a l’âme d’un jardinier qui prend le temps de s’adapter aux conditions locales. Mais Anne Charpy risque d’avoir à faire face à de fortes demandes, tellement l’idée est lumineuse et paraît simple à mettre en place…</p>
<hr>
<p><em>Voir la richesse de l’action de Voisins Malins dans le compte rendu de l’École de Paris : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1284-comment-les-voisins-malins-changent-la-vie-collective">« Comment les voisins malins changent la vie collective »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99466/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Les quartiers difficiles se coupent de la société. Retisser le lien par la mobilisation des habitants, assurer l’interface et même la traduction avec les institutions, le pari fou des Voisins Malins.Michel Berry, Fondateur et responsable, L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/991202018-07-05T02:21:34Z2018-07-05T02:21:34ZEntreprise d’intérêt général : de l’utopie à la réalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/225369/original/file-20180628-117371-ow7kqf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C69%2C1487%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>En s’attaquant à un irritant (<a href="https://bit.ly/2KJnsOo">« pain point »</a>) non résolu par le marché, nombre de startuppeurs ont donné une image plus sociétale de l’entrepreneur, mais les modèles plus globaux et plus vertueux semblaient hors de portée de l’entreprise commerciale. Le cas Akuo Energy et l’invention de l’« agrinergie » ouvrent de nouvelles perspectives à un nouveau type d’entreprenants.</em></p>
<hr>
<h2>Un entrepreneur en mission ?</h2>
<p>Pendant ce que l’on a appelé la première vague (ou bulle) de l’Internet, Éric Scotto a vécu 10 ans au rythme frénétique des start-up de l’Internet. Un monde qu’il quitte en 2001.</p>
<p>Il raconte aujourd’hui le déclic qui l’a fait passer dans un tout autre secteur et défendre d’autres valeurs.</p>
<blockquote>
<p>« Les vacances que je me suis accordées furent l’occasion de découvrir un livre extraordinaire qui me fit l’effet d’un détonateur, <a href="https://bit.ly/2tVY00Q">“Éco-économie : une autre croissance est possible, écologique et durable”</a> de Lester Brown. Il y préfigure un capitalisme qui serait au service de ce que l’homme a de plus essentiel : une alimentation saine, une eau potable, un air pur, des énergies propres, des réserves halieutiques protégées… En mettant l’ensemble des ressources capitalistes au service de cette nouvelle économie, peut-être avons-nous une chance de changer le monde ».</p>
</blockquote>
<p>Il crée Perfect Wind en 2003, société de production éolienne puis Akuo Energy en 2007, pour se diversifier dans toutes les formes d’énergies renouvelables et se développer dans le monde. Dix ans plus tard, elle est présente dans 30 pays sur tous les continents.</p>
<h2>L’invention de l’« agrinergie » : un modèle économique inclusif ?</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=828&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225694/original/file-20180702-116120-1f337zy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1041&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Éric Scotto.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Son implantation à La Réunion en 2007 l’amène à innover dans ses relations avec les territoires. Le monde agricole devenait hostile aux installations solaires, consommatrices d’espace sur un territoire agricole restreint : deux permis de construire accordés par le préfet lui sont aussitôt retirés.</p>
<p>C’est alors qu’Akuo Energy fait une proposition originale : mettre 50 % de ses parcelles gratuitement à disposition d’agriculteurs ayant besoin de s’installer. C’est un succès, mais cette solution consomme encore 50 % des ressources agricoles, et elle a plus tard une autre idée.</p>
<p>Les cyclones détruisant régulièrement 90 % de la production, elle propose d’installer des serres anticycloniques munies de panneaux solaires et mises à disposition gratuitement de maraîchers et d’horticulteurs. En finançant un outil que les agriculteurs ne pouvaient s’offrir et en assumant même leurs salaires pendant trois ans, le temps de leur reconversion, elle permet aux agriculteurs de passer à des cultures bio, voire à de la permaculture.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=200&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225371/original/file-20180628-117440-17mtfpk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=252&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Serres anticycloniques.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des déclinaisons à l’infini</h2>
<p>Cette idée d’associer les territoires aux projets peut se décliner à l’infini, avec de la pisciculture, de la permaculture ou de l’agriculture biologique, comme l’explique Éric Scotto :</p>
<blockquote>
<p>« Des agriculteurs de Nouvelle-Calédonie nous ont sollicités pour les aider à développer des installations comparables à celles de La Réunion. Nous nous y sommes implantés sous la forme d’un joint-venture avec le distributeur local Enercal. L’Indonésie, également séduite par cette solution, nous a demandé de la déployer dans son archipel. Nous sommes aujourd’hui parmi les leaders sur son marché. Nous transposons donc le modèle réunionnais sur une multitude d’îles de la planète.</p>
<p>En métropole, nous déclinons notre logique de territoire dans d’anciennes carrières, espaces souvent transformés en bases de loisirs dénuées de tout modèle économique pérenne. Nous transformons actuellement l’ancienne carrière de Piolenc, près d’Avignon, en une centrale photovoltaïque de 17 mégawatts, jouxtant une ferme Akuo produisant en bio et en permaculture.</p>
<p>Dans les pays du Sud, nos “oasis d’Akuo” seront dotées de systèmes solaires décentralisés de désalinisation de l’eau de mer à destination de l’agriculture. Il est ainsi possible d’imaginer de nouveaux modèles pérennes au gré des spécificités des territoires, en collaborant avec les collectivités locales. »</p>
</blockquote>
<h2>Jouer le long terme : un discours adapté à toutes les formes de patrimoine ?</h2>
<p>Ces projets coûtent bien sûr plus cher que des installations limitées aux dispositifs de production d’énergie. Cela suppose que les actionnaires acceptent un retour sur investissement moindre, et que les banques suivent. Éric Scotto explique aux actionnaires que cette démarche procède d’un raisonnement à long terme et que les avantages qu’elle procure aux territoires des avantages sécurisent les projets de l’entreprise.</p>
<blockquote>
<p>« Une mutuelle se souciera par exemple des impacts latents de notre action locale, qui sont structurants et sécurisants pour l’avenir d’un territoire – et donc de la sécurisation qu’elle pourra en tirer dans le futur. Progressivement, nous parvenons à attirer un nombre croissant d’investisseurs. Cela reste un combat, mais plus aisé aujourd’hui qu’à nos débuts. »</p>
</blockquote>
<h2>La révolution énergétique pour tous</h2>
<p>Éric Scotto est un entreprenant, dans le sens où c’est un entrepreneur qui poursuit une finalité sociétale (point 2 du <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">manifeste des entreprenants</a>). Il est aussi convaincu que la transition énergétique doit prendre une forme participative.</p>
<blockquote>
<p>« L’investissement participatif est aussi un vecteur d’adhésion à des solutions innovantes. Il suscite aujourd’hui un véritable engouement. Les citoyens sont désireux d’investir dans des modèles durables sur leur territoire et d’y soutenir l’emploi, ceci en bénéficiant d’une rentabilité. Nous avons créé à cet effet la plate-forme Akuo Coop, qui est en passe de devenir un véritable outil de financement de la transition. »</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Voir plus en détail la démarche d’Akuo Energy dans <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1249-energies-renouvelables-financement-durable-et-projets-de-territoires">« Énergies renouvelables, financement durable et projets de territoires »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99120/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entrprenants</span></em></p>Le cas d'Akuo Energy et son invention de l’“agrinergie” montre que les méthodes des startuppers peuvent permettre d'inventer l'entreprise d'intérêt général, notion qui paraissait utopique.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/988242018-06-27T21:02:02Z2018-06-27T21:02:02ZComment l’association Singa facilite l’insertion des réfugiés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224544/original/file-20180624-26549-wexb35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Singa World cup</span> </figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 6e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 8 au 14 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<hr>
<p><em><strong>Quand ils sont une foule sans visages, les réfugiés peuvent faire peur, mais l’association Singa montre qu’ils peuvent être utiles à la société en les associant à des nationaux autour de projets communs.</strong></em></p>
<h2>Quand les réfugiés sont une foule sans visages</h2>
<p>Nathanaël Molle a vécu dans plusieurs pays et continents et sait pourquoi les migrants font peur.</p>
<blockquote>
<p>« Assez récemment, dans les représentations collectives, le réfugié est devenu un élément indistinct, non identifié, au sein d’une horde en mouvement potentiellement menaçante. Ce sont ces images de crises, de guerres et de misère qui, relayées par les médias et les acteurs politiques, forgent cet imaginaire collectif très négatif. C’est d’autant plus le cas dans les pays en voie de développement où les effets de la crise sont encore plus nets. »</p>
</blockquote>
<p>Des ONG interviennent pourtant partout, mais Nathanël Molle a pu voir que, si elles nourrissent les réfugiés, les soignent, les logent, voire les aident à lancer une activité, elles ne se préoccupent pas du processus d’insertion dans le pays d’accueil. Or, là se situe une grande partie du problème.</p>
<h2>Les obstacles à franchir</h2>
<p>Le premier obstacle est la langue.</p>
<blockquote>
<p>« En France, pays de la francophonie, on n’y accorde pas d’importance, à la différence de pays comme l’Allemagne. Afin de ne pas dépenser “inutilement” de l’argent dans les 400 heures de formation qui leur sont théoriquement dues, l’Administration ne fait subir aux demandeurs du statut de réfugié qu’un test linguistique sommaire. De ce fait, la plupart d’entre eux n’a pas accès à l’outil le plus important pour construire une nouvelle vie, ce qui les confine à des métiers ne nécessitant pas la maîtrise de la langue et ne correspondant pas à leurs qualifications. Dix ans après leur arrivée, certains ne savent toujours pas parler français, car ils n’ont pu qu’enchaîner les petits boulots, mais ils s’entendent dire qu’ils ne veulent pas s’intégrer… Cela fait peser sur les seuls enfants, scolarisés dans notre langue, le rôle d’intermédiaires entre leurs parents et le reste de la société. »</p>
</blockquote>
<p>La non-équivalence des diplômes conduit aussi au déclassement. Les traumatismes du voyage, la suspicion dont ils sont l’objet, la longue attente de leur permis de séjour, ne les mettent guère en situation pour chercher une place dans la société d’accueil. Les travailleurs sociaux sont débordés : chez <a href="http://www.france-terre-asile.org/">France Terre d’Asile</a>, un travailleur social devait suivre 800 personnes en 2016.</p>
<h2>La communauté Singa</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224545/original/file-20180624-26567-1gai1fd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">N. Molle.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nathanaël Molle a eu l’idée, avec Guillaume Capelle, qui a fait les mêmes constats en Australie, de créer <a href="https://www.singafrance.com/">Singa</a>, communauté de professionnels, d’entrepreneurs, d’artistes, de sportifs, d’étudiants, etc., rassemblant des réfugiés et des nationaux autour d’intérêts communs. Les réfugiés y trouvent un cadre d’accueil, se créent un réseau social et professionnel, apprennent le français, trouvent des opportunités, mais peuvent aussi, en retour, enseigner leur langue, entretenir une passion… Quant aux nationaux, ils viennent pour transmettre, accompagner, apprendre et faire avec d’autres ce qui les passionne.</p>
<p>Un programme Langues et cultures vise l’apprentissage des langues et des codes. Il est fondé sur la constitution de binômes appelés <em>buddies</em> (potes en anglais). Ensemble, ils définissent des objectifs et il n’y a pas de différence entre réfugiés et nationaux. Un grand nombre d’événements sont organisés autour de l’art, de la cuisine, de la musique, etc. Des projets sont menés en commun, animations, fêtes, voire créations d’entreprises.</p>
<p>En 2015, Singa lance <em>Calm</em> (« comme à la maison »), renommé depuis <em><a href="https://www.jaccueille.fr">J'accueille</a></em>, pour loger les réfugiés chez l’habitant. Les débuts sont modestes, mais la publication de la photo du petit Ilan mort sur une plage de Turquie a fait affluer plus de 5 000 propositions de la France entière.</p>
<h2>Un modèle original</h2>
<p>Singa a inventé un nouveau modèle économique : sachant les aléas des subventions, elle propose des prestations à des entreprises, à des communes ou encore à une grande bibliothèque pour adapter son accueil aux migrants. Les outils numériques sont utilisés pour gérer les événements et les personnes, toujours plus nombreux, de sorte que Singa gérait en 2016 15 000 membres avec seulement 14 personnes. Elle comprend aujourd’hui 20 000 membres, s’implante au Canada, en France, en Belgique et en Allemagne, et est un acteur écouté des pouvoirs publics.</p>
<p>Nathanaël Molle s’est depuis lancé dans un nouveau projet, <a href="https://bit.ly/2Kdqrm1">Waya</a>, dont l’objectif est de créer une plate-forme collaborative en plusieurs langues, nourrie par des migrants installés, permettant aux personnes fraîchement arrivées d’avoir accès aux informations et services dont elles ont besoin pour moins dépendre de personnes tiers.</p>
<p>Il poursuit son rêve d’une société où les réfugiés seraient vus comme une richesse et où tout serait fait pour les y aider.</p>
<h2>Entrepreneurs et entreprenants</h2>
<p>Les jeunes créateurs, imprégnés de culture numérique, ont fait ce qu’annoncent Nicolas Colin et Henri Verdier dans <a href="https://bit.ly/2MqKOZw">L’âge de la multitude</a> : mobiliser la puissante multitude de gens instruits, formés, équipés et connectés pour bouleverser l’ancien ordre économique et social.</p>
<p>Ils empruntent à la culture et aux méthodes des start-up pour poursuivre des objectifs sociaux. Ce sont des entreprenants à cheval entre les catégories classiques de l’entrepreneur-startupper et de l’entrepreneur social. Ces profils hybrides sont probablement appelés à se développer si on sait les encourager.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus sur la richesse et la pertinence de l’action de Singa : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1189-renforcer-la-societe-avec-les-refugies">renforcer la société avec les réfugiés</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Quand ils sont une foule sans visages, les réfugiés font peur, mais l’association Singa montre qu’ils peuvent être utiles à la société en les associant à des nationaux autour de projets communs.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/985142018-06-20T18:46:16Z2018-06-20T18:46:16ZL’énergie des terrils : le fabuleux redressement de Loos-en-Gohelle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223751/original/file-20180619-126566-1ozt2sq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Patchwork sur les te A DB</span> </figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 6e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 8 au 14 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<hr>
<p><strong><em>Sur un même territoire, deux villes voisines sont citées en exemple : Hénin-Beaumont, connue pour vivre sous l’œil des caméras les spasmes du “dégagisme” à chaque élection, et Loos-en-Gohelle, devenue la commune de référence de la COP21. Comment expliquer une telle différence de destins ?</em></strong> </p>
<p>L’ancien bassin minier de Lens est lentement mais sûrement devenu une terre de désolation. Y ont jailli de monumentales montagnes artificielles qui rappellent à tous le rôle économique historique de la région, mais aussi et surtout la richesse que fut l’énergie extraite de la mine, partie ailleurs en ne laissant sur place que le rebut, les crassiers.</p>
<h2>La mue d’une ville minière où tout allait mal</h2>
<p>Jean‑François Caron, élu en 2001 maire écologiste de Loos-en-Gohelle, s’est retrouvé face à un défi :</p>
<blockquote>
<p>« Le sol a baissé de quinze mètres suite aux affaissements miniers, les ruisseaux coulent à contre-sens et les points bas ne cessent de changer. Le chômage est considérable. Les mineurs qui étaient vus comme le fleuron de l’activité ouvrière sont devenus les « tarés » de la France : une banderole affichant au Parc des Princes « Nordistes = consanguins, pédophiles, alcooliques » a été reprise en boucle par les médias. Quand un journaliste veut parler du Nord à la télévision, il choisit des interlocuteurs parlant ch’ti et qu’il pourra sous-titrer, des enfants qui ont le nez qui coule et des carreaux cassés. »</p>
</blockquote>
<p>Reconquérir cette dignité perdue a été essentiel dans sa stratégie.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223752/original/file-20180619-126531-145jhtp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">JF Caron.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il a fait du développement durable l’affaire de tous, si bien que Loos-en-Gohelle fut choisie pour être la commune de référence de la Cop21. Les incivilités ont quasiment disparu et le taux de plaintes entre voisins est très inférieur à ceux des communes alentour. Le retour de la fierté et de la confiance a créé une nouvelle civilité. Jean‑François Caron a été réélu maire en 2008 avec 82,1 % des voix, en 2014 avec 100 %… une première pour un politique, un rêve éveillé pour un écologiste !</p>
<h2>Créer de la fierté</h2>
<p>Redonner à la population une estime de soi a été sa priorité. Découvrant que les deux terrils de la ville avaient la même taille que la pyramide de Khéops, il a lancé le projet de la Chaîne des terrils en 1988, qui suscita l’enthousiasme et abouti, en 2012, à l’inscription du bassin minier au Patrimoine mondial de l’Unesco.</p>
<p>Le maire encourageant ses administrés à prendre des initiatives originales, les femmes du foyer logement, qui tricotaient des carrés de laine que les enfants du collège vendaient 1 euro pour alimenter les Restos du cœur, ont mobilisé la population pour faire une couverture pour le terril. Le maire a dû négocier avec elles, car il aurait fallu des engins de manutention lourds pour l’installer et la sécuriser, et a obtenu qu’elles fassent une écharpe qui a été déroulée du haut en bas du terril. L’événement a eu lieu devant les caméras de France 3.</p>
<blockquote>
<p>« C’était une œuvre collective, réalisée juste pour le plaisir d’être ensemble et de prendre sa part à l’inscription du terril à l’inventaire de l’Unesco, et cela s’est terminé par un pique-nique géant », témoigne Jean‑François Caron.</p>
</blockquote>
<h2>Associer tout le monde</h2>
<p>Il a beaucoup travaillé à la mise au point d’une démocratie « impliquante ». La mise en route a été longue, car il fallait donner confiance aux administrés et convaincre les cadres de la mairie d’écouter et de ne pas chercher uniquement à se justifier. À la longue, les habitants sont devenus plus pertinents, voire impertinents.</p>
<blockquote>
<p>« Plus on travaille avec eux, plus l’expertise d’usage est présente et meilleure est l’intelligence des projets. C’est ainsi que Loos est devenue un haut lieu de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. »</p>
</blockquote>
<p>Le nombre d’associations a doublé, la participation de la population à des dynamiques comme les fêtes de quartier ou les voyages pour faire découvrir la mer à des enfants a été multipliée par dix. Le concept de fifty-fifty a été développé : si les habitants prennent des initiatives, la commune y contribue dans le cadre d’une charte qui définit les rôles respectifs.</p>
<h2>Une dynamique vertueuse</h2>
<p>Les initiatives se sont ainsi multipliées : renouvellement de l’éclairage public, investissement dans l’écoconstruction, élaboration d’une politique d’écomobilité, promotion de l’économie circulaire par les commandes publiques. La toiture de l’église a été entièrement couverte de panneaux solaires, ce qui frappe les imaginaires. Un modèle agricole et alimentaire centré sur la production locale et bio se met en place, etc.</p>
<p>Le nombre de commerces augmente et les locaux commencent à manquer. Un pôle de compétitivité fédérant les principaux acteurs de l’économie circulaire est créé à Loos-en-Gohelle. La Fondation d’Auteuil installe un centre pour 350 apprentis dans les métiers de l’écoconstruction. Cette dynamique, génératrice d’emplois, montre que la croissance verte peut être bénéfique pour tous.</p>
<h2>Faire école</h2>
<p>Les réussites des entreprenants ne sont pas facilement contagieuses, mais Jean‑François Caron s’attache maintenant à essaimer en transmettant son « code source » qu’il définit ainsi :</p>
<ul>
<li><p>impliquer les habitants, ce qui demande du temps et un apprentissage des animateurs ;</p></li>
<li><p>trouver une « étoile » qui donne envie à tous d’avancer, et poser les « petits cailloux » balisant le chemin (refaire le toit de l’église avec des panneaux solaires, modifier les repas de la cantine scolaire, etc.) ;</p></li>
<li><p>savoir désobéir à la pensée unique, sans affoler les habitants, pour oser changer de modèle : faire d’un terril une œuvre d’art a été une transgression fondatrice d’une nouvelle dynamique.</p></li>
</ul>
<p>En rendant fertile la terre en apparence la plus stérile, en transformant les montagnes artificielles en modèles, Jean‑François Caron montre la puissance communicative de l’esprit entreprenant, qui peut s’exprimer bien au-delà du seul champ économique. Il illustre à merveille la plupart des qualités des entreprenants citées dans le <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/le-manifeste-des-entreprenants/">Manifeste des entreprenants</a> et prend place dans la catégorie de ceux qui veulent concrétiser des utopies.</p>
<h2>Pour en savoir plus</h2>
<p>Compte rendu d’un débat de l’École de Paris du management avec Jean‑François Caron, <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1177-transposer-la-reussite-singuliere-de-loos-en-gohelle">« Transposer la réussite singulière de Loos-en-Gohelle »</a></p>
<p>On pourra lire le passionnant ouvrage <a href="https://www.ecole.org/fr/la-collection-le-changement-est-dans-l-air/3-resilience-ecologique-loos-en-gohelle-ville-durable">Résilience écologique, Loos-en-Gohelle, ville « durable »</a>, éditions Atelier Henry Dougier.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uZFNNN7i734?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/98514/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Sur un même territoire, Hénin-Beaumont est connue pour ses soubresauts politiques et Loos-en-Gohelle, devenue la commune de référence de la COP21. Comment expliquer une telle différence de destins ?Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/980982018-06-13T22:54:14Z2018-06-13T22:54:14ZLa vallée des entreprenants : la renaissance foisonnante de Romans-sur-Isère<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/222560/original/file-20180611-191965-1mz2l8i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">copie</span> </figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 6e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 8 au 14 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<hr>
<p><strong><em>Romans-sur-Isère était condamnée après la fermeture de la dernière usine de chaussures, mais Christophe Chevalier réussit l’impensable : sauver cette industrie, et relancer tout le territoire. <a href="https://bit.ly/2JCTjQ8">Étude de cas</a> autour d’un entreprenant solidement ancré dans son territoire.</em></strong></p>
<h2>Le désastre de la chaussure</h2>
<p>Dans les années 1980, la moitié des 50 000 habitants du bassin de Romans-sur-Isère vivent de l’industrie de la chaussure, mais tout disparaît en 15 ans. C’est dans ce contexte qu’est créé le groupe Archer. C’est d’abord une structure d’insertion par l’économique, mais son action ne revenant qu’à changer l’ordre dans la file d’attente des chômeurs, il valait mieux créer des activités :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis 30 ans, dit Christophe Chevalier, on assure qu’on va régler les problèmes par la croissance, mais le PIB a progressé de 70 % et cela n’a pas empêché le chômage de masse et la pauvreté. Au lieu d’attendre les bras croisés, il vaut mieux créer un emploi, puis deux, puis trois. Si chaque PME passait de cinq à six emplois, la donne serait profondément changée. »</p>
</blockquote>
<p>Le groupe Archer se transforme en SAS, avec aujourd’hui 112 actionnaires dont beaucoup d’habitants du bassin, chacun détenant une voix et se contentant de dividendes au taux du livret A. Il comprend aujourd’hui 500 salariés, répartis dans des activités allant de la sous-traitance pour l’industrie au labour à cheval. Pour lancer une nouvelle activité, l’idée est de repérer une ressource locale, un talent, et de l’aider à se lancer.</p>
<h2>Le défi de la chaussure</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=817&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222565/original/file-20180611-191981-3z0bt0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1027&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Christophe Chevalier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Eric d’Hérouville</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Relancer l’industrie de la chaussure ? « Ça ne marchera jamais ! » dit-on à Christophe Chevalier, « On y a englouti des millions ! » Les conditions ne sont plus réunies pour relancer la chaussure ont même affirmé les experts.</p>
<p>En fait, il s’agissait à chaque fois d’appliquer un modèle industriel avec des ateliers de centaines de personnes. L’option choisie par Christophe Chevalier est au contraire de s’appuyer sur la tradition, la qualité et les savoir-faire, et de démarrer selon un modèle artisanal avec des ateliers de cinq à vingt personnes.</p>
<p>Une petite ligne de fabrication est rachetée à Charles Jourdan, et trois marchés de niche sont visés :</p>
<ul>
<li><p>de grandes marques devant réaliser en France une partie de la production pour avoir le label « Made in France » ;</p></li>
<li><p>des créateurs de mode ayant besoin de faire fabriquer quelques dizaines de paires assorties aux vêtements pour des défilés ;</p></li>
<li><p>la création d’une marque, « Made in Romans », pour capitaliser sur l’histoire et vendre les chaussures dans des magasins d’usine auprès de touristes visitant les ateliers.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, une surprise attendait les fondateurs : plus personne ne savait fabriquer les chaussures en entier. Dans les usines, on en était venu à confier à chacun trois ou quatre opérations sur cent. Il a fallu aller chercher des retraités pour reconstituer le savoir-faire. L’un avait 65 ans, l’autre 84…</p>
<p>Très vite, les ateliers ont été débordés par la demande et ont cherché de l’aide auprès des anciens « parias » qui, au pays de la chaussure de luxe, continuaient à fabriquer des sandales, des chaussures de danse ou d’escalade. C’est ainsi que s’est organisé un réseau à l’image des districts italiens.</p>
<h2>Une démarche qui fait école</h2>
<p>Ensuite, de nouveaux artisans s’installent, une association professionnelle, Romans Cuir, fédère les entrepreneurs pour l’achat de cuir, le partage de commandes, la participation aux salons, etc. Le lycée professionnel et l’AFPA relancent des formations dans la chaussure, la collectivité locale remet la chaussure dans ses axes de développement, le groupe Archer vient de racheter un ancien supermarché en centre-ville, des locaux immenses pour regrouper les chausseurs et créer un magasin d’usine commun. La création d’une association, Entreprises Romans Bourg-de-Péage, de 110 membres représentant 5 000 salariés, permet la création d’une centrale d’achat, d’une crèche interentreprises, et favorise de nombreuses coopérations. Archer crée une école d’entrepreneuriat dans laquelle interviennent des chefs d’entreprise locaux.</p>
<p>De nouveaux concepts sont inventés comme les start-up de territoires, les pôles de coopération économique, qui seront repris dans la <a href="https://www.economie.gouv.fr/ess-economie-sociale-solidaire/loi-economie-sociale-et-solidaire">loi Hamon de 2014 sur l’ESS</a>. Cette démarche patiente est en train d’inspirer d’autres territoires qui décident de prendre leur destin en main.</p>
<p>Cette renaissance foisonnante illustre la fécondité d’un esprit entreprenant qui ne se restreint pas à un projet purement économique. Il a été mené en respectant et en utilisant les forces présentes sur le territoire, dans une approche globale d’écosystème. Le redémarrage de cette industrie ne peut être isolé de la revivification de tout le territoire. Cela illustre le point 8 du <a href="https://www.ecole.org/jardin/manifest.pdf">manifeste des entreprenants</a> : l’entreprenant est un jardinier qui se soucie de faire grandir ses plantes en s’adaptant aux conditions locales plutôt qu’un maçon qui construit sur des plans préétablis.</p>
<hr>
<p><em>Plus de détails dans le texte de l’École de Paris <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1182-faire-renaitre-la-chaussure-a-romans">« Faire renaître la chaussure à Romans »</a>. On peut mesurer l’inventivité du groupe Archer en consultant <a href="https://www.archer.fr/">archer.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Romans-sur-Isère était condamnée après la fermeture de la dernière usine de chaussures, mais Christophe Chevalier réussit l’impensable : sauver cette industrie, et relancer tout le territoire.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/977492018-06-06T21:05:28Z2018-06-06T21:05:28ZManifeste pour les entreprenants… Par-delà les premiers de cordée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/221577/original/file-20180604-175438-1omrtm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C5161%2C2895&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faire cohabiter les initiatives.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/34364708990/5c5ee49e36/">@bodil on Visual Hunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les chercheurs réunis au sein de l’<a href="https://www.ecole.org">École de Paris du management</a> étudient depuis vingt ans les pratiques managériales et les ressorts de l’esprit d’initiative par le biais de six séminaires thématiques de réflexion et d’échanges avec les praticiens. Avec les années, un élément est progressivement devenu criant et prend aujourd’hui une ampleur considérable : contrairement à une idée répandue dans le monde de l’entreprise et ailleurs, l’esprit d’initiative n’est pas l’apanage des seuls entrepreneurs.</p>
<p>La volonté de changer le monde, de résoudre un problème jugé jusque-là insoluble, de venir en aide à ceux qui en ont besoin, de redresser une situation désespérée s’observe de plus en plus en France, dans les start-up bien sûr, mais également dans de grands groupes ou dans des entreprises en grande difficulté, dans les métiers de la création, au plus profond des territoires, au sein de dispositifs associatifs ou même informels. Cette volonté, on l’observe non seulement chez les entrepreneurs sociaux, mais aussi dans les services publics et les administrations.</p>
<p>L’esprit entreprenant souffle donc de plus en plus sur la France. Cette nouvelle est enthousiasmante et pour l’encourager, l’École de Paris du management, accompagnée de premiers soutiens, a pris deux initiatives :</p>
<ul>
<li><p>la rédaction d’un <a href="https://www.ecole.org/jardin/manifest.pdf">manifeste</a> qui a vocation à faire connaître un phénomène qui ne se réduit pas aux seuls « startupeurs » ;</p></li>
<li><p>la création d’un <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/">jardin virtuel des entreprenants</a>, lieu de découverte de la diversité des espèces d’entreprenants et de leur irrépressible envie de changer le monde sous toutes ses formes.</p></li>
</ul>
<p>Ce jardin est créé dans un premier temps sous la forme d’un <a href="http://www.lejardindesentreprenants.org/">blog</a> dont cette chronique sera l’écho, chaque texte présentant une aventure singulière pour contribuer à la (re)connaissance de l’apport des entreprenants dans la société.</p>
<p>Ils peuvent être premiers de cordée et partir à l’assaut de sommets vertigineux avec un équipement de haute technologie, navigateurs intrépides partis en groupe à la découverte de nouveaux mondes, ou encore marcheurs patients, munis d’une boussole rudimentaire, partis à la découverte de l’autre avec pour seul bagage une volonté d’écoute…</p>
<p>En guise de première illustration, voici un exemple montrant que l’esprit entreprenant souffle également dans l’Administration. S’il emprunte certaines approches et un certain vocabulaire aux start-up, il en est particulièrement éloigné en ce qui concerne les intentions de ses animateurs.</p>
<h2>Inoculer l’esprit start-up dans l’Administration</h2>
<p>Pierre Pezziardi et Henri Verdier se sont donné un objectif impensable il y a quelques années : inoculer l’esprit start-up dans l’Administration. Et pourtant, ça avance : une cinquantaine de start-up sont en développement ou en création pour aider à mieux chercher un emploi, connaître en quelques clics les aides auxquelles on a droit, jauger les formations, etc.</p>
<p>Avec les « start-up d’État », ils conduisent l’innovation au cœur du système pour en régler le plus grand nombre possible de problèmes. Pierre Pezziardi, avec le titre improbable d’entrepreneur en résidence (à Bercy), a trouvé un allié de poids en la personne d’Henri Verdier, ancien président de Cap Digital et directeur interministériel du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC).</p>
<h2>Se démarquer des bons principes</h2>
<p>On dit souvent : « Tout projet doit être coordonné dans le cadre d’un comité de pilotage… Il faut séparer la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre… Aucun projet ne doit démarrer si toutes les idées ne sont pas claires et si tous ne sont pas convaincus… »</p>
<p>Ces bons principes ayant montré leur inefficacité, Pierre Pezziardi a proposé de les remplacer par des méthodes rodées tout au long de son parcours d’entrepreneur agile, par exemple lors de la création de <a href="https://bit.ly/2JfPss0">Kisskissbankbank</a>. L’aventure de la Bonne Boîte illustre cette démarche.</p>
<h2>La Bonne Boîte, révolution à Pôle emploi</h2>
<p>Tout est parti d’une idée d’un agent du Pôle emploi d’Hayange, désolé du faible nombre d’offres qu’il pouvait proposer aux demandeurs d’emplois, les entreprises françaises recrutant sans annonces dans 80 % des cas. Dès lors, il juge plus judicieux d’orienter les demandeurs vers des entreprises ayant des chances de les recruter, en fonction de leur profil. Il n’aurait pas pu faire valoir ses vues s’il n’avait pas été retenu à l’occasion d’un concours d’idées initié par Jean Bassères, directeur de Pôle emploi, pour lancer des start-up d’État.</p>
<p>Avec l’aide d’un coach et d’un développeur proposés par l’équipe de Pierre Pezziardi, l’agent d’Hayange met au point en six mois La Bonne Boîte, site utilisant la base de données des 26 millions de salariés français pour calculer la probabilité de recrutement de chacun dans les entreprises environnantes. Ce site, qui n’a coûté que 2,5 équivalents temps plein, est plébiscité et aide les demandeurs d’emplois à déposer des candidatures spontanées.</p>
<h2>Une disruption en marche</h2>
<p>Une autre application créée par une autre start-up d’État, La Bonne Formation, permet de trouver une formation adaptée au profil de la personne et au marché du travail. Cette posture à contre-courant des usages consacrés dérangeait bien sûr, et les instigateurs de la démarche n’ont pas toujours eu la vie facile. Mais leur projet s’est structuré et ils rencontrent maintenant des soutiens parmi les directeurs de l’Administration qui signent notamment des chartes, dans lesquelles ils s’engagent à :</p>
<ul>
<li><p>partir d’un problème précis et pas d’une idée de solution ;</p></li>
<li><p>identifier un intrapreneur engagé dans la résolution de ce problème ;</p></li>
<li><p>le décharger sous un mois et pour un délai de six mois afin qu’il puisse s’engager pleinement dans la création d’un nouveau service numérique ;</p></li>
<li><p>garantir l’autonomie de l’équipe mobilisée (intrapreneur, coach, développeurs, designers…) afin qu’elle puisse librement itérer autour de la résolution du problème avec ses futurs usagers et partenaires ;</p></li>
<li><p>financer le développement du produit pendant six mois et évaluer à l’issue l’opportunité de réinvestir sur la base des résultats apportés.</p></li>
</ul>
<p>L’incubateur des services numériques, appelé Beta.gouv.fr, gère aujourd’hui 54 start-up et mobilise une communauté, en croissance rapide, de 180 personnes. Il s’attaque à des problèmes aussi variés que faciliter l’accès au droit du travail, simplifier les prélèvements des cotisations sociales des indépendants, évaluer ses droits à 27 aides sociales en moins de 7 minutes…</p>
<hr>
<p><em><strong>Pour en savoir plus :</strong><br>
Séance de l’École de Paris du management : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1168-des-start-up-d-etat-pour-transformer-en-souplesse-l-administration">Des start-up d’État pour transformer en souplesse l’administration</a>.<br>
Site de l’<a href="https://beta.gouv.fr/">incubateur de services numériques</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Les « start-up d’État », des cas qui montrent que l’esprit entreprenant souffle également dans l’Administration.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.