tag:theconversation.com,2011:/us/topics/fbi-23639/articlesFBI – The Conversation2020-05-27T18:15:38Ztag:theconversation.com,2011:article/1328072020-05-27T18:15:38Z2020-05-27T18:15:38ZQuand les tests ADN récréatifs sont utilisés pour développer un médicament<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337955/original/file-20200527-20255-1gml7aw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C0%2C3264%2C2169&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nos séquences ADN : une ribambelle de lettres qui intéressent beaucoup. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mujitra/2559447601/in/photolist-4UaQAV-a2jqeu-2hQ5S3D-2hPeQmk-2hPUURk-2hPsAyg-2hPcTVW-2hPB8sC-4JAj3z-jbZx6-2iRuV1b-2wa6R-5cenX-2fDUvyE-3kmmTE-5Gc5h4-J2vTC-3PaAeV-p6YGQ-9FmGDK-qQ3jWY-Gi8he-e7LqYm-ymKUz-ca9NBf-covnPs-PfL7ML-2SmXKN-6b1Hsc-6b1H3v-6b5Tsu-6b5Srd-STjEj6-G7fDqv-5UnCDC-86es96-7YnzkJ-86hB8E-86hDtf-86esQe-86hD8W-86hCnA-nKUJMQ-4KRnyx-hhtxEE-2HkB64-51mui4-9PkySD-7C5R6V-7C9Dqh">MIKI Yoshihito / Flickr</a></span></figcaption></figure><p>L’analyse de l’ADN est aujourd’hui proposée en vente directe par des sociétés commerciales pour retracer sa généalogie mais aussi identifier ses facteurs de risque pour certaines maladies. La société <em>23andMe</em> basée en Californie est une des plus actives dans un secteur comptant d’autres entreprises importantes comme_ My Heritage_, <em>AncestryDNA</em> ou <em>FamilyTreeDNA</em>. Si la distribution des tests ADN commerciaux <a href="https://www.haas-avocats.com/actualite-juridique/rgpd-test-adn-interdit-en-france-autorise-ailleurs/">est interdite et punissable en France</a>, il est extrêmement aisé de se les procurer sur Internet. Il suffit alors d’expédier un échantillon de salive dans un pays où les tests sont autorisés pour recevoir les résultats de l’analyse quelques semaines plus tard.</p>
<p>Ces tests étant de plus en plus populaires, les sociétés qui les commercialisent ont entre leurs mains des banques d’ADN provenant de milliers voire de millions d’individus. Véritables mines d’or, elles suscitent l’intérêt de nombreux organismes publics ou privés pour travailler sur nombre de maladies d’origine génétique. L’exploitation des banques d’ADN par des tiers suscite à la fois les plus grandes inquiétudes sur les risques d’atteinte à la vie privée et les plus grands espoirs de progrès en médecine. Il se fondent notamment sur les thérapeutiques découvertes grâce à la caractérisation de mutations génétiques.</p>
<h2>Quand les mutations de l’ADN mettent sur la voie de nouvelles thérapies</h2>
<p>La caractérisation des mutations de l’ADN responsables de maladies génétiques a ouvert la voie à une véritable révolution dans la recherche pharmaceutique. Les thérapies géniques qui consistent à introduire un gène normal dans des cellules dysfonctionnelles en raison d’une mutation bien précise connaissent un développement spectaculaire : initialement réservées à des maladies très rares, elles seront bientôt appliquées à des <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMra1706910?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori%3Arid%3Acrossref.org&rfr_dat=cr_pub%3Dpubmed">pathologies génétiques plus fréquentes</a> comme l’hémophilie et la thalassémie. On estime ainsi que <a href="https://www.fda.gov/news-events/press-announcements/statement-fda-commissioner-scott-gottlieb-md-and-peter-marks-md-phd-director-center-biologics">30 à 50 nouveaux produits de thérapie génique</a> devraient atteindre le marché dans les 10 années à venir. Sans parler des applications cliniques probables des nouvelles techniques d’édition du génome.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1177597196318969858"}"></div></p>
<p>Les avancées de la génétique moléculaire ont également permis le développement de nouveaux médicaments pour des maladies d’autres natures comme l’infection par le VIH, l’hypercholestérolémie primaire, l’ostéoporose et le psoriasis. À chaque fois, c’est l’identification de mutations rares qui a mis sur la voie d’une nouvelle cible thérapeutique. Dans le cas du traitement anti-VIH dénommé maraviroc, c’est la démonstration de la résistance d’individus génétiquement dépourvus d’un co-récepteur du virus qui est à <a href="https://www.nature.com/articles/nm1319">l’origine du médicament</a>. Pour la nouvelle génération de médicaments anti-cholestérol (evolocumab et alirocumab), la découverte originelle est basée sur l’<a href="https://www.nature.com/articles/ng1509">observation de taux bas de cholestérol</a> chez une centaine d’individus présentant une mutation qui inactive le gène codant pour l’enzyme PCSK9.Dans les deux situations, le traitement reproduit chez des individus génétiquement normaux l’anomalie qui protège de la pathologie des individus présentant la mutation.</p>
<p>Quant au romosozumab, c’est l’observation de malformations osseuses chez de rares individus présentant un défaut génétique de sclérostine qui a lancé la piste d’anticorps contre cette protéine pour le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23579167">traitement de l’ostéoporose</a>. L’histoire du développement de l’anticorps qui neutralise les cytokines IL-36 pour le traitement du psoriasis débute de la <a href="https://bit.ly/2yCG1Te">même manière</a>. C’est en effet, l’identification d’une mutation qui entraîne une activité incontrôlée de ces cytokines dans neuf familles où prévaut une forme rare particulièrement sévère de psoriasis qui a enclenché le développement de ce nouveau traitement.</p>
<h2>L’ADN, une marchandise comme une autre ?</h2>
<p>On aura compris que dans tous ces exemples, c’est l’ADN de patients qui représente la matière première des découvertes initiales.</p>
<p>Les groupes pharmaceutiques s’intéressent donc à ces données : c’est le cas de GlaxoSmithKline qui a investi <a href="https://bit.ly/34XkeSa">300 millions de dollars</a> dans <em>23andme</em>. Notons également que leur concurrent Family Tree DNA a reconnu partager les données génétiques de ses clients <a href="https://www.nytimes.com/2019/02/04/business/family-tree-dna-fbi.html">avec le FBI</a> dans le but de les aider à résoudre certains crimes.</p>
<p>Lorsqu’un client achète un test ADN, il est inscrit dans les conditions de vente que leurs données peuvent être utilisées à des fins de recherches. <a href="https://www.wired.com/story/23andme-glaxosmithkline-pharma-deal/">Des voix se sont élevées</a> pour suggérer que des royalties viennent les rémunérer ou soient versées à des organisations de patients. Ces discussions nous éloignent encore un peu plus de ce qui devrait être la préoccupation essentielle : maintenir les connaissances générées par l’étude du génome humain dans l’espace du bien commun. Fort heureusement, des banques de données génétiques financées par des organisations philanthropiques se sont mises en place : l’<a href="https://www.ukbiobank.ac.uk/">UK Biobank</a> au Royaume-Uni en est un excellent exemple. À l’abri de toute considération commerciale, elles offrent aussi de meilleures garanties de qualité.</p>
<h2>Lorsqu’une firme de tests à ADN se transforme en biotech</h2>
<p>Parallèlement au service d’analyse d’ADN à but commercial, 23andMe poursuit des recherches à visée pharmaceutique, en particulier sur le psoriasis grâce aux échantillons d’ADN reçus de près de <a href="https://www.nature.com/articles/ncomms15382#s1">40 000 individus</a>. Sur la base des résultats qui confirment l’implication de l’IL-36, <em>23andme</em> s’est même lancée dans la biotechnologie et a développé pour son propre compte l’anticorps anti-IL-36 dont il est question plus haut. Pari industriel gagné avec l’annonce en janvier 2020 d’un accord de licence avec Almirall, une société pharmaceutique espagnole.</p>
<h2>Comment assurer le juste retour vers les patients ?</h2>
<p>Les acheteurs de tests ADN et les patients qui ont consenti à l’utilisation de leur ADN à des fins de recherche bénéficieront-ils des médicaments qu’ils ont contribué à découvrir ? La question se doit d’être soulevée au vu des prix exorbitants des médicaments innovants qui ont récemment été introduits sur le marché. On pense notamment aux nouveaux traitements du cancer, à la nouvelle trithérapie pour la mucoviscidose, et bien entendu aussi aux thérapies géniques sur lesquelles nous avons attiré l’attention dans un <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-019-0676-z?draft=collection">article</a> publié en décembre 2019 dans Nature Medicine avec Mathias Dewatripont. Ainsi, le prix affiché du médicament Zynteglo pour la beta-thalassémie est de <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/therapie-genique-une-piqure-facturee-2-millions-deuros-1134553">2 millions d’euros</a>.</p>
<p>Les achats de tests ADN viennent s’ajouter aux autres contributions financières des citoyens à la recherche médicale, que ce soit via leurs impôts ou leurs dons aux organisations caritatives. À l’heure où toutes les parties prenantes des systèmes de santé plaident pour une plus grande considération des attentes et de l’intérêt des patients, il est temps de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les avancées remarquables de la science biomédicale bénéficient au plus grand nombre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le Fonds Baillet-Latour soutient l'Institut I3h (Université libre de Bruxelles) dont Michel Goldman est le fondateur</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alain Fischer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ces tests sont interdits en France mais facilement commandables à l’étranger. Attention aux utilisations potentielles des données génétiques.Michel Goldman, Chair professor, Université Libre de Bruxelles (ULB)Alain Fischer, Médecin, spécialiste en pédiatrie et en immunologie, Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/897972018-01-08T20:02:43Z2018-01-08T20:02:43ZComment le « parrain » du darknet a rompu avec son passé de cybercriminel<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201135/original/file-20180108-83574-1el25ts.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Brett Johnson a les larmes aux yeux quand il évoque l’agent du FBI qui l’a aidé à ne plus frauder en ligne. </span> <span class="attribution"><span class="source">Dionysios Demetis</span></span></figcaption></figure><p><em>Quand un célèbre cyber-escroc converse avec un chercheur de l’Université de Hull…</em></p>
<hr>
<p>Il est 7h du matin et je suis à Hull, où je dois passer prendre Brett Johnson, connu dans le cyberespace sous le nom de Gollumfun, et surnommé le « parrain » du darknet par les services secrets américains.</p>
<p>En 2006, avant d’être arrêté pour cybercriminalité et blanchiment de 4 millions de dollars, Brett figurait sur la liste des personnes les plus recherchées des États-Unis. Comme je n’ai jamais rencontré aucun membre de cette liste, il va sans dire que je suis un peu intimidé. L’homme s’avère amical et décontracté et je m’attache à l’aborder sans préjugés.</p>
<p>Je m’efforce néanmoins de ne pas oublier que j’ai affaire à un ancien cybercriminel, à l’origine d’un « célèbre » système de fraude fiscale, de vols d’identité en tout genre et de ShadowCrew, l’ancêtre du darknet.</p>
<p>Il est prévu que nous passions deux jours ensemble. Je l’ai invité à faire une conférence à l’École de commerce de l’<a href="http://www.hull.ac.uk/Home.aspx">université de Hull</a>). Quelques semaines après celle qu’il a donnée, en partenariat avec le FBI, à l’université de Tulsa (Oklahoma), il s’envole pour la première fois vers le Royaume-Uni.</p>
<p>Brett, qui s’apprête à passer 48 heures à m’expliquer son ancienne logique criminelle, mêlant cybersécurité et blanchiment d’argent (sujet sur lequel j’ai effectué des recherches <a href="https://demetis.wordpress.com">pendant plus de dix ans</a>), déborde de confiance, mais il reconnaît que plonger dans la cybercriminalité a été la plus grosse erreur de sa vie.</p>
<p>La gratitude qu’il affiche à l’égard des services secrets américains ne l’a pas empêché de les décevoir quand il a continué à frauder au sein même de leurs locaux, alors qu’ils l’avaient sorti de prison afin d’en faire leur indicateur.</p>
<p>Il chante les louanges du FBI, des trémolos dans la voix quand il évoque l’agent K.M., qui l’a aidé à tourner définitivement le dos à la cybercriminalité. Il ne manque pas non plus de mentionner sa sœur, Denise, et sa femme, Michelle, quand il parle de son changement de vie radical. Elles lui ont « sauvé la vie » dit-il. Il se remémore aussi la façon dont sa mère, à la tête d’un réseau de fraude familiale, l’a entraîné dans les magouilles dès l’âge de dix ans, tout comme elle l’a fait avec sa grand-mère.</p>
<p>« J’étais en quelque sorte destiné à devenir fraudeur », déclare-t-il.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="594" data-image="" data-title="Discussion entre Dionysios Demetis and Brett Johnson." data-size="14647213" data-source="" data-source-url="" data-license="CC BY" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">
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Discussion entre Dionysios Demetis and Brett Johnson.
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>14 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/992/brett-formative.m4a">(download)</a></span></span>
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<p>Il a financé son premier mariage, en 1984, par une fraude à l’assurance, en simulant un accident de voiture. C’est donc tout naturellement qu’il a transposé son comportement frauduleux sur Internet.</p>
<p>Il a commencé par arnaquer des acheteurs sur eBay, avant d’exploiter une faille créée par un arrêté canadien, qui estimait que le « piratage » des antennes paraboliques était légal (au Canada, mais pas aux États-Unis). Brett s’est mis à reprogrammer les cartes de transmission pour ses clients canadiens, dont il n’arrivait pas à satisfaire les commandes assez rapidement. Très vite, il s’est dit : « Pourquoi leur envoyer le matériel ? À qui iront-ils se plaindre ? »</p>
<p>Mon interlocuteur a manifestement commis un grand nombre d’erreurs. Il est le premier à le reconnaître et se désigne souvent comme « l’abruti » qui a enfreint la loi, à plusieurs reprises, et passé un certain temps en prison (y compris huit mois à l’isolement) avant de se décider à assumer ses actes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198400/original/file-20171209-27698-nww1a7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Brett.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nadia Samara et Mohammad Al Shammari</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus de dix ans ont passé. Aujourd’hui, sa société de conseil, <a href="https://www.anglerphish.com">Anglerphish Security</a>, lui permet de faire part de son expertise en collecte de renseignements sur le darknet, en tests d’intrusion et en ingénierie sociale. Celui qui conseille désormais les entreprises classées au palmarès Fortune 500 affirme que ses années de criminalité sont bel et bien derrière lui. Il essaie, dit-il, de convaincre de jeunes cybercriminels, qui le contactent en ligne, d’abandonner leurs pratiques frauduleuses.</p>
<h2>Rompu à l’art du darknet</h2>
<p>Les cybercriminels se trompent en faisant abstraction des conséquences de leurs actes, explique-t-il. Ils en nient constamment les répercussions négatives et affirment qu’ils continueront de toute façon dans cette voie. Ils ne voient que le côté plaisant de leurs magouilles, les fruits de leurs pratiques interconnectées et exploitent des subtilités qui, loin d’être confinées à l’écran de leur ordinateur, s’étendent à la géopolitique.</p>
<p>À titre d’exemple, pour les vols d’identité, Brett détournait des adresses IP d’Europe de l’Est, peu susceptibles d’être signalées aux États-Unis en raison des mauvaises relations politiques entre ces pays. Chaque détail compte. C’est pourquoi, explique-t-il, en matière de « fraude amicale » (ou fraude aux remboursements), les malfaiteurs font leurs devoirs.</p>
<p>« Il n’y a vraiment que les criminels pour lire les conditions générales d’utilisation des sites Internet. Personne d’autre ne le fait », me dit-il. Simplement pour « avoir une idée de la façon dont fonctionnent lesdits sites ».</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="263" data-image="" data-title="Johnson détaille les conditions générales d’utilisation à Dionysios Demetis." data-size="6490238" data-source="" data-source-url="" data-license="CC BY" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">
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Johnson détaille les conditions générales d’utilisation à Dionysios Demetis.
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>6,19 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/994/brett-terms.m4a">(download)</a></span></span>
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<p>Le timing est également crucial, ajoute-t-il. « Si vous faites attendre une victime suffisamment longtemps, elle abandonnera, exaspérée. » C’est une leçon qu’il a apprise dès sa première arnaque sur eBay. À la grande frustration des équipes qui luttent contre la cyberdélinquance, les victimes de fraude sur Internet signalent rarement ces crimes à la police. Pire encore, certaines entreprises refusent de dénoncer les cyberattaques et sont prêtes, <a href="https://www.theguardian.com/technology/2017/nov/21/uber-data-hack-cyber-attack">comme l’a révélé le dernier scandale Uber en date</a>, à aller très loin pour dissimuler le piratage organisé des données de leur clientèle.</p>
<p>En matière de cybercriminalité financière, Brett déclare que le détournement d’identité est au cœur du processus. C’est parce qu’il le savait qu’il a repris, en 2004, Counterfeitlibrary.com, où se retrouvaient les cybercriminels en quête d’une fausse identité.</p>
<p>Une des pierres angulaires de la cybercriminalité, « et ce qui lui assure un maximum de réussite ou de potentiel, c’est le réseautage entre individus », explique-t-il. La grande majorité des fraudeurs en ligne ne sont pas des professionnels. Ils apprennent les uns des autres en publiant des manuels, des guides, des notes et en s’entraidant sur les forums. Si un cybercriminel découvre une faille dans le système d’une multinationale, tout le monde s’y met. Le <a href="https://www.theguardian.com/business/2016/nov/08/tesco-bank-cyber-thieves-25m">vol de 2,5 millions de livres sterling à la banque Tesco</a> l’an dernier au Royaume-Uni a débuté par la publication sur un forum d’un individu déclarant qu’il leur avait escroqué 1 000 livres.</p>
<p>C’est pourquoi les entreprises, qui sont des victimes potentielles, doivent absolument surveiller ce qui se passe sur le darknet. Elles ne sont pas les seules à êtres sensibilisées à ce problème. Les aspirants escrocs versent ainsi plusieurs centaines de dollars aux pontes de la cybercriminalité pour une formation en ligne de six semaines leur enseignant les rudiments de la fraude. Ils se protègent également en se donnant mutuellement des conseils destinés à préserver leur anonymat sur Internet. C’est que faisait Brett, gracieusement, pour les membres de ShadowCrew. Aujourd’hui, tout se monnaye.</p>
<h2>Dans l’ombre des réseaux</h2>
<p>Lorsqu’il dirigeait le réseau ShadowCrew, il vendait des cartes de crédit prépayées et des comptes bancaires frauduleux. Il a largement participé, avec d’autres, à <a href="http://www.cbc.ca/news/technology/new-credit-cards-pose-security-problem-1.904220">allier hameçonnages et piratages de cryptogramme</a>. Albert Gonzalez, le modérateur de ShadowCrew, a été condamné à 20 ans de prison pour avoir orchestré le vol en ligne de 170 millions de numéros de cartes. C’est aussi ce réseau qui a fini par envoyer Brett derrière les barreaux.</p>
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Brett Johnson discute du piratage de cryptogramme et de la chute de ShadowCrew avec Dionysios Demetis.
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>19 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/995/brett-cvv1hack-shadowcrew.m4a">(download)</a></span></span>
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<p>Il a également mis en place une fraude fiscale en ligne à base d’usurpation d’identité, activité criminelle hautement lucrative devenue l’élément central des flux de capitaux illégaux qu’il avait établis. À l’aide du registre de mortalité de Californie, il a rempli des déclarations de revenus au nom des morts. Étonnamment, cela a fonctionné. Il pouvait faire une déclaration de revenus toutes les six minutes mais l’ouverture de comptes bancaires en ligne ne suivait pas ! Au cours de ses activités cybercriminelles, Brett a ouvert « des centaines de comptes ». Certaines semaines, affirme-t-il, il effectuait « des retraits de 160 000 dollars en liquide ».</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="264" data-image="" data-title="‘Brett" data-size="6521090" data-source="" data-source-url="" data-license="" data-license-url="">
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‘Brett.
</div></p>
<p>Précurseur de la criminalité sur Internet, Brett se dit ébahi par l’ampleur du phénomène aujourd’hui. Si ShadowCrew comptait 4 000 membres, AlphaBay, avant d’être fermé par le FBI, en revendiquait 240 000. Confrontés à ce qui ressemble à un déni de service distribué (DDoS) continu, associant plusieurs États, contre les principaux forums du darknet, les cybercriminels se regroupent rapidement ailleurs. Pour ces derniers, ajoute Brett, le bitcoin représente l’outil idéal.</p>
<figure class="align-left ">
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<span class="caption">Brett Johnson, alias Gollumfun, en conférence à l’université de Hull. Dionysios Demetis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dionysios Demetis</span></span>
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</figure>
<p>Les banques, les entreprises et nombre d’institutions adoptent systématiquement des outils antifraude pour protéger leurs systèmes du piratage et des arnaques, mais les fraudeurs ont les mêmes à leur disposition. Ils testent des outils destinés à leur assurer l’anonymat. Ils achètent également dans le commerce des logiciels visant à bloquer les tentatives de détection et brouiller les approches de détection comportementales.</p>
<p>Un autre outil, dont Brett fait la démonstration, permet à n’importe qui d’acheter des adresses IP détournées provenant d’un large éventail de pays, dont le Royaume-Uni, au prix d’environ 30 livres l’adresse. Pour 15 livres de plus, il évalue le risque qu’encourt le fraudeur de voir son adresse IP détectée ou bloquée par un logiciel antispam et antifraude du commerce.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="869" data-image="" data-title="‘Brett" data-size="21432924" data-source="" data-source-url="" data-license="CC BY" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">
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</audio>
<div class="audio-player-caption">
‘Brett.
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>20,4 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/997/brett-tools-of-fraudsters.m4a">(download)</a></span></span>
</div></p>
<p>On notera l’ironie de la situation : les décisions des cybercriminels reposent sur l’évaluation par un tiers du risque IP. Cela dit, si les criminels procèdent à leur propre sécurité opérationnelle, rien d’étonnant à ce que la « gestion du risque » basée sur la fraude constitue l’étape suivante dans ce tango en constante évolution.</p>
<p>Il y a tant de choses à évoquer avec Brett que les deux jours qui nous ont été alloués passent à la vitesse de l’éclair. Après sa visite, nous nous retrouvons en ligne et il me suggère de changer mon alias Unix, perdu depuis longtemps. De carlito, nom désormais pris par quelqu’un d’autre, je passe à carl1to, le chiffre un faisant référence au premier Carlito, joué par Al Pacino dans un film de truands des années 1990. Voilà qui me semble clore de façon rêvée ma rencontre avec le parrain du darknet.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/198905/original/file-20171213-31684-56s7p9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dionysios Demetis (à gauche) avec Brett Johnson (à droite).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour écouter la version longue de la discussion entre Demetis et Brett Johnson, écoutez le fichier audio ci-dessous.</p>
<p><audio preload="metadata" controls="controls" data-duration="6747" data-image="" data-title="Brett Johnson (alias Gollumfun) en pleine conversation avec Dionysios Demetis" data-size="215917976" data-source="" data-source-url="" data-license="CC BY" data-license-url="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">
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<div class="audio-player-caption">
Brett Johnson (alias Gollumfun) en pleine conversation avec Dionysios Demetis.
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a><span class="download"><span>206 Mo</span> <a target="_blank" href="https://cdn.theconversation.com/audio/998/brettjohnson-drdemetis.mp3">(download)</a></span></span>
</div></p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Catherine Biros pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dionysios Demetis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 2006, le cybercriminel Brett Johnson figurait sur la liste des personnes les plus recherchées des États-Unis. Il s’explique.Dionysios Demetis, Lecturer in Management Systems, University of HullLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/797732017-06-21T18:53:25Z2017-06-21T18:53:25ZCinquante nuances de faux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/174666/original/file-20170620-24871-br4ng7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2449%2C1476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Où est la différence entre le vrai et le faux ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/thomashawk/5477733246">Thomas Hawk</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’expression <a href="http://www.cnn.com/2017/01/22/politics/kellyanne-conway-alternative-facts/">« faits alternatifs »</a> est apparue récemment dans un contexte politique, mais nous autres psychiatres sommes depuis longtemps familiers du concept puisque nous entendons en permanence nos patients exposer des formes de réalité alternative… </p>
<p>Nous éprouvons tous le besoin de faire la différence entre le réel et l’imaginaire dans tous les aspects de notre existence. Mais comment classer les idées et les croyances qui nous paraissent bizarres, infondées, incroyables ou tout bonnement délirantes ?</p>
<h2>Ce qui n’est pas vrai n’est pas toujours un mensonge</h2>
<p>Tout d’abord, il convient de faire la distinction, comme nous y invitent les philosophes, entre un mensonge et une contrevérité. Ainsi, on dira de quelqu’un qui <a href="https://plato.stanford.edu/entries/lying-definition/#TraDefLyi">déforme intentionnellement ce qu’il sait être vrai</a>, qu’il ment – généralement, pour en tirer un bénéfice personnel. </p>
<p>En revanche, quelqu’un qui fait une affirmation fausse sans intention de tromper ne ment pas. Cette personne ignore peut-être les faits ou refuse de les croire. Cette personne ne ment pas, elle dit une contrevérité.</p>
<p>Certains de ceux qui énoncent des contrevérités sont incapables de distinguer le réel de l’imaginaire, ou la réalité de la fiction, et sont pourtant sincèrement convaincus d’être dans le vrai. Voilà notre porte d’entrée dans la littérature psychiatrique.</p>
<p>En psychiatrie clinique, nous recevons des patients professant toute une série d’idées que beaucoup trouveraient excentriques, excessives ou en contradiction manifeste avec la réalité. Le travail du clinicien consiste tout d’abord à écouter le patient pour tenter de comprendre pourquoi il croit ce qu’il croit, en tenant bien compte de sa culture, de son appartenance ethnique et de sa religion.</p>
<p>Il arrive que notre première impression soit totalement erronée. Un de mes confrères raconte le cas d’un patient extrêmement agité qui avait été hospitalisé parce qu’il se disait traqué et harcelé par le FBI. Quelques jours plus tard, des agents du FBI sont venus arrêter le patient à l’hôpital. Comme on dit, ce n’est pas parce que vous êtes paranoïaque que personne n’en a après vous !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/159026/original/image-20170301-5540-1ka8qw3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Même si l’on y croit, ce n’est pas forcément vrai.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-woman-telling-her-friends-story-207125380">Talking Image/Shutterstock.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Quand ce que vous croyez est faux</h2>
<p>On peut considérer que les déformations de la réalité représentent un continuum allant de léger à sévère, selon que la personne soutient avec plus ou moins de fermeté son idée et qu’elle est plus ou moins imperméable à la réalité. À l’une des extrémités du continuum, nous avons ce que les psychiatres appellent l’<a href="http://professionaltrainingresourcesinc.com/wp-content/uploads/Paranoid-Delusions-vs-Paranoid-Ideas-vs-Overvalued-Ideas.pdf">idée surinvestie</a>. </p>
<p>C’est une idée que le sujet affirme avec force, qui n’est pas partagée par les personnes de même culture, mais qui n’est pas bizarre, ni incompréhensible, ni manifestement impossible. La croyance que les vaccins peuvent causer <a href="https://theconversation.com/fr/topics/autisme-36948">l’autisme</a> relève de l’idée surinvestie : ce n’est pas scientifiquement exact, mais cela n’est pas absolument impossible.</p>
<p>À l’autre extrémité du continuum se trouve l’<a href="http://doi.org/10.4103/0972-6748.57851">idée délirante</a>. C’est une croyance dont le sujet est inébranlablement convaincu en dépit de preuves évidentes du contraire, et qui est clairement erronée ou absurde. Une idée délirante ne peut s’expliquer par la culture, la religion ou l’origine ethnique du sujet. </p>
<p>On parlera d’idée délirante à propos d’un patient qui est inébranlablement convaincu que Vladimir Poutine lui a implanté une électrode dans le cerveau pour contrôler ses pensées. Quand le patient exprime cette conviction, il n’est pas en train de mentir ou d’essayer de tromper son interlocuteur. C’est une affirmation sincère mais néanmoins fausse.</p>
<p>Les personnes souffrant de troubles neuropsychiatriques énoncent des contrevérités en tout genre mais les gens parfaitement « normaux » aussi. Appartiennent à la catégorie des contrevérités normales notamment ce que l’on appelle les <a href="http://doi.org/10.1080/09658211.2015.1010709">faux souvenirs</a>. Cela nous arrive très fréquemment. </p>
<p>Par exemple, nous sommes absolument certains d’avoir réglé une facture d’électricité, alors qu’en réalité nous ne l’avons pas fait. Comme le fait observer la <a href="https://blogs.scientificamerican.com/mind-guest-blog/how-false-memory-changes-what-happened-yesterday/">psychologue Julia Shaw</a>, les faux souvenirs « sont impossibles à distinguer des souvenirs d’événements qui ont réellement eu lieu ». Ainsi, quand nous affirmons à notre conjoint « Bien sûr que j’ai payé la facture ! », nous ne mentons pas – c’est juste notre cerveau qui nous induit en erreur.</p>
<p>Un type de faux souvenirs plus problématique relève d’un processus qu’on appelle <a href="http://www.memorylossonline.com/glossary/confabulation.html">« confabulation »</a> : la production spontanée de faux souvenirs, souvent très détaillés. Certains souvenirs fabulés sont banals, d’autres franchement bizarres. Par exemple, une personne peut affirmer – et croire sincèrement – qu’elle a mangé des œufs cocotte au Ritz, alors que ce n’est pas le cas. </p>
<p>Ou bien elle peut affirmer qu’elle a été kidnappée par des terroristes et faire un récit très détaillé de cette épreuve (imaginaire). Généralement, les confabulations sont causées par une <a href="http://www.psychiatrictimes.com/cognitive-disorders/confabulation-bridge-between-neurology-and-psychiatry">grave lésion cérébrale</a>, consécutive à un accident vasculaire cérébral ou à une rupture d’anévrisme.</p>
<h2>Le mensonge comme défaut</h2>
<p>Enfin, parmi les falsifications de la réalité, il y a celles que l’on appelle le mensonge pathologique ou la mythomanie, et qui porte le nom scientifique de pseudologie fantastique. Dans la revue <em>Psychiatric Annals</em>, les docteurs Rama Rao Gogeneni et Thomas Newmark en énumèrent <a href="http://doi.org/10.3928/00485713-20141003-02">quelques caractéristiques</a> :</p>
<ul>
<li><p>Une tendance au mensonge, souvent comme mécanisme de protection. Le récit fictionnel peut procurer une jouissance au sujet.</p></li>
<li><p>Les mensonges sont tout à fait stupéfiants ou incroyables mais peuvent contenir une part de réalité. Souvent, les mensonges attirent une attention considérable de l’auditoire.</p></li>
<li><p>Les mensonges présentent le plus souvent le sujet sous un jour positif, et peuvent être l’expression d’un trait de caractère sous-jacent tel qu’un narcissisme pathologique. Les mensonges du mythomane sont toutefois plus extravagants que les récits plus « crédibles » des personnes narcissiques.</p></li>
</ul>
<p>On ignore la ou les causes précises de la mythomanie mais certaines études montrent que les menteurs pathologiques présentent des anomalies dans la <a href="http://doi.org/10.1192/bjp.bp.106.025056">substance blanche du cerveau</a> – des faisceaux de fibres nerveuses enrobées d’une gaine de myéline. La psychanalyste américaine d’origine autrichienne Hélène Deutsch (1884-1982) estimait pour sa part que la pseudologie fantastique découle de <a href="http://search.proquest.com/openview/8c8791514f5a1ecfa6e4a5c1013372c9/1?pq-origsite=gscholar&cbl=1820984">facteurs psychologiques</a>, tels que le besoin d’améliorer son estime de soi, de susciter l’admiration ou de se représenter soit en héros soit en victime.</p>
<h2>Qui se soucie des faits de toute façon ?</h2>
<p>Tout cela suppose bien sûr qu’il y ait consensus sur ce que sont la « réalité » et « les faits » et que tout le monde ait envie d’établir la vérité. Or, cela apparaît de plus en plus douteux en cette ère de <a href="https://theconversation.com/in-a-post-truth-election-clicks-trump-facts-67274">« post-vérité »</a> que nous vivons. Pour Charles Lewis, fondateur de l’association de journalistes d’investigation Center for Public Integrity, nous vivons une époque <a href="https://www.nytimes.com/2017/01/28/us/politics/donald-trump-truth.html">« d’inversion des valeurs où plus rien n’est acquis et plus rien n’est vrai »</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/158976/original/image-20170301-5507-ug5g29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Est-ce que les monsenge Est-ce que les mensonges deviennent nos lunettes roses ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/yamagatacamille/4124052288">Christian Bucad</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus inquiétant encore, le grand public semble goûter le mensonge. Comme le faisait observer récemment l’écrivain Adam Kirsch, <a href="https://www.nytimes.com/2017/01/15/books/lie-to-me-fiction-in-the-post-truth-era.html">« On a de plus en plus l’impression que les gens ont envie d’être dupés »</a>. Le mensonge, affirme Kirsch, est séduisant : </p>
<blockquote>
<p>« Il permet une coopération entre le menteur et son auditoire en vue de changer la nature de la réalité pour la faire apparaître presque magique. »</p>
</blockquote>
<p>Et une fois que cette transformation magique de la réalité s’est opérée, que cela soit dans un contexte politique ou scientifique, il devient très difficile de <a href="https://theconversation.com/unbelievable-news-read-it-again-and-you-might-think-its-true-69602">faire marche arrière</a>. Pour reprendre la formule de l’écrivain anglais Jonathan Swift, « le mensonge vole et la vérité boitille derrière ».</p>
<p>Les psychiatres ne sont pas habilités à donner un avis professionnel sur <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sante-mentale-22629">la santé mentale</a> de personnalités qu’ils n’ont pas examinées en personne, ou sur la nature des contrevérités qu’énoncent parfois nos dirigeants politiques. Le code de déontologie de l’Association américaine de psychiatrie le <a href="http://www.psychiatrictimes.com/blogs/deconstructing-and-reconstructing-goldwater-rule">leur interdit</a>. En revanche, les psychiatres connaissent parfaitement ce besoin que nous avons d’éviter ou de déformer des vérités déplaisantes. Ils ne pourront qu’acquiescer à cette phrase souvent attribuée au psychanalyste Carl Jung mais due en fait au poète T.S. Eliot : <a href="http://www.azquotes.com/quote/675269">« Le genre humain ne peut supporter trop de réalité »</a>.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/174906/original/file-20170621-30219-ln1s24.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=685&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Ce texte a été traduit de l’anglais par Isabelle Lauze. Il est publié en partenariat avec la revue « Papiers ». Papiers n°21, sortie le 22 juin (en librairie et chez les marchands de journaux), 180 pages, 15,90 euros.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ronald W. Pies ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les psychiatres n’ont pas attendu Donald Trump pour découvrir la notion de « faits alternatifs ». Chaque jour, ils entendent des patients soutenir des idées plus ou moins éloignées de la réalité.Ronald W. Pies, Professor of Psychiatry, Lecturer on Bioethics & Humanities at SUNY Upstate Medical University; and Clinical Professor of Psychiatry, Tufts University School of Medicine, Tufts UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/791582017-06-08T18:07:56Z2017-06-08T18:07:56ZAffaire du FBI : Donald Trump a encore gagné<p>« Que va-t-il se passer aujourd’hui à Washington ? » Telle était la question que tout le monde se posait ce matin aux États-Unis. Pour y répondre, il fallait s’intéresser à l’homme du jour : James Comey. En réalité, c’est sa quatrième heure de gloire dans les médias. La première remontait à juillet 2016, lorsqu’il est apparu en pleine lumière pour indiquer qu’il mettait fin à l’enquête sur la fameuse affaire des emails, ce feuilleton qui a empoisonné la campagne d’Hillary Clinton et auquel personne ne comprenait plus rien.</p>
<p>On a toutefois compris que cette annonce était importante car le candidat républicain, Donald Trump, s’est aussitôt déchaîné contre lui, tweetant : « C’est très très injuste ! ». Avant de se raviser et de prétendre que le directeur du FBI aurait affirmé que « l’attitude d’Hillary Clinton a été une honte et un profond embarras pour notre pays ». Ce qu’il n’a jamais dit.</p>
<p>Il faut reconnaître que cette affaire arrangeait bien Donald Trump et la fin de l’enquête tombait bien mal, à quelques semaines de l’ouverture de la campagne électorale officielle. Fort heureusement pour lui, les astres étaient de son côté et, incidemment, le directeur du FBI aussi, même s’il ne l’a pas réellement voulu : la deuxième intervention publique de James Comey n’est pas passée inaperçue quand, <a href="http://www.politico.com/story/2016/10/fbi-reopens-clinton-e-mail-server-investigation-230454">à 11 jours du scrutin présidentiel, il a annoncé qu’il rouvrait l’enquête</a> « suite à des faits nouveaux ». Cette simple remarque, bien anodine hors campagne, a été dévastatrice. Hillary Clinton a elle-même affirmé, fin avril, que cette intervention avait provoqué sa défaite.</p>
<h2>Digne de la finale du Super Bowl</h2>
<p>Or, le 9 mai, Donald Trump <a href="http://www.la-croix.com/Monde/%C3%89tats-Unis-tempete-Washington-limogeage-chef-FBI-2017-05-10-1300845912">a limogé ce même James Comey</a>, braquant soudainement sur lui les projecteurs pour la troisième fois. Les Américains ont appris à connaître ce haut fonctionnaire qu’il était totalement inconnu avant cette affaire : son renvoi a été beaucoup commenté, et c’est bien sur ce limogeage que la Commission d’enquête du Sénat est revenue ce 8 juin. Toutes les télévisions ont déployé un dispositif digne du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Super_Bowl">Super Bowl</a>, la finale du championnat de football américain, pour savoir si leur Président avait bien viré cet homme pour empêcher une enquête fédérale.</p>
<p>Depuis plusieurs jours, on a aussi assisté à une concurrence féroce entre le <em>Washington Post</em> et le <em>New York Times</em>, pour être le premier journal à dévoiler les dessous de l’affaire qui pouvait bien être celle du siècle.</p>
<p>Il y a aussi eu une forte concurrence chez les « fuiteurs », des anonymes – certainement des fonctionnaires ayant accès à des documents liés à cette affaire, et qui se sont livrés à une course effrénée pour être le premier ou la première à les communiquer aux journaux. Sur <em>Twitter</em> ou <em>Facebook</em>, des spécialistes ont multiplié les posts pour annoncer la chute inéluctable.</p>
<h2>Toujours prêt à tweeter</h2>
<p>Dans une déposition liminaire, publiée le 7 au soir, James Comey a fait connaître ses principaux arguments. Il a raconté comment Donald Trump lui avait demandé d’enterrer une enquête en cours. Est-ce grave ? Oui, bien entendu, puisqu’on parle d’obstruction de justice de la part du président des États-Unis et que beaucoup <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/impeachment-vers-une-destitution-de-donald-trump_2227769.html">évoquent désormais une possible destitution</a>. Mais il reste à prouver cette obstruction et, surtout, à prouver l’intention malicieuse (c’est le droit américain qui le stipule) – ce qui n’est pas si simple.</p>
<p>Dans les révélations publiées la veille, James Comey avait pris soin de ne pas accuser directement le Président du moindre crime, préférant s’en tenir à l’exposé des faits et laissant à d’autres le soin de qualifier son attitude. Il s’agit-là davantage de politique que de pénal.</p>
<p>Les opposants au Président considèrent que ce dernier ne connaît rien à la politique, qu’il est un businessman égaré dans un monde qui n’est pas le sien et qu’il est temps de mettre fin à ce mandat indigne. Pour eux, Trump est incontrôlable et agit toujours dans l’excès. Il est prêt à dire tout et n’importe quoi, voire à le tweeter – ce qui semble bien pire.</p>
<h2>Parole contre parole</h2>
<p>Les sénateurs se sont intéressés au fond de l’affaire et ont voulu connaître les détails des conversations entre James Comey et Donald Trump : le Président aurait donc exigé de la loyauté de la part du directeur du FBI, alors que celui-ci est censé être indépendant du pouvoir ? Oui, mais, où sont les preuves ? On est logiquement, et comme on s’y attendait, retombé dans le « parole contre parole », même si Comey a dit d’un air grave que le président Obama ne lui avait jamais demandé la moitié de ce que Trump a osé exiger de lui…</p>
<p>Il reste que James Comey a été renvoyé alors qu’il devait rester en place pour dix ans, sauf faute très grave. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Apprentice:_You%27re_Fired!">« You’re fired ! »</a> : ces mots ont résonné très fortement dans la tête des Américains car ils ont entendu Donald Trump les prononcer bien souvent, du temps où il produisait une <a href="https://theconversation.com/donald-trump-ou-le-president-de-la-tele-realite-68622">émission de télé-réalité</a>. C’est peut-être pour cela qu’il y avait tant de monde devant son poste : réalité et télé-réalité se sont télescopées.</p>
<p>La présidence américaine actuelle semble scénarisée comme une saison inédite de <em>House of Cards</em>. Connaître le fond de l’affaire est, en définitive, un peu secondaire pour ce public, ou pour ces sénateurs qui ont voulu savoir pourquoi cet homme censé représenter la justice et sa puissance avait peur de rester seul dans une pièce avec Trump. D’ailleurs, James Comey a lui-même admis que le Président n’avait pas besoin de motif pour le limoger. On a alors compris à ce moment-là que tout cela était une mascarade, un grand jeu politique, et que chaque camp essayait de marquer des points contre l’autre, en vue des prochaines élections certainement.</p>
<h2>« Un grand garçon qui sait se défendre… »</h2>
<p>James Comey était bien seul au milieu de cette partie, soutenu par des hommes et femmes (démocrates) qui détestent Trump accusé d’avoir volé la présidence à leur championne, et d’autres (les Républicains) qui ne lui veulent pas du bien et le détestent parce qu’il s’en prend à leur champion.</p>
<p>Qu’est-il donc allé faire dans cette galère ? Le sénateur républicain <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jim_Risch">Jim Risch</a> l’a crucifié sur place lorsqu’il lui a demandé si quelqu’un avait déjà été condamné pour avoir « espéré » quelque chose. Ce faisant, il visait directement le corps du délit, cette phrase controversée de Donald Trump qui, selon l’ex-patron du FBI, aurait « espéré que l’enquête sur Flynn s’arrête… ». La sénatrice démocrate <a href="https://www.google.fr/search?q=dianne+feinstein&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&ei=PXk5We_ED4f38AeJ2oLQDg">Dianne Feinstein</a> lui a fait remarquer juste après qu’il était « un grand garçon et qu’il savait « se défendre »… La messe était dite.</p>
<p>Et Donald Trump ? Il aura lui aussi pris quelques coups, car c’est le jeu. Mais, au final, il s’en sort avec une belle victoire qu’il n’aurait pas espérée il y a seulement quelques jours : James Comey a en effet reconnu qu’aucune enquête ne portait sur Trump et ne cherche à déterminer ses liens avec ces affaires russes qui plombent sa présidence depuis le 8 novembre.</p>
<h2>Trump « blanchi »</h2>
<p>C’est une information : on peut toujours lui mettre sous le nez des preuves accablantes contre ses proches : <a href="http://www.liberation.fr/planete/2017/05/10/carter-page-l-obscur-banquier-de-moscou_1568703">Carter Page</a>, <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/03/paul-manafort-un-trump-boy-au-trouble-passe-ukrainien_5121380_4853715.html">Paul Manafort</a>, <a href="http://www.liberation.fr/planete/2017/05/10/roger-stone-le-vieux-copain_1568696">Roger Stone</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_T._Flynn">Michael Flynn</a> ou même son gendre, <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/05/29/jared-kushner-gendre-trump-coeur-intrigues">Jared Kushner</a>. Il objectera qu’il ne s’agit pas de lui, et qu’il vient d’être disculpé. Il ressort blanchi de cette folle journée.</p>
<p>Or, il ne faut pas perdre de vue que le vrai danger pour la présence Trump aurait pu venir du procureur indépendant, <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/19/robert-mueller-un-serviteur-de-l-etat-en-premiere-ligne_5130738_4853715.html">Robert Mueller, qui a été nommé pour enquêter sur toute cette affaire</a> : ce dernier va devoir enregistrer ce témoignage à décharge pour Donald Trump, qui n’en attendait pas autant de la part de James Comey.</p>
<p>Ceux qui affirmaient que Trump était affaibli politiquement vont aussi devoir remiser leurs arguments. Ce n’est pas encore le début de la fin. Dès la fin de l’audition, les soutiens de Trump ne se sont d’ailleurs pas fait prier pour reprendre leur refrain sur « les attaques sans fin et indignes contre leur poulain. « On veut voler notre vote », clament-ils. <a href="http://www.politico.com/story/2017/06/07/trump-approval-rating-quinnipiac-poll-239250">Un sondage Quinnipiac</a> paru le matin même devrait inciter les démocrates à la prudence : 34 % des Américains ne soutiennent pas Trump, mais ils sont 72 % des Républicains à lui conserver toujours leur confiance.</p>
<p>Il n’y a donc – pour le moment – aucune chance de faire voter un <em>impeachment</em> par la Chambre des Représentants, et on voit bien que chaque attaque contre Trump renforce la détermination et la confiance de la part de ses soutiens. Demeure une certitude à l’issue de cette audition : la société américaine est bien divisée, et bien malade. Cela nous promet des élections très rudes en 2018.</p>
<hr>
<p><em>À paraître : « Donald Trump : les États-Désunis », Privat, 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Il n’y a pour le moment aucune chance de destituer Trump, et chaque attaque contre lui renforce la détermination et la confiance de la part de ses soutiens.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774912017-05-10T09:48:54Z2017-05-10T09:48:54ZAprès le limogeage du patron du FBI, Washington en état de crise<p>Le fameux « <em>you’re fired</em> », qui a rendu célèbre Donald Trump <a href="https://www.lesechos.fr/09/09/2015/lesechos.fr/021314338475_--the-apprentice----l-emission-de-tele-realite-a-la-gloire-de-l-entreprise.htm">dans son émission de téléréalité <em>The Apprentice</em></a>, a encore été prononcé. Personne n’avait vu venir la crise qui s’est abattue sur Washington. L’annonce du limogeage de James Comey, le directeur du FBI a surpris jusqu’à l’intéressé lui-même, qui l’a appris mardi 9 mai par la télévision alors qu’il rendait visite à l’antenne de son agence à Los Angeles.</p>
<p>Pour le Président des États-Unis, le directeur de la police fédérale a outrepassé son rôle et ses pouvoirs lorsqu’il a ordonné la <a href="http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-americaine/emails-de-hillary-clinton-le-fbi-ne-reclame-pas-de-poursuites-05-07-2016-5942797.php">fin de l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton</a> début juillet 2016, en pleine campagne présidentielle, ou <a href="http://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/10/28/aux-etats-unis-le-fbi-va-examiner-de-nouveaux-courriels-d-hillary-clinton_5022250_829254.html">lorsqu’il a ouvert une nouvelle enquête quelques jours à peine avant le scrutin</a>.</p>
<p>Ce sont d’ailleurs les conclusions d’un rapport qui lui a été adressé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeff_Sessions">Jeff Sessions</a>, l’Attorney General (ministre de la Justice), et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Rod_Rosenstein">Rod Rosenstein</a>, son adjoint et qui l’a amené à prendre cette décision. Pour Donald Trump, cette attitude a été trop légère et a entamé gravement la confiance du public envers cette institution respectable.</p>
<h2>La vérité est peut-être ailleurs</h2>
<p>La ficelle est un peu grosse pour l’opposition démocrate, qui l’a plutôt reliée aux enquêtes en cours sur les liens entre la campagne de Donald Trump et la Russie. Une enquête est notamment menée par une <a href="http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/A-Washington-Congres-mene-lenquete-liens-entre-Moscou-lequipe-Trump-2017-03-16-1200832480">commission du Congrès</a>. Mais le FBI avait également ouvert un dossier, depuis juillet 2016, <a href="http://www.ladepeche.fr/article/2017/03/20/2539816-fbi-information-eventuelles-ecoutes-contre-trump.html">comme James Comey l’a révélé le 20 mars dernier</a>, lors d’une audition publique devant le Congrès :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai reçu l’autorisation du ministère de la Justice de confirmer que le FBI, dans le cadre de sa mission de contre-espionnage, enquête sur les tentatives du gouvernement russe d’interférer dans l’élection présidentielle de 2016. Cela inclut des investigations sur la nature des liens entre des individus liés à l’équipe de campagne de Donald Trump et le gouvernement russe, et pour déterminer s’il y a eu coordination entre la campagne et les efforts russes. »</p>
</blockquote>
<p>Le désormais ancien directeur du FBI a exprimé à plusieurs reprises qu’il s’en voulait d’avoir peut-être <a href="https://www.nytimes.com/2017/05/03/us/politics/james-comey-fbi-senate-hearing.html">fait pencher la balance</a> en faveur de Donald Trump lors de la dernière élection. Il se rattrape bien depuis, ne perdant jamais une occasion de le contredire : ainsi à propos de l’affaire des écoutes supposées de la campagne de Trump et qui aurait été ordonnées par Barack Obama, <a href="https://www.usatoday.com/story/news/politics/2017/03/20/james-comey-trump-wiretapping-house-intelligence-committee/99382304/">il a également dit publiquement qu’elles n’avaient jamais existé</a>.</p>
<h2>Une décision très inhabituelle</h2>
<p>L’irritation du président à son endroit était, dès lors, très palpable, mais qui aurait pu imaginer qu’il agisse aussi fortement ?</p>
<p>Pour les Républicains, il s’agit d’un geste d’autorité, qui est entièrement justifié. Pourtant, les hauts postes fédéraux tels que la direction du FBI répondent à des règles particulières : le directeur est nommé pour 10 ans et ne peut être démis de ses fonctions que pour une cause grave. Toute la question est de définir la gravité qui permet ce limogeage.</p>
<p>Pour les leaders de l’opposition, Chuck Schumer en tête, mais également Nancy Pelosi, Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, ce renvoi brutal <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1050981/limogeage-du-chef-du-fbi-un-chef-democrate-denonce-une-grave-erreur.html">est une « grave erreur »</a> et ils n’hésitent pas à accuser le Président d’autoritarisme. Le seul précédent d’un tel licenciement a concerné <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/William_S._Sessions">Williams Sessions</a>, renvoyé par Bill Clinton en 1993 pour avoir confondu les deniers du FBI avec les siens.</p>
<h2>Le spectre du Watergate</h2>
<p>L’absence d’une raison sérieuse, et le fait que ce limogeage ait tant tardé si on admet que la raison invoquée est acceptable ont troublé le monde politique et celui des médias. Les journaux américains, tout comme la plupart des télévisions et radios évoquent désormais le Watergate. En 1973, le Président Nixon avait démis de ses fonctions le procureur indépendant Archibald Cox, après avoir refusé de lui remettre les enregistrements dont il exigeait la communication. Cet épisode, connu désormais dans les livres d’histoire sous le nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_du_samedi_soir">« Massacre du samedi soir »</a>, avait conduit le président à démissionner plutôt que de subir un procès en <em>impeachment</em> et une probable destitution.</p>
<p>Tout Washington se demande aujourd’hui si l’issue pourrait être aussi dramatique dans cette affaire. Les leaders de l’opposition <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/10/donald-trump-limoge-james-comey-le-directeur-du-fbi_5125141_4853715.html">exigent avec force la nomination d’un procureur indépendant</a> pour faire toute la lumière sur les liens entre leur Président et le gouvernement russe. Les Républicains, de leur côté, s’expriment avec beaucoup plus de réserve et on constate que le Parti républicain semble décidé à faire bloc autour de son Président, estimant sans doute qu’il a encore grandement besoin de lui.</p>
<p>Les passions pourraient pourtant se déchaîner avec la nomination du remplaçant de James Comey – qui devrait intervenir très vite –, car les démocrates n’accepteront jamais que l’agence qui mènera cette enquête à haut risque soit dirigée par un conservateur ou par quelqu’un de trop proche de Donald Trump.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77491/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les démocrates, qui évoquent le Watergate, n’accepteront jamais que l’agence chargée de l’enquête sur les liens entre le Président et la Russie soit dirigée par un conservateur ou un proche de Trump.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/679052016-10-29T16:21:57Z2016-10-29T16:21:57ZHillary Clinton fragilisée par la bombe du FBI<p>L’idée d’une « surprise d’octobre » était dans toutes les têtes depuis très longtemps. Les observateurs l’évoquaient, les républicains l’annonçaient et les démocrates la craignaient. Mais, au fond, personne n’y croyait vraiment. Dans ces derniers jours de campagne, l’industrie des médias et celle des sondages, tout autant que la cohorte d’observateurs et de spécialistes se demandaient tout ce qui pourrait encore être ajouté à tout ce qui avait déjà été dit sur les deux candidats.</p>
<p>On commençait donc déjà à s’intéresser à des sujets un peu différents : l’<a href="http://www.france24.com/fr/20161028-michelle-obama-hillary-clinton-font-meeting-commun-face-a-trump">émergence de Michelle Obama</a> sur la scène politique et son aura extraordinaire qui donnait enfin à la campagne Clinton le dynamisme qui avait tant manqué, les noms de celles et ceux qui étaient susceptibles de participer au gouvernement de la première présidente des États-Unis, les chances pour les démocrates de remporter le Sénat et, pourquoi pas après tout, la Chambre des représentants par la même occasion… Car plus personne ne pariait sur les chances de Donald Trump, qui semblait ne plus y croire non plus, même s’il déployait toute son énergie pour donner le change.</p>
<p>Mais il avait déjà donné l’explication à cette défaite annoncée : l’élection allait être truquée, notamment par le FBI qui avait protégé Hillary Clinton et par son directeur, <a href="http://www.nytimes.com/2016/10/29/us/politics/fbi-clinton-emails-james-comey.html">James Comey</a>, l’homme qui avait conseillé aux procureurs fédéraux de ne pas la poursuivre dans l’affaire dite « des e-mails ». Il avait en effet estimé qu’il n’y avait eu aucune intention criminelle de la part de l’ancienne ministre des Affaires étrangères. Et il s’était aussitôt attiré le courroux du milliardaire new-yorkais qui en avait fait une cible de ses attaques.</p>
<h2>Comme une catastrophe</h2>
<p>C’est pourquoi, jeudi dernier, lorsque le chef du FBI fut informé de la découverte d’un millier d’e-mails jugés « pertinents » pour déclencher une nouvelle enquête fédérale impliquant Hillary Clinton, on imagine assez bien quel a été son désarroi. Il s’est alors empressé d’adresser un courrier à huit présidents de commissions du Sénat et de la Chambre des représentants, tous républicains, les informant que la police fédérale allait rouvrir une enquête.</p>
<p>L’annonce, aussitôt révélée au public par un <a href="https://www.washingtonpost.com/news/post-politics/wp/2016/10/28/chaffetz-asks-deputy-fbi-director-for-documents-about-wifes-political-ties-to-clinton/">des sénateurs</a>, a fait l’effet d’une bombe dans une campagne qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Après cette année un peu folle, qui a déjà connu toutes les outrances, chacun aspirait au calme. En cette veille de week-end d’Halloween, Hillary Clinton faisait campagne dans l’Iowa, un État très républicain et qui semblait pourtant à sa portée après deux semaines de chute vertigineuse de Donald Trump et de son camp dans les sondages. Le même jour, Barack Obama devait enflammer les foules de Floride dans un meeting qu’il présiderait et Hillary Clinton allait conclure tout cela avec un concert géant donné par <a href="http://www.sun-sentinel.com/news/politics/fl-jennifer-lopez-hillary-clinton-20161027-story.html">Jennifer Lopez à Miami</a>, en présence de la candidate démocrate.</p>
<p>Au lieu de cela, on retiendra que le staff démocrate est resté coincé de très longues minutes dans son avion, sur le tarmac de Cedar Rapids, dans l’Iowa, en cherchant la meilleure stratégie pour se sortir de ce qui est interprété par beaucoup comme une catastrophe. Puis il y a eu une conférence de presse improvisée et Hillary Clinton a demandé au FBI de <a href="http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/publier/">publier</a> toutes les informations qu’il possède. Car personne ne connaît les faits et, à dix jours de l’élection, le pire est bien entendu de laisser la rumeur enfler. Car le rebondissement créé par cette annonce, alors que l’écart s’était à nouveau resserré au niveau national entre les deux principaux candidats, pour s’établir autour de 4,5 % en faveur de Mme Clinton, pourrait être dévastateur d’ici le 8 novembre.</p>
<h2>Noms d’oiseaux</h2>
<p>Les premières informations sur toute cette affaire sont pourtant peu alarmantes pour Hillary Clinton : il serait questions cette fois-ci d’e-mails entre Anthony Weiner, un ancien député et candidat à la mairie de New York, poursuivi pour des sextos adressés à des mineures, et son ex-femme, Huma Abedin, qui l’a quitté voici six mois. Car celle dernière est également la directrice adjointe de la campagne d’Hillary Clinton depuis le début des primaires.</p>
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<p>Mais, dans un contexte hystérisé par l’enjeu et le calendrier, l’affaire ne va pas être aussi simple : Donald Trump a aussitôt soufflé sur les braises autant qu’il l’a pu, bien entendu. Le Parti républicain en a fait de même, voyant là la possibilité inespérée de venir en aide à des candidats aux sénatoriales qui se trouvaient en grande difficulté, tel que Marco Rubio en Floride ou Kelly Ayotte dans le New Hamsphire. Même Paul Ryan, le patron des députés républicains, a mis de côté ses différends avec Donald Trump et s’est fendu d’un communiqué cinglant à l’encontre d’Hillary Clinton, qui n’aurait pas su « être à la hauteur de son poste prestigieux. »</p>
<p>Le public va à nouveau être abreuvé d’attaques diverses et de noms d’oiseaux, qui éclipseront les quelques rares incursions dans la politique qui avait pu être relevées ici et là. On va, bien entendu, à nouveau reprocher à Hillary Clinton un <a href="http://www.politico.com/tipsheets/the-2016-blast/2016/10/clinton-aides-worried-about-e-mail-secrecy-217048">certain goût pour le secret</a> et la dissimulation, attaque préférée des républicains depuis seize mois.</p>
<p>Cette campagne aura été un combat d’un nouveau type dans la politique américaine, un combat inédit dans l’histoire des campagnes, presque une blague, comme lorsque ces enfants font le tour du quartier à la recherche de bonbons, à l’occasion d’Halloween. Faute de quoi ils promettent de lancer un mauvais sort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/67905/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête sur l’affaire des e-mails d’Hillary Clinton est relancée, alors que l’écart s’est à nouveau resserré au niveau national entre les deux principaux candidats.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/525432015-12-21T05:41:28Z2015-12-21T05:41:28ZEn finir avec la finance Ponzi, vraiment ? Le cas « Martin Shkreli »<p>Il s’appelle Martin Shkreli. Je l'ai croisé une première fois via un collègue et ami. L’objet de son mail : « le hip-hop management, c’est ça aussi ? Pas cool… ». Intrigué, je m’étais empressé de cliquer sur le lien transmis. Il renvoyait vers les déclarations d’Hillary Clinton dénonçant les pratiques odieuses de celui qui allait vite hériter du qualificatif de : « l’homme le plus détesté des États-Unis ».</p>
<h2>Augmenter de 5 400 % le prix d’un médicament indispensable</h2>
<p>« Derrière toute grande fortune se cache d’abord un grand crime », expliquait Balzac. Celui de Martin Shkreli ? Se spécialiser dans le rachat de brevets de médicaments pour en augmenter de manière spectaculaire le prix de vente. En septembre 2015, l’une de ses sociétés, Turing Pharmaceuticals, a fait scandale en augmentant brutalement le prix d’un comprimé de Daraprim (utilisé contre la toxoplasmose, le paludisme et des co-infections du sida), passé de <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2015/12/17/martin-shkreli-l-homme-qui-fait-bondir-le-prix-des-medicaments-inculpe-pour-fraude_4834300_3222.html#gCvrseozeQ56SZlY.99">13,50 à 750 dollars du jour au lendemain</a>.</p>
<p>Le FBI a sifflé le 17 décembre 2015 la fin de la récréation : Shkreli, est désormais le nouveau Madoff. Inculpé de pas moins de sept chefs d’inculpation, il a commis le péché capital dans le système américain : non pas avoir fait gonfler de 5 400 % le prix d’un médicament, mais avoir trompé les investisseurs des deux fonds alternatifs – MSMB Capital Management et MSMB Healthcare Management – dont il était le gérant. Sur la période 2009-2014, <em>Le Monde</em> rappelle ainsi qu’il est soupçonné d’avoir donné une fausse image de la santé financière de ces deux fonds, afin d’attirer de nouveaux investisseurs. Il aurait assuré par exemple en 2010 que sa société MSMB Capital Management avait 35 millions de dollars d’actifs sous gestion, alors qu’il ne détenait que 700 dollars au total.</p>
<p>Pour ma part, lorsque j’avais reçu le mail qui avait attiré mon attention sur le cas « Shkreli », j’avais eu l’attitude hélas trop souvent familière aux chercheurs : la rentrée universitaire s’annonçait, les dossiers à traiter étaient nombreux, sans compter tout le reste. J’avais bien autre chose à faire que de m’intéresser à cet individu… toujours présenté comme fan de hip-hop. Ce qui justifiait le ton sarcastique et inquiet du mail que j’avais reçu. J’en avais surtout retenu une idée : Hilary Clinton en avait fait un « objet politique », alors que la campagne présidentielle américaine battait déjà son plein.</p>
<h2>Deux millions de dollars pour un album de rap</h2>
<p>Mais Shkreli est revenu au cœur de mon agenda scientifique ces derniers temps. Pas question cette fois de médicaments dont le prix aurait artificiellement été gonflé – quoique… – mais de la passion pour le hip-hop du jeune homme, qui conduisit à cette première dans l’histoire de l’industrie : Martin Shkreli venait d’acquérir pour 2 millions de dollars l’unique exemplaire du nouvel album du Wu-Tang Clan, groupe légendaire du rap US : <em>Once Upon a Time in Shaolin</em>.</p>
<p>Le blog « Big Browser » du <em>Monde</em> <a href="http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2015/12/11/lhomme-le-plus-deteste-des-etats-unis-achete-lexemplaire-unique-dun-album-du-wu-tang-clan/">relate</a> les circonstances de cette acquisition qui a déchaîné les réseaux sociaux, sur fond de provocations alimentées par Martin Shkreli lui-même sur son fil twitter (pour info, j’ai voté pour Jay-Z…) :</p>
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<p>L’affaire de cette acquisition est un peu compliquée. En gros, les deux millions de dollars étaient le prix à payer pour posséder l’exemplaire unique de cette œuvre dont l’acquéreur s’engageait à n’assurer aucune diffusion pendant 88 ans. Ce qu’on a entendu aussi, c’est que le Wu-Tang Clan lui-même était à la manœuvre de cette révolution en matière de <em>business model</em> musical : transformer un objet appelé normalement à une distribution massive en une œuvre d’art unique destinée à être échangée exclusivement entre collectionneurs fortunés. Cela nous a rappelé, pour finir, l’affaire de l’album <em>Magna Carta Holy Grail</em> de Jay-Z, dont 1 million d’exemplaires avaient été prévendus à Samsung moyennant 5 millions de dollars pour être rendus disponibles en avant-première et en exclusivité via les smartphones de la marque pendant quelques jours… Souvenez-vous la bande annonce !</p>
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<p>Du coup, je me suis intéressé à la time-line de Martin Shkreli. J’ai noté qu’il était chiffonné des récentes déclarations des membres du Wu-Tang Clan se désolidarisant de cet acquéreur peu recommandable. Sa réponse fut (en résumé) : « Quand quelqu’un vous donne 2 millions de dollars, la moindre des choses c’est de fermer sa gueule ». Pas faux.</p>
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<p>J’avais vu aussi qu’il trouvait qu’on le condamnait bien vite et évoquait son enfance à Brooklyn, laquelle expliquerait donc pour une part ses choix.</p>
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<p>J’avais noté enfin qu’il se plaignait qu’aucun bon journaliste spécialisé dans le hip-hop ne vienne s’intéresser à sa démarche.</p>
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<p>Ce dernier point avait particulièrement attiré mon attention. J’ai donc lu son argumentaire : s’il avait augmenté le prix d’un médicament de 5 400 % c’était aussi pour mieux réinvestir dans d’autres médicaments qui concernent davantage de patients potentiels… mais ne génèrent pas assez de profits pour être mis sur le marché.</p>
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<p>L’argument vaut ce qu’il vaut ; il mériterait assurément des travaux de recherche approfondis pour évaluer la pertinence de cette thèse ; mais il a au moins le mérite d’être formulé. Quand on voit le rôle joué par les armées de lobbystes à Washington et combien l’argent des multinationales coule à flots dans le financement des campagnes électorales américaines, on pourrait avoir ici une explication à l’ire de Madame Clinton dont on sait combien elle est experte d’abord en… calculs politiques.</p>
<p>Dans tous les cas, la seule question qui inquiète désormais les médias sociaux est celle du <a href="http://www.journaldemontreal.com/2015/12/17/quadviendra-t-il-de-lalbum-de-wu-tang-clan">devenir</a> de l’œuvre d’art signée Wu-Tang Clan dans le contexte de l’inculpation de Martin Shkreli, le FBI a tenu à rassurer via son fil Twitter : l’album n’a pas – encore ? – été saisi.</p>
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<p>Suite à l’arrestation de Martin Shkreli, et non sans humour, le site Zerohedge a immédiatement conclu :</p>
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<p>On verra ce que donnera la suite des investigations puisque le cas Madoff a démontré qu’un tel montant en jeu dans une « ponzi » pouvait ne pas être un frein. Mais il vrai que le contexte a changé : nous étions avant la crise de l’été 2007, avant l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008, avant que des montagnes de trillions de dollars ne viennent se déverser sur la finance ponzi mondiale pour éviter que tout s’effondre. Et il est vrai qu’il n’est qu’à juger des angoisses névrotiques hystériques sur les marchés suite à la (toute petite) remontée des taux d’intérêt US par la FED pour juger que, dans la situation d’aujourd’hui et avec tout ce que l’on sait, Bernie Madoff on ne l’aurait peut-être pas arrêté le… <a href="https://en.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Madoff_investment_scandal">11 décembre 2008</a>.</p>
<p>Et de ces longues digressions artistiques, musicales et ponziennes au cours desquelles on espère ne pas avoir trop perdu le lecteur peu familier des univers du hip-hop ou de la gouvernance d’entreprise, on tire trois conclusions.</p>
<ol>
<li>On se souvient que c’est en voulant arrêter le groupe NWA de Dr Dre que le FBI a rendu <strong>au groupe de rap « le plus dangereux du monde »</strong> son plus grand service : il dénonçait les violences économiques, politiques, sociales que subissent d’abord toujours les pauvres, sur fond de bonne conscience moralisatrice des riches. Est-on en passe de voir la même chose se produire avec le cas du hip-hop business case de Martin Shkreli contre les géants de l’industrie pharmaceutique ? L’avenir le dira. Mais ce qui désormais une certitude, c’est qu’on va suivre la suite de la série « Shkreli » très attentivement.<br></li>
</ol>
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<ol>
<li>On est tenté de dire au site <em>Zerohedge</em> qui s’inquiète actuellement de <strong>l’avenir de Christine Lagarde</strong> qu’en fait, le vrai bonheur de Martin Shkreli, c’est d’exercer aux USA puisque dans notre vieille aristocratie « à la française », sa probabilité de quitter sa cité de départ aurait été proche de zéro. Mais cela pourrait bien être sa malchance aussi puisqu’en France, on a toujours d’excellentes raisons (d’État) – ou trop peu de compétences, c’est au choix… – de ne pas ouvrir les portes interdites et donc de ne pas dénoncer les ponzis qui sont pourtant évidentes. Dans cette démocratie française « incomplete » comme la qualifie <em>The Economist</em>, si vous avez fait les bonnes études et appartenez aux bons corps, votre probabilité d’être un jour sérieusement poursuivi et condamné est quasi nulle (remember, boys & girls, les équipes de direction du Lyonnais, de Vivendi, d’EADS, de la Société Générale ou encore… de l’ancien ministre Tapie). Bref, un beau pays, véritable paradis judiciaire pour l’élite bâti sur le dos toujours d’un enfer fiscal pour les contribuables « moyens ».<br></li>
</ol>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"677582619949834241"}"></div></p>
<ol>
<li>On est tout simplement sidéré au vu de tout ce qui a été relaté précédemment de l’absence générale de pertinence, de rigueur et de robustesse des <strong>travaux de recherche publiés dans les « meilleures revues »</strong>, c’est-à-dire celles qui se rêvent strictement académiques. Une entrée par le mot clé « Ponzi » ne donne pas grand-chose, si ce n’est une accroche de convenance sur fond de cris de vierges effarouchées pour introduire un article académique. Il y aurait pourtant toute une histoire du capitalisme managérial théorisé par Alfred Chandler à refaire, en prenant au sérieux cette figure de la pyramide de Ponzi. Cela supposerait de se penser autrement qu’en archéologue armé de brosse à dents comme le défend avec Maestria le Pr. Alain Martinet dans une intervention lors du colloque à l’université de Poitiers consacré aux approches paradoxales en management. <a href="http://uptv.univ-poitiers.fr/embed/4993/">1 h d’écoute</a> à déguster.</li>
</ol>
<p>Avant de glisser – à nouveau – l’album <em>Nero Nemesis</em> de Booba dans ses écouteurs. En sélectionnant un track en particulier : « Zer ». Puisqu’il y parle de « Zer, la nouvelle monnaie ». Et que le refrain résonne de manière étonnante avec notre actualité :</p>
<blockquote>
<p>O.G. Kush dans le bang<br>
Voiture allemande, dis à ton chef de gang<br>
Bat les couilles de l’offre et de la demande<br>
On prend tout le terrain<br>
Tout est noir comme Doudou Niang<br>
Dans le game j’ai crocs de félins<br>
36 Chambers, Wu-Tang-Clan<br>
Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang-Clan<br>
Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang-Clan<br>
Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang-Clan<br>
Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang, Wu-Tang-Clan</p>
</blockquote>
<p><em>Source : site <a href="http://genius.com/Booba-zer-lyrics">Rap Genius</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52543/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Martin Shkreli ne jouait pas seulement sur le marché du médicament mais aussi avec l’épargne des autres. Faute ! Retour sur les errements d’un malfaiteur flamboyant par ailleurs très amateur de rap.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.