tag:theconversation.com,2011:/us/topics/hongkong-35661/articlesHongkong – The Conversation2024-01-14T16:26:27Ztag:theconversation.com,2011:article/2197732024-01-14T16:26:27Z2024-01-14T16:26:27ZKouang Tchéou Wan : la concession française qui voulait rivaliser avec Hongkong<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567131/original/file-20231221-21-glb7sp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C907%2C578&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Miliciens chinois et officiers français dans le territoire français de Kouang Tchéou Wan. Carte postale des années 1920 ou 1930.</span> </figcaption></figure><p>La célébration du soixantième anniversaire de <a href="https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/39242">l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la République populaire de Chine</a> (27 janvier 1964) invite à se retourner sur la longue histoire du lien entre les deux pays et, notamment, sur un épisode peu connu : celui de Kouang Tcheou Wan (KTW).</p>
<p>En 1899, la France signe un bail de 99 ans avec la Chine pour l’acquisition de ce territoire de 1 300 km<sup>2</sup>, peuplé d’environ 200 000 habitants, situé sur la péninsule de Leizhou, dans le sud de la Chine continentale. KTW aurait donc dû être restitué en 1998, peu après le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/en-1997-la-chine-recupere-hong-kong-et-fait-des-promesses-8398189">retour de Hongkong dans le giron chinois</a>. Mais il le fut dès 1946. Ce pan de l’histoire de la présence française en Chine est le symbole d’un échec de l’expansion française sur le continent asiatique.</p>
<p>L’implantation d’une concession française dans cette région est le fruit d’une politique chinoise de développement économique : au XIX<sup>e</sup> siècle, la Chine a décidé de céder des parties de son territoire à des puissances étrangères dans le but de faciliter son développement économique grâce aux investissements. C’est ainsi que la Russie (Lushunkou, 1897), la Prusse (Qingdao, 1898) ou encore le Royaume-Uni (Hongkong, 1898) se sont implantés en Chine.</p>
<p>Par le bail signé le 16 novembre 1899, Paris rattache administrativement ce territoire à <a href="https://cafi-histoires-memoires.fr/l-indochine/la-france-en-indochine">l’Indochine, instaurée en 1887</a>, et nomme sa capitale Fort-Bayard (aujourd’hui Zhanjiang), une petite ville cotière. La concession de Kouang Tchéou Wan s’est faite par le biais d’un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5839871c/f77.item">échange de lettres</a> et non pas via un traité, démontrant la grande prudence de la Chine, qui précise dans ces lettres que « cette location n’affectera pas les droits de souveraineté de la Chine sur les territoires concédés », c’est-à-dire que Pékin reprendra entièrement la main 99 ans plus tard.</p>
<h2>Une concession aux enjeux stratégiques</h2>
<p>À travers l’obtention de cette concession, la France avait pour objectif de rivaliser avec le développement économique des Britanniques installés à Hongkong un an plus tôt. Paul Doumer, alors gouverneur général de l’Indochine, a choisi cette baie où le riche sous-sol avait été prospecté par un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3754332.r=claudius%20madrolle?rk=193134;0">explorateur français en 1896</a> mais qui avait été qualifiée dans les cartes britanniques de « baie sans espoir ».</p>
<p>Avant Kouang Tchéou Wa, la France a déjà possédé des concessions en Chine à l’image de <a href="https://www.cairn.info/la-france-en-chine--9782262042097-page-226.htm">Shanghai</a> (1849-1946), <a href="https://souvenir-francais-asie.com/tag/concession-franco-britannique-de-shamian/">Canton</a> (1861-1946), <a href="https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01985187/document">Tientsin</a> (1861-1946) ou encore <a href="https://www.lepoint.fr/histoire/la-longue-histoire-des-francais-a-wuhan-03-05-2020-2373900_1615.php">Hankéou/Wuhan</a> (1886-1943). Ces précédentes concessions interdisaient cependant la construction d’un port destiné à la marine française, pour ne pas concurrencer les installations existantes (à Canton ou Shanghai), d’où le choix de KTW, où il n’y avait pas de port industriel.</p>
<p>Depuis ce port, la France pouvait ainsi exporter des produits miniers, contrôler le trafic maritime en mer de Chine méridionale pour mieux exporter, éviter la contrebande et éliminer les pirates <a href="https://www.entreprises-coloniales.fr/inde-indochine/Kouang-tcheou-Wan.pdf">(quelques centaines d’après la presse de l’époque</a>. Le phare de Fort-Bayard, construit en 1904, est emblématique de cette stratégie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565495/original/file-20231213-14492-t4vjqa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte postale avec le phare de Nao Tchéou. 1905.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Phare_de_Nao-Tchéo_%28Nǎozhōu%29_1905_%28carte_postale%29.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Une chambre de commerce française est ouverte en 1930. La France organise administrativement le territoire en remplaçant les mandarins locaux, en recensant la population et les armes en circulation, en mettant en place un système d’impôts et de douane ainsi qu’un système judiciaire et un service de renseignement pour prévenir les risques de soulèvements et s’informer sur la piraterie. La présence française prend aussi une dimension militaire avec l’installation de trois bataillons d’infanterie de marine, une section d’artillerie, un bataillon de tirailleurs chinois et une milice chinoise.</p>
<h2>Le faible développement et la fin de la présence française</h2>
<p>KTW va se développer lentement et ne connaîtra pas le même succès économique que Hongkong. La population totale n’a pas réussi à dépasser les 200 000 habitants (dont seulement une centaine de Français). Dès le début, le développement est menacé par le manque de financement et l’hostilité des habitants. Les fonctionnaires ne reçoivent pas toujours leur paie, et l’approvisionnement en charbon des navires de passage est difficile tandis que les installations télégraphiques se font attendre.</p>
<p>KTW passe ainsi pour un <a href="https://journals.openedition.org/abpo/3492">« territoire oublié de la Marine »</a> marqué par un certain isolement et un quotidien morose d’après Charles Broquet, médecin de la Marine stationné à Kouang Tchéou Wan. Les épidémies de peste et la dysenterie rendent la vie sur place difficile, d’autant que les pirates, qui procèdent notamment à des enlèvements, demeurent une menace constante.</p>
<p>En matière d’échanges économiques, les exportations sont majoritairement tournées vers Hongkong, qui n’impose pas de droits de douane, au détriment de l’Indochine. La distance joue aussi un rôle, KTW se trouvant à 22 heures de route de Hongkong et 48 heures de Haiphong, la ville côtière indochinoise la plus proche. KTW devient ainsi simplement un satellite de Hongkong. Le chiffre d’affaires du commerce est toutefois trois fois supérieur à celui de La Rochelle mais correspond seulement à un quart du trafic du port aquitain (les marchandises étant plus coûteuses et plus rares).</p>
<p>D’après la géographe <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1925_num_34_187_8102">Andrée Choveaux</a>, l’agriculture a néanmoins fortement progressé durant la période. Avant l’arrivée de la France, la production locale de riz ne suffisait pas à la consommation locale et avait rendu indispensable le développement de nouvelles rizières afin de satisfaire les besoins grandissants.</p>
<p>Dans le même temps, la culture de la pomme de terre et du sel et la pêche ont aussi connu un développement alors que le coton, lui, n’a pu être développé en raison du climat et notamment des typhons fréquents. L’installation de sucreries, tanneries et briqueteries a complété l’industrie locale. Cependant, la Banque de l’Indochine, qui a alors le monopole de l’émission de la monnaie dans les colonies françaises d’Asie et du Pacifique, ne s’installe à KTW qu’à partir de 1925, signe d’une économie locale faible et peu intéressante.</p>
<p>Après la Première Guerre mondiale, la France souhaite mettre fin à son implantation en Chine et se recentrer sur l’Indochine, prenant conscience que KTW ne rivalisera pas avec Hongkong dont la population a doublé, atteignant plus de 600 000 habitants. En 1925, face à la pression impérialiste japonaise ayant des visées sur les côtes chinoises depuis plusieurs décennies, la France pense à transformer KTW en port de guerre. Cependant, les crédits ne suivent pas, notamment à cause de la crise économique des années 1930, et le projet ne voit jamais le jour.</p>
<p>En 1943, le territoire est occupé par le Japon. Le 18 août 1945, à Chongqing, la France et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_de_Chine_(1912-1949)">République de Chine</a> (le régime qui a précédé la RPC) signent un acte de rétrocession du territoire. Le drapeau français est retiré le 20 novembre 1945 et la ville de Fort-Bayard change de nom pour redevenir Zhanjiang. L’idée de rétrocession avait été évoquée dès 1922, mais la France militait pour une rétrocession générale de toutes les concessions étrangères, qualifiées en 1924 de « traités inégaux » par <a href="https://www.cairn.info/les-trente-empereurs-qui-ont-fait-la-chine--9782262051587-page-459.htm">Sun Yat-sen</a>, premier président de la République de Chine, soulignant leur caractère discriminatoire et déséquilibré. Une première concession britannique, Wei-Ha-Wei, avait fini par être rétrocédée en 1930 après 7 ans de négociations.</p>
<h2>L’héritage français</h2>
<p>En 1940, la France avait inauguré un monument en bronze en souvenir de l’escale de six mois à KTW du bateau Amphitrite en 1701-1702 lors de son second voyage en Chine. Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de la présence française, si ce n’est quelques monuments chinois, dont certains symbolisent l’hostilité à l’ancien pouvoir colonial.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565496/original/file-20231213-17-bhtqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Monument à la résistance anti-française.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Suixi_County_-_P1580467_-_Huanglüe_People_Anti-French_Resistance_Monument.jpg?uselang=fr">Vmenkov/Wikimedia</a></span>
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<p>Le quotidien des Français sur place a laissé une image ternie par le trafic d’absinthe et d’opium, dont KTW était une plaque tournante. Pour l’historien spécialiste du territoire <a href="https://www.lesindessavantes.com/ouvrage/kouang-tcheou-wan-colonie-clandestine/">Antoine Vanière</a>, la concession a été gérée comme une colonie mais avec opacité et affairisme. La France avait formé localement des cadres et une élite francophone d’un millier de personnes, avec un lycée français d’enseignement bilingue. Cependant, la francophonie a rapidement chuté dans les années 1960, lorsque parler français était considéré comme une attitude impérialiste.</p>
<p>À l’inverse, pour <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5839871c/f1.item">Alfred Bonningue</a>, fervent défenseur du colonialisme français, la présence française a été source de bienfaits avec des avancées dans les domaines sanitaires (hôpitaux), de l’instruction publique (collège Albert Sarraut) ou de la sécurité (paix, justice avec de nouveaux tribunaux et suppression des châtiments corporels). L’auteur avance une comparaison avec les investissements réalisés au Niger qui avait une population cinq fois plus importante, mais où les investissements français ont été inférieurs à 40 % de ceux réalisés à KTW.</p>
<p>L’héritage français se retrouve encore aujourd’hui à travers la religion catholique, pratiquée par environ 5 % de la population à Zhanjiang. Enfin, en 2014, la ville de Zhanjiang a construit une rue « à la française » sur le thème du voyage et des loisirs pour développer le tourisme. Cette rénovation s’inscrit dans une politique plus large qui promet de protéger et de rénover les anciens bâtiments de style français (police, église, chambre de commerce, phare), et de favoriser le développement du secteur de la mode.</p>
<h2>Zhanjiang aujourd’hui</h2>
<p>Après le départ des Français, Zhanjiang s’est développée rapidement : une base navale est construite en 1956 par le gouvernement chinois qui y abrite une flotte de guerre. Sa localisation stratégique sur les côtes de la mer de Chine a rapidement fait prospérer la ville, dont le port lui permet de commercer avec une centaine d’autres cités de Chine et d’ailleurs en Asie et dans le reste du monde.</p>
<p>Dès 1984, la Chine a ouvert la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ouverture-economique-chinoise">Zhanjiang Economic and Technological Development Zone</a>, permettant ainsi à la ville de recevoir des investisseurs étrangers. Cette zone favorise aussi l’implantation d’entreprises de biotechnologies et d’informatique. Les secteurs des chantiers navals et des industries automobiles, électriques et textiles fleurissent, tout comme les raffineries de sucre, minoteries et usines chimiques. Le tourisme se développe aussi, avec l’inauguration de parcs d’attractions. Aujourd’hui, Zhanjiang entretient des relations étroites avec Taïwan, notamment dans le domaine agricole, renforçant ainsi son rôle stratégique.</p>
<p>La présence française à Kouang Tchéou Wan de la Chine reste un échec, pour ne pas parler de <a href="https://www.cairn.info/nouvelle-histoire-de-l-indochine-francaise--9782262088019-page-170.htm">fiasco</a>. Le parallèle avec Hongkong est frappant : de tailles presque comparables – chacune abrite aujourd’hui environ 7 millions d’habitants – les deux sites ont connu des destins complètement différents et la politique économique britannique, plus audacieuse, y est pour beaucoup.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Aymard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Méconnu, le territoire Kouang Tchéou Wan est un fragment de l’histoire de la présence française en Chine. Son développement économique fut un échec vis-à-vis de sa rivale Hongkong.Stéphane Aymard, Ingénieur de Recherche, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966142022-12-18T18:09:19Z2022-12-18T18:09:19ZFin du zéro Covid en Chine : conséquences et risques pour une population peu immunisée<p>La Chine est le seul grand pays qui, jusqu’à récemment, a continué à appliquer une stratégie « zéro Covid ». Depuis le 7 décembre dernier, elle fait désormais machine arrière. D’autres pays, dont l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Singapour, avaient également cherché à éliminer totalement le Covid de leur territoire en début de pandémie, mais tous avaient finalement abandonné cette approche. Les coûts sociaux et économiques croissants étaient devenus insoutenables, tout comme les efforts exigés… face à la prise de conscience que l’élimination locale du Covid ne pouvait être que transitoire.</p>
<p>En République populaire de Chine, la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7272157/">stratégie sanitaire</a> qui s’appuyait sur des mesures comme les tests PCR de masse, la fermeture de villes et de provinces entières ou la mise en quarantaine de toute personne susceptible d’avoir été exposée au virus, est à son tour devenue impossible à tenir.</p>
<p>La <a href="https://www.reuters.com/world/china/shanghai-separates-Covid-positive-children-parents-virus-fight-2022-04-02/">dureté</a> et souvent <a href="https://thediplomat.com/2022/09/resentment-is-rising-against-chinas-zero-Covid-policies/">l’application arbitraire</a> du zéro Covid a alimenté une fatigue et un ressentiment croissant au sein de la population, qui se sont traduits récemment par de grandes manifestations publiques.</p>
<p>Les restrictions ont également montré leurs limites face à <a href="https://theconversation.com/omicron-les-problemes-que-pose-un-variant-trois-fois-moins-severe-mais-deux-fois-plus-transmissible-174587">Omicron</a> : moins sévère mais plus transmissible, ce variant a une <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2795489">période d’incubation</a> plus courte que les précédentes lignées du SARS-CoV-2, et il <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-022-01143-7">contourne</a> largement la protection contre l’infection conférée par les vaccins originaux.</p>
<p>Il est compréhensible que les autorités chinoises finissent maintenant par prendre des mesures pour <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/12/la-chine-confrontee-a-une-violente-flambee-de-Covid-19_6154001_3210.html">assouplir les restrictions</a>… Cependant, la sortie d’une politique zéro Covid a été douloureuse pour tous les pays qui l’ont faite. Et la Chine ne fera pas exception, elle est même confrontée à des défis uniques dans cette transition.</p>
<h2>Une faible immunité de la population chinoise</h2>
<p>Le contrôle strict de la Chine sur sa population lui a permis d’empêcher une transmission générale du Covid à tout son (immense) territoire depuis début de 2020 – ce qui est un tour de force. Les près de 10 millions de cas signalés à l’<a href="https://covid19.who.int/region/wpro/country/cn">Organisation mondiale de la santé</a> ces trois dernières années (les chiffres diffèrent selon les sources) ne représentent qu’une infime partie de ses 1,412 milliard d’habitants. Mais cette réussite a pour conséquence malheureuse que sa population n’a acquis qu’une immunité minimale contre le Covid par exposition au virus.</p>
<p>Qu’en est-il de l’immunité vaccinale ? Les <a href="https://ourworldindata.org/grapher/people-fully-vaccinated-Covid?tab=chart&stackMode=absolute&region=World&country=%7ECHN">taux de vaccination en Chine</a> sont comparables à ceux des pays occidentaux… Mais ils montrent une caractéristique inhabituelle : ils <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanhl/article/PIIS2666-7568(22)00129-5/fulltext">diminuent avec l’âge</a>. Alors qu’elles sont les plus exposées au risque de formes graves du Covid, les personnes âgées sont ainsi le groupe démographique le moins vacciné avec seulement <a href="https://www.bbc.co.uk/news/63798484">40 % des personnes de plus de 80 ans</a> ayant reçu trois doses.</p>
<p>Autre point : l’efficacité des vaccins contre la transmission a été sévèrement mise à l’épreuve, surtout depuis qu’Omicron a commencé à se propager fin 2021. Toutefois, la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-30895-3">protection contre les formes les plus sévères et la mort procurée par les vaccins à ARNm utilisés par les pays occidentaux restait, elle, solide</a>.</p>
<p>Mais la Chine a utilisé des vaccins différents de sa conception, dits « inactivés », fabriqués par les sociétés Sinovac et Sinopharm. Ce type de vaccin est basé sur des agents pathogènes (en l’occurrence le SARS-CoV-2, le virus responsable du Covid-19) qui sont tués, ou inactivés, avant leur inoculation. Si ces vaccins sont généralement sûrs, ils ont tendance à susciter des <a href="https://theconversation.com/from-adenoviruses-to-rna-the-pros-and-cons-of-different-Covid-vaccine-technologies-145454">réponses immunitaires plus faibles</a> que les nouvelles technologies – telles celles employées dans les <a href="https://theconversation.com/points-forts-limites-risques-decryptage-de-la-technologie-des-vaccins-a-arn-152333">vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna)</a> ou à vecteur adénoviral (AstraZeneca et Johnson & Johnson).</p>
<p>Les performances des vaccins chinois ont ainsi été mitigées. Alors que deux doses du vaccin Sinovac semblent avoir permis de <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2107715">réduire les décès de 86 % au Chili</a>, les résultats à Singapour suggèrent une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35412612/">moins bonne protection</a> contre les formes sévères que leurs équivalents à ARNm.</p>
<p>Certes, le variant Omicron (via ses nombreux sous-variants), dominant au niveau mondial, est associé à une <a href="https://www.bmj.com/content/378/bmj.o1806">gravité de la maladie et un taux de mortalité significativement plus faibles</a> que le variant Delta qu’il a remplacé… Mais il reste une menace majeure pour les populations peu immunisées, en particulier les personnes âgées.</p>
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<h2>Le cas de Hongkong : un précurseur ?</h2>
<p>Début de l’année 2022, Hongkong a été confronté à des problèmes similaires à ceux de la Chine continentale, avec une exposition préalable faible de sa population au virus. Hongkong avait même des taux de vaccination des personnes âgées encore plus faibles que ceux de la Chine actuellement, mais un système de santé plus solide.</p>
<p>Pourtant, la vague Omicron qui a balayé la mégalopole en mars 2022 <a href="https://www.ft.com/content/6e610cac-400b-4843-a07b-7d870e8635a3">a entraîné plus de décès cumulés par million d’habitants</a> en quelques jours que ce que de nombreux pays ont connu pendant toute la pandémie…</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe montrant les morts du Covid (chiffres en cumulés par millions de personnes) : Honk Kong, Danemark, Canada… " src="https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/499125/original/file-20221205-22-khisz3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ourworldindata.org/covid-deaths">Our World in Data/Johns Hopkins University</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les infections au Covid augmentent maintenant rapidement en Chine, dépassant les <a href="https://ourworldindata.org/Covid-cases">30 000 nouveaux cas quotidiens</a> début décembre (<em>pour tomber moins de 9000 ces jours-ci, du fait de la fin des tests PCR systématiques : attention, ces chiffres ne sont plus significatifs, les particuliers n’informant plus forcément les autorités des résultats des autotests pratiqués à domicile, ndlr</em>). Avec l’assouplissement des restrictions et l’arrêt de la principale application de traçage des déplacements, il ne fait aucun doute que la hausse des contaminations va continuer.</p>
<p>Étant donné le faible niveau d’immunité en Chine, une forte augmentation du nombre de cas pourrait probablement entraîner un grand nombre d’hospitalisations et conduire à un nombre dramatique de décès.</p>
<p>Si nous supposons que 70 % de la population chinoise est infectée au cours des prochains mois, et que 0,1 % des personnes infectées meurent (une estimation prudente du taux de mortalité de l’omicron dans une population peu exposée au SARS-CoV-2), un calcul simple suggère que le nombre de décès pourrait frôler le million. Une modélisation de l’université Fundan (Shanghai) arrivait à un chiffre de <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-022-01855-7">1,55 million</a>.</p>
<p>À ce stade, la Chine ne peut pas faire grand-chose pour éviter un nombre important de cas et de décès. Toute <a href="https://www.aljazeera.com/news/2022/11/29/china-ramps-up-Covid-vaccinations-for-its-elderly-after-protests">campagne de vaccination</a> axée sur les personnes les plus vulnérables est toutefois toujours susceptible d’être bénéfique.</p>
<p>Les services de santé chinois sont assez fragiles et la pénurie de lits en soins intensifs représente une <a href="https://ccforum.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13054-020-02848-z">vulnérabilité particulière</a>. Une levée progressive des restrictions comme l’ont fait d’autres pays est une option pour tenter d’« aplanir la courbe » et éviter que son système sanitaire ne soit débordé. Un aiguillage efficace des patients, en veillant notamment à ce que seuls ceux qui ont le plus besoin de soins soient admis à l’hôpital, pourrait contribuer à réduire le nombre de décès si l’épidémie explosait.</p>
<h2>Une population vulnérable</h2>
<p>Une vague importante de Covid en Chine n’aura pas nécessairement un impact significatif sur la situation mondiale. Les lignées de SARS-CoV-2 qui se propagent actuellement dans le pays, <a href="https://theconversation.com/Covid-what-we-know-about-new-omicron-variant-bf-7-196323">comme BF.7</a> (qui se transmet plus vite et avec une période d’incubation plus courte et une plus grande capacité à infecter que les autres variants d’Omicron ; avec un nombre de personnes contaminées en l’absence de mesures de contrôle de la transmission par un individu infecté, ou R0, de 10 ou plus), se retrouvent déjà ailleurs dans le monde.</p>
<p>De plus, la circulation dans une population peu protégée au niveau immunologique ne devrait pas exercer de pression supplémentaire importante sur le virus au point qu’il doive développer de nouveaux variants pour continuer à se propager.</p>
<p>Mais pour la Chine elle-même, la situation est différente. Elle pourrait être confrontée à une possible catastrophe humanitaire, et il s’agit là d’un défi bien plus important.</p>
<p>Les autorités chinoises ont été les premières à prendre des mesures sans précédent pour enrayer la propagation virale et à s’en faire les championnes, fournissant à la planète un modèle drastique de gestion de la pandémie. La Chine a ensuite appliqué ces mesures plus impitoyablement et plus longtemps que tout autre grand pays.</p>
<p>Particulièrement efficace dans un premier temps, la politique zéro Covid s’avère être, sur le long terme, <a href="https://theconversation.com/quelle-strategie-de-vaccination-anti-Covid-controler-ou-eradiquer-le-coronavirus-165186">presque « futile » face à l’adaptabilité du SARS-CoV-2</a>. Alors que sa population a été plus épargnée que beaucoup d’autres et est de ce fait moins protégée immunologiquement, la Chine est désormais rattrapée par les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/08/la-chine-renonce-a-la-strategie-zero-Covid-pour-tenter-de-relancer-la-croissance_6153526_3210.html">coûts sociaux et économiques</a> de cette stratégie. Et le virus va continuer à se diffuser, comme il l’a fait partout ailleurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196614/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francois Balloux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine acte la fin de sa stricte stratégie zéro Covid. Niveau d’immunité de sa population, vaccination… : quelle est la situation du pays face au virus ? Quelle évolution est envisageable ?Francois Balloux, Chair Professor, Computational Biology, UCLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1932362022-10-27T17:42:16Z2022-10-27T17:42:16ZFosun : la maison mère du Club Med face au mur de la dette<p>Connu en France pour ses participations dans le Club Méditerranée, le groupe de luxe Lanvin (qui comprend également les maisons Sergio Rossi ou Wolford) ou la margarine Saint-Hubert, Fosun, le conglomérat du milliardaire chinois Guo Guangchang, connaît des <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/15/doutes-sur-la-solidite-financiere-du-chinois-fosun-le-proprietaire-du-club-med_6141703_3234.html">difficultés financières majeures</a>. Ces difficultés récentes se sont d’ailleurs traduites par une dégradation importante de son cours boursier (<a href="https://finance.yahoo.com/quote/0656.HK/">-45 % en un an</a> quand l’indice Hang Seng de la bourse de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/hongkong-35661">Hongkong</a> <a href="https://fr.finance.yahoo.com/quote/%5EHSI/">baissait de 34 %</a>).</p>
<p><iframe id="Plu0J" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Plu0J/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="82wyp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/82wyp/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Fondé en 1992 avec un siège social à Shanghai, une cotation boursière à Hongkong et une holding de tête dans les îles Vierges britanniques, le groupe s’est constitué par rachats successifs. Il est aujourd’hui présent dans de très nombreux domaines d’activité : finance, banque, assurance, sidérurgie, divertissement, tourisme, santé, etc. et emploie près de <a href="https://www.fosun.com/fr/about/">96 000 personnes</a>.</p>
<h2>Une dégradation importante de la solvabilité</h2>
<p>L’origine de ses difficultés est à rechercher du côté de la dégradation de sa situation financière avec une érosion de sa marge d’exploitation. Ce ratio, qui rapporte le résultat d’exploitation (issu de la production seulement) au chiffre d’affaires et mesure ainsi la performance opérationnelle devient négatif à partir de 2019. La rentabilité du conglomérat apparaît ainsi davantage d’ordre financier qu’économique, celle-ci étant dopée par un effet de levier, c’est-à-dire à un recours à l’endettement plutôt qu’aux capitaux propres pour financer ses investissements.</p>
<p><iframe id="X27St" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/X27St/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette situation se combine avec un chiffre d’affaires en forte croissance (+18 % en 2021). Cette hausse de l’activité nécessite d’accroître le recours à la dette et accentue la détérioration de la solvabilité de Fosun. La capacité de remboursement ne cesse ainsi de se dégrader avec une dette financière nette représentant 14,3 années d’ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) à la fin 2021, bien au-delà des 3 à 5 ans communément admis comme un maximum.</p>
<p><iframe id="84qQ0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/84qQ0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela a d’ailleurs conduit les agences de notation à placer les émissions de dettes de Fosun dans la catégorie spéculative, voire hautement spéculative : B1 pour Moody’s et BB – pour Standard & Poor’s. Comme le note Bloomberg, cela s’est traduit par une <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-10-17/fosun-intl-halts-trading-pending-inside-information-release?leadSource=uverifywall">dégradation nette de la valorisation</a> de certaines des émissions obligataires de Fosun qui pour certaines sont cotées à moins de 60 % de leur valeur faciale.</p>
<p>En outre, la liquidité même de Fosun pourrait être compromise selon Bloomberg car à la mi-septembre, Fosun International et les entités liées faisaient face à quelque 8 milliards de dollars d’obligations à échéance d’ici la fin de 2023. L’annonce, le 24 octobre, que Fosun mettait <a href="https://en.fosun.com/content/details74_6968.html">fin à sa relation avec Moody’s</a> n’est pas non plus de nature à rassurer les investisseurs car ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait chuter la température.</p>
<h2>La fin de l’effet de levier</h2>
<p>Au cours de l’année 2022, Fosun s’est séparé de nombreux actifs pour un montant estimé à <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">près de 5 milliards de dollars</a>, selon le Financial Times. Fosun a ainsi annoncé le 19 octobre se séparer de sa participation de 60 % dans le groupe sidérurgiste Nanjing Iron & Steel Co pour 16 milliards de yuans, soit <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/en-difficultes-fosun-le-proprietaire-du-club-med-accelere-ses-cessions-dactifs-1871210">2,26 milliards d’euros</a>.</p>
<p>Dans sa dernière mise sous surveillance, Moody’s signale d’ailleurs la <a href="https://www.moodys.com/research/Moodys-places-Fosuns-B1-rating-on-review-for-downgrade--PR_469984">nécessité pour Fosun de lever des fonds</a> soit par le biais de banques ou de ventes d’actifs pour répondre adéquatement à ses besoins de refinancement avec le risque de se séparer à prix cassés d’actifs intéressants dans une période économique incertaine. Et le groupe serait en négociation avec des banques chinoises pour obtenir une <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">ligne de crédit de 2 milliards de dollars</a>.</p>
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<p>Comme l’indique le <a href="https://www.ft.com/content/1d8dfd40-5302-4f14-a673-3aad425ee49a">Financial Times</a>, Fosun est devenu un exemple des problèmes des entreprises qui sont surendettées. Le levier financier qui permettait jusqu’ici d’optimiser la rentabilité financière grâce à la dette pourrait se transformer en effet de massue et mettre en danger la pérennité des entreprises qui y ont eu trop recours.</p>
<p>En effet, ces entreprises ont bénéficié de deux phénomènes concomitants qui ont favorisé leur propension à l’endettement. D’une part, une croissance économique solide jusqu’à la pandémie du Covid-19 leur permettant de dégager des marges et une rentabilité confortables. D’autre part, des taux d’intérêt très faibles et un accès aisé à l’endettement favorisés par les politiques accommodantes des banques centrales. Mais cette situation a pris fin avec la dégradation généralisée des perspectives économiques et un <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">resserrement des politiques monétaires</a> pour lutter contre l’inflation se traduisant par un durcissement des conditions de financement, une hausse des taux d’intérêt et donc du coût de l’endettement.</p>
<p>On avait déjà pu constater que, parmi les entreprises les plus touchées par la crise du Covid-19, certaines avaient eu du mal à s’en relever en raison d’un <a href="https://theconversation.com/pour-les-fonds-vautours-le-black-friday-cest-maintenant-150853">usage intensif du levier financier</a>. Ce problème pourrait s’étendre aujourd’hui à beaucoup plus d’entreprises qui font face à un effet ciseau. D’un côté, l’ensemble des secteurs sont touchés notamment par le renchérissement du prix de l’énergie qui dégrade leurs fondamentaux et de l’autre les conditions de financement se sont également détériorées pour toutes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193236/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby est Délégué Général de la FNEGE (Fondation Nationale pour l'Enseignement de la Gestion des Entreprises)</span></em></p>Les déboires du conglomérat chinois illustrent les difficultés actuelles des entreprises qui ont misé ces dernières années sur le levier financier en s’endettant lourdement.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1742972022-01-04T19:05:18Z2022-01-04T19:05:18ZHongkong, vitrine de la « démocratie à la chinoise », au corps défendant de ses habitants<p>Les <a href="https://asialyst.com/fr/2021/12/18/elections-hong-kong-disparition-libertes-reactions-internationales-tournant-autoritaire/">élections législatives</a> qui ont eu lieu le 19 décembre à Hongkong ont parachevé l’alignement du système politique hongkongais sur celui de la Chine.</p>
<p>Pékin célèbre ce scrutin comme une victoire de la démocratie, en dépit du fait que les Hongkongais ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/20/les-hongkongais-ont-boude-les-elections-patriotiques_6106791_3210.html">voté « non » avec leurs pieds</a>.</p>
<p>Ces élections, marquées par un taux d’abstention record (la participation n’a été que d’environ 30 %), ont vu les candidats pro-Pékin rafler 89 des 90 sièges du Parlement.</p>
<h2>L’orchestration d’un plébiscite</h2>
<p>Il ne pouvait en être autrement. Le scrutin a été organisé dans un territoire où il n’existe <a href="https://asialyst.com/fr/2019/02/01/benny-tai-yiu-ting-hong-kong-etat-de-droit-autoritaire-chine-democratie/">plus d’État de droit</a>, plus de société civile, plus de liberté de la presse, plus d’opposition politique et où le système électoral a été <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/03/30/la-chine-adopte-une-reforme-radicale-du-systeme-electoral-a-hongkong_6074944_3210.html">réformé</a> pour ne permettre l’élection que de personnalités loyales à Pékin.</p>
<p>L’adoption en juin 2020 de la <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2021/06/hong-kong-national-security-law-has-created-a-human-rights-emergency/">Loi sur la sécurité nationale</a> (LSN), qui condamne en termes extrêmement vagues les crimes de subversion, collusion avec les forces étrangères, sécession et activités terroristes et les rend passibles de prison à vie, s’est accompagnée de la création de nouvelles institutions, placées sous la férule de Pékin, pour la faire respecter. Ces institutions, de même que la reprise en main de la police, au sein de laquelle a été créée une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/hong-kong-la-police-obtient-des-pouvoirs-hors-norme-pour-surveiller-la-population-1374682">véritable agence d’espionnage</a> aux pouvoirs très étendus, et de la justice, où des juges spécialement désignés instruisent les dossiers des personnes arrêtées par la police spéciale, instaurent un état d’exception qui permet aux autorités hongkongaises d’<a href="https://qz.com/2012306/hong-kong-now-has-a-massive-national-security-complex/">« arrêter, détenir, censurer, perquisitionner, interdire et persécuter »</a> sans garde-fou. De fait, cette loi et les réformes systémiques qui l’ont accompagnée ont achevé de faire disparaître toute opposition, que ce soit au sein de la société ou du système politique.</p>
<p>Les organisations de la société civile, autrefois l’une des plus dynamiques d’Asie, ne s’y sont pas trompées : une cinquantaine d’entre elles, notamment les piliers historiques du mouvement pro-démocratie hongkongais, <a href="https://www.rights-practice.org/news/hong-kong-civil-society">se sont auto-dissoutes depuis cet été</a>.</p>
<p>Quant aux médias, ils font l’objet d’une lente érosion depuis 2014 : suite au parachutage de cadres du Parti communiste chinois dans les rédactions, au rachat par des entreprises chinoises, à la persécution des journalistes, l’auto-censure, voire la censure ouverte, s’est installée. Cette dernière a notamment touché l’opérateur public <a href="https://www.rthk.hk/?lang=en">Radio Television Hongkong</a>, qui a dû <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-05-mai-2021">supprimer de ses archives tous les documentaires ayant trait aux mouvements démocratiques</a>. S’y ajoutent des coups d’éclat, comme celui dont ont été victimes l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/25/a-hongkong-les-adieux-a-l-apple-daily-journal-d-opposition-ferme-par-les-autorites_6085673_3210.html">Apple Daily</a>, dont les bureaux ont été perquisitionnés et fouillés, et son fondateur Jimmy Lai, condamné à 20 mois de prison en décembre 2020 sous le coup de la LSN. Par conséquent, Hongkong n’a cessé de dégringoler dans le classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par Reporters sans frontières, passant de la 18<sup>e</sup> place en 2002 à la <a href="https://rsf.org/fr/donnees-classement">80ᵉ en 2021</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1478045773799563264"}"></div></p>
<p>Dans les écoles et les universités, les enseignants sont sous surveillance voire soumis à des <a href="http://www.takungpao.com/news/232109/2021/0913/631177.html">campagnes de diffamation</a>, les programmes scolaires ont été révisés, les cours de culture générale et de pensée critique (liberal studies) supprimés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-universites-de-hongkong-chronique-dune-mort-annoncee-144753">Les universités de Hongkong : chronique d’une mort annoncée</a>
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</p>
<hr>
<p>Enfin, toute opposition politique a été réprimée. En 2016, Pékin a imposé aux députés l’obligation de <a href="http://english.www.gov.cn/news/top_news/2016/11/07/content_281475485374102.htm">prêter un serment d’allégeance</a> au gouvernement de la Région administrative spéciale (RAS) – et <em>in fine</em> au PCC, c’est-à-dire d’exprimer leur « patriotisme » – pour expurger le Conseil législatif de ses représentants démocrates issus du <a href="https://journals.openedition.org/sds/11001">mouvement des Parapluies</a>. Cette obligation a également servi à annuler les résultats des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/11/25/elections-locales-a-hongkong-raz-de-maree-prodemocratie-et-participation-record_6020455_4355770.html">élections locales de 2019</a> qui avaient permis au camp démocrate de remporter 17 des 18 conseils de district, les élus démocrates ayant été disqualifiés ou ayant démissionné pour ne pas avoir à prêter serment.</p>
<p>Le camp démocrate a subi un nouveau coup avec l’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/06/hongkong-de-nombreuses-figures-de-l-opposition-arretees-en-vertu-de-la-loi-de-securite-nationale_6065315_3210.html">arrestation massive</a>, en janvier 2021, de tous ceux qui avaient participé à l’organisation de primaires en vue des élections législatives qui devaient se tenir en septembre 2020 et qui ont été annulées au prétexte de la situation sanitaire. Sur 53 personnes arrêtées, 47 ont été inculpées fin février ; parmi elles, plusieurs <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3123475/national-security-law-47-hong-kong-opposition-figures">grandes figures du combat démocratique à Hongkong</a>. Aujourd’hui, la majorité des démocrates hongkongais est soit exilée, soit en prison.</p>
<p>C’est dans ce contexte que les autorités hongkongaises ont procédé à une reprise en main drastique du système législatif. La loi de mai 2021 achève de verrouiller le système électoral, sans en toucher la structure. Les membres du Conseil législatif (LegCo) de Hongkong sont élus de trois manières : directement dans les circonscriptions ; indirectement par un comité électoral de grands électeurs issus des conseillers de district ; par des collèges socio-professionnels, qui sont des instances corporatistes où sont représentées en majorité des élites traditionnellement pro-Pékin.</p>
<p>Les réformes électorales ont eu pour objectif de <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-57236775">garantir la prépondérance au LegCo des députés loyaux à Pékin (dits « patriotes »)</a>, en faisant passer le nombre de sièges pourvus au suffrage direct de la moitié à moins d’un quart. En outre, être candidat suppose désormais d’avoir obtenu l’investiture d’au moins dix membres du Comité électoral. Or celui-ci est devenu essentiellement composé de membres pro-Pékin, suite à la stratégie de disqualification des élus démocrates issus des élections de 2019, et à la <a href="https://www.cmab.gov.hk/improvement/en/bill/index.html">réforme qui accroît le nombre de ses membres désignés</a>. Enfin, la composante pro-Pékin des collèges socio-professionnels a été renforcée, notamment parce que le collège réservé aux organisations sociales reflète la structure d’une société où les anciennes organisations de la société civile ont cédé le pas à des organisations <a href="https://hongkongfp.com/2021/09/18/barely-a-democrat-in-sight-as-hong-kong-ushers-in-new-political-era-on-sunday/">entretenant des liens avec la Chine continentale</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XCk3d8wbGxk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Suivant le passage de cette loi qui prévoit également l’établissement d’un comité d’examen devant confirmer l’éligibilité des candidats en conformité avec la LSN (dont la décision est sans appel), la plupart des démocrates restants, notamment du People Power Party, du Civic Party et de la League of Social Democrats, ont renoncé à faire campagne et ont <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20211217-l%C3%A9gislatives-%C3%A0-hong-kong-appels-au-boycott-avant-un-scrutin-dont-les-jeux-sont-d%C3%A9j%C3%A0-faits">appelé au boycott</a> des élections législatives du 19 décembre dernier.</p>
<h2>Refus de se montrer « patriotes »</h2>
<p>Ce scrutin se sera, en réalité, soldé par un camouflet pour Pékin et le gouvernement de la RAS : les Hongkongais ne se sont tout bonnement pas sentis concernés.</p>
<p>Avec seulement 30,2 % de votants, le taux de participation le plus bas depuis 1991 alors <a href="https://news.rthk.hk/rthk/en/component/k2/1625171-20211220.htm">même que 92,5 % de la population éligible est inscrite sur les listes électorales</a>, les habitants ont clairement exprimé leur refus d’« être des patriotes ». En outre, la proportion de bulletins blancs ou nuls est la <a href="https://twitter.com/jgriffiths/status/1472757267766210564">plus élevée (2 %) des six élections législatives organisées depuis l’an 2000</a>. Par comparaison, le taux de participation était de <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2021/12/hong-kong-stunt-election-democracy/621071/">58 % lors des élections législatives de 2016, et de 71 % lors des élections de conseils de district de 2019</a>. Ce refus est celui de ravaler la politique à la seule amélioration des conditions de vie de la population, thème dominant la « campagne » conduite par tous les candidats autorisés et de valider le bilan sécuritaire du gouvernement de la RAS.</p>
<p>Pourtant, le gouvernement de la RAS avait tout fait pour mobiliser les Hongkongais afin qu’ils participent à ce plébiscite : ouverture de bureaux de vote aux portes de Shenzhen pour encourager le vote des électeurs habitant de l’autre côté de la frontière ; transports publics gratuits le jour de l’élection ; et jours de congés accordés en échange du vote par certaines grandes entreprises voulant témoigner de leur patriotisme.</p>
<p>Mais en profitant de l’aubaine pour se rendre à la plage ou dans les parcs, la population a signifié qu’elle n’était pas réceptive à ces tentatives de séduction, pas plus qu’à la « terreur blanche » que tente de faire régner le gouvernement de la RAS avec l’appui de Pékin. La dernière tentative pour imposer cette « terreur », la criminalisation de l’appel à voter blanc ou à ne pas voter, a conduit à l’arrestation d’une dizaine de Hongkongais ayant osé <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3159849/hong-kong-elections-4-more-arrested-suspicion-inciting">faire circuler des appels à boycotter le vote</a>. Mais la population a trouvé la parade à la répression : l’activisme politique des années 2010 a cédé le pas à la résistance passive, au refus de collaborer.</p>
<h2>Laboratoire de la « démocratie » à la chinoise : chronique d’un totalitarisme annoncé</h2>
<p>Il n’en reste pas moins que ces élections ont été célébrées comme un plébiscite du gouvernement par la cheffe de l’exécutif Carrie Lam, qui a déclaré que le faible nombre de votants <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3158944/hong-kong-elections-city-leader-carrie-lam-says-low-voter">exprimait la satisfaction des Hongkongais à l’égard de leur gouvernement</a>, et comme une <a href="https://www.reuters.com/world/china/china-says-has-provided-constant-support-democracy-hong-kong-2021-12-20/">victoire de la démocratie</a> par Pékin.</p>
<p>Dans le contexte de guerre idéologique avec les États-Unis et dix jours après l’organisation du <a href="https://asialyst.com/fr/2021/12/12/sommet-biden-democratie-traduit-colere-chine/">Sommet pour la démocratie</a> par l’administration Biden, la Chine s’est servie de l’exemple hongkongais pour donner corps à ses tentatives de redéfinition de la démocratie et élargir son audience à l’international.</p>
<p>Au lendemain des élections, Pékin a publié un Livre blanc intitulé <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202112/1242865.shtml"><em>Hongkong : progrès démocratique dans le cadre d’un pays, deux systèmes</em></a>. Faisant suite à la publication début décembre <a href="http://www.china-embassy.org/eng/zgyw/202112/t20211204_10462468.htm">d’un Livre blanc sur la démocratie populaire en Chine</a> intitulé <em>La démocratie qui marche</em> et d’un <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202112/1240661.shtml">autre sur la démocratie américaine</a> exposant les lacunes et les abus de la démocratie aux États-Unis, celui sur Hongkong rappelle que le Royaume-Uni n’a jamais instauré de véritable démocratie sur ce territoire qui a été sa colonie de 1842 à 1997 et vante les progrès accomplis par la RAS vers l’instauration du suffrage universel pour l’élection du Legco et du chef de l’exécutif tels que promis dans la Basic Law, autrement dit vers la réalisation pleine et entière du principe d’« un pays deux systèmes ». </p>
<p>Reprenant l’idée d’une démocratie efficace, il vante la LSN comme le meilleur garde-fou contre le chaos et les blocages qui ont caractérisé la vie politique hongkongaise avant son adoption. En somme, le Livre blanc présente la LSN et les réformes électorales comme les garants d’une démocratie de qualité au bénéfice du bien-être de la population hongkongaise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1474612368172896259"}"></div></p>
<p>Ce discours n’est pas nouveau : le <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03191092">PCC s’est toujours revendiqué de la démocratie</a>, qu’il entend mettre en œuvre notamment grâce à des élections de villages et districts urbains. Les principes de cette « démocratie » ont désormais été étendus à Hongkong : un homme, une voix, mais dans le cadre d’un pluralisme et d’une représentation limités où les candidats, même s’ils ne sont pas nécessairement membres du PCC, en reconnaissent l’autorité, et sont élus selon un scrutin uninominal, celui-ci ayant été substitué au scrutin de liste, plus représentatif, par la réforme électorale hongkongaise.</p>
<p>Après avoir redéfini, avec la LSN, l’État de droit comme un état sécuritaire, Pékin redéfinit la démocratie comme un régime politique où règnent l’ordre et l’efficacité puisqu’il n’existe plus d’opposition politique.</p>
<h2>Prochaine étape : l’élection du chef de l’exécutif</h2>
<p>L’enjeu est désormais d’obtenir coûte que coûte l’adhésion populaire à cette démocratie autoritaire dans la perspective de l’élection du chef de l’exécutif, le 27 mars 2022, selon les modalités – exercice du suffrage universel pour choisir parmi des candidats investis par un Comité électoral entièrement contrôlé par Pékin – qui ont été refusées par la population lors du mouvement des Parapluies.</p>
<p>Les élus hongkongais s’y emploient déjà, soulignant qu’ils auront pour rôle de <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3160723/hong-kong-election-new-lawmakers-seek-regain-voters-trust">superviser le gouvernement et de faire des propositions constructives</a>. Et il est à craindre que la disparition des derniers bastions de presse libre avec la fermeture des médias indépendants en ligne – dont <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/law-and-crime/article/3161360/hong-kong-national-security-police-arrest-6-ties-stand">Stand News</a> et <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3161872/hong-kong-online-portal-citizen-news-cease-operations">Citizen News</a> ne sont que les premiers d’une hécatombe qui procèdera de la même manière que celle qui a frappé les organisations sociales –, alliée à la <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/Hongkong-s-call-for-fake-news-law-raises-media-crackdown-fears">reprise en main annoncée d’Internet</a>, n’achève d’aligner Hongkong sur le système totalitaire de la Chine en propageant le cynisme. </p>
<p>Car, <a href="https://www.nybooks.com/articles/1978/10/26/hannah-arendt-from-an-interview/">comme le soulignait Hannah Arendt</a>, « à partir du moment où il n’y a plus de presse libre, tout peut arriver. Ce qui rend possible le gouvernement d’un régime totalitaire c’est que les gens ne sont pas informés. Comment avoir un avis si l’on n’est pas informé ? Si tout le monde ment, la conséquence n’est pas que vous croyez aux mensonges, mais plutôt que personne ne croit plus à rien. »</p>
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<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Froissart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La reprise en main de Hongkong par Pékin a connu une nouvelle étape avec les élections législatives du 19 décembre dernier, malgré la défiance des Hongkongais, qui se sont massivement abstenus.Chloé Froissart, Professeur d'histoire et de science politique au département d'études chinoises de l'Inalco, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1612512021-05-20T18:13:29Z2021-05-20T18:13:29Z« Quelle démocratie ? » (3 / 3) : La démocratisation de la Chine, un espoir à oublier ?<p><em>« In extenso », des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
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<p>La démocratie, c’est littéralement le pouvoir exercé par le peuple. Elle ne se déploie évidemment pas de la même manière sous toutes les latitudes. Les États qui ont choisi ce régime, ou prétendent l’avoir choisi, l’appliquent chacun avec leur histoire, leurs institutions, leurs aspirations. Dans certains d’entre eux, la crise sanitaire a eu des impacts sur l’exercice de la démocratie.</p>
<p>The Conversation a choisi d’explorer cette notion à travers une série de podcasts réalisée avec l’Institut des hautes études pour la science et la technologie, et intitulée « Quelle démocratie ? ». On y parle de ses évolutions aux États-Unis, en France, et en Chine. Les deux premiers États sont indéniablement des démocraties, même s’ils font régulièrement l’objet de critiques sévères. La Chine, elle, est un régime autoritaire qui, pourtant, se prétend démocratique.</p>
<p>Dans cet ultime épisode intitulé « La démocratisation de la Chine, un espoir à oublier ? », nous nous intéressons à la République populaire de Chine. Comment comprendre les récentes évolutions du régime, aussi bien dans sa politique étrangère qu’à l’intérieur ? Quel est le rapport à la démocratie de cet État autoritaire ?</p>
<p>Le sinologue Jean‑Pierre Cabestan nous accompagne dans cette réflexion. Jean‑Pierre Cabestan est directeur de recherche au CNRS et chercheur associé au Centre d’étude français sur la Chine contemporaine de Hongkong. Il est également professeur de science politique à l’Université baptiste de Hongkong.</p>
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<p><em>Ce podcast prolonge une intervention tenue lors du webinaire <a href="https://youtu.be/8GfuiGPRgMs">« Le monde chinois entre dictature et démocratie »</a>, enregistré en février 2021 dans le cadre de la session 5 du cycle de formation de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie (<a href="https://www.ihest.fr/">IHEST</a>) « Les régimes démocratiques à l’épreuve des transitions ? La question de la gouvernance. »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161251/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Comment comprendre les récentes évolutions de la Chine ? Quel est le rapport à la démocratie de cet État autoritaire ?Grégory Rayko, Chef de rubrique International, The Conversation FranceFrançoise Marmouyet, Coordinatrice éditoriale, The Conversation FranceRayane Meguenni, Chef de projet podcasts, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1448112020-08-25T18:48:44Z2020-08-25T18:48:44ZComment Hongkong met à mal les convictions démocratiques des Européens<p>L’annonce est tombée le 19 août : les États-Unis ont <a href="https://www.state.gov/suspension-or-termination-of-three-bilateral-agreements-with-hong-kong">formellement notifié</a> à Hongkong leur retrait de trois accords bilatéraux en matière d’extradition et de fiscalité.</p>
<p>Cette mesure fait suite à l’entrée en vigueur au mois de juillet de la <a href="https://www.mayerbrown.com/en/perspectives-events/publications/2020/07/the-hong-kong-autonomy-act">loi relative à l’autonomie de Hongkong</a> (Hongkong Autonomy Act, HKAA). Cette dernière a été votée aux États-Unis en réaction à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/07/07/la-fin-de-hongkong-tel-que-le-monde-la-connaissait-le-point-sur-la-loi-sur-la-securite-nationale-imposee-par-pekin_6045521_3210.html">loi sur la sécurité nationale à Hongkong</a> promulguée le 30 juin par le président Xi Jinping et mettant fin à la politique « un pays, deux systèmes », prétendument appliquée durant cinquante ans dans <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/21/si-un-hongkong-libre-disparaissait-completement-c-est-une-chine-neototalitaire-qui-naitrait_5479628_3232.html">cette ancienne colonie britannique</a>.</p>
<p>Tous les <a href="https://information.tv5monde.com/info/hong-kong-un-systeme-fiscal-indispensable-la-chine-316567">avantages</a>, notamment fiscaux, dont jouissait Hongkong en termes d’échanges commerciaux et de circulation humaine sont de fait annulés.</p>
<p>Pour les États-Unis, <a href="https://theconversation.com/lescalade-entre-la-chine-et-les-etats-unis-evolue-de-plus-en-plus-vers-un-conflit-ouvert-144219">désormais en guerre froide avec la Chine</a>, la mainmise chinoise sur Hongkong est inadmissible.</p>
<p>Washington a donc actionné une <a href="https://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs/Pages/hk.aspx">sanction</a> visant 11 personnalités de l’administration hongkongaise comprenant la chef de l’exécutif Carrie Lam et plusieurs hauts responsables chinois chargés des affaires de Hongkong.</p>
<p>Ils sont désormais privés de la possibilité de se rendre aux États-Unis et d’avoir recours aux services bancaires américains. S’ils possèdent des biens aux États-Unis, ceux-ci seront contrôlés et leurs échanges avec les États-Unis seront interdits.</p>
<p>Outre-Atlantique, la France et l’Allemagne ont réagi <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/hong-kong/hong-kong-suspend-ses-traites-d-extradition-avec-la-france-et-l-allemagne_4073341.html">début août</a> en suspendant le traité d’extradition mis en place en 2017 et visant à sanctionner « la subversion, la sécession, le terrorisme et la collusion avec les forces étrangères ».</p>
<p>Mais ces actes suffisent-ils vraiment pour riposter à Pékin et soutenir la liberté et la démocratie à Hongkong ?</p>
<p>Cette loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin à Hongkong suscite également de l’incompréhension, de la déception et de la colère dans le monde, même parmi ceux ayant traditionnellement <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2012-2-page-57.htm">témoigné de leur sympathie</a> vis-à-vis de Pékin.</p>
<p>La promesse de liberté faite par le gouvernement chinois aux Hongkongais a été rompue ; la crédibilité morale et politique de certains pays, notamment la Grande-Bretagne, et celle des Nations unies, est gravement atteinte : il ne faut pas oublier que la Déclaration sino-britannique conjointe concernant Hongkong en 1984 <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_commune_sino-britannique_sur_la_question_de_Hong_Kong">a été déposée</a> auprès de cette organisation internationale suprême, donc d’une certaine manière garantie par celle-ci.</p>
<h2>Une répression intense de la démocratie</h2>
<p>À Hongkong, la répression visant les démocrates s’intensifie jour après jour, comme le montre la nouvelle vague d’arrestations de dix contestataires pro-démocratiques il y a quelques jours. Parmi eux, <a href="https://www.lemonde.fr/iternational/article/2020/08/11/les-hongkongais-affichent-leur-soutien-a-jimmy-lai-figure-du-camp-prodemocratie-arrete-lundi_6048656_3210.html">Jimmy Lai</a>, le patron du journal critique très populaire <em>Apple Daily</em>, et une étudiante de 23 ans, Agnes Chow, deux figures bien connues du mouvement contestataire de ces derniers temps.</p>
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<figcaption><span class="caption">La militante Agnès Chow, AFP.</span></figcaption>
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<p>Ils ont été relâchés un peu plus tard sous caution suite à une forte réaction internationale. Tous n’ont pas bénéficié d’un tel appui et beaucoup de militants sont toujours incarcérés : depuis un an, plus de 10 000 arrestations <a href="https://www.hongkongwatch.org/protest-prosecution">ont eu lieu</a>.</p>
<p>Plus d’une centaine d’activistes hongkongais se sont déjà enfuis par différents moyens pour trouver refuge à l’étranger : le Canada en compte déjà une <a href="https://www.dw.com/zh/%E5%8F%82%E4%B8%8E%E7%A4%BA%E5%A8%81%E8%80%8C%E8%A2%AB%E8%BF%AB%E7%A6%BB%E6%B8%AF-%E6%B5%B7%E5%A4%96%E6%B8%AF%E4%BA%BA%E6%B5%81%E4%BA%A1%E7%94%9F%E6%B4%BB%E4%B8%8D%E6%98%93%E7%86%AC/a-53808215">quarantaine</a>.</p>
<h2>Une cité-refuge devenue prison</h2>
<p><a href="http://www.fmsh.fr/fr/college-etudesmondiales/30529">Tout au long du XXᵉ siècle</a>, Hongkong a fait office de cité-refuge pour des milliers voire des millions de personnes fuyant la misère et la guerre, mais aussi pour des artistes, des essayistes ou des savants.</p>
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<img alt="L’historien Qian Mu" src="https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=910&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/354129/original/file-20200821-16-1whvru1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1143&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’historien Qian Mu a fui la Chine pour Hongkong en 1949, ici vers 1920.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Ch%27ien_Mu#/media/File:Qian_Mu.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Pensons ainsi à l’historien <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Ch%27ien_Mu">Qian Mu</a> en 1949 ou à la romancière <a href="https://sinologiemontpellier.wordpress.com/tag/zhang-ailing/">Zhang Ailing</a>, dont certaines œuvres ont été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=p0o3yNnbCR4">adaptées au cinéma</a>.</p>
<p>Des hommes d’affaires et des révolutionnaires ont aussi trouvé refuge à Hongkong, y compris des communistes avant leur conquête du pouvoir en Chine.</p>
<p>Aujourd’hui, pour la première fois de son histoire, Hongkong « exporte » des réfugiés.</p>
<p>Nombreux sont ceux qui désormais se tournent vers l’Occident, et plus particulièrement le Royaume-Uni (et certains pays anglophones comme les États-Unis, l’Australie, le Canada, etc). De par son histoire coloniale, la Couronne porte une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2014/10/09/trahis-par-la-chine-abandonnes-par-les-britanniques">responsabilité morale</a> particulière envers les Hongkongais.</p>
<p>Downing Street a annoncé que le gouvernement <a href="https://www.gov.uk/government/speeches/foreign-secretary-statement-on-national-security-legislation-in-hong-kong">est prêt à accueillir</a> massivement des Hongkongais disposant d’un passeport BNO (British Nationals Overseas) et désireux de venir vivre et travailler en Angleterre.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Royaume-Uni a déclaré accueillir et faciliter l’entrée de nombreux Hongkongais sur son sol, BBC, juillet 2020.</span></figcaption>
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<p>Le Royaume-Uni a suspendu avant les autres pays l’accord avec Hongkong concernant l’extradition de criminels, tout comme les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et donc l’Allemagne et la France.</p>
<p>Cette situation permettrait entre autres d’accueillir des citoyens non hongkongais que la <a href="https://theconversation.com/ou-va-hongkong-126411">loi sur la sécurité nationale</a> peut inquiéter. C’est par exemple le cas de Zhu Muming, citoyen américain d’origine hongkongaise, résidant aux États-Unis depuis plus de 30 ans et néanmoins poursuivi par la police hongkongaise pour <a href="https://cn.nytimes.com/opinion/20200811/china-hong-kong-arrest">« incitation à l’indépendance de Hongkong »</a>.</p>
<h2>Des mesures jugées trop timides</h2>
<p>Fin juillet, outre la suspension de l’extradition, d’autres mesures prises par l’Union européenne sont rendues publiques : y figurent une facilitation de l’entrée des Hongkongais en Europe et la prohibition de la vente à Hongkong d’équipements et de produits techniques à usages militaire et policier. Sans surprise, Pékin avertit les Européens de ne pas « s’ingérer dans les affaires internes chinoises » – une déclaration posture, surtout destinée à rassurer sur le plan de la politique intérieure chinoise.</p>
<p>Cependant, les mesures de l’UE ont été qualifiées de « timides » par le député européen <a href="https://sg.news.yahoo.com/national-security-law-eu-proposes-122550994.html">Reinhard Bütikofer</a>, président de la Commission des relations du Parlement européen avec la Chine.</p>
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<figcaption><span class="caption">Tensions lors du sommet UE-Chine, DW, 22 juin 2020.</span></figcaption>
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<p>En Chine, ces décisions européennes ont fait également du bruit. Nombreux sont ceux qui s’expriment à travers les réseaux sociaux et Internet, soit ouvertement, soit de manière indirecte, mais masqués afin d’échapper à la censure.</p>
<p>Il n’est pas étonnant de voir les Hongkongais et les Chinois continentaux ayant un penchant libéral éprouver une certaine déception et du regret vis-à-vis de cette « timidité » européenne.</p>
<p>En revanche, ceux ayant une position nationaliste s’affichent sur les réseaux sociaux sous un ton ironique, avec des propos émaillés de moquerie, de mépris et d’arrogance. Ils qualifient les pays européens de « tigres de papier » ou de « lâches qui ne cherchent qu’à gagner l’argent de la Chine ». Ils sont fiers de témoigner ainsi de la puissance de leur « grande patrie » et de son ascendant sur l’Europe.</p>
<p>En tant qu’intellectuel et universitaire d’origine chinoise, je ne peux que constater à quel point le monde européen semble répéter un même schéma où l’inertie psychologique collective prend le pas sur la décision politique. L’Europe a certes été marquée par deux grandes guerres sur son sol et une guerre froide. Mais n’a-t-on pas observé les conséquences d’un même manque de réaction et d’opposition dans le passé lors de points de rupture majeurs, comme la <a href="https://www.cairn.info/l-europe-au-xx-e-siecle--9782847348187-page-349.htm">violation du traité de Versailles</a> en 1936 par Hitler ?</p>
<h2>Un test pour la solidité de l’Union européenne</h2>
<p><a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/275295-ue-un-plan-de-relance-economique-de-750-milliards-deuros">Le plan de relance</a> adopté le 21 juillet par les Européens pour lutter contre la pandémie est un signe très encourageant de solidarité économique interne. Il renforce également le <a href="http://www.ftchinese.com/story/001088657?archive">besoin commun</a> du respect de la démocratie et de la liberté.</p>
<p>Une autre façon de consolider cette Union serait une réponse commune à la montée en puissance de la Chine, un <a href="http://www.fmsh.fr/fr/college-etudesmondiales/30356">État néo-totalitaire</a>. Lui faire barrage pourrait, d’une certaine manière, offrir une occasion à l’Europe d’accélérer sa construction politique.</p>
<p>En effet, la réaction de l’UE vis-à-vis de la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/les-europeens-prets-a-sanctionner-plus-durement-la-bielorussie-1232766">situation actuelle en Biélorussie</a> montre que l’UE est capable d’agir politiquement et rapidement. Mais l’UE, portée par le couple franco-allemand, saura-t-elle renoncer aux sirènes de Pékin ?</p>
<h2>« Diviser pour mieux traiter avec »</h2>
<p>« Diviser pour mieux traiter avec », telle a été la politique européenne de Pékin depuis des décennies.</p>
<p>Nous pouvons imager que, dans les années à venir, pour atténuer la pression des sanctions américaines, la Chine tentera de jouer la carte européenne pour briser l’étau de plus en plus serré que lui impose Washington.</p>
<p>Rappelons quelques chiffres. La Chine est le <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/le-commerce-exterieur-de-l-union-europeenne.html">deuxième partenaire commercial de l’UE</a> derrière les États-Unis, avec 394 milliards d’euros d’importations vers l’UE et 210 milliards d’exportations vers la Chine en 2018.</p>
<p>La Chine est aussi le septième client de la France et le deuxième fournisseur, avec des chiffres de respectivement 20,8 milliards et 49,2 milliards d’euros. Quant à l’Allemagne, en 2018, les mêmes chiffres étaient de 106 milliards et 93 milliards euros, soit 200 milliards au total. Les échanges commerciaux entre la Chine et l’UE atteignent aujourd’hui, selon la Commission européenne, un milliard d’euros par jour.</p>
<p>Déjà, comme le relève une tribune de Ben Hall dans le <em>Financial Times</em>, Angela Merkel comme Emmanuel Macron, qui se sont rencontrés au fort de Brégançon pour discuter de l’avenir de l’Europe, pourraient chercher à <a href="https://www.ft.com/content/a132f221-a102-46b6-a81f-635d81a3d4b6">accommoder Pékin</a> afin d’éviter tout conflit économique.</p>
<p>Hongkong sera-t-il, dans ce contexte, un test des convictions pro-démocratiques des têtes pensantes de l’UE ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144811/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lun Zhang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à un monde post-pandémique de grande incertitude, il est plus que jamais urgent que les Européens parlent d’une voix unie et forte dans le monde, notamment vis-à-vis de la Chine.Lun Zhang, Professeur, chercheur au laboratoire AGORA et au Collège d’Études mondiales (FMSH, Paris), « visiting scholar » à l’Université de Harvard, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1447532020-08-20T18:22:24Z2020-08-20T18:22:24ZLes universités de Hongkong : chronique d’une mort annoncée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/353652/original/file-20200819-14-h60tln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C1%2C1016%2C680&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près de la Hong Kong Polytechnic University, en juin 2020</span> <span class="attribution"><span class="source">Isaac Lawrence/AFP</span></span></figcaption></figure><p>On connait déjà, depuis le début de l’histoire, le nom des victimes et celui des coupables. Pourtant, comme dans le roman de Gabriel Garcia Márquez, personne ne semble s’en préoccuper…</p>
<p>Entre Covid-19, nouvelle loi sur la sécurité nationale et répression policière des mouvements prodémocratiques, les universités de Hongkong multiplient en ce moment les offres destinées à retenir les jeunes hongkongais qui se désisteraient de leur admission dans une université étrangère pour de raisons sanitaires, de visa, ou simplement pour l’incertitude liée au contexte international. Bourses, aides financières et autres mesures incitatives sont <a href="https://www.insidehighered.com/news/2020/07/24/hong-kong-seeks-attract-international-students">également proposées</a> aux étudiants étrangers qui souhaiteraient changer de destination et se replier sur Hongkong en raison de sa relative sécurité sanitaire et de sa maîtrise de l’épidémie.</p>
<p>L’efficace et admirable communication d’universités telles que Hongkong University, Chinese University of Hongkong ou Baptist University cache en réalité une crise structurelle et profonde.</p>
<h2>Contexte politique</h2>
<p>Avec son statut de région administrative spéciale, Hongkong est un territoire chinois bénéficiant d’une semi-autonomie. Lors de sa rétrocession à la République populaire de Chine en 1997, cette ancienne colonie britannique avait obtenu du Parti communiste chinois l’engagement de garantir pendant 50 ans le maintien pour ses citoyens du style de vie, du régime politique et des libertés fondamentales (expression, presse, association, etc.) dont ils avaient joui jusque-là.</p>
<p>L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012 comme secrétaire du parti, puis en 2013 comme président de la République populaire de Chine, a changé la donne. Pékin parait pressé de mettre les Hongkongais aux standards de la Chine continentale, sans attendre 2047. Le principe « Un pays, deux systèmes » semble sérieusement compromis.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hong-kong-la-fin-du-principe-un-pays-deux-systemes-139280">Hong Kong : la fin du principe « Un pays, deux systèmes »</a>
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<p>Le premier signal fort de ce changement de tempo a été en 2012 la proposition de réforme du cursus scolaire, visant l’introduction du programme national (notamment l’enseignement du socialisme chinois, de la morale et du « patriotisme ») dans les écoles de Hongkong. C’est cette mesure qui avait déclenché les premières manifestations étudiantes ayant initialement obtenu, sous le leadership du très jeune <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/19810_1">Joshua Wong</a>, un retrait de la réforme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7lN9_mQq2mQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Joshua : Teenager vs. Superpower (Bande-annonce, Netflix).</span></figcaption>
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<p>Les manifestations reprennent en 2014, en réponse à une loi électorale qui réduit considérablement l’exercice du droit de vote, en limitant son expression aux candidats adoubés par Pékin. Le mouvement se poursuit et se renforce jusqu’en 2017, époque connue sous le nom de « Révolution des parapluies », portée essentiellement par les étudiants déterminés à maintenir la démocratie à Hongkong. Depuis, malgré la violence de la répression, malgré l’arrestation et la condamnation de la plupart des leaders du mouvement, malgré la censure vis-à-vis de la presse locale, la jeunesse hongkongaise, soutenue par une grande partie du monde académique et des médias, reste fortement mobilisée.</p>
<p>Au cours de l’été 2020, la situation n’a cessé de se détériorer avec l’adoption le 30 juin de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/30/la-chine-adopte-une-loi-controversee-sur-la-securite-nationale-a-hongkong_6044645_3210.html">Loi sur la sécurité nationale</a> qui permet désormais aux autorités de réprimer sévèrement « la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieures ». De nombreux militants viennent d’être arrêtés pour « incitation à la sécession », risquant la prison à perpétuité. La population poursuit la résistance comme elle le peut, par exemple en achetant des millions d’exemplaires des titres du groupe de presse Next Digital, ouvertement critique du régime chinois.</p>
<p>D’autres préfèrent <a href="https://theconversation.com/hong-kong-activists-now-face-a-choice-stay-silent-or-flee-the-city-the-world-must-give-them-a-path-to-safety-141880">quitter</a> le bateau avant que cela ne soit trop tard. Pris dans le dilemme entre révolution ou émigration, les cinq personnages du documentaire du britannique Matthew Torne « Last Exit To Kai Tak » (2018), déçus par l’échec des manifestations pour la démocratie de 2014, représentent bien le malaise de la jeunesse étudiante hongkongaise.</p>
<h2>Atouts universitaires</h2>
<p>Depuis la fin des années 1990, les chiffres de la mobilité étudiante sortante sont en augmentation. D’après <a href="http://uis.unesco.org/fr/uis-student-flow">l’Unesco</a>, les jeunes hongkongais à l’étranger pour leurs études sont cette année au nombre de 36442, soit un peu plus de 12 % du nombre total. Ils étaient 3875 en 1962. Pour d’évidentes raisons linguistiques et historiques, ils sont surtout au Royaume-Uni, mais aussi en Australie, aux États-Unis et au Canada. Très peu se rendent en Chine continentale, voire dans le reste de l’Asie. Les tensions politiques actuelles ne sont pas seules en cause dans cette désaffection croissante des étudiants hongkongais pour leurs universités, pourtant si prestigieuses.</p>
<p>En quelques décennies, Hongkong a certes réussi à constituer avec ses huit universités publiques un <a href="https://doi.org/10.1177/1028315304271481">pôle d’excellence</a> académique international pour les étudiants et les chercheurs d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Nord mais cela a pu se faire grâce à la singularité de son statut. L’utilisation de l’anglais comme langue d’enseignement, l’intégration de ses campus en tant qu’espaces ouverts au cœur de la cité, la vitalité et la liberté de ses médias et de son industrie de l’édition ont été des atouts considérables.</p>
<p>Surtout, la proximité de la République populaire de Chine a fait de ce territoire sui generis un lieu d’observation et d’analyse sans équivalent pour les sinologues du monde entier. Ses universités, héritières de la tradition du système éducatif britannique, ont su recruter et retenir un corps professoral de rang international et se hisser ainsi aux premières places dans tous les grands classements internationaux.</p>
<p>À titre d’exemple, la plus que centenaire Hongkong University était en 2020 au trente-cinquième rang du <a href="https://www.timeshighereducation.com/world-university-rankings">Times Higher Education</a> et au vingt-deuxième rang du <a href="https://www.topuniversities.com/university-rankings/world-university-rankings/2020">classement QS</a> à l’échelle mondiale. Pour encourager la nouvelle génération de chercheurs étrangers à venir s’établir à Hongkong, le Research Grants Council a lancé en 2009 le <a href="https://cerg1.ugc.edu.hk/hkpfs/index.html">Hongkong PhD Fellowship Scheme</a>, un programme de plus de 150 bourses doctorales annuelles, destiné à renforcer l’attractivité de la région à un moment où la concurrence mondiale commençait à s’intensifier pour les talents scientifiques.</p>
<h2>Attractivité internationale en déclin</h2>
<p>Pourtant, cette reconnaissance internationale n’a pas fait de Hongkong un véritable « hub » mondial. Si la mobilité entrante est d’environ 37000 étudiants internationaux, il s’agit essentiellement de jeunes venus de Chine continentale (31113), suivis de très loin par les étudiants coréens (1273) et indiens (617). En 2016, moins de 1 % d’étudiants étrangers étaient non asiatiques et 3 % étudiants asiatiques non chinois. <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-scientifique-et-universitaire/veille-scientifique-et-technologique/hong-kong/article/hong-kong-et-ses-universites-d-excellence">Selon l’ambassade de France</a> en Chine, « la population d’étudiants chinois a été multipliée par 16 en 20 ans ». Quant aux jeunes Européens et Américains, ils visent aujourd’hui directement les grandes universités de Pékin ou de Shanghai, dont la réputation est bien établie, se passant ainsi du détour hongkongais.</p>
<p>Avec la rétrocession, Hongkong a transformé sa stratégie internationale pour devenir progressivement la plate-forme de préparation de milliers de bacheliers chinois de « Mainland » aux études de deuxième ou troisième cycle dans les pays anglophones de l’Occident.</p>
<p>Fuyant le système excessivement sélectif du « gaokao » (concours classant d’entrée à l’enseignement supérieur chinois) ou doutant de la qualité et de l’intégrité des universités locales, les familles de Chine populaire qui en ont la possibilité – les nouvelles classes moyennes qui ont émergé à la faveur du développement économique des 30 dernières années – préfèrent financer une prestigieuse université hongkongaise <a href="https://www.researchgate.net/publication/239800365_International_student_mobility_in_Hong_Kong_Private_good_public_good_or_trade_in_services">pour les études de premier cycle</a> avant d’envisager un départ pour l’Amérique du Nord, l’Europe ou l’Australie.</p>
<p>L’arrivée massive des étudiants chinois et la restriction annoncée de la liberté académique et des autres libertés fondamentales modifiera durablement les équilibres sur les campus universitaires. Un sondage publié en mai dernier par la Chinese University of Hongkong révèle que plus de la moitié des Hongkongais âgés entre 15 et 24 ans envisage l’émigration. HKU et Baptist University commencent à licencier les professeurs qui militent ouvertement dans les mouvements pour la démocratie. En raison de la crise sanitaire, la plupart des campus sont <a href="https://www.timeshighereducation.com/blog/hong-kongs-academics-are-being-isolated-more-ways-one#%20">fermés au public</a> sine die.</p>
<p>Si en 2012, en 2014, en 2017 et encore en 2020 les jeunes hongkongais, tels des David face à Goliath, ont été capables de défier le pouvoir communiste chinois, c’est en partie du fait du système éducatif dans lequel ils ont grandi. La fin de sa singularité fera peut-être de Hongkong « une ville chinoise comme une autre », pour reprendre les <a href="https://theconversation.com/we-fear-hong-kong-will-become-just-another-chinese-city-an-interview-with-martin-lee-grandfather-of-democracy-124635">mots de Martin Lee</a>, mais elle risque de faire de ses universités des établissements moins compétitifs que les autres, désertés par ses meilleurs étudiants et chercheurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144753/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alessia Lefébure ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si Hongkong avait réussi à constituer un pôle d’excellence ces dernières décennies, la situation politique pousse de plus en plus d’étudiants à souhaiter partir vers d’autres horizons.Alessia Lefébure, Directrice adjointe, directrice des études, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1392802020-05-27T18:27:43Z2020-05-27T18:27:43ZHong Kong : la fin du principe « Un pays, deux systèmes »<p><em>Mise à jour du 1<sup>er</sup> juillet : Le 30 juin, à la veille de l'anniversaire de la rétrocession de Hong Kong à la République populaire de Chine intervenue le 1er juillet 1997, le Parlement chinois a adopté la <a href="https://www.nytimes.com/2020/06/30/world/asia/hong-kong-security-law-explain.html">« Loi sur la sécurité nationale »</a>, et le président Xi Jinping a immédiatement promulgué ce texte qui, dans les faits, entérine la mainmise définitive de Pékin sur l'ancienne colonie britannique. L'occasion de relire ce récent article qui explique comment les autorités ont profité de l'épidémie de Covid-19 pour reprendre le contrôle d'une enclave trop attachée à ses espaces de liberté.</em></p>
<p>La République populaire de Chine profite de la fin de l’épidémie de SARS-CoV-2 sur son territoire pour reprendre la main sur Hongkong après un an de contestation. Depuis juin 2019, en effet, les manifestations se sont multipliées à Hongkong contre la loi d’extradition proposée par Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de la « Région administrative spéciale », pour transférer en Chine les citoyens chinois ayant transgressé la loi à Hongkong.</p>
<p>Les lieux où s’exprime la liberté d’opinion à Hongkong (universités, journaux, librairies, parcs publics…) se sont vidés sous le double effet de la répression par la police des mouvements de contestation et de la crise sanitaire.</p>
<h2>Le souvenir encore vivace des événements de 2003</h2>
<p>Le gouvernement de Pékin met tout en œuvre pour que la crise du SARS-CoV-2 ne répète pas le scénario du SARS-CoV en 2003 : un coronavirus venu des chauve-souris vivant dans le centre de la Chine et transmis aux humains par l’intermédiaire des civettes consommées dans les marchés pour la médecine chinoise traditionnelle au Guangdong avait alors infecté environ 8 000 personnes, dont 10 % étaient décédées. Hongkong avait été particulièrement touchée, avec près de 1 800 cas et 300 morts, et son économie s’était retrouvée <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC539564/">à l’arrêt pendant plusieurs mois</a>.</p>
<p>Le 1<sup>er</sup> juillet 2003, trois semaines après que l’Organisation mondiale de la Santé ait déclaré Hongkong « free of SARS » (« débarrassée du SARS »), 500 000 personnes (soit 10 % de la population) manifestèrent contre un <a href="https://www.scmp.com/article/420333/article-23-argument">projet législatif sur la sécurité</a> qui mettrait en œuvre l’article 23 de la Loi fondamentale prévoyant d’« interdire tout acte de trahison, de sécession, de sédition ou de subversion contre le gouvernement central ». Après cette manifestation, la proposition de loi discutée depuis un an au Parlement du Hongkong fut abandonnée, et ceux qui la soutenaient démissionnèrent.</p>
<h2>Une exception menacée</h2>
<p>Le 25 avril dernier, le chef du bureau de liaison du gouvernement chinois à Hongkong, Wang Zhenmin, <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/2091747/one-country-two-systems-hong-kong-could-be-scrapped-if-it">mit en cause</a> la doctrine « Un pays, deux systèmes » qui garantit l’autonomie de Hongkong :</p>
<blockquote>
<p>« Si les “deux systèmes” deviennent un moyen de contester le “un pays”, alors les raisons d’existence des “deux systèmes” disparaissent. »</p>
</blockquote>
<p>Le 22 mai, le premier ministre Li Keqiang ouvrit la session de l’Assemblée nationale populaire réunie à Pékin en <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/22/pekin-se-prepare-a-imposer-une-loi-de-securite-nationale-a-hongkong_6040425_3210.html">affirmant sa résolution</a> à « perfectionner le système juridique et les mécanismes d’application des lois en matière de protection de la sécurité de l’État dans les régions administratives spéciales ».</p>
<p>Malgré les déclarations rassurantes de Carrie Lam sur le respect de l’autonomie de Hongkong, le discours du premier ministre est apparu comme un <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3085741/two-sessions-2020-hong-kong-leader-carrie-lam-vows-full">désaveu</a> de la cheffe de l’exécutif pour les manifestations qu’elle n’a pas su arrêter, et qui ont repris en réponse à ce discours. Pékin propose à présent de faire ce que le gouvernement de Hongkong n’a pas fait en imposant la législation sur la sécurité prévue par l’article 23 de la Loi fondamentale.</p>
<h2>Un concept vieux de presque quarante ans</h2>
<p>De nombreuses voix s’élèvent à Hongkong pour déplorer la fin de la doctrine « Un pays, deux systèmes » (<em>yi guo liang zhi</em>). Celle-ci fut formulée par Deng Xiaoping en 1983 dans le cadre de ses négociations avec Margaret Thatcher sur la rétrocession de la colonie britannique de Hongkong à la Chine populaire. La déclaration sino-britannique du 26 septembre 1984 stipula ainsi que « le système et la politique socialiste ne seront pas pratiqués dans la région d’administration spéciale, et le système et le mode de vie capitaliste de Hongkong demeureront inchangés pendant 50 ans » à compter du 1<sup>er</sup> juillet 1997. </p>
<p>Cette déclaration conditionna le travail du comité de rédaction de la Loi fondamentale, qui fut interrompu en mai-juin 1989 par la démission de deux représentants de la société civile hongkongaise, Louise Cha et Peter Kwong, après le massacre de la place Tian’anmen. À la suite de ce qu’il qualifia d’« incident », le gouvernement de Pékin ajouta à la Loi fondamentale l’article 23 qui interdit les actes de subversion.</p>
<p>La doctrine « Un pays, deux systèmes » est considérée comme une invention géniale de Deng Xiaoping, qui a rendu possible le développement industriel de la Chine populaire en profitant des conditions d’échange avec l’Occident maintenues à Hongkong. Dans les faits, ce compromis s’est avéré plus agressif qu’il ne paraissait, et il s’est révélé désavantageux pour la « région d’administration spéciale », dont l’autonomie de gouvernement, la liberté d’expression et la monnaie étaient maintenues.</p>
<p>Des observateurs ont remarqué que la doctrine « Un pays, deux systèmes » formalisait le mode d’existence de la population chinoise à Hongkong, qui s’est toujours sentie attachée à la « mère patrie » tout en bénéficiant de la liberté d’expression politique et d’échange économique garantie par le gouvernement britannique. Les dissidents chinois <a href="https://www.scmp.com/comment/insight-opinion/article/2141430/one-country-has-never-been-question-hong-kong-two-systems">émigrèrent régulièrement à Hongkong pour fuir le régime en place à Pékin</a>, depuis la révolte des Taiping dans les années 1850 jusqu’à la répression des militants démocrates dans les années 1990 en passant par celle des communistes dans les années 1930. </p>
<p>L’expression « Un pays, deux systèmes », qui visait à convaincre la République de Chine à Taiwan de la possibilité qu’elle soit réunifiée à la République populaire de Chine en conservant son autonomie, apparut pour la première fois dans le <a href="http://www.china.org.cn/english/7945.htm">discours du maréchal Ye Jianying le 30 septembre 1981</a>. Cette doctrine fut réaffirmée par les successeurs de Deng Xiaoping qui y ajoutèrent leurs propres variantes (Jiang Zemin, Hu Jintao, Xi Jinping), mais elle fut <a href="http://www.taipeitimes.com/News/editorials/archives/2019/10/02/2003723242">refusée par le Parti démocrate et indépendantiste lorsqu’il fut au pouvoir à Taiwan (à travers la présidence de Cheng Shui-Bian entre 2000 et 2008 et de Tsai Ying-Wen depuis 2016)</a> et elle ne fut jamais vraiment acceptée par le Parti nationaliste à Taiwan.</p>
<p>La doctrine « un pays, deux systèmes » peut être considérée plus généralement comme une formalisation des effets de la colonisation occidentale et de la guerre froide en Asie. De nombreux pays asiatiques ont été divisés par cette double secousse, et la brièveté de la colonisation japonaise n’a pas atténué cette division. La Corée est scindée entre un régime communiste au Nord et un régime capitaliste au Sud. Le Vietnam a été longtemps divisé par la même coupure avant sa réunification sous un régime communiste en 1976. Dans le cas de Singapour, on pourrait plutôt parler de « deux pays, un système » tant son rattachement au monde commercial malais est évident, malgré l’autonomisation de son gouvernement sous l’autorité coloniale britannique d’abord, sous celle d’une élite confucéenne ensuite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1240706566850072580"}"></div></p>
<p>On peut également souligner que ce sont précisément les pays les plus divisés par ces grandes coupures historiques qui ont été les plus affectés et les plus réactifs lors des crises de SARS-CoV en 2002-2003 et de SARS-CoV-2 en 2019-2020. Rien d’étonnant à cela : ces territoires ont toujours été des plaques tournantes dans la circulation des personnes, des marchandises et donc des virus entre le continent chinois et le reste du monde. On a pu considérer ainsi que le succès de Hongkong dans le contrôle du SARS-CoV en 2003 tenait à la doctrine « un pays, deux systèmes », qui rendait le territoire à la fois très exposé aux menaces venues de Chine et le mieux placé pour en informer le reste du monde grâce à sa liberté d’expression. C’est ce que j’ai appelé <a href="http://www.zones-sensibles.org/frederic-keck-les-sentinelles-des-pandemies/">« les sentinelles des pandémies aux frontières de la Chine »</a>.</p>
<h2>Concilier sécurité et liberté</h2>
<p>L’abolition de cette doctrine par le gouvernement de Pékin sous l’effet de la double irritation causée par les manifestations à Hongkong et par les bonnes performances sanitaires de Taiwan – qui s’expliquent par sa séparation politique avec la Chine malgré sa proximité géographique – semble <a href="https://www.scmp.com/comment/opinion/article/3078609/three-hard-truths-beijing-accept-if-one-country-two-systems-live">peu probable</a>, car elle bouleverserait les équilibres géopolitiques au-delà des relations entre le régime de Pékin et les territoires chinois situés sur ses frontières. Depuis 1983, c’est l’économie mondiale tout entière qui a besoin de la doctrine « un pays, deux systèmes » pour délocaliser les chaînes de production capitalistes dans un pays régi par un gouvernement communiste. La guerre froide qui se déclare entre la Chine et les États-Unis n’a rien à voir avec celle qui eut lieu entre l’URSS et les États-Unis, car les seconds n’ont jamais été aussi dépendants économiquement à l’égard de la première qu’ils le sont à l’égard de l’Empire du Milieu.</p>
<p>Mais il faudrait alors reformuler ce que signifie « deux systèmes » pour comprendre la prétention de la Chine à devenir « un pays » pour le monde entier. Ce terme opposerait non pas le socialisme et le capitalisme, dont tout le développement économique mondial des quarante dernières années montre qu’ils sont compatibles et qu’ils se renforcent mutuellement pour exploiter les forces de production et les ressources naturelles, mais la sécurité et la liberté. Face aux menaces écologiques globales, la Chine aura alors encore besoin de Hongkong et de ses autres sentinelles sur ses frontières, car il n’y a pas de signaux d’alerte sans liberté d’expression.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139280/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements de Fonds Axa pour la recherche, Agence Nationale de la recherche. </span></em></p>Pékin érode toujours davantage le principe « Un pays, deux systèmes » en vigueur à Hong Kong depuis sa rétrocession à la Chine en 1997. La tension est dernièrement encore montée d'un cran.Frédéric Keck, Directeur du laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1379572020-05-07T17:23:09Z2020-05-07T17:23:09ZLa mystérieuse disparition du premier virus SRAS, et pourquoi il nous faudra un vaccin pour nous débarrasser du deuxième<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333483/original/file-20200507-49546-u6y9ab.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme regarde de nouvelles tenues anti-SRAS pour le personnel médical exposées, le 6 novembre 2003, à Shanghai, en Chine, au moment où le pays se préparait à une résurgence de la maladie, qui n’a jamais eu lieu.</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Eugene Hoshiko</span></span></figcaption></figure><p>Certains se demandent pourquoi le nouveau coronavirus a paralysé le monde entier alors que cela n’a pas été le cas avec un autre coronavirus mortel, le SRAS, qui a sévi en 2003.</p>
<p>D’autres aimeraient savoir <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/04/17/laura-ingraham-fauci-interview/">pourquoi il est si urgent de mettre au point un vaccin</a> pour arrêter la propagation du coronavirus alors qu’un vaccin n’a pas été nécessaire pour le SRAS.</p>
<p>J’étudie les virus et je suis tellement fasciné par leur complexité que j’ai écrit un <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691166964/virus">livre sur le sujet</a>. L’histoire du SRAS et de son nouveau cousin qui provoque la Covid-19, le SRAS-CoV-2, montre à quel point les virus peuvent être imprévisibles, en particulier lorsqu’ils passent des animaux aux humains. La compréhension des nouvelles maladies infectieuses doit être une priorité. Le SRAS, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1440-1843.2003.00518.x">qui tuait environ une personne infectée sur dix</a>, s’est avéré très mortel, mais a fini par disparaître, de manière quelque peu mystérieuse.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332038/original/file-20200501-42951-1ptz8k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les coronavirus constituent une grande famille de virus, qui engendrent des infections allant du simple rhume à des maladies plus graves, comme la Covid-19 et le SRAS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/coronavirus-structure-royalty-free-image/1203695052?adppopup=true">Getty Images/xia yuan</a></span>
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<h2>Apparition d’un nouveau virus</h2>
<p><a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMra032498">Le SRAS, ou syndrome respiratoire aigu sévère</a>, est observé pour la première fois dans la province du Guangdong, en Chine, en novembre 2002, quand des médecins découvrent une forme de pneumonie inhabituelle. Mais la maladie n’est pas signalée tout de suite à l’Organisation mondiale de la santé.</p>
<p>En février 2003, d’autres cas font leur apparition à Hanoï, au Vietnam, et un médecin de l’OMS, qui est décédé par la suite, examine un patient dans cette ville. Le 10 mars, il signale au bureau principal de l’OMS la présence d’une importante éclosion d’une nouvelle maladie.</p>
<p>Entre-temps, un médecin de la province du Guangdong se rend à Hongkong et séjourne à <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/02/28/hotel-metropole-chambre-911-l-histoire-du-sras_4281671_1819218.html">l’hôtel Métropole</a>, où se trouvent de nombreux voyageurs internationaux. Il a été infecté par ce que nous appelons aujourd’hui le SRAS-CoV-1 et il transmet le virus à au moins une douzaine de clients de l’hôtel. Deux personnes rentrent au Canada et y rapportent le virus. Une autre retourne en Irlande, une aux États-Unis, trois vont au Singapour et une au Vietnam. En outre, quelques personnes sont hospitalisées à Hongkong, ce qui engendre une éclosion dans un hôpital de la ville.</p>
<p>À partir de ce moment, le SRAS se répand un peu partout dans le monde, bien que la plupart des cas se produisent en Asie. Le virus est agressif et mortel. Les patients présentent généralement des symptômes deux ou trois jours après avoir été infectés. Il y a eu peu de cas d’infections sans symptômes, comme on en voit avec la Covid-19. Les masques apparaissent, on place des scanneurs thermiques dans les principaux lieux de rassemblement publics en Chine et dans d’autres régions d’Asie, on instaure des quarantaines. L’infection virale atteint son point culminant fin mai 2003, puis elle disparaît. Les mesures strictes de quarantaine ont porté leurs fruits et, en juillet 2003, l’OMS déclare que la menace est écartée.</p>
<p>Au total, il y a eu un peu plus de 8000 cas de SRAS-CoV-1 et environ 700 décès. Aux États-Unis, il n’y a eu <a href="https://www.cdc.gov/sars/about/fs-sars.html">que 29 cas confirmés et aucun décès</a>. L’économie de Hongkong, avec une forte composante touristique, a été gravement touchée par le SRAS en 2003, tout comme l’industrie du tourisme américain est actuellement un des secteurs de l’économie les plus affectés par le SRAS-CoV-2.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332040/original/file-20200501-42929-1d79q75.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des paasagers circulant dans la métro de Hongkong, en 2003, durant l’épidémie de SRAS.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/photo/hong-kong-people-riding-subway-during-sars-outbreak-royalty-free-image/200509489-001?adppopup=true">Getty Images/xPacifica</a></span>
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<h2>Des cousins meurtriers</h2>
<p>Le SRAS-CoV-1 et le SRAS-CoV-2 sont des virus étroitement apparentés. Les scientifiques pensent qu’ils proviennent tous les deux des chauves-souris. Les génomes à ARN des virus sont pareils à environ 80 %. Qu’est-ce que cela signifie ?</p>
<p>Sachant que le génome humain est identique à plus de 98 % à celui des chimpanzés, on pourrait en conclure 80 % est un faible pourcentage. Mais pour un virus, surtout s’il a un génome à ARN, c’est très proche.</p>
<p>Cela tient au fait que les virus peuvent muter très rapidement. Ils font beaucoup d’erreurs en copiant leur génome, dont ils font des milliers de copies en quelques heures.</p>
<p>Les deux virus ont des protéines très similaires sur leur surface et utilisent les mêmes protéines, ou récepteurs, de nos cellules pour y pénétrer. <a href="https://www.the-scientist.com/news-opinion/receptors-for-sars-cov-2-present-in-wide-variety-of-human-cells-67496">Ces récepteurs</a> se trouvent sur de nombreux types de cellules.</p>
<p>La plupart des études sur le SRAS-CoV-1 ont porté sur les poumons, car ce sont eux qui étaient attaqués dans les cas les plus graves de la maladie, mais les deux virus peuvent infecter différents organes. Pour connaître la fréquence à laquelle le SRAS-CoV-2 infecte d’autres organes, il nous faudra mener des autopsies et comprendre pleinement la façon dont le virus provoque la maladie.</p>
<p>Quelles sont les différences entre les deux coronavirus et de quelle façon influencent-elles le déroulement de la pandémie ? Le SRAS-CoV-1 était plus agressif et mortel que le SRAS-CoV-2. Cependant, le SRAS-CoV-2 se propage plus rapidement et reste parfois asymptomatique, ce qui fait en sorte que chaque personne infectée risque d’en infecter plusieurs autres. On considère pour l’instant que chaque personne en infecte en moyenne <a href="https://doi.org/10.1016/j.bsheal.2020.03.004">trois autres</a>, mais on ne le saura avec précision qu’après avoir testé un grand nombre de personnes et compris le rôle joué par les asymptomatiques.</p>
<p>La différence la plus importante est que pour le SRAS, la recherche des contacts — pour savoir qui a été exposé à une personne infectée par le virus — était relativement facile : tout le monde a eu des symptômes graves en deux ou trois jours.</p>
<p>Avec le SRAS-CoV-2, il faut jusqu’à deux semaines pour que les symptômes apparaissent, et de nombreuses personnes n’en ont aucun. Imaginez si on vous demandait avec qui vous avez été en contact au cours des deux dernières semaines ! Vous vous rappelez sans doute la plupart des personnes que vous avez vues depuis deux jours, mais depuis deux semaines ? Cet outil essentiel pour la lutte contre les pandémies est très difficile à mettre en place. Cela signifie que la seule chose sûre à faire est de maintenir la quarantaine pour tout le monde jusqu’à ce que la pandémie soit maîtrisée.</p>
<h2>De la nécessité d’un vaccin</h2>
<p>Qu’en est-il d’un vaccin contre le SRAS ? Des études avaient été lancées et on a été jusqu’à effectuer des tests avec des animaux. Un virus entier inactivé a été utilisé chez des furets, des primates non humains et des souris. Tous les vaccins ont engendré une immunité protectrice, mais il y a eu des complications ; les vaccins ont entraîné une maladie immunitaire chez les animaux.</p>
<p>On n’a pas mené d’études avec des humains ni approfondi la recherche sur le vaccin, car le <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0035421">virus a disparu</a>. De nombreux facteurs ont participé à la fin du SRAS-CoV-1, dont peut-être le temps estival, et certainement la mise en quarantaine stricte de tous ceux qui ont été en contact avec des personnes infectées, mais nous ne savons pas vraiment pourquoi l’épidémie s’est terminée. Les virus sont comme ça, imprévisibles !</p>
<p>Pour le SRAS-CoV-2, on travaille à des vaccins très différents, dont beaucoup n’utilisent que de petites portions du virus ou de <a href="https://www.quebecscience.qc.ca/sante/vaccins-contre-covid-19/">l’ARN du virus</a>. Cela permet de contourner les problèmes engendrés par les vaccins contre le SRAS-CoV-1 pour lesquels on s’est servi d’une plus grande partie du virus. La mise au point de vaccins comporte une importante composante expérimentale ; les chercheurs font des suppositions éclairées, essaient différentes approches et voient ce qui fonctionne. C’est pourquoi de nombreux types de vaccins sont testés par différents laboratoires dans le monde entier.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137957/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marilyn J. Roossinck reçoit des fonds de la National Fish and Wildlife Foundation ; de la National Science Foundation ; du ministère américain de l'agriculture.</span></em></p>Le COVID-19 et le SRAS sont tous deux mortels - mais différents. Les symptômes du SRAS apparaissaient rapidement, ce qui l'a rendu plus facile à contenir. Le virus est donc mort.Marilyn J. Roossinck, Professor of Plant Pathology and Environmental Microbiology, Penn StateLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1364872020-04-20T17:28:26Z2020-04-20T17:28:26Z1957, 1968 : que nous enseignent les précédents pics pandémiques grippaux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/329140/original/file-20200420-152614-we6zpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1192%2C713&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">168 conscrits malades de la grippe asiatique traités dans un stade à Luleå, Suède, 1957.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Grippe_asiatique#/media/Fichier:Asian_flu_in_Sweden_1957_(2).jpg">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>L’actuelle crise du coronavirus est vécue comme un événement exceptionnel et entièrement nouveau. Toutefois, il convient de rappeler que plusieurs crises pandémiques grippales sont apparues depuis 1918 : outre la <a href="https://theconversation.com/grippe-espagnole-et-coronavirus-pourquoi-le-contexte-est-tres-different-133836">« grippe espagnole » de 1918-1919</a>, il est intéressant de rappeler la « grippe asiatique » de 1957-1958 liée au virus A (H2N2) et, en 1968-1969, la « grippe de Hongkong » due au virus A (H3N2).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250138741961875457"}"></div></p>
<p><a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/grippe/articles/les-grippes-pandemiques">« Ces pandémies font partie du cycle normal de la circulation des virus grippaux chez l’homme »</a>, indique le site Santé publique France. Pourquoi la mémoire collective a-t-elle oublié ces deux derniers épisodes ? Comment la société avait-elle réagi à l’époque ? Quel a été le rôle de l’OMS ? Et quelles leçons peut-on en tirer pour demain ?</p>
<h2>1957 : la première pandémie grippale suivie en temps réel par une équipe de virologues</h2>
<p>L’OMS, instituée officiellement en avril 1948, a mis sur pied dès 1947, soit avant même sa création officielle, un programme contre la grippe, avec deux objectifs : « aider à se préparer à l’éventualité d’une nouvelle pandémie de grippe et concevoir de <a href="https://apps.who.int/gb/archive/pdf_files/WHA56/fa5623.pdf">nouvelles méthodes de lutte pour limiter la propagation</a> et la gravité des épidémies saisonnières ». Ce programme comporte la <a href="http://www9.who.int/features/history/Chronology_FR.pdf">mise en place</a> d’un service d’information épidémiologique, un service de réponse automatique par télex qui suit les informations relatives aux maladies soumises au Règlement sanitaire international.</p>
<p>La grippe de 1957 serait, <a href="http://www.agrobiosciences.org/archives-114/sciences-et-societe/nos-selections/lu-vu-entendu/article/comprendre-les-epidemies-la-coevolution-des-microbes-et-des-hommes-selection-d-ouvrage#.XpWHev0zaM8">d’après l’immunologiste Norbert Gualde</a>, apparue en Chine, plus précisément au Guizhou et au Yunnan, et peut-être transmise par des canards sauvages. Ce nouveau virus, identifié par des scientifiques occidentaux, est le premier dont la diffusion est <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/12/1/05-1254_article">suivie en temps réel par des équipes de virologues</a>. Cette épidémie s’étend à Singapour en février 1957, puis à Hongkong en avril, aux États-Unis en juin… Au bout de six mois, sa diffusion est mondiale. Ses effets se limitent parfois à une fièvre de quelques jours, mais elle se révèle mortelle lorsqu’elle dégénère en pneumonie sévère. Selon l’OMS, cette grippe de 1957-58 aurait causé entre 1 et 4 millions de morts dans le monde.</p>
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<p>Cette expérience pandémique permet aux scientifiques de tirer des <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/12/1/05-1254_article">conclusions sur l’immunité collective</a> : ils observent qu’au bout de trois ans, et bien que le virus A (H2N2) continue à circuler jusqu’en 1968, une immunité collective apparaît acquise par la population, du fait de l’augmentation du niveau d’anticorps, ce qui entraîne une diminution des cas. Autre conclusion : il est très utile d’établir un réseau de surveillance fondé sur les travaux des laboratoires et des scientifiques experts. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6086847/">L’OMS a alors étendu son réseau de surveillance à toute la planète</a>. Aujourd’hui, après 65 ans d’existence, ce réseau comporte 143 centres nationaux de surveillance de la grippe reconnus par l’OMS.</p>
<h2>1968 : la « grippe de Hongkong »</h2>
<p>En 1968, un nouveau virus apparaît : H3N2. Appelée « grippe de Hongkong », cette nouvelle pandémie touche la planète entière de l’été 1968 au printemps 1970. Elle aurait causé la mort d’environ 1 million de personnes. Elle serait en fait apparue en Asie centrale ou en Chine centrale. Mais son nom, « Grippe de Hongkong », vient du fait qu’elle a touché très fortement cette grande métropole du sud de la Chine, alors sous administration britannique : selon Claude Hannoun, professeur honoraire à l’Institut Pasteur, <a href="http://thebma4ever.weebly.com/uploads/3/1/4/8/31485489/histoire_naturelle_de_la_grippe.pdf">500 000 Hongkongais l’auraient attrapée</a> (sur 3,5 millions d’habitants alors), et « cette extension foudroyante était le signe de la naissance d’un virus nouveau vis-à-vis duquel, une fois encore, aucune immunité n’existait dans la population menacée. De là, l’épidémie s’étendit rapidement à toute l’Asie du Sud-Est, l’Inde et l’Australie. »</p>
<p>Claude Hannoun poursuit :</p>
<blockquote>
<p>« Cette épidémie a stimulé l’intérêt pour le problème de la grippe et relancé les recherches, aboutissant à une meilleure compréhension de la structure du virus et du mécanisme de ses variations. De plus, elle a permis de mobiliser les moyens pour renforcer les systèmes de surveillance, notamment le réseau international de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avec les Centres mondiaux et les Centres nationaux de référence, qui se sont révélés très utiles par la suite. »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/12/1/05-1254_article">Au Japon, l’épidémie de 1968 est moins forte</a>, peut-être du fait du haut développement et du haut niveau d’hygiène de ce pays.</p>
<p>Les <a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/89999/Official_record180_fre.pdf">scientifiques réunis par l’OMS en octobre 1969 à Atlanta</a> pour une conférence internationale sur la grippe de Hongkong estiment que la pandémie est en voie d’extinction, alors qu’en réalité elle se poursuit et se diffuse en Europe occidentale, avant d’atteindre le bloc communiste.</p>
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<p>Selon l’historien et démographe Patrice Bourdelais, <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/28/est-il-vrai-que-la-grippe-de-hongkong-de-1968-avait-ete-minimisee-dans-les-medias_1783363">cette pandémie de 1968 a été minimisée par la presse</a> occidentale et notamment française (aucun média n’emploie le mot de « pandémie »), alors qu’elle aurait causé 17 000 décès directs et un excédent de mortalité de 40 000 personnes rien qu’en France. Un journaliste du <em>Monde</em> <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1969/12/11/grippe-pharmacie-et-psychose_2406874_1819218.html">écrit le 11 décembre 1969</a> que « l’épidémie de grippe n’est ni grave ni nouvelle » et estime que « la crainte qu’elle inspire n’est qu’une « psychose collective ». Pourquoi cet aveuglement ? Patrice Bourdelais l’<a href="https://www.arretsurimages.net/emissions/arret-sur-images/les-elites-et-la-peste-1347-partir-tot-loin-longtemps">explique</a> par le fait que de nombreux sujets, nationaux comme internationaux, intéressent davantage l’opinion, tels que l’esprit de libération de mai 68, et, dans l’actualité internationale, la guerre du Vietnam et celle du Biafra, qui se double d’une grave famine ; cela s’expliquerait aussi par une atmosphère d’optimisme liée au contexte économique des Trente Glorieuses, du plein emploi et du sentiment de toute-puissance médicale liée à la connaissance des antibiotiques. De plus, à l’époque, on estimait que la mort des plus de 65 ans était dans l’ordre des choses. En outre, « on n’avait pas les chaînes d’info en continu et une économie mondialisée », <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/22/une-grippe-asiatique-avait-elle-vraiment-fait-100-000-morts-en-france-en-1957-1958_1782091">ajoute le docteur Richard Handschuh</a>.</p>
<p>Ainsi, « à l’époque, les autorités ont minimisé la gravité », explique aujourd’hui Patrice Bourdelais. Comme aujourd’hui, pourtant, « l’industrie a ralenti à cause du nombre de malades, et une grande partie du personnel de la SNCF était grippée par exemple. Un conseiller municipal de Paris, médecin, a demandé le report de la rentrée des classes à l’automne, ce qui n’a pas été mis en place. Ensuite, ça s’est emballé dans la deuxième moitié du mois d’octobre. »</p>
<p>La grippe de Hongkong, dont la propagation est accélérée par le développement des transports en avion, est la <a href="https://www.liberation.fr/france/2005/12/07/1968-la-planete-grippee_540957">première à avoir été surveillée par un réseau international</a> chapeauté par l’OMS, et elle est devenue le fondement de tous les travaux de modélisation visant à prédire le calendrier de futures pandémies, comme le souligne <a href="http://influenza.h5n1.over-blog.com/article-1361349.html">l’épidémiologiste Antoine Flahaut (cité par Corinne Bensimon)</a>. DElle est classée par l’OMS au niveau 2 de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_gravit%C3%A9_de_la_pand%C3%A9mie">indice de gravité de la pandémie</a>.</p>
<p>Un rebondissement inquiétant survient en avril 2005 : une firme américaine travaillant pour une organisation médicale de Chicago <a href="https://www.lesoir.be/art/la-grippe-asiatique-a-voyage-par-erreur-sante-la-souche_t-20050414-Z0QGX2.html">envoie par erreur des échantillons du virus H2N2 dans de nombreux laboratoires</a> situés aux États-Unis et au Canada, ainsi que dans 61 laboratoires d’Asie, d’Europe, d’Amérique latine et du Moyen-Orient. À la suite de la découverte du premier échantillon au Canada, l’alerte est rapidement lancée par l’OMS : « le risque était qu’un laborantin soit contaminé par accident et rapporte le virus à la maison », déclenchant une nouvelle épidémie. Devant le danger, toutes les mesures sont prises pour détruire les souches contaminantes.</p>
<p>Depuis 2011, une <a href="https://www.santelog.com/actualites/grippe-h2n2-les-scientifiques-alertent-sur-la-menace-de-la-souche-asiatique">partie de la communauté médicale, notamment des chercheurs américains, juge nécessaire le lancement d’un programme de vaccination</a> afin d’empêcher la ré-émergence de H2N2 dans la population mondiale.</p>
<h2>L’OMS et la préparation contre le Covid-19</h2>
<p>En 2018, l’OMS, commémorant les 100 ans de la grippe espagnole, prévient avec prémonition, par la voix de la <a href="https://www.who.int/fr/influenza/spotlight">Dr Wenqing Zhang, responsable du Programme mondial de lutte contre la grippe de l’OMS</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le virus de la grippe mute constamment […] pour contourner nos défenses immunitaires. En cas d’apparition d’un nouveau virus capable d’infecter aisément l’être humain […], une pandémie peut se produire. […] Nous sommes sûrs qu’un nouveau virus grippal entraînera une autre pandémie mais nous ne savons pas quand celle-ci se produira, quelle sera la souche de virus en cause et quel sera le degré de gravité de la maladie. »</p>
</blockquote>
<p>Les deux pics pandémiques de 1957 et 1968 ont servi à l’OMS à élaborer des réflexions et des programmes et actions de prévention. En 2003, revenant sur ces crises, l’OMS estime que <a href="https://apps.who.int/gb/archive/pdf_files/WHA56/fa5623.pdf">« ces besoins sont toujours les mêmes aujourd’hui »</a>. Les fonctions de l’OMS ont été considérablement renforcées et affinées en tenant compte des progrès des connaissances scientifiques. Un vaste réseau administré par l’OMS et regroupant actuellement 112 centres nationaux de lutte contre la grippe dans 83 pays et 4 centres collaborateurs OMS de référence et de recherche sur la grippe, recueille des informations sur les souches de virus grippal en circulation et les tendances épidémiologiques. Les centres nationaux expédient des isolements viraux représentatifs aux centres collaborateurs pour identification immédiate de la souche. Outre qu’il aide à déterminer la composition annuelle des vaccins recommandés, le réseau fonctionne également comme un système d’alerte rapide en cas d’émergence de variants et de nouvelles souches de virus grippal.</p>
<p>Visionnaire, le Secrétariat de l’OMS affirme dès 2003 :</p>
<blockquote>
<p>« Une nouvelle pandémie de grippe est inévitable et peut-être imminente. D’après des modèles épidémiologiques, elle pourrait se traduire, rien que dans les pays industrialisés […] par 1 à 2 ou 3 millions d’hospitalisations et 280 000 à 650 000 décès en moins de deux ans. C’est dans les pays en développement, où les services de santé sont déjà fortement sollicités et où la population est souvent affaiblie par un mauvais état nutritionnel et sanitaire, que l’impact sera sans doute le plus grand. »</p>
</blockquote>
<p>Pour bien préparer les sociétés à ce tsunami à venir, l’Assemblée mondiale de la Santé (principal organe de l’OMS) révise et adopte en 2005 le Règlement sanitaire international, nouveau cadre légal adopté par la plupart des pays visant à enrayer les menaces de maladies susceptibles de se propager rapidement d’un pays à l’autre.</p>
<p>Malheureusement, cela ne suffit pas. Après de fausses alertes en 2002 (SARS), en 2004 (grippe aviaire H5N1) et en 2009 (grippe porcine A (H1N1)), c’est fin 2019 qu’apparaît le Covid-19, pour lequel <a href="https://www.who.int/fr/dg/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---11-march-2020">l’OMS lance l’alerte pandémique le 11 mars 2020</a>. Le virus prend de vitesse le monde entier. Pourquoi ? Parce qu’il est très contagieux et que beaucoup de pays occidentaux comme la France, pays à l’économie fortement tertiarisée et désindustralisée, manquent de masques, de tests, de médicaments. Ainsi, Patrice Bourdelais fait remarquer qu’« en 1957-1958, il a fallu six mois pour atteindre le stade pandémique, contre un <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2020/03/22/une-grippe-asiatique-avait-elle-vraiment-fait-100-000-morts-en-france-en-1957-1958_1782091">mois et demi environ pour le Covid-19</a> ».</p>
<p>Que faire à présent ? Il est essentiel, pour vaincre ce virus et éviter qu’il n’accroisse encore les inégalités sociales, que les services publics de santé soient fortement développés dans chaque État, et que l’OMS joue un rôle actif de coordination et de supervision de la réponse à apporter à la pandémie : fabrication et distribution de protections, de traitements et de vaccins. Cela s’annonce difficile étant donné la décision prise par le président Trump le 15 avril 2020 de <a href="https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/17/qui-finance-l-oms_1785538">suspendre le financement américain à l’OMS</a>, ce qui ampute l’OMS de 22 % de son budget…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136487/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La « grippe asiatique » de 1957-1958 et la « grippe de Hongkong » de 1968-1969 ont été largement effacées de nos mémoires. Pourtant, leur étude est très utile au vu de l’actuelle pandémie de Covid-19.Chloé Maurel, Chercheuse associée à l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (Ecole Normale Supérieure, CNRS, Université Paris 1), École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1335452020-03-12T18:07:28Z2020-03-12T18:07:28ZCe que vous devez savoir sur les animaux domestiques et le Covid-19<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/320115/original/file-20200312-111261-1kmkv8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C0%2C6000%2C3925&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est possible que les chiens promènent le coronavirus sans être infectés. Dans ce cas, ils seraient des « fomites » : des vecteurs passifs de transmission du virus. Toussez dans votre coude, pas sur votre chien.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dog-wearing-air-pollution-mask-protect-1626597040"> Aonip / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Un loulou de Poméranie hongkongais a attiré <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/mar/05/hong-kong-warns-residents-not-to-kiss-pets-after-chien-contrats-coronavirus">l’attention des médias internationaux</a> cette semaine, après que les scientifiques ont trouvé chez lui des traces de coronavirus. Une fois obtenue la confirmation que son propriétaire était positif pour le virus à l’origine du Covid-19, le chien a été emmené de l’île de Hong Kong vers un centre de quarantaine pour animaux situé à proximité. Des <a href="https://www.info.gov.hk/gia/general/202002/28/P2020022800013.htm">tests</a> menés ultérieurement sur des prélèvements réalisés au niveau du nez et de la gorge de l’animal ont alors révélé, contre toute attente, la présence du coronavirus.</p>
<p>Ces résultats ont soulevé de nombreuses questions. Les chiens peuvent-ils vraiment attraper le virus ? Devrions-nous craindre que nos animaux de compagnie tombent malades ? Les chiens peuvent-ils transmettre le virus d’une personne à l’autre ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1233344232104087553"}"></div></p>
<p>Le résultat positif pour le coronavirus obtenu chez ce loulou de Poméranie ne signifie qu’une seule chose : qu’un petit morceau de génome viral a été détecté dans un des échantillons prélevés sur l’animal. La technique utilisée pour le mettre en évidence (la PCR, acronyme de l’anglais <em>Polymerase Chain Reaction</em>) est très sensible, mais elle ne permet pas de savoir si le coronavirus se répliquait effectivement chez le chien, ou bien si celui-ci avait simplement léché, dans la maison où il vivait, des surfaces contaminées par le virus.</p>
<p>On ne sait pas exactement combien de temps le virus SARS-CoV-2, qui provoque la maladie Covid-19, peut survivre dans l’environnement. Une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3509683/">étude</a> portant sur d’autres coronavirus suggère que ces derniers peuvent rester infectieux pendant plusieurs jours si la température et l’humidité sont adéquates. Étant donné que nous ne savons même pas si le virus détecté était infectieux ou non, nous ne pouvons déterminer s’il s’est répliqué chez ce chien ou pas.</p>
<p>En revanche, nous savons que le SARS-CoV-2 peut se transmettre par gouttelettes. Il est donc possible que les chiens agissent comme des « fomites », terme désignant des matières ou des objets contaminés par un microorganisme pathogène qui jouent un rôle dans la propagation d'une maladie. En d’autre termes, les chiens pourraient transporter les virus, comme le ferait un tissu sale en l’absence de mesures d’hygiène appropriées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319652/original/file-20200310-61148-vllmgm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Qui tu traites de « fomite » ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/evil-chihuahua-looks-into-camera-displeased-1148030708">Galina Kovalenko/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Le SRAS-CoV-2 est actuellement sous le feu des projecteurs. Il existe cependant de nombreux types de coronavirus différents, et le fait que certains d’entre eux infectent les chiens n’est pas une découverte. Le premier coronavirus signalé chez le chien remonte à <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/4377955">1974</a>. Plus récemment, en 2003, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12781709">nouveau coronavirus canin causant des maladies respiratoires</a> a été identifié chez des chiens vivant dans un refuge pour animaux au Royaume-Uni. Ce virus a depuis été signalé dans le monde entier.</p>
<p>Bien que les coronavirus canins soient distincts du SRAS-CoV-2, les chiens sont clairement sensibles à cette famille de virus. On ne connaissait néanmoins jusqu’ici aucun cas de coronavirus humains infectant les chiens, et vice versa. Pour qu’un virus saute d’une espèce à l’autre, il doit en effet surmonter plusieurs obstacles.</p>
<p>La principale barrière qui empêche un virus d’infecter un nouveau type d’animal est la surface de la cellule hôte. Pour infecter les cellules canines, le SRAS-CoV-2 doit pouvoir se lier (s’attacher) aux récepteurs canins. Les recherches qui ont été menées avec diligence sur le SRAS-CoV-2 ont révélé qu’il utilise les protéines <a href="https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(20)30229-4.pdf">ACE2 et TMPRSS2</a> pour pénétrer dans les cellules. Les chiens possèdent ces deux protéines, mais elles ne sont pas identiques aux versions humaines, donc le virus pourrait ne pas être en mesure de les utiliser aussi efficacement.</p>
<p>Si nous supposons que le virus peut se lier aux cellules canines, y entrer et s’y répliquer (ce qui reste un grand « si »), les propriétaires de chiens peuvent raisonnablement s’inquiéter de savoir si leur chien tombera malade après l’infection. Il est rassurant de constater que le loulou de Poméranie au centre de cette attention médiatique n’a montré aucun signe de maladie. Bien qu’il s’agisse d’une étude de cas unique, il n’y a aucune raison de croire que le virus humain devrait provoquer une maladie chez les chiens.</p>
<h2>Les chiens pourraient-ils transmettre le SRAS-CoV-2 aux humains ?</h2>
<p>Pour que le chien transmette la maladie, le coronavirus doit se répliquer dans ses cellules à des niveaux suffisamment élevés pour être libéré hors de son organisme. Les résultats rapportés indiquent que seuls de faibles niveaux de virus ont pu être détectés chez le loulou de Poméranie concerné. Mais quelle quantité minimale de virus est nécessaire pour infecter une personne ? Une fois de plus, nous ignorons, pour l’instant, la réponse à cette question.</p>
<p>Nous savons cependant que si, pour un certain nombre de virus, la transmission d’homme à chien est théoriquement possible, la transmission d’homme à homme est bien plus efficace. Nous avons montré, comme d’autres chercheurs, que les chiens peuvent être sensibles aux <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25832298">norovirus humains</a>, cause majeure de vomissements et de diarrhée dans le monde entier. Pourtant, bien que ces virus infectent chaque année des millions de personnes, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/31961308">seul cas indiscutable</a> de transmission d’homme à chien a été signalé. Le séquençage complet du génome viral a été déterminant pour mettre en évidence ce cas particulier, et sera également nécessaire pour établir de manière ferme et définitive le rôle joué par les chiens dans l’actuelle épidémie de SRAS-CoV-2.</p>
<p>Même dans le pire des scénarios, celui où le coronavirus serait capable de se répliquer chez les chiens à des niveaux non négligeables, on peut supposer sans grand risque que vous êtes beaucoup plus susceptible d’être infecté par votre voisin que par votre chien. Il est toutefois essentiel de mettre en œuvre de bonnes pratiques d’hygiène à proximité de tout animal de compagnie. De cette manière, ils ne transporteront pas le coronavirus par inadvertance sur leur pelage, ce qui évitera qu’ils ne le transmettent d’une personne à l’autre. Veuillez donc tousser dans votre coude, pas sur votre chien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sarah L Caddy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À Hongkong, un loulou de Poméranie a provoqué la panique. Vous n’avez pourtant pas à vous soucier de la propagation du Covid-19 par vos animaux de compagnie.Sarah L Caddy, Clinical Research Fellow in Viral Immunology and Veterinary Surgeon, University of CambridgeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1310012020-02-03T20:21:22Z2020-02-03T20:21:22ZCoronavirus : « La Chine est en état de guerre sanitaire »<p>Avec l’émergence d’un coronavirus inconnu dans la mégapole de Wuhan, dans la province du Hubei, les autorités chinoises doivent gérer une crise sanitaire d’ampleur.</p>
<p>Responsable de près de <a href="http://t.co/cRu6dLtqQL">20 479 contaminations</a> déclarées début février, ce nouveau virus proche du SRAS a déjà fait <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/01/24/coronavirus-chinois-quel-est-le-bilan-des-contaminations-et-des-morts-pays-par-pays_6027141_4355770.html">427 victimes</a>, dont 425 sur le sol chinois. Les premières données semblent indiquer qu’il se propage plus vite que le SRAS ne l’avait fait en 2003.</p>
<p>Dans un entretien en <a href="https://theconversation.com/coronavirus-comment-pekin-cherche-a-sauver-la-face-131098">deux parties</a>, Antoine Bondaz détaille pour The Conversation la stratégie mise en place par les autorités pour faire face non seulement à la crise sanitaire en cours, mais aussi à la crise politique qui pourrait en découler.</p>
<hr>
<p><strong>La communication des autorités chinoises a-t-elle été plus rapide qu’en 2003, lorsque l’épidémie de SRAS s’est déclarée ?</strong></p>
<p>Oui. En 2003, les autorités n’ont commencé à parler de l’épidémie du SRAS qu’après la survenue des 18 premiers décès dans le pays, et surtout après que la maladie a quitté la Chine continentale pour passer à Hongkong. Les diplomates étrangers en poste au consulat de Guangzhou (Canton) avaient eu vent de nombreuses rumeurs circulant dans le Guandong à propos d’une maladie qui était en train de se propager, qui aurait été responsable de centaines de morts (ce qui n’était pas encore le cas). Une fois que Pékin a rapporté les cas à l’OMS, tout s’est enchaîné extrêmement vite.</p>
<p>Dans le cas du coronavirus 2019-nCoV, les autorités ont fait état à l’OMS d’un premier cas dès le 31 décembre 2019, bien avant l’enregistrement du premier décès officiel, qui date du 11 janvier. Leur réponse a donc été plus rapide. La communication des dirigeants a aussi été un peu plus rapide : le lundi 20 janvier, le président Xi Jinping demandait à ce que les cadres locaux reconnaissent la crise et s’expriment sur le nombre de cas recensés dans les provinces, dans les comtés, les préfectures, etc.</p>
<p><strong>On a donc eu une mise en scène d’une communication plus rapide et plus ouverte de la Chine. Pour autant, est-ce que cela signifie que toutes les informations ont été données ?</strong></p>
<p>Clairement pas. Premièrement, les autorités locales n’ont initialement pas eu l’autorisation par Pékin de communiquer sur la maladie, ce que le maire de Wuhan, Zhou Xianwang, a intelligemment rappelé. Deuxièmement, il aurait pu y avoir des cas dès la fin du mois de novembre. Ce qui expliquerait pourquoi les médecins chinois ont très rapidement, dès début janvier, eu des kits de détection à disposition : ils auraient commencé à travailler à leur mise au point dès décembre. La Chine aurait donc mobilisé en interne ses équipes de recherche bien avant de commencer à communiquer sur cette maladie. Troisièmement enfin, plusieurs médecins de Wuhan avaient tenté de prévenir la population dès la fin du mois de décembre mais ont été réduit au silence par les autorités locales pour, officiellement, « véhiculer des rumeurs ».</p>
<p>Ce « retard à l’allumage » a malheureusement contribué à empêcher les personnels de santé de parler ouvertement de la maladie et de sensibiliser la population sur les risques, à ralentir la réponse des autorités tant en termes de communication que de mesures de santé publiques, et donc in fine à propager le virus, y compris hors du pays.</p>
<p><strong>Pourquoi une telle réticence initiale à communiquer ?</strong></p>
<p>L’<a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-7933405/Wuhan-mayor-admits-withholding-information-coronavirus-outbreak.html">interview</a> du maire de Wuhan, Zhou Xianwang, publiée fin janvier dans le <em>Quotidien du Peuple</em>, est importante pour comprendre ce relatif « retard à l’allumage ». Il y reconnaît que les autorités locales se sont exprimées tardivement, qu’il y a eu une sous-estimation de l’épidémie et présente ses excuses. Mais il rajoute, et c’est fondamental, qu’il n’a pas donné d’informations plus vite parce qu’il n’avait pas reçu l’autorisation de communiquer de la part des autorités centrales à Pékin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1221484711215800321"}"></div></p>
<p>La communication a donc été plus rapide que dans le cas du SRAS, mais la remontée de l’information et la prise de décisions a été ralentie malgré tout, du fait des spécificités du système politique chinois. En cause notamment, la double centralisation du pouvoir, dans le pays autour du parti, et dans le parti autour du secrétaire général – une double centralisation renforcée par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir fin 2012. C’est lui qui prend, <em>in fine</em>, les décisions majeures, mais il est très difficile de faire remonter une information jusqu’à lui.</p>
<p>La forte centralisation politique en Chine et l’autoritarisme, qui permettent paradoxalement de mettre en œuvre certaines mesures phares de façon rapide et efficace, sont aussi les raisons majeures du manque de transparence du régime, de son échec à avoir prévenu la population du risque réel au bon moment, et donc à ne pas avoir pris plus vite des mesures visant à limiter la propagation du coronavirus. La responsabilité du Parti dans la crise est donc importante et cette question ne pourra être écartée dans les mois à venir.</p>
<p><strong>La proximité des fêtes du Nouvel An chinois a également pu jouer…</strong></p>
<p>Effectivement. Les autorités locales ont pu se demander si elles avaient intérêt à communiquer sur une crise locale avant l’événement de l’année. Difficile d’anticiper la réaction de la population ou du gouvernement central… Il y a très certainement eu une sous-estimation réelle non seulement de l’épidémie, mais aussi des risques liés à la maladie, ce qui a pu ralentir la remontée de l’information auprès des cadres locaux. Ce type de gestion aurait fonctionné dans le cas d’un incident sanitaire ne pouvant pas se propager. Mais l’émergence d’un nouveau coronavirus qui se dissémine extrêmement rapidement ne fait pas partie des scénarios compatibles. Ce retard à l’allumage a aujourd’hui des conséquences considérables.</p>
<p><strong>Quelles sont ces conséquences ?</strong></p>
<p>Les statistiques chinoises, certes imparfaites mais qui sont les seules disponibles, renseignent bien sûr la propagation du virus, province par province et préfecture par préfecture (le sous-échelon administratif des provinces). Ce qu’il est très important de souligner c’est que, quelques semaines à peine après l’annonce de l’épidémie à l’OMS, toutes les provinces sont touchées. Dans le cas du SRAS, à la fin de l’épidémie, six provinces avaient été épargnées. Cette fois, la propagation est donc allée beaucoup plus rapidement, pour de nombreuses raisons.</p>
<p>Tout d’abord, les infrastructures de transport du pays sont beaucoup plus développées qu’en 2003. Il est beaucoup plus facile de se déplacer en Chine aujourd’hui, notamment grâce aux 33 000 km de voies ferrées à grande vitesse (deux fois plus que dans le reste du monde réuni !). Il y a quinze ans, il y en avait… 0 ! Entre 1998 et 2018, le trafic du transport aérien en Chine a été multiplié par dix. Ce n’est pas tout : les déplacements de Chine vers le reste du monde ont églament explosé. Il y a aujourd’hui, chaque année, huit fois plus de touristes qui sortent du territoire chinois qu’en 2003 (160 millions contre 20 millions).</p>
<p>Ensuite, l’épidémie a émergé à Wuhan. Or cette ville de près de 11 millions d’habitants (chiffre qui atteint plusieurs dizaines de millions si on considère la mégalopole) est située à l’intersection des deux grands axes de chemin de fer que sont l’axe Pékin-Canton et l’axe Shanghai-Chengdu. On y trouve énormément de travailleurs migrants venus des campagnes alentour et des provinces voisines, qui sont moins développées. Pour ces gens, le Nouvel An constitue les seules vraies vacances de l’année, l’occasion de rentrer chez soi, de renouer avec leurs réseaux familiaux. Beaucoup de gens partent aussi à l’étranger, pour aller voir leur famille ou pour voyager. Le fait que la crise soit survenue à cette période complique beaucoup sa gestion.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/wuhan-point-de-depart-du-coronavirus-et-test-politique-pour-xi-jinping-130900">Wuhan, point de départ du coronavirus et test politique pour Xi Jinping</a>
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<p>Un grand nombre de personnes a quitté de Wuhan non seulement parce qu’elles craignaient la maladie, mais aussi, bien avant la communication officielle, tout simplement pour les fêtes du Nouvel An. Une partie de ces personnes s’est retrouvée dans une multitude d’endroits situés loin des centres urbains et des grandes installations sanitaires. Cela facilite la propagation du virus au cœur des provinces chinoises et complique la tâche des autorités : aujourd’hui, des centaines d’hôpitaux doivent faire face à des cas de coronavirus.</p>
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<p><strong>Le système de santé se retrouve donc particulièrement sous tension ?</strong></p>
<p>Oui. Ce déplacement de populations lié au Nouvel An déséquilibre déjà le système de soins en temps normal. Cette fois, d’innombrables hôpitaux vont devoir mobiliser de nombreux professionnels de santé pour soigner les individus malades du coronavirus.</p>
<p>En termes de logistique, c’est aussi très compliqué : il faut par exemple faire parvenir des centaines de milliers de kits de détection dans des milliers d’hôpitaux à travers l’ensemble du pays. Le défi sanitaire et logistique est considérable, ce qui explique que Pékin mobilise des moyens militaires tant en termes de personnels de santé qu’en termes de transports. L’armée populaire de Libération (APL) a accès à des réseaux ferrés ou aériens qui sont différents des réseaux civils, ce qui permet de multiplier les chaînes logistiques.</p>
<p>Deux institutions au sein de l’armée ont été mobilisés : le département de soutien logistique, qui dépend de la commission militaire centrale (le cœur du système militaire chinois), et la force de soutien logistique, une force interarmées dont l’objectif est de faciliter la logistique entre les cinq grandes régions militaires de la Chine (les cinq « théatres de commandement »). Cette décision témoigne de l’ampleur de la crise. Je n’hésite pas à dire que le pays est « en état de guerre sanitaire », tant la mobilisation est générale et la rhétorique employée par le Parti est proche de celle d’un véritable conflit armé.</p>
<h2>Cette mobilisation est-elle également un outil de communication ?</h2>
<p>Cette mobilisation doit être mise en scène. C’est notamment le cas avec la communication autour de la construction de plusieurs « hôpitaux », lesquels sont plutôt des centres temporaires pour rassembler et traiter les malades, désengorger les hôpitaux classiques, et rassurer la population sur la détermination des autorités. Mais bien que temporaire, les deux « hôpitaux » construits à Wuhan, Huoshenshan et Leishenshan, sont des prouesses en termes de construction et de logistique, notamment pour le conglomérat d’État CSCEC.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=374&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313430/original/file-20200203-41532-ectyt8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=470&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette photo aérienne prise le 2 février 2020 montre l'hôpital de Huoshenshan, qui signifie « montagne du Dieu du feu », après qu’il a été remis à l'armée chinoise à Wuhan, dans la province centrale du Hubei.</span>
<span class="attribution"><span class="source">STR / AFP</span></span>
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<p>Ils constituent aussi des références directes à une décision politique phare de 2003 durant la crise du SRAS, qui avait à l’époque été utilisée comme un symbole de la détermination des autorités centrales. En avril 2003, un « hôpital » au nord de Pékin, Xiaotangshan, avait été construit en urgence avant d’être fermé un mois plus tard, après avoir géré près de 700 malades. Il est d’ailleurs en ce moment en cours de reconstruction.</p>
<p>Cette stratégie en termes de communication se retrouve également dans plusieurs éditoriaux publiés à partir du 23 janvier, qui font état du « sacrifice de Wuhan » afin de sauver le reste du pays (rappelant, évidemment, l’Armée populaire de Libération).</p>
<p>L’avenir dira si ces mesures sont efficaces pour gérer la crise sanitaire. Mais Pékin s’affaire aussi à mettre en place des mesures pour gérer la <a href="https://theconversation.com/coronavirus-comment-pekin-cherche-a-sauver-la-face-131098">seconde crise qui se profile, politique cette fois-ci</a>.</p>
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<p><em>Retrouvez la seconde partie de notre entretien avec Antoine Bondaz, consacrée à la crise politique, en cliquant <a href="https://theconversation.com/coronavirus-la-chine-est-en-etat-de-guerre-sanitaire-131001">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131001/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Bondaz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La forte mobilisation et la stratégie de communication de Pékin s’apparentent à celles d’un véritable conflit armé.Antoine Bondaz, Chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1309602020-02-03T20:21:12Z2020-02-03T20:21:12ZCoronavirus : pourquoi fermer les marchés aux animaux en Chine serait une très mauvaise idée<p>Depuis quelques semaines une épidémie due à un nouveau coronavirus (baptisé 2019-nCoV en attendant que l’OMS lui trouve un nom approprié) <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/situation-reports/">se propage en Chine</a> et affecte désormais d’autres régions du monde. Des milliers d’infections ont eu lieu, entraînant plus de 300 décès, et le virus s’est répandu <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2020/01/24/coronavirus-chinois-quel-est-le-bilan-des-contaminations-et-des-morts-pays-par-pays_6027141_4355770.html">dans de nombreux pays</a>.</p>
<p>Les recherches anthropologiques que nous menons en Chine depuis de longues années sur les maladies transmises aux humains par les animaux (zoonoses) peuvent nous éclairer sur la crise actuelle. Il est en effet très probable que cette nouvelle forme de coronavirus, responsable de pneumonies parfois mortelles, soit apparue au début du mois de décembre 2019 à la suite d’une propagation zoonotique : le virus aurait « sauté » d’un animal (qui reste à identifier) à l’être humain.</p>
<p>Des scientifiques chinois <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30154-9/fulltext">ont remonté la piste de ce nouveau coronavirus jusqu’à sa source potentielle</a>. Celle-ci se situerait au Huanan Seafood Wholesale Market de Wuhan, qui avait été visité par 27 des 41 patients hospitalisés. Toutefois, le premier patient enregistré n’a pas déclaré avoir fréquenté ce marché.</p>
<p>On peut acheter sur le Huanan Seafood Wholesale Market non seulement des fruits de mer (<em>seafood</em> en anglais), mais aussi une grande variété d’animaux sauvages. Les scientifiques soupçonnent que c’est à partir de l’une de ces espèces animales que le virus aurait « sauté » vers l’être humain. Contrairement à une hypothèse précédente, selon laquelle le <a href="https://www.phillyvoice.com/coronavirus-outbreak-china-originate-snakes-cobra/">virus aurait été issu de serpents</a>, les analyses génétiques actuelles suggèrent que son émergence est survenue <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30154-9/fulltext">chez les chauves-souris</a>. Celles-ci sont moins fréquemment vendues sur les marchés chinois, mais sont généralement considérées comme le réservoir animal de nombreuses <a href="https://theconversation.com/ebola-bats-get-a-bad-rap-when-it-comes-to-spreading-diseases-32785">maladies infectieuses transmissibles aux humains</a>. Les autorités de Wuhan ont fait fermer et désinfecter le marché le 1<sup>er</sup> janvier. Trois semaines plus tard, le 22 janvier, la Chine a interdit temporairement tout commerce de produits d’animaux sauvages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qua-t-on-appris-de-lanalyse-genetique-du-coronavirus-130823">Qu’a-t-on appris de l’analyse génétique du coronavirus?</a>
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<p>Dans le sillage de l’épidémie de coronavirus, les images de marchés d’animaux vivants sont elles-mêmes devenus « virales », faisant la une des médias du monde entier. Un <a href="https://www.nytimes.com/2020/01/25/world/asia/china-markets-coronavirus-sars.html">article du New York Times</a>, par exemple, a délibérément dépeint les marchés « omnivores » chinois d’une manière qui paraît scandaleuse pour le public occidental : description de poulets entiers plumés avec tête et bec ; présentation d’un florilège d’animaux sauvages sélectionnés pour choquer le lecteur : cigales, tortues et serpents vivants, cobayes, rats de bambou, blaireaux, hérissons, loutres, <a href="https://www.gbif.org/fr/species/2434654">civettes palmistes</a>, et même louveteaux…</p>
<p>Cet accent mis sur la consommation d’aliments exotiques en Chine <a href="https://anthrosource.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1525/aa.2005.107.1.031">reprend des clichés orientalistes sur le « péril jaune »</a>, et se teinte parfois de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/08949468.2016.1131484">racisme anti-chinois</a>.</p>
<h2>Comment monte la panique morale</h2>
<p>La nécessité, pour des raisons épidémiologiques, de déterminer précisément quelles espèces se trouvaient réellement sur le Huanan Seafood Wholesale Market, et à quelle fréquence, est sapée par l’insistance des médias qui demandent à longueur de sujets <a href="https://www.wsj.com/articles/abolish-asias-wet-markets-where-pandemics-breed-11580168707">l’interdiction, voire l’abolition</a> de ces « wet markets » (« marchés humides » en français). Ce <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/may/13/east-asian-words-oxford-english-dictionary-hong-kong-singapore-oed">terme, qui a émergé</a> en anglais à Hongkong et de Singapour, est employé pour distinguer les marchés vendant de la viande, des poissons et des légumes des marchés « secs », vendant des biens durables comme les textiles, ou des supermarchés, où la viande est réfrigérée et emballée. Le terme « humide » renvoie non seulement <a href="https://www.nhb.gov.sg/%7E/media/nhb/files/resources/publications/ebooks/nhb_ebook_wet_markets.pdf">aux nettoyages au jet d’eau dont ils font régulièrement l’objet</a>, mais aussi au fait que l’on peut y acheter des produits appréciés pour leur « fraîcheur », perçue comme favorable pour la santé.</p>
<p>Les reportages produits par les médias s’appuient souvent sur des montages d’images <a href="https://www.businessinsider.sg/wuhan-coronavirus-chinese-wet-market-photos-2020-1/?r=US&IR=T">réalisées sur différents marchés chinois</a>, mais ne donnent généralement que peu d’informations sur le lieu précis ou le moment où ces prises de vues ont été faites. Qui plus est, ils ne tiennent pas compte des variations importantes qui peuvent exister dans les pratiques culinaires des différentes régions du pays.</p>
<p>Ces images communiquent un sentiment de dégoût envers les habitudes alimentaires des Chinois et reflètent en même temps les craintes suscitées par l’interconnexion de deux types d’« émergence » en cours en Chine : l’émergence virale et l’émergence économique.</p>
<p>Les anthropologues ont examiné en détail la façon dont le modèle de développement chinois (autrement dit, l’émergence économique de la Chine au XXI<sup>e</sup> siècle) <a href="https://risweb.st-andrews.ac.uk/portal/en/researchoutput/yellow-peril-epidemics(0c78d54e-bab8-4947-b4d6-92878cab9490).html">a été perçu comme une menace en Occident</a>, tant en termes politiques, à cause de la rapidité du développement économique de la Chine et de la concurrence qu’il représenterait pour les économies américaine ou européenne, que culturels, parce que les réformes semblent incompatibles avec les attentes occidentales en matière de modernisation. Pour résumer, ce n’est pas tant la Chine qui s’adapte au capitalisme que le capitalisme qui s’adapte à la Chine.</p>
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<span class="caption">Volailles vendues sur un wet market à Canton en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Keck</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La consommation alimentaire de la Chine est emblématique de ce processus. Si les consommateurs chinois ont adopté les supermarchés et les aliments préemballés, le développement économique de la Chine n’a pas entraîné la disparition des formes de consommation chinoises, comme le montre par exemple la persistance de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2020/jan/23/appetite-for-warm-meat-drives-risk-of-disease-in-hong-kong-and-china">l’attrait pour la « viande chaude »</a>, expression désignant la viande d’animaux fraîchement abattus, consommée sans réfrigération ou congélation. Les consommateurs chinois n’ont pas adopté les normes culturelles européennes et américaines concernant ce qui est mangeable et ce qui ne l’est pas.</p>
<p><a href="https://www.dukeupress.edu/avian-reservoirs">À Hongkong</a>, la <a href="https://journals.openedition.org/gradhiva/2405">recherche</a> menée par Frédéric Keck a montré que malgré les tentatives du gouvernement de racheter les licences des éleveurs et des vendeurs de volailles en vue de remplacer le « poulet vivant » (<em>huoji</em>) par de la viande réfrigérée, les consommateurs urbains ont continué à acheter des races de volailles élevées localement, à un prix deux fois supérieur aux poulets importés de Chine. Dans un autre ordre d’idée, les bouddhistes achetaient des oiseaux vivants sur les marchés pour les relâcher, en guise de geste compassionnel producteur de mérites (<em>fangsheng</em>). Lorsque les ornithologues ont montré que cette pratique augmentait le risque de transmission de la grippe aviaire, les bouddhistes ont cessé de relâcher des oiseaux mais ils se sont tournés vers les marchés aux poissons, remplaçant ainsi une « fraîcheur » par une autre.</p>
<p>Dans les médias occidentaux, les <em>wet markets</em> sont présentés comme des emblèmes de l’altérité chinoise : versions chaotiques des bazars orientaux, zones de non-droit où des animaux qui ne devraient pas être mangés sont vendus comme nourriture, et où se côtoie ce qui ne devrait pas être mélangé (fruits de mer et volailles, serpents et bétail). Ces images sinophobes s’enracinent dans ce que l’anthropologue Mary Douglas a appelé « la matière mal placée » (<em>matter out of place</em>) : les classifications symboliques des sociétés déterminent par des interdictions et des prescriptions quels aliments peuvent être consommés sans « pollution ».</p>
<p>Cette description anthropologique est cependant insatisfaisante, non seulement parce qu’elle s’appuie sur les sensibilités occidentales pour déterminer ce qui est mangeable et ce qui ne l’est pas (ce qui mène à qualifier de « traditionnelle » une forme moderne de commerce et de consommation alimentaire chinoise), mais aussi, plus concrètement, parce qu’elle déforme la réalité matérielle et économique de ces marchés.</p>
<h2>Des marchés très divers</h2>
<p>La plupart des marchés de fruits de mer, d’animaux vivants et de gros en Chine contiennent beaucoup moins de produits exotiques qu’on ne l’imagine. L’expression <em>wet markets</em> désigne en réalité une grande variété de marchés de diverses sortes, confusément regroupés sous cette appellation.</p>
<p>Or les différences sont souvent cruciales pour évaluer précisément l’importance relative de chaque marché en termes de risque d’émergence de virus. Aujourd’hui, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12571-019-00961-8">plusieurs axes</a> permettent de faire la distinction entre les différents types de <em>wet markets</em> que l’on trouve en Chine : l’échelle (vente en gros ou au détail), les produits vendus (animaux vivants, viande abattue et légumes frais uniquement, fruits de mer vivants uniquement), les types d’animaux (domestiques uniquement ou sauvages).</p>
<p>Sur les marchés, la majorité des animaux dépeints par de nombreux médias occidentaux comme des « animaux sauvages » (tels que les canards, les grenouilles ou les serpents) sont en fait reproduits et élevés en captivité. Seule une petite proportion d’animaux est braconnée dans la nature pour être vendue.</p>
<h2>Le combat des agriculteurs chinois</h2>
<p>Les discussions sur les <em>wet markets</em> chinois confrontent le plus souvent les consommateurs et les experts, et laissent de côté les points de vue des agriculteurs, des producteurs et des vendeurs. Lyle Fearnley a appris <a href="https://journal.culanth.org/index.php/ca/article/view/ca30.1.03">grâce une enquête</a> menée auprès d’éleveurs d’oies sauvages (<em>dayan</em>) dans la province de Jiangxi, que deux facteurs ont amené la plupart des agriculteurs à se lancer dans l’élevage d’oies sauvages à la fin des années 1990. Premièrement, cette activité constituait une opportunité de répondre à la demande des consommateurs sans se livrer au braconnage illégal dans la nature. Deuxièmement, l’élevage d’oies sauvages ouvrait aux petits exploitants ruraux une voie vers une production à plus forte valeur ajoutée, à une époque où ils étaient confrontés à une pression économique croissante de la part des grands producteurs industriels d’aliments.</p>
<p>En Chine, au cours des réformes économiques qui ont débuté en 1978 après la mort de Mao Zedong, les terres agricoles collectives ont été redistribuées aux ménages individuels, ce qui a entraîné une explosion du nombre de petits exploitants agricoles. Ceux-ci étaient dits « spécialisés » (<em>zhuanyehu</em>) parce qu’ils se concentraient sur des cultures de rente ou sur l’élevage d’un certain type de bétail en particulier, notamment les poulets, les canards ou les porcs. Mais dans les années 1990, la Chine s’est lancée dans un « deuxième grand bond en avant » pour augmenter l’échelle de la production agricole. Les « entreprises à tête de dragon » (<em>longtou qiye</em>), des conglomérats industriels de production alimentaire, ont construit des chaînes d’approvisionnement intégrées, souvent centrées sur les abattoirs et les installations de transformation, et ont sous-traité l’élevage du bétail à des agriculteurs familiaux.</p>
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<span class="caption">Tortues et scorpions vendus sur un wet market à Canton en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Keck</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Après la révolution de l’élevage industriel</h2>
<p>Les élevages industriels se sont développés lorsque les petits exploitants indépendants furent progressivement écartés de l’élevage, en particulier dans des secteurs comme le porc ou la volaille, parce que les prix étaient trop bas et que le coût des intrants augmentait. Les maladies du bétail, telles que la <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SANT-Fi-Maladie_Newcastle.pdf">maladie de Newcastle</a> (maladie virale qui touche les oiseaux et notamment les volailles) et le syndrome reproducteur et respiratoire porcin (ou <a href="https://www.oie.int/doc/ged/D13988.PDF">« maladie de l’oreille bleue »</a>, due à un virus), ont également <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/0e3c/bfc507a8c9fa37f1c773d57158fb9b1fc354.pdf">joué un rôle dans l’éviction des petits exploitants de ces secteurs</a>. Incapables de survivre en tant que petits exploitants indépendants, de nombreux agriculteurs <a href="http://www.medanthrotheory.org/read/10965/after-the-livestock-revolution">ont dû faire un choix drastique</a> : se lancer dans l’agriculture sous contrat avec un conglomérat alimentaire industriel, ou abandonner complètement l’élevage de porcs ou de volailles.</p>
<p>Certains d’entre eux ont découvert une troisième voie, en choisissant d’élever des races locales et des animaux sauvages qui pouvaient être vendus à un prix plus élevé sur des marchés de niche. Bon nombre de ces espèces se sont avérées moins touchées par les maladies que le bétail ordinaire, souvent simplement en raison du petit nombre d’animaux élevés.</p>
<p>Le fait que la viande d’animaux sauvages soit <a href="https://inews.co.uk/news/health/china-coronavirus-wuhan-visitors-officials-tracing-risk-1375444">plus chère que celle des animaux domestiques</a> a conduit à penser que sa consommation est un choix alimentaire indépendant des revenus. Mais le cas des agriculteurs est différent : pour eux, l’élevage d’animaux sauvages constitue un moyen d’accéder à un revenu stable, alors que vivre de la terre dans la Chine rurale demeure une lutte.</p>
<p>La grande diversité des <em>wet markets</em> – dont cette expression ne rend pas compte – et l’élevage d’animaux sauvages ont fourni aux petits exploitants agricoles indépendants d’importants moyens de subsistance. Les <em>wet markets</em> s’appuient également souvent sur des chaînes d’approvisionnement informelles qui permettent aux petits exploitants de transporter les animaux au marché sans l’intervention des grandes entreprises de transformation alimentaire, lesquelles possèdent des abattoirs et contrôlent les contrats avec les supermarchés. Cependant, « informel » n’est pas synonyme d’absence de réglementation. Les recherches de Christos Lynteris ont ainsi montré que les <em>wet markets</em> <a href="https://research-repository.st-andrews.ac.uk/handle/10023/2150">font l’objet d’inspections régulières</a> de la part du Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) et des autorités sanitaires municipales, mises en place après l’épidémie de SRAS en 2003.</p>
<p>Les <em>wet markets</em> font partie intégrante de l’économie et de la société chinoise. En se basant sur des données récentes qui suggèrent que de nombreux cas précoces d’infection par le 2019 – nCoV n’ont pas pu être <a href="https://www.sciencemag.org/news/2020/01/wuhan-seafood-market-may-not-be-source-novel-virus-spreading-globally">reliés au Huanan Seafood Wholesale Market</a>, plusieurs experts en maladies infectieuses ont émis des doutes sur le fait que ce <em>wet market</em> ait été à la source de l’émergence du nouveau coronavirus. Quoi qu’il en soit, si la fermeture temporaire des <em>wet markets</em> et la réduction du commerce d’animaux sauvages ont des avantages en termes de prévention des maladies, leur fermeture permanente, ou leur abolition pure et simple, aurait un impact immense et imprévisible sur la vie quotidienne et le bien-être des Chinois.</p>
<p>La façon dont une fermeture permanente affecterait les modes de consommation alimentaire est difficile à appréhender, mais une telle décision serait potentiellement nuisible à la santé publique. Elle priverait en effet les consommateurs chinois d’un secteur qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698915301892">représente 30 à 59 % de leurs approvisionnements alimentaires</a>. En raison du grand nombre d’agriculteurs, de commerçants et de consommateurs concernés, l’abolition des <em>wet markets</em> risquerait également d’entraîner l’explosion d’un marché noir incontrôlable, comme cela a été le cas lors de la tentative d’interdiction de 2003, en réponse au SRAS, et lors de celle de 2013-14, en réponse <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6291110/">à la grippe aviaire H7N9</a>.</p>
<p>Cette situation exposerait la santé publique chinoise, ainsi que la santé publique mondiale, à un risque bien plus grand que celui que représentent les marchés d’animaux vivants, légaux et réglementés, qui existent en Chine aujourd’hui. Par ailleurs, les marchés des volailles et d’animaux vivants ont une autre utilité : en matière de surveillance virale, ils constituent depuis longtemps des sites cruciaux <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(03)15329-9/fulltext?version">« d’alerte précoce »</a>, y compris aux États-Unis.</p>
<p>Plutôt de prohiber les <em>wet markets</em> et de les pousser vers la clandestinité, mieux vaudrait mettre en place une réglementation plus scientifique, davantage fondée sur des preuves.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer les connaissances scientifiques et leur partage, le Axa Research Fund a apporté son soutien à environ 650 projets dans le monde conduits par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir plus, visiter le site <a href="https://www.axa-research.org/en">Axa Research Fund</a> ou suivre sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christos Lynteris est financé par le Wellcome Trust et a reçu des fonds du Conseil européen de la recherche, de la Brocher Foundation, du Russell Trust, du National Endowment for the Humanities, du Carnegie Trust for the Universities of Scotland, du Cambridge Humanities Research Grant Scheme de l'université de Cambridge, de la Rockefeller Foundation, du Roddan Trust et du Ladislav Holy Memorial Trust.
Traduit avec <a href="http://www.DeepL.com/Translator">www.DeepL.com/Translator</a> (version gratuite)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche pour ses travaux sur les zoonoses. (<a href="https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses">https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses</a>).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lyle Fearnley a reçu un financement de la bourse de recherche Fulbright-Hays pour effectuer une thèse de doctorat à l'étranger (DDRA), ainsi que d’une bourse de doctorat de la Fondation Chiang Ching-Kuo et d’une bourse de recherche SUTD.</span></em></p>Les médias véhiculent des représentations exotiques et sensationnalistes des marchés aux animaux chinois qui peuvent empêcher d’appréhender correctement les causes d’émergence des nouveaux virus.Christos Lynteris, Senior Lecturer, anthropologist, University of St AndrewsFrédéric Keck, Directeur du laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de FranceLyle Fearnley, Assistant Professor, Singapore University of Technology and Design (SUTD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1309002020-01-31T16:47:32Z2020-01-31T16:47:32ZWuhan, point de départ du coronavirus et test politique pour Xi Jinping<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/312846/original/file-20200130-41532-r6q18q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C8%2C1982%2C1320&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le château Sakura de l'université de Wuhan, l'un des plus anciens de Chine avec la ville en toile de fond. Décembre 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Wuhan_University_Sakura_Castle.jpg">Howchou/Wikimedia </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Wuhan se trouve à l’épicentre de l’épidémie de coronavirus. La ville, ainsi qu’une zone alentour où résident quelque 50 millions de personnes, fait actuellement l’objet d’un confinement anti-épidémique – une mesure hybride à mi-chemin entre quarantaine et cordon sanitaire.</p>
<p>Contrairement aux précédents cas de grippe aviaire à <a href="https://www.reuters.com/article/us-birdflu-hongkong/hong-kong-culls-chickens-at-market-bans-trade-as-h5n1-found-idUSTRE7BK0JO20111221">Hongkong en 2011</a> et à <a href="https://www.forbes.com/sites/kenrapoza/2013/04/04/china-health-scare-shanghai-starts-killing-chickens-to-starve-bird-flu/">Shanghai en 2013</a>, qui ont pu être contrôlés par des abattages massifs de volailles, la crise ne se produit pas aux frontières du territoire chinois, mais au centre même du pays. Selon l’idéologie néoconfucianiste actuelle du <a href="http://www.chinaheritagequarterly.org/tien-hsia.php?searchterm=021_utopia.inc&issue=021"><em>tianxia</em></a> – « tout ce qui est sous le ciel » –, une gestion rigoureuse de la crise à Wuhan doit permettre de sonder la capacité du gouvernement chinois à se préparer de manière adéquate à une pandémie.</p>
<p>Pour bien analyser la réaction des autorités chinoises et internationales à l’apparition de ce nouveau coronavirus, il est utile de se pencher sur la position de Wuhan dans l’histoire récente de la Chine, au moment où le monde entier a les yeux braqués sur la ville.</p>
<p>Rappelons que Wuhan a été le point de départ de la <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/china-quarterly/article/1911-the-unanchored-chinese-revolution/A2B9DC92C71DED2327436429B418CBD8">révolution chinoise</a> en 1911 – le terme <em>geming</em> signifie à la fois « révolution » et « changement de mandat céleste ». Le pouvoir de Xi Jinping se montre donc particulièrement attentif aux signaux d’alerte que cette épidémie envoie pour la bonne gouvernance de l’Empire chinois.</p>
<h2>Une longue histoire de crises</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=766&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312298/original/file-20200128-81369-15mvixp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=963&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de Hankow (Hankou, en Pinyin) avec Hanyang et Wuchang, telle qu'en 1915. Ces trois villes ont ensuite fusionné pour former la ville moderne de Wuhan. La carte montre les frontières des concessions française, britannique, russe, allemande et japonaise à Hankou.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Hankow_1915.jpg">Texas Library/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Wuhan est une métropole de 11 millions d’habitants et la capitale de la province du Hubei. Elle a été <a href="https://www.britannica.com/place/Wuhan">créée en 1927</a> lorsque les villes de Wuchang, Hankou et Hanyang ont fusionné en une seule. Ces trois importants postes commerciaux étaient situés sur le confluent des rivières Yangzi et Han. Ils se sont développés au cours du XIX<sup>e</sup> siècle quand des investisseurs occidentaux se sont installés dans la région au terme des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convention_de_P%C3%A9kin">« traités inégaux »</a> signés dans les années 1860 par le prince Gong et l’empereur Xianfeng.</p>
<p>La révolution chinoise, qui a provoqué la chute de l’Empire Qing, a commencé en 1911 lorsque des soldats de Wuchang ont protesté contre le transfert du financement de la construction des chemins de fer à des banques étrangères, ce qui a conduit à la déclaration de la République chinoise par Sun-Yat Sen à Nankin, qui a alors remplacé Pékin comme capitale du pays.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=461&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312296/original/file-20200128-81403-1cr4ysi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la zone urbaine de Wuhan à partir de 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.openstreetmap.org/export#map=10/30.5895/114.3457">OpenStreetMap</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Wuhan a été l’épicentre de diverses crises pendant des décennies. En 1931, une inondation désastreuse a tué plus de 2 millions de personnes. L’historien Chris Courtney estime que cette inondation a été « la plus meurtrière de l’Histoire » et qu’elle <a href="https://www.chinadialogue.net/culture/10811-Picturing-disaster-The-1931-Wuhan-flood/en">« a exacerbé les divisions sociales » et provoqué une « crise sanitaire et humanitaire »</a>.</p>
<p>En 1937-1945, pendant la guerre sino-japonaise, Wuhan devint, avec Chongqing, la capitale du gouvernement du Guomingdang, ce qui lui valut d’être lourdement bombardée.</p>
<p>Après 1949, Mao Zedong a fait de Wuhan l’un des centres industriels de la République populaire, notamment pour l’acier, l’électricité et les produits chimiques. Sous son gouvernement, plus de dix universités de recherche scientifique ont été construites. Plusieurs réunions importantes du parti communiste se sont tenues sur les rives du lac de Wuhan, soulignant l’importance politique de la ville.</p>
<p>Durant la période des <a href="https://chinachannel.org/2019/02/07/reform-opening/">« quatre modernisations » lancée par Deng Xiaoping</a> après la mort de Mao en 1976, Wuhan est devenue un centre de hautes technologies telles que la fibre optique, la fibre de verre et l’industrie automobile.</p>
<h2>Une expertise en matière de virus mortels</h2>
<p>Au cours des dix dernières années, Wuhan a été de plus en plus reliée au reste de la Chine et au monde grâce à la construction d’infrastructures pour les trains à grande vitesse et aux vols internationaux.</p>
<p>Wuhan est également la ville où l’Académie des sciences chinoise, avec l’aide d’experts français – notamment l’Institut Pasteur – a ouvert en janvier 2018 le <a href="http://french.china.org.cn/china/txt/2018-04/18/content_50906146.html">seul laboratoire P4 en Asie</a>. Un laboratoire P4 est un laboratoire dont le niveau de biosécurité (noté 4) permet aux biologistes de manipuler des virus très dangereux comme Ebola, le SRAS ou le H5N1.</p>
<p>Ce fait a suscité des <a href="https://www.washingtontimes.com/news/2020/jan/26/coronavirus-link-china-biowarfare-program-possible/">théories conspirationnistes</a> selon lesquelles le nouveau coronavirus se serait échappé de ce laboratoire, voire y aurait été fabriqué pour obtenir plus de financements.</p>
<p>En réalité, Wuhan a été massivement équipée par le gouvernement chinois pour anticiper les nouveaux virus d’origine animale dans les grandes villes après la crise du SRAS en 2003. La France a construit un laboratoire P4 similaire à Lyon à la même époque.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le laboratoire Jean Mérieux, à Lyon, possède des équipements similaires à ceux du P4 de Wuhan..</span></figcaption>
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<h2>Un test pour Xi</h2>
<p>Xi Jinping est parfaitement conscient du fait que la façon dont son gouvernement gère le coronavirus à Wuhan, berceau de la révolution chinoise en 1911, peut fortement affecter son autorité.</p>
<p>Sa politique à Hongkong et au Xinjiang, où les manifestations d’étudiants et la minorité ouïghour ont été écrasées, a été <a href="https://edition.cnn.com/2019/07/16/opinions/xi-jinping-backlash-opinion-intl-hnk/index.html">critiquée dans le monde entier</a>. Le contexte économique marqué par la peste porcine africaine, qui a tué la moitié de l’élevage porcin et doublé le prix du porc, ainsi que les tensions financières sur la convertibilité du yuan au dollar, ont déstabilisé le gouvernement de Xi plus que la guerre commerciale avec l’administration Trump.</p>
<p>En 2003, la crise du SRAS était également apparue dans un climat politique délicat, pendant la période de transition entre <a href="https://www.nytimes.com/2003/07/01/world/analysts-see-tension-in-china-within-the-top-leadership.html">Jiang Zemin et Hu Jintao</a>. L’épidémie a contribué à fragiliser l’État chinois, l’Organisation mondiale de la santé lui reprochant de ne pas avoir signalé un certain nombre de cas.</p>
<p>En 2020, ce nouveau coronavirus va maintenant tester la capacité de Xi Jinping – qui a obtenu le droit de <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-china-43361276">prolonger son mandat indéfiniment</a> – de rester au pouvoir.</p>
<p>La centralité de Wuhan dans la géopolitique de la Chine conduit donc les experts chinois et internationaux à focaliser tout particulièrement leur attention sur les informations relatives au virus et sur le confinement de la population dans la métropole.</p>
<p>Jusqu’à présent, la population semble avoir accepté les mesures de bouclage, mais avant qu’elles ne soient appliquées, <a href="https://www.businessinsider.fr/us/5-million-left-wuhan-before-coronavirus-quarantine-2020-1">5 millions de personnes avaient déjà quitté la ville</a> afin de rejoindre leur famille pour le Nouvel An chinois.</p>
<p>Si la plupart des cas ont été concentrés à Wuhan et dans sa région, le virus s’est propagé dans les grandes villes liées à Wuhan et dans des pays étrangers comme la France, où <a href="https://www.cnbc.com/2020/01/24/france-confirms-2-cases-of-virus-from-china-1st-in-europe.html">trois ressortissants franco-chinois</a> présentent les symptômes du coronavirus.</p>
<h2>Le monde regarde Wuhan</h2>
<p>Ce qui se passe à Wuhan indique ce qui se passera dans le reste du monde si le virus se répand, diffusant encore davantage ce qui est déjà une nouvelle pandémie – le nouveau coronavirus étant jusqu’ici plus contagieux mais moins mortel que le SRAS.</p>
<p>Cette crise va mettre à l’épreuve le statut de centre scientifique de Wuhan ainsi que son poids politique.</p>
<p>Wuhan deviendra-t-elle une sentinelle pour la préparation aux pandémies ? Suivra-t-elle le chemin de Hongkong, qui depuis les années 1970 s’est imposée par une expertise scientifique de premier plan dans la gestion des crises sanitaires et a prouvé son efficacité lors de l’émergence de la grippe aviaire ?</p>
<p>Hongkong est toujours en tête dans ce domaine. Ses <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/health-environment/article/3047813/china-coronavirus-hong-kong-medical-experts-call">experts</a> ont développé des modèles visant à prévoir la progression de l’épidémie à partir des informations disponibles en Chine. En revanche, à Wuhan, les autorités locales sont soumises à une surveillance étroite. Xi Jinping lui-même <a href="https://www.wsj.com/articles/china-strains-to-stamp-out-coronavirus-criticisms-at-home-11580207403">a critiqué</a> leur lenteur à signaler les premiers cas d’infection.</p>
<p>Plutôt que provoquer une nouvelle crise <a href="https://www.theguardian.com/world/2003/apr/09/sars.china">entre la Chine et le reste du monde</a>, comme ce fut le cas avec le SRAS en 2003, le nouveau coronavirus pourrait mettre en évidence les fortes tensions sociales et politiques qui existent entre les villes chinoises.</p>
<p>On observe déjà aujourd’hui une concurrence féroce entre différentes villes comme Wuhan, Hongkong et Shanghai, sous la surveillance de Pékin. Alors qu’elles tirent la sonnette d’alarme sur les crises environnementales qui touchent la Chine – provoquées par le développement massif de l’économie chinoise au cours des 50 dernières années –, ces villes pourraient entrer dans une crise politique, illustrant le paradoxe du pouvoir autoritaire néo-libéral que Xi Jinping exerce sur « tout ce qui est sous le ciel ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer les connaissances scientifiques et leur partage, le Axa Research Fund a apporté son soutien à environ 650 projets dans le monde conduits par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir plus, visiter le site <a href="https://www.axa-research.org/en">Axa Research Fund</a> ou suivre sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130900/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche pour ses travaux sur les zoonoses. (<a href="https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses">https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses</a>).</span></em></p>La gestion de la crise à Wuhan permettra de vérifier la capacité du gouvernement chinois à se préparer adéquatement à une pandémie et pourrait mettre à l’épreuve le règne de Xi Jinping.Frédéric Keck, Directeur du laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1203542020-01-22T19:05:36Z2020-01-22T19:05:36ZLa philanthropie chinoise à l’assaut de la maladie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/321034/original/file-20200317-60906-1jk2ueb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C9%2C686%2C441&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jack Ma au World Economic Forum Foundation en 2015. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">Jolanda Flubacher/World Economic Forum, CC BY</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Nous assistons au premier exemple de philanthropie chinoise qui se lance au secours du monde. Les fondations privées et donateurs de Chine apportent déjà la majorité des <a href="https://blog.candid.org/post/update-on-the-philanthropic-response-to-the-coronavirus-disease-covid-19/">plus de 1,3 milliard de dollars de dons privés collectés en quelques semaines</a> pour lutter contre la propagation du virus COVID-19. Le plus grand don provient de l’entreprise d’internet Tencent Holdings. Les Etats-Unis d’Amérique sont le deuxième contributeur mondial, dont <a href="https://www.gatesfoundation.org/Media-Center/Press-Releases/2020/02/Bill-and-Melinda-Gates-Foundation-Dedicates-Additional-Funding-to-the-Novel-Coronavirus-Response">$100 millions offerts par la Fondation Bill & Melinda Gates</a>.</p>
<p>Le 29 janvier, le milliardaire chinois Jack Ma avait déjà promis l’équivalent de <a href="https://www.cnn.com/2020/01/29/business/jack-ma-coronavirus-vaccine/index.html">144 millions de dollars de fournitures médicales</a> pour Wuhan et la province de Hubei, ainsi que 14 millions de dollars pour développer un vaccin. Vendredi 13 mars, il vient d’offrir 500 000 kits de tests et un million de masques aux Etats-Unis qui en manquent. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1238317660871393280"}"></div></p>
<p>Lundi 16 mars, il a ajouté un don de 1,1 million de kits de tests et 6 millions de masques <a href="https://www.cnn.com/2020/03/16/africa/jack-ma-donate-masks-coronavirus-africa/index.html">pour l'Afrique tout entière</a>. </p>
<p>A l’automne 2019, le fondateur du <a href="https://www.alibabagroup.com/en/global/home">site d’e-commerce Alibaba</a>, avait pris sa retraite des affaires. Cet ancien professeur laissait les rênes d’un groupe de 100 000 employés, valorisé plus de 450 milliards de dollars, et déclarait vouloir <a href="https://www.forbes.fr/business/jack-ma-president-dalibaba-prend-sa-retraite/">se consacrer à la philanthropie</a> dans le domaine de l’éducation où <a href="https://www.norrag.org/building-new-bonds-for-social-impact-in-education-by-beth-yu/">sa fondation innove</a>.</p>
<p>« Les événements sont l’écume de l’histoire » écrivait Paul Valéry. En Chine, d’autres personnalités pratiquent depuis longtemps la philanthropie – entendue comme <a href="http://www.iupress.indiana.edu/product_info.php?products_id=67601">« générosité volontaire privée en faveur du bien public »</a> – souvent dans la discrétion, voire l’anonymat. Mais l’ampleur de la première fortune du pays (<a href="https://www.forbes.com/profile/jack-ma/#564772991ee4">21ᵉ mondiale</a>, estimée à 43 milliards USD), icône de l’entrepreneur parti de zéro, combinée à son aptitude à créer l’attention médiatique, indique que nous sommes à un tournant décisif de l’histoire de la philanthropie chinoise.</p>
<h2>Le renouveau d’une activité philanthropique millénaire</h2>
<p>L’un des aspects souvent méconnus du capitalisme chinois est la relative absence de philanthropie privée de la part des classes aisées envers les plus modestes, <a href="https://www.chinacenter.net/2017/china_currents/16-1/giving-harder-earning-philanthropy-china/">jusqu’à une période récente</a>.</p>
<p>Pourtant, historiquement, la Chine a une très ancienne tradition de générosité <a href="https://www.globalchinesephilanthropy.org/gcpi/report/178332">remontant à plus de trois millénaires</a>. Celle-ci a stagné après 1949, dans les premières années de la République populaire : nationalisation des actifs ; organisations étrangères dissoutes ou refoulées du territoire. L’État socialiste devait pourvoir aux besoins sociaux et les initiatives privées furent découragées.</p>
<p>Cette chronologie contraste nettement avec <a href="https://www.fayard.fr/histoire/la-philanthropie-en-amerique-9782213643014">l’histoire économique des États-Unis</a> où la philanthropie s’est posée très tôt en <a href="https://www.abc-clio.com/ABC-CLIOCorporate/product.aspx?pc=A1391C">remède aux maux sociaux</a> du capitalisme « sauvage » de la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>La philanthropie a servi depuis plus d’un siècle de « soft power » pour les pays qui la pratiquent. Les exemples historiques abondent, comme pendant la Guerre froide où il s’agissait pour l’Occident de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/03/SCHWARTZ/20267">lutter contre le marxisme</a>. Le monde en développement est aujourd’hui une vaste zone où s’exercent des influences philanthropiques multiples, en invoquant la poursuite des <a href="https://philab.uqam.ca/wp-content/uploads/2019/05/philab_developpement-international_compressed.pdf">Objectifs de développement durable de l’ONU</a>.</p>
<p>On compte déjà un nombre croissant de chercheurs d’origine chinoise au sein de la communauté académique dédiée aux organismes à but non lucratif et à la philanthropie (<a href="https://www.arnova.org/page/conferenceschedule">conférence ARNOVA 2019</a>), et la Chine y fait l’objet d’études de plus en <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11266-019-00142-3">plus approfondies</a>.</p>
<p>Depuis son ouverture à l’économie de marché sous l’ère Deng Xiaoping, la Chine a connu une croissance fulgurante. L’un des effets secondaires étant le creusement des inégalités, les premières fondations privées ont bourgeonné dans les années 1980-90 pour tenter d’enrayer ce processus et seconder l’État dans ses dépenses sociales. Il faut attendre 1994 pour que la <a href="https://www.globethics.net/documents/4289936/17452664/GE_China_Ethics_7_isbn9782889311781.pdf">compatibilité entre philanthropie et socialisme soit officiellement admise</a>. On assiste aujourd’hui à une véritable <a href="https://www.chinacenter.net/2017/china_currents/16-1/giving-harder-earning-philanthropy-china/">renaissance de l’esprit de philanthropie privée</a> dans le pays.</p>
<h2>Une tradition de générosité solidement ancrée</h2>
<p>Les fondements philosophiques de la tradition philanthropique chinoise sont à rechercher en partie dans la pensée confucéenne, un humanisme fondé sur des valeurs (bonté, droiture, loyauté) et visant à l’harmonie sociétale, qui occasionne cependant des <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/3133">défis pour l’identité chinoise contemporaine</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1010&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1010&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1010&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1269&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1269&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310881/original/file-20200120-69539-6xltr9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1269&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Confucius, bronze. Gratitude et harmonie sociétale sont au cœur de la pensée confucéenne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Confucianisme#/media/Fichier:Konfuzius.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut y ajouter la gratitude qu’éprouvent les bénéficiaires de la modernisation économique et leur obligation morale de <a href="https://www.theguardian.com/global-development-professionals-network/2017/jun/28/seven-things-you-probably-didnt-know-about-chinese-philanthropy">« redonner à autrui » une part de leur succès</a>, faisant écho à la norme sociale américaine du « give-back ».</p>
<p><a href="https://www.norrag.org/the-growth-of-philanthropy-in-china-from-education-to-philanthropy-to-philanthropy-for-education-by-fabrice-jaumont/">L’éducation est de loin la principale cause bénéficiaire</a> des dons privés, car elle est perçue comme un moyen d’émanciper les populations de la pauvreté.</p>
<p>En Chine, les entreprises ou fondations d’entreprises ont contribué <a href="https://www.alliancemagazine.org/blog/the-4-unique-drivers-leading-chinas-philanthropy-ecosystem/">65 % des 23,4 milliards USD de dons caritatifs</a> estimés en 2016. Mais la démarche philanthropique y reste essentiellement une affaire individuelle, dans la mesure où une large part des riches y ont acquis leur fortune de leur vivant (« self-made ») et où de nombreux entrepreneurs identifient étroitement leur propre destinée à celle de leur firme.</p>
<p>Parmi les 200 plus riches du pays, près d’un quart ont créé leur propre fondation pour canaliser leurs dons. En 2014, la générosité totale représentait <a href="https://avpn.asia/insights/philanthropy-in-china/">environ 0,2 % du PIB chinois</a>, contre 2 % en moyenne aux États-Unis.</p>
<h2>Un secteur en plein essor</h2>
<p>Plus d’un milliard de Chinois utilisent Internet pour faire des dons. En 2015, l’entreprise Tencent (leader des services Internet et mobiles) a lancé la <a href="https://www.forbes.com/sites/russellflannery/2017/05/22/how-chinas-social-media-giant-tencent-is-shaking-up-traditional-philanthropy">« Journée de la philanthropie 9 Septembre »</a>, événement annuel dédié au financement de projets caritatifs. Plusieurs dizaines de millions de personnes y ont déjà participé, ce qui a permis de sensibiliser à grande échelle l’opinion publique chinoise à la générosité en faveur des associations et fondations. L’initiative internationale GivingTuesday est désormais aussi <a href="https://www.givingtuesday.org/blog/2018/11/givingtuesday-china">relayée en Chine</a>.</p>
<p>En 2018, les 100 plus grands donateurs (individus ou entreprises) <a href="https://www.forbes.com/sites/forbeschina/2019/07/25/real-estate-billionaire-hui-ka-yan-tops-forbes-china-philanthropy-list/#40057e29664d">recensés par Forbes</a> ont contribué au total <a href="http://www.chinadevelopmentbrief.cn/news/forbes-releases-2019-china-philantropists-list-xu-jiayin-ranks-first-jack-ma-takes-third-place/">plus de 19 milliards de yuans</a> (2,8 milliards USD) à des causes caritatives. Près du double des 10,4 milliards de yuans donnés en 2016. Pour faire partie de cette liste, il fallait donner un minimum de 18 millions de yuans (2,6 millions USD) en 2018 contre 5 millions de yuans (730 000 USD) en 2016. Les 48 premiers donateurs ont franchi la barre des 100 millions de yuans, et représentent ensemble 90 % du total. Les dons ont été <a href="http://www.chinadevelopmentbrief.cn/news/nearly-half-of-philanthropic-donations-in-china-go-to-education/">principalement orientés vers l’éducation</a> (49 %) et la lutte contre la pauvreté. Ces montants sont corroborés par la <a href="http://www.hurun.net/EN/Article/Details?num=93E8C4B53DE6">Hurun Philanthropy List 2019</a>.</p>
<h2>Multiplication des milliardaires philanthropes</h2>
<p>La multiplication des philanthropes chinois est directement liée au rythme d’apparition de grandes fortunes. En 2017, la banque UBS recensait 373 milliardaires en Chine continentale (la deuxième concentration au monde après les 585 milliardaires vivant aux USA), dont 89 nouveaux individus, soit en moyenne <a href="https://www.bfmtv.com/economie/les-milliardaires-chinois-beaucoup-plus-riches-et-plus-nombreux-en-2017-1552437.html">près de deux nouveaux milliardaires chaque semaine</a>. Leur nombre s’est réduit à 325 en 2018, en phase avec la tendance mondiale de <a href="https://www.lefigaro.fr/entrepreneur/la-fortune-des-milliardaires-dans-le-monde-a-baisse-en-2018-apres-5-annees-de-hausse-20191108">légère contraction du nombre des ultra-riches</a> après cinq années de hausse continue.</p>
<p>Parmi la nouvelle génération d’entrepreneurs ayant bâti leur propre fortune, de grandes figures nationales souhaitent inspirer une nouvelle génération de philanthropes.</p>
<p>Ainsi le Dr Charles Chen Yidan, cofondateur de Tencent, a-t-il quitté l’entreprise en 2013, après être devenu l’un des hommes les plus riches du pays, pour se consacrer à la promotion de l’éducation. Le <a href="https://yidanprize.org/the-prize/">Prix Yidan</a> (3,8 millions USD) est le <a href="https://thediplomat.com/2019/01/chinas-philanthropy-boom/">plus généreux au monde pour la recherche en éducation</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=375&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310803/original/file-20200120-118315-1bgmhl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=471&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dr Charles Chen Yidan, fondateur du Prix Yidan pour l’éducation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yidan Prize Foundation</span></span>
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<p>Une autre figure proéminente est Madame He Quiaonv, qui a annoncé en 2017 une promesse de 1,5 milliard USD en <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2017-10-12/beijing-philanthropist-he-qiaonv-commits-1-5-billion-to-conservation">faveur de la préservation de la biodiversité</a>, le plus grand don de tous les temps pour cette cause.</p>
<p>Les <a href="https://www.cof.org/content/nonprofit-law-china#deductibility">incitations fiscales au mécénat</a> ont été récemment rehaussées. Les particuliers peuvent déduire leurs dons dans la limite de 30 % de leur revenu imposable, et les entreprises jusqu’à 12 % de leurs profits annuels.</p>
<h2>Des observatoires de la philanthropie</h2>
<p>Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11266-019-00142-3">travaux de recherche</a> se multiplient sur la philanthropie chinoise, de même que les institutions visant à accompagner la croissance du secteur et à former les cadres des nouvelles fondations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=878&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310798/original/file-20200120-118319-1hi1zkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1103&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Multiplication des fondations chinoises (2006-2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.international.ucla.edu/media/images/GCPI-Image.PNG-n5-0qa.png">China Foundation Center, GCPI</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au premier chef, le China Foundation Center dénombrait 5 545 fondations (créées par des particuliers fortunés ou recourant à une collecte publique annuelle) fin 2016, un chiffre qui a <a href="https://www.globalchinesephilanthropy.org/gcpi/report/178332">plus que quadruplé (+430 %)</a> en une décennie depuis 2006. Leur nombre aurait ensuite crû à <a href="https://www.alliancemagazine.org/blog/the-4-unique-drivers-leading-chinas-philanthropy-ecosystem/">6 322 fondations en 2017</a> et <a href="https://chinaphilanthropy.ash.harvard.edu/uploads/files/425dfc92-63ae-43a8-a188-585d39d01478-2017 %20Reprot %20v3_EN.pdf">7 048 fondations en 2018</a>. En 2014, leurs dons totaux s’élevaient à <a href="https://www.cn.undp.org/content/china/en/home/library/poverty/unleashing-the-potential-of-philanthropy-in-china-.html">102 milliards de yuans</a> (16,7 milliards USD).</p>
<p>Côté américain, l’Université Harvard a créé une <a href="https://chinaphilanthropy.ash.harvard.edu/">base de données</a> afin de recueillir les données les plus précises possibles sur la philanthrope chinoise. Il propose en outre plusieurs <a href="https://ash.harvard.edu/china-programs-executive-education">formations de haut niveau</a> destinées aux dirigeants de ce secteur émergent.</p>
<p>Le nombre de fondations sino-américaines répertoriées aux US a quadruplé depuis l’an 2000 pour <a href="https://www.scpr.org/news/2017/09/06/75367/first-generation-chinese-americans-growing-their-i/">atteindre 1 300 entités en 2014</a>. Des coopérations bilatérales sont en cours pour tenter d’aligner les intérêts et les desseins des deux géants philanthropiques mondiaux.</p>
<p>Ainsi le <a href="http://en.cgpi.org.cn/auto/index.html">China Global Philanthropy Institute</a> a-t-il été fondé en 2015 par cinq philanthropes chinois et américains, dont Bill Gates. L’objectif est de susciter des émules en « faisant émerger des philanthropes exemplaires et des dirigeants professionnels du secteur philanthropique », avec une double visée nationale et internationale. Pour y parvenir, l’Institut s’appuie sur un triptyque de formation académique, accompagnement aux bonnes pratiques, et voyages d’études.</p>
<p>D’autre part, fin 2019 vient d’être lancé le <a href="https://philanthropyinfocus.org/2019/11/26/china-foundation-center-launched-china-philanthropy-big-data-research-institute-in-beijing/">China Philanthropy Big Data Research Institute</a>, dans l’optique de mobiliser l’ensemble du champ scientifique et technologique, y compris l’intelligence artificielle, en faveur des activités caritatives, avec une volonté affichée de coopération mondiale.</p>
<p>Ces démarches sont à mettre en regard de l’activisme plus général de la Chine qui recherche une prééminence dans le domaine des technologies applicables aux transactions financières, via l’adoption imminente d’une <a href="https://www.technologyreview.com/s/614905/china-digital-currency-dcep-test/">monnaie électronique</a> ou la maîtrise de la <a href="https://www.reuters.com/article/us-china-blockchain/beijings-backing-could-tip-scales-in-race-for-blockchain-supremacy-industry-figures-say-idUSKBN1X91K1">blockchain</a>.</p>
<h2>Une projection internationale prévisible</h2>
<p>La Grande Chine, incluant Hongkong, est d’ores et déjà la principale source de financement extérieur des universités américaines, via les dons effectués par des anciens élèves (« alumni »), loin devant les sources traditionnelles que sont le Royaume-Uni et le Canada. Ces échanges ne restent pas sans critiques, dans un cadre plus général de tensions entre la Chine et les États-Unis qui <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/dans-les-universites-lautre-guerre-de-trump-avec-la-chine-1139339">affectent les universités</a>.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310801/original/file-20200120-118365-186h9ut.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=432&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dons internationaux aux universités américaines (2007-2013), Jason Chow, Wall Street Journal, 22 Sept. 2014.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.international.ucla.edu/media/images/GCPI-Image.PNG-br-zmv.png">Infographie GCPI</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autre part, les fondations chinoises effectuent déjà des dons internationaux, surtout lors des catastrophes naturelles, et ce sur tous les continents. Une dizaine ont même <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11266-017-9868-7">établi des bureaux ou pilotent des projets à l’étranger</a>.</p>
<p>Si les grandes masses de la philanthropie chinoise sont pour l’instant contenues à l’intérieur des frontières nationales, tous les ingrédients sont désormais réunis pour qu’elle se projette à l’international de manière exponentielle. Cela entraînera mécaniquement deux conséquences.</p>
<p>D’une part, le paysage international de la philanthropie va être influencé par la présence accrue d’acteurs chinois, dont personne ne sait dire aujourd’hui quelles orientations ils privilégieront. Comment vont-ils s’insérer dans les réseaux existants du secteur ? Comment entendront-ils contribuer à l’émergence d’une <a href="https://wings.issuelab.org/resource/what-makes-a-strong-ecosystem-of-support-to-philanthropy.html">infrastructure philanthropique mondiale</a> ?</p>
<p>Comment cette ascension et la redistribution des cartes au sein de l’écosystème philanthropique international va-t-elle être abordée, sachant que celui-ci est traditionnellement <a href="https://www.cairn.info/revue-critique-internationale-2007-2-page-173.htm">sous forte influence occidentale</a>, par ses valeurs cardinales, ses réseaux financiers, ses modes opératoires ?</p>
<p>Symétriquement, les fondations et philanthropes chinois qui seront actifs à l’international vont probablement nourrir, enrichir, et sans doute infléchir leurs visions au contact de leurs homologues étrangers.</p>
<p>Le partage international d’expériences sera-t-il une source d’inspiration pour l’évolution du secteur philanthropique domestique ? Comment la Chine va-t-elle gérer cet échange à double sens de concepts, d’idées, de techniques, et peut-être même de personnel ?</p>
<p>Quelles que soient les réponses à ces questions, au cours des prochaines années, le secteur philanthropique chinois sera confronté à plusieurs défis : la gestion de l’internationalisation, la transparence des organisations à but non lucratif, la professionnalisation des agents, l’évolution du cadre réglementaire, la prise en compte élargie de la responsabilité sociétale et le virage écologique.</p>
<h2>Une influence mondiale</h2>
<p>Sur la scène mondiale, la Chine intervient de façon plus visible qu’autrefois, via ses <a href="https://www.aei.org/china-global-investment-tracker/">investissements directs étrangers</a> et son <a href="https://carnegieendowment.org/2019/05/21/logic-behind-china-s-foreign-aid-agency-pub-79154">aide publique au développement</a>, notamment en Afrique.</p>
<p>Dès 2013 avait été révélée l’initiative des « Nouvelles Routes de la Soie », qui relie le pays à de nombreux partenaires commerciaux via des voies terrestres et maritimes. En 2017 y a été ajouté un volet de <a href="http://sironet.cnie.org.cn/cnie_en/AU_219/201711/t20171102_93034.html">coopération entre 300 ONG de 60 pays</a>. En 2019, les autorités ont annoncé leur souhait que ces voies d’échanges évoluent vers une « haute qualité » en mettant l’accent sur leur <a href="https://www.afd.fr/fr/nouvelles-routes-soie-durables">durabilité financière et environnementale</a>.</p>
<p>Le Président Xi Jinping a présenté en 2017 sa pensée « sur le socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère », incluant une <a href="http://www.china-un.org/eng/zgyw/t1571296.htm">déclinaison spécifique pour la diplomatie</a>, appelée à être plus active et à bâtir <a href="http://www.chinadaily.com.cn/a/201806/28/WS5b34179da3103349141df593.html">« un futur commun pour l’humanité »</a>.</p>
<p>Dans l’hypothèse où les autorités déploieraient une visée similaire sur l’orientation du gigantesque potentiel de flux philanthropiques à l’extérieur du pays avec autant de détermination et de stratégie à long-terme, il est indubitable que la Chine accédera au rang de « grande puissance philanthropique ».</p>
<p>Une force sur laquelle il faudra compter bien au-delà de ses frontières au cours du XXI<sup>e</sup> siècle, et qu’il convient d’observer attentivement dès aujourd’hui parmi les <a href="https://www.belfercenter.org/publication/rise-and-fall-great-powers-twenty-first-century-chinas-rise-and-fate-americas-global">corollaires de la trajectoire ascendante du pays</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120354/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Jaumont has received funding from various entities for his research and for the educational initiatives that he has fundraised for, including grants from several American foundations, French governmental agencies, corporations, and individual contributors. He is affiliated with Fondation Maison des Sciences de l'Homme in Paris, FACE Foundation in New York, and the Embassy of France to the United States. His views are his own and in no way represent those of the organizations that he is affiliated to or that have supported his work.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Charles Sellen has received funding from Indiana University and from the Franco-American Fulbright Commission to conduct research on philanthropy. He is currently affiliated with Indiana University’s Lilly Family School of Philanthropy in Indianapolis. His views are his own and in no way represent those of the organizations that he is affiliated to or that have supported his work.</span></em></p>Historiquement, la Chine a une très ancienne tradition de générosité philanthropique remontant à plus de trois millénaires : quels en sont les enjeux aujourd’hui ?Fabrice Jaumont, Chercheur en philanthropie et sciences de l'éducation, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Charles Sellen, Global Philanthropy Fellow, Lilly Family School of Philanthropy, Indiana UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1274742019-11-25T19:45:24Z2019-11-25T19:45:24ZPhilippe Grandrieux à Hongkong, ou quand l’art nous parle de la violence du monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303433/original/file-20191125-74588-167qtr5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1072&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une image extraite du projet « The Scream », de Philippe Grandrieux. </span> </figcaption></figure><p>Le samedi 28 septembre 2019, des manifestants se sont rassemblés à Harcourt Road près du complexe du gouvernement central de Hongkong pour marquer le cinquième anniversaire du Mouvement des parapluies, cette série de manifestations pro-démocratie qui ont immobilisé la ville pendant 79 jours en 2014.</p>
<p>Dans le contexte des événements survenus à Hongkong au cours des huit derniers mois, cette manifestation se présentait comme l’écho des événements qu’elle commémorait. Les manifestants ont été accueillis par des gaz lacrymogènes et des canons à eau, de même que ceux qui les ont précédés. Entre temps, de l’autre côté de l’île de Hongkong, à la Empty Gallery, se déroulait le vernissage d’une nouvelle installation vidéo multi-écrans de l’artiste et cinéaste français Philippe Grandrieux. L’exposition, intitulée « The Bare Life », remplit l’espace de la galerie. Au niveau inférieur, trois œuvres vidéo forment ensemble la trilogie « Unrest » et, au niveau supérieur, une nouvelle installation de 11 écrans intitulée « The Scream ».</p>
<p>À bien des égards, ces deux événements qui se déroulaient simultanément et à proximité immédiate n’auraient pu être plus éloignés l’un de l’autre. L’exposition de Grandrieux avait été commandée bien avant le début des manifestations. Son travail (à quelques exceptions près) évite tout engagement ou commentaire politique explicite, jamais plus peut-être que dans ces nouvelles œuvres.</p>
<p>Les longs métrages de fiction de Grandrieux (<em>Sombre</em> (1998), <em>La Vie nouvelle</em> (2002), <em>Un lac</em> (2008), <em>Malgré la nuit</em> (2015)) sont tous associés au mouvement cinématographique baptisé par des critiques anglophones tels que James Quandt ou Tim Palmer la <a href="https://www.artforum.com/print/200402/flesh-blood-sex-and-violence-in-recent-french-cinema-6199">« New French Extremity »</a> ou <a href="https://web.archive.org/web/20100602235125/http://www.uncwil.edu/filmstudies/faculty/documents/PalmerJFVarticle.pdf">« le cinéma du corps »</a>. Ces termes font référence aux films d’un groupe de réalisateurs qui cherchent à engager le spectateur sur un plan affectif, décrivant des corps dans des situations extrêmes, à la fois sexuelles et violentes, repoussant les limites de ce qui peut être représenté à l’écran et, surtout chez Grandrieux, de la logique narrative.</p>
<p>Une approche similaire se retrouve dans les documentaires de Grandrieux, <em>Retour à Sarajevo</em> (1996) et <em>Il se peut que la beauté ait renforcé notre résolution – Masao Adachi</em> (2011). Malgré leur contenu ostensiblement politique, ces œuvres s’affairent principalement à capturer les interactions de corps dans et avec l’espace qui les entoure.</p>
<h2>Des œuvres qui résonnent avec le contexte local</h2>
<p>Cette méthodologie se voit poussée à l’extrême dans les œuvres présentées à Hongkong, toutes issues d’un intense processus de collaboration entre Grandrieux et des danseurs. Ce travail finit par produire des études abstraites de corps en mouvement, des œuvres dénudées de tout récit, contexte historique ou géopolitique. Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, ces œuvres entrent en résonance avec les événements actuels (nés d’une constellation très particulière de contextes historiques et géopolitiques) dans la région administrative spéciale où elles sont exposées. Elles nous aident à comprendre pourquoi, dans des moments pareils, nous avons besoin de l’art plus que jamais.</p>
<p>Prétendre que l’œuvre de Grandrieux ne s’intéresse pas à la politique peut paraître étrange compte tenu du titre de cette exposition qui fait référence aux travaux du philosophe politique italien Giorgio Agamben. Pour Agamben, le concept de « vie nue » s’applique à des situations politiques extrêmes lorsqu’un état d’exception <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/homo-sacer-le-pouvoir-souverain-et-la-vie-nue-giorgio-agamben/9782020256452*">devient la règle</a>. Dans de telles situations – on pense aux camps de concentration de la Seconde Guerre mondiale ou à Guantánamo Bay – les contraintes juridico-politiques auxquelles les pouvoirs en place sont obligés de se conformer ne sont plus applicables. Tout être humain perçu comme une menace pour la sécurité peut être dépouillé de ses droits humains et de toute agence, réduit à une forme de « vie nue » qui existe désormais en dehors des cadres sociaux, moraux, éthiques et judiciaires qui nous habilitent et nous protègent.</p>
<h2>S’engager vers ce qu’on ne peut comprendre</h2>
<p>S’il est facile de voir en quoi la perte des droits de l’homme au cœur du concept d’Agamben résonne avec les peurs qui alimentent actuellement les manifestations de Hongkong, ce concept est mis en œuvre de manière différente chez Grandrieux. Pour lui, le terme d’Agamben sert à conceptualiser une forme de vie primordiale qui nous relie à un mode d’être présocial, à une manière d’être dans le monde qui n’est pas gouvernée par les mœurs sociales et les normes sociétales. Domine alors la sensation, par un lien direct et incarné au monde qui nous entoure – tel le nouveau-né aveuglé par une vague de stimuli visuels qui réagit en criant, façon de se connecter à son nouvel environnement et d’entamer la respiration. C’est ici, dans cette tentative de créer un rapport différent au monde, que l’on trouve un message politique implicite. Effectivement, en contournant la compréhension et en privilégiant la sensation, ces œuvres nous offrent un espace pour s’engager dans ce que nous ne pouvons pas comprendre.</p>
<p>Avec « The Scream », le désir de Grandrieux de figurer une relation au monde pure et instinctive qui échappe à la compréhension atteint son apogée. Une série de vignettes est présentée au spectateur. Chacune d’elles révèle une silhouette féminine nue et solitaire dans une grotte sombre ou un espace qui ressemble à une cave. Ces corps hurlent, rient, bourdonnent, chantent, halètent, respirent, pulsent, tremblent, se soulèvent, se débattent, se rebiffent, se torturent, se contractent, s’étirent, se tordent, convulsent, grognent, gémissent, hyperventilent, spasment, secouent, frottent, giflent, glissent, griffent, frappent, tanguent, chuchotent, crient, crient, crient.</p>
<p>Comme le note <a href="http://www.screeningthepast.com/2017/12/the-affective-force-of-the-scream-in-the-cinema-of-philippe-grandrieux/">Michel Rubin</a>, il existe dans cette œuvre des repères culturels évidents : Edvard Munch, Antonin Artaud et les personnages distordus des tableaux de Francis Bacon. Et pourtant, dans le contexte actuel, comment ne pas y trouver également un renvoi au flux quotidien d’images diffusées depuis Hongkong montrant des corps battus, frappés, fusillés, jetés à la terre, menottés, battus, de citoyens qui hurlent, protestent, pleurent et crient ?</p>
<p>La forme même de l’œuvre de Grandrieux renforce ce lien, car si nos réseaux sociaux sont remplis d’un défilé d’images et de vidéos de nombreux événements du même genre, filmés à partir d’un nombre apparemment infini de perspectives différentes, « The Scream » projette les mêmes images sur onze écrans (de 2 mètres par 1,12 mètre et présentés en format vertical) avec un délai de deux secondes entre chacun d’eux.</p>
<p>L’effet se rapproche du canon, cette forme musicale où différentes voix ou instruments jouent la même musique de manière différée. Il en résulte une confusion des identités car les relations harmoniques entre les voix individuelles les unissent selon un ordre supérieur et rendent difficile la localisation d’une seule voix.</p>
<h2>Vers un art qui nous éveille</h2>
<p>Si « The Scream » de Grandrieux peut nous parler des violences à Hongkong qui ne cessent de croître, elle semble aussi faire écho au mouvement du « million de cris » né à Hongkong le 19 août 2019, à travers sa forme polyphonique. Ce mouvement, qui fait penser à une scène célèbre du film de Sidney Lumet <em>Network</em> (1976), est un événement qui se déroule chaque soir à 22 heures qui permet aux citoyens de Hongkong de retrouver une forme de solidarité anonyme en criant des slogans politiques des fenêtres des bâtiments où ils habitent, le mixage des voix dans le noir leur permettant <a href="https://www.hongkongfp.com/2019/09/06/million-scream-every-night-10pm-hong-kong-protesters-belt-frustrations/">d’exprimer leur colère tout en dissimulant leur identité</a>.</p>
<p>Dans cette œuvre, cependant, ce ne sont pas des voix différentes qui se font écho, mais la même voix, le même corps. Le sujet que nous voyons perd son unicité, reproduit en une série potentiellement infinie de moments différents. On serait tenté d’y voir un renvoi à la situation de ces citoyens arrêtés par la police à Hongkong qui, de peur de perdre leur identité, crient à haute voix le numéro de leur carte d’identité. Cependant il est important de rappeler que l’œuvre de Grandrieux ne parle pas de façon aussi directe de la situation à Hongkong ; si elle peut nous en parler c’est seulement parce que l’art nous permet de réfléchir à notre propre situation, même s’il provient et parle d’un temps et d’un lieu très différents.</p>
<p>Les médias contemporains nous plongent dans un présent fugace et évanescent, tandis que l’œuvre de Grandrieux, en rejetant ce type de relation à l’image, forge une esthétique qui nous éveille et rend impossible toute sublimation.</p>
<p>Chez Grandrieux, la violence exprimée nous oblige à affronter notre humanité universelle, à comprendre notre lien les uns avec les autres dans l’espace et dans le temps. Les formes artistiques ne sont pas des récipients vides conçus uniquement pour nous transmettre un contenu fixe, mais des expressions qui cherchent à forger des relations, à nous faire sentir la douleur, l’amour, le chagrin, la colère, la rage, la joie, la peur, l’espoir, le désespoir et la souffrance d’autrui comme s’il s’agissait de la nôtre et ainsi à nous pousser à l’acte quand nous voyons qu’il faut agir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127474/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Greg Hainge FAHA ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nouvelle œuvre de Philippe Grandrieux, installée à Hongkong, nous permet de saisir les événements qui s’y déroulent différemment et nous met en contact avec notre humanité universelle.Greg Hainge FAHA, Professor of French, The University of QueenslandLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1277492019-11-25T19:42:26Z2019-11-25T19:42:26ZÀ Hongkong, la révolte des citoyens-oiseaux<p>De nombreux commentateurs ont souligné la spécificité du mouvement de protestation qui a lieu à Hongkong depuis le 15 mars 2019 en contraste avec <a href="https://theconversation.com/dossier-les-peuples-contre-les-systemes-115869">d’autres mouvements similaires</a> (Liban, Chili, Algérie, France…) par leur revendication politique (le droit d’élire le gouvernement au suffrage universel, promis par la Grande-Bretagne au moment de la rétrocession en 1997 et indéfiniment repoussé par la Chine populaire) ou par leur organisation sociale (de petits groupes hyperconnectés largement alimentés par une jeunesse étudiante précaire et soutenus par une grande partie de la population).</p>
<p>Pourtant, peu de commentateurs ont interprété le sens des références à la nature dans les deux slogans majeurs du mouvement, « Be water » et « Blossom everywhere », qui inscrivent les protestations à Hongkong dans un espace culturel spécifiquement chinois.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ou-va-hongkong-126411">Où va Hongkong ?</a>
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<h2>Une conception fluide de l’action collective</h2>
<p>Il a été plusieurs fois remarqué que « Be water », qui signifie « Soyez de l’eau », était une référence directe à Bruce Lee, le héros du cinéma hongkongais qui a rendu populaire le kung-fu au niveau mondial.</p>
<p>Dans le documentaire <em>A Warrior’s Journey</em>, Bruce Lee <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/a-hong-kong-les-manifestants-suivent-la-philosophie-be-water-de-bruce-lee_fr_5d77a4d9e4b07521023341c1">cite une réplique</a> qu’il a écrite pour son rôle dans le série américaine <em>Longstreet</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Vide ton esprit, sois informe. Informe, comme l’eau. »</p>
</blockquote>
<p>Mais cette devise reprend le principe plus ancien du tai chi chuan selon lequel le contrôle de l’énergie interne implique de la percevoir comme une <a href="http://www.watertradition.net/taichi.html">eau qui circule dans le corps</a>.</p>
<p>En conseillant aux manifestants de se disperser rapidement à l’arrivée de la police, les organisateurs du mouvement à Hongkong adoptent ainsi une conception fluide de l’action collective qui s’inscrit profondément dans la tradition chinoise.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cJMwBwFj5nQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Be water, my friend », Bruce Lee.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Une prolifération qui subvertit le maoïsme</h2>
<p>Le second slogan, « Blossom everywhere », que l’on peut traduire par « Fleurissez partout », reprend de façon plus étonnante et moins remarquée un des slogans de la période maoïste. Mao Zedong avait lancé en 1956 le mouvement des <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/les-cent-fleurs/">« Cent fleurs »</a> en encourageant les intellectuels à critiquer le nouveau régime communiste par le slogan</p>
<blockquote>
<p>« Que cent fleurs s’épanouissent ! Que cent écoles se disputent. » (Bǎihuā qífàng, bǎijiā zhēngmíng)</p>
</blockquote>
<p>Le succès inattendu du mouvement conduisit à sa répression par le même Mao en 1957-1959 à travers une campagne anti-droitière. Le slogan lancé par Mao en 1956 reprenait une phrase notée dans le Petit Livre rouge et <a href="https://www.marxists.org/reference/archive/mao/works/red-book/ch28.htm">prononcée</a> au moment de la guerre civile contre <a href="https://www.herodote.net/Chiang_Ka_shek_1887_1975_-synthese-2189.php">Chiang Kai-Shek</a> en 1945 :</p>
<blockquote>
<p>« Partout où nous allons, nous devons nous unir avec le peuple, prendre racine et fleurir en son sein. »</p>
</blockquote>
<p>En 1972, au déclin de son règne, Mao utilisait encore cette formule pour décrire une <a href="https://chineseposters.net/toomanybooks/11.php">cité ouvrière modèle</a> : « La fleur rouge de Dazai fleurit partout ».</p>
<p>En reprenant un slogan maoïste contre un régime qui prétend réaliser le rêve d’unification et de développement de Mao Zedong, le mouvement de protestation à Hongkong reprend ainsi une tradition de contestation interne <a href="https://www.palgrave.com/gp/book/9781349132058">à l’histoire de la Chine</a>.</p>
<h2>La nature comme source de référence contestataire</h2>
<p>En quel sens peut-on dire que les citoyens de Hongkong sont des fleurs ou de l’eau ? Plutôt que d’énoncés contradictoires confondant les règnes de la nature et de la culture, il s’agit d’énoncés performatifs par lesquels les citoyens apprennent à percevoir autrement l’espace collectif en agissant « comme de l’eau » ou « comme des fleurs ».</p>
<p>Une telle référence à la nature dans un mouvement de contestation profondément inquiet de la crise écologique n’est pas sans analogie avec les mouvements alternatifs en France qui invitent à penser <a href="https://www.terrestres.org/2018/10/11/le-point-de-vue-est-dans-le-corps/">« comme un jaguar »</a> ou « comme une forêt ». Mais au lieu d’aller chercher des pensées animistes en Amazonie, les mouvements de contestation à Hongkong s’appuient sur leur propre tradition.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.dukeupress.edu/Assets/PubMaterials/978-1-4780-0698-5_601.pdf">ouvrage à paraître prochainement</a> issu de 10 années d’enquête de terrain aux frontières méridionales de la Chine, j’ai montré que les citoyens de Hongkong se sont identifiés aux oiseaux depuis 1997, date à la fois de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine populaire et des premiers cas de <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2005/10/14/parti-de-hongkong-en-1997_535591">grippe aviaire</a> potentiellement pandémique dite H5N1.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303493/original/file-20191125-74580-17tcssv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Marché d’oiseaux de Hongkong.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Keck</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Une telle identification était ambivalente, puisqu’elle portait en même temps vers les poulets domestiques, abattus par millions en cas d’infection dans une ferme ou un marché de volailles, et vers les oiseaux sauvages, soupçonnés de porter le virus à travers les frontières alors qu’ils n’ont que très rarement été infectés (même s’ils constituent le <a href="https://www.grain.org/article/entries/22-fowl-play-the-poultry-industry-s-central-role-in-the-bird-flu-crisis">réservoir animal des mutations du virus de grippe</a>, qu’ils portent de façon asymptomatique).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-alternatives-a-labattage-des-animaux-66788">Grippe aviaire : quelles alternatives à l’abattage des animaux ?</a>
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<h2>Des citoyens-oiseaux</h2>
<p>Les citoyens de Hongkong que j’ai rencontrés se sont souvent comparés à des oiseaux pour souligner soit l’exiguïté des logements dans lesquels ils vivent comme des poulets en batterie, soit la facilité avec laquelle ils peuvent prendre l’avion pour migrer vers les quatre coins du monde. Une <a href="https://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/06/03/sparrow-lettres-d-amour-de-johnnie-to_1053103_3476.html">telle identification ambivalente</a> est notamment au cœur du film de Johnny To, <em>Sparrow</em> (2008).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oZ6gqV6RnWA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce de <em>Sparrow</em>, 2008.</span></figcaption>
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<p>Lorsque le gouvernement de Hongkong a abattu en 1997 <a href="https://www.liberation.fr/evenement/1997/12/29/mesures-radicales-a-hong-kong-contre-la-grippe-du-poulet_223327">toutes les volailles</a> vivant sur son territoire, soit environ un million et demi de poules, coqs, canards, oies et cailles, la population de Hongkong y a vu un geste violent de démonstration de la nouvelle souveraineté chinoise.</p>
<p>Une <a href="https://correspondent.afp.com/kill-chicken-scare-monkey">devise traditionnelle</a> du pouvoir chinois dit en effet : « Tuer le coq pour effrayer le singe » (shā jī xià hóu).</p>
<p>On pouvait alors considérer que les volailles étaient les victimes émissaires d’un sacrifice dont le spectacle était offert par le nouveau souverain à ses sujets pour les avertir qu’ils pourraient en être les prochaines victimes.</p>
<p>Une telle interprétation sacrificielle résonne avec les motivations des jeunes manifestants hongkongais, qui sont prêts à mourir pour dénoncer l’emprise du pouvoir chinois comme l’avait fait la génération précédente d’étudiants à Pékin en 1989.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dqdjMFgJBjc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Répression place Tian’anmen en à Pékin, INA.</span></figcaption>
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<h2>Symboles, sacrifice et images motrices</h2>
<p>C’est ici que l’attention aux symboles permet de distinguer le nouveau mouvement de contestation à Hongkong, et de parier sur sa vitalité. Les étudiants de Pékin avaient construit une statue de la Liberté devant l’Assemblée nationale et la Cité interdite, opposant ainsi un symbole occidental à un symbole chinois, ce qui a permis au pouvoir de justifier la répression avant de l’effacer des mémoires dans sa population.</p>
<p>Les citoyens hongkongais mobilisent davantage des images motrices qui leur permettent d’agir comme des éléments naturels pour détourner les forces de la police. C’est dans le même sens que pour critiquer les mesures de précaution contre la grippe aviaire, les citoyens hongkongais se sont identifiés non plus aux poulets abattus en masse pour nettoyer le territoire mais aux oiseaux migrateurs qui traversent les frontières. En ce sens, ils ont refusé d’être des victimes sacrificielles pour devenir des sentinelles de la crise écologique globale.</p>
<p>Philippe Descola a montré que la <a href="https://www.college-de-france.fr/media/philippe-descola/UPL35678_descola_cours0203.pdf">pensée analogiste</a> qui domine la tradition chinoise, centrée autour de l’opération sacrificielle qui permet de tenir ensemble les <a href="https://mitpress.mit.edu/books/ten-thousand-things">« dix mille êtres »</a> composant le monde, est compatible avec des formes d’animisme, qui contestent et renversent les polarités constitutives de l’analogisme.</p>
<p>En ce sens, on peut dire que les citoyens de Hongkong ont réintroduit de l’animisme dans l’analogisme de la même façon que les mouvements alternatifs en France, comme celui de Notre-Dame des Landes, ont réintroduit de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2019/06/02/alessandro-pignocchi-la-zad-a-defendre_1731180">l’animisme dans le naturalisme</a>.</p>
<p>En s’identifiant à de l’eau, des fleurs ou des oiseaux sauvages, les citoyens de Hongkong ont contesté de l’intérieur le pouvoir sacrificiel de la souveraineté chinoise. Même si l’anthropologie de la nature n’est pas une science prédictive, on peut parier qu’une telle opération a de l’avenir devant elle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=121&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202296/original/file-20180117-53314-hzk3rx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=152&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>En 2014-2018, le Fonds de Recherche Axa <a href="https://www.axa-research.org/fr/news/anthropologie-des-zoonoses">a soutenu le projet dirigé par Frédéric Keck</a> au Collège de France sur les représentations sociales des pathogènes aux frontières entre les espèces. Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds de Recherche Axa a soutenu près de 600 projets à travers le monde menés par des chercheurs de 54 pays. Pour en savoir plus, visitez le site du <a href="https://www.axa-research.org/en/">Axa Research Fund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127749/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche.</span></em></p>En s’identifiant à de l’eau, des fleurs ou des oiseaux sauvages, les citoyens de Hongkong ont contesté de l’intérieur le pouvoir sacrificiel de la souveraineté chinoise.Frédéric Keck, Directeur du laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1264112019-11-06T20:15:46Z2019-11-06T20:15:46ZOù va Hongkong ?<p>Les protestations provoquées par le rejet de la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/A-Hongkong-inquietant-projet-loi-dextradition-vers-Chine-2019-06-07-1201027483">« loi d’extradition »</a>, qui visait à permettre le transfert vers la Chine de n’importe quelle personne considérée par Pékin comme « fugitive », entrent déjà dans leur cinquième mois à Hongkong. Aux images de millions de manifestants pacifiques dans la rue qui ont impressionné le monde entier se sont substituées des scènes plus ou moins chaotiques, émaillées de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/a-hong-kong-violences-extremes-lors-des-manifestations-1136271">violences d’un côté et de l’autre</a>. Un pas supplémentaire a été franchi ce lundi 11 novembre au matin quand <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/11/11/a-hongkong-la-police-ouvre-le-feu-sur-des-manifestants-au-moins-un-blesse_6018724_3210.html">un policier a tiré à balles réelles</a> sur un manifestant, dans le quartier populaire de Sai Wan Ho.</p>
<p>Les divergences s’accentuent au sein du mouvement protestataire entre ceux qui maintiennent une position de <em>helifei</em> (pacifique, rationnelle et non violente) et ceux qui prônent et pratiquent une ligne de <em>yongwu</em> (bravoure et action) et cherchent à en découdre avec la police par des moyens violents. Le consensus maintenu jusqu’à présent entre ces deux lignes – <em>buqiege</em> (ne pas se démarquer) – est en train <a href="https://www.ft.com/content/af2ca9b4-ee96-11e9-ad1e-4367d8281195">d’être brisé</a>. Le mouvement commence à montrer des signes d’essoufflement.</p>
<h2>Une crise prévisible</h2>
<p>Tout cela était parfaitement prévisible. Comment imaginer que la situation puisse évoluer autrement au vu de la logique du pouvoir et de celle du mouvement de contestation ? Les autorités en place à Hongkong ne disposent pas d’une réelle capacité de décision tandis que celles de Pékin tirent les ficelles à Hongkong mais ne gèrent pas directement la crise. Elles exigent seulement, conformément à la nature du régime, que les dirigeants de la ville ne cèdent sur rien aux contestataires, ou seulement sur des questions mineures, afin d’éviter de donner une image de faiblesse qui pourrait par la suite provoquer une escalade des revendications. Et quand les deux centres de pouvoir s’accordent à prendre enfin certaines décisions pour répondre aux manifestants, comme l’<a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/09/04/hongkong-le-retrait-du-projet-de-loi-sur-l-extradition-trop-peu-trop-tard_1749258">annulation du fameux projet de loi</a> qui a mis le feu aux poudres, c’est souvent trop tard, la colère est déjà montée déjà d’un cran.</p>
<p>Quant aux manifestants, comme souvent pour un mouvement protestataire de masse dénué d’organisation et de leaders charismatiques, la grande difficulté pour eux est de coordonner leurs actions et d’établir une stratégie permettant d’obtenir des résultats positifs, même partiels. Les réseaux sociaux <a href="https://www.24heures.ch/monde/asie-oceanie/hong-kong-reseaux-sociaux-declarent-guerre-pekin/story/30811960">comblent en partie le vide</a> en matière d’organisation et de leadership, mais ne peuvent pas s’y substituer complètement. Ces réseaux sociaux, à notre époque numérique, représentent pour le fonctionnement d’une démocratie ou pour l’organisation d’un mouvement démocratique des avantages autant que des inconvénients. Face à l’intransigeance du gouvernement hongkongais, par exemple à propos de la <a href="https://www.france24.com/fr/video/20190812-violences-a-hong-kong-manifestants-reclament-une-commission-enquete-independante">« création d’une commission d’enquête indépendante sur les violences de la police et de la mafia »</a> (la pègre ayant collaboré avec les policiers dans la répression), la colère des manifestants, surtout des jeunes, ne peut pas être contenue, et l’apparition d’une série d’actes violents, sous forme de riposte ou même de provocations, devient pratiquement inévitable. </p>
<p>Nous savons pourtant qu’il n’existe pas de culture de manifestation violente dans cette ville majoritairement composée de classes moyennes traditionnellement respectueuses des lois. <a href="https://www.rtbf.be/info/monde/detail_mouvement-de-contestation-a-hong-kong-l-executif-interdit-le-port-du-masque-lors-des-manifestations?id=10332711">L’interdiction de porter des masques lors des manifestations</a> récemment décrétée par la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, a versé de l’huile sur le feu : les actes de violence contre les policiers, de vandalisme, d’incendies visant bâtiments officiels et entreprises publiques chinoises ont considérablement augmenté à Hongkong, ce qui a entraîné à son tour une répression plus conséquente de la part du gouvernement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300293/original/file-20191105-88414-1chfd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La police anti-émeutes emploie du gaz lacrymogène contre les manifestants sur Nathan Road, dans le quartier de Kowloon, le 20 octobre 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ed Jones/AFP</span></span>
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<h2>L’impossibilité d’une solution « à la française »</h2>
<p>Existe-t-il une issue à cette escalade de violence ? Pour tenter d’apporter une forme de réponse à cette question, il peut être judicieux de faire un détour par la France. Si Emmanuel Macron n’avait fait aucune concession aux revendications des manifestants, s’il n’avait pas non plus organisé le grand débat, sans les élections européennes qui ont crédibilisé ou décrédibilisé les différents discours ou positions politiques et sociales, où en serait la crise des « gilets jaunes » ? D’ailleurs, Carrie Lam tente – sans succès – de s’inspirer du président français pour organiser un « dialogue » avec la société, tandis que certains contestataires en France tentent de leur côté d’établir des <a href="https://www.marianne.net/debattons/billets/manifestations-hong-kong-des-similitudes-avec-les-gilets-jaunes">parallèles entre les violences policières à Hongkong et en France</a>.</p>
<p>Mais malgré certaines similitudes, une différence de fond demeure : la légitimité d’Emmanuel Macron provient d’un processus démocratique, même s’il n’est pas le président préféré de tous ; il existe des forces politiques d’opposition et un ordre républicain que la majorité des Français respecte. Hélas, ces éléments, qui constituent au fond les revendications principales des manifestants, sont fatalement absents à Hongkong. Cette absence est aussi la cause la plus importante qui empêche d’élaborer une solution efficace et pacifique pour la crise à Hongkong : sans rêver d’une élection universelle pour choisir le chef de l’exécutif et les députés, nous avons de fortes raisons de croire que même une démission immédiate de Carrie Lam, qui contribuerait largement à faire baisser la tension, est <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/hong-kong-carrie-lam-ou-limpossible-depart-1037965">peu probable pour l’instant</a> !</p>
<h2>La fin d’une époque</h2>
<p>Le Hongkong que le monde connaissait autrefois est en train de disparaître tragiquement sous nos yeux ; une page historique se tourne, le concept de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/un-pays-deux-systemes-le-statut-special-de-hong-kong-04-07-2019-2322723_24.php">« un pays, deux systèmes »</a> est mort. On aurait tort de croire que, une fois la tempête passée, Hongkong retrouvera sa tranquillité, sa prospérité et sa liberté de jadis. La ville entre désormais dans une période d’instabilité permanente s’accompagnant de conflits, de violences et même de <a href="https://news.sky.com/story/hong-kong-one-step-closer-to-terrorism-as-police-prepare-for-china-national-day-protests-11824085">certains actes terroristes</a> ; malgré la répression, les luttes des Hongkongais pour la démocratie et la liberté continueront ; la division entre les pro-Pékin et les citoyens qui revendiquent désormais une forte <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Cest-lidentite-specifique-Hongkong-jeu-2019-07-07-1201033901">identité hongkongaise</a>, largement renforcée durant depuis ces derniers mois de protestation, pourrait bien aboutir à une <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/hong-kong-economy/article/3032390/more-40-cent-hongkongers-want-emigrate-amid">vague d’émigration</a> vers les pays occidentaux et asiatiques…</p>
<p>La seule possibilité de stopper ce scénario est de relancer rapidement la <a href="https://www.franceculture.fr/geopolitique/en-1997-la-chine-recupere-hong-kong-et-fait-des-promesses">démocratisation promise aux habitants de Hongkong avant la rétrocession de 1997</a> et de reconstruire la confiance des citadins envers un système administratif et juridique qui faisait autrefois l’honneur de cette ville – une confiance gravement mise à mal depuis le début du mouvement de contestation. Cela permettrait aux Hongkongais de disposer d’un moyen institutionnel d’encadrer et de résoudre les conflits. Mais au vu de l’attitude de Pékin – qui se tient à un discours dur à l’encontre du mouvement et manipule l’opinion publique en Chine en <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/3034365/hong-kong-protests-virus-violence-deadlier-sars-and">qualifiant les manifestations de « mouvement indépendantiste »</a> afin de provoquer un sentiment nationaliste en sa faveur –, il semble fort que cette solution n’ait guère de chances d’advenir.</p>
<p>L’espoir de voir naître un nouveau Hongkong existe pourtant : il se manifeste dans le courage dont font preuve les Hongkongais pour défendre leur liberté et leur dignité. Une <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-lundi-29-juillet-2019">nouvelle génération d’acteurs</a> se forme dans ces manifestations, les jeunes font leur baptême politique dans la lutte. Tôt ou tard, ce sont eux qui écriront une nouvelle page d’histoire de Hongkong, dans un autre contexte qui sera sûrement lié à des changements en Chine continentale. Face à une <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/chine/video-chine-vers-le-premier-regime-totalitaire-numerique_3620795.html">Chine en marche vers le néo-totalitarisme</a>, les démocrates du monde entier n’ont-ils pas le devoir politique et moral d’apporter leur soutien aux démocrates de Hongkong ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126411/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lun Zhang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La situation reste extrêmement tendue à Hongkong. Le mouvement de contestation, qui dure depuis plusieurs mois, est confronté à l’intransigeance du pouvoir de Pékin. La crise est appelée à durer.Lun Zhang, Professeur des universités en Civilisation chinoise, Responsable du séminaire Modernité chinoise, transition et réforme en Chine, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1194402019-07-01T21:32:00Z2019-07-01T21:32:00ZHongkong : les entreprises étrangères prises dans le tourbillon des manifestations<p>Au lendemain d’un rassemblement monstre qui a provoqué l’annulation des vols à l’aéroport international de Hong Kong, des centaines de militants pro-démocratie occupent de nouveau l'endroit.</p>
<p>La désobéissance civile qui se poursuit à <a href="http://www.rfi.fr/asie-pacifique/20190627-hong-kong-nouvelle-manifestation-g20-alerte">Hongkong</a> depuis maintenant trois semaines avait pris un tour virulent au début de l'été. Des manifestants ont ainsi été délogés du Parlement <a href="https://www.france24.com/fr/20190701-hong-kong-manifestants-siege-parlement-LegCo-lam-retrocession?utm_source=Brief.me&utm_campaign=f5f175b34c-EMAIL_CAMPAIGN_2019_07_01_03_56&utm_medium=email&utm_term=0_3829f59b1a-f5f175b34c-246492697">le 1ᵉʳjuillet non sans heurts</a>. La région commémorait le 22ème anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine par le Royaume-Uni (1997).</p>
<p>Les protestataires avaient profité de l'événement pour exprimer une nouvelle fois leur colère et exiger le retrait complet d’un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/28/a-hongkong-la-desobeissance-civile-s-installe-dans-la-duree_5482569_3210.html">projet de loi controversé</a> visant à permettre l’extradition, notamment vers la Chine, de personnes présentes physiquement sur le territoire hongkongais. L’annonce de sa suspension le 15 juin par la cheffe de l’exécutif, Carrie Lam, accusée de complaisance envers Pékin, n’a pas suffi aux protestataires. Ils espèrent aussi attirer l’attention de la communauté internationale face aux menaces qui pèsent, selon eux, sur les libertés civiles des Hongkongais.</p>
<p>Les entreprises étrangères implantées localement doivent rester en alerte : non seulement ce phénomène peut les surprendre, mais surtout à elles d’analyser la situation et de prendre leurs décisions sous l’angle non plus uniquement de la stratégie, mais de la géopolitique locale.</p>
<p>En revenant sur une expérience malheureuse de la marque Lancôme, il y a tout juste trois ans, il convient de s’interroger sur la compréhension géopolitique du territoire que les entreprises étrangères doivent avoir.</p>
<h2>La controverse Lancôme</h2>
<p>Début juin 2016, la marque Lancôme et le groupe L’Oréal ont dû faire face à un <a href="https://www.lesechos.fr/2016/06/appel-au-boycott-de-lancome-a-hong-kong-223796">double boycott</a> en l’espace de quelques jours.</p>
<p>Le premier en Chine et le second à Hongkong. En cause, la décision d’inviter la chanteuse et actrice Denise Ho pour un concert gratuit organisé pour un événement promotionnel par la marque. D’un point de vue marketing, le choix est excellent. Denise Ho est jeune, belle et est admirée par toute une génération de jeunes hongkongais, car elle est une figure de la scène « cantopop ».</p>
<p>Mais Denise Ho est aussi une fervente défenseuse des droits de l’homme et de la démocratie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Denise Ho, à Oslo pour le Forum pour la Liberté, mai 2019.</span></figcaption>
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<p>Le journal <em>Global Times</em> – quotidien placé sous l’égide du <em>Quotidien du peuple</em> (l’organe central de presse du parti communiste chinois) et consacré aux questions internationales – déclenche vite la controverse. Il interpelle ses lecteurs sur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sina_Weibo">Sina Weibo</a>, l’équivalent de Twitter en Chine, et les invite à réagir à la présence comme égérie des marques Listerine et Lancôme de celle qu’ils renomment rapidement <a href="https://www.newyorker.com/magazine/2019/01/21/denise-ho-confronts-hong-kongs-new-political-reality">« Hong Kong poison » Ho</a> (<em>Hong Kong poison</em> sonne comme <em>Hong Kong independence</em> en cantonais et mandarin).</p>
<p>En moins d’une journée, plus de 3 000 personnes l’avaient commenté et retweeté. Dans un autre fil de discussion posté en réponse à l’incident, les utilisateurs de Weibo ont appelé au boycott non seulement de Lancôme, mais de toutes les autres marques de L’Oréal.</p>
<h2>Égérie de la démocratie</h2>
<p>Pourquoi la chanteuse a-t-elle suscité autant d’animosité ? Denise Ho est dans le collimateur du régime chinois depuis des années. En 2012, elle participait à la <a href="https://www.huffpost.com/entry/denise-ho-singer-gay-coming-out-hong-kong_n_2122773?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly9lbi53aWtpcGVkaWEub3JnLw&guce_referrer_sig=AQAAAGacnOP8dfLhjTinrw3zgrPnsh_wm4yPEZ18bJzfbTyrdjv2apQJfyPYQWY5ft8ciEdqbcg8wGFC06LSnVI8qNhwKxZ6vTGtHMrUGE4t-YaJ6NlTmTHVzz8GHSosjMn0L5_I0EZSthfGhAshzD2ZJt8quwninKdtEJQhcAimpx-z">Hongkong Pride parade</a> et annonçait son homosexualité.</p>
<p>En 2014, elle soutenait ouvertement la <a href="https://www.theguardian.com/world/2014/sep/30/-sp-hong-kong-umbrella-revolution-pro-democracy-protests">« révolution des parapluies »</a>. Des dizaines de milliers d’habitants de Hong Kong avaient occupé pacifiquement les grandes artères de la ville et manifesté pendant 79 jours.</p>
<p>Ils affirmaient que Pékin avait renié l’accord pour obtenir des élections ouvertes du chef de l’exécutif de Hongkong d’ici 2017 (comme stipulé par l’accord lors de la rétrocession de Hong Kong par l’Angleterre), et exigeaient un suffrage universel véritable et pas un choix parmi des candidats proposés par Pékin.</p>
<p>Denise Ho avait d’ailleurs été la <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/article/1661308/denise-ho-first-celebrity-be-arrested-protest-site">première personnalité à être arrêtée</a> en prenant part au mouvement pro-démocratie. Le mouvement finalement s’est soldé par une fin de non-recevoir de leurs demandes, mais sans que Pékin impose le choix des candidats.</p>
<p>Enfin, en 2016, un mois avant l’affaire Lancôme, Denise Ho <a href="https://www.scmp.com/news/hong-kong/politics/article/1944688/canto-pop-star-denise-ho-meets-dalai-lama">rencontrait le Dalaï-Lama en personne</a> et apportait son soutien à la cause tibétaine. Un pas de trop pour Pékin.</p>
<h2>Double boycott</h2>
<p>Le jour suivant cet appel au boycott en Chine, la marque se fendait d’un <a href="https://www.facebook.com/lancomehk/photos/pcb.1350573521624742/1350573084958119/?type=3&theater">post sur Facebook</a> pour expliquer que Denise Ho n’était pas la représentante de la marque, puis quelques heures plus tard, d’un <a href="https://www.facebook.com/lancomehk/photos/pcb.1350822304933197/1350822024933225/?type=3&theater">autre post</a> indiquant l’annulation du concert « pour des raisons de sécurité ».</p>
<p>En fait, se cache probablement derrière cette décision un calcul beaucoup plus économique. La Chine est le <a href="https://www.loreal-finance.com/en/annual-report-2017/worldwide-advances/china">deuxième marché du groupe l’Oréal</a> et le marché hongkongais, bien qu’important, ne représente qu’une très faible part de ce chiffre d’affaires.</p>
<p>Cette décision a poussé Denise Ho à demander des comptes à la marque et a déclenché une <a href="https://www.ft.com/content/d2488c32-2d61-11e6-a18d-a96ab29e3c95">forte campagne de protestations</a> et de boycott des magasins Lancôme et l’Oréal dans tout Hongkong.</p>
<p>Suite à cette annulation, des centaines de personnes sont venues protester, notamment avec des parapluies (un symbole fort), devant les magasins distribuant les marques Lancôme et l’Oréal.</p>
<p>Devant ces protestations et ce nouvel appel au boycott des produits, provenant des Hongkongais cette fois, la marque a décidé de fermer ses magasins pendant plusieurs jours, générant une perte de chiffre d’affaires, mais surtout un préjudice important vis-à-vis de la marque accusée de s’agenouiller devant Pékin et de politiser le problème.</p>
<h2>Quelles stratégies territoriales pour les entreprises ?</h2>
<p>Au-delà de l’anecdote, cette histoire, si on la regarde d’un point de vue géopolitique et non économique ou stratégique, doit nous faire prendre conscience de deux réalités, notamment dans le contexte des protestations actuelles.</p>
<p>Premièrement, beaucoup d’entreprises multinationales ont encore une gestion séparée du marché hongkongais et de la Chine (par des filiales différenciées).</p>
<p>Ceci peut sembler tout à fait pertinent dans le cadre d’une stratégie de marché, mais cet exemple montre qu’il devient extrêmement difficile de penser l’un sans l’autre (on pourrait également rajouter le cas de Taïwan). Une décision d’un côté peut entraîner des conséquences fortes de l’autre, car il faut considérer l’ensemble d’un point de vue territorial.</p>
<p>Pour autant, il existe un intérêt symbolique fort à prendre séparément les deux entités, notamment dans le cas hongkongais, en valorisant l’unicité et la spécificité de ce territoire aux yeux des consommateurs pour qui la règle <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00472336.2011.530039?casa_token=-MGvPVqMqokAAAAA%3AnAyEZpLYFhg-aR1h9_IFXDAxxrZFcWf98X1NSbJAucTZLZKKnQE88uzYB2J4CcNvPZzxZ3oreKCMrQ&">« un pays, deux systèmes »</a>, établie par Deng Xiaoping dès les années 1980, est un facteur d’unité important et auquel la population tient.</p>
<p>Depuis 1997, Hongkong bénéficie d’une loi particulière (<a href="https://revuedesjuristesdesciencespo.com/?p=985">Basic Law</a>) qui lui assure une importante autonomie comme région administrative spéciale. Le territoire dispose de sa propre monnaie et de son système judiciaire, et possède sa propre organisation politique…</p>
<p>L’Oréal et Lancôme, ont, sans le vouloir, pris une décision – rapidement transformée en acte politique – qui a touché à des représentations ancrées d’un côté comme de l’autre : une volonté farouche d’autonomie d’un côté, et de l’autre, une défense de « l’espace chinois » pensé en cherchant à assurer la sécurité de la zone pour assurer son indépendance stratégique.</p>
<h2>Ligne rouge</h2>
<p>Pour Pékin, Hongkong fait partie intégrante de l’espace chinois. Lors du 20<sup>e</sup> anniversaire de la rétrocession, <a href="https://www.lesechos.fr/2017/07/pekin-met-en-garde-les-jeunes-de-hong-kong-151324#t8TTsIu7aMeJhXFj.99">Xi Jinping proclamait</a> d’ailleurs :</p>
<blockquote>
<p>« Toute tentative visant à compromettre la souveraineté et la sécurité de la Chine, à défier le pouvoir du gouvernement central et l’autorité de la loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hongkong ou à se servir de Hongkong pour mener des activités d’infiltration et de sabotage contre le continent revient à franchir la ligne rouge. »</p>
</blockquote>
<p>La gravité de ces propos illustre bien qu’Hongkong n’est pas juste une « région administrative spéciale » mais bel est bien un élément constitutif du <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00511284/document">territoire chinois</a> qui repose tout autant sur des frontières réelles qu’imaginaires.</p>
<p>Et c’est bien là que repose tout le <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/9117">paradoxe de Hongkong</a> : autonome dans les faits, du moins a priori jusqu’en 2047, la politique reste interdépendante de la géopolitique chinoise.</p>
<h2>Casse-tête chinois</h2>
<p>Que penser alors de la situation actuelle et quels sont les enjeux pour les entreprises ?</p>
<p>Pour l’instant, le monde des affaires s’est scindé en deux camps : d’un côté les <a href="https://business.financialpost.com/investing/as-protesters-fill-hong-kongs-streets-businesses-are-alarmed-too">petites entreprises locales qui ont fermé leur rideau lors des manifestations du mercredi 12 juin</a>, et de l’autre les multinationales qui se sont bien gardées de tout positionnement.</p>
<p>Hongkong reste encore une place financière importante. Mais, depuis 2014, et encore cette année, un doute commence à apparaître dans cette communauté d’affaire spécifique qui s’interroge sur les velléités et les modalités de contrôle de Pékin. Cette incertitude pourrait faire reculer les investisseurs, comme c’est déjà le cas de la société <a href="https://www.asiatimes.com/2019/06/article/goldin-walks-away-from-record-land-deal-in-hk/">Goldin Financial Holdings</a> qui a annulé son investissement immobilier mi-juin (un dépôt initial de 15 millions de dollars hongkongais avait été versé, soit 2,8 millions d’euros).</p>
<p>Ces derniers doivent désormais prendre en compte la capacité d’opposition de la population à obtenir un système plus démocratique, sans pour autant s’attirer les foudres d’un partenaire économique incontournable.</p>
<p>Préoccupée par la situation, <a href="https://www.nytimes.com/2019/06/12/business/hong-kong-china-protests-business.html">Tara Joseph</a>, présidente de la Chambre de commerce américaine de Hongkong, a récemment déclaré :</p>
<blockquote>
<p>« Le projet de loi sur l’extradition est inquiétant parce que les entreprises commencent à se demander s’il n’y a pas maintenant une frontière floue entre la politique et les affaires dans une ville qui se considère comme une capitale commerciale qui fait passer les affaires en premier. »</p>
</blockquote>
<h2>Une responsabilité géopolitique</h2>
<p>D’un point de vue politique, les <a href="https://www.state.gov/2019-hong-kong-policy-act-report/">États-Unis commencent déjà à se poser la question de la façon de gérer le cas hongkongais</a>, surtout dans le contexte diplomatique actuel. Derrière ces manifestations, c’est effectivement un réel changement de paradigme qui est en train de se dérouler et qu’il va falloir intégrer dans les stratégies hors marché des entreprises.</p>
<p>En fine analyste de la situation, Denise Ho témoignait de son histoire en <a href="https://www.shoutoutuk.org/2016/06/17/cosmetics-and-politics-what-hong-kong-wants-from-lancome/">rappelant aux marques</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Vous devez vous rappeler que votre décision affecte toute la société. L’autocensure d’une entreprise par timidité suscitera la peur dans la communauté, fomentant l’autocratie. Est-ce vraiment la société que nous voulons ? »</p>
</blockquote>
<p>Dans une époque où la responsabilité sociale des entreprises est plus que jamais mise en avant, cette histoire nous montre qu’intégrer une responsabilité géopolitique, notamment par une compréhension fine de ces territoires est une nécessité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119440/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Belhoste ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises étrangères implantées à Hongkong doivent surveiller de près les évolutions politiques locales pour ne pas subir le même sort que Lancôme, il y a trois ans.Nathalie Belhoste, Enseignant chercheur, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1158692019-04-23T16:29:46Z2019-04-23T16:29:46ZDossier : Les peuples contre les « systèmes »<p>De Santiago à Beyrouth, de Quito à Hong Kong, en passant par Alger, Bagdad, Caracas, Barcelone, Bogota, Téhéran, Minsk, mais aussi Dresde, Londres, Paris ou Washington, les citoyens sont nombreux à dénoncer les systèmes en place, les régimes injustes, les oligarchies, les clans, les coteries qui imposeraient aux peuples des décisions iniques. Cette contestation prend diverses formes : manifestations pacifiques ou non, régulièrement dispersées par la force ; soutien électoral aux politiciens et aux partis qui dénoncent les élites ; rejet du « discours officiel » ; « dégagisme » généralisé… Retour en une dizaine d'articles sur ces zones du globe où les pouvoirs sont remis en cause au point, souvent, de chanceler et, parfois, de s'effondrer…</p>
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<span class="caption">La vague de protestations innovantes de ces derniers mois n'a cessé de s'intensifier et dénonce la dégradation des conditions socio-économiques des ruraux et l'invisibilisation du monde paysan.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2><a href="https://theconversation.com/ni-jacques-ni-poujadistes-juste-en-colere-108198">Ni « Jacques » ni « poujadistes », juste en colère</a></h2>
<h2><a href="https://theconversation.com/de-la-place-tahrir-aux-gilets-jaunes-les-nouvelles-formes-de-lindignation-110520">De la place Tahrir aux « gilets jaunes », les nouvelles formes de l’indignation</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C150%2C4354%2C2752&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256275/original/file-20190130-108358-c8m17n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La place Tahrir, au Caire en Égypte, le 21 novembre 2011.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/elhamalawy/6380855801">Hossam el-Hamalawy/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/115869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Dossier spécial sur la colère dirigée dans de nombreux pays contre les pouvoirs en place.Thomas Hofnung, Chef de rubrique Politique & Société et International, The Conversation FranceClea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceGrégory Rayko, Chef de rubrique International, The Conversation FranceHéloïse Paqueron, Editor, The Conversation France Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1134202019-03-13T10:45:36Z2019-03-13T10:45:36ZLe duty free, clé de l’attractivité touristique des pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263593/original/file-20190313-123525-1jq4e2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C991%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’activité commerciale représente près de 40% des ressources d'un aéroport (Ici, l'aéroport d'Istanbul en Turquie).</span> <span class="attribution"><span class="source">Stanislav Samoylik / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), en deuxième lecture mercredi 13 mars à l’Assemblée nationale, ouvre la perspective d’une <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/12/20002-20190312ARTFIG00066-l-etat-hesite-sur-le-niveau-de-sa-participation-au-capital-d-adp.php">vente future des parts de l’État</a> dans les aéroports de Paris (ADP), opérateur des aéroports de la région parisienne. Cette éventualité cause un <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/03/12/privatisations-l-etat-cede-adp-les-francais-dupes_1714694">émoi croissant</a>, non seulement auprès du public pour qui cette privatisation prouve à nouveau le désengagement de l’État, mais aussi auprès des experts. Plusieurs questions sont posées par les observateurs.</p>
<p>Certes l’État a un besoin structurel de cash, et encore plus depuis qu’il a promis <a href="https://www.europe1.fr/politique/gilets-jaunes-nous-allons-injecter-plus-de-10-milliards-deuros-dans-le-pouvoir-dachat-des-francais-se-felicite-richard-ferrand-3821639">10 milliards</a> d’euros aux « gilets jaunes » cette année. Autant donc vendre les bijoux de famille : après tout, est-ce dans les attributions régaliennes de gérer un aéroport ? À cela il est rétorqué qu’un aéroport est désormais une porte d’entrée majeure dans le territoire national, bien plus stratégique que des péages autoroutiers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’aéroport Roissy–Charles de Gaule, porte d’entrée stratégique majeure du territoire français.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ElRoi/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais au-delà de ces considérations géopolitiques, le débat sur ADP devrait aussi être abordé de façon purement financière en posant une seule question, oubliée selon les critiques lors de la <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/transports/autoroute/hausse-des-peages-la-privatisation-des-autoroutes-etait-elle-une-erreur-6169713">concession des autoroutes</a> à un groupe privé : la vente des parts dans ADP rapportera-t-elle plus ou moins que la somme actualisée des bénéfices attendus de la part d’ADP si le statu quo était maintenu ?</p>
<h2>Un marché de 69 milliards de dollars</h2>
<p>Cette question se pose d’autant plus que toutes les prévisions de croissance du trafic aérien mondial sont au vert. Or, les ressources d’un aéroport proviennent pour près de 60 % des taxes et facturations de services liés au trafic aérien (atterrissages, décollages) et <a href="https://simpleflying.com/how-airports-make-money/">40 % de l’activité commerciale</a> liée aux parkings, locations de voitures, restaurants mais principalement à l’activité duty free, elle-même portée par le luxe.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Décomposition des revenus des aéroports.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://simpleflying.com/how-airports-make-money/">Simpleflying.com</a></span>
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</figure>
<p>Longtemps regardé comme peu noble, secondaire, le duty free jouit d’un taux de croissance remarquable dans le monde (+8,6 % par an depuis 2002) et dépasse les 69 milliards de dollars de revenus. Appelé le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/04/11/pour-l-oreal-les-aeroports-constituent-le-sixieme-continent-du-commerce_3157875_3234.html">« sixième continent »</a> par le groupe L’Oréal, le duty free est devenu un vecteur stratégique des marques de luxe dans le monde. Ce n’est pas un hasard si, visionnaire, LVMH racheta dès 1996 DFS, le leader mondial de la vente de produits de luxe aux voyageurs internationaux, opérateur de zones commerciales duty free, que ce soit en aéroports ou en dehors. Le duty free est aujourd’hui devenu d’autant plus vital que la croissance du marché du luxe se fait aujourd’hui par les nouveaux venus – nouveaux riches et aussi classe moyenne supérieure, issus des pays émergents.</p>
<h2>Puissance d’attraction</h2>
<p>Dans les années 1970, le luxe français surfa sur la vague de l’engouement des Japonais. Désormais, ce sont les clients chinois qui font sa croissance. Bain & Co. estime à plus de 30 % leur part dans les ventes de produits dits de luxe personnel, au sein des 50 % attribués aux acheteurs asiatiques en général. Or, pour les Chinois autorisés à voyager (ils devraient être 220 millions en 2020), le choix d’un pays de destination se fait selon trois critères :</p>
<ul>
<li><p>L’éloignement géographique (les Chinois commencent par visiter Hongkong et Macao, puis Corée, Japon, Thaïlande, Malaisie, etc.)</p></li>
<li><p>L’attractivité du taux de change local – d’où la volatilité des choix de destination – ce qui a permis au Japon de bénéficier de la manne des touristes chinois quand le yen baissa, et cela en dépit du refroidissement des relations sino-japonaises.</p></li>
<li><p>Le caractère excitant des zones duty free, qui accroissent l’attractivité des prix. Mais cela va bien au-delà, car les zones duty free sont devenues des destinations de divertissement et de culture en elles-mêmes, voire la raison majeure de visiter une ville en Asie pour un Chinois.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bain.com/fr/insights/luxury-goods-worldwide-market-study-fall-winter-2017/">Bain & Company (2018).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela peut choquer ceux qui pensent que tous les touristes viennent à Paris pour visiter le Louvre et le château de Versailles. Certes un peu, mais on ne doit pas sous-estimer la puissance d’attractivité du duty free, qui tient avant tout à la présence magique des marques de luxe.</p>
<p>Que de chemin parcouru par le duty free depuis l’ouverture de la première boutique d’aéroport à Shannon, en 1947 en Irlande, tirant parti de l’escale technique pour refaire le plein de carburant vers les États-Unis. On y vendit des spiritueux, du tabac et plus tard cosmétiques et parfums. Ce sont toujours aujourd’hui les piliers du business mondial du duty free, mais s’y sont greffés les produits de luxe qui représenteraient environ <a href="https://www.dufry.com/sites/default/files/document/2018-03/Annual%20Report%20E%20complete.pdf">36 % du marché</a>.</p>
<p>Les marques de luxe sont le faire-valoir des zones duty free, et de fait le visage des pays. L’aéroport par lequel on entre et sort d’un pays est le premier témoin du niveau de développement de ce pays, à travers la qualité des produits de luxe de sa zone duty free.</p>
<h2>La Corée, paradis du duty free</h2>
<p>Aujourd’hui, le shopping est un facteur majeur du succès touristique d’un pays. La Corée domine le marché mondial duty free avec <a href="https://insideretail.asia/2018/07/04/south-korea-still-dominates-global-duty-free-market/">22 % de part de marché</a> et en vise près du quart en 2022. Le gouvernement coréen fut prompt à saisir la dimension stratégique du duty free pour attirer les devises et les touristes, japonais à l’époque. Pour cela, il inventa les grands magasins de luxe dédiés au duty free (Lotte Duty Free, Shilla Duty Free, etc.) réservés aux étrangers. Pour distancer ses concurrents, Lotte Duty Free réalisa un coup de maître en obtenant que Louis Vuitton – déjà la marque phare du luxe mondial – y ouvrit le 11 janvier 1984 un <em>shop in shop</em> (magasin dans le magasin) alors que la marque n’avait aucun magasin en propre en centre-ville de Séoul pour les Coréens eux-mêmes (et ne comptait pas en ouvrir d’ailleurs).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Shilla Duty Free, à Séoul.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Artyooran/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet évènement fit l’effet d’une bombe dans le monde du luxe. Hermès suivit en 1985 et Chanel en 1986. Depuis, la Corée est le paradis du duty free. Tous les pays désireux de décoller économiquement et dépourvus de trésors culturels doivent compter sur le shopping en duty free, donc sur le luxe pour développer leur tourisme, faire venir les Chinois, profiter du circuit « daigou » (les touristes chinois qui voyagent exclusivement pour acheter des</p>
<p>produits de luxe pour les autres).</p>
<p>Revenant à ADP, son avenir reposera sur sa capacité à augmenter sa part dans le trafic aérien mondial) dont le <a href="https://www.lesechos.fr/24/10/2017/lesechos.fr/030780860972_le-nombre-de-passagers-aeriens-va-doubler-d-ici-a-2036.htm">doublement du nombre de passagers est annoncé d’ici 2036</a>) et la part du montant que chaque touriste – chinois ou autre – a prévu de dépenser en France. Les marques de luxe joueront un rôle clé pour atteindre ces deux objectifs si elles sont dans des lieux duty free qui donnent envie avec une offre exclusive. Faut-il vraiment privatiser pour cela ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Kapferer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’offre en duty free représente aussi bien un levier de croissance pour les marques de luxe qu’un atout à faire valoir auprès des touristes quand ils choisissent leur destination.Jean-Noël Kapferer, Professeur Senior, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1090192019-01-07T19:33:55Z2019-01-07T19:33:55ZÀ quoi reconnaît-on un paradis fiscal ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251237/original/file-20181218-27758-1iuqut8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C32%2C4268%2C2811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'Irlande est un exemple extrême de pays qui a su tirer profit de la concurrence fiscale entre États.</span> <span class="attribution"><span class="source">Madrugada Verde / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Retrouvez toute l’actualité économique déchiffrée par les économistes du CEPII sur leur <a href="http://www.cepii.fr/blog/bi/blog.asp">blog</a>, où ce billet a été publié le 11 décembre 2018.</em></p>
<hr>
<p>Plusieurs scandales récents ont montré comment certaines entreprises multinationales s’établissent dans les paradis fiscaux pour y localiser leurs profits, tirant parti de différences de règles fiscales entre pays. Ce faisant, leurs activités (réelles ou comptables) déclarées par leurs filiales affectent l’activité mesurée par les statistiques officielles de compte nationaux et de balance des paiements. La <a href="http://www.cepii.fr/blog/fr/post.asp?IDcommunique=573">hausse du PIB irlandais</a> de 26 % en 2015 en est un exemple extrême. Nous analysons dans ce billet l’incidence de ces pratiques sur le compte courant des <a href="https://econpapers.repec.org/article/oupqjecon/v_3a109_3ay_3a1994_3ai_3a1_3ap_3a149-182..htm">paradis fiscaux</a>.</p>
<p>Le compte courant de la balance des paiements se décompose en quatre grands postes : les biens, les services, les revenus primaires (principalement rémunération des facteurs de production) et les revenus secondaires (essentiellement coopération internationale). La balance ou solde de chaque compte résulte de la différence entre les crédits (ce que le pays gagne en exportant les biens, les services et les actifs) et les débits (ce qu’il dépense en important). Le graphique 1 montre la structure du compte courant pour l’ensemble des paradis fiscaux. Ces tendances agrégées masquent cependant des spécificités importantes pour certains pays, que nous détaillons pour cinq pays (Suisse, Irlande, Singapour, Hong Kong et Luxembourg) qui représentent à eux seuls environ 84 % du PIB de cet agrégat (graphiques 3 à 7 en fin de billet).</p>
<h2>Les biens : un changement de plateau</h2>
<p>Les paradis fiscaux affichent un excédent structurel de leur balance courante de 8 % de leur PIB sur la période 2005-2017 (graphique 1). En comparaison avec les autres pays, l’ampleur du solde courant et de chacune de ses composantes ainsi que des flux bruts (importations et exportations) rapportés au PIB est une caractéristique importante des paradis fiscaux. L’excédent courant est en partie attribuable à la hausse du solde des biens avec un changement de plateau en 2015. Cette année-là, l’Irlande est le terrain de nouvelles relocalisations de firmes multinationales (investissement en inversion).</p>
<p>L’accélération de ce type d’investissements a provoqué l’explosion des exportations de biens en 2015. En balance des paiements, c’est le changement de propriété et non le passage à la frontière qui détermine l’affectation en crédit ou en débit des biens et services. Tout dépend donc du business model de la firme : filiales ou sous-traitance. Une grosse partie de la production d’Apple (sous-traitée en Chine) destinée aux marchés européens et africains est par exemple distribuée à partir de l’Irlande (Sébastien Laffitte et Farid Toubal, « Firms, Trade and Profit Shifting : Evidence from Aggregate Data ». Document de travail du CEPII, à paraître). Les exportations font plus que compenser les importations en provenance de Chine en raison notamment de l’intégration de la marge commerciale d’Apple dans ses produits exportés. La manipulation des prix de transfert dans les transactions entre entités d’un même groupe est un instrument permettant de localiser des bénéfices dans les filiales des paradis fiscaux qui a également pour effet d’augmenter les prix de leurs exportations et de réduire le prix de leurs importations, gonflant ainsi l’<a href="https://afse2015.sciencesconf.org/61515/document">excédent commercial</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251235/original/file-20181218-27758-115ywbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Graphique 1 : Les paradis fiscaux par grand poste de la balance courante, 2005-2017, en % du PIB.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les services : support des activités financières</h2>
<p>Deuxième poste d’importance pour les paradis fiscaux, les services sont largement excédentaires pour le groupe des paradis fiscaux avec une phase d’accélération jusqu’en 2013. Parmi les gros paradis fiscaux, le Luxembourg, Hong Kong et la Suisse se distinguent par leur excédent structurel sur le poste des services.</p>
<p>La composition de ces services fait apparaître des spécialisations intéressantes en regard des autres pays. La part des redevances et droits de licence et des services de R&D (recherche et développement), des services financiers, des services d’assurance, des services de télécommunication, informatiques et d’information ainsi que les autres services aux entreprises (techniques, de gestion, de conseil, etc.) représentent 63 % de la moyenne des échanges de services en 2017. Relativement au reste du monde, les paradis fiscaux apparaissent particulièrement spécialisés dans les services financiers au sens large et les redevances et droits de licence et services de R&D, suceptibles de déplacer les bénéfices vers les paradis fiscaux.</p>
<p>Dans le graphique 2, la part de la moyenne des crédits et débits du service dans le total des services des paradis fiscaux est rapportée à la part mondiale du même service. Il ressort que l’intensité des échanges de services est la plus élevée dans le poste « services financiers » avec une part de plus de deux fois celle qu’enregistre le monde dans ces services (15 % contre 7 %) en 2017. La contribution du Luxembourg explique largement cette intensité (plus de huit fois celle du monde). Celle des services d’assurance et de fonds de pension et celle de « redevances et droits de licence et services de R&D » suivent avec 1,4 fois la part enregistrée par le monde. Sur ce dernier poste, la part de la Suisse compte pour le double de celle du monde. De même, la localisation des industries de services numériques notamment en Irlande affecte à la hausse la part du poste « Télécommunications, services d’informatique et d’information » des paradis fiscaux (1,2 fois) en 2017.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251239/original/file-20181218-27749-17kvqus.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 2 : Intensité des échanges de services dans les paradis fiscaux, 2005-2017, en %.</span>
<span class="attribution"><span class="source">FMI, Balance des paiements.</span></span>
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<h2>La spécificité des paradis fiscaux dans les revenus des IDE</h2>
<p>Ces services accompagnent généralement des investissements générateurs de revenus primaires composés principalement pour les paradis fiscaux de dividendes, de revenus non distribués et d’intérêts. Le graphique 1 montre que le solde de ces revenus pris dans leur ensemble est de plus en plus déficitaire. Cela signifie que les sorties de ces revenus servis sur l’investissement étranger dans les paradis fiscaux sont supérieures aux entrées produites par l’IDE (investissements directs à l'étranger) de ces pays à l’étranger.</p>
<p>Pourtant, il existe une forte hétérogénéité entre revenus d’actifs d’une part et entre pays de ce groupe d’autre part, chaque pays ayant ses propres spécificités. Dans un <a href="http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=609">billet précédent</a> nous soulignions qu’au sein des revenus d’IDE, les intérêts intra-groupe apparaissent clairement une spécialité des paradis fiscaux. Ce résultat est nettement influencé par le Luxembourg et la Suisse.</p>
<p>Concernant les deux autres postes des revenus d’IDE – dividendes et bénéfices réinvestis – ils sont globalement déficitaires malgré la forte distribution de dividendes de l’ordre de 47 milliards en net reçue par le Luxembourg en 2017, les récipiendaires étant presque exclusivement les sociétés à vocation spéciale qui gèrent entre autres la trésorerie des <a href="http://www.cepii.fr/blog/bi/post.asp?IDcommunique=276">grandes firmes multinationales</a>.</p>
<p>Le solde des revenus d’IDE est en revanche très fortement déficitaire dans le cas irlandais. Les bénéfices réinvestis des filiales des multinationales qui ne sont pas encore distribués sous forme de dividendes sont certes en partie crédités au compte des maisons mères irlandaises mais transférés massivement à celui des holdings situés dans d’autres pays. Ainsi en 2017, pour l’Irlande, les presque 20 milliards d’euros en crédit (qui entrent) des bénéfices réinvestis sont à mettre en regard des 60 milliards en débit (qui sortent). L’un dans l’autre, en 2016, sur les sorties de revenus d’IDE, environ 23 milliards se dirigent vers les places offshore (non compris les gros pays identifiés comme paradis fiscal) et environ <a href="https://www.cso.ie/en/releasesandpublications/er/fdi/foreigndirectinvestmentannual2016/">21 milliards</a> vers les Pays-Bas, la Suisse, et le Luxembourg. Par ailleurs, le CSO estime qu’en plus des sorties officielles dues au titre des bénéfices réinvestis, environ 53 milliards dont l’essentiel est lié à la dépréciation des actifs de propriété intellectuelle étant le fait des sièges sociaux d’origine étrangère redomiciliés en Irlande, devraient être considérés comme un débit supplémentaire des revenus d’IDE.</p>
<h2>Les investisseurs institutionnels étrangers récoltent le fruit de leurs investissements de portefeuille dans les paradis fiscaux</h2>
<p>En ne retenant que les paradis déclarant les composantes des revenus de portefeuille (dividendes rémunérant les actions détenues par les unités non-résidentes, revenus d’investissement attribuables aux détenteurs de parts de fonds de placement et intérêts sur les titres de dette de marché), il ressort qu’ensemble, les revenus nets d’actions et de parts de fonds de placement creusent leur déficit, de 34,5 milliards de dollars en 2005 à 74 milliards en 2017 (Note des auteurs : les revenus d’investissement de portefeuille sont mal déclarés, Tonga, Singapour et la Jordanie n’en déclarant pas du tout). La Suisse ne déclare pas les composantes des investissements de portefeuille mais le fait seulement au niveau agrégé. La raison en est que les fonds de placement étrangers récupèrent les revenus de leurs participations, pour la plupart défiscalisés, investissements qu’ils ont effectués à partir de ou dans les paradis fiscaux.</p>
<p>Ainsi, sur le poste des revenus des parts de fonds de placement, les paradis fiscaux enregistrent un déficit de l’ordre de 128 milliards de dollars en 2017, en forte augmentation depuis 2005 (-44 milliards). L’essentiel de ce déficit concerne le Luxembourg et l’Irlande, plates-formes permettant une diffusion internationale des investissements de ces fonds.</p>
<p>En revanche, concernant les actions, les paradis fiscaux restent excédentaires sur les dividendes nets reçus du reste du monde : environ 35 milliards en 2017. Grâce à certains pays comme le Luxembourg et l’Irlande qui sont des places financières, ils gagnent également sur les intérêts nets perçus sur les titres de dette de marché (tous secteurs confondus) qui passent d’un solde créditeur net de 54 milliards à 61 milliards de dollars entre 2005 et 2017.</p>
<p>Les instruments d’évitement fiscal utilisés par les multinationales et la spécialisation des paradis fiscaux dans les services de soutien des activités des multinationales affectent ainsi l’activité enregistrée par les statistiques officielles des paradis fiscaux et se traduisent par la déformation des différents postes du solde courant, tant au niveau des biens, des services et de leur composition que des revenus d’investissement.</p>
<hr>
<h2>Annexes : évolutions des balances courantes des cinq pays étudiés</h2>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/109019/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le CEPII a évalué l’impact des pratiques visant à tirer profit de la concurrence fiscale entre États sur les comptes courants de la Suisse, de l’Irlande, de Singapour, de Hong Kong et du Luxembourg.Laurence Nayman, Économiste , CEPIIVincent Vicard, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1004842018-09-03T20:52:11Z2018-09-03T20:52:11ZDoctorat : et si on jouait « collectif » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/229605/original/file-20180727-106505-j7kyrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=6%2C0%2C820%2C377&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Désormais, les doctorants doivent aussi apprendre à vulgariser leurs recherches. (Ici à l'Education University of Hong-Kong)</span> <span class="attribution"><span class="source">Lisa Jeanson</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le doctorat, bien plus que la réalisation d’une thèse ? Pour ceux qui vivent ce parcours au quotidien, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Au-delà de la rédaction d’un travail au long cours et de la construction d’une expertise scientifique, cette expérience de trois à cinq ans permet de développer des compétences très précieuses aussi pour le monde de l’entreprise, de l’autonomie à la gestion de projet, en passant par la définition d’une stratégie.</p>
<p>Pourtant, beaucoup se représentent encore les chercheurs en herbe comme d’éternels étudiants cantonnés à leurs bibliothèques ou laboratoires, en face à face permanent avec un sujet de prédilection très pointu. Comment casser ces clichés ? Que les doctorants témoignent plus souvent sur les défis qu’ils relèvent serait en soi un bon départ. C’est ainsi que nous avons décidé de raconter l’expérience qui suit, qui nous a menés bien loin de notre univers habituel. Jusqu’à Hong-Kong même !</p>
<h2>Saisir des opportunités</h2>
<p>Tout a commencé en 2017, lors de la la <a href="https://jijc2017.event.univ-lorraine.fr/">Journée internationale des jeunes chercheurs</a>, organisé par l’université de Lorraine. Constatant notre implication dans cet événement, Dominique Macaire, professeure en didactique des langues dans l’un des laboratoires de l’établissement, nous propose de rebondir vers un autre projet, tourné vers l’Education University of Hong Kong (EduHK). L’enjeu : renforcer le dialogue avec l’école doctorale de cet établissement, avec lequel se mettent en place de nouveaux échanges.</p>
<p>En confrontant nos expériences et nos besoins dans chacune de nos disciplines, nous déterminons un axe de travail qui nous semble essentiel face aux enjeux de diffusion de la recherche : l’art oratoire. Le résultat prend la forme d’un atelier participatif que testent une quinzaine de doctorants de l’EduHK <a href="http://factuel.univ-lorraine.fr/node/6528">invités en avril 2017</a>. Les séances de coaching se clôturent par un concours façon <a href="http://mt180.fr/">« Ma Thèse en 180 secondes »</a>, où les candidats présentent leurs travaux en 3 minutes, avec l’appui d’un support visuel, devant un jury.</p>
<p>Et nous ne regrettons pas d’avoir saisi l’opportunité offerte par Dominique Macaire, puisque l’expérience nous a valu une invitation à l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/iprrfss2017/">International Postgraduate Roundtable and Research Forum cum Summer School (IPPRFSS) 2017</a> à l’EduHK. Durant plusieurs jours, les doctorants y présentent leurs travaux et participent à des conférences et tables rondes les amenant à pratiques de la recherche. Très apprécié, notre atelier est reconduit pour l’<a href="https://www.eduhk.hk/gradsch/iprrfss2018/">édition 2018 de l’IPPRSS</a>.</p>
<h2>Apprendre à communiquer</h2>
<p>Faire passer le projet avant tout, même avant l’ego, en voilà un challenge de taille pour six chercheurs en herbe, avec des personnalités différentes, des niveaux d’expérience variés et des compétences multiples à concilier sur plusieurs mois et à des kilomètres les uns des autres. Malgré nos méthodes de travail assez éloignées, nous avons trouvé des compromis, constitué des groupes, établi un planning de réunions…</p>
<p>En résulte l’atelier « Build Your Own Brand », qui embrasse les outils et méthodes pour construire des « présentations visuelles » efficaces, mais aussi des conseils autour de la mise en scène du texte et le langage gestuel. Oublier le trac qui précède ses interventions, passer outre les craintes que certains peuvent ressentir lors d’une présentation dans une langue étrangère, être irréprochable dans le design de son PowerPoint, vulgariser ses travaux de recherche : c’est l’objet de notre atelier… mais c’est aussi ce que nous devons nous-mêmes mettre en œuvre pour asseoir notre crédibilité. En effet par exemple parler une autre langue peut être un vrai défi ! Dans sa langue maternelle, il est plus facile de convaincre, de faire face à des oublis ou de rebondir sur des remarques si besoin est. En revanche lorsqu’on s’exprime dans une langue étrangère, il faut être imaginatif et savoir s’adapter !</p>
<p>Heureusement pour faire face à ces challenges nous ne sommes pas seuls et, une fois encore, c’est le collectif qui gagne. Nous improvisons chaque soir durant près d’une semaine des séances de travail tardives dans les salles de réunions du campus. Nous orchestrons notre intervention et répétons ensemble comme une troupe de théâtre.</p>
<h2>Gérer budgets et plannings</h2>
<p>Il a fallu aussi jouer collectif pour financer notre voyage, à hauteur d’environ 1 000 euros par personne, ce projet n’entrant ni dans le cadre de nos doctorats ni des financements de l’université. C’est à force de démonstrations de nos compétences en tant que communicants, de notre sérieux en tant que chercheurs que nous sommes parvenus à construire une relation de confiance avec nos partenaires et obtenons finalement le soutien des Écoles Doctorales Stanislas et RP2E, des Laboratoires PErSEUs, LIEC et INRA et du parcours « Compétences pour l’entreprise » labellisé par la Confédération des Directeurs d’Écoles d’Ingénieurs.</p>
<p>Au-delà de ces questions de budget, nous avons aussi dû nous initier à cette <a href="https://theconversation.com/quel-monde-du-travail-pour-demain-88040">flexibilité</a> si essentielle pour le monde de l’entreprise. On imagine souvent que, dans la recherche, les conditions de travail sont très différentes de celles du privé et que les projets s’inscrivent systématiquement sur du moyen ou du long terme. Pourtant, il faut bien réagir lorsque l’on doit modifier très vite le format d’une intervention suite à des demandes impromptues de la part des organisateurs d’un colloque.</p>
<p>S’adapter, tel est le maître mot que nous avons suivi. En effet, notre public étant essentiellement composé de doctorants, nous nous devions d’être pédagogues et de trouver le moyen de capter l’attention d’une centaine de personnes pendant 3 longues heures. Susciter l’esprit de compétition du public avec un quizz et de petits gains à la clé, rendre l’audience active en mettant en place des exercices collectifs, impliquer l’audience dans le remaniement en direct de leurs propres PowerPoint, telles ont été nos solutions.</p>
<p>Du doctorat au leadership, il n’y a qu’un pas et cette expérience hors du commun nous a permis de le franchir, au moins en partie. Bien au-delà de nos compétences de recherche, nous avons su nous dépasser et mettre de côté nos doutes et parfois notre ego pour mener à bien un projet d’une telle envergure. Nous pensions être venus pour former nos pairs et nous rentrons grandis, plus au fait de nos défauts, plus conciliants, plus prêts que jamais à affronter les aléas du travail, et ce, bien au-delà du monde de la recherche.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/100484/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Olry a reçu des financements de l'Université de Lorraine. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>David Gocel-Chalte a reçu des financements de l'équipe de recherche Cyble, laboratoire LIEC UMR 7360, CNRS. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérémy Filet, Laura Déléant, Lisa Jeanson et Marie Dincher ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Loin d’être enfermés dans leur tour de verre, les doctorants peuvent aussi se transformer en chefs de projet. C’est ce que montre cette initiative menée de la Lorraine à Hong-Kong.Lisa Jeanson, Doctorante en ergonomie cognitive, groupe PSA/laboratoire PErSEUs, Université de LorraineAlexis Olry de Rancourt, Doctorant en ergonomie cognitive, Université de LorraineDavid Gocel-Chalte, Doctorant en écologie, environnement, Université de LorraineJérémy Filet, Doctorant en civilisation Britannique du XVIIIème siècle, Université de LorraineLaura Déléant, Doctorante en Ergonomie Cognitive, Université de LorraineMarie Dincher, Doctorante en biogéochimie des écosystèmes forestiers, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/840032017-09-27T22:44:43Z2017-09-27T22:44:43ZChine : tolérance zéro pour la liberté académique<p>Les universités seront scrutées et examinées dans les moindres détails, les enseignants évalués. Celles et ceux dont la rigueur et les <a href="http://news.xinhuanet.com/english/2016-12/09/c_135891337.htm">positions idéologiques</a> seront jugées « trop faibles » par le Parti seront punis. <a href="https://www.wsj.com/articles/china-steps-up-ideology-drive-on-college-campuses-1506250801">Tel est le programme</a> annoncé par le gouvernement de Xi Jinping quelques semaines à peine avant le congrès du Parti communiste, <a href="https://www.wsj.com/articles/china-sets-date-for-party-congress-as-xi-looms-even-larger-1504181813">qui se tiendra le 18 octobre à Pékin</a> et où Xi espère bien renforcer encore son autorité comme leader mondial.</p>
<p>Or, cette stratégie visant à contrôler l’université, à violer en toute impunité la liberté académique ne s’applique pas qu’aux établissements chinois, mais se diffuse désormais par-delà ses frontières.</p>
<p>Début septembre Reuters et <em>The Guardian</em> <a href="https://www.theguardian.com/world/2017/sep/09/cambridge-university-press-headed-for-showdown-with-china-over-censorship">révélaient</a> que les autorités chinoises avaient tenté de censurer partiellement l’accès depuis la Chine à American Political Science Review, l’une des revues les plus renommées dans son domaine et publiée par les très prestigieuses Cambridge University Press (CUP).</p>
<p>D’apparence anodine – la maison d’édition a choisi d’ignorer les pressions chinoises –, cette nouvelle jette néanmoins le trouble puisqu’elle survient quelques semaines seulement après une autre controverse qui a puissamment secoué le monde académique.</p>
<h2>L’affaire du <em>China Quarterly</em></h2>
<p>Le 18 août, les spécialistes de la Chine aux quatre coins du globe apprirent que Pékin avait requis le <a href="https://www.theguardian.com/education/2017/aug/18/cambridge-university-press-blocks-readers-china-quarterly">retrait de 315 articles</a> et recensions du <em>China Quarterly</em>, l’une des revues phare sur le monde chinois contemporain, produite par la très respectable School of Oriental and African Studies à Londres et aussi publiée par CUP.</p>
<p>Lesdits articles traitaient de sujets sensibles aux yeux du gouvernement chinois : le printemps de Pékin en 1989, Mao et la révolution culturelle, les tensions ethniques dans les provinces du Tibet et du Xinjiang, Taiwan et tout ce qui a trait aux revendications démocratiques.</p>
<p>CUP obtempéra et retira les articles en question de son portail en Chine, arguant qu’il valait mieux sacrifier un petit nombre de publications qui n’intéressait qu’une infime portion de chercheurs, afin d’assurer la circulation pérenne de ses nombreuses autres productions scientifiques et pédagogiques dans le pays, d’autant que la semaine suivante CUP allait participer à la Foire internationale du livre à Pékin (23-27 août), la plus grande d’Asie et parmi les plus importantes du monde.</p>
<p>Chercheurs et ONGs – au premier rang desquels figurait le directeur du <em>China Quarterly</em>, Tim Pringle – <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/aug/21/china-bid-block-china-quarterly-attack-academic-freedom">s’indignèrent</a> du fait que CUP puissent faire passer ses intérêts commerciaux devant la liberté académique, et la communauté scientifique menaça de boycotter les publications de la maison d’édition.</p>
<p>Face à la véhémence des protestations, relayée par les réseaux sociaux et les médias, le gouvernement chinois fit valoir son point de vue dans l’éditorial du <a href="http://www.globaltimes.cn/content/1062304.shtml">Global Times daté du 20 août,</a>, justifiant que, tout en respectant la liberté académique en vigueur en Grande-Bretagne, la Chine est en droit de légiférer comme elle l’entend sur les produits distribués sur son territoire.</p>
<p>Le 21 août, soit trois jours après la divulgation de l’affaire, CUP fit volte-face en rendant de nouveau accessibles les 315 articles. En revanche, les quelque 1 000 ouvrages électroniques qui avaient été censurés sur le site de CUP en Chine à la demande de Pékin quelques mois auparavant, demeurent à ce jour indisponibles.</p>
<p>En parallèle, l’Association of Asian Studies (ASS) basée aux États-Unis fit savoir <a href="http://www.rfa.org/english/news/china/censorship-cambridge-08252017130058.html">qu’elle avait reçu une requête similaire</a> concernant 94 articles et recensions de livres de sa revue, <em>Journal of Asian Studies</em>, aussi publiée par CUP. L’AAS indiqua qu’elle n’obtempérerait pas.</p>
<h2>Guerre idéologique</h2>
<p>Cette affaire dévoile au grand jour l’ambivalence de Pékin et le caractère fondamentalement liberticide du régime de la République populaire. Malgré l’incontestable internationalisation des universités chinoises, l’éducation supérieure et la recherche doivent adhérer aux valeurs définies par les autorités.</p>
<p>La politique de réforme et d’ouverture initiée par Deng Xiaoping à la fin des années 70 a permis de faire du pays un véritable laboratoire d’idées dans le dernier quart du XX<sup>e</sup> siècle. Mais, depuis la fin des années 2000, la Chine semble s’être engagée dans une guerre idéologique contre les valeurs de l’Occident.</p>
<p>Après les Jeux olympiques de Pékin en 2008, la Chine détrôna le Japon pour devenir la <a href="https://www.theguardian.com/business/2011/feb/14/china-second-largest-economy">deuxième économie mondiale derrière les États-Unis</a>, eux-mêmes fragilisés par la crise financière de 2007-2008 et la grande récession qui s’ensuivit.</p>
<p>Mais malgré ses succès économiques et diplomatiques, la Chine se trouva bien vite confrontée à la gronde grandissante des laissés-pour-compte de la croissance à tout prix. Pour nombre d’intellectuels chinois, l’amélioration du sort de leurs compatriotes devait passer par une ultime réforme, politique celle-là.</p>
<p>Emmenés par l’écrivain et professeur d’université Liu Xiaobo, l’une des figures du printemps de Pékin en 1989, des centaines d’intellectuels signèrent la <a href="https://www.hongkongfp.com/2017/07/14/full-charter-08-liu-xiaobos-pro-democracy-manifesto-china-led-jailing/">Charte 08</a>, un manifeste en faveur de la démocratisation du régime. Cela valut à Liu d’être condamné en 2009 à onze ans de prison – dont il n’en sortit que pour mourir en <a href="http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/07/13/mort-de-liu-xiaobo-ecrivain-et-dissident-chinois-prix-nobel-de-la-paix-2010_5160109_3382.html">juillet 2017.</a></p>
<h2>Le document numéro 9 ou « kit anti-subversion »</h2>
<p>L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012-2013 a ouvert une nouvelle ère de répression de la liberté de penser. Les instances du Parti communiste chinois (PCC) craignent par-dessus tout une forme de corruption de la sphère idéologique et édictent rapidement un bréviaire des idées subversives à mettre à l’index, le fameux <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2014/12/12/le-document-n-9-ou-le-pense-bete-d-un-regime-chinois-assiege-par-l-occident_4539842_3216.html">Document numéro 9</a>.</p>
<p>En public, il est désormais interdit de discuter des sujets suivants : la démocratie constitutionnelle telle qu’elle existe dans les pays occidentaux, le caractère universel des droits de l’homme, l’autonomisation de la société civile, l’indépendance des médias, la diversité des interprétations en histoire, ainsi que toute forme de remise au cause du bien fondé et des acquis de la politique de réforme et d’ouverture et du socialisme aux caractéristiques chinoises.</p>
<p>Les <a href="http://thediplomat.com/2015/06/chinas-biggest-taboos-the-three-ts/">sujets tabous</a> n’avaient pas disparu dans la Chine post-Mao, mais ils se résumaient d’ordinaire aux trois « T » : Taiwan, Tiananmen et Tibet. Ce qui a changé depuis 2012, c’est, premièrement, l’élargissement des thèmes proscrits dans le Document numéro 9 : tout sujet, sans exception, est dorénavant susceptible d’être censuré. Deuxièmement, les facultés chinoises deviennent bien malgré elles le premier lieu d’affrontement de cette guerre idéologique : en 2015, le ministre de l’Éducation enjoignait les universités à <a href="http://news.xinhuanet.com/english/china/2015-01/30/c_133958419.htm">proscrire l’utilisation de manuels</a> disséminant les valeurs occidentales. Troisièmement, une répression sans merci s’est abattue sur les contrevenants de la nouvelle norme – une dérive totalitaire pleinement assumée par le PCC.</p>
<h2>Répressions violentes</h2>
<p>Aux intimidations routinières s’est ajoutée l’arrestation brutale et massive, en juillet 2015, de <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2016/08/03/des-militants-et-des-avocats-des-droits-humains-devant-la-justice-chinoise-un-an-apres-leur-arrestation_4977929_3216.html">248 défenseurs des droits de l’homme</a>. Dans ce nouveau climat de terreur, les intellectuels libéraux n’osent plus répondre aux journalistes étrangers, pratiquent largement l’autocensure et finissent par s’exiler à l’étranger si et quand ils le peuvent. Pour ceux qui restent et persistent, les vexations deviennent monnaie courante quand ils ne sont pas simplement mis au ban de la société.</p>
<p>Or ces attaques contre les droits fondamentaux et la liberté académique, en particulier, se sont aussi exportées par-delà les frontières du pays, en commençant par les deux Régions administratives spéciales. Alors que des professeurs sont congédiés sans ambages à <a href="http://www.scmp.com/news/china/article/1557068/macau-scholars-warn-rising-censorship-loss-confidence-one-country-two">Macao</a> en 2014, l’<a href="https://www.actualitte.com/article/monde-edition/libraires-et-editeurs-enleves-a-hong-kong-la-chine-accepte-de-parler/65695">enlèvement de cinq libraires et éditeurs</a> à Hong-Kong en 2015 est loin d’être résolu, révélant l’érosion du modèle « un pays deux systèmes ». Mais l’influence de Pékin s’étend plus loin encore.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Des manifestants demandent des explications sur l’enlèvement de libraires en 2015 à Hong Kong, Al Jazeera.</span></figcaption>
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<p>À l’été 2014 au Portugal, l’European Association for Chinese Studies a vu plusieurs pages de son programme arrachées par le personnel de l’Institut Confucius la veille de son colloque bisannuel : en cause, les mentions relatives aux <a href="https://www.insidehighered.com/news/2014/08/06/accounts-confucius-institute-ordered-censorship-chinese-studies-conference">sponsors taiwanais</a>.</p>
<p>Depuis 2014 l’<a href="https://www.aaup.org/report/confucius-institutes">Association américaine des professeurs d’université</a> appelle à la fermeture des Instituts Confucius, accusés de saborder la liberté d’expression sur les campus aux États-Unis.</p>
<p>Et dernièrement, en septembre 2017, suite à une série d’incidents dont la presse s’est largement fait l’écho, l’Australie a admis qu’il y avait effectivement eu des interférences du gouvernement chinois dans ses universités. Pékin y mène des <a href="http://www.abc.net.au/news/2017-06-04/the-chinese-communist-partys-power-and-influence-in-australia/8584270">opérations d’influence et de contrôle</a> sans précédent visant autant les étudiants chinois – allant jusqu’à contacter leurs parents en Chine pour faire pression sur leurs enfants et les remettre dans le droit chemin – que les <a href="http://www.theaustralian.com.au/higher-education/university-lecturer-targeted-over-separate-taiwan-materials/news-story/79febfc3fd91f84604173c79a1f249a3">professeurs</a> qu’ils soient Chinois ou pas.</p>
<p>Tout en reconnaissant la gravité de la situation, le groupe des huit meilleures universités australiennes (Go8) appelle de ses vœux à une <a href="http://www.theaustralian.com.au/higher-education/top-unis-admit-china-influence-go8-fears-backlash/news-story/c3286cf68d58f03b849d85b22bbd5b96">réponse concertée et mesurée</a>. En effet, sur les quelque 550 000 étudiants étrangers enregistrés en 2016, <a href="https://thepienews.com/news/aus-2016-breaks-records-intl-student-numbers-satisfaction/">plus du quart vient de Chine</a>. Les étudiants chinois représentent donc une manne financière non négligeable pour l’Australie qui a à cœur de ne pas <a href="https://qz.com/1064435/australian-professors-and-universities-are-being-shamed-into-apologizing-for-offending-chinese-students/">heurter les sensibilités</a> de tout un chacun. Comment préserver les valeurs fondamentales de l’institution universitaire sans déplaire aux dirigeants du Parti : telle est la question.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84003/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emilie Tran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La stratégie visant à contrôler l’université ne s’applique pas qu’aux établissements chinois, mais se diffuse désormais par-delà ses frontières.Emilie Tran, Assistant Professor, Hong Kong Baptist UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/764412017-04-26T21:58:06Z2017-04-26T21:58:06ZŒuvres d’art sur les campus universitaires : des choix… suicidaires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166544/original/file-20170424-22270-h9hzpo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C31%2C958%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un _Homme immobile_ d'Anthony Gormley à Oxford, en 2009.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/2b/Oxford-182705_960_720.jpg">Papannon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 1984, le sculpteur-plasticien anglais <a href="http://www.antonygormley.com/">Antony Gormley</a> réalisait une statue, un « homme à l’écoute », à la demande de la municipalité londonienne de Camden. Cette dernière souhaitait montrer son engagement pour la paix – l’ouverture d’un de ses parcs coïncidant avec la date anniversaire du largage de la bombe atomique sur Nagasaki, le 9 août 1945.</p>
<p>Une dizaine d’années plus tard, pour célébrer ses 50 ans d’existence, <em>The Landmark Trust</em> (<a href="http://veilletourisme.ca/2005/06/07/les-percees-de-lhebergement-alternatif/">organisme anglais</a> à but non lucratif transformant des bâtiments historiques à l’abandon en résidences locatives de vacances) faisait, lui aussi, appel à Antony Gormley. Le 16 mai 2015, sa statue en fer était dévoilée à Lowsonford : un homme pensif, à deux pas d’une écluse, dans un paysage bucolique, en face d’un cottage très <em>British</em>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165962/original/file-20170419-2401-10ywj8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme au bord du canal (Lowsonford, Warwickshire) 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">wikimedia</span></span>
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</figure>
<h2>Œuvres d’art et suicide au Royaume-Uni</h2>
<p>Rien de bucolique, toutefois, dans les 27 statues en fibre de verre réalisées par ce même artiste, et ayant « envahi » certaines toitures de Hong-Kong le 19 novembre 2015. Antony Gormley explique vouloir continuer son <a href="http://artransfer.com/artiste/gormley-anthony/">« exploration du corps humain en tant qu’espace de mémoire et de transformation »</a> et encourager les passants à lever la tête et à « rêver les yeux ouverts ». Intentions artistiques fort louables, certes, mais ses 27 « hommes immobiles » d’1m88 ont suscité, outre de la curiosité, de la consternation, voire de la peur. Pour <a href="http://www.lapresse.ca/le-soleil/arts/expositions/201511/21/01-4923412-envahisseurs-sur-les-toits-de-hong-kong.php">certains passants</a>, « ces œuvres indécentes n’ont pas leur place dans une ville où la moitié des 900 suicides annuels sont commis en se jetant dans le vide ».</p>
<p>Des critiques similaires ont récemment éclaté suite à l’installation, le 11 avril, de 3 de ces « hommes immobiles » sur le campus de l’université anglaise d’East Anglia, à Norwich. La cible des détracteurs est la statue placée sur le toit de la bibliothèque : d’en bas, cette figure à taille humaine, près du rebord, ne ressemble-t-elle pas à un candidat au suicide ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165963/original/file-20170419-2392-vr1dc0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Envahisseurs sur les toits de Hong Kong, 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AFP, Isaac Lawrence</span></span>
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<p>Un porte-parole d’East Anglia a expliqué que personnel universitaire et étudiants avaient été informés de l’exposition et de l’emplacement des trois sculptures. Toutefois, des voix s’élèvent : l’université n’aurait-elle pas dû prendre en compte les réprobations contre l’installation similaire de <a href="http://www.lessentiel.lu/news/story/29201974?redirect=mobi&nocache=0.5">statues à New York</a> en avril 2010 et à Hong-Kong en 2015 ?</p>
<p>Les étudiants (et enseignants) détracteurs ne critiquent pas la statue elle-même, mais son emplacement – et demandent, dans une pétition lancée sur <a href="https://www.change.org/p/university-of-east-anglia-take-the-anthony-gormley-statue-off-the-library-roof-b06806f9-ead3-4729-95b6-2af0ce52fcea">Change.org</a>, son retrait au plus vite. En effet, ces statues devaient être officiellement inaugurées le 22 avril, époque à laquelle tous les étudiants, de retour après les vacances de Pâques, révisent pour leurs examens ou terminent leur thèse – bref, une période très stressante.</p>
<p>D’ailleurs, l’université d’East Anglia, comme de nombreuses autres universités anglaises, est parfaitement consciente de l’accroissement conséquent, depuis quelques années, du nombre d’étudiants souffrant d’angoisse, de stress et de problèmes de santé mentale. Partant, elle connaît également les difficultés que rencontrent ses services en santé mentale et soutien psychologique. En effet, selon un rapport de septembre 2016 de l’Institut de la Politique de l’Enseignement supérieur (organisme britannique indépendant), certaines universités britanniques devraient <a href="http://www.hepi.ac.uk/2016/09/22/many-universities-need-triple-spending-mental-health-support-urgent-call-action-new-hepi-paper/">tripler le budget desdits services</a> pour pouvoir faire face aux besoins d’aide psychologique de leurs étudiants. Défi qui semble difficile à relever : le rapport de 2017 des <em>Samaritans</em> sur l’évolution du nombre de suicides indique une progression de 2 % pour l’Angleterre depuis 2014. Selon le Bureau des statistiques nationales (<em>Office for National Statistics</em>), 130 étudiants d’au moins 18 ans (97 de sexe masculin, 33 de sexe féminin) se sont suicidés en 2014 (Angleterre et Pays-de-Galles).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bSO5insXdnk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Statues d’hommes immobiles à New York, 2010.</span></figcaption>
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<h2>Œuvres d’art et suicide en France</h2>
<p>La France connaît-elle un mal-être étudiant comparable ? Les toits de ses campus universitaires ont-ils déjà accueilli certains de ces « hommes immobiles » ?</p>
<p>En 2014, l’un de ces derniers a effectivement élu domicile, pendant une nuit seulement, sur la corniche de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Antony Gormley « entendait <a href="http://www.univ-paris1.fr/fileadmin/Service-com/Flipbooks/Pantheonsorbonnemag/PSM_numero9_septoct14/pubData/source/PSM_numero9_sept-oct14.pdf">surprendre le spectateur, l’interroger, susciter son empathie, voire l’interpeller</a> ». Cependant, si, pour certains passants, cette « sentinelle de bronze » constituait un « ange urbain » bienveillant, pour d’autres, ces figures solitaires symbolisaient « des <a href="http://sortir.telerama.fr/evenements/expos/antony-gormley-another-time,174644.php">âmes perdues</a> à l’essence existentielle ». Toutefois, aucune demande similaire à celle de certains étudiants de l’Université d’East Anglia n’a jamais été formulée.</p>
<p>Peut-être est-ce parce que cet « homme immobile » était l’une des 150 œuvres d’art contemporain proposées lors de la 13<sup>e</sup> édition de la Nuit Blanche de Paris, du 4 au 5 octobre 2014, et non une œuvre née de la loi du 18 mai 1951 sur le <a href="http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Pays-de-la-Loire/Aides-et-demarches/1-artistique">1 % artistique</a> ?</p>
<p>Cette loi stipulait que, dorénavant, toute nouvelle construction de l’Éducation nationale devrait allouer 1 % de son budget à la création d’une œuvre d’art. Désormais, par exemple, les étudiants de l’École Nationale vétérinaire de Toulouse peuvent quotidiennement contempler un vitrail d’Henri Guérin, tandis que ceux de l’Université de Grenoble peuvent admirer la <a href="http://www.communaute-univ-grenoble-alpes.fr/fr/campus/culture/campus-des-arts/index-des-artistes/olivier-descamps-1920-2003-sans-titre-2072.htm">main d’Olivier Descamps</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/165966/original/file-20170419-2431-kls4ir.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vitrail d’Henri Guérin (École Nationale vétérinaire de Toulouse).</span>
<span class="attribution"><span class="source">wikipedia</span></span>
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<p>À ce jour, aucune université française ne semble avoir été critiquée pour avoir sélectionné une œuvre d’art pouvant évoquer, de par sa position sur le rebord d’un toit, un individu suicidaire. Serait-ce, entre autres, parce que le « spleen étudiant » est moindre dans l’Hexagone qu’au Royaume-Uni ?</p>
<p>Selon une étude publiée en 2015, seul 1 % de la population étudiante relevant des Services Universitaires de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS) a recours à ces derniers. Comment expliquer ce très faible pourcentage ? D’une part, La Mutuelle des Étudiants (LMDE) révèle, dans son rapport annuel, que seuls <a href="http://www.infirmiers.com/etudiants-en-ifsi/etudiants-en-ifsi/enquete-la-sante-des-etudiants-se-degrade.html">8 % des étudiants interrogés</a> connaissent l’existence des Bureaux d’Aide Psychologique Universitaire (BAPU) – de surcroît, il n’en existe que 16 en France et obtenir un rendez-vous peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois.</p>
<p>D’autre part, pour de nombreux étudiants, verbaliser leur souffrance et <a href="https://www.streetpress.com/sujet/1458573123-normale-sup-ens-tabou-du-suicide-etudiants">formuler une demande d’aide sont impensables</a>. Or, selon la <a href="https://www.lmde.fr/lmde/ense-4">4ᵉ enquête santé</a> de LMDE en 2015, 37 % des étudiants se disent en état de « mal-être » (25 % d’étudiants contre 46 % d’étudiantes). D’ailleurs, depuis plusieurs années, le suicide demeure la <a href="http://www.em-consulte.com/article/242918/article/adolescence-prise-de-toxiques-et-tentative-de-suic">deuxième cause de mortalité</a> chez les jeunes de 20 à 24 ans en France métropolitaine. Le nombre annuel de tentatives de suicide est estimé à environ 200 000, et ces tentatives sont surtout <a href="http://drees.social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/ons2016_mel_220216.pdf">imputables aux jeunes filles de 15 à 20 ans</a>.</p>
<p>Certes, le suicide est, parfois, au centre d’expositions artistiques en France – citons <a href="http://www.paris-art.com/ils-se-sont-tous-suicides-2/">« Ils se sont tous suicidés »</a> de Ben Vautier – mais s’y rendre relève d’un choix personnel. Le choix d’une université, en cette période anxiogène d’examens, de placer la statue d’un « homme immobile » sur un toit, à la vue constante d’étudiants dont certains sont manifestement loin de « se sentir sur le toit du monde » est-il judicieux ? Pour autant, faut-il nécessairement renoncer à l’art parce que ce dernier est considéré par certains comme (potentiellement) nuisible à la santé ? C’est la question que pose la <a href="https://www.change.org/p/keep-the-anthony-gormley-statue-on-the-library-roof">contre-pétition</a> lancée contre le retrait de ladite statue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Géraldine D Enjelvin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Placer sur le toit de certains bâtiments universitaires des statues à taille humaine ressemblant à des candidats au suicide… est-ce vraiment une bonne idée ?Géraldine D Enjelvin, Associate Lecturer in French/ Dept Disability Officer, University of YorkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.