tag:theconversation.com,2011:/us/topics/impeachment-76626/articlesimpeachment – The Conversation2021-01-15T13:14:49Ztag:theconversation.com,2011:article/1533732021-01-15T13:14:49Z2021-01-15T13:14:49ZFact check US : La procédure d’impeachment à l’encontre de Trump peut-elle aboutir ?<p>Au lendemain de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/13/donald-trump-devient-le-premier-president-americain-a-faire-deux-fois-l-objet-d-une-procedure-de-destitution-apres-un-vote-historique-au-congres_6066173_3210.html">mise en accusation de Donald Trump pour incitation à l’insurrection</a> par la Chambre des représentants, le Sénat des États-Unis se trouve placé devant plusieurs dilemmes : s’il réussissait à le juger coupable <em>avant</em> la fin de son mandat officiel, le 20 janvier prochain, il le ferait au prix d’un procès ultra-expéditif qui alimenterait la rumeur de l’arbitraire. S’il proclamait la destitution <em>après</em> l’investiture de Joe Biden, ce serait au prix d’un sérieux ralentissement du contrôle des nominations de la nouvelle administration, et au prix, encore plus élevé, d’un temps exceptionnel pour la communication victimaire de Trump.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, le Sénat doit présenter pour le verdict final un front uni de deux tiers des cent sénateurs, ce qui signifie qu’au moins 17 Républicains devraient se joindre ouvertement aux Démocrates (il y a aujourd’hui 50 sénateurs démocrates et 50 sénateurs républicains). Ces derniers se sont hâtivement montrés confiants sur le ralliement des Républicains dans le cas de la Chambre, l’élu <a href="https://edition.cnn.com/2021/01/11/politics/house-democrats-impeachment-plans/index.html">David Cicilline déclarant</a> notamment qu’il s’attendait à « obtenir (leur) soutien » ; pourtant, le succès du deuxième impeachment au Sénat paraît en réalité assez peu probable.</p>
<h2>L’impossibilité d’un procès accéléré</h2>
<p>Alors que la Chambre des représentants s’est préparée à une vitesse record à mettre le président sortant en accusation, ce qui a été fait à travers une résolution adoptée par 232 voix contre 197 adoptée le mercredi 13 janvier, beaucoup de commentateurs considèrent qu’il sera <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/etats-unis-tres-peu-de-chances-que-donald-trump-soit-destitue-avant-l-investiture-de-joe-biden_4253051.html">impossible de commencer et conclure le procès d’impeachment au Sénat avant la cérémonie d’inauguration</a>, en rappelant que rien n’empêche qu’elle ait lieu après, la certitude du procès étant en soi suffisamment infamante et son objectif final – l’inéligibilité – sauvegardé.</p>
<p>Le Sénat ne reprendra sa session que le 19 janvier, à la veille de l’investiture de Biden, et un procès sénatorial dure habituellement des semaines. Le manque de temps est donc un argument décisif. Or, pour le président Biden et le Sénat lui-même, un procès après le 20 janvier est un embarras. Il faudra, en effet, valider au plus vite la nomination des membres principaux de l’administration. Biden a bien proposé, en <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/biden-trump-senate-impeachment/2021/01/11/22ff2c12-5427-11eb-a817-e5e7f8a406d6_story.html">marge de sa deuxième vaccination devant les caméras</a>, que le Sénat partage son temps, après le jour de l’investiture, à moitié pour le procès, à moitié pour l’examen des nominations. Mais chaque jour qui passera renforcera Trump dans son statut de héros « anti-système ». Plus le procès s’éternisera, plus ses <em>aficionados</em> et <em>desperados</em> se remobiliseront.</p>
<p>Un procès rapide devant le Sénat serait donc la meilleure solution. La Constitution ne l’interdit pas – pour autant, bien sûr, que la forme du procès soit respectée, et que les témoins et preuves flagrantes de l’incitation à l’insurrection soient présentés. Mais un procès court, même après le 20 janvier, signifierait que les éléments matériels et les auditions, en nombre et en temps limité, ne laissent aucun doute sur l’intentionnalité directe de Donald Trump dans le coup de force.</p>
<p>Hugh Hewitt, du <em>Washington Post</em>, considère qu’une telle rapidité <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/01/08/fast-track-trump-impeachment-pointless-revenge/">serait hautement préjudiciable</a> et n’exprimerait qu’une rétorsion punitive. Elle provoquerait un ressentiment encore plus grave et peut-être indélébile dans une partie de la population.</p>
<h2>L’improbabilité d’un quorum suffisant</h2>
<p>Pour le précédent, pour l’histoire, pour l’exemple, Donald Trump doit être jugé coupable d’incitation à l’insurrection par le Sénat, même si visiblement le calendrier s’y prête mal. Le Sénat a été profondément atteint par l’incitation présidentielle à l’insurrection, en tant que deuxième poumon de l’institution du Congrès. Le quatrième président des États-Unis, James Madison, estimait, dans sa description de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs (<em>checks and balances</em>), (<a href="https://www.gradesaver.com/the-federalist-papers/study-guide/summary-essay-50">essai n° 50 des <em>Federalist Papers</em></a>), que l’ambition des élus est compensée par l’importance de leur propre pouvoir. Les intérêts des Sénateurs sont liés à ceux de l’institution qu’ils représentent. L’empiètement et le piétinement du Congrès, physiquement et symboliquement, ont été une atteinte suffisamment évidente qu’elle exige sa réactivité.</p>
<p>Mais il n’y a, à l’heure actuelle, aucune certitude sur le nombre de sénateurs républicains susceptibles de se prononcer pour <em>l’impeachment</em>, lequel nécessite comme on l’a dit un verdict à deux tiers des voix. Au moment de la certification, avant l’assaut sur le Capitole, ils étaient 18 à vouloir poser des objections à la reconnaissance de la victoire de Biden en Arizona et en Pennsylvanie ; leur nombre est tombé à 8 après l’assaut. Mais à la Chambre, ce sont <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/2021/politics/congress-electoral-college-count-tracker/">139 représentants républicains</a>, soit les deux tiers d’entre eux, dont les leaders du groupe Kevin McCarthy (Californie) et Steve Scalise (Louisiane), qui ont finalement objecté. Et le 13 janvier, les <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/10-house-republicans-voted-to-impeach-trump-heres-what-they-said">Républicains de la Chambre n’ont été qu’une petite dizaine à se joindre à la mise en accusation</a> de Donald Trump, ce qui veut dire que 84 % ont voté contre.</p>
<p>Où trouver, alors, les 17 élus républicains prêts à voter le verdict de culpabilité au Sénat ? Les Républicains, nous l’avons dit, forment aujourd’hui la moitié exacte du Sénat (sur un total de 100 membres), si l’on décompte la voix complémentaire de la vice-présidente qui donne la majorité aux Démocrates. Un seul Républicain a voté en conscience le <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/2020/02/05/senate-impeachment-trial-mitt-romney-votes-remove-president-trump/4669734002/">premier <em>impeachment</em> du président en février dernier</a> : Mitt Romney (Utah), ex-adversaire républicain de Barack Obama à la présidentielle de 2012. Romney a été le <a href="https://thehill.com/homenews/senate/532955-romney-trump-caused-this-insurrection">premier, cette fois-ci encore</a>, à déclarer Trump responsable du coup de force et à prendre position pour l’<em>impeachment</em>.</p>
<p>D’autres sénateurs républicains se sont manifestés pour demander sa démission immédiate : les sénatrices Lisa Murkowski (Alaska), Susan Collins (Maine), Liz Cheney (Wyoming), les sénateurs Patrick J. Toomey (Pennsylvanie), Ben Sasse (Nebraska) et Roy Blunt (Missouri). Deux solides soutiens de Trump semblent avoir jeté l’éponge après les événements du 6 janvier : <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2021/01/07/lindsey-graham-capitol-certification-sot-vpx.cnn">Lindsay Graham (Caroline du Sud)</a>, le fameux sénateur qui a déclaré « trop c’est trop ! » – mais on l’a vu <a href="https://www.forbes.com/sites/andrewsolender/2021/01/12/lindsey-graham-travels-with-trump-to-texas-a-week-after-renouncing-him/">accompagner le président dans l’Air Force One</a> pour son déplacement au Texas quelques jours plus tard –, et surtout Mitch McConnell (Kentucky), chef du groupe républicain au Sénat, qui avait refusé en décembre d’être dans le camp des objecteurs et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6PdjAuzszSc">a tenu le cap de la certification au 6-7 janvier</a>.</p>
<p>McConnell serait favorable à la procédure, selon les dires de son entourage à la presse. Mais lui-même a habilement noyé le poisson dans sa déclaration publique et <a href="https://edition.cnn.com/2021/01/12/politics/mcconnell-impeachment-trump-capitol-riot/index.html">n’a pas dit qu’il voterait la culpabilité</a>. Au total, ce sont donc 8 sénateurs potentiels qui pourraient voter cette culpabilité, dont 5 qui pourraient aussi quitter le groupe républicain et devenir indépendants.</p>
<p>C’est autant que les 8 autres qui ont au contraire dédouané Trump, des <a href="https://www.nytimes.com/2021/01/07/opinion/trump-consequences-republicans.html">élus en outre pointés du doigt</a> pour avoir relayé sans relâche le mensonge de la fraude électorale, pensant avoir derrière eux un potentiel de quelque 70 millions d’électeurs : le fort cynique Ted Cruz (Texas), le fort radical Josh Hawley (Missouri), et 6 autres de leur acabit, Rick Scott (Floride), John Neely Kennedy (Louisiane), Tommy Tuberville (Alabama), Cindy Hyde-Smith (Mississippi), Cynthia Lummis (Wyoming) et Roger Marshall (Kansas). Lequel de ces deux groupes incarne le mieux l’intime conviction d’une majorité de sénateurs républicains ? Sans doute le second, surtout si l’on considère qu’une vingtaine de sénateurs républicains doit être renouvelée en 2022.</p>
<p>Dans de telles conditions, les négociations nécessaires pour obtenir des Républicains du Sénat la dizaine de voix manquantes, indispensables au verdict de culpabilité (si l’on estime celles des 8 « opposants » à Trump comme acquises), risquent d’être fastidieuses, voire infructueuses.</p>
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<p><em>La rubrique Fact check US a reçu le soutien de <a href="https://craignewmarkphilanthropies.org/">Craig Newmark Philanthropies</a>, une fondation américaine qui lutte contre la désinformation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Blandine Chelini-Pont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une seconde procédure de destitution de Donald Trump vient d’être déclenchée. Si les démocrates sont partis confiants, son succès est en réalité compromis par la posture des élus républicains.Blandine Chelini-Pont, Professeur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1530022021-01-12T13:44:49Z2021-01-12T13:44:49ZComment le discours populiste de Donald Trump a conduit à l’insurrection de ses troupes<p>D’une certaine façon, l’assaut du Capitole, la semaine dernière, est l’apothéose de la présidence Trump. Une incarnation parfaite de sa marque de fabrique : la violation de normes et la désacralisation des institutions. </p>
<p>C’est aussi l’aboutissement logique de quatre ans de rhétorique violemment partisane. Bien entendu, Donald Trump est autant – si ce n’est davantage – le symptôme que la cause d’un populisme dont Ross Perot, Pat Buchanan, Sarah Palin et le mouvement du Tea Party ont été les signes avant-coureurs. Mais, contrairement à eux, il aura atteint la plus haute marche du pouvoir et aura grandement contribué à sa diffusion.</p>
<p>Au-delà de son pouvoir institutionnel, le président américain, seul représentant élu par l’ensemble des citoyens, dispose d’un pouvoir rhétorique (parfois appelé la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bully_pulpit">« formidable tribune »</a>) et d’une exposition médiatique qui en font le « conteur-en-chef » du récit national. </p>
<p>Son discours du 6 janvier illustre parfaitement ce que l’on peut qualifier de récit populiste auquel adhèrent une majorité de ses partisans depuis maintenant plus de quatre ans. Il est essentiel d’en comprendre le mécanisme et d’en reconnaître les caractéristiques afin d’éviter, ici ou ailleurs, un désastre pire encore.</p>
<h2>Une foule qui devient « le peuple » exclusif</h2>
<p>Si le populisme est un concept politique complexe et contesté, il est quand même identifiable par certaines caractéristiques. Bien entendu, il implique d’abord une expression démagogique que Donald Trump maîtrise parfaitement : « Vous êtes plus forts, vous êtes plus intelligents. Vous êtes plus forts que quiconque », assure-t-il à son auditoire le 6 janvier. Le patriotisme et la fierté du peuple sont également mis en avant : « L’amour profond et durable pour l’Amérique […] ce grand pays [dont] nous sommes profondément fiers. » Mais la flatterie du peuple ne définit pas, en soi, le populisme.</p>
<p>Comme le montre le politologue <a href="https://www.upenn.edu/pennpress/book/15615.html">Jan-Werner Müller</a>, ce qui caractérise le populisme, c’est avant tout une définition très restrictive du peuple qui exclut une partie des citoyens. Lors de son discours d’investiture, le président Trump opposait ainsi le « peuple oublié » à une élite corrompue. Quand il s’adresse à ses partisans le 6 janvier, il leur dit :</p>
<blockquote>
<p>« C’est vous qui êtes le vrai peuple. Vous êtes le peuple qui a construit cette nation. Vous n’êtes pas le peuple qui a détruit notre nation. »</p>
</blockquote>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lwuNq7-H-DQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le « peuple américain » dont parle Trump, c’est celui qui « ne croit plus aux fausses nouvelles corrompues ». Si le peuple est une construction rhétorique, il s’incarne toutefois dans « les incroyables patriotes présents ici aujourd’hui » et surtout dans « l’ampleur de la foule » qui « va jusqu’au monument à Washington ». Pour le président, cette puissance est le signe de vertu morale :</p>
<blockquote>
<p>« Comme le montre cette énorme foule, nous avons la vérité et la justice de notre côté. »</p>
</blockquote>
<p>D’où l’obsession de Trump pour la visibilité de la taille de la foule. C’est pour cela même que, en 2017, au lendemain de son investiture, l’attaché de presse de la Maison Blanche a dû employer des <a href="https://www.factcheck.org/2017/01/the-facts-on-crowd-size/">« faits alternatifs »</a> pour essayer d'en convaincre les médias.</p>
<h2>Un peuple victime</h2>
<p>Le peuple de Trump est également un peuple victime. Il est victime des médias et les fake news, qui, par exemple, refusent de tourner les caméras (ce qui montrerait à quel point celle-ci est colossale) car ils ne veulent pas « vraiment montrer ce qui se passe ». Ce peuple est également victime d’un système injuste. La perte d’élections présentées comme « frauduleuses » est qualifiée plusieurs fois de honte (« disgrace ») et d’ignominie pire que ce qui se passe dans « les pays du Tiers-Monde ». Trump fait également un lien entre le pays « qui en a assez » et le « nous » qui « ne l’accepterons plus ». Car bien entendu, le peuple est identifié à Trump par cette victimisation d’où l’emploi du pronom sujet « nous » : « C’est incroyable, ce que nous avons à subir ! », s’exclame-t-il encore.</p>
<p>Cette victimisation qui souligne l’innocence et la pureté du peuple, est un élément essentiel du discours populiste : elle construit un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09557571.2019.1575796">biais cognitif</a> qui favorise l’adhésion aux <a href="https://www.washingtonpost.com/graphics/politics/trump-claims-database/?utm_term=.27babcd5e58c&itid=lk_inline_manual_2&itid=lk_inline_manual_2">nombreux mensonges</a> de Donald Trump. Et elle permet de rendre moralement justifiable toute action future, même illégale. « Lorsque vous prenez quelqu’un en flagrant délit de fraude », assure le président, « vous êtes autorisé à suivre des règles très différentes ». Il donne ainsi un blanc-seing aux actions illégales qui se produiront ensuite.</p>
<h2>Un ennemi intérieur</h2>
<p>Cette rhétorique de victimisation est également illustrée par la construction de la figure d’un ennemi qui, contrairement à tous ses prédécesseurs, n’est plus un étranger mais un groupe d’autres Américains, comme j’ai pu l’analyser en détail dans <a href="https://journals.openedition.org/angles/498">cet article</a>.</p>
<p>Dans le discours du 6 janvier, cet ennemi est d’abord constitué par les médias qui « suppriment la parole » et « la pensée » elle-même, et qui sont qualifiés d’« ennemi du peuple ». Ils sont « le plus gros problème que nous ayons dans ce pays », assène Donald Trump. L’expression « ennemi du peuple » n’est pas nouvelle : elle trouve ses origines dans la République romaine, et a été utilisée pendant le Révolution française. Mais il y a une certaine ironie à l’emploi par Trump d’un terme rendu particulièrement populaire par l’Union soviétique. Il affirme d’ailleurs que la situation aux États-Unis est comparable à « ce qui se passe dans un pays communiste ».</p>
<p>Cette vision de la « presse ennemie » fait écho à celle de Richard Nixon, comme le souligne un article récent de <a href="https://arizonastatelawjournal.org/wp-content/uploads/2018/02/Jones_Pub.pdf">RonNell Andersen Jones et Lisa Grow Sun</a>. Mais Trump est bien plus véhément dans ses attaques publiques.</p>
<p>Les ennemis dont il parle longuement dans son discours ne se limitent toutefois pas à la presse : il s’en prend aux géants du Web (« big tech ») qui ont « truqué l’élection », aux Démocrates, cette « gauche radicale » qui va « détruire notre pays », aux Républicains comme Mitch McConnell ou Bill Barr, qui l’ont trahi, ou encore à la Cour suprême qui « fait du mal à notre pays ».</p>
<h2>Un enjeu existentiel</h2>
<p>Au cœur du discours populiste, il y a la permanence de la crise. L’énumération de nombreux ennemis conduit à une logique implacable : « notre pays est assiégé ».</p>
<p>Le lexique guerrier est d’autant plus efficace que la charge émotionnelle est renforcée par l’évocation de victimes innocentes :</p>
<blockquote>
<p>« Ils veulent aussi endoctriner vos enfants à l’école en leur apprenant des choses fausses. Ils veulent endoctriner vos enfants. Tout cela fait partie de l’assaut global contre notre démocratie et le peuple américain doit finalement se lever et dire “Non” ! »</p>
</blockquote>
<p>Cette menace d’endoctrinement des enfants valide la politique en faveur de l’école privée mise en place par la <a href="https://www.washingtonpost.com/news/answer-sheet/wp/2016/12/21/to-trumps-education-pick-the-u-s-public-school-system-is-a-dead-end/">secrétaire à l’Éducation de l’administration Trump, Betsy DeVos</a>. Elle fait peut-être aussi écho aux thèses <a href="https://edition.cnn.com/2020/11/28/politics/qanon-child-welfare/index.html">conspirationnistes de Q-anon</a> qui présentent Donald Trump comme le héros d’une lutte contre « l’État profond » et une cabale de politiciens démocrates et de célébrités qui abuseraient des enfants.</p>
<p>Mais, plus généralement, ce qui est en jeu, c’est l’existence même de la nation : « Si vous ne vous battez pas comme des diables », prévient le président, « vous n’aurez plus de pays ».</p>
<h2>L’action héroïque : force vertueuse contre faiblesse honteuse</h2>
<p>Contrairement à ses prédécesseurs qui racontaient le mythe du héros américain dont la puissance est limitée et contrainte par la vertu, comme je l’ai développé <a href="https://journals.openedition.org/lisa/9861">précédemment dans ma recherche</a>, Donald Trump présente un récit où seule la puissance compte et où elle devient une vertu. Le peuple devient héroïque en montrant sa force : « Vous devez faire preuve de force, et vous devez être forts », répète-t-il. Les élus qui ont promis de s’opposer à la certification des votes sont qualifiés de « guerriers ».</p>
<p>« Accepter les canulars et les mensonges […] des dernières semaines », c’est en fait accepter d’être « intimidé » et donc faible. Après avoir répété plusieurs fois l’expression, il annonce qu’il pense dorénavant utiliser le terme « les Républicains faibles ».</p>
<p>Cette puissance dont se réclame Trump illustre un récit mythique <a href="https://www.npr.org/2020/10/28/928336749/trump-has-weaponized-masculinity-as-president-heres-why-it-matters">ultra-conservateur et genré</a> qui plaît à sa base, notamment évangélique : la force masculine contre la faiblesse féminine. Elle trouve son incarnation extrême dans l’organisation néo-fasciste <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Proud_Boys"><em>Proud Boys</em></a>.</p>
<p>À la fin de son discours, quand il encourage ses partisans à l’action en allant au Capitole, il dit très clairement qu’il faut « donner à nos Républicains – les faibles, parce que les forts n’ont pas besoin de notre aide – nous allons essayer de leur donner le genre de fierté et d’audace dont ils ont besoin pour reprendre notre pays ».</p>
<h2>Maintenir le culte du leader par l’émotion</h2>
<p>Le lien émotionnel fort qu’entretient Donald Trump avec ses partisans est également savamment mis en scène.</p>
<p>« Nous allons y aller et je serai là avec vous », comme s’ils devaient être rassurés par une présence qui n’aura même pas besoin de matérialiser. Dans son discours, il les remercie de leur « extraordinaire amour » et, en retour, la foule scande plusieurs fois « Nous aimons Trump ».</p>
<p>C’est pour maintenir ce lien que, plus tard, dans la vidéo où il demande à ses partisans de rentrer chez eux, il leur dit aussi « Je connais votre souffrance. Je sais que vous avez mal. » Puis, employant un « nous » tout royal, il leur dit encore : « Nous vous aimons. Vous êtes très spéciaux. »</p>
<h2>Ce qu’il en reste : une démocratie affaiblie ?</h2>
<p>Au-delà des raisons idéologiques ou économiques, Donald Trump a su profiter du sentiment d’exclusion économique ou sociale, de dépossession culturelle et identitaire et de défiance envers les institutions que ressentent une partie des Américains pour leur livrer un récit qui leur fait retrouver un sentiment de puissance.</p>
<p>C’est en partie ce qui explique que, malgré ce qui s’est passé au Capitole, son <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/trump-approval-ratings/?ex_cid=rrpromo">taux d’approbation</a> est encore de 40 %. Et même si sa cote de popularité décline parmi ses électeurs, elle est néanmoins de presque 80 %, tandis qu’environ un républicain sur cinq (<a href="https://fingfx.thomsonreuters.com/gfx/mkt/oakpejbjqvr/Topline%20Reuters%20Capitol%20Unrest%20Overnight%20Survey%201%2008%202021.pdf">22 % selon Reuters-Ipsos,</a> soit près de 15 millions d’Américains) soutient même les émeutiers. Surtout, une forte majorité d’entre eux continuent de croire ce que raconte le <a href="https://www.nytimes.com/2020/09/30/magazine/trump-voter-fraud.html">président depuis des mois</a> : que les élections ont été truquées et que Joe Biden est donc illégitime.</p>
<p>Entre le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/11/etats-unis-nancy-pelosi-prete-a-lancer-une-deuxieme-procedure-de-destitution-contre-donald-trump_6065817_3210.html">déclenchement de la procédure d’impeachment visant Donald Trump</a>, et la <a href="https://www.letemps.ch/monde/apres-lattaque-capitole-fbi-craint-nouveaux-soulevements">menace de nouvelles attaques de ses partisans contre des institutions américaines</a>, à Washington et dans de nombreux États, les prochains jours pourraient s’avérer cruciaux pour la démocratie américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153002/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le discours que Donald Trump a prononcé le 6 janvier à Washington, et qui a incité ses sympathisants à investir de force le Capitole, constitue un parfait condensé de sa rhétorique populiste.Jérôme Viala-Gaudefroy, Assistant lecturer, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1491062020-11-01T16:57:11Z2020-11-01T16:57:11ZTrump : le chaos jusqu’au bout<p>Les quatre années de présidence Trump s’achèvent dans le chaos le plus total. Le complotisme ainsi que les violences verbales et symboliques systémiques ont abouti à une tentative de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/violences-au-capitole-les-dirigeants-mondiaux-condamnent-et-appellent-au-respect-de-la-democratie-1278839">destruction de la démocratie</a>, point d’orgue du trumpisme institutionnel.</p>
<p>Opportunisme, surenchère communicationnelle, distorsion permanente de la réalité, <a href="https://theconversation.com/donald-trump-ou-la-strategie-du-plebiscite-145291">culte du moi, hyper-présidence</a>, stratégie de disqualification permanente des adversaires politiques, des partenaires internationaux, des médias et des corps intermédiaires… par-delà les outrances diffusées sur tous les supports médiatiques, le projet de société trumpiste est bien réel. </p>
<p>Le projet personnel l’est tout autant. </p>
<p>Et l’ensemble nous en dit beaucoup de la crise démocratique. Notamment après l'assaut contre le Capitole. </p>
<h2>La rupture à tout prix</h2>
<p>Depuis 2016, on relève, chez Trump, une double obsession vis-à-vis de ses prédécesseurs. La première consiste à vouloir effacer l’héritage politique et l’aura d’Obama, soit en revenant sur ses mesures et lois emblématiques (<a href="https://theconversation.com/fact-check-us-lobamacare-est-il-dysfonctionnel-et-trop-cher-comme-laffirme-trump-148375">Affordable Care Act</a>, décrets sur l’<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-va-abroger-la-grande-loi-d-obama-sur-l-environnement_1950823.html">environnement</a> et la <a href="https://www.sciencemag.org/news/2018/06/trump-s-new-oceans-policy-washes-away-obama-s-emphasis-conservation-and-climate">biodiversité</a>, textes <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/abus-sexuels-a-l-universite-le-gouvernement-trump-renforce-les-droits-des-accuses-20200507">luttant contre les viols sur les campus</a>, accords internationaux sur le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/donald-trump-sort-les-etats-unis-de-l-accord-de-paris-sur-le-climat_1914113.html">climat</a> et sur <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/05/08/accord-nucleaire-iranien-trump-se-retire-avec-fracas-et-force-sanctions_1648752">l’Iran</a>, etc.), soit en prétendant faire aussi bien, voire mieux que lui (obtenir le <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/nobel-de-la-paix-donald-trump-laisse-entendre-quil-a-deja-gagne_fr_5f677dccc5b6de79b676c1d7">prix Nobel de la Paix</a>, notamment).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"847863026124500993"}"></div></p>
<p>Question d’ego ? Oui, mais pas seulement. Il s’agit, pour le président actuel, de rappeler à la partie de l’électorat blanc qui flirte avec les passions identitaires qu’il a été élu pour faire oublier le « mauvais moment » Obama et restaurer la grandeur mythifiée d’une Amérique blanche, patriarcale et fermée sur elle-même.</p>
<p>Le but est aussi de se distinguer des anciens présidents républicains, associés à un <em>establishment</em> honni, le « marigot » que Trump avait promis d’<a href="https://eu.usatoday.com/story/news/politics/elections/2016/2016/10/18/donald-trump-rally-colorado-springs-ethics-lobbying-limitations/92377656/">« assécher »</a>. L’actuel président souhaite toujours apparaître comme l’outsider, celui qui est « hors système », qui ne dépend de personne car il est unique, seul, radicalement nouveau, tel un <a href="https://theconversation.com/trump-et-le-fantasme-du-heros-143106">homme providentiel</a> capable de sauver l’Amérique. Il affirme ainsi régulièrement être « le président <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/sur-fox-news-trump-estime-etre-le-meilleur-president-pour-les-noirs_fr_5ee4921fc5b675e452856486">qui en a le plus fait pour les Noirs</a>, excepté, peut-être, Abraham Lincoln ».</p>
<h2>De l’« America first » à l’« America alone »</h2>
<p>En politique étrangère, la rupture avec les cadres traditionnels de coopération internationale, la stratégie d’intimidation, de menaces et d’intransigeance, et la fascination de Trump pour les dictateurs ont conduit à un isolement relatif des États-Unis sur la scène internationale et à des effets contreproductifs.</p>
<p>Si la politique commerciale agressive à l’égard de la Chine a montré quelque cohérence (reste encore à voir ses résultats en matière de réindustrialisation et de lutte contre le dumping), la confiance réciproque avec les alliés traditionnels de l’Amérique – Europe, Canada – a été sapée et les choix diplomatiques de Washington au Moyen-Orient n’ont pas apaisé le tensions, au contraire (retrait unilatéral des troupes militaires de Syrie, soutien inconditionnel à Nétanyahou, y compris dans le processus de colonisation, désintérêt total pour les Palestiniens).</p>
<p>Malgré trois rencontres, dont une en Corée du Nord en juin 2019, une première pour un président américain, Kim Jong‑un n’a nullement mis en place un processus de dénucléarisation mais a, en revanche, grâce à Trump, acquis le statut international qu’il espérait. Enfin, le retrait de l’Unesco, de l’OMS, de l’Accord de Paris et l’accord sur le nucléaire iranien ont considérablement fragilisé un multilatéralisme indispensable pour gérer les grandes crises planétaires, et renforcé le soft power international de Pékin sur l’environnement, l’éducation et la santé.</p>
<h2>Promouvoir la marque Trump</h2>
<p>Le cœur de l’ambition de Donald Trump est la promotion, à la Maison Blanche, de sa propre marque, construite dès les années 1980 dans les secteurs de l’immobilier puis de la téléréalité et du divertissement. Le récit qui accompagne le <em>branding</em> Trump, c’est celui de l’argent facile, mais aussi et peut-être surtout celui du combat, du « winner », de la « gagne », de la conquête.</p>
<p>Quant à la méthode pour la faire fructifier, elle consiste à compter sur un clan, un cercle restreint de proches qui vouent au président une loyauté sans faille, qui défendent ses intérêts personnels coûte que coûte, en dépit de la loi, des règles et des normes, en échange d’une promesse de protection. Il s’agit d’être « avec » Trump ou « contre » Trump, les compétences passent après.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1287316855938482176"}"></div></p>
<p>Autant ce principe de népotisme a pu fonctionner dans le monde des affaires des années 1980-1990, <a href="https://www.france.tv/france-5/le-monde-en-face/2016783-trump-face-au-fbi.html">gangréné par la mafia et les avocats douteux</a>, autant cela s’avère très difficile à Washington. Nombreux sont ceux qui ont été écartés. Parmi de nombreux exemples, le directeur du FBI, James Comey, a été <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/james-comey-le-chef-du-fbi-limoge-par-donald-trump_1906855.html">limogé</a> quelque temps après avoir refusé de prêter allégeance au président et de mettre fin aux investigations sur une éventuelle collusion de son équipe de campagne avec la Russie. En ligne de mire, notamment : une enquête sur Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale de Trump – qui sera finalement lui aussi <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/02/14/etats-unis-le-conseiller-a-la-securite-michael-flynn-pousse-a-la-demission_1548323">renvoyé</a>.</p>
<p>La volonté de servir un pouvoir personnel en dépit des lois et de la Constitution a conduit Trump à subir une procédure d’<a href="https://www.lefigaro.fr/politique/procedure-d-impeachment-trump-dit-avoir-endure-une-terrible-epreuve-20200206">impeachment</a>, après qu’il eut, dans le cadre de la campagne pour sa réélection, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-l-ukraine-et-joe-biden-tout-comprendre-a-l-affaire-du-lanceur-d-alerte_2099423.html">demandé au président de l’Ukraine</a> d’enquêter sur les activités dans ce pays du fils de Joe Biden, Hunter. Le Sénat, à majorité républicaine, a <a href="https://www.lefigaro.fr/international/proces-en-destitution-donald-trump-acquitte-par-le-senat-americain-20200205">acquitté</a> le président mais cette procédure restera comme une tache indélébile sur son mandat. Et que dire de la seconde, surtout si le Sénat la vote cette fois, et l’empêche de se représenter en 2024 ?</p>
<p>On retrouve ici le fantasme de l’homme seul contre tous, toujours capable de se sortir des situations les plus difficiles, par sa combativité, sa force, voire son « génie » (il se qualifie parfois lui-même sur Twitter de <a href="https://edition.cnn.com/2018/01/06/politics/donald-trump-white-house-fitness-very-stable-genius/index.html">« very stable genious »</a>). S’il échoue dans ses politiques, il accuse la partialité des juges, la frilosité des parlementaires démocrates et républicains, ou encore l’idéologie des défenseurs du « politiquement correct ».</p>
<p>Comme le notait le <em>New York Times</em> en septembre 2019 : « Tout ce que fait Trump doit être replacé dans le contexte suivant : “Est-ce que cela contribue au récit ?” » Que ce soit en mots – à propos de l’accord avec les talibans, « It may or may not happen », des négociations avec le dictateur nord-coréen, « We will see what we will see » ou de l’attaque contre al-Baghdadi, « Something very big has just happened ! » – ou en images – mini-vidéos de l’érection d’une barrière (ce n’est pas le mur tant promis) le long de la frontière mexicaine sur son compte Twitter –, Trump choisit de créer son propre feuilleton politique, sur le modèle d’une série télévisée, pour en maîtriser la progression, le tempo, le rythme, tout en jouant sur les émotions par la mise en place d’une dramaturgie, d’un faux suspense. Il peut aussi, ce faisant, faire diversion sur les sujets qui le dérangent et continuer, ainsi, d’imposer l’agenda médiatique.</p>
<p>Le recours aux « fake news » et autres <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/alternative-facts-ou-la-version-des-faits-selon-l-administration-trump-632502.html">« alternative facts »</a> permet par ailleurs à Trump de justifier une interprétation très personnelle, subjective, souvent fausse de la réalité. Il a presque fait de la désinformation une nouvelle norme, tant ses émules sont nombreux, de Bolsonaro à l’extrême droite européenne en passant par les complotistes nationalistes et masculinistes du projet <a href="https://www.parismatch.com/Actu/International/La-mouvance-QAnon-a-eu-une-veritable-acceleration-du-fait-de-Donald-Trump-1709451">QAnon</a> qui répandent, depuis plusieurs mois, des rumeurs criminelles sur les démocrates.</p>
<h2>Et puis vint la Covid-19…</h2>
<p>La gestion de la pandémie par Trump a été jugée, jusqu’au scrutin du 3 novembre, comme <a href="https://projects.fivethirtyeight.com/coronavirus-polls/">désastreuse</a> par une majorité d’Américains, y compris, donc, chez les républicains. Sa base galvanisée, hostile au port du masque, considère que les médias et politiciens de gauche ont surestimé la gravité de la pandémie et qu’il n’est pas question que l’État fédéral, au prétexte de protéger la population, lui impose des mesures restreignant sa liberté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1263732295845900295"}"></div></p>
<p>Jusqu’au bout, Trump aura minimisé l’ampleur et le sérieux de la Covid-19 et dénigré, comme pour les politiques environnementales, la parole scientifique : l’absence de politiques nationales de confinement et le maintien des coupes dans Medicaid sont deux des effets d’une politique et d’une rhétorique étrangères aux enjeux de <em>care</em> et de solidarité, qui auraient contrarié le récit de la force et de la virilité.</p>
<h2>Un pays profondément divisé</h2>
<p>Le trumpisme, qui par ailleurs laissera des traces, un héritage, est à prendre au sérieux. Sur le plan intérieur, les attaques contre les droits des femmes et des LGBTI sont une constante. La limitation de l’accès à l’avortement et à la contraception, qui est un phénomène antérieur à Trump, s’est renforcée ces dernières années dans plusieurs États fédérés et se fait plus directe envers les termes mêmes de <a href="https://www.france24.com/fr/20191017-billet-retour-roe-vs-wade-etats-unis-avortement-recul-droit-femmes-cour-supreme-alabama">l’arrêt de la Cour suprême <em>Roe v. Wade</em> de 1973</a>. En outre, Trump, qui a coupé les <a href="https://www.nbcnews.com/think/opinion/trump-s-title-x-rule-defunding-planned-parenthood-yet-another-ncna1045471">fonds fédéraux du Planned Parenthood</a>, le planning familial, et élargi les exemptions accordées aux entreprises dans la prise en charge, par l’Obamacare, des coûts de santé gynécologique de leurs employées, a été, en 2020, le premier président américain à <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/25/donald-trump-se-pose-en-defenseur-des-militants-anti-ivg_6027170_3210.html">se rendre à la marche annuelle des militants anti-avortement</a> qui a lieu chaque mois de janvier à Washington. La nomination précipitée d’<a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/10/27/qui-est-amy-coney-barrett-la-nouvelle-juge-de-la-cour-supreme-americaine_1803525">Amy Coney Barrett</a> à la Cour suprême en octobre, par une procédure accélérée rompant avec les codes éthiques habituels, en est le point culminant.</p>
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<p>Trump attise les divisions de la société américaine, creuse les clivages sociaux, économiques, genrés et raciaux, et tient les démocrates, les manifestants anti-racistes, les défenseurs du climat ou encore les féministes pour responsables de cette situation (<a href="https://www.nbcnews.com/politics/2020-election/trump-launching-re-election-bid-says-democrats-want-destroy-our-n1019176">« They want to destroy our country »</a> est un de ses slogans). Il en fait les ennemis de l’Amérique. La crispation identitaire est bel et bien du côté des nationaux-populistes comme Trump qui imaginent leur nation assiégée par les défenseurs et défenseuses de l’égalité en matière d’accès aux droits et aux ressources et d’un partage plus équitable des responsabilités politiques, administratives et économiques. Du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/muslim-ban-le-decret-valide-par-la-cour-supreme_2020600.html">« Muslim ban »</a> à la séparation des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/10/22/545-enfants-de-migrants-toujours-separes-de-leurs-parents-le-symbole-des-annees-trump_6056919_3210.html">enfants de leurs parents migrants à la frontière mexicaine</a>, du <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/trump-et-les-supremacistes-une-complicite-a-l-epreuve-de-charlottesville_1935030.html">soutien à peine voilé aux suprémacistes blancs violents</a> (Ku Klux Klan compris), à <a href="https://edition.cnn.com/2020/06/01/politics/trump-george-floyd-protests-political-gain/index.html">l’instrumentalisation de la mort de George Floyd</a> pour promouvoir un agenda clivant, identitaire et ultra-sécuritaire, le legs trumpiste est déjà très lourd. Last but not least : le récit de l’élection volée, truquée, alimentera encore longtemps la marque Trump – certes aujourd’hui fragilisée – dans le champ politique comme en dehors, aux États-Unis et à l’international.</p>
<p>Avec Trump, la démocratie a mis un genou à terre. Le 6 janvier dernier, l’épisode insurrectionnel de violence politique, <a href="https://www.franceculture.fr/politique/sur-internet-et-en-dehors-lextreme-droite-americaine-se-prepare-patiemment">préparée sur les sites d’extrême droite</a> voire encouragée par Trump lui-même, et dont le monde entier a été témoin, aura été le paroxysme de ces attaques. </p>
<p>Une fois défait, il s’est agi, pour Trump, de tout saccager avant de partir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est membre de l'RIS. </span></em></p>En quatre ans à la Maison Blanche, Trump a multiplié coups d’éclat, déclarations tapageuses, mesures populistes…Jusqu'à l'attaque du Capitole par ses partisans. Retour sur un mandat sans précédent.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée au CRI Paris, Learning Planet Institute (LPI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1361582020-04-16T17:19:54Z2020-04-16T17:19:54ZFace à sa gestion de crise au Brésil, le pouvoir de Bolsonaro ébranlé<blockquote>
<p>« Après avoir été poignardé, ce n’est pas une grippette qui va m’abattre ! »</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/international/face-au-peril-du-covid-19-jair-bolsonaro-ne-fait-plus-rire-les-bresiliens-20200323">C’est avec cette bravade</a>, désormais fameuse, que le président Jair Bolsonaro a rejeté d’un revers de main les recommandations de l’OMS quant au nécessaire confinement de la population brésilienne face à la progression de la pandémie.</p>
<p>À un journaliste l’interrogeant sur son attitude, il répond même, sûr de lui : « Vous me demandez si les vieux, les personnes vulnérables, vont mourir en raison du virus ? Oui, ils vont mourir. Je le regrette. Mais <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-bolsonaro-refuse-le-confinement-qui-menace-selon-lui-de-ruiner-le-bresil_3883751.html">l’économie ne peut pas s’arrêter</a> en raison de la mort de quelques milliers de personnes. » Ce président d’extrême droite préconise plutôt une journée de <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-vendredi-03-avril-2020">jeûne religieux</a> pour « délivrer le Brésil du mal ».</p>
<p>Depuis le début de la pandémie mondiale du Covid-19, le Brésil est assurément l’un des pays dont la réaction étonne le plus, notamment en raison de l’attitude pour le moins surprenante de son président, ancien capitaine de réserve, qui prend de réguliers bains de foule sans masque ou gestes barrière, tout en accusant les médias de fomenter une « véritable hystérie ». Il faut dire qu’aujourd’hui Bolsonaro se trouve assez isolé au cœur des institutions, tentant de sauver son mandat alors que se multiplient les demandes de démission.</p>
<h2>Un ministre de la Santé réfractaire</h2>
<p>Un premier bras de fer l’oppose au ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, qui avait pourtant jusque-là mis en œuvre sans ciller le programme néolibéral du président consistant à diminuer la part d’investissement public dans le système de santé.</p>
<p>Rappelons que le Brésil dispose, depuis l’adoption de la Constitution de 1988, d’un Système unique de santé (SUS), qui a permis à l’ensemble de la population d’avoir accès aux ressources médicales. Mais un amendement constitutionnel adopté en 2016, limitant l’ensemble des dépenses publiques, oblige à revoir drastiquement à la <a href="http://www.ires.fr/index.php/publications/chronique-internationale-de-l-ires/item/6055-bresil-les-contradictions-du-systeme-de-sante-1988-2018">baisse le financement de la santé</a>, aujourd’hui inférieur à 4 % du PIB (alors que les pays qui disposent d’un système universel y investissent environ 8 % de leur PIB).</p>
<p>Depuis sa nomination, le ministre Mandetta a ainsi poussé un peu plus loin la logique de financiarisation de la santé, et supprimé certains des dispositifs de ce SUS – notamment les « pharmacies populaires », qui offraient un accès gratuit à 32 millions de personnes (sur 210 millions d’habitants), et le programme « plus de médecins » consistant en l’envoi de médecins cubains dans les régions les plus démunies.</p>
<p>Alors que la pandémie connaît une progression inquiétante, c’est avec une veste arborant le logo du SUS qu’il réalise aujourd’hui ses interviews et, prenant le contre-pied du président, demande le confinement généralisé de la population. De la même manière, il fait part de sa réticence à administrer, comme le souhaite Bolsonaro, de la chloroquine aux patients atteints du Covid-19 alors que l’on n’en maîtrise pas encore les effets secondaires. <a href="https://www.cnnbrasil.com.br/politica/2020/04/03/aprovacao-do-ministerio-da-saude-e-mais-que-dobro-da-de-bolsonaro-diz-pesquisa">Fort de la confiance de 76 % de la population</a>, il mène une véritable guerre de tranchées contre Bolsonaro.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1249807357019934720"}"></div></p>
<h2>…et limogé</h2>
<p><em>[Mise à jour du 17 avril]</em></p>
<p>À peine ce texte publié, le ministre Mandetta a été démis de ses fonctions par Bolsonaro. « Ce fut réellement un divorce consensuel », tant « la séparation était devenue une réalité ». <a href="https://oglobo.globo.com/brasil/entenda-as-contradicoes-de-bolsonaro-ao-anunciar-demissao-de-mandetta-1-24376927">Peu inquiet de ses contradictions</a>, Bolsonaro a précisé comprendre « parfaitement la gravité de la maladie et de la situation », mais avoir « cherché, depuis le début, à transmettre un message de tranquillité ». Aussi a-t-il demandé au nouveau ministre de mettre en place une flexibilisation de la distanciation sociale, « le plus tôt possible » : « Cette grande masse de humbles ne doit pas rester prisonnière à la maison. »</p>
<p>Il en a profité pour <a href="https://www1.folha.uol.com.br/poder/2020/04/apos-demitir-mandetta-bolsonaro-agradece-ex-ministro-e-volta-a-criticar-excessos-de-governadores.shtml">attaquer les gouverneurs</a> en dénonçant leurs excès dans les mesures adoptées pour faire respecter la distanciation, notamment la fermeture des commerces : « Qui a le pouvoir de décréter l’état de siège – après une décision du parlement ? C’est le président de la République, et non le maire ou le gouverneur ».</p>
<p>Expliquant qu’aucun gouverneur n’avait cherché à le contacter, il a annoncé vouloir « prendre des mesures pour éviter la prolifération du virus qui n’affectent pas la liberté ». N’ayant plus son ministre à blâmer, c’est <a href="https://noticias.uol.com.br/politica/ultimas-noticias/2020/04/16/bolsonaro-diz-que-maia-conduz-brasil-ao-caos-quer-me-tirar-do-governo.htm">vers le président de la Chambre des députés qu’il s’est retourné</a>, critiquant son « très mauvais travail » en matière de propositions économiques pour faire face à la crise du coronavirus, estimant que ces propositions conduisaient le pays « au chaos », et « poignardaient le gouvernement fédéral ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1251112790942760960"}"></div></p>
<p>Le nouveau ministre est donc Nelson Teich, un oncologue et homme d’affaires de Rio de Janeiro. Dans un discours, prononcé juste après sa nomination, Teich a exprimé un alignement complet sur les thèses du président, considérant que « les secteurs de la santé et de l’économie ne sont pas en compétition entre eux, mais sont au contraire complémentaires ». Il <a href="https://noticias.uol.com.br/saude/ultimas-noticias/redacao/2020/04/16/saude-e-economia-nao-competem-sao-complementares-diz-novo-ministro.htm">souhaite</a> donc travailler aux moyens de permettre à la société de reprendre une vie normale, en s’appuyant notamment sur des tests, et en se défiant de toute « définition stricte » de la notion de distanciation sociale.</p>
<p>Le soir même du limogeage de Mandetta, dans tout le Brésil, des concerts de casseroles ont retenti pour scander le slogan : <a href="https://g1.globo.com/politica/noticia/2020/04/16/cidades-brasileiras-registram-panelaco-contra-bolsonaro.ghtml">« Le Brésil doit arrêter Bolsonaro »</a>.</p>
<h2>L’influence rampante de l’armée</h2>
<p>Le président, qui compte malgré tout sur le soutien d’un peu plus de 30 % de la population avait tenté une première fois de limoger Mandetta, mais l’état-major de l’armée ne l’avait pas laissé faire. Car en coulisses, se joue un autre combat. Le général Braga Netto, qui vient d’être désigné nouveau chef de la Casa Civil, l’équivalent du poste de premier ministre – sans que le président n’ait vraiment eu son mot à dire – est aussi pressenti pour être un « président opérationnel » en cas d’impeachment. Or rappelons que la constitution de 1988 prévoit, en cas d’empêchement du président, que le vice-président assume la succession, et non le chef de la Casa Civil. Le vice-président, Hamilton Mourão, est aussi un militaire, général de réserve. Voilà qui témoigne aussi des tensions au sein de l’armée. Bien qu’hétérogène et assez divisée, l’armée profite des moindres opportunités pour peser sur les décisions d’avenir, et n’hésitera pas s’il le faut à revenir en force au pouvoir.</p>
<p>Ce pouvoir croissant de l’armée inquiète en effet bien des observateurs. Neuf des 22 ministres du gouvernement Bolsonaro sont des militaires. Ce Cabinet compte ainsi plus de ministres militaires que les gouvernements du temps de la dictature, sans compter que plus de 300 nouveaux militaires ont par ailleurs été placés aux postes décisionnels au sein de l’administration fédérale, là aussi bien plus que lorsque la junte était au pouvoir (1964-1985) !</p>
<p>Outre l’état-major de l’armée, Bolsonaro doit aussi faire face à la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/29/au-bresil-la-guerre-est-declaree-entre-bolsonaro-et-le-parlement_6031292_3210.html">fronde des pouvoirs législatif et judiciaire</a> : « Depuis le début de cette crise, je demande sagesse, équilibre et union. En attaquant la presse, les gouverneurs et les spécialistes de santé, le président se trompe de cible », lance ainsi sur les réseaux sociaux le président de la chambre des députés, Rodrigo Maia ; quant au président du Sénat, Davi Alcolumbre, il demande « une présidence sérieuse, responsable et engagée du côté de la vie et de la santé de la population ».</p>
<p>Pendant ce temps, le Tribunal Fédéral Suprême (qui représente le pouvoir judiciaire) <a href="https://www.conjur.com.br/2020-mar-31/liminar-barroso-proibe-campanha-brasil-nao-parar">obtient la suppression</a> de la campagne officielle lancée par le gouvernement Bolsonaro (« Le Brésil ne peut s’arrêter »), en justifiant sa décision par la nécessité d’empêcher toute incitation à reprendre les pleines activités ou tout propos qui minore la gravité de cette pandémie pour la santé et la vie de la population. Pour contourner cette décision, Bolsonaro n’hésite pas à diffuser sur son propre compte Twitter des vidéos dans lesquelles on le voit notamment se promener dans les rues de Brasília, en expliquant que ce que les gens veulent c’est travailler, et que le Brésil ne peut s’arrêter s’il ne veut pas devenir le Venezuela. Twitter a dû réagir en supprimant deux vidéos, étant donné que les propos qui y sont tenus <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/confinement/covid-19-twitter-supprime-deux-tweets-du-president-bresilien-jair-bolsonaro-contre-le-confinement-6795302">« vont à l’encontre des consignes de santé publique émanant de sources officielles et pourraient augmenter le risque de transmission du Covid-19 »</a>.</p>
<h2>Dans les villes, le confinement surveillé par les trafiquants</h2>
<p>Ajoutons à cela un autre combat du président, livré à nombre de ses alliés d’hier, comme les gouverneurs de Rio de Janeiro et de São Paulo, qui ont imposé le confinement de leur population.</p>
<p>Les maires des autres grandes métropoles abondent dans ce sens, mobilisés dans une campagne de sensibilisation aux enjeux du confinement (<a href="https://www.metropoles.com/brasil/politica-brasil/prefeito-de-manaus-bolsonaro-e-principal-aliado-do-virus">« Bolsonaro est aujourd’hui le principal allié du virus »</a> déclare ainsi le maire de Manaus). Car l’une des grandes inquiétudes est notamment la propagation de cette pandémie dans les quartiers défavorisés (comme les favelas…), où vivent, selon le recensement de 2010, 11,5 millions de personnes.</p>
<p>À Rio de Janeiro, c’est tout simplement un quart de la population qui est concernée, soit 1,5 million d’habitants. Réaliste et pragmatique, le ministre de la Santé a même entrepris de « dialoguer » avec les narcotrafiquants et les miliciens qui contrôlent nombre de quartiers populaires dans les métropoles, pour faire imposer ce confinement, sachant que leur parole y est plus respectée que celle des autorités.</p>
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<figcaption><span class="caption">coronavirus au Brésil : Bolsonaro persiste dans le déni.</span></figcaption>
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<h2>Les soutiens religieux et économiques du président</h2>
<p>Bolsonaro peut toutefois se prévaloir de soutiens, et non des moindres. D’une part, dans le domaine religieux, celui des églises évangéliques neo-pentecôtistes, dont les pasteurs minimisent la pandémie, critiquent les mesures d’isolement social et demandent l’ouverture des lieux de culte : <a href="https://veja.abril.com.br/religiao/edir-macedo-dissemina-informacoes-falsas-e-atribui-coronavirus-a-satanas/">« Le virus est une stratégie de Satan »</a>, a ainsi déclaré Edir Macedo, le fondateur de la puissante <a href="https://www.ird.fr/relitrans/?Eglise-Universelle-du-Royaume-de,340">Église Universelle du Royaume de Dieu</a>.</p>
<p>À leur demande, Bolsonaro a même, par décret, inclus les activités religieuses parmi les activités essentielles à préserver durant la pandémie. Dès le lendemain, la justice fédérale de Rio de Janeiro a suspendu ce passage du décret, avant qu’un tribunal régional fédéral ne conteste la décision et autorise à nouveau les activités religieuses.</p>
<p>L’autre soutien de poids est celui du ministre de l’Économie et des entrepreneurs alliés, notamment Paulo Skaf, le puissant président de la Fédération des Industries de l’État de São Paulo. Après avoir tenté de s’opposer à l’attribution d’une aide forfaitaire de 600 reais (un peu plus de 100 euros) aux plus démunis (concernant tout de même 13 millions de personnes), il plaide pour la reprise immédiate des activités productives et commerciales, sans trop s’inquiéter des conséquences sanitaires d’une telle décision.</p>
<h2>Le risque diplomatique de Bolsonaro</h2>
<p>À une autre échelle, la crise du coronavirus pourrait avoir également des conséquences diplomatiques non négligeables. <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Jair-Bolsonaro-echo-bresilien-Donald-Trump-2020-03-27-1201086369">L’alignement de Bolsonaro sur la vision géopolitique de Trump</a> l’engage sur un chemin pour le moins glissant. En dénonçant, <a href="https://www.france24.com/en/20200406-brazil-minister-offends-china-with-racist-virus-tweet">par l’intermédiaire de son ministre de l’Éducation</a>, la propagation de ce virus comme fruit d’un plan chinois pour la domination du monde, il se met à dos un partenaire économique majeur, aujourd’hui principal fournisseur de masques et respirateurs sur le marché mondial.</p>
<p>En acceptant en plein cœur de l’épidémie l’idée suggérée par Trump d’une <a href="https://www.commondreams.org/views/2020/03/16/maximum-pressure-march-us-hybrid-war-venezuela-heats">intervention au Venezuela pour destituer Nicolas Maduro</a>, le Brésil risque par ailleurs de se mettre à dos la Russie, qui ne restera sûrement pas attentiste face à un tel projet. Rappelons que la Chine et la Russie sont deux des partenaires principaux des fameux BRICS, dont on imaginait au milieu des années 2000 qu’ils pourraient dominer le monde, tant ils portaient sa croissance.</p>
<p>Ce n’est peut-être plus le cas aujourd’hui, mais froisser durablement ces deux pays signifierait se mettre en marge de leur dynamique et perdre de potentiels alliés dans un monde multipolaire.</p>
<h2>Une crise révélatrice pour le Brésil</h2>
<p>Au-delà du drame sanitaire, dont on est loin de mesurer encore l’ampleur, la pandémie de Covid-19 révèle ainsi les fragilités du Brésil :</p>
<ul>
<li><p>Sur le plan institutionnel, où un coup de force des militaires n’est pas à exclure face aux graves errements d’un président qui, ironie de l’histoire, n’a jamais caché ses sympathies pour la période de la dictature (1964-1985).</p></li>
<li><p>Sur le plan politique, où une alternative démocratique en cas d’impeachment a du mal à se structurer, après plusieurs années où les discours de haine, propagés par bien des partis de droite et d’extrême droite, ont souvent tenu lieu de programme politique.</p></li>
<li><p>Sur le plan social, puisque les plus démunis risquent de payer un lourd tribut, ne disposant ni d’assurance santé pour pallier les lacunes du système de santé publique, ni d’un emploi formel (ce qui est le cas de 40 % des travailleurs) pour pouvoir bénéficier d’un appui quelconque des pouvoirs publics.</p></li>
<li><p>Sur le plan civique enfin, où l’autorité de la parole publique montre aujourd’hui ses limites face à celle des milices et autres narcotrafiquants, sans oublier des églises néo-pentecôtistes.</p></li>
</ul>
<p>S’il est bien difficile dans l’opacité de ce moment présent d’envisager un quelconque avenir à ce pays-continent, il ne faudrait pas conclure trop vite sur une note pessimiste. Ce pays a su trouver, au cours de son histoire, d’inattendues ressources pour cristalliser une conscience anticipatrice capable de transcender de tels moments.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Vidal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le refus du président brésilien de confiner sa population contre la propagation du Covid-19 le décrédibilise politiquement.Laurent Vidal, Professeur des Universités. Histoire du Brésil, des migrations et échanges culturels atlantiques. Directeur adjoint du Centre de recherche en histoire internationale et atlantique (CHRIA), La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293302020-01-06T18:32:19Z2020-01-06T18:32:19ZUn vote d’impeachment contre Donald Trump : pour quoi faire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308517/original/file-20200105-11951-660eqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=38%2C9%2C984%2C671&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, le président de la Commission de la Chambre sur le pouvoir judiciaire Jerry Nadler (à gauche) et le président de la Commission des affaires étrangères de la Chambre Eliot Engel, lors d'une conférence de presse suivant le vote d'impeachment de Donald Trump, Wahington, le 18 décembre 2019. </span> <span class="attribution"><span class="source">Sarah Silbiger/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/AFP</span></span></figcaption></figure><p>La campagne électorale de 2020 a débuté par un éclat le 18 décembre 2019 au soir, bien en amont du coup d’envoi habituel que représente le <a href="https://theconversation.com/why-the-race-for-the-presidency-begins-with-the-iowa-caucus-127173">caucus de l’Iowa</a>, prévu cette année le 3 février. Ce jour-là, la Chambre des Représentants, à majorité démocrate, a mis en accusation le président Donald Trump au double titre d’abus de pouvoir et d’obstruction à la justice, ce qui ouvre théoriquement la voie à sa destitution. Celle-ci n’aura cependant lieu qu’à la condition que le Sénat, à majorité républicaine, vote à une majorité des deux tiers en faveur de l’impeachment – une perspective qui semble inimaginable.</p>
<p>Alors que la date du procès de Donald Trump au Sénat n’est toujours pas connue, les raisons pour lesquelles les Démocrates de la Chambre basse se sont lancés dans une telle aventure ne cessent d’interroger : pourquoi donc tenter de destituer Trump sachant que peu de sénateurs républicains se risqueront à voter contre lui en l’absence d’une nouvelle bévue présidentielle ou d’un nouvel élément déterminant ?</p>
<h2>Les Républicains font bloc autour du président</h2>
<p>Le raid militaire américain qui vient d’éliminer le général iranien Ghassem Soleimani ne fournira pas une telle occasion. Au contraire, cette opération a resserré les rangs républicains. Seules quelques voix dissidentes au sein du Grand Old Party se sont fait entendre, dont celle du sénateur du Kentucky <a href="https://www.businessinsider.fr/us/rand-paul-there-will-be-war-iran-after-soleimani-killing-2020-1">Rand Paul</a>. Le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham est plus représentatif de la réaction républicaine. <a href="https://edition.cnn.com/2020/01/03/politics/lindsey-graham-suleimani-drone-strike/index.html">Prévenu personnellement en amont de l’attaque</a>, il se félicite aujourd’hui de la fermeté dont fait preuve Donald Trump. Pourtant violent adversaire de ce dernier lors des primaires de 2016, il s’est mué en défenseur acharné de l’actuelle administration depuis lors. </p>
<p>La <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201912/23/01-5254760-decryptage-lindsey-graham-traiter-trump-descroc-puis-le-defendre.php">volte-face de Lindsey Graham</a> est un exemple patent du soutien que le parti de l’éléphant offre désormais au locataire de la Maison Blanche. Discipline de parti oblige. Il n’en faut pas plus pour qu’Elizabeth Warren, sénatrice du Massachusetts et candidate aux primaires démocrates, <a href="https://edition.cnn.com/videos/politics/2020/01/05/soleimani-killed-iran-trump-impeachment-elizabeth-warren-sot-sotu-vpx.cnn">soupçonne</a> Trump d’avoir voulu faire diversion en donnant l’ordre de l’opération militaire iranienne. Le stratagème ne serait pas nouveau : les détracteurs de Bill Clinton <a href="https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/library/world/europe/041899kosovo-recap1.html">l’accusaient en son temps</a> de calculs similaires.</p>
<p>Trump avait déjà réagi de façon martiale en dégainant sur Twitter le 18 décembre, dès le résultat du vote de la Chambre connu, par le biais d’un portrait le mettant en scène avec le message suivant : « They’re not after me, they’re after you. » Que voulait-il dire ? Et que peuvent espérer les Démocrates dans toute cette affaire ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1207508280207011841"}"></div></p>
<h2>Une brève histoire de l’impeachment</h2>
<p>Lorsque les Pères fondateurs mirent en place la procédure, ils ignoraient l’esprit de parti si prégnant aujourd’hui. Exprimé en 1788 par la plume de l’un d’entre eux, Alexander Hamilton, le sens commun de l’époque voulait que le Sénat agisse comme la conscience morale de la République et s’élève au-dessus des « factions » – comprendre, de nos jours, les considérations partisanes – afin de juger l’accusé de façon impartiale. Il s’agissait en effet d’établir les fautes politiques de l’accusé, à savoir, comme l’expliquait Hamilton, celles qui <a href="https://avalon.law.yale.edu/18th_century/fed65.asp">font du tort à la société elle-même</a>.</p>
<p>L’impeachment ne vise pas seulement à condamner des crimes – c’est là le rôle des tribunaux réguliers –, mais à statuer sur une faute qui met en danger la collectivité dans son ensemble. Hormis des cas flagrants telle la haute trahison ou sur lesquels un consensus peut s’établir (Nixon et le Watergate en 1974), la définition d’une faute politique peut être considérée comme dépendante des considérations partisanes : les excès d’un parti sont les audaces de l’autre. En l’occurrence, aux accusations démocrates répondent les dénonciations de coup d’État qui proviennent du camp républicain. Mais si l’impeachment est ainsi dénaturé, à quoi bon s’en servir ?</p>
<h2>Une manœuvre politicienne en prévision de la présidentielle de novembre 2020</h2>
<p>La procédure visant Donald Trump intervient dans un contexte inhabituel pour le XX<sup>e</sup> siècle : elle est lancée contre un président en cours de premier mandat. Ce n’était le cas ni de Richard Nixon, ni de Bill Clinton qui, lors de leur mise en accusation, exerçaient leur second mandat et n’avaient donc pas comme horizon la perspective d’une nouvelle campagne présidentielle, mais plutôt celle de leur place dans l’Histoire. À l’inverse, la configuration actuelle a des conséquences directes sur la présidentielle à venir, ce qui n’a échappé ni à la majorité démocrate, ni à Trump.</p>
<p>L’impeachment est une arme électorale qui présente plusieurs avantages. Il permet d’abord d’informer le public qui, bombardé d’informations politiques en permanence, bénéficie avec l’impeachment d’un forum qui concentre, voire simplifie, les éléments du débat. Sans surprise, l’impeachment est aussi un stigmate qui fait adhérer Trump à un club bien exclusif (seuls trois présidents avant lui ont été ainsi mis en accusation), mais peu flatteur aux yeux de l’opinion. Dans un <a href="https://foreignpolicy.com/2019/12/19/impeachment-2020-election-inside-democrats-strategy/">article</a> publié par <em>Foreign Policy</em>, Michael Hirsh expliquait d’ailleurs que les stratèges démocrates pensent au précédent de Clinton : même s’il avait été déclaré innocent par le Sénat, la procédure de destitution avait suffisamment dégradé son image pour que les Démocrates dans leur ensemble soient handicapés pendant la décennie suivante.</p>
<p>Les Démocrates font maintenant un pari identique : en sapant suffisamment la réputation de Trump et de ses alliés – qui risquent d’être perçus comme privilégiant leur survie électorale à l’intérêt général –, ils cherchent à se positionner de la manière la plus favorable dans la course présidentielle.</p>
<p>En votant en faveur de la destitution du président, les Démocrates de la Chambre appellent donc d’abord les électeurs, et non pas leurs collègues du Sénat, à juger Donald Trump. La nature électoraliste du calcul démocrate fait ainsi écho à l’origine du scandale elle-même : le 25 juillet 2019, lors de sa conversation téléphonique avec le président ukrainien Vladimir Zelenski, Trump avait <a href="https://edition.cnn.com/2019/09/25/politics/donald-trump-ukraine-transcript-call/index.html">explicitement déclaré</a> que la poursuite de l’aide militaire américaine à l’Ukraine dépendait du déclenchement d’une enquête ukrainienne sur le fils de son probable adversaire, Joe Biden.</p>
<h2>La procédure d’impeachment, un outil de mobilisation de l’électorat</h2>
<p>Concrètement, les deux camps font maintenant le pari de la capacité mobilisatrice de l’impeachment. Trump est convaincu que la procédure va l’avantager en générant une vague de sympathie à son égard dans les rangs républicains. Les Démocrates, pour leur part, voient dans la polarisation liée à l’impeachment une carte à jouer pour mobiliser davantage leur électorat, sociologiquement plus volatil que celui des républicains : les jeunes et les minorités forment en effet un contingent important de la coalition démocrate, mais leur taux de participation est inférieur à celui des classes moyennes blanches, d’autant plus favorables aux Républicains qu’elles sont aisées.</p>
<p>Pour savoir qui aura le dernier mot, il nous faudra attendre les prochaines semaines, voire les prochains mois, par-delà le vote attendu au Sénat. Ce dernier est en fait secondaire : la mise en accusation ne prendra tout son sens qu’en novembre 2020, lors de la présidentielle. La balle est donc dans le camp des électeurs et les hostilités sont ouvertes. C’est le sens de l’image utilisée par Trump dans son tweet du 18 décembre. En se mettant en scène dans une posture qui mime celle de l’oncle Sam dans la célèbre affiche réalisée en 1917 peu après l’entrée en guerre des États-Unis <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7e/I_want_you_for_U.S._Army_3b48465u_original.jpg">(« I Want You for the U.S. Army »)</a> et en jouant sur le registre complotiste, il tente de galvaniser les électeurs par un appel guerrier à peine déguisé. Le président cherche ainsi à imposer son rythme et son style à la campagne à venir. La lutte promet donc d’être acharnée et violente ; surtout, elle montre à quel point l’esprit partisan défigure la vie politique américaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Vergniolle de Chantal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Démocrates savent parfaitement qu’ils n’ont aucune chance d’obtenir l’impeachment de Donald Trump. Leur objectif est de mobiliser leur électorat en vue de la présidentielle de novembre.François Vergniolle de Chantal, Professeur de civilisation américaine à l'Université de Paris (LARCA - CNRS/UMR 8225)., Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1286682019-12-11T19:58:39Z2019-12-11T19:58:39ZImpeachment : Trump capitalise sur son obsession du harcèlement<p>Après que la Chambre des représentants a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/11/destitution-la-chambre-des-representants-a-devoile-l-acte-d-accusation-de-donald-trump_6022430_3210.html">dévoilé</a>, le 10 décembre, les deux chefs d’accusation retenus dans la procédure d’impeachment visant Donald Trump (« abus de pouvoir » et « entrave au travail du Congrès »), le président a réagi par une salve de tweets contre les démocrates, qu’il continue d’accuser d’incompétence et de corruption. Une ligne de défense qui nourrit son storytelling du harcèlement dont il fait selon lui l’objet depuis son élection.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204414691910410242"}"></div></p>
<p>Lorsque, le 24 septembre 2019, les démocrates, par la voix de Nancy Pelosi, la speaker de la Chambre des représentants, ont annoncé ouvrir une enquête en vue d’une procédure de destitution du président des États-Unis, ils étaient sûrs de disposer d’assez d’éléments contre ce dernier. De fait, c’est une quasi-certitude aujourd’hui : l’abus de pouvoir est avéré, Trump a bel et bien demandé au président ukrainien Zelensky d’interférer dans la campagne 2020 en enquêtant sur Joe Biden et son fils Hunter, en contrepartie d’une aide financière américaine. Le déclenchement, puis l’enchaînement rapide de la procédure ont surpris les républicains. Les démocrates tenaient à ne pas laisser le temps à l’exécutif, à commencer par le ministre de la Justice, William Barr, de « prendre la main » non seulement sur la procédure (que l’exécutif s’est du reste efforcé de mettre à mal par tous les moyens à sa disposition, comme en témoigne le second chef d’accusation), mais aussi sur la communication relative à l’affaire.</p>
<p>Car il y avait un précédent, survenu cinq mois plus tôt : le <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/etats-unis/donald-trump/etats-unis-ingerence-russe-les-principales-conclusions-du-rapport-mueller-6315307">rapport du procureur Mueller</a> sur l’ingérence de Moscou dans la campagne présidentielle de 2016 et sur le rôle joué par l’équipe de Trump auprès des Russes. Le camp Trump a opté pour la stratégie dilatoire dans la publication dudit rapport dont William Barr, juste après que celui-ci lui a été remis en avril 2019, a rédigé un <a href="https://qz.com/1598817/william-barrs-full-remarks-on-the-robert-mueller-report/">« résumé » lacunaire et partisan</a>. Cette tactique a permis à la Maison Blanche de marteler le message suivant : « Pas de collusion, le président est blanchi. » Robert Mueller a fait savoir que c’était une mauvaise interprétation de son rapport mais le récit de Barr s’est imposé. Un point pour Trump. Zéro pour ses adversaires.</p>
<h2>Les démocrates, « mauvais perdants »</h2>
<p>Dans la procédure d’impeachment, le chef de l’État et ses soutiens, après avoir été pris de court, ont toujours gardé un temps de retard. Mais le président, combatif et furieux de la situation, tente coûte que coûte de reprendre l’avantage contre Nancy Pelosi, qu’il qualifie de « totalement incompétente » et de « folle comme une punaise de lit » (« crazy as a bedbug »), et Adam Schiff, le président de la Commission du renseignement à la Chambre, qui mène l’enquête, surnommé par Trump, via un jeu de mots sur son patronyme, « shifty » : « le sournois ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204417416446373889"}"></div></p>
<p>Au-delà des insultes, récurrentes et habituelles, les éléments de langage présidentiels, matraqués chaque jour sur Twitter ou dans les médias (notamment sur Fox News où il lui arrive de s’inviter), décrivent les démocrates comme les mauvais perdants de l’élection de 2016 et les accusent d’être à court d’arguments politiques, du fait de leur immobilisme (« Do nothing democrats », etc.). Selon Trump, qui se dit convaincu d’être réélu l’an prochain, les urnes montreront la désaffection massive de l’électorat vis-à-vis du parti de l’âne.</p>
<p>En réalité, le résultat est pour le moins incertain : la lourde défaite du parti républicain aux élections de mi-mandat de 2018 et, il y a un mois, <a href="https://www.24heures.ch/monde/revers-trump-elections-locales/story/19009867">l’élection d’un gouverneur démocrate dans le Kentucky et d’un congrès démocrate en Virginie</a> sont deux signaux négatifs que viendra peut-être contredire l’arithmétique des grands électeurs, comme en 2016.</p>
<p>Par une prophétie auto-réalisatrice, le président avance également que, dans le contexte d’adversité que constitue la procédure d’impeachment, le camp républicain est plus que jamais uni derrière lui et va fortement se mobiliser pour le réélire : les Américains « ne veulent pas que le plus grand de nos présidents soit destitué ! », s’exclame-t-il ainsi sur Twitter.</p>
<blockquote>
<p>« L’arnaque de l’impeachment fait grimper, grimper, grimper les sondages en faveur des républicains ! Merci, le Sournois. »</p>
</blockquote>
<h2>La théorie du complot démocrate… et ukrainien</h2>
<p>En matière de storytelling trumpien, cette rhétorique anti-démocrate classiquement partisane doit être complétée par une stratégie que le président a mise en place depuis son arrivée à la Maison Blanche : la dénonciation du complot dont il ferait l’objet.</p>
<p>Il y a bien sûr, dans son esprit, la conspiration des élites (culturelles, économiques, sociales autant que politiques), sans parler de la presse de gauche (les « fake news media », les « ennemis du peuple » comme il les qualifie). Mais Trump instrumentalise aussi l’impeachment pour dénoncer un complot supplémentaire, ukrainien, cette fois. Lorsqu’il parle de « chasse aux sorcières », de « harcèlement contre le président » sur Twitter, c’est à tous ces groupes, qui seraient ligués contre lui, qu’il fait allusion. Il est secondé en cela par le parti républicain qui, en vue des élections de novembre 2020, finance notamment des publicités ciblées sur Facebook parlant, à propos de l’impeachment, de « canular » (« hoax ») et d’« arnaque » (« scam »).</p>
<p>Afin de riposter, Trump, en effet, ne nie plus ouvertement le marchandage avec Zelinsky (les preuves et les témoignages sont accablants) mais il se donne le beau rôle, celui du sauveur de l’Amérique. Il aurait, dit-il, voulu défendre la sécurité et les institutions des États-Unis (donc le peuple américain) non seulement parce qu’il pense que la famille Biden est corrompue, mais aussi et surtout parce que l’Ukraine aurait, selon lui, essayé de truquer l’élection 2016 en faveur de Hillary Clinton. Par un retournement de l’accusation dont il fait l’objet, classique chez lui, Trump reproche aux démocrates d’abuser de leur pouvoir dans la procédure en cours au nom de basses ambitions politiciennes.</p>
<p>Le contexte tendu de la procédure de destitution, qui le rend fébrile, inquiet, est utilisé pour réactiver sa théorie d’une vaste persécution, preuve qu’il est seul contre tous, donc qu’il est bel et bien le défenseur des intérêts du « vrai » peuple américain contre ses élites… corrompues.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TGQzr4fwcHY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’une des publicités diffusées par l’équipe de Donald Trump, mise en ligne le 30 octobre 2019.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ce faisant, Trump attise un peu plus les divisions de l’Amérique. La procédure d’impeachment confirme du reste le clivage républicains-démocrates. Et la série d’auditions publiques n’a pas vraiment infléchi la position des sympathisants de Trump, lequel peut donc poursuivre la bataille de l’opinion.</p>
<h2>Le mensonge, carburant politique</h2>
<p>Dans les faits, les services secrets américains sont <a href="https://www.washingtonpost.com/world/national-security/russian-government-hackers-penetrated-dnc-stole-opposition-research-on-trump/2016/06/14/cf006cb4-316e-11e6-8ff7-7b6c1998b7a0_story.html">catégoriques</a> : le serveur e-mail du comité de campagne des démocrates en 2016 a été hacké par les Russes (ce qui avait permis à WikiLeaks de publier des informations secrètes juste avant l’élection). Mais le camp Trump, son avocat et « porte-flingue » Rudy Giuliani en tête, laisse entendre que les coupables sont en réalité les Ukrainiens, et pas dans le but d’aider Trump, au contraire même.</p>
<p>Ce récit a été imposé par Vladimir Poutine, comme l’a confirmé, lors de son <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1398989/donald-trump-ukraine-trump-hill-holmes-bolton-sondland-giuliani">audition</a> à la Chambre le 21 novembre dernier dans le cadre de la procédure d’impeachment, Fiona Hill, ancienne experte Russie au National Security Council sous la présidence Trump. Il est repris et relayé par Trump et les sites et médias conspirationnistes d’extrême droite, et s’instille dans la société américaine par le biais d’hommes d’affaires et de lobbyistes, autrement dit de réseaux dont Trump et son proche entourage sont familiers. Pas toujours de manière directe, mais à l’aide de petites phrases, typiques de la stratégie de communication allusive, manipulatrice du président (« That’s what I heard », par exemple). Pour lui, le serveur aurait été confié par les démocrates à CrowdStrike, « une société qui appartient à un Ukrainien très riche », dit-il… alors que CrowdStrike est une entreprise américaine basée en Californie. Par ailleurs, <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-05-16/ukraine-prosecutor-says-no-evidence-of-wrongdoing-by-bidens">rien n’étaie l’hypothèse d’une corruption du fils de Joe Biden</a> lorsqu’il travaillait pour une compagnie gazière ukrainienne alors que son père était vice-président.</p>
<p>Peu importe. « Truth isn’t truth », disait Rudy Giuliani en 2018. Détourner l’attention de l’impeachment vers la corruption et le complot supposés de l’Ukraine, et se présenter en sauveur de la nation américaine est un élément, parmi d’autres, de la tactique de désinformation de Trump pour être réélu. Quoi que fassent ses opposants, le président s’appuie sur le mensonge pour les discréditer auprès de ses électeurs. Il n’est pas sûr, cette fois, qu’il en tire toutes les ficelles. Vladimir Poutine, en effet, s’est récemment réjoui que l’attention médiatique et politique américaine quant au piratage de l’élection de 2016 ne concerne désormais plus la Russie, mais l’Ukraine…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128668/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Cécile Naves est chercheuse associée à l'IRIS.</span></em></p>Donald Trump cherche à retourner contre ses adversaires les accusations dont il fait l’objet dans le cadre de la procédure d’impeachment lancée à son encontre. Un procédé coutumier chez lui.Marie-Cécile Naves, Docteure en science politique, chercheuse associée à l'IRIS, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1281782019-12-05T19:27:24Z2019-12-05T19:27:24ZLe dynamisme de l’économie américaine, un argument de campagne risqué pour Donald Trump<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/304890/original/file-20191203-66998-1emdt3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C35%2C925%2C612&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donald Trump reste aujourd'hui politiquement vulnérable à un retournement conjoncturel.</span> <span class="attribution"><span class="source">Evan El-Amin / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La réussite insolente de l’économie américaine laisse l’opposition de Donald Trump dans un état de perplexité immense : l’effondrement que devait inévitablement provoquer ce président qui ne respecte aucune des règles d’or de la politique économique n’a jamais eu lieu. Au contraire, porté par des taux d’intérêt historiquement bas et dopé par une baisse d’impôts significative en début de mandat, le cycle expansionniste que connaissent les États-Unis est le <a href="https://www.nber.org/cycles.html">plus long</a> que le pays n’ait jamais connu puisqu’il dure depuis plus de 10 ans.</p>
<p>De même, les principaux indices boursiers américains connaissent des <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/marches/201911/01/01-5247984-a-wall-street-les-indices-nasdaq-et-sp-500-atteignent-des-records.php">niveaux records</a>. Les prévisions les plus sinistres concernant les effets d’une présidence Trump se trouvent ainsi contredites par le dynamisme persistant de cette économie américaine.</p>
<h2>Un dynamisme économique incontestable…</h2>
<p>Les chiffres sont d’ailleurs frappants.</p>
<p>Le chômage est à l’un de ses plus bas niveaux historiques, à <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/etats-unis-le-taux-de-chomage-remonte-a-36percent-en-octobre-l-emploi-resiste-1797985.html">3,6 % de la population active</a>. Cette baisse profite particulièrement aux minorités, comme les Noirs américains, dont le taux de chômage a baissé de deux points de pourcentage depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, pour s’établir à 5,4 %.</p>
<p>Les chiffres encourageants de création d’emplois laissent également penser que des nouvelles populations et des nouvelles générations profiteront elles aussi d’un marché du travail dynamique. Le Wall Street Journal <a href="https://www.wsj.com/articles/a-tight-job-market-insulates-a-slowing-economyand-perhaps-trump-too-11574971449?mod=djemwhatsnews">rapporte</a> notamment que, dans un État comme le Wisconsin, qui jouera un rôle fondamental dans l’issue de l’élection de 2020, les effets de la guerre commerciale avec la Chine sur l’industrie et l’agriculture sont significatifs. Mais dans le contexte d’un marché du travail très tendu, les Américains qui perdent leur emploi ne restent pas au chômage très longtemps. Ces tensions sur le marché du travail américain offrent à l’économie du pays un filet de sécurité qui permet de préserver les revenus et la consommation de la population active.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1200210295739879425"}"></div></p>
<h2>… aux effets politiques indéniables</h2>
<p>Ce dynamisme économique semble avoir effacé toutes les craintes des observateurs de l’économie américaine : d’après <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/us-economic-recession-tracker/">l’enquête mensuelle du média américain Bloomberg</a>, qui s’appuie sur les fondamentaux de l’économie américaine, la probabilité que les États-Unis connaissent une récession dans les 12 prochains mois est de 26 %, alors qu’elle se situait à 49 % en décembre 2018.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=226&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304882/original/file-20191203-67002-1brvx17.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=284&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les risques de récessions s’amenuisent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bloomberg.com/graphics/us-economic-recession-tracker/">Bloomberg</a></span>
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<p>Ces chiffres offrent un argument de poids aux soutiens de Donald Trump : si le <a href="https://theconversation.com/limpeachment-sinvite-dans-la-course-a-la-presidentielle-americaine-que-risque-donald-trump-124166">processus d’impeachment</a> du président américain devant le Congrès devait se poursuivre, il pourrait mettre à mal cette expansion économique sans précédent dans la mesure où il est source d’incertitude politique. Selon cet argument, ce sont ceux qui tiennent à poursuivre le processus, démocrates en tête, qui placent leur intérêt politique avant l’intérêt économique de la nation, et non le président des États-Unis.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149486925327134721"}"></div></p>
<p>L’argument peut surprendre : un retournement conjoncturel, s’il devait avoir lieu, trouverait plus sa cause dans le caractère cyclique de l’économie que dans l’alternance du pouvoir politique. Mais le message est aussi clair qu’efficace car il permet au président et à ses partisans d’agiter l’épouvantail d’une récession comme argument ultime contre le processus d’impeachment.</p>
<h2>Réalité d’un phénomène complexe</h2>
<p>Le destin politique de Donald Trump est ainsi profondément lié à la conjoncture économique du pays. Le dynamisme économique américain laisse alors penser que les perspectives de réélection du président sont bonnes. Mais le raisonnement souffre de deux limites, l’une conjoncturelle et l’autre structurelle.</p>
<p>Sur le plan conjoncturel, les tensions que connaît le marché du travail américain cachent une autre réalité : la <a href="https://beta.bls.gov/dataViewer/view/timeseries/CES0000000001">création d’emplois est en train de ralentir</a>. Lors des 34 mois de pouvoir de Donald Trump, l’économie américaine a créé 6,5 millions d’emplois – chiffre qui, dans l’absolu, traduit le caractère impressionnant de cette expansion américaine.</p>
<p>Mais lors des 34 derniers mois de la présidence de Barack Obama, l’économie américaine avait créé plus de 7,7 millions d’emplois. De même, les records boursiers que connaissent de manière répétée les marchés financiers américains masquent le fait qu’en valeur relative, la bourse avait connu une performance quasi identique 34 mois après le début du premier et du deuxième mandat de Barack Obama. Le président américain actuel semble ainsi plus surfer sur une tendance qui préexistait à sa présidence qu’être la source de cette tendance.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1189506762904395776"}"></div></p>
<p>Sur le plan structurel, les statistiques du Bureau de recensement américain font état d’un déclin préoccupant de l’entreprenariat aux États-Unis : ce déclin pourrait en effet mettre à mal la capacité du pays à saisir les enjeux des prochaines révolutions industrielles.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=905&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304886/original/file-20191203-66990-1x92mr5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.vapress.fr/shop/Etats-Unis-Declin-improbable-rebond-impossible_p74.html">vapress.fr</a></span>
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<p>Comme nous avons pu le souligner dans l’essai <a href="https://www.vapress.fr/shop/%C3%89tats-Unis-Declin-improbable-rebond-impossible_p74.html">« États-Unis : déclin improbable, rebond impossible »</a> publié en novembre 2018, la part des nouvelles entreprises de moins d’un an, qui était aux alentours de 15 % dans les années 1970, a été divisée par deux en l’espace de quatre décennies, suggérant que le rythme de création d’entreprises s’est nettement ralenti aux États-Unis. Plus frappant encore : la part de ces entreprises nouvellement créées restant durablement petites (dix salariés ou moins) est supérieure à 80 %, soit à son niveau le plus élevé depuis 1980.</p>
<p>Ce déclin s’explique par différents phénomènes. Le directeur général de l’institut de sondage Gallup, Jim Clifton, <a href="https://www.axios.com/the-us-isnt-sco-1528041086-6e45dfe9-0c93-4136-ace6-635da02faa4e.html">s’émeut</a> de voir que le pays ne dispose pas vraiment d’outils ni de moyens pour identifier le prochain Steve Jobs, alors qu’il dépense énormément pour identifier les talents sportifs et musicaux. Ben Casselman, du blog très influent FiveThirtyEight, <a href="https://fivethirtyeight.com/features/the-slow-death-of-american-entrepreneurship/">met en avant</a> le vieillissement de la génération du baby-boom, l’importance croissante des grandes entreprises américaines dans l’économie du pays et le ralentissement de l’innovation et de la productivité du pays, pour expliquer le phénomène.</p>
<p>Ce ralentissement est particulièrement inquiétant car il pourrait mettre à mal la capacité de l’économie américaine à créer des emplois et à innover à long terme, l’engageant dans un cercle vicieux duquel il serait difficile de sortir. Pire, les grandes entreprises ne font plus face à autant de concurrence qu’avant, si bien qu’elles ne jouent plus le même rôle innovant qu’auparavant.</p>
<p>D’après les <a href="https://www.economist.com/briefing/2016/03/26/too-much-of-a-good-thing">données</a> de l’hebdomadaire britannique The Economist, alors qu’une entreprise américaine très profitable avait 50 % de chance de le rester 10 ans après dans les années 1990, cette probabilité a augmenté à 80 % aujourd’hui. Ce manque de concurrence pourrait avoir des effets particulièrement nocifs pour l’économie américaine s’il signifie que les GAFA et que leurs rivaux font face à une pression concurrentielle moindre sur les marchés, ce qui pourrait à terme générer moins d’innovations et de transformations économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<h2>Conséquences politiques</h2>
<p>De plus, <a href="https://harvardharrispoll.com/wp-content/uploads/2019/09/HHP_August2019_Topline_RegisteredVoters.pdf">d’après un sondage Harvard-Harris de septembre dernier</a>, 57 % des Américains considéreraient que Donald Trump serait responsable d’une récession, contre 33 % (sa base électorale essentiellement) qui accuseraient la Fed.</p>
<p>Donald Trump reste encore vulnérable politiquement à un retournement conjoncturel. Le pari de Trump est donc très risqué dans la mesure où il a tout à perdre d’un retournement conjoncturel. Sa base électorale lui pardonnerait, tant elle est préoccupée par des sujets sociétaux qu’elle considère comme autrement plus fondamentaux que l’état de l’économie. Jamais cette base ne serait en mesure de faire confiance à une alternative. Mais cette base ne pèse que pour un tiers de l’électorat américain. L’autre partie de la coalition qui a mené Trump au pouvoir, qui comprend notamment des républicains qui n’apprécient pas particulièrement le personnage politique qu’incarne Donald Trump, mais qui reste satisfaite des bons résultats économiques, pourrait rester chez elle le jour de l’élection.</p>
<p>Or, on sait que compte tenu du fonctionnement du système électoral américain, on peut être élu avec 43 % de soutien de l’opinion publique, mais pas avec 33 %. C’est la raison pour laquelle un retournement conjoncturel pourrait compromettre les chances de réélection du président actuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jeremy Ghez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À moins d’un an de la prochaine présidentielle, les indicateurs sont au beau fixe, mais masquent une réalité plus complexe.Jeremy Ghez, Professor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1272852019-11-20T22:40:02Z2019-11-20T22:40:02ZComment la surenchère anti-élite imprègne la campagne présidentielle américaine<p>La publication, le 5 novembre dernier, du livre de Donald Trump Jr., <a href="https://www.centerstreet.com/titles/donald-trump-jr/triggered/9781546086031/"><em>Triggered : How the Left Thrives on Hate and Wants to Silence Us</em></a> (Hystériques : comment la gauche se nourrit de haine et veut nous faire taire), est venue alimenter le discours anti-élite dans une campagne présidentielle dont le contexte, marqué par une procédure de destitution en cours, est tout à fait inédit.</p>
<p>L’auteur affiche clairement l’ambition de son pamphlet : ce livre, proclame-t-il, est « le livre que les élites de gauche ne veulent pas que vous lisiez ». Outrancièrement polémique, l’ouvrage s’en prend aux Clinton, à l’ex-vice-président Joe Biden (actuellement en course pour l’investiture démocrate), au procureur Robert S. Mueller et à plusieurs autres représentants de l’élite intellectuelle et politique issue de la côte Est des États-Unis. Laissons de côté l’identité de l’auteur – exemple-type de la reproduction de classe – et analysons les soubassements de l’anti-élitisme américain.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/302251/original/file-20191118-66953-1sskmr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Donald Trump, Jr. pendant une séance de dédicace de son dernier livre, le 5 novembre 2019, dans une librairie de New York.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/centerstreetbooks/photos/a.3048311981849946/3048312155183262/?type=3&theater">Center Street</a></span>
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</figure>
<h2>Une critique qui ne date pas d’hier</h2>
<p>La critique de la dérive élitiste des États-Unis est un sujet déjà ancien, dont l’apogée se situe durant la guerre froide. La sociologie critique dénonçait alors la formation d’une « élite au pouvoir » (selon le titre d’un <a href="https://www.contretemps.eu/bonnes-feuilles-lelite-au-pouvoir-de-charles-wright-mills/">fameux ouvrage de Charles Wright Mills</a>) inféodée au complexe militaro-industriel et exerçant une influence colossale au détriment du traditionnel équilibre des institutions politiques américaines (<em>checks and balances</em>). Les limites de ce mythe d’une classe dirigeante socialement homogène, consciente de son statut et conspiratrice furent immédiatement mises en lumière par <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1965_num_15_1_392834">Raymond Aron</a> et <a href="https://www.amazon.co.uk/myth-ruling-class-translation-Paperbacks/dp/B0007DEL5K">d’autres</a> défenseurs du pluralisme démocratique.</p>
<p>Avec la crise financière de 2008 et l’essor des populismes, la critique de l’<a href="https://rowman.com/isbn/9780742553613/elite-foundations-of-liberal-democracy">élitisme démocratique</a> renaît de ses cendres. Lors des primaires puis de la campagne présidentielle de 2016, le retour en force de la rhétorique anti-élite avait donné lieu à une surenchère féroce entre républicains et démocrates. Donald Trump, d’un côté, et Bernie Sanders, de l’autre, en avaient fait un argument majeur contre la candidature d’Hillary Clinton. Le premier lui reprochait d’incarner l’élite mondialisée faisant primer son intérêt de classe sur celui du peuple américain, et qualifiait notamment la Fondation Clinton d’<a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/08/22/97001-20160822FILWWW00152-trump-reclame-la-fermeture-de-la-fondation-clinton.php">entreprise la plus corrompue de l’histoire politique</a>. Le second dénonçait la proximité de sa concurrente démocrate avec les <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-soc-070513-075314?journalCode=soc">« 1 % »</a> de super-riches toujours enclins à accroître leur puissance financière au détriment des classes moyennes et populaires. À travers la mobilisation des réseaux sociaux et, en particulier, l’utilisation outrancière de tweets facilitant l’anathème, la dénonciation de l’élitisme est devenue une arme politique majeure – une arme qu’une partie de la droite républicaine et de la gauche démocrate emploie de nouveau aujourd’hui.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"781619038699094016"}"></div></p>
<h2>Anti-élitisme de gauche…</h2>
<p>Aujourd’hui encore, la critique s’est cristallisée du côté des démocrates, dans le prolongement du mouvement urbain <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/06/07/occupy-wall-street-le-retour_4940168_3222.html">Occupy Wall Street</a>. Certains des candidats à la présidentielle de 2020 comme Bernie Sanders et, plus récemment, Elizabeth Warren continuent de faire usage de l’argument anti-élite d’un point de vue purement économique. Ils attaquent d’une même voix le président Trump en dénonçant sa collusion avec le pouvoir d’une oligarchie économique qu’ils considèrent comme la principale bénéficiaire de sa politique de <a href="https://www.thebalance.com/tax-cuts-definition-types-and-how-they-work-3306328">« tax cuts »</a>. Outre son rôle majeur dans l’accroissement des inégalités sociales, cette élite ploutocratique serait dotée, via le mécanisme du financement des campagnes électorales, d’un pouvoir d’influence démesuré. Les décisions successives de la <a href="http://www.ncsl.org/research/elections-and-campaigns/campaign-finance-and-the-supreme-court.aspx">Cour Suprême sur la dérégulation du financement des campagnes électorales</a> abondent dans le sens de la critique avancée par ces démocrates.</p>
<p>L’enjeu des prochaines élections serait dès lors de libérer la démocratie américaine de l’emprise de cette oligarchie financière et de redistribuer les richesses que celle-ci a injustement accaparées. La gauche démocrate propose ainsi la réorientation des impôts vers les « milliardaires », la suppression de la dette contractée par les étudiants pour financer leurs études universitaires, ou encore la création d’un programme public d’assurance maladie universelle (<a href="https://www.healthline.com/health/what-medicare-for-all-would-look-like-in-america">Medicare for All</a>).</p>
<h2>… et anti-élitisme de droite</h2>
<p>Du côté des républicains, la rhétorique anti-élite a une dimension plus culturelle. Elle trouve son origine dans les conflits autour du mouvement des droits civiques et de la protestation contre la guerre du Vietnam, quand les élites intellectuelles et médiatiques ont <a href="https://www.the-american-interest.com/2012/12/12/war-and-the-intellectuals/">traité par le mépris les sentiments patriotiques de la majorité silencieuse des citoyens américains</a>. Ce sentiment culturel, <a href="https://www.jstor.org/stable/20446425?seq=1#page_scan_tab_contents">initié par Richard Nixon, a été entretenu par Ronald Reagan et les deux présidences Bush</a>, tout comme par la plupart des candidats républicains à l’élection suprême. Ce répertoire politique ciblant les élites progressistes démocrates fut relativement payant.</p>
<p>Aujourd’hui, l’anti-élitisme républicain cherche à durcir l’opposition entre, d’une part, l’Amérique des grandes métropoles mondialisées dont Washington est l’épicentre et, d’autre part, l’Amérique oubliée des territoires périphériques, notamment ceux ayant subi une forte désindustrialisation (<a href="http://hdea.paris-sorbonne.fr/node/172"><em>rust belt</em></a>). Il fut un temps porté par le mouvement du <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02156275"><em>Tea Party</em></a> qui dénonçait le rôle des élites washingtoniennes dans la crise fiscale et les coûteux programmes de l’Administration Obama. La réforme d’extension de la couverture maladie en direction des citoyens les plus démunis, qualifiée d’<em>Obamacare</em>, incarnait tout particulièrement, <a href="https://www.nytimes.com/2009/09/13/us/politics/13protestweb.html">aux yeux de ce mouvement</a>, la mise en œuvre du « big government ». Une fois élu président, Donald Trump a concrétisé cette critique en <a href="https://journals.openedition.org/ideas/4153">s’attaquant frontalement à cette réforme</a>.</p>
<p>Pour marquer son leadership populiste, Donald Trump a systématisé la dénonciation le rôle négatif de l’<em>establishment</em> washingtonien. Historiquement nourri par les grandes universités de la côte Est, l’« entre-soi » de ces élites corrompt, selon lui, encore et toujours l’État fédéral. Un <a href="https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-trump-le-deep-state-se-rebiffe">« deep state »</a> se serait ainsi constitué, avec la bénédiction des médias, à partir d’une alliance entre bureaucrates, experts des politiques publiques et politiciens démocrates. Ce « deep state » aurait la capacité de bloquer toutes les initiatives politiques du président, mues par son désir de défendre l’Amérique. Dans cette même perspective, le résultat des élections de mi-mandat de novembre 2018, qui ont donné la majorité à la Chambre des Représentants aux démocrates, aurait favorisé l’élargissement dudit « deep state » au Congrès.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1185029472132698113"}"></div></p>
<h2>L’anti-élitisme contre le pluralisme ?</h2>
<p>Donald Trump Jr. peut ainsi dénoncer, à court terme, la procédure de destitution initiée par Nancy Pelosi, présidente démocrate de la Chambre de Représentants. Le déclenchement de cette procédure ne serait selon lui rien d’autre que la manifestation du complot fomenté par les élites ancrées au plus haut niveau de l’État. Le choix de cette procédure serait un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/02/procedure-de-destitution-donald-trump-denonce-un-coup-d-etat_6013854_3210.html">« coup d’État »</a> de ces élites qui contestent sa légitimité démocratique. </p>
<p>À moyen terme, Donald Trump Jr. et ses <em>spin doctors</em> – l’auteur de <em>Triggered</em> n’a pas de fonction officielle mais il s’affirme dans l’équipe des conseillers de son père et <a href="https://www.thedailybeast.com/donald-trump-jr-says-hes-thinking-about-running-for-office">s’autorise à penser à un engagement politique futur</a> – mettent en place une arme de campagne efficace contre le futur challenger démocrate de son père, quel qu’il soit : Joe Biden aura, en effet, bien du mal à se dissocier de l’héritage des Clinton et de Barack Obama ; Elizabeth Warren devra faire oublier sa condition de professeur de droit de la très élitiste université d’Harvard ; enfin, Bernie Sanders, réélu au Congrès depuis 1991, passera pour un représentant de la vieille classe politique attachée à ses fonctions électives.</p>
<p>Dans cette guerre des anti-élitismes, il est à craindre que les fondements pluralistes de la démocratie américaine posés par les pères fondateurs de la Constitution soient en passe d’être ébranlés. En effet, si chaque opinion provenant des « élites » est systématiquement dénigrée et rejetée, ce pluralisme tant vanté sera significativement affaibli.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127285/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La campagne électorale américaine est marquée par la résurgence d’un discours anti-élite porté aussi bien par le camp de Donald Trump que par plusieurs de ses adversaires démocrates.William Genieys, Directeur de recherche CNRS au CEE à Sciences Po, Sciences Po Larry Brown, Professeur invité au Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), Sciences Po, Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1242942019-09-29T18:46:26Z2019-09-29T18:46:26ZTrump : le scénario du pire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/294508/original/file-20190927-185399-1u1s38e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Trump est désormais dans une posture délicate en cas de non soutien de certains républicains. </span> <span class="attribution"><span class="source">Saul Loeb/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Tout est allé très vite. Certainement même trop vite pour que tout le monde suive et comprenne que le moment est grave et sérieux : le président des États-Unis, soupçonné d’avoir demandé au président ukrainien <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/25/donald-trump-a-bien-demande-au-president-ukrainien-d-enqueter-sur-son-rival-politique-joe-biden_6013019_3210.html">d’enquêter</a> sur son adversaire dans la course à Maison Blanche, Joe Biden, risque désormais la destitution.</p>
<p>Jamais encore dans l’Histoire du pays un président n’a été destitué.</p>
<h2>Une procédure rarissime</h2>
<p>La procédure de l’impeachment, cette mise en accusation formelle par le Congrès, s’applique à tous les hauts dignitaires de l’État mais seuls quelques juges ont été destitués à ce jour.</p>
<p>Le droit de destituer des fonctionnaires et des élus est garanti par la <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/us1787.htm">Constitution des États-Unis</a> aux paragraphes 2 et 3 de l’article I, qui traitent de cette procédure, et au paragraphe 4 de l’article II, qui indique les motifs de la destitution : « Le président, le vice-président et tous les officiers civils des États-Unis seront démis de leurs fonctions pour trahison, corruption ou autres crimes et délits graves. »</p>
<p>Depuis 1797, la Chambre des représentants a mis en accusation 19 personnalités fédérales : deux présidents, un membre du gouvernement, un sénateur, un juge de la Cour suprême et quatorze autres juges fédéraux des Cours inférieures.</p>
<p>Deux cas n’ont pas été jugés parce que les individus avaient quitté leurs fonctions, sept ont été acquittés et huit hautes personnalités ont été condamnées, tous juges. Pour les deux restants, la procédure n’est pas allée à son terme.</p>
<p>La rareté de la procédure la rend solennelle.</p>
<p>Personne aux États-Unis ne prend donc à la légère ce qui arrive à Donald Trump : c’est une épreuve et il faut le comprendre comme tel. Désormais, tout peut arriver, y compris le pire.</p>
<h2>Le ciel américain s’obscurcit</h2>
<p>Le plus étonnant, certainement, est de constater que beaucoup de commentaires autour de tout cela s’appliqueraient plus volontiers à un événement moins dramatique. Mais ne nous y trompons pas. Car si certains croient y voir un cirque joyeux et désorganisé, on est véritablement entré dans une séquence extrêmement instable et grave pour le pays.</p>
<p>L’Histoire s’écrit sous nos yeux et personne ne peut en annoncer le dénouement.</p>
<p>Le décalage est grand avec la décontraction affichée par Donald Trump, qui continue à tweeter à tout va et à dénoncer avec la même énergie ; son intérêt, désormais, est de préparer sa défense. Car bientôt, peut-être, il sera face à ses juges.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JidPpCH69zE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Trump se défend après la procédure de destitution enclenchée par les démocrates.</span></figcaption>
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<p>À ce jour, on compte 221 représentants au Congrès qui se déclarent favorables à l’impeachment. Cela signifie que la procédure peut être poursuivie et que la mise en accusation peut être formellement votée : il faut en effet atteindre le nombre de 218 représentants pour obtenir une majorité en faveur de la destitution.</p>
<p>On y est donc.</p>
<h2>Un vote politique</h2>
<p>À partir de maintenant, les commentaires qui se sont multipliés ces derniers jours peuvent tous être effacés : ils avaient porté sur « l’affaire », c’est-à-dire les révélations sur la conversation entre Donald Trump et son homologue ukrainien au sujet de Joe Biden, et discuté le bien-fondé d’une mise en accusation avec autant d’arguments juridiques que de simple bon sens.</p>
<p>La Maison Blanche avait d’ailleurs répondu sur le même ton, avec un <a href="https://abcnews.go.com/Politics/trump-calls-report-promise-foreign-leader-prompted-intel/story?id=65719390">argumentaire</a> qui frisait parfois la mauvaise foi la plus sournoise, mais qui tendait à expliquer que l’intention que certains y voyaient était certes déplacée, voire très limite, ou plus, mais qu’il n’y avait rien d’illégal.</p>
<p>Désormais, cette conversation n’est plus celle qu’il faut avoir : car l’impeachment est un acte politique et non juridique. Il est déclenché par la Chambre en réponse à la violation de la Constitution ou pour punir des cas extrêmes, comme la corruption ou la trahison. Mais il peut être déclenché aussi « pour toute autre raison grave » selon les mots de la Constitution, ce qui en bon français signifie « pour tout et n’importe quoi ».</p>
<p>Seule la conscience de chaque représentant au Congrès va compter désormais : ce sont eux qui décideront et ils n’ont aucune justification à donner.</p>
<p>Un président n’a donc même pas besoin d’être reconnu coupable d’un crime pour être destitué.</p>
<p>En 1999, alors que la procédure venait de prendre Bill Clinton dans ses filets, les républicains expliquaient que la destitution vise à rétablir l’<a href="https://edition.cnn.com/ALLPOLITICS/stories/1998/12/19/impeachment.01/">honneur et l’intégrité de la fonction</a> : « L’Amérique peut prendre beaucoup, mais un président traître n’est pas l’un d’eux. Mettons fin à ce cauchemar national. »</p>
<h2>Le soutien indéfectible des républicains</h2>
<p>Fort heureusement, se disent les supporters de Donald Trump les plus fervents, les sénateurs républicains vont le soutenir quoiqu’il arrive : c’est vrai qu’on est dans un pays divisé et c’est vrai que les deux camps politiques ne se parlent plus et semblent se haïr, chaque camp faisant le contraire de l’autre.</p>
<p>Mais la politique obéit aussi à des règles qui prennent parfois des détours. L’intérêt immédiat des sénateurs est de conserver à la Maison Blanche cet homme dont ils ne voulaient pas durant la dernière campagne, au point de créer un comité <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/2019/08/06/disappearance-never-trump-republican/">« Jamais Trump »</a>. Il a conquis le pouvoir seul contre tous et est devenu le capitaine de leur navire. Depuis, ils le suivent fidèlement et sans faille, ou presque.</p>
<p>Les lézardes, pourtant, n’ont pas tardé à se former : Mitt Romney s’est dit « profondément troublé » après la lecture du mémo résumant la conversation entre Trump et Zelensky.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294510/original/file-20190927-185383-1iusddm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mitt Romney sera-t-il prêt à se placer en opposition frontale à Donald Trump ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mandel Ngan/AFP</span></span>
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</figure>
<p>Plusieurs autres sénateurs républicains ont cherché à éviter les journalistes, refusant de commenter et ne pouvant cacher leur gêne.</p>
<p>De nombreux élus républicains à travers le pays ont ouvertement signifié leur désapprobation.</p>
<p>Le soutien indéfectible des républicains ne l’est peut-être plus autant que cela et sera donc soumis aux aléas des prochaines révélations et de l’enquête.</p>
<h2>La campagne va-t-elle basculer ?</h2>
<p>Car il ne faut pas oublier aussi qu’on est en campagne aux États-Unis. Les élus républicains ont besoin d’une locomotive forte et dynamique, et Donald Trump la personnifiait parfaitement jusqu’à présent.</p>
<p>La procédure en cours pourrait changer la donne : dans les États ou les districts un peu plus fragiles, ceux qu’on appelle des swing-states ou des swing-districts, où la majorité ne se dégage pas clairement entre démocrates et républicains, beaucoup d’élus vont subitement se retrouver en grand danger de ne pas être réélus.</p>
<p>Ils deviendront du même coup le cauchemar de Donald Trump, qui sait qu’il ne pourra plus compter sur eux avec certitude. Combien seront-ils ? Combien y aura-t-il de sénateurs dans le nombre ? C’est la réponse à ces questions qui permettra de répondre aussi sur le sort qui attend Donald Trump.</p>
<p>Mais, même s’il parvient à colmater les fuites qui apparaîtront un peu partout, le président-sortant va se confronter à un autre danger : en politique, le vide n’existe pas.</p>
<p>Or, s’il s’affaiblit et qu’il est trop occupé à organiser sa défense, le président des États-Unis devenu accusé va délaisser le terrain politique, ouvrant un nouvel espace à des ambitieux qui rongeaient leur frein : l’un ou l’une d’entre eux pourrait alors être attiré par la lumière et se lancera dans l’arène, profitant de la brèche qui se sera ouverte et créant un front qui peut être destructeur pour la campagne de Donald Trump.</p>
<p>On pense bien entendu à Mitt Romney, qui <a href="https://www.nytimes.com/2019/09/26/us/politics/republicans-mitt-romney-trump-impeachment.html">attend patiemment qu’une porte s’ouvre à nouveau</a>, mais on aperçoit aussi, derrière lui, Ted Cruz, Marco Rubio, et tant d’autres encore…</p>
<h2>Après moi, le déluge</h2>
<p>Ce n’est pas que de la politique-fiction, car tout va très vite dans une campagne, et, surtout, tout y est possible. Mais le pire n’est pas là.</p>
<p>Non, le pire reste à venir pour celui qui est désormais accusé : le vote est donc politique ; il l’est à la Chambre et l’est tout autant au Sénat.</p>
<p>Celui-ci, réuni en tribunal pour organiser le procès du président, ne se prononcera pas non plus en Droit, mais bien sur des motifs qui parfois sont très éloignés des considérations juridiques.</p>
<p>La subtilité de cette procédure, dans le cas précis du président, est qu’elle ne concerne que l’homme. Car la fonction n’en sera pas affectée : les Pères fondateurs ont prévu ce cas et ont assuré la continuité au sommet de l’État. Il n’y aura pas de vacance du pouvoir, pas de nouvelles élections, pas de chaos, pas d’hystérie.</p>
<p>En cas de destitution, le nouveau président sera intronisé immédiatement : il s’agit du vice président, <a href="https://www.irishtimes.com/news/world/us/donald-trump-and-mike-pence-tensions-at-the-top-1.4017062">Mike Pence</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/294511/original/file-20190927-185369-z4n6gp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mike Pence succédera à Trump si ce dernier est destitué.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stephanie Keith/AFP</span></span>
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</figure>
<p>On parle bien du chef de file des conservateurs, qui possède de nombreux amis et relais dans le Sénat, dont il est actuellement le président de par sa fonction de vice-président des États-Unis.</p>
<p>Comment Donald Trump pourra-t-il s’assurer qu’il n’y aura pas quelques sénateurs républicains à qui viendrait cette idée saugrenue de voter en faveur de sa destitution, juste pour mettre en place un président qui correspond en tout point à l’idéal qu’il se font de l’occupant du Bureau ovale ?</p>
<p>Le danger est donc désormais partout pour Donald Trump. Et le pire des scénarios est devenu crédible. Les démocrates ont appuyé sur le bouton auquel il ne faut pas toucher : il ne s’imaginaient certainement pas que les conséquences pourraient devenir aussi extrêmes. On est désormais en terre inconnue.</p>
<p>Il reste aussi un espoir pour Donald Trump, en particulier parce qu’on est en période électorale : en cas de destitution, rien ne dit dans la Constitution qu’il n’a pas le droit de se représenter.</p>
<p>Le juge <a href="https://www.senate.gov/artandhistory/history/common/briefing/Impeachment_Hastings.htm">Alcee Hastings</a> a été élu membre de la Chambre des représentants des États-Unis après avoir été démis de ses fonctions.</p>
<p>Or, Donald Trump a toujours un atout dans sa manche : il a le soutien écrasant des électeurs républicains. Ce n’est pas rien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124294/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La procédure de destitution déclenchée par les démocrates met la pression sur les républicains qui soutiennent Donald Trump. Le président américain traverse une réelle épreuve politique.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1241662019-09-25T06:36:05Z2019-09-25T06:36:05ZL’impeachment s’invite dans la course à la présidentielle américaine : que risque Donald Trump ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/293973/original/file-20190925-51438-15lhwmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C1024%2C676&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Donald Trump a bien l'intention de combattre la procédure de destitution. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/bc35b836-0675-4fe2-832f-bd959cd4fd60">Michael Vadon</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À 17h à Washington et 23h à Paris, mardi 24 septembre 2019, Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, est venue faire une courte déclaration.</p>
<p>Elle a expliqué que le président des États-Unis, <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20190924.OBS18872/les-revelations-sur-de-potentielles-pressions-de-trump-sur-l-ukraine-relancent-la-menace-de-destitution.html">soupçonné d’avoir demandé au président ukrainien d’enquêter sur son rival politique Joe Biden</a>, n’avait pas respecté pas la Constitution et a ajouté qu’une <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/24/les-democrates-annoncent-l-ouverture-d-une-enquete-en-vue-d-une-destitution-de-trump_6012914_3210.html">enquête était lancée</a> contre Donald Trump.</p>
<p>Tout cela peut-il conduire à un impeachment ?</p>
<h2>Un impeachment, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>La procédure de mise en accusation, ou « impeachment », du Président ou d’un autre officiel est <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/05/18/impeachment-d-un-president-que-prevoit-la-constitution-americaine_5129537_4355770.html">prévue dans la Constitution américaine</a> et comporte deux étapes : la Chambre des représentants doit d’abord voter pour l’impeachment, à la majorité simple, et un procès est ensuite organisé devant le Sénat.</p>
<p>La Chambre prend sa décision après une enquête, qui débouche sur un débat, puis il y a un vote auquel participent tous les membres de cette assemblée.</p>
<p>Quant à l’étape du Sénat, il s’agit bien d’un véritable procès, avec un jury composé de 100 sénateurs, un procureur composé de membres de la Chambre des représentants et un accusé qui se fait assister par l’avocat de son choix.</p>
<p>Ce procès est présidé par le vice-président des États-Unis, ou par le <a href="http://institutvilley.com/IMG/pdf/4-Baranger_definitif_-3.pdf">président de la Cour suprême</a> si la procédure concerne le président des États-Unis.</p>
<p>Pour condamner le président et obtenir sa destitution, il faut que les deux tiers du Sénat se prononcent contre l’accusé.</p>
<h2>Le cas Johnson</h2>
<p>La Constitution prévoit trois crimes : la trahison, la corruption ou « d’autres crimes et délits ».
Le problème est que ces « autres crimes et délits » ne sont pas définis et que toute interprétation devient donc possible. Il appartient à la Chambre des représentants de décider à chaque fois si une infraction justifie une mise en accusation.</p>
<p>C’est pourquoi on dit souvent que l’impeachment n’est pas uniquement une action légale, mais aussi une vraie arme politique.</p>
<p>À ce jour, les décisions ont toujours été mesurées et la définition couramment admise comprend les crimes de droit commun, l’abus de pouvoir et la violation de la confiance publique au sens le plus large.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=733&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293974/original/file-20190925-51452-3ti0g3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=922&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le président Andrew Johnson a été le premier visé par une procédure de destitution.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/3dbc7e5f-993f-41cd-b2e5-f9863a41ac3a">NPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://constitutioncenter.org/blog/marking-the-passing-of-maybe-the-most-criticized-president-ever">Président Johnson</a> en a fait les frais en 1868. Il a été le premier visé par un impeachment.</p>
<p>Johnson avait accédé au pouvoir dans les pires conditions, après l’assassinat d’Abraham Lincoln. Le Parti républicain s’était alors engagé en faveur de la reconnaissance des droits civiques pour les anciens esclaves, alors que l’esclavage venait tout juste d’être aboli par le <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20190924.OBS18872/les-revelations-sur-de-potentielles-pressions-de-trump-sur-l-ukraine-relancent-la-menace-de-destitution.html">13ᵉ amendement</a>.</p>
<p>Johnson était un homme de dialogue et souhaitait tendre la main aux États du Sud, en évitant toute humiliation. Pour les sudistes, cela comprenait bien entendu l’abandon de cette loi sur les droits civiques, dans un but de pacification nationale.</p>
<p>Mais le Congrès a adopté le <a href="https://blogs.parisnanterre.fr/content/sur-le-14%C3%A8me-amendement-%C3%A0-la-constitution-f%C3%A9d%C3%A9rale-des-etats-unis-commun%C3%A9ment-appel%C3%A9-%C2%AB-equal">14ᵉ amendement</a>, qui a donné aux noirs des droits élémentaires dans une démocratie en les mettant à égalité avec les autres citoyens, mais contre l’avis du Président.</p>
<p>Le climat est alors devenu électrique : lorsqu’Andrew Johnson a limogé son secrétaire à la Guerre, cette décision a suffi pour lancer une procédure d’impeachment.</p>
<p>Au total, la Chambre des représentants a trouvé 11 chefs d’inculpation et la mise en accusation a été votée, ouvrant la voie à la deuxième étape, celle du procès devant le Sénat.
Heureusement pour lui, Andrew Johnson a été acquitté. Mais il est passé à deux doigts de la destitution, car son acquittement a été obtenu… à une voix près !</p>
<h2>Le Watergate et l’affaire Lewinsky</h2>
<p>Depuis cette affaire, la procédure de l’impeachment n’a été déclenchée qu’à deux reprises contre un président des États-Unis.</p>
<p>Le deuxième cas touchant un locataire de la Maison Blanche remonte à 1974, dans le si célèbre épisode du Watergate. La Chambre des représentants avait ouvert une enquête et retenu trois chefs d’accusation contre le président, après le <a href="https://www.ina.fr/contenus-editoriaux/articles-editoriaux/le-scandale-du-watergate/">scandale</a> en 1972 du cambriolage des locaux du parti démocrate dans l’immeuble du Watergate à Washington.</p>
<p>On a reproché au président des financements irréguliers de campagne, un abus de pouvoir ou l’obstruction évidente à la justice. Mais Nixon a préféré démissionner, ce qui a stoppé la procédure.</p>
<p>En 1970, Gerald Ford, qui était alors député, a proposé une nouvelle définition des crimes pouvant conduire à un impeachment par « n’importe quelle action que la majorité de la Chambre des représentants considère comme grave », consacrant ainsi le caractère politique de cette action.</p>
<p>Intervient ensuite l’<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-06-juin-2018">affaire Lewinsky</a>, qui a concerné Bill Clinton en 1999.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293975/original/file-20190925-51425-lzq89l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La présidence Clinton avait été entachée par l’affaire Lewinsky.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/f86bbd83-275a-4d55-a0ef-a9971787e45d">evan.guest</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Aucune tentative de faire pression sur qui que ce soit n’est à déplorer ici, ni même un abus de pouvoir : un procureur indépendant, Kenneth Starr, avait été nommé pour enquêter sur une affaire immobilière douteuse remontant au temps où il était gouverneur de l’Arkansas.</p>
<p>Au fil de son enquête, ce procureur a fini par mettre en évidence une relation extra-conjugale du président avec une stagiaire de la Maison Blanche. Bill Clinton a choisi de nier les faits devant le procureur indépendant, ce qui revient à un parjure en justice.</p>
<p>À la fin de l’année 1998, la mise en accusation du président a été votée et comprenait deux chefs d’inculpation : le parjure devant le grand jury et l’obstruction à la justice. Le procès au Sénat s’est ouvert et a débouché sur un <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/01/01/affaire-lewinsky-bill-clinton-acquitte_3591195_1819218.html">acquittement de Bill Clinton</a> en janvier 1999 car la majorité des deux tiers n’a pas été atteinte.</p>
<h2>Les républicains comme meilleur rempart de Trump</h2>
<p>Les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2018/12/19/le-catalogue-de-scandales-de-donald-trump">révélations</a> qui se succèdent sans cesse et qui touchent le président des États-Unis depuis son élection sont certainement de nature à lui porter un véritable coup, notamment sur la question de son professionnalisme et du respect des intérêts de son pays.</p>
<p>La dernière affaire liée au président ukrainien est clairement l’une des plus sérieuses.</p>
<p>L’éventualité de conséquences plus lourdes sur un plan judiciaire reste néanmoins incertaine, même si l’acte d’accusation peut porter en réalité sur n’importe quel sujet et que les démocrates ne manquent pas, justement, de sujets en ce qui le concerne.</p>
<p>De manière générale, on a fini par comprendre que Donald Trump agit plus vite qu’il ne pense et <a href="https://www.c-span.org/video/?c4806760/joe-biden-calls-president-trump-erratic-impulsive">cette impulsivité le décrédibilise</a>. Sa naïveté à croire qu’il peut agir comme bon lui semble est déconcertante.</p>
<p>Mais de là à imaginer que les rebondissements successifs, fussent-ils très nombreux, pourraient aboutir, à terme, à une destitution, comme certains semblent l’envisager, n’est pas raisonnable et on s’engage sur la voie de la pure spéculation : Donald Trump ne sera certainement pas destitué et ne fera peut-être même pas l’objet d’un impeachment, parce que les républicains sont son meilleur rempart.</p>
<p>Aujourd’hui, Donald Trump n’est pas que leur président, il est leur « champion ».</p>
<p>Les adversaires de Trump savent bien que sa base électorale est plus solide que du béton et c’est bien cela leur problème : la côte générale de Trump n’a ainsi quasiment pas bougé pas depuis le 8 novembre 2016 et on a même relevé une remontée ces derniers jours alors qu’il atteint désormais <a href="https://news.gallup.com/poll/248633/post-mueller-report-trump-approval-back-high.aspx">45 % de satisfaits</a>.</p>
<p>Surtout, sa cote d’amour reste incroyablement élevée auprès des électeurs républicains, environ 85 %, et elle est phénoménale auprès de ceux qui ont voté pour lui : 93 % réitéreraient le même vote aujourd’hui qu’aux précédentes élections.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293981/original/file-20190925-51434-h4j1op.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La base républicaine reste le meilleur soutien de Trump.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ccsearch.creativecommons.org/photos/9ed56f2b-c116-4f1b-8c13-8882d9e4d34b">Gage Skidmore</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Aucun élu républicain ne bougera donc le petit doigt avec de tels chiffres. Ce serait suicidaire politiquement. Quand on ajoute à ce tableau la perspective des élections législatives et sénatoriales de 2020, dont la campagne s’est déjà engagée en même temps que celle des présidentielles, on comprend que les élus préfèrent se faire très discrets.</p>
<p>Donald Trump va donc attaquer à son tour, comme il l’a fait moins de deux minutes après l’annonce de Nancy Pelosi, en <a href="https://www.nytimes.com/2019/09/24/us/politics/trump-un.html">expliquant qu’il est la victime d’une chasse aux sorcières indigne</a> et que les démocrates passent plus de temps à essayer de lui trouver des poux dans la tête plutôt que de travailler pour le bien des Américains, en proposant et en votant de nouvelles lois sur les armes, les infrastructures ou pour réformer le système de santé.</p>
<p>De tels arguments n’ont aucune chance d’émouvoir les militants ou les sympathisants démocrates, qui ne rêvaient que de ce moment depuis le 8 novembre 2016 ; en revanche, il n’est pas certain que les arguments de Trump ne fassent pas mouche auprès des indépendants, qui montraient déjà leur intérêt pour la campagne en cours et vont être déçus que l’actualité se concentre désormais sur les ennuis de Donald Trump et ses péripéties avec le Congrès.</p>
<p>C’est un drôle de pari politique que viennent de faire les démocrates, car personne ne sait qui va sortir gagnant d’un tel bras de fer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les démocrates ont annoncé le déclenchement d’une procédure de destitution contre Donald Trump. Que risque le président américain ?Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines (Paris 2 Panthéon-Assas), Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/885952017-12-04T21:06:08Z2017-12-04T21:06:08ZL’ombre de Flynn plane et inquiète la Maison Blanche<p>Beaucoup avaient oublié qu’il y a dans quelque recoin du pouvoir aux États-Unis un procureur spécial, Robert Mueller, qui enquête et poursuit son patient travail de démêlage d’une bobine vraiment très embrouillée, que l’on appelle « l’affaire russe » (<em>Russiagate</em>). Depuis près de deux ans, par petites ou grosses touches, les journaux ne cessent d’en distiller des épisodes. Mais ils sont parfois si différents les uns des autres, et les acteurs dans cette pièce sont si nombreux que peu de gens ont réussi à garder le fil de l’histoire.</p>
<p>D’ailleurs, les Américains, lorsqu’ils sont interrogés à ce sujet, se contentent d’émettre une opinion assez vague, mus par un sentiment qu’effectivement quelque chose n’est pas clair dans cette affaire, sans être forcément convaincus que leur président y est directement et personnellement impliqué. Jusqu’au début de ce mois, les partisans de Trump affirmaient toujours être fermement persuadés – à 75 % tout de même ! – que tout cela <a href="http://www.newsweek.com/trump-voters-want-him-white-house-even-if-russia-collusion-proved-poll-shows-697871">n’était qu’intox politique</a>. L’inculpation de Michael Flynn va-t-elle changer les choses ?</p>
<h2>Le début de la fin ?</h2>
<p>Lorsque ce dernier est entré, vendredi 1<sup>er</sup> décembre, dans le palais de justice fédéral à Washington pour conclure un accord impliquant sa totale coopération avec les enquêteurs, les adversaires les plus farouches de Trump ont immédiatement considéré que cet épisode marquait le début de la fin de sa présidence. L’affaire russe n’est-elle pas, en effet, le meilleur moyen d’atteindre le Président ? A leurs yeux, Flynn pourrait bien se révéler être l’homme qui permettra d’abattre celui qui semblait jusqu’ici indestructible.</p>
<p>Depuis la <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/10/31/qui-est-robert-mueller-ce-procureur-que-donald-trump-ne-peut-pas-se-risquer-a-virer_a_23261754/">nomination de Robert Mueller</a> à la tête d’une enquête indépendante, ces opposants n’ont jamais douté que Trump finirait en prison. Le magistrat recueille patiemment ses preuves, auditionne les témoins, perquisitionne, se fait communiquer de grandes quantités de documents, y compris de la part de la Maison Blanche. Il prend soin de faire valider ses progrès par le <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/08/04/un-grand-jury-convoque-sur-les-liens-du-clan-trump-avec-la-russie_5168601_4853715.html">grand jury qu’il a constitué</a> et et qui l’autorise à chaque fois à poursuivre un peu plus loin son enquête.</p>
<h2>La possibilité d’un <em>impeachment</em></h2>
<p>Les relations entre la Russie et les États-Unis sont au centre de cette interminable enquête visant à déterminer si le Kremlin a interféré dans le processus démocratique américain en tentant de modifier le résultat des élections présidentielles, et si la campagne de Donald Trump a été impliquée dans cet éventuel scandale. Plusieurs proches du 45<sup>e</sup> président sont régulièrement cités dans ce dossier. Certains ont même déjà été inculpés, comme <a href="http://www.lepoint.fr/monde/ingerence-russe-l-ancien-directeur-de-campagne-de-trump-inculpe-30-10-2017-2168591_24.php">Paul Manafort</a>, l’éphémère directeur de campagne du candidat Donald Trump au début de l’été 2016.</p>
<p>Au vu de la proximité avec l’actuel président de tous ces hommes placés dans le viseur de la justice, nombre d’observateurs estiment élevée la possibilité que le locataire de la Maison Blanche puisse lui-même être emporté dans la tourmente via une procédure d’<a href="https://theconversation.com/donald-trump-et-le-spectre-de-l-impeachment-77962">« impeachment »</a>, prévue par la Constitution.</p>
<p>Avec l’inculpation de Manafort, Robert Mueller détenait déjà un très gros poisson dans ses filets, mais cela semblait ne pas suffire. Avec Michael Flynn qui, rappelons-le, a occupé le poste de ministre à la Sécurité intérieure au sein du gouvernement de Donald Trump, l’étau s’est singulièrement resserré et il n’y a plus beaucoup de monde au-dessus de Michael Flynn dans la hiérarchie du pouvoir à la Maison-Blanche. L’accord de coopération qui lui a été proposé démontre pourtant que le procureur a des visées plus ambitieuses encore.</p>
<h2>Confusion générale</h2>
<p>Il n’est certes pas inconcevable que quelqu’un de très haut placé ait donné l’ordre ou l’autorisation à Flynn d’entrer en contact avec les Russes avant même l’élection de Donald Trump ou pendant la transition. Une telle démarche est totalement interdite en vertu de la <a href="https://www.law.cornell.edu/uscode/text/18/953">loi Logan</a>, qui exclut de négocier avec un gouvernement étranger, à moins d’en avoir reçu l’autorisation officielle de le faire. Flynn, qui a admis <a href="https://www.washingtonpost.com/apps/g/page/politics/read-the-charge-against-former-national-security-adviser-michael-flynn/2263/?tid=a_inl">avoir menti au FBI</a> – ce qui est un délit grave –, est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans derrière les barreaux.</p>
<p>Reste à savoir qui est cet autre gros poisson que Robert Mueller voudrait bien attraper dans son filet. Brian Ross, un journaliste vedette de la chaîne ABC, a pris un peu rapidement pour argent comptant des informations fragiles qui lui ont été communiquées à ce sujet, désignant le président en personne. Sa chaîne l’a <a href="https://www.nytimes.com/2017/12/02/us/brian-ross-suspended-abc.html">mis à pied pour quatre semaines</a> pour manque de déontologie et de retenue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"937707389117231104"}"></div></p>
<p>Mais la confusion est devenue générale lorsque Donald Trump a tweeté lui-même qu’il avait renvoyé Michael Flynn parce que ce dernier… avait menti au FBI. Personne n’a oublié les déclarations sous serment de James Comey. L’ancien directeur du FBI a assuré que, <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/aerique-nord/james-comey-le-chef-du-fbi-limoge-par-donald-trump_1906855.html">juste avant d’être limogé</a>, le président lui avait demandé expressément de ne pas poursuivre son ministre.</p>
<h2>Échange musclé sur Twitter</h2>
<p>Il n’en fallait pas plus à <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Walter_Shaub">Walter Shaub</a>, l’ancien directeur de la Commission d’éthique du gouvernement, pour s’en prendre à son tour à Donald Trump, lui aussi à travers des messages postés sur Twitter. L’échange a été musclé, et Donald Trump a fini par répondre qu’il n’avait jamais demandé à James Comey d’interrompre son enquête sur le général Flynn.</p>
<p>Reste que désormais, même en considérant que Robert Mueller ne détient aucun élément permettant de faire le lien entre le président des États-Unis et l’affaire russe, le procureur dispose à présent d’un motif pour auditionner Donald Trump en raison d’une suspicion d’obstruction à la justice.</p>
<p>L’affaire est donc très loin d’être terminée. Et tandis que Trump continue à parler de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/18/donald-trump-denonce-une-chasse-aux-sorcieres-et-dement-tout-lie_a_22098127/">« chasse aux sorcières »</a>, ses opposants se reprennent à espérer cette destitution qu’ils appellent de leurs vœux depuis le premier jour de sa présidence. Encore une fois un peu trop vite, d’après l’avocat personnel de Donald Trump, John Dowd, qui fait une interprétation totalement inédite de la Constitution et affirme que son client ne peut pas être accusé d’obstruction à la justice puisqu’il est « le garant de la justice » d’après l’Article II. l’argument est hardi. Qu’en pensera le procureur Mueller ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/88595/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Lorsque Michael Flynn est entré dans le palais de justice à Washington, les opposants les plus farouches en ont immédiatement déduit que cet épisode marquait le début de la fin pour Trump.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/791582017-06-08T18:07:56Z2017-06-08T18:07:56ZAffaire du FBI : Donald Trump a encore gagné<p>« Que va-t-il se passer aujourd’hui à Washington ? » Telle était la question que tout le monde se posait ce matin aux États-Unis. Pour y répondre, il fallait s’intéresser à l’homme du jour : James Comey. En réalité, c’est sa quatrième heure de gloire dans les médias. La première remontait à juillet 2016, lorsqu’il est apparu en pleine lumière pour indiquer qu’il mettait fin à l’enquête sur la fameuse affaire des emails, ce feuilleton qui a empoisonné la campagne d’Hillary Clinton et auquel personne ne comprenait plus rien.</p>
<p>On a toutefois compris que cette annonce était importante car le candidat républicain, Donald Trump, s’est aussitôt déchaîné contre lui, tweetant : « C’est très très injuste ! ». Avant de se raviser et de prétendre que le directeur du FBI aurait affirmé que « l’attitude d’Hillary Clinton a été une honte et un profond embarras pour notre pays ». Ce qu’il n’a jamais dit.</p>
<p>Il faut reconnaître que cette affaire arrangeait bien Donald Trump et la fin de l’enquête tombait bien mal, à quelques semaines de l’ouverture de la campagne électorale officielle. Fort heureusement pour lui, les astres étaient de son côté et, incidemment, le directeur du FBI aussi, même s’il ne l’a pas réellement voulu : la deuxième intervention publique de James Comey n’est pas passée inaperçue quand, <a href="http://www.politico.com/story/2016/10/fbi-reopens-clinton-e-mail-server-investigation-230454">à 11 jours du scrutin présidentiel, il a annoncé qu’il rouvrait l’enquête</a> « suite à des faits nouveaux ». Cette simple remarque, bien anodine hors campagne, a été dévastatrice. Hillary Clinton a elle-même affirmé, fin avril, que cette intervention avait provoqué sa défaite.</p>
<h2>Digne de la finale du Super Bowl</h2>
<p>Or, le 9 mai, Donald Trump <a href="http://www.la-croix.com/Monde/%C3%89tats-Unis-tempete-Washington-limogeage-chef-FBI-2017-05-10-1300845912">a limogé ce même James Comey</a>, braquant soudainement sur lui les projecteurs pour la troisième fois. Les Américains ont appris à connaître ce haut fonctionnaire qu’il était totalement inconnu avant cette affaire : son renvoi a été beaucoup commenté, et c’est bien sur ce limogeage que la Commission d’enquête du Sénat est revenue ce 8 juin. Toutes les télévisions ont déployé un dispositif digne du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Super_Bowl">Super Bowl</a>, la finale du championnat de football américain, pour savoir si leur Président avait bien viré cet homme pour empêcher une enquête fédérale.</p>
<p>Depuis plusieurs jours, on a aussi assisté à une concurrence féroce entre le <em>Washington Post</em> et le <em>New York Times</em>, pour être le premier journal à dévoiler les dessous de l’affaire qui pouvait bien être celle du siècle.</p>
<p>Il y a aussi eu une forte concurrence chez les « fuiteurs », des anonymes – certainement des fonctionnaires ayant accès à des documents liés à cette affaire, et qui se sont livrés à une course effrénée pour être le premier ou la première à les communiquer aux journaux. Sur <em>Twitter</em> ou <em>Facebook</em>, des spécialistes ont multiplié les posts pour annoncer la chute inéluctable.</p>
<h2>Toujours prêt à tweeter</h2>
<p>Dans une déposition liminaire, publiée le 7 au soir, James Comey a fait connaître ses principaux arguments. Il a raconté comment Donald Trump lui avait demandé d’enterrer une enquête en cours. Est-ce grave ? Oui, bien entendu, puisqu’on parle d’obstruction de justice de la part du président des États-Unis et que beaucoup <a href="http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/impeachment-vers-une-destitution-de-donald-trump_2227769.html">évoquent désormais une possible destitution</a>. Mais il reste à prouver cette obstruction et, surtout, à prouver l’intention malicieuse (c’est le droit américain qui le stipule) – ce qui n’est pas si simple.</p>
<p>Dans les révélations publiées la veille, James Comey avait pris soin de ne pas accuser directement le Président du moindre crime, préférant s’en tenir à l’exposé des faits et laissant à d’autres le soin de qualifier son attitude. Il s’agit-là davantage de politique que de pénal.</p>
<p>Les opposants au Président considèrent que ce dernier ne connaît rien à la politique, qu’il est un businessman égaré dans un monde qui n’est pas le sien et qu’il est temps de mettre fin à ce mandat indigne. Pour eux, Trump est incontrôlable et agit toujours dans l’excès. Il est prêt à dire tout et n’importe quoi, voire à le tweeter – ce qui semble bien pire.</p>
<h2>Parole contre parole</h2>
<p>Les sénateurs se sont intéressés au fond de l’affaire et ont voulu connaître les détails des conversations entre James Comey et Donald Trump : le Président aurait donc exigé de la loyauté de la part du directeur du FBI, alors que celui-ci est censé être indépendant du pouvoir ? Oui, mais, où sont les preuves ? On est logiquement, et comme on s’y attendait, retombé dans le « parole contre parole », même si Comey a dit d’un air grave que le président Obama ne lui avait jamais demandé la moitié de ce que Trump a osé exiger de lui…</p>
<p>Il reste que James Comey a été renvoyé alors qu’il devait rester en place pour dix ans, sauf faute très grave. <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Apprentice:_You%27re_Fired!">« You’re fired ! »</a> : ces mots ont résonné très fortement dans la tête des Américains car ils ont entendu Donald Trump les prononcer bien souvent, du temps où il produisait une <a href="https://theconversation.com/donald-trump-ou-le-president-de-la-tele-realite-68622">émission de télé-réalité</a>. C’est peut-être pour cela qu’il y avait tant de monde devant son poste : réalité et télé-réalité se sont télescopées.</p>
<p>La présidence américaine actuelle semble scénarisée comme une saison inédite de <em>House of Cards</em>. Connaître le fond de l’affaire est, en définitive, un peu secondaire pour ce public, ou pour ces sénateurs qui ont voulu savoir pourquoi cet homme censé représenter la justice et sa puissance avait peur de rester seul dans une pièce avec Trump. D’ailleurs, James Comey a lui-même admis que le Président n’avait pas besoin de motif pour le limoger. On a alors compris à ce moment-là que tout cela était une mascarade, un grand jeu politique, et que chaque camp essayait de marquer des points contre l’autre, en vue des prochaines élections certainement.</p>
<h2>« Un grand garçon qui sait se défendre… »</h2>
<p>James Comey était bien seul au milieu de cette partie, soutenu par des hommes et femmes (démocrates) qui détestent Trump accusé d’avoir volé la présidence à leur championne, et d’autres (les Républicains) qui ne lui veulent pas du bien et le détestent parce qu’il s’en prend à leur champion.</p>
<p>Qu’est-il donc allé faire dans cette galère ? Le sénateur républicain <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jim_Risch">Jim Risch</a> l’a crucifié sur place lorsqu’il lui a demandé si quelqu’un avait déjà été condamné pour avoir « espéré » quelque chose. Ce faisant, il visait directement le corps du délit, cette phrase controversée de Donald Trump qui, selon l’ex-patron du FBI, aurait « espéré que l’enquête sur Flynn s’arrête… ». La sénatrice démocrate <a href="https://www.google.fr/search?q=dianne+feinstein&ie=utf-8&oe=utf-8&client=firefox-b&gfe_rd=cr&ei=PXk5We_ED4f38AeJ2oLQDg">Dianne Feinstein</a> lui a fait remarquer juste après qu’il était « un grand garçon et qu’il savait « se défendre »… La messe était dite.</p>
<p>Et Donald Trump ? Il aura lui aussi pris quelques coups, car c’est le jeu. Mais, au final, il s’en sort avec une belle victoire qu’il n’aurait pas espérée il y a seulement quelques jours : James Comey a en effet reconnu qu’aucune enquête ne portait sur Trump et ne cherche à déterminer ses liens avec ces affaires russes qui plombent sa présidence depuis le 8 novembre.</p>
<h2>Trump « blanchi »</h2>
<p>C’est une information : on peut toujours lui mettre sous le nez des preuves accablantes contre ses proches : <a href="http://www.liberation.fr/planete/2017/05/10/carter-page-l-obscur-banquier-de-moscou_1568703">Carter Page</a>, <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/03/paul-manafort-un-trump-boy-au-trouble-passe-ukrainien_5121380_4853715.html">Paul Manafort</a>, <a href="http://www.liberation.fr/planete/2017/05/10/roger-stone-le-vieux-copain_1568696">Roger Stone</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_T._Flynn">Michael Flynn</a> ou même son gendre, <a href="https://www.letemps.ch/monde/2017/05/29/jared-kushner-gendre-trump-coeur-intrigues">Jared Kushner</a>. Il objectera qu’il ne s’agit pas de lui, et qu’il vient d’être disculpé. Il ressort blanchi de cette folle journée.</p>
<p>Or, il ne faut pas perdre de vue que le vrai danger pour la présence Trump aurait pu venir du procureur indépendant, <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/19/robert-mueller-un-serviteur-de-l-etat-en-premiere-ligne_5130738_4853715.html">Robert Mueller, qui a été nommé pour enquêter sur toute cette affaire</a> : ce dernier va devoir enregistrer ce témoignage à décharge pour Donald Trump, qui n’en attendait pas autant de la part de James Comey.</p>
<p>Ceux qui affirmaient que Trump était affaibli politiquement vont aussi devoir remiser leurs arguments. Ce n’est pas encore le début de la fin. Dès la fin de l’audition, les soutiens de Trump ne se sont d’ailleurs pas fait prier pour reprendre leur refrain sur « les attaques sans fin et indignes contre leur poulain. « On veut voler notre vote », clament-ils. <a href="http://www.politico.com/story/2017/06/07/trump-approval-rating-quinnipiac-poll-239250">Un sondage Quinnipiac</a> paru le matin même devrait inciter les démocrates à la prudence : 34 % des Américains ne soutiennent pas Trump, mais ils sont 72 % des Républicains à lui conserver toujours leur confiance.</p>
<p>Il n’y a donc – pour le moment – aucune chance de faire voter un <em>impeachment</em> par la Chambre des Représentants, et on voit bien que chaque attaque contre Trump renforce la détermination et la confiance de la part de ses soutiens. Demeure une certitude à l’issue de cette audition : la société américaine est bien divisée, et bien malade. Cela nous promet des élections très rudes en 2018.</p>
<hr>
<p><em>À paraître : « Donald Trump : les États-Désunis », Privat, 2017.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79158/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Il n’y a pour le moment aucune chance de destituer Trump, et chaque attaque contre lui renforce la détermination et la confiance de la part de ses soutiens.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/779622017-05-18T20:15:09Z2017-05-18T20:15:09ZDonald Trump et le spectre de l’« impeachment »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/170026/original/file-20170518-12217-14us9bt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Richard Nixon, le 9 août 1974, jour de ses adieux en tant que Président.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ooocha/3083217149/in/photolist-5Gsi3n-5GwzZb-qS3qnu-DAJdRc-cXwNyQ-cWo5J5-96ykFS-96vbi4-96yfJ5-96vbHZ-96yenf-96v8oe-96vcEP-96yj1G-96vebR-6isyQK-3YKrp-fquTVa-5DAtS8-5DEM6w-5DAtLx-5DEMfQ-5DEMc1-5DAtMa-5DAtXe-5DEM3W-5DEMab-5DEMdq-5DEMcJ-5DAtUx-5DAtTF-5DAtRx-5DEMf3-5DEM7q-5DAtQT-5DEMi5-5DAtP4-5DEM4J-5DEMes-5DAtPM-DuT1ie-96ynpY-96veKF-96vhMX-96v7YF-96ym1d-96vkDc-96v8QP-96vft4-96vg4n">Marion Doss/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Alors qu’on venait à peine de célébrer les 100 premiers jours de Donald Trump à la Maison-Blanche, le voici empêtré dans une crise dont il se serait bien passé, depuis qu’il a limogé le directeur du FBI, <a href="http://www.lefigaro.fr/international/2017/05/17/01003-20170517ARTFIG00385-trump-fragilise-par-les-notes-de-comey.php">James Comey</a>.</p>
<p>La date du 9 mai est à retenir car Washington est sens dessus dessous et toutes les éventualités sont possibles pour l’issue de cette crise. Les démocrates reprochent au Président un accès d’autoritarisme et d’avoir voulu interférer sur les enquêtes en cours concernant les liens entre sa campagne et des intérêts russes. Lui se défend en expliquant que Comey n’était pas bon et qu’il convenait de changer un directeur aussi stratégique. La bataille a enflé avec une demande des démocrates pour la nomination d’un procureur indépendant ou « conseiller spécial », toujours dans le cadre de ces enquêtes si sensibles – ce qu’ils ont finalement obtenu en la personne de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/05/18/qui-est-ce-procureur-special-que-trump-voulait-coller-sur-le-do_a_22096591/">Robert Mueller</a>. </p>
<h2>Le Sénat transformé en tribunal</h2>
<p>Depuis une semaine, il ne se passe donc pas une journée sans qu’il y ait une mise en cause du président des États-Unis et beaucoup y voient un remake du Watergate. Une question s’est alors imposée dans les médias : tout cela peut-il conduire à un impeachment ?</p>
<p>La procédure de mise en accusation, ou <em>impeachment</em>, du Président ou d’un autre officiel est prévue dans la Constitution américaine (article II, section 4) et comporte deux étapes : la Chambre des représentants doit d’abord voter pour l’impeachment, à la majorité simple et un procès est ensuite organisé devant le Sénat. Le vote de la Chambre correspond à la mise en accusation qui est prononcée en France, dans une affaire pénale, par un juge d’instruction. Comme le fait un juge, la Chambre prend sa décision après une enquête, un débat, puis un vote de tous les membres de cette assemblée.</p>
<p>Quant à l’étape du Sénat, il s’agit bien d’un véritable procès, comme celui qui a lieu dans une Cour de justice, avec un jury composé de 100 sénateurs, un procureur (l’accusation) composé de membres de la Chambre des représentants et un accusé qui se fait assister par l’avocat de son choix. Ce procès est présidé par le vice-président ou par le président de la Cour suprême quand la procédure concerne le président des États-Unis. Si la gravité des faits l’exige, le Président peut être mis en détention – ce qui signifie qu’il ne quittera plus le territoire, voire la ville –, mais il jouit alors d’un bureau (qui peut être le sien) et peut tout à fait travailler comme d’habitude et continuer à diriger le pays jusqu’à l’issue du procès. Pour condamner le Président et obtenir sa destitution, il faut obtenir que les deux tiers du Sénat se prononcent contre l’accusé.</p>
<h2>En 1868, le précédent Johnson</h2>
<p>Pour être condamné, la Constitution prévoit trois crimes : la trahison, la corruption ou « d’autres crimes et délits ». Le problème est que ces autres crimes et délits ne sont pas définis et que toute interprétation devient donc possible. Il appartient à la Chambre des représentants de décider à chaque fois si une infraction justifie une mise en accusation. C’est pourquoi on dit souvent que l’impeachment n’est pas uniquement une action légale, mais aussi une vraie arme politique. Toutefois, à ce jour en tout cas, les décisions ont toujours été mesurées et la définition couramment admise comprend les crimes de droit commun, l’abus de pouvoir et la violation de la confiance publique au sens le plus large.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1092&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1092&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/169979/original/file-20170518-12263-udofyg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1092&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statue d’Andrew Johnson, à Raleigh (Caroline du Nord).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/75905404@N00/6001038805/in/photolist-a9hTLi-Qg5dea-dBkZbS-7g55mf-nPT99c-6XhncQ-fr4QEg-o3XkZY-dVPAGS-r6PEBp-6XdhPp-9toQTu-TnwSHS-RY2xEK-8rjsP-QUXowR-7cTXdC-34PVP-5NCyZd-5YdEWm-9jEdbm-51jKpj-c4QGhN-TtLDKK-94dCQA-aaRW4J-acbxop-6XjtzN-oyD6n-QEbMhL-2M6h4N-57e8dv-81jUc6-mSmA34-5YdEfC-s3mWQ-57e7KK-A2uXA-9jDTm3-ft4FBM-5wRZRE-5wSbX9-q3btZv-57igBu-a6fJb9-57ie2j-oMfpFy-Six7LB-hcRkuL-o75eGR">PROOZinOH/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Le Président Johnson en a fait les frais en 1868. Il a été le premier visé par un impeachment. Pour replacer cet événement dans son contexte, il faut savoir que Johnson avait accédé au pouvoir dans les pires conditions, après l’assassinat d’Abraham Lincoln. Le Parti républicain s’était alors engagé en faveur de la reconnaissance des droits civiques pour les anciens esclaves, alors que cette terrible institution qu’est l’esclavage venait tout juste d’être abolie par le 13<sup>e</sup> amendement.</p>
<p>Johnson était un homme de dialogue et souhaitait tendre la main aux États du Sud, en évitant toute humiliation. Pour les sudistes, cela comprenait bien entendu l’abandon de cette loi sur les droits civiques, dans un but de pacification nationale. Mais les plus radicaux du Parti républicain ne l’ont pas accepté et le Congrès a adopté le 14<sup>e</sup> amendement, qui a donné aux noirs des droits élémentaires dans une démocratie en les mettant à égalité avec les autres citoyens, mais contre l’avis du Président.</p>
<p>Le climat est devenu électrique : lorsque Andrew Johnson a limogé son secrétaire à la Guerre (on voit bien le lien avec les événements actuels), cette décision a suffi pour lancer une procédure d’impeachment. Au total, la Chambre des représentants a trouvé onze chefs d’accusation et l’impeachment a été voté, ouvrant la voie à la deuxième étape, celle du procès devant le Sénat. Heureusement pour lui, Andrew Johnson a été acquitté. Mais il est passé à deux doigts de la destitution car son acquittement a été obtenu… à une voix près !</p>
<h2>Nixon et le Watergate</h2>
<p>Depuis cette affaire, la procédure de l’impeachment n’a été déclenchée qu’à deux reprises contre un président des États-Unis. Le deuxième cas d’impeachment pour un locataire de la Maison Blanche remonte aux années 70 : en 1974, dans l’épisode si célèbre du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_du_Watergate">Watergate</a>. Alors qu’un conseiller spécial, Archibald Cox, avait été chargé d’enquêter sur le cambriolage de l’immeuble du Watergate (le siège du Parti démocrate à l’époque) – un scandale qui a été révélé par deux journalistes du <em>Washington Post</em> –, Nixon a multiplié les gestes d’obstruction.</p>
<p>Il a surtout refusé ainsi de remettre à l’enquêteur des enregistrements, qui lui étaient pourtant demandé par une injonction judiciaire. Pire, il a demandé à Elliott Richardson, son ministre de la Justice, de renvoyer Cox. Richardson a alors démissionné de son poste, ainsi que son vice-ministre William Ruckelshaus, dans un épisode qui est entré dans l’histoire sous le nom de « Massacre du samedi soir » et qui a obligé Nixon à nommer un nouveau procureur spécial, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Leon_Jaworski">Leon Jaworski</a>.</p>
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<p>L’enquête de Jaworski a finalement prouvé que Nixon s’était rendu coupable d’une entrave à la justice. La Chambre des représentants a alors ouvert une enquête et retenu trois chefs d’accusation. On a reproché au Président des financements irréguliers de campagne, un abus de pouvoir ou l’obstruction évidente à la justice. Mais Nixon a préféré démissionner, ce qui stoppé la procédure.</p>
<p>En 1970, Gerald Ford, qui était alors député, a proposé une nouvelle définition des crimes pouvant conduire à un impeachment par « n’importe quelle action que la majorité de la Chambre des représentants considère comme grave », consacrant ainsi le caractère politique de cette action.</p>
<h2>L’affaire Monica Lewsinsky</h2>
<p>Enfin, il y a un troisième cas, plus près de nous, dans lequel l’impeachment a été demandé. Il s’agit de l’<a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/monica-lewinsky-retour-sur-l-affaire-qui-a-defraye-la-chronique-7762681365">affaire Lewinsky</a>, qui a concerné Bill Clinton en 1999. Aucune tentative de faire pression sur qui que ce soit n’est à déplorer ici, ni même un abus de pouvoir : un procureur indépendant, Kenneth Starr, avait été nommé pour enquêter sur une affaire immobilière douteuse remontant au temps où il était gouverneur de l’Arkansas. Au fil de son enquête, ce procureur a, de lui-même (il en avait le droit), élargi son enquête à d’autres faits et a fini par mettre en évidence une relation extraconjugale du président avec une stagiaire de la Maison-Blanche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KiIP_KDQmXs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Bill Clinton a choisi de nier les faits devant le procureur indépendant, ce qui revient à un parjure en justice. Dans le rapport remis par Starr à la Chambre des représentants, le Président Clinton a été accusé de parjure, d’obstruction à la justice, de subornation de témoins et d’abus de pouvoir. À la fin de l’année, la mise en accusation du Président a été votée et comprenait deux chefs d’inculpation : le parjure devant le grand jury et l’obstruction à la justice. Le procès au Sénat s’est ouvert et a débouché sur un acquittement de Bill Clinton en 1999 car la majorité des deux-tiers n’a pas été atteinte.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un conseiller spécial ?</h2>
<p>Les démocrates se félicitent de la nomination d’un conseiller spécial, à savoir un procureur indépendant chargé de l’enquête sur le volet russe des ennuis du président Trump. Les exemples de Richard Nixon et de Bill Clinton illustrent bien la fonction d’un procureur indépendant, chargé d’enquêter sans pression de quiconque et donc en toute indépendance. Il y a toutefois une vraie différence entre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Archibald_Cox">Archibald Cox</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kenneth_Starr">Kenneth Starr</a>. Car si on se souvient que Kenneth Starr avait élargi à plusieurs reprises son champ d’investigation, ce n’était pas quelque chose qui était possible pour Archibald Cox. Ce dernier avait quant à lui des prérogatives très précises, limitées à une recherche très ciblée, définie par le ministre de la Justice. Surtout, son limogeage pouvait intervenir à tout moment, sur simple demande du président des États-Unis, comme cela a été le cas.</p>
<p>Fort des enseignements apportés par les difficultés rencontrées par Cox, le Congrès a adopté une loi élargissant considérablement les pouvoirs de ces procureurs indépendants. Il fallait tout d’abord qu’ils soient nommés par un panel de juges et protégés juridiquement contre tout limogeage. Cela a été fait dans le cadre d’une loi sur l’éthique gouvernementale, <em>Ethics in Government Act</em> de 1978, et renforcé par une décision de la Cour suprême en 1988.</p>
<p>Et cela a donné de bons résultats avec une première enquête menée par Lawrence Walsh dans l’affaire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Iran-Contra">Iran-Contra</a>, sous Reagan. Mais les parlementaires ont trouvé que Kenneth Starr était allé trop loin en fouillant sans aucune limite dans la vie privée du président Clinton et en l’exposant comme il l’a fait. Ils ont donc laissé la loi s’éteindre doucement en 1999. Une nouvelle loi a alors été votée, qui est beaucoup moins protectrice pour ces enquêteurs indépendants.</p>
<p>Janet Reno a été la première ministre de la Justice a se servir de ce nouveau dispositif législatif en nommant <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Danforth">John Danforth</a>, un ancien sénateur du Missouri, pour enquêter sur le raid conduit par la police contre le ranch de la secte des Davidiens, <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/affaires-sensibles/affaires-sensibles-04-mai-2016">à Waco</a>, en 1993. 76 personnes avaient alors été tuées dans l’assaut.</p>
<p>Le conseiller spécial qui vient d’être nommé par le procureur général adjoint Rod Rosenstein, <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/qui-est-robert-mueller-procureur-special-charge-de-l-enquete-trump-russie_1909207.html">Robert Mueller</a>, est donc le deuxième nommé sous la nouvelle règle. Cette nomination a été faite contre l’avis du président Trump et du ministre de la Justice Jeff Sessions, qui n’en ont d’ailleurs pas été informé au préalable. Mueller se retrouve donc avec un statut équivalent à celui d’Archibald Cox : Donald Trump peut le renvoyer s’il le souhaite.</p>
<p>Encore faudra-t-il qu’il soit sûr que les conséquences ne seraient pas alors les mêmes que pour Richard Nixon.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77962/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il ne s’agit que de la première étape dans un processus prévu par la Constitution pour démettre un officiel, y compris le président des, un parlementaire, un haut-fonctionnaire ou un juge fédéral.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/774912017-05-10T09:48:54Z2017-05-10T09:48:54ZAprès le limogeage du patron du FBI, Washington en état de crise<p>Le fameux « <em>you’re fired</em> », qui a rendu célèbre Donald Trump <a href="https://www.lesechos.fr/09/09/2015/lesechos.fr/021314338475_--the-apprentice----l-emission-de-tele-realite-a-la-gloire-de-l-entreprise.htm">dans son émission de téléréalité <em>The Apprentice</em></a>, a encore été prononcé. Personne n’avait vu venir la crise qui s’est abattue sur Washington. L’annonce du limogeage de James Comey, le directeur du FBI a surpris jusqu’à l’intéressé lui-même, qui l’a appris mardi 9 mai par la télévision alors qu’il rendait visite à l’antenne de son agence à Los Angeles.</p>
<p>Pour le Président des États-Unis, le directeur de la police fédérale a outrepassé son rôle et ses pouvoirs lorsqu’il a ordonné la <a href="http://www.leparisien.fr/election-presidentielle-americaine/emails-de-hillary-clinton-le-fbi-ne-reclame-pas-de-poursuites-05-07-2016-5942797.php">fin de l’enquête sur les emails d’Hillary Clinton</a> début juillet 2016, en pleine campagne présidentielle, ou <a href="http://www.lemonde.fr/elections-americaines/article/2016/10/28/aux-etats-unis-le-fbi-va-examiner-de-nouveaux-courriels-d-hillary-clinton_5022250_829254.html">lorsqu’il a ouvert une nouvelle enquête quelques jours à peine avant le scrutin</a>.</p>
<p>Ce sont d’ailleurs les conclusions d’un rapport qui lui a été adressé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeff_Sessions">Jeff Sessions</a>, l’Attorney General (ministre de la Justice), et <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Rod_Rosenstein">Rod Rosenstein</a>, son adjoint et qui l’a amené à prendre cette décision. Pour Donald Trump, cette attitude a été trop légère et a entamé gravement la confiance du public envers cette institution respectable.</p>
<h2>La vérité est peut-être ailleurs</h2>
<p>La ficelle est un peu grosse pour l’opposition démocrate, qui l’a plutôt reliée aux enquêtes en cours sur les liens entre la campagne de Donald Trump et la Russie. Une enquête est notamment menée par une <a href="http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/A-Washington-Congres-mene-lenquete-liens-entre-Moscou-lequipe-Trump-2017-03-16-1200832480">commission du Congrès</a>. Mais le FBI avait également ouvert un dossier, depuis juillet 2016, <a href="http://www.ladepeche.fr/article/2017/03/20/2539816-fbi-information-eventuelles-ecoutes-contre-trump.html">comme James Comey l’a révélé le 20 mars dernier</a>, lors d’une audition publique devant le Congrès :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai reçu l’autorisation du ministère de la Justice de confirmer que le FBI, dans le cadre de sa mission de contre-espionnage, enquête sur les tentatives du gouvernement russe d’interférer dans l’élection présidentielle de 2016. Cela inclut des investigations sur la nature des liens entre des individus liés à l’équipe de campagne de Donald Trump et le gouvernement russe, et pour déterminer s’il y a eu coordination entre la campagne et les efforts russes. »</p>
</blockquote>
<p>Le désormais ancien directeur du FBI a exprimé à plusieurs reprises qu’il s’en voulait d’avoir peut-être <a href="https://www.nytimes.com/2017/05/03/us/politics/james-comey-fbi-senate-hearing.html">fait pencher la balance</a> en faveur de Donald Trump lors de la dernière élection. Il se rattrape bien depuis, ne perdant jamais une occasion de le contredire : ainsi à propos de l’affaire des écoutes supposées de la campagne de Trump et qui aurait été ordonnées par Barack Obama, <a href="https://www.usatoday.com/story/news/politics/2017/03/20/james-comey-trump-wiretapping-house-intelligence-committee/99382304/">il a également dit publiquement qu’elles n’avaient jamais existé</a>.</p>
<h2>Une décision très inhabituelle</h2>
<p>L’irritation du président à son endroit était, dès lors, très palpable, mais qui aurait pu imaginer qu’il agisse aussi fortement ?</p>
<p>Pour les Républicains, il s’agit d’un geste d’autorité, qui est entièrement justifié. Pourtant, les hauts postes fédéraux tels que la direction du FBI répondent à des règles particulières : le directeur est nommé pour 10 ans et ne peut être démis de ses fonctions que pour une cause grave. Toute la question est de définir la gravité qui permet ce limogeage.</p>
<p>Pour les leaders de l’opposition, Chuck Schumer en tête, mais également Nancy Pelosi, Bernie Sanders ou Elizabeth Warren, ce renvoi brutal <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1050981/limogeage-du-chef-du-fbi-un-chef-democrate-denonce-une-grave-erreur.html">est une « grave erreur »</a> et ils n’hésitent pas à accuser le Président d’autoritarisme. Le seul précédent d’un tel licenciement a concerné <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/William_S._Sessions">Williams Sessions</a>, renvoyé par Bill Clinton en 1993 pour avoir confondu les deniers du FBI avec les siens.</p>
<h2>Le spectre du Watergate</h2>
<p>L’absence d’une raison sérieuse, et le fait que ce limogeage ait tant tardé si on admet que la raison invoquée est acceptable ont troublé le monde politique et celui des médias. Les journaux américains, tout comme la plupart des télévisions et radios évoquent désormais le Watergate. En 1973, le Président Nixon avait démis de ses fonctions le procureur indépendant Archibald Cox, après avoir refusé de lui remettre les enregistrements dont il exigeait la communication. Cet épisode, connu désormais dans les livres d’histoire sous le nom de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_du_samedi_soir">« Massacre du samedi soir »</a>, avait conduit le président à démissionner plutôt que de subir un procès en <em>impeachment</em> et une probable destitution.</p>
<p>Tout Washington se demande aujourd’hui si l’issue pourrait être aussi dramatique dans cette affaire. Les leaders de l’opposition <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/05/10/donald-trump-limoge-james-comey-le-directeur-du-fbi_5125141_4853715.html">exigent avec force la nomination d’un procureur indépendant</a> pour faire toute la lumière sur les liens entre leur Président et le gouvernement russe. Les Républicains, de leur côté, s’expriment avec beaucoup plus de réserve et on constate que le Parti républicain semble décidé à faire bloc autour de son Président, estimant sans doute qu’il a encore grandement besoin de lui.</p>
<p>Les passions pourraient pourtant se déchaîner avec la nomination du remplaçant de James Comey – qui devrait intervenir très vite –, car les démocrates n’accepteront jamais que l’agence qui mènera cette enquête à haut risque soit dirigée par un conservateur ou par quelqu’un de trop proche de Donald Trump.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/77491/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les démocrates, qui évoquent le Watergate, n’accepteront jamais que l’agence chargée de l’enquête sur les liens entre le Président et la Russie soit dirigée par un conservateur ou un proche de Trump.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/769122017-04-29T06:38:23Z2017-04-29T06:38:23ZCent jours de dépression pour un Donald Trump presque avalé par le système<p>Drôle de célébration pour Donald Trump. Cent jours à peine après son investiture, le voilà adossé au mur et, s’il était sur un terrain de sport on serait bien obligé de constater que l’attaquant infatigable est devenu un défenseur qui semble presque dépassé par les actions d’un match dans lequel il n’a pas réussi à entrer. Il promettait de secouer le petit monde très protégé de Washington. Il annonçait une révolution. Il certifiait que tout irait vite et serait grandiose.</p>
<p>Le bouillonnant candidat a pourtant été rattrapé par le principe de réalité : aux États-Unis, l’homme le plus puissant du monde a droit à un beau bureau ovale dans une maison blanche, certes ; mais il n’a pas les clés du pouvoir et sa situation se révèle extrêmement fragile. Donald Trump l’a appris à ses dépens.</p>
<h2>Échec au Congrès</h2>
<p>En premier lieu, ses décrets migratoires, censés protégés l’Amérique mais visant trop directement le monde musulman, <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/l-amerique-selon-trump/20170204.OBS4856/decret-migratoire-bloque-trump-decouvre-l-etat-de-droit-et-il-deteste-ca.html">ont été retoqués</a> par les juges qui les ont estimés contraires aux valeurs portées par les Américains. Ce raté a aussi fédéré les <a href="http://www.atlantico.fr/pepites/decret-trump-vague-opposition-mondiale-2949038.html">déçus de l’élection</a>, qui ont trouvé là une raison de faire entendre leur colère contre ce Président dont ils voulaient pas.</p>
<p>Il n’a pas eu plus de chance du côté du Congrès : le <a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/03/24/etats-unis-faute-de-majorite-a-la-chambre-des-representants-donald-trump-demande-le-retrait-du-projet-d-abrogation-de-l-obamacare_5100577_3222.html">refus cinglant opposé par les plus conservateurs</a> l’a empêché de tenir une promesse majeure de sa campagne, celle de l’abrogation et du remplacement de l’Obamacare. Il s’est alors retrouvé pris en sandwich entre les Républicains modérés et les plus conservateurs, chaque groupe refusant de céder un pouce de terrain à l’autre : le marécage de Washington, qu’il promettait de nettoyer, a eu raison de lui.</p>
<p>Les luttes intestines au Congrès ont resurgit et Donald Trump a dû abandonner son sort aux politiciens, ceux qui connaissent ce système, qu’ils pratiquent depuis des lustres. Hélas pour lui, ils l’ont alors achevé en lui soutirant l’<a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2017/04/25/20002-20170425ARTFIG00323-donald-trump-pret-a-reporter-le-financement-du-mur-avec-le-mexique.php">acceptation du retrait de sa demande de financement de son mur</a>. Or, sans financement, pas de mur. Les Mexicains ne le paieront pas non plus.</p>
<h2>Parcours du combattant</h2>
<p>La situation n’est pas plus simple sur le plan international. Son conseiller spécial Steve Bannon avait théorisé une nouvelle politique : « <a href="http://www.tdg.ch/monde/Dans-l-ombre-de-Trump-le-president-Bannon/story/11351163">L’Amérique d’abord et Seulement l’Amérique</a>. » Tout le monde y a cru. D’autant que, le 28 février, il indiquait devant le Congrès qu’il n’était pas le Président du monde, seulement celui des Etats-Unis. Puis tout a basculé rapidement.</p>
<p>De reculs en volte-face, ces 100 premiers jours ont fini par ressembler à un parcours du combattant et chaque jour semblait amener un nouvel obstacle. <a href="http://www.la-croix.com/Monde/Ameriques/Donald-Trump-continue-defendre-rapprochement-avec-Russie-2017-01-08-1200815578">Son rapprochement avec les Russes</a>, qu’il pensait être moderne et susceptible de marquer un tournant dans l’histoire des relations internationales, a fini par s’écraser sur des accusations de prises d’intérêts et d’influence malsaine ou des enquêtes qui ont touché jusqu’à son cercle le plus proche. Il y a enfin eu une <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/04/17/francois-heisbourg-en-frappant-la-syrie-donald-trump-est-devenu-president-des-etats-unis_5112313_3232.html">intervention en Syrie</a> que Vladimir Poutine, son potentiel nouvel ami, n’a pas acceptée.</p>
<p>Un à un, les liens invisibles qui lient les mains des dirigeants, tressés par des groupes d’intérêts qui n’entendent pas changer leurs habitudes, ont fini par bâillonner Donald Trump. L’étape symbolique des 100 jours arrive trop tôt. <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/0212020954725-trump-passe-le-cap-des-100-premiers-jours-sans-accomplissement-majeur-2083369.php">Aucune réforme d’envergure, aucune loi majeure</a>, rien n’est à retenir de cette séquence. La Maison Blanche se console en mettant en avant la nomination d’un nouveau juge à la Cour Suprême. Elle passe sous silence que les Républicains ont été obligés de changer la règle des confirmations par y parvenir. Pas très glorieux.</p>
<h2>« Je regrette ma vie d’avant »</h2>
<p>Depuis une semaine, Donald Trump –qui cherche un exploit à présenter à la presse– multiplie les décrets et les annonces. Là encore, il a fait chou blanc : son dernier décret contre le financement des villes sanctuaires par le pouvoir fédéral a, à son tour, été bloqué <a href="http://www.liberation.fr/planete/2017/04/25/etats-unis-un-juge-bloque-le-decret-trump-contre-les-villes-sanctuaires_1565392">par une Cour fédérale</a>. Il a beau pester, menacer les juges de Cour suprême, rien n’y fait et son crédit commence à être atteint.</p>
<p>On dit qu’un malheur n’arrive jamais seul : son annonce d’un déploiement de bateaux dans la mer de Chine, <a href="http://www.leparisien.fr/international/donald-trump-envoie-un-porte-avion-nucleaire-vers-la-coree-du-nord-09-04-2017-6838551.php">dont le porte-avion USS Carl Vinson</a>, a tourné à la farce quand le monde appris que le navire <a href="https://www.bluewin.ch/fr/infos/international/2017/4/19/-l-armada--promise-par-trump-en-coree-n-est-pas-en.html">faisait en réalité route vers l’Australie</a>. Même un bombardement surprise et massif en Afghanistan, signalant le retour à une politique interventionniste, n’a rien calmé. Elle aurait du moins ramené dans son giron des Républicains pur sucre, qui n’avaient jamais tout à fait accepté ce Président.</p>
<p>Car le Parti républicain mène la danse désormais et, peu à peu, Donald Trump donne toutes les clés de son pouvoir à ceux qui l’entourent. « <a href="http://www.cnewsmatin.fr/monde/2017-04-28/donald-trump-pensait-quetre-president-serait-plus-facile-754318">Je n’imaginais pas que cela allait être si dur</a> », a-t-il confessé à la veille de cette célébration des 100 jours. « Je regrette ma vie d’avant », a-t-il ajouté. On peut encore signaler qu’il célèbre cette journée en laissant sous-entendre qu’un <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/04/28/donald-trump-n-exclut-pas-un-conflit-majeur-avec-la-coree-du-nord_5119067_4853715.html">conflit majeur avec la Corée du Nord n’est pas à exclure</a> !</p>
<p>L’<em>impeachment</em>, la procédure américaine de destitution du président, que certains annonçaient comme rapide et inéluctable, n’est toujours pas à l’ordre du jour. La lassitude et la démission, en revanche, que l’on n’avaient pas vu venir, deviennent sérieusement des options qu’il faudra suivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Éric Branaa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le bouillonnant candidat a été rattrapé par le principe de réalité : aux États-Unis, l’homme le plus puissant du monde n’a pas les clés du pouvoir. Et Donald Trump l’apprend à ses dépens.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/712802017-01-15T21:47:09Z2017-01-15T21:47:09ZStratégie : Donald J. Trump recherche-t-il l’impeachment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/152719/original/image-20170113-11803-qn97yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'art du deal appliqué à l'élection.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>C’est une des grandes difficultés quand on est jeune doctorant et que l’on commence à s’intéresser sérieusement à l’épistémologie des sciences. Au détour d’un bon cours, on en vient à s’intéresser à la dynamique des systèmes non linéaires, à la systémique ago-antagoniste chère à <a href="http://www.afscet.asso.fr/Ande14/agoantagonismeComplexiteJdeG.pdf">Élie Bernard Weil</a> ou on découvre <a href="https://theconversation.com/faut-il-reinventer-les-intellectuels-48285">Edgar Morin</a>. Et là, on sait que plus rien ne sera comme avant et que la communication sera parfois « ill », comme diraient… les Beastie Boys.</p>
<p>Le plus dur alors, c’est d’oser poser la question qui fait mal. Celle qu’on ne poserait pas par exemple si l’on pensait, avec Aristote, que le tiers est nécessairement exclu donc qu’une chose ne peut pas être la chose et son contraire. Sauf que si, précisément, c’est ça qu’il faut faire, nous indiquent les auteurs précédemment cités : oser de telles questions.</p>
<h2>Qui perd gagne ?</h2>
<p>Concrètement, si on applique ce principe au cas du « president-elect Trump », cela nous donnerait quelque chose comme : et si pour réellement gagner, depuis le départ <a href="http://bit.ly/2j8VRJq">il fallait perdre</a> ? Autrement dit, là où tout le monde penserait que devenir président est le plus grand des honneurs, le but ultime ; que logiquement on passe sa vie à y penser, et pas seulement en se rasant ; eh bien non, dans le cas de Donald Trump, et si ça n’avait été finalement qu’une tactique ?</p>
<p>Bizarrement, cette hypothèse, aussi iconoclaste soit-elle, se trouve largement corroborée par les faits. Au point même qu’elle pourrait ne plus être si <a href="http://bit.ly/2jgslTU">originale</a>…</p>
<p>Cela expliquerait, depuis le départ, toutes les outrances, toutes les folles attaques contre la presse, tous les abus de comportement comme de langage. Cela justifierait qu’après avoir gagné, contre toute attente, la primaire – alors même que vous pensiez la perdre et souhaitiez simplement négocier au prix fort votre reddition – il ait fallu non seulement ne pas freiner mais surtout continuer toujours plus loin, toujours plus fort. Quand enfin vous êtes convaincu que ça va s’arrêter, que vos propos contre les femmes étaient définitivement inadmissibles, que vous n’en finissez plus de balancer des poules puantes contre les journalistes et autres adversaires de votre propre camp, patatras, finalement vous finissez par gagner.</p>
<p>Et vous vous retrouvez donc élu, « president-elect » des United-States.</p>
<h2>Qui gagne, en rajoute</h2>
<p>Le seul moyen de vous sortir de cette galère dans laquelle vous n’auriez jamais dû logiquement vous retrouver, c’est alors non seulement de continuer votre ligne, mais surtout d’accélérer encore : les élites tant décriées ? Au pouvoir, dans votre team ! Avoir commis l’irréparable, en Russie ? Mais bien sûr que vous avez été hacké, comme l’ont été les démocrates, comme l’ont même été les élections ! Des vidéos ? Pas si grave puisque votre réputation de tombeur n’est de toute façon plus à faire : on sait comment se comportent les filles avec vous quand vous êtes célèbre, dixit…</p>
<p>Accessoirement, cela vous aura permis de démontrer par A + B pourquoi, ô ciel, vous auriez pu prendre toutes les dispositions du monde pour ne pas être taxé de conflits d’intérêts ; mais combien aussi, au vu de l’empire tellement immense que vous avez constitué, ne pas être en conflit d’intérêts aurait été de toute façon chose impossible. Et vous aurez même commis l’affront ultime : refuser au correspondant à la maison blanche de CNN de vous poser sa question, puisqu’il participe d’une grande conspiration de « fake news » digne de la « Nazi Germany ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/W6ZHY0E4_Wg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>De fil en aiguille, vous risquez donc de finir « impeaché », puisqu’à l’évidence il ne peut plus en être autrement et que cela tombe à vrai dire assez bien : c’est ce que vous avez toujours souhaité.</p>
<h2>Qui part gagne</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=938&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/152620/original/image-20170113-11207-lyodb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1178&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">The Art Of The Deal.</span>
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<p>Vous pourrez alors partir la tête haute, puisque personne ne vous attendait et que finalement tout le monde vous voulait. En plus, vous aurez amassé gros en quelques semaines, en bourse, alors même que vos affaires étaient avant au plus mal. Et, surtout, plus personne à l’avenir n’osera venir vous intenter un procès ni mettre le nez dans vos affaires, ce qui était d’ailleurs précisément votre objectif depuis le départ.</p>
<p>Enfin, avec un peu de chance, vos droits sur votre ouvrage <em>The Art of The Deal</em> continueront de s’envoler. Et Hollyweed fera de cette « fake election » le plus grand blockbuster de l’Histoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"819430755583533061"}"></div></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71280/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Réflexion stratégique sur les choix du président élu. En forme de questionnement – en apparence – iconoclaste.Jean-Philippe Denis, Professeur de gestion, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/651872016-09-14T04:41:00Z2016-09-14T04:41:00ZAprès la destitution de Dilma Rousseff : l’acte II de la crise politique au Brésil<p>Peu après son investiture, le 31 août dernier, le nouveau président du Brésil, Michel Temer (du Parti du mouvement démocratique brésilien — PMDB), a fixé comme objectif à son gouvernement de quitter le pouvoir, en principe en 2018, « sous les applaudissements populaires ». À en juger par les huées et les cris de « Fora Temer! » (« Temer, dégage ! ») qui accompagnent toutes ses apparitions publiques, c’est un défi herculéen que s’est lancé à lui-même l’ancien allié de Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs — PT) et que personne, à commencer probablement par l’intéressé, ne croit réalisable. </p>
<p>C’est l’indice que, loin d’avoir mis un point final à la crise politique ouverte par la réélection de la présidente en 2014, la destitution de Dilma Rousseff prolonge la période d’incertitude et n’a pas résolu par miracle les problèmes de gouvernabilité qui pèsent sur l’exécutif.</p>
<h2>Une impopularité palpable</h2>
<p>L’impopularité de Michel Temer, auquel les deux tiers des Brésiliens ne font pas confiance, fragilise sans aucun doute le nouveau gouvernement. Celle-ci s’abreuve à plusieurs sources et paraît, en grande partie, irrémédiable. Les partisans de l’<em>impeachment</em> de Dilma Rousseff souhaitaient dans les mêmes proportions le départ de celui qui a été son vice-président pendant 6 ans et les trois mois d’intérim de Temer n’ont pas convaincu les sceptiques. Dilma Rousseff évincée, la détestation dont elle faisait l’objet se reporte entièrement sur celui-ci, mis dans le même sac. À la différence de l'ancienne présidente qui arrivait à mobiliser les rues contre sa déposition, personne ne descend dans la rue pour crier son soutien à Michel Temer.</p>
<p>Pour ceux qui voient dans son accession au pouvoir le résultat d’une conspiration et d’un coup d’État, Temer n’est qu’un usurpateur et qu’un putschiste. En pleine cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, Elza Soares, diva octogénaire de la musique populaire brésilienne, prit soin d’insister distinctement sur le mot « traître » qui figure à la fin d’un vers de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=l3lyASPbcow">la chanson classique</a> <em>Canto de Ossanha</em>. Le message ne passa pas complètement inaperçu.</p>
<p>Les protestations contre le nouvel ordre politique, déjà notables pendant le gouvernement intérimaire, connaissent un regain d’intensité depuis l’intronisation de Michel Temer. Le 4 septembre, d’imposants cortèges ont défilé dans les grandes artères des capitales du Brésil: à Porto Alegre, Florianópolis, Salvador, Recife, Belém… À São Paulo, qui depuis les manifestations de juin 2013 est l’épicentre de la polarisation entre les pro-<em>impeachment</em> et les opposants au <em>golpe</em> (le «coup d'État») l’avenue Paulista — les Champs-Élysées locaux — a été noyée sous les manifestants. De nombreuses violences policières, imputables à la gendarmerie de l’État de São Paulo qui cherche visiblement à en découdre avec les «communistes» et à discréditer l'opposition, ont émaillé les manifestations et leur dispersion.</p>
<h2>De nouvelles élections générales peu probables</h2>
<p>Le mot d’ordre qui apparaît dans les rassemblements et est encore timidement porté par les mouvements sociaux proches du PT est celui de la convocation d’élections générales, de <em>« Diretas-já »,</em> une claire allusion à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diretas_J%C3%A1">la campagne organisée par les oppositions au régime militaire en 1984</a> pour la désignation au suffrage universel direct du président de la République. Les <em>Diretas-Já</em> avaient été un immense succès en terme de mobilisation, mais n’avaient pas fait fléchir la droite au pouvoir et le premier président civil avait été élu en 1985 par un collège électoral restreint.</p>
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<figcaption><span class="caption">La campagne de 1984 pour des élections au Brésil.</span></figcaption>
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<p>En dépit du désir, indiqué par les sondages, d'une majorité de Brésiliens d’anticiper les échéances, il y a de fortes chances que cette revendication, en admettant qu’elle parvienne à réunir un pays profondément divisé, connaisse le même échec que les <em>Diretas-Já</em> de 1984. Les grands partis politiques, à commencer par un PT en loques, ont autant envie de se rendre aux urnes que d’aller à l’abattoir. Les élections municipales, qui auront lieu en octobre prochain, sont un cauchemar pour les candidats liés aux grands partis ou à des ténors de la politique nationale qui font tous figure de repoussoir.</p>
<h2>Une Fête nationale désastreuse pour Michel Temer</h2>
<p>Point d’orgue des protestations, le 7 septembre, jour de la Fête nationale et anniversaire de l’indépendance du Brésil (en 1822), a été un véritable calvaire pour Michel Temer. Le nouveau chef de l’État dérogea à la coutume républicaine qui veut que le président se rende en décapotable sur les lieux du traditionnel défilé militaire et salue la foule. Il fit une arrivée la plus discrète possible dans une voiture fermée. Surtout, il ne portait pas la très visible et symbolique écharpe verte et jaune, insigne de la fonction présidentielle, comme s’il semblait douter lui-même de sa propre légitimité. Ni le zèle des forces de l’ordre, occupées à traquer les pancartes désobligeantes, ni la sélection des invités dans les tribunes ne bridèrent à Brasilia le chœur des « Fora Temer ». </p>
<p>Le même soir, lors de l’ouverture des Jeux paralympiques à Rio de Janeiro, ce fut pire encore. Malgré les précautions prises, le fait que le président n’apparaisse jamais sur les écrans du stade et que son temps de parole fût réduit à cinq petites secondes, le stade Maracanã, qui en a pourtant entendu d’autres, résonna d’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=x81Ydj_Ltcs">une bronca historique</a>, dûment répercutée par la presse nationale et internationale. </p>
<p>Après avoir minimisé et tenté d’étouffer et de discréditer les protestations, le gouvernement a dû changer de discours au lendemain du 7 septembre, et reconnaître l’existence d’une opposition ni microscopique ni résiduelle et réduite à une poignée d’agitateurs, d’intellectuels et d’artistes stipendiée par le PT.</p>
<h2>Temer, un pape de transition</h2>
<p>Le nouveau président semble enfermé dans un cercle vicieux. Son impopularité tient au fait qu’il est considéré par beaucoup comme illégitime et cette illégitimité nourrit en retour son impopularité. Celle-ci était pourtant assumée presque comme un atout au début du processus d’<em>impeachment</em>. Michel Temer, moqué pour être « _sem voto _» («pour lequel on n’a pas voté») n’est pas très à l’aise avec le suffrage universel et n’a jamais été confortablement élu au temps où il se présentait à la députation à São Paulo. Homme du sérail et des arrangements dans les coulisses, il s’est soucié de l’opinion publique comme d’une guigne quand il s’est agi de composer son gouvernement, donnant tous les gages possibles à la droite la plus réactionnaire. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137396/original/image-20160912-19228-fi379n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le tombeur de Dilma Rousseff, une posture qui se veut churchillienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/micheltemer/11092551733/in/photolist-hUdeaX-hUbGYD-hUcwz1-hUcBXo-hUc5SZ-hUcBNA-hUc5UT-hUcC5u-hUceJf-hUbS7i-hUcUTg-hUcizy-hUbS6g-hUcUYM-hUcV7x-hUbSjT-hUbShD-hUcV9X-hUcpvj-Cwabxt-hUbSsi-hUbSjx-hUbSrr-hUcpoA-Bf4jLT-BfYrDm-oxoq5P-ogatdo-GYYzdC-GYYz5b-DgnEvy-uP3Zkk-uNV1p1-E6YTc5-GYYz13-oQhUAc-vHgeoG-BcKvyJ-BfYsR1-wnCXfG-92HBp9-vueJgT-vuAgRx-vcE6Bs-CcjR7N-CDs6pv-qAEnS1-CtTRzw-vGmnz3-H8idSp">Michel Temer / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Temer cherche même à faire une vertu de son impopularité. Il appartient à cette catégorie d’homme politique qui, faute d’imagination et de projet d’envergure, prend la pose churchillienne et se contente de promettre de la sueur et des larmes. En échange d’une fin de carrière en apothéose, Temer s’est engagé auprès de ses alliés à mettre en œuvre des mesures de «redressement national», dixit le gouvernement - un programme «néolibéral», dixit la gauche -, c’est-à-dire des réformes annoncées comme drastiques du système des retraites et du code du Travail. </p>
<p>Il est ainsi question de repousser la durée maximale du travail à 12 heures par jour. Michel Temer promeut également une politique d’austérité budgétaire qui passe par des coupes claires dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des aides sociales et doit limiter également l’endettement des collectivités locales, principalement des États de la Fédération dont plusieurs sont en état de faillite. Mais députés et sénateurs, dont beaucoup sont engagés dans la campagne pour les municipales, manifestent peu d’empressement à s’emparer de dossiers aussi brûlants.</p>
<p>Les trois mois du gouvernement intérimaire ont d'ores et déjà montré un exécutif hésitant, qui a reculé à peu près sur tous les sujets. Plusieurs ministres de Temer, qui ne le considèrent que comme un pape de transition, dissimulent à peine leur ambition d’être candidat en 2018 et défendent des orientations divergentes.</p>
<h2>Un exécutif en mal d’autorité</h2>
<p>Paradoxalement, Michel Temer est sorti affaibli du procès de Dilma Rousseff devant le Sénat. Certes, celui-ci s’est conclu par une très large condamnation de la présidente et la perte de son mandat, mais il a montré aussi les limites de l’emprise du nouveau Président sur sa majorité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=438&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/137397/original/image-20160912-19258-1hq6lbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=550&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'ex-présidente Dilma Rousseff (ici en 2014).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/worldeconomicforum/12118947863/in/photolist-jsULYX-96Ac3w-eg6CgR-96xgsi-qGdGgE-qGrbGx-96wkDZ-an2Xjq-rmEiNQ-8god4H-8P8kCJ-96zo7o-92HD8d-oHjq34-96wnvz-9iGwzZ-a7A31W-8zSQZ9-92HD2s-pGz986-92Ewq8-96zpZG-dYfUMP-8zSQEY-744Qd9-92Ex7r-92HDc3-96zqaq-jsWxNN-dxd9Ag-92EwQe-jwxzfC-92EwYx-92EwmP-e63kNH-dxgQd7-92EwtP-92HDmU-dWiUk9-jsVfDh-bm7gWF-rD87Wv-jsUJut-91npwy-96FcYt-8uaCjT-rmDcKN-rD7LDh-qB4CMf-rmDmfy">World Economic Forum/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Contre toute attente, Dilma Rousseff n’a pas perdu ses droits politiques et peut toujours exercer des charges publiques, y compris être candidate à des élections. Cette clémence, dont les raisons fondamentales ne sont pas entièrement éclaircies, a été imposée à Michel Temer par certains de ses « amis » politiques et a sérieusement fait tanguer sa nouvelle coalition. La situation est d’autant plus piquante que Michel Temer est, lui, inéligible pour 8 ans, à la suite d’une condamnation par la justice électorale de São Paulo. </p>
<p>Deux jours après l’<em>impeachment</em> de Dilma Rousseff, condamnée pour avoir engagé des crédits supplémentaires sans l’accord du Congrès, a été promulguée <a href="http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_Ato2015-2018/2016/Lei/L13332.htm">une loi qui autorise le gouvernement à dépasser le plafond de dépenses déterminées par la loi de finances </a>. Ce qui était crime la veille est devenu légal dans le journal officiel du 2 septembre 2016, soulignant l’hypocrisie de la déposition et versant de l’eau au moulin de la thèse du <em>golpe.</em></p>
<p>L’amélioration rapide de la situation économique du Brésil, dont le PIB a reculé de 0,6% au 2e trimestre 2016, est la seule chance du gouvernement Temer de gagner de la crédibilité. Sur le plan politique également, les réformes sont urgentes, mais auront du mal à répondre à l’immense crise de confiance en la démocratie qui affecte le Brésil et s’exprime aussi par la résurgence d’une extrême droite très autoritaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65187/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Armelle Enders ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Loin d’avoir mis un point final à la crise politique ouverte par la réélection de la présidente en 2014, la destitution de Dilma Rousseff ne fait que prolonger la période d’incertitude au Brésil.Armelle Enders, Historienne, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/593412016-05-13T08:57:21Z2016-05-13T08:57:21ZDilma Rousseff impeachment: Brazil threatens to descend into a disguised police state<p>The Brazilian senate has voted for Dilma Rousseff to be suspended from the presidency and begin her impeachment trial. Rousseff has <a href="http://www.bbc.com/news/world-latin-america-36279937">called the process a “coup”</a>, denying the charges against her.</p>
<p>The main basis for the impeachment is her alleged use of a campaign financing trick considered to be illegal, although previous administrations have used it unquestioningly. The political fact is that the president could no longer form a majority in parliament and she has had to face huge protests calling for her impeachment. </p>
<p>Never mind that the impeachment process was led by the president of the lower house, <a href="http://www.wsj.com/articles/dilma-rousseff-impeachment-politician-leading-charge-on-brazils-president-has-his-own-legal-tangles-1460748160">Eduardo Cunha</a>, who is known to have secret accounts abroad, and who is being investigated for involvement in high corruption. As soon as Cunha had done his job in starting the impeachment, the Supreme Court <a href="http://www.theguardian.com/world/2016/may/05/speaker-of-brazils-lower-house-eduardo-cunha-suspended">removed him from his duties</a>. </p>
<p>The senate vote that confirmed the impeachment was likewise led by a politician who faces corruption charges, <a href="http://www.telesurtv.net/english/news/Brazilian-Senate-Leader-May-Be-Charged-with-Corruption--20160511-0038.html">Renan Calheiros</a>, a former supporter of the government.</p>
<h2>The end of an era</h2>
<p>While the debate in the senate went <a href="http://www.bbc.com/news/world-latin-america-36273916">for more than 20 hours</a>, the suspension was the culmination of political conflicts that have been building since mid-2013. </p>
<p>These troubles followed ten years of relative social peace. During this period, there was an implicit pact in the nation around a programme of national development led by the state, which sought to articulate the interests of national business sectors to workers, especially the poorest. A kind of mass capitalism flourished, largely thanks to an injection of consumer credit by the government, giving access to consumer goods to sectors of the population hitherto excluded, even if no deep socialising economic reform was carried out. </p>
<p>Living conditions generally improved, and a relative reduction of social inequalities took place in parallel to enormous entrepreneurial gains. The social pact lasted as long as Brazilian exports were highly valued, and the global financial crisis had not reached the country. When it did, the model of high public spending and social integration by consumption of goods collapsed. </p>
<p>The end of this era was visible in the last presidential elections and the recent street demonstrations. Rousseff was re-elected in a fierce campaign in 2014, by a small margin of votes, on a centre-left platform defending social achievements and refusing neoliberal measures. </p>
<p>That changed when the economy suffered further. Austerity measures, led by <a href="http://www.economist.com/news/americas/21684538-joaquim-levys-resignation-reason-alarm-brazils-worrying-change-finance-ministers">then-finance minister Joaquim Levy</a>, left electors felt betrayed. Nor did Rousseff manage to convince the opposition, which was always looking for an excuse to impeach her. Now Brazil faces one of its <a href="https://www.theguardian.com/business/2016/mar/03/brazil-economy-low-oil-prices-inflation">deepest recessions ever</a>.</p>
<h2>Endemic corruption</h2>
<p>An illicit gains scheme where companies collude with politicians has long been a tradition in Brazilian politics.</p>
<p>In the early 2000s, opposition politicians were given bribes to vote for government legislation, a process known as “<em>mensalão</em>”, which led to the <a href="http://www.economist.com/blogs/economist-explains/2013/11/economist-explains-14">conviction of several figures</a>. The social pact and the economy, however, were so strong that the Workers’ Party survived the scandal.</p>
<p>Without proposing political reform that would limit private funding of political campaigns, the Workers’ Party went on to benefit from the resources of private contractors who were suppliers for the state-controlled oil company, <a href="https://theconversation.com/how-the-massive-petrobras-corruption-scandal-is-upending-brazilian-politics-43939">Petrobras</a>. This latest scandal has already led to <a href="http://agenciabrasil.ebc.com.br/en/politica/noticia/2016-03/760-million-diverted-returned-petrobras-operation-car-wash-two-years">93 politicians and important business leaders</a> being sent to prison.</p>
<p>The party’s opponents in congress and the judiciary have been exploiting this fact to exhaustion, with wide coverage in the <a href="https://theconversation.com/how-brazils-media-is-hounding-out-the-president-56819">mainstream media</a>, itself concentrated in the hands of six families. They present corruption problems as if they exist mainly in the federal government and the Worker’s Party, with less emphasis on scandals involving other parties and administration.</p>
<h2>The march of the right</h2>
<p>Realising the advancement of the right and extreme right – represented in Congress by the benches of “the bible” (evangelicals), “the cattle” (large landowners) and “the bullet” (advocates of police repression) – the left has staged significant street demonstrations for democracy and against Rousseff’s impeachment (“against the coup”), even if many of its sectors are critical of the government. </p>
<p>Vice-president <a href="http://www.bbc.com/news/world-latin-america-36070366">Michel Temer</a>, from the Democratic Movement Party (PMDB), who recently broke with the government, has assumed the presidency temporarily after the senate. Rousseff will have up to six months to prove her innocence and come back to office, which is unlikely to happen.</p>
<p>One may ask if Temer will have legitimacy, since he is also i<a href="http://www.nytimes.com/2016/05/04/world/americas/brazils-vice-president-michel-temer-wont-face-inquiry-over-petrobras.html">mplicated in the Petrobras scandal</a>. He has also faced charges of <a href="http://www.nytimes.com/2016/05/04/world/americas/brazils-vice-president-michel-temer-wont-face-inquiry-over-petrobras.html">violating campaign finances</a>. But congress is <a href="http://www.nytimes.com/2016/05/04/world/americas/brazils-vice-president-michel-temer-wont-face-inquiry-over-petrobras.html">unwilling to extend</a> to the vice-president the impeachment process. </p>
<p>After all, the conservative majority of the parliament and the press supports him, blaming only Rousseff and her party for the crisis. They are eager to implement economic reforms with a strong market focus, which include heavy cuts in public spending. That will be hard to swallow for the majority of the population, whose reaction is still uncertain. The smell of a disguised police state is in the air.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>I received a grant from Fulbright and Columbia University to be a visiting professor there ( Ruth Cardoso Chair at ILAS – Institute of Latin American Studies, Columbia University, 2014-2015). I have received also funds from Brazilian research agencies: Fapesp, CNPq, Capes.</span></em></p>Dilma Rousseff is the victim of her government’s failures, and a vicious opposition.Marcelo Ridenti, Professor of Sociology, Universidade Estadual de Campinas (Unicamp)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/593602016-05-13T04:49:05Z2016-05-13T04:49:05ZL’implosion de la « nouvelle république » brésilienne<p>Après le vote du Sénat fédéral, par 55 voix favorables à la procédure de destitution de Dilma Rousseff contre 22, celle-ci vient d’être <a href="http://abonnes.lemonde.fr/ameriques/article/2016/05/12/dilma-rousseff-appelle-les-bresiliens-a-se-mobiliser-contre-le-coup-d-etat_4918513_3222.html?xtmc=dilma_roussef&xtcr=1">suspendue de ses fonctions pour 6 mois</a> et de quitter le Planalto, le palais présidentiel à Brasilia. La présidente, d’ores et déjà réduite à l’impuissance depuis plusieurs mois, ne participe plus, selon les termes qu’elle a elle-même employés, à « la partie de cartes », à moins qu’elle ne devienne une figure de la résistance à l’injustice.</p>
<p>Pour autant, la crise politique brésilienne, loin d’être réglée, est dévastatrice pour toutes les institutions et toute la classe politique ; elle atteint les fondements de la démocratie et creuse le fossé entre les deux camps qui divisent le pays. Elle marque, de toute façon, un tournant dans l’histoire de la « nouvelle république », née avec la dévolution du pouvoir aux civils et l’élaboration de la Constitution de 1988.</p>
<h2>Comme la guerre de Troie, le coup d’État a eu lieu</h2>
<p>Peu importent les discussions byzantines sur la qualification précise des événements politiques qui se déroulent au Brésil et la mise à l’écart, de la présidente Dilma Rousseff et, avec elle, du Parti des Travailleurs. Pour, grosso modo, une moitié des citoyens brésiliens, ce qui se passe est vécu comme un coup d’État et passera à la postérité comme tel.</p>
<p>La prise du pouvoir par Michel Temer et son parti, le PMDB, si intrinsèquement lié à la corruption systémique, suscite chez eux du dégoût, de la honte et de la rage mêlés. Les auteurs d’un coup d’État s’en vantent rarement. Ils préfèrent travestir leur forfait par des euphémismes, des présentations plus glorieuses ou de jolies arguties.</p>
<p>Ainsi en 1964, les militaires et leurs comparses civils prétendaient, en renversant le président <a href="https://fr.Wikim%C3%A9dia.org/wiki/Jo%C3%A3o_Goulart">João Goulart</a>, accomplir une « Révolution » pour sauver la démocratie menacée par la « subversion » et – déjà – la corruption. En 2016, la fable de la « jeune démocratie » qui arrive à maturité, qui se conforme aux revendications d’une population mieux formée et plus exigeante envers ses gouvernants, qui respecte scrupuleusement sa Constitution et chasse des dirigeants corrompus et/ou incompétents selon le droit, vole en éclats devant le curriculum vitæ chargé des principaux bénéficiaires de « l’arnaque » — l’un des sens du mot <em>golpe</em> en portugais.</p>
<p>La plupart des députés et des sénateurs, appelés respectivement le 17 avril et le 11 mai à se prononcer sur le sort de la présidente, se sont désintéressés du motif précis de l’accusation – le maquillage des comptes publics pour cacher l’étendue des déficits et faciliter sa réélection – et sont restés hors sujet, en attaquant le bilan du gouvernement ou en se livrant à de surréalistes exhibitions.</p>
<p>Une petite minorité de la représentation nationale a évoqué la disproportion entre la faute reprochée à la présidente et la sanction encourue, qui déstabilise les institutions du pays. « C’est comme si on appliquait la peine de mort pour une infraction au code de la route », a plaidé une sénatrice (PT).</p>
<h2>Un jeu de massacre institutionnel</h2>
<p>Pour les observateurs étrangers, la légèreté avec laquelle la destitution du président de la République – une véritable bombe atomique dans un régime présidentialiste – est minimisée ne manque pas d’étonner. Si tous les dirigeants impopulaires ou jugés incompétents dans les démocraties modernes étaient destitués, peu finiraient le mandat qui leur a été attribué par le suffrage universel.</p>
<p>Indépendamment du jugement que l’on peut avoir sur la politique ou la personnalité de la présidente suspendue, sa destitution affaiblit durablement, sinon irrémédiablement, la fonction. La vice-présidence, ternie par le manque de loyauté de Michel Temer, qui conspire depuis au moins un an contre la titulaire de la charge, n’est pas mieux lotie. Le Congrès national, dont la vénalité est proverbiale, s’est ridiculisé à plusieurs reprises.</p>
<p>Même la Cour suprême s’est montrée incohérente et partiale et a failli à sa mission de défendre la démocratie brésilienne. Elle a mis plus de trois mois à suspendre de ses fonctions le président de la Chambre des députés, <a href="https://www.letemps.ch/monde/2016/05/06/president-assemblee-eduardo-cunha-suspendu">Eduardo Cunha</a> (du PMDB), mis en examen pour corruption, blanchiment et entraves à la Justice, et sans lequel il n’y aurait pas eu de procédure de destitution…</p>
<p>Les grands groupes de presse, TV Globo en tête, ont mené une campagne sans vergogne contre la présidente et le PT et ont perdu ce qui leur restait de crédibilité auprès d’une partie de l’opinion qui les conspue sans trêve. La Justice fédérale continue à multiplier les enquêtes et les mises en accusation de personnalités de premier plan. Bref, la « nouvelle République » n’est qu’un champ de ruines, dont émergent paradoxalement les pratiques politiques les mieux ancrées et les plus décriées.</p>
<h2>Main basse sur le pouvoir fédéral</h2>
<p>Michel Temer, qui va probablement invoquer le salut de la patrie et la situation économique catastrophique du Brésil pour se justifier, commence son gouvernement intérimaire par un état de disgrâce dont il lui sera difficile de sortir. Le vice-président est perçu comme un traître par tous ceux qui considèrent l’impeachment comme un coup d’État. Jusqu’en 2018, s’il tient jusque-là, ce n’est pas seulement sa politique qui sera contestée, mais sa légitimité.</p>
<p>Les négociations pénibles qu’il a menées pour composer son gouvernement montrent que le Planalto sera plus que jamais soumis aux pressions du Congrès, plus précisément encore, de la myriade des petits partis qui monnayent leur appui. Ce système, vieux comme la République au Brésil, est surnommé « physiologisme » : c’est le « physiologisme », l’échange d’un soutien politique contre des largesses – licites ou illicites – qui articule les relations entre le gouvernement et les partis, l’exécutif et le législatif, le niveau fédéral et celui des États.</p>
<p>Le « physiologisme », véritable colonne vertébrale de la corruption systémique, est évidemment dépourvu de tout contenu idéologique et est remarquable par sa compatibilité avec toutes les sensibilités. Le champion du « physiologisme » est précisément le PMDB de Michel Temer, le parti qui compte le plus d’élus, domine la Chambre et le Sénat, et figure dans toutes les majorités depuis 30 ans.</p>
<h2>Un gouvernement de revenants</h2>
<p>Après avoir promis un gouvernement resserré et formé de « techniciens », nommés pour leurs compétences et non sur indication politique, Temer a dû revenir à la raison et rétribuer ses anciens et nouveaux amis par divers ministères et les 10 000 postes dans l’administration fédérale que libère l’éviction du PT.</p>
<p>Un parti de la coalition exige la nomination de l’un des siens au ministère de la Science et technologie, qui appartient à une Église évangélique et prône l’enseignement du créationnisme ! Le gouvernement porte l’empreinte de la continuité et du conservatisme : les ministres sont de vieux briscards qui, dans la meilleure tradition physiologique, ont participé à tous les gouvernements précédents, quelle que soit leur couleur politique, de Fernando Henrique Cardoso à Dilma Rousseff, en passant par ceux de Lula.</p>
<p>Aucune femme ne participe pour l’instant au gouvernement, entièrement composé d’hommes, blancs, septuagénaires en moyenne. Il est vrai que la revue <em>Veja</em> a récemment célébré l’épouse de Michel Temer, de 42 ans sa cadette, comme « belle, réservée et au foyer » – de toute évidence, l’inverse de Dilma Rousseff. On ne saurait mieux exprimer symboliquement une certaine conception de la société brésilienne.</p>
<p>Il est probable que les mouvements sociaux se mobiliseront dans les jours prochains pour obtenir des élections anticipées et confier le dernier mot au peuple souverain. Michel Temer, que seulement 8 % des Brésiliens souhaitaient la semaine dernière comme président intérimaire et qui n’attire aujourd’hui que 3 % des intentions de vote, en a écarté l’hypothèse : une telle éventualité n’est pas prévue dans la Constitution. Recourir aux électeurs, a dit ce juriste réputé, serait un véritable… coup d’État.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/59360/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Armelle Enders ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La présidente Dilma Roussef a été suspendue pour six mois de ses fonctions par un vote du Sénat. Une décision dévastatrice pour toutes les institutions et la classe politique brésilienne.Armelle Enders, Historienne, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.